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Dualité du marché du travail, état social et sécurité économique en Tunisie


par Mokhtar ABIDI
Université Paris 13 - Master 2 Economie et Finance Internationales 2006
  

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CHAPITRE III

CALCUL DU TAUX DE SÉCURITÉ ÉCONOMIQUE EN TUNISIE ET ESSAI D'INTERPRÉTATION

L'évaluation de la sécurité économique des citoyens en Tunisie nous permet de déceler d'importantes conséquences en matière de garantie de revenus pour les ressortissants de ce pays. On sera ainsi en mesure d'isoler la sécurité démarchandisée (associée à des droits indépendants du marché de travail), qui se répercute sur les résultats parallèles en matière de pauvreté, de la sécurité marchandisée (découlant des revenus associés à la participation à l'activité professionnelle).

En effet, dans un pays donné, plus les revenus sont indépendants du marché (parce que les politiques sociales y visent davantage à l'intégration des personnes du fait des droits issus de leur citoyenneté, surtout les populations dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté), plus les personnes se sentent économiquement sécurisées. En revanche, là où la sécurité dépend plus du marché du travail et où les prestations sociales se limitent plus à un filet de sécurité, les pénalisations correspondant à l'insécurité économique seront plus importantes.

Concrètement, afin de procéder à une évaluation de la sécurité globale que la Tunisie procure à ses ressortissants, on se base sur la notion du Taux de Sécurité Economique (TSE), développée par Menahem et Cherilova (2005) et qui agglomère la sécurité démarchandisée et celle marchandisée.

Le TSE fait la somme des revenus que les individus touchent tout au long de leur cycle de vie et les divise par un dénominateur représentant le niveau de vie moyen des actifs ayant un emploi en Tunisie (leur revenu disponible net d'impôts et de cotisations après transferts sociaux, comprenant donc les prestations famille, logement, maladie).

Ainsi, le TSE permet en prendre en compte à la fois l'influence des revenus de remplacement sur la sécurité des personnes sans emploi et l'impact des divers revenus socialisés sur le revenu de pauvreté.

Ayant pour objectif le calcul du Taux de Sécurité Economique (TSE) pour le cas tunisien, instrument d'évaluation d'une des missions importantes de l'Etat social, le maintient et le développement de la sécurité économique des citoyens, ce troisième chapitre s'articule comme suit :

Une première section intitulée « Environnement Socioéconomique en Tunisie : état des lieux » se propose d'exposer l'évolution historique de certains indicateurs économiques et sociaux au cours des dernières décennies et de conclure quant aux résultats enregistrés en Tunisie en termes de performance économique mais aussi en termes d'amélioration de la qualité de vie des ressortissants tunisiens.

Une deuxième section procédera en un calcul du Taux de Sécurité Economique (TSE) comme outil méthodologique permettant d'avancer vers une compréhension plus raisonnée des liens entre sécurité économique et développement des missions de l'État social, concrétisée, enfin, dans l'exposé des enseignements à tirer d'une première évaluation du taux de sécurité économique des travailleurs du secteur privé en Tunisie.

Vu les évolutions des indicateurs socio-économiques de la population tunisienne, nous avons jugé utile et adéquat d'exposer, au préalable, un éventail des évolutions de certains indicateurs économiques et sociaux de base afin d'essayer de déceler, d'une part, l'évolution de la sécurité/insécurité économique des personnes et des groupes sociaux en Tunisie au cours des dernières années ainsi que, d'autres part, les instruments et les politiques socioéconomiques mise en oeuvre pour combattre l'extrême pauvreté et l'exclusion en Tunisie.

SECTION 1 : ENVIRONNEMENT SOCIOÉCONOMIQUE EN TUNISIE : ÉTAT DES LIEUX

La situation économique et sociale de la population tunisienne s'est nettement améliorée au cours de ces dernières années. En effet, l'observation de l'évolution historique de certains indicateurs économiques et sociaux, nous permet de conclure que la Tunisie n'a cessé d'enregistrer de bons résultats en termes de performance économique mais aussi en termes d'amélioration de la qualité de la vie des citoyens.

