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Les usagers de la drogue et la justice pénale au Sénégal

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par Magna Brice SYLVA
Université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal - maitrise en droit de l'entreprise 2006
  

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    SOMMAIRE

    INTRODUCTION GENERALE

    TITRE I : LES FONDEMENTS DE L'EVOLUTION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES USAGERS DE LA DROGUE AU SENEGAL

    CHAPITRE I : D'UN TRAITEMENT REPRESSIF A L'EFFICACITE MITIGEE ...

    SECTION I : LE TRAITEMENT REPRESSIF, PREMIERE REACTION DE LA JUSTICE PENALE SENEGALAISE

    SECTION II : LA NECESSITE D'ALLEGER LE TRAITEMENT

    CHAPITRE II : ... VERS UN TRAITEMENT ALLEGE.

    SECTION I : LA NOUVELLE APPROCHE PENALE DE L'USAGER DE LA DROGUE

    SECTION II : L'INFLUENCE DES NOUVELLES THEORIES DE POLITIQUES CRIMINELLES

    TITRE II : LES MANIFESTATIONS DE L'EVOLUTION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES TOXICOMANES AU SENEGAL

    CHAPITRE I : LES MANIFESTATIONS AU NIVEAU DES PEINES

    SECTION I : LA SOUPLESSE DE LA LOI QUANT A LA SANCTION DU TOXICOMANE

    SECTION II : LE DURCISSEMENT DE LA LOI FACE A TOUT COMPORTEMENT FAVORISANT UN USAGE PERSONNEL DE DROGUES

    CHAPITRE II : LA PREVISION DE NOUVELLES MESURES ALTERNATIVES DE TRAITEMENT DES TOXICOMANES

    SECTION I : L'INTRONISATION DE L'ASPECT THERAPEUTIQUE DANS LE TRAITEMENT JUDICIAIRE DU TOXICOMANE

    SECTION II : LA DIFFICULTE D'APPLICATION DES MESURES ALTERNATIVES

    CONCLUSION

    INTRODUCTION GENERALE

    La crise économique et sociale a accentué le processus de paupérisation des populations les plus démunies et les a coupées des circuits leur permettant d'accéder aux ressources. L'absence de soutien et d'appui des pouvoirs publics ; la rupture des liens sociaux et le processus d'individualisation dans les villes ; ont entraîné l'exclusion et la marginalisation des couches sociales les plus vulnérables. Cette vulnérabilité s'est manifestée par le développement du phénomène de la déviance notamment la prostitution et la drogue et leur cortège de violences. Les jeunes et les femmes sont les plus affectés par ces fléaux 1(*).Cette montée de la délinquance s'explique en partie, par le relâchement des moeurs, de la crise de l'autorité parentale, de l'absence de repères pour les jeunes.

    La consommation abusive de la drogue plonge chaque année des milliers de jeunes dans la déchéance physique et mentale .Malgré les données disponibles, il semble difficile d'évaluer l'ampleur de la drogue au Sénégal, pour plusieurs raisons : « les saisies de drogue prête à la consommation et à l'écoulement sont en deçà de la réalité telle qu'elle est décrite par les autorités et les différents acteurs intervenants. Il en est de même des drogues détruites ou incinérées. Par ailleurs, les statistiques disponibles au niveau de l'hôpital psychiatrique de Thiaroye et de la clinique psychiatrique de Fann sont en déphasage par rapport au nombre réel de toxicomanes »2(*) .Il s'y ajoute qu'une grande partie des usagers de la drogue ne fréquente pas les structures de prise en charge et ne sont donc pas comptabilisés.

    Dans un contexte de crise, la drogue présente des enjeux politiques, économiques et sociaux3(*) .Elle permet, en effet, de financer les conflits armés, le trafic d'armes et le blanchiment de capitaux .La drogue constitue un facteur d'instabilité sociale et politiques entraînant la violence et se traduisant souvent par une déstabilisation des Etats et une perversion des circuits économiques. A titre d'exemple, au Sénégal, le trafic de la drogue alimente et développe la rébellion casamançaise dans le sud du pays 4(*).Elle constitue par ailleurs une source de revenu importante pour des populations démunies dans les contextes africains fortement marqués par la pauvreté et le sous développement.

    En outre, la perméabilité des frontières ont favorisé un développement important du trafic de drogue à l'échelle de la sous région Ouest Africaine .La signature des accords de la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) qui consacre la libre circulation des biens et des personnes a conduit les gros trafiquants à explorer le marché de la sous région ouest africaine.5(*)

    Sur le plan individuel, la consommation abusive de la drogue a des effets néfastes sur la santé physique et mentale des usagers .Cette situation est d'autant plus grave qu'elle touche la catégorie sociale la plus jeune en raison de la baisse de l'age des toxicomanes6(*) .Les jeunes et les adolescents usant de la drogue sont souvent confrontés au chômage, au sous emploi et à la précarité de leurs conditions et celles de leur parents7(*).

    Par ailleurs les facteurs liés à la mondialisation que sont le développement des sciences, de la technologie, des moyens de transport ont entraîné une mobilité plus rapide des hommes et des capitaux, le développement des moyens de communication. Cette situation est aggravée par l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) qui a provoqué de profondes mutations dont les effets néfastes se font sentir dans la société civile et surtout en matière de sécurité pour le développement, sous les formes variées et complexes d'une délinquance et d'une criminalité de plus en plus astucieuse et violente. Parmi les modes de manifestations concrètes de la déviance sociale, on peut noter entre autre le trafic des stupéfiants qui élargit le marché de consommation locale et le nombre croissant d'usagers de drogue au Sénégal.

    Cette amplification du phénomène de la drogue a alerté plus d'un pays et c'est la communauté internationale dans son ensemble qui s'est levée pour faire face à ce fléau des temps modernes. C'est ainsi que depuis les années 1920, la communauté internationale à adopté des systèmes prohibant un grand nombre de substances psychoactives, comprenant l'héroïne, la cocaïne et le cannabis. Le cadre actuel de ce système de contrôle des drogues est déterminé par un ensemble de trois conventions élaborées par les nations unies :

    - La convention unique sur les stupéfiants de 1961

    - La convention sur les substances psychotropes de 1971

    - La convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988.

    Ces conventions limitent les usages de substances psychoactives et de stupéfiants à des fins médicales et scientifiques et demandent aux Etats membres de prohiber la production et la distribution pour tous les autres usages de ces substances.

    Les conventions ont été signées et ratifiées par la plupart des Etats membres de l'Organisation des Nations Unies (ONU), résultat d'un travail diplomatique remarquable. Elles indiquent le haut niveau d'un consensus international sur un problème politique complexe qui frappe de manière différente des sociétés diverses .Il y a une reconnaissance pratiquement universelle de la gravité du « problème drogues » et une reconnaissance partagée que ce problème a indéniablement une dimension mondiale.8(*)C'est pourquoi, la communauté internationale, pour enrayer ce phénomène transnational, fait appelle à une réponse transnationale même si des différences substantielles existent entre les Etats quant aux contenus et trajectoires de cette politique.9(*)Ces différences ont contribué à rendre les échanges diplomatiques entre Nations Unies et ses Etats membres plus pointus -et à créer quelques débats intéressants entre pays- mais elles n'ont pas encore conduit à une sérieuse révision des politiques existantes dans un cadre international officiel. Même si, au niveau de la politique internationale, l'accent a récemment été mis sur la réduction de la demande (traitement et prévention), il n'en reste pas moins vrai que : cette politique reste dominée par la répression (nationale et internationale) dans son but d'éliminer - ou au moins de diminuer substantiellement - l'usage et la disponibilité des substances psychoactives illicites.

    Face a cette situation décrite précédemment, le Sénégal qui est un Etat souverain membre de l'ONU et signataire des conventions précitées a mis en place une politique nationale de lutte contre la drogue qui s'est traduite par la création d'un Comité Interministériel de lutte contre la drogue (CILD)10(*)qui remplace en 199711(*) la Commission Nationale des Stupéfiants instituée depuis 1965 par le décret n° 65-441 du 25 juin 1965 abrogé et remplacé par le décret n° 87-415 du 3 avril 1987 portant création d'une Commission Nationale des Stupéfiants12(*) ,d'un Office Centrale de Répression du Trafic Illicite des Stupéfiants (OCRTIS)13(*) et par l'élaboration d'un nouveau texte avec la loi n° 97-18 du 1er décembre 1997 portant Code des drogues du Sénégal, publiée au Journal Officiel du Sénégal (JOS) n° 5777 du 20 décembre 1997.Ce nouveau texte de loi se fonde sur les trois conventions des Nations Unies sur les stupéfiants et les substances psychotropes ,auxquelles le Sénégal est partie,et il permet entre autre de répondre de manière appropriée aux problèmes de la toxicomanie. Néanmoins il faudra rappeler que ce texte nouveau abroge et remplace toutes les dispositions législatives antérieures notamment : la loi n° 72-24 du 19 avril 1972 relative à la répression des infractions en matière de stupéfiants modifiée par :

    - La loi n° 73-33 du 3 juin 1973 ;

    - La loi n° 75-81 du 9 juillet 1975 ;

    - La loi n° 77-109 du 26 décembre 1977 ;

    - La loi n° 87-12 du 24 février 1987.14(*)

    Il serait pourtant intéressant de rappeler qu'au lendemain de l'indépendance le Sénégal a surtout mis l'accent sur la répression de l'usage de stupéfiant contrairement à l'administration coloniale qui dans sa réglementation avait pris l'alcool comme cible15(*). La politique criminelle Sénégalaise venait ainsi renforcer le dispositif élaboré pendant la colonisation16(*).Depuis, plusieurs lois et décrets sont venus préciser le dispositif. En 1987, le gouvernement a renforcé la réglementation relative à la répression de l'usage des stupéfiants, en aggravant les pénalités pour les trafiquants et en incriminant la consommation de la drogue assortie de peines sévères d'emprisonnement et d'amende. Mais, depuis lors, la politique criminelle Sénégalaise en matière de stupéfiant, a connu une évolution qui à amener à l'adoption d'un nouveau texte, et qui se traduit dans la pratique par une nouvelle attitude de la justice pénale Sénégalaise à l'égard de l'usager de la drogue. Et c'est ce qui donne, toute sa pertinence à ce thème soumis à notre réflexion à savoir : les usagers de la drogue et la justice pénale au Sénégal.

    La compréhension de ce thème passe cependant par une maîtrise des termes qui le compose. Ainsi selon le petit Larousse français, la drogue est considérée comme un stupéfiant qui se définit comme toute substance toxique agissant sur le système nerveux, soit comme narcotique, soit comme euphorisant et dont l'usage abusif provoque des perturbations graves, physiques et mentales. Le lexique des termes juridiques pour sa part ne donne pas une définition juridique de la drogue. Il assimile cette dernière à un stupéfiant quand il définit le trafic et usage de stupéfiants comme étant une infraction résultant de différentes activités relatives à des substances ou plantes classées comme stupéfiants et plus communément nommées « drogue ». Il faudra sans doute souligner que ce classement n'a pas été fait au hasard et qu'il répond aux exigences d'une coopération internationale sur la question se traduisant par l'incorporation de ce classement dans la législation interne .C'est ainsi que la loi Sénégalaise reconnaît comme drogue : « toutes les plantes et substances classées comme stupéfiants ou substances psychotropes par les conventions internationales de 1961,1971 et 1988,ou en application desdites conventions, leurs préparation et toutes autres plantes et substances dangereuses pour la santé ,en raison des effets nocifs résultant de leur abus ...inscrite à l'un des tableaux suivants :

    - Tableau I : Plantes et substances à haut risque et dépourvues d'intérêts en médecine humaine et vétérinaire ;

    - Tableau II : Plantes et substances à risque présentant un intérêt en médecine humaine et vétérinaire ;

    - Tableau III : Plantes et substances ayant un intérêt en médecine humaine et vétérinaire ... »17(*)

    Les utilisateurs de ces produits classés sont appelés des usagers. Nous pouvons donc considérer les usagers de la drogue comme étant des toxicomanes que la loi désigne comme toute personne se trouvant dans un état de dépendance physique ou psychique à l'égard d'une drogue placée sous contrôle sur le territoire national18(*). La prohibition de cet état de fait amène la justice pénale Sénégalaise qui se compose de l'ensemble des juridictions pénales à prendre en charge de manière effective l'application de la politique pénale mise en place pour enrailler phénomène.

    Mais il faut toutefois remarquer que la loi pénale n'interdit pas l'usage de drogues ayant une utilité en médecine humaine et vétérinaire, si toutefois leur usage se fait dans le cadre strict de la réglementation en vigueur. La justice pénale dans le contexte qui sied à notre situation, s'intéresse plutôt aux personnes qui font usage de drogue n'ayant aucune utilité en médecine humaine et vétérinaire. Parmi ces derniers nous pouvons distinguer l'usager simple consommateur de drogue de l'usager trafiquant. La justice pénale à l'égard du trafiquant développe une politique répressive assez sévère du fait de la condamnation du trafic illicite de stupéfiants par la communauté internationale19(*). En effet l'atténuation des effets ravageurs de la drogue à travers le monde passe par une lutte accrue contre son émancipation, or le trafiquant demeure un élément de diffusion de la drogue du fait que le trafic illicite dépasse aujourd'hui les frontières souveraines de nos Etats et s'internationalise. C'est pourquoi la répression reste très sévère à l'égard du trafiquant, tandis que pour l'usager simple consommateur, la justice pénale passe d'une répression sévère à un allégement de celle-ci en conformité avec la nouvelle législation évolutive. Et c'est ce caractère évolutif du traitement judiciaire de l'usager de la drogue « toxicomane » qui va nous intéresser dans le cadre de cette étude et qui fera l'objet de notre analyse.

