La lutte contre la contrefaçon des marques au Maroc; quelle perspective?( Télécharger le fichier original )par Nabila BEN ALI Université sidi Mohammed Ben Abdellah - Fés- - diplôme d'études supérieures approffondies (DESA) 2008 |
Dédicace A mes parents, Ben Ali Omar et Abdel Moula Amina, ainsi que mes frères et soeurs, qui par leur amour et leur tendresse m'aident à construire mon avenir. A mon cher Thierry Prieur qui m'encourage d'aller plus loin. A tous mes collègues de l'UFR « droit de la concurrence et droit de la consommation » ; A tout ceux ou celles qui m'ont aidée à réaliser ce travail ; Veuillez trouver ici l'hommage et l'expression de ma vive reconnaissance.
Remerciements Je remercie vivement les personnes qui ont contribué de près ou de loin à l'élaboration de ce mémoire. Je remercie également les personnes qui me soutiennent et m'encouragent. En particulier : Mes Parents. Monsieur Fouad Maâlal pour ses conseils dans la construction de ce mémoire. Monsieur Touchgani Nour Idine pour sa gentillesse, ses conseils, et sa disponibilité afin d'aider les étudiants de l'UFR à progresser. Monsieur Tayb Khay Sidi pour le fait d'accepter d'être parmi le jury.
Mes Professeurs de DESA, pour leur disponibilité et leur implication dans les cours. Ils ont su me donner envie de progresser en tant que juriste et ont eu la patience indispensable avec les étudiants dont je fais partie. Tous les autres Professeurs qui m'ont aidé à affiner les connaissances théoriques acquises lors de ma formation. Abréviation : ADPIC : Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce. Aff. : Affaire. Al : Alinéa. Ann. Prop. Ind. : Annales de la propriété industrielle. Art : Article. Bull. Civ. : Bulletin civil. CA : Cour d'appel. C.A. Com : cour d'appel de commerce. Cass. : Cour de cassation. CJCE : La cour de la justice des communautés européennes. CUP : Convention de l'union de paris. CMC : Centre Marocain de Conjonctures. Dos : Dossier. DOC : Dahir des obligations et contrats. Ed. : Edition ou nom de l'éditeur (selon le contexte). JOMPIC : jurisprudences publiées par l'office marocain de la propriété industrielle. OMPIC : L'office marocain de la propriété industrielle. OPJ : Officier de police judiciaire. PEM : Petites et moyennes entreprises GTM : La gazette des tribunaux de Maroc. Rép. Com : Répertoire commerciale. RIPIA : Revue internationale de la propriété industrielle et artistique. Ss : Suivi d'une référence bibliographique : « voir sous... ». Trib. Civ. : Tribunal civil. Trib. Corr. : Tribunal correctionnel. TGI : Tribunal de grande instance. TPI : Tribunal de première instance. TVA : Taxe sur la valeur ajoutée. Introduction :Tous les jours, des articles ou des reportages sont consacrés à la mondialisation ou à la globalisation des échanges économiques. Tous les jours, des centaines d'entreprises dans le monde ouvrent un site Internet et se lancent dans le commerce. Chaque entreprise, chaque commerçant, se doit alors identifier ses produits ou services non seulement au Maroc, mais aussi à l'étranger. En effet, en règle générale sans identification, le produit ou le service ne pourrait pas se vendre et l'entreprise ou le commerçant n'existerait pas officiellement1(*). Cette fonction d'identification dans un contexte de concurrence mondiale accrue, porte non seulement sur le nom du produit, mais également sur sa forme, sa couleur, son conditionnement, son odeur. L'entreprise quant à elle doit être reconnue aisément par le consommateur tant en ce qui concerne son nom commercial, son enseigne, son nom de domaine, que son logotype. Ainsi, la marque est le seul outil, certains diront la seule arme, économique et juridique, susceptible de remplir cette fonction d'identification au niveau mondial. Selon le droit civil, la marque est un meuble avec toutes les conséquences que cela entraîne notamment pour les successions ou les régimes matrimoniaux. Il s'agit toutefois d'un meuble un peu particulier. Il constitue l'un des éléments incorporels du fonds de commerce auquel il est attaché. Il confère à son titulaire un monopole d'exploitation du signe déposé pendant 10 ans indéfiniment renouvelables. Il a vocation à la perpétuité. Ce monopole s'exerce sur tout le territoire national. Le droit sur la marque est en principe individuel. Il