CHAPITRE DEUXIEME : FACTEURS EXPLICATIFS DES REACTIONS
DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE FACE A L'INCENDIE DE FORET DE L'AMAZONIE
Dans ce présent chapitre, comportant essentiellement
quatre sections, nous allons, au premier plan, présenter le souci de
l'ONU de faire de la forêt amazonienne un bien du patrimoine mondial, de
montrer comment cette forêt est l'un des poumons de la planète
contre le réchauffement climatique et enfin de ramasser en bloc les
réactions de la communauté internationale et la perception du
Brésil face à ces réactions.
Section 1. Projet de l'ONU de faire de forêt
amazonienne un bien du patrimoine mondial
Avec les dramatiques incendies dans la forêt amazonienne
en 2019 et 2020, l'idée d'internationaliser l'Amazonie,
c'est-à-dire de la faire administrer collectivement par la
communauté internationale, a été évoquée.
L'idée de cette revendication ou son fondement repose sur son importance
écologique mondiale.
Les suggestions du Président Français Emmanuel
Macron en
septembre 2019, celles de faire de la forêt Amazonienne
un bien du patrimoine du monde, et en affirmant également que la France,
avec le territoire de la Guyane, était une « puissance amazonienne
», ont suscité le courroux du Président brésilien,
Jair BOLSONARO, et de son gouvernement. Le ministre de l'Éducation
nationale, Cristovam BUARQUE, a alors riposté en disant
qu'internationaliser l'Amazonie, impliquerait d'internationaliser
également « les réserves de pétrole du monde entier
», « le capital financier des pays riches », et « tous les
grands musées du monde »29.
Il est intéressant de faire un retour en arrière
et de rappeler que cette idée d'internationaliser l'Amazonie a
déjà été formulée dans le passé dans
le cadre des Nations-Unies.
En 1946, l'UNESCO (organisation des Nations unies pour
l'éducation, la science et la culture) avait développé un
projet allant dans ce sens. Cette année-là, le scientifique
brésilien Paulo de Berrêdo Carneiro préconise que l'UNESCO
établisse un « Institut international de la forêt amazonienne
» (IIHA). Le biologiste et
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zoologue britannique Julian Huxley estimait que ce projet
répond à plusieurs motivations : approfondir la connaissance
scientifique de la forêt amazonienne, développer la
coopération scientifique internationale entre chercheurs de tous les
pays... et surtout travailler à la mise en valeur des ressources
naturelles de cette forêt, et notamment le bois et les minéraux
dont elle regorge, au bénéfice des populations, afin de
contribuer au développement économique de l'Amérique
latine.
Le but étant par exemple d'améliorer les
techniques de mise en valeur agricole et les conditions de santé des
Amérindiens, victimes de nombreuses maladies. Le projet, à cette
époque, vise davantage à exploiter les ressources de la
forêt qu'à la préserver, préoccupation plus
récente. Une latence qui est souvent à la base de l'échec
de ce projet intéressant. Une « Commission internationale pour la
création d'un institut international de l'hyléa amazonique »
est alors mise en place en 1947. Et un plan de travail est
élaboré en février 1948.
En mai 1948, l'UNESCO lance une enquête visant à
réunir toutes les données possibles sur la région. Six
mois plus tard, elle envoie une mission scientifique dans la vallée du
Rio Huallaga, dans la partie péruvienne de l'Amazonie. Mais ce projet se
heurte à de vives oppositions de la part de plusieurs pays, comme les
États-Unis. Ils reprochent à la mission de détourner des
fonds de l'UNESCO vers une recherche scientifique très
spécialisée et sans lien avec les véritables objectifs de
l'UNESCO.
Beaucoup craignent que ce projet ne devienne un échec
retentissant, et entame la crédibilité de la jeune organisation.
Bien qu'il jouisse du soutien de l'opinion brésilienne et
péruvienne (avide de recevoir une aide de l'UNESCO), ainsi que d'une
partie de la presse occidentale, le projet suscite en fait de plus en plus de
critiques - portant essentiellement sur le financement et les écueils
administratifs du projet. Devant les multiples obstacles qui se dressent devant
lui, il échoue finalement.
Parallèlement, l'UNESCO envisage à partir de
1947 la création d'un « Institut international de la zone aride
», et d'un « Institut international de l'Antarctique ». Julian
Huxley rédige en 1948 un « mémorandum sur la
possibilité d'internationalisation de la recherche scientifique dans
l'Antarctique ». Pour lui, cela permettrait de développer une
recherche plus efficace, moins axée sur la concurrence entre nations, et
qui constituerait un pas en avant dans la coopération internationale. En
ces années d'après-guerre, l'idée d'«
internationaliser » des zones naturelles
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d'importance écologique mondiale était donc dans
l'air du temps, même si elle n'aboutit pas à l'époque.
Au fil des décennies, d'autres idées
éclosent dans cet esprit. Ainsi, en 1967, le futurologue
américain Herman Kahn, du Think Tank conservateur Hudson Institute,
suggère de barrer le fleuve Amazone pour créer un « grand
lac continental » qui faciliterait la circulation entre les pays
limitrophes et permettrait de produire de colossales quantités
d'énergie. Cette idée est « prise très au
sérieux par les militaires, au pouvoir depuis le coup d'État de
1964 », comme le relate le journaliste Renaud Lambert. Ce dernier rappelle
aussi que, « au XIXe siècle, l'hydrographe et
météorologue Matthew Fontaine Maury, directeur de l'Observatoire
naval de Washington, avait proposé de régler la question raciale
aux États-Unis en colonisant l'Amazonie pour y déplacer la
population noire américaine »
Aujourd'hui, on s'est intéressé à la
forêt amazonienne non seulement pour son potentiel écologique
(arbres émetteurs d'oxygène, réserve de bois, de minerais,
écosystème, biodiversité), mais aussi pour les humains qui
la peuplent. Il s'agit de protéger les peuples autochtones,
amérindiens, qui y vivent, contre les ravages de l'agrobusiness et du
capitalisme déchaîné incarné par le Président
Jair BOLSONARO.
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