Chapitre III : Conception de Document multimédia
III.1. Les acteurs de
l'enseignement
Dans un cadre institutionnel, pour que l'enseignement
assisté par les TIC soit fonctionnel, il ne suffit pas de mettre en
place les outils techniques et les environnements informatiques pour que les
enseignants interagissent avec les apprenants en modalité virtuelle. Au
contraire, il est nécessaire une planification consciente des
tâches et des opportunités selon la formation, ainsi que la
disponibilité du personnel en charge d'assurer son fonctionnement.
Dans un premier temps, lorsqu'une institution décide
d'offrir une formation à distance ou de mettre en place un
système technologique pour une formation mixte, un groupe,
généralement constitué des experts pédagogiques,
informatiques et médiatiques, doit choisir la plateforme
éducative ou l'EIAH le plus approprié à ses besoins pour
ensuite former les utilisateurs afin qu'ils la maîtrisent. Dans certains
cas, les institutions optent pour une approche modulaire en choisissant
plusieurs systèmes déjà existants, soit commerciaux, soit
open source, pour construire leur infrastructure technologique.
Néanmoins, les besoins spécifiques de chaque institution obligent
parfois à développer ses propres outils ou plateformes
d'enseignement. Nous reviendrons sur ce point plus loin dans ce chapitre.
Dans un contexte d'utilisation des TIC, l'IEEE (Institute of
Electric and Electronic Engineers), à travers le groupe de travail LTSA
(Learning Technology System Architecture) identifie quatre acteurs humains
principaux qui interagissent avec un système de technologie
éducative [Eve 07]:
Administrateur : la personne responsable de
l'achat et de la gestion des
Systèmes.
Développeur (Concepteur) : le
créateur du contenu pédagogique et/ou de logiciels.
Apprenant : l'individu devant acquérir
des connaissances ou compétences.
Enseignant/coach : la personne en charge
d'encadrer la formation.
Figure III.1 : La pyramide de la didactique
Un scénario idéal dans les institutions
éducatives consisterait à disposer du personnel administratif
à temps plein avec les compétences techniques non seulement pour
répondre aux exigences et actualisations de systèmes, mais aussi
pour coordonner les actions de nombreux enseignants dans l'environnement
virtuel.
En outre, bien que plusieurs des systèmes informatiques
modernes proposent des interfaces simples et faciles à utiliser, est
parfois nécessaire qu'un groupe de développeurs multimédia
soient disponibles pour collaborer avec les enseignants afin d'assurer la
création de matériels adaptés, ce qui implique une
connaissance des langages de développement sur le Web.
III.2. Les principes
des objets médias [Eve 07]
Afin de cerner les implications de l'informatique et des
médias sur le Web, nous reprenons ici les caractéristiques qui
délimitent ce qui peut être appelé un « objet
média », notion qui renvoie aux machines à communiquer et,
en même temps, aux messages communiqués par celles-ci.
À ce sujet, nous considérons comme point de
départ les cinq principes de nouveaux medias énoncés par
Lev Manovich dans son ouvrage classique The language of new media. La
proposition de ce chercheur nous paraît pertinente à notre
étude en raison de la distinction faite entre les anciens médias
(old media) et les nouveaux médias (new media), ces derniers
analysés à partir des caractéristiques intimement
liées à trois entités couramment citées dans
l'étude de la communication, à savoir les entités
techniques, culturelles et sociales.
III.2.1 Représentation
numérique
Tout objet média est composé de codes binaires,
ce qui à deux conséquences :
ü il peut être décrit
mathématiquement.
ü il peut être manipulé par des algorithmes.
Le passage d'un média de l'état analogique au numérique
s'appelle « numérisation ».
Elle consiste en deux phases : l'échantillonnage et la
quantification.
Ce principe est corrélatif à la
matérialisation des objets techniques dont on parlait au début de
cette section, les médias numériques, en tant qu'objets
informatiques sont, dans leur forme et leur état, essentiellement une
séquence de chiffres dont l'existence n'est que virtuelle ; ils
nécessitent des outils de décodage pour les représenter
sous format lisible aux humains.