La Tunisie a enregistré, dans l'espace des quarante dernières années, une croissance annuelle moyenne du PIB de 5% entre 1961 et 2001. En plus, le revenu par unité de capital a fait plus que tripler dans un espace de quinze ans en passant de 953 Dinars en 1986 à près de 3000 Dinars en 200116(*).

Le défi qui reste à relever par l'économie tunisienne est le taux de chômage relativement élevé. En effet, il a culminé aux alentours des 15% au cours des vingt dernières années. Ceci étant, le rythme de création d'emplois s'est accéléré en passant d'une moyenne annuelle de 48000 nouveaux emplois crées sur la période 1966-1984 à 53000 durant la période 1984-1994, pour atteindre 61000 nouveaux emplois sur la période 1994-1997 et enfin culminer aux alentours de 66000 au cours de la période 1997-1999. En même temps, il y a eu une amélioration dans la qualité des emplois offerts. Ainsi, entre 1975 et 1984 seulement 8% des nouveaux emplois offerts ont été adressés à des personnes de niveau d'instruction supérieur. Durant la période 1984-1994, ce taux avait atteint 17% pour continuer son augmentation et aller rejoindre les 18% durant la période 1994-1997.

Concernant les performances sociales, il y a eu une substantielle amélioration dans les domaines d'enseignement, de santé, et des programmes sociaux de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Le domaine éducatif représente l'un des plus importants exploits de l'Etat tunisien depuis l'indépendance, domaine qui a, non seulement conforté les efforts de réduction de la pauvreté, mais aussi permis une amélioration de la qualité de la main d'oeuvre. En effet, l'enseignement primaire couvre maintenant la quasi-totalité des enfants en âge de scolarisation, en plus il ne reste qu'une différence infinitésimale entre les taux de scolarisation des filles et des garçons. Cependant, des disparités entre les taux de scolarisation persistent entre les milieux rural et urbain malgré la chute importante de ce différentiel entre 1975 et 1994 où il a passé de 35,7% à 14,3%.

En effet, le pourcentage des personnes qui ont eu un niveau d'enseignement primaire a passé de 14% en 1960 à 42% en 1997. Celui des personnes qui ont eu un niveau secondaire d'enseignement, a été multiplié par 5 sur la même période en passant de 6% à 31%. Une hausse concomitante du taux de personnes ayant atteint un niveau d'étude supérieur a été constatée qui avait quadruplé dans un espace de moins de deux décennies en passant de 6% en 1984 à 12% en 1994 pour atteindre 24% en 2001 (Tableau 5).

L'état de santé de la population tunisienne continue son amélioration avec le développement des services de santé préventive et curative ainsi que la décroissance du taux de natalité. Les indicateurs d'espérance de vie à la naissance, de mortalité infantile, et la malnutrition ont aussi continué leurs améliorations. En effet, tout au long des trois dernières décennies, la Tunisie a développé un système de services de soin qui couvre la quasi-totalité de la population et qui reste relativement avancé par rapport à plusieurs pays au même stade de développement. Le secteur public reste le premier fournisseur de services sanitaires, offrant près de 90% du nombre de lits hospitaliers et plus que 55% du personnel médical. En 1998, le secteur sanitaire public a représenté 35% du total des dépenses de santé, les fonds d'assurance de santé obligatoires 17%, et le financement direct des ménages a représenté de son côté 47%.

L'amélioration du niveau d'encadrement sanitaire a permis de réduire le taux de mortalité infantile qui a nettement baissé en passant de 138%o en 1966 à 51%o en 1984 pour atteindre les 26%o en 2000. Le taux de croissance démographique, de son côté, a considérablement baissé entre 1966 et 2000 en passant de 3% en 1966 à 1,09% en 2000 résultant de la politique active de planification familiale.

Ces résultats enregistrés sont largement imputables aux énormes dépenses publiques dans les programmes sociaux dans les domaines d'éducation, de santé, les transferts directs ainsi que les opérations de subvention des denrées alimentaires de base aux ménages à bas revenu, formant ainsi une sorte de filet de sécurité au profit des classes sociales défavorisées.

