2.3 Conséquence et inférence
Nous allons dans cette section traiter du rapport
étroit qu'entretiennent conséquence, inférence et
modalité. Nous commencerons par donner la définition de
l'inférence, pour discuter ensuite quelques modes de réalisation
de l'inférence en français.
Définition 2.7 -- Inférence :
L'inférence consiste à poser à partir
d'éventualités données dans
l'expérience du sujet une éventualité non donnée,
résultat d'un raisonnement.
Le français a à sa disposition plusieurs
possibilités d'exprimer une inférence, parmi lesquelles les
verbes modaux épistémiques devoir et pou-
voir10. C'est ce que nous allons maintenant
examiner.
2.3.1 Pouvoir
Selon TAMOWSKI et DENDALE (1994), il existe en français
deux sortes de verbe pouvoir. Le premier est le pouvoir dit
«radical», qui exprime la permission (exemple 2.23), la
capacité ou la possibilité (exemple 2.24):
(2.23) Maintenant que tu as fait tes devoirs, tu peux aller
jouer. (2.24) Jean s'est musclé. Il peut maintenant soulever 100kg.
Le deuxième pouvoir est celui qui nous
intéressera, le pouvoir épistémique:
(2.25) Pierre n'est pas chez lui. Il peut être à la
bibliothèque.
Pouvoir épistémique exprime une
conclusion tirée à partir d'hypothèses, il a donc une
valeur inférentielle. De plus, il insiste sur la « disposition du
locuteur à admettre d'autres hypothèses que la sienne ».
C'est-à-dire que la conclusion retenue par le locuteur n'exclut pas
d'autres conclusions possibles.
2.3.2 Devoir
Le verbe devoir en français a deux significations
principales: une signification déontique et une signification
épistémique.
La signification déontique se rapporte à une
obligation:
(2.26) Rémi doit faire ses devoirs
'°Cette section se base en grande partie sur
les travaux de Patrick Dendale (DENDALE (1994), DENDALE (2000), TAMOWSKI et
DENDALE (1994) et DENDALE et ROSSARI (2000)) pour le français et STONE
(1994) pour l'anglais. Se reporter à ces articles pour plus de
détails sur la question.
Mais cette signification ne nous concerne pas ici. Nous nous
intéresserons en revanche à la signification
épistémique du verbe devoir qui est en rapport étroit avec
l'inférence:
(2.27) Claude a beaucoup travaillé. Il doit être
fatigué.
Selon DENDALE (1994), le verbe devoir dans sa
signification épistémique donne une valeur de probabilité,
de plus ou moins grande vraisemblance à une proposition. Le locuteur
utilise donc devoir quand il « fait une inférence à
partir de prémisses sur l'applicabilité desquelles il sait qu'il
a pu se tromper ».
Contrairement à pouvoir, avec qui le locuteur
laisse la porte ouverte à d'autres conclusions que la sienne, l'emploi
du verbe devoir épistémique implique que le locuteur ne
sélectionne qu'une seule conclusion à l'exclusion de toute autre,
mais sur laquelle il émet pourtant quelques réserves.
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