Les acteurs de l'art contemporain à Marseille et à Istanbul( Télécharger le fichier original )par Fanny Roustan Université Paul Cézanne Aix-Marseille III, IMPGT - Master 2 de Management des Organisations et des Manifestations culturelles 2009 |
I Panorama historique1. La scène artistique contemporaine en Turquie des origines à nos jours
On peut remonter au début des années 1960 pour trouver en Turquie des oeuvres s'apparentant à ce qu'on appelle ici l'art contemporain. A cette époque, l'art et la production artistique pouvaient être qualifiés d'académique, dans le sens où ils s'efforçaient de suivre des schémas et techniques préexistants et ayant fait leurs preuves. Deux artistes marquèrent cette période par leurs « tendances conceptuelles »3(*) en rupture avec l'environnement artistique. D'abord Altan Gürman qui afficha son propre style en s'éloignant de la voie académique. Puis Sarkis, qui s'installa à Paris et devint l'un des créateurs importants de ce nouveau mouvement qui se développait en Europe. En 1969, Sarkis participa à « When attitudes become form » exposition du commissaire Harald Szeeman, l'une des premières expositions d'art conceptuel dans l'histoire de l'art. Grâce à cet artiste aux racines turques, la Turquie n'est donc pas complètement exclue des débuts de l'art contemporain occidental. Depuis le début du vingtième siècle, l'Etat turc dispensait des bourses d'études aux artistes jugés doués pour leur permettre d'aller étudier en Europe ou aux Etats-Unis. Quelques générations d'artistes turcs ont donc été baignées dans l'environnement artistique occidental. On ne peut cependant pas considérer ces artistes comme élément déterminant dans la formation de mouvements artistiques du vingtième siècle sur le plan international. En effet, ces artistes n'ont jamais osé prendre de risques innovateurs dans leur travail ou rejoindre un mouvement émergent mais ont toujours préféré se conformer aux standards artistiques. Füsün Onur et Þükrü Aysan sont deux autres artistes qui se sont démarqués du conformisme académique de leur époque pour produire des oeuvres à caractères expérimental et conceptuel. Elles ont toutes deux suivi une formation artistique à l'étranger et sont rentrées en Turquie dans les années 1970. Ces artistes traduisent les premiers pas timides de la Turquie dans le domaine conceptuel des arts mais jusqu'ici aucune structure ni mouvement concret n'existe. Seul l'Etat, par le biais d'une université seulement, l'Université des Beaux-arts Mimar Sinan d'Istanbul, fait bénéficier quelques artistes privilégiés d'une bourse pour étudier en Occident. C'est en 1977 que l'on voit la première association d'artistes portés sur ce mouvement conceptuel se mettre en place sous le nom de STT (Sanat Tanýmý Topluluðu4(*)). Cette association fondée par ükrü Aysan et cinq autres artistes5(*), a pour objectif de réaliser des activités en rapport avec l'art conceptuel. D'autres artistes étaient régulièrement invités à participer à des projets, des publications d'art et des expositions. Ce groupe d'artistes cessa ses activités en 1981. ükrü Aysan reforma le groupe en 1987 et repris ses activités avec de nouveaux participants. A la même période, l'Université Mimar Sinan, dans le cadre de son Festival d'Art d'Istanbul, lance des compétitions artistiques sous forme d'expositions appelées les expositions Nouvelles Tendances6(*) qui auront lieu tous les deux ans. Ces expositions ont été le théâtre des premières rencontres entre des oeuvres conceptuelles hors du champ des pratiques picturales et sculpturales traditionnelles et un public plus large. Les Nouvelles Tendances ont joué un rôle important dans la formation de l'art contemporain à Istanbul dans la mesure où de nombreux artistes qui font preuve d'une production artistique active aujourd'hui ont participé et remporté ces compétitions à l'époque.