1.1- Evolution de la pauvreté en Tunisie

L'observation de l'évolution de la pauvreté en Tunisie au cours des trois dernières décennies montre que les politiques économiques et sociales menées depuis l'indépendance (1956) ont été très déterminantes dans la réduction de la pauvreté. En effet, le taux de personnes pauvres est passé de 22% en 1975 à 4% en 2000, en d'autres termes, de près de 1,2 millions de personnes pauvres à 0,4 millions sur cette période (Tableau 6). Pourtant, les statistiques montrent qu'entre 1990 et 1995 le nombre de pauvres avait augmenté de 15000 à cause de la période prolongée de sécheresse entre 1993 et 1995 qui a négativement porté atteinte au secteur agricole. Ainsi, l'observation de l'évolution du coefficient de Gini entre 1990 et 1995 confirme cette explication (il est passé de 0,401 en 1990 à 0,417 en 1995) (Tableau 8). Ghali et Mohnen (2004) ont montré dans leur analyse du profil type d'un pauvre en 2000 que :

· Il est au chômage ou issu d'une famille dont le chef est sans travail ou un travailleur non qualifié.

· Il est issu d'un ménage de plus de huit personnes.

· L'âge moyen du chef de famille est de plus de 49 ans.

Comment les institutions publiques peuvent-elles agir afin de combattre la pauvreté?

1.2- L'action de l'Etat: privilégier l'autonomie individuelle ou renforcer les attentes envers l'Etat?

Afin de combattre les deux maux, pauvreté et chômage, les autorités publiques ont adopté trois types d'instruments. Le premier est lié à la promotion du travail indépendant et des micro-entreprises, le second type d'instruments est lié à la mise en place de programmes de lutte contre la pauvreté et le troisième est lié à l'utilisation des instruments de politique publique comme la promotion de l'emploi dans le secteur public, les subventions des produits de consommation de première nécessité, et les efforts d'éducation et de santé.

Premier instrument: une politique active de l'emploi: aide au développement du travail indépendant

Pour l'essentiel, l'action des autorités publiques s'effectue via la constitution de fonds dont on peut citer:

- Le « Fonds National de Promotion de l'Artisanat et des petits métiers » (FONAPRAM) : Crée en 1981, ce fonds s'adresse en premier lieu aux artisans. Il a permis, jusqu'à l'an 2000, de financer, selon des statistiques gouvernementales, près de 22000 projets permettant ainsi la création de 89000 emplois.

- La « Banque Tunisienne de Solidarité » (BTS) : créée en 1997, cette banque a pour mission la finance de petits projets pour des particuliers ne disposant pas de garantie. Jusqu'à la fin de 2001, 49000 prêts ont été contractés permettant la création de 69000 emplois.

- Le « Fonds National de l'Emploi » (FNE 21-21) : crée en 2000, ce fonds a pour mission le développement des qualifications des chercheurs d'emploi.

- Le micro-crédit institué en 1999.

Deuxième instrument: l'organisation de la coopération des organismes et des programmes étatiques en vue d'un soutien des classes défavorisées

- Le «Fonds de Solidarité Nationale 26-26» (FSN): destiné au début de sa création au développement des infrastructures dans les régions défavorisées en leur fournissant les équipements publics de base : habitats décents, des dispensaires de santé de base, des routes, des ponts, de l'électricité, et de l'eau potable. A ces programmes sont consacrées près de 90% des ressources du fonds. Le reste a été consacré à l'aide des personnes nécessiteuses dans l'installation de projets leur permettant de générer des ressources financières, qui ont permis la création, entre 1994 et 2000, près de 58837 projets, distribués sur les foyers de pauvreté à travers les régions. Il finance de petits projets d'industrie artisanale et agricole. Entre 1997 et 2001, ce fonds en a financé 3473 projets pour un montant total d'investissement de près de cinq millions de dinars.

- Le « Programme National d'Aide aux Familles Nécessiteuses » (PNAFN). Ce programme a pour mission l'octroi d'aide en espèce tout les trois mois (122 dinars) aux individus sans soutien et/ou à revenu insuffisant. Une telle aide est accordée à près de 114000 d'entre eux.

- Le « Programme Régional de Développement » (PRD) : il est en action depuis 1989 dans les régions et il a pour cible les personnes pauvres dans les milieux ruraux et urbains.

- Le « Programme de Développement Rural Intégré » (PDRI) : entre 1988 et 2000 ce programme avait financé 1642 projets des petits métiers d'artisanat, permettant ainsi la création de 3850 emplois permanents.

- Le « Programme de Développement Urbain Intégré » (PDUI).

Troisième instrument: lutte contre la pauvreté et l'exclusion par les actions gouvernementales dans les domaines sanitaires, d'enseignement, et d'emploi des populations pauvres

Dans ce cadre, l'Etat permet aux groupes sociaux à bas revenus d'accéder gratuitement aux services de soin via deux canaux. Le premier est celui de l'« Assistance Médicale Gratuite type I » (AMG I) qui couvre près de 117000 familles répertoriées selon leurs besoins ; le second s'attache à l'«Assistance Médicale Gratuite type II » (AMG II) qui permet à ses affiliés d'accéder aux services de santé sur la base d'un « carnet de soin » leur permettant de payer les services médicaux à tarif réduit (ticket modérateur) qui est d'une moyenne de 20% du tarif médical normal. A présent, approximativement près de 700000 ménages bénéficient de services de soin subventionnés gratuits ou payants.

Dans le domaine d'enseignement, bien que l'Etat tunisien reste le majeur fournisseur, quasi gratuitement, du service d'enseignement à tous ses niveaux, l'enquête INS sur la population pour l'an 2000 montre que les ménages supportent des coûts non négligeables (livres, cahiers, manger à l'école, cours privés ...). L'enquête indique aussi que le coût financier des fournitures scolaires est négativement corrélé aux revenus des familles. Ainsi, ces coûts représentent 4,1% du total des dépenses de consommation pour les niveaux bas de la société et près de 2,6% les niveaux du haut de la fourchette.

Dans le domaine de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, l'emploi dans des chantiers de travaux publics (des chantiers de nettoyage de la voie publique, maintenance et installation des canalisation de distribution des eaux dans les milieux urbains, tandis que dans le milieu rural, les "chantiers" consistent surtout en des travaux de protection des sols et des surfaces forestières) reste une importante source d'emploi pour les pauvres en Tunisie. Cherchant à réduire les phénomènes de sous-emploi et de chômage, ces programmes donnent lieu, généralement, à des emplois temporaires et saisonniers et forment ainsi des voies de transfert de ressources en faveur des pauvres.

Les programmes de travaux publics représentent une importante source d'emplois saisonniers, et ceci surtout pendant les mauvaises saisons agricoles qui affectent négativement les revenus agricoles.

Dans le cadre de la subvention de certaines denrées alimentaires de base, la Tunisie a introduit en 1970 la "Caisse Générale de Compensation" (CGC) où certains produits alimentaires de base (céréales, huile à manger, lait, et sucre) sont disponibles dans des quantités illimitées, à des prix inférieurs à ceux du marché, pour toute personne qui veut les acquérir. Cette façon de procéder s'est avérée coûteuse et malgré son ciblage des populations pauvres, elle leur profite peu.

En effet, le programme de subvention de la consommation est basé sur le principe de redistribution au profit des pauvres pour motif de préserver leur pouvoir d'achat ainsi que leur état nutritionnel. Dans certaines mesures, ce programme avait relativement réussi dans l'accomplissement de sa mission. Il a permis, en termes relatifs, l'amélioration du pouvoir d'achat surtout des pauvres par rapport à celui des riches. Mais en termes absolus, le programme a beaucoup plus profité aux riches par rapport aux pauvres (plus deux fois en 1985 et 1,2 fois en 1990). En 1990, les subventions ont contribué de presque 9% au total des dépenses du plus bas quintile des ménages. Les subventions ont aussi substantiellement contribué à l'amélioration de la ration calorique parmi les gens à bas revenus car, en moyenne, les aliments subventionnés fournissent plus de 70% du total de la ration calorique et renferment près de 80% du total de la consommation de protéines des pauvres en 1990.

Mais les coûts élevés et en hausse du programme, se sont combinés avec sa relative inefficience suite à sa substantielle fuite vers les non pauvres, faisant de la révision du système universel une urgente priorité. En effet, en 1990-1991, le gouvernement avait lancé un programme de moyen terme (soutenu par la Banque Mondiale et le prêt d'ajustement structurel de 1988) pour augmenter le prix en détail, réduire les coûts de production des marchandises subventionnées et introduire un mécanisme de self-targeting17(*) (Ghali et Mohnen, 2004) pour le consommateur des produits subventionnés afin de minimiser la privation des pauvres suite à la hausse des prix. La particularité innovante du nouveau système réside dans sa confiance au mécanisme de self-targeting le rôle du perfectionnement du ciblage des subventions en utilisant la différenciation des produits en termes de qualité comme moyen de ciblage des populations concernées. Ainsi, les biens « inférieurs » qui auront plus tendance à être achetés par des consommateurs à bas revenu seront subventionnés, mais ceux de « qualité supérieure », qui auront plus tendance à être demandés par des non pauvres, ne seront pas subventionnés et leurs prix sont plutôt régis par la loi du marché. Ainsi, l'introduction du mécanisme du self-targeting a permis de réduire les dépenses du programme de subvention de près de 3% du PIB et de plus que 7% des dépenses gouvernementales en 1990 à, respectivement, près de 2% et 6% en 1993.

Dans le domaine de logement, et selon l'enquête faite par l'Institut National de la Statistique (INS) pour l'an 2000 sur la consommation des ménages, plus de 87% de la population tunisienne possède sa propre habitation. En effet, afin de faciliter l'accès des citoyens à un habitat décent, l'Etat a mis en oeuvre, depuis l'indépendance, beaucoup de programmes publics. Ces derniers comprennent ceux relatifs à réhabilitation de l'habitat (Fonds National d'Amélioration de l'Habitat, FNAH; et le Fonds National de Résorption des Logements Rudimentaires, FNRLR), le Fonds pour la Promotion des Logements Sociaux pour les fonctionnaires à Bas Salaire, FOPROLOS). Ces programmes de réhabilitation ont absorbé près de 25% des dépenses budgétaires allouées à l'habitat tout en ayant pour cible les populations pauvres rurales (FNRLR) et urbaines (FNAH).

Le reste des fonds fût alloué aux projets d'habitat sous forme de prêts subventionnés de la FOPROLOS, au profit des familles des salariés à revenus modestes (deux fois plus bas que le salaire minimum industriel - SMIG) leur facilitant l'accès à leurs maisons propres surtout dans les milieux urbains. Le programme est réalisé par des promoteurs immobiliers tunisiens (Société Nationale Immobilière de Tunisie - SNIT, et la Société de Promotion des Logements Sociaux - SPROLS), les lotisseurs du secteur privé, et la Banque de l'Habitat (BH).

1.3- Facteurs clef de la réussite

Ces performances sont attribuables, d'un côté, à la priorité accordée par la Tunisie aux politiques sociales : grands efforts dans les domaines d'éducation et de protection sociale des populations et, d'un autre côté, à un facteur démographique qui consiste surtout en un taux d'accroissement de la population en baisse depuis les années 1970. En effet, le contrôle de l'accroissement de la population a permis à la Tunisie d'entrer dans une sorte de "cercle vertueux" où la réglementation des natalités a contribué à l'amélioration du niveau de vie moyen des populations (Tableau 7), et ce dernier, à son tour, a permis plus de contrôle de l'accroissement démographique de la population (Bechri et Naccache, 2003). En effet, en baissant sa croissance démographique à 1,2%, la Tunisie a gagné deux points de pourcentage en termes de croissance annuelle du revenu par unité de capital durant la récente période. De plus, l'abondance d'une main d'oeuvre éduquée, dans laquelle la femme est de plus en plus omniprésente, permet d'augmenter la distribution du revenu ce qui constitue un facteur de stabilité politique et sociale.

L'observation de l'évolution de l'activité formelle, en Tunisie, au cours des deux dernières décennies confirme l'hypothèse d'une amélioration des performances économiques et sociales de la Tunisie, particulièrement depuis la mise en oeuvre des programmes de stabilisation et d'ajustement structurel vers la moitié des années 1980. En effet, la pauvreté a significativement décliné (4,2% de la population qui vit en deçà du seuil de pauvreté). Ceci a été le fruit de trois types de politiques anti-pauvreté : le premier type est lié à la promotion de l'emploi indépendant et des micro-entreprises, le second fait référence à la promotion de projets générateurs de revenus dans le cadre des programmes de lutte contre la pauvreté, et enfin le troisième type est lié aux instruments indirects de transferts de revenus comme l'emploi dans des chantiers de travaux publics, les subventions des produits alimentaires de base ainsi que celles accordées aux agriculteurs, et la quasi gratuité de certains services tels que l'éducation et la santé.

Le relatif succès du modèle de développement Tunisien est, en grande partie, imputable aux efforts catalyseurs du secteur éducatif, à l'amélioration de la protection sociale surtout des populations pauvres, au développement de l'aide à la fraction la plus pauvre de la société, à l'élargissement de la place de la femme dans la scène économique, et à l'investissement dans l'amélioration des infrastructures de base. Un tel effort des autorités tunisiennes sera évalué par le biais d'un essai de calcul du Taux de Sécurité Economique (TSE) au cours des deux dernières décennies et c'est ce qui fera l'objet de la deuxième section.

Tableau 5: Stratification de la population active, en Tunisie, par niveau d'instruction

 

Aucun

Primaire

Secondaire

Supérieur

1966

1975

1984

1994

1997

73,9%

53,7%

42,0%

24,2%

19,0%

17,8%

32,0%

34,8%

41,7%

44,2%

7,1%

12,8%

19,9%

28,1%

29,7%

1,2%

1,5%

3,3%

6,0%

7,1%

Source: I.N.S: Recensement général de la population et de l'habitat (1966, 1975), Enquêtes sur l'emploi (1980, 1989, 1997)

Tableau 6: Évolution du seuil et du taux de pauvreté en Tunisie

Niveau

Années

Part de la population (%)

Seuil de pauvreté (TND/personne/année)

Taux de pauvreté (%)

Nombre de pauvres

National

1975

1980

1985

1990

1995

2000

100

100

100

100

100

100

64

102

161

225

298

302

21.9

12.9

7.7

6.7

4.2

4.2

1.223

0.823

0.554

0.554

0.559

0.399

Urbain

1975

1980

1985

1990

1995

2000

47.5

50.4

54.1

59.6

61.4

62.2

87

120

190

278

362

428

26.4

11.8

8.4

7.3

7.1

4.9

0.700

0.393

0.325

0.354

0.389

0.296

Rural

1975

1980

1985

1990

1995

2000

52.5

49.6

45.9

40.4

38.6

37.4

43

60

95

139

181

221

17.8

14.1

7.0

5.7

4.9

2.9

0.523

0.430

0.229

0.190

0.170

0.103

Source : I.N.S, Enquêtes nationales sur les ménages : 1975, 1980, 1985, 1990, 1995 et 2000.

Tableau 7: Population pauvre et taux de pauvreté par taille de ménage (an 2000)

Taille du ménage

Population pauvre (en milliers)

Taux de pauvreté (en%)

1 à 2 personnes

3 à 4 personnes

5 à 7 personnes

8 personnes et plus

TOTAL

4

29

178

188

399

0,8

1,4

3,6

9,5

4,2

Source: INS, Enquête nationale sur la population, 2000

Tableau 8: Évolution du coefficient de Gini entre 1975 et 2000

Milieu

1975

1980

1985

1990

1995

2000

Urbain

Rural

TOTAL

-

-

0,440

0,396

0,375

0,430

0,411

0,364

0,434

0,374

0,354

0,401

0,389

0,353

0,417

0,391

0,358

0,409

Source: INS, Enquêtes nationales sur la population: 1975, 1980, 1985, 1990, 1995 et 2000

* 16 1 Dinars Tunisien (TND) = 0,7580 USD = 0,5896 Euros (au 04/09/2006)

* 17 Il s'agit d'un mécanisme de subvention des denrées alimentaires de base ciblant les populations nécessiteuses par voie de différenciation qualitative des produits.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon