Chapitre 3 :
La culture manageriale et le Développement
Durable :
L'influence du Développement Durable sur les
modes de fonctionnement du management
Le développement durable ne crée pas de
révolution dans les modes de fonctionnement du management, il reprend un
grand nombre de « bonnes pratiques » de management
préexistantes, il les remet à l'ordre du jour, les intègre
dans la démarche globale de « cohérence », et l'on peut
dès lors commencer à parler de management durable. Il
s'intègre aux cadres définis par l'entreprise, il ne vient plus
comme une recette idéale pour commander les hommes, mais bien comme une
partie du fonctionnement normal et profitable de l'entreprise.
Le concept de développement durable est
également un moteur pour décomplexer les managers et leur donner
l'occasion d'être innovant, de sortir des cadres rigides de la culture de
l'entreprise. Il permet l'émergence de pratiques nouvelles.
J'ai constaté la grande loyauté et l'affection
des managers pour leur entreprise, pas seulement à travers les
entretiens, également à travers leur discours et leur
comportement tout au long de ma mission dans le groupe. Ils ont
évidemment conscience des défauts de leur entreprise mais ils
oeuvrent tous dans le but de la faire évoluer dans un sens plus positif.
Evidemment ce sentiment est renforcé dans une direction qui revendique
l'amélioration continue et le Développement Durable, mais il est
aussi présent dans les autres directions aussi bien la direction RH que
la direction finance.
J'ai moi-même développé une certaine
loyauté pour AREVA, en faisant oeuvre de pédagogie autour de moi
dans ma vie sociale hors de l'entreprise, en expliquant les activités
d'AREVA notamment au sujet des déchets nucléaires et de leur
gestion. Pourtant je n'avais pas d'à priori favorable sur l'entreprise
au moment où j'y suis entré, je dirai même que je
partageais l'opinion communément admise dans l'opinion publique d'un
géant de l'énergie tourné vers le profit et ayant peu de
considération pour les dangers inhérents à son
activité. J'ai rapidement constaté mon erreur et j'ai tenu
à partager autour de moi une vision plus réaliste du groupe.
3.1 Le management collaboratif, place de l'innovation
et de l'initiative :
Le Développement Durable à travers ses aspects
collaboratifs, transversaux et innovants est un bon moyen de corriger
l'étroitesse de certaines approches managériales. Les rapports
hiérarchiques s'enrichissent grâces aux démarches issues
des systèmes de suggestion. Les défauts du management matriciel
sont corrigés par des projets transversaux innovants. Le
Développement Durable devrait devenir indirectement, à travers sa
définition et sa mise en oeuvre au sein de l'entreprise, un outil
puissant d'évolution des pratiques managériales.
3.1.1 Partage de la démarche DD en externe chez
AREVA :
Le trait commun d'un grand nombre d'entreprises qui se lancent
dans des démarches de Développement Durable, est leur prudence
à partager leurs démarches avec les autres entreprises. Il existe
évidemment une communication autour des démarches mises en
oeuvre, mais les entreprises sont réticentes à échanger
avec d'autres entreprises sur l'application concrète et
opérationnelle du Développement Durable.
On passe à côté des
bénéfices des modes de collaboration à l'oeuvre dans les
domaines scientifiques, où le partage des découvertes enrichit
l'ensemble. La préservation de l'avantage concurrentiel ou l'obtention
de celui-ci reste le moteur des démarches DD. On cherche donc à
créer un avantage concurrentiel, puis à le préserver. Ceci
est compréhensible lorsqu'il s'agit de développement de nouveaux
produits ou process industriels, mais c'est plus difficilement
compréhensible lorsqu'il s'agit de pratiques RH, ou de communication.
AREVA semble sur la voie de l'ouverture à ce sujet,
à travers la transmission de fiches thématique au MEDEF, relatif
à différentes démarches de DD. Vous pouvez d'ailleurs en
lire quelques extraits dans ce mémoire.
Le partage de l'une de nos Bonnes Pratiques avec le comité
21 est également un signe d'ouverture encourageant.
