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La loi spéciale de lutte contre le terrorisme du 2 novembre 2001

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par Huynh To Uyen Julie Nguyen
INALCO - Maitrise LLCE de Japonais 2004
  

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DES ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE

D

ès que les premières images des attentats dirigés contre les Etats-Unis ont envahi les écrans de télévision et que la terrible nouvelle s'est répandue quasiment en simultané avec les événements eux-mêmes, de toutes parts dans le monde les déclarations de soutien moral et de solidarité se sont multipliées.

Le 12 septembre, au cours de la première d'une longue série de déclarations officielles en relation avec ce qu'on allait désormais connaître sous l'appellation « événements du 11 septembre », le Premier ministre japonais Koizumi Jun.ichirô \u23567\u23567è#172;êòèÉòÉàêYêY adressait au gouvernement Bush et au peuple américain ses condoléances pour les milliers de victimes et les familles touchées par le drame et leur exprimait son entière solidarité.

Les événements dramatiques survenus récemment aux Etats-Unis sont des actes de violence d'une indicible ignominie que l'on ne saurait jamais pardonner, et j'en suis moi-même fortement indigné. Au nom du peuple japonais, j'aimerais adresser au Président des Etats-Unis et au peuple américain ma sympathie la plus sincère.

Le 12 septembre 2001

Jun.ichirô Koizumi, Premier Ministre du Japon 4(*)

Cette déclaration marquait le prélude d'une vaste campagne de sensibilisation et de préparation de la classe politique mais aussi de l'opinion publique japonaise, non pas à la lutte contre le terrorisme mais à la question de la contribution du Japon dans une guerre de représailles menées par les Américains contre le commanditaire des attentats qui avait été identifié en la personne d'Oussama ben Laden, milliardaire saoudien, ancien agent de la CIA, chef d'un réseau terroriste, Al-Qaïda, qui compterait près de 18 000 membres disséminés dans le monde, et qui se cacherait en Afghanistan.

Or, si toutes les opinions étaient unanimes pour condamner le terrorisme et lutter contre cette menace, au sein de la classe politique des positions discordantes se faisaient entendre sur le contenu de la contribution japonaise à cette guerre, tandis que la position de l'opinion publique japonaise oscillait entre approbation et scepticisme.

I ) « Le Japon doit soutenir les Etats-Unis » mais comment ?

Au-delà des grands problèmes de politique de défense et de sécurité que mettaient à jour les événements du 11 septembre, la préoccupation fondamentale, sur le plan politique, pour le Premier ministre japonais et son gouvernement était de donner une dimension concrète au soutien qu'ils allaient apporter aux Américains. Dans cette perspective, des mesures japonaises en réponse aux attentats perpétrés aux Etats-Unis ont été prises relativement rapidement, mais progressivement. On peut ainsi distinguer deux grandes étapes préliminaires : l'annonce de premières mesures d'urgence, puis l'annonce d'un plan de base de « 7 mesures » immédiates.

A) La question de la « contribution » du Japon : un soutien concret

Il s'agissait en effet de donner une réponse matériellement palpable à la question de la contribution du Japon. Il était en effet aisé de soutenir, au sens moral du terme, un pays allié, à plus forte raison si ce dernier semblait être dans son bon droit, mais c'était tout autre chose que de contribuer, d'agir concrètement avec ce pays. Cependant, ce n'était pas la première fois que cette question du soutien japonais se posait, mais force était de constater que, chaque fois qu'elle surgissait, elle véhiculait de nombreuses ambiguïtés et polémiques, comme le décrit Yamamoto Takeshi \u23665\u23665éR-{{ \u21083\u21083çémm, spécialiste des relations internationales en Extrême-Orient :

[...] que ce soit au moment du début des bombardements du Nord Vietnam par les Américains lors de la guerre du Vietnam en février 1965, ou à l'occasion des bombardements de l'Irak en décembre dernier [98] par les forces armées anglo-américaines, le gouvernement japonais s'est empressé de les soutenir. Il a déclaré, à l'occasion de l'invasion du Panama par l'armée américaine en décembre 1988, invasion qui violait la loi internationale, que cette action était regrettable mais compréhensible (ce qui ne signifie pas la même chose que de « comprendre qu'une telle action était regrettable »). En août dernier, le gouvernement japonais a affirmé qu'il pouvait également comprendre les attaques de l'armée américaine contre le Soudan et l'Afghanistan5(*), sans pour autant se justifier. 6(*)

En définitive, la question du soutien du Japon est une fausse question puisque ce soutien est déjà acquis, ne serait-ce que parce que les Etats-Unis et le Japon sont deux démocraties libérales, liées en outre par des accords de sécurité. Le véritable problème était en réalité celui de la nature concrète de ce soutien. Dans le cas présent, s'il s'agissait pour le Japon d'assister des mesures de riposte, la préoccupation essentielle était avant tout de montrer l'image d'un allié fort et solide sur lequel le gouvernement Bush pourrait compter. A la suite de cette première déclaration officielle donnée le lendemain des attentats, les annonces et réactions du gouvernement et du Premier ministre à propos des attentats et des mesures en réponse se sont succédées. Elles ont été consciencieusement retranscrites sur le site officiel du Premier ministre 7(*) sous une rubrique spécialement consacrée aux évènements. La chronologie et la teneur de leurs décisions sont également minutieusement répertoriées sur le site, répondant ainsi à un souci de transparence, pour tenir la population informée.

Mais il s'agissait également pour le Premier ministre et le gouvernement de préparer l'opinion publique japonaise à la contribution du Japon, d'autant plus que l'ampleur des événements laissait présager sans l'ombre d'un doute une réaction offensive à grande échelle de la part des Américains. Le gouvernement japonais se préparait déjà à cette éventualité, qui au fil des heures devenait une certitude, car en tant qu'allié des Etats-Unis, la question de la contribution japonaise pouvait impliquer de contenir un volet militaire. La définition de cette contribution du Japon s'est réalisée en plusieurs temps : tout d'abord, des mesures d'urgence ont été mises sur pied, puis un plan de base de « 7 mesures immédiates » a été arrêté.

B) Les premières mesures d'urgence

La première initiative du gouvernement Koizumi a été de créer une cellule de crise, composée du Bureau du Premier ministre, du Ministre des Affaires étrangères et des diplomates et agents consulaires en poste aux Etats-Unis. Lors de la première conférence de presse donnée le 12 septembre 2001, après avoir notamment déclaré qu'il soutenait fermement les Etats-Unis en ne « reculant devant aucun effort pour leur apporter l'aide et l'assistance nécessaires », le Premier ministre annonçait déjà la mise en oeuvre de 6 mesures d'urgence :

[...] Le Conseil pour la Sécurité nationale a tenu une réunion avec les assistants de tous les membres du Cabinet et a établi les six mesures suivantes :

1) Tous les ministères concernés et le gouvernement feront tout leur possible pour rassembler des informations précises sur la situation, notamment sur l'assurance de la totale sécurité des ressortissants japonais concernés ;

2) Il sera étudié dans la mesure du possible la mise sur pied de mesures de sauvetage des ressortissants japonais concernés tel que l'envoi d'une équipe du dispositif JDR, de manière à permettre une action rapide si cela s'avère nécessaire ;

3) La sécurité des équipements et des établissements rattachés aux États-Unis sur le sol japonais sera renforcée, et tout le nécessaire sera fait pour répondre de manière appropriée aux circonstances ;

4) Nous nous efforcerons de fournir à la nation japonaise toutes les informations nécessaires et de la maintenir au courant de la situation ;

5) Le Japon, en coopération avec les États-Unis et les autres pays concernés, prendra des mesures pour combattre le terrorisme international ;

6) Les mesures appropriées seront prises afin d'empêcher la confusion dans le système économique du Japon autant que ceux des autres pays du monde. 8(*)

