SECTION 2 : L'ÉPREUVE DE
PRECARITÉ : VECTEUR DE CRISE DU SALARIAT
L'activité, l'emploi et le
revenu font partie de l'économie et du marché, mais ils ne
revêtent pas cette seule signification économique par rapport
à l'activité de l'être humain, à son appartenance.
La crise de travail, comme transformation de l'activité professionnelle,
n'est pas une grandeur économique unique et isolée, mais elle est
fondamentalement rattachée à l'intégration et à la
désintégration de l'être humain.
En effet, les différentes situations par rapport
à l'emploi sont aujourd'hui hiérarchisées non seulement en
fonction des niveaux des responsabilités et de pouvoir sur le lieu de
travail, mais aussi, de plus en plus, en fonction du degré de
stabilité de l'emploi et de l'ampleur des avantages économiques
et sociaux que procure l'activité professionnelle.
2.1-Crise de la relation de travail
Au fil de la mondialisation, les
mécanismes de fonctionnement de l'économie, avec leur propre
logique, se soustraient de plus en plus à la régulation
contextuelle décentralisée des Etats, et déterminent ainsi
la quantité de travail dont ils ont besoin pour s'auto-conserver. Cette
quantité est en décroissance, bien que les marchandises et les
biens se multiplient constamment. La quantité de travail
économiquement demandée décroît par ailleurs
même pendant les phases d'essor économique. C'est ainsi que le
marché de travail est non seulement déconnecté des
marchés des biens, mais également détaché des
variations cycliques de la conjoncture économique.
Ce constat, ses raisons et ses effets essentiels font
généralement l'objet d'un consensus. Les conditions du
marché mondial et celles de la concurrence accroissent la
nécessité d'une innovation de la production toujours plus rapide,
d'une réduction des coûts et d'une augmentation de
l'efficacité ce qui génère un ébranlement de la
sécurité des relations de travail.
a. Transformation des relations contractuelle et
partage des risques
La mutation des relations
contractuelles qui permet d'utiliser la force de travail sous des formes
diversifiées modifie la portée du partage des risques qui est au
coeur du contrat d'emploi dans ses différentes dimensions.
· Incertitude de l'emploi et flexibilité
du contrat de travail
Face aux aléas des
marchés, à la transformation rapide des emplois et des modes
d'organisation productive, le contrat de travail a été
réduit à des tâches précises et non durables
accentuant sa dimension marchande. Ce processus permet un transfert du risque
de l'emploi sur d'autres entreprises voire sur le travailleur
lui-même.
L'incertitude de l'emploi a conduit à une
redéfinition des conditions dans lesquelles la stabilité de la
relation d'emploi pouvait être assurée. D'une part, l'employeur a
la possibilité d'adapter le salarié à l'évolution
de son emploi, ce qui ouvre la voie au licenciement qui reste un recours
ultime. Le salarié est ainsi amené à partager
l'incertitude de l'emploi pour assurer la pérennité de son emploi
ou, du moins, sa sauvegarde.
Cet élargissement de la relation d'emploi
représente un facteur essentiel dans la redéfinition de la
stabilité de la relation d'emploi, qui prend en compte les
nécessités d'évolution et de mobilité des personnes
ce qui peut répondre à l'intérêt commun des deux
parties.
Il y a eu apparition de nouvelles formes d'emploi (travail
à durée déterminée, à temps partiel,
intermittent, temporaire, etc....). Parmi les formes d'emploi juridiquement
reconnues, on trouve le Contrat à Durée Déterminée
(CDD), l'intérim, les contractuels auxiliaires et vacataires du secteur
public, le travail à temps partiel, le travail intermittent,
l'apprentissage, les stages de formation et les contrats aidés.
Comment peut-on expliquer une telle tendance du marché
de l'emploi ?
Ces contrats, à l'origine, ne peuvent porter sur un
emploi lié à l'activité normale et permanente de
l'entreprise. Il ne s'agit donc pas de contrat d'emploi intégrant
l'incertitude sur la pérennité du contrat, mais de contrat
portant sur un travail limité. Il y a évidemment là un
facteur majeur de crise de la société salariale. L'usage de ces
contrats atypiques (par rapport au contrat typique à
durée indéterminée) a bien dépassé ces
frontières, où ils ont acquis une incontestable polyvalence et
c'est ce qui justifie l'hypothèse de la multiplication de ces normes
d'emploi.
Le CDD est devenu une norme d'embauche, mais aussi un outil
majeur d'insertion professionnelle et de réinsertion des chômeurs.
Mais quelles que soient les utilisations faites du CDD et de l'Intérim,
ils limitent la prise en charge du risque de l'emploi. Pour le reste, ce risque
est à la charge des systèmes de solidarité, mais surtout
du salarié.
Cette déstabilisation de la relation d'emploi pose donc
à nouveau la question de savoir comment assurer la
sécurité des relations d'emploi et la continuité des
droits liés à l'emploi, c'est-à-dire comment organiser la
prise en charge du risque de l'emploi, là où la limitation du
contrat à des tâches déterminées ou à une
durée limitée introduit une discontinuité.
· Incertitude de l'emploi et développement
du travail indépendant
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