Analyse de la soutenablité de la dette publique: le cas du Gabon( Télécharger le fichier original )par Christian NDO Université de Yaoundé 2 - DESS en gestion de la politique économique 2008 |
Ministère de l'Economie, des Finances, REPUBLIQUE GABONAISE du Budget et de la Privatisation Union - Travail- Justice ----------------- ------------- Cabinet du Ministre d'Etat Libreville, le 30/09/2008 ----------------- Note A la Haute Attention de Monsieur le Ministre d'Etat, Chargé de l'Economie, des Finances, du Budget et de la Privatisation
Libreville N° /MEFBP/CAB Objet : Analyse de la soutenabilité de la dette du Gabon
Monsieur le Ministre d'Etat, Conformément à vos instructions relatives à l'analyse de la soutenabilité de la dette du Gabon, j'ai l'honneur de vous faire parvenir les résultats obtenus. En effet, Monsieur le Ministre d'Etat, le Gabon, comme beaucoup de pays en voie de développement, reste exposé à de nombreux défis qui, s'ils ne sont pas correctement pris en compte, pourraient compromettre gravement la viabilité de sa dette publique. Il s'agit de l'étroitesse de la base de production et d'exportation (les recettes d'exportation dépendent largement de la vente des produits de base : pétrole, manganèse, bois...) et le niveau considérable des besoins du Gabon en matière de développement et de lutte contre la pauvreté. Ainsi, l'application du modèle d'évaluation de la soutenabilité de la dette utilisé par les Institutions de Bretton Woods nous a permis, d'une part d'observer la dette publique et ses comportements horizon post Accord Stand- By signé par le Gouvernement gabonais en mai 2004, et d'autre part d'identifier les risques auxquels il est exposé. Sur la base du ratio VAN Service de la dette/Exportations (ratio de liquidité), la dette du Gabon n'est pas soutenable (48% en 2007). Il ressort que les mécanismes actuels de traitement de la dette et la flambée des cours du pétrole ne sont pas suffisants pour assurer la soutenabilité à long terme de la dette du Gabon. L'examen de la dynamique de la dette montre d'ailleurs que le pays présente des risques de surendettement.
Pour faire face à cette situation, il serait souhaitable de mettre en oeuvre une gestion dynamique et prudente des emprunts et de la dette publique. Elle devrait être fondée sur : - La diversification de la base productive et des exportations ; - La conduite des réformes décisives et des politiques volontaristes en matière de performance économique, de renforcement des capacités institutionnelles, de solidité des marchés et du système financiers et de régulation efficiente de l'Etat ; - Le réexamen des dépenses publiques au profit des dépenses porteuses de croissance. L'endettement de croissance doit être privilégié au détriment d'un endettement de crise ; - L'adoption d'une politique de gestion stratégique et prévisionnelle de la dette intérieure qui doit cesser d'être une dette subie du fait du manque de liquidité, pour être un instrument au service de la politique économique. Telles sont, Monsieur le Ministre, sauf meilleur avis de votre part les actions susceptibles de garantir la soutenabilité de la dette publique du Gabon. Le Conseiller Technique
Christian NDO INTRODUCTION GENERALELe début de la décennie 80 a été marqué par de nombreux déséquilibres macroéconomiques notamment la chute des recettes publiques, l'accroissement excessif de la dette extérieure des pays du Tiers Monde. Ces déséquilibres ont rapidement entraîné les pays dans une grave crise d'endettement. Le Gabon, comme tous les pays en voie de développement n'a pas échappé à cette crise. En effet, dans ses efforts de développement juste après l'indépendances en 1960, le pays a mis en place des projets d'infrastructures (routes, industries, hôpitaux, centres de recherche...) pour se développer. La concrétisation de ces projets de développement a nécessité de gros moyens financiers pouvant provenir de trois sources, à savoir: - l'épargne domestique ou intérieure mais faible et mal mobilisée; - les Investissements Directs Etrangers (IDE): c'est le propre des multinationales; - l'aide internationale et particulièrement l'endettement extérieur. Cette troisième source est apparue comme la voie obligatoire de financement du développement compte tenu de l'insuffisance de l'épargne intérieure. La question aujourd'hui ne concerne plus exclusivement le fait de savoir si la dette est nécessaire ou pas pour un Etat, mais plutôt celle du niveau de la dette nécessaire pour le financement du développement ou encore du montant de la dette publique soutenable par un pays dans son processus de développement. D'après le FMI 1(*), la dette d'un pays est soutenable lorsqu'il peut financer le solde de la balance des opérations courantes et assurer les obligations du service de la dette sans faillir, sans solliciter le rééchelonnement, sans accumuler les arriérés et enfin sans compromettre la croissance pour arriver à cette fin, il faut s'assurer que les ratios d'endettement ne vont pas connaître une tendance explosive à long terme. Autrement dit, la soutenabilité de la dette correspond au fait que les finances publiques puissent rester solvables , c'est- à- dire conserver un niveau de dette qui sera couvert à l'avenir par des surplus budgétaires (hausse des prélèvements ou baisse des dépenses) nécessaires. D'après les critères des Institutions de Bretton Woods (IBW), le Gabon est un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. En conséquence, il n'est éligible qu'aux mécanismes classiques de restructuration de la dette extérieure. C'est pour cette raison que le pays a jusqu'alors bénéficié de plusieurs rééchelonnements du service de sa dette extérieure. Mais comme beaucoup de PVD, le pays reste exposé à de nombreux défis qui, s'ils ne sont pas correctement pris en compte, pourraient compromettre gravement la viabilité de la dette publique. Il s'agit de l'étroitesse de la base de production et d'exploitation (les recettes d'exportation dépendent largement de la vente du pétrole bute) et le niveau considérable des besoins du Gabon en matière de développement et de lutte contre la pauvreté. Ce contexte nous conduit à la question principale suivante: le traitement actuel et l'évolution favorable des cours du pétrole peuvent -ils garantir la soutenabilité à long terme de la dette publique du Gabon? Autrement dit, après la signature de l'accord de confirmation avec le FMI de mai 2004 (Accord Stand By) et les rééchelonnements du service de la dette, les conditions sont-elles réunies pour régénérer une croissance soutenue et durable du Gabon sans avoir les effets négatifs de sa dette ? Ainsi, l'objectif principal de cette étude est de montrer que les mécanismes actuels de traitement de la dette et la flambée des cours du pétrole ne sont pas suffisants pour assurer la soutenabilité à long terme de la dette du Gabon. De manière spécifique et du point de vue méthodologique, il s'agit de: - montrer que la structure économique du Gabon détériore les ratios permettant d'évaluer la viabilité de sa dette; - montrer que le traitement actuel de la dette améliore les ratios de soutenabilité mais ne garantit pas un redressement de ces ratios à moyen et long terme; - montrer que le Gabon présente des risques de surendettement; - proposer des solutions pour le désendettement du pays. L'intérêt de cette étude est d'appliquer le modèle d'évaluation de la soutenabilité de la dette utilisé par les Institutions de Bretton Woods (IBW) au cas spécifique du Gabon qui est un pays à revenu intermédiaire. Ceci nous permettra d'observer la dette publique de ce pays et ses comportements horizon post accord Stand- By dans le but d'identifier les risques auxquels il est exposé. Nous formulerons des recommandations cohérentes et efficientes de politique de gestion de la dette et de promotion d'une croissance soutenue et durable pour le pays. En outre, ce travail devra permettre d'apprécier la capacité des mesures actuelles à rendre la dette du Gabon soutenable. La présente étude, après avoir examiné les caractéristiques de la dette publique du Gabon, apprécie la soutenabilité de cette dette. Première partie: CARACTERISTIQUES DE LA DETTE PUBLIQUE DU GABON Pour mieux cerner les caractéristiques de la dette publique du Gabon, nous allons dans un premier temps analyser les indicateurs de stock et de flux de la dette, dans un deuxième temps la structure de la dette et dans un troisième temps nous examinerons les mécanismes actuels de traitement de la dette publique. I- I-1- Évolution du stock de la dette publiqueTableau 1: Évolution de la dette publique du Gabon (de 2003 à 2006 en milliards de FCFA)
Source: Ministère de l'Économie, des Finances, du Budget et de la Privatisation L'encours global de la dette gabonaise (Intérieure et extérieure) est passé de 1894,5 milliards de francs CFA en 2005 à 1685,4 milliards de franc s CFA en 2006 soit une baisse de 10,9%. Le stock de la dette publique est en net recul pour la troisième année consécutive. Toutefois, cet effort de désendettement ne laisse pas moins l'encours de la dette publique à un niveau encore élevé (1688,4 milliards de FCFA). Graphique1: Évolution de la dette globale du Gabon (de 2003 à 2006 en milliards de Fcfa) Le graphique1 montre que la dette gabonaise est principalement d'origine extérieure. Le stock de la dette extérieure est de 1594,9 milliards en 2006 soit 94,5% de la dette globale. Le constat qui peut être fait à ce stade d'analyse est que la structure globale du financement public n'a pas changé, elle est restée dominée par le financement extérieur. Graphique2: Encours et arriérés de la dette du Gabon (de 2003 à 2006 en milliards de Fcfa) On observe que le Gabon assure de façon régulière le service de la dette. Depuis 2004, le niveau des arriérés est resté stable (341,6 milliards). Cette évolution est le résultat de la mise en oeuvre des différents programmes édictés par les Institutions Financières Internationales (IFI). * 1 La Banque Mondiale et le FMI ont mis en place à partir de 2003 un nouveau cadre opérationnel d'évaluation de la viabilité de la dette des pays a faible revenu. |
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