est la propriété d'une personne unique, personne physique ou personne morale. Bien entendu, les vicissitudes de la vie juridique peuvent créer des situations de copropriété d'usufruit ou d'indivision de marques. Actuellement, la marque ne peut pas être conçue seulement comme un instrument de protection du consommateur mais comme un moyen pour les industriels et les commerçants d'attirer et de retenir une clientèle. C'est donc sans conteste un instrument de concurrence. Cela explique en particulier que la marque ne soit pas obligatoire ; qu'un même produit puisse parfois être présenté sous des marques différentes correspondant à des circuits de distribution et à des clientèles distinctes. Dès lors, on peut dire que, puisque la marque permet la conquête de marché, elle s'expose le plus souvent à la contrefaçon. Ce dernier qui peut être défini en matière des marques, comme la reproduction, l'usage, l'apposition, ou l'imitation d'une marque, identique ou similaire à celle désignée dans l'enregistrement, sans l'autorisation du propriétaire ou du bénéficiaire du droit exclusif d'exploitation. Autrement dit, elle constitue toute atteinte portée aux droits du propriétaire de la marque de fabrique, de commerce ou de service. Dés lors, toute violation portée au monopole conféré par la marque constitue une contrefaçon2(*); Il s'agit notamment de toutes les interdictions prévues aux articles 154 et 155 de la loi relative à la protection de la propriété industrielle n°17-97. Autrefois associée au luxe, la contrefaçon des marques s'est répandue d'une manière spectaculaire au cours de ces dernières années au point de gangrener aujourd'hui tous les secteurs de l'économie. Véritable fléau, elle s'attaque aussi bien à l'économie marocaine, européenne que mondiale. Ayant un effet dévastateur, aucun secteur industriel n'est épargné par elle. Les principaux secteurs victimes de cette épidémie, hormis le secteur des produits de luxe, sont le textile, les produits alimentaires, les jouets, et l'industrie pharmaceutique3(*)... Ainsi dire, la contrefaçon des marques constitue un phénomène non seulement de dimension nationale, mais aussi internationale, qui par son ampleur sans cesse grandissante, constitue aujourd'hui plus qu'hier un véritable fléau. Aussi, il ressort de diverses études et rapports que, la contrefaçon a changé de visage au cours de ces dernières années. Elle est passée du stade de phénomène isolé n'intéressant que quelques particuliers mal organisés, produisant peu, à celui d'une organisation de plus en plus professionnelle et au mode de production quasi-industriel , pour ne pas dire industriel (4(*)). Malheureusement, le Maroc est devenu un des hauts lieux de la contrefaçon de marques dans le domaine de la mode, bien que le vol d'idées originales dans l'industrie de la mode, et des articles de luxe soit assez répondu. Il arrive que les services de douane démantèlent le trafic portant sur des fausses étiquettes de créateurs. "Une technique courante consiste à fabriquer des vêtements sans marque en un seul lot, produire les étiquettes sur place, et à les coudre à proximité du point de vente", est-il relevé (5(*)). Dans ce même courant, les statistiques de l'année 2005 ont montré qu'un nombre de 100.000 marques a été touchés par la contrefaçon (6(*)). Cela met l'économie nationale en danger, et rend nécessaire le fait de mettre en place des mesures concrètes en vue de juguler les méfaits de ce phénomène. Soulignant que le Maroc a mis en place une législation moderne à travers la promulgation de la loi 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle, entrée en vigueur le 18 décembre 2004, modifiée et complétée par le Dahir n°1-05-190 du 14 février 2006 portant promulgation de la loi n°13-05, afin de pouvoir renforcer la lutte contre la contrefaçon des marques, qui entraînera des pertes d'activités pour les entreprises, ainsi que des pertes économiques et fiscales pour l'Etat, des pertes d'emplois et aussi des risques pour les consommateurs. En effet, lors qu'on parle, des pertes importantes des activités pour les entreprises; il signifie que ces derniers subissent, ainsi, une perte de leur chiffre d'affaire, une diminution de leurs bénéfices et une perte de leurs parts de marché. Ces pertes sont notamment des pertes