Paris, Septembre 2018
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INSTITUT DE RELATIONS INTERNATIONALES ET
STRATÉGIQUES Paris - FRANCE
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Master
ANALYSTE EN STRATÉGIE INTERNATIONALE
Thème :
LES DÉTERMINANTS GÉOPOLITIQUES DES
DIFFICULTÉS DE LA GESTION COMMUNAUTAIRE DES CONFLITS EN AFRIQUE DE
L'OUEST : LA CEDEAO FACE AU RÈGLEMENT DE LA CRISE
POST-ÉLECTORALE DE 2010-2011 EN CÔTE D'IVOIRE
Présenté par: Christophe C. H.
DAVAKAN
Sous la Direction de : Samuel NGUEMBOCK
Docteur en Sciences Politiques
2
REMERCIEMENTS
Nous voudrions présenter avant tout nos remerciements au
Référant de notre filière à l'IRIS, monsieur Maxime
PINARD,
qu'il reçoive ici le témoignage de notre gratitude
pour son soutien pédagogique et la motivation qu'il a su nous insuffler
pendant nos moments de doute et d'hésitation ;
nos remerciements vont également au Dr. Arthur BANGA pour
son assistance et son soutien ;
nous adressons enfin nos remerciements au Dr. Samuel NGUEMBOCK
pour sa patience et son éclairage scientifique dans la
réalisation de ce travail ;
DEDICACE
Pour ma famille en guise de réconfort pour les privations
engendrées par les impératifs de mon cursus dont le
présent travail est l'aboutissement.
« Pour éviter que les conflits, ne s'installent
dans la durée, dialogue et diplomatie souverains en sont les
clés. »
3
Monique MOREAU
4
Sommaire
Introduction Générale
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7
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I- Cadre théorique
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9
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1- Problématique et objectifs du travail
|
9
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2- Justification de l'étude
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.12
|
3- Champ de l'étude
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.14
|
4- Approche définitionnelle de quelques notions
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.15
|
Première partie : La CEDEAO et les sources
de la crise post-électorale en Côte
d'Ivoire
|
19
|
Chapitre I : La CEDEAO et ses outils de prévention et de
gestion des conflits
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.É21
|
A- Présentation de la CEDEAO
|
22
|
1- Création et objectifs de l'organisation
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22
|
2- Organes et institutions de la CEDEAO
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24
|
|
B- L'architecture de prévention, de gestion, de
règlement, de paix et de sécurité de la
CEDEAO 29
1- Les premiers efforts communautaires en matière de paix
et de sécurité sous-régionalesÉ29
2- Le mécanisme de prévention, de gestion, de
règlement des conflits, de maintien de paix et
de la sécurité de la CEDEAO 31
3- Le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne
gouvernance . 33 Chapitre II : Le passif de la crise de 2002-2007 et les
soubresauts de la médiation de la
CEDEAO 36
A- Les causes profondes de la crise ivoirienne de 2002-2007 .
37
1-
5
Les causes internes de la crise .37
2- Les causes liées à l'instabilité
sous-régionale ouest-africaine 41
B- L'implication de la CEDEAO dans le processus de
rétablissement de paix 43
1- La CEDEAO face aux impondérables de la crise 44
2- Les espoirs déçus de la CEDEAO 47
Deuxième partie : De la crise
post-électorale au rétablissement de la
légitimité
constitutionnelle 51
Chapitre I : La médiation de la CEDEAO . 52
A- Le volontarisme communautaire à l'épreuve de
l'urgence ivoirienne . 53
1- Les bons offices de la CEDEAO 53
2- Le spectre d'une intervention militaire de la CEDEAO 55
B- Le choc de la médiation de la CEDEAO avec les
ambitions de puissances régionales du
Nigéria et de l'Afrique du Sud 56
1- L'activisme du Nigéria ou la preuve à la
communauté internationale d'un attachement à la
démocratie 57
2- La défiance sud-africaine 60
Chapitre II : L'enlisement de la médiation de la CEDEAO
et la montée en puissance de la
diplomatie française 63
A- La médiation à l'épreuve de la
géopolitique intracommunautaire 64
1- Les activistes secondaires de l'option militaire 65
1.1- Le Burkina-Faso ou le souci de se débarrasser
d'un fardeau économique et socialÉ 65
1.2- La fermeté sénégalaise ou l'heure
des comptes entre Wade et Gbagbo 68
2- Les Etats opposés à une intervention
militaire 69
6
2.1- Le cas du Ghana : éviter un afflux migratoire massif
sur le territoire national tout en
ménageant le `'camarade» Gbagbo 69
2.2- Le cas du Libéria ou le souci de protéger une
situation intérieure encore très précaireÉ71
B- La France aux commandes du règlement de la crise
|
.73
|
1- Un mandat de l'ONU au nom de l'impératif humanitaire
|
.75
|
2- L'épilogue de la crise ou le coup de grâce des
forces françaises contre Gbagbo
|
.76
|
|
Conclusion
|
.79
|
Bibliographie
|
.81
|
Annexes
|
|
7
A sa création le 28 Mai 1975 la Communauté
Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest s'est fixée comme objectif
majeur la coopération et l'intégration économiques des
Etats membres. Mais face aux nombreux conflits politiques qui ont
commencé à agiter un certain nombre de pays, les Chefs d'Etats et
de gouvernement ont pris conscience que sans un environnement politique stable
l'objectif de développement et d'intégration économiques
visé par l'organisation sous régionale risquait d'être
compromis. Ainsi, confortant l'idée de Robert Dussey selon laquelle
« la paix et la sécurité en Afrique ne peuvent être
imposées de l'extérieur. La responsabilité première
revient aux dirigeants africains » 1 , le 24 juillet 1993 une
révision du traité fondateur de l'Organisation a
été adoptée pour y introduire la coopération
politique, et l'action en faveur de la paix et de la sécurité
régionales. Cette volonté politique au sommet s'est
progressivement traduite dans les actes par la mise en place d'un dispositif de
maintien de la paix, de prévention et de règlement des conflits.
Ainsi, lancé en 1990 pour faire face à l'urgence humanitaire que
nécessitait le conflit libérien par la mise en place des forces
armées de la CEDEAO, baptisées ECOMOG2, le dispositif
sera formalisé par un instrument juridique en 1999 : le protocole
relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de
règlement, de maintien de la paix et de la sécurité. Pour
renforcer l'action préventive en se donnant les moyens de s'attaquer aux
causes récurrentes des conflits, l'organisation régionale
complète en décembre 2001 son arsenal juridique par un protocole
additionnel sur la bonne gouvernance et la démocratie.
Dans le contexte de succession de crises politiques qui a
tourmenté la sous-région dès le lendemain de la fin de la
guerre froide et de l'atermoiement des grandes puissances à continuer
à jouer les pompiers en Afrique, cette initiative ouest africaine
constitue une indéniable avancée. Mais à l'épreuve,
force est de constater que ce dispositif de paix que la CEDEAO peut se targuer
d'être la première organisation régionale sur le continent
à avoir réussi à inventer, éprouve beaucoup de
difficultés dans sa mission de maintien et de rétablissement de
la paix. Dans sa mise en oeuvre, le mécanisme a «
révélé les limites des capacités politiques et
diplomatiques de l'organisation, mais aussi la faiblesse de ses moyens
1
DUSSEY, (Robert), Pour une paix durable en Afrique,
plaidoyer pour une conscience africaine des conflits, Abidjan, Les
Editions Bognini, 2002, P19
2
|
ECOWAS Monitoring Group ou Groupe de contrôle du
cessez-le-feu de la CEDEAO. Cette
|
force largement dominée et contrôlée par le
Nigeria était composée de contingents issus de huit pays de
l'Afrique de l'ouest.
8
organisationnels et logistiques en matière de gestion
des crises. » 3 . Et ceci d'autant plus que en dehors de quelques relatifs
succès en Guinée Bissau et en Sierra Leone à mettre
à son actif, la CEDEAO présente aujourd'hui un bilan assez
discutable de son action en ce qui concerne la gestion et le règlement
des conflits dans la sous-région.
De plus, derrière l'apparente stabilité
qu'affichent nombre de pays couvent des crises potentiellement graves et
susceptibles de mettre à mal la quiétude dans la
sous-région. Dans certains pays ayant été récemment
en crise où on est parvenu peu ou prou à un règlement, les
passifs des conflits sont le plus souvent loin d'être liquidés et
une résurgence est toujours redoutée par les observateurs de la
vie politique de la sous-région. La lutte acharnée pour la
conquête ou la confiscation du pouvoir d'Etat est plus que
d'actualité dans la sous-région ouest africaine. Dans de nombreux
Etats se prévalant d'une démocratie pluraliste se trouvent aux
commandes des acteurs politiques qui n'imposent aucunes limites aux manoeuvres
susceptibles de leur permettre d'accéder au pouvoir ou de le confisquer.
Ce qui constitue une source évidente de potentiels conflits. Au vu du
passif de l'organisation régionale et de ce tableau qui présage
de l'importance et de la délicatesse des défis qui restent
à relever, il est à notre avis utile de mettre en évidence
ses faiblesses en vu de la rendre plus performante et plus apte à
assurer la mission qui lui est dévolue. C'est la raison pour laquelle
nous avons choisi de nous appuyer sur la récente crise survenue en
Côte d'Ivoire au lendemain du deuxième tour de l'élection
présidentielle en 2010 pour comprendre les dysfonctionnements internes
qui ont mis en difficulté les missions de bons offices de la CEDEAO.
Pour mener cette étude, nous partirons d'une
introduction générale qui présentera les aspects
théoriques de la question. Nous aborderons ensuite dans une
première partie le dispositif institutionnel de paix et de
sécurité de la CEDEAO et les péripéties de la crise
post-électorale en Côte d'Ivoire.
Enfin, dans une deuxième et dernière partie nous
essaierons de montrer, tout en nous focalisant sur la partition jouée
par la CEDEAO, comment de la crise on est parvenu au rétablissement de
la légitimité constitutionnelle.
3
|
SADA, (Hugo), Le conflit ivoirien : enjeux
régionaux et maintien de la paix en Afrique,
|
in Politique Etrangère, Paris, 2003, Volume 68,
N°2, p 327
9
I - Cadre théorique
1. Problématique et objectifs du travail
Longtemps maintenu à l'abri des soubresauts politiques
qui ont marqué les premières décennies de
l'indépendance de plusieurs pays francophones d'Afrique noire, la
Côte d'Ivoire a basculé dans une profonde et longue crise
politique en 2002. La fin de la menace communiste en Afrique à la fin
des années 1980 qui a favorisé une mutation des relations
franco-africaines pour les faire évoluer vers une
"normalisation"4 a ouvert la voie au sein des Etats à
l'expression, bien souvent dans la violence, de contradictions et
d'antagonismes longtemps étouffés par l'activisme de la
Françafrique. La France en effet, « considérée
après la colonisation comme le gendarme de l'Afrique, a choisi de rompre
avec les modes traditionnelles de gestion des crises dans le pré
carré africain, où pendant longtemps la règle était
de porter secours aux régimes en place contre les rebelles. ».
5 De plus, désormais orpheline en décembre 1993 du
père tutélaire, le président Félix
Houphouët-Boigny connu pour son habileté à arrondir les
angles et trouver des compromis dynamiques, la Côte d'Ivoire n'a pas pu
échapper aux tourments auxquels nombre de pays ont été en
proie en Afrique dès le début des années 1990 pour les
raisons indiquées ci-dessus.
Ainsi, en décembre 1999, le pays est secoué par
un coup d'état militaire qui permet au Général à la
retraite Robert Guéï de prendre le pouvoir en renversant Henri
Konan Bédié qui avait pris la succession du défunt
président Houphouët-Boigny six ans plus tôt. On pourrait
penser que l'armée qui disait vouloir "faire une oeuvre de
salubrité publique", allait réussir « après la lente
dérive xénophobe des derniers mois, orchestrée par l'ex
président Bédié »6, à rassembler
à nouveau la population ivoirienne dans une perspective pluriethnique,
mais très tôt, les intrigues politiques nourries par les
appétits du pouvoir, des uns et des autres ont ravivé les
clivages socio-politiques. Laurent Gbagbo, élu président de la
République à la suite d'une élection que lui même a
jugée "calamiteuse" sera confronté dès 2002 à une
rébellion
4
BAT, (Jean-Pierre), Le syndrome Foccart. La politique
française en Afrique de 1959 à nos jours, in La Revue
Internationale et Stratégique, N° 91, automne 2013, p203
5
DUBLIN, (Antoine), La gestion par la France de la crise
en Côte d'Ivoire, de
septembre 2002 à avril 2005,
Séminaire de relations internationales, institut d'Etudes Politiques de
Lyon, 2004-2005, p6
6
|
GANTIN, (Karine), Que devient le modèle ivoirien ? in
L'Humanité, Paris, 27 décembre
|
1999, p.11
10
qui se soldera par une partition du pays qui ne prît fin
qu'en avril 2007, après les accords de Ouagadougou signés entre
Guillaume Soro, le chef de la rébellion et le président Laurent
Gbagbo. L'élection présidentielle prévue par les accords
successifs et maintes fois reportée a fini par avoir lieu à la
fin de l'année 2010. Mais envisagée comme une élection de
sortie crise, elle va plutôt en ouvrir la plus sanglante après le
refus du président sortant de reconnaître la victoire de son
challenger, Alassane D. Ouattara, pourtant reconnu vainqueur par la
communauté internationale. Après l'annonce par la Commission
électorale, de Alassane Ouattara vainqueur de l'élection,
résultat validé comme le prévoit les accords politiques
par l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), et la
proclamation par le Conseil Constitutionnel de la victoire de Laurent Gbagbo,
l'imbroglio s'installe à Abidjan.
Confrontée à l'urgence d'agir pour éviter
que ces élections laborieusement organisées sous l'égide
de la communauté internationale ne se soldent par un nouvel affrontement
entre les protagonistes de la crise, la Communauté Economique des Etats
de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) ne tarde pas à engager une action
diplomatique tout comme elle s'était vue obligée de le faire
dès le début de la rébellion le 19 septembre 2002. La
crise ivoirienne étant apparue à ses yeux « comme un
défi pour sa crédibilité ». 7 Mais les
missions de bons offices initiées par l'institution régionale
sont toutes restées infructueuses.
Après quatre mois de crise où deux
présidents "proclamés élus" se disputent la
légitimité de la direction du pays, les Forces Nouvelles (ex
rebelles) lancent une grande offensive militaire le 28 mars 2011 et parviennent
à Abidjan où ils se heurtent à la résistance des
partisans de Laurent Gbagbo. La situation humanitaire devient chaotique
à Abidjan. La France, s'appuyant sur le mandat de l'ONU exige la
reddition de Laurent Gbagbo en brandissant la menace d'une action militaire. La
crise ne trouve son dénouement dans le sang que le 4 avril 2011,
après l'offensive menée par les Forces Nouvelles appuyées
par les forces de l'ONUCI et surtout celles de l'opération
française Licorne contre la résidence de Laurent Gbagbo qui,
à son corps défendant finit par baisser l'échine.
Si on peut louer la célérité de la
mobilisation politique de la CEDEAO pour endiguer la crise, son
incapacité à parvenir à un accord entre les protagonistes,
ou à défaut, à user de la force pour faire triompher la
légitimité populaire a laissé perplexe bien
d'observateurs. En dépit de sa détermination à montrer sur
le champ ivoirien, sa capacité à rétablir la paix dans
7 SADA, (Hugo), Op. Cit., P327
11
la sous-région, son mécanisme de
prévention, de gestion et de règlement des conflits
laborieusement mis en place pendant plus de deux décennies a une fois
encore déçu les espoirs, à l'épreuve. Tant et si
bien que la crise post-électorale n'a connu son dénouement que
grâce à une action diplomatique et militaire décisive de la
France, mais malheureusement après des affrontements qui avaient
déjà fait plus de trois mille morts à travers le pays.
Comme on le voit, le salut une fois encore vient de l'ex puissance coloniale
qui déjà, dès le lendemain du 19 septembre 2002, et
à la demande du gouvernement ivoirien,8 avait mobilisé
ses soldats de la base militaire française de
Port-Bouët9, pour s'interposer entre les belligérants et
éviter le chaos. Cette difficulté, voire cette incapacité
de la CEDEAO à faire aboutir le processus de règlement du conflit
en faisant triompher l'approche régionale, ajouté aux
résultats très mitigés qu'elle a enregistrés dans
ses interventions sur des champs de conflit précédents dans la
région peut justifier des questionnements sur sa capacité
intrinsèque à conduire et réussir les missions de paix
dont les orientations diplomatiques et stratégiques
ont du mal a faire l'unanimité au sein même de
l'instance suprême de décision de l'organisation
régionale. Au vu de cet ultime échec de l'action de la CEDEAO
dans la crise post-électorale en Côte d'Ivoire, en dépit
des moyens diplomatiques et militaires à sa portée, On peut se
demander si dans les approches de solutions dans la gestion des crises,
l'opérationnalisation du mécanisme de règlement des
conflits de la CEDEAO n'est pas souvent trop influencé, voire compromis
par des considérations géopolitiques internes des Etats membres.
Autrement dit, l'efficacité des missions de règlement des
conflits par la CEDEAO, n'est-elle pas trop souvent prisonnière des
enjeux géopolitiques internes des Etats par rapport aux ambitions
pacifistes régionales? C'est à cette préoccupation majeure
que nous voulons tenter de répondre au travers du décryptage de
l'implication de la CEDEAO dans le règlement de la crise
post-électorale en Côte d'Ivoire en nous fondant sur les
hypothèses de travail ci-après:
8
Se référant aux accords de défense existant
entre la Côte d'Ivoire et la France, le gouvernement Ivoirien excipe de
ce que son pays est victime d'une agression extérieure et demande
l'appui militaire de la France. Mais la France a préféré
s'interposer entre les deux parties en conflit pour des raisons officiellement
qualifiées d'humanitaires.
9
|
Base militaire française installée à
Port-Bouët, au sud d'Abidjan dans le cadre des accords
|
de défense du 24 avril 1961 entre la France et la
Côte d'Ivoire
12
- Malgré les menaces évidentes de
déstabilisation de la région que comporte chaque conflit
armé, les calculs stratégiques nationaux ne priment-ils pas le
plus souvent sur les réponses communautaires aux crises?
- Les rivalités politiques et parfois personnelles
entre les Chefs d'Etat dans la mise en oeuvre des approches diplomatiques et
militaires de la CEDEAO dans la résolution des conflits n'ont-elles pas
souvent un effet plus inhibiteur que l'on puisse imaginer?
- la grande disparité de l'ancrage de la
démocratie dans les différents pays de la sous-région
ouest africaine et les élans totalitaires qui caractérisent
encore bon nombre de régimes politiques ne peuvent-ils pas compromettre
la convergence des positions, nécessaire à toute action
communautaire efficace dans le cadre de la résolution des conflits
internes dont les causes sont essentiellement liées à un
déficit démocratique?
2 - JustiÞcation de l'étude
Certains observateurs de la vie politique africaine avaient
pensé au lendemain de la fin de la guerre froide que les « conflits
par procuration de l'époque bipolaire allaient enfin cesser, ce qui
permettrait à l'Afrique de se défaire de l'héritage
colonial et de s'attaquer à la construction de l'Etat et au
développement È 10 Mais le vent de
démocratisation qui a soufflé sur le continent n'a pas
favorisé que des passages en douceur du monolithisme au pluralisme
politique. Dans bon nombre de pays, les clivages et autres antagonismes
longtemps étouffés ont trouvé un terrain favorable pour
s'exprimer. Du coup, dès les années 1990 on a vu les conflits
violents se multiplier au point de faire redouter l'embrasement de plusieurs
parties du continent.
Dans le même temps le déclassement
stratégique dont le continent a été l'objet du fait de la
fin de la guerre froide a eu entre autres pour conséquence une
réduction significative de la présence et de l'attention des pays
occidentaux qui, naguère jouaient au gendarme en Afrique. Plus que
jamais, l'Afrique devra compter sur elle-même pour son
développement, mais aussi pour sa sécurité. C'est dans ce
contexte que face à l'urgence de circonscrire et de juguler la guerre
civile qui éclate au Liberia en 1990 la CEDEAO a redimensionné
son champ
10
|
PORTEOUS, (Tom), l'Evolution des conflits en Afrique
subsaharienne, in Politique
|
Etrangère, Paris, 2003, volume 68, N°2,
p307
13
d'action pour faire de la prévention, de la gestion et
du règlement des conflits dans la sous-région ouest africaine une
préoccupation majeure. Depuis, l'initiative a fait du chemin ; des
succès ont été peu ou prou enregistrés, mais au vu
des attentes et des défis qui restent à relever, il importe
d'améliorer cet instrument incontournable qu'est devenu le
mécanisme de paix et de sécurité de la CEDEAO, dans tout
processus de rétablissement et de maintien de la paix en Afrique de
l'ouest.
A travers cette étude nous souhaitons contribuer
à mettre en exergue les goulots d'étranglement qui limitent
l'efficacité de l'organisation régionale dans sa mission
sécuritaire. Cela ne veut point dire qu'une telle entreprise n'a jamais
été faite. Bien au contraire. Il existe une littérature
non négligeable sur l'implication de la CEDEAO dans la résolution
des conflits en Afrique de l'ouest. Mais la plupart des études qui se
sont intéressées au mécanisme de prévention, de
gestion, de règlement, de maintien de la paix et de la
sécurité de l'organisation, ont essentiellement fait un bilan de
son action dans différents conflits, notamment ceux du Libéria,
de la Sierra Leone, de la Guinée Conakry, de la Guinée Bissau, de
la Côte d'Ivoire de 2002- 2007. On peut citer entre autres à ce
titre une étude de Gilles Yabi consacrée à une
évaluation de l'action de la CEDEAO dans la gestion des conflits
politiques qui ont affecté la Guinée et la Guinée Bissau,
et qui reste une référence dans l'appréciation des
performances de l'organisation sous-régionale en matière de
gestion des crises.11 Au sujet de la crise ivoirienne de 2002, en
dehors des articles publiés dans certaines revues, l'analyse de Didier
Bapidi sur "la contribution sous régionale dans la recherche d'une
solution pacifique au conflit ivoirien" s'est plutôt essentiellement
employée à démontrer la capacité de l'organisation
communautaire à conduire avec volontarisme un processus de paix en
Afrique de l'ouest.
Dans les travaux qui ont essayé de mettre en
évidence les faiblesses de l'organisation dans le règlement des
conflits, le manque de moyens logistiques a souvent été
essentiellement pointé du doigt. A part quelques articles de presse
dénonçant des prises de positions de Chefs d'Etat
privilégiant des intérêts particuliers, ou personnels au
détriment des objectifs régionaux de paix et de
sécurité, les études existantes sur la question n'ont pas
suffisamment mis l'accent sur les entraves résultant des contraintes ou
des comportements même des Etats membres de l'organisation dans les
missions de paix. Or, l'efficacité de l'organisation dépend
11
|
L'étude intitulée " Le rôle de la CEDEAO
dans la gestion des Crises Politiques et des
|
Conflits : cas de la Guinée et de la Guinée Bissau"
est une publication du bureau régional de la Fondation
Friedrich-Ebert-Stiftung à Abuja au Nigeria
14
essentiellement de la cohésion et de la discipline des
Etats par rapport aux enjeux de paix dans la sous-région. N'est-ce pas
faute d'avoir bien intégré cette réalité que le
dispositif de maintien ou de rétablissement de paix de la CEDEAO qui a
capitalisé une certaine expérience dans nombre de conflits
à travers la sous-région enregistre des échecs comme on a
pu le constater dans la crise post-électorale en Côte d'Ivoire ?
Avec des échecs répétitifs, l'organisation qui fait
pourtant figure de modèle sur le continent risque de se trouver
discréditée aux yeux de l'opinion internationale. Ce qui pourrait
l'éclipser de cet axe de sa mission, et monter en puissance l'Union
Africaine, plus distante et plus timorée dans la gestion et le
règlement des conflits. Toute chose qui pourrait ouvrir la voie à
des incertitudes au moment où le continent africain fait de plus en plus
l'objet de convoitises des puissances des différentes parties de la
planète.
La présente étude se donne donc comme objectif
majeur d'apporter une modeste contribution visant à mettre en
évidence certaines faiblesses de l'organisation régionale dans le
souci de la voir plus performante et plus rassurante quant à sa
capacité à juguler les conflits dans les pays membres. Pour
réussir une telle ambition, il importe d'éprouver les
hypothèses de travail sur un champ d'étude bien
déterminé.
3- Le champ de l'étude
L'objectif du présent travail est de mettre en
évidence au travers de la crise post-électorale en Côte
d'Ivoire les facteurs souvent inhibiteurs de l'action communautaire en faveur
de la gestion et du règlement des conflits en Afrique de l'Ouest. Il
s'agit donc plus précisément au cours de la présente
étude, de faire une évaluation de l'intervention de la CEDEAO
dans la résolution de la crise post-électorale en Côte
d'Ivoire. Au regard des ambitions de l'organisation sous-régionale pour
le rétablissement et le maintien de la paix dans l'espace ouest
africain, il importe de voir si les moyens dont elle dispose, tant sur le plan
institutionnel que fonctionnel sont en adéquation avec ses objectifs. A
cet effet le conflit post-électoral en Côte d`Ivoire
apparaît comme un terrain d'évaluation particulièrement
intéressant de l'action de la CEDEAO d'autant plus que tous les
dirigeants ouest africains semblaient très préoccupés par
la normalisation de la situation politique dans ce pays en raison de sa
position géostratégique dans la sous-région.
