Enjeux de la Grande Distribution Helvétique : « Analyse socio-économique et stratégique de l'évolution des acteurs de la grande distribution alimentaire en Suisse »( Télécharger le fichier original )par Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de Genève, faculté des Sciences Economiques et Sociales - Baccalauréat Universitaire en Gestion d?Entreprise 2007 |
Stratégies d'assortimentConcernant l'assortiment des distributeurs en Suisse, on constate que les gammes des différents produits offerts sont presque toujours très larges. Concrètement, cela signifie que l'on trouve pour le même produit élémentaire divers labels à des prix de niveaux différents. Et il est intéressant de remarquer qu'il s'agit d'un phénomène qui a pris beaucoup d'ampleur ces dernières années et que pratiquement tous les distributeurs actuellement présents sur le marché helvétique s'y sont mis, mis à part bien entendu Aldi, qui a une stratégie de prix et produit unique. Notre enquête dans les différents supermarchés du pays63(*) a démontré que les deux leaders Migros et Coop ont le mieux réussi l'exercice de la diversification de leurs gammes. En effet, le choix possible pour chaque produit élémentaire est très large, à commencer avec les produits à bas prix (M-Budget, Coop Prix Garantie) en passant par les produits à calories réduites (Léger, Weight Watchers) pour aboutir dans les produits de luxe (Migros Sélection et Coop Fine Food) ; sans oublier le grand choix de produits Bio et éthiques, prioritairement dans l'assortiment de Migros et Coop. Les autres acteurs ne sont pas en reste, car ils offrent tous au minimum une gamme à bas prix. Les distributeurs offrant des produits de type unique ne sont finalement qu'au nombre de deux : Globus qui s'est spécialisé dans les produits de luxe et Aldi, plus tard Lidl, qui n'offrent pour l'instant, en Suisse, que des produits premier prix. Cette diversification dans l'offre a pour but, en théorie, de répondre aux différents besoins de la part de la clientèle. Il faut être présent sur le segment des bas prix du type M-Budget pour les personnes qui n'ont pas des grands revenus ainsi que sur le segment des produits de luxe pour attirer les hauts revenus. En pratique cependant, le comportement du consommateur est plus complexe que cela. En effet, comme les dernières enquêtes l'ont démontré64(*), le panier moyen de la ménagère suisse se compose aussi bien de produits à bas prix que de produits de luxe, le client moyen ne va donc pas se cantonner à un seul segment de prix. Celui-ci va, par exemple, acheter des produits de base à bas prix pour économiser de l'argent, des produits diététiques pour la santé, des produits issus du commerce équitable par un besoin de justice ainsi que des produits de luxe pour se faire plaisir. En cela, son comportement est loin d'être rationnel au sens d'un homo oeconomicus. Les grands distributeurs suisses ont bien compris ce comportement en adaptant leur assortiment en conséquence. Ils répondent exactement aux désirs des clients en leur offrant cette multiplicité de produits. Comme nous l'avons vu dans le chapitre sur l'arrivée d'Aldi et Lidl en Suisse, les deux discounters allemands pourraient rencontrer des difficultés à s'imposer sur le marché suisse, difficultés dues à un faible choix de produits et à l'inexistence actuelle de produits Bio et éthiques, jouissant d'une forte demande sur le marché Suisse. Les consommateurs seront par conséquent obligés de continuer à faire leurs courses chez Migros et Coop pour obtenir ces produits-là. Pour profiter de cet avantage stratégique, les distributeurs établis en Suisse ont lancé et renforcé leur gamme à bas prix, à l'image des produits M-Budget et Coop Prix Garantie. Ainsi ils offrent pratiquement le même nombre de produits premier prix que les hard discounters nouveaux venus, tout en offrant un choix autrement plus important dans les autres types de produits. Migros et Coop ont vite compris qu'il fallait offrir des produits premier prix pour concurrencer efficacement les hard discounters. Toutefois, dès qu'ils ont remarqué que Lidl et Aldi n'étaient finalement pas si menaçants que cela, ils ont tout aussi rapidement arrêté l'extension de leur gamme à bas prix65(*). D'ailleurs, si l'on a souvent l'impression que la guerre des prix est lancée en Suisse, elle ne l'est en fait que sur le segment des prix entrée de gamme. En effet, une récente étude pour l'émission Kassensturz sur la télévision suisse alémanique a démontré qu'il n'y avait pratiquement aucune différence de prix sur les produits « de marque » plus chers66(*). Remarquons toutefois que les discounters savent aussi s'adapter à la demande des clients à l'exemple d'Aldi en Allemagne qui offre désormais un assortiment relativement large de produits Bio. Il est très probable qu'Aldi lance une gamme de produits Bio en Suisse à moyen terme. À noter que cette stratégie qui consiste à couvrir le plus de besoins possible, y compris les besoins en produits à bas prix, n'a pas été inventée en Suisse, mais était déjà pratiquée depuis plus d'une décennie en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas (voir les comparaisons avec différents pays). * 63 Enquête sur le terrain menée par les auteurs les 10 et 11 juillet 2007 dans différents supermarchés de Suisse romande * 64 HUBER, M. (2004). « Internationalisierungsstrategien im Handel - Konsequenzen aus dem Markteintritt deutscher Discounter in der Schweiz. » Mémoire de Diplôme, Université de St-Gall. P.32 * 65 Entretien du 13 septembre 2007 avec Nadia Thiongane, économiste à la Fédération Romande des Consommateurs (FRC) * 66 KASSENSTURZ. (4 septembre 2007). « Migros-Deal: Das Ende der Tiefpreise. » Emission Kassensturz diffusée le 4 septembre 2007 sur SF1 |
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