directes de ventes pour les secteurs dans lesquels les entreprises sont directement en concurrence avec les contrefacteurs. La contrefaçon des marques va également créer une barrière à l'exportation de ces marques puisque le marché est inondé voire même dominé par ces marques contrefaites. Actuellement les marques contrefaites ne sont plus uniquement de vulgaires imitations qui ne peuvent concurrencer les vrais marques des produits authentiques des entreprises, mais sont au contraire de qualité de plus en plus supérieure pour lesquelles il est parfois très délicat de différencier le vrai du faux. Dans ce cas, même les détaillants seront trompés et vendront des marques contrefaites sans avoir connaissance. La perte d'activité de l'entreprise sera, ainsi, d'autant plus affectée. Pour les autres imitations grossières des marques, le fabricant risquera de voir l'image de qualité et l'exclusivité de sa marque entachée ou du moins menacée. Or cette banalisation de la renommée et de l'originalité de la marque de produit est extrêmement préjudiciable pour l'entreprise. Les pertes d'activité des entreprises doivent alors être complétées par les pertes immatérielles. Un consommateur déçu par la qualité médiocre d'une marque contrefaite qu'il croyait vrai pourra incriminer le fabricant de la marque de produits authentiques. Cela nuira alors naturellement à l'image de marque de ce produit et se traduira à terme par une perte de ventes futures pour l'entreprise dans la mesure où un consommateur mécontent peut se détourner de la marque en conséquence, le préjudice morale subi par l'entreprise du fait de la détérioration de son image de marque auprès de ses clients se traduira à terme par un préjudice financier. En plus de nombreuses études relèvent des conséquences dommageables de la contrefaçon des marques pour l'Etat. Ainsi en va-t-il des pertes fiscales telles que la T.V.A, ou les droits de douane. Cette perte est tout à fait compréhensible puisque les produits s'écoulent généralement par des circuits clandestins échappant tout logiquement aux autorités publiques. Cependant, il faut signaler en outre que, la perte d'activité des entreprises a des incidences évidentes sur le volume d'emplois proposées par ces entreprises. La contrefaçon des marques, surtout des produits, présente aussi des risques avérés pour la santé et la sécurité des consommateurs qui se retrouvent victimes d'une tromperie sur la qualité qu'ils sont en droit d'attendre d'un produit revêtu d'une marque commerciale précise ou d'un label de qualité de produits vendus, Or la fabrication peut être réalisée à l'aide de produits de base de médiocre qualité, par une main d'oeuvre non qualifiée. La contrefaçon de produits tels que les médicaments ou bien des jouets, des appareils électroménagers ou des pièces détachées met en réel danger la santé ou la sécurité physique des consommateurs(7(*)). Malgré tous ces effets néfastes de la contrefaçon des marques sur l'économie et la société, il suffit de faire un tour aux différents principaux marchés existants au niveau national pour se demander quels efforts, et quels moyens de lutte réserve le Maroc pour éliminer ou même réduire le taux de développement de ce phénomène. Autrement dit, il suffit de faire un tour à Dérb Ghalef, Derb sultane, Bad Marrakech.... A Casablanca pour acheter des montres, des lunettes, ou des chaussures de grandes marques "Gucci, Armani, Dior, Lacoste, Channel...." Aux dixième de leur prix c'est-à-dire à des prix très loin vraiment de ceux de la luxueuse avenue Montaigne, à Paris, ou même encore des boutiques chics du Maârif et on constate que même les responsables achètent, ces marques contrefaites (8(*)). Ce-ci nous ramène à travers ce mémoire de chercher les mesures de lutte que consacre le Maroc pour lutter contre ce phénomène qui constitue la première préoccupation des pays du monde entier, notamment les plus développés. Pour cela on propose d'étudier dans une première partie les mécanismes de lutte consacrés par le Maroc en matière de contrefaçon des marques, dans une deuxième partie les procédures réservées en cette matière. 1ere Partie : Les mécanismes de lutte contre la contrefaçon des marques au Maroc. 2éme Partie : Les procédures de lutte contre la contrefaçon des marques au Maroc.
1Er partie : les mécanismes de lutte contre la contrefaçon des marques au Maroc. Si la marque n'est pas une garantie juridique de la qualité des produits qu'elle couvre, elle constitue cependant, dans l'esprit du consommateur, le garant d'une certaine qualité. Cette garantie psychologique de qualité a été longtemps liée à l'origine du produit. Au XIXe siècle et encore pendant une grande partie du XXe, la fonction d'identification de l'origine du produit par la marque constituait son principal mécanisme d'action dans l'esprit de la clientèle. Celle-ci connaissait par la marque, le fabricant du produit et en déduisait certaines conséquences quant à sa qualité. Cela demeure vrai dans certains cas mais mérite d'être nuancé. En effet, il arrive que la garantie de qualité, développée et confortée par la publicité, devienne autonome et se détache totalement de l'identification de l'origine. Les marques sont très souvent entre les mains de sociétés holdings qui en concèdent l'usage à leurs filiales, de sorte que le consommateur ne peut plus guère identifier l'origine du produit. L'évolution est encore plus nette en ce qui concerne les marques de distribution qui se bornent à traduire la caution du commerçant qui vend les produits, sans fournir aucune indication de leur origine. Pour garantir l'originalité des fonctions et rôles joués par les marques, le législateur a confectionné des mécanismes de lutte contre la contrefaçon des marques afin de se protéger contre les atteintes portées au droit du propriétaire de la marque. Ainsi, toute violation portée au monopole conféré par la marque constitue, selon la législation marocaine comme son homologue française, une contrefaçon ; il s'agit notamment de toutes les interdictions prévues aux articles 154 et 155 de la loi 17-97 (CH I). Ces violations ou atteintes qui donnent droit à leur victime de poursuivre les contrefacteurs par voies civiles ou pénales selon le choix de ce dernier afin de protéger sa marque des pratiques de contrefaçon (CH II). Chapitre I : Les mécanismes directs de lutte contre la contrefaçon des marques : mesures juridiques en faveur d'une protection efficace. Si la marque reste un outil d'identification du produit, la contrefaçon nuit à la fois au propriétaire de la marque et aux acheteurs de produits contrefaits. Autrement dit, les dommages de la contrefaçon sont subis, par les acheteurs des produits de la marque copiée ou imitée et, par contrecoup, par le propriétaire de la marque authentique. Ce qui a poussé le législateur marocain, à travers les mécanismes légales directs de lutte contre la contrefaçon des marques, a incriminé les atteintes à la marque --articles 154, 155, 201, 225, et 226 de la loi 17-97--. Pour plus de précision, on propose, ainsi, d'étudier les délits communs à toutes les marques(S I) ainsi que les délits de contrefaçon des marques collectives. Section I : l'incrimination de la contrefaçon : délit commun à toutes les marques. En se basant sur la bonne ou sur la mauvaise fois de l'auteur de la contrefaçon de marque on peut distinguer les délits de contrefaçon intentionnel (sous-section II) et non intentionnel9(*) (Sous-section I). L'intention à la contrefaçon se traduit par la volonté tendue du contrefacteur conscient et lucide animé par un but précis. Si l'intention est un élément constitutif de l'infraction, son absence ne supprime pas pour autant l'infraction.
Sous-section I : l'incrimination de délit matériel de la contrefaçon des marques. A l'inverse des règles générales de droit pénal exigeant deux éléments pour la commission de l'infraction, à part l'élément légale, à savoir ; l'élément matériel et l'élément moral ; le délit matériel de contrefaçon ne comporte qu'un seul élément c'est l'élément matériel. Peu importe la bonne fois ou l'intention de celui qui commet la contrefaçon. L'élément intentionnel n'est pas nécessaire à la commission de ce délit. Cela signifié que la loi n'exige que la commission du fait répréhensible.
La contrefaçon des marques qualifiée de délit non intentionnel ou de délit matériel peut comporter plusieurs formes d'atteinte parmi lesquelles on trouve : L'atteinte par reproduction, par usage, ou par apposition d'une marque d'autrui sans autorisation de son propriétaire sur un produit qui n'y a pas droit (A), par son imitation (B), ou enfin par suppression, ou par substitution du produit auquel elle est normalement affectée (C). Examinons brièvement ces différents actes de contrefaçon de la marque. A - reproduction, usage, ou apposition d'une marque sans l'autorisation de son propriétaire. La contrefaçon par reproduction constitue la reproduction à l identique ou au quasi identique de tout ou partie de la marque d'autrui. La contrefaçon par reproduction joue pour tous les produits ou services figurants au dépôt qu'ils soient exploités ou non10(*). A la différence de l'imitation, la reproduction de marque est une des plus courants actes de contrefaçon. Elle consiste dans l'exécution matérielle, dans la fabrication de marque elle-même « étiquettes, enveloppes, récipients, etc. », soit la fabrication du matériel servant à apposer la marque « poinçons, cachets, etc. ». Ce dernier qui est distinct aussi du délit d'usage qui implique, le plus souvent une contrefaçon antérieure, et la contrefaçon en constitue en quelque sorte le délit de base11(*). L'intérêt de distinguer, surtout le délit d'usage de celui de la reproduction, se révèle lorsque l'auteur de l'une ou de l'autre n'est pas la même personne, ainsi que pour la détermination de la prescription. « L'élément matériel du délit est constitué dès que la fabrication de la marque ou de l'objet servant à l'apposer est achevée et que leur utilisation est possible : il n'est pas nécessaire que l'utilisation ait en lieu, il suffit qu'elle soit possible. Mais encore faut-il que cette fabrication ait en lieu, il ne suffit pas qu'une commande ait reçu au moins un commencement d'exécution notamment par l'établissement d'échantillons »12(*). Ainsi il n'est pas nécessaire que la marque ait été apposée sur le produit. Sa fabrication effective suffit13(*). Le délit de contrefaçon par reproduction est alors indépendant de la question de bonne fois. Il implique au moins une imprudence de la part de leur auteur. Faut-il se demander, ainsi, si le risque de confusion est-il nécessaire à l'établissement de ce délit ? En principe, la contrefaçon existe en dehors de toute possibilité de confusion. Il n'y a pas à rechercher si le contrefacteur a ou non créé une confusion. Ce qui signifie que « si les éléments et caractéristiques sont reproduits, on n'en demande pas d'avantage, et peu importe les efforts faits par le contrefacteur pour différencier sur d'autres points sa marque de celle qui a été usurpée dans sa partie fondamentale »14(*). Cette règle a reçu une application constante en jurisprudence. Il a été jugé que : « le seul fait de déposer une marque contrefaisante constitue une atteinte permanente aux droits de propriété exclusive du titulaire de la marque d'origine »15(*). Ce qui fait que la propriété d'une marque est un droit absolu indépendant de toute possibilité de confusion. La contrefaction par reproduction peut être réalisée, comme on l'a déjà signalée, par la reproduction totale, ou par une reproduction complète « brutale ou à l'identique, ou servile »16(*). Celle-ci est punissable comme la reproduction totale. Elle l'est cependant à double condition: - Il faut d'abord que la partie reproduite soit caractéristique, c'est-à-dire qu'elle retienne à elle seule l'attention de la clientèle ; il ne saurait y avoir contrefaçon à reproduire un élément secondaire qui ne joue aucun rôle dans le pouvoir d'attraction de la marque. - Il faut en second lieu, que la partie reproduite soit protégeable, c'est-à-dire qu'elle soit susceptible de constituer à elle seule une marque valable ; il ne saurait y avoir contrefaçon à reproduire une partie de la marque qui est banale ou nécessaire, et qui n'aurait pas été susceptible de protection prise indépendamment17(*). Autrement dit, si la marque est constituée de plusieurs éléments dont l'un présente un caractère nécessaire, la reproduction de cet élément ne saurait constituer la reproduction partielle punissable comme la contrefaçon totale. « si plusieurs des mentions figurants sur une étiquette déposée comme marque de fabrique ont un caractère nécessaire en générale, elles ne peuvent devenir la propriété exclusive du dépositaire de la marque de fabrique par le seul fait de leur insertion sur cette étiquette ; et le fait par un autre fabricant du même produit d'avoir fait figurer ces mentions dans sa propre étiquette, ne suffit pas à justifier une action en dommages et intérêts de la part du 1èr fabricant pour confusion possible si, par ailleurs, les deux étiquettes se distinguent sensiblement par d'autres détails ou par leur aspect d'ensemble ».18(*) La reproduction peut être aussi quasi servile. Il en est ainsi par exemple lorsqu'on retranche une lettre ; exemple: la marque « lion » et « le lion »19(*) ou qu'on modifie la présentation d'un mot ; par exemple: les marques « NES » et « NESS »20(*) ou encore que l'on change une lettre « NORLATEX » et « NORMATEX»21(*). En ce qui concerne la contrefaçon par usage, il représente l'utilisation de la marque d'autrui, sans leur autorisation, dans la commercialisation d'un produit identique ou similaire. Selon l'article 225 al 2, le délit d'usage est retenu lorsque la marque d'autrui soit utilisée seule ou avec l'adjonction de mots tels que « formule, système, façon, recette, imitation, genre, méthode... », Ou toute autre indication similaire propre à tromper l'acheteur. Notons, ainsi, trois principes complémentaires dans la qualification de ce délit : - L'usage est entendu comme usage commercial et non comme usage à titre privé. - Le dépôt de la marque contrefaite, ou le refus de la radiation du dépôt de la marque contrefaite, est un acte d'usage.22(*) - L'exposition sans mise en vente, mais avec utilisation de la marque contrefaite, peut être aussi qualifiée d'acte d'usage.23(*) Autrement dit, le délit d'usage de la marque contrefaite représente « tout emploi commercial qui sépare la contrefaçon de base de la marque, du fait de la mise en vente du produit sur lequel elle est apposée »24(*). L'usage suppose alors un double élément matériel « il suppose l'existence d'une marque contrefaite, ensuite un usage ou tout emploi commercial de marque ». Ainsi lorsqu'on dit que ce délit d'usage suppose une contrefaçon préalable25(*) , cela signifie que peu importe que la contrefaçon ait été commise par un tiers indépendant de l'usage, puisque le délit d'usage et de contrefaçon sont directs l'un de l'autre. Une autre décision du tribunal civil de Casablanca a précisé que « la contrefaçon et l'usage d'une marque contrefaite constituent deux délits distincts, de sorte que l'auteur du second, s'il n'est pas en même temps l'auteur du premier, peut être poursuivi sans que le contrefacteur lui-même, demeuré à l'étranger, ait besoin d'être mis en cause »26(*). Dés lors, même si la contrefaçon a été commise à l'étranger, l'usager peut être néanmoins poursuivi quel qu'en soit le mode et quelle qu'en soit la manière de ce fait d'usage. La contrefaçon par usage peut revêtir les formes les plus diverses. La jurisprudence interprète très largement la notion d'usage. Elle fait entrer sous cette qualification tout acte de concurrence effectué à l'aide d'une marque reproduisant ou imitant celle d'un tiers27(*). L'acte d'usage se place à un moment quelconque entre la fabrication et la vente du produit. La marque déposée pourrait être utilisée par un tiers comme enseigne, nom commercial, ou dénomination sociale sur des papiers de commerce, ou même pour couvrir des produits authentiques. L'usage oral de la marque contrefaite, comme l'annonce et les documents publicitaires tarifs, la proposition de vente ou de devis : tous ces usages sont punissables28(*).
