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La guerre en Syrie et le jeu de pouvoir de la Russie.


par Pape Ousmane THIAW
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Master 2 en sciences politiques 2018
  

Disponible en mode multipage

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : LA GUERRE EN SYRIE : DE LA RÉVOLUTION A L'INTERNATIONALISATION DU CONFLIT

Chapitre 1 : l'évolution de la guerre civile en Syrie en confrontation régionale

Section 1 : une révolte provenant des périphéries

Section 2 : un conflit révélateur des nouveaux rapports régionaux

Chapitre 2 : l'internationalisation du conflit : greffage des agendas des puissances internationales

Section 1 : la ligne rouge et les États-Unis

Section 2 : la relative impuissance des puissances européennes

DEUXIÈME PARTIE : LE JEU RUSSE EN SYRIE : UNE ACTION UNILATÉRALE POUR IMPOSER LE MULTILATÉRALISME

Chapitre 1 : le retour au premier plan de la Russie dans le jeu de puissance internationale

Section 1 : la revendication du statut d'héritier de l'URSS

Section 2 : l'intervention russe en Syrie : entre réaction et planification

Chapitre 2 : la coopération multilatérale en Syrie : une tâche difficile

Section 1 : un conflit a la limite du contrôlable

Section 2 : une influence russe déterminante dans la recherche d'une solution à la crise

CONCLUSION

Remerciements

Rédiger un mémoire, pour un étudiant en fin de cycle, c'est se jeter dans cet universqu'est la recherche scientifique. C'est prendre position, analyser, discuter, rejeter (avec modestie) et surtout faire preuve de patience. Durant ces trois années qu'a duré le master, c'est sans doute la principale qualité que j'ai pu apprendre. Sans celle-ci, je n'aurais jamais pu terminer ce travail qui nécessite une réelle attention par rapport au déroulement des évènements.

C'est pour cela que je tiens à remercier Mr Alioune Badara Diop, qui s'est encore une fois sacrifié afin que l'on puisse terminer le programme. Je suis conscient que le monde de la recherche universitaire a ses exigences, mais, à travers ses enseignements, il nous montre à chaque fois que l'humilité précède la connaissance, surtout dans un domaine où il faut souvent apprendre, désapprendre et réapprendre.

Je tiens aussi à remercier mon encadreur, le Dr Boubacar Kanté, pour sa disponibilité et sa patience. Corriger, c'est souligner les imperfections aussi bien de la personne que de son travail. Je reconnais que je ne suis pas parfait et je ne saurai nullement prétendre que mon travail l'est aussi. Au contraire, il s'agit d'une modeste contribution à un univers scientifique auquel j'aspire à faire partie, dans un avenir proche, si Dieu le veut.

Je tiens, par ailleurs, à remercier tous mes camarades de promotion pour leur patience. En tant que responsable de la promotion 2014-2015, je peux dire que ces années de travail et d'apprentissage en commun ont été très riches en expériences et particulièrement gratifiantes. J'en ressors grandi en tant qu'homme et en tant qu'ami.

Dédicace

Je dédie ce mémoire à :

Ma mère, à travers son amour et son soutien sans faille tout au long de mon cursus scolaire et universitaire. Ses sacrifices, ses conseils et ses prières me donnent une force incomparable dans toute entreprise.

Mon père, un exemple de générosité aussi bien matériellequ'intellectuelle. Si j'ai acquis, au fil des années, un gout aussi prononcé pour la recherche du savoir, c'est sans doute le fruit de ses conseils quotidiens et son amour pour la connaissance.

Mes frères et soeurs dont je suis le seul à avoir fait des études poussées. Mais ceci ne m'empêche nullement de leur vouer un profond respect et une admiration sans commune mesure.

Une personne spéciale, Awa Sambe, qui ne cesse de m'épauler et de m'encourager, quelle que soit la complexité de la tâche avec sa formule désormais redondante : « j'ai confiance en toi ».

Mention spéciale à une personne qui m'inspire pour sa débrouillardise, son ouverture et son intelligence, George Lamine Diop. Le côtoyer au quotidien m'a appris l'humilité, le culte du travail, le sens du devoir et surtout le fait ne jamais se plaindre malgré les aléas de la vie.

Tous les camarades de promo, au sens large du terme, avec lesquels j'ai partagé des moments inoubliables.

Tous les professeurs du département de Sciencepolitique.

Sigles et Abréviations :

· URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques

· OTAN : Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

· SEA : Armée Electronique Syrienne (inversion requise en Anglais)

· ONU : Organisation des Nations Unies

· EI : État islamique

· CSNU : Conseil de Sécurité des Nations Unies

· UE : Union Européenne

· AGNU : Assemblée Générale des Nations Unies

· ASL : Armée Syrienne Libre

· OSDH : Organisation Syrienne des Droits de l'Homme

INTRODUCTION

Le 31 janvier 2011, une centaine d'opposants syriens ont pris d'assaut la place Arnousà Damas pour une manifestation pacifique contre le régime. Ils étaient pour la plupart silencieux, tenaient des bougies et des écriteaux sur lesquels on pouvait lire « naa'am al houryé » (Oui à la liberté). Un mot qui, semble-t-il, terrifie le pouvoir en place dont les dérives autoritaires n'ont que trop duré. Le mot « naa'am », de même que le lieu de la manifestation, ontété minutieusement choisis, car ils symbolisaient une dictature instaurée depuis Hafez el-Hassad.

Bien qu'ayant voulu tenir des propos rassurants au Washington Post, le président Bachar Al Assad savait pertinemment que son pays était menacé par la contagion révolutionnaire, un peu comme en Égypte et en Libye. En effet, durant l'hiver 2010-2011, beaucoup de Syriens ont pu suivre avec intérêt les évènements en Égypte, en Tunisie et en Libye. Autrement dit, la frustration sociale était bien présente depuis des années. Les vagues de contestations dans les autres pays arabes ont permis de légitimer la révolte d'une partie des Syriens. Celle-ci est survenue avec l'arrestation de jeunes adolescents qui ont été emprisonnés puis torturés pendant plusieurs jours. Leurtort : avoir écrit sur le mur de leur école un slogan anti régime.

La vague de répression qui s'en est suivie a fini par transformer des manifestants pacifiques au début en de véritables rebelles et dont le but était de renverser le régime en place. Dans ce contexte, il faut surtout noter que la politique répressive du gouvernement contre tout mouvement démocratique a fini par favoriser l'émergence de factions islamistes révolutionnaires et, sans doute, celle de l'État islamique. La Syrie s'est alors progressivement transformée en un vaste champ de bataille avec des acteurs très hétérogènes et aux objectifs différents tant sur le plan politique que militaire.

Aujourd'hui, la guerre en Syrie continue ses ravages et ses conséquences sur le plan économique et humain sont incalculables. Depuis le début du conflit, les organisations des droits humains estiment qu'il y a eu plus de 400.000 morts, dont plus de 100.000 civils et 18.000 enfants. Un bilan macabre que ne saurait ignorer le principal allié du régime baasiste : la Russie.

Celle-ci est intervenue dans le conflit le 30 septembre 2015 en bombardant les positions « rebelles » puis « islamistes ». Les deux mots se prêtent d'ailleurs beaucoup à confusion, chacun l'interprétant selon sa vision des choses. Quoi qu'il en soit, cette intervention fut sans doute le début d'une nouvelle ère dans l'évolution de ce conflit, car, désormais, la Russie est un acteur majeur, voire incontournable, dans le conflit syrien.

Cependant, la position de la Russie sur le dossier syrien, bien qu'étant beaucoup plus tranchée que le camp occidental, notamment les États-Unis et la France, présente plusieurs ambiguïtés. Elle vient confirmer cette affirmation de Clausewitz : « la guerre n'est que la simple continuation de la politique par d'autres moyens1(*) ».

Avant d'aller plus loin, une définition de la notion de « guerre » semble pertinente. Il s'agit d'un conflit armé ouvert entre deux ou plusieurs groupes politiques constitués, le plus souvent des États. Par extension, la notion de guerre désigne un conflit interne à un État2(*). C'est à cette seconde définition que s'identifie la guerre en Syrie.

L'autre notion centrale dans l'étude de ce sujet, c'est celle de « pouvoir » qui correspond à la capacité d'une entité à agir. Dans le champ des relations internationales, les termes « pouvoir » et « puissance » se confondent souvent. D'ailleurs, « power » en anglais et « Macht » en allemand désignent les mêmes mots. Il s'agit alors d'un concept globalement accepté comme étant le point central dans l'étude de l'environnement international.

En s'inspirant de Raymond Aaron, dans Paix et Guerre entre les nations, Serge Sur définit la puissance comme étant « la capacité de faire, la capacité de faire faire, la capacité d'empêcher de faire, et la capacité de refuser de faire3(*)».

Ce sujet présente un certain sur le plan théorique. Selon Stéphane François et Olivier Schmidt4(*), la Russie cherche, depuis plusieurs années, à restaurer sa dignité après « l'humiliation » dont elle aurait souffert dans les années 90. En effet, la chute de l'URSS, suivi de la mondialisation au début des années 2000, ont engendré une certaine angoisse sociale dans le pays. Un sentiment largement partagé au sein de l'élite intellectuelle russe, dont Alexandre Douguine. Celui-ci est le principal théoricien du conspirationnisme russe et du néo-eurasisme, des courants de pensée dominants actuellement en Russie. Sa pensée est complexe, parfois déroutante et s'appuie essentiellement sur l'explication complotiste, l'ésotérisme ou encore la philosophie politique. Il défend la théorie de l'humiliation russe par les Américains en attribuant un rôle subversif à ces derniers et aux Occidentaux en général. Une position qui passe, apparemment, au sein de l'élite russe et qui se ressent depuis quelques années dans la politique étrangère de la Russie. Par exemple, l'annexion de la Crimée par la Russie a été justifiée par le fait que les Américains mènent une politique d'intervention à outrance, notamment en Libye, en Irak et au Kossovo. Avec le conflit syrien, c'est une nouvelle opposition sur fond de conspirationnisme des Occidentaux vis-à-vis des Russes qui se dessine. Pire, dans la théorie de Douguine, on y voit souvent la notion « d'Empire ». Ce qui rappelle les sueurs froides qui ont précédé la Seconde Guerre Mondiale, avec l'arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne.

Cependant, avec l'entrée de la Russie dans le conflit syrien, Bertrand Badie estime que le fait de « parler d'un conflit mondial serait un non-sens 5(*)». Toutefois, il reconnait que cette intervention est un fait inédit, car c'est la première fois, depuis 1979, que la Russie intervient hors de ses frontières. Bien qu'il existe un risque de confrontation, Badie mise sur la rationalité des différentes puissances engagées dans le conflit pour ne pas déclencher une guerre dont les conséquences seraient désastreuses pour le monde. Selon lui, le principal objectif de la Russie est de reconquérir sa puissance sur le plan international après plus de 25 ans de monopole occidental. Pour cela, Poutine dispose sur le terrain d'un avantage certain par rapport aux Occidentaux, car il se bat avec des alliés : l'Iran, le Hezbollah et le régime syrien.

C'est cette position que nous allons appuyer dans les lignes qui vont suivre. En effet, ce travail est une occasion pour apprendre, car nous allons revenir sur la nature, les causes et les différents acteurs d'un conflit qui dure depuis plusieurs années. Nous tenterons aussi d'apporter des réponses aussi simples que possible sans pour autant paraitre simplistes. Nous allons surtout tenter de rappeler, décrypter, et expliquer des évènements et enjeux qui se déroulent depuis plusieurs années. Pour cela, nous allons nous appuyer sur des dates, des chiffres et des informations que nous avons pris le soin de vérifier auprès de sources crédibles.

Alors, quelles sont les origines et la particularité de la guerre en Syrie ? Comment le conflit a évolué au fil des enjeux régionaux et internationaux ? Quelle est la position des puissances étrangères par rapport à la Guerre en Syrie ?

Comme problématique centrale de ce sujet, il est légitime de se poser la question de savoir : quel est le rôle de la Russie dans l'évolution du conflit en Syrie ?

Concernant sa puissance, n'est-elle pas amoindrie par rapport à l'ancienne puissance soviétique ? Quels sont les intérêts russes dans le conflit syrien ? Enfin, quelles sont les perspectives d'évolution de l'intervention russe en Syrie ?

Les développements qui vont suivre vont alors apporter des réponses à la série de questions posées dans la problématique. Dès lors, nous avons regroupé ces questions par thème afin de faciliter le récit des évènements, notamment avec l'intervention de la Russie, et les éclairer.

Dans une première partie, nous allons parler de l'origine et de l'évolution de la guerre en Syrie.

Dans une seconde partie, nous allons aborder les enjeux de l'intervention de la Russie en Syrie. Ce qui nous permettra d'aborder les perspectives d'évolution d'un conflit qui est encore loin de connaitre son épilogue.

PREMIÈRE PARTIE : LA GUERRE EN SYRIE : DE LA RÉVOLUTION A L'INTERNATIONALISATION DU CONFLIT

Le conflit en Syrie, dont nous reviendrons sur les causes profondes, est une résultante d'un élan de contestation, plus connu sous le nom de « printemps arabe » et auquel se sont greffés plusieurs autres paramètres. Cependant, comme les autres peuples arables (Libye, Égypte, Tunisie, Yémen, etc.) en 2011, les Syriens ont seulement voulu manifester pour montrer leur aspiration à plus de liberté, de justice et de dignité dans un pays dirigé par un dictateur.

Aujourd'hui, nous sommes face à un conflit difficile à comprendre et quasiimpossible à maitriser, tant les protagonistes présentent des profils et intérêts différents. Du coup, le besoin de comprendre le conflit syrien s'impose plus que jamais au regard des différentes évolutions notées dans cette guerre et les répercussions que cela a pu avoir ailleurs dans le monde, principalement en Europe.

Les premières lignes de cette étude vont faire référence à l'évolution de la guerre civile en Syrie en une confrontation régionale (Chapitre 1) et surtout sur l'internationalisation du conflit à travers le greffage des agendas internationaux (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : L'ÉVOLUTION DE LA GUERRE CIVILE EN SYRIE EN CONFRONTATION RÉGIONALE

L'analyse du conflit syrien nous amène inéluctablement à nous poser la question suivante : qu'est-ce qui a amené le peuple syrien à se révolter ? Ilsavaient de bonnes raisons de s'insurger face à ce qui était considéré comme un régime tyrannique et corrompu. Dès lors, il arrive un moment où l'exaspération dépasse la peur. Cette situationexplique sans doute la rapidité avec laquelle les différents soulèvements populaires se sont succédé dans des pays comme la Tunisie, la Libye ou l'Égypte6(*).

Toutefois, on peut dire que la guerre en Syrie, du moins à ses débuts, avait tout l'air d'une guerre civile. Bien que ce soit toujours le cas, le conflit a pris une réelle tournure sur le plan régional avec l'intervention de plusieurs puissances locales, notamment l'Iran et la Turquie, sans oublier les pays souteneurs comme l'Arabie Saoudite ou le Qatar.