Au-delà des soucis, légitimes, de protection et d'assistance des ressortissants japonais contenus au premier point, le point numéro 2 est particulièrement intéressant. En effet, le dispositif JDR (Japan Disaster Relief Team) 9(*), le système japonais de secours d'urgence et de sécurité civile, est composé notamment de soldats des Forces d'autodéfense (Jieitai \u-32278\u-32278é(c)%oqq\u-26998àà). Certes, ce ne serait pas la première fois que les Forces d'autodéfense seraient amenées à mener ce genre de mission à l'étranger, mais le symbole est ici d'importance : il ne s'agissait pas cette fois de porter secours et assistance à un pays dont la population avait été victime d'une catastrophe naturelle, tel un tremblement de terre, mais un pays victime d'un acte terroriste. La possibilité d'envoyer des troupes japonaises pour secourir les victimes du World Trade Center pouvait alors laisser présager leur éventuel déploiement dans le cadre de missions spécifiquement militaires. Cet aspect militaire est d'ailleurs abordé dans la mesure numéro 3 qui annonce le renforcement des mesures de sécurité et de surveillance des bases et équipements américains installés sur le sol japonais.

Le souci de transparence et d'information de la population japonaise est par ailleurs confirmé au point numéro 4. Il faut cependant souligner que le gouvernement souhaite seulement tenir informés les Japonais, mais qu'il ne cherche pas obligatoirement leur approbation explicite, présupposant que cette approbation lui est acquise de façon implicite, eu égard à la gravité de la situation et pour laquelle seules les hautes autorités de l'Etat sont compétentes.

Il est enfin intéressant de constater que le terme de « terrorisme » n'est, non seulement, mentionné qu'au point numéro 5, mais en outre qu'il est associé à l'adjectif « international ». Mise à part la référence aux bases américaines au point numéro 3, à aucun moment il n'est fait allusion explicitement et spécifiquement aux actes terroristes qui se sont produits aux Etats-Unis. Cette ellipse est loin d'être anodine et montre la volonté du Premier ministre japonais de ne pas mettre en avant la seule coopération bilatérale avec l'allié américain mais de mettre l'accent sur la place du Japon au sein de la communauté internationale. Ce souci est également souligné par l'expression « autres pays du monde » mentionnée au point numéro 6 concernant la sécurisation de la stabilité économique et financière.

C) Le plan de base de « 7 mesures immédiates »

Par la suite, le 19 septembre, le Premier ministre Koizumi a confirmé l'engagement du Japon dans la lutte contre le terrorisme le considérant comme « une menace pour la propre sécurité du Japon ». Il a en outre réaffirmé vigoureusement son soutien vis-à-vis des Etats-Unis en tant que pays allié et a souligné sa volonté d'agir de concert avec la communauté internationale. A la suite de quoi, le Premier ministre a présenté un plan de base de « 7 mesures » immédiates qui constituaient une véritable politique globale, expression de la ferme détermination du Japon :

Mesures immédiates :

1) Le gouvernement japonais va prendre d'urgence les mesures nécessaires à l'envoi des Forces d'autodéfense, afin qu'elles offrent un soutien médical, logistique et de ravitaillement à l'armée des États-Unis et à celle des autres pays qui prendront des mesures en rapport avec ces attaques terroristes, reconnues par la résolution 1368 du Conseil de Sécurité de l'ONU comme une menace pour la paix et la sécurité internationale.

2) Le gouvernement japonais va prendre d'urgence des mesures pour renforcer plus encore la protection des équipements et des zones militaires américaines au Japon et celle des principaux équipements de notre pays.

3) Le gouvernement japonais va rapidement envoyer des bâtiments de guerre appartenant aux Forces d'autodéfense dans le but de rassembler des informations.

4) Le gouvernement japonais va renforcer plus encore la coopération internationale, entre autres par l'échange d'informations, dans des domaines tels que le contrôle de l'immigration.

5) Le gouvernement japonais offrira une assistance humanitaire et économique aux pays concernés et aux pays voisins. Dans ce cadre, il va accorder une aide économique d'urgence à l'Inde et au Pakistan, pays qui coopèrent avec les États-Unis dans ces circonstances critiques.

6) Le gouvernement japonais fournira une aide aux personnes amenées à fuir en fonction des besoins dans ce domaine. Cela comprend la possibilité pour les Forces d'autodéfense d'assurer une aide humanitaire.

