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La problématique du jeu parifoot comme moyen de survie pour ses consommateurs.


par Ange Mondo
Université de Kinshasa - Graduat en sciences économiques et de gestion. 2021
  

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Premier chapitre

CONSIDERATIONS GENERALES SUR
LES PARIS SPORTIFS

Dans ce chapitre, nous développons tour à tour quelques notions spécifiques qui entretiennent un rapport étroit avec les paris sportifs et ce, pour la compréhension de la suite de l'étude. Pour ce faire, il se structure en deux sections. La première propose une recension des écrits de quelques devanciers qui ont eu à aborder ce sujet et à émettre leur avis à propos du déroulement de cette activité dans leurs sociétés respectives. Quant à la seconde, au regard du caractère complexe de cette activité qui est fonction du contexte particulier de chaque société, nous exposons les généralités sur les paris sportifs.

1.1. REVUE DE LA LITTERATURE

Grâce à la voie que nous avons choisie pour traiter cette thématique, nous tenons à souligner l'existence d'une abondante littérature sur les JAH. C'est celle-ci qui nous a permis de déblayer le terrain en nous offrant la possibilité de nous rendre compte de nombreux aspects se rapportant à cette question avec pertinence. Toutefois, il sied de souligner que si dans certains pays, cette littérature est foisonnante, tel n'est pas le cas en RDC où il se remarque une absence d'études scientifiques centrées essentiellement sur ce sujet. Cette carence est liée non seulement au manque d'intérêt de la part de ses chercheurs, mais aussi au déficit d'attention que prête le pouvoir public sur cette question qui gangrène chaque jour les habitudes de la population Congolaise. 

En effet, dans le cadre de la présente étude, nous nous sommes intéressé au travail de l'historien Huizinga (18(*)) qui, après tant d'années d'observation de ces jeux dans sa société, est arrivé au constat selon lequel les jeux n'étaient considérés rien plus que comme une activité mineure. C'est de là qu'il a réussi dans son oeuvre Homo ludens, à relancer l'intérêt des philosophes contemporains pour les questions en rapport avec les jeux dans les communautés humaines. Pour lui, le jeu est une activité pourvue de sens et qui donc procure à l'homme un sentiment de tension et de joie que renforce l'incertitude sur les issues de la partie. Dans cette conception universaliste du jeu, Huizinga affirme que « tout provient du jeu, plus ancien que la culture, il se retrouve partout dans la mesure où l'on peut considérer n'importe quelle activité sous l'angle du jeu » (19(*)). Mais cette pensée universaliste du jeu sera attaquée par un autre courant composé de M. Klein et DW. Winnicot qui trouvent que, rien n'est dans la nature, pas même le jeu, puisque tout est déterminé.

De manière générale, le déroulement des JAH ne date pas de la dernière pluie. C'est un sujet qui a suscité autant des querelles aussi morales qu'éthiques dans presque toutes les sociétés, mettant ainsi en opposition d'un côté, les courants prônant sa prohibition et de l'autre, celui qui défend les intérêts des Etats en prétextant que ces jeux constituent une forme de taxe que les citoyens ont le plaisir de payer (20(*)).

Dans le courant religieux par exemple, l'histoire nous renseigne à travers l'étude de J. Järvinen-Tassopoulos, que le catholicisme dans sa conception, a contribué à la diabolisation, à la stigmatisation, voire à la condamnation de tout argent provenant de cette activité au motif qu'il est une manière illicite de s'enrichir. De l'autre côté, le protestantisme rejette les gains découlant d'un autre moyen que le travail. Quant à l'islam qui avance une position proche de celle des catholiques, ces jeux sont considérés comme des activités immorales dans la mesure où, quelqu'un peut accumuler de la richesse sans aucun effort, alors qu'une autre personne en devient la victime (21(*)).

Cependant, dans la grande majorité des pays à travers le monde, le déroulement de ces jeux fut prohibé par les autorités pour diverses raisons, notamment la préservation de l'ordre social, car pour eux, les dommages causés par les jeux dépassent de très loin ses bienfaits. Par ailleurs, même pendant la période de sa prohibition, une partie des citoyens trouvait toujours le moyen de contourner la règle et de s'adonner à cette pratique de manière illégale. Ainsi, fort de son attirance auprès de la population, la pratique des JAH a su traverser les différentes cultures et civilisations. Au regard de ses complexités et de ses rebondissements récurrents, Lavigne J-C. qualifie l'histoire des JAH de chaotique (22(*)).

Nonobstant, le débat qui, jadis, entourait la logique éthique et morale n'est plus l'actualité aujourd'hui, car il est maintenant tourné vers les problèmes qu'engendrent ces jeux auprès de ses consommateurs. En soi, les jeux constituent un moment de récréation, de divertissement et de loisir pour tous ceux qui jouent de manière contrôlée. Ils deviennent un problème lorsqu'une personne perd le contrôle puisque ceci s'accompagne des conséquences négatives d'ordre social, personnel ou professionnel. L'identification des modèles théoriques pour essayer d'expliquer le développement des troubles liés à la pratique des JAH et ses facteurs de risque, a fait et continue de faire l'objet de nombreuses études.

Parmi les modèles théoriques élaborés jusque-là par différents auteurs, le plus consensuel est celui que proposent Blaszczynski et Nower (23(*)), qui sont parvenus à décrire les trois types de profil de joueur problématique : les joueurs problématiques au comportement conditionné, les joueurs problématiques émotionnellement vulnérables et les joueurs problématiques antisociaux-impulsifs. Et pour ce qui est des facteurs de risque, plusieurs études ont été réalisées pour ce but, notamment, celle menée par l'Institut national de santé médical, en 2008 basée sur une expertise collective de plusieurs auteurs qui s'appuient sur les données scientifiques de plus de 1.250 articles disponibles jusqu'au premier trimestre 2008 (24(*)).

Cette étude de grande envergure a su concilier les différentes approches (sociologiques, psychologiques et médicales) qui semblaient, à première vue, difficiles à réunir dans une même dynamique de travail. Au regard de cette étude, il ressort que les facteurs de risque résident au niveau du joueur, de l'environnement et du jeu lui-même.

Par ailleurs, la proportion de joueurs problématiques diffère selon le type de jeu le plus pratiqué par les joueurs. C'est ainsi qu'en raison de sa structure (diverses options, mises importantes, fréquence, ...), Williams R.J. et compagnie (25(*)) ont fait remarquer que les paris sportifs constituent la seconde forme des JAH, après les appareils de loteries vidéo (ALV), la plus fréquemment associée au facteur pathologique. Cette structure du jeu permet au parieur de dépenser des montants considérables, de jouer plusieurs fois par semaine et surtout de réaliser plusieurs mises par séance. Ces types de comportements, ainsi que le souligne Currie et alii., suggèrent des habitudes qui dépassent largement les recommandations d'un jeu à faible risque et contribuent aux problèmes de jeu (26(*)).

Mais malgré tous les risques liés à une pratique excessive que courent ces joueurs, les paris sportifs ne cessent de s'intensifier ce dernier temps. Depuis la survenance de l'internet, les paris sportifs sont entrés dans l'ère numérique permettant aux parieurs de placer leurs pronostiques en ligne sans se déplacer. En effet, dans son article publié en 2011 et qui porte sur la révolution numérique des jeux d'argent, Christophe Blanchard-Dignac atteste que l'avènement de l'internet intervenu vers la fin des années 1990, a chamboulé le segment des paris sportifs où il se remarque une exubérance de l'offre et de nouvelles formes de paris (27(*)). Toutefois, avant cette date, cet auteur fait observer que les paris mutuels représentaient la forme de pari la plus populaire dans le monde, exception faite aux quelques pays comme le Royaume-Uni, l'Italie avec le Totocalcio ou la France avec le Loto sportif. Ces jeux faisaient gentiment rêver leurs consommateurs qui prétendaient toucher le gros lot en pronostiquant sur les quinze vainqueurs des principaux matchs de football se jouant pendant le week-end.

Fort du succès recueilli par les paris à côte qui ont pour spécificité l'avantage de permettre aux parieurs de connaitre à l'avance leur gain, les opérateurs des paris sportifs ont développé une gamme de paris dérivés (paris sur le score exact, le vainqueur à la mi-temps, etc.), avant de proposer des paris pendant la rencontre (le live betting, où les côtes sont réévaluées par des traders en fonction de l'évolution du match). Aussi, il n'est pas étonnant de trouver chez un même opérateur ou sur un même site de paris en ligne, les paris sportifs simultanés des différents sports se déroulant presque dans toutes les régions du monde.

Cependant, la notion des paris sportifs est sans équivoque, intrinsèquement liée à l'enjeu qui résulte à l'issue de sa pratique. Dans son sens le plus large, le pari est un contrat financier dont l'objectif final de chaque signataire est de tirer profit des mises des autres signataires. C'est ainsi qu'en misant, l'objectif qui hante dans l'esprit du parieur, est de gagner un gain. Dans ce monde ludique de paris sportifs, l'enjeu monétaire constitue le socle de son attractivité à travers le temps et l'espace, même si, dans le chef de certains auteurs, à l'instar de Martignoni J-P. qui évoque que l'argent, une fois misé, peut devenir un « instrument au service d'une pratique » et que « le joueur ne joue pas que pour l'argent » (28(*)), essayent de relativiser l'aspect monétaire comme l'unique raison qui motive un joueur.

Toutefois, il faut relever que cette dédramatisation est mise plus en évidence au niveau des jeux où la compétence est aussi déterminante que le hasard. Dans ce cas précis, l'argent ne constitue qu'un enjeu facultatif dans la mesure où, l'utilisation ou la planification de certaines stratégies ou tactiques, peut suffire pour générer d'autres plaisirs que ceux monétaires comme l'épilogue Roger Caillois. Pour cet auteur, « le désir de voir reconnue son excellence dans un domaine donné » donne aux joueurs la possibilité d'être engagés par des aspirations autres que la recherche du profit (29(*)).

A notre avis, cette pensée ne semble pas encadrer avec la nature des paris sportifs malgré son appartenance à la catégorie des jeux semi-hasard où l'habilité des parieurs influence, en partie, le résultat final. C'est ainsi dans le souci de dégager la part de chaque composante dans le résultat final des paris sportifs, Mercier J. (30(*)) a tenté de recenser bon nombre des travaux publiés entre 1980 et 2014, portant sur le rôle de chacune de ces composantes. Il se dégage dans cette littérature que sur cinq études examinées, trois ont montré que les parieurs prédisent mieux les résultats sportifs que le hasard, mais que cela ne se traduit pas en gains financiers en raison de la structure du jeu.

Si la structure du jeu fait obstacle à la maximisation des gains financiers, Di Gaspero M. (31(*)) étudie pour sa part, les variables qui peuvent évaluer la performance des parieurs sportifs sur internet. De son entrevue semi-dirigée réalisée avec les parieurs sportifs, émergent trois facteurs majeurs. Le premier facteur est l'importance de la recherche d'information spécifique sur un évènement sportif à propos duquel leur connaissance des faits, des actualités et des statistiques est trop limitée. Ce qui revient à dire que, placer un pari « à l'aveuglette » basé uniquement sur la recherche d'information interne ne semble pas être une méthode garante de succès. Le deuxième facteur est lié aux principes que se fixent les parieurs pour pouvoir sélectionner les bons évènements sportifs, les bons types de pari et les bons résultats. En dernier lieu, cette entrevue révèle que l'expérience accumulée par un parieur après de nombreuses erreurs constitue tout aussi un facteur qui influence sa performance.

* 18 HUIZINGA, J., Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu, Paris, Gallimard, 1951. p.23.

* 19Idem, p.79.

* 20LAVIGNE, J.-C., « Les jeux d'argent », in Revue d'éthique et de théologie morale, n°262, 2010, p. 3.

* 21JÄRVINEN-TASSOPOULOS, J., « Les jeux d'argent : un nouvel enjeu social ? », in De Boeck Supérieur, n°23, 2010, p. 5.

* 22LAVIGNE, J.-C., op.cit., p.3.

* 23BLASZCZYNSKI et NOWER cité par SASHA M., Etude des motivations, des cognitions et des émotions chez les joueurs de jeu de hasard et d'argent, Thèse de doctorat en Psychologie, Université Paris Descartes, 2018, p.326.

* 24 INSERM, Jeux de hasard et d'argent : Contextes et addictions, Paris, Editions Inserm, 2008, p.108.

* 25 WILLIAMS, R.J., cité par MERCIER, J., Cognitions des parieurs sportifs, Thèse de Doctorat en Psychologie, Université Laval, Québec-Canada, 2019, p.76.

* 26 CURRIE et alii cité par MERCIER, J., op.cit., p.108.

* 27 BLANCHARD-DIGNAC, C., « La révolution numérique des jeux d'argent », in Pouvoirs, n° 139, 2011, p.9, disponible en ligne sur : https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2011-4-page-25.htm

* 28 MARTIGNONI-HUTIN, J.-P., Faites vos jeux, Paris, L'Harmattan, 1993, pp. 207 et 211.

* 29 CAILLOIS, R., op.cit., p. 52.

* 30 MERCIER, J., op.cit., p.79.

* 31 DI GASPERO, M., op.cit., p.78.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera