La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique( Télécharger le fichier original )par Camille Favre Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007 |
2.1.2 La technique.En produisant Little Annie Fanny, pour Hugh Hefner et Playboy, les deux amis Kurtzman et Elder doivent ouvrir leur collaboration à une influence éditoriale extérieure. Le gain en prestige et en qualité va de pair avec certaines contraintes. Harvey Kurtzman ne peut plus choisir n'importe quelle cible et la parodier comme il le fait dans Mad. Il doit soumettre un projet d'histoire à Hefner, qui le contrôle et le révise avant même que Will Elder l'ait vu. Les deux hommes n'ont pas l'habitude d'une critique extérieure, et il leur faut un certain temps avant de s'en accommoder. Lorsque Kurtzman reçoit le script approuvé par Hefner, il en dessine la mise en page sous forme d'esquisses. Will Elder et Harvey Kurtzman discutent ensuite des détails de l'histoire. Ces réunions posent les fondations de l'histoire finale, et fournissent à Will Elder tout ce qui lui est nécessaire pour développer ces esquisses et y faire les ajouts appropriés. Chaque histoire est le produit d'un processus complexe et d'un travail acharné. L'inspiration, l'observation, le minutieux travail de documentation, la structure scénaristique, la composition graphique et l'équilibre de la page, le réalisme documentaire, le sens du gag, l'élégance, la finesse et une fascinante maîtrise du pinceau sont les ingrédients primordiaux de Little Annie Fanny. Le sujet doit être d'actualité et plaire au public (c'est-à-dire avoir une forte connotation sexuelle). Il doit être encore pertinent lors de la publication, et donc plusieurs mois après sa conception. L'épisode inachevé sur les Beatles est la parfaite illustration des dangers d'un sujet trop lié à l'actualité. La technique de Will Elder, consistant à multiplier les couches de couleurs, donne à Annie toute sa luminosité et ses couleurs éclatantes, uniques dans la bande dessinée. Peignant par touches avec lesquelles les couches peuvent se multiplier, il n'utilise que l'aquarelle et la détrempe, et la seule encre sur page est celle des textes, réalisés par divers lettreurs au fil des années. « Les couleurs étaient pour moi comme des pierres précieuses, explique Elder, et je travaille énormément à les iriser. J'utilisais du contrecollé comme support. Le côté blanc fait office de peinture blanche. Avec l'huile, on peut superposer les couches, on peut remettre des couleurs claires sur des couleurs sombres. A l'aquarelle, on ne touche pas au blanc et on commence par les parties sombres. Si on veut représenter un beau yacht blanc brillant comme le radeau de Nounours Grospognon, on laisse la feuille blanche et l'on ajoute, très subtilement, tous les reflets dans l'eau, des bleus ou bleu-vert très clairs. Mais on ne touche pas au blanc, sauf pour ajouter des formes et des ombres. On n'utilise pas de peinture blanche sur une aquarelle, sauf pour quelques effets de dernière minute. Ma gomme électrique est un outil très important, parce qu'elle m'évite d'énormes pertes de temps et me permet de faire ressortir mon travail. Les gens se demandent souvent comment je réalise ces peintures. Je ne sais pas si je dois parler d'illustration ou de bande dessinée. C'est probablement une forme hybride179(*) ». * 179 KURTZMAN Harvey, ELDER Will, Playboy's Little Annie Fanny, vol.3, Paris, Les Editions Hors Collection, 2002 (1ière édition 1978), p.115. |
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