Enjeux de la Grande Distribution Helvétique : « Analyse socio-économique et stratégique de l'évolution des acteurs de la grande distribution alimentaire en Suisse »( Télécharger le fichier original )par Nicolas Mueller & Dominique Tinguely Université de Genève, faculté des Sciences Economiques et Sociales - Baccalauréat Universitaire en Gestion d?Entreprise 2007 |
Mauvais moment ?Le moment qu'ont choisi Aldi et Lidl pour entrer sur le marché helvétique ne va pas nécessairement favoriser un succès rapide de ces deux nouveaux concurrents. Leur réussite en Allemagne, par exemple, a été grandement favorisée par un changement de mentalité auprès de la population qui rendait soudainement populaire la recherche des plus petits prix. C'est l'apparition du consommateur malin qui recherche la meilleure qualité possible mais au prix le plus bas. Or, il est évident qu'une situation conjoncturelle plutôt mauvaise comme l'a connue l'Allemagne dans les années 1990 incitera davantage les acheteurs à se muer en « consommateurs intelligents »47(*). La Suisse étant actuellement en phase de haute conjoncture48(*), cela ne va pas favoriser le changement de mentalité. Les gens auront tendance à dépenser plus facilement et garderont donc leurs vieilles habitudes d'achats. La haute conjoncture ne va en tout cas pas inciter les gens à rechercher à tout prix des petits prix. Notons toutefois qu'il y a toujours un certain pourcentage de la population en situation précaire qui est bien obligé de chercher les produits bas prix. Aldi et Lidl ne trouvent donc pas les conditions conjoncturelles idéales pour l'entrée sur le marché suisse. Cela ne va sans doute pas empêcher leur expansion sur le marché, mais pourrait du moins la retarder. ConclusionEn résumé, il y a un bon nombre de points qui favoriseront l'installation d'Aldi et Lidl en Suisse. Il faut remarquer que les deux entreprises sont de véritables machines de guerres49(*) avec beaucoup d'argent, une volonté de fer et des « reins solides », Aldi n'étant encore jamais sorti d'un marché. Le nombre de centres de distribution planifié montre la volonté des deux discounters d'entrer massivement sur le marché helvétique. Ils seront donc concurrentiels à moyen terme, de par le nombre de magasins. En plus, le consommateur est déjà habitué aux produits premier prix, grâce à l'assortiment de Migros et Coop et à la présence des discounters près des frontières suisses. Certains points d'interrogation demeurent cependant concernant le succès d'Aldi et Lidl. Il y aura de nombreux obstacles que les deux discounters devront franchir avant de vraiment pouvoir prétendre devenir une véritable force concurrentielle sur le marché de la grande distribution en Suisse. Énumérons ces points : d'abord, ils manquent de références par rapport aux concurrents suisses ; ensuite, ils ne disposent pas ou peu de produits Bio ou du commerce équitable. De plus, ils rencontrent des difficultés dans le choix des emplacements de leurs commerces. À cela s'ajoutent l'imprévisibilité du comportement des consommateurs, car le consommateur suisse se révèle être plutôt « difficile », et une réaction anticipée assez importante de la part de Migros et Coop. Dernier point : le moment relativement mal choisi pour entrer sur le marché vu la haute conjoncture régnante. Notre enquête sur les différences de prix entre les distributeurs du pays a par ailleurs démontré qu'Aldi était certes bon marché, mais que les différences qui existent dans le « panier de la ménagère » entre les divers magasins, n'étaient finalement pas très élevées. Globalement, les premiers prix entre Aldi, Denner et Migros se valent. (Consultez à ce propos nos relevés et analyses dans les annexes) Notons, qu'une étude faite en 2005 par l'Université de St-Gall mentionne un avantage de 7% sur les prix pour Aldi50(*). L'arrivée d'Aldi et Lidl est donc loin de créer une révolution des prix sur le marché suisse. Ceci étant dû de fait à la baisse progressive des prix chez les grands distributeurs établis, du fait de la création de gammes premier prix, et d'autre fait au protectionnisme agraire suisse par le truchement de taxes à l'importation élevées51(*). Concernant l'estimation des parts de marché pour Aldi et Lidl, différentes études tablent toutes sur une part de marché de 3%52(*), 4%53(*) au maximum 6%54(*), ce qui correspondrait assez bien au 5% de part de marché obtenue par Lidl et Aldi en Angleterre où ils ont dû faire face à une forte réaction de la part des entreprises établies sur la place. Au final, nous pouvons estimer que Lidl et Aldi réussiront bien à moyen terme à s'installer durablement sur le marché suisse, mais que leur tâche sera tout de même plus ardue que prévue et que leur part de marché ne suffira pas à en faire un véritable contrepoids à Migros et Coop. Mais ils pourront quand même les titiller légèrement dans le secteur des petits prix. * 47 GOY, M. (2 décembre 2001). « Profiteur der Rezession. » Welt am Sonntag du 2 décembre 2001 * 48 HOLDEREGGER, U. (2 octobre 2007). « Bundesökonomen sind für 2007 zuversichtlich. » NZZ du 2 octobre 2007. Consulté le 4 octobre 2007 sur le site http://www.nzz.ch/nachrichten/kultur/literatur_und_kunst/seco_prognose__1.563723.html * 49 Entretien du 15 août 2007 avec Jean-Bernard Rondeau, secrétaire général du groupe Maus Frères * 50 KLATT, S. (5 avril 2007). « Wo Aldi noch den David im Handel spielt. » Horizont du 5 avril 2007 * 51 HEER, G. (18 août 2004). « Deutsche bewegen Schweizer Markt. » HandelsZeitung du 18 août 2004 * 52 ibid. * 53 LE TEMPS. (25 juin 2005). « Les ventes suisses d'Aldi et de Lidl plafonneront à 1,2 milliard. » Le Temps du 25 juin 2005 * 54 HUBER, M. (2004). « Internationalisierungsstrategien im Handel - Konsequenzen aus dem Markteintritt deutscher Discounter in der Schweiz. » Mémoire de Diplôme, Université de St-Gall. P.39 |
|