UNIVERSITE DE YAOUNDE I
UNIVERSITY OF YAOUNDE I
FACULTE DES LETTRES DES ARTS, DES
LETTRES
ET SCIENCES
HUMAINES
FACULTY OF ARTS,
LETTERS
AND SOCIAL SCIENCES
DEPARTEMENT D'HISTOIRE
HISTORY DEPARTEMENT
CONTRIBUTION DE L'ORALITE A L'ETUDE DES RELATIONS
ENTRE LES PYGMMEES BAKA ET LES BANTOU AU SUD-EST CAMEROUN, DES ORIGINES A
1960.
Mémoire présenté et soutenu en
vue de l'obtention du diplôme de maîtrise en histoire
Par
Joseph Jules SINANG
Licencié en Histoire
Sous la direction de :
Thierno Mouctar Bah
Professeur
Année académique 2004-2005.
INTRODUCTION GENERALE
Les sources orales ont depuis fort longtemps, acquis leur
droit de cité dans l'historiographie. En Afrique, elles sont devenues un
outil méthodologique privilégié de la production
historienne depuis que le mythe du document écrit tant brandi par les
tenants de l'histoire comme «connaissance du passé basé sur
les écrits» s'est effondré .
Qu'il s'agisse du passé récent où les
acteurs de plus en plus livrent leurs témoignages sous forme de
«oral history»1(*), ou du passé lointain appréhendé
sur la base des traditions ancestrales, la contribution de l'une ou l'autre
catégorie de sources reste fort appréciable2(*).
Ainsi au Cameroun, la «oral history» a permis de
reconstituer plusieurs épisodes de l'histoire politique, comblant ainsi
la lacune due au difficile accès aux sources écrites3(*). Cette approche a permis de
recueillir des témoignages dignes d'intérêt auprès
de certaines personnalités soucieuses du devoir de
mémoire4(*). C'est
le cas de Sadou Daoudou5(*)
qui, pendant près d'un quart de siècle, a présidé
aux destinées des forces armées nationales, gérant des
épisodes tumultueux comme celui de la rébellion armée
ayant suivi l'indépendance ; où de Pierre Semengue6(*), officier militaire de la
première heure, associé à toutes les opérations de
maintien de la paix et de la sécurité ou encore de Woungly
Massaga , l'une des figures du mouvement nationaliste camerounais 7(*).
Pour ce qui est des traditions orales, leur contribution dans
l'historiographie camerounaise reste assez remarquable. Elles nous
édifient de façon particulière sur la période
précoloniale tant il est vrai que, la civilisation africaine est
essentiellement une civilisation de parole, et l'histoire de ses
sociétés se perçoit mieux de l'intérieur.
Plusieurs chercheurs au Cameroun, ont senti l'urgente
nécessité de procéder à une collecte
systématique des traditions historiques auprès des rares
détenteurs que sont les vieillards. A cet égard, l'on peut se
réjouir de l'oeuvre monumentale laissée par Eldrige Mohamadou
qui, par une collecte méticuleuse des traditions historiques, nous a
livré l'essentiel de la connaissance sur les lamidat du Nord-Cameroun ,
puisée sans répit à la bonne source . Il aura
poussé sa perspicacité dans la partie méridionale ;
ce qui nous a valu la publication d'un corpus sur les peuples du Centre et de
l'Ouest8(*).
Dans la même mouvance, il est utile de mentionner
l'opération de collecte des traditions orales du Mbam9(*), menée sous la houlette
d'Emmanuel Ghomsi et de Thierno Mouctar Bah sous l'instigation de l'ex-ISH
d'une part. D'autre part, les travaux de Martin Samuel Eno Belinga
consacrés à la zone forestière à travers le genre
épique du Mvet chez les Pahouin10(*), et des enquêtes d'un grand
intérêt effectuées dans la partie littorale par Dika Akwa
Nya Bonambela sur les peuples Sawa et apparentés.
Des efforts allant dans le même sens ont
été entrepris au département d'histoire de
l'université de Yaoundé I, où l'on note un réel
essor avec la production de nombreuses thèses et mémoires sur
la base des traditions orales. Cependant, le récit historique a
été privilégié au détriment des autres
formes d'expression. Or dans les sociétés africaines, il existe
un éventail assez large de sources orales, dont la typologie varie
d'une société à une autre en fonction des modes
d'organisation socio-politique11(*).
Mieux encore, le récit historique présente
d'énormes faiblesses que les «féticheurs de
l'écriture»exploitent pour vilipender les sources orales qui ,
malgré leur place dans l'historiographie, demeurent néanmoins un
sujet controversé12(*).
D'abord en tant qu'ensemble de données
organisées, coordonnées et transmises par delà les
générations, ce mode d'expression présente des versions
stéréotypées, figées reflétant
l'idéologie de sa société d'origine. A cet effet,
l'histoire est mutilée ; les victoires et les qualités des
héros sont glorifiées, leurs défauts passés sous
silence, et les faibles oubliés , par l'effet d'une censure
méthodiquement élaborée.
Ensuite, le récit historique ne permet pas de remonter
aussi loin que possible dans le temps du fait de l'amnésie, surtout en
Afrique centrale, caractérisée par l'absence de professionnels de
l'oralité contrairement à l'Afrique occidentale, où le
griot joue le rôle d'historiographe. D'où la
nécessité de recourir à d'autres formes d'expression dont
l'usage très courant et quelques fois mécanique, qui pourtant
sont porteuses d'informations historiques.
Entre autres, les symboles tels les mythes, les rites et les
masques tiennent une large place dans l'approche africaine de la
société. Par leur atemporalité et leur dimension sociale,
ils sont les moments de communion de la vie collective, et une manifestation
de la conscience historique. Aussi permettent-ils de mieux saisir la
pensée des peuples dans la mesure où l'une des
réalités de la société négro-africaine
reste l'imbrication du spirituel et du temporel.
A leurs côtés, nous avons des proverbes qui,
sous une forme imagée et concise présentent le
résumé de la vie. Plusieurs d'entre eux, ont trait à des
situations historiques. Ils fournissent des indications sur les noms des
héros, des notables ou des villages qui sont désormais connus
des générations futures. Véhicule par excellence des
systèmes de valeurs de la société, les proverbes sont
riches d'enseignements. A cet égard, ils représentent la culture
et font office d'école. Un homme cultivé est donc celui
là qui maîtrise le plus de proverbes et qui lors d'une palabre,
est capable d'opposer le proverbe le mieux approprié pour renforcer son
opinion et obtenir l'adhésion de la communauté.
Les chansons restent l'une des formes d'expression
couramment utilisées dans la société. Des
cérémonies rituelles, aux réjouissances populaires en
passant par l'invocation du courage ou la gestion du temps mort, le chant
intervient toujours. Transmis entre les générations, il
évoque des situations vécues qui sont dignes de
mémoire ; un accent étant mis sur les qualités et
les défauts. Ainsi le message magnifie les vertus et dénonce
les vices . Le héros qui peut être un grand chasseur ou un
guerrier courageux est glorifié, tandis que le paria tel
l'épouse infidèle ou le paresseux est hué dans les
mélodies 13(*).
De même, la toponymie au delà de ses attributs
géographiques, constitue une source d'information historique de grande
utilité. A cet effet, il est opportun d'évoquer
particulièrement le rôle des lieux sacrés tels les
forêt, les montagnes, et les cours d'eaux... à l'endroit
desquels les hommes vouent déférence et humilité.
Dans le même registre, nous avons les ethnonymes et les
patronymes. Les premiers désignent généralement des
entités quelques fois formées par scissiparité ou par
reconstitution d'ensembles, à la suite d'une situation singulière
ayant en arrière plan un conflit, une alliance ou un malheur.
Les seconds sont également porteurs d'une grande charge
historique. En tant que partie intégrante de l'homme, et non une simple
étiquette, le nom définit l'essence même de l'individu.
Certains patronymes ont trait aux circonstances particulières. A
défaut de refléter la psychologie des parents au moment de la
naissance de l'enfant, ils rendent compte de l'environnement social ou
politique de cette époque. D'autres par contre sont donnés
à la mémoire des héros dont on veut perpétuer le
souvenir , ou des événements que l'on souhaite immortaliser .
Dans la même perspective, les noms de raillerie, les
blagues entre groupes sont révélateurs de la nature des relations
intercommunautaires ; il en est de même des rires ou des pleurs qui
échappent à toute censure, ou encore des interdits alimentaires.
L'historien à travers une bonne exploitation de ces données,
peut filtrer les faits car, comme nous l'enseigne Joseph Ki-Zerbo,
«Tout est histoire pour l'historien avisé»14(*).
En tout état de cause, la tradition orale
apparaît comme une grande école de vie. Elle recouvre divers
aspects dont une utilisation croisée constitue un appareil critique
efficace permettant de confirmer ou d'infirmer certains faits relatés
par le récit. Elle donne aux sources orales toute leur
crédibilité dans l'historiographie et constitue par
conséquent une voie privilégiée dans la
compréhension des relations inter et intra communautaires.
Aussi voulons-nous dans le cadre de la présente
étude, et surtout dans une perspective diachronique, mettre la
tradition orale à contribution dans l'analyse des rapports entre les
Pygmées-Baka et les Bantou du Sud-Est qui, tous deux peuples de
l'oralité, cohabitent depuis des siècles dans la grande
forêt équatoriale du Sud-Cameroun, nonobstant le fait qu'ils
appartiennent à des aires culturelles différentes.
I. Délimitation du sujet
Le sujet, tel que libellé, porte en lui ses propres
repères. Le cadre géographique est le Sud-Est Cameroun. Il couvre
une superficie d'environ 30.389 km² situé à l'extrême
Sud de la province de l'Est aux confins des
Carte N°1: localisation de la zone
d'étude
frontières du Cameroun, de la RCA, du Congo et du
Gabon. Le déterminisme géographique a une emprise réelle
ici sur l'histoire des populations. Cette zone basse altitude, fait partie
d'un vaste espace de forêt dense humide à climat
équatorial guinéen. Elle sert de cadre de vie à une faune
abondante et variée qui
y a trouvé une retraite sûre. Ce climat est
propice au développement des activités agricoles15(*).
Quant à la forêt, elle joue un rôle pluriel
dans la vie des populations riveraines aussi bien dans les domaines de la
pharmacopée, de l'alimentation, de la cosmogonie que du ravitaillement
en matières-premières destinées à
l'élaboration des cultures matérielles. En outre, elle constitue
un refuge par excellence en période de guerre16(*).
Du point vue hydrographique, le Sud-Est
appartient au basin du Congo. Il est drainé par un ensemble de
cours d'eaux, dont la Ngoko, le Dja et la Boumba sont les plus importants.
Avec son bassin versant de 76000 km², la Ngoko formée de la
jonction du Dja et de la Boumba est une voie navigable qui par la Sangha,
relie Moloundou à Brazzaville. Ces fleuves ont une incidence certaine
sur la vie des populations en tant que source d' approvisionnement en produits
halieutiques destinés à des usages divers. Dans la
géopolitique de la région, ils sont apparus à la fois
comme voie de communication et obstacle naturel.
Ici, ont essaimé diverses populations que l'on peut
présenter en deux groupes distincts à savoir les Pygmées
Baka et les Bantous (Grands Noirs) appartenant chacun à une aire
culturelle bien précise.
Nos investigations, pour des raisons pratiques et en fonction
de nos modestes moyens, ont porté essentiellement sur les
Arrondissements de Yokadouma et Moloundou dans le Département de la
Boumba et Ngoko. Cependant, ces limites ne sont pas rigides tant il est vrai
que les populations concernées par la présente étude,
occupent un site qui va au-delà des frontières administratives et
nationales17(*).
Pour ce qui est des limites chronologiques, l'étude
couvre les époques précoloniale et coloniale18(*); le choix de cette
période charnière de l'histoire africaine, nous permet
d'envisager l'analyse du phénomène d'après une dynamique
interne et sous l'action des forces exogènes.
II. Orientation de la problématique
L'analyse de l'évolution des rapports entre les
Pygmées Baka et les Bantou du Sud-Est sur la base des sources orales
reste le principal centre d'intérêt de notre étude. Ces
rapports peuvent être conflictuels ou pacifiques, donnant ainsi lieu
à des processus de structuration ou de restructuration sous l'action des
forces de plusieurs natures.
Dès lors, notre préoccupation est de savoir si
nous pouvons examiner et appréhender la nature des rapports entre ces
deux populations à partir d'une exploitation variée des
données de l'oralité. Autrement dit, est-il possible de
comprendre l'évolution des rapports entre les Baka et Bantou tout en
prenant appui sur les expressions et les cérémonies culturelles
courantes ? Mieux encore, quelles sont les expressions et les pratiques
habituelles qui rappellent le passé commun de ces deux
populations ? Pour trouver des éléments de réponse,
il nous semble important d'examiner le passé conjoint de ces deux
peuples, depuis leur rencontre, jusqu'à la fin de la colonisation
française. Cette épreuve nous impose l'examen de la rencontre de
leurs deux cultures. Il importe à cet effet de savoir si le contact
entre les cultures Baka et Bantou a donné lieu à une
interpénétration, à une assimilation ou à une
absorption de la culture de l'un par l'autre. On en vient alors à se
demander si l'insertion des Baka dans l'univers Bantou les a
aliénés ou enrichis ?
Ce questionnement nous plonge dans l'étude de la
dynamique du changement social dans une perspective diachronique tout en
mettant en exergue, le rôle des outils de collecte et d'analyse que
sont les sources orales.
III. Méthodologie et présentation
critique des sources
Bien que notre travail soit essentiellement axé sur la
tradition orale, il n'élude pour autant pas les autres types de
sources.
Ainsi, dans le cadre de l'exploitation des documents
écrits, notre souci dans un premier temps, a été de nous
imprégner de la littérature à caractère
ethnographique et historique consacrée aux populations
concernées .
Outre les ouvrages classiques traitant des Pygmées,
l'Inventaire ethnique du Sud-Cameroun de Dugast19(*) et l'Atlas
régional du Sud-Est20(*) de Barall et Franqueville consacrent plusieurs pages
aux Bantou. Ces travaux issus de la collecte des traditions orales,
contiennent plusieurs affirmations erronées sur le processus
migratoire . Ces erreurs, ont malheureusement été
reproduites par Samson Ango Mengue dans sa thèse de Doctorat21(*) . De plus, l'aspect des
relations entre populations fait figure de parent pauvre.
Toutefois cette lacune est en partie comblée par des
monographies consacrées respectivement aux Mpyemo,22(*) Bangando23(*), Mpo'oh24(*) et Mpouomam25(*). Ces études
ethno-historiques réalisées elles aussi, sur la base des
traditions orales, nous livrent d'utiles informations sur l'organisation
socio-politique des populations étudiées ; elles abordent
de façon superficielle la question des rapports entre groupes ethniques.
Malheureusement, la faible place accordée aux Baka fait de leur
histoire une appendice de celle de leurs voisins. Ceci se traduit par le fait
que ces travaux sont l'oeuvre des fils du terroir qui s'activent chacun
à faire connaître son ethnie d'origine ; d'où la
propension chez ces derniers à vouloir sublimer le passé des
leurs, et la tendance à mutiler l'histoire des autres groupes26(*).
Avec le dessein de rendre plus objectivement compte de la
nature de l'évolution des rapports entre les différents groupes,
nous utilisons les sources orales dans leur diversité en vue de
confronter les données. Ces traditions que nous exploitons, ont
été recueillies aussi bien dans les villages mixtes, dans les
campements de lisière que dans ceux de forêt.
Nous avons procédé au préalable à
une pré-enquête à base d'un questionnaire guide. Nous avons
pour ce faire bénéficié de la collaboration des
élèves des lycées de Yokadouma et Moloundou en vue de
déterminer des villages cibles. Par la suite, nous avons
organisé des opérations de collecte des traditions dans les
villages retenus , en cinq séjours de dix jours chacun, en plus des
descentes inopinées dans les villages périphériques de
Yokadouma.
Nos enquêtes ont porté sur les mythes d'origine,
les migrations, les guerres d'antan, la diplomatie, l'organisation
socio-culturelle, les activités économiques de l'époque
précoloniale. Ensuite, nous nous sommes intéressés aux
modalités de la pénétration européenne, aux
résistances, à l'exploitation et la mise en valeur du territoire,
aux relations avec les administrations coloniales, au contact avec les
religions judéo-chrétiennes, aux deux guerres mondiales et
à la décolonisation. Nous avons bénéficié de
l'appui de Rita Rossi, une volontaire italienne vivant auprès des
Baka depuis trente- huit ans , de Mossadikou Eugène Raphaël un
instituteur retraité et ancien parlementaire, et de Mediké John
Albert, agent de l'Etat en retraite qui, depuis des années ont entrepris
de collecter les traditions historiques des populations de la région.
Au terme de l'analyse et du traitement des données, le
matériel recueilli s'est ordonné autour de deux parties
correspondant chacune à un aspect de la question. La première a
trait à la dimension humaine. Elle traite de l'origine des peuples, et
aborde la question de la spécificité culturelle de chaque
groupe en vue de mieux cerner l'identité des forces en présence.
La deuxième quant à elle analyse les relations entre les deux
communautés d'abord pendant la période précoloniale qui,
le mieux, rend compte de l'identité et de la personnalité de
l'Afrique ; nous avons par la suite embrayé sur l'époque de
l'occupation européenne, eu égard au poids de la colonisation sur
les structures socio-politiques africaines.
Bien des difficultés et d'écueils ont
jalonné la présente étude ; d'où la survivance
de quelques zones d'ombre. D'abord le problème de communication aura
constitué un handicap sérieux ; la traduction de nos
interprètes altérant l'authenticité des informations.
Ensuite notre qualité d'étranger dans le milieu, a
créé beaucoup de confusions de la part des populations qui, nous
prenant pour un agent de développement, étaient plus prompts
à nous exposer leurs doléances qu'à répondre
à nos questions. Enfin, nos moyens financiers et matériels
très limités, ne nous ont pas permis de couvrir toute la
zone.
IV. Précisions terminologiques
L'une des difficultés dans l'étude de l'histoire
africaine réside dans la terminologie. Plusieurs noms de personnes ou de
lieux ont été déformés par les Colons. Comme
conséquence, nous avons la variation de l'orthographe d'un même
nom d'un document à l'autre. Ainsi, Les Mpouompo'oh sont appelés
Mvong Vong ou Bonbon , le terme Gounabembé ou Kounabembé
utilisé en lieu et place de Kounabeemb , Dzimu pour
Zimé ; les appellations Mbimou ou Mbimo pour désigner les
Mpyémo , Bomam pour Mpouomam , Bakwélé à
la place de Bekwel et Yokadouma pour Zokadouma. Le but de l'histoire
étant de restituer le passé dans son authenticité, nous
avons tenu à utiliser les termes dans leur version originale afin de
mieux saisir leur signification réelle eu égard à la place
des toponymes, des patronymes et des ethnonymes dans l'historiographie
africaine.
PREMIERE PARTIE : DIMENSION HUMAINE
L'examen des données humaines du Sud-Est Cameroun vise
à présenter les différents groupes ethniques de cette
région. Pour ce faire, l'étude des migrations et la mise en place
du peuplement fait l'objet du premier chapitre. Par la suite, nous abordons la
question de la spécificité culturelle de chaque entité
afin de pouvoir identifier des différentes caractéristiques de
chaque groupe.
CHAPITRE I : MIGRATIONS ET PEUPLEMENT DU
SUD-EST
L'étude des migrations du Sud-Est nous permet d'aborder
la question des origines des différents peuples. Les origines, comme le
souligne Marc Bloch, sont dignes d'étude avant toute chose1(*). Ainsi, de par les
particularités linguistique, anthropologique et anthropomorphique, nous
distinguons les Pygmées et les« Grands Noirs» qui pour les
commodités d'étude2(*), sont désignés par le terme Bantou.
I. Les Bantou
Les études traitant de la genèse et de la
dispersion des peuples Bantou ont donné lieu à une
littérature abondante traduisant ainsi la complexité de la
question. Cette complexité est surtout liée à la
prolifération des cas. La tâche n'est pas moins ardue en ce qui
concerne le Sud-Est camerounais, région peuplée par une
mosaïque d'ethnies aux traditions contradictoires, se rattachant toutes
à cette famille linguistique. L'exercice devient par la suite une
véritable gageure lorsqu'il s'agit de trouver un nom
générique à cet ensemble. Néanmoins, des
données concordantes issues des traditions orales et appuyées par
la linguistique permettent de distinguer les Mpo'oh et leurs
apparentées, des Ngombé.
A. Les Mpo'oh
En dépit des lacunes dues à l'absence
d'études systématiques et approfondies consacrées
à ces populations, le point de vue élaboré ici
résulte de la synthèse des traditions orales allant dans le
même sens que certains documents écrits qui, de façon
insidieuse, ont abordé les groupes concernés3(*). Commençons par
identifier les Mpo'oh.
1. Qui sont les Mpo'oh ?
Le terme Mpo'oh désigne un ensemble de populations aux
origines historiques communes et présentant une certaine parenté
linguistique . Dugast, dans son ouvrage Inventaire ethnique duSud-Cameroun,
fait remarquer que «la carte linguistique de Tessmann rapproche les
dialectes Mezime, Essel, Kounabeemb et Mpouomam de la langue commune à
tout le groupe Kozime [...] l'administrateur Leger en rapproche aussi la langue
des Mpoumpo'oh»4(*).
Il s'agit à cet effet d'un ensemble de populations
localisées aux confins du Cameroun, du Congo, de la R.C.A. et du Gabon
, dont voici l'inventaire dressé par Robineau .
Sur le haut Djah, les Ndjem, les Zimé, les
Badjoué qui forment les Kozimé ; à l'Est à la
frontière Cameroun-R.C.A., les Mpiémo, les Bidjouki, les
Nkounabeemb, les Mpoumpo'oh, les Mezimé, les Bangantou et les
Mpoukol ; au Sud, sur le Djah-Ngoko, les Dja-ako, les Essel et les
Bekwel5(*).
De ce qui précède, il ressort que les Mpo'oh
sont constitués de toutes les ethnies formant le groupe souvent
désigné incorrectement par le terme Djem-Kozime . Cette
appellation, reste parcellaire si l'on s'en tient à la filiation que les
traditions anciennes établissent entre ces populations. Aussi peut-on
lire chez Innocent Edjondj Mempouth ce qui suit :
Au niveau des origines historiques, toutes les traditions
Mpo'oh affirment la fraternité de ces différentes tribus. Elles
descendent en effet d'un même ancêtre reconnu sous le nom de
Mpo'oh. Cet homme a engendré trois fils : Ebemb, Zime et Mpo'oh II.
Ils seront respectivement fondateurs de trois principales branches Mpo'oh. Plus
précisément, Ebemb sera le fondateur de la branche
Nkounabeemb,Zimé le fondateur de la branche Kozime alors que Mpo'oh sera
l'ancêtre de la branche Mpoumpo'oh6(*).
Nous avons pu nous convaincre de ces propos au cours de nos
investigations dans les cantons Mpoumpo'oh et Nkounabeemb7(*). Les mêmes traditions
leur attribuent une origine géographique commune qu'elles situent
d'ailleurs dans la cuvette du Congo présentée comme le point de
départ de leur migration.
2. La migration du groupe Mpo'oh
Les Mpo'oh fixent leur berceau dans la cuvette congolaise plus
précisément dans la zone comprise entre le môle
Batéké et celui des marécages forestiers de la
Sangha8(*). Ces
données remettent au goût du jour l'hypothèse des origines
congolaises des Bantou que notre intention ici n'est pas de remuer. Toutefois,
il est judicieux de considérer cette région comme un centre de
dispersion de certains Bantous, du moins en ce qui concerne les Mpo'oh dont la
migration fait partie du grand ébranlement que Hubert Deschamps
considère comme l'arrière- garde de la migration des Douala vers
la mer9(*).
Carte 2 :carte migratoire du sud Est
C'est précisément au XVIIe
siècle qu'ils quittent la cuvette congolaise. Ils choisissent la
direction Nord-Ouest en remontant le cours des fleuves qui drainent la
région les uns suivant l'axe Ngoko-Djah-Boumba, et la Sangha pour les
autres. L'orientation adoptée correspond à la région
forestière du Sud-Est Cameroun.
L'axe de l'Ouest les a conduits jusqu'au plateau
sud-camerounais, aux environs de Mbalmayo où ils ont rencontré la
migration Beti de direction Nord-Sud. Les Pahouin dans leur exode fuyaient les
tribus islamisées du Nord qui, montées sur les chevaux, avaient
amorcé une descente vers l'Ouest1(*)0. Les Mpo'oh contraints de rebrousser chemin,
rencontrèrent leurs frères Mpyémo et Bidjouki qui avaient
choisi de remonter le cours de la Sangha. Ceux-ci à leur tour
s'étaient butés à la migration Gombe (Baya, Bangando,
Yanghéré) en provenance de l'Oubangui. Ensemble, ils
décidèrent de se fixer sur les bords de la Bangué. A la
suite de ces pérégrinations, les Mpo'oh ont connu de profondes
dislocations suite à des querelles internes au point où chaque
branche s'est trouvée un espace1(*)1.
a. La branche Mpoumpo'oh
Les Mpoumpo'oh communément appelés Mvonvong sont
les descendants de Mpo'oh II, l'un des trois fils de l'ancêtre fondateur
Mpo'oh. Leur légende enseigne qu'ils viennent de la région
congolaise qu'ils ont quittée suite à un malheur.
A en croire Moussa Mouagound1(*)2, un énorme serpent plongé dans l'eau
avait l'habitude de sortir sa tête et de laisser sa bouche grandement
ouverte. Les enfants du village qui, dans le cadre de leurs jeux venaient s'y
jeter, étaient consommés sans autre forme de procès. Les
anciens ayant consulté les oracles au sujet de cette mystérieuse
disparition de leur progéniture en furent édifiés. Aussi
décidèrent-ils d'en découdre avec le reptile
anthropophage. Pour ce faire, d'énormes pierres furent chauffées
et introduites dans la bouche de leur ravisseur lors de sa suivante apparition,
jusqu'à ce que mort s'en suivît. Ne pouvant par la suite
supporter les odeurs nauséabondes du reptile en putréfaction,
ils décidèrent de traverser la Sangha. Une migration de direction
Nord fut engagée. Ayant choisi de remonter le cours de la Ngoko, ils se
retrouvèrent aux environs de Lomié où ils furent
refoulés par leurs cousins Zimé. Contraints de replier, ils
décidèrent de s'installer dans la forêt au Sud-Est. De nos
jours, leurs villages s'échelonnent sur deux directions au départ
de Yokadouma. D'une part, sur quatre vingt kilomètres de direction
Est-Ouest sur la piste qui relie Yokadouma à Lomié et d'autre
part sur trente kilomètres de direction Nord-Sud sur l'axe
Yokadouma-Moloundou.
Les Mpoumpo'oh ont connu des leaders charismatiques
réputés dans l'art de la guerre au rang desquels Zokadouma dont
le chef -lieu du département de la Boumba et Ngoko porte le nom1(*)3. Ils ont pour voisins dans la
partie Sud, les Kozime.
b. La branche Kozime
D'après les traditions, les Kozime sont les cousins des
Mpoumpo'oh ; Zime le frère de Mpo'oh aurait engendré trois
fils à savoir Ndjem, Ndjue et Zime qui sont les fondateurs des tribus
Njem, Badjue et Zime. Ces derniers fixent également leurs origines dans
la cuvette congolaise, dans la région occupée par les Bangala
dans le Likouala1(*)4.
Leur migration, sans doute en direction de la mer, les a
conduits au plateau sud-camerounais où ils ont été
refoulés par les Pahouins, notamment les Bulu qui les ont tenu en
captivité pendant longtemps. De ce contact, ils ont acquis l'utilisation
de l'arme à feu qui fut le principal atout de leur suprématie
faisant d'eux de redoutables guerriers inquiétant tous les autres
groupes parmi lesquels les Nkounabeemb1(*)5.
c. La branche Nkounabeemb
La tribu Nkoubabemb constitue la troisième
principale branche du groupe Mpo'oh. Elle aussi tire son nom de celui de son
ancêtre fondateur Ebem fils de Mpo'oh. Les traditions orales unanimes
font état de liens de parentés très étroits entre
Kounabeemb et Mpoumpo'oh. De toutes les campagnes guerrières, ils ont
toujours combattu en coalition en raison des alliances militaires
contractées. La séparation entre les deux groupes serait
intervenue au terme d'une bataille contre les Zime .Les Kounabemb, sous
la conduite de leur chef Nkath auraient choisi de se fixer sur les rives de la
Boumba où ils ont fondé le village Daa Nkath (village de Nkath)
aujourd'hui appelé Ngato Ancien1(*)6.
Les villages Kounabeemb se situent à la suite des
villages Mpoumpo'oh. Ils s'égrènent sur deux routes à
partir de Ngato Nouveau. D'une part sur cinquante kilomètres de
direction Nord-Sud sur la route de Moloundou et sur cent dix kilomètres
de direction Est-Ouest d'autre part.
Certains Nkounabeemb, de guerre lasses, s'étaient
détachés du noyau central. Ayant franchi la Boumba, ils sont
allés s'installer dans l'extrême Sud, dans l'île de Ndongo,
dans l'arrondissement de Moloundou. De la même façon, plusieurs
autres clans Mpo'oh détachés du noyau central ont adopté
un ethnonyme différent de celui de leur branche d'origine. C'est le cas
des tribus Bangatou et Mezime qui sont deux clans Mpoumpo'oh
séparés de l'ensemble à la suite d'une dispute
inter-clanique. Ils sont basés à Mbang, localité
située dans le département de la Kadey. Ils continuent
malgré tout à rattacher leurs traditions au groupe Mpoumpo'oh.
Les Mpouomam et les Mpoukol sont également issus de la
branche Mpoumpo'oh. Les Mpouomam encore appelés Bomam sont les
descendants de Mam soeur de Mpo'oh II, gardienne de tous les pouvoirs et
fétiches. C'était une véritable «grande royale»
dont le point de vue était indiscutable. Elle pouvait décider de
la guerre ou de la paix. Elle était si influente que tout le clan
s'identifiait à elle1(*)7. Les Mpouomam se trouvent sur la route de Moloundou
dans les villages Mikel et Ngola Cent Vingt ainsi que dans le village Mbol
douze sur la route de Lomié. C'est un groupe qui a perdu sa langue
d'origine1(*)8. Quant aux
Mpoukol, ils sont les proches cousins du groupe Mpoumpo'oh restés dans
les savanes centrafricaines.
Aux côtés de ces populations, vivent d'autres
ethnies qui n'ont aucune filiation directe avec les Mpo'oh. Cependant, elles
situent leurs origines dans la cuvette congolaise et parlent des langues
apparentées à celles de l'ensemble du groupe. Il s'agit des
Mpyemo, des Bidjouki, des Essel, des Bekwel et des Djako'o qui sont
considérés comme des apparentés au groupe Mpo'oh.
B. Les apparentés
1. Les Mpyemo et les Bidjouki
Les ethnonymes Mpyemo et Bidjouki désignent deux tribus
issues d'un ancêtre commun Mpyemo. D'après les traditions orales,
celui-ci serait le géniteur de cinq fils à savoir Bidjouki,
Mpiakombo, Ndontsalng, Mpyemo II et Bikouna. Partis du Congo pour des raisons
jusqu'ici mal connues, ils ont entrepris de remonter la Sangha dont la
traversée s'est effectuée au moyen d'une grosse liane reliant les
deux berges1(*)9.
Mbo alo'o, tel fut le nom de ce pont surnaturel dont la traversée a
tourné au cauchemar suite à une mauvaise manoeuvre d'un
inconsciant Le mouvement de panique qui s'en suivit fut à l'origine
à l'origine de la dislocation du groupe. Ainsi plusieurs d'entre eux
restés de part et d'autre du fleuve se sont fixés sur les rives.
Ils sont désignés dans la région de Moloundou par
l'expression Sanga Sanga qui signifie, «les gens de l'eau»,
car ils habitent les bancs de sable2(*)0.
Le gros de l'effectif qui avait déjà
traversé s'est retrouvé dans les forêts centrafricaines,
plus précisément dans la région de Nola où il s'est
buté à la migration Ngombe d'Est-Ouest. La route de progression
étant barrée, ils avaient décidé de se fixer sur
les rives de la haute Sangha où fut fondé leur premier grand
village, Bibambo2(*)1.
Cependant, une partie des Mpyémo avait
été entraînée par la vague Baya de la migration
Ngombe. Ceux-là vivent intercalés entre les Baya et les Bobilis
sur la route Belabo-Bertoua, et sont connus sous le nom Pol. Les Mpyemo que
nous avons rencontrés reconnaissent que les Pol sont leurs frères
qui les ont quittés pendant la migration2(*)2. Ils ont conservé leur langue qui offre des
rapprochements avec celle des Mpyemo et des Bidjouki. Voilà qui apporte
un faisceau de lumière au sujet de l'incertitude de leurs
origines , tel que relevée par Barral et Franquevilles qui, dans
l'Atlas régional du Sud-Est, s'interrogeaient sur la
présence des Pol au côté des Baya et des Bobilis qui leur
sont étrangers2(*)3.
Le groupe a connu par la suite une autre scission au niveau de
Bibambo. Les clans Mpyemo et Bidjouki se sont rabattus vers l'Est. A la suite
de la délimitation coloniale, une partie des Mpyemo et des Bidjouki
appartient au Cameroun tandis que la majorité associée au
Mpiakombo, Bikoua et Ndjont se retrouvent sur les territoires centrafricain et
congolais . D'où le caractère transnational de ces
populations que d'aucuns qualifient à tort de centrafricains2(*)4.
De nos jours, les villages Mpyemo et Bidjouki
s'échelonnent sur deux routes principales correspondant à ces
deux clans. Le canton Mpyemo est constitué des villages qui
s'égrènent dans la direction sud-nord sur l'axe Yokadouma-Gari
Gombo sur une distance de trente six kilomètres. Ils sont pour cela
appelés Ndjassoua c'est-à-dire ceux qui vivent en amont, par
opposition à leurs frères Bidjouki du Sud2(*)5, dont les villages sur une
cinquantaine de kilomètres, se situent sur l'itinéraire
Yokadouma-Mboy débouchent sur Nola en R.C.A.
A l'époque pré-coloniale, les clans Mpyemo et
Bidjouki étaient organisés en principautés dont Gribi et
Mparo étaient respectivement les capitales2(*)6.
Une minorité des Mpyemo est aussi présente dans
l'arrondissement de Moloundou dans les villages Tembe, Mompi et Metegoma
Tsinomorent distants de quelques kilomètres les uns des autres. Il
s'agirait des hordes de chasseurs qui auraient bénéficié
des largesses des autochtones. Ceux ci auraient perdu un des leurs au cours
d'une battue. Il fut inhumé sur place par les soins des autochtones. Par
reconnaissance à cette sollicitude, ils décidèrent de s'y
installer définitivement. Le toponyme Metegoma Tsinomorent qui signifie
«la terre ne renie personne», illustre à
merveille cette situation.
Outre ces populations transfrontalières, nous avons
comme autres apparentés, les Bekwel et les Essel.
2. Les Bekwel et les Essel
Les Bekwel couramment appelés Bakwele sont
localisés dans l'arrondissement de Moloundou. Le vocable est un terme
commun qui désigne un ensemble de populations disséminées
de part et d'autre de la Ngoko dont les Essel constituent le groupe le plus
important ; le terme même signifie «les abatteurs».
Les traditions orales situent leurs origines dans la cuvette
congolaise à partir de laquelle ils ont entrepris une migration qui les
a conduits au Sud, dans les environs de Sangmelima. Repoussés par les
Fang, ils ont remonté le cours du Dja. Une scission intervenue à
ce niveau a vu une partie du clan Essel être absorbée par
l'ethnie Bulu ; ceux là sont appelés Esselé. L'autre
frange, sous la conduite des Pygmées Baka, a
pénétré les forêts du Sud-Est en fondant au passage,
le village Mintom sur la route de Moloundou2(*)7.
Les Bekwel occupent le territoire à cheval entre le
Cameroun, le Congo et le Gabon limité par les rivières Dja,
Ngoko, Mambele et Djouah . Dans le Sud-Est, on les retrouve uniquement dans la
région de Moloundou en cohabitation avec les Bangando, l'une des
composantes du groupe Ngombe.
C. Les Ngombe
Le vocable Ngombe est un nom général
désignant un ensemble de populations de la province de l'Est qui, au
au-delà de la parenté linguistique qu'elles présentent,
situent leurs origines communes dans la région du Haut Nil. Il s'agit
des Baya, Yanguere, Kako et surtout des Bangando qui sont concernés par
la présente étude.
1. L'origine Bangando
Les Bagando, d'après leur légende, situent leur
origine dans la région du Haut Nil, au bord de l'océan indien
qu'ils appellent Bâle A Punju2(*)8. Ils habiteraient une contrée appelée
Manu, terme qui signifie, la «terre rouge»2(*)9. Cette expression, de nos
jours, apparaît encore dans les chansons utilisées par les vieux
lors des cérémonies d'initiation à l'instar de la
circoncision3(*)0.
D'après nos informateurs, les Bangando faisaient partie d'un vaste
ensemble appelé Ngombe. Les sources écrites étayent de
façon suffisante cette origine nilotique et établissent la
filiation entre les groupes sus-mentionnés. Hubert Deschamps,
africaniste de renom, écrit à cet effet qu' «au
XIVe siècle le cours supérieur du Bahr El Gazal
nilotique était peuplé d'une ethnie encore plus nombreuse et
prospère à laquelle les arabes avaient donné le nom de
Kreih mais les appelaient tantôt Kpalla tantôt Gbaya »3(*)1. Or les traditions orales
rattachent les Gbaya et les Bangando au même noyau. On ne peut donc pas
être surpris par les similitudes relevées entre ces groupes des
points de vue onomastique, linguistique, toponymique et culturel.
Ainsi, les noms Yele (buffle), Follo (éléphant)
deviennent respectivement Yere, Foro chez les Gbaya et Yangere. De même,
les clans Boyelle, Bofollo dont les totems sont les animaux sus-cités
existent chez les Bangando et les Gbaya. L'eau est appelée Li ou Ri et
la terre Nu3(*)2.
Burham dans une étude ethnolinguistique
réalisée en 1981, relève 15 % du vocabulaire commun aux
Bangando (Moloundou) et les Gbaya Yaoayouwe (Meiganga), 48 % de mots
apparentés et 25 % du vocabulaire différent3(*)3.
Sur le plan culturel, le rite Dio que l'on retrouve chez les
Bangando se pratique de la même façon que l'Edio des
Bokare3(*)4. Autant
d'éléments qui donnent raison au vieux Doka Joseph resté
attaché à la tradition. Aussi aime t-il seriner: «Mon
grand-père me disait que les Bokare, les Ngombe et les Bangando
formaient une même famille. Ces ethnies se sont séparées
des autres au cours de la migration»3(*)5
2. La migration des Bangando
Nous venons de situer le berceau des Bangando dans la
vallée du Nil. D'après leurs traditions orales, ils auraient
quitté cette région suite à des invasions arabes. En
effet, les guerriers arabes montés sur les chevaux «Yenga»et
fortement armés de flèches et de lances capturaient des esclaves
devant servir de main-d'oeuvre, pour la construction de leur pays, en honneur
au Pharaon3(*)6. Ces
invasions arabes sont connues sous l'appellation «Bilo-Pegne» ;
ce qui signifie «guerre des albinos»3(*)7.
Les Ngombe incapables de résister à leurs
assauts, ont pris la route de l'Ouest et se sont installés au bord du
désert du Sahara où ils ont fondé le village Mpaka ngonda,
ce qui signifie : «à l'orée du désert». Ils
ont à nouveau été délogés ici par les
mêmes arabes qui poursuivaient leur rapt. Leur fuite les a conduits en
Afrique centrale jusqu'aux forêts oubanguiennes au XVIIe
siècle où ils ont fait la connaissance des Pygmées.
Ceux-ci leur ont servi de guides, et les ont ravitaillés en pitance
constituée de miel, d'ignames, de viande, de fruits et termites
comestibles3(*)8. Leur
nombre ne cessait de diminuer au fur et à mesure qu'ils
avançaient. Ils inventèrent donc les totems (nga) pour conjurer
le malheur3(*)9.
Arrivés à la confluence Bumbé I - Kadey,
ils furent confrontés à ce double obstacle. Alors
s'exclamèrent-ils «te toa kagde, te toa mbumbe » ce qui
signifie «on ne peut passer, car nous sommes
bloqués». Les incrédules optèrent pour la
résignation et décidèrent de se fixer dans la
région de Gamboula en R.C.A. quelques-uns, un peu plus
téméraires, se dirigèrent vers le Sud et
décidèrent de s'installer dans la région de Kentzou ;
il s'agit des Gbaya et des Yangere. La troisième frange, pour invoquer
le courage et probablement une action salvatrice des ancêtres, entonna la
chanson suivante : «a msouba mbumbe mbassomo mba mba» dont
voici la traduction «plongeons dans l'eau et nageons». Le geste fut
joint à la parole. Etant donné qu'ils avaient franchi le fleuve
par la nage, ils décidèrent dès lors d'être des
«Bengando», c'est-à-dire «les caïmans». Telle
est l'origine de l'ethnonyme Bangando qui est une métaphore
adoptée dans les savanes centrafricaines en souvenir de la
traversée miraculeuse des fleuves Bumbe I et Kadey. Ainsi est intervenue
la désintégration des Ngombe. De nos jours, on les retrouve
à Berberati, Carno et Bouar en R.C.A. et au Cameroun à Meiganga,
Bétaré Oya, Bertoua (Gbaya), à Batouri (Yanguere),
à Moloundou (Bangando)4(*)0. Comment sont-ils arrivés dans cette
dernière localité ?
3. Implantation dans la région de Moloundou
Une fois la Kadey traversée, les Bangando se sont
retrouvés dans la forêt du Sud-Est heurtant au passage les tribus
Mpo'oh. Ils prirent le dessus sur ces dernières tout
en se frayant un passage. Les traditions en pays Mpo'oh font encore
état de ces différents affrontements. A ce sujet, voici le
témoignage d'un patriarche Mpouompo'oh : «mon père me
disait souvent que les Bangando sont passés par la Boumba. Lors de leur
passage, ils se sont heurtés à nous et aux Zime»4(*)1. Ce souvenir est resté
indélébile dans la région de Mbang par la présence
de l'ethnie Bangantou . A partir de la région de Kentzou , les
Bangando avaient pénétré la forêt de Mbang au
Sud-Ouest de Batouri où ils sont entrés en conflit avec les Djie
Kouola Djock4(*)2, un clan
Mpoumpo'oh s'étant détaché de la branche
principale4(*)3.
La région, au terme de cette bataille, fut appelée
Bangantou en mémoire de la victoire des Bangando. C'est cet ethnonyme
que les Allemands ont donné à l'ensemble des populations de la
région qui elle, a été rebaptisée Djepel4(*)4.
Cet ethnonyme est source de confusion entre les Bangantou de
Mbang et les Bangando de Moloundou qui sont deux ethnies aux origines
géographiques et historiques différentes. Les premiers
originaires de la cuvette du Congo, se rattachent à l'ancêtre
Mpo'oh ; les seconds, sont issus de l'ensemble Ngombe de source
nilotique. Sur le plan linguistique, la langue bangando appartient au groupe
oubanguien de la famille Adamaoua-Oubangui et la langue bangantou est
bantoïde de la famille Bénoué-Congo selon la classification
de Greenberg et Guthrie. Barral et Franqueville ont eu à confondre les
mouvements migratoires de ces deux ethnies, induisant ainsi plusieurs auteurs
tels Samsom Ango Mengue en erreur4(*)5.
La randonnée des Bangando s'est par la suite
poursuivie au large du fleuve Boumba sous la conduite des Pygmées ;
la traversée s'est effectuée dans des circonstances une fois de
plus mystérieuses4(*)6. L'épisode de cette traversée est
souvent évoquée dans une chanson populaire exécutée
lors des grandes cérémonies en ces termes : «Mo shuba
Mbumbé mo shubaka» ce qui signifie «on avait traversé
la Boumba à pied». On se rend compte que chaque traversée du
fleuve par les Bangando est toujours entourée du merveilleux et du
mystère comme chez la plupart des tribus de la zone forestière.
Ce qui pose le problème du mythe dans la dynamique historique
étant donné que celui-ci n'intervient que dans les situations
troubles.
Une fois le fleuve franchi, les Bangando ont fait face aux
Bongali, aux Linou et aux Bakoto qu'ils ont repoussés au-delà de
la Ngoko, en territoire congolais4(*)7. C'est ici qu'ils ont fondé leurs premiers
villages dont la toponymie est révélatrice du climat social
délétère qui prévalait. Ils avaient pour
noms : Kongongo qui signifie le calme, certainement ce dont ils avaient le
plus besoin ; Djokot, le bout de la branche pour témoigner le
danger qu'ils encouraient ; Ngokot, sur la branche vraisemblablement pour
traduire l'insécurité à laquelle ils étaient
exposée ; Mossanga-Nu, dans la vallée, sûrement qu'il
s'agissait d'un site refuge ; Nyamana qui signifie errer, à coup
sûr pour exprimer qu'ils étaient à la recherche d'une terre
d'accueil, et enfin Salapoumbé la cité fortifiée,
qui tenait lieu de capitale.