Dans cette partie, l'enjeu sera d'analyser l'origine de la révolte qu'on peut décrire comme provenant des périphéries (Section 1). Ensuite, il conviendra d'analyser ce conflit comme étant révélateur des nouveaux rapports au niveau régional(Section 2).

SECTION 1 : UNE RÉVOLTE PROVENANT DES PÉRIPHÉRIES

Avant 2011 et le début des printemps arabes, l'exaspération en Syrie était assez palpable au sein de la population. En effet, au moment où le régime en place vantait l'embellie économique que connaissait le pays, mais avec des chiffres largement exagérés, la grande majorité de la population vivait dans la pauvreté. De plus, les richesses économiques ne profitaient qu'à une seule classe, notamment la communautéalaouite à laquelle appartient le Président Bachar Al Assad. Bien que « la base du régime dépasse la seule communauté alaouite7(*) », c'est bien celle-ci qui bénéficiait principalement des retombées. En plus d'une corruption généralisée, il faut aussi noter que la libéralisation des années 80 n'a pas permis d'apporter les changements espérés.

Dans les prochaines lignes, il conviendra d'évoquer la guerre civile en Syrie comme étant le retour d'un refoulé (Paragraphe 1). On évoquera aussi le fait que le régime syrien a proposé des réponses économiques inadaptées à la crise (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La guerre civile en Syrie : le retour d'un refoulé

En 2011, le soulèvement populaire en Syrie a été interprété par plusieurs spécialistes, sans doute à tort, comme un « effet domino » des printemps arabes en Libye, en Égypte, en Tunisie et au Yémen. Il est clair que les soulèvements en Libye, en Tunisie, au Yémen et en Égypte ont eu un impact non négligeable sur la détermination des Syriens8(*). Cependant, malgré plusieurs similitudes, notamment la corruption, le chômage endémique et une dictature plus ou moins sévère, l'analyse de l'exemple syrien ne saurait être limitéeà un simple effet de contagion. En effet, par son ampleur et ses modalités d'action, la révolte en Syrie a été inédite9(*). Sur le terrain, entre mars 2011 et juillet 2012, plus de 15.000 Syriens ont été tués par les forces du régime10(*).

La question qu'il faudrait se poser reste alors celle de savoir : comment en est-on arrivé là ? La société syrienne est, en effet, composée de 70% de sunnites et se caractérise par un enchevêtrement des différentes appartenances religieuses. Elle se caractérise aussi par une très large hétérogénéité confessionnelle et ethnique, un régionalisme poussé et plusieurs clivages professionnels11(*). En ce qui concerne l'hétérogénéité confessionnelle et ethnique, elle a donné lieu par le passé à des affrontements violents entre membres de confessions différentes12(*).

En 2011, contrairement aux attentes, c'est la nature pacifique et dénudée de caractère communautaire des manifestations qui a pris de court le régime. Le fait est que la plupart des manifestants étaient des héritiers de paysans et de petites bourgeoisies de provinces qui ont longtemps été laissés en rade dans l'exercicedu pouvoir par les grandes familles bourgeoises sunnites. L'histoire nous rappelle qu'ils avaient été attirés par l'idéologie baasiste qui repose essentiellement sur les principes du socialisme arabe13(*) et avaient pu perpétrer un coup d'État en 1963. Les fondateurs de cette idéologie appartiennent à différents groupes culturels et religieux. De plus, ils considèrent que le principe de la laïcité devrait être le ciment de la société arabe. Ce qui suppose le rejet de toute appartenance culturelle ou religieuse au profit de l'identité arabe.

En Syrie, on se rend compte que c'est cette classe bourgeoise sunnite, contre laquelle s'était réalisée la révolution de 1963, qui continuait à afficher plus ou moins ouvertement son soutien au régime.

Dès lors, un mouvement de mécontentement populaire était bien perceptible dans la plupart des villes du pays. Pour casser cette dynamique, le pouvoir avait décidé dedéployer une double stratégie consistant à réprimer et à réactiver les représentations de peur, notamment au sein des communautés « minoritaires »14(*).

La communautarisation de la sphère syrienne et militaire est aussi un élément qui a contribué au mécontentement au sein des différentes communautés qui se sont senties, en un moment, dominées et abandonnées. En effet, depuis 1970, date à laquelle débuta le règne de la famille Assad à la suite d'un coup d'État, le clientélisme communautaire a été érigé en pratique incontournable au sein du pouvoir. Le président de l'époque, Hafez el-Assad, avait instauré un régime basé sur la dualité des systèmes15(*). En effet, les institutions, d'apparence démocratique, telles que le gouvernement, le conseil du peuple, la magistrature et les syndicats, étaient doublées par un système parallèle que l'on peut appeler « esprit de corps » et qui réunissait autour de la figure du président, des officiers de la communauté alaouite. Du coup, à tous les échelons du pouvoir, la répartition des postes, qui devait répondre à des exigences de représentativité, posait problème et créait des frustrations16(*).

De plus, au niveau de l'appareil militaire, le mécanisme de prise de décision, à tous les niveaux, repose sur l'instrumentalisation et la mise en concurrence des différentes communautés. Dès lors, chaque décision d'un officier pouvait être empêchée ou sabotée par un autre officier de confession différente17(*).

Par ailleurs, le fort exode rural qui a gagné la Syrie au début des années 70 a largement touché les minorités issues de l'intérieur du pays. Elles se sont retrouvées dans des quartiers sunnites plutôt homogènes et ceci avait créé de sérieuses tensions sociales à tel point que certaines familles avaient fini par déménager vers les quartiers périphériques plus homogènes. Au-delà de ses tensions, nous avons une nette augmentation de la criminalité dans la zone, notamment l'enlèvement de jeunes femmes ou enfants puis leur restitution contre le versement d'une rançon.

L'ensemble de ces divisions et frustrations sociales a sans doute contribué à mettre la poudre au feu, car, à l'origine, les manifestations étaient pacifiques. On a aussi le fait que l'État n'a pas su, sur la durée, comme lors du soulèvement, apporter des solutions durables à la crise, un peu comme ce fut le cas au Maroc et en Algérie.

Paragraphe 2 : Des réponses économiques inadaptées à la crise

Dès les premiers jours de la révolte, à la lumière de ce qu'ont fait les gouvernements de l'Algérie, du Maroc pour apaiser les tensions sociales, le pouvoir syrien annonçait dans la foulée un ensemble de mesures afin de calmer la révolte. Parmi celles-ci, on a l'augmentation de 30% du salaire des fonctionnaires18(*). Il faut noter qu'il s'agissait d'une décision qui, dans un passé récent, aurait été très bien accueillie par les intéressés et surtout par le secteur privé qui y voyait un très bon moyen de relancer la consommation, car la moitié de la population syrienne active travaille pour l'État. Cependant, ce contexte de révolte politique se faisait sur fond de gel des recrutements au niveau de la fonction publique. Dès lors, la mesure en question n'a pas pu avoir le succès escompté. En effet, cela n'a pas pu résoudre le problème du chômagequi touchait une bonne partie de la population ni résoudre le problèmede millions de travailleurs évoluant dans le secteur informel et qui ne sont guère épargnés par la Police19(*).

D'ailleurs, l'augmentation du salaire des fonctionnaires a été prise pour une mauvaise chose par ceux qui sentaient dupés par cette décision qui, selon eux, favorisait encore plus la communauté alaouite très présente dans la sphère étatique20(*).

Au début de la révolte, à Banias, un haut lieu de la contestation, les habitants ont réclamé la création de plus de 2000 emplois pour les habitants majoritairement sunnites au niveau de la raffinerie et de la centrale thermique, jusqu'alors dominés par les alaouites. Il faut noter que dans la plupart des villes contestataires (Idleb, Rastan, Deraa, Tel Bisseh, etc.), les populations sont victimes du désengagement de l'État au moment où la croissance de la population reste très forte avec toutes les exigences que cela implique, surtout en termes de création d'emplois. Dès lors, comme dans les autres pays qui ont connu le « printemps arabe », la dimension sociale est un des éléments principaux à retenir pour expliquer le déclenchement du conflit syrien, celle-ci étant aggravée par une situation démographique particulièrement tendue.

L'accès à l'eau est, également, un motif de mécontentement chez le peuple syrien. Entre 2007 et 2011, le pays a connu une période de sécheresse qui a obligé le gouvernement à fermer les nombreux puits illégaux et à interdire de nouveaux puits. Cependant, dans un pays corrompu, cette mesure n'a pas été appliquée sur le territoire avec la même diligence, mais au gré des réseaux clientélistes. D'ailleurs, le gouvernement avait tenté de remédier aux difficultés liées à l'accès à l'eau en lançant un vaste plan de modernisation des techniques d'irrigation21(*), mais avec une gestion bureaucratique peu efficace, les résultats n'ont pas pu suivre.

Heureusement que les 4 ans de sécheresse ont été suivis par de fortes pluies en pleine crise. Ce qui avait d'ailleurs contribué à l'époque à modérer la crise politique, notamment dans le nord-est du pays. Cette forte pluviométrie avait aussi permis à la zone de surmonter les effets des sanctions économiques.

On a par ailleurs, la croissance galopante de la population syrienne qui a créé une véritable crise du logement. Celle-ci a été accentuée par une véritable incurie en matière d'urbanisme. En effet, à cause de l'absence de prêts immobiliers auprès des banques pour les populations ne pouvant pas justifier de revenus fixes, beaucoup de Syriens vivent dans la promiscuité. Ce qui a provoqué l'apparition de vastes banlieues dans la périphérie de Damas, sans véritable aménagement ni infrastructures publiques. De plus, elles ne sont que partiellement alimentées en eau. De plus, environ 40% de cette population issue del'exode rural travaille dans le secteur informel.22(*)

Il faut souligner que la crise du logement a des conséquences assez importantes sur la société syrienne, car cela représente une condition sine qua non pour se marier. L'homme n'est, en effet, considéré comme prêt à épouser une femme que lorsqu'il prouve qu'il est capable d'avoir une maison. En un moment donné, l'État a tenté d'endiguer ce phénomène d'habitation anarchique, mais comme toujours, ses efforts ont rapidement été freinés par la corruption. Dès le début de la crise, le gouvernement a tenu à désamorcer qu'on peut appeler la « bombe du logement » en levant les restrictions sur les constructions informelles. Ce qui a pu détourner certains jeunes manifestants. Cependant, cela n'a représenté qu'une solution provisoire à la crise sociale et plus généralement en ce qui concerne le malaise social qui règne en Syrie.

Par ailleurs, le régime n'a pas hésité à brader les ressources naturelles du pays et ceci est le résultat d'un système politique tout à fait inadapté et appelé à disparaitre, du moins selon les prétentions de l'opposition syrienne.

L'ensemble des facteurs évoqués ci-dessus ont vivement participé à l'exacerbation des mouvements de contestation en Syrie qui ont découlé sur la guerre civile que nous vivons aujourd'hui. Il conviendrait alors de l'étudier en profondeur, notamment en prenant en compte le contexte régional.

SECTION 2 : UN CONFLIT RÉVÉLATEUR DES NOUVEAUX RAPPORTS RÉGIONAUX

Pour les spécialistes des conflits armés, la guerre en Syrie est très difficile à analyser. En effet, outre le fait d'avoir une dimension sociale évidente, elle a également une dimension hautement stratégique. Le conflit syrien se déroule dans une région réputée pour son instabilité et qui a longtemps été la chasse gardée des puissances comme les États-Unis et la Russie. Dès lors, leur influence directe ou indirecte dans la crise était envisageable, d'autant plus que la Syrie, contrairement aux autres pays, était un des rares pays arabes à connaitre une stabilité prolongée bien que celle-ci ait toujours été relative.

Quoi qu'on dise, ce conflit en dit long sur les nouvelles relations dans la région, caractérisée par des alliances etdésalliances au gré des enjeux(Paragraphe 1). Toutefois, il faut souligner le fait que le conflit syrien est tout à fait particulier et ressemble beaucoup à une guerre par procuration (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : la guerre en Syrie : entre alliances etdésalliances au niveau régional

Depuis le début des années 80, la Syrie est un allié de l'Iran, car ils avaient un allié en commun : Saddam Hussein. Cependant, après la révolution de 1979, l'Iran a perdu son influence militaire dans la zone, car ayant été délaissé par les États-Unis. Dès lors, depuis le passage de l'Égypte dans le camp américain, la Syrie était à la recherche de nouveaux alliés. Elle n'a pas alors hésité à faire de la Russie un partenaire de taille, celle-ci étant à la recherche de nouvelles zones d'influence au sortir de la guerre froide et après la chute de l'URSS.

L'alliance entre la République (chiite) d'Iran et le régime alaouite syrien n'avait rien de confessionnel, mais était bien de nature stratégique. Toutefois, au fil des années, « l'axe Chiite », constitué par l'Iran, l'Irak et le Liban s'oppose, et cette fois-ci sur le plan confessionnel, à « l'axe sunnite » constitué de l'Arabie Saoudite, de l'Égypte, des pétromonarchies du Golfe et de la Turquie, dans une moindre mesure. Chaque camp a réussi à trouver un soutien international (l'OTAN pour l'axe Sunnite et l'alliance sino-russe pour l'axe Chiite23(*)).

En ce qui concerne l'Iran, la Syrie est une pièce maitresse dans le déroulement de sa stratégie politique dans la région. En effet, sans la Syrie, le Hezbollah, qui est activement soutenu par l'Iran, ne pourrait plus bénéficier des moyens financiers et logistiques lui permettant de faire face à la menace Israël. De plus, l'Iran aimerait conserver sa capacité de riposte face au principal allié des États-Unis dans la région au cas où ce qu'on a l'habitude d'appeler le « Grand Satan » était tenté par une attaque préventive, comme il sait si bien le faire.

Le fait de soutenir le Hezbollah libanais et le Hamas24(*) était, par ailleurs, un moyen pour l'Iran de fustiger l'attitude des monarchies du golfe les accusantd'avoir abandonné la lutte pour la libération de la Palestine.

Pour l'Arabie Saoudite, l'influence iranienne est perçue comme une menace, notamment à travers la population du Hasa, située au nord-est du royaume (une zone riche en pétrole). Cela explique d'ailleurs son intervention militaire brutale au Yémen en 2011 où la majorité Chiite s'est révoltée contre la monarchie sunnite25(*).

Pour le Qatar, il faut souligner que c'est un pays qui n'avait pas l'habitude de prendre des positions diplomatiques sur les dossiers brulants de la région. Cependant, depuis 2008, il s'est réconcilié avec l'Arabie Saoudite et a commencé à s'aligner à sa stratégie dans la région. Dès lors, les deux puissances wahhabites se partagent les rôles dans la région : l'un soutenant les salafistes tandis que l'autre soutient les Frères musulmans. Par contre, certains riches dignitaires qataris continuent de financer les salafistes.

Les deux pays veulent jouer un rôle central dans la crise en Syrie. Le Qatar, par exemple, n'hésite pas à apporter son soutien financier à l'Armée syrienne libre et à peser sur le plan diplomatique pour imposer des sanctions au régime syrien au niveau de la Ligue arabe et de l'ONU.

Le but affiché des pays du Golfe, c'est de réduire considérablement l'influence iranienne dans la région en brisant ce qu'on appelle « le maillon faible » de l'axe Chiite. En effet, la Syrie est peuplée majoritairement de sunnites dirigés par une minorité alaouite. Bien entendu, cette stratégie a le soutien des États-Unis, mais c'est sans compter le retour de la Russie sur la scène régionale.

À travers cette partie, il est facile de comprendre que chaque pays de la région cherche à défendre ses intérêts politico-stratégiques. Par exemple, la stabilité de l'Arabie Saoudite dépend largement de la réduction de l'influence iranienne dans la région, car sa partie Chiite est de plus en plus exaspérée par la domination de la monarchie Sunnite. On est alors face à une guerre par procuration en Syrie.

Paragraphe 2 : la particularité du conflit syrien : une guerre par procuration

À travers sa dimension stratégique et les acteurs qui y participent de près ou de loin, on peut affirmer que le conflit en Syrie est une guerre par procuration.

En effet, pour la première fois depuis la chute de l'Union soviétique, les États-Unis et la Russie se retrouvent impliqués par un conflit armé par territoire interposé26(*). Au temps de la guerre froide, les États-Unis et l'URSS s'affrontaient de manière indirecte par groupes interposés. On dirait alors que ce temps est de retour en Syrie où Russes et Américains sont entrés dans une nouvelle guerre froide par procuration. Au début, la plupart des spécialistes avaient du mal à confirmer l'existence de cette situation jusqu'au moment où Dimitri Medvedev, Premier ministre russe, lâcha l'expression.

Toutefois, cette situation était prévisible, car depuis quelques années, les relations entre les États-Unis et la Russie n'avaient cessé de se détériorer. Sur le terrain, les Russes soutiennent Bachar Al Assad alors que les Américains soutiennent l'opposition. L'objectif de la Russie, c'est de restaurer, ne serait-ce que partiellement, l'équilibre avec les États-Unisauxquels Vladimir Poutine n'a -sans doute - jamais pardonné la défaite de la guerre froide.

L'Arabie Saudite et l'Iran, deux puissances Sunnites et Chiites, se livrent, elles aussi, à une guerre par procuration en Syrie. En effet, au moment où l'Iran soutient financièrement le régime syrien de même que le Hezbollah, son bras armé dans la zone, l'Arabie Saoudite arme, pour sa part, les groupes rebelles sunnites opposés à Bachar Al Assad et réclame sa tête au sein des instances internationales. Autant dire que la deuxième dimension de la guerre en Syrie oppose les Chiites et les Sunnites.

La troisième dimension, si on peut la nommer ainsi, renvoie à l'opposition entre les forces Kurdes et le pouvoir central d'Ankara. En effet, la Turquie utilise la guerre en Syrie et la présence des djihadistes de l'État islamique pour s'attaquer aux Kurdes et à leurs velléités d'indépendance. Avec la diversité des objectifs stratégiques, n'importe quel analyste géopolitique se serait convaincu que la Syrie est morcelée et incontrôlable. Ce qui est difficilement contestable, car, depuis quelques années, le régime syrien ne contrôle plus le territoire ni même l'opposition. Le pays se trouve désormais entre les mains des États-Unis, de la Russie, de l'Iran, de l'Arabie Saoudite, de la Turquie et de l'Etat-Islamique.

À traversl'acceptation de cette guerre par procuration, l'avantage est nettement du côté russe. Si l'on sait que les troupes de Daech ne pourront être vaincues qu'à travers l'engagement de troupes au sol27(*), Vladimir Poutine peut compter sur ses alliés iraniens et sur leurs alliés du Hezbollah libanais. Au même moment, de l'autre côté, les Américains ne peuvent compter que sur des forces Kurdes réprimées par la Turquie et sur des combattants irakiens qui ont du mal à s'organiser de manière efficace. De plus, les dernières évolutions du conflit montrent que le rapport de force est assez favorable, même si ce n'est que relatif et réversible à tout moment, aux Russes à leurs alliés28(*).

Aujourd'hui, ce qui se passe en Syrie nous rappelle les épisodes de la guerre froide avec cet état de « Guerre impossible, paix improbable », comme le soulignait Raymond Aaron dans le premier chapitre de son ouvrage « Le Grand Schisme » publié en 1948. Cependant, les forces russes et américaines ont tenu à s'entendre sur plusieurs termes, notamment en ce qui concerne le survol de l'espace aérien syrien. L'objectif, c'est d'éviter toute bavure qui pourrait rendre le conflit incontrôlable. Aucune des deux puissances n'aimerait, en effet, que cette région soit le théâtre d'un affrontement direct entre Russes et Américains, au regard de la sensibilité de la zone et surtout de la présence d'Israël.

Cette analyse nous permet de comprendre que le conflit syrien concerne directement ou indirectement toute la région. Dès lors, chaque pays essaie d'y participer à sa manière et selon les idéaux qu'il défend. À travers la rencontre des deux grandes puissances, en l'occurrence les États-Unis et la Russie, c'est aussi des agendas différents qui se rencontrent et s'affrontent sur le terrain. CHAPITRE 2 : L'INTERNATIONALISATION DU CONFLIT : GREFFAGE DES AGENDAS DES PUISSANCES INTERNATIONALES

Depuis le début de la guerre en Syrie, le territoire est le théâtrede rivalités entre les différentes puissances impériales. Le conflit est non seulement révélateur des nouveaux rapports régionaux, mais aussi internationaux. En effet, la Russie, non contente du rôle d'effacement et non-interventionniste qu'elle a joué en Libye, est bien décidée cette fois-ci à participer au conflit. Pour les États-Unis, leur rôle décadent au niveau de la région est exacerbé par le retrait de leurs troupes en Irak et en Afghanistan. En effet, depuis l'élection de Barack Obama, les États-Unis mènent une politique de « leadingfrombehind29(*) », comme ce fut le cas lors de l'intervention en Libye. Ce qui explique d'ailleurs le fait que, sur le terrain, c'est la Russie et ses alliés qui semblent avoir l'avantage. Outre les États-Unis et la Russie, les puissances européennes sont aussi présentes dans le conflit syrien, même si c'est dans une moindre mesure. Leur principal objectif, c'est de lutter contre Daech qui s'est internationalisé, en témoigne les attentats en Europe.

À travers ce chapitre, il sera question d'évoquer l'intervention, du moins la participation américaine en Syrie, à travers le concept de la ligne rouge (Section I) pour ensuite analyser la relative impuissance des puissances européennes dans la guerre en Syrie (Section II).

SECTION 1 : LA LIGNE ROUGE ET LES ÉTATS-UNIS

Le concept de « ligne rouge » est très présent dans les débats sur la guerre en Syrie. En termes simples, il indique « la limite à ne pas franchir » par le régime syrien, celle-ci pouvant justifier de manière légitime une intervention militaire américaine dans le conflit. En 2013 Barack Obama s'était déclaré « fier » de ne pas être intervenu dans le conflit en Syrie malgré la ligne rouge. Quelques mois plus tard, c'est la Russie qui avait décidé d'intervenir militairement en Syrie. Le Président américain avait surtout mis en avant l'utilisation des armes chimiques comme « ligne rouge » comme étant un préalable à l'intervention américaine en Syrie.

À travers l'analyse de la notion de ligne rouge, il s'agira d'évoquer l'incohérence de la position américaine dans le conflit syrien (Paragraphe 1). On évoquera aussi le fait que cette position est largement critiquée à l'international (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'incohérence de la position américaine

Dès le début de la guerre en Syrie, les États-Unis et les pays européens ont rapidement exigé le départ de Bachar Al Assad afin de mettre un terme au conflit. Au départ, les Américains et les Européens avaient envisagé le spectre d'une intervention en Syrie. Cependant, les forces rebelles n'ont presque jamais vu l'aide arriver.

Il faut souligner que l'incohérence de la position américaine s'est manifestée lorsque le régime d'Al Assad avait franchi la supposée « ligne rouge » en utilisant des armes chimiques et tuant plus de 1700 civils. Barack avait alors déclaré que l'utilisation de ces armes prohibées était un préalable à toute intervention américaine sur le terrain. Dès lors, on s'attendait à ce qu'il y ait des frappes américaines début septembre 201330(*). Cependant, les faits indiquentquelesÉtats-Unis ne sont pas intervenus dans le conflit par peur de le voir devenir plus incontrôlable qu'il ne l'est. La véritable raison reste le fait que les Américains ne veulent plus vraiment d'une « guerre par territoire interposé ». Selon eux, tout ce qui rappelle de près ou de loin les pratiques de la guerre froide doit être dépassé et on devrait s'acheminer vers un nouveau paradigme.

En reculant face à ce qu'on peut appeler une limite à ne pas dépasser, le président Obama venait de donner à Bachar Al Assad le « droit de tuer » et ceci malgré les accords de destruction des armes chimiques qui ont été signés. Ce qui explique cette passivité, du moins en partie, c'est le fait que Barack Obama avait été élu sur la base d'un programme visant à désengager les États-Unis, dans la région, notamment dansdes pays comme l'Irak et l'Afghanistan. Le président américain avait d'ailleurs avoué que les États-Unis n'avaient pas vraiment d'intérêt stratégique en Syrie.

Toutefois, même si les Américains manquent réellement d'intérêt pour ce conflit, il convient de ne pas en négliger un aspect fondamental : le développement du djihadisme. C'est sans doute le principal motif qui justifie aujourd'hui la participation américaine dans ce conflit. En aout 2014, un ressortissant américain du nom de James Foley a été exécuté par les combattants de l'État islamique31(*). Quelques semaines plus tard, les États-Unis décidèrent d'effectuer leurs premiers bombardements contre Daech en Irak et en Syrie. Cependant, cette riposte était seulement considérée comme un mouvement d'humeur, car elle n'était accompagnée d'aucune stratégie politique. Comme conséquence, ces bombardements n'avaient servi qu'à limiter les capacités opérationnelles de Daech et surtout leur expansion territoriale.

Jusqu'en 2015, les Américains n'étaient pas parvenus à imposer leur agenda stratégique dans la région, laissant un vaste champ d'action à la Russie. D'ailleurs, face aux nombreux blocages sur le terrain et à la détermination de la Russie, il fallait rapidement trouver un terrain d'entente concernant certains points. Pour cela, le secrétaire d'Etat John Kerry n'a pas hésité à réaliser plusieurs consultations en se rendant, notamment à Moscou. On se rend alors compte que les Américains diminuaient progressivement leurs exigences afin de mieux se conformer à celles des Russes. Dès lors, un calendrier de transition politique a été mis en place, mais celui-ci était assez vague, notamment en ce qui concerne le rôle de Bachar Al Assad dans cette transition.

Jusqu'en 2016, les États-Unis ont maintenu une politique ambiguë vis-à-vis de la Syrie. En effet, ils n'ont pas varié sur le principe selon lequel Bachar Al Assad devait quitter le pouvoir, mais continuaient parallèlement à négocier avec les Russes qui, à leur niveau, prônaient le maintien du dictateur syrien au pouvoir. De plus, ils ont cessé de livrer des armes à l'opposition syrienne afin de les contraindre à aller aux négociations qui se sont tenues à Genève. Le fait est que, comme évoquée plus haut, la priorité reste la lutte contre Daech. Pour cela, les États-Unis ont passé des accords avec la Russie afin d'éviter tout incident aérien sur le théâtre d'opérations. Ils sont aussi tenus à soutenir les Kurdes et les Forces Démocratiques Syriennes, au détriment des insurgés.

Enfin, l'ambiguïté de la position américaine en Syrie se justifie par la crainte de voir l'Iran quitter la table des négociations, notamment sur son projet nucléaire. Un accord a pu d'ailleurs être conclu dans la foulée.

Tous ces éléments laissent penser que les États-Unis jouent un double jeu en Syrie. D'abord, en cherchant à combattre l'État islamique. Ensuite, en cherchant ouvertement le départ de Bachar Al Assad avec lequel, ils ont un ennemi commun (Daech). Pour l'opinion internationale, cette attitude américaine est largement critiquable.

Paragraphe 2 : une attitude critiquée à l'international

Au début du conflit, la stratégie américaine en Syrie, à travers le « leadingfrombehind », était globalement comprise et acceptée par la plupart des observateurs. Les États-Unis étaient dans une logique de retrait au Moyen-Orient et n'avaient nullement intérêt à participer à une guerre qui ne les concernait pas directement. Bien entendu, on ne parle pas de la menace terroriste qui est un phénomène global.

Cependant, depuis quelque temps, la position américaine en Syrie est largement critiquée à la fois par l'opinion internationale, les observateurs, les ONG et même par certains diplomates au niveau. En effet, une cinquantaine de diplomates américains ont rédigé un texte appelant à des frappes militaires contre le régime de Bachar Al Assad32(*).

En juin 2015, les États-Unis avaient connu une nouvelle humiliation sur le terrain : après avoir équipé et soutenu les rebelles pour combattre contre l'État islamique près de la frontière avec l'Irak, ils ont été bombardés par l'aviation russe. Au cours d'une visioconférence, le Pentagone a fait part de son mécontentement par rapport à la situation, notamment avec les responsables russes. Pour se défendre, les autorités russes ont expliqué que les Américains ne leur avaient pas fourni la position exacte de leurs forces.

Cet incident est de nature à démontrer la fragilité de la position américaine sur le terrain. Dès lors, au sein du ministère de la Défense, des voix se sont élevées, en l'occurrence des diplomates, pour réclamer un recours « judicieux » à la force contre le régime syrien33(*). Pour faire entendre leur voix, les diplomates contestataires ont emprunté un canal interne et exclusif réservé aux analyses divergentes par rapport aux politiques suivies. Cependant, ces diplomates ne se sont pas contentés de cette voie, car le New York Times de même que le Wall Street Journal en ont fait part grâce à des fuites.

Selon la position défendue par Barack Obama, une intervention en Syrie présente plus de dangers que d'opportunités. Cependant, il reste tout à fait sceptique par rapport aux capacités opérationnelles de l'opposition syrienne qui fait face à une armée de métier, celle-ci étant soutenue par l'Iran et la Russie. N'oublions pas que le président Obama a été élusur la base de son opposition à l'invasion de l'Irak en 2003. Par rapport à une intervention en Syrie, il estime surtout qu'elle ne permettrait pas de modifier le rapport de force en profondeur. De plus, ceci représenterait un potentiel risque d'enlisement pour un conflit devenu incontrôlable au fil des années. Bien qu'il ne croit nullement au fait que Bachar Al Assad fasse partie de l'avenir de la Syrie, Obama a beaucoup misé sur la diplomatie pour faire cesser les hostilités et surtout d'amorcer un processus de règlement politique du conflit.

Cependant, selon les diplomates signataires du télégramme adressé à la Maison-Blanche, c'est précisément par ce que le régime syrien ne risquait rien qu'elle se permettait autant d'exactions, notamment avec l'utilisation de l'arme chimique et s'épargne de véritables négociations diplomatiques. Ils encouragent alors le gouvernement à miser sur un « usage judicieux » des frappes, mais l'immobilisme des États-Unis par rapport à la situation en Syrie s'est poursuivi jusqu'au départ de Barack Obama.

L'arrivée de Donald Trump en janvier 2017, ne devait, en principe, pas changer grand-chose par rapport à la stratégie américaine en Syrie. Cependant, au mois d'avril 2017, le régime syrien s'est vu désigner comme étant le coupable d'une nouvelle attaque à l'arme chimique dans la ville rebelle de Khan Cheikhoun avec un bilan de 90 morts34(*). Les États-Unis, jusque-là spectateurs passifs, prirent des mesures aussi étonnantes qu'inattendues : le bombardement d'une base aérienne du gouvernement syrien. Ce qui laisse croire que les cartes sont redistribuées dans le conflit, car, désormais, personne ne sait vraiment à quoi s'attendre du conflit en Syrie, d'autant plus que le nouveau président américain est connu pour ses sauts d'humeurs et son imprévisibilité.

À la lumière de ces développements, on se rend compte que les États-Unis, contrairement auxautres conflits, ne s'engagent pas avec la même énergie en Syrie. Si certains y voient un déclin de l'influence américaine dans la zone, d'autres y décèlent par contre une manière de privilégier la voie diplomatique, la seule qui soit capable de trouver une issue satisfaisante à ce conflit.

SECTION2 : LA RELATIVE IMPUISSANCE DES PUISSANCES EUROPEENES

La guerre en Syrie est devenue, au fil des années, un véritable défi pour l'Europe. Entre attentats terroristes revendiqués par Daech et vagues de migrants, il faut dire que les pays européens sont loin d'être tranquilles. Au contraire, les grandes puissances européennes, notamment la France, l'Angleterre et l'Allemagne, montrent de réelles lacunes aussi bien dans la gestion des migrants que celle des attentats. Autant dire que la guerre en Syrie a des conséquences directes sur la stabilité en Europe. Dès lors, de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer une meilleure « gestion » de la crise syrienne. Aujourd'hui, l'un des défis majeurs de l'Europe, ventre mou de l'Occident « décadente », c'est de faire face à la déferlante terroriste qui a déjà fait plusieurs dizaines de morts rien qu'en France entre 2015 et 2017.

À travers l'analyse du malaise des puissances européennes face à la situation en Syrie, nous allons évoquer le fait que l'Union européenne reste divisée sur l'intervention en Syrie (Paragraphe1) puis analyser la position de la France face au conflit syrien (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'Union européenne reste divisée sur l'intervention en Syrie

Les pays européens rencontrent de grandes difficultés à faire face aux conséquences de la guerre en Syrie. Le fait est qu'ils ne pensaient pas qu'une guerre, d'apparence si lointaine, pourrait avoir des conséquences aussi immédiates dans le quotidien des Européens. L'Union européenne reste surtout divisée par rapport à la question sur l'avenir de Bachar Al Assad ou encore sur l'attitude à avoir par rapport à la Turquie, un acteur clé aussi bien dans le conflit qu'au niveau de la gestion des migrants.

Cependant, malgré le fait que les responsables européens aient clairement identifié le problème, les différentes réunions et conférences qui se sont tenues restent assez vagues sur le sujet. À part la France qui estime que le maintien de Bachar Al Assad au pouvoir entrainera la poursuite de la guerre, les autres pays peinent à s'exprimer clairement sur le sujet35(*). Mais on peut dire que l'idée selon laquelle les négociations devraient inclure des personnalités proches du régime qui n'ont pas vraiment participé aux massacres fait son chemin. En effet, chez les dirigeants européens dont, Angela Merkel et François Hollande, l'idée est de chercher à ne pas créer un vide, à l'image de ce qui s'est déjà produit en Irak et en Libye. Ils aimeraient alors jouer les facilitateurs aussi bien au niveau des deux camps qu'au niveau des Nations Unies.

En ce qui concerne l'intervention russe, les Européens ne sont pas du tout d'accord sur la tournure qu'elle prend36(*). Au sein des réunions, certaines positions divergent largement par rapport aux frappes russes sur le territoire. Certains pays ne parviennent même pas à s'entendre sur des évidences factuelles. Par exemple, si l'Italie estime que la Russie pourrait être un « facilitateur » dans la transition politique, l'Allemagne, quant à elle, estime que cette intervention complique un peu plus les choses. Pour la France, elle demande ouvertement à la Russie de « participer » à l'effort collectif de paix.

Il est clair, en tout cas, que les récents développements de la guerre en Syrie ont une incidence non négligeable sur l'avenir de l'Union européenne, surtout sur la question des migrants où les désaccords sont assez profonds. La récente crise des migrants a amené certains pays d'Europe à montrer des signes d'agacement et d'impuissance face aux vagues de migrants. Même l'Allemagne, qui a pu accueillir jusqu'à 1 million de migrants commence à montrer des signes de réticence. À cela s'ajoute la montée des extrémismes dans différents pays qui n'arrange pas les choses.

Enfin, la position à adopter face à la Turquie est un souci de premier ordre, car, on le sait tous, ce pays court depuis plusieurs années derrière son adhésion à l'Union européenne. Pour plusieurs pays membres de la zone euro, la coopération avec Ankara est indispensable pour endiguer les vagues de migrants. Par rapport à l'intervention militaire turque sur le terrain, il faut dire que les Européens ne s'y intéressent pas vraiment, car ils considèrent la répression des Kurdes comme une vieille histoire qui refait surface, tout simplement.

À la lumière de ces développements, on peut dire que le conflit syrien dépasse largement les attentes européennes. Entre explosion des flux de migrants et vagues d'attentats, l'Europe souffre des conséquences immédiates de cette crise et tarde à proposer des solutions efficaces et durables. En ce moment, seule la France semble avoir compris les tenants de cette crise.

Paragraphe 2 : La position de la France face au conflit syrien

Depuis 2011, la France se mobilise pour trouver une solution à la guerre en Syrie. En effet, sa position n'a pas vraiment varié au fil des années. Il faut noter que les priorités de la France demeurent les suivantes :

· Permettre une amélioration de la situation humanitaire

· Reprendre les négociations afin d'assurer une transition politique crédible

· Poursuivre la lutte contre le terrorisme

Selon Paris, ces 3 points restent incontournables dans la résolution de la crise en Syrie et servent surtout à alléger les souffrances d'une population meurtrie et désabusée par le conflit. Le 19 décembre 2016, le conseil de Sécurité de l'ONU a adopté la résolution 232837(*) sur la situation humanitaire dans la ville d'Alep38(*). Cette résolution, portée par la France, avait pour but d'apporter une solution à la crise humanitaire dans la ville. Elle prévoyait un plan d'évacuation de la ville sous la surveillance des forces des Nations-Unies, et surtout de garantir un accès immédiat et sans condition à l'aide humanitaire. Elle prévoyait aussi la protection des installations de santé de même que le personnel de santé dans tout le pays.

Avec l'adoption de cette résolution, on peut dire que la France tente de prolonger son action sur le terrain, avec pour objectif le fait d'obtenir le respect du droit international humanitaire sur le territoire syrien. Cette résolution a été réaffirmée par la résolution 2254, qui prévoit une feuille de route pour la transition politique, et la résolution 2258 qui avait pour objectif de faciliter l'accès des agences humanitaires à travers les frontières et les lignes de front à l'intérieur de la Syrie.

De plus, pour ne pas se résigner par rapport à la situation de blocage qui prévalait au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies, notamment avec le véto de la Russie, la France propose, depuis 2013 un encadrement du recours au droit de véto. En effet, elle considère que le recours à ce droit ne doit pas être utilisé comme un privilège, car il implique des devoirs ainsi qu'une responsabilité particulière. D'ailleurs, la France n'hésite jamais à rappeler que ce droit a été conféré aux 5 membres permanents dans le but de faciliter la collaboration entre eux. L'objectif était surtout de faire en sorte que ces états puissent collaborer efficacement afin de prévenir et résoudre efficacement les conflits et faire respecter les principes du droit international.

La position officielle de la France par rapport au conflit en Syrie a toujours été constante, contrairement aux États-Unis. En effet, le pays a toujours prôné une solution négociée et une issue politique avec des discussions impliquant tous les acteurs, aussi impliqués qu'ils soient dans les massacres constatés jusque-là. En ce sens, la France estime que les négociations qui vont se tenir devront l'être sous l'égide des Nations-Unis. En ce sens, il faut noter que l'absence de transition,de même que le maintien au pouvoir de Bachar Al Assad de manière indéfinie, ne fait qu'aggraver un conflit qui n'a que trop duré. Sans transition, le pays risque de devenir le point de convergence des organisations terroristes avec toutes les conséquences que cela peut avoir aussi bien en Europe que dans le monde.

Selon les autorités françaises, il faudrait tout mettre en oeuvre pour parvenir à la mise en oeuvre d'une solution politique39(*). Par exemple, le 10 décembre 2016 à Paris, le gouvernement français avait pris l'initiative d'une réunion ministérielle autour de la personne de Riyad Hijab, leader de l'opposition modérée et par ailleurs chef du Haut comité des négociations. Durant ces entrevues, il n'a pas hésité à apporter son soutien en faveur d'une réelle reprise des négociations entre les différentes parties du conflit.

À noter, toutefois, que la priorité de la France, au même titre que les États-Unis, reste la lutte contre le terrorisme dans la région. Ce qui est une position logique dans la mesure où le pays a été le plus touché par le terrorisme ces 3 dernières années. Depuis septembre 2014, la France conduit, d'ailleurs, l'opération Chammal en Irak et en Syrie dans le cadre de la coalition internationale.

Cette partie nous a permis de démontrer la pertinence de la position Française par rapport à un conflit qui, jusque-là, l'affecte plus que n'importe quel autre pays. En effet, on y note que la France est le seul pays d'Europe, voire du bloc occidental à avoir une position tranchée et une vision claire du conflit en Syrie. Pendant ce temps, la Russie continue d'agir en tant que maitre du jeu, car elle a une réelle longueur d'avance sur son adversaire de toujours, en l'occurrence les États-Unis.

DEUXIÈME PARTIE : LE JEU RUSSE EN SYRIE : UNE ACTION UNILATÉRALE POUR IMPOSER LE MULTILATÉRALISME

Durant l'automne 2015, la Russie décide d'intervenir dans le conflit en Syrie en vue de venir en aide à un régime en difficulté après 4 ans de guerre civile. Selon plusieurs observateurs du conflit, il s'agit d'une intervention dictée par le caractère historique des relations entre la Russie, notamment l'URSS, et le régime des Assad. Ce qui laisse surtout croire que cette Russie est une version actuelle de l'ancienne URSS. En effet, après avoir hérité de sa place au niveau du Conseil de Sécurité des Nations Unies et de tout son arsenal nucléaire, on dirait qu'elle a aussi hérité des mêmes positions stratégiques. Il faut aussi souligner le fait que la Syrie conserve une place aussi importante dans la stratégie russe au proche orient confirme son statut d'héritier de l'URSS.

Pendant que la Russie semble vouloir retrouver sa puissance et son influence dans le jeu de puissance internationale, le conflit en Syrie devient de plus en plus incontrôlable et son intervention vient dans un moment assez délicat.

L'analyse de cette seconde partie va tourner autour d'un retour de la Russie au un premier plan dans le jeu de puissance international (Chapitre 1). Ce qui permettra de découler sur l'étude d'une collaboration particulièrement difficile entre les différentes puissances intervenant dans le conflit syrien (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LE RETOUR AU PREMIER PLAN DE LA RUSSIE DANS LE JEU DE PUISSANCE INTERNATIONALE

Depuis la révolution bolchévique de 1917, le monde n'avait jamais entendu parler de la Russie, mais de l'URSS. Une union qui a regroupé à la fois la Russie, l'Ukraine, la Biélorussie et la Transcaucasie. Avec les années, cette dernière va intégrer une quinzaine de républiques qui seront dissoutes dans la république soviétique. Du coup, pendant près de 70 ans, le monde ne va connaitre aucun État du nom de « Russie ». Le nom de l'URSS vient d'une envie bien dissimulée de la Russie de ne pas donner son nom à cet ensemble afin d'éviter toute accusation d'annexion. Cependant, malgré un réel semblant de puissance affichée durant et après la Seconde Guerre Mondiale, l'URRSS ne va pas survivre longtemps. Après s'être disloqué à la fin du siècle dernier, laissant la place à l'ancienne version de la Russie, ce qui était un véritable empire recherche désormais une place perdue dans l'échiquier international.

L'analyse de ce chapitre va porter sur la revendication du statut d'héritier de l'URSS par la Russie (Section 1) puis sur l'intervention de la Russie en Syrie comme étant plus une réaction qu'une planification (Section 2).

SECTION 1 : LA REVENDICATION DU STATUT D'HÉRITIER DE L'URSS

Après ce que l'on pouvait considérer comme la victoire de l'idéologie libérale, la Russie faisait profil bas dans les relations internationales à l'issue de la Guerre Froide. Pendant plusieurs années, on a vécu dans un monde unipolaire conduit par les États-Unis. Il aura alors fallu l'invasion du Koweït par l'Irak, la première guerre du Golfe, les évènements du 11 septembre 2001 et le printemps arabe pour que la domination américaine montre des signes d'essoufflement. Le concept de la « War Fatigue » connait enfin une définition plausible et les États-Unis ont annoncé dans la foulée qu'ils renonçaient à se considérer comme les gendarmes du monde. Un boulevard laissé à la Russie qui ne tarda pas, après sa politique de neutralité sur plusieurs questions internationales, dont l'intervention en Libye, à revendiquer son statut d'héritier de l'URSS.

L'analyse de cette partie va porter sur la dimension politique et militaire de l'héritage de l'URSS (Paragraphe 1) puis sur l'ambition de la Russie à partir de ce statut politique et militaire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : la dimension politique et militaire de l'héritage de l'URSS

L'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) a éclaté en 1991, donnant naissance à une quinzaine d'États indépendants et souverains, dont la Russie. Cependant, cette dernière a hérité d'une grande partie de son territoire, de sa population et de son industrie. Dès lors, elle paraissait être l'entité la plus apte à succéder à la défunte URSS. Cette question s'est d'ailleurs posée durant les années 90 et consistait à savoir si la Russie avait la possibilité d'hériter de la personnalité morale de l'Union40(*). Dans les deux hypothèses, il y avait des conséquences bien identifiées. En effet, dans un premier cas, la Russie ne prendrait que la place de l'URSS sans aucun transfert de droits et d'obligations. Toutefois, il y aurait certaines modifications causées par la réduction du territoire et au changement de gouvernement. Dans un second cas, l'ensemble des droits et obligations de l'URSS restaient attachés à la Russie, mais dans la mesure où ceci est prévu par le droit de la succession d'États.

En ce sens, il faut souligner le fait que, dans le droit international, il n'existe pas de règles générales qui déterminent la manière et le moment où l'identité de l'État s'éteint. Par exemple, la France, l'Espagne et le Portugal ont continué d'exister malgré la dissolution de leurs empires coloniaux. On peut alors dire que le droit international milite plus pour la continuité que pour l'extinction41(*).

Dès lors, l'héritage politique de la Russie à l'égard de l'URSS reste marqué par la continuité. Elle devait ainsi assumer le rôle et la place de l'union au sein des institutions internationales et surtout sa place de membre permanent au sein du Conseil de Sécurité de l'ONU. On peut alors dire que la Russie a simplement vêtu les habits de l'ancienne URSS.