7) Le gouvernement, en collaboration avec les autres pays, prendra les mesures adéquates pour répondre à l'évolution de la situation afin d'éviter la confusion des systèmes financiers japonais et internationaux. 10(*)

En dépit de grandes similitudes, en particulier la confirmation du renforcement du dispositif de protection et de surveillance des bases américaines installées sur le territoire japonais, le plan de base de « 7 mesures » immédiates se distinguait nettement des six premières mesures d'urgence annoncées le 12 septembre. Si les premières mesures mettaient l'accent sur le secours et l'assistance des victimes des attentats et sur la sécurité des Japonais, le plan de « 7 mesures » intégrait la volonté de représailles de l'allié américain. Le premier point annonçait en effet sans ambages l'intention du gouvernement Koizumi d'envoyer les Forces d'autodéfense soutenir l'armée américaine dans le cadre de missions de « soutien médical, de logistique et de ravitaillement », mais également dans le cadre d'opérations à caractère humanitaire comme le mentionne le point numéro 6. Le point numéro 3 annonçait en outre le prochain déploiement de « bâtiments de guerre » des Forces maritimes d'autodéfense dans le cadre de mission de renseignement. Ces deux mesures fondamentales annonçaient donc l'envoi inédit des Forces d'autodéfense japonaises à l'étranger, c'est-à-dire en dehors du territoire japonais et au-delà de ses zones périphériques, afin de soutenir et assister l'armée américaine.

Néanmoins, les autorités japonaises soulignaient aussi clairement leur volonté d'inscrire leurs actions dans le cadre d'une « coopération internationale » qu'elles souhaitaient renforcer. Cette dimension internationale était confirmée par plusieurs formules explicites : tout d'abord, la référence à la résolution 1368 du Conseil de Sécurité de l'ONU qui condamnait les attaques terroristes reconnues comme « une menace pour la paix et la sécurité internationale » ; puis par l'allusion aux « pays concernés et [aux] pays voisins » de l'Afghanistan, en particulier l'Inde et le Pakistan, à qui le Japon souhaite offrir une aide humanitaire et économique ; et surtout par l'annonce explicite que les mesures de soutien médical, de logistique et de ravitaillement n'allaient pas concerner uniquement l'armée américaine mais également les armées « des autres pays » engagées dans ces opérations de lutte contre le terrorisme. Cette dimension internationale du rôle que souhaitait jouer le Japon était fondamentale car elle dévoilait la dimension proprement diplomatique et multilatérale des mesures japonaises. Toutefois, il n'était pas encore précisé la méthode qu'allait suivre le gouvernement japonais pour concrétiser ces mesures. La question était en effet complexe car, pour mettre en oeuvre ses intentions, le Japon allait devoir surmonter les difficultés induites par les dispositions constitutionnelles et légales concernant le fonctionnement des Forces d'autodéfense.

* 4 Site de l'Ambassade du Japon en France : http://www.fr.emb-japan.go.jp (ci-après « Ambassade du Japon »). Traduction française de la déclaration du Premier Ministre japonais concernant les attaques terroristes aux Etats-Unis (12/09/2001) - adresse : http://www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/2001/01-0069-att-koizumi-us.html

* 5 Il s'agissait d'attaques de représailles contre l'Afghanistan et le Soudan qui auraient abrité les terroristes responsables d'une série d'attentats en Afrique (Kenya, Yémen) contre les ambassades américaines.

* 6 YAMAMOTO Takeshi \u23665\u23665éR-{{ \u21083\u21083çémm, « »Shûhen» no han'i » \u12300\u12300uéüïÓEvv\u12398ÌÌ\u31684»ÍÍ\u22258àÍÍ (Le champ d'application des « zones périphériques »), Sekai \u19990\u19990êcentsEE, avril 1999, p. 75

* 7 http://www.kantei.go.jp

* 8 Kantei, op. cit., lien : « \u32207\u32207çùLùLéÒÒ\u20250%oïOE(c)E (01/09/12 10:20) » (Sôri kisha kaiken Conférence de presse du Premier ministre, 12/09/01 10h20), http://www.kantei.go.jp/jp/koizumispeech/2001/0912sourikaiken.html

* 9 Voir 1ère Partie, Chap. 2, I), B)

* 10 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http://www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/2001/01-0070-terro.html

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway