CHAPITRE II : LES OBSTACLES A L'UNION DU
CONTINENT
Les pères fondateurs de l'O.U.A ont toujours
rêvé d'unir les Etats du continent africain. Les portes flambeaux
de l'unité du continent eurent certainement raison de songer à un
tel idéal. Mais avant, il aurait fallu que soient parfaitement
maîtrisés les obstacles qui se posent à la
réalisation de l'union des Etats africains. Dans un contexte où
l'indépendance politique est désormais un acquis, quels peuvent
être les obstacles à surmonter par l'union africaine pour
bâtir une unité durable du continent ?
A . LE MANQUE DE VOLONTE POLITIQUE ET LE REFUS
D'ABANDON DES SOUVERAINETES
1- Le manque de volonté politique
Les résultats mitigés, voire décevants
dans le domaine de l'union du continent africain, sont la conséquence
d'une absence réelle de volonté politique.
Plusieurs fois, les sommets de l'Organisation de
l'Unité Africaine ont accouché de très bonnes intentions
qui malheureusement n'ont eu ne serait ce qu'un début
d'exécution. L'exemple récent des résolutions prises dans
le cadre de la communauté économique africaine ( CEA )et qui ont
du mal à être respectées et mises en oeuvre par les Etats
membres, marque bien cette réalité.
Ainsi donc, beaucoup d'élans ont été
freinés parce qu'ils n'ont pas été soutenus jusqu'à
leur aboutissement par les décideurs africains que sont les chefs d'Etat
et de gouvernement.
A peine les sommets achevés que s'estompe brusquement
la prise de conscience subite et euphorique qui a sous-tendu ses
décisions et résolutions.
A ce propos, KAMANDA WA KAMANDA, ex directeur adjoint de
cabinet de Diallo TELLI, puis secrétaire général adjoint
de l'O.U.A, confiait au journal « L'Autre Afrique », ceci : «
lorsque les chefs d'Etats sont ensemble, il y a une certaine prise de
conscience qui revient à la surface, accompagnée d'une certaine
euphorie. Très facilement, ils identifient clairement les
problèmes et les objectifs. Mais ils ne précisent pas toujours
comment il faut réaliser ce qu'ils veulent. Ensuite, ils se
séparent et puis tout le monde oublie. Comme s'ils se livraient à
un rituel sacramentel auquel personne ne peut déroger. »
Il y a donc un problème de volonté politique.
Une volonté de construire ensemble l'unité du continent. Et cette
attitude des chefs d'Etats africains marque à n'en point douter, le
déficit de volonté politique. Car il y a effectivement un
fossé entre une décision prise et la volonté de
l'appliquer aux fins de la faire aboutir.
Les systèmes de gouvernements en Afrique fonctionnent
de telle façon que seul le chef de l'Etat, détenteur de
l'exclusivité du pouvoir, peut imprimer une marque réelle
à une action, en décidant d'y engager et d'y associer les
populations.
Mais malheureusement très peu se sont jusque là
engagés de façon individuelle à créer les
conditions favorables à l'union du continent. En Libye, pays de
l'initiateur du projet, pendant que le projet d'union du continent était
déjà lancé, l'expulsion des étrangers noirs, dans
le courant du mois d'octobre 2000, sans que les autorités libyennes ne
les en empêchent, marque clairement le fossé qui existe entre les
objectifs voulus et la préparation du cadre de leur
réalisation.
Alors que KADHAFFI prône l'unité du continent,
il aurait fallu qu'il se garantisse que des mesures concrètes et
réelles sont prises en Libye pour accompagner sa réalisation
effective.
Au-delà donc des déclarations retentissantes
des chefs d'Etats, rien n'est entrepris pour asseoir déjà au
niveau de chaque Etat une politique propice à l'unité du
continent. Et cela complique davantage sa réalisation, posant ainsi le
manque de volonté politique comme un obstacle sérieux à
l'Union Africaine. Cette réticence observée chez les gouvernants
africains est peut être le fait de la crainte de perdre certains aspects
de leur souveraineté.
2 - Le refus d'abandon des
souverainetés
L'on a encore à l'esprit que c'est la tergiversation
entre l'abandon de souveraineté pour se fondre dans un grand
ensemble ; les Etats unis d'Afrique et l'option de coopération au
sein d'une organisation panafricaine qui a engendré dès le
départ, les débats sur la forme que devrait prendre l'union du
continent.
Pourtant après un consensus, il a été
adopté que l'unité de l'Afrique soit graduelle. Chaque Etat
conservant le droit de jouir pleinement de sa souveraineté nouvellement
acquise au prix de grandes luttes pour la plupart.
Aujourd'hui, alors que l'union des peuples et des Etats
africains est à nouveau à l'ordre du jour, le débat
resurgit.
Peut-on réaliser à l'instar des USA ou encore
de l'U.E l'unité du continent sans que les Etats africains ne consentent
à concéder partie ou même totalité de leur
souveraineté, dans des domaines spécifiques, tels la
défense, les télécommunications, la lutte contre les
grandes pandémies, la diplomatie ou encore certains aspects du pouvoir
politique ? Voici la grande interrogation qui pose le problème de la
souveraineté comme obstacle à la réalisation de
l'unité du continent.
Les gouvernants africains ont un dilemme certain entre
concéder ou ne pas concéder des aspects de la souveraineté
de leurs Etats, pour abandonner des aspects de leur pouvoir à un
exécutif supranational suscité par une union des Etats
africains.
Pendant trois décennies les Etats africains se sont
consolidés et leurs élites veulent s'affirmer comme dirigeants
politiques. Il est donc aujourd'hui plus difficile dans ces conditions de
convaincre les dirigeants d'Etats africains, ayant pour la plupart
accédé à la tête de leurs Etats, bien après
l'indépendance et la création de l'O.U.A, de se défaire
d'une partie de leurs pouvoirs et se fondre dans l'union du continent.
Certaines voix, telles celle du président Omar BONGO,
du Gabon, se sont élevées pour dire tout haut et de façon
claire ce que pensent certainement beaucoup de chefs d'Etats : « le
Gabon ne concédera aucun aspect de sa souveraineté ».
Loin d'être une déclaration bénigne, ces
propos du chef d'Etat gabonais, laissent clairement entrevoir l'obstacle que le
refus d'abandon des souverainetés constitue pour la construction d'une
Afrique unie qui parle d'une seule et même voix.
En effet, si chaque Etat jaloux de son indépendance et
de sa souveraineté entend n'en concéder aucun pan à un
exécutif, ou ne serait-ce qu'à un organe qui agirait pour lui et
en son nom dans des domaines spécifiques, il est évident que le
projet d'union du continent demeurera une chimère utopique.
Ce faisant, les gouvernants ont surtout peur qu'un organe au
nom de sa contenance supranationale ne vienne leur dicter, et cela contre leur
gré, des dispositions ou décisions dites émanantes d'une
majorité.
Cette attitude protectionniste, a de tout temps
constitué une plaie pour les actions visant l'unité de l'Afrique.
Elle a même sans aucun doute participé de façon notable
à rendre inefficace la défunte O.U.A dans certains domaines.
Les différentes déclarations sorties des
nombreux sommets de l'O.U.A n'ont pour la plupart pas produit les effets
escomptés. Elles sont restées en majorité à
l'étape de simples déclarations. Car ni le secrétariat
général, ni aucun autre organe ne pouvait en assurer
l'exécution. Bien entendu, dans une atmosphère où aucun
Etat n'entend se subordonner au nom de sa souveraineté, il ne peut en
être autrement.
Le refus d'abandon de tout ou partie de leur
souveraineté observé par les Etats africains jusque là,
demeure un obstacle majeur à la réalisation de l'union du
continent. Il en est de même pour l'existence sur le continent d'une
multiplicité des monnaies et une diversité de cultures.
|