En ce qui concerne l'héritage militaro-nucléaire, la Fédération de Russie avait, selon ce principe de continuité, hérité de tout l'arsenal nucléaire de l'URSS sous l'impulsion du traité de Tachkent en 199242(*). Cependant, pour convaincre certains États, jadis membres de l'Union, de se dénucléariser, la Russie a dû offrir des garanties et des avantages. En ce sens, le Mémorandum de Budapest offrait à l'Ukraine plusieurs garanties dont :

· Une protection militaire en accord avec les États-Unis 

· La reconnaissance de la souveraineté et de l'impact de l'identité ukrainienne sursa politique étrangère

· Une aide économique octroyée conjointement avec les États-Unis

Après avoir obtenu ces garanties et avantages, l'Ukraine s'est engagée à transférer 1900 ogives nucléaires vers le territoire russe. Pour sa part, la Russie s'engageait à transférer plus de 100 tonnes d'uranium peu enrichi pour la production d'énergie nucléaire. La Fédération de Russie devenait alors le seul héritier du passé nucléaire de l'URSS et ceci le plaçait immédiatement derrière les États-Unis. Ce qui lui permettait de défier ces derniers sur n'importe quel dossier politique et stratégique dans le monde.

Cependant, il faut reconnaitre que, pendant un bon moment, il y eut une véritable disproportion entre le statut politique de la Russie et ses capacités réelles. En effet, les performances économiques du pays dépendent largement des secteurs stratégiques tels que l'armement et l'énergie. La Russie figureparmi les premiers producteurs mondiaux de gaz naturel, de pétrole et de charbon. C'est aussi un producteur incontournable de blé et de betterave à sucre. De plus, ses potentialités de sa zone arctique sont jugées énormes. Toutefois, malgré tout ce potentiel, l'économie russe ne semble pas vraiment suivre ce statut politique et militaire. La Russie a, alors, du mal à réaliser ses ambitions de puissance, surtout au proche et au Moyen-Orient où les États-Unis semblent avoir une longueur d'avance.

Aujourd'hui, plusieurs facteurs négatifs tendent à ralentir les ambitions de la Russie dans le monde dont :

· Des exploitations d'hydrocarbures stagnantes en raison d'un manque d'investissement

· Un manque d'innovation dans le secteur de l'armement

· Une défaillance de peuplement qui affecte une grande partie du territoire

· Une phase de sous-développement entre 1989 et 2004

· Une perspective de déclin démographique à travers le vieillissement de la population

Outre ces difficultés, la Russie n'a plus le même aura que l'URSS et devient de facto un pays que certaines puissances occidentales méprisent et se permettent de sanctionner. Ce qui n'empêche pas, toutefois, au pays de nourrir des ambitions plutôt justifiées à partir de ce statut politique et militaire. Sur le dossier syrien, par exemple, outre le fait de défendre ses intérêts, l'ambition de la Russie est de montrer au monde qu'elle est capable de rivaliser avec un occident « décadent » et en manques de solutions en ce qui concerne la résolution des crises politiques et la lutte contre le terrorisme.

Paragraphe 2 : l'ambition de la Russie à partir de ce statut politique et militaire

Depuis le début du siècle, on note que la Russie a entamé un véritable processus de retour sur la scène internationale. Sa particularité, c'est sans doute l'agressivité de sa politique militaire et surtout son adossement à une diplomatie qui s'accompagne le plus souvent par des actions militaires. Autant dire qu'après la chute de l'URSS, l'ours russe a hiberné pendant une quinzaine d'années et son retour sur la scène internationale est assez agressif43(*).

Dans le domaine militaire, l'idée de la Russie, c'est de disposer, tout comme le souhaitait l'URSS d'une « profondeur stratégique ». Cependant, cette ambition était malmenée par l'hégémonie des États-Unis et de l'OTAN, notamment après le déploiement d'un bouclier antimissile en Pologne. Au fil des années, la Russie a su que son économie ne pouvait rivaliser, sur plusieurs points, avec celle des États-Unis. C'est pour cela qu'elle entend miser dans le domaine politique et militaire pour retrouver sa puissance. D'ailleurs, c'est seulement dans ces domaines qu'elle dispose vraiment d'atouts dont elle peut se prévaloir, notamment le fameux droit de véto, une des plus puissantes armes politique et diplomatique au monde.

Aujourd'hui, les différentes actions de la Russie laissent croire que le pays est en train de renouer avec les pratiques de la guerre froide. Par exemple, Vladimir Poutine n'hésite plus à envoyer ses bombardiers survoler le Grand Nord de la Russie et certains d'entre eux s'approchent souvent de l'espace aérien des pays scandinaves et même des États-Unis. À plusieurs reprises, des avions de l'OTAN ont dû décoller en urgence pour dissuader des actions. De plus, le président russe réalise régulièrement des manoeuvres militaires conjointes avec la Chine et les deux pays annoncent même qu'ils envisagent d'avoir une présence permanente en méditerranée.

Désormais, la Russie n'hésite plus à revendiquer sa quête de puissance et intervient sous le voile de « légitime défense », allusion exprès faite au concept de « guerre préventive » si chère aux États-Unis. Par exemple, pour la guerre en Géorgie, le président Poutine a avoué à la télévision nationale « qu'il y eût un plan, ce n'est pas un secret 44(*)». La même technique été employée en Crimée, et, comme en Géorgie, les milices interviennent avec de la logistique russe, notamment les fameux véhicules sans immatriculation.

Depuis quelques années, la Russie s'est aussi lancée dans une vaste opération de modernisation de son arsenal militaire avec plus de 40 missiles intercontinentaux supplémentaires et surtout capables de déjouer les systèmes de défense les plus sophistiqués. Vladimir Poutine a aussi annoncé, lors d'un discours en 2015, avoir mis en place un système anti radar capable de détecter des cibles à une très longue distance. Il s'était aussi félicité du sous-marin lanceur d'ogives nucléaires acquis durant la même année.

Dans le domaine de la politique internationale, la Russie entend faire valoir ses prétentions et surtout obtenir un traitement d'égal à égal dans ses rapports avec l'occident. En effet, lors du forum économique mondial de Davos, Igor Chouvalov, le vice-premier ministre russe avait commenté le conflit en Ukraine en ces termes « l'occident doit apprendre à traiter d'égal à égal avec la Russie, sans quoi il sera impossible de régler la crise en Ukraine et surtout prévenir de nouveaux conflits similaires ». Dans le champpolitique international, la Russie a pour objectif de montrer que la fin de l'URSS ne veut pas forcément dire la fin de la Russie. D'ailleurs, c'est dans ce sillage que s'inscrit l'utilisation abusive de son droit de véto au niveau du Conseil de Sécurité des Nations Unies. En effet, entre 2007 et 2012, parmi les 7 résolutions votées au Conseil de Sécurité, la Russie a opposé son véto à 6 reprises. Elle fut souvent accompagnée dans cet élan contestataire par la Chine, son allié naturel. Depuis 2012, le véto russe a aussi été utilisé 2 fois afin d'empêcher des sanctions contre le président Bachar Al Assad.

À la lumière de ces développements, on s'aperçoit que la Russie a une ambition claire sur la scène internationale : se faire reconnaitre plus qu'elle ne l'a été jusque-là. Pour cela, elle n'hésite pas à utiliser sa puissance diplomatique et sa force militaire que d'aucuns jugent comme étant agressive. Une nouvelle « Guerre froide » est sans doute en cours.

SECTION 2 : L'INTERVENTION RUSSE EN SYRIE : ENTRE RÉACTIONS ET PLANNIFICATION

L'intervention russe dans le conflit syrien a surpris plus d'un. Jusque-là, le pays affichait son soutien au pouvoir de Bachar Al Assad et n'hésitait pas à apporter son aide logistique aux forces du régime45(*). Cependant, ce quise présentait seulement comme une rumeur devint jusqu'au mois d'aout, devient, au mois de septembre, une véritable intervention militaire avec une violence qui nous rappelle les affrontements de la période de la Guerre Froide. Au même moment, la diplomatie russe semblait défendre ce qu'elle qualifiait de « plan de lutte contre le terrorisme » avec un discours du Président Poutine à la tribune de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Grâce à cette intervention sur le terrain, la Russie a non seulement permis aux forces loyales à Assad de reprendre les territoires perdus, mais de devenir aussi l'interlocuteur incontournable dans le conflit en Syrie.

Dans cette section, nous allons analyser les intérêts russes en Syrie (Paragraphe 1) pour ensuite mettre en perspective de cette intervention dans le conflit syrien (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : les intérêts russes en Syrie

On ne saurait se tromper en affirmant que l'intervention russe en Syrie était, avant tout, guidée par les intérêts stratégiques russes dans le pays, et au-delà, dans la zone. Au vu de la situation géopolitique du Moyen-Orient, cette intervention est justifiée. En effet, la Syrie était un allié historique avec lequel l'URSS avait tissé des relations très fortes. D'ailleurs, le premier contrat d'armement entre les deux pays a été signé en 1956. Ensuite, on a le parti « Baath », promoteur du « socialisme arabe » qui a été au pouvoir entre 1963 et 1970. De plus, Hafez Al Assad, le père de Bachar Al Assad avait signé un traité d'amitié avec l'URSS en 1980 et ceci représentait des liens politiques et économiques spéciaux, d'autant plus que des considérations géopolitiques sont venues se greffer à ces rapports46(*).

Aussi, durant la Guerre Froide, la Syrie constituait, avec l'Algérie, la Libye et l'Irak « le front du refus » et était surtout favorable aux idéaux de l'URSS. Avec la quasi-disparition de l'Irak et de la Libye associés, la position ambiguë de l'Algérie, la Syrie se positionne comme le seul allié encore fidèle dans le monde Arabe. Dès lors, la disparition du régime de Bachar Al Assad pourrait signifier une rupture du croissant chiite, une des principales forces de l'Iran. Or, tous les analystes géopolitiques s'entendent sur le fait que l'Iran agit comme un tampon entre les zones d'influence russe et américain. Du coup, en défendant le régime syrien, la Russie défend en réalité l'Iran qui se trouve très exactement au sud de leur zone d'influence.

De plus, il faut noter le fait que la Syrie représente un peu un pied de terre dont dispose la Russie face à la Turquie qui, elle, est membre de l'OTAN. Un désengagement russe dans le conflit syrien signifierait tout simplement que la Turquie et l'OTAN auront feu vert pour faire de la Syrie une sorte de joint-venture géographique. Ce qui aurait pour conséquence de réduire considérablement l'influence de la Russie dans la zone.

Cependant, la principale interrogation de la plupart des observateurs, c'est celle de savoir comment la Russie est passée du statut de champion dans l'utilisation du droit de véto à un État intervenant directement sur le terrain. En dehors des raisons évoquées plus haut, plusieurs éléments peuvent expliquer cette attitude. D'abord, dans le dossier syrien, la Russie semble regretter son laxisme sur le dossier de la Libye sur lequel elle s'était abstenue47(*). Ensuite, nous avons l'apparition de groupes armés affiliés à Al Qaeda et à l'État islamique, qui est une raison évidente et légitime. Elle fut d'ailleurs souvent mise en avant comme justificatif pour convaincre l'opinion publique internationale. On a aussi, et surtout, la position hésitante des Occidentaux par rapport au régime syrien, même lorsque la fameuse « ligne rouge » a été franchie. Cette position est toutefois justifiée par la prise démocratique du pouvoir en Tunisie et en Égypte par des courants islamistes. La Russie s'est alors convaincue que le soutien à Bachar Al Assad restait la meilleure option pour préserver ses intérêts.

À travers cette intervention, Poutine tente non seulement de combler le vide laissé par l'URSS, mais envoie un message fort à la communauté internationale. Désormais, il faudra composer avec une Russie prête à « défendre ses intérêts », peu importe, là où ils se trouvent. D'ailleurs, c'est ce que l'on a pu sentir dans les différents discours de Poutine.

Pour cette intervention, le premier message était sans doute adressé au monde arabe qui fut secoué par les vagues de révoltes en 2011. Voyant que les dirigeants des pays arabes ont littéralement été abandonnés par leurs alliés, la Russie espère se positionner comme un allié fort, sur et loyal. Une stratégie très efficace qui devrait lui permettre, sur le long terme, de sortir de l'isolement diplomatique.

Le second message est adressé à l'Occident et la Russie tente de lui rappeler qu'elle est aussi une puissance diplomatique et militaire. Par conséquent, elle ne saurait être confinée dans ses limites géographiques et leur laisser le champ libre. D'ailleurs, la force et l'intensité avec laquelle elle a commencé son intervention en Syrie représentaient un message clair destiné aux Occidentaux.

Pour le troisième message, il était adressé à l'Iran qui, à travers cette intervention, saura sans doute qu'elle ne pourra jouer un rôle prépondérant dans la région sans s'allier avec la Russie.

À travers cette partie, on se rend compte que la Russie a tenu à revenir avec force sur la scène internationale, un peu comme pour signifier qu'elle est prête à mettre tousles moyens militaires nécessaires pour défendre ses intérêts. Ce qui nous interroge alors sur les gains réels et les perspectives d'évolution de cette intervention en Syrie.

Paragraphe 2 : les gains réels et les perspectives d'évolution de l'intervention russe en Syrie

Comme évoqué dans le premier paragraphe, l'intervention russe comporte des messages codés et des significations voilées destinés à presque tous les acteurs qui interviennent au Moyen Orient. Cela lui a surtout permis d'engranger de la confiance, mais aussi obtenir plusieurs gains sur le plan stratégique.

D'abord, elle entend renforcer sa position en méditerranée. Jusque-là, cette présence était tout simplement concrétisée par la base navale de Tartous. Avec cette intervention, l'armée russe a pu renforcer ses bases aussi bien à Damas qu'à Latakieh et tout laisse croire que les Russes entendent s'installer sur la durée. Il ne sera pas aisé de l'y déloger. À travers cette stratégie, la Russie est suivie et presque applaudie par l'Égypte et l'Algérie, conscientes de l'abandon occidental durant le printemps arabe. Plusieurs experts affirment d'ailleurs qu'ils ne vont pas tarder à se mettre sous la protection de la Russie.

Ensuite, à travers cette intervention, la Russie est parvenue à desserrer l'étau occidental concernant sa position en Ukraine. En effet, en 2015, l'administration américaine clamait haut et fort que le thème principal de l'Assemblée générale des Nations Unies était la situation en Ukraine. Après un tête-à-tête entre les dirigeants des deux puissances, les déclarations qui ont été faites au niveau de la presse montraient clairement que les discussions sur la Syrie avaient rapidement bifurqué sur l'annexion de la Crimée, les interventions russes en Ukraine ou encore les calendes grecques. Ce qui permet de comprendre que les deux puissances n'ont pas voulu aller au clash sur le dossier syrien.

Par ailleurs, l'intervention russe entraine la création, à Bagdad, d'une coopération quadrilatérale (Russie, Iran, Irak et Syrie) afin de combattre l'État islamique. L'Irak, qui fut jusqu'à un passé récent la chasse gardée des États-Unis, noue de nouvelles relations avec la Russie qui s'incruste de facto dans les dossiers importants de la région.

