Les usagers de la drogue et la justice pénale au Sénégal( Télécharger le fichier original )par Magna Brice SYLVA Université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal - maitrise en droit de l'entreprise 2006 |
PARA II : LA REALITE DE L'IMPACT DE CES THEORIES SUR L'EVOLUTION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES TOXICOMANESQuand on parle à ce niveau de l'évolution du traitement judiciaire des toxicomanes et de l'influence qu'elle subit de la part des mouvements de politiques criminelles c`est surtout par rapport à la nouvelle approche que prône ces mouvements telle que illustré plus haut. En effet l'infraction ne devrait plus être considérée comme une notion de pur droit mais comme un phénomène social et humain dont on doit développer une nouvelle approche. Ainsi considéré y aura de la part des juges répressifs une approche beaucoup plus compréhensive à l'égard du toxicomane. Et cette nouvelle approche joue aussi sur la sanction prévue à son égard. Si l'on se réfère aux idées défendues par la défense sociale, il faut souligner que son influence sur le plan pratique repose sur le triptyque suivant qui là caractérise : les droits de l'homme, la responsabilité et la peine, cette peine que continue à incarner symboliquement la sanction pénale qu'est la peine de prison ? Sur les droits de l'homme : « on sait que le mouvement moderne d la politique criminelle de la défense sociale est né d'une réaffirmation des droits de l'homme, de la dignité de l'être humain et de sa protection effective dans la communauté sociale. On sait aussi qu'il est à la fois la résultante du courant libertaire et humanitaire de 1789 et de la tradition chrétienne dans sa vocation humaniste. C'est dire qu'il réintroduit, ou tout du moins qu'il maintient, dans le domaine de la politique criminelle, ces valeurs morales et même spirituelles que le positivisme avait tendance, sinon tout à fait à rejeter ou à méconnaître, tout au moins à négliger »43(*). Il faut rappeler l'influence du personnalisme sur la pensée d'Ancel. Sur la responsabilité, « pour le mouvement de la défense sociale, la responsabilité consiste dans le sentiment interne de responsabilité que possède normalement tout être humain et même l'auteur d'un délit. C'est donc ici un élément psychologique sur lequel il devient alors possible de fonder une réaction anticriminelle de récupération sociale et on a pu dire en ce sens que la défense sociale était à beaucoup d'égard une pédagogie de la liberté ». Sur la peine de prison : « la privation de liberté ne doit plus être que l'ultima ratio de la réaction anticriminelle lorsque aucun autre moyen ou procédé de réaction ne peut être employé (...) C'est là une transformation considérable et même une mutation complète du système pénal actuellement en vigueur, si l'on songe au nombre de peine de prison y compris les autres peines qui sont prononcées journellement, de façon souvent indiscriminé et presque mécanique, dans la routine des tribunaux correctionnels(...) L'un des principaux problèmes de la politique criminelle d'aujourd'hui est, sauf les exceptions inévitables, de se débarrasser de la prison. Mais aussitôt un nouveau problème se pose, qui ne laisse pas d'être quelque peu angoissant : par quoi la remplacer ? ». Ce triptyque du mouvement de la défense sociale montre la réalité de l'impact de la politique criminelle sur l'usager de drogue simple toxicomane. De nos jours si l'on considère le traitement judiciaire de ce dernier, on constate une nette évolution allant dans le sens d'un allègement. Cet allégement est cependant soutenu par la nouvelle approche développée par la juridiction répressive à l'égard du simple usager de la drogue. Cette approche à cependant subit une forte influence des idées défendues par les nouvelles théories de politique criminelle. C'est pourquoi on assiste aujourd'hui à une reconfiguration complète de la plupart des traitements judiciaires sur les toxicomanes dans nos systèmes répressifs actuels. Le Sénégal comme la plupart des Etats du monde n'y échappe pas et présente aujourd'hui une politique criminelle qui manifeste l'évolution du traitement judiciaire au Sénégal. TITRE II : LES MANIFESTATIONS DE L'EVOLUTION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES TOXICOMANES AU SENEGAL A partir des premières années de l'accession à la souveraineté nationale, une évolution multiforme devait aboutir quatre décennies plus tard à l'institution d'un code des drogues constituant le cadre législatif en matière de lutte contre l'abus et le trafic illicite des drogues. L'avènement du nouveau code des drogues marque un tournant décisif dans l'évolution du traitement judiciaire des toxicomanes au Sénégal. En effet il convient de souligner que la nouvelle législation présente un aspect innovateur par rapport à l'ancienne législation. Cette dernière, dans l'ensemble, est plus répressive que la nouvelle. Elle démontre plus de panoplies d'instruments répressifs contrairement au code des drogues qui se révèle nettement plus souple. Cette souplesse de la nouvelle législation s'entend cependant par un réaménagement des peines à l'égard de l'usager de drogues simple toxicomane et par la prévision de nouvelles mesures alternatives de traitement des toxicomanes. * 43 Rapporté par Christine Lazerges dans : L'actualité de la pensée de Marc Ancel, chronique de politique criminelle, Revue de droit criminelle |
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