RAPPORT DU PRESIDENT DE LA
COMMISSION SUR LA SITUATION DANS LE DARFOUR (SOUDAN)
I. INTRODUCTION
1. La 10ème réunion du Conseil de Paix et de
Sécurité (CPS), tenue le 25 mai
2004, a examiné l'évolution de la situation dans
la région du Darfour, au Soudan.
A cette occasion, le Conseil a, entre autres,
réitéré sa préoccupation face à la
situation dans le Darfour et a exhorté les parties
soudanaises à travailler à la
mise en oeuvre intégrale et scrupuleuse de l'Accord de
cessez-le-feu humanitaire
qu'elles ont signé le 8 avril 2004.
2. Le présent rapport rend compte des efforts
déployés jusqu'ici pour trouver
une solution à la situation qui prévaut dans le
Darfour.
II. MISE EN OEUVRE OPERATIONNELLE DE LA COMMISSION
DE
CESSEZ-LE-FEU ET DEPLOIEMENT DE LA MISSION
D'OBSERVATION DE L'UA
3. Dans son communiqué du 25 mai 2004, le CPS a
demandé à la
Commission de prendre toutes les dispositions jugées
nécessaires pour assurer
un contrôle effectif du cessez-le-feu humanitaire du 8
avril, en particulier à
travers le déploiement d'une Mission d'observation,
avec la composante civile
requise, et si nécessaire, un élément de
protection, pour appuyer le travail de la
Commission de cessez-le-feu. A cet égard, je
voudrais signaler que, du 27 au 28
mai 2004, la Commission a convoqué, à Addis
Abéba, une réunion qui a
regroupé le Gouvernement du Soudan (GoS), le
Mouvement/Armée de libération
du peuple soudanais (SLM/A) et le Mouvement pour la
justice et l'égalité (JEM),
ainsi que la Médiation tchadienne et les membres de
la communauté
internationale impliqués dans le processus. La
réunion a débouché sur la
signature, par les parties soudanaises, d'un Accord sur les
modalités de mise en
place de la Commission de cessez-le-feu (CFC) et du
déploiement d'observateurs
au Darfour. L'UA et le Tchad, en sa qualité de
Médiateur, ont également signé
l'Accord. Les partenaires de l'UA impliqués dans le
processus, à savoir les
Nations Unies, l'Union Européenne et les Etats-Unis
d'Amérique ont été témoins
de la cérémonie de signature.
4. Comme stipulé dans l'Accord, la CFC est
composée de l'UA, comme
Président, de la Communauté internationale,
comme Vice-Président (cette
dernière étant représentée par
l'Union européenne à travers la France), de la
Médiation tchadienne, du Gouvernement du Soudan, du JEM
et du SLM/A. Les
Nations Unies et les Etats-Unis d'Amérique sont
invités à participer aux activités
de la Commission. Il convient de noter que la composition de
la CFC peut, le cas
échéant, être modifiée avec
l'assentiment des parties, pour faciliter la réalisation
des objectifs de l'Accord. Le bras opérationnel de la
Commission de cessez-le-feu
est la Mission de contrôle de l'Union africaine, qui est
composée d'observateurs
issus des parties, de la Médiation tchadienne, d'Etats
membres de l'UA et
d'autres représentants de la communauté
internationale.
5. La CFC est responsable devant la Commission mixte, qui est
composée de
deux membres de haut niveau issus de chacune des parties, de
la Médiation
tchadienne, de l'Union africaine, des Etats-Unis
d'Amérique et de l'Union
Européenne. Le Président de la Commission
conjointe est choisi par l'UA au sein
d'un des Etats membres de l'Union. Des représentants
des Nations Unies et des
principaux donateurs seront invités à prendre
part aux réunions de la
Commission mixte, en qualité d'observateurs. Il me
plaît d'informer le Conseil
que j'ai demandé au Président Idriss Deby du
Tchad, en sa qualité de Médiateur,
de fournir un Président pour la Commission mixte.
6. Le siège de la Commission de vérification du
cessez-le-feu est situé à El
Fashir, et est chargé d'assurer la coordination des
investigations et vérifications,
ainsi que du contrôle du respect des engagements pris,
conformément à l'Accord
de cessez-le-feu humanitaire et aux modalités de sa
mise en oeuvre. D'autres
postes d'observations seront établis notamment à
Nyala, El Geneina, Kabkabiyah,
Tine, ainsi qu'à Abeche (Tchad). Chaque secteur sera
composé de deux (2)
équipes de vérification et d'investigation
comprenant les parties, l'Union africaine
et la communauté internationale.
7. Par ailleurs, l'Accord du 28 mai 2004 stipule que, sous
l'autorité du
Président, les membres de la Commission de
vérification du cessez-le-feu
peuvent être déployés partout dans le
Darfour pour contrôler le respect des
dispositions de l'Accord de cessez-le-feu et rendre compte, le
cas échéant, ils
peuvent enquêter sur les prétendues violations de
l'Accord.
8. La Mission d'observation de l'UA sera composée des
12 membres de la
Commission de vérification du cessez-le-feu, et de 132
observateurs, dont 60 en
provenance des Etats membres de l'Union africaine, 36 des
parties soudanaises,
et 18 de la Médiation tchadienne, cependant que le
reste proviendra de la
communauté internationale (UE et Etats-unis
d'Amérique :18). Le personnel de
soutien, constitué de traducteurs et
d'interprètes, comprendra 24 personnes.
Etant donné la situation volatile qui prévaut
dans certaines parties du Darfour et
aux fins de renforcer la confiance au sein de la population
locale, l'Accord
comporte des dispositions sur le déploiement
d'éléments de protection.
9. Le 2 juin 2004, une équipe de précurseurs de
l'UA, composée de
responsables de la Commission et de 6 observateurs militaires,
originaires du
Ghana, de la Namibie, du Nigeria et du Sénégal,
s'est rendue au Soudan, avec
pour mission d'intensifier de mettre en place le siège
de la Commission de
vérification du cessez-le-feu, à El Fashir. Au
cours de son séjour à Khartoum,
l'équipe a négocié et signé
l'Accord sur le statut de la mission (SOMA) avec le
Gouvernement soudanais, et a pris les dispositions requises
pour rendre
opérationnel le Bureau de Liaison de l'UA à
Khartoum. Le 9 juin 2004, les six
premiers observateurs militaires ont été
déployés au siège de la Commission de
vérification du cessez-le-feu. D'autres observateurs
militaires originaires du
Kenya, du Mozambique et du Nigeria, ont également
été déployés à El Fashir
durant cette période.
10. Le 9 juin 2004, le Président de la Commission de
vérification du cessez-lefeu,
le Général de Brigade Okonkwo du Nigeria, est
arrivé à la Commission de
l'UA, avant de se rendre à N'djamena et à
Khartoum pour des consultations avec
les autorités concernées dans ces deux
capitales. A l'issue de ces consultations,
le Président de la Commission s'est rendu à El
Fashir le 19 juin 2004, où il et a
pris fonction. Les responsables des parties et un
représentant intérimaire de l'UE,
qui assume la vice-présidence, sont également
arrivés le 19 juin 2004,
permettant ainsi le lancement effectif de la Commission de
vérification du cessezle-
feu.
11. Au moment de la finalisation du présent rapport, le
déploiement de la
Commission de vérification du cessez-le-feu et des
observateurs se présentait
comme suit.
a) Siège de la Commission de
vérification du cessez-le-feu
- Président de la Commission (UA) 1
- Vice-Président (UE) 1
- Représentant de l'UA 1
- Représentant du Gouvernement du Soudan 2
- Représentant SLM/A 2 ou A/MLS
- Représentant de JEM 2 ou MJE
- Représentant tchadien 2
Total 11
b) Observateurs militaires (MILOBs)
i) Observateurs militaires de l'Union
africaine
- Nigeria - 09
- Namibie - 02
- Ghana - 01
- Kenya - 05
- Mozambique - 05
ii) Observateurs militaires des parties
- SlM/A - 01
- JEM - 01
iii) Observateurs militaires des - 03
Etats-Unis d'Amérique
iv) Observateurs militaires de l'UE
12. La République du Congo a communiqué les noms
des observateurs
militaires qu'elle a mis à la disposition de la
Commission ; celle-ci s'emploie à
faciliter leur déploiement. L'absence
d'hébergement à El Fashir, ajoutée au temps
nécessaire pour construire des camps, a eu pour effet
de ralentir le déploiement
des observateurs militaires au Darfour.
13. Je voudrais également souligner qu'une
équipe de trois officiers militaires
du Rwanda a effectué une mission de reconnaissance au
Darfour pour évaluer
les modalités de déploiement de
l'élément de protection pour les observateurs.
14. Le budget de la mission d'observation de l'UA à
Darfour s'élève à environ
26 millions de dollars. Certains partenaires de l'UA se sont
engagés à contribuer
financièrement à ce budget, alors que d'autres
ont promis d'apporter une
contribution en nature. L'UE s'est engagée à
verser 12 millions d'Euros,
cependant que l'Allemagne s'est engagée à
hauteur de 250 000 d'Euros, la
Grande Bretagne a, quant à elle, déjà
fourni 3,6 millions de dollars ; les Etats
Unis d'Amérique procèdent actuellement
à la mise en place opérationnelle des
Etats-majors et des postes d'observation des
différents secteurs. Je forme le
voeu que les Etats membres de l'UA contribuent
également au financement de la
mission au Darfour.
15. Le 29 mai 2004, la Commission a reçu des rapports
émanant du SLM et
du JEM, accusant le Gouvernement du Soudan de bombarder des
villages dans la
région du Darfour. La Commission a fait part au
Gouvernement du Soudan de
ces accusations. Les Nations Unies et leurs agences, ainsi que
d'autres
organisations internationales concernées par la crise
au Darfour, ont également
fait état de violations de l'Accord de cessez-le-feu
par les milices Janjaweed. Le
Gouvernement du Soudan a, lui aussi, appelé l'attention
de la Commission sur les
violations du cessez-le-feu par le JEM et le SLM.
IV. ASPECTS POLITIQUES ET HUMANITAIRES
16. Les 20 et 21 juin, je me suis rendu à Khartoum,
dans certaines localités de
la région du Darfour et à Farsheina, en vue
d'évaluer, par moi-même la situation
sur le terrain. Cette visite avait également pour objet
d'encourager les parties
soudanaises à respecter l'Accord de cessez-le-feu et de
mobiliser davantage la
communauté internationale pour qu'elle fournisse
l'assistance d'urgence dont ont
tant besoin les populations civiles affectées par la
crise et les réfugiés se
trouvant au Tchad voisin. Le Président du Conseil de
Paix et de Sécurité pour le
mois de juin 2004, l'Ambassadeur Mame Balla Sy du
Sénégal, ainsi que M.
Hamid El Gabid, Envoyé spécial pour le Darfour,
m'ont accompagné au cours de
cette mission. Ma délégation comprenait
également des représentants d'agences
des Nations Unies, d'ONGs africaines, de la Commission
africaine des droits de
l'homme et des peuples, ainsi que de médias tant
africains qu'internationaux.
17. A Khartoum, j'ai eu des entretiens avec le
Président Omar El Beshir. Au
cours de ces entretiens, j'ai souligné la
nécessité de trouver une solution rapide à
la crise au Darfour. Je l'ai également exhorté
à apporter son entière coopération
à la Mission d'observation de l'Union africaine, y
compris en facilitant le
déploiement de l'élément de
protection.
18. De Khartoum, je me suis rendu au Darfour, où j'ai
visité El Fashir, au
Nord, et El Geneina, dans l'Ouest. Dans ces deux
localités, j'ai pu discuter avec
les autorités locales, ainsi qu'avec les agences
internationales d'aide humanitaire,
de la situation qui prévaut dans la région. J'ai
saisi cette occasion pour visiter des
camps de personnes déplacées à El Fashir
et à El Geneina, où des milliers de
familles se sont regroupées après avoir fui
leurs villages pour échapper aux
exactions perpétrées par les milices Janjaweed,
ainsi qu'à d'autres actes de
violence. A El Fashir, j'ai eu une réunion avec la
Mission d'observation de l'Union
africaine nouvellement établie, au siège de la
Commission du cessez-le-feu.
19. Je voudrais souligner que, pendant que j'étais au
Soudan, le Président El
Beshir a fait une déclaration dans laquelle il a
instruit les autorités locales
d'oeuvrer au retour de la sécurité et de la
stabilité, en désarmant tous les
groupes armés incontrôlés et les
hors-la-loi et en les traduisant en justice. Il a,
par ailleurs, demandé aux autorités locales
d'empêcher ces groupes de traverser
la frontière pour des incursions au Tchad. Il a
également demandé à l'appareil
judiciaire au Darfour de mettre en place des tribunaux et
d'autres structures en
vue de réprimer les abus commis. La déclaration
demande, en outre, le
déploiement de la police pour protéger les camps
de déplacés dans l'Etat du
Darfour et promouvoir le climat de sécurité
nécessaire pour le retour des
personnes déplacées.
20. J'ai pu également visiter un camp de
réfugiés à Farsheina (Tchad), où
vivent près de 12 000 réfugiés. Cette
visite m'a permis de me rendre compte,
par moi-même, de la situation des réfugiés
se trouvant dans ce pays.
21. Pour accélérer la recherche d'une solution
durable à la crise du Darfour,
j'ai, le 25 juin 2004, désigné le Dr Hamid El
Gabid, ancien Premier Ministre de la
République du Niger, comme mon Envoyé
spécial pour le Darfour. Dès sa
nomination, le Dr El Gabid s'est rendu à N'Djamena pour
des consultations avec
les autorités tchadiennes, afin de trouver les voies
d'une reprise du dialogue
politique entre les parties soudanaises dans le cadre de
l'Accord signé le 25 avril
2004.
22. A cet égard, il convient de rappeler qu'au terme de
cet Accord, les parties
soudanaises sont convenues de convoquer, sous les auspices de
la Médiation et
avec l'assistance de la communauté internationale, une
Conférence générale de
tous les représentants du Darfour pour discuter de la
situation politique,
économique et sociale dans la région en vue d'un
règlement global et définitif du
conflit. L'Accord stipule également que les Parties
doivent mettre sur pied une
Commission préparatoire conjointe, qui doit, entre
autres, s'atteler à déterminer
les questions à inscrire l'ordre du jour, la
participation à la Conférence, ainsi que
la date et le lieu de sa tenue.
23. La crise humanitaire dans le Darfour est extrêmement
grave. A moins
d'une intervention rapide, cette crise connaîtra une
nouvelle détérioration, aux
implications extrêmes. Il est, par conséquent,
important que les autorités
soudanaises coopèrent pleinement avec la
communauté internationale, en
particulier les agences humanitaires des NU et les ONG, en vue
de faciliter la
fourniture de l'assistance humanitaire dont a tant besoin la
population civile.
VI. OBSERVATIONS
24. Je suis très préoccupé par les
violations du droit humanitaire international
et la poursuite des violations des droits de l'homme dans le
Darfour. A cet
égard, je voudrais inviter le Gouvernement du Soudan
à mettre en oeuvre
l'engagement qu'il a pris d'assurer la protection des
populations civiles, ainsi que
de désarmer et de neutraliser les milices Janjaweed. Je
voudrais également
exhorter le Gouvernement du Soudan et les deux mouvements
d'opposition à se
conformer scrupuleusement à l'Accord de cessez-le-feu
et au droit international
humanitaire.
25. J'encourage la communauté internationale à
fournir l'assistance
humanitaire dont a tant besoin la population meurtrie du
Darfour, ainsi que les
réfugiés se trouvant au Tchad. Je voudrais,
à cet égard, demander instamment
au Gouvernement soudanais de faciliter le libre accès
de toutes les agences
humanitaires aux populations affectées.
26. La Commission poursuivra ses efforts afin de parachever,
aussi
rapidement que possible, le déploiement de la mission
d'observation, et lui
fournir le soutien nécessaire, y compris
l'élément de protection, pour lui
permettre de s'acquitter de son mandat. A cet égard, je
voudrais remercier nos
partenaires pour leur appui continu.
27. J'encourage les parties à rependre le dialogue
politique en vue d'arriver à
un accord global. A cet égard, je voudrais informer le
Conseil que, lors de la
réunion de la Commission mixte qui s'est conclue
à N'djamena, le 2 juillet 2004,
les parties sont convenues de reprendre le dialogue politique,
le 15 juillet 2004,
au siège de l'UA.
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