Salapoumbé dont l'appellation exacte est
Salaboumbé signifie la traversée de la Boumba. C'est un toponyme
qui a été retenu en souvenir de la mythique traversée de
ce cours d'eau. Le village en question était un remarquable ouvrage
à caractère défensif, témoin par excellence de la
poliorcétique en pays Bangando. Il était bâti au sommet
d'une colline de 505 mètres d'altitude environ4(*)8. On y accédait
à travers des haies constamment gardées par des sentinelles. Les
voies étaient piégées par des lianes épineuses sur
lesquelles étaient suspendues des cloches qui sonnaient l'alerte
dès lors qu'elles étaient touchées. C'est du sommet que
les guerriers faisaient dévaler de grosses pierres suspendues à
une ficelle
Carte 3 : répartition ethnique de la
Boumba et Ngoko
lâchée dès qu'on était
informé de la présence des ennemis à travers le
système d'alerte.
Cette configuration avait joué à leur faveur au
cours de la guerre de Salaboumbé dite «guerre de polopoto»
intervenue à la fin du XIXe siècle. Les Zimé,
animés par des velléités expansionnistes, n'avaient pas vu
d'un bon oeil la présence des Bangando au bord de la Boumba4(*)9. Aussi
décidèrent-ils de les réduire. Ils entreprirent de grimper
la colline munis de leurs armes à feu afin de les retrouver au sommet.
Une fois le système d'alerte déclenché, les Bangando
firent dévaler les pierres sous forme de gouttes de pluie d'où
l'expression «guerre de polopoto». Les femmes ravitaillèrent
les guerriers en pierres. Dans le camp Zimé, ce fut la débandade,
les morts se comptant par centaines. Les Bangando crièrent victoire en
entonnant la chanson suivante, demeurée populaire jusqu'à nos
jours : «O Ndji mo, mokolongo, Ndjimo dango gbolekide», ce qui
signifie «Les Zimé ont été incapables d'atteindre les
sommets de la colline, ils ont été vaincus». Cette victoire
avait amené la sérénité dans leur rang. Ils
pouvaient envisager une cohabitation sereine avec plusieurs autres populations
dont les Pygmées Baka avec lesquels la rencontre s'est
déroulée depuis les forêts centrafricaines.
I. L'ethnogenèse des Pygmées
L'existence des Pygmées a été
attestée au XIXe siècle grâce à
l'explorateur allemand Georg Schweinfurth qui en 1870, apporta de
précieuses informations les concernant5(*)0. Dès lors, ils ont été l'objet
d'une controverse au sujet de leur identité humaine. Ils sont
restés tout un mystère qui s'est éclairci par la suite,
non sans avoir donné lieu à des spéculations diverses.
A. Le mythe Pygmée
Une ironie de l'histoire a voulu que les Pygmées soient
célébrés comme une curiosité du fait de leur
caractère extraordinaire et de leur apparence physique. Ce qui justifie
l'intérêt prononcé de plusieurs chercheurs qui voulaient
savoir si les Pygmées sont des hommes. A cet effet, le point de vue de
leurs voisins Bantou, rapporté par les pygmologues de la première
heure, leur dénie de façon formelle la plénitude de
l'humanité. Le R.P. Trilles le rapporte en ces termes :
Les Noirs qui entourent les Pygmées les refoulent et
les traquent sans pitié [...] pour les Bantous, le Pygmée est
à peine supérieur au singe. C'est une bête puante que
chacun a le droit de prendre, d'asservir, de tuer selon son bon plaisir. C'est
un enfant de singe, ce n'est pas un homme5(*)1.
Bien qu' étant exagérés, ces propos
illustrent fort bien le complexe de supériorité entretenu par les
Bantou à l'endroit de leurs voisins Pygmées.
Pour ce qui est des chercheurs européens, les
Pygmées constituaient un champ de prédilection de leur science.
Le R.P. Schebesta, pygmologue de renom écrit à cet effet
que : «les Pygmées font aujourd'hui partie des populations de
la terre à propos desquels on a fait le plus des
recherches»5(*)2.
Aussi poursuit t-il:
si la science de l'homme s'est tant intéressée
au problème des Pygmées, surtout au début de ce
siècle, c'est que l'on croyait trouver en eux, dans l'histoire de
l'évolution humaine, la strate originelle, l'humanité
primitive5(*)3.
Le Pygmée était ainsi au centre des
débats sur l'évolution humaine tant sur le plan racial que
culturel. Désormais, le problème Pygmée était
né, problème que Seitz a présenté en ces
termes : «Les Pygmées sont-ils les représentants d'une
`race primitive' ou l'exemple de la
`dégénérescence' d'une race ? Sont-ils les
représentants d'une `protoculture' ou la preuve de
`l' appauvrissement' d'une culture ? »5(*)4. Plusieurs postulats furent
avancés.
Pour les uns, le Pygmée était l'ancêtre de
l'homme actuel, les reliques préhistoriques. D'autres par contre n' y
voyaient qu'une variété de l'espèce humaine bloquée
à un stade de développement inférieur en raison des
conditions difficiles de son milieu de vie.
Le Pygmée, écrit Philipppart de Foh,
étaient de tous les mythes, de toutes les modes scientifiques5(*)5. A présent, cherchons
à comprendre l'idée que le Pygmée se fait de sa
personne.
Un jour, rapporte le Père Trilles, un Blanc s'adressait
à un Pygmée en ces termes :
Tu es le frère d'un gorille, un de ses descendants
[...] comme lui, tu grimpes sur des arbres, tu y fais ta maison, tu portes ton
petit sur le dos, tu manges les fruits de la forêt, tu couches au besoin
par terre, tu es noir, nu, et velu comme lui. Où est la
différence ? Tu n'es qu'un singe qui parle5(*)6.
Le Pygmée se tut un moment puis se contenta d'allumer
le feu en frottant deux bâtonnets l'un contre l'autre. «Voilà
pourquoi, dit-il au Blanc, je ne suis pas un singe. Le singe n'allume pas le
feu, ne prie pas, ne le fera jamais»5(*)7. Le Pygmée, à travers cette anecdote,
avait ainsi affirmé son humanité en faisant prévaloir ses
capacités intellectuelles et son ethos ; deux dimensions qui,
selon lui, sont liées à son ontologie humaine. Le Pygmée a
conscience de son humanité comme le suggère si bien
l'étymologie de son nom.
B. L'ethnonyme Pygmée Baka
Le terme pygmée est un pseudonyme universel que les
Grecs ont donné aux hommes de petite taille. Il signifie nabot ou nain.
Homère fut le premier à l'utiliser au IVe
siècle avant J.C. dans les récits de la guerre de Troie5(*)8. Toutefois, il convient de
relever que les anciens Grecs ne connaissaient les Pygmées d'Afrique que
des traits légendaires. Ce sont les Egyptiens anciens qui les premiers
firent leur connaissance. C'est ce qui ressort des aventures d'Irkhouf, chef de
guerre du Pharaon Pepi II qui ramena au souverain les captifs de guerre parmi
lesquels un nain du «pays des esprits» et des «arbres» qui
fut un grand danseur de la cour5(*)9. D'après le nom qu'ils se donnaient, les
Egyptiens les nommaient Aka ; c'est cette inscription que l'on retrouve en
hiéroglyphe sur une pyramide en dessous d'un nain agenouillé
devant le Pharaon, figure de sa nation vaincue6(*)0.
Ce nom revient dans les écrits du chercheur allemand
Schweifuth, auteur de leur redécouverte au XIXe
siècle. Dans son ouvrage intitulé Au coeur de l'Afrique,
il les présente au chapitre VII sous le nom Aka qu'ils portent dans
cette région6(*)1.
C'est également par ce même nom qu'ils se désignent dans
leurs légendes les plus anciennes, leurs chants, leurs
incantations6(*)2. Les
Pygmées depuis les origines se désignaient eux-mêmes par le
nom d'Aka qui signifie en égyptien «les hommes» ; ils se
reconnaissent donc comme tels. Ainsi, dans toutes les tribus, le nom originel
est «Hommes». Il en est ainsi du terme Bantou qui selon E. Mveng, est
le pluriel de Ntu et signifie «les hommes»6(*)3. L'expression «les
pygmées Aka» utilisée pour désigner les
Pygmées d'Afrique centrale veut dire «les hommes nains». Ceci
restitue leur humanité aux Pygmées de façon
décisive.
Pour ce qui est des Pygmées du Sud-Est Cameroun, ils
ont été présentés par le père Schebesta
comme étant les Babinga ; terme qui signifie les «hommes de
la sagaie»6(*)4. A la
question du père Dellemmes de savoir pourquoi ils se nomment
eux-mêmes Baka, ils répondent qu'ils ressemblent aux oiseaux qui
ne tiennent pas en place ; qui se posent un instant sur la branche
(Bakama) avant de s'envoler6(*)5. Ce nom symbolise donc la liberté et la
grande mobilité qui les caractérisent. Examinons à
présent le problème de leurs origines.
C. L'ancienneté des Pygmées
La question de l'ancienneté ou de
l'antériorité des Pygmées dans la forêt reste l'une
des préoccupations majeures des études relatives à ce
peuple. Bon nombre de mythes du Cameroun méridional font intervenir les
Baka comme une population autochtone préétablie et subissant
l'invasion des Bantou.
Les légendes recueillies dans les cantons Mpoum-po'oh
et Kounabeemb relatent que les Pygmées habitaient les troncs et les
souches d'arbres d'où les Bantou sont venus les déloger6(*)6. Les Bangando et les Essel
affirment que leur rencontre avec les Pygmées s'est
déroulée lors de leurs migrations et que ces derniers leur ont
servi de guide dans leur progression et parfois d'éclaireurs lors des
différentes campagnes guerrières6(*)7. Ces traditions affirment de façon unanime
l'antériorité des Pygmées dans l'univers sylvestre du
Sud-Est malgré l'absence des données archéologiques.
Par contre, Nda Ywell E Ziem, à partir des faits de
l'histoire du Congo, estime que l'antériorité des Pygmées
sur les Bantou est contestable. Pour cela, il
Photo :une population au caractéristiques
physiques prononcées
s'appuie sur les similitudes dans le domaine de
l'autosubsistance. Aussi écrit-il que «la population
archaïque de la région aurait été de deux
sortes : les `grands hommes' et les `petits hommes' à l'instar de
la situation actuelle»6(*)8. Ce point de vue remet sur la sellette la
thèse de l'origine des Bantou en Afrique centrale où ils ont
toujours vécu aux côtés des Pygmées.
Au demeurant, cette thèse établit
l'ancienneté de deux communautés dans la région tout en
infirmant l'antériorité des Pygmées sur les Bantou ,
antériorité attestée par les traditions orales qui ont
désormais droit de cité dans l'historiographie africaine depuis
que le mythe du document écrit s'est effondré. Ainsi, nous
préférons nous en tenir aux propos du Père Trilles qui
estime que «les Pygmées constituent la race la plus ancienne
vivant actuellement sur la terre»6(*)9. A observer leur mode de vie dans cet
environnement, ils se comportent en véritables maîtres des lieux.
Ils auraient tout simplement changé d'emplacement. Pour être
complet dans cette présentation, il serait utile d'esquisser le portrait
physique du Pygmée, qui tout au moins, reste sa principale
caractéristique.
D. Caractères anthropomorphiques des
Pygmées
Il est rare de voir un peuple aux traits physiques aussi
prononcés que les Pygmées au point où il est difficile de
les confondre avec les Bantou (voir photo 1et 2). L'aspect disproportionnel du
faciès du Baka constitue le principal critère d'identification et
de différenciation. C'est sans doute ce qui a fait dire au R.P.
Trilles qu'«il ne viendrait à l'idée de personne de
présenter un Pygmée et encore moins une femme ou une fille
à un prix de beauté»7(*)0. Ce point de vue atteste la laideur du Baka.
Celle-ci est due à un manque d'harmonie dans ses proportions
corporelles. Aussi présente t-il un tronc allongé, des bras
longs, une tête énorme et massive, un cou court, un front droit
ou bombé, un nez retroussé, une bouche large, des lèvres
minces, un menton fuyant, une pilosité corporelle
développée, une couleur de la peau brun clair ou jaunâtre
et des odeurs corporelles nauséabondes7(*)1.
Tel se présente le paysage humain de notre zone
d'étude. L'analyse du processus migratoire, nous aura
édifié sur les origines et le peuplement. Il en ressort que les
migrations des populations du Sud-Est s'appréhendent dans une
perspective diachronique intégrant les deux principales thèses
relatives aux migrations bantoues en général. La vallée du
Nil apparaissant comme le berceau originel des Ngombé et l'Afrique
centrale celui des Mpo'oh et apparentés. Des faits qui sont soutenus par
les données toponymique, onomastique et linguistique. Pour ce qui est
des Pygmée Baka, leur nature humaine ne fait plus l'ombre d'un doute.
Seulement, il serait erroné de voir dans la morphologie, le seul trait
de différenciation avec le Bantou. Il devient donc judicieux d'explorer
l'aspect anthropologique qui, du reste, paraît être la voie
indiquée pour une meilleure identification des peuples.
CHAPITRE II : ELEMENTS D' ETHNOGRAPHIE
La nature des relations entre les peuples reste fortement
tributaire des influences culturelles de chaque groupe. Ainsi en est-il des
rapports entre les Baka et les Bantous dans la Boumba et Ngoko qui, bien
qu'appartenant tous au sérail des êtres humains, ont
développé chacun des traits culturels spécifiques dont il
convient de mieux cerner les contours.
I. L'identité culturelle des Pygmées Baka
De façon générale, la culture renvoie au
mode de vie d'un peuple au sein d'un environnement donné. Elle est le
produit des efforts déployés par l'homme en vue de tirer le
meilleur parti de son milieu ambiant. Pour Kange Ewane, «la culture est un
tout intégrant les différentes institutions sociales en vue de
satisfaire les besoins humains»1(*).Creuset des différences entre les peuples, la
culture est le gardien des traditions immémorables. Chaque peuple reste
l'objet d'une autonomie culturelle qui fait son identité . Pour ce qui
est des Pygmées en général et des Baka en particulier,
l'abondante littérature à caractère ethnographique qui
leur a été consacrée, malgré d'innombrables
préjugés qui l'entourent, nous livrent d'utiles informations sur
leur mode de vie2(*). Nous
nous proposons de l'appréhender à travers l'étude de
leur organisation socio- économique.
A. La société Baka
Longtemps présentée comme une
société figée et paléo-négritique, la
communauté Baka reste à plusieurs égards bien
organisée, assez dynamique et parfaitement intégrée dans
son milieu de vie.
1. Le cadre de vie
Les Baka depuis les lustres, habitent la grande forêt
équatoriale où ils y tirent l'essentiel de leur subsistance ainsi
que la matière première de tous les objets qu'ils fabriquent.
Cette forêt sert également de demeure à leurs
divinités tutélaires3(*). Les Baka dans cet univers se considèrent
comme un élément au même titre que les autres composantes
à savoir les bêtes et les plantes contre qui ils doivent se battre
sans armes, sans outils en acier. Leur extraordinaire adaptation à cet
environnement qui d'emblée paraît hostile à toute forme
d'humanisation, conforte l'idée selon laquelle les Baka dans ce milieu
ne sont pas un «peuple refoulé» et que la forêt n'est
non plus une « aire de repli»4(*). Mieux que tout autre peuple dans son cadre de vie,
les Baka sont profondément attachés à la forêt (voir
photo 3) ; c'est pourquoi ils se définissent comme un peuple de
forêt5(*). Ils s'y
épanouissent à travers toute une série d'activités
ludiques qu'ils développent dans le but de se procurer du plaisir.
Photo : 2
La foret, cadre d'épanouissement par excellence.
Par nous
Pygmées 2
2. Jeux, danses et musiques
La vie des Baka en forêt est marquée par
plusieurs jeux qui, variant en fonction de l'âge et du sexe, ne manquent
pas de portée pédagogique. Les enfants passent le clair de leur
temps à imiter les activités des adultes ; les petits
garçons s' activent à simuler des parties de chasse où
l'un d'eux représente une bête que les autres cherchent à
attraper. Le petit matériel de chasse mobilisé à cet effet
en illustre le caractère sérieux6(*).
Les filles aiment jouer à l'épouse mère.
Elles développent les activités se rattachant aux tâches
ménagères. Tous éprouvent du plaisir à grimper sur
les arbres minces et à se balancer, tout en faisant du vacarme, sur les
cimes ou des lianes attachées, quand ils ne gambadent pas tout
simplement le long du campement en tenue d'Adam à défaut de
patauger dans la boue.
Les adultes quant à eux se plaisent dans la danse. Ils
s' y adonnent avec une ardeur et une énergie remarquables. La musique
se joue au moyen d'instruments qui marquent le rythme des chansons
scandées, qu'accompagne le battement des mains. Ceci confère aux
Baka la renommée de grands danseurs (photo 6). Ils ont plusieurs corps
de ballets, entre autres l'ebuma pratiquée dans la région de
Moloundou, dont le scénario décrit la vie en forêt.
En somme, le pygmée, dans la forêt, est tout
à fait différent de cet être craintif et timide que nous
avons au villages. Le campement reste son milieu d'épanouissement par
excellence (voir photo 3).
3. Le campement
Le campement est un ensemble de huttes composé d'une
cinquantaine de personnes issues des lignages et clans différents
où l'harmonie, la paix et la concorde restent les maîtres mots.
Ces valeurs sont préservées par quatre personnalités dont
le rôle est d'assurer la cohésion du groupe. Il s'agit du Kobo qui
fait office de sage ; du grand guérisseur Nganga, du chasseur
d'éléphants et d'une vieille femme de la lignée du kobo,
grande prêtresse dans la société secrète
féminine7(*).
Ces personnages n'ont aucun pouvoir politique encore moins une quelconque
autorité sur les autres membres du groupe. Ce qui a fait dire à
Rita Rossi que «c'est un peuple sans leader»8(*). Toutes les décisions
sont prises de façon collégiale , l'avis de la femme
étant déterminant.
4. La place de la femme
L'homme et la femme, dans la société Baka, sont
égaux en droits comme le souligne E. Mveng9(*). Rien de sérieux ne
peut se décider sans l'avis de cette dernière même si elle
ne prend pas part aux débats publics1(*)0. Elle est le plus souvent à l'origine de la
mobilité enregistrée1(*)1. Outre les fonctions de procréation et de
production des biens, il lui revient de conserver le feu, cet
élément dont la maîtrise est à la base de
l'humanité du Pygmée1(*)2. En effet, le mythe du feu présente le
Pygmée comme son premier possesseur, ses voisins ne l'ayant reçu
que par la suite1(*)3.
Etant un don divin, le Baka est tenu de le préserver et de le
conserver ; car le feu allumé, est symbole de vie. On comprend
dès lors pourquoi le Baka n'aime pas l'éteindre mais
préfère le transporter d'un campement à un autre. C'est
à la femme qu'il revient d'assurer le transport des braises
Photo3 et 4 :la chasse et la danse, deux activités
favorites.
Pygmée 4
et de les conserver. Le feu a une triple fonction à
savoir la cuisson des aliments, l'éclairage et le chauffage.
L'autre domaine social dans lequel la femme excelle est celui
de la transmission de la chance. Celle-ci reste un capital précieux dans
la vie du Baka. Elle est le corollaire de l'équilibre entre l'individu,
ses proches et les esprits. Elle s'acquiert surtout auprès de la
femme qui l'a reçue de Komba comme don. La chance est beaucoup plus
requise pour les activités de chasse. Et c'est l'épouse qui la
produit. D'où la nécessité de préserver l'harmonie
et la concorde conjugales1(*)4. Les femmes initiées au yeli, principale
société secrète féminine, jouent un rôle de
premier plan dans la réalisation du rituel de la grande chasse. C'est
à elles qu'il revient d'appeler les animaux et d'appliquer les
«remèdes de la chance» aux chasseurs1(*)5. Cependant, la femme
enceinte répand la malchance. Toute sa chance est concentrée pour
être transmise à l'enfant lors de la naissance1(*)6. Aussi comprend-on pourquoi
entre autres la femme Baka est très sollicitée dans les mariages
mixtes en raison de sa réputation de pourvoyeuse de chance1(*)7.
5. Cosmogonie et mythologie
Le Baka a développé plusieurs croyances en
rapport avec sa cosmogonie et sa mythologie. Ainsi, à travers le mythe
de la création, on comprend pourquoi le Baka vénère la
nature. Car il se considère lui-même comme un
élément au même titre que toutes les autres
créatures de Komba, le Dieu infiniment bon, qui offre tout en don. Ces
dons qui sont bien souvent transmis par les esprits incarnés par les
masques1(*)8.
Parmi ces esprits, on peut citer Bokela qui entraîne le
chasseur sur la piste du gros gibier ; Mouguela apparaît lors des
décès, et Koze préside à la danse de la divination
du Ngangan et des soins lors de «la danse de feu». Nyabulo quant
à lui, intervient lorsque l'éléphant a été
tué1(*)9. De tous
ces esprits, Jengi reste le plus grand et le plus fort2(*)0. Il est au centre de la
religion Baka qui marque son enracinement dans son univers. Cette religion est
à la base de certaines pratiques rituelles visant à
protéger la vie de toutes les agressions extérieures.
1. Rites et thérapie
Il est généralement admis que les Baka sont les
grands féticheurs2(*)1. Ils ont une connaissance approfondie des plantes
sylvestres dont ils se servent aussi bien à des fins
thérapeutiques que pour modifier le cours des événements.
Cette médecine se pratique à base de feuilles, d'écorces
et de racines des plantes.
L'infusion des remèdes s'effectue à travers les
orifices naturels quand elle ne procède pas par scarification. Des
traitements locaux s'opèrent également par application
cutanée. Cette médecine n'a pas que des vertus curatives,
l'aspect préventif fait recours à l'usage des fétiches. Ce
sont des objets consacrés dotés de certaines vertus. Leur double
rôle est d'attirer la chance, et d'écarter les mannes
malveillantes. Pour le R.P. Trilles, «ce sont des moyens de salut pour le
but qu'ils poursuivent »2(*)2.
Le Baka organise régulièrement des cultes
à l'endroit des esprits. C'est au cours de ces
célébrations que les miracles sont opérés. L'une
des cérémonies les plus en vue et déterminantes dans la
société reste la célébration du jengui. Il s'agit
d'un rite multidimensionnel. Il est avant tout un rite d'initiation qui
confère certains droits dans la société et ouvre les
portes de la vie adulte. Le jengui, c'est aussi l'instance judiciaire
suprême à laquelle les Baka font recours quand les anciens
s'avouent incompétents dans la résolution d'un conflit. En outre,
le jengui a pour rôle de maintenir la paix. Du reste , les
décisions qui sont prises à l'occasion sont inviolables car il
est garant des pactes sociaux et tous les actes contractés en son nom
sont sacrés et respectés comme tels.
7. Le temps et l'espace
Le temps et l'espace sont des repères qui rythment la
vie du Baka. L'espace Baka reste la grande forêt équatoriale.
Cette forêt ancestrale qui le nourrit, le protège et de laquelle
il espère tout. Elle est le lieu d'expression de sa
gaieté et de son action, le lieu d'épanouissement de ses
rites et de ses légendes. En elle, fleurissent la liberté et la
paix. D'où tout le sens de ce proverbe Baka lourd de
signification : «a to bele ngue wé» c'est à dire
qu' «en forêt, il n'y a pas de palabre».
L'intimité du Baka envers cette forêt est
profonde, étroite, secrète, si bien qu'elle constitue son
patrimoine. Voilà pourquoi, Séverin Cécile Abega pense que
«l'arbre n'est pas un morceau de bois qu'on coupe pour se faire l'argent.
C'est un être vivant [...] car le Baka a été fait pour la
forêt et la forêt pour le Baka»2(*)3. Le vieux Moke Mboti du
Zaïre ne dit pas le contraire, lorsqu'il déclare à Colin
Turbull que : «si nous quittons la forêt ou que la forêt
meurt, nous mourons aussi»2(*)4.
Cette conception de l'espace par le Baka détermine ses
formes d'appropriation particulières. Aussi cet espace est
géré en fonction de la disponibilité de ses ressources.
Lorsque celles-ci sont épuisées, le Baka préfère
déménager pour un autre site. D'où la grande
mobilité qui le caractérise. Tout ceci façonne sa
temporalité.
La gestion du temps est fonction des activités
dictées par la nature. Il devient donc abstrait d'établir un
quelconque calendrier, encore moins de faire les prévisions. Tel est le
fondement de son système économique .
B. La vie économique
Le système économique des Baka reste fortement
dominé par l'impératif de nutrition. Ainsi que le soulignent
Laburthe Tolra et Warnier , «nous sommes ce que nous mangeons. D'une
certaine manière, nous sommes ce que nous consommons »2(*)5. Autrement dit, l'homme se
détermine à travers les techniques d'acquisition des biens, et
leurs circuits d'échange, varient en fonction de son régime
alimentaire. Le Baka dans son cas a développé des
activités de production et d'échange susceptibles de lui fournir
de la nourriture chaque jour. Cette nourriture, il la trouve dans son
écosystème que Bahuchet nous présente comme riche en
animaux et végétaux2(*)6. Cette abondance le dispense de toute forme
d'accumulation. C'est la raison pour laquelle il est désigné de
prédateur. ce terme pouvant paraître péjoratif, si nous
n'examinons pas son mode de production avec diligence.
1. La production
Le régime alimentaire du Baka, centre
névralgique de son économie, est constitué en
majorité des animaux et des végétaux dont la prise exige
une dépense de temps et d'énergie considérables2(*)7. Le temps consacré
aux activités liées à cette production montre à
quel point il s'agit d'un véritable travail qui obéit à
une répartition des tâches entre les sexes.
La femme, en plus d'aller à la pêche, est
essentiellement chargée de glaner la nourriture
végétale : igname sauvage, escargots, termites, larves,
serpents et fruits sauvages2(*)8. Sa corbeille reste sa compagne fidèle dans
ses allées et venues (Voir photo 7). C'est à elle que revient
aussi la construction des huttes et l'artisanat.
L'homme se réserve la chasse et la collecte du miel car
le Baka est avant tout un chasseur (voir photo 6). Il reste un piégeur
chevronné qui, par son flair, reconnaît la présence des
animaux, détermine les empreintes de chaque espèce et utilise des
techniques et des outils adaptés à chaque type de gibier.
L'activité de chasse apparaît comme un facteur de valorisation et
détermine une certaine reconnaissance sociale2(*)9.
Le miel des abeilles est récolté sur les arbres
et celui du mylopène dans les souches. Son extraction nécessite
beaucoup de tact et de courage. D'où cette invite à la
responsabilité contenue dans cet autre proverbe Baka : «wa sia poki
ngue wadoo» c'est-à-dire « celui qui extrait le miel, doit
supporter les piqûres des abeilles». Autrement dit, qui cherche les
problèmes doit supporter les conséquences. Le miel est un produit
d'une haute valeur . Il est utilisé comme appoint nutritif lors du
sevrage des enfants et comme cadeau à un hôte.
Le Baka ne s'intéresse pas assez à
l'élevage. Cette activité ne s'accommode pas de sa grande
mobilité. En plus, la viande des animaux domestiques n'est pas
appréciée dans la mesure où ces derniers la
considèrent comme des hommes. Toute consommation s'assimilerait donc
à une forme d'anthropophagie, en raison de leur cohabitation3(*)0. Seul le chien est admis en
sa qualité d'auxiliaire de chasse.
L'agriculture reste le parent pauvre de l'économie des
Baka et pour cause les plantes sont un don de Komba qui les a dotées de
toute la puissance3(*)1.
L'homme ne peut en aucun cas se substituer au créateur. Mais encore, la
durée du cycle végétatif est un facteur de
découragement étant donné que la vie du Baka est
directement portée vers l'immédiateté. Il n'existe pas de
frontières étanches entre la production et la consommation car le
Baka ne thésaurise pas. Il produit essentiellement pour consommer et
c'est le surplus qui est directement engagé dans les échanges.
2. L'échange des biens et services
Le communautarisme a eu raison de l'individualisme au sein de
la société Baka. Ainsi, tous les produits issus de la chasse, de
la pêche ou de la cueillette sont répartis au sein du groupe.
Seuls les excédents sont remis à l'épouse pour la
consommation. Un réseau d'échanges s'est ainsi établi
entre les campements. La majeure partie des ressources des Baka est
utilisée pour satisfaire les besoins immédiats, notamment ceux
relatifs à l'habitat et à l'alimentation. Ces ressources, les
Baka les prélèvent dans la forêt, de façon
rationnelle. A présent que l'exploitation anarchique de la forêt
limite les capacités productives du Baka, celui-ci se trouve
déstabilisé. Bien plus, son arrimage à l'économie
monétaire qui lui permet d'avoir du sel, du tabac, du chanvre, de
l'alcool, des vêtements, des postes radio pour lesquels il a un
goût très prononcé le met en difficulté. Plus que
par le passé, il doit s'attacher au Bantou, son compagnon de toujours,
dont la culture semble mieux adaptée au contexte ambiant.
II. De La culture chez les Bantou
Il nous a semblé complexe de parler de culture bantou
étant donné qu'il n'existe pas de peuple encore moins de
civilisation bantou comme l'ont avancé certains auteurs. Le terme
Bantou a été forgé par Immanuel Wilhen Bleek en 1862 pour
désigner un ensemble de populations aux langues apparentées que
l'on retrouve en Afrique subsaharienne. Bien que chacune de ces populations
dispose des caractères culturels spécifiques marquant son
identité, celles-ci présentent néanmoins un faisceau de
traits communs dans les domaines de la structure linguistique, la
métallurgie du fer, les techniques économiques, l'organisation
sociale et les mentalités religieuses.
A. La parenté linguistique
Les traditions orales des populations du Sud-Est ont
situé leurs origines historique et géographique respectivement
dans la vallée du Nil pour les Ngombe et la cuvette congolaise pour les
Mpo'oh et les apparentés. Des données qui ont été
entérinées par la linguistique. Celle-ci aura permis d'affirmer
l'appartenance de ces groupes au complexe ethno-linguistique Bantou. Ipando
Jean-Jacques dit à ce sujet que, «dans la Boumba et Ngoko, en
dehors des Bangando et des Yanghéré, toutes les autres langues
sont inter-compréhensibles »3(*)2.
Innocent Edjondj Mempouth relevant la parenté
linguistique des langues Mpo'oh et apparentés écrit qu'
«on n'a pas besoin d'un quelconque apprentissage pour comprendre les
langues voisines»3(*)3. Cette même similitude est aussi
constatée au niveau des structures politiques.
B. L'organisation socio-politique
La structure socio-politique des Bantous du Sud-Est reste
conforme au modèle des sociétés lignagères,
principale caractéristique des locuteurs bantous. Le lignage constitue
à cet effet l'unité résidentielle, le cadre de
référence de la vie sociale. La succession est
patrilinéaire. Les individus s'identifient à leur clan d'origine
dont ils portent le nom de l'ancêtre fondateur. Certains clans sont
formés au cours des situations troubles comme les migrations et les
guerres où les hommes, pour se tirer d'affaire, scellent des alliances
avec des animaux ou des plantes qui deviennent ainsi leurs totems et
constituent par conséquent leurs interdits alimentaires. Les clans ainsi
formés prennent leurs noms. Tel a été le cas chez les
Bangando dont voici la liste des clans.
Clans
|
Totems
|
Bodawa - Ndedi
- Kanga
- Malike
- Duse
- Ma
|
Singe
|
Bowe - Bowe
- Dolo
|
Feu
|
Bogo - Ngandja
- Tinge
|
Panthère
|
Bonue
|
Oiseau
|
Bongwea
|
Sanglier
|
Bofolo
|
Eléphant
|
Boyele
|
Buffle
|
Bo Mbela
|
Aigle
|
Bo Mbo'o
|
Antilope noire
|
Bo Go'o
|
Serpent
|
Bo Mbissa
|
Arbuste
|
Bo mbiko
|
Banane
|
Source : Jacques Wilhelm, Mwaabakumu, Le
réconciliateur chez les Bangando du Sud-Est, p.8.
Le terme bo signifie, «ceux de», « les
descendants de » ou encore « du lignage de».
Chez les Mpo'oh et apparentés, la famille qui est
l'unité clanique de base est désignée par l'expression
Ndjaw bot. Placée sous la direction d'un homme âgé
appartenant à la dernière génération des parents,
elle rassemble tous les individus issus d'un même ancêtre
génétique. Le ndjwa bot s'identifie toujours par le nom de son
ancêtre qui lui est attaché.
Un ensemble de Ndjawbot forment un beng bot, famille large qui
est une unité plus large comme son nom l'indique. A la tête, on
trouve un meneur d'hommes ; un rassembleur entouré d'un conseil
d'anciens qui siège au hangar (mpanj), élevant
indifféremment leurs enfants et mangeant ensemble conformément
à la solidarité africaine. C'est en ce lieu que se décide
la guerre ou la paix avec les autres unités sociales3(*)4.
Plusieurs beng bot forment à leur tour un koul bot ou
clan. Il s'agit d'une unité large avec relâchement des liens de
parenté.
La structure sociale des Mpo'oh peut ainsi être
schématisée.
Ndjaw bot
(Famille )
Beng bot (lignage)
koul bot (clan)
Mpyémo, Mpoumpo'oh,
Kounabem....(tribu)
Pyramide de la structure de la société Mpo'oh et
apparentés
Source : I.A. Edjondj Mempouth,
«Etude ethno-historique des Mpo'oh et apparentés», p.46.
Les clans étaient autonomes les uns vis-à-vis
des autres. Seule la conscience collective renforçait l'unité des
groupes. Celle-ci se manifestait plus en temps de guerre où un chef
militaire était désigné pour conduire les
opérations. Son rôle ne durait que le temps des hostilités.
Choisi parmi les chefs de beng bot composant le clan, le chef militaire
était un homme à l'ardeur guerrière établie. Il
était entouré dans le cadre de sa mission, d'un conseil des
anciens, d'une congrégation de vieilles femmes, et des
sociétés secrètes. Le conseil des anciens avait pour
rôle de prendre des décisions politiques. Les vieilles femmes
conservaient les fétiches et les attributs du pouvoir tandis que les
sociétés secrètes veillaient au maintien de l'harmonie
sociale. On distinguait trois types de sociétés
secrètes : «nji» spécialisée dans la
préparation occulte des guerriers pour leur
invulnérabilité et leur disparition dans les champs de combats.
La société «Mgbowa» active dans le domaine de la
voyance et la guérison occulte des maladies et enfin la
société «Mpkess» qui assurait la justice sociale par
des sanctions occultes pouvant tendre jusqu'à la mort du coupable et de
toute sa famille3(*)5.
C. L'organisation de la défense
Chaque tribu du Sud-Est disposait d'un système de
défense qui mettait en relief le rôle de l'armée, en
rapport avec l'activité guerrière qui avait cours dans cette
région. Bien qu'il n'existât pas une armée permanente
comme dans les sociétés centralisées, tous les hommes
valides étaient de potentiels guerriers. Toutefois, on distinguait un
corps spécial de combattants, une sorte d'unité d'élite
qui se caractérisait par ses grades acquis sur le champ de bataille, et
en fonction du rôle joué lors des opérations.
Dès le bas âge, les jeunes s'initiaient au
métier de guerrier. Cette initiation rentrait dans le cadre
général de leur éducation. Ils recevaient l'enseignement
théorique relatif à la guerre au sein du hangar. L'instruction
portait sur les coutumes, l'histoire des croyances du groupe, la bravoure, les
ennemis du clan3(*)6. La
phase pratique se déroulait au cours des parties de chasse et de lutte
traditionnelle, où les jeunes devaient faire preuve de bravoure, de
courage, de témérité et d'intelligence3(*)7. C'est ce qui a fait dire
à Lucien Ngombe que : «tout bon chasseur était
automatiquement un bon guerrier»3(*)8. Certaines séances d'entraînements
prenaient des allures d'activités ludiques. Les Bangando, par les jeux
d'adresse, préparaient les jeunes au tir à l'arc (djoto).
C'était un exercice fréquent. Il mettait en compétition
des jeunes gens. A l'aide de flèches, ceux-ci devaient transpercer un
tronc de bananier ou une tranche de macabo située à une distance
de dix mètres3(*)9. Cet exercice visait la perfection dans le tir.
Un autre jeu relatif à l'art de la guerre était
le ngo'o. Il mettait en scène des jeunes gens répartis en deux
camps. Ceux-ci devaient transpercer à l'aide de leurs bâtons
pointus «kegna», les fruits sauvages à vive allure,
jetés par le camp adverse. Chaque fruit percé était
considéré comme butin de guerre et retiré du jeu. Le
groupe ayant engrangé le plus grand nombre de fruits était
déclaré vainqueur4(*)0. La rapidité et la vigilance étaient
des qualités recherchées par cet exercice.
Ces jeunes, une fois cette éducation reçue,
pouvaient accompagner leurs parents au champ de bataille d'abord comme porteurs
et par la suite comme combattants. Ils pouvaient prétendre aux grades en
fonction de leur prestation sur le terrain de combat car une bonne campagne
guerrière nécessite l'encadrement des troupes et par
conséquent une hiérarchisation de l'armée.
Il faut souligner que le déclenchement de la guerre ou
sa cessation se décidait au hangar par le conseil des notables qui
tenait lieu de conseil de guerre. Nous remarquons avec Thierno Mouctar Bah
que : «l'organisation militaire se confond avec l'organisation
sociale»4(*)1. Ceci
d'autant que le chef politique devient le chef de guerre en période de
conflit. Pour ce qui est de la structure des armées, celle était
hiérarchisée. Au sommet, se trouvaient des chefs de guerre
comparables aux maréchaux des armées modernes. Ces derniers
étaient des hommes pétris d'expérience dont le rôle
principal consistait à élaborer les plans et stratégies de
combat. Les Bangando les appelaient Nganga Bilo. Ils étaient
respectés et vénérés même après leur
décès. Sur leurs tombeaux, étaient suspendus des lances,
des couteaux, des boucliers fabriqués en bois ou en moelle de
bambou ; rappel de leur passé glorieux4(*)2. Ces objets qui
étaient inséparables de leurs propriétaires pouvaient
être considérés comme des décorations à titre
posthume. Du reste, la structuration de l'armée Bangando qui est
à l'image de l'ensemble des armées de la région, se
présentait de manière suivante :
Nganga Bilo (maréchaux)
Mbendo
(généraux)
Assi-Mbendo
(officiers)
Dika
(sous officiers)
Bibilo
(hommes de troupe)
Structure pyramidale de l'armée Bangando à
l'époque précoloniale
Certains de ces grades constituaient des castes dont les
membres étaient détenteurs d'un pouvoir mystique acquis
auprès des femmes qui s'occupaient spécialement de la
préparation psychologique des guerriers. Une femme qui s'est
particulièrement illustrée dans les campagnes guerrières
chez les Bangando fut Sogou. Les traditions orales l'associent à tous
les combats. C'était une mastodonte au physique impressionnant. L'on dit
d'elle que ses seins étaient volumineux et pendants et que son abdomen
était proéminent4(*)3. Elle n'avait nullement besoin de quoi que soit
pour cacher sa nudité. Par ses prières, elle avait donné
la force de vaincre à son peuple plus d'une fois. Il lui arrivait de
préparer des potions magiques et des armes pour les combattants.
L'armement même était le produit du
développement de la métallurgie du fer. Cependant, les Zime
avaient introduit dans la région des armes de traite acquises
auprès de leurs anciens maîtres, les Bulu4(*)4. Dans l'ensemble, cet
armement varié était l'oeuvre des forgerons dont les
activités avaient une portée économique
considérable.
D. Organisation économique
Bien que diverses et variées, les
activités économiques des Bantou du Sud-Est ainsi que les
techniques d'acquisition des biens s'articulaient autour de la subsistance. En
dépit de la mobilité due à l'insécurité qui
a naguère prévalu, la chasse, la pêche et la cueillette
prirent le dessus sur l'agriculture qui était reléguée au
rang d'activité secondaire. Toute une gamme de techniques de chasse
émergèrent dans le Sud-Est au point où Koch,
émerveillé, signale que :
(Les Badjoué et les Bikelé, voisins Bantou des
Baka) connaissent les trappes, les fosses, filets, les nasses, les collets, les
trébuchets, les traquenards, les arbalètes, les assommoirs, les
gluaux, les appeaux, les leurres, les hameçons, les poisons. Leur
panoplie est si riche que l'on pourrait croire que toutes les techniques du
piégeage se sont données rendez-vous dans ce pays4(*)5.
L'homme, à la faveur de la division du travail, s'est
vu affecter des activités viriles : chasse, défrichage,
abattage des arbres, récolte du miel et des noix de palme , travail
du fer et du lithique étaient de son ressort4(*)6.
La femme est restée le principal agent de
l'agriculture et de la poterie en raison de l'analogie que l'on peut
établir entre la fertilité du sol et sa
fécondité4(*)7. A cet effet, il lui revenait de semer,
d'entretenir et de récolter tout ce que l'on met sous terre. Une terre
du reste prélevée pour la fabrique des canaris et marmites
indispensables à la conservation et à la cuisson des aliments.
Elle pratiquait aussi la vannerie et le tissage. L'élevage
étaient relativement pratiqué et le troc réglementait les
échanges inter et intra-communautaires.
Loin d'avoir fait une présentation exhaustive des
données culturelles des deux sociétés en présence,
nous venons, à la lumière des éléments
ethnographiques susceptibles d'éclairer les interactions entre ces deux
groupes, de réaliser que les Bantou et les Baka du Sud-Est sont deux
sociétés qui ont développé des activités
spécifiques répondant aux exigences de leurs
écosystèmes respectifs. Ceci d'autant que la culture est
enracinée dans son milieu, et son infrastructure, la subordonnée
de l'environnement naturel. Ces deux sociétés ne sont pas
radicalement opposées mais mènent plutôt des
activités complémentaires. Tel est le fondement de
l'interdépendance fût à la base de leurs rapports.
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES RAPPORTS
INTERCOMMUNAUTAIRES
L'enracinement du Baka dans son environnement n'a jamais fait
de lui un être vivant en autarcie. L'histoire de ses rapports avec son
voisin Bantou laisse apparaître une longue tradition de vie commune
variant en fonction des époques. Pendant la période
précoloniale, la relation est essentiellement
équilibrée ; une rupture intervient à l'ère
coloniale.
CHAPITRE III : DES RAPPORTS DE COLLABORATION A
L'EPOQUE PRECOLONIALE
La géopolitique du Sud Est, à l'instar de toute
l'Afrique Noire précoloniale, est marquée par la permanence des
conflits et le déroulement intensif des échanges. Aucun peuple ne
pouvant vivre en vase clos, toutes les populations étaient
engagées dans une logique de coopération, d'alliances et de
rivalités faisant intervenir des pratiques magico-religieuses.
I. Une coopération variée
Bien des traditions du Sud-Est présentent les Baka
comme un peuple pacifique dont les rapports avec leurs voisins Bantou ont
généralement été harmonieux. En effet, depuis fort
longtemps, s'est établie entre les deux communautés, une
collaboration sur plusieurs plans . Certains auteurs
relèvent l'ancienneté des rapports entre les deux
communautés. Bahuchet par exemple écrit que les Pygmées
sont en contact avec les populations d'agriculteurs depuis au moins cinq cents
ans»1(*). David
quant à lui remonte plus loin dans le temps et nous apprend que cette
coopération date de 2400-500 avant J-C, et qu'elle a un fondement
économique2(*).
A. L'interdépendance économique
Baka et Bantou, en raison de leurs modes de vie respectifs,
ont été qualifiés les uns d'agro-chasseurs et les autres
de chasseurs-collecteurs. Ce qui suppose d'énormes lacunes et le besoin
de complémentarité dans leurs différents systèmes
de production. Aussi la demande en ressources naturelles était-elle
élevée chez le Bantou dont la structure sociale est très
large. Sa production en viande ne pouvant rivaliser celle du Baka,
véritable maître de la forêt. A cet effet, ses espoirs ne
reposaient principalement que sur l'agriculture, activité secondaire
qui, bien que fournissant des denrées limitées, a l'avantage de
faire stocker les réserves toute l'année durant.
Le Baka quant à lui se trouve dans une position
d'infériorité technologique. En effet, il ne travaille ni argile
ni fer dont les produits revêtent pour lui un caractère
nécessaire. Le recours aux échanges s'avérait
impérieux pour chacun dans le but de combler, ses manques. Il
s'était ainsi installé entre les deux communautés, une
symbiose qui se traduisait par le principe du «troc
équilibré». Bahuchet écrit à ce propos :
Dans la période précoloniale récente, la
relation est principalement un échange économique, association
qui permet aux deux partenaires d'exploiter mieux deux
écosystèmes différents et juxtaposés, la
forêt et les champs. Les groupes sont complémentaires3(*).
Dans une perspective plus proche, Séverin Cécile
Abega indique que :
ces rapports étaient empreints de
spontanéité, et les deux partenaires engagés dans le cycle
de prestation et de contre prestation savaient ce qui était bon pour
l'autre, n'hésitant pas à le lui offrir même si le besoin
n'avait pas été exprimé4(*).
Aussi le Baka troquait-il le produit de sa venaison
composée d'excédents de chasse, d'amande de mangue sauvage, de
miel et de plusieurs variétés de feuilles comestibles contre les
féculents, les céréales, du sel, du tabac, des noix de
kola, des ustensiles en argile ainsi que des objets
métallurgiques5(*). Les biens ainsi échangés parvenaient
au coeur de chaque société à travers des nombreux
réseaux d'amitié établis entre les membres des deux
communautés. Des amitiés qui, pour se consolider davantage, ont
eu recours à la sacralité6(*).
B. Alliances et pactes sociaux
Le déroulement des échanges entre les deux
communautés était entouré d'un mystère en raison
des préjugés que les uns se faisaient des autres7(*). Les traditions orales
rapportent que le Baka venait déposer dans le sous bois situé non
loin de la concession de son partenaire les produits qu'il proposait ;
tout en l'invitant à les découvrir à travers les signes.
Plus tard, il repassait au même endroit récupérer ce qui
lui était destiné car chacun connaissait les besoins de l'autre.
La transaction étant devenue spontanée, il s'était
établi une amitié (lothi) qui s'étendait aux membres de
leurs familles respectives. Le Baka avait choisi par la suite, de s'installer
derrière la concession du Bantou, au travers de la piste de ses champs
(voir photo 2). Cette décision était motivée à la
fois par un souci commercial et la recherche de la sécurité.
En effet, le Baka, en se rapprochant de son associé,
était mu par la fuite du Limassa8(*) ; une sorte de croque mitaine qui
sévissait dans la forêt 9(*) ; d'où sa propension à se cacher dans
le sous bois, au moindre contact avec un étranger. Il n'avait non plus
choisi de s'installer au village car redoutant le Kaka ; un autre
personnage avec qui il eut maille à partir dès les premiers
contacts. Tout étranger pour le Baka est un Kaka envers qui il
éprouve la peur et la méfiance. Aujourd'hui encore, son attitude
trahit cette peur. Au moindre contact avec un inconnu, il penche sa tête,
détourne son regard, à la manière d'une bête
traquée qui cherche à s'enfuir. Dans ces conditions, il n'avait
confiance qu'à son partenaire devenu son ami.
Dans le souci de rendre ces liens inviolables, des pactes de
sang (Mponi) furent scellés entre eux. Les parentés artificielles
s'établissaient entre les membres des deux communautés. A
Mbangoye I, village situé à dix-sept kilomètres de
Moloundou, les traditions orales rapportent que Sakanda est l'ancêtre qui
aurait établi le pacte avec les Pygmées qui s'y trouvent de nos
jours1(*)0. Ainsi, des
Baka étaient liés à des familles bantoues. Massa du
village Mbatéké par Moloundou possède encore dans sa
concession des Pygmées dont le pacte a été scellé
entre les grand-parents1(*)1.
Ces pactes ont servi de levier à une véritable
fraternité entre les deux communautés allant jusqu'à la
participation commune aux activités religieuses de chaque
société. A cet effet, les Baka ont été les premiers
à admettre les Bantou au sein du jengui, rite au cours duquel Komba le
créateur manifeste sa bonté1(*)2. Dans un premier temps, les Bantou y assistaient
par simple curiosité. Abasourdis par des miracles réalisés
au cours de cette cérémonie dont les retombées du passage
jengui s'appliquaient à la fois aux communautés Baka et Bantou,
ils avaient décidé de l'intégrer
véritablement1(*)3. Ces derniers voyaient leur récolte
augmenter et les parties de chasse devenaient fructueuses1(*)4. Jengui indiquait aussi de
nouvelles plantes médicinales dont les soins étaient
destinés à tous1(*)5. Enfin, tous les initiés étaient
désormais placés sous la protection de jengui et pouvaient par
conséquent chasser dans la forêt sans se faire dévorer par
un animal féroce représentant un esprit malveillant1(*)6.
Par cet acte, les Baka avaient ouvert la porte de leur culture
aux Bantou. Mieux encore, ils les introduisaient dans les profondeurs de la
forêt dont ils maîtrisent les secrets. A ce propos, Guillaume dit
des Baka qu'ils «contrôlent la mise en relation avec les puissances
surnaturelles dont dépendent les possibilités d'évolution
et d'action de l'homme dans l'univers forestier»1(*)7.
Les enfants des deux communautés, tout en grandissant
ensemble, étaient soumis aux mêmes rites d'initiation1(*)8. C'est le cas du Beka qui
est une circoncision publique d'origine Essel. Cérémonie de
grande envergure, elle mobilise l'ensemble de la communauté et
nécessite beaucoup de dépenses de la part des aspirants. C'est
à un Bantou qu'il revient d'exécuter l'opération. Les
petits Baka et Bantou initiés au même moment deviennent des
frères de sang et de classe d'âge. Ils partageront à
jamais ce souvenir commun.
Un brassage linguistique s'était établi entre
les deux communautés. Cependant, le Baka était plus prompt
à parler la langue du Bantou, nécessaire dans les
échanges. Chaque Baka se trouvait ainsi annexé à une
famille Bantou dont il devenait le membre sans pour autant devenir Bantou
d'autant qu'«un morceau de bois, à force de séjourner
longtemps dans l'eau, ne se sera jamais caïman». Les distances
observées entre les deux communautés donnaient toute la mesure de
cet adage. Jamais elles ne partageaient en commun leur repas. Pire encore, les
interdits sexuels étaient formels entre les deux groupes qui tenaient
chacun à sa pureté. Un Baka n'osait même pas regarder une
femme bantoue avec convoitise ; et même s'il lui arrivait de le
faire, sa demande n'aurait pas été agréée, en
raison du complexe de supériorité qui animait les femmes
bantoues. En revanche, le Bantou qui venait à transgresser cet interdit
était déclaré impur et dénoncé tout de
suite. Cela se révélait lors de la réduction du fer
où la présence de celui qui avait touché à une
femme Baka faisait échouer l'opération jusqu'à ce qu'il
passe aux aveux et se purifie1(*)9.
Cette distance n'était nullement une
ségrégation entre les deux peuples plutôt une mesure visant
à préserver la paix et l'harmonie entre les membres des deux
sociétés qui vivaient dans la cordialité, les uns se
mettant à l'école des autres.
C. La transmission des techniques
Du fait de la non -maîtrise de la technologie du fer, le
Baka se trouvait dans une position de faiblesse vis à vis du Bantou. En
effet, cette technologie produit une gamme d'objets qui sont d'une grande
utilité dans la vie courante : sagaies, haches, couteaux... qui
accentuent et systématisent l'exploitation des ressources naturelles.
Guillaume explique à cet effet que «c'est l'acquisition d'objets
forgés qui constitue la base matérielle du rapport d'association
et lui donne son caractère contraignant»2(*)0.
Cette lacune ne constitue nullement un handicap dans sa
relation avec le Bantou. Bien au contraire, le Baka est crédité
d'une grande science dont il mettait les applications et les savoirs à
la disposition du Bantou. A cet effet, on assistait à un
véritable «rendez-vous du donner et du recevoir». On est
même tenté de se demander si ce n'est pas le Baka qui donnait plus
qu'il ne recevait étant entendu qu'il ne recevait de son associé
que des objets usuels alors qu'en retour, il lui apprenait des techniques et
des savoirs à perpétue un peu dans l'esprit de cet adage chinois
qui dit : «Il vaut mieux apprendre à quelqu'un à
pêcher que de lui donner du poisson».
Tout d'abord, le Baka apprenait au Bantou les
différentes techniques de chasse. Aussi une meilleure exploitation des
richesses naturelles, exige-t-elle de remarquables capacités
d'observation et d'analyse de l'environnement. Elle fait appel à une
grande acuité visuelle et auditive. Le Baka, maître absolu de la
forêt, trouve du gibier là où les autres trouvent inutile
de chasser. Il prévoit même l'arrivée des animaux qu'il
peut appeler2(*)1. Le
Baka, à partir de cette haute éthologie, conditionnait
l'accès du Bantou dans l'univers forestier en vue d'une exploitation
optimale des ressources. Il lui apprenait à repérer les traces
des animaux , à tuer les singes à l'aide des flèches
empoisonnées et lui indiquait le procédé même de
fabrication de cette substance dont les effets nocifs n'ont aucune
répercussion sur le consommateur2(*)2.
En outre, le Baka indiquait au Bantou comment se soigner des
morsures des serpents et autres scorpions qui peuvent survenir dans la
forêt. Koch a fort bien montré la présence des techniques
de chasse des Baka dans l'univers des Bantou, marqué par la
présence des campements de chasse dont l'architecture n'est pas moins un
trait de la culture pygmée. Moussa Alphonse, un patriarche Mpouomam fait
un témoignage élogieux de cette pédagogie quand il nous
confie que «c'est grâce à eux que nous avons appris à
chasser les éléphants»2(*)3.
L'éléphant est un pachyderme qui fait partie des
animaux les plus féroces de la forêt. Avec sa masse de chair
estimée à plus de deux tonnes2(*)4, il peut à lui seul nourrir des villages
entiers. Son ivoire a été de tout temps l'objet d'un commerce
florissant entre les Bantou et les Européens. Aussi était-il
vivement recherché. Cependant, les Bantou redoutaient cet animal car
l'épreuve de sa chasse présente plusieurs risques.
Pour avoir l'ivoire, il fallait faire recours aux Baka doués en la
matière ; ils ont appris aux Bantou qu'ils pouvaient
détecter sa présence, par le bourdonnement des mouches ;
ainsi que la façon de l'aborder sans être perçu, et
comment se défendre en cas d'attaque2(*)5. Toutes ces épreuves nécessitaient
beaucoup de tact et de subtilité, d'où cette invite à la
prudence contenue dans cet autre proverbe Baka qui dit : «Mo olo a
la ya a» c'est-à-dire «on ne grimpe pas en face de
l'éléphant».
C'est pour cette raison que le chasseur
d'éléphant était un homme vénéré.
C'était l'échelon le plus élevé de la
cynégétique. Il était suivi par le chasseur du gorille,
car ces deux animaux réputés dangereux sont difficiles à
abattre2(*)6; y parvenir
relevait de l'exploit célébré par toute la
communauté. Le chasseur était porté en triomphe. En guise
de récompense, les autres membres de la communauté devaient lui
offrir un autre gibier à consommer tout seul. Les Baka, en permettant
aux Bantou d'accéder à cette gloire, s'étaient ouverts
sans réserve à leurs voisins.
En dehors de la chasse, les Baka initiaient également
les Bantou à connaître les noms des plantes ainsi qu'à
maîtriser leurs différentes vertus. Ces plantes servaient aussi
bien dans le domaine médical que dans l'alimentation. C'est le cas de
l'«ayous» dont la chair pilée permettait d'obtenir la
salinité nécessaire à la cuisson des repas. En outre, ils
leur enseignaient différentes thérapies à base
d'écorce d'arbres. Ils leur ont appris par exemple qu'ils pouvaient
faire usage des écorces de sapelli pour soigner les blessures. De
même que les hémorroïdes pouvaient se traiter à partir
de la tisane à base des écorces d'acajou ou encore, comment
guérir les céphalées aiguës par les soins de la peau
du singe magistrat2(*)7.
Ceci fait dire à Guillaume que :
C'est sur la base de cet ensemble diversifié de
connaissances, de techniques et des capacités différentes de mise
en valeur du milieu naturel que les Pygmées et les grands noirs se sont
associés. Chaque partie bénéficie des potentialités
originales de l'autre dans le cadre d'un vaste complexe régional de
réseaux sociaux et de modes d'insertion dans l'environnement forestier
et péri-forestier2(*)8.
II. Les relations diplomatiques au Sud-Est
précolonial
La guerre et le commerce étaient au centre de la vie
communautaire au Sud-Est.
A. Le poids des Pygmées Baka dans le commerce
précolonial
La région du Sud-Est, à l'image de tout le
Cameroun méridional forestier, a connu le développement des
échanges malgré l'absence des marchés, des routes
commerciales, d'une classe de marchands et surtout de la monnaie2(*)9. Le troc suppléait
à la monnaie dont le rôle est de déterminer la valeur
marchande des biens. Les populations procédaient aux
échanges en soupesant les objets et les biens qui étaient
estimés à vue d'oeil. Les opérations se déroulaient
à travers les nombreux réseaux d'amitié existant entre les
peuples ; les intermédiaires facilitant les transactions dans le
cadre du commerce à longue distance, devenu intensif avec l'ouverture
aux commerces transatlantique et transsaharien.
Du lieu de provenance ou de destination dépendait la
nature des produits échangés. Ainsi, vers la côte
étaient convoyés le caoutchouc, l'huile de palme, les peaux et
dents de panthère, l'ivoire et les captifs. En retour, ils recevaient,
des fusils, du sel, de la poudre et de la pacotille. Du Nord, partaient les
chevaux et les vêtements qui étaient échangés
contre la kola et les captifs3(*)0. Le Sud-Est constituaient un pôle commercial
de grande importance en raison des multiples richesses naturelles dont il
regorge, de sa position stratégique dans le bassin conventionnel du
Congo, et de son ouverture sur la côte atlantique où
Français, Allemands, Portugais et Belges avaient ouvert des
factoreries.
Les échanges se déroulaient à travers une
chaîne commerciale organisée entre les Baka, les Bantou et les
Européens. C'est à travers le Bantou que l'Européen
entrait en possession des produits dont le Baka était la source. Le Baka
était donc à la base de la production et le Bantou au centre de
la transaction. Il s'établissait ainsi une prééminence de
ce dernier sur son associé par qui les objets européens
transitaient avant de lui parvenir, celui-ci ayant la latitude de choisir quel
objet lui donner.
Pour ce qui est de la traite négrière, les
populations n'en gardent pas un souvenir dans la région. Cependant, la
mémoire évoque avec amertume les incursions suivies
d'enlèvements de certaines tribus islamisées du Nord
désignés ici Simagalis3(*)1. Ces derniers faisaient irruption dans les
villages, prenaient des enfants en otage jusqu'à ce que les parents se
présentent aux fins de les embarquer3(*)2. Leur passage avait causé une psychose qui a
profondément marqué les esprits au point où leur triste
souvenir est évoqué avec émotion. Les Baka aidaient les
Bantous à se réfugier dans la forêt, leur indiquant les
points d'eau où s'abreuver tout en leur procurant de la nourriture.
Cette collaboration dans la recherche de la sécurité s'est
également poursuivie lors des guerres interethniques.
B. Le rôle des Pygmées Baka dans les
guerres interethniques
La vie intercommunautaire dans le Sud-Est à
l'époque précoloniale était aussi et surtout
marquée par une intense activité guerrière. Les peuples
depuis les migrations, se bousculaient à la recherche des espaces
vitaux. Ainsi une cause aussi anodine fut-elle, était une source de
violence pouvant dégénérer à tout moment en conflit
armé. Edjondj Mempouth relève que «la multiplication
des guerres était la conséquence de la maîtrise de l'arme
à feu»3(*)3.
Celle- ci avait été introduite dans la région par les
Zimé qui l'ont acquise auprès des Bulu lors de leur
captivité. Ils s'en servaient en organisant des incursions en territoire
étranger dans le but d'asseoir leur hégémonie sur les
autres peuples. Il s'agissait des expéditions punitives à
l'endroit des populations Mpo'oh auxquels ils reprochaient de les avoir
abandonnés en esclavage chez les Bulu. Pour cela, ils étaient
déterminés à faire travailler les Mpoum-Mpo'oh et
Kounabeemb dans leurs champs, ne se privant pas à les envoyer chasser
comme ils l'avaient fait eux mêmes pour le compte des Bulu3(*)4.
C'est au cours de leur détention que les Mpoum-Mpo'oh
sont parvenus à voler les armes dont ils se sont servis plus tard dans
leurs campagnes guerrières3(*)5. Les traditions orales des Mpo'oh confirment leur
réclusion chez les Zimés à qui ils ont rendu
d'innombrables services. Le souvenir de cette douloureuse époque se
décrypte mieux dans cet adage répandu chez les Mpo'oh :
«Kou ou - Kouam, Zimé dai» qui veut dire «à force
de conserver la bonne nourriture, le maître Zimé viendra
l'arracher et la consommer»3(*)6.
Les Mpo'oh s'étaient libérés grâce
à la ruse que leur avait conseillée les vieillards. Les
Zimé avaient commis la bévue d'avoir parmi leurs captifs des
vieillards; ils avaient en outre péché en prenant femme parmi
les esclaves Mpo'oh. Les vieillards avaient recommandé aux jeunes de
faire preuve de beaucoup de soumission3(*)7. Les femmes, tout en adoucissant le traitement de
leurs frères, s'étaient mises à voler des armes et
à les leur remettre. Celles-ci étaient associées à
la quantité qu'ils détournaient eux-mêmes lors des parties
de chasse ; car ils étaient devenues des gestionnaires de
l'armurerie au plus profond de la confiance à eux faite par le
maître, en raison de la soumission, de la docilité, et de la
serviabilité dont ils avaient fait montre. Les zimé ont appris
à leur dépens ce proverbe kounabeemb qui dit :
«l'esclave ne rase pas le maître». Autrement dit, on ne fait
pas confiance à quelqu'un qu'on opprime.
Ce matériel avait servi à organiser la
libération. Plus tard, ils ont décidé de dicter à
leur tour, leur loi aux Mpyémo et aux Yanguéré. Les
guerres contre les Yanguéré avaient pour but de repousser ces
derniers au-delà de la Kadey afin d'être les seuls à
contrôler le territoire. Contre les Mpyemo, les expéditions
visaient à capturer la main-d'oeuvre pour leurs travaux et surtout les
femmes en âge de procréer afin de combler le déficit
démographique qu'ils connaissaient. Leur tactique consistait à
tirer en l'air provoquant ainsi la panique propice à la capture des
femmes et des jeunes. La tradition rapporte que les femmes Mpyemo ne sachant
où mettre la tête pour fuir, préféraient se faire
capturer par les guerriers Mpoum-Mpo'oh, d'où l'adage moqueur qui
persiste jusqu'à nos jours : «O goua me, me ne meke
m'abia», ce qui signifie «Ne me tue pas, je suis
féconde»3(*)8.
Dans cette mouvance, les uns et les autres
bénéficiaient de la collaboration des Baka. Chaque groupe ne
pouvant que compter sur l'appui de «ses Pygmées». Les Essel
affirment leur devoir en partie leur victoire sur les Bangando lors de la
guerre de Ndjenga intervenue à la fin du XIXe siècle.
Les Bangando, sous la conduite de Bousse, avaient lancé des
représailles sur les Essel dans le but de venger la mort d'un des leurs,
Makoléa, tombé dans une embuscade. Les Essel avaient
été informés de leur arrivée par «leurs
Baka» qui s'étaient particulièrement illustrés dans
le rôle d'éclaireurs. Les Essel déclarent que les Baka
étaient leurs meilleurs agents de renseignements, qu'ils se liaient
souvent l'amitié avec les guerriers du camp opposé et revenaient
leur rendre compte par la suite, tout en les dirigeant vers les
ennemis3(*)9.
Fort de ce rôle, leur amitié était
constamment recherchée car ils pouvaient renverser les alliances
à tout moment. Ils se rendaient également utiles dans les
pratiques magico-religieuses qui faisaient partie de la stratégie
guerrière .Ils pouvaient par exemple permettre aux combattants de
se dédoubler ou de devenir invisibles sur le champ de combat4(*)0.
Malgré toutes ces guerres, les peuples du Sud-Est
étaient soudés les uns aux autres grâce aux systèmes
d'alliance. Les guerres concouraient à les rapprocher davantage tout en
créant des solidarités nouvelles. Les femmes
épousées dans ces conditions avaient particulièrement
joué un rôle important dans la mesure où elles rapprochent
les belligérants. Les enfants nés de ces unions s'imposaient en
véritables médiateurs selon une sagesse proverbiale Mpyemo qui
dit : «nkuala ya banlo a kondi mbo» c'est-à-dire «la
machette ne peut pas blesser la paume de la main». Ainsi, la guerre
empêchait la guerre. Ces mêmes femmes reproduisaient leurs
habitudes alimentaires dans leur famille d'accueil tout en y infiltrant les
influences de la langue d'origine.
Tel était le double visage du Sud-Est sur le plan
géopolitique, oscillant entre les impératifs de guerre et la
nécessité de la paix entre les peuples . Les Baka ont
joué un rôle important dans cette dynamique jusqu'à
l'avènement de la colonisation.
CHAPITRE IV : LES BOULEVERSEMENTS DE
L'EPOQUE
COLONIALE
La seconde moitié du XIXe siècle en
Afrique est marquée par l'avènement d'un nouvel ordre
socio-politique et économique, suite à l'intrusion des puissances
occidentales. La région du Sud-Est, à la faveur de la doctrine
des «sphères d'influences» de laquelle découle le
concept d'hinterland, passe sous le contrôle de l'Allemagne. Cette
dernière organise et exploite le territoire à sa guise jusqu'en
1916 où, contre toute attente, elle est obligée de passer le
témoin à la France qui y est restée jusqu'en 1960. Pendant
un demi-siècle de domination, les Européens, grâce à
leurs administrations, leurs militaires, leurs marchands, leurs missionnaires
et leur monnaie ont mis sur pied des institutions politiques et
socio-économiques qui ont profondément bouleversé les
structures existantes entraînant par le fait même des modifications
remarquables dans la nature des relations entre les Baka et les Bantou.
I. La politique coloniale au Sud-Est Cameroun.
La colonisation du Sud-Est se déroule sur fond de
rivalités entre puissances européennes1(*). En effet, Français,
Belges et Allemands avaient chacun exploré la région par
l'entremise des multiples cours d'eau riverains. Les Allemands n'ont eu leur
salut qu'à la faveur de la clause de l'hinterland adoptée
à la conférence de Berlin. Ils avaient la latitude de
contrôler la parcelle de territoire comprise entre la côte
atlantique et le bassin du Congo, à la limite des fleuves Ngoko et
Sangha situés au Sud-Est jouant le rôle d'obstacle et partant,
celui de frontière naturelle2(*). Ainsi avait commencé l'aventure coloniale de
la région du Sud-Est qui a connu deux maîtres ayant chacun
marqué son époque.
A. La création des unités
administratives
Bien que la région du Sud-Est ait été
placée sous l'autorité coloniale allemande, l'influence
française était aussi grande notamment dans le domaine
économique où la compagnie concessionnaire de la Sangha
basée à Ouesso rivalisait avec la Sud Kamerun Gesellschaft. Force
est de relever que l'exploitation de la région n'avait pas
commencé de sitôt à cause des difficultés
financières dues aux réticences du Reicht à engager des
dépenses coloniales. A l'instar de l'ensemble de la colonie,
l'exploitation du Sud-Est avait été confiée aux compagnies
privées. La Gesellschaft Sud Kamerun recevait le 28 novembre 1898, une
concession de 9.000.000 d'hectares dans le bassin de la Sangha sans
contre-partie et à perpétuité3(*). Elle avait le monopole de
l'achat du caoutchouc, des palmistes et de l'ivoire.
De la même manière, la compagnie concessionnaire
de la Sangha couvrait une superficie de 3.200.000 hectares dans la zone
frontalière des possessions françaises et allemandes4(*). En dehors de ces deux
compagnies, des traitants clandestins belges ayant des factoreries au Sud-Est
infiltraient la région et réalisaient des opérations avec
les populations locales. Le rapport Carnaquerrnheimb datant de 1898
relève que les richesses de la région étaient
exploitées de façon anarchique par les marchands belges,
français et allemands5(*). Les produits étaient écoulés
vers l'Atlantique par la Sangha et le Congo, les taxes collectées par
les Français. Devant cette situation préoccupante, le Docteur
Plehn fut dépêché par Jesco Von Puttkamer en
décembre 1898 pour ériger un poste administratif sur la Ngoko. Ce
dernier fonda le poste de Moloundou le 1er avril 1899. Il avait en
charge l'administration du Sud-Est6(*). En 1915, la subdivision de Moloundou était
créée . Elle fut rattachée un an plus tard, à la
subdivision de Doumé puis à celle de Lomié et de
Lom-Kadey. En 1932, la région était créée avec pour
capitale Yokadouma avant de disparaître en 1941 pour finalement revoir le
jour en 1950.
Durant toute cette période, Baka et Bantou
étaient soumis au même maître. Ensemble, ils ont subi les
affres des différents systèmes qui leur étaient
imposés de l'extérieur.
B. La configuration des villages
Les Allemands, pour mieux avoir de l'emprise sur leurs sujets,
ont sommé les populations de quitter la forêt pour s'installer le
long des pistes de ramassage. Ce fut l'apparition des villages-rues. Les Baka
attachés à leurs partenaires s'installèrent à leurs
côtés mais vivant en retrait car, la distance entre eux
était plus qu'une loi sociale, un véritable tabou7(*).
Des chefferies furent organisées afin d'avoir la
mainmise sur le maximum d'individus. Nombreux sont les vieillards qui se
souviennent encore des rencontres permanentes entre le chef de subdivision
Hockmann et les différents chefs Bantou qu'il installait8(*). Les Baka ne furent pas
associés à l'administration coloniale comme auxiliaires à
l'instar de leurs voisins Bantou. Le système colonial avait ainsi fait
prendre un grand coup à la relation équilibrée qui
existait naguère entre les deux peuples. Les Bantou avaient
désormais une autorité établie sur les Baka.
Les différentes administrations coloniales avaient, de
façon insidieuse, établi la supériorité des Bantou
sur les Baka. Cette hiérarchie sociale connut son point culminant durant
la période française. Les autorités coloniales de cette
époque, dans le cadre de la «mise au pas» des populations,
avaient fait du regroupement sur la voie publique une contrainte. Cette
disposition était réglementée par la lettre circulaire
N° 685 C du 10/12/19209(*).
Les noms des villages, à partir de cette mesure,
étaient adjoints des qualificatifs «anciens» et
«nouveaux». C'est le cas des villages Ngatto Ancien, Ngatto Nouveau,
Malea Ancien et Malea Nouveau,Zoulabot ancien et nouveau... en pays Kounabeemb.
Certains villages ont préféré conservé leur
dénomination. Il arrivait que les colons changent
systématiquement d'appellation. A cet effet, Salaboumbé
était devenu Kinshasa et Kouméla, Brazzaville. Au lendemain de
l'accession à l'indépendance, les populations sont revenues
à leur ancienne appellation marquant par ce fait leur attachement
à leur passé. Le brassage entre les deux populations était
toujours respecté. Les chefs Bantou avaient la charge d'organiser les
populations dans le cadre des travaux de la colonie1(*)0.
C. Les travaux d'utilité publique
La décision des autorités coloniales de
regrouper les populations le long des routes avait pour but de faciliter les
réquisitions de la main-d'oeuvre pour ravitailler les chantiers publics
et assurer le portage. Bien que ce travail ait eu un caractère
contraignant, il n'était pas moins régi par une
réglementation qui prévoyait une rémunération aux
chefs de village. Selon le commandant Marabail, le droit de recrutement
était d'un mark par tête pour un contrat de dix jours. Par
ailleurs, chaque chef de village recevait un mark par homme de son village
enrôlé1(*)1. Les chefs Bantou se mirent à livrer les
Baka comme main d'oeuvre. Plusieurs Baka se réfugièrent dans la
forêt emportant avec eux quelques Bantou qui avaient opté pour le
refus1(*)2. Ils
étaient recherchés ardemment par certains Bantou qui, pour le
compte des administrations coloniales, se livraient à une
véritable chasse à l'homme dans les villages et campements.
Aujourd'hui encore, l'arrivée d'un inconnu dans un campement Baka est
suivie de la fuite des habitants dans les buissons environnants.
Les Baka s'occupaient principalement du tracé des
pistes dans les chantiers de construction des voies de communication. Les
Bantou étaient chargés de faire le terrassement1(*)3. plusieurs vieillards des
deux communautés évoquent de façon pathétique, leur
participation au chantier de construction de la route Yokadouma-Moloundou
débutée en 1938.
La récolte du caoutchouc avaient aussi mobilisé
les deux communautés. Les Baka étaient chargés de
repérer les arbres et les lianes à caoutchouc tandis que les
Bantou s'occupaient de la cueillette. L'évacuation des produits se
faisait par portage jusqu'à Eséka, gare terminus de la voie
ferrée du centre. Les Bantou concernés par le portage et les
Baka étaient impliqués dans la production. Ils assuraient aussi
le ravitaillement des travailleurs en viande. Les chantiers d'extraction des
minerais et d'exploitation forestière avaient également
mobilisé l'ensemble des populations du Sud-Est.
Les administrations coloniales avaient créé des
structures qui utilisaient les deux communautés à la fois tout en
faisant des Baka les subalternes des Bantou. Ceci était beaucoup plus
perceptible sur le plan économique.
II. L'économie coloniale
L'exploitation des nombreuses ressources naturelles dont
regorge la région du Sud-Est marque une étape cruciale dans les
relations entre les Baka et les Bantou. Celle-ci a considérablement
modifié le rythme de vie de ces deux populations. A ce sujet, Bahuchet
écrit ce qui suit :
Ce sont les modifications du mode de vie des villageois qui
influent sur le mode de vie des Pygmées [...] Les modifications
s'effectuent toujours par rapport à ces relations, soit que
l'évolution de l'économie des villageois influence le mode de vie
des Pygmées, soit que les Pygmées évoluent en
réaction à leur liaison avec les villageois1(*)4.
A. Le commerce extérieur
Le commerce occupait une place de choix dans l'économie
coloniale. Les compagnies concessionnaires s'activaient dans le Sud-Est
à acheter le caoutchouc, l'ivoire et les palmistes. Or, ces objets dont
les colons avaient besoin étaient produits en majorité par les
Baka. Les alliances contractées autrefois entre les deux peuples
étaient mises à contribution dans le déroulement de ces
échanges. Cependant, la donne avait changé. Ce n'était
plus l'excédent de production qui était échangé, il
s'agissait plutôt d'un véritable travail destiné à
ravitailler le Bantou en produits commerciaux. Ce dernier envoyait le Baka
chasser dans la forêt. Il mettait à sa disposition des armes
(machettes, flèches, lances, arbalètes) contre une
rétribution qui était largement inférieure au service
rendu1(*)5.
L'ivoire, le principal produit échangé,
était produit en majorité par les Baka. Les Noirs ne se
contentant que de ramasser des produits qui traînaient dans la
forêt. En 1889, le docteur Plehn observe que «dans la région
de la Ngoko, les cinq sixième de l'ivoire exporté proviennent des
éléphants abattus par les chasseurs Pygmées»1(*)6. Dans le même sens,
Gaillard fait savoir que «Tous les chefs ont une ou plusieurs familles de
nains, appelées Babinga, qui chassent l'éléphant pour leur
compte»1(*)7. La
symbiose initiale tournait ainsi en vassalité où, le Baka se
mettait au service de son ancien associé.
Il en était de même concernant la production du
caoutchouc où chaque village était tenu de fournir sous peine
d'emprisonnement dix à cinquante kilogrammes par jour1(*)8. La forêt du Sud-Est,
riche en essences et lianes de caoutchouc, livrait avant la première
guerre mondiale deux cent à trois cent tonnes par mois1(*)9. La région de
Moloundou servait de base d'exploitation où la Sud-Kamerun Gesellschaft
disposait en 1910 de dix factoreries, seize postes, quarante trois
employés européens2(*)0.Les Baka. étaient confinés aux
tâches de producteurs primaires pour le compte des Bantou qui
s'étaient interposés en écran ne permettant aucun contact
entre les Baka et les Européens. Les produits européens issus des
échanges avec les produits des Baka transitaient absolument par les
Bantou. Ces derniers décidaient de la nature et de la quantité
à leur donner comme rétribution. Crampem en 1890 fait savoir que
:
Pour causer un peu librement avec les Bayaga, j'étais
obligé de chasser les Mfang des environs de ma tente : ceux-ci ne
voulaient pas en effet de conversation particulière, car ils avaient
grand peur que je n'apprisse aux chasseurs le prix réel de
l'ivoire2(*)1.
On comprend dès lors la duperie utilisée par les
Bantou qui s'étaient livrés à une véritable
exploitation des Baka, ceux-ci s'étant résolument mis à
leur service.
B. La Prolétarisation des Baka
L'introduction de la monnaie dans le circuit économique
fut un facteur qui a également pesé sur la nature des relations
entre les Baka et les Bantou. Elle conditionnait l'accès aux produits
importés dont l'usage était devenu courant dans la
société africaine. L'organisation sociale des Bantou même
n'en fut pas moins affectée. Désormais, ils intègrent la
monnaie dans la dot2(*)2.
L'introduction des cultures de rente, source de devises avait
apporté des habitudes nouvelles. La pratique de la cacao culture avait
fait abandonner en partie aux Bantou des activités de chasse. Ils
avaient adopté une agriculture diversifiée. Cependant la
primauté revenait à la culture du cacao, source de devises. Les
cultures vivrières relevaient désormais de la seule
compétence de la femme.
Cette situation a accentué la dépendance des
Baka vis-à- vis des Bantou qui avaient grand besoin de la main d'oeuvre
afin d'augmenter leurs capacités productives. Les Bantou avaient
recours aux Baka qui travaillaient dans leurs plantations , chassaient du
gibier à leur compte, moyennant quelques tubercules, des
céréales et des vieux vêtements2(*)3. Les Baka passaient donc du
statut de chasseurs-collecteurs à celui d'ouvriers agricoles.
Représentant une main d'oeuvre gratuite et servile, chaque Bantou
voulait en avoir autant que possible. Wandjore René, Chef du village
Mbateka nous a expliqué de quelle façon ils apprivoisaien les
Baka : « nous sommes allés les chercher, on les attirait en leur
donnant des choses, dès lors ils sont devenus nos pygmées. Mon
homonyme Awouma a même perdu sa vie en allant chercher les
Pygmées»2(*)4.
Photo 4 et 5
Les patrons Bantous, regard serein et confiants
Famille baka au service d'une femme bantou
Pygmée4
milieux de vie, les Baka étaient
dépersonnalisés. Ils adoptaient les noms de leur tribu d'accueil
et tous les enfants venant au monde étaient rangés dans la
progéniture du Bantou duquel ils relevaient2(*)5. Ainsi, les pourparlers de
mariage entre deux Baka engageaient leurs tuteurs respectifs2(*)6. La compensation
matrimoniale limitée aux travaux champêtres et aux parties de
chasse pour la belle-famille pendant trois ans profitait au Bantou tuteur de la
fille.
La communauté Baka du village Massiang située
à un kilomètre sur la route de Moloundou est issue d'une
transaction opérée entre Dey Paul du village Moampack sur la
route de Lomié, grand propriétaire des Pygmées, et son ami
Djembé qui lui avait exprimé le voeu d'en avoir
quelques-uns2(*)7. Tous
les Pygmées de Massiang se présentent comme les enfants de Dey
Paul . C'est d'ailleurs ce nom qui figure comme nom de leur père sur
leur carte nationale d'identité. Ce cas n'est pas unique, un vieillard
Bangando nous a confié que : «mon père avait un
village de pygmées, on les appelait par le son du tam-tam»2(*)8.
La présence des Baka auprès des Bantou
était d'autant plus nécessaire que la plupart des villages
connaissaient l'exode rural. Les jeunes Bantous étaient attirés
par les chantiers d'exploitation forestière et par les
opportunités d'emploi qu'offrait l'urbanisation naissante. Les Baka
étaient amenés à combler leur départ auprès
de leurs parents. Les hommes se faisaient utiliser dans les cacaoyères
et les femmes aidaient celles des Bantou dans le ramassage et la culture
vivrière. A cette occasion, les Baka s'initiaient à la pratique
de l'agriculture ; ils exploitaient quelques lopins de terre à
proximité de la plantation du Bantou qui malgré tout avait
l'initiative de vente . Le régime alimentaire des Baka avait subi de ce
fait quelques légères modifications. A l'igname sauvage, leur
principale nourriture s'était ajoutée la consommation des
tubercules ainsi que la connaissance de quelques arbres fruitiers2(*)9. La langue Baka
était aussi altérée car elle subissait les influences des
langues bantoues. Les Baka étaient assimilés à leurs
ethnies d'adoption. Dès lors, on parlait de Pygmées-Bangando,
Pygmées-Mpyémo...etc. pour ceux de l'Est , et de
Pygmées-Tikar ou Pygmées-Ngumba pour leurs semblables des
provinces du Centre et du Sud.
De même les termes patron, maître, tuteur
empruntés au jargon colonial faisaient leur apparition dans le langage
courant. Bahuchet note à cet effet que :
Le système ancien d'alliance fondé sur le besoin
réciproque se transforme en conséquence en un système
autoritaire. La brutalité coloniale provoquant par résonance un
durcissement des relations entre Grands Noirs et Pygmées3(*)0.
Il arrivait même que le Bantou inflige des
châtiments corporels au Baka qui, dans sa révolte, changeait de
tuteur. Ce changement d'allégeance était à l'origine des
conflits entre les Grands Noirs qui finissaient par s'entendre. Des noms
dévalorisants étaient attribués aux Baka qui
étaient désormais appelés des «ebayaga»
c'est-à-dire rabougri, dur à cuire... Le Pygmée
cristallisait tous les maux : voleur, paresseux, sauvage, menteur. En
retour, il prenait le Bantou pour un méchant, un usurpateur et
malgré tout pour un maître. Le Pygmée jouissait
néanmoins d'une reconnaissance de la part des Bantou à cause de
sa grande maîtrise des secrets de la forêt ; d'où le
caractère ambivalent de son statut auprès du Bantou qui
malgré cette reconnaissance, le plaçait néanmoins au bas
de l'échelle sociale3(*)1.
Il existait désormais entre les Baka et les Bantou un
fossé que la religion chrétienne allait tenter de combler, ceci
au grand dam de leurs cultures respectives.
III. L'influence du christianisme
A l'instar des autres régions du Cameroun, le Sud-Est a
connu l'agression de deux forces en provenance du continent européen. Il
s'agit de l'action coloniale et de l'action missionnaire. L'une comme l'autre,
elles étaient décidées à s'immiscer dans la vie des
peuples, chacune avec ses méthodes propres et en fonction de ses
objectifs. La colonisation dont le but était de se procurer les biens
introuvables en Europe procédait par la brutalité tandis que la
religion qui venait convertir les âmes proposait aux populations une vie
future meilleure. Ces deux actions connaissaient des fortunes diverses
auprès du peuple. Pendant que l'action coloniale était
refusée, eu égard aux nombreuses résistances, les
populations adhéraient de façon spectaculaire à
l'évangile de Jésus-Christ , qui a considérablement
influencé leur manière de vivre.
A. Le rapprochement entre les peuples
Le missionnaire dans sa quête d'âmes était
porteur d'un message spirituel qui, au plan humain, trouvait sa formulation
dans la convention des droits de l'homme. Ce faisant, il ajoutait un
élément divin à savoir la «tendresse de
Dieu»envers l'homme. Il prônait des valeurs d'égalité,
de justice et d'amour entre les peuples. Ces enseignements trouvaient un
écho favorable auprès des Bantou qui laissaient s'effondrer les
vieux mythes et clichés qu'ils avaient conçu vis -à- vis
des Baka. Massa Ernest nous a confié à ce sujet que «les
missionnaires nous ont demandé de collaborer avec eux, qu'ils
étaient des Hommes comme nous ; nous l'avons compris et
accepté comme tel»3(*)2.
Il faut dire que les Bantou ont eu à revoir leur
attitude vis à vis des Baka parce qu'ils étaient animés
par la recherche du salut au dernier jour car, les missionnaires leur
enseignaient que, le chemin pour aller à Dieu passe par l'amour du
prochain3(*)3.
Le Bantou se croyait à cet effet investi d'une mission
de civiliser le Baka. Un notable Bangando nous a t-il confié :
«Nous avons décidé de les sortir de la
forêt ». Ce qui renforçait davantage l'attitude
paternaliste exercée à l'endroit du Baka. Il nous est
arrivé de nous rendre à l'évidence de ce complexe de
supériorité au cours de notre enquête. Un jour ,
nous demandions à un Baka de nous dire pourquoi il
préférait vivre en forêt ; un Bantou se targuant de
leur mission civilisatrice s'empressa de répondre : «Mon fils
c'est le combat que nous menons depuis des années»3(*)4. Le R.P. Trilles abondant
dans le même sens, parle d'intérêt naturel de tout
chrétien de se pencher sur ses frères
déshérités pour les relever3(*)5. Cependant, l'on peut
s'interroger sur le silence des religions occidentales au sujet des brimades
perpétrées sur les populations et sur l'exploitation à
outrance des richesses dont regorgeait la région. On en vient à
se demander si cette évangélisation n'avait pas d'autres
motivations .
B. L'acculturation
L'une des actions des missions chrétiennes occidentales
en Afrique pendant la colonisation a consisté à saper les
fondements de la vie religieuse africaine. La culture des Africains
était la principale cible de l'oeuvre missionnaire qui y avait
repéré une barrière qu'il fallait absolument briser en vue
de mieux asseoir sa domination. Toutefois, il convient de relever que les Baka
contrairement aux Bantou, n'avaient pas adhéré au message
évangélique de façon massive en raison de la
solidité de leur système religieux contre lequel les
missionnaires avaient engagé une croisade3(*)6. Tant il est vrai que tout
système religieux negro-africain repose sur les valeurs de
théocentrisme et d' anthropocentrisme3(*)7. Des rites tels le jengui , centre de la vie
religieuse chez les Baka, furent déconseillés et taxés de
pratiques diaboliques. «Je ne peux plus participer au jengui depuis que je
vais à l'église... C'est Satan», nous a confié un
Baka converti au christianisme3(*)8.
Cette guerre lancée contre la culture Baka n'avait
point connu de succès étant donné que l'édifice
était solidement implanté. Les Missionnaires furent contraints de
changer d'approche. Pour ce faire, ils se mirent à étudier la
culture Baka en vue de mieux la connaître et la pénétrer.
Plusieurs d'entre eux se firent initiés dans le jengui. D'où leur
l'engouement à mener des études sur les Pygmées. Le
père Trilles soutenant cette initiative est exaspéré par
l'attitude du pasteur Livingstone qui ne s'adonne pas à la tâche.
Aussi s'étonne- t-il qu' : «un missionnaire aussi ardent que
l'illustre Livingstone consacre quelques lignes, encore en passant, aux
croyances des populations qu'il évangélise»3(*)9.
Les missionnaires ont par la suite procédé
à la création de structures d'encadrement en vue de favoriser
l'insertion des Baka dans la communauté chrétienne. Ceux-ci
étaient admis gratuitement dans les écoles des
missionnaires ; ils recevaient des formations en menuiserie, et plus
tard étaient utilisés par des scieries et entreprises
forestières comme pisteurs ou abatteurs. Les Bantou quant à eux
se formaient comme catéchiste dans le but de répandre la bonne
nouvelle auprès des deux communautés.
Ainsi, ont évolué les relations entre les Baka
et les bantou à cette période charnière de l'histoire
africaine. L'équilibre initial marqué par une symbiose
socioéconomique due à un impératif de
complémentarité, s'est effondré à la faveur des
bouleversements de l'époque coloniale, cédant le pas à une
relation de dépendance au détriment du Baka. Le fondement
économique qui naguère était à la base de la
relation avait disparu au profit d'un nouveau rapport d'asservissement. Cette
situation perdure jusqu'aujourd'hui ; elle s'est même
intensifiée au point de devenir une institution où le Baka est
engagé dans un processus de reconversion culturelle.
CONCLUSION GENERALE
L'analyse des rapports entre les Pygmées Baka et les
Bantou du Sud-Est Camerounais à la lumière des sources orales,
visait à saisir l'évolution des relations entre ces deux
sociétés dans une perspective diachronique à partir d'une
gamme variée des données de l'oralité.
Au bout du compte, Il ressort que l'éventail des
sources orales à même de révéler des informations
sur le passé commun des populations ainsi étudiées reste
assez large et d'une contribution remarquable.
De toutes les formes explorées, la toponymie est celle
qui nous a le plus fourni des informations. Des toponymes, nombreux au Sud-
Est, illustrent à merveille la dynamique historique des populations.
Ils rappellent des situations allant des migrations à la mise en place
du peuplement. Ils situent les lieux de départ, indiquent les sites de
bataille et précisent les différents itinéraires, tout
en mettant en relief les divers soubresauts que les peuples ont connus.
A cet égard, leur contribution dans la reconstitution
de l'histoire des Bangando est appréciable. Ils auront permis
d'établir les origines orientales de ce peuple, à partir de la
présence dans leurs rites et mythes, du vocabulaire spécifique
aux attributs géographiques de cette région: désert,
cheval, terre rouge, arabes...se manient avec dextérité dans les
traditions ancestrales. Le village Salaboumbé la cité
fortifiée, rappelle les circonstances mythiques de la traversée
de la Boumba ; les noms de leurs premières habitations, font
état du climat social ambiant où ils sont partagés entre
angoisse et insécurité.
Il en est de même des Essel qui ont conservé par
devers eux, le nom de leur localité d'origine, Mintom. Le cas des
villages mixtes créés par force en période coloniale reste
palpable par la présence des adjectifs nouveaux et anciens, dans la
terminologie des agglomérations. L'attachement des populations à
leur passé se manifeste à travers la ré-appropriation au
lendemain de l'accession à l'indépendance, de leur nom
d'origine.
Plus édifiants encore apparaissent les ethnonymes qui,
pour la plupart, voient le jour à la suite des procédures de
dislocation ou de structuration des grands ensembles intervenant dans des
contextes précis. Ces noms qui indiquent les circonstances de leur
baptême, possèdent une lourde charge historique. Ainsi, dans le
Sud-Est, nombreuses sont les ethnies dont le nom fait référence
à l'ancêtre fondateur. Grâce à ces noms, il est
ainsi possible d'établir la filiation entre les différents
groupes. C'est le cas des tribus Mpo'oh et apparentés, dont le nom se
rattache directement aux ancêtres fondateurs : Mpoumpo'oh, Kozime,
Kounabeemb, Mpouomam, Zimé, Mpyémo, Bidjouki ...
Plusieurs clans à la suite de la
désagrégation de leur ethnie, à défaut
d'adopter le nom de l' ancêtre dissident, se désignent par les
circonstances de cette séparation ; ils répondent par des
noms tout à fait différents de ceux de leur groupe
d'origine. L'ethnonyme Bangantou en est une parfaite illustration.
D'autres, tout en suggérant leur idéologie de la vie, sont le
reflet de la psychologie des peuples. L'exemple des Baka reste patent ;
peuple de liberté, leur nom magnifie cet idéal (Bakama). Il en
est de même des Bola ne netock dont l'appellation illustre leur
caractère belliqueux , élément de dissuasion des
voisins.
Bien nombreuses sont les ethnies fondées à la
suite des dislocations intervenues à des moments difficiles. Les
ethnonymes Bangando et Sanga Sanga qui pour l'un rappelle la traversée
du fleuve par la nage à la manière des caïmans (Bengando),
et pour l'autre désigne les riverains de la Ngoko, illustrent
clairement cette situation.
Grâce aux noms de raillerie que les peuples se donnent,
l'on saisit les perceptions réciproques et les idées que les uns
se font des autres. Il s'agit là d'un signe patent traduisant la nature
des relations entre les différents groupes. Aussi le terme
«ebayaga» utilisé par les Bantou pour désigner les Baka
et qui signifie rabougri, dur à cuire, nain ou
dégénéré montre - t-il bien la perception d'animal
mitoyen que les Bantou ont de leurs voisins. On comprend dès lors le
mépris dont ils sont l'objet . En revanche, la soumission des Baka aux
Bantou se manifeste par le respect aveugle qu'ils leur vouent ; c'est
à coeur joyeux qu'ils utilisent les expressions telle «
patron», «maître» ou
«tuteur» pour designer ceux- ci .
On peut difficilement aborder la question des rapports entre
les peuples sans faire référence aux proverbes qui non seulement
sont des règles de vie, mais aussi traduisent à bon escient
l'état des relations entre les groupes. Ainsi, les Baka appellent
à la prudence à travers des proverbes relatifs à la
chasse ; ils présentent l'idéal de paix en comparaison avec
le bien-être qui prévaut dans l'univers sylvestre , et invitent
à plus de responsabilité à travers la métaphore de
la collecte du miel.
A la seule évocation de l'adage narguant les
Mpyémo, on est assimilé à un Mpoumpo'oh s'attirant ainsi
l'animosité rattachée à ce groupe. De la même
manière, le dicton relatif à la détention des Mpoumpo'oh
chez les Zimé suscite l'amertume de la part de ces derniers.
L'apport de la linguistique reste déterminant en tant
que facteur de rapprochement des peuples et élément de
différenciation ; elle nous aura rendu facile la distinction entre
Mpo'h, apparentés et Ngombé , ainsi que la reconstitution des
différents ensembles ethniques.
Les chants ne sont pas moins porteurs d'informations
historiques. Suscitant l'allégresse par-ci et l'irritation
par-là, ils illustrent de façon éloquente, les victoires
des différents peuples. Les Bangando multiplient les adaptations de la
chanson composée à l'occasion de leur victoire sur les
Zimé lors de la guerre de Salapoumbé pendant les
évènements joyeux1(*). Des chansons qui accompagnent leurs rituels nous
relatent les épisodes de leurs migrations où le surnaturel
intervient sans cesse. C'est ici qu'apparaît la place des totems et des
tabous.
Présentés sous forme d'interdits alimentaires,
les totems sont les signes visibles des alliances contractées entre
l'homme et les forces de la nature. Par leur présence, ils rappellent ce
que les hommes leur doivent ; ils les mettent en confiance au même
titre que la croix dans les églises, ou encore les saintes images dans
les temples2(*).
Pour ce qui est des mythes, ils sont apparus comme des
facteurs d'unité entre les peuples. Ils sont tout aussi importants du
point de vue historique. Dans le présent travail, ils ont
été déterminants dans la compréhension des
mouvements migratoires. Tout en précisant l'origine des peuples, ils
indiquent les itinéraires empruntés. Ils se sont illustrés
notamment dans la traversée des différents cours d'eau :
Sangha, Kadey, Boumba...
Plus utile encore a été leur contribution dans
l'analyse de la culture de chaque peuple. En tant que véhicule
idéologique, les mythes nous auront permis de comprendre les raisons de
l'enracinement et de l'épanouissement des Baka dans la forêt.
Celle-ci , à travers le mythe de la création chez les Baka ,
n'est plus un air de repli tel que le laissent entendre plusieurs
récits historiques.
Les rites jouent également un rôle similaire .
Ils permettent de maintenir les souvenirs en éveil, et sont les points
de rapprochements entre les peuples. L'Edio des Bokaré et le Dio des
Bangando attestent de l'origine commune de ces groupes telle que
présentée par la mémoire collective3(*). Il en est de même du
Béka commun à tous les Bakwelé. Aussi intéressant
est le cas du jengui dont les Pygmées Aka, Baka et Babinga ont en
commun. A travers ce rite, on peut comprendre que ces populations auraient
d'abord vécu ensemble avant de se disloquer. C'est à cette
occasion qu'ils ont perdu leurs langues originelles au point où chacune
est allée adopter la langue du groupe auquel il a été
incorporé4(*). Le
rite apparaît donc comme un élément d'unité et de
rapprochement entre les
PHOTO5
Le mythe de l'éléphant reste très
présent dans l'histoire des populations du sud est
peuples dans la mesure où sa pratique reste ouverte
à tous ; la participation des Baka et des Bantou au jengui ou au
Beka témoigne de façon éloquente de la collaboration
entre les deux groupes.
En plus de l'aspect rituel, le jengui fait partie des masques
qui, au même titre que d'autres éléments, sont sources
d'histoire. Il est à considéré au rang des acteurs de
l'histoire , car il est garant des pactes sociaux ; il est la porte
d'entrée de la culture Baka, et joue le rôle de justicier
suprême.
A la lumière de tous ces éléments, on
se rend compte que les rapports entre les Baka et les Bantou remontent depuis
les mouvements migratoires. Ces rapports sont tributaires des facteurs
historiques inhérents à chaque période.
A l'époque précoloniale, la relation
était équilibrée. Entre les deux peuples existait une
coopération multiforme dont le partage, l'échange et l'assistance
mutuelle étaient les maîtres-mots, dans un souci de
complémentarité. L'avènement de la colonisation a
créé une rupture. Une nouvelle définition des rapports du
fait du contre coup de l'économie coloniale a vu le jour. Le Baka est
passé du statut d'associé à celui de prolétaire.
Son mode de vie ne fut pas moins affecté. Contraint de s'arrimer
à l'économie monétaire, il est passé du statut de
chasseur-collecteur habitant la forêt, à celui d' ouvrier agricole
contraint de cohabiter avec le Bantou devenu le maître, le patron, le
tuteur, dont il adopte la culture. Son alimentation, son model d'habitat et la
pratique de l'agriculture sont les premières manifestations de ce
processus d'acculturation et d'asservissement qui se poursuit jusqu'à
nos jours et dont l'analyse constitue une nouvelle piste de recherche.
Dans cette perspective, il faudra prendre en compte d'autres
acteurs tels que l'Etat, l'Eglise, les organisations non gouvernementales qui
interviennent dans la chaîne des relations entre ces deux peuples en vue
d'assurer leur intégration. Une tâche qui ne manque pas d'enjeux
dans un environnement de globalisation où paradoxalement, la
résurgence des replis identitaires comme principe de vie , reste
pressante. Ceci suggère en filigrane , le problème de choc
culturel. Nous ne l'abordons pas dans la classique opposition entre tradition
et modernité. Il s'agit plutôt pour nous, d'examiner le
frottement de deux cultures africaines, et d'analyser la cohabitation qui en
résulte. Une telle ambition insistera donc sur les conflits, les
échanges, les alliances, les jeux de structuration où de
restructuration.
Le sujet paraît intéressant et nécessite
une investigation poussée et une oeuvre de longue haleine.
L'étude devra s'étendre au-delà des frontières
nationales eu égard au caractère transnational des populations
étudiées, et de l'unité géographique que le milieu
présente avec les pays voisins. Ce qui place la question au coeur de la
problématique de l'intégration régionale. Telles sont les
perspectives nouvelles que pourraient interpeller la recherche.
ANNEXES
Annexe I
Université de Yaoundé I
Faculté des arts, lettres et sciences humaines
Département d'histoire
Projet de mémoire
Sujet : «Contribution de l'oralité
à l'étude des rapports entre Pygmées Baka et lesBantou
dans le Sud-Est camerounais des origines à 1960».
Guide d'entretien
I. Présentation du village
A. La géographie du village
1. Nom du village
2. Canton
3. Arrondissement
4. Département
5. Situation sur l'axe
6. Quels sont les villages voisins ?
7. Quelles sont les ethnies voisines ?
8. Le village est situé : sur une colline, plaine,
plateau, sur un bas fond, au bord de la route ? En forêt ?
B. Histoire du village
1. Que signifie le nom du village ?
2. Quelle personne ou famille a fondé le village ?
3. Parlez-nous de l'origine de la population.
4. Quels sont les événements importants qui ont
marqué la vie du village ? Guerre , famine,
épidémie, ... ?
5. Pouvez-vous situer cet événement dans le
temps ?
II. Population du village
1. Nombre d'habitants ..................... Hommes, femmes,
enfants.
2. Quelles sont les différentes ethnies du village ?
3. Quelles sont les langues parlées dans le
village ?
4. Y'a t-il un animateur dans le village ?
5. Si oui par quelle structure ?
6. En quoi consiste son travail ?
7. Est-il payé ?
8. Quel est le nombre de personnes qui savent lire et
écrire.
9. La population est-elle stable pendant toute
l'année ?
10. A quel moment les populations sont-elles absentes ?
11. Y a t-il des étrangers ?
12. Si oui depuis quand ? Pourquoi sont-ils là ?
SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
I. Sources écrites
A. Ouvrages
Abega S.C. , Les choses de la forêt,
Yaoundé, UCAC,2000.
- , Pygmées Baka, ,le droit
à la différence, Yaoundé, UCAC /INADES
Formation,1998.
Bahuchet S. et al., Des forêts et Hommes, un regard
sur les Peuples des forêts tropicales, Bruxelles, Université
de Bruxelles,2001
Barral H., et Franqueville A., Atlas régional du
Sud Est Cameroun, Yaoundé, ORSTOM, 1970.
Barbier J.C. , Les pygmées de la plaine Tikar
au Cameroun, Yaoundé, ISH,1978.
Brisson R.,Contes des Pygmées Baka du Sud
Cameroun, tome 1, Douala, Liberman, 1980.
Bwele G. et al., Encyclopédie de la
République unie du Cameroun, tome 2, Yaoundé, 1981.
Bloch M. , Apologie pour l'histoire ou métier
d'historien, Paris, Armand Colin, 1964.
Dellemmes (R.P.), Le père des Pygmées,
Paris, Flammarion , 1985.
Demesse L., Techniques et économie des
pygmées Babinga, Paris, CNRS-Institut d'éthnologie,1980
Deschamps H., Histoire générale de l'Afrique
Noire de Madagascar et des Archipels, tome 1, Paris, PUF,1972.
Deschamps H., Histoire générale de
l'Afrique Noire de Madagascar et des Archipels de 1800 à nos
jours, Paris, PUF, 1970.
Dika Akwa Nya mbonambella, Les problèmes de
l'Anthropologie et de l'Histoire africaines, Yaoundé, CLE,
1978.
Dugast I ., Inventaire ethnique du Sud-Cameroun,
Paris, IFAN, 1949
Endamena Atem E., Evolution des Pygmées Baka de
Mintom, Yaoundé, MINREST, 1992 .
Etoga Eily F., Sur les chemins du développement,
Yaoundé, CEPER, 1971.
. Francis J. et als, Le rôle de la femme Baka dans
le ravitaillement en nourriture, document ronéotypé,1990.
Ghomsi E. et Bah T. M., Collecte des traditions orales
historiques des populations du Mbam. Les Vouté, Yaoundé,
MERES-CREA, 1987.
Guillaume H. et al., Encyclopédie des
Pygmées Aka, techniques, langues et société des
chasseurs-cueilleurs de la forêt centrafricaine, Paris, SECAF
1991
Ki-zerbo J.,(sous la dir.) Histoire générale
de l'Afrique tome1,méthodologie et préhistoire africaines
,Paris, Présence Africaine /UNICEF/UNESCO,1986.
Koch, Magie et chasse dans la forêt
camerounaise, Paris, Berger-Levrault, 1968
Laburthe Tolra P., Les Seigneurs de la
forêt :Essai sur le passé historique, l'organisation sociale
et les normes éthiques des anciens Betis du Cameroun,
Paris, Sorbonne, 1981.
Marabail (le commandant), Etudes sur les territoires du
Cameroun occupé par les troupes françaises, Paris, Larousse,
1919
Mohammadou E., Traditions historiques des peuples du
Cameroun central, 2 vol., Tokyo, ILCAA, 1990 .
Mveng E., (R.P.), Histoire du Cameroun, tome I,
Yaoundé, CEPER, 1984.
Obenga T. (éds.), Le peuple Bantou :
migrations, expansion et identité culturelle, tome I, Paris,
L'Harmattan, 1989.
Perrot C.H. (eds.) , Sources orales de l'histoire de
l'Afrique, Paris, CNRS, 1993.
Phillipart de Foh G. , Les Pygmées d'Afrique
Centrale, Parenthèses, 1984.
Robineau C. I., L'évolution économique et
sociale de l'Afrique centrale : le cas de Souanké, Paris, ORSTOM,
1970.
Rudin Harry, Germans in the Cameroons 1884-1914,
London, University Press, 1938.
Sauter G., De l'Atlantique au fleuve Congo,
Paris/Mouton,1966.
Schebesta P. (R.P.), Les Pygmées du Congo Belge,
Bruxelles, IRSAC,1952
Tardit C., Contribution de la recherche ethnologique
à l'histoire des civilisations du Cameroun 2 vol., Paris,
CNRS,1981.
Thomas J., A travers l'Afrique Equatoriale sauvage,
Paris, Laroses, 1934.
Trilles (R.P.), L'âme du Pygmée
d'Afrique, Paris, CERF, 1945.
Turbun C.,The forest people, London, Paladin,1984
Vallois B.V.et Marquer F., Les Pygmées Baka du
Cameroun : anthropologie et ethnologie avec une annexe
démographique, Paris, Muséum, 1976.
B. Articles des journaux et de revues
Abou S., «L'identité culturelle : relations
interethniques et problèmes d'acculturation», Anthropos,
Paris, 2e édition, 1986.
Abwa D., «Plaidoyer pour l'écriture de l'histoire
contemporaine du Cameroun», Ngaoundéré Anthropos,
vol.VII, 2002, p.26.
- , «La diplomatie dans l'Afrique
précoloniale : le cas du pays Banen au Cameroun», Afrika
Zamani, N°20-21, 1989, pp.78-103.
Bahuchet S., « chez les Pygmées Baka. Sous le
couvert des arbres géants, un peuple à part vit encore les
secrets du bonheur», Science et nature , N°006, pp.24-26 et
28, 1990.
- , «Les Pygmées Aka de la forêt
centrafricaine», Se nourrir en forêt équatoriale,
anthropologie alimentaire des populations des régions forestières
humides d'Afrique, UNESCO, Paris, 1990.
- , «Les Pygmées d'aujourd'hui en
Afrique centrale», Africa, Londres (sans date).
Bigombe Logo P., «Quel avenir pour les Pygmées de
l'Est Cameroun ? », La voix du Paysan, N°20, 1994,
p.20.
Brisson R., «Les Pygmées sont-ils voués
à l'extinction ? », Développement et
santé, 1979.
Degarine I. et Hladick C.M., «Les perceptions
nutritionnelles : interdits, prescriptions et perception des
aliments», Se nourrir en forêt équatoriale, anthropologie
alimentaire des populations des régions forestières humides
d'Afrique, UNESCO, Paris, 1990.
Perrot C-H., «Méthodes et outils de l'histoire,
sources orales et histoire de l'Afrique», Acteurs de l'histoire au
Nord-Cameroun, Ngaoundéré Anthropos, numéro
spécial, vol.III, 2000, p.281.
C. Rapports
INADES-Formation Cameroun, Rapport de session culture
Baka/Bangando, 02-06 décembre 1996.
D. Notes d'archives
ANY A 37, Rapport Von Stein sur les troubles dans le Sud,
1904-1906.
ANY, TA 88, Rapport du docteur Pleihn sur l'expédition
Sangha Ngoko, 1900.
ANY, TA 144-145, Rapport du docteur Pleihn sur la fondation de
la station Sangha-Ngoko, sur le parcours des fleuves Ngoko, Boumba et Ocha,
1889.
E. Mémoires et thèses
Ango Mengue S., «L'Est camerounais : une
géographie du sous-peuplement et de la marginalité»,
thèse de Doctorat 3e cycle, université de Bordeaux
III, 1982.
Bah T. M., «Guerre, pouvoir et société dans
l'Afrique précoloniale entre le lac Tchad et la côte du
Cameroun», thèse de Doctorat d'Etat es lettres, Paris I
Panthéon-Sorbone, vol.1, 1985.
Edjondj Menpouth A. I., «Etude ethno-historique des
Mpo'oh et apparentés du Sud-Est des origines à 1916»,
mémoire de DIPES II, ENS, Yaoundé, 1994 .
Gouesseboth R. J., «Une migration dans le Cameroun
précolonial. Le groupe Mpouomam de l'Est-Cameroun XVIe
-XIXe siècle», mémoire de DIPES II,
Yaoundé, ENS, 1994.
Metinde S.E., «Les Mpyemo de l'Est Cameroun
précolonial», mémoire de maîtrise en histoire,
université de Yaoundé I, 2002.
Ngombe L., «L'évolution des Bangando du Sud-Est
Cameroun : des origines à 1894», mémoire de DIPES II en
histoire, ENS, Yaoundé, 1995.
II. Sources orales
Noms et prénoms
|
Age
|
Fonction
|
Ethnie
|
Date et lieu d'entretien
|
Alamba Samuel
|
62 ans
|
Agro-chasseur
|
Baka
|
26/02/2005 à Mbol XII
|
Allo Daniel
|
60 ans
|
Agro-chasseur
|
Baka
|
12 /04/2005
Nguilili
|
Ambatta Philippe
|
45 ans
|
Animateur AAPEC
|
Bangando
|
13 Avril 2005 à Moloundou
|
Diro Jean Denis
|
41 ans
|
Enseignant
|
Mpyemo
|
10 /06/2005 à Yokadouma
|
Djasso Baoue Thimothée
|
49 ans
|
Cultivateur
|
Bangando
|
10/04/2005 à Mbangoye I
|
Ekwas Sébastien
|
62 ans
|
Cultivateur
|
Mpouomam
|
26/02/2005 à Mbol XII
|
Epack Daniel
|
75 ans
|
Cultivateur
|
Mpoumpo'oh
|
07/11/2004 à Massiang
|
Ipando Jean-Jacques
|
51 ans
|
Maire commune rurale de Moloundou
|
Sanga-Sanga
|
11/04/2005 à Moloundou
|
Jemba Jean
|
71 ans
|
Cultivateur
|
Bangando
|
08/04/2005 à Mbangoye I
|
Lessie Patrice
|
62 Ans
|
Chef traditionnel
|
Essel
|
11/04/2005 à Nguilili
|
Mambe Eugène
|
56 Ans
|
Animateur AAPEC
|
Bangando
|
08/04/2005 à Mbangoye I
|
Massa Ernest
|
52 Ans
|
Cultivateur
|
Bangando
|
10/04/2005 à Mbangoye II
|
Mbita Léon
|
46 Ans
|
Agent communal
|
Bangando
|
11/04/2005 à Nguilili
|
Mboloko Emile
|
79 Ans
|
Ancien
combattant
|
Mpyemo
|
10 /06/2005 à
Yokadouma
|
Mediké John Albert
|
59 Ans
|
Agent de l'Etat retraité
|
Bangando
|
12/04/2005 à
Banana
|
Mekoulagna Basile
|
68 Ans
|
Cultivateur
|
Mpoumpo'oh
|
26/02/2005 à Mbol XII
|
Mikpok Jasimin
|
41 Ans
|
Chasseur-collecteur
|
Baka
|
18/02/2005 à
Madoungué
|
Mgbeni Benoît
|
62 Ans
|
Chasseur- collecteur
|
Baka
|
05/02/2005 à Massiang
|
Moampi Romain
|
39 Ans
|
Agro-chasseur
|
Baka
|
08/04/2005 à Mbangoye I
|
Mongonando Gilbert
|
63Ans
|
Chef traditionnel
|
Bangando
|
10/04/2005 à Moloundou
|
Mossadikou Eugène Raphaël
|
81 Ans
|
Ancien parlementaire
|
Bangando
|
10/04/2005 à Moloundou
|
Moussa Alphonse
|
91 Ans
|
Cultivateur
|
Mpouomam
|
26/02/2005 à Mbol XII
|
Moustaka Jeannot
|
39 Ans
|
Chasseur-collecteur
|
Baka
|
18/02/2005 à Madoungué
|
Mossus Bertin
|
36 Ans
|
Animateur rural
|
Koumabeemb
|
05/02/2005 à Ngato
|
Mvogo Suzanne
|
59 Ans
|
Cultivatrice
|
Baka
|
11/04/2005 à Nguilili
|
Ndongo Pascal
|
58 Ans
|
Chasseur-collecteur
|
Baka
|
18/02/2005 à Madoungué
|
Ngama Balamba Simon
|
58 Ans
|
|
Baka
|
11/04/2005 à Nguilili
|
Ndzengue Bien Aimée
|
28 Ans
|
Agent communal
|
Sanga-Sanga
|
11/04/2004 à Moloundou
|
Ngbengue Samuel
|
58 Ans
|
Chasseur-collecteur
|
Baka
|
05/02/2005 à Massiang
|
Tong Joseph
|
52 Ans
|
Agriculteur
|
Essel
|
11/04/2005 à Nguilili
|
Wandjore René
|
70 Ans
|
Chef de village
|
Bangando
|
09/04/2005 à Mbangoye II
|
Woneye Marie Thérèse
|
62 Ans
|
Cultivatrice
|
Koumabeemb
|
05/02/2005 à Ngato
|
Zila Emile
|
75 Ans
|
Ancien cuisinier colonial
|
Mpoumpo'oh
|
07/11/2004 à Massiang
|
* 1 La «oral
history» est apparue aux Etats-Unis au lendemain de la première
guerre mondiale, puis en Scandinavie, en Angleterre et plus tard en France. Son
approche a permis non seulement d'apporter d'utiles compléments aux
sources écrites mais aussi de donner la parole aux oubliés de
l'histoire, aux vaincus.
* 2 Les sources orales
recouvrent deux domaines distincts : des témoignages oraux et
les traditions historiques.
* 3D. Abwa, «Plaidoyer
pour l'écriture de l'histoire contemporaine du Cameroun»,
Ngaoundéré Anthropos, vol.VII, 2002, p.26.
* 4 Plusieurs acteurs refusent
de parler au nom du « droit de réserve».
* 5 D. Abwa, Sadou Daoudou
parle, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2002.
* 6 C. Ateba
Eyéné, Pierre Semengue, Toute une vie dans les
armées, Yaoundé, Editions Saint Paul, 2003.
* 7 D. Abwa, Woungly
Massaga, ma part de vérité, Yaoundé, Presses de
l'UCAC, 2005.
* 8 E. Mohammadou,
Traditions historiques des peuples du Cameroun central, 2 vol., Tokyo,
ILCAA, 1990 et 1991.
* 9 E. Ghomsi et T. M. Bah,
Collecte des traditions orales historiques des populations du Mbam. Les
Vouté, Yaoundé, MERES-CREA, 1987.
* 10 S.M. Eno Belinga,
Mvet : Monoblum ou l'homme bleu, Yaoundé, CEPER, 1978.
* 11 C. H. Perrot (eds),
«Sources orales et histoire un débat permanent», Sources
orales de l'histoire de l'Afrique, Paris, CNRS, 1993, p.15.
* 12Le débat entre les
sources orales et l'histoire reste permanent.
* 13 A. Njiassé Njoya,
«Chants dynastiques et chants populaires bamum : sources
d'informations historiques», Sources orales de l'histoire...,
pp.65-74.
* 14 J. Ki-zerbo, Histoire
de l'Afrique Noire d'hier à demain, Paris, Hatier, 1972, p.4.
* 15 Calendrier agricole
publié par le service de vulgarisation agricole de la
Délégation Provinciale de l'Agriculture de l'Est, octobre 1987,
p.7.
* 16 T. M. Bah,
«Guerre, pouvoir et société dans l'Afrique
précoloniale, entre le lac Tchad et la côte camerounaise»,
thèse de Doctorat d'Etat, volume I, université de Paris I
Panthéon-Sorbonne, 1985, pp.468-469.
* 17 Outre la Boumba et
Ngoko, on retrouve les mêmes populations dans le département de la
Kadey et du Haut Nyong au Cameroun, dans celui de la Sangha
Mbaéré en R.C.A. et celui de la Sangha en République du
Congo.
* 18 Infra, p.60.
* 19 I. Dugast, Inventaire
ethnique du Sud-Cameroun, Paris, IFAN, 1949.
* 20 H. Barral et A.
Franqueville, Atlas régional du Sud Est Cameroun,
Yaoundé, ORSTOM, 1970.
* 21 S. Ango Mengue,
«L'Est-Cameroun : une géographie de sous-peuplement et de
marginalisation», thèse de Doctorat 3e cycle en
géographie, université de Bordeaux III, 1982.
* 22 E. Metindé,
«Les S Mpyémo de l'Est-Cameroun précolonial»,
mémoire de maîtrise en histoire, université de
Yaoundé I, 2002.
* 23 Ngombé,
«Evolution historique des Bangando des origines à 1894»,
mémoire de DIPES II, ENS de Yaoundé, 1995.
* 24 A. Edjondj Mempouth,
«Etude ethno-historique des Mpo'oh et apparentés du Sud-Est des
origines à 1916», mémoire de DIPES II, ENS, Yaoundé,
1994.
* 25 J. R. Gouesseboth,
«Une migration dans le Cameroun précolonial : le groupe
Mpouomam de l'Est», mémoire de DIPES II, ENS, Yaoundé, 1993.
* 26 Dans la justification du
sujet, ces auteurs disent vouloir combler un vide sur l'histoire mal connue de
leur région d'origine.
* 1 M. Bloch, Apologie pour
l'histoire ou métier d'historien, Paris, Armand Colin, 1964,
p.53
* 2 Ensemble des populations
en Afrique subsaharienne aux langues apparentées dont les structures
socio-politiques et économiques présentent des rapprochements.
Dans les zones forestières du Cameroun, ce terme désigne de
façon générique les voisins des Pygmées.
* 3 Supra pp10-11.
* 4 I. Dugast, Inventaire
ethnique..., p.109.
* 5 Robineau,
L'évolution économique et sociale de l'Afrique
centrale : le cas de Souanké, Paris, ORSTOM, 1970, P.23.
* 6 I. A. Edjondj Mempouth,
«Etude ethno-historique des Mpo'oh...», p.10
* 7 Le canton Zimé
appartient au département du Haut-Nyong qui ne rentre pas dans notre
champ d'investigation.
* 8 I. A. Edjondj Mempouth,
«Etude ethno-historique des Mpo'oh...», p.12.
* 9 H. Deschamps, Histoire
générale de l'Afrique Noire de Madagascar et des Archipels
tome 1,Paris, PUF 1972, p.362
* 10 Il s'agit de la migration
des Tchamba qui a eu lieu au XVIIe siècle que plusieurs
auteurs tels I. Edjondj Mempouth confondent aux invasions peules de l'Adamaoua
survenues au XIXe siècle.
* 11 Les populations du Sud-Est
sont regroupées en cantons sur la base ethnique.
* 12 Moussa Mouagound est un
notable Mpouomam qui nous a accordé un entretien au village Mbol XII le
27 janvier 2005.
* 13 Yokadouma est
l'appellation déformée de Zokadouma qui signifie
l'éléphant ne tombe jamais. C'est un pseudonyme que portait
Mikoues, à cause sa bravoure dans les campagnes guerrières.
* 14 I. A. Edjondj Mempouth,
«Etude ethno-historique des Mpo'oh...», p.19.
* 15 Infra, p.70.
* 16 Mossus Bertin, entretien
du 6 mars 2005 à Ngato.
* 17 Moussa Mouagound Alphonse,
entretien du 27 janvier 2005 à Mbol XII.
* 18 Les anciens affirment que
les Mpouomam ont toujours vécu sous la vassalité des autres
tribus qui les ont maintenu dans cette condition.
* 19 Pour certains, ce pont
était un gros serpent.
* 20 Ndzengue Bien Aimé
d'origine Sanga-Sanga, entretien du 8 avril 2005 à Molundou.
* 21 Mboliko Emile, ancien
combattant d'origine Mpyémo, entretien du 10 juin 2005 à
Yokadouma.
* 22 Ibid.
* 23 H. Barral et A.
Franqueville, Atlas régional du Sud Est ... , p.9.
* 24 Dans les intrigues entre
populations, les Mpyémo sont identifiés aux Centrafricains et les
Bekwel aux Congolais.
* 25 S. E. Metindé,
«Les Mpyémo de l'Est-Cameroun ...», p.46.
* 26 Diro Jean Denis, entretien
du 17 juin 2005 à Yokadouma.
* 27 Mintom est
également le chef-lieu de l'arrondissement qui porte le même nom
au Sud où l'on retrouve les Esselé.
* 28 Mossadikou Eugène
Raphaël, entretien du 20 Avril 2005 à Moloundou.
* 29 Dans le cours
d'égyptologie, cette région est désignée par
l'expression Daresh qui signifie terre rouge.
* 30 Mossadikou Eugène
Raphaël, entretien du 20 Avril 2005 à Moloundou.
* 31 H. Deschamps, Histoire
générale de l'Afrique de 1800 à nos jours, Paris,
PUF, 1971, p.193.
* 32 Mediké Albert,
entretien du 13Avril2005 à Banana.
* 33 P. Buham et al.,
«Gbaya et Mbako contribution ethnolinguistique à l'histoire de
l'Est-Cameroun», Contribution de la recherche ethnologique à
l'histoire des civilisations du Cameroun, vol. 2, Paris, CNRS, 1981,
p.89.
* 34 Mediké Albert,
entretien du 13Avril2005 à Banana.
* 35 Ndoka Joseph, propos
recueillis par Lucien Ngombé le 9Décembre 1994 à Lom.
* 36 Mossadikou Eugène
Raphaël, entretien du 10Avril2005 à Moloundou.
* 37 Le terme albinos
désigne les Arabes, pour marquer la différence avec les
Blancs.
* 38 Mossadikou Eugène
Raphaël, entretien du 20 mars 2005 à Moloundou.
* 39 Mediké Albert ,
entretien du 21 mars 2005 à Banana.
* 40 Ibid.
* 41 Epack Daniel, ancien
cuisinier colonial allemand d'origine Mpoumpo'oh, entretien du 10
décembre 2004 à Massiang.
* 42 Cet ethnonyme signifie
répondre aux provocations par l'affrontement.
* 43 Supra p.19.
* 44 Les Allemands avaient
l'habitude de donner aux régions et aux ethnies les noms des
personnes.
* 45 S. Ango Mengue dans sa
thèse parle de Bangantou de Moloundou et Bangantou de Mbang.
* 46 Le moyen de la
traversée varie d'une tradition à une autre.
* 47 Jemba Jean, entretien du
9 avril 2005 à Mbangoye I.
* 48 S. Ango Mengue,
«L'Est-Cameroun...», p.52.
* 49 Mediké Albert,
entretien du 11 avril 2005 à Banana.
* 50 G. Schweinfurth avait fait
la rencontre des Pygmées sur les rives du Népoko nélo dans
l'actuelle République Démocratique du Congo.
* 51 Trilles (R.P.),
L'âme du Pygmée d'Afrique, Paris, CERF, 1945, p.14.
* 52 S. Seitz, Pygmées
d'Afrique centrale, Paris, Peeters Salaf, 1993, p16.
* 53 P. Schebesta (R.P.),
Les Pygmées du Congo Belge, Bruxelles, IRSAC,1952, p.14.
* 54 S. Seitz,
Pygmées..., p.22.
* 55 G. Phillipart de Foh,
Les Pygmées..., p.50.
* 56 Trilles (R.P.),
L'âme du Pygmée ..., p.26.
* 57 Ibid.
* 58 E. Endamena Atem,
Evolution des Pygmées Baka de Mintom, Yaoundé, MINREST,
1992, p.5.
* 59 E. Mveng (R.P.),
Histoire du Cameroun, tome I, Yaoundé, CEPER, 1984, p.
* 60 Ibid.
* 61 Trilles(R.P.), l'âme
du Pygmée...P.46.
* 62 Ibid..
* 63 E. Mveng (R.P.),
Histoire du Cameroun, tome I, Yaoundé, CEPER, 1984, p.23.
* 64 Il les identifiait
à leur mode de vie où la chasse est la principale
activité.
* 65 Dellemmes (R.P.), Le
père des Pygmées, Paris, Flammarion, 1985, p.55.
* 66 Zila Emile, entretien du 7
novembre 2004 à Massiang.
* 67 Les Baka que nous avons
rencontrés ont confirmé ces informations.
* 68 Ndaywel Enziem,
«L'Afrique centrale ancienne : les hommes et les structures», T.
Obenga (éds.), Le peuple Bantou migrations, expansion et
identité culturelle, tome I, Paris, L'Harmattan, 1989, p.256.
* 69 Trilles (R.P.),
L'âme du Pygmée ..., p.31.
* 70 Ibid., p.56.
* 71 Cette odeur est favorable
aux activités de chasse.
* 1 F. Kange Ewané,
Semence et moisson coloniales, Yaoundé, CLE, 1985, p.58.
* 2 Supra, p.33.
* 3 Infra, p.47.
* 4 Supra, p.38.
* 5 Supra, p.48.
* 6 Il arrive souvent que
l'enfant représentant le gorille morde ses petits compagnons en se
défendant.
* 7 S.C. Abéga,
Pygmées Baka..., p.28.
* 8 Rita Rossi, entretien du 2
novembre 2004 à Parny.
* 9 E. Mveng, Histoire du
...., p.29.
* 10 Lors de nos entretiens,
toutes les femmes du campement y prenaient part sans intervenir.
* 11 c'est la femme qui
choisit le point de chute du déplacement et l'emplacement du
campement.
* 12 Le singe n'allume pas le
feu et ne le fera jamais disent les Baka.
* 13 Moussa Mouagound, un
notable Mpouomam nous a présenté le dispositif d'allumage du feu
qu'ils ont emprunté auprès des Baka.
* 14 Mvogo Suzanne, Baka,
entretien du 5 février 2005 à Nguilili.
* 15 Benoît Mbeni,
Baka, entretien du 5 février 2004 à Massiang.
* 16 Ibid.
* 17 Tous les Bantou qui ont
épousé les femmes Baka ont confirmé la grande
capacité de celles-ci à répandre la chance.
* 18 Ngbengue Samuel, Baka,
entretien du 5 février 2005 à Masiang.
* 19 S.C. Abéga,
Pygmées Baka..., p.43.
* 20 Ngbengue Samuel, Baka,
entretien du 5 février 2005 à Masiang.
* 21 Donny Elwood, un
chansonnier camerounais dans l'un de ses tubes présente la gamme de
services extraordinaires que les Pygmées rendent aux Bantou.
* 22 Trilles, L'âme
du Pygmée..., p.215.
* 23 S.C. Abéga,
Pygmées Baka..., p.84.
* 24 Ibid
* 25 P. L. Tolra et J-P.
Warnier cité par O. C. Ossanga, «Pygmées
Bédzang...» , p.6.
* 26 S. Bahuchet,
«Les Pygmées Aka de la forêt centrafricaine», Se
nourrir en forêt équatoriale, anthropologie alimentaire des
populations des régions forestières humides d'Afrique,
UNESCO, Paris, 1990, p.14.
* 27 Les femmes Baka nous ont
appris qu'elles mettent près de trois heures pour déterrer les
tubercules d'ignames.
* 28 Mvogo Suzanne, Baka,
entretien du 9 avril 2005 à Nguilili.
* 29 G. Phillipart de Foh,
Les Pygmées..., p.32.
* 30 S.C. Abéga,
Pygmées Baka..., p.56.
* 31 Ndongo Pascal, entretien
du 11 avril 2005 à Mbangoye I.
* 32 Ipando Jean-Jacques,
Maire de Moloundou, entretien du 10 mars 2005 à Moloundou.
* 33 I.A. Edjondj Mempouth,
«Etude ethno-historique des Mpo'oh... », p.46.
* 34 Ekwas, Sébastien
entretien du 26 février 2005 à Mbol XII.
* 35 Ibid., p.39.
* 36 Mboliko Emile, ancien
combattant, entretien du 5 novembre 2004 à Yokadouma.
* 37 Ibid.
* 38 L.
Ngombé,«Evolution des Bangando...», p.29.
* 39 Mediké Albert,
entretien du 21 mars 2005 à Banana.
* 40 Ibid.
* 41 T.M. Bah, «Guerre,
pouvoir et société...», p.370.
* 42 Mediké Albert,
entretien du 21 mars 2005 à Banana.
* 43 Ibid.
* 44 Zila Emile, entretien du
12 novembre 2004 à Massiang.
* 45 Koch, Magie et chasse
dans la forêt camerounaise, Paris, Berger-Levrault, 1968, p.24.
* 46 Synthèse des
traditions orales recueillies dans les différents cantons.
* 47 P. Laburthe Tolra,
Les Seigneurs de la forêt, Paris, Sorbonne, 1981, p.
* 1 S. Bahuchet, «Les
Pygmées aujourd'hui en Afrique centrale», Africa, Londres,
1996, p.98.
* 2 H. Guillaume et al.,
Encyclopédie des Pygmées Aka, techniques, langues et
société des chasseurs-cueilleurs de la forêt
centrafricaine, 1991, p.176.
* 3 S. Bahuchet, «Les
Pygmées d'aujourd'hui...», p.9.
* 4 S.C. Abega,
Pygmées Baka..., p.58.
* 5 Moussa Moagound Alphonse,
entretien du 26 février 2005 à Mbol XII.
* 6 Mbita Léon,
entretien du 13 mars 2005 à Nguilili.
* 7 Ambata Philippe, entretien
du 13 avril 2005 à Moloundou.
* 8 L'évocation de ce
nom continue à provoquer des frissons au sein de la communauté
Baka.
* 9 Moampi Romain, Baka,
entretien du 19 novembre 2005 à Madoungué.
* 10 Mambé
Eugène, entretien du 13 mars 2005 à Mbangoye.
* 11 Massa Ernest, entretien
du 12 mars 2005 à Mbatéka.
* 12 Mgbeni
Bénoît, entretien du 5 février 2005 à Massiang.
* 13 Mambé
Eugène, entretien du 13 mars 2005 à Mbangoye.
* 14 Ibid.
* 15 Massa Ernest, entretien
du 12 mars 2005 à Mbatéka.
* 16 Infra, p.72.
* 17 H. Guillaume et al.,
Encyclopédie des Pygmées Aka...p181.
* 18 Mbita Léon,
entretien du 13 mars 2005 à Nguilili.
* 19 Jema Jean, entretien du
14 mars 2005 à Mbangoye.
* 20 H. Guillaume et al.,
Encyclopédie des Pygmées Aka...p184.
* 21 Dellemmmes, Le
père des Pygmées..., p.64.
* 22 Djiasso Timothée,
entretien du 10 avril 2005 à Mbatéka.
* 23 Moussa Mouagound
Alphonse, entretien du 27 janvier 2005 à Mbol XII.
* 24 Dellemmes, Le
père des Pygmées..., p.79.
* 25 Djiasso Timothée,
entretien du 10 avril 2005 à Mbatéka.
* 26 Un vieux Baka, Alamba,
cloué par la maladie sur son lit pour magnifier ses exploits me disait
«je fus un homme, j'ai eu à tuer le gorille et non
l'éléphant».
* 27 Ngbeni Benoît,
entretien du 24 novembre 2004 à Massiang.
* 28 H. Guillaume et al.,
Encyclopédie des Pygmées Aka...,p182.
* 29 M. Mveng Ayi,
«Echanges commerciaux au Cameroun méridional«,
Contribution de la recherche..., p.
* 30 Ibid.
* 31 Il s'agirait d'une
appellation déformée du terme sénégalais qui
désigne un peuple de l'Afrique de l'Ouest à qui les populations
du Nord-Cameroun étaient assimilées.
* 32 Mekoulagna Basile,
entretien du 26 février 2005 à Mbol XII.
* 33 I.A. Edjondj Mempouth,
«Etude ethno-historique des Mpo'oh... », p.57.
* 34 S.E. Metindé,
«Les Mpyémo de l'Est ...», p.100.
* 35 Zila Emile, entretien du
4 novembre 2004 à Massiang.
* 36 Mossadikou Eugène
Raphaël, entretien du 20 mars 2005 à Moloundou.
* 37 Epack Daniel, entretien
du 4 novembre 2004 à Massiang.
* 38 Les Mpoumpo'oh continuent
à narguer les Mpyémo avec cet adage qui rétorquent que
cres derniers mangent la bouche dans la fosse sceptique.
* 39 Lessie Patrice,
entretien du 14 mars 2005 à Nguilili.
* 40 Tong Joseph nous a
confié que son Grand père avait l'habitude de se dédoubler
en Lion sur les terrains de combat à partir de l'initiation reçue
auprès des Pygmées.
* 1 Ces oppositions
s'inscrivent dans le cadre des rivalités dans le bassin du Congo.
* 2 La clause de l'hinterland
stipulait qu'une puissance devait occuper le territoire à partir de la
côte jusqu'à rencontrer un obstacle naturel (montagnes, cours
d'eau) ou une puissance tierce.
* 3 G. Bwele et al.,
Encyclopédie de la République unie du Cameroun, tome 2,
Yaoundé, 1981, p.51.
* 4 F. Etoga Eily, Sur les
chemins du développement, Yaoundé, CEPER, 1971, p.
* 5 Rudin Harry, Germans
in the Cameroons 1884-1914, London, University Press, 1938, p.12.
* 6 Ibid.
* 7 S.C. Abéga,
Pygmées Baka le droit..., p.16.
* 8 Plusieurs enfants portent
le nom de Hockmann, ce colon allemand qui a profondément marqué
leur esprit.
* 9 S. Ango Mengue,
«L'Est-Cameroun...», p.110.
* 10 Epakwa Sébastien,
entretien du 12 novembre 2004 à Massiang.
* 11 Marabail (le commandant),
Etudes sur les territoires du Cameroun occupé par les troupes
françaises, Paris, Larousse, 1919, p.57.
* 12 Mokoulagna Basile,
entretien du 26 février 2005 à Mbol XII.
* 13 Mossus David, entretien
du 12 novembre 2005 à Massiang.
* 14 S. Bahuchet, «Les
Pygmées aujourd'hui ...», p.32.
* 15 Ambatta Philippe,
entretien du 10 avril 2005 à Moloundou.
* 16 H. Guillaume et al.,
Encyclopédie des Pygmées Aka...p196.
* 17 Ibid.
* 18 S. Ango Mengue,
«L'Est-Cameroun...», p.110.
* 19 Rudin Henry, Germans
in the Cameroons, London, Yale University Press, 1938, p.250.
* 20 Ibid.
* 21 H. Guillaume et al.,
Encyclopédie des Pygmées Aka...p197.
* 22 Assé Martin,
entretien du 5 janvier 2005 à Yokadouma.
* 23 Ambatta Philippe,
entretien du 10 mars 2005 à Moloundou.
* 24 Wandjoré
René, entretien du 12 avril 2005 à Mbangoye I.
* 25 Mambé
Eugène, entretien du 11 avril 2005 à Nguilili.
* 26 Brisson, «Les
Pygmées sont-ils voués à l'extinction ? »,
Développement, 1979, p.18.
* 27 Informations recueillies
à Massiang le 5 novembre 2004 auprès des Baka et des Mpouopo'oh
fils de Djembé.
* 28 Gilbert Mongonado Baou,
entretien du 14 avril 2005 à Mbangoye.
* 29 Moampi Romain, entretien
du 13 avril 2005 à Mbangoye I.
* 30 S. Bahuchet, «Les
Pygmées aujourd'hui ...», p.14.
* 31 Le Pygmée est
à la fois craint et méprisé par le Bantou.
* 32 Djasso, entretien du 10
mars à Mbangoye.
* 33 Enseignements du
catéchisme de l'Eglise Catholique.
* 34 Basile Mekoulagna,
entretien du 27 janvier 2005 à Mbol XII.
* 35 Trilles, L'âme
du Pygmée..., p.1.
* 36 Mosssus David dans
l'entretien qu'il nous a accordé à Massiang le 5 février
2004 nous a dit que les Baka refusaient la religion car Jengui pourvoyaient
à leur besoin.
* 37 F. Kange Ewane,
Semence et moisson..., p. 61.
* 38 Samuel Ngbenge, entretien
du 5 novembre 2004 à Massiang.
* 39 Trilles, L'âme
du Pygmée..., p.1.
* 1 Tout en conservant la
mélodie, les paroles sont adaptées à la circonstance.
* 2 Les totems sont les
symboles qui rappellent la présence salvatrice des forces
surnaturelles.
* 3 Ces populations sont de
part et d'autre de la Ngoko.
* 4 Le problème de
l'existence d'une langue propre aux Pygmées se pose.
|