Bien qu'un groupe d'artistes ait participé aux expositions innovatrices Nouvelles Tendances, c'est la peinture néo-expressionniste qui domina la première moitié des années 1980, en Turquie comme en Occident. Cependant, quelques artistes turcs déjà fortement impliqués dans une tendance conceptuelle et expérimentale continuèrent dans cette voie. Après le coup d'état de l'armée turque le 12 septembre 1980, la Turquie subit de grands changements politiques et économiques. Cette année-là, l'Association des musées de peinture et de sculpture7(*) organisa la première « Exposition des artistes contemporains d'Istanbul »8(*), qui devint par la suite une plateforme importante, pour les jeunes artistes surtout. Ces expositions fournirent tout comme les Nouvelles Tendances de grandes opportunités aux jeunes artistes stambouliotes de percer dans le monde de l'art contemporain. Cette plate-forme d'expression artistique existe encore aujourd'hui même si elle est moins active qu'avant. Son objectif est de favoriser les oeuvres en rupture avec le monde académique et commercial. Durant la première moitié des années 1980, toute la production artistique fut fortement conditionnée par les nouvelles politiques économiques néolibérales du pays. Les galeries d'art privées se multipliaient à Istanbul. Peu après, les banques fondèrent tour à tour leurs propres galeries d'art ou centres culturels, la première ayant initié ce mouvement étant Yapý Kredi9(*). Le monde des affaires commença également à investir dans l'art contemporain, et les deux premières biennales d'Istanbul furent financées par deux hommes d'affaires turcs10(*). Le secteur privé, banques et particuliers, créa les premières collections d'artistes contemporains turcs, et permit également par son soutien financier, la réalisation d'expositions importantes et la publication de leurs catalogues. Dans La deuxième moitié des années 1980, des artistes organisèrent des expositions eux-mêmes de A à Z. Aucun commissaire d'exposition ne figurait encore dans le monde de l'art contemporain à Istanbul à cette époque. Il y eut notamment la série d'expositions « A cross section of Turkish avant-garde » à partir de 1984 et « A, B, C, D » entre 1989 et 1993. Ces séries avaient un caractère très novateur, puisqu'elles n'incluaient que des oeuvres purement conceptuelles. Un événement marqua également l'évolution de l'art contemporain dans cette période. Il s'agit de « The Caylak street », installation de l'artiste Sarkis, vivement critiquée principalement par des esprits conservateurs qui ont accusé Sarkis d'être sympathisant des Arméniens. Ces critiques menèrent l'affaire en justice et ceux qui les avaient formulées furent punis. L'affaire suscita beaucoup de remous dans le cercle artistique stambouliote. Les années 1980 furent marquées par le lancement de la première biennale d'Istanbul en 1987 dirigée par Beral Madra. Ce rendez-vous biannuel donna aux artistes turcs l'opportunité de s'exposer.
C'est dans les années 1990 qu'on a vu l'art contemporain exploser en Turquie. Jusqu'ici, tous les artistes jouant un rôle dans le monde de l'art contemporain étaient stambouliotes ou du moins vivaient à Istanbul. Mais c'est alors qu'Istanbul commença à s'ouvrir au reste de la Turquie et même à sortir de ses frontières, notamment grâce au rôle qu'ont joué les biennales d'Istanbul. D'autre part, tandis que les artistes organisaient de plus en plus d'expositions à caractère toujours plus novateur, les premiers commissaires d'exposition firent leur apparition. La première commissaire d'exposition de Turquie, Beral Madra, critique d'art, commissaire et directrice artistique des deux premières biennales d'Istanbul11(*) fonda le Centre d'art contemporain BM Suma Contemporary art center en 1984. Dans ce centre se sont déroulées beaucoup d'expositions qui ont marqué l'art contemporain en Turquie12(*), et qui ont accueillis pour la première fois des artistes non stambouliotes et même étrangers. Beral Madra contribua de façon déterminante à l'exportation de l'art contemporain turc dans des expositions internationales. C'est grâce à elle que la Turquie, bien qu'elle n'y ait pas eu son propre pavillon, fut représentée à la Biennale de Venise en 1990 après trente ans d'absence. Vasif Kortun est également un acteur important de la diffusion de l'art contemporain turc, certes en Turquie mais essentiellement à l'étranger. Après qu'il eut débuté sa carrière de commissaire à New York, il rentra en Turquie où ses premières expositions13(*) introduisirent le concept curatorial à Istanbul. Commissaire de la troisième biennale d'Istanbul en 199314(*), il permit que celle-ci, qui jusqu'ici se consacrait aux oeuvres d'artistes turcs, ouvrît ses portes aux artistes étrangers et notamment aux artistes des pays voisins (Balkans) anciennement sous domination soviétique. La troisième biennale inscrit Istanbul dans la scène internationale en tant que métropole active dans le domaine des arts contemporains.
La quatrième biennale d'Istanbul en 1995 fut sous la direction artistique de René Block, commissaire et galeriste allemand de Joseph Beuys. René Block apporta des changements dans la structure de la biennale. Jusqu'ici, la biennale d'Istanbul fonctionnait comme celle de Venise. Chaque pays représenté avait son propre curateur pour sélectionner les artistes ou les oeuvres qui allaient participer. René Block a transformé ce système de représentation nationale en système de représentation d'artistes sélectionnés par un même commissaire d'exposition (ou groupe de commissaires) indépendamment de leur pays d'origine. Pourquoi un événement international devrait-il être sous la responsabilité de commissaires nationaux? La biennale d'Istanbul fonctionne toujours de cette manière à ce jour. Il transforma aussi la biennale en une sorte de musée ou d'institution, ce qui a marqué durablement l'environnement artistique puisqu'aucun musée d'art contemporain n'existait encore en Turquie. René Block permit l'implication des artistes turcs sur la scène internationale à une époque où l'art contemporain turc se confinait encore aux frontières stambouliotes. Grâce à lui, beaucoup d'artistes turcs furent invités à participer à des expositions en Allemagne grâce à une collaboration entre des commissaires turcs et allemands. L'exposition « Iskele/Pier » en 1994, par Beral Madra et Sabine Vogel, commissaires respectivement turque et allemande, fut l'une des premières expositions d'art contemporain à laquelle participaient des artistes turcs en-dehors de la Turquie. A ce jour, René Block continue ses activités de commissaire en relation avec la Turquie. Au-delà du monde artistique, l'intelligentsia d'Istanbul s'est mise à porter de l'intérêt à l'art contemporain. Un comité consultatif composé d'écrivains, de commissaires d'exposition, de critiques et d'artistes se forma et organisa les expositions d' « Activités de jeunesse15(*) » entre 1995 et 1998 sous le toit de « l'Association internationale des arts plastiques ». Ces événements proposaient aux jeunes artistes une alternative à l'espace restreint qu'offraient les galeries privés et aux compétitions artistiques des institutions d'art. Les Activités de jeunesse rassemblaient jusqu'à 300 participants venant de toute la Turquie, de toutes les disciplines et de toutes les classes sociales. Il s'agissait d'environ trois semaines de séminaires, de projections et d'ateliers. D'une part, de nouvelles approches esthétiques en rupture avec l'éducation artistique qu'avaient reçue les artistes y étaient expérimentées. D'autre part, grâce à l'engagement des intellectuels, l'art contemporain prit une dimension politique et théorique et les artistes commencèrent à exprimer leur engagement en produisant des oeuvres à caractère social, politique et provocateur. Du à cet esprit novateur, beaucoup des artistes des Activités de jeunesse étaient invités à participer à la biennale d'Istanbul. D'une certaine façon, ces Activités ont donc ouvert la porte de la scène internationale aux jeunes artistes turcs. Elles ont aussi permis la formation d'autres associations d'artistes très actives telles que DAGS-Interdisciplinary Young Artists Association fondée en 1996 composée d'artistes venant d'horizons variés : arts plastiques, cinéma, musique, littérature, arts vivants... A la fin des années 1990, émergea le souci de garder trace de la production artistique contemporaine. C'est ainsi qu'une équipe de jeunes auteurs16(*) s'impliqua dans l'archivage des écrits relatifs à l'art contemporain en Turquie, et des catalogues d'expositions. Fut également ouvert le premier centre d'archives de l'art contemporain par le commissaire d'exposition Vasif Kortun. L'ICAP, Istanbul Contemporary Art Project, se définissait comme une « plateforme de discussion, bibliothèque et archives 17(*)». Une série de séminaires très suivis sur l'art contemporain s'y déroula entre 1998 et 2000. Les événements d'envergure organisés par l'ICAP donnèrent l'impulsion à l'organisation d'autres événements à plus petite échelle et de nature expérimentale18(*) où le rôle du commissaire prenait toujours plus de place. Beaucoup de projets virent le jour grâce à l'ICAP où des groupes d'artistes se formaient.
