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La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique

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par Camille Favre
Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007
  

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1.2 Des héroïnes sexy.

Or, les héroïnes dans ces magazines ont changé depuis la guerre. Elles ne sont plus représentées comme des êtres asexués : leurs seins sont nettement soulignés et les courbes de leurs hanches et de leurs cuisses sont devenues des formes résolument sensuelles.

Le cas de l'éditeur de comic books Eductionnal Comic se révèle particulièrement exemplaire de cette évolution. En 1947, William Gaines hérite d'Educational Comics, une petite maison d'édition fondée par son père, dont le but était donc de produire des illustrés éducatifs et des histoires susceptibles d'être lues par tous. A la mort de son fondateur, EC affiche un déficit de 100 000 dollars162(*). Afin de doper les ventes, le jeune Gaines décide d'engager Albert Feldstein (1925- ), un artiste particulièrement doué pour dessiner les jolies femmes. EC se met alors à publier des titres western, policiers et sentimentaux dont les pages sont ornées de belles créatures. Ces titres rencontrent alors un succès inattendu auprès des lecteurs.

Ces héroïnes malgré leurs présences dans des aventures qui ne sont pas obligatoirement rattachées au monde féminin et aux rôles traditionnels des femmes, s'inscrivent dans le « système » pin-up.

En effet, quel que soit le genre d'histoires dans lesquelles ces beautés apparaissent, elles « n'ont qu'un point commun, leurs vêtements révélateurs et qui se déchirent aisément163(*) ». Filles de la jungle ou tarzanes parties à la recherche de cimetières d'éléphants, botanistes ou zoologues perdues dans la forêt, elles sont accompagnées de singes ou de panthères apprivoisés. Habillées d'un maillot deux-pièces découpés dans une fourrure ou une peau de bête, elles portent un couteau de chasse à la ceinture et se parent de colliers d'os et de dents de fauves. On pense évidemment à la production de Frank Frazetta (1928- ) pour ces amazones sexy.

Qu'elles soient prisonnières de tyrans sanguinaires dans des planètes lointaines attendant d'être délivrées par des voyageurs de l'espace, victimes de savants fous et sadiques ou de monstres extraterrestres à tentacules, vengées par de fidèles robots métalliques, leurs tenues se réduisent à des jupes fendues, d'étroits soutiens-gorge ou de minces robes moulantes. C'est Barbarella, créée en 1962 par Jean Claude Forest pour V Magazine, qui inaugure ce nouveau genre.

Justicière dotés de pouvoirs occultes de vitesse et d'adresse, affrontant la nuit les forces maléfiques avec leurs poings gantés, leurs lassos magiques et leurs bracelets pour arrêter les balles, elles accomplissent leurs missions dans des maillots serrés, à l'effigie du drapeau américain ou d'un bleu-nuit uniforme, avec de grandes bottes à talons et des loups pour se cacher le visage. On pense évidemment à « The Woman in Red », une des premières justicières costumées, dont les aventures paraissent dans Thrilling Comics (Better) en 1940, et à « Wonder Woman » (créée en 1941 par Charles Moulton pour All-America/DC) ou « Mary Marvel » (créée en 1942 par Marc Swayze pour Fawcett).

Parmi cette cohorte d'héroïnes, la seule à avoir connu une popularité durable est « Katy Keene », créée par Bill Woggon pour MLJ en 1945. Ce personnage, qui ressemble physiquement à la pin-up Betty Page, mène dans ses aventures une carrière de vedette de cinéma dont est gommé tout aspect scabreux et connaît, pendant une quinzaine d'années auprès d'un vaste public comprenant des adultes des deux sexes en plus des enfants et adolescents, une popularité entretenue par une interactivité permanente. Ses lecteurs sont en effet invités à lui envoyer des dessins d'habits, de maisons, d'automobiles, dont les plus réussis sont finalement publiés dans les pages des fascicules où elle apparaît sous forme de paper dolls*164(*).

Après une vague « creuse » autour des années soixante-dix, en raison de la multiplication de comic books « underground », on remarque un renouveau, dans les années quatre-vingt, dans la bande dessinée, de ces figures féminines sexy. A partir des années 1993, on assiste à la multiplication de titres mettant en scène des héroïnes souvent dangereuses aux formes très généreuses. Cette tendance, alors surnommé « bad girl art » (par allusion au mouvement analogue de « good art girl », filles gentilles et jolies, qui a lieu pendant et après la Seconde Guerre Mondiale), a des sources thématiques et graphiques précises : au débuts des années quatre-vingt, le personnage de la guerrière ninja « Elektra » créée par Frank Miller lorsqu'il assure les scénarios et les dessins de Daredevil (1979 pour DC) a lancé sans grands échos immédiats un type d'héroïne redoutable, riche en ambiguïtés morales, sans rapport avec les justicières fades conçues comme des succédanés féminins des super héros antérieurs : Ms. Marvel, She-Hulk (créée en 1980 par John Buscena pour Marvels Comics) ou Spider-Woman (créée en 1977 pour Marvels Comics). La pérennité du personnage d'Elektra tout au long de la décennie s'accompagne de nouvelles images de femmes « dangereuses » comme « Lady Shiva » apparue en 1987 dans The Question (DC) ou plus encore la tueuse orientale muette Miho dans Sin City (Dark Horse) de Frank Miller à partir de 1993.

Par sa dimension graphique, le « bad girl art » dérive directement des exagérations anatomiques féminines pratiquées sans vergogne depuis la fin des années soixante, et d'une perfection très sensuelle du dessin. Le corps de ces héroïnes s'est modernisé car les canons esthétiques et la façon de dessiner ont changé. Le code graphique des pin-up est réactualisé notamment par Rob Liefeld et Jim Lee (X men et X force pour Marvel Comics, 1991), et assimilé par les suiveurs comme Jim Balent, qui dessine Catwoman (DC) de 1994 à 1999 ou Mike Deodato qui reprend Wonder Woman (DC) en 1994-1995.

Parmi les éditeurs indépendants apparaissent en quelques années plusieurs personnages aux mérites très divers : du côté des concepts les plus racoleurs, la tueuse de la série « Razor » (London Night Studios, 1992), l'aventurière blonde à forte poitrine « Barb Wire » (Dark Horse, 1994), la démoniaque « Lady Death » (Chaos ! Comics, 1994) ; du côté des créations plus personnelles, la samouraï « Si » (Cru Sade, 1994) de William Tuchin ou les super héroïnes de Michael Turner « Witchblade » (Image, 1995) et « Fathom » (Image, 1998), sans oublier « Vampirella » chez Harris à partir du débuts des années 90.

La liste des protagonistes féminines de la seconde moitié des années 90 est très longue d'autant plus que la veine est entretenue par la popularité considérable de séries télévisées mettant en scène des femmes d'action très sexy comme Xena : Warrior Princess (1995-2001) ou Buffy The Vampire Slayer (1997-2003) et de jeux vidéo comme Tom Raider, qui fait la célébrité mondiale de l'aventurière « Lara Croft ». Cette dernière est une nouvelle pin-up virtuelle, en 3 dimensions et moderne.

* 162 Idem, p.66.

* 163 DUVEAU Marc, Comics USA, Paris, Albin Michel, 1975, p.27.

* 164 GABILLIET Jean-Paul, «op. cit.», pp.56-57.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld