SECTION 2 : IMPLICATION DE L'ACCORD-CADRE SUR LA
STABILITE DE LA REGION DES GRANDS LACS AFRICAINS
L'Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la
coopération pour la République Démocratique du Congo et la
région n'est pas le premier du genre. Il se situe dans le prolongement
de nombreux accords antérieurs qui, depuis l'invasion de la RDC par les
pays voisins de l'Est (Rwanda, Ouganda et Burundi) avec des rébellions
congolaises interposées, visent à restaurer la
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paix, la sécurité et la coopération en
RDC et dans la région. L'avènement de l'AFDL s'est
effectué dans un climat de guerre, de violence, de violations de droits
de l'homme, qu'on n'est pas arrivé à arrêter jusqu'à
ce jour, en particulier dans l'Est de la RDC. Il a enclenché un
processus d'ensauvagement, instaurant une véritable culture de la mort
et du crime, avec à la clé la prolifération des groupes
armés nationaux et étrangers.
L'Accord-cadre d'Addis-Abeba de 2013 a aussi une implication
sur la stabilité des pays de la sous-région des Grands Lacs
africains et nous nous sommes attardés sur trois (3) pays à
savoir : le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi qui ont agressé la RDC par
rébellions interposées de 1996 à 2013 (AFDL, RCD-Goma,
MLC, RCD-KML, RCD-N, CNDP, M-23, etc.).
2.1. Rwanda
Avec ces 26.338 km2, le Rwanda s'affiche comme
étant le plus petit pays de la région des Grands Lacs, mais pas
moins important. Il a comme principales ressources naturelles le Béryl,
le wolfram, la cassitérite, le coltan, l'étain et l'or. Et comme
principales ressources agricoles le plantain, la patate douce, le manioc, le
haricot, le sorgho, le maïs, le café, le pois et le thé. Le
Rwanda a 893 km de frontière dont 290 km avec le Burundi, 217 km avec la
R.D. Congo, 217 km avec la Tanzanie et 169 km l'Ouganda. La capitale du Rwanda
s'appelle Kigali78.
Le 1er juillet 1962, le Rwanda accéda
à l'indépendance avec KAYIBANDA comme Président. En
décembre 1963, les Tutsis réfugiés au Burundi
tentèrent un retour en force en lançant une offensive mais cela
sera sans succès et il s'en suivit un massacre de près de 20 000
Tutsi et encore une fois de plus l'exile de près de 300 000 Tutsi, soit
la moitié des Tutsi du Rwanda. Et c'est dans cette confusion que le
Général Juvénal HABYARIMANA, le 5 juillet 1973, fera un
coup d'Etat militaire. Il sera élu et réélu à la
Présidence de la République en 1978, 1983 et 1988. Il installa un
pouvoir fort, se créa des amitiés dans la région des
Grands Lacs
78 Dictionnaire Le Petit Larousse
illustré, Ed. 2017, Paris, 2017, p. 1856.
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particulièrement avec le Tout-puissant Maréchal
du Zaïre MOBUTU et d'autres amitiés en France et en
Belgique79.
De 1961 à 1994, les Hutus dirigèrent le Rwanda
sans partage avec quelques Tutsi restés au pays. A l'extérieur du
pays une opposition armée prenait forma autour du Front Patriotique
Rwandais ( FPR ) fort de plus de 10.000 hommes.
Le 4 août 1993, il y aura signature des accords de paix
d'Arusha en Tanzanie entre le Gouvernement et le FPR prévoyant un
partage des pouvoirs civils et militaires entre Hutu et Tutsi. Mais
appuyé par le MRND et le CDR, HABYARIMANA multiplia plutôt les
manoeuvres pour ne pas appliquer ces accords. Entre octobre et décembre
1993, il y aura création de la Mission des Nations Unies pour
l'Assistance au Rwanda (MINUAR). Elle sera composée de 2500 casques
bleus qui s'installèrent dans le pays après le départ des
troupes françaises de l'opération Noroît en
décembre.
Le 06 avril 1994, attentat meurtrier contre l'avion qui
ramène le Président Rwandais Juvénal HABYARIMANA et son
homologue Burundais Cyprien NTARYAMIRA d'un sommet régional en Tanzanie
après un bref passage au Zaïre, à Gbadolite, où ils
sont passés voir le Maréchal. Le lendemain, c'est-à-dire
le 07 avril 1994, à Kigali, se déclencha le génocide, par
des extrémistes Hutu, de la minorité Tutsi et des opposants Hutu
modérés.
Le 4 juillet 1994, le FPR entre dans la capitale et prend le
pouvoir avec le Président Pasteur BIZIMUNGU. Paul KAGAME sera élu
Président de la République par le parlement le 17 avril 2000 en
remplacement du Pasteur BIZIMUNGU, un Président Hutu
démissionnaire et accusé de tentative de coup
d'Etat80. Il sera confirmé réélu en 2010 et
2017.
Mais Paul KAGAME doit faire face à une opposition
extérieure très menaçante, essentiellement
réfugiée en R.D. Congo, et composée des ex-FAR (ex-forces
armées rwandaises) et des Interahamwe (signifiant ceux qui se tiennent
ou attaquent ensemble). Des forces dites négatives qui
79 BRAECKMAN, C., Terre africaine. Burundi,
Rwanda, Zaïre : les racines de la violence, Ed. Fayard, Paris, 1996,
pp. 203-266.
80 Dictionnaire Le Petit Larousse
illustré, Ed. 2017, Paris, 2017, p. 1856.
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aujourd'hui affrontent l'armée régulière
de la R.D. Congo qui tente de les désarmer pour enfin les rapatrier au
Rwanda.
La crise rwandaise est peut-être celle qui
s'était la plus déversée sur l'ensemble de la
sous-région et dont les conséquences fragilisent encore les
rapports de bon voisinage avec les Etats de Grands Lacs, en particulier avec la
R.D. Congo. En 1994, ces hommes, femmes et enfants Hutu fuyant l'avancé
du FPR et le contre-massacre, vont traverser la frontière congolaise
avec armes et munitions. Devenant ainsi source d'insécurité pour
la R.D.Congo.
Le conflit Rwandais s'étendra au Congo surtout lors de
la guerre de 1996-1997 où des dizaines de milliers d'Hutu seront
massacrés par le FPR devenu APR (Armé Patriotique Rwandaise).
Aujourd'hui ces quelques réfugiés encore au
Congo font l'objet d'une très vive polémique entre la R.D. Congo,
le Rwanda, la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. En effet, Kigali
réclame leur désarmement, de préférence par
anéantissement, et leur mise hors d'état de nuire. Alors que
Kinshasa, conscient du conflit ethnique Rwandais et sachant ce qui risque bien
d'arriver à ces réfugiés organisés pour certains
d'entre eux en milice, préfère jouer la carte diplomatique et
humanitaire en évitant bien entendu de porter le poids de la livraison
à la potence dans la conscience.
Les Américains et les Britanniques se culpabilisent de
n'avoir rien fait en 1994 et veulent à tout prix éviter aux Tutsi
un autre calvaire du même genre. D'où tout ce qui peut contribuer
à avancer dans ce sens-là est le bienvenu, et on ferme les yeux
sur les restes.
Quant à la France, elle porte d'abord le point du
génocide de 1994 car accusée par le pouvoir de Kigali comme
étant « coauteur » du génocide. Mais aussi la France se
doit de respecter un devoir historique : la protection des Hutus. Les liens
liant les deux peuples sont encore intacts et surtout que la France assiste
impuissante à l'anéantissement et si pas l'extermination des
Hutus. Et les Européens, eux, c'est plus l'aspect humanitaire du
problème. Les Interahamwe et autres FDLR posent des problèmes,
d'accord, mais il y a aussi des femmes et des enfants qui ont besoin de l'aide
humanitaire. Et le Congo doit se reconstruire car en effet, les
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Européens, tout comme les Américains pour le cas
du Rwanda, veulent que le Congo redevienne un Etat normal, calme et
prospère.
L'Accord-cadre d'Addis-Abeba de 2013 prévoit notamment
l'éradication de groupes armés rwandais qui menacent la
stabilité de la RDC où ils sont établis et du Rwanda dont
ils rêvent de renverser le régime. D'où les rencontres au
sommet entre le Président rwandais Paul KAGAME et le nouveau
Président de la RDC Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO durant ce
premier semestre de 2019 à Addis-Abeba (11 février) en marge du
32ème sommet de l'Union Africaine (UA), à Kigali (du
25 au 27 mars) et à Kinshasa (31 mai).
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