    Cette étude garde cependant toute son importance et sa pertinence du fait des implications liées au phénomène de la drogue. Il faut se dire que si les politiques pénales s'intéressent activement à l'usage de la drogue, c'est que cet usage emporte des conséquences sur le plan pratique aussi bien au niveau de l'ordre public que de la santé publique20(*).

    L'usage de la drogue peut constituer un facteur de trouble à l'ordre public du fait de l'impact de l'abus de drogue sur la criminalité et la violence. Il existe un lien tangible entre criminalité, violence et ingestion de drogue, en ce sens que certains toxicomanes recourent à la violence pour financer leur accoutumance, ce qui les oblige à se livrer à des vols et des séries d'agressions sur leur entourage. Ainsi la consommation de drogue peut pousser le toxicomane qui est sous l'emprise d'une drogue ou même qui, seulement pour se procurer la substance pour assurer sa dose journalière, est amener à commettre des infractions. Et cela participe à une accentuation de la criminalité dans le pays. Il faut aussi signaler que l'usage de la drogue peut être une cause de délinquance, de dommages causés aux enfants et à leurs familles, d'échecs scolaires. Par ailleurs, si l'on se réfère à la géopolitique en ce qui concerne les conflits locaux, on découvre que la drogue a été et continue d'être une monnaie d'échange utilisée, non seulement par les mouvements insurrectionnels ou les groupes terroristes, mais aussi par les Etats et leurs services spéciaux pour financer les armes et les hommes des actions clandestines et des conflits régionaux21(*). Et le tout participe à maintenir un état de trouble à l`ordre public permanent.

    Pour ce qui concerne la santé publique, l'usage de stupéfiants peut se manifester comme étant une cause de mortalité, de maladie mentale et physique du fait des pathologies qui en découle comme la dépendance, la psychose, l'overdose et le Sida.

    Justement sur la question, il convient pour nous de relever la connexité existante entre la pandémie du sida et l'usage de la drogue. Effet la voie sexuelle est de loin la plus répandue dans la transmission du sida en Afrique. Les injections, de quelque sorte qu'elles soient, constituent un moyen aussi répandu que les relations sexuelles pour transmettre le VIH. Il peut s'agir d'individus qui s'injectent des drogues, comme cela existe dans les pays du nord ou plus de la moitié des cas de sida sont dus à la consommation de drogues injectables dont l'application serait répandue en Afrique. Un grand nombre de ces injections serait dangereux surtout dans les pays en voie de développement où existe une pratique particulièrement inquiétante qui est la réutilisation et le partage des seringues. La consommation de drogues injectables est donc un facteur de risque d'infection du VIH. Aussi les utilisateurs de drogues peuvent également avoir des comportements qui les exposent plus à la transmission sexuelle. En effet certaines situations de manque chez les toxicomanes peuvent conduire les jeunes à des comportements qui les exposent au VIH/SIDA (prostitution féminine et masculine, relations sexuelles multiples non protégées, relation avec prostitué sans préservatif, le multi partenariat ...).

    Ces affirmations sont corroborées par le Programme politique des drogues de la fondation Beckley qui soutient que « depuis que le sida s'est répandu dans le monde entier, le risque de contamination du VIH parmi les usagers de la drogue par voie intraveineuse ou UDVI est devenu un sujet de préoccupation des politiciens. Bien que l'injection de drogue (essentiellement d'héroïne, mais aussi dans certaines parties du monde, d'amphétamine et de cocaïne) soit fortement découragée par les lois répressives et les organismes de santé, elle reste une pratique très courante. L'ONU estime qu'il y a environ 13 millions d'usagers par voie intraveineuse dans le monde.22(*) Bien que tous les continents aient rapporté l'existence d'usagers de drogues par injection, il y en a une plus forte proportion dans certaines régions. Aujourd'hui près de 80% des UDVI se trouvent dans les pays développés ou en voie de développement. La majorité des usagers par voie intraveineuse sont pauvres, vivent en marge de la société, sont rarement aidés par leur famille et ont un accès limité aux services de prise en charge et de traitement. Leur vie quotidienne est pleine d'épreuves et de prises de risques dues à leur usage de drogues, parmi lesquelles celui de contracter les maladies virales comme le VIH par l'utilisation d'un matériel d'injection préalablement utilisé par des porteurs de virus. Des études montrent que ces usagers sont très peu au courant des risques d'infections liés à l'injection. Cet état de fait pousse des organismes comme l'ONUSIDA à s'intéresser à ce mode de transmission du sida afin de minimiser la propagation de cette épidémie au niveau mondial, car près de 10% des infections au VIH -soit 4 millions dans le monde entier- sont dues à l'usage de drogues par voie intraveineuse »23(*).

    Ne serait-ce que par ces effets néfastes liés à l'usage de la drogue que la politique criminelle Sénégalaise à l'image de la communauté internationale, s'intéresse et se penche sur la question avec comme objectif pratique de répondre de manière effective et efficace aux problèmes posés par le développement de la toxicomanie. C'est ainsi que la réponse apportée a permis à la justice pénale Sénégalaise de faire face à l'ampleur du phénomène surtout dans ses rapports avec les usagers de drogues.

    C'est pourquoi il est intéressant pour nous de nous poser la question de savoir : quelle est la réaction de la justice pénale Sénégalaise face aux usagers de la drogue? Autrement dit quel est le traitement réservé aux usagers de la drogue par la justice pénale Sénégalaise ?

    Il convient toutefois de rappeler que la première réaction de la communauté internationale contre la montée de la toxicomanie était de réprimer le phénomène. Cette réaction a conduit les premières conventions à incriminer la consommation de drogue en lui appliquant des peines assez sévères d'emprisonnement et d'amende. Par la suite, il y'aura un revirement marqué par une approche compréhensive à l'égard du toxicomane. Le Sénégal qui n'a pas été indifférent à tout cela présente des caractéristiques de cette évolution d'où l'intérêt d'analyser dans une première approche les fondements de l'évolution du traitement judiciaire des usagers de la drogue au Sénégal (TITRE I).

    Ensuite, le Sénégal comme la plupart des Etats du monde, unanimes dans l'appréciation du caractère gravissime et transnational du phénomène de la drogue mais divergents quant à la manière de s'attaquer au problème pour le résoudre, garde sa particularité dans sa politique criminelle à l'égard des usagers de la drogue.

    Ainsi, notre seconde approche sera accentuée sur les manifestations de l'évolution du traitement judiciaire des toxicomanes au Sénégal (TITRE 2).

    TITRE I : LES FONDEMENTS DE L'EVOLUTION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES USAGERS DE LA DROGUE AU SENEGAL

    Il faut se dire que l'évolution du traitement judiciaire des usagers de la drogue n'est pas une spécificité de la législation Sénégalaise. En effet, les premiers jalons de ce changement d'attitude à l'égard du toxicomane ont été posés par la communauté internationale dans toute sa composante. Celle-ci invitait ses membres à adopter une attitude moins contraignante sinon plus souple à l'égard de l'usager simple toxicomane. Et c'est sous cette impulsion que nous assistons aujourd'hui à l'évolution du traitement judiciaire des usagers de la drogue dans toutes les législations du monde moderne.

    Cependant il convient de préciser que cet élan évolutif de la communauté internationale sur ce domaine n'a pas échappé à la diversité de sa composante. Etant de contrées géographiquement et culturellement différentes, l'évolution du traitement judiciaire des usagers de la drogue s'est faite avec des dégrées d'enthousiasme divers dans la législation des différents Etats. C'est ainsi que celle-ci s'est faite de manière disparate. Ce caractère disparate s'apprécie avec les réponses pénales apportées qui vont de la répression pure et dure au travers de lois hautement punitives incluant même la peine de mort comme c'est le cas en Thaïlande et en Arabie Saoudite ; jusqu'à une tolérance officielle de l'usage de coca dans certains pays d'Amérique du sud et une tolérance croissante de l'usage de cannabis dans certains pays d'Europe tel est le cas des Pays bas24(*).

    Le Sénégal pour sa part reste très concerné par tout ce qui se passe autour de lui. C'est ainsi que les pratiques pénales des juridictions Sénégalaises ont connu une évolution sensible allant d'un traitement répressif à l'efficacité mitigée (CHAPITRE I) vers un traitement allégé (CHAPITRE II) conduisant à un assouplissement de la réponse pénale à l'égard des usagers de la drogue.

    CHAPITRE I : D'UN TRAITEMENT REPRESSIF A L'EFFICACITE MITIGEE ...

    La montée de la toxicomanie depuis les années 1960, juste au lendemain de l'accession à la souveraineté nationale, a été un phénomène inquiétant de par son ampleur. Elle n'a épargné aucun pays et les atteintes qu'elle porte à la santé de l'individu et du groupe en ont fait un danger public. C'est ainsi que le Sénégal à l'image de la communauté internationale à d'abord tenté de réprimer le phénomène. Cette répression était perçue comme la seule solution de lutter contre ce phénomène des temps modernes. Mais vite cette solution à montré ses limites par des résultats pas totalement satisfaisantes qui démontre surtout un besoin d'assouplir le traitement réservé aux usagers de la drogue. Cet état de fait démontre l'efficacité mitigée de la solution répressive qui se révèle comme étant la première réaction de la justice pénale Sénégalaise (SECTION I). Une solution qui pour des raisons inhérentes à son inefficacité relative démontre sa nécessite d'être allégé (SECTION II).

    SECTION I : LE TRAITEMENT REPRESSIF, PREMIERE REACTION DE LA JUSTICE PENALE SENEGALAISE

    Le caractère répressif du traitement judiciaire de l'usager de drogue au Sénégal s'est révélé au lendemain de l'accession à la souveraineté nationale du pays. Et la compréhension de cette réponse pénale nécessite une relecture de la législation Sénégalaise en matière de stupéfiant avant l'avènement du code des drogues (PARA I), une législation qui en pratique se révèle par une attitude assez répressive des juridictions pénales Sénégalaises (PARA II).

    PARA I : LA LEGISLATION SENEGALAISE EN MATIERE DE STUPEFIANTS AVANT L'AVENEMENT DU CODE DES DROGUES

    En faisant une relecture de la législation Sénégalaise avant l'avènement du code des drogues, il convient de rappeler que le texte de base était la loi n° 72-24 du 19 avril 197225(*) relative à la répression des infractions en matière de stupéfiants qui remplace et abroge la loi n°63-16 du 5 février 196326(*) réprimant la culture la détention le commerce et l'usage de chanvre indien, ainsi que toutes les dispositions antérieures contraires notamment l'article 328 du code pénal et les articles 627 à 630 du code de la santé public27(*).

    Il faut aussi rappeler que ce texte qui a fait l'objet de pas mal de réaménagements et d'insertions de « bouts de lois » pour reprendre l'expression de Merle et Vitu, ne permettait plus une lecture aisée et une claire description de la matière. Cependant cette législation se caractérise par une évolution dans un registre de plus en plus répressif notamment en ce concerne les infractions de trafic de stupéfiants incriminées à travers l'article 2 de la loi de 1972 en ces termes :  « sont interdits la culture, la production, la fabrication ,l'extraction ,la préparation la détention l'offre, la mise en vente, la livraison à quelque titre que ce soit, le courtage, l'envoi ,l'expédition en transit, le transport, l'importation et l'exportation de stupéfiants ,et d'une manière générale ,toutes opérations agricoles, industrielles ou commerciales relatives à ces stupéfiants ».

    S'agissant des usagers toxicomanes la loi de 1972 se révèle plus souple dans la mesure où au niveau de son article 7 la réponse apportée au simple usage de drogue est nettement moins sévère que celle concernant les infractions en matière de stupéfiants. En effet les infractions prévues à l'article 2 sont sanctionnées plus sévèrement avec la modification de l'article 3 par la loi n°87-12 du 24 février 198728(*) qui dispose que « les infractions aux dispositions de l'article 2 sont punies d'un emprisonnement de 2 à 10 ans et d'une amende de 1.000.000 à 10.000.000 de francs.

    La peine d'emprisonnement est obligatoire sans qu'il soit possible d'appliquer les dispositions de l'article 704 du Code de procédure pénale.

    Ces peines pourront être prononcées alors même que les divers actes qui constituent les éléments de l'infraction auront été accomplis dans des pays différents.

    L'acte préparatoire intentionnellement accompli et la tentative sont punissables comme le délit consommé.

    L'association ou l'entente établie en vue de commettre les infractions prévues par l'article 2 est punie comme ces infractions elles mêmes.

    L'interdiction des droits civiques, civils et de famille sera prononcée dans les conditions prévues par l'article 34 du code pénal. Lorsque la peine prononcée n'excède pas cinq ans, la durée de l'interdiction des droits sera de cinq ans au plus.

    Par dérogation aux dispositions de l'alinéa 2 du présent article, la juridiction saisie pourra appliquer les dispositions du code de procédure pénale, s'il apparaît que le délinquant a volontairement collaboré au bon déroulement de l'enquête et de l'information »

    Tout démontre l'ampleur de la sévérité de la sanction des infractions de trafic de stupéfiants tandis que l'article 7 pour le délit d'usage dispose que « seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 20.000 à 100.000 ceux qui auront demandé, sollicité, ou fait usage illicite des stupéfiants ». Et à l'article 8 d'ajouter que la juridiction saisie peut après expertise, astreindre toute personne prévenue d'usage ou de tentative d'usage illicite de stupéfiants, à une cure de désintoxication. Dans ce cas, la juridiction saisie pourra ne pas prononcer les peines prévues par l'article 7.