D'autre part, il existe des réseaux restreints de
correspondants permettant l'échange d'information. Les responsable
reporting chez AREVA, partagent de l'information, des méthodes, avec
d'autres responsables reporting de grandes sociétés
françaises.
3.2 Vision du DD chez les managers
L'appropriation du DD par les managers à tous les
niveaux est essentiel chez AREVA, compte tenu de la grande autonomie des BU et
des sites. Sans cette appropriation AW perd son sens et son efficacité.
Les entretiens ont montré une bonne connaissance du DD de la part des
managers du siège et des BU. Les Bonnes Pratiques
réalisées sur les sites montrent également une bonne
appropriation du DD et du progrès continu sur certains sites, notamment
ceux où des systèmes de suggestion ont été mis en
place.
Tous les managers du siège que j'ai eu en entretien,
sans exception, ont une vision positive du Développement Durable. Plus
important, ils ont une analyse réaliste de l'évolution de la
notion, ils ont conscience de ses limites.
La principale crainte des managers envers le
Développement Durable, ne réside pas dans le concept, mais dans
son appropriation par le public. Ils ont le sentiment que l'aspect
économique est ignoré ou négligé dans les
représentations populaires. A l'opposé, ils reprochent à
certaines entreprises de dévoyer le concept en essayant de tirer parti
de celui-ci uniquement à travers l'aspect économique. La vision
du DD soutenue par les managers est conforme à celle
développée par les théoriciens du DD, il s'agit d'un
équilibre entre les trois piliers. La puissance du concept dépend
de la préservation de cet équilibre.
Ainsi la vision environnementale du Développement
Durable ne doit pas occulter les deux autres piliers. Hormis les individus qui
s'intéressent de près au DD, peu de gens savent que les aspects
sociaux font partie intégrante du DD.
Quelques citations issues des entretiens
:
« Le développement Durable est une culture d'ensemble
»
« Le Développement Durable est amené à
disparaître, il doit être intégré au Business, il
s'agit du mode de vie normal de l'entreprise. »
« J'ai confiance dans une approche territoriale du
Développement Durable, raisonner en terme de territoire permet de
comprendre les logiques, les flux, les synergies...»
3.3 Productivité et DD :
A la question : « pensez-vous que la recherche de
toujours plus de productivité soit contradictoire avec le DD
?», tous les managers interviewés, sans exception, ont
répondu : « non » !
Ils apportent plusieurs justifications à l'appui de cette
conviction largement partagée :
- la transformation des modes de consommation de l'entreprise
permet des gains en rapport avec les trois piliers.
- Travailler autrement, c'est-à-dire « mieux
», ne signifie pas travailler « plus » ou exiger des «
sacrifices » de la part des collaborateurs. Cela passe plutôt par la
prise en compte des synergies possibles, de la complémentarité
qui existe entre les individus et les différents services.
Améliorer la performance des processus collaboratifs, améliorer
les méthodes et les conditions de travail.
- Il suffit parfois d'examiner les habitudes ou les produits
qu'on ne remet jamais en cause pour s'apercevoir qu'il existe des « Quick
win », qui peuvent permettre de grandes économies avec peu
d'efforts.
« Moins consommer, c'est produire mieux »
Un manager a relativisé la question de la manière
suivante : « l'équilibre des trois piliers exige des choix, des
arbitrages. »
On constate une conviction forte en faveur du
Développement Durable, et celle-ci est étayée par des
expériences et des succès au sein de l'entreprise. Il est plus
facile alors pour ces managers de convaincre le « middle management »
de l'intérêt d'une démarche de progrès continu sur
les aspects clés de l'AREVA WAY concernant leur activité. Il
suffit de faire une démonstration, exemple à l'appui.
3.4 Vision de la place du DD chez AREVA :
Lorsque l'on questionne les managers sur la place qu'occupe,
selon eux, le DD chez AREVA, le trait le plus saillant est le côté
fédérateur. Il permet de développer la culture de
l'entreprise, de l'orienter dans un sens désirable. Le DD est
créateur de sens, d'équilibre, il permet de mobiliser des
équipes, de fixer des objectifs en créant de la motivation. La
stratégie adoptée sur le long terme est appréciée,
comprise, et intégrée par le management.
3.5 Influences DD et modes de
management
Au cours des entretiens, j'ai fait remplir aux managers un
diagramme concernant leur mode de management et celui de leur supérieur
hiérarchique (Cf. annexes : Diagrammes mode de management).
Ces diagrammes reflètent un point de vue subjectif
concernant les modes de management. Pour compléter ce travail autour des
pratiques managériales et de leur perception, il faudrait
élaborer un questionnaire plus complet sur ce sujet, et surtout obtenir
à la fois le point de vue du manager, mais aussi celui de son
supérieur. Les courbes en annexes sont tracée par le manager
lui-même, il trace lui-même la courbe décrivant son
supérieur hiérarchique, le biais sociologique est donc
considérable.
On constate que les couples « N et N+1 » qui
s'entendent le mieux, et qui collaborent de manière efficace et
complémentaire, sont ceux dont les modes de managements sont les plus
proche. A l'inverse, lorsque les modes de management diffèrent,
parallèlement l'entente se dégrade.
Une hypothèse pour expliquer cette corrélation
entre mode de management et entente :
Les modes de management dépendent des personnes que
l'on doit manager et des missions que l'on doit réaliser. J'ai
constaté que dans les cas où l'entente était bonne, les
managers et les managés se partageaient une même mission, ce qui
les poussaient à collaborer. De plus, ils travaillaient en position
d'interface entre BU et Corporate, ou encore en mode projet, et comme je l'ai
déjà souligné, dans ce genre de situation il faut se
concentrer sur un management plutôt
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persuasif et participatif, puisqu'on ne possède pas de
liens hiérarchique permettant de déléguer ou de diriger.
Ainsi, leur entente découle simplement de la similitude de leur mission
et de leur nécessité de collaboration. Au contraire dans les
situations ou l'entente est moindre, on constate qu'il existe un
véritable rapport hiérarchique, et que le N+1
délègue ou dirige une mission pour laquelle il n'est pas
lui-même compétent, sa compétence s'arrête à
la direction et au contrôle de la mission. Les modes de managements
directifs et délégatifs prennent alors tout leur sens et toute
leur puissance, ce qui n'est pas sans générer certaines
incompréhensions ou inadéquation inhérentes à tout
rapport hiérarchique affirmé.
Il faudrait démêler la part de
subjectivité qui tend à créer de la différence
là où il n'y en aurait pas lorsque l'entente est mauvaise, et au
contraire à gommer ces différences lorsque l'entente est bonne.
Ce que je n'ai pu réaliser compte tenu de ma méthode qui ne m'a
permis d'obtenir qu'un point de vue subjectif de la part des managers.
On peut rapprocher cela de la notion de « Way to be »
(Cf. Annexe 12), qui considère l'ouverture et le dialogue comme une
valeur essentielle chez AREVA.
3.5.1 Le management à visage humain :
Le management n'est pas une science dite « exacte »,
on travaille avec des êtres humains, que l'on nomme tour à tour :
collaborateurs, salariés, techniciens, cadres, dirigeants, assistants.
Chez AREVA on rajoute la notion d'exposition, il y a les collaborateurs «
exposés », et ceux qui ne le sont pas. Pour en finir avec les
grandes distinctions, il y a ceux qui travaillent dans « les centres de
profits », et ceux qui travaillent dans les « centres de couts
». Le Corporate est dans la deuxième situation, ce qui ne signifie
pas qu'il n'a pas de valeur, simplement il ne vend pas directement son savoir
faire et ses produits.
Lorsque l'on manage une équipe, il y a un facteur
à ne pas négliger, c'est l'aspect humain. On ne dirige pas des
hommes comme l'on utilise une machine, « commander » n'est pas
manager. Les mots clées du management seraient plutôt : expliquer,
associer, participer, réaliser, guider, persuader,
déléguer et diriger.
