Mémoire de fin de cycle - CMS Diplomatie
DEDICACE
A mon père KOFFI MENZAN Antoine.
A ma mère ADINGRA Kossia Albertine.
Augustes géniteurs d'une âme à la
perpétuelle quête du savoir.
A ma regrettée petite soeur MENZAN Akoua
Adayé Reine.
Je dédie cette oeuvre.
AVANT-PROPOS
La présente oeuvre est un mémoire de fin de
formation du cycle moyen supérieur, section diplomatie, de l'Ecole
Nationale d'Administration de Côte d'Ivoire .
En imposant cet exercice à tous les
élèves des cycles moyen supérieur et supérieur,
toutes filières confondues, l'E.N.A entend tester la capacité des
futurs cadres, qu'elle va mettre à la disposition de l'administration,
à organiser l'information, à l'analyser et à exercer leur
esprit critique .
Cette oeuvre est ainsi le fruit de plusieurs mois de
recherches documentaires, mais aussi de confrontation de points de vues et
d'avis divers d'amis, de condisciples et d'hommes avertis sur la
problématique de l'union africaine .
Elle ne prétend donc point traiter de façon
totale et définitive la question .Elle n'en donne par contre qu'un point
de vue, une approche générale qui est le résultat
d'analyses conduites par son auteur dans le but de dégager de
façon ramassée les contours de la question de l'union des Etats
africains .
L'oeuvre offre ainsi à l'appréciation de ses
lecteurs une vision optimiste qui se nourri du rêve d'une Afrique unie et
solidaire, prête à affronter tous les défis du
troisième millénaire .
Nous voudrions remercier sincèrement tous ceux qui ont
contribué à la réalisation de cette oeuvre,
particulièrement:
- SEM LY Djérou
- Mademoiselle N'DRI Aya Blandine
Déborah
- Madame OULA Née DIHIRO
Angèle
- Monsieur BOSSE Charles
- Monsieur SAHA Michel
- Monsieur KONAN K.Toussaint
- Monsieur YOUL Félix
- Monsieur MENZAN Bruno
et tous nos condisciples de la section diplomatie de la
promotion 2000-2001 dont les avis, conseils, suggestions et apports ont permis
de conduire à terme notre étude .
Introduction Le 12 juillet 2000, dans la
capitale togolaise, les participants au XXXVIe sommet de l'OUA ont
adopté à l'unanimité le traité constitutif de
l'Union Africaine.
Après avoir transité par les étapes lui
conférant la légitimité de s'appliquer aux Etats membres,
à savoir signature et ratification, le traité de l'Union
Africaine constitue désormais le texte prioritaire devant imprimer au
continent africain la voie de l'unité pour un développement
harmonieux, intégré et total.
La volonté confirmée par l'adhésion
massive des chefs des pouvoirs exécutifs, au projet de création
d'une Union Africaine découle d'une prise de conscience collective de
l'évolution globale des systèmes politiques et
socio-économiques en ce début de troisième
millénaire plein de défis nouveaux.
L'Afrique ne voulant point rester en marge de la
réalité planétaire entend embarquer, outillée et
mieux préparée dans le train de l'évolution. Raison pour
laquelle en dépit des nombreux services rendus par l'OUA, l'Afrique a
pensé à un nouvel instrument pouvant lui permettre de mieux
s'adapter aux mutations croissantes et nouvelles des systèmes politiques
et socio-économiques dans un monde évolutif.
Pourtant, loin d'être un effet de mode ou simple
mimétisme, la vocation de l'Afrique à réaliser son
unité émane de la tendance naturelle et logique de toute
structure à l'évolution et se fonde sur le souci permanent de
panafricanisme des dirigeants africains qui entendent ainsi lutter contre la
balkanisation et la division des peuples africains afin de réaliser
l'unité du continent.
L'idée d'union ou d'unité du continent africain
n'est donc pas nouvelle. Le préambule de l'acte constitutif de l'Union
Africaine en donne clairement la preuve. On y note effectivement que c'est
« inspirés par les nobles idéaux qui ont
guidés les pères fondateurs de notre organisation continentale et
des générations de panafricanistes dans leur détermination
à promouvoir l'unité, la solidarité, la cohésion et
la coopération entre les peuples d'Afrique et entre les Etats
africains », que les chefs d'Etats et de gouvernements
membres de l'OUA ont décidé de donner un coup de fouet au vieux
projet d'union du continent.
Mais comme cela pourrait l'être pour toute action
d'unification d'une telle envergure, la réalisation de l'unité du
continent a certainement de nombreux enjeux.
Aussi ceux-ci doivent-ils être attentivement
examinés afin de déterminer le contexte, les probabilités
et les moyens de réalisation de l'union des Etats du continent
africain.
Or, le terme « enjeu » signifiant, dans
sa définition la plus simple donnée par Le dictionnaire
universel de poche, « ce que l'on risque de gagner ou de
perdre dans une entreprise ou une compétition », il nous
reviendra ici, par le biais de notre thème intitulé
« les enjeux de l'Union
Africaine », d'analyser ce que l'Afrique peut gagner ou
perdre avec l'Union Africaine.
Notre problématique tentera donc de porter une
interrogation sur le parti que les Etats et les populations africaines
pourraient tirer de l'Union Africaine. En d'autres termes quels sont les
avantages, obstacles, défis et voies de réalisation de l'union
des Etats du continent africain ? En somme quels sont les enjeux de
l'Union Africaine ?
Pareilles interrogations nécessitent que l'on se
penche sur la question de l'Union Africaine pour en déterminer les
tenants et les aboutissants afin de contribuer à son succès par
l'élaboration de propositions inspirées d'une analyse de la
situation globale du continent.
Notre étude s'articulera pour se faire autour de trois
(3) parties, à savoir :
I- De l'OUA à l'UA
II- Défis et obstacles de l'UA
III- Avantages et voies de réalisation de l'UA
La première partie consistera en une approche
descriptive qui est en fait un rappel historique du chemin qui a mené
à l'UA depuis l'avènement du panafricanisme. Les deux autres
parties procèdent, elles, d'une approche dialectique qui combine
description et analyse de la situation générale de l'Afrique pour
mettre en exergue la nécessité d'union des Etats africains.
Pour mener à bien notre travail, nous ferons appel
à des données économiques, sociologiques, historiques,
géographiques, etc. sans toutefois prétendre à une analyse
d'expert dans ces domaines.
Notons que la difficulté majeure de cette étude
a résidé dans le fait que la nouveauté du projet d'union
n'a pas permis de réunir une documentation conséquente pour mieux
aborder le sujet.
Cependant, avouons-le, notre quête d'informations, bien
que n'ayant été satisfaite qu'en partie, nous a amené
à collecter des coupures de journaux et à lire des ouvrages et
documents relatifs à l'OUA, l'UA et aux problèmes actuels que
connaît le continent, mais aussi à susciter plusieurs entretiens
et débats avec des condisciples, amis et fonctionnaires du
Ministère des Affaires Etrangères autour de la question de
l'Union Africaine.
Première partie : De l'organisation de
l'unité Africaine à l'Union Africaine
Examiner les voies et moyens de dynamiser l'OUA afin de lui
permettre d'être au diapason des développements politiques,
économiques dans le monde ; tel a été l'argumentaire
présenté par le Colonel KADHAFFI, à la
35ème session ordinaire de la conférence des chefs
d'Etats et de gouvernements, à Alger en juillet 1999, pour remettre en
selle le vieux projet d'union du continent africain.
Depuis lors, l'idée a refait du chemin et a abouti
à l'entrée en vigueur de l'acte constitutif de l'Union Africaine,
le 21 Mai 2001.
Quel chemin parcouru depuis le temps des panafricanistes
jusqu'à l'avènement de l'Union Africaine ? Un rappel
historique nous permettra de nous remémorer les grandes étapes
qui ont jalonné le chemin de l'unité de l'Afrique.
Chapitre I : DU CONCEPT DE PANAFRICANISME A LA
CREATION DE l'OUA
A. Fondements et développement du concept de
panafricanisme
1. Origines de l'idéologie
panafricaine
« Doctrine qui tend à réaliser
l'unité des peuples africains »1(*), le panafricanisme est à l'origine des
tentatives d'union du continent africain. Le panafricanisme s'est
affirmé, au départ, comme une idéologie qui est
l'expression d'une prise de position d'un mouvement antiraciste.
Dès 1919, ce mouvement avait réclamé
l'application aux peuples africains des principes de Wilson2(*) et trouvé audience
auprès des socialistes anglais et français avant de se
développer entre les deux guerres mondiales.
Dénonçant l'exploitation et la division de
l'Afrique, le panafricanisme longtemps agité par les panafricanistes
Kwamé N'krumah, Marcus Garvey, Georges Padmore, William Dubois,
Cheikh Anta Diop, s'attacha à promouvoir la culture noire et
précisa la notion de « négritude » avec
Senghor et Césaire.
Les panafricanistes affirmèrent la capacité des
peuples noirs à se déterminer eux-même. Et
déjà, visèrent la constitution des Etats Unis d'Afrique
par une tendance à confédérer la plupart des Etats
africains après leur accession à l'indépendance ( Conseil
de l'Entente en 1959 - Union des Etats Equatoriaux en 1959 etc.)
Identifié à l'origine comme un mouvement
d'émancipation des noirs, de revendication de l'égalité
entre noirs et blancs, le terme panafricanisme désigne
présentement des courants culturels et politiques et visera
essentiellement l'émancipation des pays africains.
2. Le Panafricanisme culturel
Ce courant du panafricanisme est caractérisé par
la négritude qui en est l'expression littéraire. C'est une
attitude d'auto-défense de la civilisation négro-africaine qui
met l'accent sur l'authenticité du monde nègre.
Un premier congrès des écrivains et artistes
noirs organisé en 1956 à Paris révèle deux
ouvrages : La philosophie Bantoue du
Révérend Père Temples et Nations nègres et
culture de Cheikh Anta Diop. Un deuxième congrès s'est
tenu à Rome en 1959, suivi des festivals mondiaux des arts nègres
à Dakar en 1966, Alger 1969 et Lagos 1974. Ces manifestations
culturelles ont montré qu'il existe bien une civilisation
négro-africaine.
Léopold Sedar Senghor et Aimé Césaire
furent les principaux acteurs de la négritude. Ils l'ont
défendue, l'ont développée et l'ont faite connaître
au monde par leurs oeuvres. Ils ont ainsi permis aux générations
futures de défendre des valeurs de la civilisation africaine, tel
l'esprit de solidarité, d'hospitalité et d'union.
La négritude comme mouvement a pris ainsi une
dimension universelle et son rayonnement s'est étendu dans le monde
entier.
3. Le Panafricanisme politique
La doctrine panafricaine a fait prendre conscience des
conditions difficiles des peuples coloniaux et constitué une plate-forme
commune de lutte pour les indépendances. De cette doctrine est
née l'idée d'union du continent. Mais, les africains, bien
qu'attachés au panafricanisme par l'idéal, sont en même
temps jaloux de leurs souverainetés et de leurs indépendances
nouvellement acquises. C'est pourquoi, le panafricanisme connaîtra
plusieurs interprétations dans son application politique.
Trois tendances se sont développées. La
première, le supranationalisme, incarnée par le Docteur
Kwamé N'krumah, est un courant radical. Cette tendance préconise
la réalisation totale et immédiate de l'unité du continent
sur tous les plans (économique, politique et culturel).
Fondant leur argumentation sur le besoin de sauver le
continent du néocolonialisme et mus par l'atteinte d'une croissance
économique par la planification des ressources continentales, les
supranationalistes aspirent à la suppression des frontières
héritées de la colonisation, car artificielles. Pour cette
tendance, seule l'unité de l'Afrique peut sauver le continent des
conflits frontaliers.
Beaucoup de leaders africains s'opposèrent au
supranationalisme au nom de la prudence et du réalisme. Alors
émergea une deuxième tendance. Celle du continentalisme,
représentée par Félix Houphouët Boigny. Pour cette
tendance, la première conception de l'unité du continent
était excessive et utopique à la limite. Elle basa son
argumentation sur les trois points suivants :
-Il n'existe pas dans l'histoire d'exemple d'unité
continentale. Aussi la conception supranationaliste de l'organisation
présente-elle le risque d'entraîner l'autarcie du continent par
rapport au monde dont l'Afrique a pourtant besoin.
-Des disparités considérables d'ordre culturel,
démographique séparent les Etats africains.
-Les Etats africains sont hétérogènes
donc fort dissemblables.
En réaction aux deux (2) tendances
précédentes, se forma une troisième, intermédiaire
et favorable à la création de regroupements sous-régionaux
locaux qui devront progressivement déboucher sur la réalisation
de l'unité du continent.
C'est sûrement cette conception, défendue par
Léopold Sedar Senghor qui semble avoir été le compromis
qui a prévalu à la création de l'OUA. Seulement les
leaders africains se demandaient si les regroupements régionaux
qu'évoquaient les partisans de Léopold Sedar Senghor, une fois
formés ne seraient pas un obstacle à la réalisation des
Etats Unis d'Afrique.
Cette inquiétude sera levée, en Août 1963
à Dakar lorsque le principe de la compatibilité des regroupements
sous-régionaux avec l'OUA a été formellement reconnu.
Le panafricanisme a donc été le ferment de
l'Organisation de l'Unité Africaine.
B. L'Organisation de l'Unité Africaine.
Créée en 1963, l'OUA s'est voulue une sorte de
compromis entre la thèse du groupe de Monrovia qu'incarnait Félix
Houphouët Boigny et celle du groupe de Casablanca soutenue par N'krumah et
ses partisans. Elle a été conçue dans le cadre d'une
coopération entre Etats indépendants. C'est donc une organisation
inter-étatique dont les objectifs, principes, organes et mode de
fonctionnement sont à l'image du compromis qui a prévalu à
sa création.
1. Objectifs et principes de l'OUA
a) Les objectifs.
Les objectifs de l'OUA sont contenus dans l'article 2 de
la charte de l'organisation. Ils visent à :
- Renforcer l'unité et la solidarité des Etats
africains et malgaches ;
- Coordonner et intensifier leur coopération et leurs
efforts pour offrir de meilleures conditions d'existence aux peuples
d'Afrique ;
- Défendre leur souveraineté, leur
intégrité territoriale et leur indépendance ;
- Eliminer sous toutes ses formes le colonialisme de
l'Afrique ;
- Favoriser la coopération internationale en tenant
dûment compte de la charte des nations unies et de la déclaration
universelle des droits de l'homme ;
A ces fins, les Etats membres coordonneront et harmoniseront
leur politique générale, en particulier dans les domaines
suivants :
· Politique et diplomatie ;
· Economie, transport et communications ;
· Education et culture ;
· Santé, hygiène et nutrition ;
· Sciences et technique ;
· Défense et sécurité.
La charte de l'OUA assigne ainsi, à l'organisation, des
objectifs économiques, politiques et socio-culturels. Qu'en est-il des
principes ?
b) les Principes
Les membres, pour atteindre les objectifs fixés,
affirment solennellement les principes suivants contenus dans l'article 3 de la
charte. Ce sont :
- Egalité souveraine de tous les Etats
membres ;
- Non-ingérence dans les affaires intérieures
des Etats ;
- Respect de la souveraineté et de
l'intégrité territoriale de chaque Etat et de son droit
inaliénable à une existence indépendante ;
- Règlement pacifique des différends, par voie
de négociation, de médiation et de conciliation ou
d'arbitrage ;
- Condamnation, sans réserve, de l'assassinat politique
ainsi que des activités subversives exercées par les Etats
voisins, ou tous les autres Etats ;
- Dévouement sans réserve à la cause de
l'émancipation totale des territoires africains non encore
indépendants ;
- Affirmation d'une politique de non-alignement à
l'égard de tous les blocs.
Ces principes que chaque Etat membre s'est engagé
à respecter, tiennent compte du niveau des relations de plus en plus
complexes qui unissent les Etats souverains et qui sont régis par le
droit international. Ils visent la préservation de la stabilité
politique des Etats et affirment une politique de neutralité
vis-à-vis des blocs. Que dire des organes de l'OUA ?
2. Les Organes
On peut distinguer au sein de l'OUA trois (3) sortes
d'organes : les organes politiques -
le Secrétariat Administratif et
les institutions spécialisées.
a) Les Organes Politiques
Ces sont essentiellement le conseil des Ministres et la
conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
- le conseil des Ministres
Les articles 11 à 15 de la charte précisent la
composition, le statut et le rôle du conseil des Ministres. En font
partie, les Ministres des Affaires Etrangères, tout autre Ministre
désigné par les gouvernements des Etats membres.
Les actes du Conseil des Ministres consistent en des voeux ou
des recommandations soumises à la conférence des chefs d'Etat et
de gouvernement. Ce sont des actes d'application des directives de la
conférence. Les résolutions exécutoires prises par le
conseil des ministres de sa propre initiative le sont en matière
budgétaire exclusivement.
En effet, le conseil des ministres examine et approuve le
budget de l'organisation. Le conseil des ministres est responsable devant la
conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement. Il est chargé de
la préparation de cette conférence et connaît de toutes les
questions qu'elle lui renvoie. Il met en oeuvre la coopération
interafricaine.
Le conseil des ministres se réunit au moins deux (2)
fois par an en session ordinaire. La première session est la session
budgétaire et la deuxième prépare les travaux du sommet
des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Au cours de cette dernière session,
le conseil des ministres prépare les projets de résolution, de
recommandation et de décision ainsi que l'ordre du jour du sommet. Le
conseil peut aussi se réunir en session extraordinaire à la
demande d'un ou plusieurs Etats membres. A condition que cette demande
recueille l'approbation d'au moins 2/3 des Etats. Il se réunit
également pour préparer les sessions extraordinaires et la
conférence du sommet.
- La conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement
Elle est à la fois l'organe suprême et essentiel
de l'OUA. Les articles 8, 9 et 10 en déterminent la composition,
définissent son rôle et précisent ses règles de
fonctionnement.
La conférence regroupe les Chefs d'Etat et de
Gouvernement ou leurs représentants dûment
accrédités. Elle peut discuter de n'importe quelle question
présentant des intérêts communs à tous les Etats
africains. Elle est à la fois organe d'étude, de discussion, de
coordination et d'harmonisation de la politique générale. Elle
examine et entérine les résolutions du conseil des ministres qui
lui est subordonné.
A côté de ces attributions d'ordre
général, la conférence assure les fonctions
intéressant la vie interne de l'OUA. Elle a une fonction d'organisation.
Elle a compétence pour la révision de la charte, pour les
activités et les attributions de tous les organes et de toutes les
institutions spécialisées. Elle a une fonction de création
d'organes subsidiaires. Elle a une fonction d'interprétation des
articles de la charte. Elle a une fonction administrative. Elle élit le
secrétaire général et les secrétaires
généraux adjoints et peut mettre fin à leurs fonctions. A
vrai dire, la conférence est la conscience de l'organisation. Tout acte
de l'organisation qui ne jouirait pas de son approbation ne pourra produire
d'effet à l'égard de ses membres.
b) Le secrétariat général administratif
C'est l'organe permanent et central de l'organisation, donc
un organe essentiel mais subordonné. Son appareil administratif
entretient des ramifications dans d'autres pays mais son siège est
à Addis-Abeba. La direction générale du secrétariat
est assurée par un secrétaire général
administratif. Il est assisté de cinq secrétaires
généraux adjoints qui dirigent chacun un département
composé de divisions, sections, commissions et bureaux.
Les cinq secrétaires généraux
adjoints représentent chacune des cinq régions d'Afrique.
Les cinq départements du secrétariat
général sont :
- le département de l'administration et des
conférences ;
- le département des affaires politiques ;
- le département de la coopération et du
développement économique ;
- le département des finances ;
- le département de l'éducation, de la science,
de la culture et des affaires sociales.
Le secrétaire général est un
fonctionnaire international de même que tout le personnel du
secrétariat général. Il est élu par la
conférence des chefs d'Etat et de gouvernement pour un mandat de quatre
ans renouvelable.
Le secrétariat général est l'organe
d'exécution de l'OUA. Il prépare les réunions, met en
oeuvre les décisions et les résolutions adoptées par les
organes de décision de l'organisation. Il conserve les documents et les
archives de l'OUA. Il dirige et coordonne le travail quotidien. Il est le
dépositaire des Etats membres pour tous les instruments de ratification
passés entre les Etats. Il rédige un rapport annuel des
activités de l'organisation.
L'OUA dispose de bureaux régionaux et
sous-régionaux auprès des Nations Unies, de la ligue des Etats
arabes, des agences spécialisées des Nations Unies à
Genève, de l'Union Européenne et une commission scientifique,
technique et de recherche à Lagos.
Le personnel de l'OUA est actuellement estimé à
411 fonctionnaires. Le secrétaire général et les cinq
secrétaires généraux adjoints ont un poids au sein de
l'organisation du fait qu'ils sont élus et assurent à ce titre
les plus hautes responsabilités administratives de l'organisation.
c) Les institutions spécialisées et techniques
de l'OUA.
-Le mécanisme pour la prévention, la gestion et
le règlement des conflits en Afrique remplace depuis la
29ème session ordinaire de la conférence des Chefs
d'Etat et de gouvernement, la commission de médiation, de conciliation
et d'arbitrage créée en juillet 1964 et dont le protocole est
considéré comme faisant partie intégrante de la charte.
Le nouveau mécanisme fonctionne par
l'intermédiaire d'un organe central dont les décisions sont
exécutées par le secrétariat général de
l'OUA. Cet organe est composé des membres du bureau de la
conférence des chefs d'Etat, un (1 ) président et huit (8)
autres chefs d'Etats.
L'organe central est responsable devant la conférence
des Chefs d'Etat à qui il fait des rapports. Dans son fonctionnement
quotidien, l'organe central se réunit à trois (3)
niveaux :
-Au niveau des chefs d'Etats et de gouvernement, il tient une
seule session annuelle ;
-Au niveau des ministres, il se réunit deux (2) fois
par an ;
-Au niveau des Ambassadeurs accrédités
auprès de l'OUA, il siège une fois par mois.
L'organe central en collaboration avec le secrétariat
général de l'OUA, assure les fonctions suivantes :
-L'anticipation et la prévention des conflits ;
-L'initiation d'action en vue de rétablir la
paix ;
-L'organisation et le déploiement des missions
d'observation ;
-La définition des orientations devant guider le
fonctionnement de l'organisme.
Les moyens de fonctionnement sont fournis par un fonds
spécial ; le fonds de l'OUA pour la paix. L'OUA en est le principal
contributeur et un million de dollars est prélevé automatiquement
annuellement sur le budget de l'organisation. Mais ce fonds reçoit
également des contributions volontaires en espèce ou en nature
des Etats africains ainsi que d'autres secours africains.
D'autres commissions et comités ont été
créés pour coordonner l'action de l'OUA dans différents
domaines. On en dénombre quatre(4) : Trois (3) commissions et un(1)
comité.
- La commission économique et sociale : elle
comprend les ministres de l'économie et des affaires sociales des Etats
membres ;
- La commission de l'éducation, de la science, de la
culture et de la santé qui est composée des ministres ayant
compétence dans ces domaines ;
- La commission du travail résultant de
l'institutionnalisation des ministres du travail de l'OUA.
Et enfin le comité consultatif sur les questions
budgétaires, administratives et financières, composé des
Ambassadeurs et autres représentants des Etats membres. Il est
chargé de préparer les sessions ministérielles sur les
différentes questions suscitées.
3- Le fonctionnement de l'OUA.
a) Le budget
Le fonctionnement de l'OUA est réglementé par
l'article 23 de la charte. Il ne prévoit pas d'autres sources de
financement que les contributions des Etats membres. Le budget est
préparé par le secrétariat général et
approuvé par le conseil des ministres.
La participation de chaque Etat est déterminée
en fonction d'un barème établi. Aucun Etat membre ne peut
contribuer à plus de 10%du budget annuel de l'organisation. Cette mesure
évite l'hégémonie d'un Etat membre qui pourrait se fonder
sur sa participation importante. Le montant du budget annuel
s'élève actuellement à 30 millions de dollars USA. Les
Etats membres de l'OUA s'engagent à s'acquitter de leurs contributions.
L'OUA a créé par ailleurs un certain nombre de
fonds spéciaux :
- le fonds spécial d'assistance d'urgence pour la lutte
contre la famine et la sécheresse en Afrique ;
- le fonds culturel africain ;
- le fonds de l'OUA pour la paix.
b) La prise de décision.
Le conseil des ministres et la conférence des chefs
d'Etats et de gouvernement présentent les mêmes règles de
prise de décision (article 10 et 14). Avec l'application du principe de
un(1) Etat une voix, l'égalité souveraine des Etats trouve tout
son sens. Le quorum est atteint par les 2/3 des Etats membres. Au niveau de la
conférence en matière de vote, il convient de distinguer entre
les décisions portant sur les questions de fond et celles portant sur
les questions de procédure.
Pour les questions de fond, c'est la majorité des 2/3
qui est exigée. Ce sont les questions importantes telles que les
problèmes relatifs aux principes et aux objectifs de l'organisation,
ainsi que les problèmes administratifs et financiers.
Pour les questions de procédure, la majorité
simple est requise. Ce sont les questions concernant l'adoption de l'ordre du
jour ou l'élection d'un président de séance.
Le problème qui se pose consiste à savoir si
l'OUA peut prendre des décisions obligatoires pour les Etats membres.
La charte emploie le terme de décision pour désigner les mesures
de la conférence des chefs d'Etats et celui de résolution pour
celle du conseil des ministres. Le mot « décisions »
ne doit pas pour autant conduire à la déduction qu'elles sont
obligatoires. Car en fait il s'agit d'un abus de langage à partir du
moment où les décisions de la conférence n'ont aucune
force contraignante. Ceci découle des principes de base de l'OUA
à savoir la souveraineté et la coopération.
L'OUA a pour objet de favoriser la coopération entre
les Etats dont elle doit par ailleurs défendre la souveraineté.
Les actes qu'elle prend ne sauraient donc s'opposer avec force obligatoire aux
Etats membres. De même les décisions des organes ne peuvent avoir
une valeur obligatoire. Cependant en matière budgétaire, le
conseil des ministres conserve un pouvoir de décision qui s'impose
théoriquement aux Etats membres.
En outre, il semble que dans les cas d'urgence la pratique se
soit établie sans contestation de voir le conseil des ministres prendre
des décisions exécutoires. Mais on peut dire d'une manière
générale que les décisions de l'OUA ne sont pas
obligatoires.
Examinons à présent les actions qu'elle a
menées.
C . Les Actions de l'OUA
Malgré les énormes difficultés qui ont
parsemé la longue marche de l'OUA, l'organisation a pu se maintenir
comme un bloc fort et uni. Elle a pu mener des actions dans les domaines de la
libération du continent, de la consolidation de l'indépendance et
de la solidarité entre les Etats membres. Par contre dans le domaine
économique les résultats restent mitigés.
1. Domaine politique
L'OUA s'est illustrée de façon très
positive dans le domaine politique par les résultats impressionnants
qu'elle a obtenu dans le cadre de la lutte pour la décolonisation totale
du continent africain. Son soutien diplomatique, politique, moral et même
financier à la lutte de libération a largement contribué
à l'indépendance des ex-colonies portugaises et des territoires
d'Afrique australe (le Zimbabwé et la Namibie).
Après sa création en 1963 avec trente deux (32)
Etats, l'OUA compte aujourd'hui cinquante trois (53) Etats membres dont
l'Afrique du sud multiraciale. Ces succès ont été
remportés par des actions concertées des Etats membres de l'OUA.
Parmi celles-ci on peut citer entre autres :
- la publication en 1969 du manifeste sur l'Afrique australe
ou manifeste de Lusaka.
Il appelle à la mobilisation de tous les Etats membres
de l'OUA contre la politique de discrimination raciale des gouvernements
minoritaires blancs d'Afrique australe et plus particulièrement contre
l'apartheid et la politique raciste d'Afrique du sud.
Dans ce manifeste, les Etats rappellent leur conviction :
« L'égalité entre tous les hommes, droit
inaliénable de chacun à la dignité humaine et au respect
sans distinction de race, de couleur ou de sexe, de religion. Le droit et le
devoir de tous de participer en tant que membres égaux de la
société au gouvernement de leur propre
pays. ».
En même temps qu'ils poursuivent la lutte pour la
libération du continent par des moyens pacifiques, les Etats membres de
l'OUA expriment leur appui à la lutte armée en s'engageant
à la soutenir. C'est ce qu'ils ont exprimé dans la
déclaration de Mogadiscio, en condamnant toute forme de dialogue avec
les régimes minoritaires d'Afrique australe.
L'OUA a également fait face à plusieurs conflits
frontaliers entre ses Etats membres, ainsi qu'à plusieurs guerres
civiles. Mais guidée par le principe cardinal du recours à la
négociation, et à des voies pacifiques pour le règlement
des conflits entre Etats, l'OUA a moins contribué à mettre fin
aux conflits qu'à favoriser la recherche de solutions.
L'OUA a aussi contribué au renforcement de la
souveraineté de chaque Etat. Aujourd'hui aucun d'eux ne peut être
inquiété quant à sa disparition éventuelle par le
fait de son voisin.
2- Domaine économique.
L'OUA a été moins performante dans le domaine
économique. Ses actions au plan du développement
économique du continent ont été très maigres avant
l'adoption du plan d'action de Lagos le 28 avril 1980, par la conférence
des chefs d'Etat et de gouvernement en sa session extraordinaire de cette
année là. Ce plan est une approche régionale de grande
portée qui est essentiellement basée sur l'autosuffisance
collective. Il s'articule autour d'actions à mener en vue de
l'édification d'une économie africaine dynamique et
indépendante tendant vers l'établissement d'un marché
commun africain qui déboucherait sur une communauté
économique africaine.
Le plan d'action de Lagos encourage et préconise la
création de groupements économiques régionaux.
Face à la récession qui a affecté le
monde entier et plus particulièrement l'Afrique dans les années
80, l'OUA s'est attachée à cerner la problématique de la
crise en Afrique. Après avoir constater que le processus de
détérioration de l'économie africaine avait atteint un
niveau intolérable, la conférence des chefs d'Etats décida
à la 21èmesession ordinaire tenue à Addis-Abeba
d'adopter le 20 juillet 1985, le programme prioritaire de redressement
économique de l'Afrique. Ce programme comporte cinq volets :
- Des mesures pour la mise en oeuvre
accélérée du programme d'action de Lagos ;
- Des mesures spécifiques pour l'amélioration de
la situation alimentaire et la réhabilitation de l'agriculture ;
- Des mesures d'allègement du fardeau de la dette
extérieure de l'Afrique ;
- Des mesures pour l'élaboration d'une plate -forme
commune d'action ;
- Des mesures pour lutter contre la politique de
déstabilisation du régime d'apartheid d'Afrique du sud sur
l'économie des Etats d'Afrique australe.
Bien que tardif, le réveil de l'OUA en matière
d'actions pour le développement de l'Afrique a eu la conséquence
d'inculquer aux Etats africains la volonté de mener des actions communes
pour sortir du sous-développement.
3-Domaine culturel et droit de l'homme.
L'OUA a adopté le 5 juillet 1976, la charte culturelle
de l'organisation. elle s'articule autour des objectifs
ci-après :
-Réaffirmer l'identité culturelle des peuples
d'Afrique ;
-Libérer les peuples d'Afrique des contraintes
socioculturelles qui entravent leur développement ;
-Réhabiliter, sauvegarder, restaurer et promouvoir le
patrimoine culturel africain ;
-Garantir à tous le libre accès à la
culture et à l'éducation.
Pour la mise en oeuvre de cette charte, un fonds culturel
africain a été créé par l'OUA.
Au niveau des droits de l'homme, le 10 septembre 1969, les
Etats membres de l'OUA ont adopté la convention de l'OUA sur les
réfugiés, et se sont engagés à accorder aux
réfugiés le droit d'asile, un traitement non discriminatoire, le
rapatriement volontaire et à leur octroyer des titres de voyage.
En juin 1981, l'OUA a adopté la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples. Cette charte est rentrée en vigueur le
21 octobre 1986 après sa ratification. Elle relie le concept de droit de
l'homme à celui des droits de peuplement et des droits des peuples. Elle
stipule que les droits civils et politiques sont indissociables des droits
économiques et socioculturels. La sauvegarde de ces droits est
confiée à la commission africaine des droits de l'homme et des
peuples.
Cette commission est composée de onze (11) membres
élus pour un mandat de six (6) ans renouvelable par la conférence
des chefs d'Etats. La commission est chargée de promouvoir les droits de
l'homme et des peuples, de les protéger et d'interpréter les
dispositions de la charte.
Comme on peut le constater, l'OUA malgré ses faiblesses
a su glaner des lauriers durant ses 38 ans d'existence. Aussi aurait-il
peut-être fallu simplement la restructurer et l'adapter au nouveau
contexte planétaire pour la rendre plus performante. Pourtant,
plutôt que de procéder ainsi, les dirigeants africains ont
créé une autre organisation panafricaine : l'Union
Africaine. Que propose-t-elle ?
CHAPITRE 2 DE L'ETAT DE PROJET A L'ACTE
CONSTITUTIF DE L'UNION AFRICAINE
A- Historique de l'Union Africaine
1-Du sommet d'Alger au sommet de Syrte I
a-Le sommet d'Alger.
Le 35ème sommet de l'OUA qui s'est tenu
à Alger, du 06 au 14 juillet 1999 a été le point de
départ de l'Union Africaine. L'idée a été remise au
devant de l'actualité pour la première fois par le colonel
Mouamar Kadhaffi de la Libye dès, après la
cérémonie d'ouverture du sommet.
En effet, pendant un discours de plus d'une heure, le guide
de la révolution libyenne a plaidé à huis clos,
auprès de la quarantaine de ses pairs présents au sommet d'Alger,
pour la création d'un congrès africain.
Selon Kadhaffi, la charte de l'OUA étant devenue
obsolète dès lors qu'elle sacralise les frontières
héritées du colonialisme, dans cette ère de globalisation,
l'Afrique doit réaliser au plus pressé son unité en
transformant l'OUA en « Etats Unis d'Afrique ». La vision
de Kadhaffi est que « les conflits sont liés aux
frontières héritées du colonialisme ». Par
conséquent l'option d'unité du continent évitera les
guerres en Afrique. Aussi a-t-il demandé et obtenu la tenue à
Syrte d'un sommet extraordinaire de l'OUA pour réviser la charte de
l'organisation, afin de l'adapter aux exigences du nouveau millénaire
que sont la constitution de grands ensembles politiques ou économiques
dans un contexte de mondialisation.
b) Le sommet de Syrte I
Le 4ème sommet extraordinaire de l'histoire
de l'OUA depuis sa création en 1963, appelé désormais
Syrte I devait officiellement, du 07 au 09 septembre 1999 à la demande
de la Libye traiter d'une seule
question : « Comment renforcer la capacité
de l'Afrique à faire face aux défis du nouveau
millénaire ? »3(*).
Mais surprenant tous ses invités, le colonel Kadhaffi,
leur a soumis un projet de création d'une Union Africaine, qui selon lui
constituerait la seule réponse à la question inscrite à
l'ordre du jour.
Après deux jours et deux nuits de débats
intenses autour du projet de Kadhafi, visant à créer une
organisation supranationale, les participants sont convenus dans une
déclaration désormais historique de « Créer
l'Union Africaine et d'accélérer la mise en oeuvre du
traité d'Abuja, qui prévoit l'institution d'un parlement
panafricain, d'une cour de justice, d'une banque centrale africaine, et d'une
union monétaire africaine. »4(*).
Mandat a par ailleurs été donné au
conseil des ministres des affaires étrangères de l'OUA et au
secrétaire général de l'organisation de mettre en
application les décisions et de soumettre un rapport, avec un projet
d'acte constitutif de l'Union Africaine au 36ème sommet de
l'OUA.
2-Le sommet de Lomé.
A Lomé, du 10 au 12 juillet 2000, la déclaration
de Syrtre I a connu un début d'exécution. Elle a cessé
d'être une simple déclaration formelle pour épouser des
formes plus officielles. L'acte constitutif de l'Union Africaine dont les
premiers contours ont été définis à Syrtre I en
Libye, a finalement été approuvé et adopté à
l'unanimité dans la nuit du 11 au 12 juillet 2000, par les chefs d'Etat
et de gouvernement présents au Togo. Vingt-sept(27) d'entre eux signent
le 12 juillet l'acte constitutif, au cours d'une cérémonie
solennelle de signature. Il s'agit notamment de l'Algérie, du
Bénin, du Burkina Faso, du Burundi, du Cap Vert, de la République
Centrafricaine, de Djibouti, de l'Éthiopie, du Gabon, de la Gambie, du
Ghana, de la Guinée Bissau, de la Guinée équatoriale, du
Lesotho, du Libéria, de la Libye, de Madagascar, de Malawi,
du Mali, du Niger, de la RASD, du Sénégal, de la Sierra
Léone ,du soudan, du Tchad et de la Zambie2.
Pourtant à Lomé, l'adoption d'un texte
consensuel n'a pas été facile. La signature de l'acte par 27
Etats dès son approbation ne doit pas occulter pour autant les
réserves qu'avaient exprimées certaines
délégations. Celles du Botswana, du Kenya et du Zimbabwé
se sont dites opposées à une réforme
« précipitée » de l'OUA et surtout à
toute perspective de lui conférer un pouvoir exécutif
supranational. Ils se sont donc gardés de signer l'acte.
L'Afrique du Sud, l'Egypte et le Nigeria, trois poids lourds
du continent se sont opposés farouchement « aux visées
expansionnistes » du dirigeant libyen. Le chef de l'Etat gabonais,
Oumar Bongo a même déclaré à la presse que son pays,
qui assume un leadership politique et économique en Afrique centrale,
n'acceptera de perdre aucun pan de sa souveraineté au profit d'un
quelconque ensemble, dont l'issue est incertaine.
Au total, le sommet de Lomé aura donné naissance
à l'Union Africaine, seulement après moults tractations sur le
contenu de son acte constitutif.
3- le sommet de Syrte II.
Convoqué du 02 au 03 mars 2001 à Syrte, ce
sommet devait constituer un test grandeur nature de la conviction, mais aussi
de l'adhésion personnelle des chefs d'Etats africains au projet d'Union
Africaine. Car le sommet de Syrtre II devait permettre d'aller de l'avant et
d'esquisser les contours plus ou moins définitifs que prendra à
terme l'Union Africaine. Mais comme partout ailleurs dans le monde, le
processus de ratification -examen et approbation- par les instances
législatives nationales, est très lent. Cette situation, ne
permettra malheureusement pas comme l'aurait voulu l'instigateur du projet
d'union, de faire du sommet de Syrtre II « le sommet
constitutif » de l'Union Africaine.
En effet, depuis l'approbation de l'acte constitutif de
l'Union par les Chefs d'Etats à Lomé, le nombre de pays
signataires est passé de 27 à 41, dépassant donc largement
la majorité des 2/3. Mais le nombre des ratifications au 20
Février 2001 n'était que de quatorze (14) et seulement six (6)
pays environs pourraient déposer leurs instruments de ratification au
cours du sommet de Syrte II. Ce qui aurait porté le nombre de
ratifications à environ vingt (20). Or, l'entrée en vigueur de
l'acte telle que stipulée par la charte en son article 28, ne pourra se
faire que « trente (30) jours après le dépôt des
instruments de ratification par les 2/3 des Etats membres de l'OUA »
au secrétariat général de ladite organisation.
Battant le record de participation de chefs d'Etats et de
gouvernement, le dernier sommet extraordinaire de l'OUA à Syrte,
à défaut de consacrer l'entrée en vigueur de l'acte
constitutif de l'Union Africaine a eu quand même le mérite de
donner un coup d'accélérateur à la mise en oeuvre du
traité par la déclaration solennelle de création de
l'Union Africaine. Ce qui a abouti le 21 Mai à son entrée
en vigueur, quelques mois seulement avant le sommet de Lusaka.
B. L'ACTE DE L'UNION AFRICAINE
1. Les objectifs
Les objectifs de l'Union tels que stipulés par l'acte
constitutif en son article3 sont les suivants :
- réaliser une plus grande unité et
solidarité entre les pays africains et entre les peuples
d'Afrique ;
- défendre la souveraineté,
l'intégrité territoriale et l'indépendance de ses Etats
membres ;
- accélérer l'intégration politique et
socio-économique du continent ;
- promouvoir et défendre les positions africaines
communes sur les questions d'intérêts pour le continent et ses
peuples ;
- favoriser la coopération internationale, en tenant
dûment compte de la charte des Nations Unies et de la déclaration
universelle des droits de l'homme ;
- promouvoir la paix, la sécurité et la
stabilité sur le continent ;
- promouvoir les principes et les institutions
démocratiques, la participation populaire et la bonne
gouvernance ;
- promouvoir et protéger les droits de l'homme et des
peuples conformément à la charte africaine des droits de l'homme
et des peuples et aux autres instruments pertinents relatifs aux droits de
l'homme ;
- créer les conditions appropriées permettant au
continent de jouer le rôle qui est le sien dans l'économie
mondiale et dans les négociations internationales ;
- promouvoir le développement durable aux plans
économique, social et culturel, ainsi que l'intégration des
économies africaines ;
- promouvoir la coopération et le développement
dans tous les domaines de l'activité humaine en vue de relever le niveau
de vie des peuples africains ;
- coordonner et harmoniser les politiques entre les
communautés économiques régionales existantes et futures
en vues de la réalisation graduelle des objectifs de l'Union ;
- accélérer le développement du continent
par la promotion de la recherche dans tous les domaines, en particulier en
science et en technologie ;
- oeuvrer de concert avec les partenaires internationaux
pertinents en vue de l'éradication des maladies évitables et de
la promotion de la santé sur le continent.
2. Les principes
L'union Africaine fonctionne conformément aux
principes suivants énoncés dans l'article 4 de l'acte
constitutif :
- Egalité souveraine et indépendance de tous les
Etats membres de l'Union ;
- Respect des frontières existant au moment de
l'accession à l'indépendance ;
- Participation des peuples africains aux activités de
l'Union ;
- Mise en place d'une politique de défense commune pour
le continent africain ;
- Règlement pacifique des conflits entre les Etats
membres de l'Union par les moyens appropriés qui peuvent être
décidés par la conférence de l'Union ;
- Interdiction de recourir ou de menacer de recourir à
l'usage de la force entre les Etats membres de l'Union ;
- Non-ingérence d'un Etat membre dans les affaires
intérieures d'un Etat membre ;
- Le droit de l'Union d'intervenir dans un Etat membre sur
décision de la conférence, dans certaines circonstances graves,
à savoir les crimes de guerres, le génocide et les crimes contre
l'humanité ;
- Coexistence pacifique entre les Etats membres de l'Union et
leur droit de vivre dans la paix et la sécurité ;
- Droit des Etats membres de solliciter l'intervention de
l'Union pour restaurer la paix et la sécurité ;
- Promotion de l'auto-dépendance collective, dans le
cadre de l'Union ;
- Promotion de l'égalité entre les hommes et les
femmes ;
- Respect des principes démocratiques, des droits de
l'homme, de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance ;
- Promotion de la justice sociale pour assurer le
développement économique équilibré ;
- Respect du caractère sacro-saint de la vie humaine et
condamnation et rejet de l'impunité, des assassinats politiques, des
actes de terrorisme et des activités subversives ;
- Condamnation et rejet des changements anticonstitutionnels
de gouvernement.
3- Les organes
Les organes de l'Union sont les suivants :
- la conférence de l'Union
- le conseil exécutif
- le parlement panafricain
- la cour de justice
- la commission
- le comité des représentants permanents
- les comités techniques spécialisés
- le conseil économique, social et culturel
- les institutions financières (article 5)
Toutefois, la conférence peut décider de
créer d'autres organes pour atteindre les objectifs fixés par
l'Union.
Les articles 6 à 21 de l'acte constitutif de l'Union
Africaine donnent la composition, les attributions et le fonctionnement de ces
organes.
a) La conférence de l'Union
La conférence de l'Union est composée des chefs
d'Etat et de gouvernement ou de leurs représentants dûment
accrédités. C'est l'organe suprême de l'Union. La
conférence se réunie au moins une fois par an en session
ordinaire, mais peut également à la demande d'un Etat membre et
sur approbation des deux tiers (2/3) des Etats membres, se réunir en
session extraordinaire. La présidence est assurée pendant un an
par un chef d'Etat et de gouvernement élu, après consultation
entre les Etats membres.
La conférence prend ses décisions par consensus
à défaut, à la majorité des deux tiers (2/3) des
Etats membres. Toutefois, les décisions de procédure, y compris
pour déterminer si une question est de procédure ou non, sont
prises à la majorité simple. Le quorum est constitué des
2/3 des Etats membres de l'Union pour toute session de la conférence.
Les pouvoirs et les attributions de la conférence sont
vastes et consistent à :
- définir les politiques communes de l'Union ;
- recevoir, examiner et prendre des décisions sur les
rapports et les recommandations des autres organes de l'Union et prendre des
décisions à ce sujet ;
- examiner les demandes d'adhésion à
l'Union ;
- adopter le budget de l'Union ;
- créer tout organe de l'Union ;
- assurer le contrôle de la mise en oeuvre des
politiques et décision de l'Union et veiller à leur application
pour tous les Etats membres ;
- donner des directives au conseil exécutif sur la
gestion des conflits, des situations de guerre et autres situations d'urgence
ainsi que sur la restauration de la paix ;
- nommer et mettre fin aux fonctions des juges de la cour de
justice ;
- nommer le président, le ou les vices
présidents et commissaires de la commission et déterminer leurs
fonctions et leurs mandats.
La conférence peut déléguer certains de
ses pouvoirs et attributions à l'un ou l'autre des organes de
l'Union.
b) Le conseil exécutif
Il se compose des ministres des affaires
étrangères ou de tous autres ministres ou autorités
désignées par les gouvernements des Etats membres. Le conseil des
ministres se réuni en session ordinaire au moins deux fois par an, mais
peut aussi se réunir en session extraordinaire à la demande d'un
Etat membre et sous réserve de l'approbation des 2/3 de tous les Etats
membres. Le processus de prise de décision adopté est le
même que celui de la conférence. Il assure la coordination et
décide des politiques dans les domaines d'intérêt commun
pour les Etats membres, notamment dans les domaines suivants :
- commerce extérieur ;
- énergie, industrie et ressources
minérales ;
- alimentation, agriculture, ressources animales,
élevage et forêts ;
- ressources en eau et irrigation ;
- protection de l'environnement, action humanitaire et
réaction et secours en cas de catastrophe ;
- transport et communication ;
- assurances ;
- éducation, culture, santé et mise en valeur
des ressources humaines ;
- science et technologie ;
- nationalité, résidence des ressortissants
étrangers et question d'immigration ;
- sécurité sociale et élaboration de
politique de protection de la mère et de l'enfant, ainsi que de
politiques en faveur des personnes handicapées ;
- institution d'un système de médailles et de
prix africains.
Le conseil peut déléguer tout ou partie de ses
pouvoirs et attributions aux comités techniques
spécialisés. Il est responsable devant la conférence. Il
se réunit pour examiner les questions dont il est saisi et
contrôle la mise en oeuvre des politiques arrêtées par la
conférence.
Deux autres organes renforcent l'action du conseil
exécutif, ce sont les comités techniques
spécialisés et le comité des représentants
permanents.
· Les comités techniques
spécialisés
Ils sont composés des ministres ou des hauts
fonctionnaires chargés des secteurs relevant de leurs domaines
respectifs de compétence. Les comités techniques
spécialisés, sous réserve des directives qui peuvent leur
être données par le conseil exécutif, se réunissent
aussi souvent que nécessaire.
Chacun des comités dans le cadre de sa
compétence a pour mandat de préparer des projets et programmes de
l'Union et les soumettre au conseil exécutif, d'assurer le suivi et
l'évaluation de la mise en oeuvre des décisions prises par les
organes de l'Union, d'assurer la coordination et l'harmonisation des projets et
programmes de l'Union, de présenter des rapports et des recommandations
au conseil exécutif, soit de sa propre initiative, soit à la
demande du conseil exécutif, sur l'exécution des dispositions de
l'acte constitutif ; et de s'acquitter de toute tâche qui pourrait
lui être confiée en application des dispositions dudit acte.
L'acte constitutif a créé sept (7)
comités qui sont :
-le comité chargé des questions
d'économie rurale et agricole ;
-le comité chargé des affaires monétaires
et financières ;
-le comité chargé des questions commerciales,
douanières et d'immigration ;
-le comité chargé de l'industrie, de la science
et de la technologie, de l'énergie, des ressources naturelles et de
l'environnement ;
-le comité chargé des transports, des
communications et du tourisme ;
-le comité chargé de la santé, du travail
et des affaires sociales ;
-le comité chargé de l'éducation, de la
culture et des ressources humaines.
La conférence peut, si elle le juge nécessaire,
restructurer les comités existants ou en créer de nouveaux.
· Le comité des
représentants permanents
L'acte constitutif de l'Union Africaine crée
auprès de l'Union un comité des représentants permanents.
Il est composé des représentants permanents et autres
plénipotentiaires des Etats membres. Il est responsable de la
préparation des travaux du conseil exécutif et agit sur
instruction du conseil. Il peut instituer tout sous-comité ou groupe de
travail qu'il juge nécessaire.
c) Les autres organes
La commission, le parlement panafricain, la cour de justice,
le conseil économique, social et culturel et les institutions
financières, bien que créés par l'acte de l'union n'ont
pas leurs attributions et pouvoirs déterminés in extenso par lui.
L'acte prévoit pour le parlement, la cour de justice, les institutions
financières un protocole qui déterminera leur composition,
pouvoirs, attributions, statuts et organisation. Quant à la commission
et au conseil économique, social et culturel, la conférence se
chargera d'en déterminer la structure et autres aspects
nécessaires à leur bon fonctionnement.
C. L'ACTE DE L'UNION AFRICAINE COMPAREE A LA CHARTE DE
L'OUA
La charte de l'OUA et l'acte constitutif de l'Union Africaine
tel qu'adopté à Lomé le 11 juillet par la
conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA,
présentent à bien des égards de nombreuses ressemblances.
Mais bien que taxé de « OUA bis » par certains
observateurs de la vie des organisations internationales africaines, l'acte
constitutif de l'UA comporte certaines innovations marquantes au niveau des
principes, des objectifs et des organes.
1- Au niveau des organes
L'acte constitutif de l'Union Africaine reprend un certain
nombre d'organes qui présentent des ressemblances notables avec ceux
contenus dans la charte de l'OUA. Il s'agit notamment de la conférence
de l'union, du conseil exécutif, de la commission et des comités
techniques spécialisés.
La conférence des chefs d'Etat et de gouvernement prend
au niveau de l'acte de l'Union Africaine la dénomination de
« conférence de l'union ». Tout en demeurant
l'organe suprême, la conférence voit ses pouvoirs et attributions
plus précises et plus accrues dans l'acte de l'union.
Le conseil des ministres rebaptisé « conseil
exécutif » peut désormais selon l'acte admettre dans sa
composition toutes « autorités
désignées par les gouvernements des Etats
membres ». Par ailleurs, cet organe connaît lui
aussi un accroissement de ses attributions.
Le secrétariat général de l'Union
Africaine est assuré par « une commission » qui a
à sa tête un président, des vices présidents et des
commissaires assistés par le personnel. Le texte de l'Union Africaine
laisse à la conférence la latitude d'en déterminer la
structure, les attributions et le règlement intérieur.
Les comités techniques spécialisés sont
à l'image des commissions spécialisées. L'acte de l'union
en a créé sept(7) ayant chacun un domaine de compétence
bien déterminé. Seule la défense qui au niveau de la
charte de l'OUA relevait d'une commission a été occultée
au niveau des comités techniques spécialisés.
Au titre des innovations on peut noter que l'acte de l'Union
Africaine en plus de n'avoir pas inscrit « la commission de
médiation, de conciliation et d'arbitrage » au sein de ses
organes, a introduit cinq(5) nouvelles structures : le parlement
panafricain, la cour de justice, le comité des représentants
permanents, le conseil économique, social et culturel et des nouvelles
institutions financières.
2- Au niveau des objectifs
L'Union Africaine et l'OUA ont des objectifs identiques du
point de vue de leurs visées panafricanistes : l'union du continent
africain.
Mais ces objectifs comme on peut en faire le constat à
leur examen, ont connu avec l'Union Africaine une certaine évolution due
certainement au défi nouveau du continent.
Ainsi remarque-t-on que l'acte de l'Union Africaine reprend
intégralement quatre(4) des cinq (5) objectifs de l'OUA, à
l'exception de « l'élimination sous toutes ses formes du
colonialisme de l'Afrique ».
En effet, cet objectif qui s'inscrivait dans la logique de la
domination coloniale, répondait à l'époque à un
impératif de lutte pour l'indépendance des Etats africains et
s'accommodait donc bien à ce contexte.
Aujourd'hui alors que l'Afrique est totalement
libérée du joug de la colonisation, il est tout à fait
normal que cet objectif ne figure pas dans l'acte de l'Union Africaine.
L'Union Africaine regroupe ses objectifs en quatorze(14)
grands axes qui tiennent compte des exigences nouvelles dues pour la plupart
aux grandes mutations que le monde a connu. Ces objectifs tout comme ceux de
l'OUA hier, répondent à la soif d'unité du continent
africain et la volonté qu'ont ses peuples de connaître un
mieux-être par le biais d'un développement intégré
du continent.
3- Au niveau des principes
Au niveau des principes, bien d'observateurs de la vie des
organisations internationales africaines pensent que l'Union Africaine n'a pas
beaucoup bougé en affirmant comme la défunte OUA, les principes
« d'égalité souveraine de tous les Etats
membres » « le respect de la
souveraineté » « le
respect des frontières existant au moment de l'accession à
l'indépendance » etc.
Pourtant à bien y faire attention, l'on se rend vite
compte que le texte de l'Union Africaine apporte des innovations de taille en
ce qui concerne les principes de la nouvelle organisation panafricaine. Ces
innovations portent notamment sur « la participation des
peuples africains aux activités de
l'union » ; « la mise en
place d'une politique de défense commune pour le continent
africain » « la condamnation et
le rejet des changements anticonstitutionnels de
gouvernement. ».
Ces principes marquent clairement la volonté des Etats
africains d'aller de l'avant. Ils ne figuraient pas dans les principes
énoncés par la charte de l'OUA.
En somme, l'Union Africaine paraît être une forme
améliorée de l'OUA. Mais à l'analyse l'on se rend compte
que l'acte constitutif de l'Union Africaine est un pas en plus fait par les
gouvernants africains, vers la constitution des Etats Unis d'Afrique. Des
changements notables sont contenus dans les organes, les objectifs et les
principes de l'Union Africaine. Ils détermineront à coup
sûr l'avenir de l'union du continent. A présent examinons de bout
en bout les tenants et les aboutissants de l'Union Africaine. Dans quelles
conditions se réalisera-t-elle ? Quels sont les obstacles à
surmonter ? Les défis à relever ? Au total, quelles
sont les voies à explorer pour atteindre l'Union Africaine et que
peut-on en retirer ? Voici des questions que notre analyse tentera
d'élucider dans les deux parties suivantes de notre travail.
DEUXIEME Partie : Défis et Obstacles de
l'Union Africaine
Au lieu de restaurer les textes de l'OUA, pour la mettre en
phase avec les réalités nouvelles de la planète, les
dirigeants africains ont plutôt posé les jalons d'une nouvelle
organisation panafricaine. La question est alors de savoir ce à quoi
l'ont devrait s'attendre avec cette nouvelle organisation? Quels sont les
défis qu'elle est appelée à relever pour assurer au
continent un développement durable? Et surtout à quoi tiennent
les obstacles qu'elle devra surmonter pour y parvenir?