    Ce « semblant » de souplesse incarné par la loi de 1972 à l'égard de l'usager simple toxicomane est à relativiser dans la mesure où elle ne se révèle pas comme telle dans la pratique. Il faut noter que même si on ne sanctionne pas l'usage et le trafic au même degré ils ont cependant quelque chose en commun, c'est qu'au final l'emprisonnement demeure toujours la constante. Et c'est au niveau même de ce dernier élément que s'apprécie la sévérité de la réponse criminelle adressé à l'usager de drogue simple toxicomane.

    Dans le fond la souplesse de la loi de 1972 n'est qu'un leurre car en faisant une introspection de celle-ci on dénote une certaine sévérité. En effet dans cette loi il n'existe pas de cas de dispense de la peine ou de son exécution. Il n'y a que la prison. Même si on souligne au passage l'existence de mesures de traitement, Il faut dire que dans la pratique ces mesures qui devraient sans doute être l'unique alternative à la prison, restent inappliquées. Il n'y plus d'alternative, donc on ne pourrait pas considérer cette loi comme étant souple à l'égard du simple drogué toxicomane dans la mesure où on remarque que certaine législation vont même jusqu'à tolérer l'usage de drogue dite douce parmi lequel le cannabis tandis que dans notre législation la simple détention d'un seul cornet de « yamba » est passible de prison29(*). Les juridictions Sénégalaises en ce sens corroborent parfaitement mes affirmations en jugeant de l'attitude répressive qu'il développe à l'égard de l'usager simple toxicomane dans la mise en pratique de la loi.

    PARA II : L'ATTITUDE REPRESSIVE DES JURIDICTIONS SENEGALAISES

    L'attitude répressive des juridictions Sénégalaises se fonde sur plusieurs éléments. En effet la remarque faite est que la plupart des usagers de drogue inculpés finissent en prison. Cela pourrait s'expliquer de plusieurs manières. Soit de la prise en compte de la personnalité du délinquant par les juges ou même de la prise en compte de la conception sociale défavorable étiquetée à l'égard des toxicomanes. Mais ce qu'il convient de retenir c'est que le simple usage de drogue en soi n'est pas réprimé de la même sorte que le trafic. Mais dans la pratique c'est tout comme, la différence ne réside qu'au niveau de la durée des peines. Il faut noter que si cela est possible c'est d'une certaine manière grâce à l'imprécision des textes. La plus constantes des chefs d'inculpation retenus contre les usagers de la drogue est celle de « détention et usage de drogues » ou même de « détention et trafic de stupéfiants ». Ainsi on voit des actes qui juridiquement s'analysent comme « usage de drogue » si l'on se réfère à l'article 7 de la loi de 1972 être sanctionnés de la même sorte que le délit de trafic de stupéfiants. C'est-à-dire des actes qui devraient être sanctionnés normalement par les peines prévues par l'article 7 et même possible bénéficiaire des mesures de traitement prévues à l'article 8 se voient appliquer les peines prévues à l'article 3. Alors qu'au niveau de l'alinéa 2 de ce dernier article « la peine d'emprisonnement est obligatoire sans qu'il soit possible d'appliquer les dispositions de l'article 704 du Code de Procédure Pénale ». L'imprécision qui est à la base de cet état de fait se situe à la définition ou plus exactement au sens donné au terme « détention ».

    L'intérêt de l'attention accordée à ce terme réside dans le fait qu'il a permis aux juges Sénégalais d'inculper de simples usagers de drogue sur la base de l'article 2 en leur assurant la prison comme sanction sur la base de l'article 3. Un fait qui participe pour une grande part à l'attitude répressive des juridictions pénales Sénégalaises à l'égard des simples usagers de drogue30(*).

    La « détention » n'est pas définie ni par les conventions internationales ni par la loi nationale. Prosaïquement, elle s'entend du fait d'avoir par devers soi, soit entre ses mains soit en un endroit sous sa responsabilité, des choses quelconques. Elle peut être précaire, purement matérielle ou coïncider avec une possession précaire. Ainsi entendu, il apparaît évident que le caractère trop extensif de la notion de détention appelle à la nécessité d'en circonscrire les limites en traçant une ligne de démarcation avec les notions voisines auxquelles elle se superposera souvent. Cependant faudra préciser que la nécessité de circonscrire les contours de la notion appartient à chaque juge faisant face à cette situation, mais toutefois il n'y a aucune contrainte qui pèse sur lui donc il est libre selon sa propre conception de donner un sens élargi de la notion comme de donner aussi un sens restrictif de celle-ci. C'est ainsi que sous l'empire de la loi n°63-16 du 5 février 1963, la détention était associée au délit d'usage et après l'abrogation en 1972 de la loi qui justifiait cela, s'est perpétué jusqu'à nos jours, la formule de  « détention et usage de stupéfiants » pour en fait, ne désigner que des actes qui s'analysent juridiquement en simple « usage de stupéfiants » au sens de l'article 7 de la loi de 1972. Cette dernière incrimine la détention comme délit spécifique puni des peines plus sévères prévues à l'article 3. Et c'est ce qui permet entre autre aux juridictions pénales Sénégalaises, dans la mise en pratique de la loi, d'opter pour une attitude répressive vis-à-vis du simple usager de drogue. Une répression qui est essentiellement axée sur l'emprisonnement même si celle si révèle des limites considérables et justifie la nécessité d'alléger le traitement.

    SECTION II : LA NECESSITE D'ALLEGER LE TRAITEMENT

    La réponse criminelle apportée au phénomène a montré ses limites, aujourd'hui elle démontre la nécessité d'être reconsidérée dans le sens d'un allégement. L'emprisonnement qui jusque là était la réponse choyées des juridictions pénales à l'égard de l'usager de drogue révèle toute son impertinence quant à l'éradication du phénomène de la toxicomanie (PARA I). Cette impertinence avérée du système carcéral est entre autre à l'absence de résultat du système (PARA II).

    PARA I : L'IMPERTINENCE DU SYSTEME CARCERAL POUR L'ERADICATION DU PHENOMENE

    La première réaction de la justice pénale Sénégalaise, à l'image de la communauté internationale, étant une réponse assez répressive, était pratiquement basée sur le système carcéral.

    L'univers carcéral, lieu de souffrance et d'exclusion, génère une consommation accrue de produits stupéfiants, y compris chez des personnes non toxicomanes avant leur incarcération.

    Une telle demande se matérialise par l'introduction et la circulation de drogues en prison par les moyens les plus divers: contact avec les visiteurs ou les permissionnaires, ingestion ou introduction in corpore, jet par dessus les enceintes des produits incriminés. Il faut bien sûr évoquer, les possibilités de corruption ou de collusion avec certains membres du personnel de surveillance. Par conséquent l'analyse de ces différents incidents relatifs aux questions de drogues révèle que les produits illicites sont disponibles dans tous les établissements.

    Dans ce contexte, les pratiques d'injection dans des conditions sanitaires effroyables constituent une réalité. Ainsi, pour la période du 1er janvier 1995 au 31 mars 1996, 37 seringues ont été découvertes dans 18 établissements; sur cette même période, les saisies d'héroïne (60 réparties dans 22 établissements) ont été plus nombreuses que sur les 24 mois de 1992 à 199331(*).

    Clandestine, et donc rare, la seringue est inévitablement partagée, ce qui expose le détenu à des risques permanents de contamination au VIH et aux hépatites. Le rapport relève ainsi le cas de médecins sollicités pour produire des faux certificats de séropositivité par des détenus souhaitant par ce moyen conserver l'usage exclusif de leur seringue.

    Le constat est là encore sans appel: officiellement, « la prévalence de l'épidémie de sida en milieu pénitentiaire est proportionnellement dix fois supérieure à celle de la population générale, dont les toxicomanes représentent près de 30% des cas déclarés. »32(*)

    Face à une telle situation, qui pose clairement un enjeu de santé publique, les réponses répressives sont condamnées à l'échec. Quels que soient en effet les moyens de contrôle qui pourraient être développés pour endiguer l'entrée de drogues en prison - fouilles en détention, cellules individuelles d'observation avec toilettes aménagées, analyses d'urine - ils se révéleraient rapidement, outre le fait qu'ils constitueraient une régression fantastique par rapport aux maigres améliorations apportées ces dernières années à la condition des détenus, totalement inefficace.  A ce propos, si l'on voulait aller jusqu'au bout de cette logique de contrôle, il faudrait supprimer les parloirs libres, les permissions de sortie et grillager les cours de promenade. L'on s'apercevrait alors que les produits interdits continueraient à pénétrer dans les établissements par d'autres moyens, qui obligeraient à d'autres mesures. Les atteintes aux libertés et à la dignité des individus et de leur famille, la remise en cause des améliorations de la condition pénitentiaire seraient disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi ainsi que source de graves conflits. Même si les impératifs de sécurité sont importants sur le plan pénitentiaire, il est clair qu'ils ne doivent pas primer au détriment de la Santé Publique et individuelle. Ce sont les raisons qui démontrent quelque peu l'ampleur de la toxicomanie dans les prisons et qui rendent quasiment inutile l'incarcération de l'usager toxicomane en vue de son amendement et de son reclassement social.

    Tout cela démontre sans aucun doute l'inefficacité du système actuel qui manque cruellement de résultats positifs permettant de réduire la consommation de drogue.

    PARA II : L'ABSENCE DE RESULTAT DU SYSTEME

    Cela relève d'une évidence que : le système actuel n'a pas porté ses fruits. En effet il convient de souligner qu'au regard des efforts déployés pour mettre en place une politique criminelle efficace contre le phénomène de l'usage de la drogue, des objectifs clairs et précis étaient implicitement relevables. Ainsi les objectifs de la politique nationale contre l'usage de la drogue se traduisent à travers six dimensions-clés qui devraient être :

    - De réduire les niveaux de criminalité et de délinquance liés à l'usage de la drogue

    - De réduire le nombre de morts directement liés à l'usage de la drogue

    - De réduire le nombre de personnes ayant des problèmes de santé liés à l'usage de la drogue notamment le VIH SIDA et les Hépatites

    - De réduire les coûts sociaux de l'usage de la drogue y compris ceux de l'impact sur les familles et les enfants, ainsi que le nombre de personnes non scolarisées et sans emploi du fait de leur usage de drogues

    - De réduire les dommages causés à l'environnement et liés à l'usage de la drogue.

    Dans la pratique ces objectifs sont loin d'être atteint. La délinquance et la criminalité liées à l'usage de la drogue n'ont pas baissé. D'après les données établis par l'Equipe des Nations Unies au Sénégal, les statistiques sur la criminalité liée au phénomène de la drogue estiment que : « en 1999, 1180 personnes ont été écrouées pour usage et trafic de stupéfiants. Ce chiffre représente 25,5% de la totalité de la population carcérale contre 20,3% en 1995. Une hausse de 5,2% est à noter...Selon l'enquête sur l'évaluation des drogués 18% de ceux-ci affirment avoir commis des délits sous l'effet de manque ou de l'emprise de la drogue »33(*). Au delà de la criminalité qui en découle l'hausse notée démontre une augmentation de l'ampleur du phénomène et partant de la toxicomanie. S'agissant des problèmes de santé liés à l'usage de la drogue nous ne pouvons parler d'objectif atteint si l'on se réfère aux statistiques données par le Docteur Idrissa Bâ34(*)dans son exposé sur « la toxicomanie au Sénégal : l'expérience hospitalière » : il estime que « le bilan des activités de l'hôpital psychiatrique de thiaroye pour l'année 2001, révèle que sur 2136 nouveaux malades enregistrés, les pourcentages les pourcentages ci après ont été enregistrés :

    - 24,53% de toxicomanes ont une moyenne d'âge de 28%

    - 5,34% de toxicomanes sont de sexe féminin

    - 6,87% de toxicomanes consomment de la drogue dure

    - 48,9% des toxicomanes reçus sont hospitalisés ».35(*)

    Ceci donne un aperçu de l'impact de l'usage de la drogue sur la santé de l'individu et un aperçu du nombre de personnes que cela peut concerner si l'on considère l'exemple de l'hôpital psychiatrique de thiaroye comme un échantillon. En outre le Docteur Safiétou Thiam 36(*) soutient que « la consommation de drogues injectables est un facteur de risque de l'infection à VIH. Elle expose à la transmission du VIH mais aussi à d'autres pathogènes (VHB, VHC) par le sang et les objets souillés de sangs lors des partages de seringues ».37(*)Or cette pratique est assez récurrente dans le milieu des usagers de la drogue au Sénégal, ce qui corrobore l'absence de résultats du système sur ce plan. Et cette absence de résultats nous là relevons sur tous les autres aspects des objectifs poursuivis, allant de la réduction du coût social de l'usage de la drogue et de son impact sur le lien social à la réduction des dommages causés à l'environnement. Toutes ces analyses faites démontrent le caractère mitigé de l'efficacité du traitement répressif. Une inefficacité qui nécessite l'évolution vers un traitement allégé soutenu par de nouvelles considérations qui le justifie.

    CHAPITRE II : ... VERS UN TRAITEMENT ALLEGE.

    L'allègement du traitement judiciaire à l'égard de l'usager de la drogue constitue aujourd'hui une technique utilisée par la plupart des politiques nationales pour combattre les effets néfastes du phénomène de l'usage de la drogue. Cette technique est considérée comme étant plus efficace dans la mesure où le traitement répressif a montré ses limites. Le Sénégal pour sa part partage ce sentiment même si la pratique laisse croire que ce n'est que théorique. Mais sa politique criminelle à l'égard de l'usager de la drogue est aujourd'hui influencée par une nouvelle approche pénale de l'usager de la drogue (SECTION I) et par l'impact de la plupart des nouvelles théories de politiques criminelles (SECTION II) qui ne laissent indifférent aucunes législations nationales en matière pénale.

    SECTION I : LA NOUVELLE APPROCHE PENALE DE L'USAGER DE LA DROGUE

    Cette nouvelle approche est le fruit du constat fait après plusieurs années de lutte contre l'usage de la drogue. Aujourd'hui la doctrine pénale est imprécise dans la détermination même de la nature du toxicomane. Fut-il un vrai délinquant au sens strict du terme ou devrons-nous le considérer comme un malade comme tout autre malade. L'analyse de cette section va nous permettre de régler d'abord la question de l'incertitude sur la vrai nature du toxicomane : criminelle ou délinquant ? (PARA I) et ensuite de voir quelle est la position de la loi pénale ou pratique pénale face à ce débat (PARA II).

    PARA I : L'INCERTITUDE SUR LA VRAIE NATURE DU TOXICOMANE : CRIMINELLE OU DELINQUANT ?

    C'est la principale problématique qui anime le débat autour de la question sur le statut du toxicomane. Ce dernier est il un criminelle appelant à une réaction musclée de la société ou serait- il simplement un malade si l'on considère que la première victime c'est lui après tout et que le mal prohibé est un mal dont la plupart des conséquences néfastes se limitent à la seul personne concernée. Ce qui rend plutôt nécessaire une intervention étatique afin de protéger la personne contre elle-même.

    Dans une étude réalisée en France par l'observatoire des drogues et des toxicomanies, il résulte de cette enquête qu' « entre 1990 et 1996, les toxicomanes sont considérés comme des malades par une très grande majorité (de la population française), mais cela n'empêche pas 6 personnes sur 10, dans le milieu des années 1990, de les trouver `' agressifs et dangereux `'. On constate toutefois dans certaines enquêtes que, dès ors que le protocole ne les oppose pas de fait, les deux notions de malade et de délinquant peuvent coexister. Le clivage classique entre malade et délinquant ne reflète pas de manière suffisamment précise la perception des toxicomanes que peut avoir le public. De plus, lorsque le répondant dispose d'une modalité supplémentaire lui permettant d caractériser la toxicomane comme une fuite, l'opinion qui tend à faire du toxicomane un malade perd de son caractère immuable. Ainsi, on voit que ces avis peuvent évoluer en fonction des modalités de réponse proposées »38(*)

    Ceci démontre que les liens et les rapports entre la drogue et les toxicomanes sont complexes. Le toxicomane est considéré comme un malade, un délinquant ou ne victime selon la place est les rôles respectifs que l'on fait jouer à la personne et à la drogue dans le processus.

    Ainsi s'aliment le débat sur l'incertitude du délinquant, quand peut on le considérer comme délinquant ou quand est qu'on peut le regarder comme un malade ; ou même ne serait-il pas qu'une simple victime ? Aussi le simple fait d'user de la drogue fait-il pour autant d'un individu un délinquant. Si l'on considère ce fait d'un point de vue purement individuel, l'on pourra certainement retenir que l'individu ne fait du mal qu'à lui-même. Et à partir de ce moment est il justifier de considérer une personne qui, s'il cause du tort à quelqu'un, c'est à lui qu'il le fait même si indirectement ceci peut avoir un impact sur la société. Peut-on considérer cette personne comme étant un délinquant, n'est-il qu'un malade qu'on doit adapter des mesures adéquates. Le droit dans sa logique considère que l'individu à besoin d'être protégé même contre sa propre personne. Mais tout ceci ne démontre que le droit d'ingérence des pouvoirs publics dans la vie privée de l'individu. Un individu qui n'arrive cependant pas à se protéger et qui se fait du mal en usant de la drogue, ne pouvons nous pas le considérer à partir de ce moment comme un malade qui à besoin d'être prise en charge au lieu d'être réprimé comme un délinquant ? C'est la question qu'il convient pour nous de nous poser. La loi pénale en ce qui l'a concerne prend position par rapport au débat.

    PARA II : LA POSITION DE LA LOI PENALE FACE A CE DEBAT

    La loi pénale n'est pas indifférente au débat sur le statut accordé à l'usager de la drogue simple toxicomane. Qu'il s'agit de la loi pénale Sénégalaise ou de toutes autres lois le débat est le même sur l'incertitude sur la vraie nature du délinquant. Ainsi nous pouvons comme exemple prendre la loi Française de 197039(*). Cette loi considère l'usager de la drogue comme un individu à la fois malade et délinquant. Délinquant puisqu'elle incrimine spécifiquement l'usage solidaire et prévoit une peine d'emprisonnement ferme. Malade puisqu'elle prévoit une exemption de poursuites pénales pour les toxicomanes usagers « simple » qui acceptent de se soumettre à une cure de désintoxication.

    La loi pénale Sénégalaise pour sa part pourrait être classée dans la même logique si l'on considère que même s'il n'est pas une copie conforme de la loi française, elle n'en diffère pas trop. La loi pénale Sénégalaise considère le toxicomane tantôt comme un délinquant tantôt comme un malade. Il est délinquant dans la mesure où la loi pénale Sénégalaise prévoit des sanctions assez répressives à l'encontre du toxicomane dans certaines conditions. Aussi la loi Sénégalaise considère le toxicomane comme un malade dans la mesure où elle prévoit des mesures sanitaires dans la prise en charge effective de l'usager simple toxicomane. Quoiqu'il en soit il est évident que la loi pénale a une approche nouvelle assez compréhensive du toxicomane. Même s'il reste tout de même un délinquant la loi pénale Sénégalaise développe une approche allant dans le sens de la reconnaissance du toxicomane comme étant un malade qu'il faut soigner. Tel le confirme M. Cheikh Bamba Niang, alors substitut du procureur auprès du tribunal régional hors classe de Dakar lors d'un séminaire organisé par l'observatoire géostratégique des drogues et de la déviance. En réponse à la question suivante : est que le toxicomane est considéré par un juge comme un malade ou bien les deux à la fois ? M. Niang à soutenu que le toxicomane « est considéré comme un malade »40(*)

    Donc avec une approche plutôt individualisée du toxicomane par la loi pénale, la réponse pénale mérite d'être adéquate. C'est pourquoi la politique criminelle Sénégalaise se retrouve aujourd'hui au centre d'une influence accrue des mouvements de politiques criminelles en vogue de par le monde.

    SECTION II : L'INFLUENCE DES NOUVELLES THEORIES DE POLITIQUES CRIMINELLES

    Si l'on doit définir la politique criminelle aujourd'hui nous la définirons sur la base de deux aspects fondamentaux qui en sont le socle. En effet la politique criminelle renvoie à l'existence d'un phénomène social prohibé qui fait appelle à une réponse pénale ciblée et appropriée. C'est dans ce sillage que des mouvements dites de politiques criminelles ont vu le jour et jouent actuellement un rôle capital dans la refonte de la plupart des réponses pénales apportées au phénomène criminel de plus en plus en développement. Ces mouvements sont issus des nouvelles théories de politiques criminelles que nous allons présenter dans un premier paragraphe avant de démontrer la réalité de leur impact sur l'évolution du traitement judiciaire des toxicomanes dans un paragraphe second.

    PARA I : LA PRESENTATION DES NOUVELLES THEORIES DE POLITIQUES CRIMINELLES

    Nous ne pouvons parler de la politique criminelle sans pour autant faire état des mouvements comme par exemple celui de la Défense sociale de Marc Ancel41(*). Ce dernier considère que «la défense sociale, se présente d'abord historiquement et fondamentalement comme une contestation (...) Elle est un mouvement, ce qui postule une marche en avant, un dynamisme constant, une insatisfaction délibérément maintenue ».

    Plus qu'une doctrine aboutie la défense sociale est bien un mouvement tendant à produire un changement par l'effet d'une politique criminelle construite pour le moyen et long terme. Pour évaluer l'actualité ou la perte de pertinence des idées force du mouvement de la défense sociale nouvelle et de la politique criminelle qui leur est intimement liée nous pouvons nous référer à ce que disait Marc Ancel sur la défense sociale.

    Marc Ancel considère que « le mouvement de la défense sociale nouvelle répudie toute métaphysique juridique et tout apriorisme dogmatique. Il affirme que le droit pénal ne doit pas chercher à établir une justice absolue, mais prendre conscience de la relativité aussi bien de la justice humaine que de la législation répressive nécessairement transitoire et fluctuante. Il affirme que le fait criminelle ne doit pas (ou plus) être envisagé comme une notion de pure droit -l'infraction- mais comme un phénomène social et humain qu'il faut rattacher non seulement un individu, dont il faut alors connaître et comprendre la personnalité, mais aussi à un milieu ou opèrent des interactions multiples ; ce qui suppose une nouvelle conception du rôle du juge et de la procédure pénale »42(*).

    Cet extrait de la défense sociale est significatif de l'état d'esprit du mouvement de la défense sociale. Ainsi ces mouvements de politiques criminelles à l'image du mouvement de la défense sociale ont un impact avéré sur l'évolution du traitement judiciaire de l'usage qui est un phénomène criminel parmi tant d'autre.

    PARA II : LA REALITE DE L'IMPACT DE CES THEORIES SUR L'EVOLUTION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES TOXICOMANES

    Quand on parle à ce niveau de l'évolution du traitement judiciaire des toxicomanes et de l'influence qu'elle subit de la part des mouvements de politiques criminelles c`est surtout par rapport à la nouvelle approche que prône ces mouvements telle que illustré plus haut. En effet l'infraction ne devrait plus être considérée comme une notion de pur droit mais comme un phénomène social et humain dont on doit développer une nouvelle approche. Ainsi considéré y aura de la part des juges répressifs une approche beaucoup plus compréhensive à l'égard du toxicomane. Et cette nouvelle approche joue aussi sur la sanction prévue à son égard. Si l'on se réfère aux idées défendues par la défense sociale, il faut souligner que son influence sur le plan pratique repose sur le triptyque suivant qui là caractérise : les droits de l'homme, la responsabilité et la peine, cette peine que continue à incarner symboliquement la sanction pénale qu'est la peine de prison ?

    Sur les droits de l'homme : « on sait que le mouvement moderne d la politique criminelle de la défense sociale est né d'une réaffirmation des droits de l'homme, de la dignité de l'être humain et de sa protection effective dans la communauté sociale. On sait aussi qu'il est à la fois la résultante du courant libertaire et humanitaire de 1789 et de la tradition chrétienne dans sa vocation humaniste. C'est dire qu'il réintroduit, ou tout du moins qu'il maintient, dans le domaine de la politique criminelle, ces valeurs morales et même spirituelles que le positivisme avait tendance, sinon tout à fait à rejeter ou à méconnaître, tout au moins à négliger »43(*). Il faut rappeler l'influence du personnalisme sur la pensée d'Ancel.

    Sur la responsabilité, « pour le mouvement de la défense sociale, la responsabilité consiste dans le sentiment interne de responsabilité que possède normalement tout être humain et même l'auteur d'un délit. C'est donc ici un élément psychologique sur lequel il devient alors possible de fonder une réaction anticriminelle de récupération sociale et on a pu dire en ce sens que la défense sociale était à beaucoup d'égard une pédagogie de la liberté ».

    Sur la peine de prison : « la privation de liberté ne doit plus être que l'ultima ratio de la réaction anticriminelle lorsque aucun autre moyen ou procédé de réaction ne peut être employé (...) C'est là une transformation considérable et même une mutation complète du système pénal actuellement en vigueur, si l'on songe au nombre de peine de prison y compris les autres peines qui sont prononcées journellement, de façon souvent indiscriminé et presque mécanique, dans la routine des tribunaux correctionnels(...) L'un des principaux problèmes de la politique criminelle d'aujourd'hui est, sauf les exceptions inévitables, de se débarrasser de la prison. Mais aussitôt un nouveau problème se pose, qui ne laisse pas d'être quelque peu angoissant : par quoi la remplacer ? ».

    Ce triptyque du mouvement de la défense sociale montre la réalité de l'impact de la politique criminelle sur l'usager de drogue simple toxicomane. De nos jours si l'on considère le traitement judiciaire de ce dernier, on constate une nette évolution allant dans le sens d'un allègement. Cet allégement est cependant soutenu par la nouvelle approche développée par la juridiction répressive à l'égard du simple usager de la drogue. Cette approche à cependant subit une forte influence des idées défendues par les nouvelles théories de politique criminelle. C'est pourquoi on assiste aujourd'hui à une reconfiguration complète de la plupart des traitements judiciaires sur les toxicomanes dans nos systèmes répressifs actuels. Le Sénégal comme la plupart des Etats du monde n'y échappe pas et présente aujourd'hui une politique criminelle qui manifeste l'évolution du traitement judiciaire au Sénégal.

    TITRE II : LES MANIFESTATIONS DE L'EVOLUTION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES TOXICOMANES AU SENEGAL

    A partir des premières années de l'accession à la souveraineté nationale, une évolution multiforme devait aboutir quatre décennies plus tard à l'institution d'un code des drogues constituant le cadre législatif en matière de lutte contre l'abus et le trafic illicite des drogues. L'avènement du nouveau code des drogues marque un tournant décisif dans l'évolution du traitement judiciaire des toxicomanes au Sénégal. En effet il convient de souligner que la nouvelle législation présente un aspect innovateur par rapport à l'ancienne législation. Cette dernière, dans l'ensemble, est plus répressive que la nouvelle. Elle démontre plus de panoplies d'instruments répressifs contrairement au code des drogues qui se révèle nettement plus souple. Cette souplesse de la nouvelle législation s'entend cependant par un réaménagement des peines à l'égard de l'usager de drogues simple toxicomane et par la prévision de nouvelles mesures alternatives de traitement des toxicomanes.