Alors que les années 1990 furent témoins d'un engagement de la part de l'élite intellectuelle qui permit la formation de plusieurs structures injectant l'énergie nécessaire au développement de l'art contemporain en Turquie et de la banalisation de la présence d'artistes turcs sur la scène internationale, l'esprit collectif de la précédente décennie laissa la place à des formations plus individuelles dans les années 2000. On assiste également au début de l'institutionnalisation de l'art contemporain. En 2000, le premier musée d'art contemporain, Proje4L Istanbul Contemporary Art Museum, est fondé sous l'égide de Vasif Kortun. Toujours grâce à Vasif Kortun, le Centre d'Art contemporain de la Banque ottomane19(*) ouvre ses portes. Ce centre fut le premier à réaliser des projets institutionnalisés où étaient investis des capitaux privés. Après l'ouverture de cette institution à but non lucratif, le même type de structure se développa rapidement. Les espaces d'art contemporain Aksanat, Borusan et Siemens ouvrent successivement. Ces organisations à but non lucratif financées exclusivement par des capitaux privés sont respectivement l'initiative d'une banque, d'un homme d'affaires et d'une entreprise de matériel électronique. En rupture avec le dynamisme d'ordre intellectuel vécu dans les années 1990, ces nouveaux espaces sont le signe avant-coureur que l'art contemporain s'engage sur une autre voie. L'ouverture de musées prestigieux alimentés par des fonds privés, Sabancý Museum en 2002, Istanbul Modern en 2004 et plus récemment Santral Istanbul en 2007, confirme le changement de trajectoire. Cependant, les espaces indépendants gérés par des artistes continuent d'exister et contrastent avec ces lieux de prestige aux standards internationaux. Le début des années 2000 a également été marqué par la facilitation de l'accès des artistes non stambouliotes à l'art contemporain. Deux centres d'art contemporain en-dehors de la périphérie d'Istanbul se sont ouverts, le DSM (le Centre d'Art de Diyarbakýr) en 2002 à Diyarbakir, et le Centre d'Art contemporain K2 en 2004 à Izmir qui forment des pôles actifs de l'art contemporain en Turquie. Le contact se lie également entre les artistes d'origine turque qui vivent à l'étranger, principalement en Europe et aux Etats-Unis, et la Turquie. Ces artistes aspirent à établir un dialogue avec l'environnement artistique du pays dont ils sont originaires20(*). Cette ambition a donnée lieu à des expositions telles que « Under the beach, the pavement » en 2002, « I am too sad to kill you » en 2003 ou encore « Free kick » en 2005. 2. Rapide historique de l'établissement de l'art contemporain à Marseille C'est au début des années 1960 que l'on reconnait en France le début de la période artistique contemporaine avec l'avènement de nouveaux groupes sur les scènes nationale et internationale tels que le Nouveau réalisme dont faisaient partie Martial Raysse et César, le Groupe de Recherche d'Art Visuel (GRAV), Fluxus ou encore le groupe Panique.
Marseille est l'une des trois premières villes de France (avec Grenoble et Saint-Etienne) à ouvrir un musée d'art contemporain. Le Musée d'art Contemporain (MAC) de la ville de Marseille est la conséquence du manque de place du musée Cantini pour accueillir une collection d'art contemporain en plus de sa collection d'art moderne. Le musée Cantini, ouvert en 1936 connait un nouveau souffle en 1957 grâce à Marielle Latour qui, conservatrice de ce musée pour les vingt-six prochaines années, va en orienter peu à peu les acquisitions vers l'art contemporain. Avant cette date, aucune politique d'acquisition n'avait jamais été mise en place. Du fait d'un maigre budget, elle privilégie alors les jeunes artistes locaux. A cette époque, émergent les Nouveaux réalistes et le groupe de peintres et sculpteurs Supports-Surface21(*), ainsi que d'autres artistes de talent. La collection s'organise autour de quatre axes : la Nouvelle figuration, la Figuration narrative, Supports-Surfaces et l'Ecole de Nice. Marielle Latour se montre audacieuse dans un contexte ou l'innovation n'est pas toujours bien reçue. Quelques années avant en effet, la galerie marseillaise Garibaldi voit sa vitrine cassée par des jets de pierre alors qu'elle proposait une exposition de Picasso. Les années 1950 et 1960 sont donc marquées par une politique d'achat novatrice dans la région qui consistait en l'acquisition d'oeuvres au moment de leur création. Marseille est pionnière dans cette volonté de collectionner l'art de son temps. Suivent Saint-Etienne et Grenoble. La fin des années 1960 constitue une période faste pour l'évolution de l'art contemporain à Marseille où une politique d'achats et de commandes est soutenue par Gaston Deferre, alors maire de la ville. Le musée Cantini acquiert de plus en plus d`oeuvres et l'Ecole nationale des beaux-arts de Marseille prend de l'importance en accueillant des jeunes artistes de la nouvelle génération française et parisienne. Marseille offre une alternative à Paris de par ses propositions artistiques. En 1977, le musée Cantini présente l'exposition « Trois villes, Trois collections - l'avant-garde 1960-1977 » qui tiendra place à Marseille d'abord, puis à Grenoble, Saint-Etienne et au centre Georges Pompidou à Paris. Cette exposition est une étape importante dans l'évolution du concept de collection contemporaine et montre comme des musées de « province », peuvent faire preuve de plus d'innovation que d'autres musées plus établis de la capitale. Le Fonds régional d'acquisition des musées, Fram, créé en 1982 dans le cadre de la politique globale de décentralisation, permet l'acquisition d'oeuvres fondamentales pour la collection Cantini22(*). Des oeuvres attribuées par les fonds national et régional d'art contemporain viennent également enrichir la collection. L'art contemporain est le premier courant artistique du vingtième siècle qui suscite un intérêt particulier de la part des institutions publiques du Midi qui n'avaient pas effectué d'achats d'oeuvres fauves et cubistes par exemple. Elles s'intéressent désormais aux avant-gardes artistiques mais aussi au Surréalisme. En 1988, à l'occasion de l'exposition « L'art moderne à Marseille. La collection Cantini », le directeur des musées de Marseille, Germain Viatte, signale le besoin urgent d'espace pour la collection. Bien qu'il soit dommage de séparer la collection marseillaise du vingtième siècle en son milieu, la collection d'art contemporain du Musée Cantini, c'est-à-dire d'une manière générale les oeuvres datant d'après 1960, est alors transférée dans les locaux du futur MAC, alors appelé les Galeries contemporaines des musées de Marseille et ce jusqu'en 1994, date officielle de l'ouverture du MAC. A cette époque, dans les années 1980, et sous l'impulsion du ministère de la culture de Jack Lang, la culture cesse d'être une matière secondaire, et la France se couvre de centres culturels. Les moyens de la ville de Marseille et de l'Etat augmentent. Entre 1980 et 1990, le budget de la culture passe de 0,38% à 0,86%, et celui des arts plastiques augmente de 130%. En 1982, le Fiacre23(*), le Fram, les Drac24(*) et les Frac25(*) sont créés. Le budget d'acquisition du Fonds national d'art contemporain, est multiplié par trois en trois ans, puis ne cesse d'augmenter. La photographie devient une discipline à part entière dans la collection du Fnac. Dans la préface du catalogue paru à l'occasion de l'exposition « Cantini 80 », Gaston Deferre gratifie de ses remerciements les directeurs des Musées de France, et les diverses personnalités qui ont accordé des subventions aux Galeries contemporaines et donne ainsi une légitimité politique à l'art contemporain. A la fin des années 1980, Deferre alloue un budget annuel d'achats pour les musées de Marseille de cinq millions de francs au directeur des Musées de Marseille26(*), du jamais vu à l'époque. La collection en profite pour devenir internationale en acquérant des ensembles allemands, italiens, espagnols et japonais27(*). Dans la première moitié des années 1990, la collection s'applique à combler ses lacunes par l'achat de grandes oeuvres, comme celui d'un Basquiat, de différents courants artistiques en se tournant notamment vers l'Arte povera28(*). On commence aussi un projet d'archives à partir du fond de documentation donné par Ernst Goldschmidt, artiste danois (1879-1959). A la même époque, une nouvelle mouvance entraine la création de galeries associatives actives sur le plan artistique, telles que la galerie Athanor. Quelques galeristes comme Roger Pailhas et Jean-Pierre Alis, deviennent des acteurs essentiels pour la diffusion de l'art contemporain et la révélation d'artistes à Marseille. En 1990 a lieu la première et dernière édition de la Biennale internationale de Marseille photographie-arts plastiques. A l'instar des principaux musées de France, les musées marseillais ont la volonté de développer un fonds photographique. En 1987, le musée Cantini met d'ailleurs en place un département photographique. La première et dernière édition de cette biennale, intitulée « D'un art, l'autre » s'attachait à établir une relation entre la photographie et les autres productions plastiques contemporaines. Cependant, le MAC continuera à travailler sur cette relation, en présentant notamment l'exposition « Walker Evans/Dan Graham » en 1992, et en établira d'autres au mépris des catégories esthétiques conventionnelles29(*). Les premières expositions du MAC en tant que tel attirent l'attention de la population marseillaise. En 1994, « Ils collectionnent » rend hommage aux collectionneurs marseillais et « L'art au corps » en 1996 retrace l'évolution de l'art du vingtième siècle à partir de Marcel Duchamps. En 1993, Marseille a accueilli dans les anciens abattoirs de la ville la biennale internationale d'art de groupe, qui se déroulait en trois volets : à Berlin, Barcelone et Marseille. Les manifestations artistiques de cette biennale à travers oeuvres plastiques, théâtre de rue, musiques et performances, s'inspiraient du contexte social de son époque. Le milieu des années 1990 voit éclore des espaces indépendants d'artistes, lieux d'expositions, gérés par eux-mêmes. Ce type d'espace présente à ces groupes d'artistes, qui bien souvent se rencontrent lors de leurs études d'art, une alternative pour s'exposer en dehors des circuits commerciaux des galeries, qui par ailleurs n'ouvrent leurs portes qu'à des artistes confirmés ou trop expérimentés pour la nouvelle génération. Cependant, ce mouvement de création d'espaces indépendants s'est nettement ralenti au fil des ans, peut-être du fait que la jeune génération en question a maintenant accès aux galeries, et en profite pour ralentir ses activités associatives qui demandent beaucoup d'énergie. Pourtant, il n'est pas rare à présent de voir des lieux autogérés par des duos d'artistes. La fin des années 1990 témoigne de la tendance des collectionneurs à ouvrir leur propre fondation d'art, telle que la Collection Lambert à Avignon. Alors que dans les années 2000, les galeries d'art continuent à se multiplier à Paris, cette tendance est difficile à suivre dans les autres villes de France. Il reste tout de même plus facile d'être galeriste à Paris qu'à Marseille. Malgré une volonté de rééquilibrage et de fortes actions pour décentraliser, le commerce de l'art est moins florissant en dehors de Paris, sans doute parce que les acheteurs continuent de privilégier les galeries parisiennes de prestige et les foires d'art contemporain.
* 3 Halil Altindere dans « Contemporary Art in Turkey 1986-2006 » p.3. * 4 Communauté artistique. * 5 Serhat Kiraz, Özgül Ozkutan, Ismail Saray, Ahmet Ogtem et Alparslan Baloðlu. * 6 Yeni Eðimler. * 7 « Resim ve Heykel Müzeleri Derneði ». * 8 Aujourd'hui sous l'administration de Leyla Bilgi. * 9 Yapri Kredi Kültür Merkezi, www.ykykultur.com.tr * 10 Halil Bezmen et Asil Nadir. * 11 1987 et 1989. * 12 A titre d'exemples, « Xample » en 1995 et « Diyaloglar/Dialogues » en 1996. * 13 « Memory/Recollection-1 » en 1993 et « Number 50 Memory/Recollection-2 » en 1993. * 14 Et plus tard, de la biennale en 2005 en collaboration avec Charles Esche. * 15 « Genç Etkinlink sergileri ». * 16 Composée d'Erden Kosova, Süreyya Evren, Þener Özmen, Ahu Antmeri, Ayþegül Sönmez, Aslý Aliçavuþoðlu, Avrim Atluð et Ferhat Özgür. * 17 « Contemporary Art in Turkey 1986-2006 » p9. * 18 Les deux premières étant « Özel bir gün / A special day » et « Karma sergi / Mixed exhibition » en 1999 et 2000. * 19 Aujourd'hui Garanti Platform Contemporary Art Center (fondé en 2001). * 20 Par exemple, la série d'expositions « Round Trip Istanbul » à la galerie Borusan. * 21 Marcel Alocco, André-Pierre Arnal, Vincent Bouliès, Louis Cane, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Toni Grand, Bernard Pagès, Jean-Pierre Pincemin, Patrick Saytour, André Valensi, et Claude Viallat. * 22 André Derain « Pinède, Cassis » 1907, Max Ernst « Monuments aux oiseaux » 1927, Alberto Magnelli « Pierres n°2 » 1932, Jean Hélion « Composition verticale » 1936, André Masson « Antille» 1943, Jean Arp « Genèse », 1944. * 23 Fonds d'incitation à la création. * 24 Direction régionale des affaires culturelles. * 25 Fonds régional d'art contemporain. * 26 Germain Viatte de 1986 à 1989. * 27 Ensemble d'oeuvres du groupe japonais Gutaï. * 28 Parmiggiani, Pistoletto et Penone. * 29 « Danses tracées » 1992 ; « Poésure et Peintrie » 1993 ; « Verbi-voco-visuelle » ; « Gordon Mattaclark » 2005. |
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