CHAPITRE I: LES DEFIS D'UNE NOUVELLE ORGANISATION
PANAFRICAINE
A.LE REGLEMENT DES CONFLITS ET LE MAINTIEN DE LA PAIX
Une multitude de conflits armés jonchent le continent
africain. Outre la corne de l'Afrique et la région des grands lacs,
théâtre de plusieurs affrontements armés, l'Ouest du
continent connaît depuis peu une recrudescence des foyers de tensions
auxquels l'Union Africaine devra trouver des solutions dans la perspective de
l'unité du continent. Pour ce faire, elle doit d'abord régler les
conflits existants ou latents, mais ensuite trouver les moyens d'assurer la
paix sur le continent.
1. le règlement des conflits
Les conflits menacent sérieusement le
développement du continent. Aussi l'Union Africaine doit -elle pouvoir
réagir rapidement lorsque des problèmes se posent. Aujourd'hui,
il faut se rendre à l'évidence que rien de durable ne peut se
construire dans une atmosphère d'insécurité. Lorsque les
guerres ne viennent pas détruire tout ce qui s'est construit parfois sur
des décennies, elles empêchent l'évolution et le
progrès. Au Libéria et en Sierra Leone, tout comme en Angola, la
guerre civile a emporté plusieurs milliers d'investissements.
Depuis que la paix est revenue au Libéria en 1997,le
pays n'arrive point à se relever économiquement, de ses sept (7)
années de conflit.
Sur le plan économique, les pays dont les
territoires sont le théâtre de guerres, ont du mal à
retrouver le chemin de la croissance. Car les guerres empêchent toutes
les activités économiques, aggravent l'insécurité
et la famine, entraînent l'inflation et bloquent les exportations. Les
ressources, la plupart du temps sont investies dans l'acquisition de
matériels de guerre.
Ainsi, le développement économique est ralenti
ou annihilé selon l'ampleur des conflits. Rares sont les pays africains
où les ressources naturelles sont aussi abondantes qu'en Angola.
Pourtant sa population continue de vivre dans la misère. Il est donc
urgent, voire capital que les Etats africains oeuvrent de concert au
règlement des conflits en s'attaquant de front aux causes profondes de
ceux-ci. Le cas de l'intervention des soldats de la paix de la CEDEAO en Sierra
Leone, ayant conduit à la conclusion de l'accord de Lomé qui a
mis fin au conflit le 07 juillet 1999, montre bien que les africains peuvent
prendre en main la résolution des conflits qui ont lieu sur le
continent.
L'Afrique doit donc chercher les voies et les moyens
d'éteindre tous les foyers de tensions sur son sol. Cela demeure un
impératif et même un préalable nécessaire au
développement du continent, qui du moins a besoin de stabilité
pour connaître le progrès. Selon Kofi Anan, secrétaire
général de l'ONU, « tant que l'Afrique ne
sera pas venue à bout de ses conflits, les progrès resteront
précaires même dans les pays éloignés du
théâtre des hostilités »5(*).
Cet impératif dégagé, c'est à
la tribune de l'Union Africaine, organisation panafricaine qu'il faudra poser
le problème du règlement des conflits. Cette approche constitue
un héritage légué par la défunte OUA qui
déjà a servi de cadre à la résolution de certains
conflits à travers le continent. Les conflits restés pendants
devront tôt ou tard constituer l'ordre du jour des rencontres au sommet
de l'Union Africaine. Notamment le problème sahraouie, opposant le Maroc
à la RASD2 qui attend d'être définitivement
réglé.
A l'analyse, on s'aperçoit que la question du
règlement des conflits en Afrique constitue un défi majeur
à relever par l'Union Africaine. Elle devrait y parvenir dans la
perspective de l'unité du continent, mais surtout de son
développement intégré. Notons cependant qu'une fois la
préoccupation des conflits réglée, il reviendra à
l'Union Africaine de faire en sorte que soit instaurée sur l'ensemble du
continent une paix durable d'où un autre défi à relever :
celui du maintien de la paix.
2 -Le maintien de la paix
« La stabilité intérieure et la paix
extérieure sont inséparables du développement ».
Il est donc tout à fait normal et légitime que les Africains
recherchent ensemble cet idéal, si tel est que le développement
du continent est leur objectif commun.
L'une des préoccupations majeures de l'Union Africaine
sera donc de maintenir la paix entre les peuples, au sein des Etats, mais aussi
entre les Etats sur l'ensemble du continent.
Comme on peut s'en rendre compte, cette tâche de
maintien de la paix n'est pas sans difficulté. Les nombreuses crises
latentes, l'esprit de revanche et la persistance des comportements
xénophobes rendent cette mission beaucoup plus ardue. Pourtant l'Union
Africaine devra faire de la paix un credo et oeuvrer perpétuellement
à assurer les conditions les plus favorables à son maintien sur
le continent. Car tout compte fait, dans sa mission d'union du continent, la
quête de la paix s'impose à elle comme un défi de premier
ordre.
Pour ce faire, il importe qu'elle se dote de structures
efficaces et fiables pour assurer la prévention de tout conflit de
nature à troubler la stabilité de l'Afrique.
A ce titre, l'expérience de l'OUA à travers le
mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement
des conflits en Afrique devra être améliorée et
consolidée dans son volet « prévention » afin
de permettre l'anticipation sur toute possibilité d'affrontement
ouvert.
L'anticipation et la prévention des conflits doivent se
faire sur la base d'un répertoire systématique de toutes les
zones à risque afin que soit exercé sur celles-ci un suivi
permanent pour régler et aplanir les différends avant qu'ils
n'atteignent des proportions de non-retour.
Le maintien de la paix, suppose par ailleurs l'existence d'une
force qui pourrait intervenir au cas où on en arriverait à une
situation de flagrante violation. Cette force devrait pouvoir intervenir si une
partie passant outre les résolutions dans le sens d'un règlement
pacifique, décide d'utiliser la force des armes. Pareille structure
nécessite d'énormes moyens. Et l'Union Africaine en plus de
songer au comment la constituer, devra inscrire au titre de ses missions, la
recherche des moyens nécessaires à son organisation et à
son entretien.
Aussi, devrait-on remarquer à l'analyse que l'action de
l'OUA en matière de prévention des conflits a été
surtout efficace lorsqu'il s'est agit de différends portés sur
des rivalités personnelles6(*). L'organisation a réussi à les aplanir
par l'usage de la « palabre africaine » un type de
diplomatie propre à la réalité africaine.
Mais dans les cas où les différends ont
portés sur des questions frontalières les succès
remportés par l'OUA sont restés très maigres ; car
l'organisation n'est pas juridiquement équipée pour faire face
à ce genre de dissension qui nécessite un arbitrage beaucoup plus
délicat A titre préventif, l'Union Africaine devra donc se doter
de toutes les capacités qui pourront lui garantir un arbitrage qui
puisse être accepté par tous les Etats du continent, afin que son
intervention en matière de maintien de la paix soit plus crédible
et plus fiable.
B. LE DEVELOPPEMENT DU CONTINENT
Les statistiques indiquent chaque année que le
développement est inégal sur l'ensemble du globe7(*). L'économie des pays dits
développés a abordé en cette fin de siècle un
nouvel épisode d'expansionnisme global qui oblige les pays sous
développés à se rendre à l'évidence de la
nécessité de se réveiller. Les pauvres sont de plus en
plus pauvres et nombreux en Afrique. Cette situation alarmante est fortement
tributaire du ralentissement de la croissance économique du
continent.
Le rapport annuel 1998 de la BAD indique à ce propos
que « les objectifs fondamentaux du développement en
Afrique sont l'accélération de la croissance économique et
la réduction de la pauvreté »8(*). Du coup ces deux aspects du
développement constituent d'autres défis que l'union Africaine
devra s'atteler à amener le continent à relever.
1 L'accélération de la croissance
économique
Les efforts que consent le continent pour assurer
l'accélération de la croissance économique sont
continuellement affectés par un contexte économique mondial
financièrement néfaste. Le taux de croissance mondial a
chuté à 2,2 % en 1998 et celui de l'Afrique à 3,2 % .
La croissance économique de l'Afrique reste
fondamentalement tributaire des performances économiques mondiales et
des évolutions des marchés internationaux de produits de base.
A mesure que les marchés reprennent de la vigueur, la
demande pour des produits tels que les hydrocarbures, les métaux et les
produits agricoles, base des économies africaines, devrait repartir. Et
avec elle, les perspectives économiques de l'Afrique.
Or en l'état actuel de la situation, les
prévisions de la BAD tendent à indiquer qu'à court terme
les prix des produits de base, surtout ceux des produits agricoles resteront
déprimés.
Dans ce contexte, la croissance économique en Afrique
se heurte à plusieurs difficultés notamment l'état de sous
capitalisation dont souffre le continent. Les taux de croissance actuels, selon
le rapport 1998 de la BAD résultant de l'introduction des
réformes économiques et d'une meilleure utilisation du capital,
ne sont pas viables, avec les taux d'investissement actuels.
Si le stock de capital s'était accru au lendemain des
indépendances et ce jusqu'au milieu des années 70, l'accumulation
a marqué le pas dans un certain nombre de pays sur les vingt (20)
dernières années. Elle a même régressé dans
beaucoup d'autres. Ramené au PIB, l'investissement total est
passé en Afrique de 25 % au milieu des années 7O à
quelques 20 % au début des années 90 avec un investissement
privé s'élevant à 15 %.
La faible capitalisation est encore plus prononcée dans
les pays à faible revenu où seulement 17 % du PIB sont
consacrés à l'investissement et où la part du privé
ne dépasse guère les 12 %. Selon ce même rapport, pour
espérer voir se réaliser une croissance durable en Afrique il
faudrait que les taux d'investissement dépassent les 25 % sur le moyen
terme. Or de nombreux facteurs annihilent les efforts dans ce sens. Et l'union
Africaine a un travail colossal à abattre à cet effet.
Les conflits sociétaux et les guerres civiles qui
minent le continent en font une zone d'investissement à risque que
redoutent les investisseurs étrangers. Dans une approche globale,
l'union Africaine doit mener une politique d'incitation à
l'investissement en sécurisant davantage le continent.
Par ailleurs, eu égard à l'interaction qui
existe entre infrastructures et croissance économique, il est
indispensable de susciter la plus large adhésion des communautés
locales, du secteur privé, des pouvoirs publics et des bailleurs de
fonds surtout pour le développement des infrastructures. Car elles
revêtissent une importance certaine dans l'accélération de
la croissance économique parce qu'elles renforcent les capacités
de production de l'agriculture, de l'industrie et des services.
Leur faiblesse sur le continent représente alors l'une
des contraintes majeures du développement.
L'infrastructure en Afrique est caractérisée par
un faible taux de pénétration, des équipements
dépassés et des prestations très médiocres dans
certains secteurs notamment, ceux de l'électricité, de la
téléphonie, de la distribution d'eau, des ports et des
aéroports.
Il est donc important pour la relève de
l'économie africaine que la demande dans tous ces domaines soit
satisfaite.
Des infrastructures neuves ou rénovées, surtout
dans le secteur du transport et les télécommunications peuvent
aider à accroître les investissements et partant la croissance
économique par l'élévation de la production et de la
productivité.
Toutes ces analyses diagnostiquent et posent les conditions de
la croissance économique en Afrique. Elle nécessite pour
être menée à bien que des actions concertées, soient
entreprises car à bien y voir, les problèmes de
développement en Afrique se posent le plus souvent de la même
manière.
2. La lutte contre la pauvreté
La réduction de la pauvreté devra constituer un
objet primordial pour l'Union africaine. Aussi une stratégie efficace de
lutte contre la pauvreté doit-elle être conçue pour contrer
de façon significative l'avancée de ce mal qui aujourd'hui a
atteint des proportions inquiétantes sur le continent.
Sur les 600 millions d'africains recensés en 1998,
près de 475 millions survivaient avec moins de deux (2) dollars par
jour. La pauvreté est très répandue sur le continent,
touchant plus de la moitié de la population tandis qu'environs un
cinquième (1/5) vit dans des conditions d'extrême
pauvreté.
Cette forte prévalence de la pauvreté qui
résulte en partie de l'accumulation d'un déficit
considérable dans les infrastructures de base et sociaux, constitue
l'une des plaies du continent.
Quasiment enlisées dans la pauvreté, les
populations africaines continuent de s'appauvrir. Et les experts affirment que
l'Afrique est le seul continent à vivre un tel phénomène.
Chose plus alarmante, le forum économique mondial (FEM) dans son rapport
2000-2001 sur la compétitivité des pays africains, indique que
« le continent est pris dans un cercle vicieux de népotisme et
de sous développement faisant apparaître peu d'espoir pour
améliorer sa compétitivité et atteindre une croissance
viable ».Or, la « croissance économique rapide selon
Omar Kabbaj, est une condition nécessaire à une lutte efficace
contre la pauvreté » 9(*)
C'est d'ailleurs pourquoi combattre la pauvreté,
constitue l'une des priorités de la BAD et devra préoccuper
davantage les institutions financières (banque centrale africaine -
banque africaine d'investissement - fonds monétaire africain) dont est
dotée l'Union Africaine (article 19).
L'acte constitutif de l'union note clairement dans ces
objectifs cette priorité. L'Union entend « promouvoir la
coopération et le développement dans les domaines de
l'activité humaine en vue de relever le niveau de vie des peuples
africains ».
Cette volonté manifeste d'améliorer les
conditions de vie des populations africaines appelle à
l'élaboration d'une stratégie commune de la part des gouvernants
africains par le biais de l'Union. Elle servirait de cadre d'échange et
d'harmonisation des politiques nationales et/ou sous régionales pour
repousser la pauvreté. Aussi, cette stratégie qui selon les
experts de la BAD, doit reposer « sur l'implication de tous les
acteurs dans le processus de développement » devra-t-elle
s'appuyer sur la pleine participation des communautés locales dans la
conception et la mise en oeuvre des projets et programmes.
Dans ce domaine, l'expérience du groupe de la BAD
pourrait inspirer les nouvelles institutions financières de l'UA.
Afin d'accroître l'efficacité de ses
interventions contre la pauvreté, le groupe de la BAD a entrepris la
programmation de ses actions par pays et l'amélioration de la gestion du
cycle des projets.
Cette approche aurait l'avantage de permettre aux
institutions financières de l'UA de mieux suivre et évaluer
l'impact de leurs interventions. Mais surtout de mieux coordonner les
stratégies de lutte contre la pauvreté, avec les donateurs, les
ONG et la société civile.
Ainsi, une fois les zones les plus atteintes ciblées
avec rigueur et précision, les actions auront une incidence positive sur
la pauvreté.
Reconnaissant en outre, le rôle fondamental que joue
l'agriculture dans les économies africaines et plus
particulièrement dans la réduction de la pauvreté, l'Union
devra veiller à ce que ce domaine d'activité connaisse un essor
particulier. De la performance de l'agriculture dépend la
sécurité alimentaire. Or à maints égards
l'insécurité alimentaire est l'image réfléchie de
l'état général de la pauvreté. Il faut donc
éviter que la famine ou la malnutrition continuent de constituer des
menaces pour les populations qui ont besoin de vivre et de travailler pour
assurer le développement du continent
De même, le développement rural est
impératif, car à l'analyse l'on se rend compte que la
pauvreté en Afrique concerne principalement les campagnes. Un appui
particulier doit donc être accordé aux activités relevant
des domaines de la santé, de l'éducation, des programmes
communautaires de base, du développement de la petite industrie et des
initiatives de micro financement. Car elles améliorent l'horizon
économique et social des pauvres par la création d'emploi et la
génération de revenus.
L'UA doit prendre à bras le corps la question du
développement du continent afin d'en faire désormais une
priorité. Car à n'en point douter, l'heure est au
développement et à l'indépendance économique
après que l'indépendance du continent soit un acquis.
C . LE RÉGLEMENT DE LA QUESTION DE LA DETTE ET LES
GRANDES PANDÉMIES
1. La question de la dette africaine
« L'africain vient au monde avec des factures
à honorer, alors que l'européen naît ayant à la main
des chèques à encaisser »10(*). Cette assertion évoque
éloquemment que le continent africain est endetté. Pendant que
l'occident conforte ses acquis en matière de développement,
l'Afrique est condamnée à supporter le poids de ses dettes. Donc
à demeurer prisonnière d'un cercle vicieux qui consiste à
utiliser perpétuellement ses ressources internes pour le remboursement
de la dette extérieure.
En effet, depuis longtemps, la viabilité de la dette
africaine est l'un des problèmes de développement les plus aigus
auxquels la communauté internationale doit faire face. La plupart des
pays africains ont été confrontés en permanence à
des problèmes d'endettement extérieur insolubles. Le stock de la
dette africaine était en l'an 2000, de 334,3 milliards de dollars, selon
le rapport de la BAD sur le développement en Afrique 2001. Sur ce total,
ce même rapport indique que, les obligations à court terme se
montent à 38,9 milliards de dollars et celles à long terme
à 295,3 milliards de dollars. Cette répartition s'explique par la
prépondérance des prêts publics.
Soixante dix pour cent (70%) de la dette africaine sont dus
à des créanciers publics. Douze pour cent (12%) seulement de la
dette africaine étaient dus à des banques et des institutions
financières et les dix huit pour cent (18%) restant à des
créanciers privés.
Dans de nombreux pays, la valeur actuelle de la dette en
proportions des exportations de biens et services dépasse deux cent pour
cent (200%).
L'endettement extérieur demeure élevé. Il
représente en moyenne soixante pour cent (60%) du PIB de l'Afrique, soit
plus de deux fois le niveau des exportations. Près du quart des recettes
des exportations a été consacré au service de la dette
extérieure.
Par ses effets pervers, la dette paralyse le
développement car elle accentue l'insuffisance des ressources, aggrave
le chômage, détériore les conditions de la femme et de
l'enfant, crée une pénurie de médicaments dans les
hôpitaux, fait augmenter la mortalité infantile, fait
croître le nombre de malade du SIDA et affaiblit le système
éducatif.
Certains pays à faibles revenus risquent de voir leur
endettement s'aggraver sous l'effet de la détérioration des
termes de l'échange et de la perte éventuelle des parts des
marchés pour les produits primaires, du fait de la chute de leurs cours.
Aussi la lourde dépendance des Etats africains vis-à-vis des
sources de financement extérieures, en particulier les prêts
bilatéraux et multilatéraux a plus contribué au gonflement
de la dette extérieure du continent. Notamment dans les années
soixante dix et quatre-vingt.
Pour de nombreux pays de l'Afrique, le fardeau de
l'endettement n'est plus viable. Compte tenu de son ampleur et du niveau
élevé des taux d'intérêt combinés à
des termes de l'échange défavorables, nombre de pays ne peuvent
tout simplement plus honorer le service de leurs dettes sans recourir à
un rééchelonnement.
Notons que pour le cas général, cet endettement
excessif de nombreux pays africains est soit le fait de la structure de leur
économie, soit le fait du mode d'emprunt et d'utilisation des fonds
empruntés.
La production et les échanges, sont organisés
de telle façon que les pays pauvres très endettés ne
cessent d'importer davantage qu'ils n'exportent. Donc d'investir davantage
qu'ils n'épargnent. Ce qui les amènent à emprunter
à l'étranger pour tenter de combler cet écart. Ainsi, la
persistance de cette tendance a conduit à une accumulation de dettes et
à des problèmes de remboursement. Les capitaux empruntés
pour compenser le manque de moyens financiers ayant été soit
détournés à des fins personnelles, soit utilisés
pour financer la consommation, ou encore investis dans des activités qui
n'ont pas pu modifier la configuration des échanges et
générer suffisamment des recettes en devises pour permettre le
remboursement de la dette.
Comme ont le voit pour beaucoup de pays, l'encours de la
dette compromet gravement le redressement économique. Et si aucune
action de gestion active n'est menée à terme pour orienter et
organiser le système de gestion globale de la dette africaine, le
continent ne connaîtra jamais le développement. Car toute
accumulation excessive de la dette risque d'entraver à long terme le
développement du continent par une combinaison complexe d'incidences sur
les données macroéconomiques.
Dans le but de soulager donc l'Afrique du fardeau que
représente son endettement, l'Union Africaine doit encourager et
même susciter, ou encore négocier des initiatives en faveur de
l'annulation de la dette de l'Afrique. Des initiatives de remise de la dette
dans le cadre des pays pauvres très endettés sont en cours depuis
1996. Mais elles doivent être motivées et soutenues par une
coalition de tous les Etats africains qui vivent presque tous la même
situation d'endettement.
Dans un tel contexte, il apparaît nécessaire que
les gouvernements africains oeuvrent de concert pour que soit garanti aux pays
africains un accès plus rapide aux initiatives de réduction et
d'annulation de la dette.
Pareille initiative, bien que possible individuellement,
porterait plus si elle se préparait dans une approche globale par
laquelle les Etats africains exprimeraient à l'unanimité leurs
préoccupations en matière de dette.
La dette dont les efforts d'allègement sont encore
trop lents et trop maigres doit constituer pour les Etats africains un combat
prioritaire. Son annulation permettrait, comme l'a signifié le
représentant démocrate noir américain de l'Etat de
l'Illinois, JESSE JACKSON Junior dans son projet de loi « Hope for
Africa»11(*),
à l'Afrique de rétablir l'équilibre et d'avoir avec les
autres continents un échange plus équitable. Mais surtout
d'éviter la marginalisation dont elle est actuellement l'objet dans les
échanges au plan international. Car comme ont peut s'en rendre compte,
le fardeau de la dette fait de l'Afrique un continent otage de ses
créanciers qui peuvent lui dicter la conduite à tenir selon leur
gré du moment.
D'ailleurs plusieurs arguments exhumés de l'histoire
militent en faveur d'une telle action. Ce sont la traite
négrière, l'exploitation des ressources de tous ordres du
continent par les occidentaux et le soutien apporté par l'Afrique
à ses colonisateurs pendant les deux guerres mondiales.
Pour l'Union Africaine, il s'agira de savoir faire jouer tous
ces arguments afin de plaider en faveur de l'annulation de la dette du
continent.
Au total, on constate que l'endettement représente un
lourd fardeau pour le continent africain. Par conséquent cette question
doit être réglée pour permettre à l'Afrique de
repartir à zéro, mais surtout de souffler.
L'Union Africaine qui vise l'instauration d'un mieux
être chez les populations et le développement du continent tout
entier doit trouver les moyens de bien gérer l'endettement et veiller
à ce que l'Afrique en sorte définitivement.
2 - La lutte contre les grandes
pandémies12(*)
Malade des guerres, l'Afrique l'est aussi du SIDA, du
paludisme et de bien d'autres maladies qui dévastent ses populations et
entravent son développement. L'Afrique est de loin le continent le plus
en retard en matière de santé. Malgré les progrès
enregistrés dans la lutte contre les grandes pandémies pour faire
reculer la mortalité et la morbidité, l'Afrique est toujours
l'otage du VIH/SIDA et de beaucoup d'autres pandémies.
Les répercussions socioéconomiques de
l'épidémie du VIH/SIDA sont de plus en plus inquiétantes.
Selon le rapport sur l'épidémie mondiale de VIH/SIDA,
publié par l'ONU/SIDA en 2000, il y avait dans le monde à la fin
de l'année 2000 environs 36,1 millions de personnes atteintes du
VIH/SIDA. 70%, soit 25,3 millions des personnes atteintes vivaient en Afrique
subsaharienne.
Cette région abrite à elle seule 80% des
enfants atteints par la maladie. Les ¾ des personnes qui en sont mortes
depuis le début de l'épidémie, soit 20 millions au total,
vivaient en Afrique.
Dans la seule année 2000, 3,8 millions de personnes
ont été contaminées par le virus HIV en Afrique
subsaharienne et 2,4 millions de personnes arrivées à un stade
plus avancé de la maladie sont mortes d'affections liées au
HIV.
Les régions les plus touchées sont l'Afrique
australe et l'Afrique de l'Est. Le taux de contamination va de 8% de la
population adulte en Tanzanie à 20% en Afrique du sud et en Zambie, 25%
au Swaziland et au Zimbabwé, et 36% au Botswana.
Dans les régions centrale et occidentale à deux
exceptions près (la République Centrafricaine et la Côte
d'Ivoire, avec des taux respectifs de 13,8% et 10,7%) les taux de
prévalence sont beaucoup plus faibles; puisqu'ils s'échelonnent
entre 1,3% au Niger et 6,4% au Burkina Faso.
En Afrique du Nord les taux de prévalence du VIH sont
très faibles, variant entre 0,2% en Egypte et 0,9% au Soudan.
Ces chiffres ont de terribles implications pour les pays
africains. En touchant les individus à l'âge où ils sont le
plus industrieux et productifs, l'épidémie annihile les
progrès accomplis en matière de formation du capital humain. Elle
entrave l'éducation et limite les possibilités d'accroître
le réservoir de compétences au moment où elles
s'avèrent nécessaires pour la construction de l'Afrique.
Du fait de l'incidence du SIDA sur l'offre de travailleurs
formés, le rapport 2001 de la BAD sur le développement en
Afrique, indique que le Botswana est d'ores et déjà contraint
d'importer de la main d'oeuvre qualifiée.
Par ailleurs, l'indice de développement humain de ce
pays a diminué de 9% au cours des années 90, et ce malgré
l'augmentation de 15% du revenu par habitant.
Le VIH a également exacerbé le problème
des enfants des rues et les conséquences sociales que sont la
mendicité, le vol, la délinquance, la violence, l'alcoolisme, la
toxicomanie, la prostitution et les viols. Toutes choses qui créent un
surplus de charges pour les économies nationales.
Les gains obtenus de haute lutte en matière
d'espérance de vie disparaissent progressivement dans les pays les plus
touchés par la maladie. D'ici l'an 2010, note ce même rapport,
l'espérance de vie dans ces pays ne dépassera pas 30 ans, contre
60 au milieu des années 80.
En somme, le coût total de l'épidémie du
VIH/SIDA est extrêmement lourd pour les Etats africains pris
individuellement. Si l'Afrique ne parvient pas à maîtriser la
propagation de l'épidémie, le continent perdra des travailleurs
qualifiés déjà en faible nombre. Avec pour corollaire un
fléchissement de la croissance économique et de la
productivité. D 'après les estimations de la BAD, le PIB par
habitant dans les zones les plus touchées sera inférieur de 5% en
2010 à ce qui aurait été sans le SIDA.
L'incidence du SIDA sur les activités
économiques risque d'être particulièrement dramatique.
C'est cette alerte qui doit en faire une question essentielle à
régler par les Etats africains à travers la confection et la mise
en oeuvre de programmes efficaces issus des différentes
expériences nationales au plan continental.
Selon toujours ces mêmes estimations, 1,5 milliards de
dollars par an au moins sont nécessaires pour que des programmes de
prévention efficaces et complets puissent être mis en oeuvre
à une échelle beaucoup plus importante sur la seule région
de l'Afrique subsaharienne. Fort de cette exigence, les Etats africains sont
appelés à oeuvrer ensemble pour le financement d'actions
d'envergure continentale en vue d'une lutte efficace contre le VIH/SIDA.
L'Afrique doit également, outre le SIDA, faire front
à plusieurs autres pandémies qui déciment sa population et
minent ses actions de développement.
Le paludisme, loin d'être maîtrisé,
continue de faire des ravages dans les zones tropicales. Selon l'O.M.S, le
paludisme tue plus d'un million de personnes par an. Cette maladie est
restée l'une des causes de mortalité et de morbidité les
plus importantes sur le continent. Les nombreuses tentatives de mise sur pieds
d'un vaccin efficace et les programmes nationaux de lutte contre la maladie ont
besoin d'être coordonnés et suivis simultanément sur
l'ensemble du continent.
La situation précaire des populations africaines les
expose aux épidémies fréquentes de choléra, de
fièvre jaune, etc, qui déciment massivement les populations. Les
franges les plus touchées sont les femmes et les enfants.
L'insuffisance des centres de santé dans les zones
urbaines et leur quasi-absence dans bon nombre de campagnes rendent difficile
l'accès de ces populations aux soins de santé. Toute chose qui
aggrave l'exposition des populations les plus démunies qui ne peuvent
pas avoir accès aux médicaments.
L'Afrique doit aussi faire face au poids des maladies
émergentes et des pathologies réémergentes. La cinquante
troisième assemblée mondiale de la santé, qui s'est tenue
à Genève, du 15 au 20 mai 2000, a même fait état de
la réémergence de foyers de la trypanosomiase humaine africaine,
une maladie spécifique au continent qui nécessite que des actions
énergiques soient menées afin qu'elle ne redevienne un autre
grave problème de santé en Afrique.
En somme, pour le continent, il s'agit d'une exigence absolue
que de rétablir son système de santé afin d'éviter
des déséquilibres.
Dans la recherche des solutions, l'Unité Africaine
devra constituer une plate forme commune qui permettra de saisir toutes les
occasions pour offrir des soins essentiels, accessibles et acceptables pour les
populations africaines, avec leur pleine participation.
CHAPITRE II : LES OBSTACLES A L'UNION DU
CONTINENT
Les pères fondateurs de l'O.U.A ont toujours
rêvé d'unir les Etats du continent africain. Les portes flambeaux
de l'unité du continent eurent certainement raison de songer à un
tel idéal. Mais avant, il aurait fallu que soient parfaitement
maîtrisés les obstacles qui se posent à la
réalisation de l'union des Etats africains. Dans un contexte où
l'indépendance politique est désormais un acquis, quels peuvent
être les obstacles à surmonter par l'union africaine pour
bâtir une unité durable du continent ?
A . LE MANQUE DE VOLONTE POLITIQUE ET LE REFUS
D'ABANDON DES SOUVERAINETES
1- Le manque de volonté politique
Les résultats mitigés, voire décevants
dans le domaine de l'union du continent africain, sont la conséquence
d'une absence réelle de volonté politique.
Plusieurs fois, les sommets de l'Organisation de
l'Unité Africaine ont accouché de très bonnes intentions
qui malheureusement n'ont eu ne serait ce qu'un début
d'exécution. L'exemple récent des résolutions prises dans
le cadre de la communauté économique africaine ( CEA )et qui ont
du mal à être respectées et mises en oeuvre par les Etats
membres, marque bien cette réalité.
Ainsi donc, beaucoup d'élans ont été
freinés parce qu'ils n'ont pas été soutenus jusqu'à
leur aboutissement par les décideurs africains que sont les chefs d'Etat
et de gouvernement.
A peine les sommets achevés que s'estompe brusquement
la prise de conscience subite et euphorique qui a sous-tendu ses
décisions et résolutions.
A ce propos, KAMANDA WA KAMANDA, ex directeur adjoint de
cabinet de Diallo TELLI, puis secrétaire général adjoint
de l'O.U.A, confiait au journal « L'Autre Afrique », ceci : «
lorsque les chefs d'Etats sont ensemble, il y a une certaine prise de
conscience qui revient à la surface, accompagnée d'une certaine
euphorie. Très facilement, ils identifient clairement les
problèmes et les objectifs. Mais ils ne précisent pas toujours
comment il faut réaliser ce qu'ils veulent. Ensuite, ils se
séparent et puis tout le monde oublie. Comme s'ils se livraient à
un rituel sacramentel auquel personne ne peut déroger. »
Il y a donc un problème de volonté politique.
Une volonté de construire ensemble l'unité du continent. Et cette
attitude des chefs d'Etats africains marque à n'en point douter, le
déficit de volonté politique. Car il y a effectivement un
fossé entre une décision prise et la volonté de
l'appliquer aux fins de la faire aboutir.
Les systèmes de gouvernements en Afrique fonctionnent
de telle façon que seul le chef de l'Etat, détenteur de
l'exclusivité du pouvoir, peut imprimer une marque réelle
à une action, en décidant d'y engager et d'y associer les
populations.
Mais malheureusement très peu se sont jusque là
engagés de façon individuelle à créer les
conditions favorables à l'union du continent. En Libye, pays de
l'initiateur du projet, pendant que le projet d'union du continent était
déjà lancé, l'expulsion des étrangers noirs, dans
le courant du mois d'octobre 2000, sans que les autorités libyennes ne
les en empêchent, marque clairement le fossé qui existe entre les
objectifs voulus et la préparation du cadre de leur
réalisation.
Alors que KADHAFFI prône l'unité du continent,
il aurait fallu qu'il se garantisse que des mesures concrètes et
réelles sont prises en Libye pour accompagner sa réalisation
effective.
Au-delà donc des déclarations retentissantes
des chefs d'Etats, rien n'est entrepris pour asseoir déjà au
niveau de chaque Etat une politique propice à l'unité du
continent. Et cela complique davantage sa réalisation, posant ainsi le
manque de volonté politique comme un obstacle sérieux à
l'Union Africaine. Cette réticence observée chez les gouvernants
africains est peut être le fait de la crainte de perdre certains aspects
de leur souveraineté.
2 - Le refus d'abandon des
souverainetés
L'on a encore à l'esprit que c'est la tergiversation
entre l'abandon de souveraineté pour se fondre dans un grand
ensemble ; les Etats unis d'Afrique et l'option de coopération au
sein d'une organisation panafricaine qui a engendré dès le
départ, les débats sur la forme que devrait prendre l'union du
continent.
Pourtant après un consensus, il a été
adopté que l'unité de l'Afrique soit graduelle. Chaque Etat
conservant le droit de jouir pleinement de sa souveraineté nouvellement
acquise au prix de grandes luttes pour la plupart.
Aujourd'hui, alors que l'union des peuples et des Etats
africains est à nouveau à l'ordre du jour, le débat
resurgit.
Peut-on réaliser à l'instar des USA ou encore
de l'U.E l'unité du continent sans que les Etats africains ne consentent
à concéder partie ou même totalité de leur
souveraineté, dans des domaines spécifiques, tels la
défense, les télécommunications, la lutte contre les
grandes pandémies, la diplomatie ou encore certains aspects du pouvoir
politique ? Voici la grande interrogation qui pose le problème de la
souveraineté comme obstacle à la réalisation de
l'unité du continent.
Les gouvernants africains ont un dilemme certain entre
concéder ou ne pas concéder des aspects de la souveraineté
de leurs Etats, pour abandonner des aspects de leur pouvoir à un
exécutif supranational suscité par une union des Etats
africains.
Pendant trois décennies les Etats africains se sont
consolidés et leurs élites veulent s'affirmer comme dirigeants
politiques. Il est donc aujourd'hui plus difficile dans ces conditions de
convaincre les dirigeants d'Etats africains, ayant pour la plupart
accédé à la tête de leurs Etats, bien après
l'indépendance et la création de l'O.U.A, de se défaire
d'une partie de leurs pouvoirs et se fondre dans l'union du continent.
Certaines voix, telles celle du président Omar BONGO,
du Gabon, se sont élevées pour dire tout haut et de façon
claire ce que pensent certainement beaucoup de chefs d'Etats : « le
Gabon ne concédera aucun aspect de sa souveraineté ».
Loin d'être une déclaration bénigne, ces
propos du chef d'Etat gabonais, laissent clairement entrevoir l'obstacle que le
refus d'abandon des souverainetés constitue pour la construction d'une
Afrique unie qui parle d'une seule et même voix.
En effet, si chaque Etat jaloux de son indépendance et
de sa souveraineté entend n'en concéder aucun pan à un
exécutif, ou ne serait-ce qu'à un organe qui agirait pour lui et
en son nom dans des domaines spécifiques, il est évident que le
projet d'union du continent demeurera une chimère utopique.
Ce faisant, les gouvernants ont surtout peur qu'un organe au
nom de sa contenance supranationale ne vienne leur dicter, et cela contre leur
gré, des dispositions ou décisions dites émanantes d'une
majorité.
Cette attitude protectionniste, a de tout temps
constitué une plaie pour les actions visant l'unité de l'Afrique.
Elle a même sans aucun doute participé de façon notable
à rendre inefficace la défunte O.U.A dans certains domaines.
Les différentes déclarations sorties des
nombreux sommets de l'O.U.A n'ont pour la plupart pas produit les effets
escomptés. Elles sont restées en majorité à
l'étape de simples déclarations. Car ni le secrétariat
général, ni aucun autre organe ne pouvait en assurer
l'exécution. Bien entendu, dans une atmosphère où aucun
Etat n'entend se subordonner au nom de sa souveraineté, il ne peut en
être autrement.
Le refus d'abandon de tout ou partie de leur
souveraineté observé par les Etats africains jusque là,
demeure un obstacle majeur à la réalisation de l'union du
continent. Il en est de même pour l'existence sur le continent d'une
multiplicité des monnaies et une diversité de cultures.
B - LES DISPARITES CULTURELLES ET LA MULTIPLICITE
DES MONNAIES
L'Afrique compte plus de cent(100)ethnies et environs
quarante (40) monnaies avec des taux de convertibilité qui
diffèrent d'une monnaie à une autre. Cette réalité,
bien que surmontable, constitue néanmoins un handicap à
l'unité africaine.
1- les disparités culturelles et
linguistiques
Entre l'Afrique de culture arabe et l'Afrique subsaharienne,
il y a d'énormes différences. Entre les peuples d'Afrique de
l'Ouest et ceux de l'Afrique australe, il y a des différences du point
de vue de leurs cultures. Aussi, la division du continent entre francophones,
anglophones et lusophones vient-elle s'ajouter à l'extrême
diversité ethnique de l'Afrique pour en faire l'exemple même d'une
société hétérogène.
Le sage Ahmadou HAMPATE BA disait certes que « c'est
la diversité des couleurs d'un tapis qui font sa
beauté ». Mais il faut avouer que cette façon
de voir ne peut être totalement vraie que si dans la diversité,
les couleurs s'harmonisent et s'accordent. Or, quant on sait l'usage que font
de cette grande diversité du continent, les politiciens et autres
leaders, l'on est en droit de croire que la diversité n'est pas toujours
un atout.
Au lieu de rapprocher davantage les peuples pour faire de
leurs diversités une force et un atout pour le continent les leaders
africains et même les groupes de pression internes comme externes au
continent en font une arme redoutable de combat. Ils font naître de cette
diversité des maux affreux et effroyables tels le racisme, la
xénophobie, le tribalisme etc. Des maux qui constituent une
véritable poudrière en Afrique. Il n'y a qu'à se
référer à la multitude de conflits tirant leurs origines
des différends entre groupes ethniques en Afrique, pour se rendre
à cette évidence.
La mauvaise manipulation de la diversité culturelle et
ethnique de l'Afrique nuit gravement à l'unité du continent, par
la désagrégation des valeurs de solidarité et d'union qui
caractérisent les populations africaines. Les hommes politiques et
religieux ont récupéré la diversité de culture et
d'ethnie à leurs nauséeux avantages. Ils exacerbent la haine
raciale et tribale, et font de la diversité ethnique surtout, une source
de conflits inter-ethniques.
Au Rwanda, ce fut le cas désormais
célèbre des Tutsi et des Hutu qui aura fait plusieurs milliers de
morts.
Il est donc difficile en l'état actuel des choses
d'ignorer que la diversité culturelle et ethnique du continent africain,
constitue plus une poudrière qu'un atout. Il est par conséquent
important d'en tenir compte, surtout que beaucoup de conflits à travers
le continent naissent et sont entretenus par cette diversité.
2 - la multiplicité des monnaies
La monnaie est considérée comme un
élément important de l'identité d'un Etat. L'on a encore
en mémoire le prestige que la monnaie de l'actuelle République
démocratique du Congo, l'ex Zaïre, a eu. Quant on parle de CEDI,
tout de suite, on pense au Ghana. Et quant on fait allusion au CFA, on fait une
projection sur la zone FRANC. Toutes ces réalités,
démontrent à quel point la monnaie est un élément
important qui participe de l'identité d'un Etat donné. Alors, les
Etats africains si attachés aux éléments qui les
caractérisent et les distinguent des autres, voudront-ils se
défaire de leurs monnaies dont ils sont aussi fiers que de leurs
souverainetés ?
Au sein de l'U.E, l'Angleterre n'a pas encore donné
son accord d'adhésion à l'Euro. Ce pays a
préféré pour l'instant du moins, garder l'usage de la
livre sterling pour des raisons qui lui sont propres. Or, il aurait
été plus intéressant que dans le cadre de l'Union, tous
les Etats africains acceptent de faire de l'unité de monnaie un facteur
fort de l'intégration comme c'est le cas dans les quarante (40) Etats
des USA. Ils utilisent tous le dollar américain comme monnaie.
Le fait même que l'Angleterre n'ait pas
adhéré à l'Euro, ne l'exclut-il pas de l'U.E ? Puisque,
l'usage de la monnaie unique, symbole par ailleurs d'unité et
d'appartenance à une même structure, une même entité,
fait ici défaut.
Au niveau de l'U.E.M.O.A, la difficulté existe.
Comment réaliser, dans le cadre de l'intégration régionale
Ouest africaine, une vaste zone monétaire avec une seule et unique
monnaie ?
Notons à ce propos que bien des projets sont en cours
; notamment, celui qui vise l'harmonisation des politiques économiques
et financières des Etats membres. Ce projet devrait conduire à la
création, en 2004, d'une zone monétaire unique. Mais les
difficultés liées aux critères primaires pour parvenir
à un taux d'inflation de 5% en 2003, et la limitation du déficit
budgétaire à 10% des recettes fiscales de l'année
précédente, auxquels sont astreints les Etats, ralentissent et
rendent incertain ce projet, pourtant nécessaire à
l'effectivité de l'intégration sous régionale.
Cet état de fait traduit bien la difficulté que
représente la création d'une zone monétaire unique en
Afrique et partant, l'obstacle que constituera la multiplicité des
monnaies dans le processus de réalisation de l'Union Africaine.
C - L'INEGALITE DANS LE DEVELOPPEMENT ET LA
PERMANENCE DES CONFLITS
1 - l'inégalité dans le
développement
L'Afrique connaît un niveau de développement
très déséquilibré. D'une région à une
autre, d'un Etat à un autre, les indicateurs de la croissance
diffèrent. Les pays du Nord, notamment ceux du Maghreb ( Maroc -
Algérie - Libye - Egypte - Tunisie ), l'Afrique du sud et le Nigeria,
font office de locomotives du continent. Ces Etats, on peut l'affirmer,
connaissent chacun un niveau de développement largement supérieur
au niveau moyen du continent.
A coté d'eux, il y a ceux qui se maintiennent
économiquement. Et enfin, au bas de l'échelle, les pays dont les
multiples efforts de développement n'ont pas encore réussi
à les faire émerger.
L'Afrique présente donc au plan de son
développement des disparités qui ont contribué
progressivement à établir une différence entre les
Etats.
Les Etats relativement développés, forts de
leurs acquis en matière de développement, présentent une
réticence quant au projet d'union du continent. Leur adhésion au
projet de KADHAFFI, a été arrachée après plusieurs
compromis et arrangements du projet initial.
Si pour les Etats en difficultés, l'union du continent
constitue une issue heureuse, il n'en est pas toujours de même pour les
autres. Alors que les uns espèrent tirer profits des retombées
d'une intégration des économies africaines, les autres craignent
d'en supporter tout seuls le poids.
En effet, il est évident que compte tenu de
l'inégal niveau de développement observé chez la
Côte d'Ivoire et ses voisins, une libéralisation tous azimut des
échanges dans le cadre de l'intégration pèsera
entièrement sur la Côte d'Ivoire qui connaît un relatif
développement de ses infrastructures et de ses moyens de production.
Le flux des étrangers augmentera encore plus. Alors
que le taux officiel d'étrangers est déjà estimé
à environ 26% en Côte d'Ivoire.
Les Etats relativement plus développés
craignent donc une invasion de leurs territoires par des populations
attirées par leur essor économique. Ils sont par
conséquent moins favorables à l'intégration.
Or, si seulement quelques pôles attirent par leur
succès économique, les efforts de croissance dans ceux-ci, seront
à la longue annihilés et leur développement compromis par
l'asphyxie de leurs économies.
Forts donc de tous ces risques, les Etats relativement
développés en Afrique, entretiennent une certaine méfiance
vis à vis du projet d'union. Ils luttent pour maintenir leur ascendance,
tandis que les moins nantis cherchent désespérément
à s'appuyer sur l'essor économique des premiers. Seulement, les
plus développés, accepteront-ils de prendre le risque et
contribuer gracieusement au développement de leurs pairs en
difficultés et à la traîne ?
2 - la permanence des conflits
La permanence des conflits et leur prolifération
compromettent sérieusement la vocation à s'unir du continent
africain.
De la corne de l'Afrique en passant par le centre jusqu'au
sud, des foyers de tensions existent et constituent des freins à
l'unité de l'Afrique.
En fait, l'existence de ces conflits dénote d'un
malaise certain. Et même quand ils ont été
réglés, il y a toujours des risques de résurgence dus
à des rancoeurs ou à l'esprit de vengeance.
Les conflits entre Etats en Afrique, tirent
généralement leurs origines dans des problèmes de
sécession comme c'est le cas au Sénégal avec le
problème casamançais, ou encore des problèmes de
frontières.
Héritées de la colonisation, les
frontières sont restées en général stables. Mais
des conflits surgissent à leur propos lorsqu'il est question de
contrôler des portions de terres représentant un avantage
économique ou stratégique pour les Etats en conflit. Ce fut le
cas de la bande d'Aouzou qui opposa le Tchad à la Libye, pour le
contrôle de son sous-sol riche en pétrole.
Le Maroc, s'est retirée de l'O.U.A à cause de
l'entrée de la RASD ( République Arabe Sahraouie ), au sein de
l'organisation. Le conflit qui oppose ces deux Etats est donc latent et n'est
point encore résolu.
Mais, peut-on appeler des peuples ou des Etats à
mettre en commun leurs objectifs et leurs politiques s'ils ne s'entendent pas ?
Assurément pas avant d'avoir aplani les différends qui les
opposent. Sinon, la collaboration entre ces Etats sera difficile, voire
impossible. Et même si elle était possible, elle ne serait pas
franche. Elle sera empreinte d'hypocrisie et de suspicion. Ce qui pourrait
à la longue couver et exploser, entraînant l'implosion de l'Union
par l'absence de collaboration franche et des blocages
répétés dans la prise de décisions et leur
application.
Les conflits, de quelques nature qu'ils soient, nuisent
gravement aux efforts d'union du continent. En ce sens qu'ils divisent les
populations et exacerbent en leur sein les sentiments de haine et de revanche.
Toutes choses qui ne favorisent pas un climat d'entente et d'union,
nécessaires au développement solidaire auquel veulent aboutir les
Etats africains.
Depuis le 21 Mai 2001, l'acte de l'Union Africaine a obtenu
le quota de 2/3 des ratifications, nécessaires à son
entrée en vigueur. Il devient donc une réalité pour le
continent tout entier.
Dans cette troisième et dernière étape
de notre étude, nous tenterons de dégager les avantages à
tirer de l'union du continent. Mais nous essayerons également à
travers une analyse, de dégager les voies qui mèneront à
l'union totale et durable du continent africain.
CHAPITRE I : LES POSSIBLES RETOMBEES DE L'UNION
DE
L'AFRIQUE
Avec l'entrée en vigueur de l'Union Africaine,
l'Afrique s'est résolument tournée vers la réalisation de
son unité. Dès cet instant, les avantages que peuvent induire
l'union du continent, si jamais elle était effective, deviennent
très intéressants à analyser. Ceci afin de donner en
perspectives quelques effets positifs que l'unité de l'Afrique pourra
engranger dans les domaines politique, diplomatique, économique et
socioculturel.
A - DOMAINE POLITIQUE ET DIPLOMATIQUE
1-Le renforcement du pouvoir de négociation
de
l'Afrique
Longtemps marginalisés dans les relations
internationales, les Etats africains pris individuellement ont du mal à
s'affirmer dans le concert des nations. La place qui leur est dévolue
est souvent celle de simples membres dont les aspirations et les
préoccupations émeuvent très peu la communauté
internationale. L'Afrique, malgré ses 53 Etats, représente
très peu dans les décisions qui concernent l'ensemble de la
planète. Pour preuve, les grandes rencontres dans le cadre de la
mondialisation, pourtant nouvelle donne essentielle de l'avenir de
l'humanité, se tiennent sans que l'Afrique n'ait véritablement
une place dans les débats.
Le continent tout entier n'a aucun représentant au
sein du conseil de sécurité de l'ONU. Son avis ne peut donc
modifier de façon significative les décisions de cette structure
des nations unies.
Losqu'un Etat pris isolement entreprend de négocier
avec l'occident, bien rarement seulement sa voix porte, pour que lui soit
octroyé un quelconque soutien. Et cela, souvent après avoir
essuyé plusieurs humiliations et frustrations.
Pourtant, l'offensive diplomatique menée par les
présidents OBASSANDJO, BOUTEFLIKA, KONARE, WADE, et M'BEKI dans le cadre
d'un plaidoyer pour l'annulation de la dette de l'Afrique et la mise en oeuvre
d'un plan consolidé pour l'Afrique au cours du sommet du G8 à
Gènes en Italie du 20 au 21 Juillet 2001, semble avoir été
plus porteur. Car elle a suscité la mise en place du « plan de
Gènes pour l'Afrique ».
Ce plan tentera de se pencher sur les problèmes de
conflits sur le continent. Mais aussi d'analyser les actions à mener
pour aider l'Afrique à mieux affronter le SIDA, la corruption et bien
d'autres maux, par une mobilisation des investissements privés.
L'unité du continent aura donc pour conséquence
de donner à l'Afrique de la contenance tant au plan diplomatique que
politique.
Ainsi, par une combinaison de processus liés à
la mise en commun des atouts que représentent la démographie, la
géographie, l'économie, la culture et l'histoire du continent,
les leaders africains pourront mesurer dignement l'Afrique aux autres
continents dans les débats internationaux.
L'Afrique constituera par le biais de son unité
politique et diplomatique un interlocuteur sérieux face aux autres
regroupements à travers le monde.
Dans les domaines de la lutte contre les grandes
pandémies et même des efforts de réduction ou d'annulation
de la dette africaine, seule l'option pour une action groupée et
concertée dans le cadre de l'Union pourra faire plier l'échine
aux créanciers du continent.
La négociation, on le sait est un jeu à somme
nulle dans lequel les parties en présence ne font des concessions qu'en
contrepartie de concessions à peu près équivalentes. Or
dans son état actuel de morcellement, le continent africain n'a pas
grande chose à proposer.
Il suffira par exemple que l'Afrique unie, présente
à ses interlocuteurs la possibilité de leur offrir un vaste
marché homogène d'environs 778 millions de personnes pour que les
enchères montent. Les estimations du FNUAP prévoient d'ailleurs
pour 2025, une population d'environs 1.453,9 milliards d'habitants13(*). On peut donc aisément
imaginer le poids économique d'un tel continent uni au plan des
échanges économiques.
Dans le cadre des négociations portants sur les prix
des matières premières d'origine africaine, le continent
sortirait plus grandi et plus digne.
Le poids d'une Afrique unie et solidaire qui parle d'une
seule et même voix est indéniable. Elle pourrait donner son point
de vue et influer considérablement sur le cours des échanges au
plan international.
2 - La sécurité du
continent
Alors que les USA constituent la première puissance
militaire et que l'U.E recherche la forme appropriée pour la
constitution d'une armée supranationale,14(*) l'Afrique doit songer à sortir de sa
léthargie et leur emboîter le pas.
Il est de notoriété que la possession d'une
armée forte et bien équipée contribue à asseoir une
relative sécurité. Soit par la dissuasion, soit par des
interventions efficaces pour repousser ou anéantir l'ennemi.
Ainsi, dans le grand jeu d'intérêt que
représentent les relations internationales, il est nécessaire
pour chaque entité de posséder une force militaire capable
d'assurer la sécurité sur son territoire et de défendre sa
souveraineté et son intégrité territoriale.
Mais malheureusement, bien peu d'Etats africains pris
isolément peuvent prétendre à une force militaire
conséquemment fournie et équipée pour la défense
totale de son intégrité.
La sécurité, surtout l'équipement des
forces militaires nécessite de gros investissements qui ne sont pas
toujours à la portée des Etats du continent, pour la plupart sous
développés.
Or c'est aujourd'hui une impérieuse
nécessité que de prévenir toute velléité
expansionniste ou d'annexion pouvant provenir de quelque structure que ce soi.
L'Union apparaît alors comme la solution de sécurité des
Etats du continent.
Une fois les Etats regroupés au sein de l'Union, la
prérogative de défense pourrait désormais échoir
à cette entité supranationale qui se chargera d'intervenir chaque
fois qu'une portion du continent viendrait à être menacée.
Et cela par une mobilisation de tout ce que peut comporter le continent comme
potentiel militaire.
L'Afrique pourra de ce fait se doter d'une armée
performante qui financée par les contributions de ses Etats sera
à mesure de rivaliser de performance et de puissance avec celles des
autres nations ou grands ensembles de la planète.
D'ailleurs, l'acte constitutif de l'Union Africaine pose
implicitement les bases de la nécessaire constitution d'une telle
armée qui aura des compétences supranationales. Elle aura pour
mission de « défendre la souveraineté,
l'intégrité territoriale et
l'indépendance de ses Etats membres » par la
« mise en place d'une politique de
défense commune pour le continent africain » .
En effet, si l'acte constitutif réserve
« le droit à l'Union d'intervenir dans un
Etat membre sur décision de la conférence
» et donne par ailleurs « droit aux Etats
membres de solliciter son intervention pour restaurer la paix et
la sécurité», c'est
que de façon implicite il autorise et prévoit la constitution
d'une puissante structure militaire pour assurer la sécurité du
continent africain.
B - DOMAINE ECONOMIQUE
1 - L'indépendance économique de
l'Afrique
Quatre décennies après son accession à
l'indépendance politique, l'Afrique est à la recherche d'une
indépendance économique.
Face à la globalisation et à la création
de vastes espaces économiques unifiés, le continent n'a d'autres
alternatives que l'union.
En effet, si le Sénégal ou la Côte
d'Ivoire sont mis individuellement en face de l'U.E, des USA ou des pays
riverains du pacifique, cela n'aura aucun sens. L'époque des petites
économies nationales fermées étant révolue, l'union
de l'Afrique devrait permettre au continent de se constituer en un vaste
marché.
Les Etats africains dans leur configuration actuelle ne
peuvent suivre le courant de la mondialisation. Avec 10 millions d'habitants
pour les uns, moins de 5 millions pour les autres et même 2 millions pour
d'autres encore, ils n'ont pas assez de force pour s'imposer dans un monde
difficile dans lequel la concurrence est devenue impitoyable.
Le Sénégal par exemple, selon des propos de son
président WADE, produit seulement pour environs un marché de
300.000 consommateurs. Alors que des multinationales produisent pour environs
300 millions de consommateurs.
Que pourraient alors ces petits Etats en face de pareils
géants qui bien souvent leur imposent leur diktat et les obligent
à faire leur volonté ?
L'ingérence des multinationales et de l'occident,
nouvelle forme de colonisation se présente comme une véritable
menace pour l'Afrique ; et appelle le continent à l'unité.
L'Afrique peut contrer les velléités de ces
groupes en réalisant au plus vite son unité. Et s'assurer d'une
indépendance économique vis à vis d'eux.
A la question de savoir, quel serait le problème
économique qu'aurait à résoudre un Etat africain puissant
qui s'étendrait sur la totalité du continent ?
CHEIKH ANTA DIOP répond que « pareil
Etat, aurait simplement à vendre sur le marché international ses
produits en excédent et à y acheter ce dont-il manque le plus,
tout en évitant de subir la pression d'un monstre économique
quelconque »15(*).
Considérant en effet, le degré de puissance
qu'atteindrait un tel Etat, il ne dépendrait économiquement des
autres qu'autant que ces derniers dépendraient de lui. Il s'instaurera
plutôt entre l'Afrique et les autres, des relations d'égal
à égal, sous le sceau de l'interdépendance.
L'Afrique unie évitera ainsi de dépendre des
autres plus qu'ils ne dépendent d'elle, car il s'en suivrait
automatiquement des liens multilatéraux de colonisation et
d'exploitation.
L'exploitation rationnelle et planifiée des nombreuses
ressources minières, agricoles, touristiques du continent dans le cadre
de l'Union participerait davantage à affranchir l'Afrique de sa
dépendance économique.
2 - Le développement et la modernisation des
infrastructures
L'infrastructure en Afrique est caractérisée
par un faible taux de pénétration, des équipements
dépassés et des prestations très médiocres dans
certains secteurs.
Le rapport 1998 de la BAD, sur le développement en
Afrique, indique qu'en 1996, le nombre de lignes téléphoniques
pour 100 habitants était en moyenne de 1,8 en Afrique contre 30,4 pour
le continent américain, 6,0 en Asie, 30,6 en Europe et 40,4 en
Océanie. La moyenne des défaillances était de 78,1 pour
100 lignes téléphoniques principales contre 8,9 pour le continent
américain, 19,9 pour l'Europe, 43,7 pour l'Asie et 47,8 pour
l'Océanie.
Dans le secteur de l'électricité, les
réseaux de production, de transport et de distribution sont
généralement vétustes et inefficaces. Ce qui provoque
d'importantes pertes d'énergie.
La distribution d'eau et son traitement laissent
également à désirer sur le continent. En 1995, environs
60% de la population urbaine et 40% de la population rurale avaient
accès à une eau saine, tandis que seulement 36,6% de la
population avaient accès aux services d'assainissement, contre 51% en
Asie du sud est, 64,1% en Amérique latine et 96,7% dans les pays de
l'Organisation de Coopération et de Développement Economique
(OCDE).
En 1996, le réseau routier n'était
bitumé qu'à 24,2%. La densité routière au km²
est nettement plus faible qu'en Asie et en Amérique latine.
Les économies africaines ont donc à satisfaire
la demande pour les services d'infrastructures, notamment dans les domaines de
l'électricité, de l'eau, des transports, des
télécommunications, des ports et des aéroports pour
espérer se mesurer aux autres économies au plan mondial.
Mais les grandes infrastructures de développement
nécessitent des investissements énormes qui dépassent
souvent la capacité des budgets nationaux. Leur développement ou
la réhabilitation de celles existantes nécessite de ce fait une
certaine forme de partenariat entre les Etats. Et n'est par conséquent
réalisable que dans le cadre d'une coopération qui associe les
moyens et les potentialités des Etats africains.
Dans le cadre de l'Union, il sera par exemple possible que
des accords basés sur le principe de «
l'interdépendance des Etats
» puissent être encouragés afin que
des infrastructures communes aux Etats du continent voient le jour.
Exploitant par exemple les énormes
potentialités qu'offrent les grands fleuves du continent, l'Afrique
pourrait se doter de grands barrages dont la puissance et la performance
permettraient de couvrir le déficit en électricité.
Les cadres africains pourraient travailler de concert à
la performance des réseaux de télécommunication avec un
financement fourni par les Etats membres de l'Union. Il en serait de même
pour les routes, les ports et aéroports qui une fois
réhabilités serviraient de poumon à l'économie
africaine.
En somme, le développement des infrastructures qui
participent au renforcement des capacités de production de
l'agriculture, de l'industrie et des services est possible dans le cadre de
l'Union Africaine.
C - DOMAINE SOCIO-CULTUREL
1 - Le renforcement de la coopération
interafricaine
Quelles que soient les carences qui ont marqué ses
trente huit années d'existence, l'O.U.A. a eu le mérite d'avoir
été la seule organisation continentale qui a servi de cadre de
dialogue aux Etats africains. L'U.A sans aucun doute continuera cette oeuvre et
si possible renforcera davantage les liens entre les Etats africains.
L'acte constitutif pose d'ailleurs cette préoccupation
comme étant le premier des objectifs à réaliser par
l'Union. Elle entend «réaliser une plus grande
unité et solidarité entre les pays africains et entre les peuples
d'Afrique».
Condamnés à travers l'Union à
réaliser des objectifs communs, les Etats africains devront oeuvrer
chacun à renforcer les liens « amicaux et fraternels » qui
existent entre eux. La concertation et l'harmonisation des politiques dans le
cadre de la coopération interafricaine serviront de ferment au
renforcement de la fraternité entre les Etats du continent.
Quand on sait les aspirations désormais communes
à tous les pays du continent à sortir du sous
développement par une meilleure prédisposition à affronter
les défis du nouveau millénaire, l'on est en droit de penser que
les actions communes et concertées prendront le pas sur l'isolement et
l'autarcie pour parer aux maux de l'Afrique.
L'union du continent rapprochera donc davantage les peuples
africains et participera à faire tomber les frontières
psychologiques et les barrières linguistiques et économiques pour
fondre les peuples africains et leurs Etats dans un même moule.
Appartenant désormais à une même entité, les Etats
favoriseraient encore plus les échanges dans tous les domaines et
participeront ainsi au renforcement de la coopération interafricaine.
2 - La promotion de la démocratie et le
respect des
principes des droits de l'homme
Les objectifs et principes de l'U.A marquent nettement la
volonté manifeste des Etats africains de promouvoir un cadre
démocratique favorable au respect des principes des droits de l'homme au
niveau du continent.
Les Etats africains entendent « promouvoir
les principes et les institutions démocratiques »
mais aussi, « promouvoir et protéger les droits de
l'homme et des peuples ».
Ces différentes aspirations inscrites dans l'acte, se
présentent comme un idéal à atteindre. Car les
règles démocratiques sont très peu appliquées en
Afrique. Pour preuve, le continent a connu de 1960 à 1999, 101
renversements de pouvoir. Soit à la suite d'un coup d'Etat, soit
à la suite d'une guerre ou d'une invasion. Beaucoup de régimes
dits démocratiques ne sont en réalité que des dictatures.
Les chefs d'Etats font tout pour se maintenir au pouvoir le plus longtemps
possible. Le rapport de la BAD sur le développement en Afrique 2001,
indique à ce propos que « les dirigeants africains sont connus
pour se maintenir longtemps au pouvoir ». De ce fait, ils ne
favorisent pas l'alternance qui est un principe propre à la
démocratie.
Aussi, certains Etats se déclarent-ils respectueux des
principes des droits de l'homme, alors que la réalité
rapportée et dénoncée par les mouvements des droits de
l'homme prouvent tout le contraire.
Pour l'Afrique l'heure est au réveil. Le temps est
venu d'abandonner toutes les pratiques qui peuvent compromettre le
développement du continent et nuire à sa croissance
économique.
En effet, en affirmant le «respect du
caractère sacro saint de la vie humaine et la condamnation et le rejet
de l'impunité, des assassinats politiques, des actes
de terrorisme et des activités subversives
», mais aussi « la condamnation et le
rejet des changements anticonstitutionnels de
gouvernements », l'acte de l'Union Africaine engage de facto
les Etats membres à se conformer à un certain code de conduite
qui exige d'eux le respect des droits de l'homme et les principes
démocratiques.
C'est un engagement des Etats africains à rompre avec
les modes dégradants de prise de pouvoir que sont les coups d'Etats et
les fraudes électorales, pour nouer définitivement avec la
démocratie.
L'avantage de l'affirmation de ces principes, dans le cadre
de l'Union Africaine réside dans le fait que l'Union en tant que
structure supranationale pourra désormais veiller à l'application
des règles démocratiques au niveau de chaque Etat membre et
garantir par ailleurs le respect des principes des droits de l'homme.
L'impunité dont bénéficiaient ces
pratiques dans les Etats disparaîtra par la même occasion, puisque
désormais tout Etat ne s'étant pas conformé à ces
principes, pourrait être exclu de l'Union conformément à
l'article 30 de l'acte qui stipule que « les gouvernements qui
accèdent au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels ne sont pas
admis à participer aux activités de l'Union ».
Cette garantie participera à coup sûr à la promotion de la
démocratie en Afrique. Mais par quels moyens l'Afrique construira-t-elle
une union durable et solide ?
CHAPITRE II : LES VOIES DE REALISATION D'UNE UNION
SOLIDE ET DURABLE DE L'AFRIQUE
De nombreuses voies existent pour amener le continent
à l'union de ses Etats. Mais très peu nombreuses
évidemment sont celles qui parviendront à assurer à
l'Afrique une union totale et durable en la préservant de l'implosion et
même d'une explosion.
Dans cette dernière structure de notre étude,
nous évoquerons quelques sentiers à explorer pour conduire
l'Afrique à réussir son union. Ces propositions porteront sur des
généralités et concerneront les dispositions à
prendre au niveau des Etats, au niveau des peuples, mais aussi au niveau de
l'Union à travers son acte constitutif.
A - L'ENGAGEMENT DES ETATS ET L'IMPLICATION DES PEUPLES
AFRICAINS A L'IDEAL D'UNITE
1 - L'engagement des Etats
L'enthousiasme pour l'intégration africaine
manifesté par la classe dirigeante africaine et son « oui »
officiel au projet d'union de KADHAFFI, sont certes une note positive à
l'élan d'unité du continent. Mais il faut compter que les
commentaires et les réserves qui ont accompagné l'adoption du
projet à Lomé, notamment ceux des présidents gabonais et
sud africain, ainsi que le compromis même que représente la forme
finale de l'acte, mettent en doute la sincérité de l'engagement
des Etats africains à soutenir et accompagner l'Union.
Car, il est en effet probable que certains Etats auraient pu
être motivés par «les exigences du politiquement
correct » qui leur évite de se faire remarquer comme des
rameurs à contre courant ou encore des pessimistes. D'ailleurs, le
soutient inconditionné de certains Etats dont on soutient les
arriérés de cotisations avoir été payés par
le président libyen pour obtenir leur adhésion au projet d'union,
dénote d'un engagement intéressé de ceux-ci.
Pour ce qui concerne ces Etats, il est véritablement
difficile de dégager les motivations réelles qui les ont
engagés à la signature et à la ratification de l'acte
constitutif.
Or dans la construction des Etats unis d'Afrique,
l'engagement libre et franc de chaque Etat serait une condition
nécessaire et même absolue à la réussite de cette
entreprise.
Il est donc important que dans cette perspective, les Etats
agissent et se décident par eux même avec conviction. Dans le cas
contraire l'Union serait minée et compromise à la longue par des
attitudes de réticences de nature à désharmoniser les
actions collectives.
Aussi, faudrait-il que chaque Etat s'engage à offrir
les moyens de la réalisation de l'intégration africaine, en
créant les conditions et en offrant un cadre propice à cet
effet.
Au-delà des simples actes de signature et de
ratification qui engagent certes les Etats pris individuellement à
oeuvrer pour l'unité du continent, chaque pays doit accepter de
s'engager totalement en mettant à la disposition du continent, ses
hommes, son territoire et ses ressources. Toute chose qui exige franchise et
dévouement à l'idéal d'unité de la part de chaque
Etat membre de l'Union.
2 - L'implication des populations
Les projets exogènes concernant le
développement du continent ont essuyé des échecs dans leur
phase d'application sur le terrain. Et ce, parce qu'ils ont été
conçus sans que les populations ne donnent leur avis sur ces projets.
Cette expérience, en matière de projet de
développement a bien montré que les peuples sont très peu
favorables, réticents voire catégoriquement opposés aux
projets de développement qu'ils n'ont pas le sentiment d'avoir
suscité ou encore d'avoir aidé à concevoir.
Ainsi, le projet d'Union Africaine qui n'est pas à sa
première expérience, bien que se présentant comme la seule
alternative de développement et d'affirmation du continent, viendrait
tôt ou tard à se confronter au jugement des populations.
Alors, comment faire comprendre et adopter le projet d'union
de l'Afrique par ses populations qui sont en réalité le moteur de
l'intégration ?
A l'accoutumé, les dirigeants africains ont eu la
manie de croire tellement connaître leurs peuples, au point de savoir
exactement ce qu'il leur faut. Ainsi les populations ont été
très peu consultées sur des points essentiels de leur existence
et de leur avenir.
Fort de cette réalité, beaucoup de projets bien
que louables ont été voués à l'échec.
Il faut donc associer les populations au processus de
construction de l'Union Africaine en leur indiquant clairement la partition
qu'on attend d'elles.
L'acte constitutif, en son article 4, alinéa 3,
prévoit la « participation des
peuples africains aux activités de l'Union
» et poursuit en son article 17 que « en vue d'assurer la
pleine participation des peuples africains au développement et à
l'intégration économique du continent, il est crée un
parlement panafricain ».
Ici le pas franchi est appréciable. Car peut-on en
réalité prétendre réaliser l'unité de
l'Afrique, sans la participation des peuples africains ? Utopique.
Or la participation ne peut être entraînée
que par un élément préalable : l'adhésion. Sinon la
participation se fera par contrainte ou ne se fera pas du tout, vouant ainsi le
projet à l'échec.
L'adhésion est donc un préalable et devrait
donc précéder toute autre action visant l'unité et le
développement du continent.
Pourtant, le constat amer que nous pouvons faire est que
l'adhésion des Etats au projet d'Union a été obtenue bien
souvent dans la précipitation et même parfois sans que les peuples
n'aient eu à se prononcer réellement sur son contenu et d'y
apporter leur point de vue.
En Côte d'Ivoire par exemple, la question, vu son
importance pour l'avenir, aurait du être soumise à un
référendum. Mais, c'est plutôt dans la précipitation
que la loi autorisant la ratification de l'acte constitutif a été
votée. Toute chose qui indique clairement que les populations qui
devaient donner leur accord n'ont pas eu le temps de prendre la pleine mesure
du projet et d'en apprécier la véritable teneur avant que les
députés ne donnent leur accord pour sa ratification.
D'autres Etats se sont sans doute retrouvés dans cette
même situation qui occulte l'examen franc et approfondi des tenants et
des aboutissants de la réalisation de l'Union Africaine. Ce qui aurait
eu l'avantage de susciter des avis populaires sur la question et partant
l'adhésion des populations au projet.
L'Afrique ne peut s'unir sans la volonté des peuples
africains. Ils devront s'engager à cohabiter, et à oeuvrer de
concert à l'émergence d'une nation africaine qui aura pour
frontières les limites du continent.
C'est donc de l'implication effective des populations
africaines au projet d'Union que partira toute action constructive dans le sens
de l'intégration.
Les gouvernants devront pour leur part favoriser de larges
consultations au niveau de leurs peuples afin de déceler les blocages et
les barrières qui existent à leur niveau, pour ensuite y trouver
des arrangements et des compromis nécessaires à la construction
des Etats unis d'Afrique.
Car c'est seulement convaincues et imprégnées
de l'idéal d'unité que les populations en favoriseront la
réalisation en posant des actes favorables à la liberté de
circulation des biens et des personnes, l'abandon des comportements racistes et
xénophobes etc.
B - UNE CLAIRE DETERMINATION DE LA FORME DE L'UNION
1 - Lever l'ambiguïté contenue dans
l'acte
«Aujourd'hui, l'individualisme à tort.
Partout se fait jour le besoin de s'unir.»16(*) Mais encore faudrait-il que
préalablement, les parties qui décident de «s'associer»
déterminent clairement les contours et l'allure à donner à
leur union.
Force est de reconnaître que l'acte constitutif de
l'Union Africaine ne donne en aucun moment avec précision, la forme sous
laquelle le continent devrait réaliser son union. S'agirait-il d'une
fédération, d'une confédération, ou encore d'une
association ou organisation d'Etats ?
Voici la question essentielle à laquelle l'acte devra
répondre de façon claire et définitive pour donner avec
précision, l'orientation des actions de l'Union.
A l'analyse, on constate effectivement que l'acte constitutif
de l'U.A reste muet, pour ne pas dire très ambiguë sur la question.
En son article 2, il est simplement stipulé qu'il
« est institué une Union
Africaine conformément aux dispositions du présent
acte ». Or dans sa définition telle que nous le
restitue le petit Larousse illustré, le terme «
union d'Etats » désigne « un ensemble d'Etats qui se
regroupent sous un même gouvernement ou pour défendre des
intérêts communs. »
De cette définition du terme « union des Etats
», on peut supposer deux alternatives. Soit il s'agit d'une organisation
dans le sens d'une association, auquel cas on aurait pas bougé par
rapport à l'O.U.A.. Soit il s'agit d'une fédération des
Etats africains avec un gouvernement supranational. En tout cas, l'acte ne
précise pas laquelle option elle a choisi.
Mais un parcours minutieux de l'acte fait penser à une
structure hybride qui associe les deux options.
En effet, l'institution de certains organes tel le parlement
panafricain, la création d'une cour de justice dont les décisions
sont obligatoires pour tous les Etats membres, la mission de l'Union de «
défendre la souveraineté,
l'intégrité territoriale et
l'indépendance de ses Etats membres », ainsi que son
droit « d'intervenir dans un Etat membre sur décision
de la conférence », achèvent de convaincre sur
la tendance fédéraliste que s'imprime l'Union Africaine.
Pourtant, venant en contradiction à cette option,
beaucoup d'autres éléments contenus dans l'acte indiquent que
rien n'est encore totalement amorcé clairement. Puisque l'acte consacre
les principes de la non-ingérence et du respect de la
souveraineté des Etats.
Cette ambiguïté de l'acte constitutif de l'Union
est certes à l'image du compromis trouvé à Lomé
pour rapprocher les positions divergentes, mais gagnerait à être
élucidée et traitée avec objectivité pour imprimer
à l'Union Africaine un coup d'accélérateur.
2 - Opter pour la fédération des Etats
africains
Comme l'estime EDEM KODJO, « l'on n'a pas beaucoup
bougé avec le système de multiplicité des Etats, chacun
ayant sa souveraineté. »17(*) Toute chose qui indique que l'acte constitutif de
l'Union aurait pu opter clairement pour une fédération des Etats
africains.
L'occident et le reste du monde avec, s'est coulé dans
un vaste mouvement de création de communautés économiques
et politiques. Aux relations privilégiées entre Etats de jadis,
se sont peu à peu substitués des rapports nouveaux de type
à asphyxier les petits Etats. L'heure est désormais à la
constitution de grands ensembles. Et le contexte de mondialisation et de
globalisation de l'économie font de l'union une contrainte absolue pour
espérer affronter les mutations qu'elles engendrent.
Dépassant de loin les potentialités des Etats
pris individuellement, les fléaux tels le SIDA et les conflits
commandent aux petits Etats une nouvelle organisation politique et
économique.
Alors, pendant combien de temps l'Afrique, avec ses 53 Etats
souverains mais très peu outillés pour faire face aux exigences
du nouveau millénaire, pourra-t-elle encore ramer à
contre-courant ?
En effet, l'Afrique ne peut plus se contenter de ce qu'elle a
été jusque là. Elle doit oser. « Sous peine de
végéter à la périphérie du village
planétaire »18(*) elle doit réaliser au plus vite son
unité politique.
Pour IDE OUMAROU, ancien secrétaire
général de l'O.U.A., « une Afrique balkanisée ne
pourra jamais rien dans ce monde porté vers les grandes
reconstitutions »19(*). Il faut donc tendre vers un Etat africain plus fort
et plus uni qui n'aura de frontières qu'avec les autres continents. En
clair, fédérer les Etats africains.
Cette idée n'est point nouvelle, de nombreuses voix
l'avaient préconisée. Des intellectuels l'avaient soutenue comme
voie de salut du continent.
CHARLES-HENRI FAVROD, dénonçant l'arbitraire
des frontières en Afrique, soutient que « si les divisions
politiques ont coupé le continent en tranches, la
géologie lui restitue son unité foncière ».
Raison pour laquelle, il pense que « l'avenir exige la constitution
d'un ensemble cohérent ».
CHEIKH ANTA DIOP, lui est allé plus loin en affirmant
dans la préface à l'édition de 1954, de son oeuvre,
nations nègres et culture, que « c'est seulement
l'existence d'Etats africains indépendants fédérés
au sein d'un gouvernement central démocratique, des côtes libyques
de la Méditerranée au cap, de l'océan atlantique à
l'océan indien qui permettra aux africains de s'épanouir
pleinement et de donner toute leur mesure dans les différents domaines
de la création et de se faire respecter voire aimer, de tuer toutes les
formes de paternalisme, de faire tourner une page de la philosophie, de faire
progresser l'humanité en rendant possible une fraternisation entre les
peuples ».
Ces différentes positions doivent être
perçues comme un appel aux gouvernants africains à opter pour la
fédération de leurs Etats afin de construire à la longue
les Etats unis d'Afrique à l'instar des USA ou encore de l'U.E. Cette
option doit clairement figurer dans leurs projets et faire l'objet d'un
consensus qui viendrait clore le débat sur la forme de l'Union.
A défaut de faire une union unitaire qui fera de tout
le continent un seul et même Etat, l'Afrique peut opter pour une union
fédérale comme les USA avec des Etats qui auraient chacun des
compétences, de même que l'Etat fédéral qui aura ses
compétences bien définies et qui seul pourra représenter
le continent à l'extérieur.
C - LA DYNAMISATION DES COMMUNAUTES ECONOMIQUES
L'Afrique compte à ce jour cinq sous-ensembles
régionaux. Visant tous l'intégration du continent africain, ils
constituent un véritable acquis pour l'Union Africaine. En dépit
des nombreux problèmes liés à la réalisation de
leurs objectifs de création d'espaces économiques
homogènes ou encore de développement sous régional, ils
peuvent contribuer efficacement à la réalisation d'une union
durable du continent. A la seule condition qu'ils soient dynamisés par
la libéralisation des échanges au niveau de chacun d'eux, mais
aussi par la mise en place de projets communs de production et
d'infrastructures.
1 - La libéralisation des
échanges
La libéralisation des échanges est une
condition nécessaire à la construction d'une Afrique unie et
forte.
JEAN DE GAULE, conseiller pour les affaires africaines, du
président français, JACQUES CHIRAC, confiait au mensuel Africa
International que « sur le plan strictement économique, ce
qui fait défaut au continent africain, c'est le cloisonnement des
marchés ».
Chaque Etat vit dans une certaine autarcie et a du mal
à s'ouvrir à ses voisins, encore moins aux Etats de sa sous
région. Cette politique de protectionnisme, digne d'un autre âge
dans cette ère de globalisation des échanges, a pour
conséquence de laisser indifférents les investisseurs qui sont
plutôt à la recherche de marchés qui leur offrent des
facilités d'écoulement de leurs productions.
Il faut donc impérativement opter au sein des
ensembles sous régionaux pour une libéralisation des
échanges afin de constituer des marchés assez vastes pour les
investisseurs et aboutir à la longue à un marché
continental.
Cette libéralisation, pour réussir, doit
être voulue par les gouvernants africains qui veilleront à
l'élimination entre les Etats membres de la même communauté
économique, des droits de douane à l'importation et à
l'exportation des marchandises. Les Etats membres doivent également
veiller à l'abolition des barrières non tarifaires en vue de la
création d'une zone de libre échange au niveau de chaque
communauté économique régionale.
Ces différentes mesures qui visent la
libéralisation des échanges entre Etats membres d'une même
communauté, pourront ensuite être étendues aux
communautés entre elles.
Elles doivent procéder par l'élaboration
d'études pour fixer un calendrier d'exécution des
différentes mesures arrêtées. Ces actions pour être
plus efficaces doivent s'accompagner du renforcement du cadre institutionnel
des communautés économiques. Celles ci devront mettre en place
des textes qui régiront plus clairement les modalités pour
parvenir à la libéralisation des échanges.
2 - La réalisation de projets communs de
production et
d'infrastructures
La création d'infrastructures communes aux Etats du
continent et la mise en place de projets communs de production, à n'en
point douter, peut contribuer à susciter au niveau des Etats et de leurs
peuples, le sentiment d'appartenir à une même
communauté.
Du fait de posséder quelque chose en commun, on se
sent plus proches, car liés par le même destin, le même
sort.
Cette option pourrait consolider davantage l'union et la
solidarité entre les peuples d'Afrique. A ce sujet, l'exemple de
l'Afrique australe citée dans le rapport annuel 1998, de la BAD est
édifiant et plein d'enseignements en matière
d'intégration.
Reconnaissant que les transports et les communications par
route sont indispensables pour lever les obstacles opérationnels et
faciliter la circulation des biens et des personnes, les membres de la
communauté de développement de l'Afrique australe ( SADC ) ont
créé des corridors de développement. Des routes qui
relient les Etats de la sous région.
Une autre initiative a consisté à mettre en
commun les installations électriques du Mozambique, du Swaziland et de
l'Afrique du sud pour alimenter en électricité l'usine
d'aluminium Mozal au Mozambique.
En outre, cinq Etats membres de la SADC, l'Afrique du sud,
l'Ile Maurice, le Lesotho, le Malawi et la Zambie ont créé des
fonds pour les routes.
Bien que réalisées souvent au niveau de
quelques Etats seulement, ces initiatives, peuvent donner un élan
positif à la réalisation d'une union durable et solide de
l'Afrique si elles se multiplient à travers le continent.
Les Etats africains doivent quitter le champ des projets
jamais mis en oeuvre et des décisions jamais appliquées pour
passer aux actes concrets. Les projets communs de production et
d'infrastructures doivent se multiplier à travers l'Afrique pour en
faire un chantier où se construisent des symboles forts d'entente, de
solidarité et d'union.
L'Afrique doit bâtir un patrimoine africain, des
réalisations qui appartiennent à la communauté africaine,
à l'ensemble des fils et filles du continent, comme les deux tours
jumelles du World Trade Center le sont pour les USA.
Cet idéal doit commencer d'abord dans les
communautés sous régionales et s'étendre par la suite
à l'ensemble du continent.
CONCLUSION
Le continent africain, dans sa configuration actuelle,
présente des faiblesses certaines. Son Etat de morcellement, fruit de sa
balkanisation par les puissances coloniales, constitue un véritable
frein à son rayonnement au plan international.
Aussi, ses dirigeants ont-ils vu juste de vouloir construire
son unité à travers la création de l'Union Africaine.
Cette entreprise se présente, en effet, comme la seule alternative qui
permettra au continent de tenir face aux défis nouveaux de la
mondialisation et de la globalisation des échanges. Car les cinquante
trois Etats de l'Afrique pris individuellement ne représentent presque
rien dans les relations internationales où la tendance est plutôt
à la constitution de vastes ensembles économiques et
politiques.
L'initiative de l'U.A est donc heureuse et salutaire. Elle
doit rompre avec l'hésitation et engager l'ensemble des Etats à
marcher vers la construction d'une Afrique unie et solidaire qui n'a de
frontières que les limites du continent.
La situation économique déplorable du continent
et la multitude de défis qu'il doit relever, commandent et exigent que
l'Afrique dépasse ses divergences et ses différences, ses
handicaps et ses lacunes, ses faiblesses et ses insuffisances pour se tourner
vers la quête d'une renaissance, afin de faire revivre à la
fierté les fils et les filles du continent.
L'unité d'entreprises et d'actions, dans un cadre de
paix et de stabilité, seules permettront d'arriver au rayonnement de
l'Afrique au plan international et de libérer le continent des
pesanteurs qui hypothèquent considérablement son
développement.
L'Afrique est capable de régénérescence;
les ressources et les potentialités ne manquent pas. Pourtant, il faut
franchir le pas de l'afro pessimisme pour croire en la réalisation du
rêve des pères fondateurs de l'O.U.A: « voir tous les
Etats africains s'unir désormais pour assurer le bien-être de
leurs peuples. »
Cette vision de l'Afrique doit cesser d'être un
rêve et se réaliser. C'est même un impératif, puisque
les mutations actuelles qu'imposent les systèmes politiques et
socio-économiques nouveaux à travers le monde, en font une
impérieuse nécessité.
L'acte de l'Union Africaine donne le ton. Mais les actions
concrètes restent à poser.
L'Union Africaine, pourra-t-elle permettre au continent
africain de retrouver ses repères et gagner le pari du
développement de l'Afrique ?
I. Ouvrages généraux
1) KWAME N'krumah, l'Afrique doit s'unir,
Présence Africaine.
2) DIOP Anta Cheikh, Nations Nègres et culture,
Présence Africaine, Paris, 1979, 3e édition, 336
p., Tome I
3) MERLIN Pierre, Espoir pour l'Afrique noire,
Présence Africaine, Paris, 1996, 2e édition, 515 p.
4) FAVROD Charles-Henri, Le poids de l'Afrique,
Seuil, Paris, 1958, 560 p.
5) OUALI Kanadini, Intégration africaine ; le
cas de la CEDEAO, Economica, Paris, 1982
6) KANTO Maurice, l'OUA retrospectives et perspectives
africaines, Economica, Paris, 1990
7) KAUNDA Kenneth, Une politique pour l'homme en
Afrique, édition « Les bergers et les mages »,
1970
8) NKOA Atenga, Réflexion sur la stratégie
de la défense en Afrique.
9) PH. DECRAENE, le panafricanisme, PUF
« Que sais-je ?», 1961
10) JOUVE Edmond, le général de Gaulle et la
construction de l'Europe, 1940-1966, Paris, 1967
II. Textes et conventions
1) La Charte de l'OUA et règlements
intérieurs
2) L'Acte constitutif de l'Union Africaine
3) Plan d'action de Lagos pour le développement
économique de l'Afrique, 1980-2000
4) Déclaration d'Addis-Abebas, juillet 1990 sur la
situation politique et socio-économique en Afrique
5) Déclaration du Caire 1993 sur la prévention
des conflits.
6) Déclaration d'Alger
7) Projet de déclaration de Syrte, OUA
8) Déclaration de Syrte, OUA (EANG/Décl(IV))
Rapports et autres documents
1) Rapport introductif du Secrétaire
général de l'OUA au sommet de Syrte
2) BAD, rapport annuel, 1998
3) BAD, politique du groupe de la BAD en matière de
bonne gouvernance
4) BAD, rapport sur le développement en Afrique :
renforcement de la bonne gouvernance en Afrique, Economica, 2001, 274 p.
5) Banque Mondiale, l'Afrique peut-elle revendiquer sa place
dans le 21e siècle ?
6) Banque de France, rapport zone franc, 1999
7) OMS, 53e assemblée mondiale de la
santé : compte rendu des séances plénières et
liste des participants, Genève, 15 au 20 mai 2000
8) Philippe Morris Institute for Public Policy Research,
l'Europe peut-elle prévenir les conflits ? novembre 1997
9) ONU/SIDA, rapport sur l'épidémie mondiale de
VIH/SIDA, 2000
10) SAHA Michel, l'Union des Etats Africains, mythe ou
réalité, mémoire de fin de cycle, ENA, 2000
IV. Articles de Journaux
3) KOFI Anan, « Afrique : plaidoyer pour un
nouveau départ », Jeune Afrique Economie, du 1er
au 14 novembre 1999, N°297, GIDEPPE, p110-112
4) WADE Abdoulaye, « l'Afrique doit parler d'une
seule voix pour mieux se faire entendre », l'Inter du 31
octobre et 1er novembre 2000, N°752, p.2
5) BONY Valery, « Que faut-il attendre de l'Union
Africaine ? » L'Aurore
6) Sidwaya « Union Africaine : vingt
mois de gestation », l'Inter, du 27 avril 2001, N°893,
p.6
7) RIDHA Kéfi, « Tunisie, l'année de
l'Afrique » Jeune Afrique du 15 au 21 juin 1995, N°1797,
p.78-97.
8) BECHIR Ben Yahmed, « Pourquoi l'OUA »
Jeune Afrique du 20 au 26 juillet 1999, N°2010, p.6
9) « Spécial OUA » Jeune
Afrique, du 20 a 26 juillet 1999, N°2010, p.8-23
10) GHARBI Samir, « Union Africaine : en
attendant Syrte III », Jeune Afrique l'Intelligent du 27
février au 5 mars 2001, N°2094, p.36-37
11) OUAZANI Chérif, « OUA : après
38 ans d'existence l'Organisation Panafricaine s'apprête à passer
le témoin à l'UA. Dans quel état ? le testament
de Salim Ahmed Salim.», Jeune Afrique l'Intelligent, du 3 au 9
juillet 2001, N°2112, p.30-31
12) « Rêve d'Afrique : nouveau
mort-né », Jeune Afrique du 17 juillet au 06 août
2000, N°313, p.6, p.11-15
13) AOULOU Yves, « une nouvelle confrontation
Nord-Sud » Africa international, juin 1992, N°250,
p.83-85 ; p.86-90
14) « Etre africain aujourd'hui »
Africa international, juin 1992, N°250, p.15-26
15) « Etats Unis d'Afrique : et si on
rêvait un peu ? », l'Autre Afrique, du 1er
au 14 septembre 1999, N°96, p.10-17
16) KADHAFI Mouamar, « Etats Unis d'Afrique c'est la
solution », Le Figaro
17) DOUAYERE Eugénie, « l'intégration
sous-régionale implique-t-elle la disparition des identités
nationales ? », Fraternité Matin du 23 juillet
1999, N°10425
18) « La dette de l'Europe envers l'Afrique :
le temps d'honorer les arriérés », Ezzahf Al
Akhdar, édition spéciale
19) TSHITENGE Lubabu, HAKIM Ben Hammouda,
« l'état de l'Afrique », L'Autre Afrique, du
23 décembre 1999 au 12 janvier 2000, N°104, p.10-26
20) Fraternité Matin, du 2 mai 2001, p.10
21) Fraternité Matin, du 2 mars 2001
22) Fraternité Matin, du 4 mars 2001,
N°10898, p.20
23) Fraternité Matin, du 6 mars 2001,
N°10899
24) Fraternité Matin, du 11 et 12 septembre
1999, N°10467, p.24
25) Le Continental, de août-septembre 2000,
N°16, p.8-16, p.44-45
V. Cours
1) Cours de M. BOSSE sur « Connaissance des
Organisations politiques africaines » CMS, Diplomatie, ENA,
2000-2001
2) Cours de SEM LY Djerou sur « Connaissance des
Organisations Economiques africaines » CMS, Diplomatie, ENA ,
2000-2001
* 1 Encyclopédie
Universelle Tome 8
* 2 Ibidem.
* 3 1. Cet ordre du jour figure
dans la note verbale référencée CD/DOC/14/28-99 que le
Secrétaire Général de l'OUA a adressée aux
Ministres des Affaires Etrangères de tous les Etats membres le 21
Août 1999.
* 4 1. Déclaration de
Syrte I
2. La Côte d'Ivoire ne figure pas au nombre des pays
signataires parce qu'elle n'était pas présente à
Lomé. A la suite du coup d'Etat du 24 décembre 1999, les
autorités militaires n'étaient pas autorisées à
participer au sommet de Lomé.
* 5 1. Kofi Anan
« Afrique : Plaidoyer pour un nouveau départ »
in Jeune Afrique Economique N° 297, p.110-112
2. La République Arabe Sahraouie Démocratique
est en conflit avec le Maroc. Son Admission à l'OUA en 1984 à
entraîné le retrait du Maroc de l'Organisation Panafricaine.
* 6 C'est le cas du conflit
Côte d'Ivoire - Ghana.
* 7 . BAD, Compendium de
statistiques sur les opérations du groupe de la banque, 2001, p.72-176
* 8 BAD, rapport annuel,1998,
p25
* 9 Message d'Omar Kabbaj,
Président de la BAD, in Rapport annuel 1998, BAD, FAD, Pxlr
* 10 « la dette de
l'Europe envers l'Afrique : le temps d'honorer les
arriérés » in EZZAHF AL AKHDAR, édition
spéciale (journal libyen)
* 11 Le projet de loi n'a pas
été adopté par les instances habilités à le
faire. Il n'est donc q'une conception de son auteur. Il y a étalé
sa vision de l'aide à apporter à l'Afrique.
* 12 Les chiffres
utilisés proviennent de données recueillies dans le rapport de la
BAD sur le développement en Afrique 2001
* 13 Données du FNUAP in
Fraternité-Matin du mardi 27 juillet 1999, N°10428 p9
* 14 Philip Morris Institute
for Public Policy Research, l'Europe peut-elle prevenir les conflits ?
novembre 1997.
* 15 Cheikh Anta Diop, Nations
nègres et cultures, Présence Africaine, Paris, 1979, 336p. Tome 1
p21
* 16 le fil de
l'épée p96 cité par Edmond Jouve dans Le
général de Gaulle et la constitution de l'Europe (1940-1966),
Paris, 1967, 881 pages
* 17 continental,
Août-Septembre 2000, N°16 p14
* 18 ces propos de Wade sont
extraits de son discours à l'ouverture d'un séminaire
international consacré à l'Union Africaine et organisé par
le Centre d'Etudes Diplomatique et Stratégique de Dakar en collaboration
avec le Ministre sénégalais de l'intégration africaine.
* 19 Jeune Afrique Economie du
17 juillet au 06 août 2000, nnN°313, p15
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