Henri Mintzberg insiste sur le rôle unificateur du
manager : « Il est certain que l'organisation ne se réduit pas
aux managers et aux systèmes de gestion qu'ils ont créés.
Mais ce qui distingue, avant tout, une organisation formelle d'un quelconque
rassemblement d'hommes - d'une foule, d'un groupe informel - c'est la
présence d'un système d'autorité et d'administration,
personnifié
par un ou plusieurs managers dans une hiérarchie
plus ou moins structurée et dont la tâche est d'unir les efforts
de tous dans un but donné.» (Henri Mintzberg 1989, voyage au
Coeur des organisations, p.21)
L'entreprise est un environnement social comme les autres,
peut-être même aussi important que l'environnement familial. La
famille construit l'individu, l'entreprise construit la société.
C'est d'ailleurs de ce constat que vient la notion de «
responsabilité sociétale des entreprise ». Un «
collaborateur » passe la moitié de son temps de « veille
» au sein de l'entreprise, et en échange il obtient les moyens de
subvenir aux besoins de sa famille. Ce rapport ne se limite pas à cela,
puisque c'est de l'entreprise que lui vient une grande partie de sa
reconnaissance sociale en tant qu'acteur de la société. Les
rapports qu'il entretient avec son environnement de travail sont donc
fondamentaux. Les conditions de travail, le rapport avec sa hiérarchie,
l'utilité et l'intérêt de son poste, tous ces facteurs
contribuent au bien-être du « collaborateur » et par ricochet
à sa « conscience professionnelle », sa motivation, son
sérieux et sa loyauté envers l'entreprise à laquelle il
« appartient ».
Certains managers ont naturellement un sens du relationnel,
pour d'autre, il s'agit d'une qualité qu'il faut développer. Ce
qu'ils ont qualifiés « d'intelligence comportementale » au
regard d'autres types d'intelligence valorisés dans l'entreprise que
sont : « les aptitudes intellectuelles » et « la culture
».
Les facultés intellectuelles, si elles sont
sollicitées, ne le sont pas à la hauteur des compétences
que possèdent les managers, qu'ils soient ingénieurs,
médecins, géologues, psychologues, il existe une
différence notable entre les compétences théoriques que
l'on a exigé d'eux durant leurs études, et celles que l'on exige
aujourd'hui dans leur travaux. Il reste peut-être une part de managers
fortement sollicités intellectuellement dans les postes tournés
vers la recherche, mais je n'en ai pas rencontré. Il reste
l'intelligence « culturelle », qui permet à un individu de
s'insérer dans l'entreprise, d'en intégrer la culture, d'y
développer un réseau et enfin d'enrichir cette culture.
L'intelligence comportementale est liée à cette intelligence
culturelle, elles s'équilibrent, se complètent, se compensent.
Toutefois un manager qui serait dépourvu de l'un de ces deux types
d'intelligence serait moins compétent dans le monde de l'entreprise, et
ce quelles que soient ses facultés intellectuelles, il serait incapable
de mener à bien une mission avec ses équipes, et encore moins de
développer des rapports sociaux normaux dans le cadre de
l'entreprise.
Il convient donc de former les managers à cette forme
d'intelligence comportementale et socio- culturelle, à travers la
mise en situation relationnelle afin de les préparer aux
situations auxquelles ils doivent faire face concrètement dans le
management de leurs équipes. C'est
d'autant plus fondamental dans un groupe international, que les
cultures sont diversifiées, et les modes de management diffèrent
en fonction du niveau auquel on se situe.
3.5.2 Influences externe :
Le DD commence à impacter les rapports qu'AREVA
entretient avec ses clients et ses fournisseurs. Depuis la loi NRE qui oblige
les entreprises cotées à publier des rapports de
Développement Durable. AREVA publiait déjà un rapport en
2002, avant l'entrée en vigueur de l'obligation en 2003, mais
après la publication de la loi en 2001. Ce rapport intéresse le
grand public comme les actionnaires. Il s'agit du premier degré de
l'influence de facteurs externe sur les modes de management chez AREVA. Il a
fallu créer une méthode de reporting environnemental, sur lequel
nous reviendront et renforcer les actions et la stratégie DD pour
répondre aux attentes des parties prenantes.
Aujourd'hui on constate une montée en puissance de ces
exigences externes, les clients d'AREVA commencent à demander des
données environnementales, notamment concernant les émissions de
CO2 indirecte, de plus en plus précises (AREVA compense
déjà ses émission directes). De plus, il convient de
conserver et d'améliorer la notation des actifs AREVA, à travers
les agences de notation extra-financières. Ces nouveaux
éléments prennent du temps à mettre en place et à
être fiabilisés. Toutefois, AREVA semble avoir pris la mesure des
enjeux comme dans de nombreux autres domaines, et je suis convaincu que sur ce
point le groupe saura faire face à la situation et rester en tête
des entreprises publiant des données fiables et rendant compte
fidèlement de l'impact de ses activités.
3.6 La charte des valeurs AREVA :
Renforcer en permanence la culture éthique des
salariés du groupe AREVA, telle est la préoccupation du
déontologue du groupe et du management d'AREVA. Une double approche est
ainsi menée en lien étroit avec l'Université AREVA :
Un module de formation international itinérant (USA,
Europe, Asie) de deux jours pleins pour les cadres dirigeants. En effet, leur
exemplarité est essentielle à l'acculturation éthique de
toute entreprise multinationale. Ce séminaire a pour objet une prise de
conscience approfondie des questions éthiques en liaison avec la Charte
des valeurs du groupe, et l'entraînement à la prise en compte de
l'éthique dans la prise de décision managériale, ainsi que
dans le suivi de sa mise en oeuvre sur le terrain, y compris vis-à-vis
de la sous-traitance.
Pour aider le management à cascader ensuite ce
réflexe d'auto-questionnement éthique en application de la Charte
des valeurs, auprès des salariés dont il a la charge, le groupe a
progressivement mis en place un module d'e-learning « Ethique et Valeurs
du groupe ». Démarré avec un franc succès aux USA en
2007 et 2008, il a ensuite donné lieu à une version
internationale en anglais pour l'encadrement anglophone dans le monde. 2009
verra le lancement de versions nationales de ce module de formation en ligne,
pour les pays de base d'implantation du groupe : France et Allemagne, et pour
une économie à fort développement pour le nucléaire
: la Chine.
Le module de formation des dirigeants du groupe a
été suivi par plus de 400 managers à ce jour et
évalué individuellement par eux, en moyenne, à 4+ sur une
échelle de 5. Il est considéré par tous ceux qui l'ont
suivi comme un composant clé de la démarche éthique du
groupe.
La formation en ligne donne lieu à un certificat de
formation qui ne peut être obtenu que si toutes les étapes du
module ont été suivies et tous les exercices effectués.
Extrait de la « Fiche Bonne Pratique »
envoyée au MEDEF par la DDPC
Les managers se demandent qui pilote cette charte, comment
sont évalués les résultats, quelles sanctions sont
appliquées. Malheureusement, il ne semble pas facile de trouver ces
informations et en tous les cas, la plupart des managers les
méconnaissent.
3.7 Les valeurs des managers dans leur travail :
Lorsque l'on demande aux managers quels sont la ou les valeurs
qui leur tiennent le plus à coeur dans leur travail au quotidien, trois
valeurs sont mises en avant :
- Le respect est considéré comme essentiel. Il
faudrait chercher à connaitre leur définition du respect dans le
travail.
- La transparence est la deuxième valeur mise en avant.
- L'honnêteté est également une valeur
très prisée des managers.
Respect, Transparence, Honnêteté
Ce triptyque, s'il trouve un écho dans la charte des
valeurs AREVA, semble plus proche des désirs concret de l'individu dans
les relations sociales qu'il développe au travail. Il faut
également souligner leur allure de stéréotype. Il est
probable que ces valeurs seraient exprimées de la même
manière dans d'autres entreprises.
Le besoin de reconnaissance du travail effectué et de
la valeur de ce travail pourrait être rattaché au respect, en plus
de la notion de respect des personnes qui devrait caractériser tous les
rapports sociaux dans une entreprise saine.
La transparence, contrairement à ce qui est
énoncé dans la charte des valeurs AREVA, je pense que la
transparence ici évoquée est comprise « en interne »,
les relations de travail et le dialogue entre les services se doivent
d'être transparents afin de comprendre l'autre et de travailler
efficacement.
L'honnêteté, il s'agit d'une valeur humaine forte,
le manque d'honnêteté empêche toute confiance entre les
individus et donc tout travail en collaboration.
3.8 Réviser le rapport hiérarchique et
le rapport fonctionnel :
La culture d'entreprise chez AREVA, fondée sur
l'autonomie, l'incitation et la transversalité, s'avère parfois
frustrante pour les managers Corporate.
Certains managers ont le sentiment que leur action n'est pas
appuyée, ou de ne pas voir les résultats de leurs actions. L'une
des causes semble résider dans cette culture qui minimise le rapport
hiérarchique du Corporate. Pour répondre à cela, certains
managers imaginent la possibilité d'instituer une double
hiérarchie concernant les responsables fonctionnels au sein des sites et
des BU. Cela aurait pour effet d'alourdir les processus de recrutement, puisque
les deux supérieurs hiérarchiques concernés devraient
alors rencontrer le candidat avant de se concerter avec les RH. La fiche de
poste de poste devra alors comporter avec une grande précision les
missions et la répartition du temps attachée à chacune
d'elles. La gestion du poste est alors plus complexe, il est nécessaire
de réaliser 2 entretiens annuels, cela complique également le
plan de formation, et surtout cela oblige à une concertation permanente
entre les supérieurs hiérarchiques à chaque nouvelle
mission que l'on souhaite confier au collaborateur.
Ce type de management risquerait d'entraîner des lourdeurs
de gestion difficilement acceptables. Ce serait peut-être
également aller trop loin à l'encontre d'une culture d'entreprise
bien ancrée.
L'autre option que l'on pourrait envisager serait d'introduire
plus de directivité vis-à-vis des sites, en imposant plus qu'en
proposant les axes de Développement Durable à soutenir fortement.
Là encore ce serait aller à l'encontre de la culture
organisationnelle du groupe.
Il est probable que la réorganisation en Business Group
aille dans un sens plus directif, mais cela restera léger et se fera en
douceur. Les managers n'ont d'ailleurs pas d'illusion à ce niveau,
ils savent pertinemment qu'un changement de pratique prend
beaucoup de temps à s'intégrer dans la culture de
l'entreprise.
Il faudra donc continuer de manager de manière
persuasive et participative en faisant oeuvre de pédagogie et de
méthodologie. Le renforcement et les performances issues de la
transversalité seront la clé d'une réorganisation
réussit qui apportera plus de satisfaction aux managers ainsi qu'aux
relais des BU et des sites. La simplification et l'unification des demandes
Corporates seront un élément déterminant et un signe fort
en direction de toutes les entités AREVA.
3.9 Un témoignage de sous-traitant chez AREVA :
J'ai rencontré un étudiant en stage chez un
sous-traitant AREVA. Ce témoignage ne peut être
considéré comme représentatif de la sous-traitance au sein
du groupe.
La spécialité de ce sous-traitant est la
radioprotection. Il s'agit d'une petite entreprise qui travaille pour AREVA, le
CEA et EDF. Hormis un ancien membre de l'ASN et un expert en radioprotection,
tous les ingénieurs de l'entreprise (une vingtaine) ont entre 20 et 26
ans. Ils sont tous débutants, beaucoup sont en contrat d'apprentissage.
L'ancienneté moyenne est de 1,2 ans. Leurs locaux sont partagés
avec d'autres entreprises, les infos détenues par le soustraitant sont
peu sécurisées.
Premier constat, il y a trop peu de séniors dans cette
entreprise pour encadrer l'action d'un si grand nombre de débutants.