Enfin, lorsqu'on parle de contrefaçon par apposition d'une marque d'autrui, on trouve qu'elle représente une forme de délit d'usage qui consiste à se servir d'une marque authentique pour désigner et accompagner des produits qui n'y ont pas droit. Selon M. Saint-Gal, le délit d'apposition frauduleuse de marque sans autorisation de son titulaire « est constituée par l'utilisation à des fins commerciales de la marque d'autrui pour désigner des articles différents de ceux auxquels la destinait son titulaire »29(*).
En pratique l'apposition est réalisée le plus souvent par l'utilisation d'enveloppes, sachets, ou récipients quelconques, sur lesquels est inscrite la marque authentique. B- La contrefaçon par imitation :La contrefaçon par imitation suppose que l'agent choisisse un signe proche d'une marque protégée pour identifier des produits identiques ou similaires à celle-ci de telle sorte qu'il en résulte un risque de confusion du public. Elle implique de ce fait, la réunion d'un élément objectif « la ressemblance entre les signes » et d'un élément subjectif « le risque de confusion dans l'esprit du public ». L'un (le risque de confusion) étant la conséquence de l'autre (la ressemblance entres les signes). L'imitation de la marque d'autrui consiste, donc à rappeler la marque d'autrui, d'une manière à tromper le public en créant une certaine confusion entre les produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque imitée1(*). Autrement dit, l'imitation de la marque est un art délicat tant dans ses techniques de réalisation que dans son analyse lors d'un litige : emprunter des éléments de la marque d'un concurrent sans pour autant les reproduire exactement, dont l'objectif est s'en rapprocher au point de créer une confusion avec la marque imitée. Ce délit s'applique aussi bien à des produits et services identiques que similaires, à ceux qui sont désignés dans l'enregistrement. L'imitation à la différence de la reproduction, peut être réalisée non seulement par analogie mais aussi par contraste. Parfois, il est difficile de déterminer s'il y a une reproduction ou une imitation. Certaines décisions évitent de trancher et disent qu'il y a « contrefaçon ou imitation »30(*). Il faut ajouter que l'élément intentionnel représenté essentiellement par la mauvaise foi, n'est pas exigé pour conclure à l'imitation d'une marque par un autre signe second en date. L'imitation de marque ne consiste pas en une reproduction totale ou partielle de la marque. Elle suppose toujours un risque de confusion entre celle-ci et une autre marque déposée par un concurrent ; même si le risque de confusion par combinaison de lettres différentes dans les sigles est faible.31(*) Pour chercher s'il y a imitation, il importe non pas d'envisager seulement les différences présentées par les marques en cause, mais de chercher surtout si l'ensemble de caractéristiques de la marque incriminée est de nature à créer une confusion. Ainsi la cour de Rabat 18 Mars 1952 estime que la ressemblance phonétique entre les mots « Net » et « O'net » et leur similitude orthographique sont susceptibles de provoquer une confusion de nature à tromper l'acheteur.32(*) Aussi un jugement de la cour d'appel commerciale de Casablanca en 2002 à considéré que « l'inscription de la marque « EQUEFRESCH » fait par la défenderesse en changeant la lettre « A » par le lettre « E » est susceptible de créer une confusion dans l'esprit des particuliers et induire les consommateurs en erreur sur l'origine de produits et la personne du fabriquant surtout que l'imitation porte le même produit situé dans la même classe ».33(*)
Les juges du fond caractérisent suffisamment cette possibilité de confusion entre deux marques « lorsqu'ils relèvent que les consommateurs, trompés par un élément reproduit, ont pu croire que les produits vendus ont été fabriqués par le titulaire de la marque originale ou par une personne ayant des intérêts communs avec lui, et voyant dans ce fait une garantie de bonne qualité, et ont acheté ses produits au lieu d'acheter ceux du propriétaire de la marque » 34(*).
Il suffit d'ailleurs que cette possibilité de confusion existe même de façon exceptionnelle. La cour de cassation statuant sur pourvoie de l'arrêt de la cour de Rabat du 06 Avril 1954 - « Javel la Croix »- est très nette sur ce point : « Les juges du fond n'ont pas nié toute possibilité de confusion en énonçant qu'en raison des différences certaines, notamment en ce qui concerne les formes de choix et les attributs figurants sur les étiquettes respectives, il est manifesté que la confusion possible n'a pu se produire que tout à fait exceptionnellement et en déduisant de cette constatation qu'il y avait lieu de limiter les dommages et intérêts... ».35(*) A défaut de confusion dans l'esprit du public, le délit n'existe pas. Dés lors, si toute personne a le droit d'interdire la reproduction de ses traits pour servir de marque de fabrique, encore faut-il que la similitude soit assez nette pour entraîner une confusion36(*). Dés lors, pour juger si la confusion est possible, il faut se tenir compte du degré d'attention accordé à l'acheteur. La doctrine et la jurisprudence sont unanimes pour reconnaître qu'il faut prendre pour terme de comparaison l'acheteur d'attention moyenne. Par acheteur, il faut bien comprendre le consommateur et non le grossiste et même le détaillant qui sont, en leur matière, des spécialistes expérimentés et de ce fait, se trompent plus difficilement. L'appréciation doit, dés lors, se faire en fonction de la confusion, l'erreur ou la tromperie dont pourrait être victime le consommateur, ou l'acheteur ordinaire. Ainsi il y a imitation lorsque des dissemblances minimes échappent à un oeil non exécré, et que, au contraire, les ressemblances sont telles qu'elles sont susceptibles de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle.37(*) Il y a aussi imitation lorsque l'analogie entre deux mots couvrant deux marques est telle que « l'emploi du second peut entraîner une confusion dans l'esprit du consommateur profane et lui faire croire qu'il consomme un produit de même fabrication que celui désigné par le premier »38(*). * 1 -A. Berthet, protéger ses marque en France et à l'étranger, Ed Lamy / les Echos 2000, Paris, P. 3 et ss. * 2 - C. Guthmann << lutte contre la contrefaçon de brevets et de marques - actions à entreprendre->>, fasc.692, Ed. jurisclasseur d'affaires, juillet 2003. * 3- Article sur les droits de propriété intellectuelle du 17 Avril 2007 www.euractive.com, in sanctions pénales de contrefaçon : état des lieux et perspectives d'avenir, A. Terranova, Mém. Univ. Schuman. Strasbourg, 2006-2007, p. 5. * 4 - A. Terranova : << La sanction pénale de la contrefaçon : état des lieux perspectives d'avenir>>, Op. Cit , P. 7. * 5 - B. Fennassi , « Le grand piège de la contrefaçon », Aujourd'hui le Maroc, 28-12-2004. * 6 -Lutte contre la contrefaçon : Rabat et Paris la contre-offensive, http://www.rabat.ma/index.php/content/view/112/, le 28/12/2007, 14h30. * 7 - A titre d'exemple des effets néfaste de la contrefaçon sur la santé et la sécurité des consommateurs on citera des rapports ayant officialisé la mort de 192.000 chinois en 2005 à cause de médicaments contrefaisants : rapport de transparaître ; in, mémoire de master : la sanction pénale de la contrefaçon : état des lieux et perspectives d'avenir, op cit p. 6 * 8 -M. Hachimi, Enquête dans les circuits de la contrefaçon au Maroc. www.lereporter.ma/article.php.3?id_article=78 , 1 Janv. 2008. * 9 « Les délits sont en principe des infractions intentionnelles sauf dans deux cas : délit d'imprudence et délit dit matériel », M. Goudou, droit pénal général, cour. Année. Univ.1982-1983. * 10- A. Chavanne & C. Salomon « marques de fabrique, de commerce ou service », Rép .Com .Dalloz, mars 1997, pg.529 et ss. * 11 - A. Chavanne & C .Salomon, « marques de fabrique, de commerce, ou de service », ibid, Rép .Com .Dalloz, mars 1997. * 12 - R. Palaisant : J.C.I. Marque, Fasc. n°8 ; in, la protection de la marque au Maghreb « contribution à l'étude de la propriété industrielle en Algérie, en Tunisie et au Maroc » Ed, C.S.J.A, P. 158. * 13- Dijon, 30 Avril 1963, RTD.com 1964, 552. * 14 - Roubier, in la protection de la marque au Maghreb, M. Ali Haroun. P : 159. * 15- Rabat, 8 nov. 1950, Aff. Rerronod et Touboul C /CinZANO, Ann. Propr. Ind. 1951, P : 16. * 16 C.A.com, Casablanca, arrêt N°4, T. Com. Casablanca, Arrêt N°4154/02, du 04/04/02, Doss, N° 6474/2001 à jugé que « (...) la marque S.I.M. ne constituait qu'une reproduction brutale du dessin d'origine de la marque S.I.M, propriété de la demanderesse(...) », CD. JOMPIC. * 17 M. Haroun. Op cit, P : 162 * 18 - T. Civ. Casablanca, 20 oct. 1932-annales 1938, P : 154, Aff. Bernadin C/ Vinaigrerie Des veaux -G, T.M, 1933, P : 64. * 19 - CA. De Fès, arrêt N° 603 de 28/05/2002, dossier N° 257/02, Aff. marque lion C/ Marque le lion, CD J.O.M.P.I.C, société nistly C/ société conserver Mekens, ibid. * 20 - C.A. Rabat Arrêt, du 05/12/2000, Dos N° 1359/99/4, Aff. société Nestlé C/Mr N° 1510 chawi mohamed, Dyousi, CD. Jurisp. L'OMPIC. * 21 - CA. Com de Casablanca, arrêt n° 2533/2003, Le 22/07/2003, Dos. n°91/2002/14, Aff. « NORLATEX » objet du dépôt national n°34846 du 03/05/84 C/ « NORMATEX » objet du dépôt national numéro 72375 du 07/02/00. Cd. JOMPIC. * 22 - trib. Seine 26 Mars 1953, Ann. prop. Ind. 1953, 257, cass. Com.15 juin 1957, Ibid.1959, 118 notes P.Mathély. * 23 - Trib. Corr Bordeaux 5 Févr.1886, Ann. prop, ind.1887, 258, CA Paris 5 juin 1971, PIBD 1971, III 328, in Rép.com.1997. * 24 - A. Laborde : traité des marques de fabrique et de commerce, Ed 1914, N° 172. * 25 - trib. Civ. Casablanca, 16 fève 1939, Annales 1938, P : 292. * 26 - 23 Mai 1935 - Annales 1936, p : 311. * 27 - A. Chavanne & C. Salomon « marques de fabrique, de commerce ou service », Rép. Com .Dalloz, mars 1997, pg. 617 et ss * 28 - M-A. Haroun, op. cit, p.175 * 29- Saint-Gal, in « la protection de la marque au Maghreb » Op. Cit. p : 221. * 1 -dictionnaire, permanent : droit des affaire, mise jour 171, 1ere, Avril 2004, fasc. des marques. * 30 - C.A. Com. Casablanca, Arrêt n° 7287/01, Dos n° 5544/99, Le 24/07/2001, CD, Juris. L'O.M.P.I.C. * 31 - C.A. Paris, 4è Ch. A, 2 Mai 2001, N° 2000/16082, Sté Union de banques à Paris C/Directeur de l'INPI : PIBD, 2001, N° 724, III ; 374. * 32 - Rabat, 18 Mars 1952, RIPIA, 1959, P : 30. * 33- C.A.com, Casablanca, Arrêt N° 10546/02, 14/10/02, dos N° 4348/2002, aff, opposant la marque « AQUAFRESH » C/la marque « EQUEFRESH », CD, JOMPIC. * 34 - Cass. Ch. civ. juin 1957 statuant sur pourvoi contre un arrêt de la cour d'appel de Rabat du 08 Novembre 1950, Sté Perr en Od/C/Sté CINZANO - Annales 1959, P : 118. * 35 - Rabat, 06 Avril 1954, Annales 1960, P : 120. * 36 - Rabat, 23 Janvier 1957, G.T.M 25 décembre 1957, 146 confirmant un jugement de Casablanca entre in parties. * 37 - TPI. De Meknés, 25 Mars 1953, RIPIA, 1957, P. 30. * 38- TPI. Rabat, 27 Janv. 1954, Annales. 1954, P. 272. |
|