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La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique

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par Camille Favre
Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007
  

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3.2 La playmate, soutien moral.

Cette dernière série n'est guère étonnante en raison du soutien moral des troupes attribué aux pin-up durant la Seconde Guerre Mondiale. Rôle sur lequel Hugh Hefner est particulièrement lucide : « pendant la guerre, les pin-up ont grandement servi à dynamiser le moral des troupes en rappelant gentiment à tous ces gars si loin de leurs foyers ce pourquoi ou pour qui ils étaient en train de se battre. Les plus belles filles, on les trouvait dans l'hebdomadaire Yank : the army weekly. C'est à l'un des rédacteurs de ce magazine qu'on doit le terme pin-up. Ce qui peut paraître étrange, au regard d'une certaine controverse politique à propos de la vente de Playboy - et des autres magazines sexy - dans les bases de l'armée américaine, c'est que Yank était une publication gouvernementale, malgré son côté polisson. Tout comme Stars and Stripes, le magazine de l'information des armées, Yank était lu par des millions de recrues dans le monde entier et je n'en ai d'ailleurs moi-même jamais raté un seul numéro153(*) ».

D'où l'incompréhension de Hugh Hefner. Comment après avoir encouragé, publié et même consommé ces images, l'état américain et ces citoyens peuvent qualifier Playboy de revue immorale et les photographies de playmates d'obscènes vu que celles-ci s'inscrivent dans la tradition des pin-up : « ce que l'on considérait comme vital pour les gars qui servaient leur patrie était du même coup réduit à l'état d'obscénités par ladite mère patrie154(*) ». Hugh est conscient de l'hypocrisie qui règne autour de la sexualité dans les années cinquante et soixante au Etats-Unis : « Bien que les américains aient toujours été bien plus coincés que leur cousins du Vieux Continent, cela ne les a jamais empêché de se délecter à la vue de jolies filles [...] mais comme toujours, l'idée de célébrer la sexualité, même sous une forme artistique comme c'était le cas avec les pin-up, a causé un certain malaise chez un bon nombre de gens155(*) ».

Mais l'histoire de Playboy rassurera Hugh. Car tout comme les pin-up qui l'ont soutenu durant la Seconde Guerre Mondiale, les playmates soutiendront les GI's au Vietnam et de ce fait, deviendront acceptables, ayant prouvé leur « rôle social ». Point sur lequel le Washington Post est très lucide dans un article de l'année 1967 : « si la Seconde Guerre Mondiale était celle de la Bannière étoilée et de Betty Grable, la guerre du Vietnam est celle de Playboy. La Playmate est l'amie, la maîtresse ou la femme de chacun156(*) ». Susan Bernard se souvient des nombreuses lettres qu'elle reçoit des GI's après avoir posé comme playmate du mois de décembre 1966 : « en tant que miss décembre 1966, je finis sur le mur de nombreuses chambrées de casernes américaines, où l'innocence de plus d'un soldat s'acheva dans une giclée de sang. [...] J'ai conservées une liasse de lettres manuscrites, reçues du Vietnam, remplies d'espoirs intimes, de rêves et d'aspirations de ces GI's157(*) ».

Playboy enverra même une des playmates sur le front afin de respecter une offre promotionnelle. En effet dans les années soixante, Playboy propose pour tout nouveau abonnement à vie que la playmate du mois viennent en personne livrer le premier numéro à l'abonné. Un régiment s'étant cotisé pour s'offrir cet abonnement qui s'élève alors à 150 dollars, celui-ci verra débarquer sur le front la playmate avec un numéro de Playboy. D'autres camps militaires ouvriront leur propre Club Playboy certes sans les bunnies ni le luxe mais l'esprit est là et cela suffit à remonter le moral des troupes.

Et à chaque nouvelle guerre, il semble que ce concept : « des jolies filles pour le moral des troupes » soit réactivé. Juste avant l'opération « Tempête du désert » de la Guerre du Golfe, Kimberley Conrad, femme de Hugh et playmate de l'année, lance « l'Opération Playmate », opération qui connaît un certain succès puisque le général Norman Schwarzkopf envoie une lettre de félicitations et de remerciements aux playmates qui se sont déplacées.

Par son iconographie (mises en scène, attitudes, perfection corporelle) et par son utilisation (patriotisme érotique en tant de guerre), la playmate s'inscrit évidemment dans la lignée des pin-up. Mais elle renouvelle le genre, en dépoussiérant l'érotisme de « la fille d'à côté » à l'adaptant aux nouvelles attentes du public masculin. Playboy ouvre alors un nouveau épisode de l'histoire de l'érotisme et constitue un chapitre riche et significatif de l'histoire culturelle des Etats-Unis. D'autres revues masculines de charme vont alors s'engouffrer dans le sillage de Playboy : Penthouse pour le Royaume Uni, Lui pour la France, proposant eux aussi ce qui a fait le succès et la popularité de Playboy, la femme de papier glacé : la playmate.

* 153 GRETCHEN Edgren, Le livre des playmates, «op. cit.», p.7.

* 154 Idem, p.9.

* 155 Idem, p.7.

* 156 GRETCHEN Edgren, Playboy 50 ans, «op. cit.», p.131.

* 157 BERNARD Susan, «op. cit.», p.32.

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