La divulgation d'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevet( Télécharger le fichier original )par Monia BRAHAM epse YOUSSFI Faculté de Droit et des Sciences Politiques Université Elmanar Tunis - Master en Droit de la propriété intellectuelle 2007 |
§1 - Compatibilité de l'accord ADPIC avec les exigences de divulgation :Cette comptabilité est fondée selon la vision de l'OMPI sur les exigences relatives à la divulgation de l'invention conformément aux dispositions pertinentes de l'accord ADPIC qui sont les articles 27, 29, 32 et 62. Rappelant que l'article 27-1 de l'AADPIC prévoit « sous réserve des dispositions des §2 et 3, un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle est susceptible d'application industrielle », l'OMPI avance l'argument que « cet article renvoie à la brevetabilité de l'invention en tant que telle et ne prévoit aucune référence au droit du déposant de demander et d'obtenir un brevet, qui est déterminé dans une partie distincte ». Il en découle que « la brevetabilité technique de l'invention divulguée ne donne pas au déposant le droit d'obtenir un brevet pour cette invention ». Cette distinction entre la brevetabilité technique de l'invention objet de l'article 27-1 de l'ADPIC et le droit du déposant d'obtenir un brevet conformément à l'article 29 du même accord est de nature selon la vision de l'OMPI à exclure la divulgation d'origine des conditions de la brevetabilité de l'invention. Par ailleurs, les exigences de divulgation de l'invention conformément à l'article 29 de l'ADPIC peuvent englober la divulgation d'origine des RG et des ST dans les demandes de brevet sur le fondement «d'une exigence ferme en matière de divulgation comme une condition particulière des systèmes des brevets ». En effet, l'article 29 exige du déposant d'une demande de brevet qu'il divulgue l'invention d'une manière suffisamment claire et complète pour q'une personne du métier puisse l'exécuter et on peut exiger du déposant qu'il indique la meilleure manière d'exécuter l'invention connue de l'inventeur à la date du dépôt ou, dans les cas où la priorité est revendiquée, à la date de priorité de la demande ». L'article 29-2 ajoute que « les membres pourront exiger du déposant d'une demande de brevet qu'il fournisse des renseignements sur les demandes correspondantes qu'il aura déposées et les brevets correspondants qui lui auront été délivrés à l'étranger ». Cette position de l'OMPI traduit une opposition à l'insertion de la divulgation d'origine des RG et des ST en tant que condition de brevetabilité au même titre que la nouveauté, l'activité inventive et l'application industrielle, ce qui peut être défendable si l'objectif est l'annulation des brevets qui ne respectent pas une telle obligation. En effet, l'annulation peut sanctionner les inventions qui ne sont pas nouvelles ou celles qui ne traduisent pas une activité inventive, ainsi on peut parfaitement prévenir l'usurpation des ST dans les innovations techniques modernes et empêcher leur brevetabilité sans instaurer l'obligation de divulgation en tant que condition additionnelle de brevetabilité. Par ailleurs, l'OMPI s'est montrée défavorable à la sanction d'une nouvelle obligation de divulgation de l'origine de RG et de ST par la révocation, ou la déchéance des brevets ou même de l'invoquer dans une procédure d'opposition, l'article 32 de l'ADPIC prévoit en effet que « pour toute décision concernant la révocation ou la déchéance d'un brevet, une possibilité de révision judiciaire est offerte » ce qui pourrait profiter aux demandeurs de brevets même s'ils ne procèdent pas à la divulgation d'origine des RG et des ST qui ont été utilisés dans le développement de leurs inventions revendiquées. Plus généralement, l'OMPI se fonde sur une lecture combinée des articles 62 et 41 de l'AADPIC qui concernent spécialement les normes relatives à l'acquisition et le maintien des DPI et les procédures inter partes y relatives : L'article 62 prévoit que les procédures relatives à l'acquisition ou au maintien des DPI et dans les cas où la législation d'un pays membre prévoit de telles procédures qu'elles soient « des procédures et des formalités raisonnables » et que la révocation administrative, les procédures inter partes telles que l'opposition, la révocation et l'annulation comprennent l'exigence que les procédures « soient loyales et équitables » (article 41-2). Ces arguments de l'OMPI se fondent sur une présomption qu'une obligation de divulgation de l'origine des RG et des ST sanctionnée au niveau du droit des brevet (déchéance, révocation, annulation etc...) risque de ne pas être équitable et loyale, les procédures de sa mise en oeuvre sont de ce point de vue très peu raisonnables. Un auteur soutient la possibilité d'instituer une telle obligation sans entrer en conflit avec l'accord ADPIC90(*), à cet effet, il ne faut pas sanctionner l'obligation de divulgation comme condition de la brevetabilité mais assurer son application par d'autres moyens qui ne sont pas incompatibles avec l'accord ADPIC, Graham Dutfield préfère en guise de compatibilité avec l'accord ADPIC l'application de l'obligation de divulgation dans le sens d'une charge d'apporter la preuve légale de l'acquisition du matériel génétique ou du savoir traditionnel par le demandeur du brevet91(*). * 90 « If the requirement is introduced into national laws as a condition of patentability, either substantive or objective, then there will be a conflict with the TRIPS agreement. However, this does not mean that law may not establish the requirement, but for that to happen, it will be necessary to modify the nature of the sanction. Instead of imposing the requirement as a condition of patentability, which conflicts with the TRIPS agreement, WTO members should make the enforceability of patent rights dependant on compliance the requirement», voir à propos De Carvalho (Nuno Pires), « Requiring Disclosure of the Origin of Genetic Resources and Prior Informed Consent in Patent Applications without Infringing the TRIPS Agreement: The problem and the solution », p 372. * 91 L'auteur considère qu'une obligation de divulgation de l'origine géographique de la ressource génétique ou d'un ST non documenté constitue en rapport avec l'état de la technique un dépassement certain des exigences de divulgation telles que prévues dans l'accord ADPIC, voir à ce propos également l'analyse de Graham Dutfield dans l'article « Thinking aloud on disclosure of origin », article précité, p 9. |
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