En prenant part au conflit, le motif mis en avant a été la lutte contre le terrorisme et les autorités russes prennent bien le soin de ne jamais invoquer l'Organisation Etat islamique. Dès lors, elles considèrent comme « terroriste » toute organisation armée opposée au président Bachar Al Assad. C'est d'ailleurs sur ce point que réside le principal différend entre la Russie et le camp occidental. Au moment où les Occidentaux déclarent intervenir contre Daesh tout en épargnant les autres factions rebelles, les Russes, quant à eux, les ciblent ouvertement. C'est à travers cette distinction que l'on pourrait analyser les perspectives d'évolution du conflit en Syrie. Pour le moment, les Russes ont réussi, dans une moindre mesure, à mettre le président Assad dans une position de force et la situation sur le terrain semble être favorable aux forces du régime syrien.

Avant l'intervention de la Russie, elles n'occupaient qu'une bande étroite allant de Damas à Latakieh. Il fut même un moment (juin 2015) où les forces du régime avaient même été suppléées par les forces spéciales iraniennes et les milices du Hezbollah qui ont forcé les groupes armés à reculer48(*).

Avec cette situation, il est légitime de s'interroger sur l'identité des groupes contre lesquels la Russie se bat. En effet, en dehors de l'Organisation Etat islamique, il existe une incroyable fluidité entre les groupes présents sur le terrain. Bien qu'ils aient des tendances et des obédiences différentes, ces groupes n'hésitent pas à s'unir et à se désunir au gré des agendas des pays souteneurs. Au total, il existe 22 groupes et groupuscules armés en Syrie répartis en 6 forces combattantes et que la Russie n'hésite pas à qualifier de terroristes :

· État-Major général de l'armée syrienne libre : composée de la brigade des martyrs, la brigade des Syriens libres, le front de la libération de la Syrie Musulmane, brigade Al Farouq, les aigles du Cham et de la brigade de l'unicité.

· L'armée de l'Islam : qui comprend la brigade de la conquête du Cham, la brigade Al-Islam et la brigade Al-Ansar

· Le Front islamique syrien : composé du Mouvement des Syriens Musulmans libres, la brigade de la vérité, de l'Ansar-Cham, l'armée de l'Unicité et de la Brigade des Moudjahidines du Cham.

· L'armée de la Conquête : qui est une structure de coordination qui fonctionne lors de certaines batailles et qui fédère plusieurs autres groupes.

· Les brigades autonomes : composées de la Brigade des descendants du Prophète, le Front de l'Authenticité et du Développement, la Brigade des martyrs d'Al Yarmouk et des bataillons de l'armée nationale.

· Les mouvements terroristes djihadistes49(*) : qui comprennent la JabhatAnnousra et l'État islamique.

Avec la présence de toutes ces forces dans le conflit syrien en plus de l'Armée Syrienne Libre (ASL), force rebelle la plus médiatisée avec Daesh, les Russes risquent de se disperser entre plusieurs fiefs. Ce qui aura pour conséquence de provoquer des ralliements entre groupes armés en plus d'attiser un sentiment anti russe au sein de la population.

L'évaluation cette dimension de l'intervention russe en Syrie nous montre tout simplement que la guerre est peut-être loin de trouver son épilogue. Pour réussir à mettre fin au conflit, il faudra miser sur une coopération multilatérale dans laquelle le rôle prépondérant de la Russie sera reconnu et accepté par tous les acteurs.

CHAPITRE 2 : LA COOPÉRATION MULTILATÉRALE EN SYRIE : UNE TACHE DIFFICILE

En intervenant militairement en Syrie, la Russie n'a pas seulement cherché à affirmer sa puissance au Proche et Moyen-Orient. Ce que la plupart des acteurs du conflit n'ont pas compris, c'est que Poutine ne défend pas l'unilatéralisme, mais plutôt le multilatéralisme50(*). Une réalité à laquelle doivent s'accorder tous les acteurs s'ils veulent trouver une solution durable à la crise. Dès lors, la démonstration de l'armée russe avait seulement pour but de faire comprendre aux États-Unis et à leurs alliés qu'ils seront obligés d'inclure la Russie dans toute forme de négociation multilatérale. Il s'agit alors, comme l'évoque la deuxième grande partie de ce travail « d'une action unilatérale pour imposer le multilatéralisme ».

Cependant, il faut noter que tous les acteurs engagés dans conflit connaissent de réelles difficultés sur le terrain. Pour les forces du régime, elles ont souvent d'un sérieux manque de munitions et de pièces de rechange. Ce qui a d'ailleurs été une des principales raisons de leur déroute, jusqu'à ce que les Russes leur viennent en aide. Concernant les rebelles et autres groupes armés, leur manque de moyens et d'organisation fait qu'ils ne parviennent presque jamais à conserver leurs positions. Quant aux forces américaines et leurs alliés, elles souffrent toujours du manque de clarté de leurs pays respectifs sur le terrain. Seule la Russie semble maitriser, du moins en apparence, les tenants et les aboutissants de son intervention.

Ce qui rend ce conflit à la limite du contrôlable (Section 1) et vient témoigner encore une fois du caractère indispensable de l'influence russe dans la recherche d'une solution au conflit (Section 2).

SECTION 1 : UN CONFLIT A LA LIMITE DU CONTRÔLABLE

Le début du 21e siècle est marqué par de nombreux conflits au Moyen-Orient. En effet, certaines zones n'ont cessé d'agiter des conflits anciens ou nouveaux et représentent des foyers d'instabilité dont on peine à trouver des solutions durables. Le plus souvent l'intervention de puissances étrangères (par exemple sur l'Irak en 2003), loin de trouver une solution au conflit, laisse le pays dans une situation où il est difficile, voire impossible, de concilier les parties et d'obtenir une paix durable. En ce qui concerne le conflit en Syrie, osons dire qu'il s'agit d'un conflit « qui repousse les limites de la guerre »51(*). Elle restera surtout dans les annales pour avoir semé un chaos indescriptible dans la région.

Dans cette section, nous allons tenter d'analyser la situation de chaos qui prévaut en Syrie (Paragraphe 1) pour ensuite évoquer une donnée que la plupart des analystes politiques ont tendance à négliger voire ignorer : la cyberguerre et ses enjeux en Syrie (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : la guerre en Syrie : entre désastre humanitaire et chaos politique

Avec ce conflit en Syrie, le Moyen-Orient avait rarement, sinon jamais, connu un conflit d'une telle ampleur et avec autant d'acteurs engagés. L'apparition de l'État islamique, qui a fait ses armes en Irak pour ensuite se diriger en Syrie, n'arrange en rien la situation. Outre les pertes humaines dues aux affrontements entre les forces loyales au régime et les groupes armés, les terroristes de Daesh ont commis plusieurs exactions : exécutions sommaires, décapitation, viols, mariages forcés, traite d'enfants, trafic d'armes, de pétrole et de stupéfiants. Dès lors, durant les 4 premières années qu'a duré le conflit, le bilan humain est tout simplement effroyable. Entre 2011 et 2015, on comptait environ 220.000 morts, plus d'un million de blessés graves et plusieurs millions de personnes qui ont tout perdu.

Côté humanitaire, cette guerre a poussé plus de 4 millions de Syriens vers l'exil, notamment au Liban voisin qui compte à lui seul 1.4 de réfugiés. Les autres, surtout les habitants de la ville d'Alep, ont traversé la frontière avec la Turquie pour entamer un long périple vers l'Europe. Avec l'intensification de la guerre en 2014 (76.000 personnes tuées), le phénomène migratoire s'est beaucoup fait sentir, notamment avec les premières vagues d'arrivée de migrants en Europe. En tout, pour un pays de 23 millions de personnes, entre 11 et 12 millions de personnes ont fui la guerre52(*).

Dans les camps de réfugiés, aussi bien en Syrie qu'à l'international, la situation humanitaire est tout simplement catastrophique. Pendant ce temps, le régime de Bachar Al Assad gagne en confiance grâce au soutien russe et à la stratégie occidentale visant à faire la guerre aux « terroristes ». Selon une publication de Benjamin Barthe, parue le 14 mars 2015 dans le journal Le Monde : « entre 2013 et 2014, le nombre de syriens ayant bénéficié des convois onusiens d'aide a chuté, passant de 2.9 millions à 1.2 million ». Il s'agit là d'un effondrement de 63% qui est dû aux multiples refus des demandes d'agrément par le régime syrien. En effet, sur les 115 demandes reçues, seules 50 ont été approuvées. Pourtant, le nombre de personnes vivant dans les zones les plus touchées par le conflit a presque doublé durant cette période, passant de 2.8 millions de personnes à 4.8 millions de personnes fin 2015. Avec l'intensification des combats, il est certain que le nombre de personnes se trouvant dans cette situation va dépasser les 5 millions de personnes53(*).

Les déplacements forcés causés par la guerre en Syrie entrainent de nombreux problèmes sur le plan régional. Après tout, la Syrie est un pays de 23 millions d'habitants, dont plus de 65% de jeunes. Par conséquent, certains pays ont du mal à suivre le rythme des arrivées avec les besoins urgents et les difficultés liées à leur intégration.

Par exemple, pour le Liban, qui est le plus proche voisin de la Syrie et de sa capitale, plusieurs difficultés relatives au manque de moyens ont été soulevées. Bien que les organisations humanitaires travaillent à l'amélioration des conditions des réfugiés, il existe aussi les difficultés d'intégration. De plus, dans un pays politiquement fragile et aux structures étatiques encore mal gérées, la crise syrienne contribue à affaiblir les acquis sociaux54(*). D'ailleurs, le Liban se montre de plus en plus réticent à investir dans son développement, car, au même titre que la Jordanie, il craint que le fait de consentir à ce type de dépenses n'attire encore d'autres flux de migrants55(*).

Sur le plan politique, la situation est assez comparable à l'humanitaire et on se demande même si la Syrie n'aurait pas été abandonnée par le reste du monde. En effet, chaque partie au conflit est sur le terrain pour défendre ses intérêts, mais pas vraiment pour trouver une solution au conflit et sauver la Syrie, du moins, ce qui en reste. D'ailleurs, certains regrettent qu'on n'ait pas soutenu davantage le président Assad dans la lutte contre l'extrémisme religieux au lieu de chercher à le renverser par tous les moyens56(*). Ceci est une opinion légitime qui se répand de plus en plus dans le camp occidental et celui-ci commence à afficher sa division par rapport au conflit en Syrie.

Aujourd'hui, la guerre dans le pays a pris une toute autre dimension et s'est réellement transposée sur le web. On assiste désormais à une véritable cyberguerre, tout aussi sournoise et imprévue pour chaque camp. Le conflit en Syrie vient de prendre une dimension jusque-là peu envisagée par l'opinion internationale.

Paragraphe 2 : le web syrien comme arme de dissension massive

À côté de la guerre réelle, la cyberguerre en Syrie constitue un autre front entre la Russie et l'OTAN et les autres forces intervenant dans la Guerre en Syrie. Ce « second conflit » tourne autour du web et de ses différentes armes : piratages, programmes malveillants, vidéos, témoignages, campagnes d'hameçonnage, etc.

Pour les opposants au régime de Bachar Al Assad, la résistance s'organise particulièrement autour du web et ils rendent compte de la guerre de manière quotidienne. Ils en font un moyen de dénonciation des exactions du régime. Aujourd'hui, internet est devenu une véritable lucarne pour la Syrie qui est un pays isolé. Cet élan de dénonciation, qui renvoie à la stratégie du « show and shame 57(*)» a été initié depuis le début du conflit. Son rôle, c'est de témoigner et de rendre compte de la situation sur place à travers les « Comités locaux de coordination de la Syrie » sur internet et les réseaux sociaux. Récemment, un web documentaire a été réalisé par RFI sur que l'on peut désormais appeler les cyber-soldats et a mis en relief la grande bataille des télécommunications en Syrie. Depuis le début du conflit, les outils de communication sont acheminés clandestinement par les rebelles depuis la Turquie58(*). Ce matériel provient en particulier des pays d'Europe et du golf et les accès se font par satellite afin d'échapper aux contrôles sur les réseaux syriens. Le web documentaire met surtout un exergue l'importance des réseaux sociaux, en particulier YouTube, dans le conflit syrien. L'un des exemples les plus pertinents reste l'attaque chimique du 21 aout 2012 à Damas et les activistes ont réussi à filmer et poster les attaques.

Cependant, il faut souligner le fait que le web est un terrain extrêmement miné et une utilisation hasardeuse pourrait avoir des conséquences inattendues. Outre les intérêts des opposants, le web sert aussi les intérêts du régime de Bachar Al Assad. En effet, celui-ci l'utilise pour traquer les opposants. Par exemple, en 2012 un « faux » YouTube était utilisé dans le but de piéger les rebelles syriens en se présentant comme page dédiée aux opposants du régime. Il s'agit, en effet, d'une technique d'hameçonnage dont le but consistait à installer un logiciel malveillant sur les ordinateurs des personnes qui l'utilisent. Ensuite, le logiciel prenait le contrôle de l'ordinateur et avait accès à toutes les informations de même que les mots de passe de personnes souhaitant commenter les vidéos. Cette technique, qui s'est révélée particulièrement efficace, était l'oeuvre de l'Armée Electronique Syrienne (SEA). Composée de pirates informatiques pro-Bachar Al Assad, cette armée avait comme principale stratégie de combat le piratage de sites web afin de récupérer certaines données et de faire fuiter de fausses informations59(*). Pour les experts en renseignements, comme EricDénécé et David Elkaim, c'est une méthode qui est souvent utilisée par les services secrets israéliens. L'objectif, c'est d'induire l'adversaire en erreur. Par exemple, en 2013, c'est la SEA qui avait fait fuiter l'information selon laquelle il y aurait eu une attaque à la Maison-Blanche et que le président Barack Obama aurait été blessé. Conséquence : la bourse de NewYork plonge de plus d'un pour cent. Récemment, le compte Twitter du journal Le Monde a aussi été piraté.

Aujourd'hui, le web syrien est une arme de dissension massive. Avec la diffusion sur internet et sur les réseaux sociaux de fausses informations, c'est tout le web qui devient suspect et ceci renforce le contexte de méfiance, de tromperie et de doute. Dans cette guerre, il faut dire que les services secrets du régime, appuyé par les Russes, ont fini de prendre l'avantage sur une opposition divisée, peu expérimentée par rapport aux techniques de guerre virtuelle et qui a surtoutbeaucoup de mal à entrer en contact avec sa base, celle-ci étant déconnectée et peu encline à répondre à des interlocuteurs le plus souvent anonymes.

Notons, toutefois, qu'une cyberguerre prend souvent la dimension d'une propagande et d'une désinformation. Une chose que l'opposition syrienne, de même que le régime,a plutôt bien réussie. Cependant, la plupart des gourous du web, dont Mozorov, estiment que la cyberguerre en Syrie a plus d'avenir dans l'identification et la surveillance des utilisateurs plutôt que dans la propagande et la désinformation. Avec la complexité du conflit syrien, ce mode opératoire n'a plus beaucoup d'impact sur l'opinion internationale qui commence à se désintéresser du conflit, surtout si l'on sait que de nombreuses vidéos ou photographies publiées sur le web donnent l'impression d'avoir assisté en direct au conflit. Il est alors difficile de situer les responsabilités, car les rebelles et le régime s'accusent mutuellement de ces actes effroyables. Jusque-là, la Russie affiche un soutien sans faille au pouvoir affirmant que ces « preuves » sont fabriquées de toutes pièces pour incriminer le régime.