    CHAPITRE I : LES MANIFESTATIONS AU NIVEAU DES PEINES

    L'une des manifestations majeures de l'évolution du traitement judiciaire des usagers de la drogue au Sénégal se situe au niveau de la sanction de l'usage de drogue. En effet les peines prévues par la nouvelle législation à l'encontre des usagers de la drogue sont quelque peu différentes de tout ce qu'on avait jusque là. Aujourd'hui le réaménagement des peines reste le mot d'ordre de la nouvelle législation. Ainsi l'évolution du traitement judiciaire des usagers de la drogue dans le nouveau code des drogues se manifeste d'une part par une souplesse de la loi quant à la sanction du toxicomane (section 1) et d'autre part par le durcissement de la loi face à l'incitation pour consommation personnelle (section 2).

    SECTION I : LA SOUPLESSE DE LA LOI QUANT A LA SANCTION DU TOXICOMANE

    Dans la lutte contre le développement de la toxicomanie, le législateur Sénégalais à limage de la communauté internationale appréhende une nouvelle stratégie de lutte contre le phénomène. L'attitude répressive que la justice à l'égard de l'usager simple toxicomane n'a pas eu l'effet escompté jusque là, ce qui nécessite un changement d'approche pour plus d'efficacité dans la pratique. Cette nouvelle attitude du législateur se vérifie au niveau de la sanction du toxicomane qui se révèle aujourd'hui plus souple. Cette souplesse se manifeste d'abord par la faiblesse de la peine en cas de consommation personnelle (para 1) et ensuite par la prévision de cas de dispense de la peine ou de l'exécution de celle-ci pour le toxicomane (para 2).

    PARA I : LA FAIBLESSE DE LA PEINE EN CAS DE CONSOMMATION PERSONNELLE

    L'article 109 du nouveau Code des drogues dispose que « nonobstant les dispositions des articles 95 à 102, du présent code, ceux qui de manière illicite, achètent, détiennent ou cultivent des plantes ou substances classées comme stupéfiants, ou substances psychotropes dont la faible quantité permet de considérer qu'elles sont destinées à leur consommation personnelle sont punis :

    - D'un emprisonnement de 2 mois à 1 an et d'une amende égale au triple de la valeur des drogues ;

    S'il s'agit :

    - D'une plante ou d'une substance classée comme drogues à haut risque, y compris l'huile de cannabis ;

    - D'un dérivé de plante de cannabis autre que l'huile de cannabis ;

    - D'une plante ou d'une substance classée comme drogue à risque ; ... »44(*)

    L'on peut relever que l'énumération des substances dont l'achat, la culture ou la détention est interdite est superfétatoire puisqu'en définitive tous les types de drogues se retrouvent dans les trois catégories qui sont spécifiées. Il est indifférent que la constitution du délit de la consommation ait été occasionnelle ou habituelle, individuelle ou collective. Seulement, si le produit, même acquis en vue de l'usage, est offert à un tiers -fut ce à titre gracieux- un tel acte peut tomber sous une incrimination distincte notamment la facilitation de l'usage de drogues ou l'offre ou la cession en vue d'une consommation personnelle ou l'incitation aux infractions ou à l'usage de drogue.

    La « faible quantité », qui fait présumer que la drogue détenue est destinée à la consommation personnelle, s'apprécie en fonction des circonstances de chaque espèce et en fonction de la nature de la drogue. En effet quand on sait que le dealer qui place le produit auprès de sa clientèle de consommateurs ne transporte généralement que de petites quantités, les circonstances de l'interpellation du détenteur entrent en ligne de compte dans la détermination de la qualification.

    Mais dans la plupart des cas, seul le flagrant délit dûment constaté sera déterminent pour la preuve de l'infraction. Aussi les enquêteurs useront-ils souvent de la livraison surveillée ou de la provocation à la preuve.

    Tout ceci démontre qui peut être inculpé de consommation personnelle de drogue. Car pour bénéficier de la souplesse de la loi seul les incriminés pour usage personnelle de stupéfiants sont concernés. La souplesse de la sanction se vérifie si on la compare aux peines prévues en cas de trafic de drogue. Ces dernières sont nettement plus sévères dans la mesure où l'éradication du phénomène passe nécessairement par une prise de mesures radicales vis-à-vis de ses propagateurs. Cependant le législateur ne se limite pas là tout simplement, pour mieux caractériser la souplesse de la loi il prévoit aussi quelques cas exceptionnels de dispense de la peine ou de l'exécution de celle-ci pour l'usager de drogue.

    PARA II : LES CAS DE DISPENSE DE LA PEINE OU DE L'EXECUTION DE CELLE-CI POUR LE TOXICOMANE

    Toujours selon l'article 109 du nouveau Code des drogues, « ...l'intéressé peut être dispensé de peine ou de l'exécution de celle-ci :

    - s'il n'a pas atteint l'age de la majorité pénale ;

    - s'il n'est pas en état de récidive ;

    - si, par déclaration solennelle faite à l'audience, il s'engage à ne plus recommencer cet acte.

    Voici tel que prévue par la nouvelle législation Sénégalaise les cas ou le toxicomane peut échapper légalement à la sanction. Ces mesures sont édictées pour encourager le toxicomane à se départir de son vice. En résumé les causes de dispense prévue à l'article 109 sont : la minorité, l'absence de récidive, et l'engagement solennel de ne pas recommencer l'acte.

    La minorité sur le plan civil est l'état de celui qui n'a pas encore atteint la majorité légale ; mais quand il s'agit de minorité sur le plan pénal il s'agit de l'état de l'auteur d'une infraction qui n'a pas encore atteint 18 ans. Ainsi en règle générale le régime de responsabilité en cas de minorité est variable selon son age soit le mineur a moins de 13 ans, auquel cas il n'est justiciable que de mesures d'assistance et d'éducation. Soit il a entre 13 et 18 ans, il peut être condamné à une peine, mais avec le bénéfice éventuel de l'excuse atténuante de minorité, qui est obligatoire de 13 à 16, facultative de 16 à 18 ans. Ainsi nous pouvons envisager que le toxicomane mineur pourra selon le code des drogues bénéficier de ces dispositions d'ordre général sur la minorité.

    S'agissant de la récidive en tant que tel, c'est une cause d'aggravation de la peine résultant pour un délinquant de commission d'une infraction dans les conditions précisées par la loi, après avoir été condamné définitivement pour une première infraction. L'absence de cet état de fait suppose pour le toxicomane qu'il est peut être novice. Et la loi prévoit dans ce cas de figure qu'il peut être exempté de peine ou de l'exécution de celle-ci pour lui permettre de prendre un nouveau départ et de se racheter en en arrêtant d'user de la drogue. Tout ceci dans un but pour le législateur de réduire la consommation de drogue.

    Et c'est dans cette même optique qu'il a aussi prévue comme cas d'exemption de la peine ou de l'exécution de celle-ci l'engagement solennel à ne plus recommencer. Cet engagement constitue pour le toxicomane de venir devant un tribunal et de déclarer officiellement qu'il s'engage à ne plus recommencer son acte à l'avenir.

    Ainsi le nouveau code des drogues pour espérer avoir plus de résultat pour la réduction de la consommation de drogue ne se limite pas à assouplir la législation mais aussi prévoit un durcissement de la loi face à tout comportant poussant une personne à une consommation personnelle de stupéfiants.

    SECTION II : LE DURCISSEMENT DE LA LOI FACE A TOUT COMPORTEMENT FAVORISANT UN USAGE PERSONNEL DE DROGUE

    Toute attitude visant à favoriser la consommation personnelle de drogue est prohibée sous toutes ces formes et sanctionnée. En effet pour plus de résultats dans la réalisation de l'objectif de réduction de la consommation de drogue, le nouveau Code des drogues du Sénégal sanctionne l'offre ou la cession en vue d'une consommation personnelle (para 1), il sanctionne aussi la facilitation de l'usage de la drogue (para 2) de même que l'incitation à l'usage personnel de stupéfiants (para 3). Ces comportements sont sanctionnés plus sévèrement que la simple consommation parce qu'ils présentent un caractère plus grave car participant à propager la toxicomanie.

    PARA I : LA SANCTION EN CAS D'OFFRE OU DE CESSION EN VUE D'UNE CONSOMMATION PERSONNELLE

    Cette incrimination peut parfois susciter des interrogations, quant à son applicabilité dans le cadre d'usage en société de stupéfiants car, entre deux ou plusieurs personnes qui s'adonnent à leur vice, il arrivera souvent que l'un offre ou cède à l'autre, une partie du produit consommé ensemble. Mais il faut écarter cette hypothèse dont la répression sous cette inculpation n'entre pas dans les préoccupations du législateur qui entend atteindre exclusivement : d'une part cette prodigalité intéressée de la part de trafiquant s'ingéniant, de façon insidieuse, à créer le besoins chez les cibles identifier, d'autre part l'offre ou la cession qui constitue un moyen de rentabiliser une autre entreprise par la fidélisation d'une certaine clientèle.

    Cette information n'a pas vocation à s'appliquer dans les cas ou l'offre ou la cession reste dans les limites de la simple convivialité, appréciées au cas par cas, en fonction des circonstances de chaque espèce, toute cession ou offre pourrait être considéré comme le délit d'incitation aux in fractions et à l'usage personnel de drogue prévu à l'article 103 du code des drogues.

    La sanction applicable au délit d'offre ou de cession de drogue en vue d'une consommation personnelle diffère en fonction de la nature de la drogue :

    - quant l'offre oui la cession porte sur une drogue à haut risque, la sanction est de 2 à 5 ans d'emprisonnement et d'une amende égale au triple de la drogue saisie.45(*)

    - quand l'offre ou la cession porte sur une drogue à risque la sanction sera d'une peine d'emprisonnement de 6 mois à 2 ans et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs.46(*)

    - lorsque la drogue est « livrée ou proposée » à un mineur, se réalise l'une des causes d'aggravation du code des drogues47(*) prévoit un doublement du maximum des peines prévues qui passe ainsi de 5 à 10 ans. Il en est de même quand il s'agit d'un handicapé mental ou d'une personne en cure de désintoxication. En effet il faut protéger le mineur et le déficient mental du fait de leur immaturité ou de leur manque de discernement présumé, comme il faut protéger la personne en cure de désintoxication dont l'état de fragilité psychique nécessite souvent l'éloignement de toute tentation de nature à favoriser une rechute dans les travers du vice.

    Au-delà de l'offre et de la cession de drogue pour usage personnel la facilitation à l'usage de stupéfiant est aussi sanctionnée.

    PARA II : LA SANCTION DE LA FACILITATION DE L'USAGE DE DROGUES

    La facilitation consiste en la fourniture d'un local soit en l'usage d'ordonnances fictives ou de complaisance, soit en l'ajout de drogue dans les aliments et boisson à l'insu du consommateur. L'article 98 du code des drogues ne vise - en ce qui concerne la facilitation - que les drogues à haut risque figurant aux tableaux 1 et 2 que sans que l'on perçoive très bien la raison pour laquelle les drogues à risque sont exclues. Mais dans la pratique, la facilitation de l'usage de drogues sera toujours susceptible de tomber sous le coup de l'article 105 du code des drogues répriment la complicité, par fourniture de moyens notamment - tant pour les infractions relatives aux drogues que pour celle relatives aux drogues à risque.

    Ainsi « la facilitation est punie d'un emprisonnement de 2 à 5 ans et d'une amende de 1.000.000 à 5.000.000 de francs ».48(*)

    L'on peut remarquer que la facilitation de l'usage de drogue est moins sévèrement réprimée que le trafic, du moins en ce qui concerne la peine d'emprisonnement. Cette relative magnanimité s'explique par le fait que le « facilitateur » ne tire pas profit matériel ou financier de son action sinon, il serait susceptible d'être poursuivi du chef de trafic. Mais l'autre remarque est que la facilitation est plus sévèrement punie que le simple usage.

    En cas de facilitation de l'usage de drogue par fourniture de local, des peines complémentaires facultatives sont prévues à l'article 118 du code des drogues. Elles consistent en la confiscation des ustensiles, matériels et meubles dont les lieux sont garnis et en la fermeture, pour une durée de 6 à 3 mois des hôtels, maisons meublées, pensions, clubs, cercles, dancings, lieux de spectacles ou de leurs annexes ou des lieux quelconques ouverts au public ou utilisés par le public ou on été commises ces infractions par l'exploitant ou avec sa complicité. A noter aussi que toute violation de la mesure de fermeture expose le contrevenant à une peine de 6 mois à 3 ans et à une peine d'amende de 1.000.000 à 3.000.000 de francs.

    Aussi il est important de souligner que la facilitation peut intervenir sous forme de fourniture de local ou de tout autre moyen, l'obtention de stupéfiants sur ordonnance et l'adjonction de drogue dans les aliments à l'insu des consommateurs.

    S'agissant du premier il s'agit là de la répression d'une forme particulière de « l'usage en société » de stupéfiants même si cette notion n'est pas reprise par le code des drogues. La fourniture de moyen peut consister à la mise à la disposition du consommateur de drogues d'un instrument ou équipement quelconque ou tout autre moyen pouvant lui permettre de s'adonner à l'usage. Mais c'est surtout la fourniture de local - par les propriétaires, gérants et directeurs d'établissement ouverts au public ou utilisés par le public comme les hôtels, maisons meublées, pensions, débits de boisson, restaurants, clubs ou cercles, dancing ou lieux de spectacle quelconque qui est visé.

    Pour le second, l'obtention de stupéfiants sur ordonnance est fait par ceux qui établissent des prescriptions de complaisance comme ceux qui , au moyen d'ordonnances fictives ou de complaisance, se font délivrer ou tente de se faire délivrer des drogues à haut risques de tableaux 1 et 2 ou ceux qui, connaissant le caractère fictif ou de complaisance des ordonnances, délivrent de telles drogues, sont coupable du délit de facilitation de l'usage de drogue de l'article 98 - alinéa 2, 3, 4 du code des drogues.

    En ce qui concerne la dernière France l'adjonction de drogues dans les aliments à l'insu des consommateurs. Cet état de fait est en principe un délit des restaurateurs mais peut être imputable à quiconque, comme par exemple, celui qui ajoute une drogue à l'aliment ou à la boisson servi à un consommateur pour profiter de son état pour commettre un vol à son préjudice. Mais dans ce dernier cas, le vol consécutif sera une cause d'aggravation des peines conformément à l'article 112 in fine du code des drogues qui dispose que « le maximum des peines prévues aux articles 95 à103 du code de drogues est porté au double...lorsque l'auteur de l'infraction à participer à d'autres activités illégales facilités par la commission du délit ». a noter que cette incrimination ne se rapporte qu'aux drogues à haut risque alors que l'administration de drogue à risque parait aussi condamnable. Mais l'infraction d'administration de substances nuisibles à la santé visée à l'article 306 du code pénal sera dans tous les cas applicable.

    Le délit d'incitation à l'usage personnel de drogues est aussi sanctionné comme étant un comportement qui favorise ou encourage la consommation personnelle de drogue.

    PARA III : LA SANCTION DE L'INCITATION A L'USAGE PERSONNEL DE DROGUES

    L'article 103 alinéa 2 du code des drogues dispose que : « sont punis d'un emprisonnement de 2 à 5 ans et d'une amende égale au triple de la valeur des drogues saisies, ceux qui, par un moyen quelconque, incite directement ou indirectement à l'usage illicite de drogues ou de substances présentées comme telles même si cette incitation n'a pas été suivie d'effets ».

    L'application des dernières pénalités peut sembler procéder d'une option très sévère mais s'explique par le fait que, même si la substance dont la consommation est suggérée n'est pas en réalité de la drogue, le législateur par cette incrimination ne vise pas le fait de provocation en tan qu'il se réalise dans le but poursuivi (trafic ou usage) mais à cause de l'état d'esprit, de la mentalité propice à la commission d'infraction s -déterminées qu'il a pu créer. Mais, dans ce dernier cas, la peine d'emprisonnement est seule applicable, faute de saisie d'une drogue évaluable en argent qui permet de déterminer le montant de l'amende.

    Par ailleurs notons que les manifestations de l'évolution du traitement judiciaire des usagers de la drogue au Sénégal ne se fait pas seulement avec le réaménagement de la peine mais aussi avec la prévision de nouvelles mesures alternatives de traitement des toxicomanes.

    CHAPITRE II : LA PREVISION DE NOUVELLES MESURES ALTERNATIVES DE TRAITEMENT DES TOXICOMANES

    Le nouveau code des drogues du Sénégal, au-delà des cas déterminés pouvant dispenser le toxicomane de la peine de prison ou de l'exécution de celle-ci, prévoit quelques mesures alternatives permettant aussi au même usager de drogue de se dérober une fois de plus à l'incarcération. Il s'agit de particulièrement de l'intronisation de l'aspect sanitaire dans le traitement judiciaire des toxicomanes (section 1). Mais il faut signaler que l'application de ces mesures connaissent tout de même quelques difficultés suite à la modification du code pénal en en son article 44-2 (section 2).

    SECTION I : L'INTRONISATION DE L'ASPECT THERAPEUTIQUE DANS LE TRAITEMENT JUDICIAIRE DU TOXICOMANE

    En définitive le traitement thérapeutique ou injonction thérapeutique qui constitue le volet sanitaire du traitement judiciaire du toxicomane apparaît comme un traitement de substitution. Ainsi après avoir cerné les contours de la notion (para 1) nous nous attellerons à revisiter ses implications (para 2).

    PARA I : L'INJONCTION THERAPEUTIQUE

    Le volet sanitaire dans le traitement du toxicomane n'est pas une particularité de la législation Sénégalaise. En effet pour faire l'historique de ces mesures sanitaire il faudra d'abord déterminer l'origine en faisant référence à la communauté internationale.

    La convention de 1961 des nations unies invite les Etats à prendre « toutes les mesures possible » pour traiter les personnes qui abusent de drogues afin de réduire l'abus des stupéfiants.

    L'article 38 reconnaît en fait l'importance des mesures de lutte contre l'abus des stupéfiants, invitant les pays signataires à prendre toutes les mesures possible pour le prévenir et pour assurer le prompt dépistage, le traitement, l'éducation, la postcure, la réadaptation et la réintégration sociale des personnes intéressées »

    Toutefois, la convention ne précise pas quelles sont ces mesures, laissant toute latitude aux Etats membres pour les définir.

    La seule référence au traitement, dans le cadre de la convention, est faite dans la Résolution II de la conférence des nations unies pour l'adoption de la convention unique de 1961, annexée à cette dernière : «  la conférence (...) déclare que l'une des méthodes les plus efficace de traitement est celle qui peut être appliquée dans des établissements hospitaliers, dans lesquels le toxicomane ne peut plus se procurer de stupéfiants ». Il semble donc évident que si le législateur entend favoriser le traitement des toxicomanes, il laisse le choix aux Etats membres d'appliquer toutes les mesures possibles. Et l'injonction thérapeutique est une d'entre ces mesures.

    L'injonction thérapeutique peut être définit comme étant un contrat judiciaire entre le magistrat et le toxicomane.49(*)

    Selon ce contrat, si ce dernier accepte de se soumettre à une cure de désintoxication il sera dispensé de l'incarcération. Dans le cas contraire où il arrivait à s'y soustraire, la détention pourrait intervenir.

    Cette méthode est introduite au Sénégal par la loi n° 75 - 81 du 9 juillet 1975 abrogeant et remplaçant l'article 8 de la loi n° 72 - 24 du 19 avril 1972 relative à la répression des infractions en matière de stupéfiants et son décret d'application n° 75 - 815 du 21 juillet 1975.

    Le nouveau code des drogues du Sénégal ne déroge pas à cet état de fait et vient corroborer cette consécration. En son article 120 le code des drogues dispose que : « lorsqu'un toxicomane fait l'objet d'une condamnation pour l'une des infractions prévues aux articles 95 à 103 et 109 à 111 du présent code, le tribunal peut en remplacement ou en complément de la peine le contraindre à se soumettre au traitement ou soins appropriés à son état. Un décret fixe les modalités d'applications de ces mesures50(*). Le refus par lui, de se soumettre à ces mesures, est puni d'un emprisonnement de 2 à 5 ans et d'une amende de 500 000 à 3 000.000 de francs, ou de l'une de ces deux peines seulement ». Ceci montre que le Sénégal comme d'autre législation comme la France ont opté d'introduire dans la législation un aspect thérapeutique dans le but d'obtenir plus de résultats dans la lutte contre la toxicomanie. Cependant que nous révèle la mise en pratique de cet aspect thérapeutique.

    PARA II : LES IMPLICATIONS DE L'INJONCTION THERAPEUTIQUE

    Nous devons d'abord préciser que cet article 120 ne s'applique qu'aux consommateurs de drogue même si sa formulation peut laisser penser qu'elle pourrait s'appliquer aux trafiquants. En effet si l'on peut admettre que le juge en cas de condamnation pour usage de stupéfiants puisse « en remplacement ou en complément de peines le contraindre à se soumettre au traitement ou au soins appropriés à son état », il est difficilement concevable que le juge puisse substituer, à la peine frappant un trafiquant de drogue, une mesure de traitement.

    Il faut également noter que la peine applicable en cas de refus de se soumettre au traitement qui consistera souvent en une cure de désintoxication parait disproportionnée : alors que le délit d'usage de drogue à l'origine du mal nécessitant le traitement est puni d'un emprisonnement de 2 mois à 1 an, le refus de traitement est puni d'une peine de 2 à 5 ans.

    Un autre aperçu de la mise en pratique de l'injonction thérapeutique est qu'elle n'a été jamais appliquée en raison des divergences d'approches entre les magistrats et les médecins quant à la situation du toxicomane. D'autres raisons à l'origine de cette non application est le manque d'infrastructures sanitaires approprié à une cure de désintoxication efficace, aussi le manque de médecins psychiatres compétents et ayant assez d'expérience en ce qui concerne le cure de désintoxication. En somme il faut se dire que le manque de moyen criard et l'absence d'une bonne politique sanitaire sont à l'origine de la léthargie que connaît l'injonction thérapeutique au Sénégal.

    Mais au-delà de ces considérations qui entravent la bonne application de l'injonction thérapeutique il existe d'autres difficultés d'application des mesures alternatives.

    SECTION II : LA DIFFICULTE D'APPLICATION DES MESURES ALTERNATIVES

    Cette difficulté réside surtout dans la modification du code pénal par la loi n° 2000 - 38 du 29 décembre 2000 modifiant le Code pénal51(*). La modification du code pénal en son article 44-2 par la présente loi emporte un certain nombre d'incidences quant à l'application des mesures alternatives (para 1). Par ailleurs, ces incidences alimentent tout un débat juridique soulevé par la question (para 2).

    PARA I : LES INCIDENCES DE LA REVISION DE L'ARTICLE 44-2 DU CODE PENAL

    L'article 44-2 modifié du code pénal Sénégalais dispose que : « Les modes d'aménagement des peines fixées par la loi sont :

    1° le sursis

    2° la probation

    3° le travail au bénéfice de la société.

    4° la semi-liberté

    5° le fractionnement de la peine

    6° la dispense de la peine et l'ajournement

    Les modes d'aménagement des peines ci-dessus ne peuvent être appliqués où prescrits :

    - ni en cas de récidive

    - ni en matière criminelle

    - ni en matière correctionnelle pour les infractions suivantes : détournement de deniers publics, délits douaniers, viol, attentats à la pudeur, pédophilie, délits relatifs aux stupéfiants.»52(*)

    Et c'est à partir de là qu'il y a problème. En effet le nouveau code des drogues du Sénégal a prévu un certain nombre de cas et de mesures pouvant dispenser le toxicomane de la peine de prison. Or l'article 44-2 modifié précise que la dispense de peine et l'ajournement de la peine ne concerne ou ne peuvent être appliqués entre autre pour les délits relatifs aux stupéfiants. L'usage personnel de drogues est un délit relatif aux stupéfiants, donc il est directement concerné et visé par cet article. En clair selon cette disposition le toxicomane ne peut bénéficier d'un réaménagement de la peine. Et pourtant le code des drogues en son article 109 a prévu trois cas de dispense de la peine que sont : la minorité, l'absence de récidive et l'engagement solennel en audience de ne plus consommer de la drogue. L'article 120 du même code prévoit des mesures de traitement des toxicomanes. Ces deux articles prévoient en somme que le toxicomane peut être dispensé de la peine d'incarcération s'il se retrouve dans l'un de ces cas de figures. Alors la difficulté réside en ce que dans la mise en pratique de l'article 44-2 modifié il n'est plus question pour le magistrat de faire bénéficier un quelconque réaménagement de la peine au profit de l'usager de drogue simple toxicomane. Par conséquent l'application des mesures alternatives prévues par le code des drogues se retrouve entravée par l'article 44-2, ce qui pose de sérieuses difficultés d'applications. Plus grave alors ! L'application de ces mesures sera contraire à la loi si l'on se réfère au principe de l'application de la loi pénale dans le temps réglant la question de conflit de lois. Il faut noter que l'article 44-2 est une loi nouvelle plus sévère qui a la priorité de s'appliquer pour les situations qui lui sont postérieures et non pour les faits antérieurs ou qui sont en cours de jugement. Ces derniers restent sous l'empire de la loi pénale ancienne. Donc pour toutes les situations à venir il n'est plus dorénavant question de faire bénéficier au toxicomane d'un réaménagement de la peine prévu par le nouveau code des drogues du Sénégal.

    Cette situation alimente toute une réflexion autour du débat juridique soulevé par la question.

    PARA II : LA REFLEXION AUTOUR DU DEBAT JURIDIQUE SOULEVE PAR CETTE QUESTION

    Les questions qu'il importe pour nous de nous poser, sont de savoir : que fait-on des cas de dispense de la peine pour le toxicomane prévus par le code des drogues et aussi des mesures alternatives qu'il prévoit ? Ou bien sont-ils tous condamné à la disparition ? Alors où était l'intérêt d'édicter de telles mesures destinées à ne jamais être appliquées ? Que devient l'évolution du traitement judiciaire de l'usager simple toxicomane ? Où bien peut-on dans ce cas parler d'évolution du traitement judiciaire de l'usager de drogue ? Le traitement judiciaire du toxicomane en fin de compte, ne serait- il pas toujours aussi sévère ? Aussi est ce que l'assouplissement de la législation ne serait qu'un leurre ? Ou plutôt concernant l'article 44-2 est ce que c'est une bourde du législateur ? En fin de compte n'est il qu'une erreur du législateur ? Où est ce que c'est un acte posé exprès par le législateur ?

    Autant de questions sans réponses qui ont poussé Monsieur Cheikh Bamba Niang à sonner l'alerte en soutenant que : « la révision du code pénal en son article 44-2 pose des difficultés d'application des mesures alternatives. En effet celle-ci semble exclure le domaine des stupéfiants dans son champ d'application. Ce qui pose la problématique de la disparition de traitement spécifique de certaines infractions relatives aux stupéfiants »53(*)

    Cependant l'observatoire géostratégique des drogues et de la déviance dans son document d'appui aux stratégies de lutte contre la grande déviance et les fléaux sociaux fait appelle à une amélioration de l'environnement législatif. Une amélioration qui passe nécessairement par un toilettage des textes présentant les difficultés d'application, notamment par l'harmonisation du nouveau code des drogues avec la loi 2000 - 38 du 29 décembre 2000 concernant surtout sa partie relative à l'interdiction de prononcer des peines alternatives à l'emprisonnement en matière de drogue.

    Donc disons pour terminer que cette harmonisation est plus que nécessaire pour régler ce problème et conformer le traitement judiciaire du toxicomane à l'évolution qu'elle connaît aujourd'hui à travers le monde.

    CONCLUSION

    Le monde moderne est pour le moins que l'on puisse dire accablé de bon nombre de fléaux sociaux parmi lesquels nous pouvons citer le phénomène la drogue. Le phénomène est d'une telle ampleur que l'ancien secrétaire générale de l'ONU Pérez de Cuellar déclarait que l'usage de stupéfiants est « un des maux les plus malsains et les plus contagieux de notre époque ».Ceci est d'autant plus vrai que ce fléau des temps modernes n'épargne aucun continent ni aucun pays ; il s'attaque à la fine fleur de nos Etats qu'est la jeunesse et a des effets néfastes sur les fondements économiques, culturels et politique de la société. Conscient de la gravité de la situation, les Etats ont senti le devoir prioritaire de mettre un terme sinon atténuer les ravages de la drogue. Pour y parvenir ils se sont dotés de législations appropriées qui se saisissent de la question dans son concept multidisciplinaire.

    Le Sénégal comme le reste du monde d'ailleurs n'a pas faillit à cela et depuis la loi 97-18 du 1er décembre 1997 portant code des drogues du Sénégal le pays s'est doté d'une législation chargée de réglementer la culture, la production, la fabrication et le commerce licite des stupéfiants, substances psychotropes et précurseurs d'une part. Et d'autre part de réprimer la production et le trafic illicite des substances sous contrôle tout en prenant des mesures contre l'abus des stupéfiants et des substances psychotropes.

    Face à la diversification et à l'intensification du trafic et de la consommation de dogues, les autorités ont réagi en se dotant de nouveaux instruments législatifs adaptés aux dimensions régionales, en coordonnant les activités répressives , en appliquant des lois contraignantes vis à vis des trafiquants et en tentant de réduire les conséquences néfastes de la consommation de la drogue.

    Cette démarche Sénégalaise s'inscrit en droite ligne dans la logique internationale .En effet la communauté internationale dans sa réaction première va d'abord réprimer le phénomène. C`est ainsi que les premières conventions vont incriminer la consommation de la drogue assortie de sévères peines d'emprisonnement et d'amende avant de connaître un assouplissement dû à la nouvelle approche des juridictions pénales à l'égard de l'usager consommateur de drogue. Cependant la sévérité de la répression du phénomène de la drogue reste concentrée sur le trafiquant tandis que l'usager toxicomane connaît une nouvelle approche pénale beaucoup plus allégée se matérialisant par l'intronisation de nouvelles mesures alternatives reconfigurant ainsi le traitement judiciaire des usagers de la drogue.

    Cependant des difficultés d'ordre diverses vont surgir compromettant l'application de ses mesures alternatives marquant l'évolution du traitement judiciaire des usagers de la drogue au Sénégal. Mais cette assouplissement du traitement, au regard des difficultés d'application qu'il connaît surtout par la modification de l'article 44-2 du code pénal, ne traduit-elle pas de la part du législateur Sénégalais une volonté de se porter à faux contre la politique criminelle de la communauté internationale. Cette politique qui selon elle soutient que le toxicomane doit bénéficier de mesure de substitution afin de garantir des résultats plus que probantes de réduction de la consommation de stupéfiant à travers le monde.

    TABLE DES MATIERES

    SOMMAIRE 1

    INTRODUCTION GENERALE 2

    TITRE I : LES FONDEMENTS DE L'EVOLUTION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES USAGERS DE LA DROGUE AU SENEGAL 15

    CHAPITRE I : D'UN TRAITEMENT REPRESSIF A L'EFFICACITE MITIGEE ... 17

    SECTION I : LE TRAITEMENT REPRESSIF, PREMIERE REACTION DE LA JUSTICE PENALE SENEGALAISE 17

    PARA I : LA LEGISLATION SENEGALAISE EN MATIERE DE STUPEFIANTS AVANT L'AVENEMENT DU CODE DES DROGUES 17

    PARA II : L'ATTITUDE REPRESSIVE DES JURIDICTIONS SENEGALAISES 20

    SECTION II : LA NECESSITE D'ALLEGER LE TRAITEMENT 22

    PARA I : L'IMPERTINENCE DU SYSTEME CARCERAL POUR L'ERADICATION DU PHENOMENE 22

    PARA II : L'ABSENCE DE RESULTAT DU SYSTEME 25

    CHAPITRE II : ... VERS UN TRAITEMENT ALLEGE. 27

    SECTION I : LA NOUVELLE APPROCHE PENALE DE L'USAGER DE LA DROGUE 27

    PARA I : L'INCERTITUDE SUR LA VRAIE NATURE DU TOXICOMANE : CRIMINELLE OU DELINQUANT ? 27

    PARA II : LA POSITION DE LA LOI PENALE FACE A CE DEBAT 29

    SECTION II : L'INFLUENCE DES NOUVELLES THEORIES DE POLITIQUES CRIMINELLES 30

    PARA I : LA PRESENTATION DES NOUVELLES THEORIES DE POLITIQUES CRIMINELLES 31

    PARA II : LA REALITE DE L'IMPACT DE CES THEORIES SUR L'EVOLUTION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES TOXICOMANES 32

    TITRE II : LES MANIFESTATIONS DE L'EVOLUTION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES TOXICOMANES AU SENEGAL 34

    CHAPITRE I : LES MANIFESTATIONS AU NIVEAU DES PEINES 35

    SECTION I : LA SOUPLESSE DE LA LOI QUANT A LA SANCTION DU TOXICOMANE 35

    PARA I : LA FAIBLESSE DE LA PEINE EN CAS DE CONSOMMATION PERSONNELLE 35

    PARA II : LES CAS DE DISPENSE DE LA PEINE OU DE L'EXECUTION DE CELLE-CI POUR LE TOXICOMANE 37

    SECTION II : LE DURCISSEMENT DE LA LOI FACE A TOUT COMPORTEMENT FAVORISANT UN USAGE PERSONNEL DE DROGUE 39

    PARA I : LA SANCTION EN CAS D'OFFRE OU DE CESSION EN VUE D'UNE CONSOMMATION PERSONNELLE 39

    PARA II : LA SANCTION DE LA FACILITATION DE L'USAGE DE DROGUES 40

    PARA III : LA SANCTION DE L'INCITATION A L'USAGE PERSONNEL DE DROGUES 43

    CHAPITRE II : LA PREVISION DE NOUVELLES MESURES ALTERNATIVES DE TRAITEMENT DES TOXICOMANES 44

    SECTION I : L'INTRONISATION DE L'ASPECT THERAPEUTIQUE DANS LE TRAITEMENT JUDICIAIRE DU TOXICOMANE 44

    PARA I : L'INJONCTION THERAPEUTIQUE 44

    PARA II : LES IMPLICATIONS DE L'INJONCTION THERAPEUTIQUE 46

    SECTION II : LA DIFFICULTE D'APPLICATION DES MESURES ALTERNATIVES 47

    PARA I : LES INCIDENCES DE LA REVISION DE L'ARTICLE 44-2 DU CODE PENAL 47

    PARA II : LA REFLEXION AUTOUR DU DEBAT JURIDIQUE SOULEVE PAR CETTE QUESTION 49

    CONCLUSION 51

    TABLE DES MATIERES 53

    * 1 Selon M. Mamadou Fofana, coordonnateur du Comité interministériel sénégalais de lutte contre la drogue, les enfants de 12 ans fument de plus en plus le cannabis. . AFRIQUE RELANCE, NATIONS UNIES

    Selon Omar Sylla, psychiatre, Directeur de l'école nationale de développement sanitaire et sociale « la toxicomanie féminine connait une tendance croissante due à la perte des valeurs, à la volonté des femmes de vouloir conquérir leur autonomie, leur féminité d'une part et la dépravation des moeurs et des comportements d'autre part. Document d'appui aux stratégies de lutte contre la déviance et les fléaux sociaux : trafic de drogue et de blanchiment d'argent Toxicomanie et VIH/SIDA : Le cas du Sénégal. Dakar, Mars 2003.

    * 2 Contexte et justification de l'observatoire géostratégique des drogues et de la déviance, Document d'appui aux stratégies de lutte contre la déviance et les fléaux sociaux : trafic de drogue et de blanchiment d'argent Toxicomanie et VIH/SIDA : Le cas du Sénégal. Dakar, Mars 2003.Page 11

    * 3 « La décennie 1980 marque un tournant dans l'intégration de l'Afrique subsaharienne dans l'économie des drogues illicites. Terre de passage pour les produits illicites venant des continents asiatique et sud américain et à destination de l'Europe et de l'Amérique du Nord, l'Afrique devient également une terre de production, principalement de cannabis, et un marché de consommation. Le développement de la production, du trafic et de la consommation illicites de cannabis s'y inscrit dans un contexte économique dégradé. La chute des prix des matières premières et les politiques de libéralisation des filières ne touchent pas seulement le secteur agricole qui se met en quête de cultures alternatives : le commerce et le transport pâtissent aussi de cette dégradation économique. A la différence des masses paysannes, les Etats et leurs représentants ne sont affectés qu'en dernier lieu par les conséquences de la baisse de la rente agricole. Quant au dégraissage des effectifs de la fonction publique qui est imposé par les plans d'ajustement structurel, il fragilise économiquement les classes moyennes urbaines qui deviennent une cible d'autant plus désignée pour les trafiquants : en tant que consommateurs cherchant à s'adapter à la nouvelle réalité, mais aussi comme acteurs du trafic, en tant que transporteurs, vendeurs, ou passeurs. Le développement de ces activités, qui apparaissent comme des alternatives économiques pour divers groupes sociaux, ne se fait pas sans conséquences politiques. Si les drogues ont souvent été mentionnées pour la place qu'elles ont eu dans certains conflits africains, et ce à divers titres, elles ont aussi, dans certaines régions, contribué à maintenir une stabilité sociale ». Croissance et... croissance de l'économie du cannabis en Afrique subsaharienne (1980-2000) Pascale Pérez et Laurent Laniel Article publié dans Hérodote, « Géopolitique des drogues illicites », n° 112, 1er trimestre 2004

    * 4 Comme c'est le cas sur d'autres continents pour d'autres plantes à drogues, production et trafic de cannabis peuvent servir en Afrique subsaharienne à financer des mouvements armés. Le conflit casamançais est l'exemple peut-être le mieux connu. Des observateurs estiment que les mouvements rebelles ont commencé à prélever des taxes sur les ventes de cannabis, produit en grande quantité en Casamance, dès le début des années 1980. Les revenus ainsi dégagés, de même que des opérations de troc armes contre drogues, auraient permis à la guérilla casamançaise d'améliorer son armement Au Libéria, lorsque Charles Taylor perdit le contrôle des zones aurifères et diamantifères en 1993, il eut un recours accru au cannabis produit sur les territoires qu'il maîtrisait encore afin de financer ses opérations militaires. ». Croissance et... croissance de l'économie du cannabis en Afrique subsaharienne (1980-2000) Pascale Pérez et Laurent Laniel Article publié dans Hérodote, « Géopolitique des drogues illicites », n° 112, 1er trimestre 2004

    * 5Contexte et justification de l'observatoire géostratégique des drogues et de la déviance, Document d'appui aux stratégies de lutte contre la déviance et les fléaux sociaux : trafic de drogue et de blanchiment d'argent Toxicomanie et VIH/SIDA : Le cas du Sénégal. Dakar, Mars 2003.Page 12

    * 6 Selon M. Mamadou Fofana, coordonnateur du Comité interministériel sénégalais de lutte contre la drogue, les enfants de 12 ans fument de plus en plus le cannabis. . AFRIQUE RELANCE, NATIONS UNIES

    * 7Au Sénégal, les consommateurs de cannabis sont généralement les personnes démunies...Quelques toxicomanes proviennent de la couche élevée de la société; ceux-ci consomment de la cocaïne, de l'héroïne et du crack qu'eux seuls peuvent se permettre du fait du prix élevé de ces stupéfiants. AFRIQUE RELANCE, NATIONS UNIES.

    * 8 Le programme politique des drogues de la fondation BECKLEY, Vers une révision des politiques mondiales sur les drogues illégale, Marcus Roberts, Axel Klein, Mike Trace, Mai 2004.Traduction Anne Singer.

    * 9 - Les pays ont implémenté la prohibition des drogues avec des degrés d'enthousiasme divers.

    - Il y a des différences entre les Etats, et même en leur sein, quant à l'ordre d'importance de la répression, du traitement, de la prévention et l'intégration sociale. Quelques pays continuent de centre tout leur effort sur la réduction de l'offre. D'autres, bien qu'ils continent d'appliquer la loi, acceptent qu'il y ait une proportion relativement importante d'usagers dans leur population et cherchent plus a appliquer des mesures pour réduire les risques.

    - L'efficacité des politiques existantes est de plus en plus évaluée par les organisations régionales de l'ONU et les gouvernements nationaux. Cette évaluation des politiques devenant de plus en plus sophistiquée, des questions ont émergé sur le rapport coût / efficacité des plans établis ainsi qu'une divergence d'opinions de plus en plus grande quant aux moyens d'avancer.

    * 10 Le Comité Interministériel de Lutte contre la Drogue (CILD) est composé de la quasi-totalité des Ministres du Gouvernement, avec en première ligne, ceux assurant la tutelle de services concourant à la lutte contre l'abus et le trafic des drogues, auxquels s'ajoutent des représentants des ONG consacrant leurs activités aux questions liées à la matière.
    Il dispose d'un Secrétariat Permanent dirigé par un Coordonnateur National, nommé par Décret, sur proposition du Ministre de l'Intérieur, Président dudit comité. Cette structure a une mission d'animation, de coordination et de suivi des actions de lutte du Comité Interministériel.
    Le Secrétariat Permanent représente le Sénégal seul ou concurremment avec d'autres ministères (Justice, Affaires Etrangères) aux négociations de Traités et Conventions internationales sous l'égide des organes du système des Nations Unies que sont l'Organe International de Contrôle des Stupéfiants (OICS) et l'Office pour le Contrôle des Drogues et la Prévention du Crime (OCDPC).
    Aux termes du Décret 97 -1217 du 17 décembre 1997, le Comité Interministériel est chargé de définir la politique nationale de lutte contre l'abus et le trafic des drogues. ministère de l'intérieur 2004
    De coordonner les actions des différents services de l'Etat intervenant dans la lutte contre la toxicomanie et le trafic illicite de drogues (Police, Douane, Gendarmerie, Santé. ...) ;
    De proposer des mesures tendant à améliorer les moyens mis à la disposition des différents services intervenant dans la lutte contre la drogue ;
    De favoriser les informations, la prévention, la prise en charge médico-sociale, la recherche, les études épidémiologiques et statistiques liées à l'abus des drogues ;
    De présenter annuellement au Gouvernement et aux organismes internationaux intéressés, un rapport sur la situation nationale de la drogue et de la toxicomanie, leur évolution en ce qui concerne le contrôle de l'offre (trafic) la réduction de la demande (prévention et sensibilisation) et formuler les propositions susceptibles de favoriser les différentes actions prévues contre le fléau

    * 11 C'est la loi n° 97-18 du 1er Décembre 1997 publiée au JORS n° 5777 du 20 décembre 1997 portant Code Des Drogues du Sénégal qui institue en même temps la CILD et l'OCRTIS

    * 12 JORS, 11 / 04 /1987, 5168 : 391

    * 13 De simple brigade dans les années 1960, le service spécialisé dans la lutte contre les stupéfiants a été érigé en Office rattaché à la Direction de la police Judiciaire (DPJ) par l'arrêté n°5671 du 10 juillet 1991.L'OCRTIS a été rattaché le 17 Décembre 1977 au cabinet du Directeur Généra de la Sûreté Nationale, suite aux exigences de la coopération internationale en matière de lutte contre les stupéfiants. L'OCRTIS est constitué de deux sections, de brigades régionales d'unités de lutte pour contrecarrer les trafiquants et répondre à ses obligations de correspondant d'INTERPOL et de coordinateur de la lutte contre le trafic illicite des stupéfiants .Il se compose d'une section opérationnelle et d'une section documentaire. Présentation de l'OCRTIS par Abdoulaye Niang, Commissaire Divisionnaire, Chef de l'OCRTIS dans : Document d'appui aux stratégies de lutte contre la déviance et les fléaux sociaux : trafic de drogue et de blanchiment d'argent Toxicomanie et VIH/SIDA : Le cas du Sénégal. Dakar, Mars 2003.Page 27.

    * 14 Exposé des motifs de la loi n°97-18 du 1er décembre 1997 portant Code des drogues du Sénégal, publiée JOS n° 5777 du 20 décembre 1997.

    * 15 « Au début du XXe siècle, la nécessité de mieux connaître l'ampleur de l'alcoolisme en AOF en vue de freiner sa propagation est exprimée par l'administration coloniale. C'est ainsi qu'en novembre 1912, elle a élaboré un programme destiné à limiter la progression des boissons spiritueuses en Afrique. Dans ce cadre,une enquête sur l'alcoolisme a été demandée par le Gouverneur général. À partir de 1909, plusieurs textes à caractère législatif et réglementaire ont été adoptés en matière d'usage de l'alcool, complétant les dispositions des décrets fixant les droits à percevoir à l'entrée et à la sortie sur les marchandises en AOF 

    Pour une reconstitution de ces textes, se reporter aux dispositions du décret du 15 mai 1921Prohibant l'importation, la circulation, la vente et la détention de certaines catégories de boissons distillées en AOF et portant modification au décret du 14-4-1905 et aux décrets subséquents qui ont fixé les droits à percevoir à l'entrée et à la sortie sur les marchandises dans cette colonie (JO 1921 : 925) ».

    Par Momar Coumba Diop dans : L'administration Sénégalaise et la gestion des « fléaux sociaux » l'héritage coloniale. Institut Fondamental d'Afrique Noir - Cheikh Anta Diop

    * 16On peut citer parmi les textes législatifs et réglementaires :


    · Décret du 23 juin 1922 prohibant dans les Colonies, la sortie, la réexportation, le transit et le transbordement de l'opium et des produits opiacés (JO 1922 : 551).


    · Décret du 31 octobre 1928 promulguant la Convention et l'acte final concernant le contrôle et le commerce des stupéfiants, signé à Genève le 19 février 1925 (JO 1928 : 932).


    · Décret du 30 juin 1933 promulguant la Convention pour limiter la fabrication et réglementer la distribution des stupéfiants et protocole signé à Genève le 13 juillet 1931 (JO 1933 : 735).


    · Décret du 27 janvier 1948 (non promulgué) portant publication du protocole amendant les accords, conventions et protocole sur les stupéfiants conclus à La Haye le 23 janvier 1912, à

    Genève les 11 février 1925 et 31 juillet 1931, à Bangkok le 27 novembre 1931 et à Genève le

    26 juin 1936, signé à Lake Success le 11 décembre 1942 par le Gouvernement de la République

    (JO 1948 : 336).

    L'administration sénégalaises la gestion des «fléaux sociaux».L'héritage colonial, Momar Coumba DIOP Institut Fondamental d'Afrique Noire - Cheikh Anta Diop

    * 17 Art 2 titre premier du code des drogues du Sénégal, il existe un tableau IV voir art 3 titre premier du même code

    * 18 Dispositions générales du titre premier de la deuxième partie du code des drogues du Sénégal.

    * 19 L'ancien SG de l'ONU Pérez De Cuellar déclarait que le trafic illicite de stupéfiants est « un est maux des plus malsains et les plus contagieux de notre époque ».

    * 20 Selon le Docteur Idrissa Bâ, Psychiatre, médecin chef à l'hôpital Psychiatrique de Thiaroye : « le bilan des activités de l'hôpital psychiatrique de Thiaroye pour l'année 2001 révèle que sur 2136 nouveaux malades enregistrés, les pourcentages ci-après ont été enregistrés :

    - 24,53 pour 100 de toxicomanes ont une moyenne d'âge de 28 ans

    - 5,34 pur 100 sont de sexe féminin

    - 6,87 pour 100 consomment des drogues dures

    - 48,09 pour 100 ont été hospitalisés. »

    Ainsi cela devient un véritable problème de santé publique

    (Document d'appui aux stratégies de lutte contre la déviance et les fléaux sociaux : trafic de drogue et de blanchiment d'argent Toxicomanie et VIH/SIDA : Le cas du Sénégal. Dakar, Mars 2003.Page 40).

    * 21 Géopolitique, Le marché mondial de la drogue.

    * 22 Aceijas et al, 2004

    * 23 L'ONUSIDA et la prévention du VIH auprès des usagers de la drogue par voie intraveineuse, Mike Trace, Diane Riley, Gerry Stimson, traduit par Anne Singer, Bulletin d'information 9 de Septembre 2005 du programme politique des drogues de la fondation Beckley

    * 24 Le programme politique des drogues de la fondation Beckley, Vers une révision des politiques mondiales sur les drogues illégales, Markus Roberts, Axel Klein, Mike trace. Mai 2004, Rapport 1 .

    * 25 Publié au Journal officiel de la république du Sénégal, 13 mai 1972, page 754

    * 26 Publié au Journal officiel de la république du Sénégal, 18 mars 1963

    * 27 Revoir l'article 16 de la loi 72 - 24 du 19 avril 1972

    * 28 Publié au Journal officiel de la république du Sénégal, 20 juin1987

    * 29 Beaucoup d'exemples du genre nous sont donnés par la jurisprudence, c'est l'exemple du cas ministère public/contre Ousmane Diallo ou ce dernier fût condamné pour la détention d'un seul cornet à la prison ferme. Répertoire des jugements correctionnels du tribunal régional de Saint Louis, audience du 24/04/2007.

    * 30 Beaucoup d'exemples peuvent être tirés de la jurisprudence pour monter que le terme « détention » est souvent associé à l'usage de stupéfiants. Ainsi dans une affaire entre le ministère public / sieur Malick Diop, ce dernier fût inculpé de détention et usage de chanvre indien, 2 ans ferme. De même ministère public / Moustapha Diallo et Abiboulaye Diop, tous deux inculpés pour détention et usage de stupéfiants, 6 mois fermes pour le premier et 2 mois ferme pour le second.

    * 31 Plate-forme sur la toxicomanie en prison, Act Up-Paris. Aides. Auto-Support Banlieues. Médecins du Monde Observatoire International des Prisons. Syndicat de la Magistrature

    * 32 Plate-forme sur la toxicomanie en prison, Act Up-Paris. Aides. Auto-Support Banlieues. Médecins du Monde Observatoire International des Prisons. Syndicat de la Magistrature

    * 33 Présenté par l'équipe des Nations Unies au Sénégal dans : L'évaluation commune de la situation du Sénégal, septembre 2001, système des Nations Unies, deuxième édition

    * 34 Psychiatre, médecin chef à l'hôpital psychiatrique de Thiaroye

    * 35 Rapporté dans le Document d'appui aux stratégies de lutte contre la grande déviance et les fléaux sociaux : trafic de drogue et blanchiment d'argent Toxicomanie et VIH/SIDA : Le cas du Sénégal. Dakar, Mars 2003

    * 36 Docteur Safiétou Thiam, division Sida Ministère de la santé

    * 37 Rapporté dans le Document d'appui aux stratégies de lutte contre la grande déviance et les fléaux sociaux : trafic de drogue et blanchiment d'argent Toxicomanie et VIH/SIDA : Le cas du Sénégal. Dakar, Mars 2003

    * 38 Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), Les français et les drogues perception, opinion et attitudes 1998 - 1999, Tendances, N° 1, MAI 1999

    * 39 Il s'agit de la loi Francaise du 31 décembre 1970

    * 40 Cheikh Bamba Niang, actuel substitut du procureur du tribunal régional de Saint Louis. Ces propos cités ont été rapportés dans le Document d'appui aux stratégies de lutte contre la grande déviance et les fléaux sociaux : trafic de drogue et blanchiment d'argent Toxicomanie et VIH/SIDA : Le cas du Sénégal. Dakar, Mars 2003.

    * 41 Marc Ancel, La défense sociale, 1ere édition, Cujas, 1954.

    * 42 Chronique de politique criminelle, la défense sociale nouvelle à 50 ans -l'actualité de la pensée de Marc Ancel- Christine Lazerges, professeurs à l'Université de Paris (Panthéon-Sorbonne), Revue de droit criminelle

    * 43 Rapporté par Christine Lazerges dans : L'actualité de la pensée de Marc Ancel, chronique de politique criminelle, Revue de droit criminelle

    * 44 Nouveau codes des drogues du Sénégal, page 53

    * 45 Article 99 du code des drogues

    * 46 Article 100-2 du code des drogues

    * 47 Article 112 du code des drogues

    * 48 Alinéa 1 de l'article 98 du code des drogues

    * 49 Il est ainsi définit dans le rapport de présentation du Décret n° 97-1219 du 17 décembre 1997 relatif aux mesures de traitement des toxicomanes

    * 50 C'est le décret n°97-1219 du 17 décembre 1997 relatif aux mesures de traitement des toxicomanes

    * 51 Journal officiel de la république du Sénégal, Samedi 29 février 2000, page 67

    * 52 Article 44-2 du code pénal modifié par la loi n° 2000 - 38 du 29 décembre 2000 modifiant le code pénal, journal officiel de la république du Sénégal du Samedi 10 février 2001, page 67.

    * 53 Cheikh Bamba Niang, actuel substitut du procureur du tribunal régional de Saint Louis. Ces propos cités ont été rapportés dans le Document d'appui aux stratégies de lutte contre la grande déviance et les fléaux sociaux : trafic de drogue et blanchiment d'argent Toxicomanie et VIH/SIDA : Le cas du Sénégal. Dakar, Mars 2003.






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