Les caractéristiques des objets médias
sont :
Ø Modularité :
Ce principe est en rapport avec la structure fractale des
nouveaux médias. Les objets médias peuvent être
insérés au sein d'objets plus larges, et à leur tour ces
objets plus larges dans d'autres plus larges encore, souvent sans perte
d'indépendance.
Le caractère modulaire s'exprime bien dans la
facilité qu'ont les usagers et les développeurs pour supprimer ou
substituer des sous-parties dans un réseau « hyperdocumentaire
». Ainsi, les objets médias attachés à un
hyperdocument sur le Web sont représentés par des liens pointant
vers des ressources externes à ce document. De plus, pourvu que les noms
des ressources restent les mêmes, il est possible de mettre à jour
un objet média sans modifier le reste du document.
Ø Automatisation
La représentation numérique et la
modularité rendent possible un troisième principe :
l'automatisation de plusieurs opérations impliquées dans la
production, la manipulation et l'accès de nouveaux médias.
Manovich identifie trois types d'automatisation : le premier s'agit de l'emploi
de gabarits et des générations automatiques ; le deuxième
est lié à l'accès aux médias : aux moyens pour les
indexer, les classifier et les rechercher ; enfin, le troisième niveau,
ce sont les pratiques de l'intelligence artificielle, des conversations, de la
littérature générative, des caméscopes
intelligents.
On peut noter que ces trois niveaux ont été
organisés en allant du plus simple au plus complexe, selon le
degré de complexité requis de la part des algorithmes
informatiques pour l'interaction homme-machine.
Ø Variabilité
Le principe de variabilité signale qu'un média
peut exister dans différentes versions, celles-ci étant en nombre
indéterminé. Grâce aux mécanismes de stockage et aux
bases de données, il est possible aujourd'hui de : séparer le
contenu de l'interface d'un objet média ; d'utiliser les informations
personnelles pour adapter le contenu ; de réaliser des mises à
jour périodiques ; de modifier la structure d'intégration des
objets médias sous des formes distinctes (par exemple, des structures
navigables, spatiales, séquentielles, argumentatives...).
En outre, nous sommes maintenant aptes d'offrir à
l'utilisateur final des choix dont la responsabilité incombait
auparavant uniquement l'auteur. Voici quelques-unes des variables qu'un
utilisateur peut librement modifier : la taille, le niveau de détail, le
format, la couleur, la forme, la trajectoire interactive spatiale et
temporelle, la durée, le rythme, la perspective, la
présence/absence de certains caractères ou de certains contenus,
etc.
Ø Transcodage
Le principe de transcodage est peut-être plus important
que tous les précédents dans la mesure où il fait
directement référence aux conséquences de
l'informatisation des médias. D'une part, les médias suivent une
organisation structurelle pour créer du sens chez les humains, en ce
sens que nous reconnaissons des objets dans une image, des paragraphes dans un
texte, etc. D'autre part, la structure des médias suit également
les conventions informatiques pour l'organisation de l'information ; elle est
soumise aux langages informatiques pour leur existence.
Manovich préconise la distinction de deux couches au
sein des nouveaux médias : la couche culturelle et la couche
informatique. Ces couches s'influencent de manière réciproque
pour faire surgir une « nouvelle culture informatique » ; une culture
qui mélange des significations appartenant respectivement à
l'humain et à la machine : les humains modélisent le monde et les
machines utilisent leurs propres moyens pour le représenter. La
proposition de Manovich est de se diriger des études de médias
vers des études de logiciels (software studies) ; d'une théorie
des médias vers une théorie des logiciels.
Pour nous, l'intérêt de cette perspective
réside dans l'attention qu'elle doit porter aux nouvelles
compétences qui se forment au sein des usagers, parfois même de
façon inaperçue. Au fur et à mesure que l'on s'approprie
les moyens de manipulation et de production des objets médias, nos
habilités informatiques accroîtront ; nous interagissons plus
à l'aise avec les conventions informatiques et, avec l'Internet, nous
développons une culture Web, autrement dit, une cyberculture, pour
reprendre les mots de Pierre Lévy.
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