Le système de contrôle des études est le
suivant: chaque rédacteur est vérifié par un
supérieur (un ingénieur plus aguerri ou un simple
ingénieur si c'est un technicien qui rédige) puis approuvé
(par un expert). L'idée est bonne mais les vérificateurs n'ont
pas beaucoup de temps et l'approbateur ne peut être que le gérant
qui n'a pas beaucoup de temps et connaît mal chaque affaire en
particulier.
D'autre part, la notion de rentabilité est
exacerbée, les ingénieurs sont sous-payés, peu
formés, ils ne comptent pas leurs heures.
Sur un certain nombre de projets il semble qu'AREVA
possède les compétences en interne. Ce qui pousse AREVA à
recourir à la sous-traitance est une question de flexibilité, de
facilité d'organisation et aussi de coûts.
Le bilan coût / avantage permettant de recourir à
la sous-traitance doit prendre en compte de nombreux éléments
comme : le risque d'accident, la santé des collaborateurs et des
soustraitants, la sécurité de l'information, et enfin le
coût.
Le coût doit rester un élément parmi
d'autres. De même, la facilité de recours à la
sous-traitance ne doit pas être employée à la
légère. Au vue du bref portrait de ce sous-traitant, il semble
qu'un bilan coût avantage prenant en compte les éléments
mentionnés ne serait pas forcément positif, même s'il peut
l'être au niveau financier.
Anecdote de sous-traitance :
« Lorsqu'on a comparé les plan TQC (Tel Que
Construit) sur le site, avec la réalité, le
géomètre à constaté un écart de 3
mètres sur certains bâtiments. Et un écart de 1.5
mètre sur une butte en terre servant de protection biologique. On aurait
pu penser qu'il s'agissait du tassement de la terre avec le temps, mais c'est
peu probable vu la nature des matériaux. »
3.10 L'enrichissement de l'uranium au Tricastin, une
forme d'écologie industrielle ?
L'enrichissement de l'uranium est un poste extrêmement
consommateur d'énergie.
La mise en service progressive de l'usine GB2 (2009-2012) qui
met en oeuvre la technologie de « centrifugation » va permettre une
économie substantielle des consommations énergétiques au
sein de la filiale « Eurodif Production », en divisant par 50 sa
consommation d'énergie.
Le procédé utilisé jusqu'à
présent chez Eurodif, la diffusion gazeuse, Consomme 15 TWh
d'électricité par an, à mettre en regard des 486 TWh de
consommation d'électricité en France en 2008, soit environ 3% de
la consommation totale (Source : ministère de l'économie
et des finances, 2004. Cf. Bibliographie).
L'enjeu pour AREVA est important, puisque le groupe va pouvoir
respecter ses engagements en termes de consommation énergétique.
Jusqu'à présent les consommations du groupes étaient
présentées : « hors Eurodif ».
Il s'agit d'un volume d'énergie très important mais
en échange, Eurodif produit un cinquième de l'Uranium enrichi au
niveau mondial sur son site français.
De plus, ce système de partenariat entre une centrale
nucléaire gérée par EDF et le site d'Eurodif permet une
forme de coopération énergétique efficace. La centrale
peut tourner à un régime élevé afin de fournir
l'énergie nécessaire au processus industriel d'enrichissement, et
cela à un prix très avantageux pour AREVA. En contrepartie, la
production d'uranium doit s'arrêter lorsqu'un pic de consommation se
profile, afin de répondre à la demande d'énergie « de
pointe » avec l'énergie nucléaire disponible grâce
à la centrale. Ce système n'est pas original, puisqu'il ressemble
à celui qui existait au début de l'électrification en
France, lorsque les centrales s'installaient à côtés des
principaux pôles de consommation et notamment des entreprises ayant une
grande consommation.
Ce type de partenariat se rapproche de la notion
d'écologie industrielle, puisque chaque entreprise profite de la
proximité et de l'activité de l'autre pour maximiser ses
rendements et ses profits, tout en limitant son impact sur l'environnement.
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