L'organisation communautaire ne pouvait en effet se permettre de mener une
action approximative face au risque de déstabilisation encouru par
15
toute l'Afrique de l'ouest avec une éventuelle
dégradation de la situation politique en Côte d'Ivoire.
4- Approche définitionnelle de quelques
notions
La problématique de la présente étude est
fondée sur deux mots-clés dont il convient de préciser les
contours. Il s'agit des notions de géopolitique et de conflit.
4.1- La notion de géopolitique
Etymologiquement, géopolitique est composé du
grec "gé" qui signifie terre, et du mot "politique". Selon le
dictionnaire Larousse, la géopolitique est la science qui étudie
les rapports entre la géographie des Etats et leur politique. Elle est
l'étude de l'influence des facteurs géographiques,
économiques et culturels sur la politique des Etats et sur les relations
internationales. 12 Mais pour mieux appréhender le sens du
mot géopolitique, il importe de s'intéresser à son
évolution lexicale dans le temps.
En effet, l'apparition de la géopolitique remonte
à la fin du XIXe siècle. Le terme géopolitique a
été utilisé pour la première fois par Rudolf
KJellén, professeur suédois de Sciences Politiques et de
Géographie qui définit la géopolitique comme "la science
de l'Etat comme organisme géographique ou comme entité dans
l'espace : c'est à dire l'Etat comme pays, territoire, domaine, ou plus
caractéristique, comme règne. Comme science politique elle
observe fermement l'unité étatique et veut contribuer à la
compréhension de la nature de l'Etat." Pour Ratzel, un Etat est " comme
un être vivant qui naît, grandit, atteint son plein
développement, puis se dégrade et meurt." 13 Pour
vivre ou survivre il doit s'étendre et fortifier son territoire, avec la
notion "d'espace vital". S'appuyant sur cette approche de développement
spatial de l'Etat, les successeurs de Ratzel vont proposer au IIIe Reich une
approche cartographique du monde où les "Grands Peuples " se partagent
la planète en fonction d'alliances et d'une hiérarchie des
peuples fondée sur la race. Cette conception un peu trop expansionniste
de la géopolitique va logiquement conduire à des dérives
qui vont avoir pour conséquence le bannissement de son enseignement en
tant que discipline dans les
12www.toupie.org
13
|
RATZEL, (Friedrich), Politische Geographie, 1897 cité par
www.toupie.org
|
16
universités. Mais elle retrouve sa
légitimité dans les années 1970-1980 grâce à
l'étude des nouveaux conflits qui associe des connaissances de la
géographie physique et humaine, de l'histoire et de la science
politique. En tant que discipline, la géopolitique vise à
"étudier les projets politiques des différents acteurs
présents sur la scène mondiale en fonction de leur rapport
à l'espace. Elle concerne donc l'étude des multiples influences
(à la fois de la géographie, de la culture, de la
société et de l'économie) qui orientent le comportement
d'une nation et le type de relation que cette dernière entretient avec
ses semblables."14 Mais pour les besoins de notre étude, " la
définition la plus concise et qui paraît la plus rapidement
opérationnelle reste celle donnée par Yves Lacoste, l'auteur
français contemporain de référence en la matière.
La géopolitique est selon lui « l'analyse des rivalités de
pouvoirs sur des territoires »."15
Ainsi compris, les déterminants géopolitiques
des difficultés de la gestion des conflits internes par la CEDEAO,
reviendraient à rechercher les éléments procédant
des rivalités de pouvoir dans la sous-région ouest africaine, et
qui limitent l'efficacité de l'action de la CEDEAO dans la gestion et le
règlement des conflits internes en Afrique de l'ouest. Mais pour lever
toute ambig·ité afin de permettre une nette compréhension de
l'objet de la présente étude, il importe de préciser aussi
le sens que revêt ici le mot "conflit".
4.2- La notion de conflit
Les rapports humains et sociétaux n'évoluent pas
toujours dans la stabilité, mais connaissent parfois des
déséquilibres qui peuvent profondément affecter leur
évolution, voire menacer leur existence. Des antagonismes s'exprimant
parfois sous des formes très violentes peuvent naître entre les
acteurs sociaux avec pour objectif avoué ou non une redéfinition
de certains aspects des relations sociales. La notion de conflit désigne
donc selon Dominique Picard et Edmond Marc, "une situation relationnelle
structurée autour d'un antagonisme. Celui-ci peut être dû
à la présence simultanée de forces opposées,
à un désaccord (sur des valeurs, des opinions, des positions,
É) à une rivalité lorsque des acteurs sont en
compétition
14 CHAUTARD, (Sophie), Comprendre la
Géopolitique, Levallois-Perret, Studyrama, 2006, P 17
15 BONIFACE, (Pascal), La Géopolitique, 40 fiches
thématiques et documentées pour comprendre
l'actualité, Mayenne, Erolles, deuxième édition,
2014, P 14
17
pour atteindre le même but ou posséder le
même objet (personne, bien, statut, territoire,...) ou à une
inimitié affective (animosité, hostilité, haine,
É). 16"
En considérant la dynamique sociale qui induit une
confrontation permanente des aspirations des acteurs sociaux, on peut affirmer
tout comme les psychologues que "le conflit est inhérent aux rapports
humains. Il fait partie des formes « normales de la relation à
l'autre au même titre que la « bonne entente », la
coopération ou l'évitement."17
Mais c'est Georg Simmel qui conforte plus largement cette
approche du conflit pour mieux situer le désordre qu'il peut induire
dans le corps social, en indiquant que "si toute interaction entre les hommes
est une socialisation, alors le conflit, qui est l'une des formes de
socialisation les plus actives, qu'il est logiquement impossible de
réduire à un seul élément, doit absolument
être considéré comme une socialisation. Dans les faits, ce
sont les causes du conflit, la haine et l'envie, la misère et la
convoitise, qui sont véritablement l'élément de
dissociation."18
Pour les besoins de notre étude, c'est le conflit en
tant que facteur de dissociation, de division et d'affrontement qui nous
intéresse, l'objectif majeur de ce travail étant
d'améliorer au niveau communautaire les instruments de maintien de paix
et de règlement des conflits. Il s'agit plus précisément
ici de la conflictualité (donnée fondamentale de la
géopolitique) en tant que lutte entre groupes rivaux pour le
contrôle d'un facteur de puissance. Les conflits internes, objet de notre
analyse, s'entendent comme ceux qui se sont développés à
l'intérieur d'un même territoire dans l'espace de la CEDEAO.
Selon Tran Van Minh, "la notion de conflit est une
terminologie qui met en concurrence plusieurs termes : conflit, litige,
différend, crise, tension, antagonisme, situation,
16 Picard, (Dominique) et Marc, (Edmond), Les conflits
relationnels, Paris, PUF, Col Que sais-je ? , 2008, p7
17 Picard, (Dominique) et Marc, (Edmond), Op cit, p3
18 Simmel, (Georg), Le conflit, Belval, Les
Editions Circé, 1995, p19
etc"19. Nous nous appuierons sur cette approche de
définition pour préciser que conflit et crise recouvrent dans le
présent travail la même réalité, même si de
façon classique la crise est considérée comme "une phase
critique dans l'évolution du conflit"20. Une fois cette
clarification faite, nous pouvons avancer dans cette analyse de la gestion par
la CEDEAO du règlement de la crise post-électorale en Côte
d'Ivoire en présentant dans une première partie un inventaire du
cadre règlementaire approprié de la CEDEAO et les sources de la
crise post-électorale en Côte d'ivoire.
18
19Tran Van, (Minh), Les conflits,
Encyclopédie Juridique de l'Afrique Noire, in Les accords
politiques dans la résolution des conflits armés internes en
Afrique, Thèse de Doctorat en Droit Public, Université
de La Rochelle - Université de Cocody Abidjan, 2012, 718 p
20 EHUENI MANZAN, (Innocent), Les accords politiques dans
la résolution des conflits armés internes en Afrique,
Thèse de Doctorat en Droit Public, Université de La Rochelle -
Université de Cocody Abidjan, 2012, 718 p
PREMIERE PARTIE:
La CEDEAO et les sources de la crise post-électorale en Côte
d'Ivoire
|
20
Initialement créée pour impulser
l'intégration économique des pays membres, la CEDEAO a
progressivement fait au cours des trois dernières décennies, de
la prévention et du règlement des conflits, son principal cheval
de bataille. Depuis la fin de la guerre froide et l'allègement de
l'engagement des puissances occidentales en Afrique qui s'en ait suivi, nombre
de pays en Afrique occidentale comme dans d'autres régions du continent
ont vu éclater sur leurs territoires des crises politiques et des
conflits armés internes parfois d'une violence inouïe. Cette
situation préjudiciable à la stabilité et à la
paix, gages de toute intégration économique a amené
l'Organisation communautaire à mettre en place des outils
appropriés pour la prévention et le rétablissement de la
paix dans les pays membres.
21
Chapitre I :
La CEDEAO et ses outils de prévention et de
gestion des conflits
22
Analyser et apprécier avec justesse l'action de la
CEDEAO en faveur de la prévention et de la gestion des conflits suppose
une connaissance assez précise du cadre institutionnel et
réglementaire qui constitue le socle de la dynamique de l'organisation
communautaire. C'est la raison pour laquelle dans ce premier chapitre, nous
présenterons dans un premier temps l'organisation sous régionale
et ensuite les outils mis en place pour garantir ou rétablir la paix et
la stabilité dans les Etats membres
A. Présentation de la CEDEAO
1. Création et objectifs de l'Organisation
1.1- Bref historique de la création de
l'Organisation
Créé le 28 mai 1975, la CEDEAO est
l'aboutissement d'un projet politique sous régional dont l'idée a
été lancée par le président du Liberia, William
Tubman, en 1964. La première tentative de regroupement sous
régional fut d'abord matérialisée par un accord
signé entre la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Liberia et la
Sierra Leone en février 1965, mais qui n'avait pas pu prospérer.
C'est finalement sous l'impulsion des Généraux Yacubu GOWON,
président du Nigéria et Gnassingbé EYADEMA ,
Président du Togo que le projet sera lancé en avril 1972. De
juillet à août 1973, les deux Chefs d'Etat ont
préparé des propositions qu'ils ont soumis à douze autres
Etats de l'Afrique de l'ouest en vue de recueillir leurs contributions. Une
réunion organisée à Lomé au Togo et chargée
d `étudier une proposition de traité sera parachevée par
une autre rencontre d'experts et de juristes tenue à Accra en janvier
1974 pour la même mission. Après une réunion des Ministres
à Monrovia en janvier 1975 pour un examen minutieux des projets de
textes fondateurs, quinze pays de l'Afrique de l'ouest signent le traité
pour une Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest le 28
mai 1975,21 acte qui consacrera le Traité de Lagos. Les
protocoles établissant la CEDEAO seront signés à
Lomé le 5 novembre 1976. Un traité revu pour
accélérer l'intégration économique et pour
renforcer la coopération politique a été signé en
juillet 1993.
21 Les quinze Etats membres de la CEDEAO sont : le
Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie,
le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Mali, le
Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone et la
Togo
23
1.2- Les objectifs de la CEDEAO
A sa création, la CEDEAO s'est assignée comme
objectif de promouvoir la coopération et le développement dans
tous les domaines de l'activité économique, notamment
l'industrie, les transports, les télécommunications,
l'énergie, l'agriculture, les ressources naturelles, le commerce. A ces
domaines il faut ajouter les coopérations monétaire et
financière ; sociale et culturelle. L'objectif ultime du Traité
de Lagos vise à parvenir à une union économique et
monétaire par l'intégration des différentes
économies nationales des Etats membres. Mais très tôt,
l`Organisation, très souvent en bute aux conflits internes qui
ébranlent la stabilité politique des Etats membres, s'est
aperçu que sans une coopération politique l'intégration
économique que se propose de réaliser la CEDEAO resterait un
voeux pieux. Le Traité revu du 24 juillet 1993 va inclure dans les
objectifs de l'organisation cette dimension politique tout en
élargissant les bases de la coopération économique. Il
prévoit en effet au plan politique, la mise en place d'un parlement de
l'Afrique de l'ouest, un Conseil Economique et Social et une Cour de justice de
la CEDEAO en remplacement du Tribunal prévu par le traité de
Lagos, pour veiller à l'application des décisions de la
Communauté. Au plan économique il prévoit la
création d'un marché commun, et à terme une monnaie
unique.
Mais l'acte politique majeur de ce traité reste la
responsabilité qu'il donne à la Communauté de
prévenir et de régler les conflits internes dans les Etats
membres. Ainsi, "d'une organisation régionale au départ
essentiellement vouée à la promotion de l'intégration des
économies des quinze Etats membres, la CEDEAO s'est progressivement
transformée, sous la pression des événements politiques,
en une organisation également chargée de trouver des solutions
aux conflits armés et autres crises politiques qui mettaient en
péril la paix et la sécurité dans l'espace
communautaire."22 Pour réussir ce double objectif,
l'Organisation se doit de se doter d'organes internes à la dimension de
ses ambitions.
22 YABI, (Gilles), Le Rôle de la CEDEAO dans la
Gestion des crises Politiques et des Conflits : Cas de la Guinée et de
la Guinée Bissau, Abuja, Friedrich-Ebert-Stiftung , septembre
2010, p 6
24
2. Organes et institutions de la CEDEAO
La direction de la CEDEAO est assurée par les huit
principales institutions que sont:
- la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement;
- le Conseil des Ministres;
- le Parlement de la Communauté;
- le Conseil Economique et Social;
- la Cour de Justice de la Communauté;
- Le Secrétariat Exécutif;
- Le Fonds de Coopération, de Compensation et de
Développement
- Les Commissions techniques spécialisées;
2.1- La Conférence des Chefs d `Etat et de
Gouvernement
La conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement est
l'organe suprême de la Communauté et est composée des Chefs
d'Etat et/ou de Gouvernement des Etats membres. La Conférence à
la responsabilité de définir les orientations et de formuler les
principes directeurs de la Communauté, ainsi que de prendre toutes les
mesures afin de garantir le développement progressif et la
réalisation des objectifs de l'Organisation.
Les fonctions de la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement sont les suivantes:
- Définir la politique générale et les
principes directeurs de la Communauté, donner les directives ;
- Assurer et coordonner les politiques économiques,
scientifiques, techniques, culturels et sociales des Etats membres;
- Superviser le fonctionnement des organismes de la
Communauté et suivre la mise en oeuvre des objectifs de la
Communauté;
- Préparer et adopter les règles de
procédure;
25
- Nommer le Secrétaire Exécutif dans le cadre du
Traité;
- Nommer les auditeurs externes suivant les recommandations du
Conseil;
- Déléguer au Conseil, quand il est
nécessaire, l'autorité de prendre des décisions ainsi
qu'il est stipulé dans le traité ;
- Soumettre à la Cour de Justice de la
Communauté quand elle le juge nécessaire, toute instance
confirmée si un Etat membre ou Institution de la Communauté a
manqué d'honorer ses obligations ou si une institution de la
Communauté a outrepassé ses pouvoirs ou a abusé des
pouvoirs qui lui ont été conférés aux termes du
Traité, par une décision de l'Assemblée ou une
règle du Conseil;
- Demander à la Cour de Justice de la Communauté
de donner un avis sur les questions légales quand c'est
nécessaire;
- Exercer les pouvoirs qui lui sont conférés aux
termes du Traité.
La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement se
réunit au moins une fois par an en séance ordinaire. Une
séance extraordinaire peut être organisée à la
demande du président en exercice ou d'un Etat membre dont la
requête est soutenue par une majorité des Etats membres. Le
président de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement
est le président en exercice de l'Organisation, désigné
par ses pairs.
2.2- Le Conseil des Ministres
Le Conseil des Ministres est composé du ministre
chargé des affaires de la CEDEAO ainsi que d'un ministre
désigné par chaque Etat membre. Le Conseil est responsable du
fonctionnement et du développement de la Communauté. Les
attributions du Conseil des Ministres sont les suivantes:
- formuler des recommandations à la Conférence
des Chefs d'Etat et de Gouvernement sur les questions visant à la
réalisation des objectifs de la communauté;
- Nommer tous les candidats aux fonctions officielles à
l'exception du Secrétaire Exécutif;
- Emettre des directives pour les affaires concernant la
coordination et l'harmonisation des politiques d'intégration
économique;
26
- Faire des recommandations à la Conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement pour la nomination des auditeurs externes;
- Préparer et adopter les règles de
procédure;
- Adopter le règlement pour les employés et
approuver les structures d'organisation des institutions de la
Communauté;
- Approuver les programmes de travail et les budgets de la
Communauté et de ses institutions ;
- Requérir l'avis de la Cour de Justice de la
Communauté quand c'est nécessaire;
- S'acquitter de toute autre tâche qui lui est
confiée, aux termes de ce Traité et exercer les pouvoirs qui lui
sont délégués par la Conférence des chefs d'Etat et
de Gouvernement.
Le Conseil se réunit au moins deux fois par an en
séance ordinaire. Une de ces séances précède
immédiatement la séance ordinaire de la Conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement. Une séance extraordinaire peut
être convoquée par le Président en exercice ou à la
demande d'un Etat membre soutenue par une simple majorité des Etats
membres. La Présidence du Conseil des Ministres est assurée par
le ministre responsable des affaires de la CEDEAO de l'Etat membre élu
Président en exercice de l'Organisation.
2.3- Le Conseil Economique et social
Le Conseil Economique et Social de la CEDEAO est
institué par l'article 14 du traité révisé de
l'Organisation qui lui confère un rôle consultatif sur les
questions d'ordre économique et social. Il est composé des
représentants des différentes catégories d'activité
économiques et sociales.
2.4- Le Secrétaire Exécutif
Le Secrétaire Exécutif est responsable du bon
fonctionnement de la Communauté et de la mise en oeuvre des
décisions de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
Il est élu pour un mandat de quatre ans. Le Secrétaire
Exécutif est assisté de quatre députés auxquels
sont assignés les fonctions suivantes:
- Affaires politiques, Défense et
Sécurité;
27
- Intégration;
- Harmonisation des Politiques Economiques ; - Administration des
Finances
2.5- Les Commissions spécialisées
Il existe au sein de la Communauté, différentes
commissions spécialisées qui travaillent sur les
différents domaines de compétence de l'Organisation sous
régionale. Il s'agit des Commissions chargées de :
- Alimentation et Agriculture;
- Industrie, Science, Technologie et Energie ;
- Environnement et Ressources Naturelles;
- Transport, Communications et Tourisme;
- Commerce, Douanes, Impôts, Statistiques et Politique
monétaire; - Affaires Politiques, Juridiques, Sécurité
Régionale et Immigration; - Ressources Humaines, Information, affaires
sociales et culturelles; - Administration et Finances
La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement peut
toutefois, si elle le juge nécessaire, restructurer les Commissions
existantes ou en créer de nouvelles.
2.6- La Cour de Justice de la Communauté
Créée en octobre 1999, la Cour de Justice fait
partie des institutions permanentes additionnelles au Traité de Lagos.
Elle a pour attributions de connaître des plaintes émanant des
Etats membres et des institutions de la CEDEAO, et est animée par un
président, un greffier en chef et sept juges.
2.7- Le Parlement de la CEDEAO
Assez différent des parlements classiques, le Parlement
de la CEDEAO est une émanation des différents parlements des
Etats membres. Il a pour missions de :
28
- Assurer un droit de regard des populations ouest africaines
sur le processus d'intégration de la sous-région;
- Doter la Communauté d'une architecture
institutionnelle comportant un volet législatif qui s'ajoute à un
volet judiciaire et promouvoir ainsi une communauté fonctionnant suivant
la logique de la séparation des pouvoirs propre à toute
construction démocratique.
- Informer, sensibiliser les populations de la
sous-région ouest africaine sur les enjeux de l'intégration ;
- Conforter la légitimité des actes posés
par l'Exécutif communautaire sur le terrain de l'intégration sous
régionale.
Les députés communautaires sont élus par
les parlements nationaux et constituent des groupes nationaux au sein du
Parlement de la CEDEAO.23
Il faut souligner deux faits exceptionnels qui peuvent mettre
en difficulté l'exécution des missions du Parlement. Il s'agit
d'une part de son statut consultatif, sans prérogatives
législatives qui, indubitablement devrait avoir la conséquence de
limiter la portée de son activité sur le processus
d'intégration. D'autre part, le mode de désignation des membres
du Parlement qui est tributaire des parlements nationaux ne permet pas une
permanence de son activité ainsi qu'un suivi des initiatives
parlementaires, souvent mises à mal par le remplacement fréquent
des élus nationaux.
2.8- Le Fonds de Coopération, de Compensation et
de Développement
Ce Fonds est chargé de financer les projets de
développement et de fournir des compensations et indemnités aux
Etats ayant subi des pertes dues aux dispositions du Traité de la
Communauté.
Ces différentes institutions et organes animent la vie
de l'Organisation sous régionale et oeuvrent à la
réalisation de l'objectif majeur de la CEDEAO qui est
l'intégration des économies de l'ensemble des Etats membres. Mais
très tôt, il est apparu un obstacle sérieux,
23 Répartition par Etat membre des sièges
du Parlement de la CEDEAO : Bénin :5 ; Burkina Faso :6 ; Cap
Vert :5 ; Côte d'Ivoire :7 ; Gambie :5 ; Ghana :8 ; Guinée :6 ;
Guinée Bissau :5 ; Liberia :5 ; Mali :6 ; Niger :6 ; Nigeria :35 ;
Sénégal :6 ; Sierra Leone :5 ; Togo :5.
29
très rédhibitoire à l'action
communautaire : les crises politiques et autres conflits armés qui
ébranlent la stabilité régionale, sans laquelle toute
intégration sous régionale est vouée à
l'échec. C'est fort de cette triste réalité que la
révision du 24 juillet 1993 du Traité fondateur est intervenue
pour conjurer le spectre de la déstabilisation de la sous région,
en introduisant parmi les innovations majeures la coopération politique,
la paix et la sécurité régionales. " Le maintien de la
paix est ainsi affiché dans le Traité, non pas au titre de
l'objectif global de la Communauté mais comme un principe fondamental
qui doit permettre à la CEDEAO d'atteindre ses objectifs en vue d'une
prospérité économique durable."24
B. L'architecture de paix et de sécurité
de la CEDEAO
Il faut dire qu'avant l'intégration par le
Traité révisé du 24 juillet 1993 qui à formellement
pris en compte la coopération politique et la nécessité de
garantir la paix et la sécurité dans la sous région,
l'action communautaire ne s'était pas moins préoccupée de
la mise en place de dispositifs relatifs à la paix, au
désarmement et à la sécurité sous régionale.
Mais "Très vite, deux textes faisant partie intégrante du
Traité de la CEDEAO ont fixé le cadre et les règles
appelés à orienter les efforts en matière de promotion de
la paix et de la sécurité dans la
sous-région."25
1- Les premiers efforts communautaires en matière de
paix et de sécurité sous-régionales
Au lendemain de la mise en application du Traité de
Lagos consacrant la création de la CEDEAO, la volonté d'instaurer
entre les Etats membres un climat politique stable a été
manifestée. Ce fut d'abord par l'Accord-cadre de non-agression et
d'assistance en matière de défense (ANAD) signé le 9 juin
1977 dans l'espace de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest
avec pour objectif d'assurer la paix et la sécurité par la
prévention des conflits. Aussi, cet Accord prévoit-il le
règlement des différends par les moyens pacifiques et
24ODZOLO MODO, (Madeleine), Fiche
d'information de l'Organisation : CEDEAO, Réseau de recherche
sur les opérations de paix - Université de Montréal,
www.operationspaix.net,
21 juin 2010
25ODZOLO MODO, (Madeleine), Op Cit
30
l'assistance militaire en cas d'agression contre un Etat
membre. Le protocole d'application de l'ANAD a été signé
à Dakar le 14 décembre 1981 et complété le 20
décembre 1981 par un protocole additionnel qui prévoit la
possibilité de constituer une force de paix pour contrôler en cas
de conflit une zone de délimitation du champ des opérations
militaires.
L'ANAD a été étendu à la CEDEAO le
22 avril 1978 par un protocole de non-agression. Cette évolution a
permis le 29 mai 1981 à Freetown, la signature d'un deuxième
texte qui sera déterminant dans les choix sécuritaires futurs de
la Communauté : il s'agit du Protocole d'Assistance Mutuelle en
matière de Défense (PAMD), mis en vigueur à partir de
1986.
En parcourant les méandres de cet Accord, on
s'aperçoit que le PADM est un véritable accord de défense
qui assure les Etats membres de la CEDEAO du soutien de leurs partenaires de
l'Organisation en cas d'attaque ou de menace d'agression provenant de
l'extérieur, dans la mesure où il vise à organiser la
sécurité et l'assistance entre les Etats de la sous-région
dans la perspective des situations évoquées tantôt. Le PADM
préconise par ailleurs la création en cas de conflit impliquant
au moins un Etat de la communauté, d'une Force commune d'interposition,
voire d'unités alliées de la Communauté (FAAC). Il se
dégage nettement à travers cet outil le souci de répondre
promptement, et sans attendre un quelconque soutien extérieur aux
attaques susceptibles de menacer la sécurité de la
sous-région.
On voit ainsi dans cette volonté sécuritaire
manifestée à travers le PAMD des efforts de la Communauté
tendant à mettre en place un mécanisme de défense commune
dans la sous-région ouest africaine. La manifestation la plus
évidente de cette réalité sera la mise en place de
l'ECOWAS Monitoring Group (ECOMOG), comme force d'interposition pour ramener la
paix au Liberia et endiguer un conflit qui menaçait fortement de
déstabiliser toute la région, et peu après en Sierra Leone
en proie elle aussi à une longue guerre civile. Mais face à la
succession de crises politiques et de conflits armés des années
1990 (Liberia, Sierra Leone, Guinée-Bissau) de plus en plus complexes
à gérer et à régler, ces outils de maintien et de
rétablissement de la paix et de la sécurité ont
très tôt montré leurs limites. C'est ce qui va conduire la
Conférence des Chefs d `Etat et de Gouvernement à adopter le 10
décembre 1999 le protocole relatif au Mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de
la paix et de la sécurité.
31
2. Le mécanisme de prévention, de gestion, de
règlement des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité de la CEDEAO
La décennie 90 a été l'une des plus
ensanglantée qu'a connu l'Afrique de l'ouest. Sous la pression des
drames engendrés par les conflits et face au risque d'embrasement de
toute la région, la CEDEAO est souvent intervenue de façon
prompte et énergique pour parer au plus pressé. Elle a ensuite
mis en place les bases institutionnelles et opérationnelles d'un
mécanisme de paix et de sécurité juridiquement
encadrés par les textes adoptés à cet effet.
L'objectif du mécanisme se décline en trois points,
à savoir:
- la prévention, la gestion et le règlement des
conflits internes et inter-étatiques ; le renforcement de la
coopération dans les domaines de la prévention, de l'alerte
précoce, des opérations de maintien de la paix, de la lutte
contre la criminalité transfrontalière, le terrorisme
international, la prolifération des armes légères et les
mines;
- le maintien et la consolidation de la paix, de la
sécurité et de la stabilité au sein de la
Communauté;
- la constitution et le déploiement, chaque fois que de
besoin, d'une force civile et militaire pour maintenir ou rétablir la
paix dans la sous-région, etc.
Le mécanisme est activé en cas d'agression
armée contre un Etat membre ; de conflit interne susceptible de menacer
gravement la paix et la sécurité sous régionale ;
d'atteintes graves aux droits de l'homme ou de renversement ou de tentative de
renversement d'un gouvernement démocratiquement élu.
Quoique tributaire des organes de décision au sommet de
la CEDEAO, le mécanisme bénéficie d'une certaine autonomie
de gestion dans son processus de mise en oeuvre en raison de la
célérité que requièrent certaines de ses
interventions. Les organes du mécanisme sont les suivants:
- la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement; - le
Secrétariat Exécutif;
32
- la Commission de Défense et de Sécurité
(CDS). La CDS est constituée par les chefs d'état-major
général des armées, les responsables des ministères
de l'Intérieur et de la Sécurité, les experts des
ministères des Affaires Etrangères et les responsables des
matières inscrites à l'ordre du jour. Elle examine tous les
aspects techniques et administratifs et détermine les besoins en
logistique dans le cadre des opérations de paix. La CDS assiste le
Conseil de Médiation et de Sécurité dans la formulation du
mandat de la force du maintien de la paix et la détermination de la
composition des contingents. C'est à ce titre que en juin 2004 la CDS a
approuvé la création d'une Force commune et établi la
feuille de route de la Force en attente de la CEDEAO en 2005.
- Le Conseil des Sages. Cet organe inauguré le 19
février 2004 à Accra a pour mandat de consolider la paix et de
prévenir les conflits par la promotion d'une diplomatie de
prévention dans la sous-région;
- Le Système d'Observation de la Paix et de la
Sécurité ou système d'alerte précoce et de
réponse de la CEDEAO (ECOWARN). C'est un outil d'observation et de suivi
prévu pour la prévention des conflits et l'aide à la
décision de la CEDEAO. Son but est de collecter, d'analyser et de mettre
à la disposition des Etats des informations devant permettre de
prévenir les crises dans la sous-région. Il est composé
d'un centre d'observation et de suivi chargé de la collecte et du
traitement des informations installé à Abuja au Nigeria et de
quatre bureaux d'observation et de suivi établis à Banjul,
Cotonou, Monrovia et Ouagadougou. Le centre s'appuie sur ces différents
bureaux pour couvrir toute l'Afrique de l'ouest éclatée en quatre
zones rattachées à ces quatre bureaux d'observation.
- Le Groupe de Contrôle de Cessez-le-feu de la CEDEAO ou
ECOWAS CeasÞre Monitoring Group (ECOMOG). Cette entité qui est la
force armée de la Communauté et constituée selon leurs
capacités par les différentes armées des pays membres a
déjà fait ses preuves avec plus ou moins de succès dans
différents conflits. Les missions dévolues à l'ECOMOG
sont:
o Observation et suivi de la paix;
o Action et appui aux actions humanitaires;
o Application des sanctions
o
33
Déploiement préventif;
o Consolidation de la paix, désarmement et
démobilisation;
o Activité de police et notamment la lutte contre la
fraude et le crime organisé.
La décision de mise en oeuvre du mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de
la paix et de la sécurité est prise par la Conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement sur proposition du Conseil de Médiation
et de Sécurité ; à la demande d'un Etat membre ; à
l'initiative du Secrétaire Exécutif ou à la demande de
l'Union Africaine (UA) ou des Nations Unies.
Malgré cette architecture de paix et de
sécurité savamment pensée et structurée, il reste
que pour réussir à mettre en place une véritable
diplomatie préventive de la conflictualité sous régionale,
la consolidation de la culture démocratique et la bonne gouvernance
s'imposent dans les Etats membres de la CEDEAO. Ce à quoi l'Organisation
a tenté d'apporter une réponse en adoptant le protocole
additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance.
3- Le Protocole additionnel sur la démocratie et la
bonne gouvernance
Adopté par la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement le 21 décembre 2001, le Protocole additionnel sur la
démocratie et la bonne gouvernance vise à consolider celui du 10
décembre 1999 en ce qui concerne la prévention des crises
intérieures, la démocratie, la bonne gouvernance, l'Etat de droit
ainsi que les droits de la personne.26 " Ce Protocole établit
donc un lien clair et direct entre le respect des normes démocratiques
et de « bonne gouvernance » dans les Etats membres et les
perspectives de paix et de sécurité, ce qui constitue
indubitablement une évolution de la culture de sécurité
dans l'espace communautaire ouest africain."27
Préoccupé par « les conflits qui sont de plus en plus
engendrés par l'intolérance religieuse, la marginalisation
politique et la non transparence du processus électoral », les
Chefs d'Etat et de Gouvernement ont réaffirmé leur attachement au
renforcement de la culture démocratique en définissant dans ce
Protocole les principes de convergence constitutionnels, donc communs à
tous les Etats membres de la CEDEAO. Il s'agit entre autres :
27 YABI, (Gilles), Op Cit, p 12
34
- de la séparation des pouvoirs exécutif,
législatif et judiciaire; - de la valorisation et du renforcement des
Parlements;
- de l'indépendance de la justice;
- de l'interdiction de tout changement anticonstitutionnel
ainsi que de tout mode non démocratique d'accession ou de maintien au
pouvoir etc.
Toujours dans une approche préventive, le Protocole a
largement pris en compte l'encadrement des élections, souvent sources de
contestations et de crises politiques parfois violentes. Ainsi, une
série de principes relatifs aux élections ainsi que le rôle
d'observation et d'assistance de la CEDEAO ont été
définis. Au nombre de ceux-ci on peut mentionner entre autres les
principes selon lesquels:
- aucune réforme substantielle de la loi
électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois
précédant les élections, sans le consentement d'une large
majorité des acteurs politiques;
- les élections à tous les niveaux doivent avoir
lieu aux dates ou périodes fixées par la constitution ou les lois
électorales;
- les organes chargés des élections doivent
être indépendants et/ou neutres et avoir la confiance des acteurs
et protagonistes de la vie politique. En cas de nécessité, une
concertation nationale appropriée doit déterminer la nature et la
forme desdits organes;
- les listes électorales seront établies de
manière transparente et fiable avec la participation des partis
politiques et des électeurs qui peuvent les consulter en tant que de
besoin etc.
Pour ce qui concerne la transparence des élections,
l'article 12 du Protocole dispose entre autres qu'à la demande de tout
Etat membre, la CEDEAO peut apporter aide et assistance à l'organisation
et au déroulement de toute élection. Le même article
prévoit que l'Organisation peut envoyer dans les pays membres des
missions de supervision ou d'observation des élections. Le texte
prévoit que la CEDEAO, en se fondant sur les rapports de ses missions et
les risques de violences post-électorales, puisse prendre à
l'encontre du pays concerné des sanctions.
Pour prévenir les risques d'interférence de
l'armée sur la scène politique dans les Etats membres, le
Protocole additionnel a également fixé les normes communautaires
en ce qui
concerne le rôle que doit jouer l'armée en
précisant notamment que « l'armée et les forces de
sécurité publiques sont soumises aux autorités civiles
régulièrement constituées ». "
Somme toute, on relève un dispositif communautaire
assez élaboré pour prévenir les conflits et autres crises
politiques. Mais à l'épreuve, de graves insuffisances ont
compromis les attentes. C'est la raison pour laquelle le Conseil de
Médiation et de Sécurité a adopté au terme d'une
série de consultations et de rencontres d'experts, le 16 janvier 2008 un
Règlement définissant le Cadre de Prévention des Conflits
de la CEDEAO (CPCC). L'objectif visé est de clarifier la
stratégie de mise en oeuvre des principes contenus dans les deux
Protocoles (celui de 1999 et celui de 2001) relatifs au mécanisme.
Après avoir notamment fait le constat selon lequel « la mise en
oeuvre des aspects préventifs du Mécanisme a parfois souffert de
l'absence d'une approche stratégique », le CPCC a été
pensé avec pour objectif majeur de mettre en place « une
stratégie complète et opérationnelle de prévention
des conflits et d'édification de la paix permettant au système de
la CEDEAO et aux Etats membres de mobiliser les ressources humaines et
financières à l'échelle régionale (y compris la
société civile et le secteur privé) et international dans
leurs efforts orientés vers la transformation créatrice des
conflits ». Tous ces instruments communautaires inventés dans une
approche préventive des conflits ont certes permis de réaliser
des avancées certaines au niveau de la sous-région. En
dépit de cela, "les Etats restent réticents à abandonner
une portion de leur souveraineté. Ce qui ne permet pas toujours de
pouvoir réaliser l'objectif d'intervenir en amont des
crises".28
35
28ODZOLO MODO, (Madeleine), Op Cit
36
CHAPITRE II
Le passif de la crise ivoirienne de 2002-2007 et les
soubresauts de la médiation de
la CEDEAO
37
Les tenants et les aboutissants de la crise
post-électorale de 2010-2011 en Côte d'Ivoire ne peuvent
être appréhendés sans une évaluation des
péripéties du règlement du conflit armé
déclenché par des groupes rebelles en 2002, et du retour de la
paix précaire en 2007. Dans ce chapitre nous ferons une
évaluation de l'implication de la CEDEAO dans le processus de paix qui a
permis l'organisation des élections de 2010 après avoir fait un
rappel du contexte politique et socio-économique qui a favorisé
le déclenchement de cette crise.
A. Les causes profondes de la crise de 2002-2007
Alors qu'on croyait que le coup d'état du
Général Robert GUEÏ du 24 décembre 1999 resterait
marginal dans les annales politiques de la Côte d'Ivoire, l'histoire a
failli bégayer le 19 septembre 2002 lorsque des soldats et des rebelles
du Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire tentent de renverser le
Président Laurent GBAGBO. Elu deux ans plus tôt dans un contexte
particulier, le Président Gbagbo a hérité d'une situation
socio-politique et économique qui semblait déjà porter les
germes d'une crise politique majeure.
Après le décès du Président
Félix Houphouët-Boigny en 1993 et le latent affrontement politique
qui a marqué sa succession au sommet de l'Etat, la Côte d'Ivoire
est plongée dans un malaise social qui va s'approfondir sur fond
d'exclusion. Aussi, aux clivages internes exacerbés par une crise
économique sans précédent va se superposer une
instabilité régionale, conséquence des conflits de plus en
plus tentaculaires qui affectent l'Afrique de l'ouest.
1. Les causes internes de la crise
Au "miracle économique ivoirien" des années 1970
qui a favorisé une forte immigration de populations de différents
pays de l'Afrique de l'ouest29, succède au cours de la
décennie 1980 une sévère crise économique. Le pays
qui a connu une prospérité économique sans pareil dans la
sous-région à la faveur des cultures de cacao et de café
dont il est resté respectivement le premier producteur mondial et
africain a souffert de l'effondrement des cours des matières
premières sur le marché international. Cette conjoncture
économique au niveau international va notablement éprouver le
modèle
29 Au recensement de la population en 1998, la population
d'origine étrangère était de 4 millions d'habitants, soit
26% de la population nationale, contre 5% en 1950.
38
économique ivoirien presque exclusivement fondé
sur les deux cultures de rentes. Face à la baisse continue des recettes
issues de l'exportation qui a jusque là porté la croissance,
l'Etat se retrouve en grande difficulté pour honorer ses engagements.
Sous la pression des institutions financières et autres partenaires
occidentaux, le pays qui a de plus en plus de difficultés à faire
face au service de la dette extérieure se voit contraint de
réduire son train de vie. A leur corps défendant les
autorités ivoiriennes finissent par conclure avec le Fonds
Monétaire International (FMI) un Programme d'Ajustement Structurel. Les
mesures d'austérités induites par ce programme ajouté
à l'attentisme économique que provoque l'ambiance de fin de
règne qui prévaut dans le pays30ont contribué
à fragiliser le tissu social. Aussi, l'ouverture au multipartisme
politique engagé au forceps31 par le Parti unique ivoirien
PDCI au début des années 1990 et le repli identitaire qui en a
découlé a t-il contribué à accentuer sur le terreau
déjà favorable de la pauvreté grandissante, les clivages
ethniques.
Dans ce contexte socio-économique très morose,
c'est d'abord les communautés d'origine étrangère dont la
présence massive dans le pays dès les années 1970 a
été favorisée par une agriculture de plus en plus
gourmande en main d'oeuvre qui sont désignées comme boucs
émissaires de l'effondrement des revenus. Ensuite viendra sur fond de
calculs politiques et électoralistes le concept de
l'«ivoirité« qui établit dans la communauté
nationale une échelle d'ivoiriens. Fabriqué en effet de toutes
pièces et entretenu par une certaine classe politique mue par le dessein
de conquérir ou de confisquer dans la facilité le pouvoir
d'Etat
l' «ivoirité« va cristalliser le sentiment
d'exclusion que nourrit désormais une large frange de la population.
Henri Konan Bédié qui prend aux termes de la constitution, la
succession de Félix Houphouët-Boigny décédé le
7 décembre 1993 va remettre en cause la politique d'ouverture du pays
aux peuples d'Afrique et aux étrangers, menée par son
prédécesseur. Il introduit officiellement dans le débat
national la référence identitaire qui est la marque substantielle
du concept de l'«ivoirité«. Ainsi, le 23 novembre 1994,
à la veille de l'élection présidentielle d'octobre 1995,
la première à laquelle il se présentera après
l'achèvement du
30 Les spéculations sur l'Etat de santé du
Président Houphouët-Boigny qui refusait de passer la main à
plus de 80 ans avaient contribué à essouffler la dynamique de
l'économie ivoirienne marquée par une indécision de plus
en plus lisible.
31 La chute du mur de Berlin et les conditionnalités de
l'aide publique au développement indiquées dans le discours de La
Baule du Président français, François Mitterrand ont
contraint la Côte d'Ivoire, tout comme nombre de pays en Afrique à
engager malgré eux des réformes politiques en vue de favoriser
une ouverture démocratique.
39
mandat présidentiel dont il a constitutionnellement
hérité du défunt président, il fait adopter un
nouveau code électoral. Le texte dispose en son article 49 que «
nul ne peut être élu président de la République,
s'il n'est ivoirien de naissance, né de père et de mère
eux-mêmes ivoiriens de naissance. » Cette disposition qui vise
à exclure de la compétition électorale un concurrent
gênant en la personne de l'ancien Premier Ministre Alassane Dramane
Ouattara dont on dit être d'origine burkinabé, va notamment
consolider au niveau des populations du nord, sa région et de la
communauté musulmane dont il fait partie, le sentiment d'exclusion. Elu
Président de la République dans cette atmosphère
délétère, Henri Konan Bédié qui était
attendu par les ivoiriens pour apporter les réponses idoines aux effets
de la crise économique se montre plutôt plus
préoccupé par l'affaiblissement de ses adversaires politiques. Le
sentiment d'ostracisme qui se développe au sein de l'opposition
politique incarnée d'un côté par le Front Populaire
Ivoirien (FPI) et de l'autre par le Rassemblement Des Républicains (RDR)
ayant respectivement leurs ancrages en pays Bété dans le
sud-ouest et dans le nord, fait le lit à des contestations qui peuvent
déborder du champs politique. Le 24 décembre 1999, un groupe de
militaires renverse le président Bédié par un coup
d'état qui permet à l'ancien Général Robert
Guéï de prendre le pouvoir. Ce dernier qui propose une transition
politique afin de « balayer la maison »32 va reprendre
à son compte le concept de l'ivoirité pour exclure à
nouveau de l'élection présidentielle organisée en octobre
2000 à l'issue de la transition politique, le leader du RDR, Alassane
Dramane Ouattara. Le Général Guéï qui se
déclare "candidat du peuple" à cette élection après
avoir vainement tenté de se présenter sous la bannière de
l'ex parti unique, le PDCI, est déclaré vainqueur par le
ministère de l'intérieur. L'opposant historique Laurent Gbagbo se
déclare président élu et appelle ses militants à
descendre dans la rue afin qu'on ne leur "vole leur victoire." Les
contestations qui éclatent à Abidjan le 24 octobre
déboucheront sur un ralliement des Forces armées qui se mettent
à la disposition de Laurent Gbagbo qu'elles reconnaissent comme Chef de
l'Etat. Ce ralliement sera consolidé par la Commission Electorale
Nationale qui proclame la victoire de Laurent Gbagbo. Dès le lendemain
de cette annonce, de violents affrontements éclatent entre militants
nordistes musulmans, partisans du RDR d'Alassane Ouattara et militants sudistes
du FPI de Laurent Gbagbo. Le bilan de ces manifestations qui ont fait plus de
cent morts va rapidement se corser quelques semaines plus tard avec la
découverte à Yopougon dans la banlieue ouest
32 L'expression « balayer la maison » a
été utilisée par le Général Robert
Gué · qui , rassurant la communauté internationale sur
les intentions de l'armée voulait indiquer qu'elle ne voulait pas
conserver le pouvoir, mais était intervenue pour assainir
l'échiquier politique devenu vicié par des tensions de toutes
sortes.
40
d'Abidjan d'un charnier contenant cinquante sept corps
identifiés comme étant essentiellement des musulmans du nord.
Dès le début de sa présidence Laurent
Gbagbo reprend le concept de l'ivoirité à son profit pour en
faire un instrument essentiel de la stratégie de consolidation de son
pouvoir. "Il remettra en cause cette conception de l'ivoirité
basée sur l'ethnie Akan33 et lui donnera plutôt une
base régionaliste et religieuse en l'élargissant à
l'ensemble du sud chrétien. Preuve que l`ivoirité est un
construit social contemporain à géométrie variable. Cette
nouvelle donne ne fera qu'aggraver l'instrumentalisation d'une opposition
séculaire supposée entre ivoiriens chrétiens du sud
forestier et ceux majoritairement musulmans des savanes du nord."34
Le nouveau pouvoir se dévoile dans cette volonté par son rejet de
la candidature d'Alassane Ouattara aux élections législatives
organisées juste après la présidentielle en
décembre 2000. Le RDR qui proteste contre l'exclusion de son leader du
scrutin, renonce à y participer et appelle ses militants à
manifester dans les rues d'Abidjan. La manifestation violemment
réprimée fera selon un bilan officiel une vingtaine de morts.
Dans de nombreuses circonscriptions électorales au nord du pays, fief
électoral d'Alassane Ouattara les élections n'ont pas pu avoir
lieu.
En définitive la tension sociale que le coup
d'état du 24 décembre 1999 est censé résorber
n'aura fait que monter en puissance, à tel point que le président
Laurent Gbagbo dût se résoudre en août 2002 à mettre
en place un gouvernement d'union nationale incluant toutes les grandes
formations politiques du pays. Mais cette décrispation semble être
amorcée trop tard puisque le 19 septembre 2002, avec le
déclenchement de la rébellion, le pays va se retrouver dans la
tourmente d'une crise politique sans précédent dont le
règlement va se révéler très complexe dans un
environnement régional déjà assez agité par les
conflits internes.
33 Les Akan représentent un groupe ethnique
implanté dans le sud-est de la Côte d'Ivoire, et qu'on retrouve
également dans l'ouest du Ghana. Les Baoulé, ethnie du
président Bédié constituent en Côte d'Ivoire le
noyau central de ce groupe.
34MEMIER, (Marc) et LUNTUMBUE, (Michel), La
Côte d'Ivoire dans la dynamique d'instabilité ouest africaine :
les racines de la crise postélectorale 2010-2011, Bruxelles,
Note d'analyse du Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la
Sécurité (GRIP), 31 janvier 2012, p5
41
2. Les causes liées à l'instabilité de
la sous-région ouest africaine
La fin de la guerre froide a eu comme
conséquence immédiate entre autres le désengagement des
puissances occidentales de l'Afrique. Cette situation vécue comme un
"lâchage" par nombre de régimes dictatoriaux qui trouvaient leur
soupape de sécurité dans les rivalités du monde bipolaire
a entrainé des mouvements de contestations qui ont souvent
débouché sur des luttes armées internes. L'Afrique de
l'ouest a été particulièrement agitée en cette
période où les luttes de pouvoir, attisées par la soif de
démocratisation ont favorisé dans certains pays des affrontements
internes, souvent d'une violence inouïe. "Ainsi, la dynamique de
régionalisation de l'insécurité en Afrique de l'ouest
s'est déclenchée en 1989 lorsque Charles Taylor, un membre de
l'élite libérienne, a lancé une rébellion
armée contre la dictature de Samuel Doe au Liberia."35 A la
faveur des jeux d'alliances nouées sur fond de calculs politiques
régionaux et de l'implantation transnationale des ethnies dans la
région, le conflit libérien s'est très vite exporté
en Côte d'Ivoire. Derrière l'affrontement entre les forces
rebelles conduites par Charles Taylor et les forces gouvernementales du
président Samuel Doe, on retrouve une lutte de pouvoir entre deux
ethnies, à savoir les Khrans dont est issu Samuel Doe et les Gio, ethnie
de Charles Taylor. Or les Khran qu'on identifie au Guéré de
l'ouest de la Côte d'Ivoire avec lesquels ils parlent la même
langue ont très tôt après la chute de Samuel Doe fait de
l'ouest ivoirien avec le soutien de Laurent Gbagbo, leur base arrière
pour continuer la lutte contre Charles Taylor.
Dans sa quête des appuis régionaux pour la
conquête du pouvoir, Laurent Gbagbo avait dès les années
1980 établi des contacts avec Samuel Doe dont il soutiendra les proches
même après l'arrivée au pouvoir de Charles Taylor. Ce
dernier, naguère soutenu dans sa rébellion contre le pouvoir en
place à Monrovia par le défunt Président ivoirien
Félix Houphouët-Boigny par l'intermédiaire de son chef
d'état major d `alors qui n'était autre que le
Général Robert Guéï avait des raisons d'en vouloir au
pouvoir de Laurent Gbagbo. Ce passif contribuera remarquablement à
complexifier le conflit ivoirien qui, à l'origine a été
déclenché par un groupe de militaires essentiellement issus des
communautés ethniques du nord de la Côte d'Ivoire pour des
légitimes besoins identitaires. Mais très tôt, Charles
Taylor qui cherchait depuis longtemps les moyens pour saper la base
arrière des Khran que se trouve être l'ouest de la Côte
d'Ivoire n'hésite pas à s'inviter dans le conflit. Avec
l'intention à peine voilée de faire tomber Laurent Gbagbo, le
président libérien soutien la création sur le
35 MEMIER, (Marc) et LUNTUMBUE, (Michel), Op Cit, p 11
42
territoire ivoirien de groupes rebelles connexes qu'il
entraine et arme. Selon un rapport de l'ONG britannique Global Witness, le
MPIGO et le MJP, deux groupes ayant rejoints la rébellion dans l'ouest
de la Côte d'Ivoire serait composé « à 90% des
mercenaires libériens et sierra léonais, pour la plupart
provenant de l'ancien RUF ou des forces de sécurité de Taylor
».36
En face, Laurent Gbagbo que les luttes de pouvoir avait
rapproché de Samuel Doe, donc des Khran du Liberia désormais
refugiés dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, apparentés aux
Guéré dont le Président ivoirien bénéficie
du soutien, n'a pas eu de difficultés à recruter et armer des
anciens membres du LURD37 pour l'appuyer contre la rébellion.
Ainsi, des combattants du LURD ont été recrutés et
armés pour combattre aux côtés des FANCI (Forces
Armées Nationales de Côte d'Ivoire). Un accord avait même
été conclu selon lequel « les Khran libériens
participeraient à la guerre menée par Gbagbo en échange de
quoi leur serait accordés le libre passage au Liberia et une aide
militaire pour renverser Taylor ».38 L'appropriation du conflit
ivoirien par les factions en opposition au Liberia était telle que
parfois les combats sur le théâtre ivoirien n'opposaient que des
libériens entre eux, comme l'illustre la bataille de Toulepleu au
début de l'année 2003.
D'un autre côté, la situation politique d'avant
le 19 septembre 2002 devenue de plus en plus délétère en
Côte d'Ivoire semblait ne pas laisser indifférent le Burkina Faso
qui avait deux raisons fondamentales de se préoccuper du climat
politique interne de son grand voisin. D'abord en tant que pays enclavé,
ne disposant pas d'un accès direct à la côte maritime le
Burkina est tributaire de la Côte d'Ivoire pour ses échanges
commerciaux avec l'extérieur. L'essentiel du trafic burkinabé en
matière d'importation et d'exportation transite par le Port d'Abidjan.
Ensuite on relève sur le sol ivoirien une forte diaspora
burkinabé constituée essentiellement d'agriculteurs et d'ouvriers
estimés à plus de trois millions, et dont les
36 COMARIN, (Elio), Côte d'Ivoire : comment Taylor
contrôle l'Ouest via le MPIGO et le MJP,
www1.rfi.fr, 03 avril 2003
37 Le LURD (Libériens Unis pour la Réconciliation
et la Démocratie) est un rassemblement de factions armées de
l'ancien ULIMO (Mouvement Unifié pour la démocratie au
Libéria) qui combattait le NPFL (Front Patriotique National de
Libération du Liberia) de Charles Taylor. La fraction Khran du LURD
basée dans l'ouest ivoirien était totalement acquise à la
cause de Laurent Gbagbo.
38 ERO, (Comfort), et MARSHALL, (Anne), L'ouest de la
Côte d'Ivoire : un conflit libérien ? in Politique Africaine
N°89, mars 2003, p 97
43
transferts financiers réguliers dans leur pays
d'origine représente un pactole non négligeable pour
l'économie nationale. Le Burkina, pour ces raisons majeures s'est
toujours intéressé de très près au
développement de la situation politique en Côte d'Ivoire."
Après le déclenchement de la rébellion, le soutien du
régime de Blaise Compaoré à la cause des rebelles
ivoiriens s'est vérifié à travers un appui politique et
militaire. Les leaders du mouvement rebelles du MPCI ont effectué
plusieurs voyages à Ouagadougou durant l'insurrection armée pour
« prendre des instructions ou informer les autorités », et ce
jusqu'au plus haut niveau de l'Etat".39
Quoique déclenché par une forte crispation
politique interne, le conflit ivoirien de septembre 2002 a trouvé un
terrain favorable dans un environnement où la conflictualité
régionale présentait déjà une sérieuse
menace. La guerre civile qui a commencé au Liberia en décembre
1989 et qui a déstabilisé par la suite la Sierra Leone avant de
s'exporter brièvement sur le territoire Guinéen avait
déjà suffisamment miné la Côte d'Ivoire pour qu'une
rébellion ne prenne pas des allures assez complexes dans son
évolution. C'est donc à une crise aux ramifications
régionales multiples et insoupçonnées que doit faire face
la CEDEAO qui s'est promptement portée au chevet de la Côte
d'Ivoire pour essayer d'endiguer le conflit et proposer sa médiation.
B. L'implication de la CEDEAO dans le processus de
rétablissement de la paix
Dès le lendemain des attaques du 19 septembre 2002
à Abidjan, Bouaké et Korhogo, visant le renversement du pouvoir
de Laurent Gbagbo, la CEDEAO a promptement réagi. Le premier acte de
l'organisation sous régionale a été la condamnation par un
communiqué signé de son Secrétaire Exécutif
Mohammed Ibn Chambas des violences perpétrées en Côte
d'Ivoire. S'appuyant sur les dispositions du Protocole additionnel de la CEDEAO
sur la démocratie et la bonne gouvernance, le communiqué de la
CEDEAO dénonce " une conduite inconstitutionnelle" des rebelles et fait
remarquer que " ces évènements sont préoccupants du fait
qu`ils compromettent les efforts déployés pour instaurer une
culture démocratique dans la
39 MEMIER, (Marc) et LUNTUMBUE, (Michel), Op Cit, p 13
44
sous-région ouest africaine". 40Ensuite,
dès le 23 septembre un sommet extraordinaire des Chefs d'Etat et de
Gouvernement est convoqué par le président en exercice, le Chef
de l'Etat sénégalais, Abdoulaye Wade. Ce sommet qui se tiendra
finalement après un report de quelques jours à Accra dans la
capitale ghanéenne, et élargi au président en exercice de
l'OUA, le sud africain Thabo Mbeki et son Secrétaire
Général Amara Essy ainsi que le représentant
spécial du Secrétaire Général des Nations Unies,
ira au delà de la simple condamnation de la rébellion en
Côte d'Ivoire. Après avoir réaffirmé la position de
la CEDEAO aux termes de laquelle "aucune reconnaissance ne sera accordée
à tout gouvernement qui prendra le pouvoir en renversant un gouvernement
démocratiquement élu ou en utilisant des moyens
anticonstitutionnels",41 le sommet a décidé de la
création d'un groupe de contact de haut niveau. Ce groupe de contact
composé des Chefs d `Etat du Ghana, de la Guinée-Bissau, du Mali,
du Niger, du Nigeria et du Togo aura pour mission « d'établir le
contact avec les assaillants, les amener à cesser immédiatement
les hostilités, ramener le calme dans les localités
occupées et négocier un cadre général de
règlement de la crise ». Mais si ce sommet a l'avantage de prouver
une fois encore la réactivité de la CEDEAO et son attachement
à la culture démocratique dans l'espace ouest africain, il permet
tout de même à l'organisation sous régionale de se rendre
compte que le règlement de cette crise ne serait pas une
sinécure.
1. La CEDEAO face aux impondérables de la crise
Deux faits étonnants se dégagent du
communiqué final du sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la
CEDEAO d'Accra. Il s'agit de la reconnaissance officielle des forces rebelles
comme des « assaillants », et de l'abstention de l'organisation
communautaire de décider de l'envoi d'une force d'interposition entre
les belligérants. En créant un groupe de contact
«missionné« pour prendre contact avec les forces rebelles et
« négocier un cadre général de règlement de la
crise », la CEDEAO entreprend ainsi une médiation devant amener les
protagonistes de la crise autour d'une table de discussion. On s'étonne
que tout en faisant une telle option, l'organisation qualifie les forces
rebelles d' « assaillants » et se contente
40
www.panapress.com, la
CEDEAO condamne la mutinerie en Côte d'Ivoire, 20 septembre 2002
41 CEDEAO, Communiqué Final du Sommet extraordinaire des
Chefs d'Etat et de Gouvernement sur la situation en Côte d'Ivoire, Accra,
29 septembre 2002
45
d'inviter ces derniers à « déposer les
armes et de régler leurs différends avec le gouvernement par des
voies pacifiques » sans envisager immédiatement la mise en place
d'une force d'interposition alors que les violences continuent de se
répandre dans plusieurs régions de la Côte d'Ivoire.
De toute évidence, cette position de l'organisation
communautaire ne s'est pas manifestée ex nihilo. Elle procède
plutôt d'un certain nombre de préoccupations chères au
président ivoirien Laurent Gbagbo, que ce dernier a défendu bec
et ongles lors du sommet d'Accra.
Premièrement, le Chef de l'Etat ivoirien qui,
dès le début de la crise avait pointé du doigt le Burkina
Faso comme instigateur des attaques contre son pays préférait
faire jouer les accords de défense entre la Côte d'Ivoire et la
France. Dans cette optique il était capital pour le gouvernement
ivoirien de faire accepter implicitement à la CEDEAO que les attaques
perpétrées contre son pays étaient menées par des
« assaillants », donc des forces armées extérieures
à la Côte d'Ivoire et non des groupes rebelles de
l'intérieur.
En réussissant à faire adopter par le sommet un
communiqué final à sa mesure, le président ivoirien
cherchera durant cette période comme le fait remarquer Hugo Sada
"à se prévaloir des conclusions du sommet d'Accra pour limiter
les effets d'une dynamique régionale dont il perçoit alors le
triple risque: celui de l'irruption dans le jeu ivoirien des pays de la
région, dont beaucoup, à ses yeux, lui sont hostiles, soutiennent
les rebelles ou sont proches d'Alassane Ouattara ; celui de la mise en place
d'une force d'interposition qui, de facto, protégerait les positions des
rebelles dans le nord et l'ouest du pays, et donc l'empêcherait de mettre
en oeuvre une solution militaire ; et celui d'une médiation qui
donnerait aux rebelles un statut d'opposants reconnus postulants à un
partage du pouvoir en Côte d'Ivoire, avec de nouvelles règles
constitutionnelles et d'éventuelles élections anticipées.
"42On voit dans la démarche du président ivoirien une
manière à peine voilée d'éviter la prise en main
totale du processus de paix par la CEDEAO.
42 SADA, (Hugo), Le conflit ivoirien : enjeux régionaux et
maintien de la paix en Afrique, in Politique étrangère, N°2,
2003, p 323
46
Mais s'il est parvenu grâce à une interposition
de la France43, au motif officiel avancé par l'Hexagone de
protéger les ressortissants français et étrangers vivant
en Côte d'Ivoire, à contenir les rebelles au delà de
Yamoussoukro, le président ivoirien n'a pas réussi à faire
jouer l'accord de défense entre les deux Etats. En qualifiant le conflit
d'ivoiro-ivoirien, la France s'est refusée à toute immixtion dans
les affaires intérieures de la Côte d'Ivoire et se cantonne dans
un rôle, suspect aux yeux du pouvoir ivoirien, de protecteur de ses
ressortissants et des étrangers.
Sur le plan du règlement politique de la crise qui est
à la charge de la CEDEAO, le groupe de contact mis en place par le
sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement éprouve de difficultés
à dérouler sa feuille de route. Ses premières
négociations eu vue d'un cessez le feu ont échoué. Mieux,
la diplomatie parallèle mise en oeuvre par le Ministre
sénégalais des Affaires Etrangères, à l'initiative
du président Abdoulaye Wade en sa qualité de président en
exercice, et appuyée par le Secrétaire Exécutif de
l'Organisation n'a pas pu prospérer du fait d'inextricables
rivalités politiques régionales. Le président en exercice,
Abdoulaye Wade est accusé par certains de ses pairs de prendre des
initiatives trop solitaires. D'autres Chefs d'Etat de la sous-région,
soucieux d'utiliser le règlement de cette crise à des fins
personnelles ne cachent plus leurs envies de leadership dans la
médiation.
L'organisation communautaire qui obtient tout de même un
cessez-le-feu le 17 octobre sans pour autant éviter que le conflit
s'étende dans l'est et le sud-ouest de la Côte d'Ivoire avec
l'apparition de nouveaux mouvements rebelles, à savoir le MJP et le
MPIGO prend conscience de l'enlisement de sa mission. En attendant les
propositions de la Commission Défense et Sécurité
chargée d'examiner les modalités de la mise en oeuvre d'une Force
de Paix, le président Gnassingbé Eyadema du Togo prend le relais
en tant que coordonateur de la médiation. S'il parvient à
accorder les protagonistes de la crise sur le volet militaire, il ne progresse
guère quant aux solutions politiques. L'échec de la CEDEAO dans
la recherche d'une solution globale et immédiate à la crise
ivoirienne se révèlera au grand jour au sommet extraordinaire de
l'organisation tenu à Dakar le 18 décembre 2002 par
l'indifférence consciente ou non affichée par de nombreux Chefs
d'Etat qui ont brillé par leur absence. Seulement quatre Chefs d'Etat
sur quinze étaient présents à Dakar!
43 Dès le 22 septembre 2002, la France envoie en
Côte d'Ivoire les premiers renforts militaires pour assurer la
sécurité des étrangers dont quelque 3000 seront
évacués. Une force française s'installe à
Yamoussoukro pour empêcher la progression des forces en conflit.
47
Dans l'esprit de sa nouvelle diplomatie d'après la
chute du mur de Berlin en Afrique, fondée sur le principe de "ni
ingérence, ni indifférence", la France constate
l'incapacité de plus en plus visible de la CEDEAO à assurer la
médiation, et essaie de reprendre la main. Elle obtient du
Sénégal qui assurait toujours la présidence de
l'organisation que la situation ivoirienne soit portée devant le Conseil
de Sécurité des Nations Unies. Concomitamment, l'ancienne
puissance coloniale prend l'initiative d'inviter toutes les forces politiques
ivoiriennes pour une table ronde à Linas-Marcoussis en territoire
français, suivi d'un sommet qui a réuni à l'avenue Kleber
à Paris les Chefs d'Etat directement concernés par la crise ainsi
que les représentants de l'ONU, de l'Union européenne, l'Union
africaine et de la CEDEAO. Les Accords politiques sortis de ses assises,
appelés Accords de Linas-Marcoussis ou Accords Kleber vont mettre fin
aux hostilités et susciter de réels espoirs pour l'aboutissement
du processus de sortie de crise. Dépitée tout de même par
son incapacité malgré les heureuses perspectives qui se
dégagent de ces Accords, la CEDEAO se verra quelque peu consolider dans
sa mission dans la crise ivoirienne par le Conseil de Sécurité
des Nations Unies.
2. Les espoirs déçus de la CEDEAO
Par la résolution 1464 du 4 février 2003, le
Conseil de Sécurité des Nations Unies a fait de la CEDEAO le
coeur battant du dispositif de rétablissement de la paix en autorisant
l'ECOFORCE à imposer avec l'appui de la force française Licorne,
la paix en Côte d'Ivoire en référence au chapitre VII de la
charte des Nations Unies. Consolidé par ce mandat onusien, la CEDEAO
reprend l'initiative pour faire avancer le processus de paix. Le 6 mars 2003,
à l'initiative du nouveau président en exercice de
l'organisation, le ghanéen John Kufuor, les leaders des
différentes forces politiques ivoiriennes ont tenu une réunion de
concertation à Accra afin de mettre en place le gouvernement de
réconciliation dirigé par le Premier ministre Seydou Diarra,
conformément aux Accords de Linas-Marcoussis.
Sur le plan militaire, la Commission Défense et
Sécurité de la CEDEAO obtient une redéfinition de la
Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire (MINUCI) créée
par la résolution 1479 du 13 mai 2003 par le Conseil de
Sécurité qui deviendra une opération de maintien de paix.
La MUNICI est ainsi muée en "Opération des Nations Unies en
Côte
48
d'Ivoire, ONUCI."44Mais l'accalmie observée
sur le champ militaire suite à la mise en place du dispositif
ONUCI-ECOFORCE-LICORNE de maintien de paix contraste avec les convulsions qui
continuent d'avoir cours sur le terrain politique.
En effet, le président Laurent Gbagbo qui n'avait
accepté de lâcher du lest qu'à son corps défendant
pour permettre la conclusion des Accords de Linas-Marcoussis qui le
dépouillaient d'une bonne partie de ses prérogatives
présidentielles au profit du Premier ministre, fait de la
résistance dans la mise en oeuvre des réformes prévues. Le
bras de fer entre le Président et le Premier ministre appuyé par
les forces politiques de l'opposition paralyse très rapidement le
gouvernement de transition. Le président ghanéen, John Kufuor
encouragé par le secrétaire Général des Nations
Unies, Kofi Annan invite à nouveau les protagonistes de la crise
à Accra le 30 juillet 2004 à un sommet extraordinaire des Chefs
d'Etat et de Gouvernement de la Communauté. Ce sommet auquel prit part
aussi le président Thabo Mbéki en qualité de
président de l'Union africaine était destiné à
aplanir les difficultés survenues dans l'application des Accords de
Linas-Marcoussis, et lever les blocages du processus de paix. Les Accords
obtenus à l'issue du sommet dits Accords d'Accra II ont relancé
les activités du gouvernement de transition paralysé depuis un
moment par des clivages internes. Mais très tôt, des dissensions
au sommet de l'exécutif de transition apparaissent à nouveau et
s'amplifient, au point où le 20 octobre, "la CEDEAO tire sur la sonnette
d'alarme et dit exprimer avec préoccupation l'absence de progrès
enregistré dans le processus de paix en Côte
d'Ivoire."45
Sur le théâtre des opérations militaires,
les Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire (FANCI), toujours
restées sous le commandement du président de la république
de Côte d'Ivoire violent le cessez-le-feu en bombardant les villes de
Bouaké, Yamoussoukro et Korhogo. Cette opération qui fait
plusieurs dizaines de victimes civiles et militaires, dont neuf soldats
français est unanimement condamnée par la communauté
internationale.
44 L'ONUCI a été constituée en application
de la résolution 1528 du 27 février 2004 qui fait suite à
la résolution 1464 autorisant la mise en place de la MINUCI et de
l'ECOFORCE. Déployée initialement pour une période de 12
mois, son mandat sera régulièrement prolongé
jusqu'à la fin du processus électoral en Côte d'Ivoire.
45 BAPIDI, (Didier), La CEDEAO dans la crise ivoirienne :
2002-2007, contribution de l'organisation sous régionale dans la
recherche d'une solution pacifique au conflit ivoirien, Saarbr·cken,
Presses Académique francophones, 2015, p 61
49
Face à ce nouveau constat d'échec des efforts de
la CEDEAO que le camp présidentiel ivoirien récuse à mots
couverts, soupçonnant toujours un certain nombre de pays membres
d'être opposés à ses intérêts, L'Union
africaine se résout à prendre le relais dans la médiation.
Le 6 novembre 2004 le président nigérian, Olusegun Obasanjo,
président en exercice de l'organisation continentale organise à
Ota au Nigeria des consultations avec la Commission de l'Union africaine et la
CEDEAO. L'Union africaine mandate à l'issue de son sommet de novembre
2004 à Abuja, le président Thabo Mbeki comme médiateur de
la crise ivoirienne. Le président sud africain, très
déterminé à sauver la face de l'Afrique qui a
déjà suffisamment montré ses faiblesses dans la
résolution de ce conflit, invite dès le 6 avril 2OO5 à
Pretoria les principaux leaders ivoiriens dont le Président Laurent
Gbagbo, le Premier ministre Seydou Diarra et le Secrétaire
Général des FNCI,46 Guillaume Soro. Les
négociations basées sur les plateformes de Linas-Marcoussis, de
Accra I et Accra II ainsi que les résolutions des Nations Unies
débouchent sur la volonté partagée par toutes les parties
d'organiser l'élection présidentielle en octobre 2005. Le
président Gbagbo, visiblement plus rassuré par la
médiation sud africaine finit par céder sur la question de
l'éligibilité d'Alassane Ouattara à la
présidentielle, qui était pour lui un point non négociable
depuis les Accords de Linas-Marcoussis.
Quand on se réfère aux mobiles ayant conduit
à la rébellion, cette concession de Laurent Gbagbo constitue une
avancée considérable dans la résolution du conflit. Mais
très tôt de nouveaux points de discorde liés notamment
à l'établissement des listes électorales apparaissent et
le processus de paix s'embourbe à nouveau. On assistera même
à une escalade de la violence qui va se solder par un massacre de
plusieurs dizaines de personne dans l'ouest du pays. Les Accords de Pretoria I
ainsi plombés vont conduire à Pretoria II le 29 juin 2005, mais
les parties maintiennent la date du 30 octobre pour la tenue de
l'élection présidentielle.
Les tiraillements finiront par avoir raison de cet agenda
électoral et, aux querelles déjà existantes, va s'ajouter
la question du maintien au pouvoir de Laurent Gbagbo comme président de
la république au delà de la date du 30 octobre (son mandat
constitutionnel devant déjà arriver à terme). Statuant sur
un rapport de la CEDEAO sur la situation, l'Union africaine
46 Les FNCI (Forces Nouvelles de Côte d'Ivoire), sont une
coalition de mouvements rebelles composée du MPCI, du MPIGO et du MJP,
qui ont pris part aux différentes étapes des négociations
du processus de paix en Côte d'Ivoire
50
constate tout comme les leaders ivoiriens
l'impossibilité d'organiser l'élection présidentielle
à cette date et proroge le mandat du président Gbagbo d'un an
à compter du 31 octobre 2005. Mais son pouvoir sera vidé de ces
prérogatives substantielles qui seront attribuées au nouveau
Premier ministre de consensus, Charles Konan Banny, conformément
à la résolution 1633 adoptée par le Conseil de
Sécurité sur la base des recommandations de la CEDEAO et de l`UA.
Gbagbo qui dénonce une "mise sous tutelle de fait de son pays" par cette
résolution s'engage dans un bras de fer et se dit
déterminé à exercer ses pouvoirs constitutionnels.
L'impasse se crée à nouveau car à la date du 30 octobre
2006 l'élection présidentielle n'a pas pu se tenir. Le
président Laurent Gbagbo brave encore la résolution 1721
adoptée le 1er novembre 2006 à la suite de nouvelles
recommandations de la CEDEAO et de l'UA et propose ce qu'il appelle "un
dialogue direct " avec le Secrétaire Général des FNCI.
Conscient que le rapport de force se joue entre lui et les mouvements rebelles,
désormais appelés FNCI, le président ivoirien ne rechigne
même plus à se soumettre à la médiation du
président Blaise Compaoré qu'il accusait directement de soutenir
la rébellion. Les laborieuses négociations engagées sous
l'égide du président burkinabé en qualité de
président exercice de la CEDEAO aboutissent à la conclusion des
Accords politiques de Ouagadougou le 4 mars 2007.
C'est finalement ces Accords politiques de Ouagadougou
essentiellement conclus grâce à l'entregent personnel du Chef de
l'Etat Burkinabé, qui partagent le pouvoir exécutif entre le
Président Laurent Gbagbo et son nouveau Premier ministre, Guillaume Soro
qui vont ressusciter de réels espoirs de sortie de crise.
L'élection présidentielle prévue comme ultime étape
du processus de sortie de crise et maintes fois reportée pour cause de
divergences liées notamment à la question du désarmement
et à l'établissement des listes électorales finit par se
tenir le 31 octobre 2010. Mais si les Accords de Ouagadougou et la tenue de la
présidentielle peuvent apparaître à juste titre comme une
reprise en main par la CEDEAO du processus de paix, couronné par un
relatif succès, le second tour du scrutin organisé le 28 novembre
2010 va déboucher sur une crise dont le bilan humanitaire sera sans
précédent dans l'histoire de la Côte d'Ivoire.
51
Deuxième Partie:
De la crise post-électorale au
rétablissement de la légitimité constitutionnelle
52
Chapitre I: La médiation de la CEDEAO
53
Dès le lendemain de l'imbroglio électoral qui
s'est installé à Abidjan à la suite de la proclamation des
résultats du second tour du scrutin présidentiel du 28 novembre
par la CEI et le Conseil Constitutionnel, la CEDEAO s'est mobilisée au
plus haut niveau. Le 7 décembre 2010 un sommet extraordinaire des Chefs
d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO consacré à la crise
ivoirienne qui vient ainsi de prendre une nouvelle tournure se réunit
à Abuja au Nigéria. Le communiqué final qui en sera issu
suspend la participation de la Côte d'Ivoire aux instances de
l'organisation sous-régionale et indique clairement que « les Chefs
d'Etat et de Gouvernement ont reconnu M. Alassane Ouattara comme
président élu de Côte d'Ivoire et invite M. Laurent Gbagbo
à respecter les résultats de l'élection
présidentielle en Côte d'Ivoire tels que certifiés par
l'ONUCI, et à rendre sans délai le pouvoir dans
l'intérêt supérieur de la Côte d'Ivoire«.
47 Mais face à l'enjeu que représente pour le
président Laurent Gbagbo et ses soutiens politiques la conservation du
pouvoir d'Etat, il faudra bien plus qu'une récusation officielle de la
CEDEAO des résultats proclamés par le Conseil constitutionnel et
une injonction pour que la situation se normalise en Côte d'Ivoire.
A- le volontarisme communautaire à
l'épreuve de l'urgence ivoirienne
A la suite du sommet extraordinaire du 7 décembre 2010
tenu à Abuja au Nigeria et consacré à la crise ivoirienne,
un autre sommet a réuni les Chefs d'Etat le 24 décembre 2010 pour
réaffirmer la position de l'organisation sous-régionale au sujet
de la crise post-électorale en Côte d'Ivoire. 48 Ce
sommet a notamment pris comme mesure au titre des résolutions, la mise
en place d'une équipe de médiation de la CEDEAO avec pour mission
de rencontrer les différents protagonistes de la crise, mais surtout de
ramener le président Laurent Gbagbo à la raison.
1- Les bons Offices de la CEDEAO
Composée des Chefs d'Etat du Bénin, du Cap-Vert
et de la Sierra-Leone, cette équipe de médiation s'est rendue
dès la fin du sommet, soit le 24 décembre à Abidjan avec
pour mission
47
lemonde.fr, 9 décembre
2010, Extrait du communiqué final du sommet extraordinaire de la CEDEAO
sur la crise en Côte d'Ivoire
48
|
Voir communiqué final en annexe 2
|
54
assignée de convaincre Laurent GBAGBO à
reconnaître sa défaite et céder le pouvoir à
Alassane Ouattara. Après avoir rencontré le Représentant
spécial du Secrétaire Général des Nations-unies en
Côte d'Ivoire, Young Jin Choi, les trois Chefs d'Etat ont eu une longue
entrevue de plus de trois heures avec le président Laurent Gbagbo au
palais présidentiel avant d'aller rencontrer Alassane Ouatttara et ses
soutiens réfugiés depuis la proclamation des résultats du
second tour de la présidentielle à l'hôtel du Golfe sous
forte protection des soldats de l'ONUCI, la mission des Nations-Unies en
Côte d'Ivoire. Malgré son opiniâtreté,
l'équipe des trois Chefs d'Etat est reparti d'Abidjan sans aucune
avancée dans la résolution pacifique de la crise. Laurent Gbagbo
reste campé sur sa position de vainqueur
«légitimé« par le Conseil Constitutionnel dont il
excipe les «preuves« pour convaincre la mission, tandis que Alassane
Ouattara et son camp sont demeurés persuadés de leur victoire et
estiment que « le statut de président de la République de
Monsieur Ouattara n'est pas négociable«. En termes clairs, les
positions des uns et des autres sont encore loin de bouger.
Sur le terrain, la tension devient de plus en plus palpable.
Le camp Ouattara lance un appel à une grève
générale eu vue de paralyser l'activité économique
dans le pays et contraindre Gbagbo à céder le pouvoir. Peu suivi
les premiers jours, le mouvement finira par perturber significativement
l'activité économique à Abidjan et dans plusieurs villes
à l'intérieur du Pays. Ce mouvement intervient dans un contexte
de blocus financier décrété par l'UEMOA49 et
les institutions de Brettonwood. En effet, conformément aux mesures de
rétorsion prises à l'encontre du gouvernement illégitime
de Laurent Gbagbo par la CEDEAO pour le contraindre à céder le
pouvoir, l'UEMOA a pris une séries de mesures dont l'objectif est de
pousser le pouvoir Gbagbo à une cessation de paiement. Ainsi, dès
le 26 janvier 2011 les agences de la banque centrale , BCEAO50
devraient fermer sur toute l`étendue du territoire de la Côte
d'Ivoire. Toutes les agences des banques primaires ivoiriennes seront
déconnectées du système bancaire de la sous-région,
isolant ainsi le pays de toute possibilité de transaction avec les
autres Etats de l'UEMOA. Le pays va se trouver rapidement confronté
à un assèchement de liquidité qui va durement impacter les
activités économiques. L'UEMOA a
49
UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) est
une organisation qui a pour mission l'intégration économique des
Etats membres, à travers le renforcement de la
compétitivité des activités économiques en
favorisant au sein de l'espace ouest-africain l'accès à un
marché concurrentiel et juridiquement encadré. Il regroupe les
pays ouest africain ayant en partage le franc CFA.
50
|
BCEAO ( Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest)
|
55
également demandé à la BCEAO de prendre
les dispositions pour récuser la signature du gouvernement Gbagbo. Ces
différentes mesures auxquelles viendront s'ajouter celles de la Banque
mondiale et du FMI qui ont suspendu tous leurs programmes en cours avec la
Côte d'Ivoire vont notablement corser la situation économique et
sociale du Pays au début de l'année 2011.
La colère monte dans le camp Gbagbo et des actes de
violence sont de plus en plus enregistrés, notamment à Abidjan. A
Yopougon, quartier populaire à la périphérie d'Abidjan et
très favorable au président Gbagbo un convoi de la mission des
Nations-Unies est pris à partie et des véhicules
incendiés. Un casque bleu s'est vu le bras tranché à la
machette par une foule surexcitée de partisans de Gbagbo.
Sur la plan diplomatique, le nouveau gouvernement nommé
par Gbagbo à la suite de son investiture contestée et
dirigé par Aké Ngbo brandit la menace de renvoyer tous les chefs
de missions diplomatiques dont les pays reconnaîtraient les ambassadeurs
ivoiriens entre-temps nommés par Alassane Ouattara et son gouvernement
dirigé par Guillaume Soro. Ceci d'autant plus que « dans le sillage
des Nations-Unies qui ont accepté les lettres de créances de
Youssouf Bamba, nouvel ambassadeur nommé par Alassane Ouattara, les pays
de la région devraient en faire de même«.51
Face à cette escalade de la tension que va
sûrement amplifier la bactérie de sanctions à venir dans
l'esprit de l'approche de sanctions graduelles adoptée par la CEDEAO,
une nouvelle mission de l'organisation sous-régionale se rend à
Abidjan le 3 janvier, effectuée par le même groupe de Chefs
d'Etats mandatés par le précédent sommet extraordinaire de
la CEDEAO. Mais le président Laurent Gbagbo s'obstine toujours à
revendiquer sa victoire et une fois de plus, invite à un recomptage des
suffrages du scrutin du 28 novembre et refuse tous les aménagements
proposés pour lui offrir une retraite paisible. Ce nouvel échec
des négociations semble pousser la CEDEAO à une espèce de
radicalisation.
2- Le spectre d'une intervention militaire de la CEDEAO
Dans la droite ligne du choix des sanctions graduelles fait
par l'organisation sous-régionale pour contraindre la président
Gbagbo à abdiquer, l'option militaire évoquée dans le
communiqué officiel du sommet du 24 décembre comme une
éventualité pour faire respecter
51
|
www.rfi.fr, La Côte
d'Ivoire au menu d'un sommet extraordinaire de la CEDEAO, 24
|
décembre 2010
56
le verdict des urnes en cas d'échec des
négociations apparait de plus en plus comme une évidence. Des
réunions de concertation ont regroupé les chefs
d'état-major de la CEDEAO du 28 au 29 décembre 2010 et du 18 au
20 janvier 2011 pour étudier les modalités pratiques pour engager
des troupes sur le théâtre ivoirien. Le Nigéria, assumant
la présidence en exercice de l'organisation communautaire introduit le
24 janvier auprès du Conseil de sécurité des Nations-unies
une requête «validant l'usage de la force, mais en dernier
recours« pour faire respecter le résultat proclamé par la
CEI en cas d'échec des missions de médiation. Cette requête
se heurte aux vétos de la Russie et de la Chine, tous deux membres
permanents du Conseil de sécurité «qui se montrent
très timides dans la condamnation de Laurent Gbagbo depuis le
début de la crise ivoirienne«52. Fort de cette
difficulté à mettre en oeuvre une intervention militaire pour
installer son challenger au pouvoir, Laurent Gbagbo qui conserve le soutien des
forces de défense et de sécurité ivoiriennes (FDS)
continue d'exercer son contrôle sur les régions clés du
territoire national ainsi que les infrastructures économiques
stratégiques du pays comme les ports d'Abidjan et de San Pedro. Aussi,
sa capacité à faire fonctionner l'administration et à
contourner les mesures de blocus économique, notamment par la
réquisition de certains établissements bancaires nationaux et la
nationalisation de la commercialisation du café et du cacao lui procure
d'indéniables moyens de résistance face à la pression
internationale. C'est dans ce contexte que semble s'imposer ce choix audacieux
à l'organisation communautaire qui joue une fois encore sa propre
crédibilité en démontrant la capacité
opérationnelle de son architecture de gestion de crise. L'organisation
sous-régionale qui s'est heurtée à une résistance
silencieuse de la Russie et de la Chine dans sa requête pour disposer
d'un mandat de l'ONU en vue d'une intervention militaire en Côte
d'Ivoire, se trouve en butte à d'autres difficultés inattendues
qui sont apparues dans ses rapports avec certains Etats, notamment au sein de
l'Union Africaine.
B- Le choc de la médiation de la CEDEAO avec les
ambitions de puissances régionales du Nigéria et de l'Afrique du
sud
Le Nigeria et l'Afrique du Sud sont aujourd'hui les deux plus
puissantes économies du continent africain avec respectivement un PIB de
415,08 milliards USD et 280,36 milliards
52
|
Le Strat (Yoann), Crise postélectorale en Côte
d'Ivoire: un pays dans l'impasse, Université
|
de Laval, in
www.reagrdcritique.ca,
février 2011
57
USD (2016)53. Outre cette puissance
économique, le Nigeria et l'Afrique du Sud se caractérisent par
de remarquables richesses naturelles pour lesquelles ils tiennent le premier
rang au niveau continental, voire mondial pour certaines, à savoir
d'impressionnants gisements de pétrole pour le premier et de l'or, du
diamant et de la platine pour le second. Ces atouts économiques naturels
sont soutenus dans les deux pays par une économie diversifiée qui
passent pour être des plus industrialisées du continent.
Forts de ces atouts qui les positionnent d'emblée comme
des puissances économiques régionales, les deux pays se discutent
le leadership au niveau continental. « Chacun de ces pays se veut le
leader de l'Afrique. Cette rivalité économique se retrouve aussi
dans le domaine diplomatique. le Nigeria s'est rapproché de la France
sur bien des dossiers pour contrer l'Afrique du Sud: notamment pour tenter de
trouver une issue à une solution régionale à la crise
centrafricaine. Après s'être longtemps défié de
Paris, le pouvoir de Lagos tente désormais de s'appuyer sur les
réseaux français sur le continent, notamment en Afrique de
l'Ouest.«54
En ligne de mire de cette rivalité économique,
diplomatique et politique pour se positionner comme leader et porte-voix de
l'Afrique se trouve un objectif de taille: l'obtention d'un statut de membre
permanent au Conseil de sécurité des Nations-Unies. Dans cette
perspective, peser sur les processus de règlement des conflits sur le
continent devient un enjeu majeur pour les deux puissances régionales
pour démonter leurs ancrages dans les différentes régions
de l'Afrique, mais aussi leur influences diplomatiques. C'est donc à
juste titre que le Nigeria, se voyant investi d'un rôle de leader naturel
de l'Afrique de l'Ouest prend la conduite des négociations de paix en
Côte d'Ivoire, sous les auspices de la CEDEAO.
1- L'activisme du Nigeria, ou la preuve à la
communauté internationale d'un attachement à la
démocratie
Pays le plus peuplé d'Afrique, première
économie du continent, ajouté à son potentiel militaire
qui le classe deuxième armée d'Afrique, le Nigeria s'impose
naturellement comme
53
Selon un rapport du FMI sur les perspectives économiques
mondiales en Octobre 2017. En outre, longtemps classé deuxième
économie africaine derrière l'Afrique du Sud, le Nigeria ravit la
première place en 2014 par suite d'un changement de mode de calcul de
son PIB.
54
|
Parsi, (Mandana), l'Afrique du Sud et le Nigeria,deux
géants en défiance,
www.rfi.fr, 14
|
avril 2017
58
leader des pays d'Afrique de l'Ouest, et par conséquent
très influent au sein de la CEDEAO. Mieux, le pays s'est conférer
au sein de l'organisation sous-régionale un rôle de quasi gendarme
en n'hésitant pas à déployer des moyens humains et
matériels rarement à la portée d'un Etat africain pour
s'investir dans les opérations de prévention ou de
rétablissement de paix en Afrique de l'Ouest. Dès le début
des années 1990, au lendemain de la fin de la guerre froide, où
les puissances occidentales se sont désintéressées de
l'Afrique, le Nigeria n'a pas hésité à affirmer son statut
de puissance régionale en utilisant efficacement comme tremplin les
conflits régionaux provoqués par la soif de démocratie qui
a touché de nombreux pays africains au lendemain de la chute du mur de
Berlin. C'est ainsi que le pays s'est trouvé en avant garde de la force
d'interposition de la CEDEAO ( ECOMOG) au Liberia en 1990, en Sierra Leone et
en Guinée-Bissau en 1998, pour ne citer que les missions les plus
emblématiques. Cette puissance militaire qui a fait la preuve de sa
capacité dans certains conflits de la sous-région, ajoutée
à l'activisme diplomatique connu pour le pays depuis la
présidence d'Olusegun Obasanjo55 a permis au Nigeria de se
forger son statut de leader incontestable, mais aussi d'imposer la CEDEAO comme
«un interlocuteur incontournable de la communauté internationale
dans la gestion des crises de la région .«56 C'est tout
naturellement que le Nigeria prend le devant du processus de paix en Côte
d'Ivoire en se proposant à fournir éventuellement un contingent
militaire pour renforcer les troupes de l'ONUCI en place. A cet effet son
ministre des affaires étrangères demande officiellement le 24
janvier 2011 une résolution du Conseil de sécurité des
Nations-Unies en vue d'obtenir une base juridique à une
éventuelle intervention de la CEDEAO en cas d'échec des
négociations. Même si certains Etats de l'Afrique de l'Ouest sont
restés quelque peu timorés sur l'idée d'une intervention
militaire qu'ils trouvent prématurée à cette étape
de la crise, la fermeté nigériane emporte l'adhésion de la
Conférence des Chefs d'Etat de la CEDEAO qui donne son quitus pour une
saisine du Conseil de sécurité. « Pour le Nigéria, il
faut également agir de manière décisive et rapide afin de
prévenir les risques de déstabilisation régionale.
Après les élections ayant traîné en longueur en
Guinée, il n'est pas question de laisser s'enkyster une nouvelle crise
électorale violente dans la sous-région. Ce d'autant plus que la
Côte d'Ivoire
55
Succédant au dictateur Sani Abacha à la suite d'une
transition démocratique sanctionnée par des élections
générales qui l'ont porté à la tête du pays,
Olusegun Obasanjo à été très actif sur le plan
diplomatique pour redonner au Nigeria une certaine influence dans le concert
des nations africaines.
56
|
Darracq ( Vincent), Jeu de puissance en Afrique: le Nigeria et
l'Afrique du Sud face à la
|
crise ivoirienne, Politique Etrangère, IFRI,
février 2011, in www.cairn.info
59
est un pays moteur de la croissance économique
régionale, où vivent environ 4 millions d'immigrés de la
CEDEAO.«57 Même si cet argument se justifie par sa
pertinence, derrière l'activisme du Nigeria, il se cache des
préoccupations géostratégiques personnelles du pouvoir
d'Abuja. Le Nigeria qui a en effet depuis toujours souffert dans sa
rivalité avec l'Afrique du Sud de son déficit
démocratique58 qui concède à cette
dernière un avantage de taille pour un éventuel statut de membre
permanent du Conseil de sécurité des Nations-unies, ne compte pas
rater cette occasion qu'offre la crise ivoirienne pour s'imposer comme ardent
défenseur de la cause démocratique. Une fois encore, Abuja tente
de se positionner aux yeux de la communauté internationale comme le
gendarme et garant de la paix et de la démocratie en Afrique de l'Ouest
en vue de corriger une faiblesse majeure dans la compétition avec
Pretoria. Au plan intérieur, des mobiles expliquent bien aussi ce
débordement d'engouement pour imposer la ligne de conduite dans le
règlement de la crise ivoirienne. Le président Goodluck Jonathan
a qui reste collé l'étiquette de «candidat
illégitime«59 doit affronter les suffrages des
nigérians le 16 avril 2011 à l'occasion des élections
législatives et présidentielles. La crise ivoirienne offre au
président, candidat à sa propre succession une occasion
d'affirmer son attachement à la démocratie et aux
élections transparentes et de démontrer sa capacité
à assurer le rayonnement du Nigeria au plan international. C'est en
portant en sous-main ces préoccupations personnelles que le Nigeria
tente d'engager en Côte d'Ivoire la CEDEAO dans une action militaire qui
sera vite étouffée par les réticences au sein de la
l'organisation communautaire, mais d'abord par son challenger traditionnel pour
le leadership en Afrique que constitue l'Afrique du Sud.
57
58
Darracq, (Vincent), Op cit.
Malgré sa reconversion à la démocratie, le
Nigeria traîne comme un boulet une démocratie inachevée du
fait d'élections régulièrement contestées,
entachées de fraudes et de violences meurtrières à
l'exposé de l'Afrique du Sud qui affiche un système
démocratique nettement plus stable.
59
|
Selon une règle non écrite, le président
Goodluck Jonathan, chrétien du sud du pays qui a
|
pris la succession de Umaru Yar'Adua en tant que
vice-président après le décès de ce dernier pour
terminer son mandat devrait laisser se présenter un candidat du PDP
musulman et originaire du nord du Nigeria. M. Goodluck a fait fi de cette
tradition suscitant de vives contestations dans le pays.
60
2- La défiance sud-africaine
Auréolée par son passage en douceur du
régime de l'apartheid à une démocratie exemplaire, le
succès de son approche originale de réconciliation nationale pour
refermer les clivages sociaux nés du système de la
ségrégation raciale et le prestige international de Nelson
Mandela, l'Afrique du Sud se voit naturellement investie du rôle
d'objecteur de conscience et de garant des intérêts de l'Afrique
au sein de la communauté internationale. Avec sa diplomatie plutôt
décomplexée, comparativement à ses pairs africains,
l'Afrique du Sud post-apartheid n'a pas tardé à trouver une place
de porte-parole des intérêts africains et se positionner comme un
interlocuteur légitime au sein des coalitions Sud-Sud ou des groupes des
77 et des BRICS dans le combat pour une refonte du système
international, pour l'avènement d'une Afrique moins marginalisée
sur la scène internationale.
Dans cette perspective, « l'Afrique est un terrain
central de la stratégie de diplomatie sud-africaine. l'Afrique du Sud a
initié et porté les grands projets d'intégration
régionale (UA, NEPAD, APRM). 60 Elle s'est directement
investie, et sans compter, dans la résolution des crises (
République démocratique du Congo, Burundi, Zimbabwe, Soudan,
etc.). Déjà active par le passé en Côte d'Ivoire,
puisque Thabo Mbeki, alors président, avait fait office de
médiateur au nom de l'UA entre les parties ivoiriennes de 2004 à
2006, l'Afrique du Sud se devait de s'impliquer dans la crise
post-électorale ivoirienne.«61 Ce volontariste qui cache
sans doute des intentions inavouées en raison de la position
ambiguë62 adoptée par le pouvoir sud-africain dès
le début de la crise ne tardera pas à mettre en difficulté
le processus mis en route par la CEDEAO. Un peu timoré quant à la
reconnaissance officielle des résultats tels que certifiés par le
représentant du Secrétaire général des Nations
Unies au départ, l'Afrique du Sud finit par dévoiler ses vraies
appréciations de l'imbroglio ivoirien le 21 janvier 2011
60
UA: Union africaine
- NEPAD: New Partnership for Africa's Development, entendu
Nouveau Partenariat pour la Développement de l'Afrique.
61
62
- APRM : African Peer Review Mechanism.
Darracq, (Vincent), Op cit.
Par un communiqué rendu public le 4 décembre 2010,
au lendemain de la proclamation des résultats certifiés par l'ONU
et sa récusation par le Conseil Constitutionnel, le gouvernement
sud-africain a déclaré en substance, « prendre note« de
la situation. Ce communiqué sera suivi le 8 décembre d'un
deuxième qui s'abstient toujours de reconnaître ouvertement la
victoire de M. Alassane Ouattara, tout en s'alignant sur la position de la
CEDEAO et de l'UA pour demander le départ de M. Laurent Gbagbo.
61
lors du sommet du Conseil de Paix et de Sécurité
(CPS) de l'UA. Par la voix de son président, Jacob Zuma, elle exprime sa
nouvelle position qui remet en cause la validité des résultats
issus du scrutin du 28 novembre 2010 et certifiés par l'ONU, et estime
prématuré de désigner un vainqueur, prenant ainsi le
contrepied de la CEDEAO, de l'UA et de toute la communauté
internationale. Cette clarification de la position de l'Afrique du Sud
intervient au moment où la probabilité d'une intervention
militaire de la CEDEAO, fortement influencée par le Nigeria se
précise. Une manière sans doute de couper l'herbe sous les pieds
du «rival« nigérian qui pourrait voir sa cote nettement
appréciée par la communauté internationale par le
rétablissement de la légitimité des urnes en Côte
d'Ivoire. Aussi, selon certains observateurs, « les liens forts qui lient
le président Jacob Zuma à l'angolais José Eduardo Dos
Santos, fervent soutien de Laurent Gbagbo, et à Atiku Abubakar, le rival
du nigérian de Goodluck Jonathan, expliquent la position sud-africaine
de remise en cause du verdict des urnes proclamé par la CEI et
avalisé par le représentant du Secrétaire
général des Nations-unies.«63
La diplomatie sud-africaine a montrer de l'entregent
jusqu'à obtenir du sommet du Conseil de Paix et de
Sécurité de l'UA du 21 janvier 2011, un compromis de l'ensemble
du continent africain qui a validé la nomination d'un autre panel de
Chefs d'Etat africains en remplacement de celui nommé par la CEDEAO lors
de son sommet extraordinaire du 7 décembre 2010 à Abuja.
L'organisation ouest-africaine a été court-circuitée lors
de la visite des quatre Chefs d'Etat nommés par l'UA à Abidjan en
janvier 2011 puisqu'aucun de ses représentants n'y a été
convié, ce qui a contribué à refroidir
considérablement les relations avec l'UA.64 Prenant tous les
acteurs de la médiation au dépourvu, au moment même
où le panel de Chefs d'Etat nommés par l'UA se trouve en
séjour à Abidjan, l'Afrique du Sud communique à la presse
l'acceptation par les protagonistes de la crise d'un compromis du type de
« power sharing »65, une approche de solution durable de
paix à laquelle elle croit pour l'avoir insufflée avec plus ou
moins de succès au Kenya et au Zimbabwe. Assurée d'avoir pris les
commandes du processus de paix en Côte-d'Ivoire, le pouvoir de Pretoria
envoie dans les eaux ivoiriennes un navire battant pavillon sud-africain devant
accueillir les
63
Rouppert, (Bérangère), La Côte d'Ivoire un an
après: Rétrospective sur cinq mois de crise électorale,
ses impacts et ses questionnements, Les rapports du GRIP, Janvier 2012, p
21.
64
65
Rouppert, (Bérangère), Op Cit, p 22.
Dans l'entendement de l'Afrique du Sud la solution à la
crise passe par un compromis
d'une présidence alternée entre les deux
leaders.
62
protagonistes de la crise pour un accord de partage du
pouvoir. A cette démarche, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara tout
comme l'UA, et naturellement la CEDEAO opposent une fin de non recevoir.
Finalement mise en minorité, notamment par le panel de Chefs d'Etat de
l'UA lors d'un sommet extraordinaire tenu le 10 mars 2011 à Addis Abeba
et dont le rapport reconnaît sans ambages la victoire de Alassane
Ouattara, l'Afrique du Sud reconnaît officiellement le sérieux de
la certification des résultats par le représentant du
Secrétaire général des Nations-unies et fait volteface.
Sûrement voyant le rapport de force de plus en plus défavorable
à sa position, elle a préféré s'éviter un
isolement international qui pourrait entacher sa crédibilité et
ruiner ses espoirs de consécration par la communauté
internationale comme porte-voix de l'Afrique en accédant au statut de
membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-unies. La
CEDEAO voit dans ce revirement sud-africain une indéniable victoire en
raison de la constance de sa position, favorable à la reconnaissance de
la victoire de Alassane Ouattara depuis le début de la crise. Mais pour
autant, cette nouvelle avancée ne procure pas à l'organisation
sous-régionale un blanc seing pour évoluer dans le processus de
médiation puisque l'éventualité d'une intervention
militaire envisagée dans le règlement de la crise semble
profondément diviser les Etats membres.
63
Chapitre II:
l'enlisement de la médiation de la CEDEAO et la
montée en puissance de la diplomatie
française
64
Même si le sommet extraordinaire de la conférence
des Chefs d'Etat de la CEDEAO du 24 décembre 2010 a envisagé
« de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l'usage de
la force légitime pour réaliser les aspirations du peuple
ivoirien«66 et des réunions des états majors des
pays de la communauté se sont tenues à cet effet, cette
initiative a très rapidement généré des dissensions
au sein des Etats membres de l'organisation. Certains Etats se sont
alignés sur la fermeté nigériane, mais d'autres par contre
ont trouvé inappropriée à cette étape du conflit,
une intervention militaire et ont préféré que les
négociations pour un règlement pacifique se poursuivent. La
médiation stagne pendant que sur le terrain en Côte d'Ivoire la
tension monte entre les protagonistes et la situation humanitaire devient de
plus en plus préoccupante. Les forces de défense et de
sécurité (pro-Gbagbo) multiplient les exactions contre les
populations civiles, notamment dans les quartiers favorables à Alassane
Ouattara67. C'est dans ce contexte marqué par un net clivage
méthodologique dans la gestion de la crise au niveau des Etats membres
de la CEDEAO que la communauté internationale va davantage se mobiliser
autour de l'urgence ivoirienne, sous l'impulsion de la diplomatie
française.
A- La médiation à l'épreuve de la
géopolitique intra-communautaire
Nombre d'observateurs ont été
agréablement surpris par la cohésion de la CEDEAO dans
l'approbation du rapport de certification des résultats du scrutin du 28
novembre et la reconnaissance de Alassane Ouattara comme vainqueur de
l'élection présidentielle ivoirienne. En effet, au vue de la
frilosité de certains gouvernements par rapport aux exigences
démocratiques et des affinités entre leaders politiques, l'effort
accompli par les Chefs d'Etat et de gouvernement ouest-africains pour parvenir
à l'issue du sommet extraordinaire du 7 décembre
201068 à une telle convergence de vue n'est pas
négligeable. Le sommet du 24 décembre 2010 confirmera cette
posture appréciable des Etats et ira même plus loin en
évoquant dans ses résolutions l'éventualité de
l'usage de la force pour faire triompher le
66
Point 10 du communiqué final de la session extraordinaire
de la conférence des Chefs d `Etat et de gouvernement de la CEDEAO sur
la situation en Côte d'Ivoire.
67
l'ONUCI accuse le 17 mars les forces de défense et de
sécurité d'avoir tué entre 25 et 30
«civils innocents« en pilonnant à l'arme lourde
le quartier pro-Gbagbo d'Abobo.
68
|
Voir le communiqué final issu du sommet qui
reconnaît sans ambages Alassane Ouattara
|
comme vainqueur et invite Laurent Gbagbo à céder
pacifiquement le pouvoir au président élu par le peuple
ivoirien.
65
verdict des urnes tel que exprimé par le peuple
ivoirien. Très rapidement, l'option «de faire usage de la
force« s'impose comme un choix satisfaisant, approuvé par les
membres de la CEDEAO. Deux réunions des chefs d'état major de
l'organisation se tiennent les 28 et 29 décembre 2010 et du 18au 20
janvier 2011 pour envisager les modalités pratiques d'une force
d'intervention. Le ministre des affaires étrangères du Nigeria
demande officiellement le 24 janvier 2011 une résolution du Conseil de
sécurité des Nations-unies qui donnerait mandat à la
CEDEAO d'user de la force pour faire entendre le verdict des urnes en
Côte d'Ivoire en cas d'échec des négociations. Mais contre
toute attente, des dissensions apparaissent au sein de l'organisation
sous-régionale. Les considérations géopolitiques internes
de certains Etats ont provoqué des divergences de grilles de lecture de
la situation en Côte d'ivoire, et par conséquent une
mésintelligence sur l'approche de résolution du conflit.
1- Les activistes secondaires de l'option militaire
En dehors du Nigeria pour les raisons déjà
évoquées plus haut et sur lesquelles nous ne reviendrons par ici,
un certains nombre de pays sont restés fidèles à l'esprit
de la conférence des Chefs d'Etat de la CEDEAO du 24 décembre, du
moins pour ce qui concerne la position officielle, pour réitérer
leur adhésion à une intervention militaire. Au nombre de ceux-ci
figurent notamment le Burkina-Faso et le Sénégal pour des raisons
qui ne sont pas toujours identiques.
1.1- Le Burkina-Faso ou le souci de se
débarrasser d'un fardeau économique et social
Pour comprendre la fermeté du Burkina-Faso sur l'option
militaire pour une résolution rapide de la crise, il faut remonter
à la crise ivoirienne de 2002 et ses effets collatéraux au plan
politique, économique et social sur ce pays. D'abord, le concept de
«l'ivoirité« habilement récupéré par
Laurent Gbagbo pour triompher sur fond de manifestations sanglantes de sa
confrontation électorale avec le Général Guéï
en 2000 a suscité des craintes auprès des autorités
burkinabés. Pour le nouveau pouvoir ivoirien aussi, les accointances
connues de Alassane Ouattara avec le Burkina-Faso et ses autorités ne
manque pas de susciter une certaine méfiance. Pour preuve,
lorsqu'intervient en janvier 2001 la prétendue tentative coup d'Etat
dite de «la mercedes noire« contre le président nouvellement
élu, le Burkina-Faso a été très tôt
pointé du doigt.
«Au cours du premier semestre 2002, les tensions allaient
même s'aviver avec une succession d'incidents militaro-diplomatiques,
notamment l'arrestation sur le sol burkinabé, d'un
66
« commando » prétendument chargé
d'éliminer « IB » et certains de ses compagnons exilés,
puis celle d'adjudant ivoirien venu, sous une fausse identité,
vérifier la rumeur selon laquelle des rebelles étaient
entraînés au célèbre camp de Pô, et enfin
l'assassinat , dans la nuit du 1er au 2 août à Ouagadougou, du
député ivoirien Balla Keita. Ce meurtre, perpétré
dans des circonstances qui restent encore très floues, est
considéré par nombre de commentateurs comme l'un des
événements déclencheurs de la rébellion
ivoirienne.«69 C'est dans ce climat de hautes suspicions entre
les deux gouvernements qu'intervient en Côte d'Ivoire le 19 septembre
2002 la tentative coup d'Etat qui a débouché sur une crise
militaro-politique qui va durer presque une décennie. A maintes
reprises, le gouvernement ivoirien pointera du doigt le Burkina-Faso comme
territoire servant de base arrière aux rebelles ayant pris le
contrôle de près de 60% du territoire ivoirien, évoquant
les connivences supposées ou réelles de certains leaders de la
rébellion avec les autorités burkinabés. En guise de
représailles, le gouvernement ivoirien, sous le fallacieux
prétexte de rechercher des assaillants potentiellement cachés
dans des abris précaires dans différents quartiers d'Abidjan,
mais connus comme des taudis où vivent essentiellement des ouvriers
burkinabés et accessoirement maliens, détruisent des bidonvilles
à Abidjan. L'opération menée en novembre 2002 est
intervenue à la suite du premier discours à la Nation du
président Laurent Gbagbo après les événement du 19
septembre, qui avait prévenu que « Les quartiers dits
précaires » soupçonnés d'abriter des assaillants
allaient être « nettoyés ». 70 Plusieurs
milliers de burkinabés résidents en Côte d'ivoire, dont
certains depuis plusieurs générations se retrouvent sans-abris. A
l'intérieur du pays, précisément à Soubré,
fuyant des violences orchestrées par des populations autochtones,
plusieurs centaines de paysans burkinabés établis depuis
plusieurs décennies à la faveur de la politique d'incitation
à l'immigration des ouest-africains menée par le président
Houphou`t Boigny pour développer notamment l'agriculture, ont dû
abandonner leurs champs et leurs biens pour retourner dans leur pays d'origine.
Terre d'immigration par excellence pour le Burkina-Faso, la Côte d'Ivoire
abrite une population de ressortissants burkinabés qui se chiffre
à près de 3 millions. Face à cette situation, le
gouvernement burkinabé se trouve contraint de lancer ce qu'il a
appelé l'«opération Bayiri« qui signifie en langue
nationale Mooré «retour au pays natal« pour assurer le
rapatriement de ses citoyens qui ont perdu tous leurs biens en Côte
d'Ivoire, et au profit desquels une
69
Banégas, (Richard) et Otayek, (René), Le
Burkina-Faso dans la crise ivoirienne : effets d'aubaine et incertitudes
politiques, Politique africaine, Editions Karthala, N° 89, 2003, p71
70
|
Barry, (Alpha), correspondant de RFI au Burkina-Faso,
www.rfi.fr
|
67
assistance conséquente s'impose sur le long terme.
Plusieurs milliers de ressortissants burkinabés se sont empressés
de répondre à l'appel et sont convoyés sous escorte de la
gendarmerie nationale par des dizaines d'autocars à Ouagadougou. Il est
évident que des rapatriements de cette ampleur vont poser dans la
société burkinabé de réels problèmes d'orde
sanitaire, alimentaire et de réinsertion social. Une telle charge
crée forcément sur le long terme des soucis budgétaires
pour un gouvernement dont les resources sont déjà assez
limitées.
A ces passifs politique et social résultant de la crise
ivoirienne de 2002-2007, s'ajoute l'impact économique, le plus
redouté par le pouvoir burkinabé, en raison du poids
économique de la Côte d'Ivoire dans la sous-région, mais
surtout de l'arrimage naturel du voisin burkinabé au territoire de
transit qu'elle représente pour les importations et les exportations de
l'hinterland. En effet, l'économie burkinabé, très
tributaire des infrastructures portuaires d'Abidjan a enregistré pendant
la crise précédente de remarquables ralentissements
d'activités dans plusieurs secteurs, notamment le transport et
l'industrie. Malgré le fait que nombre d'opérateurs
économiques burkinabés se soient rabattus sur les ports d'Accra,
de Lomé ou de Cotonou, les conséquences de la fermeture des
frontières ivoiriennes ou de l'insécurité sur le corridor
Abidjan - Ouagadougou, selon les périodes, a causé un
sérieux manque à gagner à l'économie
burkinabé. Au seul bureau principal des douanes de Ouagadougou qui
enregistre les importations par voie ferrée, de la côte d'Ivoire,
on évalue à plus 1,6 milliards de francs CFA la baisse mensuelle
de recettes fiscales.71 Plusieurs sociétés telles que
la Sitarail ont connu des baisses drastiques de ressources qui les ont
contraintes à des réductions d'effectifs, aggravant ainsi les
effets sociaux induits par la crise déjà
caractérisée par une flambée
généralisée des prix des produits de première
nécessité.
Redoutant donc naturellement l'éclatement en Côte
d'Ivoire d'une nouvelle guerre civile et voyant dans cette victoire
proclamée de Alassane Ouattara une ultime occasion d'en finir avec ce
concept de l'«ivoirité« dont les effets collatéraux ont
largement affecté le peuple burkinabé, le président Blaise
Compaoré n'a pas résisté à la solution la plus
radicale. Il trouvera en appui à sa posture, le président
Abdoulaye Wade qui, en plus de s'inquiéter pour les conséquences
qu'une nouvelle crise pourrait avoir sur le Sénégal, ne manque
pas de griefs
71
|
Supérieur, (De Boeck), Les conséquences de la
crise ivoirienne sur les pays sahéliens
|
enclavés: un premier tour d'horizon, in Afrique
contemporaine, N° 205, 2003, p10
68
personnels à l'encontre de Laurent Gbagbo dont il
souhaite le départ dans les plus brefs délais.
1.2- La fermeté Sénégalaise ou
l'heure des comptes entre Wade et Gbagbo
L'impact direct d'une crise majeure en Côte d'Ivoire sur
le Sénégal n'est pas significatif. Les échanges
commerciaux entre les deux pays restent marginaux même si la Côte
d'Ivoire constitue la locomotive de la zone UEMOA dont les deux Etats sont
membres. A la différence donc du Burkina-Faso et du Mali , le
Sénégal, favorisé par sa position géographique et
son accès direct à l'océan atlantique n'avait pas à
redouter les conséquences d'une nouvelle guerre civile en Côte
d'Ivoire avec acuité. En revanche, depuis la crise de septembre 2002 et
le discours xénophobe tenu par les partisans du président Laurent
Gbagbo, les autorités sénégalaises nourrissent de
réelles craintes pour la sécurité de la très forte
diaspora de leur pays en Côte d'Ivoire. Pour Abdoulaye Wade, un
atermoiement de la médiation pourrait offrir au président Gbagbo
le moyen de se réorganiser pour mener des représailles contre les
intérêts de tous les Etats qui n'ont pas accepté d'adouber
sa sacralisation par le Conseil constitutionnel ivoirien. Abdoulaye Wade voyait
donc les intérêts économiques de la diaspora
sénégalaise en Côte d'Ivoire menacés par
Gbagbo.72 Mais la raison la plus déterminante de la
radicalisation de la position du Sénégal est plutôt
liée aux rapports personnels entre les présidents Wade et
Gbagbo.
Premier médiateur dans la crise ivoirienne de septembre
2002, en sa qualité de président en exercice de la CEDEAO,
Abdoulaye Wade fut subrepticement éjecté de la médiation
au profit d'un groupe de contact de la CEDEAO présidé par le
Président togolais Gnassingbé Eyadéma. frustré et
mécontent, le président sénégalais qui se vantait
d'avoir obtenu au cours de sa brève médiation un cessez-le-feu
des parties en conflit a multiplié les invectives contre certains de ses
pairs ouest-africains dont Laurent Gbagbo qu'il soupçonnait d'avoir
manoeuvré pour l'écarter de la médiation. La situation
s'est envenimée au point où le sommet extraordinaire
organisé par Wade en tant que président en exercice de la CEDEAO
le 18 décembre 2003 sur la crise ivoirienne a été
boycotté par la majorité des Chefs d'Etat membres de
l'organisation. Ces derniers « voulaient traduire leur
mécontentement suite aux différentes
72
Wyss, (Marco), Bienfait ou malédiction pour les efforts de
maintien de la paix onusien et africain? le rôle de la France dans la
crise ivoirienne, in la côte d'Ivoire d'une crise à l'autre,
l'Harmattan, 2014, p 97.
69
déclarations de A. Wade.«73 Pour
répondre à cette humiliation, Wade déroute la
médiation et fait prendre la main à la diplomatie
française.
« En effet, alors que les belligérants se
trouvaient chez Eyadéma, A. wade annonça que les
négociations ne portaient pas leurs fruits, et posa les jalons d'une
discussion ivoiro-ivoirienne à Paris. C'est dans ce contexte qu'il faut
situer l'initiative de la France qui, en organisant les assises de
Linas-Marcoussis en janvier 2004, n'avait d'autre objectif que de
court-circuiter les efforts du président togolais.« 74
Ce passif que entache remarquablement les rapports entre Wade et Gbagbo,
malgré les apparences diplomatiques, ajouté aux relations
très amicales du président sénégalais avec Alassane
Ouattara ont indubitablement pesé dans la position du
Sénégal en faveur d'une intervention militaire pour faire plier
Gbagbo. Mais ce soutien de taille parmi les voix qui portent au sein de
l'organisation communautaire ouest-africaine ne sera as suffisante pour
réaliser l'unanimité sur la question de l'usage de la force pour
faire céder Gbagbo. Certains Etats ouest-africains s'opposent
ouvertement à une intervention militaire.
2- Les Etats opposés à une intervention
militaire
Malgré l'influence et l'entregent du Nigeria au sein de
la CEDEAO pour engager des concertations à l'effet de déployer
une force d'intervention en Côte d'Ivoire, Il a été
très tôt mis en minorité sur cette position au sein de
l'organisation. Même la traditionnelle solidarité des anglophones
dont il a souvent la faveur dans son soft power n'a pas permis de rallier du
monde à sa cause puisque parmi les pays hostiles à une
intervention militaire on retrouve en première ligne le Ghana et le
Liberia dont nous ferons à titre d'illustration un décryptage de
la position dans les lignes qui suivent.
2.1- Le cas du Ghana : éviter un flux migratoire
massif sur le territoire national tout en ménageant le
«camarade« Gbagbo
La frontière longue de plus 668 kilomètres qui
sépare le Ghana et la Côte d'Ivoire fait des deux pays des
entités assez imbriquées l'une dans l'autre a plans culturel,
social et
73
Bamba, (Abdoulaye), L'africanisation du règlement des
conflits: mythe ou réalité? le cas des médiations
africaines en Afrique de l'Ouest francophone (2000-2010). Perspectives
Internationales, janvier-juin 2013, N°3 70-88
74 Bamba, (Abdoulaye), Op Cit.
70
économique, comme condamnées à s'entendre
pour ne pas s'autodétruire. Au plus haut niveau au sommet des deux Etats
on semble bien avoir conscience de cette réalité comme l'atteste
les déclaration de Hanna Tetteh parlant des relations du Ghana avec la
Côte d'Ivoire: « Nos relations seront toujours étroites. La
plupart de nos frontières sont artificielles. Certains groupes ethniques
présents au Ghana le sont en nombre égal en Côte d'Ivoire.
Il y a des familles liées des deux côtés de la
frontière; nos pays produisent , à eux deux, les deux tiers de la
production mondiale de cacao et nous avons des raisons de coopérer dans
d'autres secteurs, comme le pétrole. Si nous sommes capables de nous
entendre sur des positions communes sur les plans régional et
continental, cela nous sera mutuellement
bénéfique.«75Le Ghana qui apparait donc
potentiellement en raison de la géographie, mais aussi de l'histoire et
de la culture des deux peuples comme l'une des premières terres
d'accueil de populations en cas d'un conflit armé a de fait des craintes
d'une mise à mal de ses équilibres sociaux déjà
précaires.
Même si sur le plan économique, un report du
trafic de marchandises des pays de l'hinterland dans l'hypothèse d'une
dégradation de la situation à Abidjan peut constituer un
véritable boom pour l'économie ghanéenne comme il a
été prouvé avec la crise ivoirienne de 2002-2007, les
conséquences sociales d'un déplacement massif de populations de
la Côte d'Ivoire vers le Ghana ne tolèrent le moindre risque pour
le gouvernement d'Accra.
Bien que ce souci de préserver la stabilité
sociale du Ghana soit un alibi assez pertinent pour se désolidariser de
la position nigériane, une autre raison de non moindre importance pour
le pouvoir ghanéen a aussi lourdement pesé dans la
décision de Accra. En effet, depuis
75
Hanna Tetteh, ministre des affaires étrangères du
Ghana, dans une interview accordée à Jeune Afrique et
réalisée par Vincent Duhem, publiée sur
www.jeuneafrrique.com,
18 octobre 2013.
71
l'avènement au pouvoir à Abidjan de Laurent
Gbagbo, le climat exécrable76 qui a caractérisé
pendant plusieurs décennies les relations entre la Côte d'Ivoire
et le Ghana s'est dissipé pour laisser la place à une forte
proximité politique, notamment avec les dirigeants ghanéens du
NDC.77 Appartenant comme le président Gbagbo à
l'International Socialiste, le président ghanéen John Atta Mills
issu du NDC, tout en reconnaissant comme ses pairs la victoire de Ouattara
n'était par prêt à franchir le rubicon d'une intervention
militaire dont l'issu pour Laurent Gbagbo pourrait être
imprévisible. La ruée à Accra des soutiens de Gbagbo, y
compris Paul Yao N'Dré, le président du Conseil constitutionnel
ivoirien, après son arrestation du président sortant le 11 avril
2011, fuyant les représailles des nouvelles autorités
témoignent de la force des relations entre le NDC et le FPI, le parti du
président Gbagbo.
2.2 Le cas du Liberia ou le souci de protéger
une situation intérieure encore très précaire
Tout comme le Ghana, le Liberia, voisin de l'ouest ivoirien
partage avec la Côte d'Ivoire une assez longue frontière ( 716
kilomètres) qui passe pour être l'une des plus poreuses en
Afrique
76
A l'origine de ses relations caractérisées comme
telles, se trouve l `opposition de deux visons du développement de
l'Afrique post-colonisation du début des années 1960. Kwame
Nkrumah, panafricaniste qui a conduit son pays à l'indépendance
en 1957 s'opposa à l'approche de Félix Houphouët Boigny
plutôt partisan du maintien d'un lien fort avec l'ancienne puissance
coloniale. En 1959 le président ivoirien accuse son voisin
d'héberger les indépendantistes du Sanwi provoquant ainsi une
nouvelle discorde qui va perdurer jusqu'à la mort de Nkrumah en 1966.
Plus tard, la Côte d'Ivoire, par souci de sécurité interne
s'est inquiétée de la multiplication des coup d'Etat au Ghana et
en particulier de la prise di pouvoir par le lieutenant J.J Rawlings
considéré par Abidjan comme un révolutionnaire communiste.
Les accusations de volonté de déstabilisation s'inverse et s'est
le président ghanéen qui indexe la Côte d'Ivoire
d'héberger des opposants à son régime.
77
|
NDC: National Democratic Congress (Congrès
Démocratique National ) parti politique
|
fondé par J.J. Rawlings et membre de plein droit de
l'International Socialiste.
72
de l'Ouest. Après deux longues guerres
civiles78 souvent marquées par des intrigues politiques entre
dirigeants ivoiriens et libériens sur fond d'antagonismes et de
complicités, le Liberia commençait juste à retrouver
l'espoir d'une situation intérieure normale suite à
l'élection de la présidente Ellen Sirleaf en janvier 2006.
L'avènement au pouvoir à Monrovia de madame Sirleaf a
constitué un véritable tournant dans les relations entre la
Côte d'Ivoire et le Liberia où les passes d'armes entre
combattants de factions rebelles des deux pays étaient légions et
créant par voie de conséquence une grande zone
d'insécurité qui échappe au contrôle des deux
gouvernements. Les rapports entre groupes armés ivoiriens et
libériens étaient étroits et complexes, de telle sorte que
des combattants libériens venaient se combattre pour différentes
forces sur le territoire ivoirien au début des années 2000. Ainsi
par exemple, la crise ivoirienne offrait également de nouvelles
possibilités aux forces opposées à Charles Taylor de
repartir à l'offensive ( contre les factions qui le combattent au
Liberia). Nombre des supplétifs libériens figurant dans
l'armée gouvernementale ivoirienne appartiennent en fait au LURD
(faction rebelle opposée au président Taylor). Mais il y a aussi
d'autres libériens, en particulier des réfugiés, qui ont
été souvent recrutés de force ou ont
délibérément choisi de combattre. Le LURD en Côte
d'Ivoire regroupe pour l'essentiel des dirigeants politiques en exil et
d'anciens combattants des différentes factions qui ont essaimé
l'opposition à Taylor lors de la guerre civile libérienne.
79 Cette intense activité militaire transversale aux deux
pays et menée au plus haut sommet entre Gbagbo et Taylor, longtemps
pointée du doigt par les Etats de la sous-région comme une menace
pour leur sécurité intérieure commençait juste
à être quelque peu endiguée par le nouveau pouvoir en place
à Monrovia quand survient la crise électorale en Côte
d'Ivoire. On comprend donc toute la difficulté pour le Liberia de
souscrire à une intervention militaire en Côte d'Ivoire à
cette étape de la crise. Tant les efforts
78
Au début des années 1990 le Liberia a sombré
dans une guerre civile qui a opposé les partisans du président
Samuel Doe aux rebelles de Charles Taylor qui finit par prendre le pouvoir
à la suite d'un long et laborieux processus de paix mis en oeuvre par la
CEDEAO. L'effondrement total du système sécuritaire du pays a
favorisé une multiplication de factions rebelles utilisant comme bases
arrières la Côte d'Ivoire et la Sierra Leone. La seconde guerre
civile a commencé en 1999 avec l'apparition au nord du pays, du
mouvement LURD ( Libériens Unis Pour la Réconciliation et la
Démocratie) dirigé par Sekou Conneh. Au début de
l'année 2003, le MODEL ( Mouvement pour la Démocratie au
Liberia), un autre groupe armé apparaît et le président
Charles Taylor ne contrôlait plus qu'un tiers du territoire du pays.
79
|
Ero, (Confort), Marshall, (Anne) et Marchal, (Roland), L'Ouest
de la Côte d'Ivoire: Un
|
conflit libérien? , Politique Africaine, Editions
Karthala, N° 89, 2003, p 96.
73
déployés et le travail qui reste à
accomplir pour parvenir à une sécurité intérieure
appréciable sont immenses. Cette crainte ajoutée aux risques de
déplacements massifs de populations ivoiriennes sur le territoire
libérien peut provoquer des drames sociaux que le pays qui peine encore
à se remettre de son douloureux passé récent n'a pas les
moyens de maîtriser.
A ce groupe de pays opposés à une intervention
militaire, on peut ajouter les Etats qui n'ont pas à craindre comme le
Ghana, le Liberia, la Guinée Conakry, ou le Mali une invasion de
réfugiés ivoiriens, mais pour des raisons liées à
leur situation politique propre sont hostiles à l'usage de la force en
Côte d'Ivoire. Dans ce registre on peut citer notamment la Gambie et le
Togo qui, sous le couvert du principe de non ingérence dans les affaires
intérieures d'un pays de la CEDEAO se sont désolidariser de la
position nigériane. On peut comprend le souci majeur de ces deux Etats
caractérisés par un déficit chronique de
démocratie, et habitués à organiser des élections
tronquées, qui est d'éviter de créé en Côte
d'Ivoire un précédent qui pourrait s'appliquer très
rapidement à eux-mêmes.
Face à un clivage aussi marqué des positions
entre partisans et opposants à une intervention militaire de la CEDEAO
en Côte d'Ivoire, le Nigeria semble perdre son leadership sur le
règlement de la crise ivoirienne. Même la confirmation de l'UA du
rapport de certification des résultats du scrutin du 28 novembre, qui
équivaut à une ratification de la position de l'organisation
ouest-africaine depuis le début de la crise n'a pas suffit à
relancer le processus de médiation. Pendant ce temps, Le
président Gbagbo qui n'avait d'ailleurs jamais pris au sérieux la
menace d'usage de la force, comptant sûrement sur ses affinités
avec de nombreux Chefs d'Etat de la sous-région, s'organise pour
anéantir la résistance opposée par le camp Ouattara,
retranché depuis le début de la crise à l'hôtel du
Golfe et protégé par une ceinture sécuritaire de l'ONUCI.
C'est dans ce contexte où le spectre d'une nouvelle guerre civile dans
le pays est plus que perceptible, que les manoeuvres de la diplomatie
française ont pris une nouvelle dynamique.
B- La France aux commandes du règlement de la
crise
L'implication de la France dans le processus de
rétablissement de paix en Cote d'ivoire n'est pas une donnée
nouvelle. On se rappelle le rôle joué par Paris pour endiguer
la
74
poussée de la rébellion en mettant en place une
force d'interposition à la latitude de Yamoussoukro pour obtenir un
arrêt des hostilités entre les mouvements rebelles et les forces
loyalistes de Laurent Gbagbo. Même si cette intervention française
faite à la demande du président Gbagbo au nom des accords de
défense entre la France et la Côte d'Ivoire est justifiée
côté français par des soucis humanitaires, il est
évident qu'une guerre civile en Côte d'Ivoire ferait peser de
graves menaces sur les importants intérêts
français80 dans cette ex-colonie où vivent plus de
douze milles ressortissants français. Sans doute mu par ce même
souci, Paris n'avait pas hésiter à offrir ses bons offices au
début de l'année 2003 quand la médiation de la CEDEAO
avait commencé à s'enliser à la suite de guerres de
leadership entre dirigeants ouest-africains dans la conduite des
négociations. Même si les accords de Linas-Marcoussis conclus sous
l'égide de la France n'ont pas in fine débouché sur une
véritable solution de sortie de crise, ils ont posé les
prémisses d'un principe de partage de pouvoir qui est resté la
trame des négociations ayant conduit jusqu'aux élections
présidentielles de novembre 2010.
Mais quoique discrète, la diplomatie française a
été bien active depuis bien longtemps. En effet, dès le
début de la crise post-électorale, la France a mobilisé
tout son réseau diplomatique au niveau de tous les cercles
déterminants pour influencer les positions des puissances
européennes, internationales tout comme des pays africains pour
favoriser une reconnaissance internationale de Alassane Ouattara et la prise de
sanctions contre le pouvoir de Gbagbo, selon des aveux de diplomates ayant
suivi l'évolution de la crise.81 Compte tenu de toutes les
raisons évoquées plus haut, la France qui était
déjà intervenue en 2002, bien évidemment avec un esprit
plutôt intéressé, pour éviter que le chaos ne
s'installe en Côte d'Ivoire, ne pouvait rester insensible à la
stagnation que connaît le processus de règlement de la crise
post-
80
|
Selon une note de la mission économique de l'ambassade
de France à Abidjan rapportée par
|
Guilbert, (Victor), Pourquoi la France est-elle intervenue en
Côte d'Ivoire? ,
www.afrik.com , 5 avril
2011
81 Wyss, (Marco), Op Cit, p 99
75
électorale. C'est ce que va faire la diplomatie
française avec le mérite de réussir à relancer le
processus de règlement du conflit.
1- Un mandat de l'ONU au nom de l'impératif
humanitaire
Pendant que les négociations engagées dans le
cadre de la médiation de la CEDEAO comme celle de l'UA sont au point
mort, la violence enfle sur le terrain en Côte d'Ivoire. Les 173 morts
déplorés entre le 16 et le 21 décembre , selon l'ONU, sont
devenus rapidement marginaux au vue des décès enregistrés
du fait de l'escalade des exactions dans le pays. Au mois de janvier, les
violences se propagent à l'intérieur du pays, en particulier dans
l'ouest, réputée pour être la région la plus
instable, faisant plusieurs centaines de morts, notamment à
Duékué où un massacre à grande échelle a
été perpétré, et dont l'ONU impute la
responsabilité aux deux Belligérants. A Abidjan, les Forces de
Défense et de Sécurité (FDS) pro-Gbagbo, musclent la
répression contre les manifestations qui se multiplient notamment dans
les quartiers d'Abobo, Kouassi et Treichville. La situation se dégrade
sérieusement courant février et mars 2011 avec l'entrée en
scène d'un «commando invisible« formé dans les
quartiers pro-Ouattara pour mener des embuscades contre les FDS et les
confrontations régulières entre ces dernières et les
Forces Républicaines (FRCI).82 Après la mort d'au
moins 6 femmes tuées par balles par les forces pro-Gbagbo qui dispersait
une manifestation à Abidjan le 3 mars, et au vue des rapports de ses
agences humanitaires qui estiment que près d'un million de personnes ont
dû quitter leurs domiciles pour fuir les violences qui ont fait depuis
l'élection du 28 novembre, des centaines de morts, l'ONU craint la
«résurgence de la guerre civile« de 2002-2003.83
82
Les FRCI, ( Forces Républicaines de Côte d'Ivoire),
composées essentiellement d'ex-rebelles et de mercenaires
libériens, favorables à Ouattara lancent une grande offensive
depuis leur base dans le nord du pays et progressent rapidement pour atteindre
Abidjan le 31 mars. Elles se heurtent à une résistance des
partisans de Laurent Gbagbo, transformant Abidjan déjà en proie
aux pillages et aux violences en un véritable champ de batailles.
76
Le branle-bas diplomatique se fait plus intense. L'Afrique du
Sud qui avait vainement tenté d'obtenir une redéfinition de la
position de l'UA par rapport aux résultats de l'élection du 28
novembre infléchit sa position, notamment à la suite de la visite
d'Etat effectuée par le président Jacob Zuma en France du 2 au 3
ma84rs 2011. On rapporte de sources diplomatiques qu'à cette
occasion, son entretien avec le président Nicolas Sarkozy aurait
principalement porté sur la situation en Côte d'Ivoire. De toute
façon, dans la foulée, le projet de résolution soumis au
vote du Conseil de sécurité et retoqué pour défaut
de vote favorable de la Russie et de la Chine85 fut voté le
30 mars, avec des aménagements plus souples, pour une force
d'interposition. Le texte voté à l'unanimité des 15
membres, reconnaît M. Ouattara comme président, condamne le refus
de M. Gbagbo à une solution négociée, et autorise l'ONUCI
à « utiliser tous les moyens nécessaires » pour
protéger les civils, « y compris pour empêcher l'utilisation
d'armes lourdes contre la population civile ». 86 La diplomatie
française vient ainsi de dégager la voie, le compte à
rebours peut maintenant commencer pour la fin du pouvoir de Laurent Gbagbo.
2- L'épilogue de la crise ou le coup de grâce
des forces françaises contre Gbagbo
En dépit de la dissipation de la mésintelligence
qui a semblé affecter les positions de l'UA et de la CEDEAO, le
processus de règlement du conflit ivoirien a presque totalement
échappé aux instances multilatérales africaines.
Dès le vote de la résolution 1975 par le Conseil de
sécurité, les FRCI, visiblement assurées de la couverture
que leur fournit ce texte plutôt extensible, ont multiplié les
offensives contre les FDS de Laurent Gbagbo. Ces attaques menées en
chaîne contre les positions des FDS entrent
84
Voir Résolution 1975 (2011) adoptée par le Conseil
de Sécurité à sa 6508ème séance le 30
mars 2011 en annexe 3
85
Quand on connaît la proximité entre l'Afrique du
Sud, La Chine et la Russie, tous membres du groupe des BRICS, on peut à
raison soupçonner une manoeuvre sud-africaine dans l'échec du
projet de résolution précédemment introduite par le
Nigeria pour obtenir de l'ONU un mandat favorable à une intervention
militaire, pour les raison que l'on peut imaginer.
86
|
Résolution 1975 du Conseil de sécurité des
Nations-unies
|
77
certainement dans une stratégie visant à
provoquer les forces pro-Gbagbo en vue de les obliger à riposter de
façon disproportionnée, et ainsi fournir des alibis aux forces de
l'ONUCI et les forces françaises de la Licorne afin qu'elles
mènent des frappes contres les armes lourdes dont les FDS auraient
commencé par faire usage contre des populations civiles.
Désormais contre les forces pro-Gbagbo combattent trois armées
à savoir Les FRCI, les forces de l'ONUCI et celles de l'opération
française de la Licorne. Après que les FDS de Gbagbo aient
réussi à regagner du terrain à Abidjan début avril
en reprenant le contrôle de plusieurs quartiers, les forces
françaises de la Licorne et l'ONUCI lancent une campagne de frappes sur
les bastions du président ivoirien sortant, le 10 avril.87 Le
rapport de force change littéralement en défaveur de Laurent
Gbagbo qui capitule.
Les frappes des forces française de la Licorne et
l'importance décisive qu'elles ont eu pour la victoire de Alassane
Ouattara, ont suscité de nombreuses interrogations. Le porte-parole du
Parti Socialiste français, Benoît Hamon, a interpellé le
gouvernement français et souhaité notamment qu'il «
précise les conditions d'engagement « de la force Licorne en
Côte d'Ivoire, tout en réitérant le soutien de son parti
à cette opération.88 La Russie et certains pays
africains opposés à une intervention militaire, l'Afrique du Sud
en tête, se sont aussi inquiétés de l'interprétation
faite par la France et ses soutiens africains de la résolution 1975, et
dénonce une ingérence dans les affaires intérieures
ivoiriennes. Mais le ministre français de la défense,
Gérard Longuet, rétorquera lors d'une conférence de presse
à Paris que « l'objectif fixé par la communauté
internationale était de faire en sorte que le président
élu puisse présider«, en indiquant l'engagement de l'ONUCI
et de la Licorne comme « un soutien à l'offensive des forces
pro-Ouattara.89
87
88
89
www.lexpress.fr, Op Cit.
www.lemonde.fr, La chute de
Laurent Gbagbo, 11 avril 2011
www.lemonde.fr, Op Cit
78
Cette grande implication de la France vient
matérialiser son retour sur le continent après son pivot
diplomatique des années 1990 marqué par un
désintérêt pour l'Afrique au lendemain de la fin de la
guerre froide. On croyait plus aguerrie la CEDEAO qui avait vaille que vaille
su jouer le gendarme en Afrique de l'Ouest face aux nombreux foyers de tensions
qui ont accompagné le vent de démocratisation qui a
soufflé sur le continent au début des années 1990, mais
face à la crise post-électorale ivoirienne, nombre d'observateurs
ont été surpris par ses limites pour des raisons qui semblent
tout même, pour le moins évidentes.
79
De la mission d'intégration régionale qui lui a
été dévolue à sa création, la CEDEAO s'est
plus intensément investie ces dernières décennies dans la
prévention des conflits et le rétablissement de la paix dans les
Etats membres. Engagée sur le fil du rasoir avec un certain volontarisme
dans le conflit libérien au début des années 1990, elle
s'est au fil du temps dotée d'un cadre réglementaire et
institutionnelle qui fait d'elle, l'organisation sous-régionale
disposant d'une architecture de paix et de sécurité
appréciable. Du point de vue des efforts conceptuels pour un encadrement
juridique du dispositif de prévention et de gestion des conflits, comme
celui du volume de ses engagements dans la sous-région, la CEDEAO peut
se réjouir d'avoir réalisé un certain progrès.
En effet, appelée à se démener pour
ramener la paix dans une région ensanglantée par des
revendications politiques à la suite du «lâchage« des
puissances tutélaires dont la diplomatie ne faisait plus de l'Afrique
une priorité au lendemain de la fin de la guerre froide, la CEDEAO a
montré sa grande utilité. «Au fil des ans, l'organisation
sous-régionale est devenue le « pompier » de l'Afrique de
l'Ouest, a fortiori un instrument indispensable de règlement des
conflits. Prête à dégainer la menace d'une intervention
militaire pour remettre dans le rang un chef de l'Etat tenté par les
prolongations ou qui serait menacé par une rébellion et souvent
la première à intervenir sur les lieux du drame pour tenter d'y
éteindre le feuÉ«90
Mais en dépit de ses relatifs succès
enregistrés dans différentes missions à travers la
sous-région, l'organisation dont le rôle est devenu in fine, plus
politique qu'économique a montré des limites dans son projet
politique. L'absence de critères clairement définis pour
évaluer les situations de crise et définir conséquemment
les modalités de mise en oeuvre du mécanisme de gestion et de
règlement des conflits fait que les réponses de la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, organe suprême de
décision sont souvent influencées par la qualité des
parties en conflit. Le
90
|
Olivier, (Mathieu) et Gorwitz, (Natacha), Cedeao: quel bilan
pour le « pompier » de
|
l'Afrique de l'ouest?,
www.jeuneafrique.com,
16 décembre 2016
80
caractère politique de cet organe qui assigne à
des Etats la charge de prendre des décisions devant affecter la
situation intérieure d'un autre Etat voisin contraint le plus souvent
les membres de la conférence à évaluer prioritairement la
situation en jeu sous le prisme de leur propre géopolitique interne.
Aussi, la maîtrise du processus de règlement du conflit se
complique-t-elle pour l'organisation sous-régionale dans les cas
où les enjeux du conflit touchent aux intérêts
stratégiques de puissances occidentales ayant une certaine influence
dans da zone géographique. Dans le cas de la gestion de la crise
post-électorale en Côte d'Ivoire, la conjugaison de ses
différents facteurs a largement affecté la médiation et
compromis les attentes de la communauté internationale par rapport
à l'action de la CEDEAO dont le volontarisme ne peut être tout de
même mis en doute. La cacophonie des ambitions et les calculs politiques
ont fragilisé la cohésion au sein des Etats, ce qui a permis aux
manoeuvres diplomatiques françaises de réussir à imposer
l'approche de l'ex- puissance coloniale de résolution de la crise.
Même si les forces françaises ont, une fois de plus, permis de
mettre fin à l'effusion de sang, le rôle influent de l'ancienne
puissance coloniale dans la crise ivoirienne constitue un fardeau pour la
réconciliation nationale en Côte d'Ivoire.91 Pour la
CEDEAO, l'expérience ivoirienne qualifiée d'un échec
indéniable par nombre d'observateurs, doit inspirer l'organisation
sous-régionale en vue de l'élaboration d'une grille
d'évaluation claire des situations de crise, et réduire par
conséquent les influences politiques dans les solutions
préconisées. Aussi les projets d'intervention militaire
communautaire seraient-ils plus rassurants, avec de meilleurs chances de
prospérer si on y incluait un volet d'assistance aux pays les plus
exposés aux mouvements potentiels de population, véritable noeud
gordien redouté par les Etats voisins de tout théâtre
d'opérations militaires.
91 Wyss, (Marco), Op Cit, p 103
81
Bibliographie
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l'Afrique et du Moyen-Orient, Paris, Nathan, 3ème
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Editions du Moment, 2014
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Le tiers-mondisme pour quoi faire? Paris, Le Seuil, 1984, 219p
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2002-2007, Saarbr·cken, Presse académique francophone, 2015,
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2- Rapports d'études, Presse, Thèses et
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d'Ivoire dans la dynamique d'instabilité ouest africaine : les racines
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l'Institut Catalan International pour la Paix, (ICIP), N° 11,
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des crises Politiques et des Conflits : Cas de la Guinée et de la
Guinée Bissau, Abuja, Friedrich-Ebert-Stiftung , septembre 2010, 60p
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Afrique, Thèse de Doctorat en Droit Public, Université
de La Rochelle - Université de Cocody Abidjan, 2012, 718 p
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-
www.lemonde.fr -
www.lexpress.fr
83
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www.jeuneafrique.fr -
www.rfi.fr
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www.cairn.org
-
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- OMBALLA, (Magelan), La politique Africaine de la France :
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- BAT, (Jean-Pierre), Le syndrome Foccart. La politique
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Internationale et Stratégique, N° 91, automne 2013
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des Hautes Etudes de la Défense Nationale, 13 juin 2003
- PORTEOUS, (Tom), l'Evolution des conflits en Afrique
subsaharienne, in Politique Etrangère, Paris, 2003,
volume 68, N°2
3 - Sources institutionnelles
- Ministère des Affaires Etrangères de la
République du Bénin
- Ministère des Affaires Etrangères de la
République de Côte d'Ivoire
ANNEXE 1
Economic Community of West African States
|
Communauté Economique des Etats de
l'Afrique
de l'Ouest
|
PROTOCOLE A/SP1/12/01 SUR LA DEMOCRATIE ET
LA BONNE GOUVERNANCE ADDITIONNEL AU PROTOCOLE
RELATIF AU MECANISME DE PREVENTION, DE GESTION, DE REGLEMENT DES
CONFLITS, DE MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE
|
Page 2
PREAMBULE
Nous, Chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats
membres de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO) ;
VU le Traité de la CEDEAO,
signé à Cotonou, le 24 juillet 1993, notamment en son article 58
;
VU le Protocole relatif au mécanisme
de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien
de la paix et de la sécurité, signé à Lomé,
le 10 décembre 1999 ;
PRENANT EN COMPTE, toutes les
considérations rappelées ou réaffirmées au
préambule du Protocole du 10 décembre 1999, ci-dessus visé
;
VU les principes contenus dans la
Déclaration de l'OUA sur la sécurité, la stabilité,
le développement et la coopération en Afrique, adoptée
à Abuja, les 8 et 9 mai 2000, de même que le contenu de la
Décision AHG Dec. 142(XXV) sur le cadre pour une réaction de
l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de Gouvernement adoptée
par l'OUA à Alger en juillet 1999 ;
PRENANT EN COMPTE la Déclaration de
Harare adoptée par les Etats du Commonwealth le 20 octobre 1991 de
même que la Déclaration de Bamako adoptée par les Etats de
la Francophonie le 3 novembre 2000 ;
PRENANT EGALEMENT EN COMPTE la
Déclaration de Cotonou adoptée le 6 décembre 2000 à
l'issue de la IVème Conférence internationale des
démocraties nouvelles ou rétablies ;
RAPPELANT que les droits de la femme sont
reconnus et garantis dans tous les instruments internationaux de droits de
l'Homme, notamment la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, la
Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes
;
AYANT A L'ESPRIT la ratification de la Charte
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et des autres instruments
internationaux des droits de l'Homme par la majorité des Etats membres
de la CEDEAO, et leur engagement à éliminer toutes formes de
discrimination et de pratiques préjudiciables aux femmes ;
PRENANT EN COMPTE l'acuité du terrorisme
international ;
Page 3
PREOCCUPES EGALEMENT par les conflits qui
sont de plus en plus engendrés par l'intolérance religieuse, la
marginalisation politique et la non-transparence du processus électoral
;
CONSTATANT que le Protocole du 10
décembre 1999 pour avoir plus d'efficacité exige d'être
complété notamment dans le domaine de la prévention des
crises intérieures, de la démocratie, de la bonne gouvernance, de
l'Etat de droit, des droits de la Personne ;
AYANT DECIDE à apporter les
améliorations nécessaires au Mécanisme de
Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de
la paix et de la sécurité existant à l'intérieur de
la Communauté.
CONVENONS DE CE QUI SUIT :
DEFINITIONS
Les termes et expressions tels que définis dans le
Protocole du 10 décembre 1999 s'entendent dans le même sens qu'au
présent Protocole.
En outre, cette liste de définitions est
complétée ainsi qu'il suit :
« Traité » : le
Traité Révisé de la Communauté Economique des Etats
de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) signé à Cotonou le 24 juillet
1993 ;
« Protocole » : le Protocole
relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de
Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la
Sécurité signé à Lomé le 10 décembre
1999;
« Protocole Additionnel » : le
présent Protocole sur la Démocratie et la Bonne gouvernance
additionnel au Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de
Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de la paix et de la
sécurité ;
« Communauté » : la
Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest visée
à l'Article 2 du Traité ;
« Etat membre »ou « Etats membres
» : un Etat membre ou des Etats membres de la Communauté
tels que défini (s) à l'Article 2 paragraphe 2
« Citoyen ou citoyenne de la Communauté
» : tout (s) ressortissant (s) d'un Etat membre remplissant les
conditions fixées par le Protocole portant définition de la
Communauté ;
Page 4
« Cour de Justice » : la Cour de
Justice de la Communauté créée aux termes de l'Article 15
du présent Traité ;
« Conférence » : la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la Communauté
Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest créée à
l'Article 7 du Traité ;
« Conseil de Médiation et de
Sécurité » : le Conseil de Médiation et de
Sécurité défini à l'Article 8 du Protocole relatif
au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des
Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité ;
« Commission de Défense et de
Sécurité » : la Commission de Défense et de
Sécurité défini à l'Article 18 du Protocole relatif
au Mécanisme de Prévention des Conflits , de maintien de la paix
et de la sécurité;
« Secrétaire Exécutif
» : le Secrétaire Exécutif de la CEDEAO
nommé conformément à l'Article 18 du Traité ;
« Secrétaire Exécutif Adjoint
» : Le Secrétaire Exécutif Adjoint chargé
des Affaires politiques, de Défense et de Sécurité
conformément à l'Article 16 du Protocole ;
« Secrétariat exécutif
» : Le Secrétariat exécutif créé par
l'Article 17 du Traité ;
« ECOMOG » : le Groupe de
contrôle du Cessez-le-feu de la CEDEAO s'occupant des activités
d'intervention de la Communauté et prévu à l'Article 21 du
Protocole relatif au Mécanisme de Prévention des Conflits ;
« Forces Armées » :
Armée de Terre, Armée de l'Air, Marine, Gendarmerie.
« Forces de Sécurité » :
Police, Gendarmerie, Garde nationale et toutes autres forces assurant des
missions de sécurité.
Page 5
CHAPITRE I
DES PRINCIPES
Les dispositions du présent chapitre complètent et
explicitent les
principes contenus à l'Article 2 du Protocole du 10
décembre 1999.
SECTION I - DES PRINCIPES DE CONVERGENCE
CONSTITUTIONNELLE
ARTICLE 1ER
Les principes ci-après sont déclarés
principes constitutionnels communs à tous les Etats membres de la
CEDEAO:
a)
|
- La séparation des pouvoirs exécutif,
législatif et judiciaire
|
- la valorisation, le renforcement des Parlements et la
garantie de l'immunité parlementaire ;
- l'indépendance de la justice : le juge est
indépendant dans
la conduite de son dossier et le prononcé de ses
décisions ;
- la liberté des barreaux est garantie ; l'Avocat
bénéficie de
l'immunité de plaidoirie sans préjudice de sa
responsabilité pénale ou disciplinaire en cas d'infraction
d'audience ou d'infractions de droit commun ;
b) Toute accession au pouvoir doit se faire à travers
des élections libres, honnêtes, et transparentes.
c) Tout changement anti-constitutionnel est interdit de
même que tout mode non démocratique d'accession ou de maintien au
pouvoir.
d) La participation populaire aux prises de décision,
le strict respect des principes démocratiques, et la
décentralisation du pouvoir à tous les niveaux de
gouvernement.
e) L'armée est apolitique et soumise à
l'autorité politique régulièrement établie ; tout
militaire en activité ne peut prétendre à un mandat
politique électif.
f) L'Etat est laïc et demeure entièrement neutre
dans le domaine de la religion ; chaque citoyen a le droit de pratiquer
librement et dans le cadre des lois en vigueur, la religion de son choix en
n'importe quel endroit du territoire national. La même
laïcité s'impose à tous les démembrements de l'Etat,
mais elle ne doit pas priver l'Etat du droit de réglementer, dans le
respect des Droits de la Personne, les diverses religions sur le territoire
national ni d'intervenir en cas de troubles à l'ordre public ayant pour
source une activité religieuse.
2. Les élections à tous les niveaux doivent avoir
lieu aux dates ou
périodes fixées par la Constitution ou les lois
électorales.
Page 6
g) L'Etat et toutes ses institutions sont nationaux. En
conséquence, aucune de leurs décisions et actions ne doivent
avoir pour fondement ou pour but une discrimination ethnique, religieuse,
raciale ou régionale.
h) Les droits contenus dans la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des peuples et les instruments internationaux sont garantis dans
chacun des Etats membres de la CEDEAO ; tout individu ou toute organisation a
la faculté de se faire assurer cette garantie par les juridictions de
droit commun ou par une juridiction spéciale ou par toute Institution
nationale créée dans le cadre d'un Instrument international des
Droits de la Personne.
En cas d'absence de juridiction spéciale, le
présent Protocole additionnel donne compétence aux organes
judiciaires de droit civil ou commun.
i) Les partis politiques se créent et exercent
librement leurs activités dans le cadre des lois en vigueur.
Leur formation et activités ne doivent avoir pour
fondement aucune considération raciale, ethnique, religieuse, ou
régionale. Ils participent librement et sans entrave ni discrimination
à tout processus électoral. La liberté d'opposition est
garantie.
Chaque Etat peut mettre en place un système de
financement des partis politiques, sur des critères
déterminés par la loi.
j) La liberté d'association, de réunion et de
manifestation pacifique est également garantie.
k) La liberté de presse est garantie.
l) Tout ancien Chef d'Etat bénéficie d'un
statut spécial incluant la liberté de circulation. Il
bénéficie d'une pension et d'avantages matériels convenant
à son statut d'ancien Chef d'Etat.
SECTION II - DES ELECTIONS
ARTICLE 2
1. Aucune réforme substantielle de la loi
électorale ne doit intervenir
dans les six (6) mois précédant les
élections, sans le consentement d'une large majorité des acteurs
politiques.
Page 7
3. Les Etats membres prendront les mesures appropriées
pour que les
femmes aient, comme les hommes, le droit de voter et
d'être élues lors des élections, de participer à la
formulation et à la mise en oeuvre des politiques gouvernementales et
d'occuper et de remplir des fonctions publiques à tous les niveaux de
l'Etat.
ARTICLE 3
Les organes chargés des élections doivent
être indépendants et/ou neutres et avoir la confiance des acteurs
et protagonistes de la vie politique. En cas de nécessité, une
concertation nationale appropriée doit déterminer la nature et la
forme desdits Organes.
ARTICLE 4
1. Chaque Etat membre doit s'assurer de
l'établissement d'un système d'état civil fiable et
stable. Un système d'état civil central doit être mis en
place dans chaque Etat membre.
2. Les Etats membres coopéreront dans ce domaine aux
fins d'échange d'expériences et au besoin d'assistance
technique, pour la production de listes électorales fiables.
ARTICLE 5
Les listes électorales seront établies de
manière transparente et fiable avec la participation des partis
politiques et des électeurs qui peuvent les consulter en tant que de
besoin.
ARTICLE 6
L'organisation, le déroulement des élections et la
proclamation des résultats s'effectueront de manière
transparente.
ARTICLE 7
Un contentieux électoral crédible relatif
à l'organisation, au déroulement des élections et à
la proclamation des résultats doit être institué.
ARTICLE 8
Les organisations de la société civile
intéressées aux questions électorales seront requises pour
la formation et la sensibilisation des citoyens à des élections
paisibles exemptes de violence ou de crise.
Page 8
ARTICLE 9
A l'issue de la proclamation définitive des
résultats des élections, le parti politique et/ou le candidat
battu doit céder, dans les formes et délais de la loi, le pouvoir
au parti politique et/ou au candidat régulièrement élu.
ARTICLE 10
Tout détenteur du pouvoir à quelque niveau que
ce soit, doit s'abstenir, de tout acharnement ou harcèlement contre le
candidat ayant perdu les élections et ses partisans.
SECTION III - DE L'OBSERVATION DES ELECTIONS
ET DE L'ASSISTANCE DE LA CEDEAO
ARTICLE 11
Les dispositions de l'Article 42 du Protocole du 10
décembre 1999 sont complétées par celles de la
présente section.
ARTICLE 12 :
1. A la demande de tout Etat membre, la CEDEAO peut apporter
aide et assistance à l'organisation et au déroulement de toute
élection.
2. Cette aide ou assistance peut s'effectuer sous n'importe
quelle forme utile.
3. De même, la CEDEAO peut envoyer dans le pays
concerné une mission de supervision ou d'observation des
élections.
4. La décision en la matière est prise par le
Secrétaire Exécutif. ARTICLE 13
1. A l'approche d'une élection devant se tenir dans un
Etat membre, le Secrétaire Exécutif de la CEDEAO envoie dans le
pays concerné une mission d'information.
2. Cette mission peut être suivie d'une mission
exploratoire destinée à: D collecter tous les textes devant
régir les élections concernées ;
D collecter toutes informations et tous éléments
caractérisant le cadre et les conditions dans lesquels devront se
dérouler les élections ;
Page 9
D réunir toutes informations utiles relatives aux
candidats ou aux partis politiques en compétition ;
D rencontrer tous les candidats, les responsables des partis
politiques et autorités gouvernementales et autres responsables
compétents ;
D évaluer l'état des préparatifs ;
D recueillir tous éléments utiles à une
exacte appréciation de la situation.
ARTICLE 14
1. Le Secrétaire Exécutif désigne le
chef et les membres de la mission de supervision ou d'observation qui doivent
être des personnalités indépendantes et de
nationalité autre que celle de l'Etat dans lequel se déroulent
les élections.
2. La mission doit comporter des femmes.
3. Des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif
sont désignés pour assister la mission.
ARTICLE 15
1. La mission de supervision ou d'observation, munie des
documents collectés par la mission exploratoire et du rapport de
ladite mission doit arriver dans le pays concerné au plus tard
quarante-huit heures avant la date de déroulement des
élections.
2. Elle peut être précédée par les
fonctionnaires du Secrétariat Exécutif qui devront
préparer les rencontres de la mission avec les autorités
nationales.
3. La mission doit tenir des réunions avec les
autorités compétentes du pays hôte aux fins
d'échange et de détermination du mode de déploiement dans
l'Etat membre.
4. Elle peut coopérer avec les ONG et toutes autres
missions d'observation tout en conservant son autonomie.
5. Les membres de la mission sont tenus à une
obligation de réserve et doivent s'abstenir de toute
déclaration individuelle. Toute déclaration est collective et
faite au nom de la mission par le Chef de mission ou un porte-parole
désigné à cet effet.
Page 10
ARTICLE 16
1. La durée de la mission doit couvrir toute la
période de déroulement des élections jusqu'à la
proclamation des résultats.
2. La mission fait aussitôt rapport au
Secrétariat Exécutif.
3. Ledit rapport doit obligatoirement comporter :
D Tout ce que la mission a pu constater par elle-même ;
D Ce qu'elle a recueilli par témoignage ;
D Son appréciation sur le déroulement du vote
par rapport, d'une part, aux lois nationales s'appliquant aux élections,
d'autre part, aux principes universellement admis en matière
électorale ;
D Ses recommandations aux fins d'amélioration des
élections à venir et des missions d'observation.
ARTICLE 17
1. Le rapport de la mission d'observation devra être
signé par tous les membres de la mission et soumis au
Secrétaire Exécutif par le Chef de la mission dans un
délai de quinze (15) jours au plus tard pour compter de la date de la
fin de la mission.
2. En vue de la rédaction de ce rapport, la mission
tient obligatoirement une réunion de concertation avant de quitter le
pays d'accueil.
3. Tout membre de la mission ne pouvant prendre part à
ladite réunion, remet un rapport écrit au Chef de mission
avant de quitter le pays.
4. Les fonctionnaires du Secrétariat Exécutif
assistent la mission dans la préparation du rapport.
ARTICLE 18
Le rapport est transmis par le Secrétaire
Exécutif avec le cas échéant, ses observations
personnelles au Conseil de Médiation et de Sécurité qui
décidera des recommandations à faire à l'Etat
concerné et/ou à tous les Etats membres et le cas
échéant des mesures à prendre.
Page 11
SECTION IV - DU ROLE DE L'ARMEE ET DES FORCES
DE SECURITE DANS LA DEMOCRATIE
ARTICLE 19
1. L'armée est républicaine et au service de la
Nation. Sa mission est de défendre l'indépendance,
l'intégrité du territoire de l'Etat et ses institutions
démocratiques.
2. Les forces de sécurité publique ont pour
mission de veiller au respect de la loi, d'assurer le maintien de l'ordre,
la protection des personnes et des biens ;
3. L'armée et les forces de sécurité
publique participent à l'ECOMOG dans les formes prévues
à l'Article 28 du Protocole.
4. Elles peuvent également sur décision des
autorités constitutionnelles participer à toute autre mission
de paix sous l'égide de l'Union Africaine ou de l'ONU.
5. Les forces armées peuvent être employées
à des tâches de développement national.
ARTICLE 20
1. L'armée et les forces de sécurité
publique sont soumises aux autorités civiles
régulièrement constituées.
2. Les autorités civiles doivent respecter l'apolitisme
de l'armée ; toutes activités et propagande politiques, ou
syndicales sont interdites dans les casernes et au sein des forces
armées.
ARTICLE 21
Les personnels des forces armées et des forces de
sécurité publique sont des citoyens bénéficiant de
tous les droits reconnus aux citoyens par la constitution sous les
réserves édictées par leur statut spécial.
ARTICLE 22
1. L'usage des armes pour la dispersion de réunions ou
de manifestations non violentes est interdit. En cas de manifestation violente
seul est autorisé le recours à l'usage de la force minimale et ou
proportionnée.
2.
Page 12
Est interdit en tout état de cause le recours à
des traitements cruels, inhumains et dégradants.
3. Les forces de sécurité publique lors des
enquêtes de police ne doivent inquiéter ni arrêter un
parent ou allié du mis en cause.
ARTICLE 23
1. Les personnels des forces armées et ceux des forces
de sécurité publique doivent recevoir dans le cadre de leur
formation une éducation à la Constitution de leur pays, aux
principes et règles de la CEDEAO, aux Droits de la Personne, au Droit
humanitaire et aux principes de la Démocratie. A cet égard, des
séminaires et rencontres périodiques seront organisés
entre les éléments de ces forces et les autres secteurs de la
société.
2. De même des formations communes seront
organisées entre armées des Etats membres de la CEDEAO et
entre policiers, universitaires et société civile.
ARTICLE 24
1. Les Etats membres s'engagent à renforcer à
l'intérieur de leurs territoires respectifs les structures de
prévention et de lutte contre le terrorisme.
2. Conformément aux Articles 3(d) et 16(1) du
Protocole, le Département des Affaires politiques, de la Défense
et de la Sécurité du Secrétariat exécutif devra
initier des activités communes aux agences nationales des Etats membres
chargées de prévenir et de combattre le terrorisme.
SECTION V - DE LA LUTTE CONTRE LA
PAUVRETE ET DE LA PROMOTION DU DIALOGUE SOCIAL
ARTICLE 25
Les Etats membres conviennent que la lutte contre la
pauvreté et la
promotion du dialogue social sont des facteurs importants de
paix.
ARTICLE 26
Les Etats membres s'engagent à assurer les besoins et
services essentiels de leurs populations.
ARTICLE 27
Les Etats membres de la CEDEAO s'engagent à lutter
efficacement contre la pauvreté dans leurs pays respectifs et au niveau
de la Communauté, notamment en :
2. Il sera crée des établissements communautaires
de formation où
seront admis les élèves de la Communauté.
Page 13
- Créant un environnement propice à
l'investissement privé, et au développement d'un secteur
privé dynamique et compétitif ;
- Mettant en place les instruments nécessaires à
la promotion de l'Emploi, et au développement prioritaire des secteurs
sociaux ;
- Assurant une répartition équitable des
ressources et des revenus visant à renforcer la cohésion et la
solidarité nationales ;
- Favorisant l'intégration des activités
économiques, financières et bancaires par l'harmonisation des
législations commerciales et financières et par
l'émergence de sociétés communautaires.
ARTICLE 28
1. Des syndicats d'employeurs ou d'opérateurs
économiques doivent être organisés et/ou
renforcés au niveau de chaque Etat membre et au niveau de la CEDEAO.
2. Les Etats membres de la CEDEAO doivent promouvoir le
dialogue social. A cet égard, les deux (2) secteurs syndicaux,
patronat et travailleurs doivent se réunir régulièrement
entre eux et avec les autorités politiques et administratives aux fins
de prévenir tout conflit social.
3. La paysannerie et l'artisanat, de même que le
secteur des artistes doivent connaître la même forme
d'organisation au niveau de chaque Etat membre et au niveau de la
Communauté.
SECTION VI - EDUCATION, CULTURE ET RELIGION
Article 29
L'éducation, la culture et la religion sont des
facteurs essentiels de développement, de paix, et de stabilité
dans chacun des Etats membres.
ARTICLE 30
1. Des échanges réguliers d'élèves,
d'étudiants, d'universitaires
s'effectueront entre les Etats membres.
3.
Page 14
Conformément à l'article 36 du Protocole, le
Secrétariat exécutif doit prévoir dès à
présent un budget aux fins de financement dans les meilleurs
délais de ce qui est prévu au présent article.
Chaque Etat membre est également tenu de
prévoir sa contribution au démarrage dans les meilleurs
délais des programmes prévus au présent article.
Un pourcentage du prélèvement communautaire
devra être affecté à la constitution d'un fonds
destiné à l'exécution des prescriptions du présent
article.
4. Une politique de nature à promouvoir
l'éducation des femmes à tous les niveaux et dans tous les
secteurs de formation dans chaque Etat membre et au niveau de la
Communauté sera mise en oeuvre.
5. Les Etats membres doivent garantir aux femmes les
mêmes droits que les hommes dans le domaine de l'éducation ;
ils doivent notamment leur assurer les mêmes conditions de
carrière et les mêmes orientations professionnelles,
l'accès aux mêmes études et programmes et l'accès
aux bourses et subventions d'études. Ils doivent également
s'assurer de l'élimination à tous les niveaux et dans toutes les
formes d'éducation des rôles stéréotypés des
hommes et des femmes.
ARTICLE 31
1. La culture de chaque composante de la population de chacun
des Etats membres sera respectée et valorisée.
2. Le Secrétaire Exécutif prendra les
initiatives nécessaires pour organiser, au niveau sous régional,
des manifestations culturelles périodiques entre les Etats membres :
festival des arts et de la culture, colloques et événements
culturels divers sur les lettres, la musique, les arts, sports...
3. Les Etats membres s'engagent à prendre les mesures
propres à faire disparaître ou prévenir tout conflit
religieux et à promouvoir la tolérance religieuse et la concorde.
A cet effet, des structures permanentes de concertation seront
instituées au niveau national entre d'une part, les représentants
de chacune des religions, d'autre part , les différentes religions et
l'Etat.
4. Le Secrétaire Exécutif prendra les
initiatives appropriées pour favoriser la concertation entre les
structures religieuses des Etats de la Communauté au moyen de rencontres
périodiques.
Ces rapports et les réactions du gouvernement feront
l'objet d'une large diffusion par les moyens les plus appropriés.
Page 15
SECTION VII - DE L'ETAT DE DROIT, DES DROITS
DE LA PERSONNE ET DE LA BONNE GOUVERNANCE
ARTICLE 32
Les Etats membres conviennent de ce que la bonne gouvernance
et la liberté de la presse sont essentielles pour la préservation
de la justice sociale, la prévention des conflits, la sauvegarde de la
stabilité politique et de la paix et le renforcement de la
démocratie.
ARTICLE 33
1. Les Etats membres reconnaissent que l'Etat de Droit
implique non seulement une bonne législation conforme aux
prescriptions des Droits de la Personne, mais également, une bonne
justice, une bonne administration publique et une bonne et saine gestion de
l'appareil d'Etat.
2. Ils estiment de même qu'un système
garantissant le bon fonctionnement de l'Etat, de son administration publique et
de la justice contribue à la consolidation de l'Etat de Droit.
ARTICLE 34
1. Les Etats membres et le Secrétariat exécutif
mettront tout en oeuvre pour la mise en place aux plans national et
régional des modalités pratiques permettant l'effectivité
de l'Etat de Droit, des Droits de la Personne, de la bonne justice et de la
bonne gouvernance.
2. Les Etats membres s'emploieront en outre à assurer
responsabilité, professionnalisme, expertise et transparence dans les
secteurs public et privé.
ARTICLE 35
1. Les Etats membres procéderont à la
création d'Institutions nationales indépendantes chargées
de la promotion et de la protection des Droits de la Personne.
2. Le Secrétariat exécutif veillera au
renforcement de leurs capacités et les organisera en
réseau.
Dans le cadre de ce réseau, chaque Institution
nationale adressera systématiquement au Secrétariat
exécutif tout rapport sur les violations en matière des Droits de
l'Homme à l'intérieur du territoire national.
Page 16
ARTICLE 36
Les Etats membres s'engagent à institutionnaliser un
système national de médiation.
ARTICLE 37
1. Les Etats membres s'engagent à oeuvrer pour le
pluralisme de l'information et le développement des médias.
2. Chaque Etat membre peut accorder une aide
financière à la presse privée ; la répartition
et l'affectation de cette aide sont effectuées par un organe national
indépendant ou à défaut par un organe librement
institué par les journalistes eux-mêmes.
ARTICLE 38
1. Les Etats membres s'engagent à lutter contre la
corruption, à gérer les ressources nationales dans la
transparence et à en assurer une équitable répartition.
2. Dans ce cadre, les Etats membres et le Secrétariat
exécutif s'engagent à créer des mécanismes
appropriés pour faire face au problème de la corruption, au sein
des Etats et au niveau de l'espace communautaire.
ARTICLE 39
Le Protocole A/P.1/7/91, adopté, à Abuja le 6
juillet 1991, et relatif à la Cour de Justice de la Communauté,
sera modifié aux fins de l'extension de la compétence de la Cour,
entre autres aux violations des droits de l'Homme après
épuisement, sans succès, des recours internes.
SECTION VIII - DES FEMMES, DES ENFANTS ET
DE LA JEUNESSE
ARTICLE 40
Les Etats membres conviennent de ce que
l'épanouissement et la promotion de la femme sont un gage de
développement, de progrès et de paix dans la
société. Ils s'engagent en conséquence à
éliminer toutes formes de pratiques préjudiciables,
dégradantes et discriminatoires à l'égard des femmes.
Page 17
ARTICLE 41
1. Les Etats membres veilleront à la protection des
droits des enfants et garantiront en particulier leur accès à
l'éducation de base.
2. Des règles particulières seront
élaborées dans chaque Etat membre et au sein de la
Communauté pour lutter contre le trafic et la prostitution des
enfants.
3. Des dispositions communautaires devront également
intervenir sur le travail des enfants, conformément aux prescriptions
arrêtées par l'Organisation Internationale du Travail (OIT).
ARTICLE 42
1. Les Etats membres de la Communauté conviendront des
règles à adopter pour l'encadrement et la promotion de la
jeunesse.
2. La prévention et la prise en charge de la
délinquance juvénile feront l'objet de règles uniformes
au sein de la Communauté.
ARTICLE 43
Le Secrétariat exécutif devra mettre en place en
son sein toutes structures utiles pour s'assurer de la mise en oeuvre efficace
des politiques communes et programmes relatifs à l'éducation,
à la promotion, et à l'épanouissement de la femme et de la
jeunesse.
CHAPITRE II
DES MODALITES DE MISE EN OEUVRE ET DES
SANCTIONS
Article 44
1. Le présent Article complète les dispositions
du Chapitre V du Protocole du 10 décembre 1999.
2. Aux fins de donner plein effet à ce qui est
affirmé à l'Article 28 du présent Protocole additionnel
et conformément à l'Article 57 du Traité
révisé de la CEDEAO une convention judiciaire intégrant au
besoin la Convention A/P.1/7/92 de juillet 1992 relative à l'entraide
judiciaire en matière pénale et la Convention A/P1/8/94 relative
à l'extradition sera élaborée et adoptée dans un
délai de douze mois à compter de l'entrée en vigueur du
présent Protocole additionnel.
Page 18
Article 45
1. En cas de rupture de la Démocratie par quelque
procédé que ce soit et en cas de violation massive des Droits
de la Personne dans un Etat membre, la CEDEAO peut prononcer à
l'encontre de l'Etat concerné des sanctions.
2. Lesdites sanctions à prendre par la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement peuvent aller par
graduation :
D Refus de soutenir les candidatures présentées
par l'Etat membre concerné à des postes électifs dans les
organisations internationales ;
D Refus de tenir toute réunion de la CEDEAO dans
l'Etat membre concerné ;
D Suspension de l'Etat membre concerné dans toutes les
Instances de la CEDEAO ; pendant la suspension, l'Etat sanctionné
continue d'être tenu au paiement des cotisations de la période de
suspension.
3. Pendant ladite période, la CEDEAO continuera de
suivre, d'encourager et de soutenir tout effort mené par l'Etat membre
suspendu aux fins de retour à la vie institutionnelle
démocratique normale.
4. Sur proposition du Conseil de Médiation et de
Sécurité, il peut être décidé à un
moment approprié de procéder comme il est dit à l'Article
45 du Protocole.
CHAPITRE III
DES DISPOSITIONS GENERALES ET
FINALES
ARTICLE 46
Le présent Protocole additionnel fait corps avec le
Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de
Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la
Sécurité signé à Lomé le 10 décembre
1999.
ARTICLE 47 : AMENDEMENTS
1. Tout Etat membre peut soumettre des propositions pour
amender
ou réviser le présent Protocole additionnel.
2.
Page 19
Ces propositions doivent être soumises au
Secrétaire Exécutif qui en informe les Etats membres au plus tard
trente (30) jours après leur réception. Les amendements ou
révisions ne seront examinés par la Conférence que si les
Etats membres en ont été informés un (1) mois
auparavant.
3. Les amendements ou révisions sont adoptés par
la Conférence. ARTICLE 48 : RETRAIT
1. Tout Etat membre souhaitant se retirer du Protocole
additionnel doit, un (1) an au préalable faire parvenir un avis au
Secrétaire Exécutif qui en informe les Etats membres. A la fin de
cette période d'une année, si cet avis n'est pas retiré,
l'Etat en question cesse d'être partie prenante au Protocole
additionnel.
2. Toutefois, au cours de cette période d'un (1) an,
l'Etat membre continue d'observer les dispositions du présent Protocole
additionnel et d'honorer ses obligations.
ARTICLE 49 : ENTREE EN VIGUEUR
Le présent Protocole additionnel entrera en vigueur
dès sa ratification par au moins neuf (9) Etats signataires,
conformément aux règles constitutionnelles de chaque Etat
membre.
ARTICLE 50 : AUTORITE DEPOSITAIRE
Le Présent Protocole additionnel, ainsi que tous les
instruments de ratification seront déposés au Secrétariat
exécutif, qui en transmettra des copies certifiées conformes
à tous les Etats membres, leur notifiera les dates de dépôt
des instruments, et le fera enregistrer auprès de l'Organisation de
l'Unité africaine/Union Africaine (OUA/UA), et l'Organisation des
Nations Unies (ONU) et auprès de toutes les autres organisations
désignées par le Conseil.
EN FOI DE QUOI, NOUS CHEFS D'ETAT ET DE
GOUVERNEMENT DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS DE L'AFRIQUE
DE L'OUEST (CEDEAO), AVONS SIGNE LE PRESENT PROTOCOLE ADDITIONNEL EN
TROIS (3) ORIGINAUX EN LANGUES FRANCAISE, ANGLAISE ET PORTUGAISE, LES TROIS
(3) TEXTES FAISANT EGALEMENT FOI.
FAIT, A DAKAR, 21 DECEMBRE 2001
Page 20
S. E. Mathieu KEREKOU S. E Blaise COMPAORE
Président de la République du BENIN
Président du FASO
Président du Conseil des Ministres
S. E. Jose Maria Pereira NEVES S. E. Abou Drahamane
SANGARE
Premier Ministre, Chef du Gouvernement Ministre d'Etat,
de la République du CAP VERT Ministre des Affaires
Etrangères
Pour et par ordre du Président de la République de
CÔTE D'IVOIRE
S. E. Yahya A. J. J. JAMMEH S. E. John Agyekum
KUFUOR
Président de la République de la GAMBIE
Président de la République du GHANA
S. E. Lamine SIDIME S. E. Koumba Yala Kobde
NHANCA
Premier Ministre de la République de GUINEE
Président de la République de
GUINEE BISSAU
S. E. Monie R. CAPTAN S. E. Alpha Oumar
KONARE
Ministre des Affaires Etrangères Président de la
République du MALI
Pour et par ordre du Président de la République du
LIBERIA
S. E. MINDAOUDOU A ·chatou (Mme) S. E. Olusegun
OBASANJO
Ministre des Affaires Etrangères Président et
Commandant en Chef des
Pour et par Ordre du Président de la Forces Armées
de la République Fédérale
République du NIGER du NIGERIA
Page 21
S. E. Abdoulaye WADE S.E. Alhaji Dr Ahmad Tejan
KABBAH
Président de la République du SENEGAL
Président de la République
de SIERRA LEONE
S. E. Gnassingbé EYADEMA
Président de la République TOGOLAISE
ANNEXE 2
COMISSÂO DA CEDEAO
ECOWAS COMMISSION
|
|
COMMISSION DE LA CEDEAO
|
Réf.: ECW/CEG/ABJIEXTIFR.)Rev. D
SESSION EXTRAORDINAIRE
DE LA CONFERENCE DES CHEFS D'ETAT
ET DE GOUVERNEMENT SUR LA COTE D'IVOIRE
Abuja, 24 décembre 2010
COMMUNIQUE FINAL
1.
2
Sous la Présidence de Son Excellence Goodluck
Ebele Jonathan, Président de !a
République-Fédérale du Nigeria, Président en
exercice de !a CEDEAO, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement
de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)
s'est réunie en Session Extraordinaire à Abuja, République
Fédérale du Nigeria, le vendredi 24 Décembre 2010, pour
examiner l'évolution récente de la situation politique et
sécuritaire en Côte d'ivoire.
2. Etaient présents à cette Session, les Chefs
d'Etat et de Gouvernement suivants ou leurs représentants
dûment accrédités :
S. E. Thomas Boni Yayi, Président de la
République du Bénin ;
S. E. Blaise Compaore, Président du Faso
;
S. E. Pedro Verona Rodrigues Pires,
Président de la République du Cap
Vert ;
S. E. John Evans Atta-Mills, Président de
la République du Ghana ;
S. E. Malam Bacai Sanhâ, Président
de la République de Guinée Bissau ;
S. E. Ellen Johnson-Sirleaf, Présidente
de la République du Liberia ;
S. E. Jonathan Ebele Goodluck, Président
de la République Fédérale du
Nigeria ;
S. E. Maître Abdoulaye Wade,
Président de la République du Sénégal ;
S. E. Ernest Bai Koroma, Président de la
République de Sierra Leone ;
S. E. Faure Essozimna Gnassingbe,
Président de la République
Togolaise ;
S. E. Mamadou Tangara, Ministre des Affaires
Etrangères, de la
Coopération Internationale et des Gambiens de
l'Extérieur, représentant le
Président de la République de la Gambie ;
S. E. Moctar Ouane, Ministre des Affaires
Etrangères et de la
Coopération Internationale, représentant le
Président de la République du
Mali.
7.
4
Les Chefs d'Etat et de Gouvernement réitèrent
leur position du 7 décembre 2010, .en particulier sur le
statut_de M. Alassane Ouattara comme Président légitime de ia
Côte d'Ivoire, un statut non négociable. Ils demandent instamment
à M. Laurent Gbagbo de transférer pacifiquement et sans
délai le pouvoir à Mr Alassane Ouattara, conformément
à la volonté exprimée par le peuple ivoirien.
8. Les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont exprimé
leur volonté de soutenir les interdictions de voyage, le gel des
avoirs financiers et toute autre forme de sanction ciblée qui ont
été prises par les institutions régionales et la
Communauté Internationale contre le Président sortant et son
entourage ainsi que toutes autres formes de mesures additionnelles qui seraient
prises dans ce sens.
9. Les Chefs d'Etat regrettent que le message adressé
le 17 décembre par le Président en exercice, au nom de la
Conférence, à M. GBAGBO, n'a pas été entendu.
Toutefois, en cette période de l'avent et de paix, le Sommet consent
à faire un dernier geste à l'endroit de Monsieur Gbabgo,
l'exhortant à faire une sortie pacifique. A cet effet, les Chefs d'Etat
et de Gouvernement ont décidé de dépêcher une
délégation spéciale de haut niveau en Côte
d'Ivoire.
10. En cas de rejet de cette demande non négociable
par M. Gbagbo, la Communauté n'aura d'autre choix que de prendre toutes
mesures nécessaires, y compris l'usage de la force légitime pour
réaliser les aspirations du peuple ivoirien
11. Au regard de la volatilité de la situation
sécuritaire, les Chefs d'Etat et de Gouvernement instruisent le
Président de la Commission de convoquer sans délai une
réunion des Chefs d'Etat major de la CEDEA4 pour planifier
les actions futures y compris la sécurisation de la
frontière entre la Côte d'ivoire et le Libéria en cas de
fin ale non recevoir opposée à leur messane:-
12. Les Chefs d'Etats et de Gouvernement ont
décidé de demeurer activement saisis de la situation en
Côte d'Ivoire.
13. Les Chefs d'Etat et de Gouvernement expriment leur
reconnaissance renouvelée à S. E. Goodluck Ebele Jonathan,
Président de la République Fédérale du Nigeria,
pour son leadership et les efforts qu'il ne cesse de faire pour l'aboutissement
heureux du processus démocratique en Côte d'Ivoire.
14. Les Chefs d'Etat et de Gouvernement témoignent
leur sincère gratitude au Gouvernement de la République
Fédérale du Nigeria ainsi qu'au Peuple nigérian pour
l'hospitalité généreuse et authentiquement africaine qui
leur a été réservée pendant leur séjour
à Abuja ainsi que pour les excellentes facilités mises à
leur disposition pour la réussite de ce Sommet Extraordinaire.
Fait à Abuja, le 24 Décembre 2010
s
LA CONFERENCE
ANNEXE 3
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