Le juge et le contrat de bail à usage professionnel en droit OHADA.par Giovanni Thiam Omontayo HOUNKPONOU Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l'Université d'Abomey-calavi (BENIN) - Master 2 en Droit et Institutions Judiciaires 2015 |
B. La nécessité par le juge d'une constatationL'article 133 de l'Acte uniforme portant droit commercial général habilite le juge des référés à constater la résiliation du bail à usage professionnel dans lequel est insérée une clause résolutoire de plein droit. Cette stipulation était une pratique fréquente dans les baux commerciaux. Mais, l'admission expresse du jeu de la clause résolutoire de plein droit est une innovation majeure de l'Acte uniforme du 15 décembre 2010. Aux termes des dispositions de l'article 133 alinéa 4 du nouvel Acte uniforme : « le contrat de bail peut prévoir une clause résolutoire de plein droit ». En théorie générale des obligations, la clause résolutoire de plein droit prévue par l'article 106 du COCC, permet aux parties à un contrat synallagmatique, sauf disposition légale contraire, de « convenir expressément qu'à défaut d'exécution le contrat sera résolu de plein droit (...) »106(*). Cette clause ne peut jouer qu'à la date de la notification au défaillant des manquements constatés107(*) . Mais, elle peut produire ses effets même sans sommation108(*). En raison de l'automatisme et de la rigueur de la clause résolutoire de plein droit, la jurisprudence a toujours considéré qu'elle doit être expressément stipulée par les parties109(*) et ne peut jouer que pour sanctionner l'inexécution d'une obligation inscrite au contrat de bail110(*).Il ne fait pas l'ombre d'un doute que la juridiction du fond dispose du pouvoir de constater la résiliation, lorsque le bail professionnel contient une clause résolutoire de plein droit.Sous l'empire de la législation communautaire antérieure, feu le magistrat Lamine COULIBALY, ancien Président du tribunal régional Hors Classe de Dakar, avait systématisé la théorie de la compétence du juge des référés pour connaître de la résiliation du bail commercial, en cas d'insertion d'une clause résolutoire de plein droit111(*) . Le haut magistrat, tout en reconnaissant un principe de compétence à la juridiction du fond résultant de l'abrogation de l'article 592 du Code des obligations civiles et commerciales, admettait, à juste titre, une « compétence » résiduelle au juge des référés en la matière, sur le fondement de l'article 247 du Code de procédure civile sénégalais. L'intervention du juge des référés, écrivait-il, consistera simplement à constater la défaillance d'une des parties ainsi que la rupture du contrat par l'effet de l'insertion de la clause dans le bail112(*).Force est de constater que depuis la publication de la chronique de feu le Président COULIBALY, certains juges des référés du tribunal régional Hors Classe de Dakar énonçaient par des formules devenues classiques que : « la clause de résiliation de plein droit insérée dans le contrat de bail justifie la compétence du juge des référés »113(*). D'autres affirmaient que la clause résolutoire expresse « en l'état actuel de notre droit positif, fonde la compétence du juge des référés en matière de bail à usage commercial »114(*) ou que « la clause de résiliation de plein droit insérée dans le contrat de bail justifie la compétence du juge des référés »115(*) . L'insertion de la clause résolutoire de plein droit dans le contrat de bail commercial peut être de nature à révéler l'absence de contestations sérieuses et justifier par la même occasion l'intervention du juge des référés. En cas d'insertion d'une clause de résiliation de plein droit dans le bail professionnel, la constatation de la résiliation du contrat, ne se heurte à aucune contestation sérieuse. En effet, au moment où le juge est saisi, la clause résolutoire, par hypothèse, a déjà produit son effet extinctif sur le contrat116(*) . D'une part, la juridiction des référés a l'obligation de vérifier l'existence d'une clause de résiliation de plein droit dans le contrat117(*) , étant entendu qu'une simple clause résolutoire ne suffit pas118(*) . En outre, le juge a l'obligation de constater que le débiteur avait reçu notification de sa défaillance, conformément à l'article 106 du Code des obligations civiles et commerciales.D'autre part, le juge des référés se doit de constater la défaillance de l'une des parties à ses obligations contractuelles. Toute contestation sérieuse sur la réalité de cette défaillance était de nature, du moins d'après la jurisprudence, à entamer la compétence de la juridiction des référés.La possibilité donnée aux parties d'insérer dans le bail une clause résolutoire de plein droit constitue une innovation majeure du droit communautaire119(*). A cet égard, le droit uniforme des affaires de l'OHADA a consacré législativement la théorie proposée par feu le Président Lamine COULIBALY. Cependant, l'absence de contestations sérieuses résultant de l'insertion d'une clause résolutoire de plein droit dans le contrat de bail, ne saurait donner compétence au juge des référés pour constater la résiliation du bail. Cette situation conforte plutôt son pouvoir de constater la résiliation du bail professionnel.L'existence de contestations sérieuses aurait simplement pour effet de priver le juge des référés de son pouvoir de constater ou même de prononcer la résiliation du bail. * 106 Sur la définition de la clause résolutoire de plein droit, V. G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 2009, P. 820, V. Clause résolutoire. * 107 V. article 106 alinéa 2 du code des obligations civiles et commerciales. * 108 Bernard Teyssié, « Les clauses de résolution et de résiliation », Cahiers de droit de l'entreprise, 1975. I, p. 13 et s. * 109 Cass. 3ech., 29 avril 1985, Bull. Civ, III, n° 71, p. 55. * 110 Cass. 3ech.Civ 3 juillet 1984, Bull. Civ; III, n° 128, P. 101. * 111 Lamine COULIBALY, «De la juridiction compétente en matière de résiliation de bail commercial », La balance, Journal de l'union des magistrats Sénégalais, édition spéciale, aout 2002, p. 31 et s. * 112 Mahutodji Jimmy Vital. KODO, L'application des actes uniformes de l'OHADA, Bruyant Academica 2010, P. 51 : « (...) le juge des référés demeure compétent pour prononcer l'expulsion lorsqu'il n'y a pas de contestation sérieuse ». * 113 V. TRHC Dakar, réf, .n° 252 du 12 janvier 2009, inédit. * 114 V. TRHC Dakar, réf, .n° 3950 du 17 septembre 2007, inédit. * 115 V. TRHC Dakar, réf, .n° 4215 du 08 octobre 2007, inédit. * 116 Philippe LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 7e édition, mai 2009, n° 1236 et s. * 117Cass. 22 janvier 1980, Bull.civ, III, n° 20, P. 14 ; Rev loyers, 1980, P. 433. Selon cet arrêt il y a des contestations sérieuses si la clause résolutoire est ambigüe et doit être interprétée. * 118 En ce sens, v, Lamine. COULIBALY, Ibidem. * 119 T. MONNOU, « Bref aperçu du bail commercial selon le nouvel acte uniforme portant Droit Commercial Général » « la nouvelle loi consacre la jurisprudence concernant la saisine du juge des référés lorsque les parties ont inséré une clause de résolution de plein droit dans le bail ». Disponible : http://agboyibo-monnou.com/bref-apercu-bail-commercial/ |
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