À travers l'analyse de la cyberguerre en Syrie, on peut dire le conflit a pris une toute autre tournure, chaque partie cherchant à conquérir un terrain qu'elle maitrise plus ou moins. Il convient alors de se l'interroger sur la fiabilité et la liberté du web. Un peu comme avec le conflit proprement dit, l'intervention des Russes dans cette cyberguerre a eu un impact non négligeable. Leur expertise en matière de piratage informatique est très redoutée dans le monde, en témoigne le récent scandale sur les élections américaines avec l'élection de Trump. Une issue au conflit passera inéluctablement par une prise en compte de l'influence russe.

SECTION 2 : UNE INFLUENCE RUSSE DÉTERMINANTE DANS LA RECHERCHE D'UNE SOLUTION A LA CRISE

Le 02 aout 2012, Koffi Annan, ancien Secrétaire général de l'ONU et envoyé spécial de l'ONU et de la Ligue Arabe dans la crise syrienne, présentait sa démission, n'étant pas parvenu à mettre en oeuvre le plan de paix qu'il avait proposé en Mars. Après 5 mois d'efforts, il avait décidé de jeter l'éponge en invoquant les « divisions au sein de la communauté internationale » qui ont « compliqué ses devoirs ». En 2017, les divisions sur le dossier Syrie sont toujours aussi nombreuses et une issue à cette guerre ne saurait être trouvée tout en ignorant l'influence de certains acteurs dans la région.

En ce qui concerne la Russie, son intervention dans la crise syrienne est une forme d'affirmation de sa légitimité et une véritable continuité dans sa politique étrangère (Paragraphe 1). Dès lors, on se dirige vers une réelle acceptation de la responsabilité occidentale dans l'instabilité au Proche et Moyen-Orient (Paragraphe 2). Ce qui n'était pas le cas jusque-là.

Paragraphe 1 : Une relative continuité dans la politique étrangère de la Russie

Refus de toute ingérence dans les affaires intérieures d'un État, quête de puissance et crainte de la propagation de l'islamisme politique, voici les 3 principes qui guident l'action de la Russie sur la scène internationale. Dans le conflit syrien, ces 3 principes font que la Russie est un acteur incontournable dans la recherche d'une solution au conflit. Cependant, force est de constater que le principe de non-ingérence a été délaissée au profit d'une intervention militaire qui est loin d'être neutre.

Mais avant tout, il faut souligner le fait que la Russie cherche en particulier la parité avec les États-Unis. En effet, une bonne partie de l'élite de la Russie reste particulièrement anti-américain. À travers la crainte de l'érosion progressive de son statut de puissance au Proche et Moyen-Orient, la Russie s'appuie particulièrement sur la carte syrienne. Son intervention en Syrie est alors une manière de tenir tête à l'administration américaine et surtout à prendre leur revanche par rapport au conflit libyen. Ils estiment que le printemps arabe est un « complot » ourdi par les dynasties sunnites du golf avec l'accord du département d'État américain. Si l'on sait que les élections russes en 2012 ont été particulièrement difficiles, il était quasi-impensable d'adopter une position qui pourrait légitimer le changement de régime en Syrie.

Rappelons aussi que le fait de contenir tout militantisme islamique a toujours été l'un des principaux motifs d'intervention de la Russie au Moyen-Orient. Pour la plupart des élites russes, dont la grande majorité est issue des services de sécurité, le terrorisme d'origine islamique est une résultante de la guerre contre les Moudjahidines durant les années 80. Sur le dossier syrien, les Russes sont convaincus qu'un changement de régime servira de terreau fertile à l'extrémisme religieux et le sentiment anti russe va davantage se propager dans la région60(*). D'ailleurs, sur ce point, on peut noter que la Russie tente de trouver un certain équilibre entre sa politique intérieure et sa politique étrangère. Les évènements au Moyen-Orient ont, en effet, des répercussions certaines en Russie, car sa partie islamique fait partie intégrante du monde musulman.

Les autres motifs mis en avant dans l'intervention russe en Syrie restent assez surestimés, notamment le partenariat de défense entre la Russie et la Syrie. Cependant, on se rend compte que les armes les plus sophistiquées n'ont jamais été livrées au régime syrien de peur de menacer directement l'occident et surtout Israël.

Si l'on sait que cette position de la Russie par rapport à la guerre en Syrie répond parfaitement, ou presque, aux grandes lignes de sa politique étrangère, l'objectif des dirigeants russes reste le fait de rendre inacceptable, voire dangereux, le changement de régime en Syrie aux yeux de l'occident. Jusque-là, bien que les capacités russes à orchestrer une réelle transition politique ne convainquent pas tous les acteurs, elle apparait toutefois comme étant la seule alternative au conflit. Depuis 2011, le Président Poutine prône la transposition de la « solution yéménite »au conflit syrien61(*).

À travers cette solution, les Russes veulent éviter une dé-baassification du régime et surtout préserver l'unité d'une armée qui le garant de l'intégrité territoriale du pays. En ce sens, la Russie prône un dialogue avec les généraux qui n'ont pas été directement impliqués dans le conflit.

Enfin, l'objectif russe est de faire en sorte que l'Iran soit aussi reconnu comme une puissance dans la région. Ce qui fait renaitre l'hypothèse selon laquelle l'axe Moscou-Téhéran-Damas était en train de se dessiner.

À travers cette partie, on peut dire que la Russie est en position de force sur le conflit syrien. Seulement 2 ans après le début de son intervention sur le terrain, le président Poutine est parvenu à imposer, plus ou moins, sa volonté aux Occidentaux et à leurs alliés. La prochaine étape est toute tracée et va consister à faire accepter aux occidentaux leur responsabilité dans la situation politique au Proche et Moyen-Orient.

Paragraphe 2 : Vers une acceptation de la responsabilité occidentale dans l'instabilité au Proche et Moyen-Orient

Avec son retour au-devant de la scène internationale, un des premiers objectifs de la Russie est de se placer comme étant le réparateur des multiples « erreurs » des puissances occidentales. Avant le début de son intervention en Syrie, le discours du président Vladimir Poutine à ce sujet a été très clair : « les occidentaux avaient une responsabilité écrasante dans l'instabilité actuelle au Proche et Moyen-Orient et ne semblent pas vouloir en tirer toutes les leçons en témoigne leur obstination à réclamer le départ de Bachar Al Assad... ». Il estime surtout que ce l'on peut appeler « exportation des révolutions démocratiques » se poursuivait.

La position de la Russie sur le dossier du Proche et du Moyen-Orient est alors toute claire : pour qu'on puisse arrêter le désastre qui sévit dans la région, il faut que les Occidentaux acceptent leur part de responsabilité dans cette situation. L'histoire lui donne raison, car, selon les propos de Poutine « l'intervention extérieure agressive a entrainé, au lieu de réformes, la destruction pure et simple des institutions étatiques et du mode de vie lui-même dans les pays concernés (Irak, Libye, Syrie, etc.)62(*)». Pendant son discours à la tribune des Nations Unies, Poutine a tenu préciser les origines de l'État islamique qui, selonlui, aurait été choyé dans un premier temps par les occidentaux, car il représentait un instrument de lutte contreles régimes laïques indésirables.

Toutefois, le président russe propose, à travers ce discours, la constitution d'une large coalition antiterroriste internationale de même que l'élaboration d'une stratégie globale visant à stabiliser le pays et rétablir l'équilibre socioéconomique. Au nom de l'intérêt commun, les dirigeants russes entendent aussi pousser les Occidentaux à arrondir les angles vis-à-vis de la Russie. Enfin, le Vladimir Poutine mentionne la question des migrants syriens à laquelle il faudrait une coopération multilatérale afin de trouver une solution.

À travers cette démarche du président russe, le pays espère pouvoir collaborer véritablement avec les puissances occidentales et surtout installer un climat de confiance. Le Kremlin espère aussi obtenir un assouplissement des sanctions imposées à la Russie63(*). D'ailleurs, il faut noter que, dans plusieurs pays occidentaux, ces sanctions commencent à lasser. En ce sens, plusieurs dirigeants occidentaux se sont rendus en Russie depuis 2015 (François Hollande, Angela Merkel, Emmanuel Macron, Ségolène Royal, des parlementaires français, etc.) afin d'établir des relations diplomatiques durables avec le pays. Le chef du gouvernement italien, Matéo Renzi, après plusieurs visites en Russie, déclarait : « bâtir l'Europe sans la Russie serait une erreur ».

Au regard de ces multiples gestes des dirigeants européens, on peut dire que les Occidentaux sont en train d'adopter une position différente par rapport à la Russie. Le Kremlin entend naturellement surfer sur cette vague positive afin de faire valoir les bienfaits de son intervention dans le conflit en Syrie, surtout dans un contexte où l'opinion publique internationale considère l'État islamique comme le premier ennemi à abattre. Dès lors, l'hypothèse selon laquelle la Russie est intervenue en Syrie pour faire oublier la situation en Ukraine semble être justifiée.

Un nouveau vent souffle alors dans la guerre en Syrie et l'hypothèse la plus plausible reste le fait qu'il faudrait que la Syrie et les États-Unis s'entendent sur le sort de Bachar Al Assad avant d'envisager toute solution politique à la guerre en Syrie64(*). Mais avec l'évolution du conflit, on est encore loin de cette hypothèse, car la nouvelle administration de Donald Trump reste plus que jamais imprévisible.

Cependant, la Russie a réussi à obtenir ce qu'elle voulait : faire progresser son influence au Moyen et Proche-Orient tout en desserrant les sanctions des puissances occidentales qui sont une résultante de la situation politique en Ukraine. Pour cela, elle a dû sacrifier un principe auquel elle s'est largement appuyée pendant plusieurs années pour justifier sa non-intervention dans plusieurs théâtres de conflit : le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États. Autant dire, alors, que toute guerre est une continuation de la politique par d'autres moyens.

CONCLUSION

Le conflit syrien est une suite logique du vent révolutionnaire qui a semé le trouble dans plusieurs pays du monde arabe. C'est une guerre qui est une résultante de plusieurs frustrations politiques et sociales que les Syriens ont vécue depuis plusieurs dizaines d'années. À cela s'ajoute des enjeux régionaux et internationaux, notamment le besoin de changement de régime en Syrie, longtemps voulu et envisagé par les voisins pays tels que l'Arabie Saoudite de même que les puissances occidentales. Si le conflit a acquis une dimension régionale, puis internationale en seulement quelques mois, c'est sans doute parce que les différents protagonistes ont été soutenus par des camps divers et aux intérêts parfois incompatibles sur le terrain. Dès lors, la Syrie est devenue le terrain de jeu favori des groupes terroristes, des puissances cherchant à avoir le contrôle de la zone et des Russes qui cherchent à contrer l'influence occidentale dans le Moyen-Orient.

A partir de 2015, la guerre en Syrie a pris une nouvelle tournure avec l'entrée en matière de la Russie. En tant que puissance militaire dominante, juste après les Etats-Unis, son intervention a été de nature à changer profondément la donne sur le terrain. Un moment mises en difficultés par les rebelles syriens et les combattants de Daesh, les forces du régime syrien sont parvenus à reconquérir plusieurs territoires perdus. De plus, avec l'ambigüité de la position occidentale les forces loyalistes au Régime de Damas ont remporté de précieuses victoires aux alentours d'Alep et de Damas avec le soutien de la force aérienne Russe.

Evoqué dans l'introduction, la perspective d'un affrontement global en Syrie semble improbable bien que des spécialistes comme Bertrand Badie ait pu le penser en un moment donné. Cependant, rien est figé dans le temps et le développement de l'idéologie d'Alexandre Douguine au sein de l'élite intellectuelle russe pourrait nous réserver quelques surprises à l'avenir. Pour le moment, la Russie s'est invitée aussi bien à la table des négociations que dans la bataille militaire avec, cette fois-ci, un réel succès devant l'opinion internationale. D'ailleurs, celle-ci joue un rôle important dans la guerre en Syrie.

Aujourd'hui, on peut dire que le conflit syrien est celui où les enjeux sont les plus importants dans le monde. Pour le camp occidental et ses alliés, l'objectif est de faire avancer leur agenda géopolitique dans la zone et ceci passe forcément par le renversement, du moins le départ du régime baasiste. D'abord réticents à intervenir dans le conflit, des pays comme la France et les États-Unis ont finalement décidé de se ranger du côté du « peuple » syrien en bombardant les positions de l'armée du régime afin de permettre aux rebelles d'avancer sur le terrain. Cependant, leur position est largement critiquée par l'opinion internationale qui estime qu'il n'existe pas vraiment de distinction entre factions rebelles et terroristes. Par conséquent, en soutenant les rebelles contre les forces du régime, c'est un peu comme s'ils faisaient de même pour les groupes terroristes. Ce qui pose un débat d'éthique, de logique et de responsabilité de la part de puissances qui prétendent lutter contre le terrorisme. Pire, elles sont les premières victimes d'attaques terroristes qui se revendiquent de l'État islamique, opérant principalement en Syrie et en Irak.

Pour l'intervention de la Russie dans le conflit syrien est tout sauf une démarche irréfléchie. Il s'agit d'une « politique par d'autres moyens » de la part d'un pays cherchant à retrouver son statut de puissance mondiale. En effet, le pays se réclame comme étant l'héritier de l'ancienne puissance soviétique, mais dans les faits, on devine aisément qu'il n'a pas la même puissance militaire et financière que l'URSS. Cependant, le président Poutine, sans doute nostalgique des années de la guerre froide durant lesquelles il était agent des services de renseignement russes, entend redonner à son pays toute sa grandeur y compris au Proche-Orient, sa zone géographique immédiate. La capitale de la Syrie, Damas, se trouve à moins de 4 h de vol de Moscou et la Russie entend étendre son influence politico-militaire dans une zone où les américains et les forces de l'OTAN n'ont que trop duré. De plus, le régime baasiste est un allié historique de la Russie avec laquelle elle a longtemps partagé la même vision du monde et les mêmes intérêts géostratégiques. Aujourd'hui, c'est comme si un pays ami vole au secours d'un autre qui s'enlise dans un conflit interne aux relents internationaux. Mais analyser ainsi l'intervention russe en Syrie serait très simpliste dans un environnement international où tout angélisme politique est à exclure a priori. Les intérêts russes dans ce conflit sont politiques, puis économiques et enfin géostratégiques. Pour résumer la situation, on peut dire que la Russie ne peut tout simplement pas laisser une zone si proche être totalement détruite et dominée par des puissances étrangères. Ce qui serait une menace à la fois pour sa sécurité et pour son prestige politico-diplomatique.

Dès lors, depuis l'automne 2015, la Russie est officiellement engagée dans le conflit syrien. Environ 3 ans plus tard, le conflit a évolué en faveur du régime de Bachar Al Assad. De plus, l'opinion semble être lassée par un conflit qui ne passionne plus vraiment les médias, sauf en cas d'attaques particulièrement sanglantes et dévastatrices. Quoi qu'il en soit, le camp occidental est désormais obligé de composer avec les forces russes sur le terrain, chacun ayant des objectifs assez ambigus. Jusqu'à présent, ils ne parviennent pas à s'accorder à la définition du mot « terroriste » sur le terrain. Si les uns prennent seulement en compte Daesh, épargnant la plupart des autres forces rebelles, les autres n'hésitent pas à homogénéiser leurs frappes aériennes.

Le conflit syrien, bien qu'étant dans une parfaite impasse, devrait connaitre son épilogue si seulement l'un des camps, notamment occidental, accepte une solution multilatérale. La résolution du conflit syrien aura alors la Russie comme acteur majeur. Après tout, c'est tout ce que Poutine cherchait en intervenant dans le conflit.

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· www.courrierinternational.com

· www.diplomatie.gouv.fr

· www.liberation.fr

· www.geostrategie.com

· https://www.franceinter.fr/

Annexes et illustrations

1. Qui se bat en Syrie ? (Illustration)

2. Une modernité économie inachevée

3. Les facteurs de la crise syrienne

4. Les facteurs de l'échec de l'Etat-Nation

5. Composition de la population syrienne en 2012 (tableau statistique)

6. Un modèle centre-périphérie (illustration)

7. Une extrême diversité confessionnelle (illustration

8. L'internationalisation du conflit

ANNEXE 1

ANNEXE 2

ANNEXE 3

ANNEXE 4

ANNEXE 5

ANNEXE 6

ANNEXE 7

ANNEXE 8

TABLE DES MATIERES

Sommaire...................................................................................................... 1

Remerciements................................................................................................. 2

Dédicace ............................................................................................................ 3

Liste des sigles et abréviations................................................................ 4

INTRODUCTION...........................................................................................6

PREMIÈRE PARTIE : LA GUERRE EN SYRIE : DE LA RÉVOLUTION A L'INTERNATIONALISATION DU CONFLIT ................................. 10

CHAPITRE 1 : L'ÉVOLUTION DE LA GUERRE CIVILE EN SYRIE EN CONFRONTATION RÉGIONALE................................................................11

SECTION 1 : UNE RÉVOLTE PROVENANT DES PÉRIPHÉRIES...... 12

Paragraphe 1 : La guerre civile en Syrie : le retour d'un refoulé...................13

Paragraphe 2 : Des réponses économiques inadaptées à la crise .................. 16

SECTION 2 : UN CONFLIT RÉVÉLATEUR DES NOUVEAUX RAPPORTS RÉGIONAUX ............................................................................. 19

Paragraphe 1 : la guerre en Syrie : entre alliances et désalliances au niveau régional ............................................................................................................... 20

Paragraphe 2 : la particularité du conflit syrien : une guerre par procuration.......................................................................................................... 22

CHAPITRE 2 : L'INTERNATIONALISATION DU CONFLIT : GREFFAGE DES AGENDAS DES PUISSANCES INTERNATIONALES.................................................................................... 24

SECTION 1 : LA LIGNE ROUGE ET LES ÉTATS-UNIS ........................ 25

Paragraphe 1 : l'incohérence de la position américaine ............................... 26

Paragraphe 2 : une attitude critiquée à l'international ................................ 28

SECTION 2 : LA RELATIVE IMPUISSANCE DES PUISSANCES EUROPÉENNES................................................................................................ 31

Paragraphe 1 : l'Union européenne reste divisée sur l'intervention en Syrie .............................................................................................................................. 32

Paragraphe 2 : La position de la France face au conflit syrien ......................34

DEUXIÈME PARTIE : LE JEU RUSSE EN SYRIE : UNE ACTION UNILATÉRALE POUR IMPOSER LE MULTILATÉRALISME ............ 37

CHAPITRE 1 : LE RETOUR AU PREMIER PLAN DE LA RUSSIE DANS LE JEU DE PUISSANCE INTERNATIONALE ........................................... 38

SECTION 1 : LA REVENDICATION DU STATUT D'HÉRITIER DE L'URSS ............................................................................................................. 39

Paragraphe 1 : la dimension politique et militaire de l'héritage de l'URSS..40

Paragraphe 2 : l'ambition de la Russie à partir de ce statut politique et militaire .............................................................................................................. 43

SECTION 2 : L'INTERVENTION RUSSE EN SYRIE : ENTRE RÉACTION ET PLANNIFICATION ........................................................... 45

Paragraphe 1 : les intérêts russes en Syrie ...................................................46

Paragraphe 2 : les gains réels et les perspectives d'évolution de l'intervention russe en Syrie ...................................................................................................... 49

CHAPITRE 2 : LA COOPÉRATION MULTILATÉRALE EN SYRIE : UNE TACHE DIFFICILE ...............................................................................52

SECTION 1 : UN CONFLIT A LA LIMITE DU CONTRÔLABLE..........53

Paragraphe 1 : la guerre en Syrie : entre désastre humanitaire et chaos politique .............................................................................................................. 54

Paragraphe 2 : le web syrien comme arme de dissension massive ............... 56

SECTION 2 : UNE INFLUENCE RUSSE DÉTERMINANTE DANS LA RECHERCHE D'UNE SOLUTION A LA CRISE .......................................59

Paragraphe 1 : Une relative continuité dans la politique étrangère de la Russie ..............................................................................................................................60

Paragraphe 2 : Vers une acceptation de la responsabilité occidentale dans l'instabilité au Proche et Moyen-Orient ............................................................. 62

CONCLUSION................................................................................................ 65

Biographie ....................................................................................................... 68

Annexes ........................................................................................................... 71

* 1 CLAUSEWITZ Carl Von, De La Guerre, ed. Librairie Académique Perrin, 1996.p. 46.

* 2 Voir le lexique de Science Politique, 2eed, Dalloz, 2011. p.246.

* 3SUR. Serge, Relations Internationales, Ed.Montchestien, Paris, 2000, p.229.

* 4 FRANCOISStéphane et SCMIDT Olivier, « Le conspirationnisme dans la Russie contemporaine », Dioguène, n°249-250, janvier-juin 2015.

* 5 Voir l'interview de Bertrand Badie sur France Inter du 13 octobre 2015 sur https://www.franceinter.fr/

* 6SEURAT Michel, Syrie, l'état de barbarie, Puf, 2012, p.47.

* 7 BALANCHE Fabrice « itinéraire de la transformation d'une révolte en guerre civile », Diplomatie, n°58, Septembre 2012, p. 23.

* 8 BOZARSLAN Hamid, Révolution et État de violence : Moyen-Orient 2011-2015, CNRS éditions, 2015, p.36.

* 9 Voir l'article « Le Printemps arabe : la chronologie par pays », publié en 2011 sur www.scienceshumaines.com

* 10 Chiffres de l'OSDH (Organisation Syrienne des Droits de l'Homme).

* 11Isabelle Feuerstoss, « Guerre civile en Syrie : le retour du refoulé », Politique étrangère 2012, p. 601-613

* 12 On a, par exemple, le massacre des Chrétiens et des Druzes dans le mont Liban et à Damas en 1860 et les massacres interconfessionnels des années 70 et 80.

* 13 Il s'agit d'une dimension qui est souvent oubliée par les analystes et les médias lorsqu'il s'agit d'interpréter les évènements qui se produisent dans le monde arabe. Ils préfèrent se concentrer sur la dimension sécuritaire de l'idéologie baasiste qui a permis d'attirer de nombreux adhérents.

* 14BACZKO Adam, DORRONSORO Gilles, QUESNAY Arthur, Syrie : anatomie d'une guerre civile, CNRS éditions, Paris, 2016, p.48-55.

* 15BELHADJI Souhail, Anatomie d'un régime autoritaire, Belin, 2013, p.108

* 16 BOZARSLAN Hamid, Op. Cit., p.36.

* 17 L'actuel ministre de la Défense de la Syrie est un Chrétien, mais ses adjoints et le vice-chef d'état-major sont de confession Alaouite.

* 18BACZKO Adam, DORRONSORO Gilles, QUESNAY Arthur. Op.cit., p.59.

* 19SEURAT Michel, Op.cit., p.47.

* 20 BALANCHE Fabrice : La région alaouite et le pouvoir syrien, Karthala, Paris, 2006, p.53.

* 21METRAL France, « Maîtrise de l'eau et société dans la plaine du Ghab », Revue de Géographie deLyon, 1979, vol. 54, no3, p. 305-325

* 22 BALANCHE Fabrice, « L'habitat illégal dans l'agglomération de Damas et les carences de l'État », Revue de géographie de l'Est, octobre 2010, p.23-29.

* 23La Russie et la Chine appartiennent à une organisation régionale : « organisation de la conférence de Shanghai, destinée à renforcer la coopération entre les pays de part et d'autre de l'ancienne frontière sino-soviétique. La Russie et la Chine trouvent de nombreux points de convergence géopolitiques face à la puissance déclinante des États-Unis.

* 24Le Hamas semble avoir pris ses distances avec le régime de Bashar el Assad et par conséquent avec

Téhéran. Le 25 février 2012, Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre du Hamas, a ouvertement

Avait prononcé son soutien au peuple syrien.

* 25TETI Andrea, « Le Bahreïn entre rocher et pétrole », Outre Terre, Paris, n° 29, septembre 2011, p. 507.

* 26 VERNET Daniel, « La guerre en Syrie : une guerre par procuration entre les États-Unis et la Russie », Slate.fr, 2015, p.4.

* 27 Ibid., 2015

* 28LASSERE Isabelle, « Etats-Unis-Russie : le retour de la guerre par procuration » Le Monde, 2016, p.8.

* 29 GROS Philipe,«LeadingFromBehind : contour et importance de l'engagement américain en Libye », Politique Américaine, N°19, 2012. p.152

* 30 LAMBERT Michael : « Les États-Unis et la Ligne Rouge en Syrie », Altantico, 2016, p.2.

* 31 Voir le site www.lexpress.fr

* 32PARIS Gilles, « La politique syrienne de Barack Obama contestée », Le Monde, 2016, p.5.

* 33 Ibid.,2016

* 34 PLEITGEN Fred, « Tension et incertitude dans le ciel de Syrie », Courrier International, 2017, p.3.

* 35 DUCOURTIEUX Cécile et STROOBANTS Jean Pierre, « l'Union européenne reste divisée sur l'intervention russe en Syrie » Le Monde, 2015, p.6.

* 36 Ibid.2015

* 37 Voir le site des Nations Unies www.un.org

* 38 Voir le site www.diplomatie.gouv.fr « Guerre en Syrie : comprendre la position française »

* 39ibidem.

* 40GERONIMO Jean, « Où va la Russie ? Moscou à la recherche d'une identité post-soviétique », Geostratégie.com, 2009, p.12-24.

* 41KOSKENNIEMI Martti, LEHTO Marja. Succession d'États de l'ex-U.R.S.S., avec examen particulier des relations avec la Finlande. In : Annuaire français de droit international, volume 38, 1992. pp. 179-219

* 42BASSOU Abdelhak, « La Russie et la crise syrienne : le come-back de l'héritier de l'URSS et le changement de la donne en Syrie », OCP Policy Paper, 2016, p.8-23.

* 43Bertrand Badie trouve compréhensible ce souci russe vis-à-vis de l'Otan : « On comprend que les dirigeants russes sont prêts à tout pour empêcher la complète « otanisation » de sa périphérie ». Nouveaux mondes : carnets d'après-guerre froide ; p.257.

* 44Voir : http://www.lefigaro.fr/international/2012/08/10/01003-20120810ARTFIG00541-poutine-reconnait-avoir-planifie-laguerre-en-georgie.php

* 45DORMAN Veronika, « Syrie : un conflit plein d'intérêts pour Poutine », Libération, 2015, p.3.

* 46BELHADJI Souhail, Op.cit. p.108.

* 47Pol-Henry Dasseleer et Nicolas Gosset, Chercheurs au Centre d'études de sécurité et défense (CESD) de l'Institut royal supérieur de défense, ont tenté de commenter l'attitude russe au Conseil de Sécurité en écrivant que : « C'est la première fois qu'une divergence de vues aussi évidente est exposée entre Medvedev et Poutine, et ce, en amont des élections présidentielles de 2012 ». L'abstention russe lors du vote de la résolution 1973 avait été très critiquée par Poutine.

* 48Pour lever le siège que les milices du Hizbollah avaient dressé autour de Zabadani, une localité frontalière avec le Liban, les groupes armés réuni au sein de Jaich Al fath avaient à leur tour assiégé deux villages chiites dans la région d'Idlib. L'accord prévoyait une sortie sécurisée des combattants assiégés à Zabadani, contre l'évacuation des civils des deux villages chiites de Kofra et Fouaa.

* 49LOUIZARD Jean-Pierre, Le piège Daech : l'État islamique ou le retour de l'histoire, La Découverte, 2015.p76.

* 50STEPANOVA Ekaterina, « La Russie a-t-elle une grande stratégie au Moyen-Orient ? », Politique Etrangère, 2016.p.12-18.

* 51DALLE Ignace, GLASSMAN Wladimir, le cauchemar syrien, Fayard, 2016.p.52.

* 52DUPONT Ismaël, « Syrie : l'enfer jusqu'à quand ? » Chiffon Rouge, 2015.p.9.

* 53DALLE Ignace, GLASSMAN Wladimir, Op. Cit.p 53

* 54PICARD Elizabeth, Liban-Syrie intimes étrangers : un siècle d'interactions sociopolitiques, Sindbad Actes Sud, 2016.p53.

* 55DAHI Omar, « La crise des réfugiés au Liban et en Jordanie : la nécessité d'une dépense en faveur du développement économique», Migrations Forcées, n°47, septembre 2014.p.14.

* 56 DAHI Omar, Op.Cit.

* 57 Politique de stigmatisation visant à montrer (show) et rendre publique toute action criminelle ou condamnable en vue de le discréditer (shame) les personnes ou les institutions qui en sont à l'origine.

* 58ATAMANIUK Marie Lorraine, « Syrie, la cyberguerre », Observatoire du journalisme, mai 2015.p.4.

* 59 BAZAN Stéphane, VARIN Christophe, « Le Web à l'épreuve de la « cyberguerre » en Syrie », Études2012/12 (Tome 417), p. 595-606

* 60NOCETTI Julien, « Russie : quelle lecture de la crise syrienne ? », Diplomatie, 2015.

* 61Il s'agit d'une solution consistant à imposer une transition concertée entre les différentes parties sans que l'on aboutisse à un effondrement des institutions étatiques tout en offrant une porte de sortie à la famille du chef de l'État.

* 62 Extrait du discours de Vladimir Poutine lors du 70e anniversaire de l'Organisation des Nations Unies le 29 septembre 2015, soit 1 jour avant le début de l'intervention militaire russe en Syrie.

* 63 Voir le rapport 2016 de l'observatoire Franco-russe dirigée par Arnaud Dubien.

* 64 Voir l'article d'Alon Ben-Meir dans le Huffingtonpost du 7 février 2014.






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand