UNIVERSITÉ D'ABOMEY-CALAVI (UAC)
*******
ÉCOLE DOCTORALE DE SCIENCE JURIDIQUE POLITIQUE ET
ADMINISTRATIVE (ED-SJPA)
********
MASTER RECHERCHE « DROIT INTERNATIONAL ET
ORGANISATIONS INTERNATIONALES »
SUJET
L'ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA
FRANCOPHONIE ET
LA DEMOCRATIE EN
AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
Réalisé par : Sous la direction de
:
MAMA Abdou-Ramane Frédéric Joël
AÏVO
Agrégé des Facultés de
Droit
Professeur Titulaire de Droit Public (Université
d'Abomey-Calavi)
Membres du Jury :
Président : Frédéric Joël
AÏVO
Membres : Ahmzat GOUNOU KORA
Pierre TOGBE
Soutenu, le 06/12/2019
DEDICACE
A mes géniteurs MAMA Ibrahim et OLAYE Falilatou, deux
héros dans l'ombre.
A mon tuteur OLOU Gilbert, un éducateur moderne et
très engagé.
REMERCIEMENTS
II
Cette oeuvre procède de la conjugaison de plusieurs
efforts et soutiens à géométrie variable qui m'ont
été concédés. Je tiens par conséquent
à adresser mes profonds remerciements à l'endroit du Professeur
Frédéric Joël AÏVO qui, en dépit de ses
multiples occupations a accepté de diriger ce travail de recherche et a
trouvé du temps pour m'écouter et me guider. Recevez cher
Professeur l'expression de ma profonde gratitude. Je tiens aussi à
remercier :
i' le Docteur GOUNOU KORA Ahmzat pour avoir
contribué à perfectionner ce travail à travers ses
conseils et expériences mais aussi sa rigueur scientifique;
i' le Docteur SUANON Fidèle pour avoir
contribué à ma formation ;
i' Monsieur BINDA Oualoufeye Razack pour
avoir généreusement mis en ma disposition son
expérience;
i' Monsieur BIAOU Gilbert et son épouse
pour tous leurs conseils constructifs; i' mes collègues
de l'Ecole Internationale UFUK-BENIN; i' mes frères et
soeurs pour leur amour et soutien combien grands;
i' les enseignants qui m'ont formé et
toute l'instance dirigeante du Centre de Droit constitutionnel ainsi que de la
coordination du Master en commençant par ses principaux responsables;
i' tous mes camarades de promotion.
SIGLES ET ABREVIATIONS
III
ACCT : Agence de Coopération
Culturelle et Technique
AFDI : Annuaire Français de Droit
International
APF : Assemblée Parlementaire de la
Francophonie
CEDEAO : Communauté Economique des
Etats de l'Afrique de l'Ouest
CEEAC : Communauté Economique des
Etats de l'Afrique Centrale
CEI : Commission Electorale
Indépendante
CENI : Commission Electorale Nationale
Indépendante
CMF : Conférence Ministérielle
de la Francophonie
CENCO : Conférence Episcopale du
Congo
CPF : Conseil Permanent de la Francophonie
CPI : Cour Pénale Internationale
DDHDP : Délégation aux Droits
de l'Homme à la Démocratie et à la Paix
DOMP : Département des
Opérations de Maintien de la Paix
EIFORCES : Ecole Internationale des Forces de
Sécurité
FMU : Fonds
Multilatéral Unique
FPI : Front Populaire
Ivoirien
GIC : Groupe International de contact
OI : Organisation Internationale
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
ONUCI : Organisation des
Nations Unies en Côte d'Ivoire
OSCE : Organisation pour la
Sécurité et la Coopération en Europe
OUA : Organisation de l'Unité
Africaine
RCA : République Centrafricaine
iv
RDC : République Démocratique
du Congo
RESOP : Réseau de Recherche sur les
opérations de Paix
RSS : : Réforme des Systèmes de
Sécurité
SADC : South African Development Community
SG/OIF : Secrétaire
Général de l'Organisation Internationale de la Francophonie
SG/ONU : Secrétaire
Général de l'Organisation des Nations Unies
UA : Union Africaine
UE : Union Européenne
SOMMAIRE
V
INTRODUCTION
|
1
|
PREMIERE PARTIE : UN ACCOMPAGNEMENT AVERE
|
11
|
CHAPITRE I : LES BASES DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE
|
12
|
Section I : Une incitation au plan universel
|
13
|
Section 2 : La conception d'un dispositif institutionnel en
matière de démocratie
|
28
|
CHAPITRE II : L'EFFECTIVITE DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE
|
40
|
Section 1 : Une mise en oeuvre dynamique des engagements
démocratiques
|
40
|
Section 2 : Un maintien effectif de la stabilité
démocratique.
|
55
|
DEUXIEME PARTIE : UN ACCOMPAGNEMENT PERFECTIBLE
|
72
|
CHAPITRE I : DES DIFFICULTES A UN DOUBLE NIVEAU
|
73
|
Section 1 : Les difficultés intrinsèques à
l'espace noir francophone
|
73
|
Section 2 : Les difficultés intrinsèques à
l'OIF
|
86
|
CHAPITRE II : DES PERSPECTIVES A UNE MEILLEURE IMPLICATION
|
|
DEMOCRATIQUE
|
96
|
Section 1 : Les réformes à soutenir au niveau des
Etats
|
96
|
Section 2 : Les réformes à impulser au sein de
l'OIF.
|
114
|
CONCLUSION GENERALE
|
130
|
BIBLIOGRAPHIE
|
133
|
ANNEXE
|
....143
|
TABLE DES MATIERES
|
145
|
INTRODUCTION
1
Il y a plus de vingt ans, la chute du mur de Berlin et
l'effondrement du bloc soviétique ont permis « la vague de
démocratisation »1 qui a soufflé sur le continent
africain et le reste du monde2.
L'analyse de ces phénomènes politiques
démocratiques sur le continent africain laisse perplexe plusieurs
observateurs politiques aujourd'hui. La complexité du processus
démocratique africain conduit certains analystes politiques à
tirer un bilan mitigé des différentes transitions
démocratiques enclenchées depuis plus de deux
décennies.
L'examen minutieux du niveau démocratique de certains
Etats africains francophones peut conclure à un bilan nuancé en
ce sens que le système de gouvernement actuel qu'on retrouve dans
plusieurs Etats africains se présume comme une variante partagée
entre un système démocratique et une restauration autoritaire
voire autocratique du pouvoir. Et pour preuve, « dans de nombreux
pays, les dirigeants tentent de s'accrocher au pouvoir par la manipulation des
règles du jeu démocratique au mépris des règles de
convergences constitutionnelles édictées par la communauté
africaine et francophone »3.
Or, «pour une partie de la doctrine, la limitation du
nombre de mandat présidentiel pouvait à juste titre être
considérée comme la pierre angulaire du néo
constitutionnalisme africain »4. Finalement, la remarque
générale est le recul du nouveau constitutionnalisme africain des
années 90 qui fait de l'alternance au pouvoir le fleuron de la
gouvernance démocratique. Les exemples sont d'ailleurs innombrables dans
ce domaine5.
1 HUNTINGTON Samuel, The third wave: Democratization in
the late twentieth century, Norman, University of Oklahoma Press, 1991.
Par « vague de démocratisation », l'auteur entend le passage
à la démocratie d'un certain nombre de régimes non
démocratiques dont le nombre est supérieur à ceux ayant
opéré la transition inverse. Voir p.12-24.
2 Il s'agit du phénomène de
démocratisation de certains pays de l'Europe de l'est et du Centre de
même que de nombreux pays de l'Amérique du Sud. L'Afrique, plus
précisément le Maghreb longtemps réfractaire à la
démocratisation, subi ces dernières années notamment
à partir de 2011 de profonds changements politiques dus au printemps
arabe et notamment dans les pays comme la Lybie, le Maroc et la Tunisie ou
l'Egypte.
2
3 Rapport du centre pour la gouvernance démocratique
Burkina Faso, « Constitutionnalisme et révisions constitutionnelles
en Afrique de l'Ouest : le cas du Benin, du Burkina Faso et du
Sénégal », 2009, www.cgdigdcontitutionnalisme120 et
Révisi. p.4.
4 ATANGANA Amougou Jean Louis, « les révisions
constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain »,
Politeia, n°7, Printemps 2007,
www.afrilex.u-bordeau4.fr,
p.19.
5Au Niger, malgré la mobilisation de
l'opposition et de la société civile en 2009, le Président
Mamadou Tandja, s'est entêté à procéder à la
révision de la constitution du 10 octobre 1999 en vue d'un
troisième mandat au terme de son deuxième et dernier mandat. Ce
dernier va plus loin en dissolvant l'Assemblée Nationale mais aussi la
Cour constitutionnelle qui elle, s'opposait
Au demeurant, l'Afrique reste le continent de l'urgence en
matière de pratique démocratique.
Face à une telle situation alarmante, les appels
à l'ordre ne manquent pas. Les organisations non gouvernementales jouent
et continuent par jouer un rôle important dans le rétablissement
démocratique en dénonçant les abus6 et en
appelant au respect des principes démocratiques et des Droits de
l'Homme. Toutefois leurs efforts restent très précaires car ils
ne consistent qu'en des dénonciations qui n'offrent évidemment
aucune garantie de résultat probant.
« Dans le même temps et à la
périphérie au coeur des conflits qui hantent l'Afrique noire
francophone, une pluralité d'acteurs régionaux et internationaux
se mobilisent pour des tentatives de sortie de crise et oeuvrent pour
l'affirmation des valeurs démocratiques »7. Ce qui
est regrettable cependant, c'est la relative contribution de ces acteurs aussi
à l'enracinement démocratique dans les Etats africains. L'Union
Africaine8 qui est une organisation panafricaine est loin de combler
les attentes dans ce domaine9. Mise en cause pour son immobilisme
dans le domaine des Droits de l'Homme, elle est également
critiquée pour son incapacité et par sa faible réussite
dans le règlement des conflits.
farouchement à son projet de référendum
en vue de l'approbation de la révision. Au Burkina Faso, pendant
vingt-sept ans, le pays des hommes intègres n'a pas connu
d'élections fiables ; le pouvoir d'Etat ayant été
liquidé sous le régime de Compaoré avec le seul objectif
de faire obstacle à l'alternance au pouvoir. Denis Sassou N'guesso,
Président du Congo Brazzaville totalise à lui seul plus de trente
ans de pouvoir sans partage et Joseph Kabila au pouvoir depuis janvier 2001,
est resté au pouvoir pendant 18 ans. Une situation similaire est
vécue aussi au Burundi avec la prétention d'un pouvoir
providentiel clamé par le Président Joseph Nkurunziza. Au pouvoir
depuis 2005, l'homme fort du Burundi est en train d'accomplir trois mandats
présidentiels à la tête du pays alors que la Constitution
burundaise adoptée en 2005 limite le nombre de mandat à deux. Ce
dernier réussit ensuite à engager une révision
constitutionnelle le 17 mai 2018; révision qui lui permettrait de rester
au pouvoir jusqu'en 2034.
6 Nous avons par exemple : Human Rights Watch, Amnesty
International, La Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de
l'Homme (RADDHO) créée à Dakar le 21 avril 1990.etc.
7 HUGON Philipe, « Conflits armés,
insécurité et trappes à pauvreté en Afrique »,
Afrique contemporaine : Afrique et développement, n° 218,
Bruxelles, éd. De Boeck, 2006, p. 33.
8 L'Union Africaine (UA) est une organisation d'États
africains créée en 2002, à Durban en Afrique du Sud, en
application de la déclaration de Syrte du 9 septembre 1999. Elle a
remplacé l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA)
créée en 1963 par 32 Etats à Addis-Abeba en Ethiopie. La
mise en place des institutions de l'UA (Commission, Parlement panafricain et
Conseil de paix et de sécurité) a eu lieu en juillet 2003 au
sommet de Maputo au Mozambique. Son premier président a
été le Sud-Africain Thabo Mbeki, précédemment
président de l'OUA. Ses buts sont d'oeuvrer à la promotion de la
démocratie, des droits de l'Homme et du développement à
travers l'Afrique, surtout par l'augmentation des investissements
extérieurs par l'intermédiaire du programme du Nouveau
Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD). Ce programme
considère que la paix et la démocratie sont des préalables
indispensables au développement durable. L'UA compte actuellement 55
Etats membres soit la totalité des Etats africains après la
réintégration du Maroc le 30 janvier 2017.
3
9La Charte de la démocratie, des
élections et de la gouvernance, texte fondamental de promotion de la
démocratie dans le cadre de l'UA adoptée en 2007 a du mal
à être appliquée dans l'ensemble des Etats membres.
L'Organisation des Nations Unies n'est pas non plus exempte de
défauts. En dépit des efforts louables accomplis, il faut
reconnaitre que ses actions restent encore laconiques dans le domaine de la
promotion de la démocratie en Afrique.
Pour pallier les carences ci-dessus évoquées,
d'autres organisations viennent en rescousse à la diplomatie africaine
et onusienne avec bien évidemment des exploits divers.
Au nombre de ces organisations, on retiendra fondamentalement
l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) ; organisation à
l'origine géolinguistique, mais, qui est aujourd'hui un acteur cardinal
dans la promotion des régimes démocratiques en Afrique. Cela
renforce davantage le débat sur son rôle dans le processus de
démocratisation des Etats africains. Cette préoccupation justifie
la formulation de cette étude qui s'intitule : «
l'Organisation Internationale de la Francophonie et la démocratie en
Afrique noire francophone ». A une époque où l'on
assiste à un passage de l'équivalence des régimes
politiques à la légitimité exclusive de la
démocratie libérale, il convient de passer au scanner les
démocraties africaines après une vingtaine d'années
d'expérience afin d'en tirer quelques enseignements. Plus
précisément, il s'agit d'identifier les efforts accomplis par les
partenaires internationaux notamment l'OIF dans le renforcement de la
démocratie en Afrique noire francophone.
Avant tout développement sur ce sujet,
éclaircissons certaines terminologies dont les sens nous paraissent
déterminants pour la suite de notre développement.
Tout d'abord, d'une façon générale, la
Francophonie désigne les pays ayant en partage la langue
française.
En effet, c'est au géographe français,
Onésime Reclus 10 que l'on attribue de manière
constante la paternité de la notion de « Francophonie ». En
1880, il employa ce mot de manière inédite pour désigner
la communauté linguistique que la France formait alors avec ses
colonies11. La langue française se donnait ainsi
déjà comme un outil
10 RECLUS Onésime, France, Algérie et
Colonies, Paris, Hachette, 1880, p .820.
4
11 Pour aller plus loin sur les origines de la Francophonie,
voir DENIAUX Xavier, la Francophonie, Paris, PUF, 1983, pp 9- 11;
HAGEGE Claude, Le français et les siècles, Paris , Odile
Jacobs, 1987, pp.209-210.
de solidarité et d'échange, un facteur de
rassemblement culturel. En 1962, Léopold Sédar Senghor,
profondément attaché à la richesse du métissage
culturel, rafraîchit ce néologisme pour y voir un«
humanisme intégral qui se tisse autour de la terre »12.
L'idée sous-jacente d'une communauté composite et solidaire,
rassemblée autour de la langue française mit donc environ un
siècle pour se concrétiser. Né de la volonté de
regrouper les Etats africains désireux, au lendemain des
indépendances, de poursuivre avec la France des relations culturelles et
linguistiques, le projet francophone fut initié par trois chefs d'Etat
africains, Léopold Sédar Senghor du Sénégal, Habib
Bourguiba de la Tunisie et Hamani Diori du Niger, soutenus par le Prince
Norodom Sihanouk du Royaume du Cambodge. Le 20 mars 1970, vingt-et-un chefs
d'Etat et de gouvernement signèrent à Niamey, la Convention
portant création de l'Agence de coopération culturelle et
technique (ACCT)13. Construite autour du partage de la langue
française, cette première organisation intergouvernementale
francophone était chargée de promouvoir et de diffuser les
cultures de ses Etats membres, tout en intensifiant la coopération
culturelle et technique entre eux.
Mais très rapidement, l'ambition de la Francophonie
s'est étoffée. Ainsi que le faisait remarquer fort justement
Abdou Diouf en 2007, « tandis que la physionomie du monde changeait,
la Francophonie changeait aussi, décidée à être un
acteur à part entière sur la scène internationale,
décidée à promouvoir un véritable projet de
société à l'échelle du monde, décidée
à faire valoir une alternative aux menaces potentielles ou
avérées qui assombrissent l'horizon planétaire
»14. Au-delà de la promotion de la langue
française, cet « outil précieux trouvé dans les
décombres du régime colonial»15, pour
reprendre les mots de Senghor, la Francophonie a donc progressivement
revêtu une dimension politique, perceptible tant dans
l'élargissement de ses objectifs que dans la réorganisation de
son appareil institutionnel. En 1997, afin de donner à leur
5
12 SENGHOR Léopold Sédar, « Le
français, langue de culture », Esprit, n°311,
novembre 1962, p.844.
13 ACCT, Convention relative à l'origine de la
coopération culturelle et technique, Niamey, 20 mars 1970. Disponible en
ligne sur : http:// www.francophonie.org/ IMG/ PDF/acct-textes-fondamentaux-
1970- convention et -charte-3-pdf.
14 DIOUF Abdou, Extrait du discours prononcé lors du
colloque de l'Académie des Sciences d'outre-mer sur : «
francophonie : enjeux et perspectives après le Sommet de Bucarest»,
Paris, 10 mai 2007. En ligne sur : http : // www. francophonie.org/
discours-d-M-Abdou-Diouf-Paris-le-28054.html.
15 SENGHOR Léopold Sédar, « Le
français, langue de culture », article précité,
p.844.
organisation sa pleine envergure politique, les chefs d'Etat
et de gouvernement des pays ayant le français en partage ont
créé un poste de Secrétaire
Général16et transformé l'ACCT en Agence
Internationale de la Francophonie (AIF).
Huit ans plus tard, la nouvelle Charte adoptée à
Antananarivo le 23 novembre 2005 parachevait la réforme institutionnelle
en créant, à proprement parler, l'Organisation Internationale de
la Francophonie (OIF)17. D'abord construite autour d'une langue, la
Francophonie s'est ensuite organisée autour d'un dessein culturel
commun, avant de revendiquer désormais une ambition
politique18. Elle s'est peu à peu structurée pour
devenir une véritable organisation, dotée d'une
personnalité juridique internationale19. Le contexte mondial
et le développement de la démocratie dans tous les pays
exigeaient que la Francophonie revêtît une dimension politique.
Désormais, au-delà de la simple promotion de la langue
française et de la diversité culturelle, l'avenir de la
Francophonie dépend, ainsi que l'observait le Professeur Jean Du Bois de
Gaudusson, « pour une très large part, de l'aptitude de ses
promoteurs à relever des défis qui sont d'abord d'ordre juridique
»20. C'est, consciente de cette réalité, que
la communauté francophone s'est progressivement appropriée les
défis de l'ancrage de la démocratie et de la consolidation de
l'Etat de droit.
Aux fins de la présente étude, la Francophonie
doit donc être entendue comme une organisation internationale qui,
au-delà de son objet initial de promotion de la langue française
et de la diversité culturelle, s'emploie depuis plusieurs années
à consolider l'Etat de droit, à appuyer les processus de
démocratisation et à renforcer la protection des droits et les
libertés fondamentaux.
6
16 Depuis 1997, le Secrétaire Général de
la Francophonie est conçu comme la clé de voûte du
système institutionnel francophone. Il incarne la Francophonie
multilatérale et conduit l'action politique de la Francophonie. Article
6, 7 et 8 de la Charte.
17 Article 9 de la Charte de la francophonie.
18 MASSART-PIERRARD Françoise, « la Francophonie,
un nouvel intervenant sur la scène internationale », Revue
Internationale de politique Comparée, vol.14, De Boeck
université, 2007, pp 69- 93 ; DEREUMEAUX Réné-Maurice,
l'organisation Internationale de la Francophonie : l'institution
internationale du XXIe siècle, Paris, l'Har mattan, 2008.
19 Par la nature de son acte constitutif, son statut juridique
et ses modalités de fonctionnement, la Francophonie présente dans
la forme, tous les caractères d'une Organisation Internationale. Sur la
question des critères distinctifs des OI; voir NGUYEN Quoc Dinh, FORTEAU
Mathias, DALLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, 8e
éd, Paris, LDGJ, 2009, pp.643 et ss. Voir aussi AÏVO
Frédéric Joël, « La question de la personnalité
juridique internationale des associations d'Etats », Revue de la
recherche juridique droit prospectif, vol.4, n° 134, 2010.
20 DU BOIS DE GAUDUSSON Jean, Les origines juridiques pour
la Francophonie, in DECAUX Emmanuel (dir.), Justice et droits
d'expression et d'inspiration françaises ( IDEF), Paris, IDEF,
2003, p.65.
La présente étude ne vise pas à faire une
étude inclusive et polymorphe sur tous les Etats membres de la
Francophone. Elle se limitera spécifiquement aux Etats d'Afrique noire
francophone membres de l'organisation. C'est la rencontre de tous ces Etats
d'Afrique noire autour de l'OIF qui permet de dessiner les contours de ce que
l'on appellera tout au long de cette étude, l'espace noir
francophone.
Etymologiquement, le mot « démocratie » vient
du grec « dèmokratia » qui signifie gouvernement
populaire. Le préfixe « dèmos » signifie
peuple et le suffixe « Kratein » veut dire loi,
règlement, gouvernement21.
Notons qu'il existe plusieurs définitions de la
démocratie, mot qui demeure au centre des discours politiques de notre
siècle.
Pour bon nombre de théoriciens, la démocratie
est un régime de gouvernement dans lequel tous les citoyens participent
réellement à l'exercice du pouvoir en élisant librement
leurs activités culturelles, professionnelles, religieuses ou autres
dans les limites du bien commun et en jouissant tous librement de leurs
droits22.
Pour Abraham Lincoln, la démocratie est le gouvernement
du peuple, par le peuple et pour le peuple23.
Pour Maurice Duverger, la démocratie suppose que les
luttes des classes (et aussi de race, de nationalité, etc. Mais celles -
ci sont moins importantes et moins générales) ne dépassent
pas un certain degré, soit parce que l'inégalité et
l'oppression matérielle ne sont pas trop grandes, soit parce que la
conscience de cette inégalité et de cette oppression reste faible
et que les opprimés n'ont pas encore les moyens de se
battre.24
Il en résulte que la démocratie est un mot qui a
plusieurs significations, selon le milieu, l'idéologie, le but... Cette
multiplicité de définitions ne constitue pas une aberration pour
la science politique mais elle est plutôt perçue comme
inhérente à la notion même de la démocratie.
21 NOAH Webster, Webster's new twentieth century
dictionary, the world publishing company, Cleveland and New York, 1974,
p.483.
22 Le Petit Dictionnaire de la Démocratie, Presse
Ujumbura, Bukavu, n°194, 1960, p.12.
23 CAPITANT René, Démocratie et participation
politique, éd. Bordes. Col Etudes politiques, Paris, 1972, p.2.
7
24 DUVERGER Maurice, La démocratie sans le
peuple, éd. Du seuil, Paris, 1967.
En définitive, la démocratie demeure le mode de
gestion du pouvoir dans lequel le peuple est la seule source de
souveraineté, de décisions, d'orientation et de contrôle de
toute la société. C'est-à-dire que le peuple est la seule
et l'unique source de légitimité du pouvoir. En d'autres termes,
la démocratie est la forme du gouvernement dans lequel le peuple est
souverain et jouit de ses droits et libertés fondamentaux. Elle inclut
donc un large spectre de fondamentaux et de valeurs.
A cet effet, Béchir Ben Yahmed, en bon observateur de
l'actualité internationale, souligne fort opportunément que :
« le pluralisme des partis et des candidatures lors d'une
élection ne suffit pas, tant s'en faut, même si les scrutins se
passent sans fraude criante et sans que leurs résultats soient
sérieusement contestés. Il n'y a pas de démocratie sans
justice indépendante, intègre et respectée, ainsi que tous
ses auxiliaires. Il n'y a pas de démocratie sans le contre-pouvoir d'une
presse elle aussi indépendante. Cela, c'est le fondement mais il n'y a
pas non plus de démocratie au sens plein du terme lorsqu'il y a trop de
prisonniers politiques au sort obscur et incertain, ou lorsque la
liberté de circuler est arbitrairement contrôlée, ou bien
encore l'éducation et la santé ne sont pas dispensées
à un niveau décent. Contrairement à l'eau qui, pourvu
qu'on la distille, peut être absolument pure, la démocratie n'est
jamais absolue ni parfaite. La dictature non plus, d'ailleurs. »25
Ajoutons enfin qu'à travers l'histoire26, il
faut remarquer que la démocratie a pris plusieurs formes. Ainsi, l'on a
pu distinguer la démocratie indirecte ou représentative de la
démocratie directe.
Ces précisions théoriques faites sur le contenu
des notions de démocratie et de Francophonie, l'on peut à
présent les croiser pour saisir concrètement l'objet de
25 BECHIR Ben Yahmed, « La panne démocratique »,
dans Ce que je crois, Paris, Jeune Afrique, 1998, p.63. BECHIR Ben
Yahmed est le fondateur de l'hebdomadaire panafricain Jeune Afrique en octobre
1960 à Tunis.
8
26 La démocratie indirecte désigne un
système démocratique dans lequel les citoyens élisent des
représentants chargés d'établir en leur nom des lois
(pouvoir législatif) et de les exécuter (pouvoir
exécutif). Il y a délégation de prise de décision
à des assemblées de représentants (de niveau national,
régional ou local) et à un gouvernement. Les représentants
doivent défendre et appliquer les programmes sur la base desquels ils
ont été choisis. Dans une démocratie indirecte, le peuple
détient une souveraineté de principe. Il n'exerce ses pouvoirs
que de manière épisodique, lors des élections ou des
référendums. Quant à la démocratie directe, elle
convient à la forme la plus ancienne d'organisation ou le peuple exerce
directement le pouvoir politique.
9
notre étude. Il s'agira alors d'identifier et de
questionner les voies par lesquelles la Francophonie oeuvre pour
l'éclosion de la démocratie en Afrique noire francophone.
En effet, dans la lettre du titre 1 de sa Charte
rénovée de 2005, la Francophonie a pour objectif d'aider à
l'instauration et au développement de la démocratie, à la
prévention, à la gestion et au règlement des conflits, et
au soutien de l'Etat de droit et aux droits de l'Homme; à
l'intensification du dialogue des cultures et des civilisations, au
rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle, au renforcement de
leur solidarité par des actions de coopération
multilatérale en vue de favoriser l'essor de leurs économies,
à la promotion de l'éducation et de la formation. La
déclaration de Bamako dans son chapitre 3 affirme que pour la
Francophonie, démocratie et développement sont indissociables.
Ainsi, l'on ne saurait prétendre atteindre à un véritable
développement sans l'instauration d'une vraie démocratie
favorisant le respect des droits de l'Homme et des libertés publiques.
La démocratie permet dans ce sens de centrer l'Homme au coeur du
développement. C'est pourquoi aborder la question de l'accompagnement
démocratique de la Francophonie dans les Etats d'Afrique noire
francophone est très pertinent.
Dès lors, la principale interrogation qui nous semble
opportun de soulever est la suivante : quelle est la contribution réelle
ou la valeur ajoutée de l'OIF dans le renforcement de la
démocratie dans les États d'Afrique noire Francophone ? Cette
question principale nous amène à poser d'autres questions
sous-jacentes : quelle est la nature des actions menées par l'OIF ?
Quels sont les instruments juridiques qui la fondent à s'investir dans
ce domaine ? Comment oeuvre-t-elle pour la promotion de la démocratie en
Afrique ? Quel est l'état des lieux de ses actions et quelle en est
l'efficacité ?
Une première analyse nous permet déjà de
dire que l'OIF est très active dans l'accompagnement démocratique
des Etats, notamment ceux d'Afrique noire francophone. Elle disposerait
d'instruments juridiques propres à régir son action politique.
Les mécanismes originaux qu'elle met en oeuvre permettraient de
maintenir les Etats dans un état de stabilité démocratique
optimale.
10
L'intérêt du sujet ci-dessus réside dans
le fait qu'il permet de contribuer à la réflexion dans le cadre
d'une recherche fondamentale sur les questions des pratiques
démocratiques ainsi que les techniques mises en oeuvre par la
Francophonie pour leur renforcement dans les Etats africains. Ceci dans
l'optique d'appréhender l'efficacité des actions menées
par une telle organisation en vue d'explorer éventuellement d'autres
pistes.
Le présent travail sur l'OIF et la démocratie en
Afrique noire Francophone obéira à une délimitation
temporelle et spatiale. Sur le plan temporel notre travail partira de
l'année 1990 à nos jours ; 1990 étant l'année de la
« vague de démocratisation » en Afrique et la période
de l'entrée en scène de la Francophonie comme nouvel acteur
politique sur l'échiquier international. Sur le plan spatial,
l'étude et l'examen des actions de l'OIF en faveur de la
démocratie se fera sur la base de quelques interventions faites par
l'organisation en Afrique noire francophone. Rappelons qu'un travail plus
général a déjà été fait sur cette
organisation. Dans ce dernier, l'auteur a abordé la question de
l'investissement de l'OIF à faire triompher la démocratie au sein
de la communauté francophone mondiale. Dans le cadre de l'étude
présente, nous nous attèlerons à faire une étude
approfondie sur l'engagement démocratique de l'OIF spécifiquement
en Afrique noire francophone. Il ne s'agira pas alors d'explorer toutes ses
actions dans l'ensemble du monde francophone.
Pour mieux traiter ce sujet, nous proposons un travail en deux
grandes parties. La première partie intitulée un effort de
démocratisation avérée nous permettra de constater que la
diplomatie de la francophonie est dynamique et proactive
(Partie1). La deuxième partie intitulée un
effort de démocratisation perfectible nous permettra de mettre en
évidence les limites de la politique démocratique de la
Francophonie en Afrique noire francophone. (Partie2)
UN ACCOMPAGNEMENT AVERE
PREMIERE PARTIE :
Selon les dispositions de leur acte constitutif27,
les Organisations internationales28 peuvent se voir attribuer des
compétences variées. Cependant, de façon
générale, on distingue deux grandes compétences
exercées par elles : la compétence normative, c'est-à-dire
la possibilité de produire des normes, et la compétence
opérationnelle, leur permettant d'engager des actions pour la
réalisation de leurs objectifs. Au fil des ans, l'OIF a pu mettre en
oeuvre ces deux compétences selon des spécificités qui lui
sont propres.
Ainsi, nous traiterons dans cette première partie des
bases de l'engagement politique de l'OIF (chapitre I) et dans
la seconde partie, de l'effectivité cet engagement politique
(chapitre II).
27 En tant que sujet dérivé du droit
international, l'OI n'existe que par un traité. Il est le plus souvent
mis en place à l'occasion d'une conférence internationale
précédée par des activités préparatoires
d'une durée variable et qui sera soumis aux règles du droit des
traités. Voir DIEZ VELLAZCO Vallejo, Les organisations
internationales, Paris, Economica, 2002, pp. 11 et 25 ; DALLIER Patrick,
FORTEAU Mathias et PELLET Alain, Droit international Public,
8é Ed., Paris, L.G.D.J, Lextenso éd., 2009, pp.
644645.
11
28« Une organisation internationale
est une association d'Etats créée par traité et
dotée d'une constitution et d'organes communs et possédant une
personnalité juridique distincte de celle des Etats membres »
.Cf. BETTATI Mario, « Création et personnalité des
organisations internationales », in R.-J. Dupuy, Manuel sur
les organisations internationales, La Haye, Académie de droit
international, Kluwer Law International, 1996, p.33. Cité par AÏVO
Frédéric Joël, « La question de la personnalité
juridique des associations d'Etats », Revue de la Recherche Juridique
Droit Prospectif, vol.4, n°134, 2010. p.2.
LES BASES DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE
CHAPITRE I :
L'engagement politique de l'OIF est un processus
particulièrement récent. L'étape première de cette
démarche doit être dédiée à François
Mitterrand qui dès le premier sommet de la Francophonie tenu au
Château de Versailles avait perçu l'intérêt de doter
l'organisation d'une dimension politique de manière à l'adapter
aux mutations actuelles dans le monde. Ainsi à l'issue de ce sommet, les
Chefs d'Etat et de Gouvernement déclarent vouloir engager « une
concertation permanente sur les grandes questions... et apporter par là
une contribution significative à l'instauration d'un nouvel
équilibre mondial»29. Mais le rubicond n'aura
été franchi qu'avec les sommets de Cotonou en 1995, mais surtout
ceux de Hanoi en 1997 et de Beyrouth en 2002. Par ailleurs les bouleversements
politiques qu'a connu le monde dans les années 80 ont
profondément impacté la politique internationale et incité
les organisations internationales ; l'ONU en premier lieu à s'affirmer
comme des actrices incitatrices à la gouvernance démocratique
dans leurs Etats membres.
Nous trouvons alors pertinent de nous intéresser
d'abord au processus par lequel la démocratie s'est imposée dans
le concert des nations (Section I), et ensuite son adoption
dans le cadre de l'OIF comme mode privilégié de gouvernance par
la mise en place d'une architecture juridico- institutionnelle.(Section
II).
12
29 ACCT, acte de la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement ayant en commun l'usage du français, Paris, 17-19
février 1986, la documentation française, disponible sur
www.francophonie.org/IMG/pdf/actesommeti19021986.pdf,
Cité par CHABI Basile, L'organisation internationale de la
Francophonie et la résolution des conflits en Afrique noire
francophone, mémoire de Master, UAC, 2014, p.14.
13
Section I : Une incitation au plan universel
Lorsque les fondateurs des Nations Unies ont
rédigé la Charte, ils n'y ont pas inclus le mot «
démocratie ». Et pour cause, en 1945, de nombreux Etats membres des
Nations Unies n'avaient pas adopté la démocratie comme
système de gouvernance. D'autres s'en réclamaient, mais ne la
mettaient pas en pratique. Les conséquences des deux guerres mondiales
avec leur lot de violations des droits humains ainsi que les bouleversements
des années 1980 ont amené l'ONU à donner une impulsion
particulière à la gouvernance démocratique en
lançant un appel vibrant en direction des Etats et des organisations
internationales (Paragraphe1). On comprend dès lors que
l'OIF ne peut que réformer ses objectifs, elle qui, pendant longtemps,
est restée cantonnée à son rôle classique de
coopération culturelle et technique (Paragraphe2).
Paragraphe 1 : Une prise de conscience
générale
Le rôle précurseur de l'ONU dans
l'avènement et le développement de la démocratie est
indéniable. S'il est vrai que l'invention de cette terminologie et sa
conceptualisation remonte à la Grèce antique, son apparition dans
la société moderne internationale comme modèle de
gouvernance politique accepté dans le concert des Nations est dû
d'abord à l'impulsion particulière que lui a accordée
l'ONU. Ensuite, l'appel retentissant donné par cette organisation en
direction des regroupements régionaux et sous régionaux a
été décisif afin que ceux-ci s'engagent à
encourager leurs Etats membres à adopter la démocratie comme mode
de gouvernance politique. Il convient alors tout d'abord de préciser le
rôle précurseur joué par l'ONU dans le développement
de la démocratie (A). Ensuite, nous nous pencherons sur les efforts
déployés par les organisations régionales en vue de rendre
effectif cette nouvelle donne dans la vie politique de leurs Etats membres
(B).
A- Un rôle pionnier des Nations Unies
L'organisation des Nations Unies est pionnière dans
l'engagement des organisations internationales à oeuvrer pour le
triomphe de la démocratie comme seul
modèle de gouvernance respectueux des droits de l'Homme
et des libertés. Pourtant, à la lecture de sa Charte30
constitutive, aucune mention n'est faite par rapport à la
démocratie.
En effet, étant donné que la Charte des Nations
Unies est un instrument juridique universel dont le but principal se trouve
être le « le maintien de la paix et de la sécurité
internationale », elle n'a pas pour vocation en réalité
à s'intéresser au modèle de gouvernance choisi par les
Etats31. Le silence des rédacteurs de la Charte sur la
question de la démocratie n'est pas anodin. C'était en effet le
seul moyen de ne pas entrer en conflit au plan juridique avec la
souveraineté des Etats membres32 . Toutefois, s'il est vrai
que le caractère non exprès de la Charte sur la démocratie
est clair, l'on ne saurait douter de ce que ses rédacteurs exprimaient
le besoin pressant de satisfaire aux aspirations profondes des peuples
notamment celles liées aux droits de l'Homme et aux libertés
publiques.
Ainsi, il faut dores et déjà signaler que, bien
que la Charte des Nations Unies ne mentionne pas le terme «
démocratie », les premiers mots de son préambule, «
Nous, peuples des Nations Unies », sont le reflet du principe
fondamental de la démocratie, à savoir que la volonté des
peuples est la source de la légitimité des Etats souverains et
donc de l'ensemble des Nations Unies33. De plus, avec la Charte, les
références sont constitutionnelles. Elles rappellent le long
combat pour les libertés et la démocratie, la Grande Charte
arrachée à Jean-sans-Terre34, les franchises
établies au profit des bourgs et
30 La Charte des Nations encore appelée Charte de San
Francisco a été adoptée le 26 juin 1945 à San
Francisco aux Etats Unis. Elle est entrée en vigueur le 24 octobre 1945.
Cette Charte définit les buts et les principes de l'ONU ainsi que la
composition, la mission et les pouvoirs de ses organes exécutifs (le
Conseil de Sécurité), délibératifs
(l'Assemblée Générale), judiciaires (la Cour
Internationale de Justice) et administratifs (le Conseil Economique et Social,
le conseil de tutelle et le Secrétariat général).
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Charte_des_Nations_Unies
31KPOBIE Toa, Action internationale en faveur
de la démocratisation du Togo, mémoire de DEA,
Université de Lomé, 2012. Voir
www.memoireoline.com/10/13/7479/m-Action-internationale-en-faveur-de-la-democratisation-dutogo2.html.
Consulté le 28 avril 2018.
32 L'égalité souveraine des Etats
membres est proclamée par la Charte en tant que principe fondamental de
l'ONU. Aussi la Déclaration relative aux principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre
les Etats, conformément à la Charte des Nations Unies
adoptée par la résolution R/ 2625 XXV de l'Assemblée
Générale de l'ONU lors de sa 1883eme séance
plénière implique le droit qu'à chaque Etat de choisir
librement et développer son système politique, social,
économique et culturel.
33 « La démocratie et les Nations Unies », voir
www.un.org > events >
pdf.democracy. Consulté le 16/10/17.
14
34 Jean-Sans-Terre fut roi d'Angleterre, seigneur
d'Irlande et duc d'Aquilaine de 1119 à sa mort. Son règne
à la tête de l'Angleterre a été
caractérisé par la violence et une gestion solitaire du pouvoir.
Il se considérait comme étant au-dessus des lois. Le 15 juin 1215
les barons réussissent à imposer au roi l'adoption de la grande
charte (Magna Carta). L'objectif de la noblesse était d'imposer au roi
le respect de la coutume et de ses droits féodaux.
les citoyens ; la montée de mouvement
démocratique qui trouve enfin son expression sur le plan
international35.
De ce point de vue, il faut reconnaitre que la Charte des
Nations Unies est le premier instrument international de base de la
démocratie dans la mesure où certains principes fondamentaux de
la démocratie sont considérés par elle comme condition
sine qua non pour la réalisation de certains buts. Ainsi, elle
affirme son objectif de développer entre les Nations les relations
amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité
du droit des peuples et leur droit à disposer
d'eux-mêmes36. De même, le principe de
l'autodétermination des peuples qui constitue la racine mère de
la démocratie trouve son fondement dans la Charte. Conscients du lien
intrinsèque entre la démocratie et les droits de l'Homme, les
rédacteurs de la Charte ont proclamé leur foi dans les droits
fondamentaux de l'Homme, dans la dignité et la valeur de la personne
humaine, dans l'égalité des hommes et des femmes37.
Elles s'efforcent par ailleurs de développer et d'encourager le respect
de ces droits de l'Homme et des libertés fondamentales pour tous sans
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion38.
L'enthousiasme que la Charte accorde à la
démocratie sera davantage formalisé et développé
à travers les Chartes internationales aux droits de l'Homme. Il s'agit
d'abord de l'adoption le 10 décembre 1948 de la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme qui fixe des principes visant à
protéger la dignité humaine. Cette déclaration
adoptée par l'Assemblée générale ,
énonçait clairement le concept de démocratie en
déclarant que « La volonté du peuple est le fondement de
l'autorité des pouvoirs publics» 39 . La
Déclaration énonce les droits essentiels à une
véritable participation politique. Le rapport du Secrétaire
Général des Nations Unies en 2005 énonce à cet
effet que « depuis son adoption, elle a inspiré
l'élaboration de constitutions à chaque coin du monde, et
a
35 PELLET Alain, COT Jean-Pierre, FORTEAU Mathias, La
Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Paris, 2e
édition, Economica, p.2- 1571.
36 Voir art 1er paragraphe 2 de la Charte.
37 Voir le préambule de la Charte.
38 Voir art 1er paragraphe 3 de la Charte.
15
39 ONU, Assemblée Générale, «
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme », R/217 (III) A.
Paris, 1948, art.2 al 3.
16
grandement contribué à faire enfin accepter
la démocratie, partout dans le monde, en tant que valeur et principe
universel»40.
Il s'agit ensuite du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques41 qui pour sa part pose les fondements
juridiques des principes de la démocratie au regard du droit
international. Le caractère contraignant de ce texte fait que les Etats
qui l'ont adopté sont astreints à le respecter. Grâce
à la diplomatie du Secrétaire Général des Nations
Unies et l'action des ONG, le nombre des Etats partis à la convention
est passé à 168 en juillet 2015 soit 85% des Etats membres des
Nations Unies42.
Dans le but de donner un caractère solennel à la
démocratie et au développement, l'ONU a mis en place des
institutions chargées d'inciter les Etats à l'adoption des
systèmes démocratiques et d'appuyer les processus de
démocratisation dans les Etats. Il s'agit du Programme des Nations Unies
pour le Développement, du Fonds des Nations Unies pour la
Démocratie, du Département des Opérations de Maintien de
la Paix, du Haut-commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, de
l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et
l'autonomisation des femmes. Chaque année 1,5 milliards de dollars
environ est versé par le biais du PNUD pour appuyer les processus
démocratiques partout dans le monde43, ce qui fait de l'ONU
l'un des principaux fournisseurs de coopération technique pour la
démocratie et la gouvernance dans le monde.
Depuis 1988, l'Assemblée générale de
l'ONU a adopté au moins une résolution par an relative à
un aspect de la démocratie 44 . La démocratie est
devenue un thème intersectoriel des documents issus des grandes
conférences et réunions au sommet des Nations Unies depuis les
années 90 et des objectifs de développement internationalement
convenus qui en ont émané. Au Sommet mondial de septembre 2005,
les Etats membres
40 Rapport du secrétaire général des Nations
Unies, « dans une plus grande liberté », A /59/2005,
paragraphe 148.
41 Le pacte international relatif aux droits civils et
politiques a été adopté par l'Assemblée
Générale le 16 décembre 1966 dans sa résolution
2200 A (XXI) et est entré en vigueur le 23 mars 1976. Il comprend les
droits et libertés qui protègent les particuliers contre les
ingérences de l'Etat, comme le droit à la vie, l'interdiction de
la torture, de l'esclavage et du travail forcé, le droit à la
liberté, etc. Il est complété par deux protocoles : celui
du 16 décembre 1966 et celui du 15 décembre 1989 interdisant la
peine de mort.
42 « La démocratie et les Nations Unies », voir
www.un.org >events >
pdf.democracy. Consulté le 16/10/17.
43 Ibidem.
44 Ibidem.
17
ont réaffirmé que « la
démocratie est une valeur universelle, qui émane de la
volonté librement exprimée des peuples de définir leur
propre système politique, économique, social et culturel et qui
repose sur leur pleine participation à tous les aspects de leur
existence»45.
Le Document final du Sommet mondial soulignait
également que « la démocratie, le développement
et le respect de tous les droits de l'homme et libertés fondamentales
sont interdépendants et se renforcent
mutuellement,»46 et a signalé que «quand
bien même les démocraties ont des caractéristiques
communes, il n'existe pas de modèle unique de démocratie»
47 . Les Etats membres ont résolu de faciliter un
accroissement de la représentation féminine dans les instances
gouvernementales de prise de décisions, y compris de leur garantir
d'égales opportunités de participer pleinement au processus
politique.
Les dirigeants du monde entier se sont engagés dans la
Déclaration du Millénaire à ne ménager aucun effort
pour promouvoir la démocratie et renforcer l'état de droit ainsi
que le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils
ont décidé de lutter en faveur de la protection et de la
défense pleine et entière partout dans le monde des droits
civils, politiques, économiques, sociaux et culturels universels et de
renforcer la capacité de tous les pays à mettre en oeuvre les
principes et les pratiques de la démocratie et le respect des droits de
l'homme48.
Le désir de l'organisation des Nations Unies de faire
de la démocratie un système politique accepté dans le
concert des nations a conduit l'Assemblée Générale le 8
novembre 2007 à proclamer le 15 septembre journée internationale
de la démocratie et invité les Etats membres, le système
des Nations Unies, et les autres organisations régionales,
intergouvernementales et non gouvernementales à oeuvrer à son
expansion.
45 ONU, Assemblée Générale des Nations
unies, document final du Sommet mondial de 2005, paragraphe 135, 2005, p.
32.
46 Ibidem, p.32.
47 Ibidem, p. 32.
48 Déclaration du Millénaire adoptée par la
résolution A/55/2 de l'Assemblée Générale des
Nations Unies. Disponible sur
www.un.org/french/millénaire/ares552f.htm.
18
C'est donc à dessein que cette impulsion donnée
par l'ONU à la démocratie a suscité un écho
à la fois régional et sous régional.
B- Une réaction solennelle des organisations
régionales
L'impulsion donnée à la démocratie par
l'ONU a suscité un engouement général de la part des
organisations régionales. En effet, ces organisations sont devenues des
espaces régionaux propices à l'expansion de la démocratie
en raison de leur nature et de leurs objectifs qui sont d'établir
au-delà d'une simple coopération technique, une véritable
intégration entre leurs Etats membres. Ainsi, dans les textes juridiques
qui régissent les organisations européennes telles que le Conseil
de l'Europe49, l'Union Européenne50 et
l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en
Europe51, un cachet spécial a été donné
à la démocratie dans les relations régissant les Etats
membres et la gouvernance conduite par ces derniers.
Tout d'abord, en ce qui concerne le Conseil de l'Europe,
dès sa création par la Convention de Londres du 5 mai 1949, les
dix Etats fondateurs à l'époque ont fait de la trilogie : Droits
de l'Homme, démocratie et Etats de droit la pierre angulaire de
l'organisation. En effet, le préambule du statut du Conseil de l'Europe
dispose dans son deuxième considérant : «
inébranlablement attachés aux valeurs spirituelles et morales
qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et qui sont à l'origine
des principes de libertés individuelles, de libertés politiques
et de prééminence du Droit, sur lesquels se fonde toute
démocratie véritable »52. A l'article 3 de
la Charte, sont énoncés les principes
49 Le Conseil de l'Europe qui n'est pas à confondre
avec le Conseil de l'UE et le Conseil européen, deux institutions de
l'UE, est en fait une organisation intergouvernementale instituée le 5
mai 1949 par le traité de Londres signé par dix Etats. Elle
compte 47 Etats membres et a son siège en France. Il apparait comme
l'Organisation des Etats attachés à la démocratie
libérale et au pluralisme politique.
50 L'UE est une association politico-économique sui
generis de vingt-huit Etats européens qui délèguent ou
transmettent par traité l'exercice de certaines compétences
à des organes communautaires. L'Union Européenne a
été instituée par le traité de Maastricht en 1992
après celui de Rome de 1957 qui instituait une communauté
économique européenne. Elle est actuellement régie par le
traité de Lisbonne de 2009.
51 L'OSCE est la plus grande organisation
régionale au monde. Elle oeuvre en faveur de la stabilité, de la
paix, et de la démocratie pour plus d'un milliard de personnes par le
biais d'un dialogue politique autour des valeurs partagées et par des
activités concrètes sur le terrain. Elle compte 57 Etats membres
d'Amérique du nord, d'Europe et d'Asie. Sa création remonte
à 1973 sous le nom de Conférence sur la Sécurité et
la Coopération en Europe (CSCE) devenue OSCE en janvier 1995.
52
http://www.cvce.eu/viewer/-/content/4aa0bc88-cea9-902d-
a19e5bbf2c82/fr;jsessionid=A87D659CE54FEFBDACAFRD029B39B943F
19
nécessaires à la réalisation d'une
démocratie véritable53. Le respect de ces engagements
est une condition pour tout Etat désireux d'être membre du Conseil
de l'Europe54. En d'autres termes, leur violation peut entrainer le
retrait ou la suspension du Conseil. C'est ainsi qu'en Grèce lors de la
suppression de la légalité constitutionnelle et la
démocratie parlementaire en 1967, l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe a décidé, sur la base de
l'interprétation de l'article 3 du statut de la suspension de cet Etat
du Conseil. La Grèce s'est alors retirée en 1969 et ce n'est
qu'en 1974, jugée démocratique qu'elle a été
invitée à rejoindre le Conseil de nouveau55.
Etant consciente du lien intrinsèque entre
démocratie et droit de l'Homme, l'organisation s'est dotée
à partir de novembre 1950 de la Charte européenne des droits de
l'Homme (CEDH) qui entrera en vigueur en 1953. Afin de garantir le respect de
ce texte par les Etats membres, la Cour Européenne des Droits de l'Homme
a été créée en septembre 1959. C'est auprès
de cette Cour que les Européens peuvent introduire des recours s'ils
estiment qu'un Etat a enfreint à leur droit.
Dans le traité de Maastricht du 7 février 1992,
les chefs d'Etats et de gouvernement des douze Etats membres de l'Union
Européenne ont réaffirmé « leur attachement aux
principes de la liberté, de la démocratie et du respect des
droits de l'Homme, des libertés fondamentales et de l'Etat de droit
». L'article F du traité prévoit que « l'union
respecte l'identité nationale de ses Etats membres, dont les
systèmes de gouvernements sont fondés sur les principes
démocratiques ». L'engagement de l'Union pour la
démocratie a été réitéré dans
l'article J -1- qui prévoit que « Le développement et le
renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que le
respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales »
est l'un des objectifs de la politique étrangère et de la
sécurité commune des Etats de l'Union. Le traité de
Lisbonne adopté en 2009 qui se substitue au traité de
53 Article 3 de la Charte : « Tout membre du Conseil
de l'Europe reconnait le principe de la prééminence du droit et
le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction
doit jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il
s'engage à collaborer sincèrement et activement à la
poursuite du but défini au chapitre 1er ».
54 C'est ce qui ressort de la lecture des articles 4
et 5 de la Charte du Conseil de l'Europe.
55 BEIDEGER Yves, Le contrôle international des
élections, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J. 1994, p.93.
Cité par HAMROUNI Salwa, L'ONU et la démocratie,
mémoire de DEA en droit public et financier, Tunis, 1996.
https://www.memoireonline.com/07/08/1356/ml-onu-et-la-democratie0.html
Maastricht en plus d'apporter des modifications majeures aux
anciens traités, réitère l'attachement de l'organisation
à la gouvernance démocratique. Nous pouvons alors dire que la
démocratie est bel et bien prise en compte dans les textes du droit
international européen56.
Par ailleurs, le système juridique
interaméricain affiche également sa préférence pour
la démocratie. Ainsi, déjà dans le préambule de la
Charte adoptée le 30 avril 1948 à Bogota, le principe de la
démocratie est énoncé. Selon ce préambule, «
... le véritable sens de la solidarité américaine et
du bon voisinage ne peut se concevoir qu'en consolidant dans ce continent et
dans le cadre des institutions démocratiques, un régime de
liberté individuelle et de justice sociale basée sur le respect
des droits fondamentaux de l'Homme ». Cela est confirmé par
l'article 5d qui stipule que la solidarité des Etats américains
exige que leur organisation politique soit basée sur l'exercice effectif
de la démocratie représentative. Cette même option pour la
démocratie représentative a été
réitérée dans le protocole de Buenos Aires du 27
février 1967 en son article 3d. La Convention Américaine des
Droits de l'Homme (CADH) du 22 novembre 1969 adoptée à San
José et entrée en vigueur le 18 juillet 1978 vient
préciser dans son préambule et en son article 23 l'importance de
sauvegarder la démocratie à travers la préservation des
droits civils et politiques des individus. Le premier considérant du
préambule de la CADH prévoit que : « Réaffirmant
leur propos de consolider sur ce continent, dans le cadre des institutions
démocratiques, un régime de liberté individuelle et de
justice sociale, fondé sur le respect des droits fondamentaux de
l'Homme. ». La convention consacre un certain nombre de droits aux
individus qui sont nécessaires dans une démocratie: le droit
de
20
56 En qui concerne la Conférence sur la
sécurité et la Coopération en Europe devenue Organisation
pour la Sécurité et la Coopération en Europe, il faut
attendre les années 90 pour que l'organisation opte clairement et
explicitement pour le régime démocratique libéral. En
effet dans la Charte de Paris pour une nouvelle Europe adoptée le 21
novembre 1990 dans le cadre de la C. S.C.E, les Etats européens
déclarent : « il nous appartient aujourd'hui de réaliser
les espérances et les attentes que nos peuples ont nourri pendant des
décennies : un engagement indéfectible en faveur de la
démocratie fondée sur les droits de l'Homme et les
libertés fondamentales ». (Voir le texte de la Charte, in
R.U.D.H, 1990, pp. 490-495). Parlant des relations amicales entre les Etats,
les Etats partis à la Charte affirment : « Nos relations
reposeront sur notre adhésion commune aux valeurs démocratiques,
aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Nous sommes
convaincus que les progrès de la démocratie, ainsi que le respect
de l'exercice effectif des droits de l'homme sont indispensables au
renforcement de la paix et de la sécurité entre nos Etats
». La Charte de Paris a même consacré un paragraphe
spécial aux droits de l'Homme à la démocratie et à
l'Etat de droit dans lequel les Etats participants s'engagent «
à édifier consolider et raffermir la démocratie comme seul
système de gouvernement de leur nation. Ils considèrent que
« le gouvernement démocratique repose sur la volonté du
peuple, exprimée à intervalles régulière par des
élections libres et loyales »
participer aux gouvernements, directement ou à travers
des représentants librement élus, le droit de voter à des
élections libres et honnêtes et périodiques (article 23).
Pour s'assurer du respect des principes et intensifier les droits de l'Homme,
l'OEA a mis en place un système de protection et de contrôle du
respect des droits de l'Homme prévus par la CADH. Ainsi, la Commission
Interaméricaine des droits de l'Homme57 et la Cour
Interaméricaine des droits de l'Homme58 ont été
créées. L'option de l'OEA en faveur de la démocratie est
donc sans ambages et cette option a connu son point d'orgue à partir des
années 199059.
Notons ensuite que l'Asie et l'Afrique ne sont pas
restées en marge de cette nouvelle donne politique qu'est la gouvernance
démocratique. En effet, l'Organisation de l'Unité Africaine
créée en mai 1963 s'était déjà très
tôt constituée en son apôtre dans le continent. C'est
pourquoi à l'issue du sommet de l'OUA tenu à Addis-Abeba en
juillet 1990, les chefs d'Etats et de gouvernement ont proclamé leur
adhésion aux principes démocratiques tout en précisant que
chaque Etat reste libre de choisir la forme de
21
57 La Commission a toujours insisté sur le
lien entre droits de l'Homme et démocratie. Sa pratique s'est
développée par le biais de trois méthodes ; le
système de pétition (examen de plaintes ou de communication), le
système des rapports (rapport sur la situation concernant les droits de
l'Homme dans les Etats de la région), le système d'enquête
(missions d'observation). Voir Annual report of the interamericain commission
on Human Rights 1979-1980, Chapter VI,
OEA/Ser.L/V/II.50, Doc, 13 rev.12 October 1980.
58 La relation entre principes démocratiques
et droits de l'Homme a retenu également l'attention de la Cour
Interaméricaine des droits de l'Homme. A titre d'exemple, la Cour dans
son arrêt Baena Ricardo et autres c. Panama declare: «
therefore, in a democratic system it is necesary to intensify precautions in
order for such measures to be adopted with absolute respect for the basic
rights of individuals (...) ». Voir interamerican court of Human
Rights, Case of Baena-Ricardo et al. v. Panama, judgement of 02/2/2001.
Paragraphe 106. Cité par AYARI Zied, L'exigence démocratique
en droit international, mémoire de master2 en Droit international
public, Université Jean Moulin Lyon 3, 2012.
59 Ce sont les années quatre-vingt-dix qui vont marquer
le processus d'un véritable engagement démocratique de l'OEA.
D'abord avec la création de « l'Unité pour la promotion de
la démocratie » qui a la responsabilité d'offrir un
programme d'appui en faveur de la promotion de la démocratie (son action
doit être sollicitée par les Etats membres). Ces principales
activités concernent le renforcement des institutions
démocratiques, le renforcement des processus électoraux,
l'information et le dialogue. Voir RODRIGUES Maristela, le système
interaméricain et les principes démocratiques :
l'évolution de son engagement, Paris, l'Harmattan, 2009, pp. 77-
146.
Le 14 décembre 1992 a été adopté
le Protocole de Washington qui a ajouté l'article 9 à la Charte
de l'O.E.A prévoyant des sanctions à l'encontre de coups d'Etats
allant jusqu'à la suspension de l'Etat concerné de l'Organisation
si l'ordre constitutionnel n'est pas rétabli. La Déclaration de
Managua du 8 juin 1993 pour la promotion de la démocratie et le
développement reconnait la nécessité de développer
des dispositifs «qui promeuvent et renforcent intégralement le
système démocratique de gouvernement ». C'est dans ce
sens que le Protocole de Managua adopté par la XIXème session
spéciale de l'Assemblée générale le 10 juin 1993, a
envisagé des réformes structurelles dans l'OEA. Ainsi, le Conseil
interaméricain pour le développement intégré a pour
mission « le renforcement de la conscience civique des peuples
américains considéré comme l'un des éléments
fondamentaux de l'exercice effectif de la démocratie et du respect des
droits et des devoirs de la personne humaine ». Par ailleurs, la
Charte démocratique interaméricaine adoptée le 11
septembre 2011 traduit l'évolution de l'OEA dans le renforcement de la
démocratie en Amérique. Elle reconnait expressément le
droit à la démocratie. L'article 1 par. 1 de cette Charte
interaméricaine prévoit que : « Les peuples des
Amériques ont droit à la démocratie et leurs gouvernements
ont pour obligation de la promouvoir et de la défendre ».
démocratie qui correspond le mieux à ses
réalités 60 . Avec la naissance de l'UA, l'engagement
démocratique s'est affirmée avec plus d'acuité car dans
son acte constitutif61, elle affirme sa préférence
pour la démocratie en définissant ce qu'elle entend par
démocratie et en tentant de la faire accepter par tous les Etats
africains. L'adoption de la Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance en 2007 lors du 8è sommet de l'UA
à Addis-Abeba qui établit à la fois les principes
politiques et juridiques d'un système démocratique est une action
qui vise à étaler les valeurs démocratiques que tout Etat
membre de l'Union est tenu de préserver.
Face à cette nouvelle donne politique partagée
et défendue dans la plupart des organisations régionales, la
réorientation politique de la Francophonie devint irréversible
sous peine qu'elle devienne anachronique par rapport aux défis de son
temps.
Paragraphe 2 : Une irréversible rénovation
des objectifs
L'insertion des objectifs politiques dans l'agenda de l'OIF
n'est pas une génération spontanée. S'il est vrai que les
chefs d'Etat et de Gouvernement manifestaient depuis fort longtemps le
désir de voir l'organisation s'intéresser aux questions
préoccupantes des Etats (en occurrence la technique, l'économie
l'éducation mais aussi la gouvernance politique), il faut cependant
reconnaitre que sa métamorphose politique dans un cadre purement formel
s'est construite dans le temps. Il convient alors de s'intéresser aux
péripéties qui ont conduit à son engagement politique (A)
avant de se pencher sur son véritable envol vers l'édification
d'une doctrine en matière de démocratie (B).
A- Une longue marche vers l'engagement politique
Les efforts du Président Léopold Sédar
Senghor et de ses pairs62 visant à mettre en place un
regroupement commun francophone a d'abord pris corps avec la création
d'une organisation restreinte : l'organisation Commune Africaine et Malgache
(OCAM).
60 La déclaration des chefs d'Etat et de
gouvernement de l'OUA de 1990 sur la situation politique et
socio-économique en Afrique et les changements fondamentaux intervenus
dans le monde ainsi que la déclaration de Lomé de 2000 sur une
réaction de l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de
gouvernements jettent les bases d'un engagement démocratique de
l'OUA.
61 Article 3.g de l'acte constitutif de l'UA.
22
62 Le projet francophone a été
l'oeuvre de quatre chefs d'Etat : Léopold Sédar Senghor du
Sénégal, Hamani Diori du Niger, Habib Bourguiba de la Tunisie et
le Prince Norodom Shinahouk du Cambodge.
Ensuite, l'idée de création d'une organisation
de promotion de la langue française va davantage se concrétiser
par la mise en place de l'ACCT.
Dans sa Charte constitutive, on peut lire à l'article
1er relatif aux objectifs : « l'Agence a pour fin
essentielle l'affirmation et le développement entre ses membres d'une
coopération multilatérale dans les domaines ressortissant
à l'éducation, à la culture, aux sciences et aux
techniques, et par là au rapprochement des peuples. Elle exerce son
action dans le respect absolu de la souveraineté des Etats, des langues
et des cultures, et observe la plus stricte neutralité dans les
questions d'ordre idéologique et politique ». Il ressort de
cette disposition que l'ACCT n'affiche aucun objectif politique ni
idéologique et qu'elle ne s'occupe que des questions linguistiques,
culturelles et techniques 63 . Pourtant, la pratique interne de
l'organisation elle-même démentit l'étroitesse des
objectifs prioritaires affichés dans sa Charte constitutive.
En effet, les rivalités politiques à fondement
linguistiques et culturels internes entre certains de ses membres64,
les dynamiques des relations internationales déjà à partir
des années 80, ainsi que des problèmes de gouvernance politique
remarquables dans les Etats d'Afrique francophone ont conduit l'Agence à
introduire implicitement des questions idéologiques et politiques dans
sa feuille de route. L'organisation internationale intergouvernementale est
passée alors du principalement technique et culturel à
l'essentiellement politique et idéologique.
A cet effet, l'orientation et le contenu des « actes des
conférences des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le
français en partage », notamment à partir de 1990, exprime
sans aucune ambigüité l'ambition d'affirmer une opinion politique
francophone
63 Les premiers Sommets organisés sous
l'égide de l'ACCT le témoignent. Au premier Sommet de l'ACCT en
1986, les domaines essentiels de la coopération multilatérale
concernaient : le développement (agriculture et énergie), les
industries de la culture et de la communication, les industries de la langue,
l'information scientifique, le développement technologique, y compris la
recherche. Au Sommet de Québec de 1987, il s'agissait de l'agriculture,
l'énergie, la culture et les communications, l'information scientifique
et le développement : les industries de langue. Le 3e Sommet
de 1989 consacre son agenda aux questions liées à
l'éducation et à la formation, qualifiée de « domaine
stratégique d'intervention ».
23
64 Il s'agit des rivalités entre le Canada
et sa province du Québec, persistantes tout au long du processus de
création et de fonctionnement des organisations intergouvernementales
francophones qui n'ont jamais trouvé de solutions satisfaisantes. Ces
rivalités ont continué après la création de la
première institution intergouvernementale francophone (ACCT) et cette
fois ci entre la France et le Canada. Voir TOLDE Ngarlem, La Francophonie
et la résolution des conflits : réflexion sur la notion de
tiers, thèse de doctorat, Université Jean Moulin (Lyon 3),
2012, p.52.
sur la scène internationale. Aussi, indiquent-ils la
volonté de donner une nouvelle orientation à la jeune
organisation créée. Sur ce point, si les trois premiers sommets
organisés sous la coupole de l'ACCT ont traité essentiellement
des questions culturelles et techniques, il faut reconnaitre qu'à partir
de 1991, la dimension politique a commencé par s'affirmer clairement.
Ainsi, déjà au sommet de Dakar en 1989, une résolution
portant sur les droits fondamentaux dans l'espace francophone sera
adoptée, ainsi que la décision portant création d'un
nouveau champ de coopération, la coopération juridique et
judiciaire.
Avec cet élargissement tacite des missions de
l'organisation, les organes de l'ACCT vont s'investir à partir de 1990
dans l'accompagnement des processus de retour au pluralisme et de l'Etat de
droit dans l'ensemble des Etats membres et plus particulièrement ceux de
l'Afrique avec l'action du nouveau Secrétaire de l'ACCT Monsieur Jean
Louis Roy65. Cet accompagnement concerne principalement la tenue des
consultations électorales pluralistes66 qui ont
symbolisé la rupture avec les systèmes mono-partisans, la mise en
place des institutions de l'Etat de droit, judiciaires, mais aussi celles de
contrôle, de régulation et de médiation, la promotion et la
défense des droits de l'Homme67.
Toutefois, ces efforts quand bien même louables n'ont
pas pu empêcher certains blocages institutionnels et politiques au niveau
de certains Etats de l'Afrique noire francophone. Il s'agit par exemple des
élections contestées au Togo en 1993, ayant entrainé la
suspension de la coopération entre ce pays et l'Union Européenne,
le coup d'Etat orchestré au Mali en 1991 par Amadou Toumani Touré
contre le président Moussa
65 A la tête de l'ACCT plusieurs
secrétaires se sont succédés avant que l'on assiste
à un élargissement exprès des missions du
secrétariat général. Il s'agit par exemple de Jean Marc
Léger, secrétaire général de 1970 à 1981,
François Owono Nguema (19861989), Paul Okwatsegue, Jean Louis Roy (1990-
1997).
66 Sous l'égide de l'ACCT, des textes ont
été adoptés pour régir les nouvelles missions de
l'organisation : il s'agit de Principes Directeurs régissant
l'observation des élections adoptés en 1992, puis
révisés en 1996, Déclaration et plan d'action du Caire
adopté par les ministres francophones en 1999 etc. L'agence s'est
dotée aussi de mécanismes appropriés pour répondre
à ses objectifs (plan d'action pour la justice, mission d'observation
des élections, concertation entre francophones à l'occasion des
conférences internationales comme la conférence mondiale sur les
droits de l'Homme, à Viennes en 1993 ou comme la conférence
mondiale sur les femmes, à Pékin, en 1995).
24
67 DESSOUCHES Christine, « Médiation et Francophonie
», in Vettovaglia Jean Pierre (sous-dir), Médiation et
facilitation dans l'espace francophone, éd Bruylant, Bruxelles,
2010, p.280. Cité par TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la
résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers,
op.cit., p.56.
Traoré, le coup de force perpétré en 1996
par M. Baré Mainassara au Niger, pour ne citer que ces exemples. Ces
situations ont incité davantage les représentants des chefs
d'Etat et de Gouvernement à réfléchir dès 1995 sur
la possibilité de la mise en place d'un comité de
réflexion sur le renforcement de la Francophonie. Les travaux de ce
comité devraient aboutir à la mise en place d'un nouveau
dispositif de la Francophonie structuré autour du changement de
l'appellation ACCT devenant « agence de la Francophonie » et de la
création d'un poste de Secrétariat Général de la
Francophonie68.
L'enthousiasme des hauts responsables présents à
ce sommet de 199569 de donner une réelle orientation
politique à la Francophonie est symptomatique de la qualité des
discours tenus par eux. L'occasion de ce Sommet a été saisie pour
condamner le terrorisme sous toutes ses formes ainsi que « toute
tentative de remise en cause des processus de démocratisation, de
déstabilisation des régimes légalement constitués
et toute occupation du territoire par la force ».
On voit très bien que la marche de la Francophonie vers
l'affirmation de sa dimension politique se dessine au fil des Sommets. Mais il
s'agit jusqu'à présent d'une volonté politique non
traduite dans les textes. C'est pourquoi les prochains sommets vont servi de
creuset pour une véritable métamorphose de la Francophonie
politique dans son engagement en faveur de la démocratie et la paix.
B- Un aboutissement décisif
Les négociations engagées au sommet de Cotonou
en 1995 ont atteint leur point d'orgue en 1997 à Hanoi.
En effet, à l'occasion de ce sommet, la Charte de
l'Agence de la Francophonie a été révisée en
créant un poste de Secrétariat Général investi
d'importantes prérogatives
68 TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la résolution des
conflits : réflexion sur la notion de tiers, article
précité., p.56.
25
69 Selon Emile Derlin Zinsou dans son rapport au sommet en
qualité de Président du CPF, « La Francophonie peut, en
se référant à ses valeurs, être un acteur essentiel
dans certaines médiations. Mais elle devrait d'abord, pour ce faire, se
doter d'instruments indispensables, de manière à être
éclairée en permanence par une observation attentive de
l'évolution des situations qui lui permette de déceler les
risques de conflits. Il s'agit de renforcer la capacité de
réaction de la Francophonie, de manière à faciliter sa
mobilisation immédiate en cas de crise ». Voir TOLDE Ngarlem,
La Francophonie et la résolution des conflits : réflexion sur
la notion de tiers, thèse de doctorat, op.cit., p.58.
26
politiques en matière d'accompagnement
démocratique. Selon l'article 7 de cette Charte révisée,
« En cas d'urgence, le Secrétariat Général saisit
le CPF et, compte tenu de la gravité de la situation, le
président de la Conférence ministérielle, des situations
de crise et de conflits dans lesquels les membres peuvent être ou sont
impliqués. Il propose des mesures spécifiques pour leur
prévention, éventuellement en collaboration avec d'autres
organisations internationales ». « Les instances de la
Francophonie donnent au Secrétaire Général des
délégations générales de pouvoir, qui
découlent de son statut et qui sont liées aux exigences de sa
fonction. Notamment le Secrétaire Général décide de
l'envoi d'une mission d'exploration. Il propose au CPF l'envoi d'une mission
d'observation d'élections. Il en rend compte »70.
Le secrétaire Général Boutros Boutros Ghali va
dès lors sur la base de son expérience aux Nations Unies donner
une impulsion décisive à ce nouvel engagement de l'organisation
au service de la paix et de la démocratie. Ainsi, lors de sa
première intervention en qualité de représentant officiel
de la Francophonie, Boutros Ghali estime que : « la Francophonie doit
être un creuset de solidarité et de
générosité. Elle doit se traduire- et c'est bien le sens
de l'élection aujourd'hui- par un véritable programme d'action.
Ce programme, je le souhaite, d'abord, au service de la paix. Je suis
persuadé que la Francophonie peut déployer, à cet
égard, une diplomatie de conciliation, une diplomatie de
médiation de manière à ce que se renforcent les liens
pacifiques entre tous les membres de notre communauté et avec le reste
du monde »71.
Le plan d'action adopté à Hanoi au cours de ce
sommet par les chefs d'Etat et de Gouvernement donnait des prérogatives
politiques au Secrétaire Général qu'il devra mettre au
service de la paix et la démocratie. L'article 4 invitait en effet le
Secrétaire Général à « développer
les initiatives politiques susceptibles de contribuer au règlement
pacifique des conflits en cours, par le canal des opérateurs directs et
reconnus des
70 DESSOUCHES Christine, « Médiation et
Francophonie », Vettovaglia Jean Pierre (sous dir), in
Médiation et Francophonie dans l'espace francophone, p.280.
Cité par TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la résolution des
conflits : réflexion sur la notion de tiers, article
précité., p.60.
71 Ibidem.
Sommets et d'autres acteurs de la Francophonie
»72. Aussi, convaincus des avantages du système de
la sécurité collective, les chefs d'Etat et de gouvernement
invitèrent le Secrétaire Général à
« intensifier la coopération avec les organismes internationaux
et régionaux oeuvrant, notamment, dans le domaine des droits de l'Homme
»73.
Dès lors, la Francophonie longtemps cantonnée
à ses activités culturelles va « multiplier et
étendre ses réseaux d'influence pour renforcer ses
capacités d'action dans les lieux où elle peut influer sur les
enjeux diplomatiques déterminant la marche du
monde»74.
C'est ainsi que sa charte de 1997 adoptée à
Hanoi au Vietnam a été révisée en 2005 à
Antananarivo par la Conférence ministérielle afin «de
renforcer la Francophonie, la rendre plus dynamique, plus cohérente et
plus visible»75. Cette Charte a le mérite de donner
une touche politique aux missions du Secrétaire Général
qui devient désormais une personnalité centrale dans
l'accompagnement démocratique de l'organisation. Dorénavant, les
instances supérieures de la Francophonie sont appelées à
établir progressivement une doctrine francophone d'engagement pour la
démocratie, la paix et la sécurité en utilisant les
sommets francophones comme « une tribune privilégiée de
l'élaboration de stratégies francophones sur les enjeux
présentant un caractère prioritaire pour le devenir commun de
tous les membres d'une communauté regroupant des Etats appartenant aux
cinq continents»76.
Par ailleurs, la Francophonie se réclamant
désormais comme une actrice de plein droit des relations internationales
ne pouvait pas mener ses actions isolément. Il s'agit dans ses nouveaux
objectifs d'agir en synergie avec l'ONU et les autres organisations
régionales oeuvrant pour la démocratie, la paix et la
sécurité. L'article 9 alinéa 6 de la
72 OIF, Plan d'action de Hanoi, article 4.
73 Ibidem.
74 MOBE Fansiama, « Pour que l'intelligence critique
donne un sens au cinquantenaire des indépendances africaines»,
in MOBE Fansiama (dir.), 50 ans d'indépendance en Afrique
francophone, l'année Francophone internationale 2010-2011, p.
324.
75 DIOUF Abdou, Discours lors de la séance d'ouverture
de la conférence ministérielle de la Francophonie à
Antananarivo à Madagascar les 22 et 23 Novembre 2005.
27
76 CHABI Basile, l'OIF et la résolution des
conflits en Afrique noire francophone, mémoire de master,
Université d'Abomey-Calavi, 2014, p.19.
Charte de 2005 dispose que «L'OIF collabore avec les
diverses organisations internationales et régionales sur la base des
principes et des formes de coopération multilatérales
reconnues». Il en résulte alors que l'OIF «devient
acteur dans le système des relations internationales et ajuste son
agenda qu'elle veut commun à tous ses membres au plus près des
réalités de la gouvernance mondiale»77.
Engagée dans cette droite ligne d'actrice politique
privilégiée aux cotés des Etats membres, la Francophonie
va construire progressivement sa doctrine en mettant en place un dispositif
institutionnel de soutien à la démocratie et à la paix.
Section 2 : La conception d'un dispositif
institutionnel en matière de démocratie
La nouvelle impulsion donnée à l'OIF depuis le
sommet de Hanoi en 1997 qui a été sanctionné par la mise
en place d'un Secrétariat Général, ne pouvait se confirmer
sans la rénovation normative et institutionnelle de l'organisation. Dans
cet ordre d'idées, l'OIF s'est employée non seulement à
rénover ses textes fondamentaux de manière à les adapter
à ses nouvelles missions, mais elle a aussi davantage mis en oeuvre sa
fonction normative en adoptant de nouveaux textes qui constituent le creuset de
la démocratie au sein de la Francophonie (paragraphe1).
Aussi, faut-il ajouter qu'au-delà des textes, des institutions
ont été créées afin d'affirmer la dimension
politique de la Francophonie (paragraphe2).
Paragraphe 1 : L'adoption de textes ambitieux.
Dans le souci d'être une actrice
privilégiée pour l'éclosion démocratique de ses
Etats membres, l'OIF a procédé d'abord à la
rénovation de sa Charte (A). Ensuite elle a
renforcé cet instrument avec l'adoption de deux textes fondamentaux : la
Déclaration de Bamako et la Déclaration de Saint Boniface (B).
28
77 MAILA Joseph, « la notion de crise en Francophonie :
entre dispositif normatif et traitement politique », La Revue
Internationale des Mondes Francophones, n°2, Printemps 2010, p.37.
A- Une Charte rénovée
Depuis la conférence fondatrice de Niamey en 1970, la
Francophonie multilatérale a progressé par étapes. Son
essor a suscité un développement des activités qu'il
devenait nécessaire de rationaliser pour mieux concentrer ses moyens. De
ce point de vue, la première démarche pour la
concrétisation du projet de la Francophonie politique passe par
l'adoption d'une charte. En 1995, à Cotonou (Bénin), moins de dix
ans après le 1er Sommet de la Francophonie réuni
à Versailles (France) en 1986, la Conférence des chefs
d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage
décide de donner à la Francophonie sa pleine dimension politique
en créant la fonction de Secrétaire Général,
appelé à devenir la «clé de voûte du
système institutionnel francophone». En 1997, à Hanoi
(Vietnam), le VIIè Sommet adopte la première Charte de
la Francophonie et élit le premier Secrétaire
Général, M. Boutros Boutros-Ghali (1997-2002).
Afin de donner amplement à l'organisation les moyens de
ses actions, une rénovation de la Charte de Hanoi a été
engagée. A ce propos, le nouveau Secrétaire Général
Abdou Diouf, élu en 2002 rappelait dans son discours lors de la
séance d'ouverture de la Conférence ministérielle de la
Francophonie, réunie à Antananarivo (Madagascar) les 22 et 23
novembre 2005 que: «préparer l'avenir, renforcer la
Francophonie, la rendre plus dynamique, plus cohérente et plus visible :
voilà ce que nos chefs d'État et de gouvernement nous avaient
demandé à Ouagadougou. Pour y parvenir dans les meilleures
conditions, ils nous ont demandé de parachever la réforme
institutionnelle décidée lors des Sommets de Cotonou et de Hanoi
et nous ont donné en particulier le mandat de mieux fonder juridiquement
l'Organisation internationale de la Francophonie et de mieux définir le
cadre d'exercice des attributions du Secrétaire
général»78. La Charte révisée
de la Francophonie adoptée à l'issue de cette
conférence, «met en place un nouveau dispositif institutionnel
qui simplifie et rationalise
29
78 DIOUF Abdou, discours lors de la séance d'ouverture de
la conférence ministérielle de la Francophonie à
Antananarivo au Madagascar les 22 et 23 novembre 2005.
les structures et les modes de fonctionnement de la
Francophonie multilatérale»79. Cette réforme
est le résultat de la volonté constante des chefs d'Etat et de
gouvernement de mieux organiser la communauté francophone et de
valoriser sa place dans les relations internationales.
Le préambule de cette nouvelle Charte précise
que les chefs d'État et de gouvernement, réunis en sommet
à Ouagadougou en 2004, «ont pris la décision de
parachever la réforme institutionnelle afin de mieux fonder la
personnalité juridique de l'Organisation internationale de la
Francophonie et de préciser le cadre d'exercice des attributions du
Secrétaire Général». Elle institue80
donc une seule et même organisation et « donne à l'Agence
de coopération culturelle et technique, devenue Agence de la
Francophonie, l'appellation d'Organisation internationale de la
Francophonie». Dans la mesure où, «le resserrement du
dispositif institutionnel francophone est un aspect important de la
réforme et le gage d'une exécution plus cohérente et plus
efficace des décisions prises par les instances de la
Francophonie», la nouvelle Charte de la Francophonie reconnaît
trois instances : la Conférence des chefs d'État et de
gouvernement des pays ayant le français en partage, la Conférence
ministérielle de la Francophonie (CMF) et le Conseil permanent de la
Francophonie (CPF). Cette réforme institutionnelle initiée
à Antananarivo a été ainsi qualifiée comme
« un puissant adjuvant pour décupler et faciliter les
interventions de l'organisation, en particulier dans le secteur politique, en
général et plus précisément dans celui
afférent aux initiatives de paix»81.
Toutefois, cette avancée reste incomplète sans
la construction d'une véritable doctrine francophone de la
démocratie et de la paix. C'est ce qui explique les multiples
négociations engagées par les Ministres et chefs de
délégation des Etats et
79 Rapport du Secrétaire Général de la
Francophonie (2004-2006), une Francophonie modernisée, p.124.
80 Ibidem, p.124.
30
81 NGARLEM Toldé, La Francophonie et la
résolution des conflits: réflexion sur la notion de tiers,
Lyon, Université Jean Moulin (Lyon 3), thèse de doctorat soutenue
le 20 décembre 2012, p.69. La nouvelle Charte issue des travaux de la
Conférence ministérielle de Antananarivo de novembre 2005,
mettait fin à la dyarchie institutionnelle que la Charte de Hanoi avait
laissé subsister. Car, en dépit de la création d'un poste
de Secrétaire Général de la Francophonie, assisté
d'un Conseil Permanent de La Francophonie, subsistait toujours l'ACCT, devenue
Agence de la Francophonie, qui sera rebaptisée AIF lors du Sommet de
Hanoi en 1997 puis OIF en 2005, seule disposant de la personnalité
juridique internationale sur la base de sa convention constitutive.
Gouvernements des pays ayant le français en partage et
qui ont abouti à l'adoption des déclarations de Bamako et de
Saint Boniface.
B- Une Charte confortée par deux
déclarations laborieuses
La Déclaration de Bamako reste sans doute le premier
instrument de référence qui organise le système
démocratique dans l'espace francophone. Adoptée à Bamako
en 2000 lors du symposium international sur la démocratie, les droits de
l'homme et les libertés dans l'espace francophone, elle est devenue le
texte principal et le cadre normatif de l'action politique de la Francophonie
et a acquis une référence internationale. L'originalité de
ce texte réside dans le fait qu'elle s'organise tout entière
autour de la démocratie. Comme le rappelait fréquemment le
premier Secrétaire Général de la Francophonie, M. Boutros
Boutros Ghali, la déclaration de Bamako est le seul texte de
portée internationale consacré expressément à la
démocratie. Sa particularité est qu'elle est
conçue de manière à réagir à tout agissement
qui pourrait mettre en péril la démocratie et la paix. Autrement
dit, elle privilégie la prévention à l'action au moyen de
l'observation et de l'alerte précoce. Ainsi, selon Abdou Diouf,
«elle structure depuis 2000, les actions au service de la
démocratie et de la paix, et nous permet de jouer pleinement notre
rôle dans l'observation, l'alerte précoce, la diplomatie
préventive, la gestion de crises, l'accompagnement des transitions et la
consolidation de la paix, en collaboration systématique avec les
organisations internationales et régionales»82.
La déclaration comporte cinq chapitres bien
structurés en vue d'une organisation et d'une action progressive et
croissante des instances de la Francophonie pour la protection et la sauvegarde
de la démocratie dans l'espace francophone. Dans le mode d'organisation
qu'elle prévoit, la Francophonie n'impose pas un modèle unique de
la démocratie pour ses Etats membres. Le libre choix est donné
aux Etats de s'organiser démocratiquement en prenant en compte leurs
propres spécificités. Ainsi, selon la lettre de l'article 3,2
« pour la Francophonie, il n'y a pas de mode d'organisation unique de
la démocratie et que, dans le respect des principes universels, les
formes d'expression de la démocratie doivent
31
82 DIOUF Abdou, Passion francophone : Discours et
interventions 2003-2004, Bruxelles, Bruylant, 2010, p.14.
s'inscrire dans les réalités et
spécificités historiques, culturelles de chaque peuple».
Cet article convient au principe du respect de la différence et de
l'égalité car en principe, « il n'y a pas dans l'Etat de
droit démocratique de modèle : il y a des principes ce qui n'est
pas toujours la même chose. Il n'y a pas, pour parvenir à l'Etat
de droit démocratique, de recettes : il y a des expériences, avec
des conséquences que l'histoire a permis de
dégager.»83
Par ailleurs, le mécanisme d'action prévu dans
cette déclaration pour réagir à tout heurt de la
démocratie est très précis. En effet, « face
à une crise de la démocratie ou en cas de violations graves des
droits de l'Homme, les instances de la Francophonie se saisissent (...) de la
question afin de prendre toute initiative destinée à
prévenir leur aggravation et à contribuer à un
règlement. A cet effet, le Secrétaire Général
propose des mesures spécifiques : il peut procéder à
l'envoi d'un facilitateur susceptible de contribuer à rechercher de
solutions consensuelles»84.
Dans le chapitre 5, 3, est prévu « un
mécanisme de suivi articulé autour, d'une part, d'un dispositif
d'observation et d'évaluation permanente, et d'autre part, d'un
système de réaction collective, en particulier en cas de
violations graves ou massives des droits de l'Homme, de crise ou de rupture de
la démocratie, et ce, en privilégiant la démarche
préventive, par l'alerte précoce ainsi que le soutien aux efforts
nationaux grâce à une coopération
régulièrement
réactualisée»85.
La mise en oeuvre croissante de ce dispositif sous les
commandes du Secrétaire Général constitue un
véritable levier de maintien du vent démocratique dans l'espace
francophone. Son efficacité amène Abdou Diouf à affirmer
que « la Francophonie a acquis aujourd'hui une expérience et un
savoir-faire dans le règlement des crises et des conflits comme dans
l'accompagnement des processus de sortie de crise et de
transition»86.
83 BADINTER Robert, Quelques réflexions sur l'Etat
de droit en Afrique, in l'Afrique en transition vers le pluralisme
politique, Paris, Economica 1993, p.9.
84 OIF, Déclaration de Bamako, Ouagadougou, 3 /10/2000,
Chapitre V, 2.
85Ibidem, chapitre V, 3
32
86DIOUF Abdou, Passion francophone : Discours et
interventions 2003-2004, article précité., p.236.
33
Toutefois, consciente que le rayonnement démocratique
d'un Etat dépend intimement de l'environnement politique dans lequel la
démocratie s'épanouit (qui doit être un espace où la
sécurité humaine est assurée), la Francophonie ne s'est
pas limitée à la déclaration de Bamako. Dans le but
d'assurer une plus grande protection de l'individu, acteur de la
démocratie, la Déclaration de Saint Boniface a été
adoptée par la Conférence Ministérielle le 14 mai 2006 en
vue de conforter la déclaration de Bamako. Elle constitue après
la déclaration de Bamako, le texte de référence de
l'engagement politique de la Francophonie. La conclusion de ce texte dans le
cadre de la Francophonie est la conséquence de la remarque
générale que «depuis la fin de la guerre froide, la
sécurité des Etats s'est améliorée, alors que celle
d'une grande partie de la population mondiale s'est
détériorée»87. Il en ressort alors
que la sécurité des individus n'est pas tributaire de la
sécurité des Etats, ce qui explique alors la
nécessité de la mise en place d'un instrument de
préservation de l'individu.
Par l'adoption de ce texte de portée sécuritaire
dans l'espace francophone, l'OIF confirme son adhésion au principe de la
« responsabilité de protéger », telle
énoncée dans le préambule de la Déclaration. Elle
traduit qu'il incombe aux Etats de protéger leur population mais
«lorsqu'un Etat n'est pas en mesure ou n'est pas disposé
à exercer cette responsabilité ou qu'il est lui-même
responsable de violations massives des droits de l'Homme et du droit
international Humanitaire ou de la sécurité, la communauté
internationale a la responsabilité de réagir pour protéger
les populations qui en sont victimes, en conformité avec les normes du
droit international selon un mandat précis et explicité du
Conseil de Sécurité des Nations Unies»88. La
déclaration de Saint Boniface met donc en exergue la coopération
multilatérale dans la recherche de solutions aux exactions commises sur
les individus.
87 MARCLAY Eric, La responsabilité de protéger
: un nouveau paradigme ou une boite à outils?, Etude Raoul
Dandurand, n°10, Chaire Raoul Dandurand, Etudes Stratégiques et
diplomatiques, novembre 2005, p.10.
88 Document final du Sommet des Chefs d'Etat et de
Gouvernement ayant le français en
partage.
www.francophonie .org/IMG/.../adhésion_bucarest_2006.
pdf. Cité par SODOKIN Atsou Koffigan, Contribution de l'OIF au
droit international de la démocratie, mémoire de DEA, UAC,
2011.
Dans sa phase opérationnelle, la responsabilité
de protéger comporte trois phases : la responsabilité de
prévenir, la responsabilité de réagir, la
responsabilité de reconstruire.
Dans sa structure, la déclaration fait
référence à la protection des populations civiles, des
enfants enrôlés dans les guerres (article33), des enfants (article
36), des jeunes (article37), des réfugiés et des
déplacés, des femmes (article 35 et 37) ; des défenseurs
des droits de l'Homme (article31), des réfugiés (article28), des
personnes déplacées (article 29).
Paragraphe 2 : L'érection d'institutions aux
dimensions politiques affirmées
La volonté déterminante affichée par les
Chefs d'Etat et de Gouvernement de donner une dimension politique à la
Francophonie ne s'est pas limitée à la rénovation de son
cadre normatif. Ces derniers ont vu en effet la nécessité de
doter l'organisation d'institutions politiques susceptibles de renforcer la
visibilité et l'action de la Francophonie comme un nouvel intervenant
sur la scène internationale89. C'est ainsi que lors du Sommet
de Hanoi en 1997, un poste de Secrétaire Général
doté de missions centrales a été mis en place(B). Le
Secrétariat Général bénéficie à son
tour du concours et de l'apport de l'Assemblée parlementaire Francophone
(B).
A- Un Secrétaire Général investi
de missions politiques
Tenu à Hanoi au Vietnam du 12 au 15 novembre 1997, le
sommet de Hanoi adopte la charte de la Francophonie préparée par
la CMF à Marrakech. Cette charte consacre en son article premier au
titre des objectifs prioritaires de la Francophonie, « les liens que
crée entre ses membres le partage de la langue française et
souhaitant les utiliser au service de la paix, de la coopération et du
développement a pour objectifs d'aider : à l'instauration et au
développement de la démocratie, à la prévention des
conflits et au soutien à l'Etat de droit et aux droits de l'homme ;
à l'intensification du dialogue des cultures et des civilisations ; au
rapprochement des peuples par leur connaissance
34
89 MASSART-PIERARD Françoise, « La
Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale »,
Revue Internationale de Politique Comparée, vol.14, n°1,
2007.
35
mutuelle ; au renforcement de leur solidarité par
des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser
l'essor de leurs économies. La Francophonie respecte la
souveraineté des Etats, leurs langues et leurs cultures. Elle observe la
plus stricte neutralité dans les questions de politique
intérieure »90.
Les objectifs ainsi cités seraient d'une totale
vanité sans l'existence d'une institution dotée de mandat
d'exécution à même de les réaliser.
La charte assure ainsi la création d'un poste de
Secrétaire Général de la Francophonie investi de fonctions
politiques et dont l'article 7 précise que « le
Secrétaire général est le porte-parole politique et le
représentant officiel de la Francophonie au niveau international. Il
exerce ses prérogatives dans le respect de celles du président en
exercice du sommet, et du président de la Conférence
ministérielle. En cas d'urgence, le Secrétaire
général saisit le Conseil Permanent et, compte tenu de la
gravité des évènements, le Président de la
Conférence ministérielle, des situations de crise ou de conflit
dans lesquelles des membres peuvent être ou sont impliqués. Il
propose les mesures spécifiques pour leur prévention,
éventuellement en collaboration avec d'autres organisations
internationales»91. Les instances de la Francophonie
donnent au Secrétaire Général des
délégations générales de pouvoirs qui
découlent de son statut et qui sont liées aux exigences de sa
fonction. Le Secrétaire Général décide de l'envoi
de missions exploratoires. Il propose au CPF l'envoi de missions d'observation
d'élections. Il en rend compte. Le Secrétaire
Général fait rapport au sommet de l'exécution de son
mandat, conformément aux dispositions de l'article 3. En plus, le Plan
d'action du sommet de Hanoi en son article 4 précisait également
le mandat confié par les chefs d'Etat et de Gouvernements au
Secrétaire Général de «développer les
initiatives politiques susceptibles de contribuer au règlement pacifique
des conflits en cours, par le canal des opérateurs directs et reconnus
des sommets et autres acteurs de la Francophonie d'intensifier la
coopération avec les organismes régionaux et internationaux
oeuvrant
90 Article 1er de la charte de la Francophonie.
91 Article 7 de la Charte.
notamment dans le domaine des droits de l'Homme
»92. Ce plan d'action confie en outre au Secrétaire
Général « la mission de contribuer, par l'entremise des
instruments de l'Agence mis à disposition, à cet effet, à
la consolidation de l'Etat de droit et du processus démocratique
»93.
Il en résulte alors que le Secrétaire
Général, clé de voûte du dispositif institutionnel
de la Francophonie, est l'une des institutions centrales de la Francophonie.
Tel que le confirme le Professeur Françoise Massart-Pierard, le
Secrétaire Général de l'OIF «apparait de toute
évidence dans une position de centralité au sein de la
Francophonie»94. Il est le plus haut responsable de
l'Organisation internationale de la Francophonie, dirige le corps diplomatique
dont il est le chef et «est le garant de la conformité des
actions aux textes de référence et aux valeurs partagées.
Il favorise la cohérence politique des positions et des interventions,
et accroit leur visibilité et leur
impact»95. Le Secrétaire
Général conduit l'action politique de la Francophonie, dont il
est le porte-parole et le représentant officiel au niveau international.
En raison de l'importance et de la délicatesse des missions politiques
qui lui sont conférées, il s'avère nécessaire que
le Secrétaire Général soit assisté dans son
rôle, d'où l'implication de l'Assemblée Parlementaire de la
Francophonie.
B- Un Secrétariat Général
suppléé par l'Assemblée Parlementaire de la
Francophonie
Le Secrétaire Général de la Francophonie
ne saurait à lui seul conduire les actions politiques de la
Francophonie. Dans cette tâche combien immense et délicate, une
synergie d'action est entretenue au sein des différentes institutions
qui composent la Francophonie. L'apport de l'APF dans ce sens est significatif
dans la mesure où la Charte de la Francophonie lui donne une fonction
consultative au service de l'organisation. De ce
92 Article 4, al 1er du plan d'Action du Sommet de
Hanoi, adopté par la VIIe Conférence des chefs d'Etat
et de gouvernement des pays ayant le français en partage, Hanoi, 1997,
p.2.
93Ibidem.
94 MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie,
un nouvel intervenant sur la scène internationale », article
précité. Cité par CHABI Basile, L'OIF et la
résolution des conflits en Afrique noire francophone, mémoire
précité., p.14.
36
95 SADA Hugo, « La reconstruction de la Francophonie par
le politique», in BAKAYOKO Niagalé et RAMEL
Frédéric (dir), « Francophonie et profondeur
stratégique », n°26, Paris, IRSEM, 2013, p. 25.
point de vue, son action politique consiste à adopter
des résolutions sur des questions intéressant la
communauté francophone, en particulier dans le domaine politique et
prendre des positions sur des événements survenant dans son
espace, notamment lors des crises politiques. Elle constitue donc le lien
démocratique entre les peuples et la Francophonie. Ainsi, elle a
suspendu le Mali au mois d'avril 2012 lors du coup d'Etat militaire du 21 mars
201296. Sa grande implication dans le processus politique de la
démocratisation a fait dire à Jacques Legendre, ancien
Secrétaire Général parlementaire de l'APF, qu'elle est
« vigie de la démocratie» et en tant que « Vigie de
la démocratie », «l'APF suit avec une grande attention les
situations de crises dans l'espace francophone, travail effectué par sa
commission politique. Sensible aux différents événements
qui ont secoué l'espace francophone dans les dernières
années, l'APF tente de compléter par une dimension parlementaire
le travail actif mené par l'OIF»97. Ce parlement
des parlements de la Francophonie exerce un rôle qui ne saurait
être subsidiaire. Ainsi, selon Jacques Legendre, « ce rôle
que nous attribuent les acteurs de la Francophonie institutionnelle nous
confère une responsabilité particulière. Celle-ci ne se
limite pas à une simple mission de veille, d'alerte, voire de sanctions
pouvant conduire comme certains en ont fait l'amère expérience
à la suspension d'un parlement membre. L'APF ne saurait en effet se
contenter d'être simplement le gardien des valeurs de la
démocratie et le cas échéant le censeur de leurs
adversaires. Il est - et il sera de plus en plus souvent de sa
responsabilité d'accompagner les pays dans leur processus de sortie de
crise et de retour à la démocratie».98
Il en ressort que si le Secrétaire
Général de la Francophonie a pu qualifier l'institution de
« pilier du dispositif institutionnel de la Francophonie»
99 , ce n'est évidemment pas parce qu'elle est
seulement une institution à caractère répressif
destinée à sanctionner la moindre faille démocratique
enregistrée au niveau des Etats membres. Mais
96http ://
www.francophonie.org
/83è-session-du-conseil-permanent.html.
97 Discours de M. LEGENDRE Jacques, sénateur France et
secrétaire général parlementaire de l'Assemblée
Parlementaire de la Francophonie devant la Conférence
ministérielle de la Francophonie, Kinshasa, octobre 2012. Disponible sur
http://apf.francophonie.org/Discours-de-M-Jacques-Legendre.html.
98Ibidem.
37
99 DIOUF Abdou, Parlements et Francophonie, Lettre de l'APF,
Bimestriel, juin 2006, n°3, Spécial Maroc, p.9.
38
c'est plutôt en raison de sa forte implication au
service de la paix et de la démocratie et ceci au moyen de la
négociation «car il faut garder à l'esprit que si
suspendre un parlement est un acte difficile et courageux, il ne doit en aucun
cas être la manifestation d'un quelconque ostracisme. Le but de
l'Assemblée parlementaire de la Francophonie n'est pas d'écarter
mais de rassembler autour des valeurs de la
démocratie»100 et de la paix. Etant consciente que
l'approfondissement démocratique ne saurait être une
réalité sans la paix, l'APF s'intéresse aux situations de
crises politiques dans l'espace francophone. A chaque réunion des
questions liées à la situation politique des Etats sont
abordées et compte tenu de la gravité de la situation,
l'Assemblée décide de la suspension ou non du parlement de l'Etat
fautif jusqu'au retour de la paix et de la stabilité
démocratique. A titre d'exemple, la région Afrique de l'APF a
manifesté « de profondes préoccupations en particulier
devant le développement de la situation à l'Est, en Centrafrique,
en RDC et en Afrique du Nord»101. Les parlementaires de
cette région Afrique de APF se sont déclarés
«profondément préoccupés des conséquences
de cette situation au Mali sur la paix et la sécurité, non
seulement au Sahel et même au-delà».102
Enfin, l'APF mène des actions de coopération en
faveur de la démocratie. Cette solidarité s'exprime
essentiellement autour d'enjeux chers aux parlementaires : la promotion de la
démocratie, de l'état de droit et du respect des droits de
l'Homme au sein de la communauté francophone. Dans ce dessein, l'APF
entretient un vaste programme de coopération à destination des
parlements de l'espace francophone. Par ces activités de
coopération, elle favorise directement le développement de la
démocratie au coeur de la vie législative des États.
Ainsi, depuis le Sommet de Montreux, l'APF a mis en oeuvre une
foule d'actions de coopération et d'appuis aux parlements. Nous pouvons
noter, entre autre, la tenue de séminaires à destination des
parlementaires sur des thèmes comme la décentralisation,
100Apf.francophonie.org
>pdf >lettre31.
101 APF, Rapport d'activité sur la région
Afrique, XXIe Assemblée Régionale Afrique,
Yaoundé les 9 et 10 mai 2013, intervention de M. Koussoubé, p.5,
disponible sur http : //
apf.francophonie.org,
cité par CHABI Basile, op.cit., p.29.
102Ibidem.
39
l'intégration du genre dans le développement, le
droit de pétition, le code de la famille, la pratique des lois
d'habilitation ou encore la bonne gouvernance démocratique.
Somme toute, l'intervention de l'APF n'est pas du tout
négligeable car à travers ses actions politiques et de
coopération, elle concourt à «renforcer le rôle de
la Francophonie en faveur de la paix, de la démocratie et des droits de
l'homme» ; engagement pris par les Chefs d'Etat et de Gouvernements
lors de IXè Sommet réuni à Beyrouth en octobre
2002.
L'EFFECTIVITE DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE
CHAPITRE II :
40
Depuis l'affirmation de sa dimension politique, les situations
de crises politiques avec leur incidence sur la vie démocratique des
Etats, n'ont pas laissé indifférentes les instances dirigeantes
de la Francophonie. Ainsi, elles ont manifesté leur détermination
pour la démocratie aussi bien en période d'accalmie politique
à travers la concrétisation des engagements démocratiques
contenus dans la déclaration de Bamako (Section 1)
qu'en période d'instabilité à travers des actions pour le
retour démocratique (Section 2).
Section 1 : Une mise en oeuvre dynamique des
engagements démocratiques
Les engagements consentis en 2000 par les Chefs d'Etat et de
Gouvernement des pays de l'espace francophone dans la déclaration de
Bamako s'articule autour de deux points essentiels : l'organisation des
scrutins électoraux et le renforcement des institutions. On comprend
alors aisément l'intérêt accordé par l'OIF à
l'accompagnement des procédures électorales (Paragraphe
1) et au renforcement des institutions étatiques, en
particulier les institutions judiciaires (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Une expertise électorale
proactive
Si l'acceptation du verdict des urnes a été
partout subordonnée à un consensus autour du mode d'organisation
des scrutins, consolidant progressivement la dynamique démocratique, il
convient à l'inverse, de souligner que les contestations
électorales ont été le prélude à de
très graves crises, voire à des guerres civiles,
témoignant ainsi du caractère stratégique de la
préparation et du déroulement satisfaisant des consultations
électorales103. Ceci témoigne d'ailleurs de l'enjeu
que représentent les élections pour la
103 L'exemple de la violence
post-électorale de 2010-2011 en Côte d'Ivoire est illustratif du
caractère stratégique des élections dans la vie politique
des Etats.
stabilité et la crédibilité de tout
système démocratique. C'est fort de ce lien direct entre
l'élection et la démocratie que l'OIF donne toute son impulsion
à l'accompagnement des procédures électorales aussi bien
par l'observation des élections (2) que par l'assistance
électorale (1).
A - L'assistance électorale
«L'assistance électorale est l'expression de
l'intérêt que la communauté internationale porte à
la tenue d'élections libres s'insérant dans le cadre du
développement démocratique, notamment le respect des droits de
l'Homme et de la primauté du droit. Elle se définit comme une
aide technique ou matérielle apportée par les Nations Unies ou
toute autre organisation intergouvernementale ou non gouvernementale au
processus électoral dans les pays en transition démocratique ou
en situation post-conflictuelle»104
Comme on le sait très bien, l'organisation des
élections en Afrique «est elle-même source de
difficultés de toutes sortes et surtout de conflits constatables par des
irrégularités nombreuses»105. Ces
difficultés sont constatables aussi bien sur le plan des financements
desdites élections que dans leur organisation matérielle. C'est
dans ce contexte que «la Francophonie intensifie son appui à la
tenue d'élections libres, fiables et transparentes, en ciblant davantage
les besoins pour lesquels son aide est plus utile et en développant dans
ce domaine, des synergies pertinentes avec d'autres organisations
internationales»106.
De façon globale, l'assistance électorale de la
Francophonie consiste en des interventions adaptées concernant la mise
à disposition d'expertise juridique et électorale, la formation
des acteurs institutionnels et de la société civile
impliqués dans le processus électoral, l'appui à la
rédaction de textes électoraux, la confection de listes fiables
et informatisées et la sécurisation de la transmission et du
traitement des résultats
104SONON Evariste, « Assistance
électorale », Réseau de recherche sur les opérations
de paix (ROP), 2012. Disponible sur
http://www.operationspaix.net/12-lexique-assistance-electorale.html.
105 MELEDJE Djedjro Francisco, « Le contentieux
électoral en Afrique », Pouvoirs, Vol.2, n°129, 2009,
p.143.
41
106 OIF, Rapport DDHDP, Bamako 10 ans après, 2000-2010,
op.cit., p.51.
42
électoraux. Ces différentes actions sont
menées en coordination avec les juridictions compétentes, les
commissions électorales, les médias, les partis politiques, la
société civile, ainsi que les partenaires bilatéraux et
multilatéraux des Etats engagés dans les processus
électoraux (coopérations bilatérales et organisations
internationales et régionales impliquées dans l'organisation et
l'observation des élections).
Il s'agit de mesures appropriées à l'appui et
à l'enracinement de la démocratie, des droits et des
libertés, ainsi que de l'assistance électorale nécessaire
aux pays en situation de post conflits. Ainsi, quand en 2009, l'opposition
démocratique et la majorité présidentielle au Tchad
contestaient l'indépendance de l'organe électoral, l'expertise
juridique de la Francophonie fut conjointement sollicitée par les
protagonistes ainsi que l'ensemble des partenaires internationaux
concernés en vue de la mise à disposition du Comité de
Suivi de l'Accord du 13 août 2007 pour l'élaboration d'un ensemble
de «propositions objectives » à même de mettre fin
à la crise. Ce compromis a permis la relance du processus
électoral, notamment par la création et la mise en place d'une
Commission électorale nationale indépendante (CENI), la
prorogation à titre exceptionnel du recensement général de
la population au 30 juin 2009 , qui permettra de mener à bien le
recensement électoral et la prise d'un décret déterminant
les modalités d'application de la loi électorale et de la loi
portant création de la CENI. Par ailleurs, l'OIF a fourni son assistance
électorale par l'envoi de mission d'information et d'évaluation
comme ce fut le cas au Togo en prélude aux élections
législatives du 14 octobre 2007 ou de la Côte d'Ivoire où
à la suite de l'envoi de plusieurs missions des échanges
approfondis entre les structures et acteurs concernés, en particulier la
CEI, un diagnostic et des recommandations ont été établis
y compris quant à la qualification des textes en vigueur pour
répondre aux engagements pris à Marcoussis. Aussi, au Gabon une
délégation de l'OIF, composée en partie d'experts en
gouvernance électorale a-t-elle été envoyée. Elle
est conduite par l'ancien ministre des affaires étrangères de la
Mauritanie, Ahmed Ould Abdallah. A la suite de la rencontre des
autorités nationales, elles ont fait part aux missionnaires de l'OIF de
l'évolution des préparatifs en vue des élections de cette
année. Des moyens mis en oeuvre pour garantir des élections
libres, démocratiques et
transparentes, aux attentes du pays au niveau de la
coopération avec l'organisation francophone, en passant par la
volonté claire de l'Etat de tenir un dialogue franc et inclusif avec les
acteurs politiques et ceux de la société civile, dans le cadre du
CND (Conseil National de la Démocratie), les principaux points
intéressant les visiteurs ont été abordés et
discutés.
La mission de l'Organisation Internationale de la
Francophonie, pour sa part, a par la suite déclaré,
qu'après ses différentes consultations, elle a constaté la
disponibilité de tous les acteurs politiques à contribuer
à la préservation de la paix et de la cohésion sociale.
L'OIF a par ailleurs souligné qu'elle a pris bonne note de l'appel du
gouvernement de voir la Francophonie s'impliquer davantage dans le renforcement
des capacités du monde de la presse, notamment en matière de
gestion et de traitement de l'information en période électorale,
en tant qu'acteurs incontournables de la prévention des conflits et de
la paix.
Enfin, des missions de soutien à la gestion des
contentieux électoraux ont été envoyées dans
plusieurs pays depuis 2000. Sur ce plan, les Cours Constitutionnelles de huit
Etats africains ont reçu une assistance axée sur les contentieux
électoraux107. Cette forme d'assistance électorale
«constitue une part majeure de la spécificité francophone au
regard de la pratique des autres organisations internationales dont les actions
tendent, en général, au renforcement matériel et/ ou
logistique des acteurs et des institutions impliqués dans le processus
électoral»108
Pour assurer une meilleure régulation des
élections, l'OIF envoie également des missions d'observation
électorale.
B- L'observation électorale
L'envoi de missions d'observation a pour objectif
d'éviter le risque de sombrer dans des violences électorales non
maitrisables, du fait du non-respect par les autorités
107 Nguyen Thanh Khue, op.cit., p.306.. Il s'agit en Afrique
noire francophone du Benin, du Burkina Faso, de la Centrafrique, du Niger.
Cité par CHABI Basile, L'Organisation Internationale de la
Francophonie et la résolution des conflits en Afrique noire
francophone, mémoire de master, UAC, 2014, p.44.
43
108 OIF, Rapport sur l'état des pratiques de la
démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone,
Bamako 10 ans après, (2000-2010), op.cit., p.70.
politiques , des règles du jeu démocratique.
«Elle s'est généralisée à travers le monde
tant la contestation électorale peut comporter des risques et sachant
qu'en définitive, elle n'épargne aucun
système»109. De ce fait, une des fonctions
des missions d'observation électorale des organisations internationales
comme la Francophonie est de «se porter garant de la
régularité des opérations de vote et le cas
échéant, de la campagne qui les précède
immédiatement»110.
D'une façon générale, les missions
d'observation de la Francophonie se conforment aux pratiques suivies par les
autres organisations internationales, notamment les organisations
régionales et l'ONU.
Ainsi, l'OIF a marqué sa présence lors de
l'organisation des élections à travers l'envoi de
délégués qui assistent au processus et établissent
des rapports sur leur fiabilité conformément aux dispositions de
la Déclaration de Bamako. Tout ceci concourt à la
concrétisation de l'idéologie de l'organisation à savoir,
devenir le "chantre des élections réussies". Ainsi, sous la
demande des autorités nationales, une mission d'observation a
été envoyée en Côte d'Ivoire par M. Diouf le 26
novembre 2010 à l'occasion des élections présidentielles
du 28 novembre 2010. Après avoir rencontré les acteurs
impliqués dans le processus électoral et assisté aux
opérations de vote et de dépouillement, ladite mission conduite
par Gérard Latortue, ancien ministre d'Haïti, a
déploré le 1er décembre le climat de tension
qui règne dans le pays dans l'attente des résultats de
l'élection et exhorté la Commission électorale
Indépendante (CEI) à proclamer les résultats du scrutin
dans le délai imparti. Le 5 décembre, le Secrétaire
Général prend note sur la déclaration de certification des
élections présentée par l'ONUCI qui confirme les
résultats annoncés par la CEI reconnaissant la victoire de M.
Alassane Ouattara, après un examen minutieux de tous les
procès-verbaux.
Toujours en Afrique de l'ouest, un autre Etat ayant
bénéficié de l'observation est le Burkina Faso lors des
élections présidentielles du 13 novembre 2005. Sur demande des
autorités nationales une mission d'observation conduite par M. Laurent
Beteille, Sénateur
109 SONON Evariste, « Assistance électorale »,
op.cit., 2012.
44
110 NGUYEN Khue Thanh, op.cit., p.306.
APF de France a été dépêchée
sur le terrain par Abdou Diouf. Après une rencontre des acteurs
impliqués dans le scrutin, 119 centres de vote ont été
visités par les observateurs francophones qui ont conclu à la
suite du dépouillement «que l'élection
présidentielle s'est déroulée de façon libre,
fiable et transparente»111 mais «la mission
recommande cependant plusieurs actions pour la pérennisation des acquis
et l'amélioration du processus
électoral»112. En Afrique centrale, la RDC a
bénéficié d'une observation électorale lors des
élections présidentielles et législatives de 2006 et 2011.
A l'initiative de la délégation de l'OIF conduite par l'ancien
ministre malien des Affaires étrangères, Tiébilé
Dramé, la plupart des missions internationales d'observation des
élections se sont rendues à Kinshasa la veille du scrutin. A la
suite de leur rencontre, le principe d'une déclaration commune des
élections a été retenu et le chef de la
délégation de l'UA fut désigné comme
porte-parole.
Au total, si l'observation constitue un précieux outil
de légitimation démocratique, il convient toutefois de rappeler
que celle francophone conserve une spécificité : celle de sa
flexibilité pragmatique113 de sorte que, «l'envoi
d'une mission d'observation électorale, ses modalités pratiques,
sa composition, ses objectifs, sont toujours fonction de la situation du pays
concerné, des rapports entre les différents acteurs politiques,
de l'environnement économique et social, ou encore des différents
enjeux des élections. Toutes ces informations permettent d'adapter
l'observation électorale au contexte du pays, et de mieux identifier les
membres susceptibles de composer la mission»114.
Pour garantir un véritable Etat de droit, l'OIF
contribue également au renforcement des institutions judiciaires.
111 OIF, Communiqué de la mission francophone
d'observation de l'élection présidentielle du 13 novembre 2005 au
Burkina Faso. 112Ibidem.
113 MOUANDJO Monney Stéphane, la démocratie
au Sud et les organisations Internationales: analyse comparée des
missions internationales d'observation des élections des pays membres du
Commonwealth et des pays membres de l'Organisation Internationale de la
Francophonie, Thèse de doctorat en droit public nouveau
régime, Université de Reims Champagne-Ardenne, 2007- 2008,
p.356.
45
114 Rapport OIF 2006, p.209.
Paragraphe 2 : Un renforcement avéré des
institutions judiciaires
«Les institutions sécuritaires et judiciaires
peuvent provoquer des crises violentes lorsqu'elles transgressent les droits de
l'Homme, échappent au contrôle démocratique ou pratiquent
la discrimination»115. On le sait bien, la
justice est l'une des pièces maîtresses de l'Etat de droit. Elle
représente dans les démocraties contemporaines le moule dans
lequel la science du droit se concrétise et se perfectionne. Il n'y a
pas de démocratie sans Etat de droit. Il n'y a pas non plus d'Etat de
droit qui ne s'appuie sur le socle d'une justice indépendante et
crédible, dotée de moyens à la hauteur de sa
mission116. Pourtant, dans nombre de pays de l'espace francophone en
général et en particulier ceux de l'espace noir francophone, le
fonctionnement de la justice se heurte à des difficultés à
la fois d'ordre statutaire117 et d'ordre
matériel118. Ce qui réduit la capacité de
l'institution juridictionnelle à assurer efficacement la protection des
droits et à créer la confiance indispensable au
développement économique des Etats.
C'est fort de ce constat que l'OIF dans sa vocation de
promotion de la démocratie et en collaboration avec ses réseaux
institutionnels119, s'investit dans le renforcement du
115 BAGAYOKO Penone Niagale, «la réforme des
systèmes de sécurité dans l'espace francophone»,
ahjucaf. Disponible sur www.ahjucaf.org/ La-reforme-des-
systemes-de.html.
116 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et
justice: contribution de l'organisation internationale de la Francophonie
à la construction de l'Etat de droit, thèse de doctorat,
Université de Bordeaux, 2015, p.54.
117 AHJUCAF, l'indépendance de la justice, Actes du
2è congrès, Dakar, AHJUCAF, 7-8, novembre 2007.
Disponible sur
www.ahjucaf.org.
118 AAHJF, Rapport général du colloque
international sur le thème « coût et rendement du service
public de la justice dans l'espace AAHJF», Bissau, 1- 5 novembre 2007.
46
119 Depuis 1985, l'organisation
internationale de la Francophonie a accompagné la création de
quinze réseaux institutionnels. Parmi elles, on peut citer:
l'Association Africaine des Hautes juridictions Francophones (AAHJF). Elle est
créée en novembre 1998 et met en oeuvre des actions
concrètes de coopération entre les juridictions membres, se
traduisant, notamment, par l'organisation de rencontres scientifiques et la
publication des travaux juridiques correspondants. L'Association des Cours
constitutionnelles ayant en partage l'usage du français (ACCPUF)
est créée en avril 1997. Elle a pour objectif de
faciliter les échanges d'idées et d'expériences entre
cours constitutionnelles et institutions équivalentes, aux fins,
notamment, de renforcement de ces institutions. L'Association des Hautes
juridictions de cassation des pays ayant en partage l'usage du français
(AHJUCAF) est créée en mai 2001. L'AHJUCAF a pour objet de
favoriser la solidarité et les échanges d'idées et
d'expériences entre les institutions judiciaires membres mais aussi de
promouvoir le rôle de ces institutions dans la consolidation de l'Etat de
droit. Le Réseau international francophone de formation policière
(FRANCOPOL) est créé en septembre 2008 et a
notamment pour mission de créer un lieu d'échange et de
collaboration entre les services de police et écoles de police de langue
française, oeuvrant dans le domaine de la formation policière et
dans les domaines associés ; diffuser l'information relative aux
événements, colloques et rencontres qui ont trait à la
formation et aux pratiques policières ; partager le savoir des acteurs
dans le domaine de la formation policière et stimuler les
réflexions portant sur les nouveaux défis et sur l'actualisation
des besoins en formation ; contribuer au développement des organisations
policières francophones par l'accroissement des échanges
d'informations et d'expertise. Le Réseau des compétences
électorales francophones (RECEF) est créé en août
2011 et est un regroupement international des administrateurs
d'élections de l'espace francophone. Il vise notamment à soutenir
ses membres dans la mise en place d'institutions électorales
pérennes, neutres, autonomes et indépendantes ; favoriser le
professionnalisme par l'échange d'expériences et de bonnes
pratiques ; promouvoir la pleine participation des citoyennes et citoyens aux
scrutins ; encourager la
pouvoir judicaire, étant la pièce maitresse de
la construction de l'Etat de droit. L'appui de l'OIF à la justice est
assuré dans toutes les dimensions du système judicaire, c'est
-à-dire aussi bien la justice constitutionnelle (B) que la justice
ordinaire (A).
A-Un soutien général à la justice
ordinaire.
La justice ordinaire regroupe l'ensemble des juridictions de
droit commun, en partant des tribunaux de première instance
jusqu'à la Cour de Cassation. Le renforcement du rôle de ces
juridictions est primordial dans tout Etat de droit. Dans l'espace francophone
en général et plus particulièrement dans les pays du Sud,
la justice ordinaire n'arrive pas encore à exprimer pleinement son
rôle, et ceci s'explique par deux raisons fondamentales. Il s'agit
d'abord de l'influence constante et sur plusieurs dimensions du pouvoir
politique qui compromet son indépendance; une indépendance qui
constitue pourtant une condition essentielle de son bon fonctionnement et de sa
crédibilité. Ensuite, le personnel judiciaire dans les Etats
d'Afrique noire francophone n'est pas exempt de reproches notamment sur les
plans qualitatif que quantitatif.
En ce qui concerne l'indépendance de la juridiction
ordinaire, soulignons que selon KASSI BROU Saint Omer, l'autonomie doit
être assurée aussi bien sur le plan fonctionnel que dans les
dimensions administrative120 et budgétaire121.
L'appui de l'OIF à l'indépendance des juridictions ordinaires est
assuré par son accompagnement aux réseaux institutionnels de la
Francophonie. A cet égard, les rencontres thématiques
organisées autour de l'indépendance de la justice, par
l'Association Africaine des Hautes Juridictions
recherche relative aux élections ; établir et
approfondir des partenariats avec toute institution ayant des fins compatibles
avec celles du RECEF. Voir
http://reffop.francophonie.org/le-reseau/les-membres-du-reseau/les-reseaux-institutionnels-de-la-francophonie,
pour plus de détail sur les réseaux institutionnels de la
Francophonie.
120 « L'indépendance administrative suppose et
implique que les tribunaux aient la maitrise de tous les éléments
de leur administration, lesquels ont un impact direct sur l'exercice de leur
mission juridique. Elle s'oppose à ce que la répartition des
affaires entre les juges s'opère autrement qu'en vertu d'un tableau
annuel de roulement. Ainsi, non seulement la composition d'une juridiction ne
doit pas être fixée par la loi mais encore, l'organisation des
juges à une cause, les séances du tribunal, la fixation du
rôle, ainsi que la durée des procès doivent échapper
au pouvoir exécutif ».Voir KASSI BROU Olivier Saint Omer,
Francophonie et justice: contribution de l'organisation internationale de
la Francophonie à la construction de l'Etat de droit, op.cit.,
p.81.
47
121 KASSI BROU souligne que « dans l'espace
francophone, les garanties financières des juridictions ne sont, en
général pas constitutionnalisées. La plupart du temps, le
budget des juridictions greffe le budget national et reste tributaire des
disponibilités financières de l'Etat. Le pouvoir politique est
pourvoyeur des fonds et les chefs de Cours n'en sont que les gestionnaires
». Voir KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et justice:
contribution de l'organisation internationale de la Francophonie à la
construction de l'Etat de droit, op.cit., p.82.
48
Francophones (AAHJF), l'Association des Institutions
Supérieures de contrôle (AISCCUF), l'Association des cours et
conseils constitutionnels des pays ayant en partage l'usage du français
(ACCPUF), ont permis de rappeler l'importance de l'indépendance
institutionnelle des juridictions. Aussi, l'OIF à travers les
déclarations du Caire et de Paris a-t-elle souligné avec une
parfaite lucidité l'obligation quant aux Etats de renforcer les moyens
matériels et financiers octroyés à la justice car
«l'absence d'autonomie budgétaire et la faiblesse des moyens
diluent les objectifs vertueux d'indépendance et d'efficacité de
la justice»122. En plus de l'indépendance des
magistrats, l'OIF est convaincue que la formation de ces derniers est
primordiale pour perpétuer l'Etat de droit. «C'est la raison
pour laquelle la Francophonie a, en vertu de ses engagements, donné un
relief concret à son action en faveur de la modernisation des
systèmes judiciaires nationaux en la structurant autour de deux axes
complémentaires»123.
En effet, la question des capacités humaines de la
justice se pose en des termes à la fois qualitatifs124 et
quantitatifs.
La communauté des Etats francophones a très
tôt pris la juste mesure des enjeux liés à la formation du
personnel de justice. Dès le Sommet de Dakar (mai 1989), la
résolution sur la Coopération juridique et judiciaire a
érigé la formation des magistrats et du personnel judiciaire en
objectif prioritaire. En 1995, la Déclaration du Caire, en relevant que
les lacunes dans l'information et la formation des magistrats entravent le bon
fonctionnement de la justice, invitait les Etats à faire une plus large
place à la formation initiale, continue et spécialisée,
des magistrats et des personnels auxiliaires de justice, dans le cadre de plans
nationaux et régionaux. Dans la Déclaration de Paris, les
ministres francophones de la justice ont une fois de plus
réitéré leur volonté de renforcer les
compétences des professionnels de justice, par le soutien à la
formation initiale, continue et spécialisée.
122 KASSI BROU Olivier Saint Omer, op.cit., p.77.
123 Ibidem, p.201.
124 L'exigence de compétence a pour pendant naturel
l'impératif de formation. La qualité de la justice impose alors
de questionner objectivement l'aptitude du magistrat à accéder
à ses fonctions et à s'y maintenir.
La question de la formation du personnel de la justice est
conduite au sein de la Francophonie suivant deux stratégies : la
formation des structures nationales chargées de la formation judicaire
et l'appui direct aux cycles de formation spécialisée et/ou
sectorielle.
La formation des structures nationales de formation est
assurée par l'appui de l'OIF au renforcement des capacités
nationales de formation. Tournée dans ces débuts vers les centres
de formation, cette formation s'intéresse depuis 1994 à la
formation des formateurs des personnels judiciaires. La démarche de
l'OIF consiste à fournir aux établissements de formation de la
documentation et des outils pédagogiques et de favoriser la concertation
et la coopération entre eux, en encourageant les échanges
d'enseignants et d'experts. Elle organise ainsi des séminaires de
formation des formateurs en mettant l'accent sur l'élaboration d'outils
méthodologiques qui serviront de support d'enseignement.
Conformément aux engagements du Caire, la Francophonie,
à travers son ancienne direction à la coopération
juridique et judiciaire, a dans un premier temps, apporté son soutien
à la mise en réseau des responsables nationaux de la formation
judiciaire, en vue de resserrer leurs liens et de favoriser le partage et la
libre circulation des matériaux pédagogiques entre professionnels
francophones de la formation. Particulièrement attachés à
ce réseau et à ces objectifs, les ministres francophones de la
justice ont, dans la Déclaration de Paris, invité l'OIF à
le revitaliser afin d'impliquer davantage les structures nationales dans la
définition et la réalisation de politiques et stratégies
intégrées dans le domaine de la formation initiale et
spécialisée des personnels judiciaires en privilégiant la
formation des formateurs. Dans le même esprit, la programmation 2010-2013
s'est assignée l'objectif de redynamiser le réseau des
responsables nationaux de la formation judiciaire, en vue d'aider, par
l'échange et la mutualisation des moyens, à la mise en place de
politiques nationales de formation125.
49
125 OIF, Programme 2010-2013, Paris, OIF, septembre 2010, p.
23.
Au-delà du cycle de visioconférences
organisé en 2005 au bénéfice des responsables nationaux de
la formation judiciaire d'une douzaine de pays francophones
d'Afrique126 dont dix appartenant à l'espace noir
francophone, la Francophonie a soutenu la participation de responsables
nationaux à des rencontres internationales de formation des formateurs.
Dans la dynamique de valorisation de la concertation et de l'expertise
francophone, l'OIF a par exemple financé en décembre 2004, la
participation de représentants du réseau francophone des
responsables nationaux de la formation judiciaire, aux travaux de la
deuxième Conférence internationale sur la formation de la
magistrature, à Ottawa. Dans la même lancée, elle a
appuyé en 2006, l'organisation par l'Académie internationale des
droits de l'Homme, de l'Université d'été internationale de
formation de formateurs, à Vichy, sur le thème « Droits de
l'Homme et gouvernance à l'ère des nouvelles technologies ».
Elle a par ailleurs soutenu en novembre 2011, la participation de responsables
francophones de structures nationales de formation judiciaire, à la
cinquième Conférence de l'Organisation internationale pour la
formation judiciaire tenue à Bordeaux127.
Par ailleurs, s'agissant de la formation directe des
magistrats assurée par l'OIF, elle se fait au travers des rencontres
thématiques et le soutien aux programmes des réseaux
institutionnels.
Les rencontres thématiques tournent autour de plusieurs
thèmes dont les droits de l'enfant et la justice pénale des
mineurs, le contentieux administratif, le droit des affaires, le droit
commercial, les droits de l'Homme et la justice pénale internationale et
autres. Par exemple, l'OIF a financé en 2000, un séminaire sur
les droits de l'enfant en Tunisie et a
126 Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Côte
d'Ivoire, Guinée, Madagascar, Mali, Niger, Rwanda,
Sénégal, Tchad
50
127 Grâce au soutien de la Francophonie, onze
responsables de structures nationales de formation judiciaire d'Afrique
francophone ont pu être associés aux travaux de la Ve
Conférence de l'Organisation internationale pour la formation
judiciaire, organisée à Bordeaux, du 31 octobre au 3 novembre
2011, sur « La formation judiciaire dans un monde globalisé ».
En marge de cette rencontre, l'OIF a organisé les 7 et 8 novembre 2011
à son siège, une concertation francophone sur le renforcement de
l'offre francophone de formation judiciaire, à laquelle ont
participé des représentants des structures internationales et
régionales partenaires, ainsi que ceux des réseaux
institutionnels francophones intervenant dans les secteurs du droit et de la
justice.
organisé en décembre 2004 128 ,
à Ouagadougou, un séminaire régional africain de formation
sur la justice des mineurs. S'agissant du droit international, la Francophonie
soutient la promotion des Droits de l'Homme et de la justice pénale
internationale auprès des magistrats francophones. Dans cette dynamique,
elle organise par exemple des programmes de formation sur la
CPI129.
Enfin en ce qui concerne l'appui aux programmes des
réseaux, soulignons que la Francophonie soutient également les
initiatives de formation des membres des juridictions suprêmes
ordinaires. Elle a par exemple appuyé le plan triennal de formation de
la Cour suprême du Bénin, ainsi que les activités de
l'AHJUCAF130 et de l'AAHJF131 en la matière. En
matière de justice financière, l'OIF soutient les cycles
réguliers de formation initiés par l'Association des institutions
supérieures de contrôle ayant en commun l'usage du français
(AISCCUF), au bénéfice des membres des Cours des comptes et
institutions équivalentes, en vue du renforcement de leurs
méthodes de contrôle. Les magistrats debout ne sont pas en marge
des efforts mobilisés par la Francophonie pour assurer la formation
continue des professionnels de la justice. A cet égard, l'OIF soutient
la formation des parquetiers francophones à travers le financement de
leur participation aux congrès annuels de l'Association internationale
des procureurs et poursuivants (AIPP).
L'appui de l'OIF au renforcement de la justice concerne en
dehors des juridictions ordinaires, les Cours ou Conseils Constitutionnels.
128 Cette formation a eu lieu du 29 novembre au 3
décembre 2004 à Ouagadougou et a connu la participation des
magistrats des Etats d'Afrique noire francophone tels que le Bénin, le
Burkina-Faso, le Burundi, le Cameroun, le Gabon, la Guinée Conakry, le
Mali, le Niger, la RDC, le Sénégal et le Togo.
129 Formation d'une centaine d'avocats maliens et congolais au
fonctionnement de la CPI. organisation de deux séminaires
régionaux de sensibilisation et de formation au travail de la CPI en
Afrique centrale (Yaoundé, 2010) et en Afrique du Nord et Moyen-Orient
(Tunis, septembre 2011). L'OIF a financé le premier séminaire
conjoint de la CPI et de l'Union africaine sur « Les aspects techniques du
Statut de Rome et la pratique de la CPI » (Addis-Abeba, juillet 2011)
à l'intention de représentants de la commission de l'Union
africaine et des conseillers juridiques des délégations
permanentes des Etats membres de l'Union africaine.
130 En 2004, la Francophonie a accompagné l'AHJUCAF
à organiser une session de formation sur « Le juge de Cassation et
les nouvelles technologies». En ligne sur
http://www.aahjf.org.
51
131 L'OIF a apporté son soutien à l'AAHJF pour
l'organisation de la session régionale de spécialisation des
compétences des magistrats des Cours suprêmes africaines (Cotonou,
décembre 2010).
B- Un appui spécial à la justice
constitutionnelle
En tant que jeune institution de l'ère
démocratique africaine, la justice constitutionnelle
bénéficie d'un accompagnement spécial de la part de la
Francophonie en raison du rôle éminemment important que les Cours
et conseils constitutionnels sont appelés à jouer pour la
préservation de l'Etat de droit.
Représentées dans leur début par une
Chambre spéciale au sein de la Cour suprême, les Cours
constitutionnelles sont désormais érigées de façon
indépendante des autres juridictions dans la majorité des
constitutions d'Afrique noire francophone. En effet, elles sont gardiennes de
la promesse constitutionnelle de l'indépendance de la justice et pour
jouer efficacement leur rôle, elles se doivent d'être
indépendantes des autres pouvoirs et en occurrence le pouvoir
exécutif. Cet idéal n'est pas encore une réalité en
Afrique noire francophone. C'est pourquoi l'OIF a pris la mesure de cette
exigence depuis la Déclaration de Caire et de Paris en soulignant avec
lucidité le devoir pour les Etats de renforcer l'indépendance de
la justice en général et de la justice constitutionnelle en
particulier. Cette indépendance de la juridiction constitutionnelle doit
être à la fois organique et budgétaire car «
l'absence d'autonomie budgétaire et la faiblesse des moyens diluent les
objectifs vertueux d'indépendance et d'efficacité de la
justice»132. C'est donc de manière tout à
fait pertinente que la sixième Conférence des chefs des
institutions membres de l'ACCPUF s'est saisie de la question du statut du juge
constitutionnel. Soutenue par l'OIF, cette conférence a
été l'occasion de rappeler utilement les garanties statutaires
nécessaires à la préservation de l'indépendance du
juge constitutionnel.
Formalisée dans les engagements francophones du Caire,
érigée en priorité dans la Déclaration de Hanoi,
l'indépendance des juridictions constitutionnelles est l'un des
principaux défis de la mobilisation francophone en faveur du
renforcement des institutions démocratiques. A ce niveau, l'OIF joue un
rôle important dans l'interpellation des gouvernants et des acteurs de
ces institutions en s'appuyant sur ses réseaux institutionnels. Elle
apporte notamment son soutien aux activités de
52
132 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et
justice: contribution de l'organisation internationale de la Francophonie
à la construction de l'Etat de droit, op.cit., p.88.
l'Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones
(AAHJF), de l'Association des cours constitutionnelles ayant en partage l'usage
du français (ACCPUF) et de l'Association des Hautes Juridictions de
Cassation des pays ayant en partage l'usage du français (AHJUCAF) qui,
à travers leurs rencontres thématiques, favorisent les
échanges d'expériences et de bonnes pratiques pour la promotion
et la consolidation de l'indépendance des juridictions
constitutionnelles.
Par ailleurs, en raison de l'implication des juridictions
constitutionnelles dans le domaine électoral et eu égard à
l'enjeu de ces scrutins dans les démocraties contemporaines, l'OIF s'est
engagée pertinemment à soutenir la justice constitutionnelle pour
contenir les digressions de la rationalité électorale. Elle leur
apporte un appui polymorphe soit directement 133 , soit par le
truchement du réseau des juridictions constitutionnelles francophones,
l'ACCPUF dont elle a contribué à la mise en place et dont elle
soutient les activités. Le but est de faire en sorte que le juge
constitutionnel puisse corriger les imperfections de l'Etat de droit, afin que
le mirage134 ou l'illusion135 démocratique de
l'élection, se transforme en réalité, partout dans
l'espace francophone. L'action de l'OIF s'inscrit ici dans le cadre de sa
mobilisation en faveur du renforcement des capacités des institutions
nationales de l'Etat de droit et de l'appui aux processus électoraux.
L'OIF apporte son soutien aux institutions et acteurs impliqués dans
l'organisation et le contrôle des élections 136 . Dans
le cadre de son appui au renforcement des capacités du «
service public électoral »137, la Francophonie, en
plus de son soutien aux Commissions électorales, appuie le
perfectionnement technique et humain des structures nationales en charge du
contentieux électoral. Outre
133 Au Mali par exemple, l'OIF a organisé en juin 2013,
au bénéfice de la Cour constitutionnelle, un séminaire
d'échange d'expérience sur le contentieux électoral. OIF,
Rapport du Secrétaire Général de la Francophonie, 2012-
2014 : de Kinshasa à Dakar, Paris, 2014, p. 83.
134 DARRACQ Vincent et MAGNANI Victor, « Les
élections en Afrique : un mirage démocratique ? »,
Politique étrangère, 2011/4 (Hiver), IFRI, pp. 839-850.
Cité par KASSI BROU Olivier Saint Omer, op.cit., p. 269.
135 HERMET Guy, « L'illusion électorale »,
in BADIE Bertrand et VIDAL Dominique (dir.), Nouveaux acteurs,
nouvelle donne, L'état du monde 2012, Paris, La Découverte,
2011, pp. 147 et ss.
136 Au titre de l'action de l'OIF en faveur du renforcement
des capacités des organes de gestion et de contrôle des
élections, voir pour les plus récentes, OIF, Rapport du
Secrétaire général de la Francophonie, 2012-2014 : de
Kinshasa à Dakar, Paris, 2014, p. 85. Il faut également souligner
ici que l'OIF soutient les activités du Réseau des
compétences électorales francophones (RECEF), créé
en 2011.
53
137 MELEDJE Djèdjro Francisco, « De l'impossible
service public électoral en Côte d'Ivoire. Le
phénomène des crises électorales », in
MELIN-SOUCRAMANIEN Ferdinand (études réunies par Espace du
service public), in Mélanges en l'honneur de DU BOIS DE GAUDUSSON
Jean, ouvrage précité., pp. 455 - 478.
54
les dotations en équipement138et les
séminaires qu'elle organise139, l'OIF apporte son appui aux
travaux de ses réseaux institutionnels sur le rôle des
juridictions constitutionnelles dans les processus électoraux. Sensible
à la question électorale et aux enjeux qu'elle soulève, la
Francophonie soutient de manière générale les
réunions statutaires et scientifiques de l'ACCPUF et en particulier les
séminaires consacrés au traitement du contentieux
électoral140. Convaincue de la centralité du juge dans
la sécurisation des processus électoraux, l'OIF a par exemple, en
novembre 2013, en partenariat avec l'ACCPUF et la Cour Constitutionnelle du
Bénin, organisé à Cotonou un colloque sur la pratique du
contentieux électoral dans l'espace francophone. En facilitant la
réflexion, la formation et les échanges de bonnes pratiques sur
la gestion du contentieux électoral, le réseau des juridictions
constitutionnelles francophones ayant en partage l'usage du français,
peut permettre à ses institutions membres de prendre conscience de
l'importance de leur rôle dans la conduite des processus
électoraux et donc dans la stabilisation de la démocratie et dans
l'enracinement de l'Etat de droit.
La justice constitutionnelle est indéniablement l'une
des avancées les plus remarquables de l'histoire constitutionnelle de
l'Etat démocratique moderne en Afrique.
138 La juridiction constitutionnelle doit disposer d'une
administration interne autonome, avec un siège distinct et
séparé, des experts, assistants et agents administratifs
nommés et rémunérés directement par l'institution,
et enfin des moyens techniques et bibliographiques adaptés. Elle doit
jouir d'une parfaite liberté dans le recrutement et la gestion de son
personnel administratif.
139 Du 7 au 10 août 2015, l'OIF a par exemple
organisé, en partenariat avec la Cour constitutionnelle centrafricaine,
un séminaire de renforcement des capacités sur le contentieux
électoral.
140 La Francophonie apporte son soutien aux congrès et
autres conférences des chefs d'institutions de l'ACCPUF. Elle a
accompagné notamment le congrès tenu à Ottawa en Juin 2003
sur : « Le rôle et le fonctionnement des Cours constitutionnelles en
période électorale ». Elle a également
contribué à l'organisation de la conférence des chefs
d'institution de l'ACCPUF, qui s'est tenue à Bucarest du 31 mai au
1er juin 2005 et qui portait sur « L'indépendance des
juges et des juridictions ». L'OIF a apporté son appui financier
à l'organisation du cinquième congrès de l'ACCPUF qui
s'est tenu à Cotonou du 22 au 28 juin 2009 sur « Les juridictions
constitutionnelles et les crises » et a soutenu le 2e
congrès de la Conférence des Juridictions Constitutionnelles
Africaines (CJCA) toujours à Cotonou du 11 au 13 mai 2013. Par ailleurs,
la Cour Constitutionnelle béninoise a reçu un appui financier et
matériel de l'OIF pour la formation des assistants juridiques à
Paris en septembre 2015 et a contribué à la conception et
à l'installation du premier site web de la Cour Constitutionnelle et son
hébergement sur le serveur de l'OIF. L'OIF a également
contribué à l'Organisation des élections
présidentielles au Benin en
appuyant financièrement la Cour dans l'impression des
plaquettes sur le rôle de la Cour Constitutionnelle et à la
formation des
observateurs déployés par celle-ci sur toute
l'étendue du territoire national lors de l'élection
présidentielle de 2016. Voir
www.diplomatie.gouv.bj?2017/03?14-03-2017-Plaquette-CNPF.pdf.
A côté du soutien aux congrès de l'association, la
Francophonie appuie les séminaires des correspondants nationaux de
l'ACCPUF. Elle a accompagné celui qui s'est tenu à Paris du
1er au 3 décembre 2004 sur « Le statut, le financement
et le rôle des partis politiques : un enjeu de la démocratie
». Elle a soutenu celui qui s'est tenu à Paris du 29 novembre au
1er décembre 2005 sur « Les méthodes de travail
des Cours constitutionnelles et institutions équivalentes ». En
2007, l'OIF a organisé en partenariat avec le PNUD, un séminaire
sur le bilan du contentieux électoral de 2006 en République
Démocratique de
Congo. www.accpuf.org.
Si elle n'est pas une innovation réelle du point de vue
de la technique juridique, elle marque tout de même, à l'aune des
droits fondamentaux, une profonde évolution dans les modalités
d'exercice du pouvoir. C'est donc avec conviction que la Francophonie doit
continuer à appuyer les juridictions constitutionnelles et à
renforcer leurs capacités. Qu'il intervienne dans sa fonction de juge
électoral ou de juge de la constitutionnalité des lois, le trait
dominant du juge constitutionnel le conduit à inscrire son action dans
l'élan d'édification d'un ordre juridique et démocratique,
protecteur des droits fondamentaux. La Francophonie fait déjà un
effort croissant dans ce domaine. Toutefois, son apport plus accru est
souhaitable.
Une justice efficace et accessible ne garantissant pas
forcément l'éviction des crises politiques, l'OIF s'investit
également dans le maintien de la stabilité démocratique
par la prévention et la gestion des crises politiques qui surgissent
dans l'espace noir francophone.
Section 2 : Un maintien effectif de la stabilité
démocratique.
L'une des raisons qui maintient aujourd'hui la
démocratie dans une situation léthargique en Afrique noire
francophone est la multiplicité des crises politiques. En effet l'espace
africain noir francophone est au cours de cette décennie une zone
constamment instable et «reste l'épicentre de
l'instabilité dans le monde avec quelques 120 conflits entre 1946 et
2005»141. En soutenant que la démocratie ne saurait
s'épanouir que dans un environnement d'accalmie politique, ces conflits
ébranlent et ralentissent dangereusement le processus
démocratique engagé depuis plus de vingt ans dans le continent et
accroit le taux de pauvreté. La francophonie dans son engagement de
renforcement de la démocratie s'est donnée la ferme
résolution d'oeuvrer aux cotés des Etats pour le maintien de la
paix, condition sine qua non de la réalisation du projet
francophone. La démarche de la Francophonie dans la résolution
des crises est très originale. Elle reste en effet très active
dans la diplomatie préventive. Par ailleurs, l'évolution de
l'institution a conduit de façon
55
141 VETTOVAGLIA Jean- Pierre, Médiation et
facilitation dans l'espace francophone : Théorie et pratique,
Bruxelles, Bruylant, 2010, Vol.1, p.4
56
bénéfique à rompre avec la tradition et
s'engager davantage dans les sanctions de l'Etat fautif en cas de crise. Ainsi,
l'OIF s'investit dans l'éviction des crises par leur prévention
(paragraphe1). Mais une fois que les crises ont
éclaté, elle procède à leur gestion
(paragraphe2).
Paragraphe 1 : La politique de prévention
Le moyen le plus efficace de préserver la paix est
d'oeuvrer à l'éviction des crises politiques. La
déclaration de Bamako adoptée en 2000 accorde au
Secrétaire Général un champ d'actions à
entreprendre pour le maintien de la paix. La mise en oeuvre de ce rôle
d'avant-garde démocratique conféré au Secrétaire
Général (A) a aussi permis à l'OIF de s'investir dans
l'émergence d'un nouveau concept qu'est la Réforme du
Système de Sécurité (B).
A- Une approche anticipatrice des crises
C'est à l'aune de la légitimité
découlant de la Charte de la Francophonie et des engagements consensuels
souscrits par les États et les gouvernements francophones dans les
Déclarations de Bamako et de Saint-Boniface, que sont conduites, sous
l'autorité du Secrétaire Général en liaison avec
les instances, les actions de la Francophonie en matière de
prévention des crises et des conflits.
Le Secrétaire Général de la Francophonie
représente alors l'autorité centrale dans la tâche de la
prévention des conflits dans l'espace francophone. La réussite du
processus de prévention reste en effet tributaire des motivations et des
précautions mises en oeuvre par ce dernier en collaboration avec les
instances. A cet effet, le chapitre 5 paragraphe 1er de la
déclaration de Bamako dispose qu'en s'appuyant sur un travail de veille
continue, par la collecte permanente d'information et l'évaluation
systématique de la démocratie, des droits et des libertés
à l'aune des engagements de Bamako, le Secrétaire
Général dispose d'outils propres à une prévention
tant structurelle qu'opérationnelle. Ces outils sont de divers ordres et
sont, principalement, d'ordre structurel et visent à approfondir la vie
démocratique de ses États membres, à travers la
consolidation de l'État de droit, la tenue
d'élections libres, fiables et transparentes, la
gestion d'une vie politique apaisée, l'intériorisation de la
culture démocratique et le plein respect des droits de l'Homme. Les
mécanismes ad hoc peuvent être actionnés soit en vue
d'apporter des réponses à l'imminence d'une crise, soit afin
d'éviter qu'un conflit déjà déclaré ne
s'aggrave, en particulier par l'envoi de médiateurs ou de
facilitateurs.
Ainsi au Tchad, à la suite de la visite conjointe du
Secrétaire Général, du Président de la
République française et du Commissaire au développement de
l'Union Européenne au lendemain des événements de
février 2008142, l'envoyé spécial du
Secrétaire Général désigné en mars 2008,
Mohamed El Hacen Ould Lebatt, a contribué au renforcement du dialogue
entre les acteurs politiques et sociaux tchadiens dans le cadre du processus de
relance de la mise en oeuvre de l'accord du 13 août 2007, devant conduire
à la tenue d'élections pluralistes et crédibles. Suite aux
nombreuses contestations de l'opposition intervenues lors du processus de
révision des textes électoraux, l'envoyé spécial a
participé à plus d'une dizaine de séances
plénières du comité de suivi et d'appui de cet accord, au
sein duquel la Francophonie bénéficie du statut d'observateur et
de facilitateur. À cette fin, la Francophonie a mis à la
disposition du comité de suivi une expertise juridique de haut niveau
pour élaborer des propositions juridiquement fondées et
politiquement acceptées par toutes les parties.
Au Bénin, dans le souci de prévenir les risques
de crise qui se dessinaient à la suite de la remise en cause, par
l'opposition, de la loi portant organisation de la liste électorale
permanente informatisée, pourtant adoptée à
l'unanimité, en mai 2009, l'OIF est intervenue, sur sollicitation du
président de la République. Elle a ainsi contribué de
façon significative, en liaison avec l'ONU et le Programme des Nations
unies pour le développement (PNUD), à faire surmonter les
divergences entre les parties et à relancer la réalisation
consensuelle de la liste électorale permanente informatisée, dans
la perspective des élections présidentielle et législative
de 2011. Le Niger était confronté à une grave
57
142 En janvier 2008, les rebelles tchadiens
soutenus par le Soudan, ont envahi le Tchad à partir des bases
situées au Darfour. Les rebelles tchadiens et les forces
gouvernementales s'affrontèrent à Ndjamena le 2 février.
Cette tentative de coup d'Etat qui a provoqué de nombreuses
hécatombes et est une conséquence des multiples contestations des
partis de l'opposition face au régime du Président Idriss
Deby.
58
crise politique, depuis juin 2009, marquée par une
succession d'actes posés par le Président de la République
visant à modifier la Constitution, par voie référendaire
sur des questions fondamentales et qui étaient de nature à
affecter gravement le fonctionnement régulier des institutions. Depuis
le début de cette crise, l'OIF a suivi avec la plus grande attention
l'évolution de la situation, en liaison avec les instances et les
partenaires régionaux et internationaux, et marqué, tout en
condamnant fermement ces agissements contraires à la Déclaration
de Bamako, sa disponibilité à accompagner toute initiative
pouvant encourager l'instauration d'un dialogue politique entre tous les
acteurs et faciliter une sortie de crise pacifique. Le Conseil Parlementaire de
la Francophonie (CPF) s'est prononcé à deux reprises sur la
question, lors de ses sessions du 10 juillet 2009 et du 14 décembre
2009. Le Secrétaire Général a dépêché
deux missions de haut niveau au Niger. La première a été
conduite par Pierre Buyoya, du 23 au 26 juillet 2009. L'envoyé
spécial du Secrétaire Général a
réitéré la disponibilité de la Francophonie
à apaiser la situation et à favoriser le retour au strict respect
de la légalité constitutionnelle et de l'État de droit. La
seconde, menée par Ousmane Paye, conseiller spécial du
Secrétaire général de la Francophonie, en décembre
2009, au lendemain de la 74è session du CPF, faisant valoir
auprès de ses différents interlocuteurs le souci
expressément énoncé par les instances de
privilégier le caractère consensuel du retour à l'ordre
constitutionnel et à la vie démocratique. Le Conseil
Parlementaire de la Francophonie (CPF), réuni le 14 décembre
2009, a également jugé opportun de donner toutes ses chances
à la médiation engagée sous l'égide de la
Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO) et conduite par l'ancien président du Nigeria, Abdoulsalami
Abubakar, et à laquelle l'OIF a participé en qualité
d'observateur. Le Sommet des chefs d'État de la CEDEAO, qui s'est tenu
le 16 février 2010 à Abuja, a cependant constaté la
faiblesse des progrès réalisés dans le cadre du dialogue
inter-nigérien. C'est dans ce contexte que sont intervenus le coup
d'État militaire du 18 février 2010 et la prise du pouvoir par un
groupe de militaires organisé en Conseil suprême pour la
restauration de la démocratie. Conformément aux dispositions de
la Déclaration de Bamako, le Conseil Parlementaire de la Francophonie
(CPF) s'est réuni en session extraordinaire à Paris, le
1er mars 2010, pour apprécier la
situation et a exhorté les acteurs politiques
nigériens à ramener rapidement, en oeuvrant de manière
consensuelle et inclusive, leur pays sur le chemin de la démocratie,
notamment en organisant des élections libres, fiables et transparentes,
en rétablissant des institutions conformément aux principes d'un
État de droit et en respectant le plein exercice des droits.
L'efficacité du procédé de prévention dans
l'enrayement des crises politiques est très notable et constitue pour
l'OIF un moyen de réalisation du projet francophone.
Dans un but d'approfondissement de ce dispositif de veuille,
l'OIF contribue fortement à la réforme du système de
Sécurité
B- Une implication croissante
La recrudescence du terrorisme, des conflits armés, de
la violation des droits de l'Homme fragilisent les Etats et remettent en cause
le système de sécurité jusqu'alors mis en place par eux
dans la société internationale. Ces convulsions qui affectent
dangereusement la société internationale ont des impacts
négatifs sur le processus de démocratisation des Etats et
nécessite des actions quotidiennes de sécurisation. C'est dans ce
contexte qu'apparait la notion de Réforme du Système de
Sécurité visant une redynamisation des acteurs et institutions
impliqués dans la sécurité143.
L'espace noir francophone n'est pas épargné de
ces crises, au contraire il en est de plus en plus
affecté144. C'est fort de ces risques et dangers pour la
démocratie que la Francophonie a décidé de s'approprier
cette notion. Conscients de l'importance fondamentale de cet enjeu, les chefs
d'État et de gouvernement de la Francophonie, par le point 18 de la
Déclaration de Québec, se sont engagés à «
[s'Jimpliquer de façon concertée dans les débats
menés au sein des Nations unies et des organisations
143 Selon l'ONU, le système de
sécurité doit comprendre des structures, des institutions et un
personnel responsable de la gestion, de la garantie et du contrôle de la
sécurité. Par exemple: les forces armées, les services de
répressions, les services pénitentiaires, les services de
renseignements, et les institutions responsables du contrôle des
frontières, des douanes et de la protection civile. Dans certains cas,
le système comprend également certains éléments du
système judiciaire appelés à connaitre des cas de
délit et de mauvais usage de la force. Le secteur de la
sécurité doit également comporter des organes de gestion
et de contrôle et, dans certains cas, peut faire appel à la
participation de prestataires informels ou traditionnels de services de
sécurité. Voir
http://www.un.org/frpeacekeeping/issues/security.shtml.
Consulté le 13 février 2018.
59
144 Rappelons que l'Afrique au sud du Sahel est
profondément menacée par le phénomène Boko Haram,
secte islamique qui défie jusqu'à présent le
système sécuritaire mis en place par les Etats. Ceci est une
preuve de ce que le système de sécurité étatique
est en pleine crise et nécessite par conséquent d'être
réformé pour s'adapter aux nouvelles menaces internationales.
régionales sur la réforme des
systèmes de sécurité dans [les pays de la Francophonie] ,
compte tenu du lien incontournable entre sécurité, paix,
démocratie, développement et droits de l'Homme
»145.
La réforme des systèmes de
sécurité vise à améliorer la capacité des
pays partenaires à pourvoir à la sécurité de
l'État comme de ses populations. Elle a ainsi pour vocation de
répondre à l'éventail des besoins de
sécurité d'une société donnée, dans le
respect de l'État de droit, de la démocratie et des droits de
l'Homme, grâce à la promotion d'une gouvernance responsable,
transparente et efficace des acteurs qui contribuent à façonner
l'environnement sécuritaire d'un État et de sa population.
En ce qui concerne l'OIF, une lecture des dispositions
adoptées ne montre aucune référence expresse à la
RSS. Mais elle figure cependant en filigrane dans ces dernières. Ainsi
à la faveur des Déclarations de Bamako et de Saint-Boniface,
complétées par celle de la Déclaration de Québec,
l'OIF s'offre un cadre pertinent pour encadrer les éventuelles
interventions de l'OIF en matière d'appui à la réforme des
systèmes de sécurité.
D'abord, en ce qui concerne la déclaration de Bamako,
certains de ses articles offrent un cadre adéquat pour l'OIF de
s'investir dans les RSS. Par exemple, à travers la proclamation de la
séparation des pouvoirs, la soumission à la loi de l'ensemble des
institutions et acteurs en charge de la sécurité ainsi que le
respect du libre exercice des libertés prévus par le chapitre 2,
alinéa 2, l'OIF se fait l'obligation de contribuer au renforcement des
institutions car «la sanction et donc la loi sont en effet
indispensables au fonctionnement de tout système de
sécurité, l'action des forces de sécurité
n'étant durable que sur leur capacité à enquêter et
contraindre est prolongée par celle de l'Etat à juger et punir,
capacité pénale qui doit d'abord s'appliquer aux faux- pas des
forces de sécurité elles-mêmes»146. De
la même manière, à l'alinéa 5 du point 3 de la
Déclaration de Bamako, l'OIF condamne sans équivoque les coups
d'Etat et autres tentatives de prise de
145 Déclaration de Québec, XIIe
Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement des pays ayant en partage
le français, Québec (Canada), 17-19 octobre 2008, p.2.
60
146 VITALIS Joseph, « La réforme du secteur de
sécurité en Afrique, Contrôle démocratique de la
force publique et adaptation aux réalités du continent »,
in Afrique Contemporaine, Dossier Paix, Sécurité,
développement, n°209- Printemps 2004, p.70.
pouvoir par les armes ou quelque autre moyen
illégal147. L'une des vocations de la RSS est de
développer la soumission et la loyauté des forces armées
au pouvoir civil et démocratiquement élu. Ainsi, les exigences
démocratiques de l'exercice du pouvoir participent à cantonner
les forces de l'ordre dans les missions de sécurité qui leur sont
dévolues car les coups d'état sont condamnés, de
même que les violations graves des droits de l'homme qui sont passibles
de jugement devant les instances nationales et internationales.
Par ailleurs, les principes de l'Etat de droit tels que
dégagés par le chapitre 2, al 2 constituent «les
fondements élémentaires et indispensables d'un système de
sécurité démocratique»148. Cependant
il faut noter que la démocratisation n'est pas un gage de
sécurité dans la mesure où la remise en cause des
privilèges et des expectatives politiques peut engendrer de tensions
susceptibles de mettre en danger la sécurité de l'Etat ainsi que
des citoyens. La déclaration de Saint Boniface, en faisant
référence à la sécurité humaine et à
la responsabilité de protéger met en place un moyen de
prémunir les individus contre toute faille des Etats quant à la
préservation de leur sécurité.
« La RSS est un instrument qui vise à
instaurer une architecture sécuritaire rénovée. La RSS
s'étend sur un large spectre et a vocation à être mise en
oeuvre dans les pays relativement stables tout comme dans les pays en situation
de post-conflit»149. Elle apparaît donc comme un
volet essentiel de la prévention des crises comme de la sortie des
conflits. En ce sens, il s'agit d'un processus qui s'inscrit dans l'agenda
adopté dans le cadre de la Déclaration de Saint-Boniface qui
affirme la détermination à « concrétiser
l'ambition d'une Francophonie qui, au cours de la décennie 2005-2014,
entend valoriser son approche et ses acquis au service de la prévention
et du règlement des conflits tout en accompagnant résolument les
efforts de la communauté internationale visant à construire un
système international plus efficace, rénové dans ses
structures, ses mécanismes et ses normes ».
147 Cet article stipule : « pour préserver la
démocratie, la Francophonie condamne les coups d'Etat et toute autre
prise de pouvoir par la violence, les armes ou quelque autre moyen
illégal ».
148 Rapport OIF 2008, op.cit. p.171.
61
149 BAGAYOKO- PENONE Niagale, « la réforme des
systèmes de sécurité en Afrique francophone », www.
Ahjucaf.
Elle a ainsi mis en place des partenariats avec les
principales fondations et organisations non gouvernementales oeuvrant en faveur
de la démocratisation des systèmes de
sécurité150, au premier rang desquelles le
Réseau africain pour le secteur de sécurité
(RASS)151. L'OIF a noué des échanges avec les
organisations multilatérales impliquées dans la formalisation du
concept de RSS - ONU, Union africaine, Organisation de Coopération et de
Développement Economique (OCDE), Union Européenne, CEDEAO - afin
de peser sur les orientations normatives et les réflexions doctrinales
actuellement en cours de définition ou de révision au sein de ces
enceintes internationales. Dans ce contexte, l'OIF travaille avec le Bureau
État de droit de la Direction des Opérations de Maintien de la
Paix (DOMP) sur les actions menées en matière de RSS.
Sur le terrain, la Francophonie s'est montrée
engagée pour le renforcement des RSS. Ainsi, en Centrafrique, des
programmes de soutien aux RSS ont été lancés et
contrôlés par le biais de missions d'expertises établies
à cet effet. L'organisation a apporté son soutien à une
formation des professionnels de l'information (notamment les membres du Haut
Conseil de la communication) et les journalistes d'une quarantaine de
médias au traitement des questions de RSS. Aussi pour aider les forces
de sécurité à jouer pleinement leur rôle, un soutien
au renforcement des capacités de formation de l'école nationale
de police centrafricaine a été apporté par l'OIF avec la
collaboration du Réseau International français de formation
policière. Par ailleurs, l'OIF a identifié puis envoyé un
expert en audit sur la réforme de la police civile pour contribuer
à la mission conjointe
150 L'OIF a pour tradition d'apporter un
soutien particulier aux initiatives endogènes engagées à
l'initiative des acteurs locaux. La contribution de l'OIF aux RSS s'inscrit
dans le cadre d'une coopération avec les autres acteurs internationaux.
C'est pourquoi la Délégation à la Paix , à la
Démocratie et aux Droits de l'Homme en collaboration avec le Bureau
Régional de l'OIF pour l'Afrique de l'Ouest (BRAO) a
décidé d'apporter son soutien à la tenue d'un
séminaire portant sur les spécificités et enjeux de la
réforme des secteurs de sécurité et de la justice en
Afrique francophone, qu'elle a organisé conjointement avec le RASS et le
centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement
en Afrique ( UNREC). Ce séminaire tenu à Lomé les 28 et 29
mai 2009 et dont les travaux ont été solennellement
inaugurées par son excellence M. Gilbert Dawara, ministre togolais de la
Coopération, a réuni des spécialistes et des experts en
provenance de l'ensemble du monde africain francophone. Il a aussi permis une
première participation de trois réseaux institutionnels de la
Francophonie (le réseau international francophone de formation
policière-FRANCOPOL. La section francophone de l'Association
internationale des procureurs et poursuivant AIPP; l'Association des
institutions supérieures de contrôle ayant en commun l'usage du
français- AISCCUF) à une initiative de l'OIF
spécifiquement vouée à promouvoir la gouvernance
démocratique des systèmes de sécurité.
62
151 Le Réseau Africain des
Systèmes de Sécurité est une ONG panafricaine oeuvrant au
niveau continental en faveur de la gouvernance démocratique des
systèmes de sécurité.
63
d'évaluation CEDEAO/ONU/Union africaine élargie
à l'OIF et à l'Union européenne, pour la réforme
des secteurs de sécurité en Guinée.
Enfin, mentionnons que l'OIF a pu largement compter aussi sur
les réseaux institutionnels de la Francophonie, et plus
spécifiquement sur Franco Pol. Instrument de soutien à la
modernisation et au perfectionnement des dispositifs et de la qualité de
la formation et des pratiques policières, Franco Pol est
particulièrement adapté pour contribuer à la
réforme des forces de police de certains États francophones,
spécialement ceux en situation de post-conflit. Elle s'investit,
grâce au soutien de l'OIF, dans un projet de développement au
profit de sept Etats francophones (Bénin, Burkina Faso,
République centrafricaine, Côte d'Ivoire, Niger, Tchad, Togo). Le
Carrefour Franco Pol de l'information et du savoir est une plate-forme de
formation numérique dont la vocation est de mettre les technologies de
l'information et de la communication au service de la modernisation de la
fonction policière.
Quand toutes les mesures propres à prévenir les
conflits sont actionnés sans résultats probants, l'OIF s'efforce
de mettre en oeuvre des actions de les gérer lorsqu'ils
éclatent.
Paragraphe 2 : La politique de gestion
La gestion des crises est concurremment assurée par le
Secrétaire Général et le CPF (A). Mais l'OIF va
au-delà de ces précautions en étendant ses actions aux
opérations de maintien de la paix (B).
A- Une démarche coordonnée par le tandem
Secrétariat Général et CPF
Selon le chapitre 5, al 2 de la déclaration de Bamako,
« face à une crise de la démocratie ou en cas de
violation grave des droits de l'Homme, les instances de la Francophonie se
saisissent conformément aux dispositions de la Charte, de la question
afin de prendre toute initiative destinée à prévenir leur
aggravation et à contribuer à un règlement». A
ce point, une diversité de décisions peut être prise par le
Secrétaire Général. Il peut réunir un comité
ad hoc consultatif restreint, envoyer un facilitateur dans
le cadre de la recherche d'une solution consensuelle ou encore
des observateurs judiciaires lors d'un procès «suscitant la
préoccupation de la communauté francophone». Il peut
songer aussi à l'envoi d'un médiateur, recourir aux bons offices
ou à la conciliation. Selon Mme Christine Dessouches, il s'agit d'un
«recours à la facilitation ...expressément prévu,
en cas de crise ou de violations graves des droits de l'Homme, dans une
démarche tant préventive que réactive afin que la
situation ne se dégrade pas plus ou, surtout, qu'elle connaisse un
règlement pacifique»152. Toutefois, le
succès de la procédure de facilitation dépend intimement
de «l'acceptation préalable du processus de facilitation par
les autorités du pays concerné».
Sur les applications pratiques de ce dispositif, depuis 2000,
l'OIF s'est impliquée dans la recherche de solutions aux graves crises
qui ont secoué l'espace noir francophone. Sur ce plan, il convient de
citer la désignation, par le Secrétaire Général,
d'un Envoyé spécial en Côte d'Ivoire, l'Ambassadeur Lansana
KOUYATE, à la suite de la grave crise de septembre 2002, ayant
entraîné la partition de fait du pays, qui sera confirmé en
tant que Représentant permanent de l'OIF au sein du Comité de
suivi des Accords de Marcoussis du 23 janvier 2003, transformé en Groupe
de Travail International d'accompagnement du processus de transition et Chef du
Bureau de l'OIF en à Abidjan. Au Burundi, le Secrétaire
Général dépêchera M. Hacen OULD LEBATT, Ancien
Ministre des affaires étrangères de Mauritanie, en
décembre 1998, pour une mission de bonne volonté et d'information
auprès du Président BUYOYA, puis, en tant qu'Observateur lors des
négociations d'Arusha, qui se sont traduites par la signature en
août 2000 de l'Accord d'Arusha. En République Démocratique
du Congo, le Secrétaire Général allait désigner le
Président ZINSOU comme Envoyé spécial en vue de
contribuer, après l'arrivée au pouvoir du Président Joseph
Désiré KABILA, à la conception des termes de l'ouverture
et du dialogue national, à travers plusieurs missions de bons offices,
d'octobre 1998 à la fin de l'année 1999. Les destinées de
ce dialogue seront finalement présidées par le facilitateur
désigné, l'ancien Président MASIRE, auprès duquel
le
64
152 DESSOUCHES Christine, « Exposé
de problématique : la pratique de l'OIF en matière de
médiation », in Retraite sur la médiation de la
Francophonie, 2007, pp. 22-36.
Secrétaire Général de la Francophonie
nommera, à partir de février 2001 M. Hacen OULD LEBATT, en tant
que Chef du Bureau de la Facilitation en RDC, d'abord au titre de la
Francophonie, puis de l'ONU, et qui oeuvrera, dans ce cadre à la
négociation de l'Accord de Pretoria, sur la base de l'Accord de
Lusaka.
En cas de rupture de la démocratie ou de violation
massive des droits de l'Homme dans l'un des pays membres, le Secrétaire
Général est habilité à recourir aux
procédures prévues à l'alinéa 3 du chapitre V de la
Déclaration de Bamako, aux fins du rétablissement de l'ordre
constitutionnel ou de l'arrêt immédiat de ces violations. En
dernier recours, le CPF peut décider de suspendre l'État de
l'Organisation. Cette décision s'impose « en cas de coup
d'État militaire contre un régime issu d'élections
démocratiques »153.
Ce fut le cas à l'occasion du coup d'Etat en
Centrafrique, ayant porté au pouvoir le Général BOZIZE, en
mars 2003 avec la situation tendue qui a prévalu au lendemain des
élections de 2005, du coup d'Etat au Togo, en février 2005, lors
du décès du Président EYADEMA. Dans le cas
spécifique de la Centrafrique, la participation de la Francophonie a
été ainsi qualifiée par M. Pierre Buyoya 154 : «
en République centrafricaine, la médiation de la Francophonie est
particulièrement visible car elle a bâti, avec les acteurs
politiques et sociaux impliqués dans le processus politique et
électoral, un précieux capital de confiance. Elle a su mobiliser
à temps une expertise utile et a, en outre, joué un rôle de
plaidoyer auprès d'autres acteurs internationaux pour appuyer les
efforts de consolidation de la paix.»155. Dans le
même pays, le coup d'Etat intervenu en mars 2013 n'a pas
échappé à la censure du CPF. En effet, ayant pris
connaissance du rapport circonstancié de la mission d'information et de
contact dépêchée par le Secrétaire
Général du 29 mars au 05 avril 2013 à Bangui et
dirigée par Monsieur Louis Michel, les représentants
présents au CPF ont confirmé la condamnation du coup de force
exprimée avec fermeté par le Secrétaire
Général le 25 mars. Dans une résolution, et
153 Déclaration de Bamako, Chapitre 5, al 3.
154 Pierre Buyoya était l'envoyé spécial du
SG de l'OIF en Centrafrique.
65
155 OIF, Rapport du SG/OIF: 2008- 2010, p.32.
66
conformément aux dispositions du chapitre 5 de la
Déclaration de Bamako, les membres du CPF ont décidé de
prononcer la suspension de la République Centrafricaine tout en
reconnaissant la décision prise par les chefs d'Etat et de gouvernement
de la CEEAC instaurant un dispositif institutionnel de transition.
En Afrique de l'ouest, l'intervention de l'OIF aura
été aussi salutaire. La vive crise politique qu'a connue la
Guinée à la suite des répressions et des massacres du 28
septembre 2009 a conduit M. Abdou Diouf à designer le Président
Blaise Compaoré pour trouver une issue à la crise. Par la suite,
l'envoi de différentes missions et la participation de Groupe
international de contact (GIC) ont permis de rétablir l'ordre
constitutionnel. Les efforts menés par l'OIF en collaboration avec la
CEDEAO vont aboutir à la conclusion d'une déclaration du 15
janvier 2010 signée par le président de la junte, le
Général Sékouba Konaté et le président
Compaoré qui prévoit une transition de six mois
présidée par le Président de la junte et un Premier
Ministre issu des forces vives de Guinée.
On voit alors clairement à travers cette implication de
l'OIF dans les processus de transition que, l'objectif de l'organisation
à travers le chapitre V, al 3 ne se limite pas à condamner les
atteintes à la démocratie ; il s'agit aussi d'inciter et
d'accompagner les États concernés sur le chemin du retour
à un ordre constitutionnel démocratique. La Francophonie
s'attache donc à renforcer les institutions des pays en transition,
qu'elles soient ad hoc ou permanentes, aux fins de restauration de la
stabilité politique et de la démocratie ainsi que du respect des
droits et des libertés.
En conclusion, plusieurs foyers de conflits se trouvent dans
l'espace francophone. La Francophonie a donc une réelle carte à
jouer dans leur règlement en faisant valoir ses outils de
médiation et de facilitation. Elle doit donc renforcer son engagement,
ce qui lui permettra également de perfectionner ses approches.
La médiation et la facilitation n'empêchant
parfois pas que les conflits éclatent, l'OIF étant ses actions en
contribuant également aux opérations du maintien de la paix.
B- Une démarche extensive
En 2004, le Secrétaire Général des
Nations Unies, Kofi Annan a lancé un appel vibrant au Secrétaire
Général de la Francophonie afin qu'il incite les Etats
francophones à prendre part à la mission des Nations Unies pour
la stabilisation en Haïti. C'est cette alerte, «qui constitue le
véritable point de départ de l'engagement de la Francophonie en
faveur des opérations de paix»156.
Ainsi, depuis Saint Boniface et davantage encore, depuis le
Sommet de Québec en 2008, «la Francophonie a fait de
l'accroissement de la participation aux OMP onusiennes et africaines un des
grands terrains de mobilisation»157. A ce titre, l'OIF
«développe avec les grands acteurs directs du maintien de la
paix les partenariats dans le but de contribuer à l'instauration d'une
véritable paix durable, fondée sur la considération de la
démocratie»158 même si elle n'est pas une
actrice directe en matière de maintien de la paix et qu'il n'entend pas
non plus le devenir.
La Francophonie étant une organisation civile, elle ne
dispose pas de forces de maintien de la paix. Sa contribution aux
opérations de maintien de la paix consiste d'une part à
encourager les pays francophones au renforcement de l'effectif des forces de
maintien francophone dans les conflits, et d'autre part à formuler des
plaidoyers auprès des organisations internationales.
En ce qui concerne le premier point, il est important de faire
remarquer que les OMP des Nations Unies sont caractérisées par un
manque criard des contingents francophones sur les terrains de
déploiement. Or la conduite des opérations par des contingents
francophones particulièrement dans les pays francophones constitue
une
156 OIF, « La contribution de la Francophonie aux
opérations de maintien de la paix », Réseau d'expertise et
de Formation pour les Opérations de Maintien de la Paix janvier 2017,
p.5.
157 GUICHERD Catherine, « Profondeur stratégique
de la Francophonie en Afrique», in BAGAYOKO Niagalé et
RAMEL Frédéric (dir), op.cit., p.40. Dans le cadre de la
Francophonie, il importe de préciser que cette action est portée
par le Canada, secondée par la France et relayée par des
réseaux spécialisés (notamment le réseau de
recherche sur les opérations de paix (RESOP), le réseau
d'expertise et de diffusion d'information basé à
l'université de Montréal). Pour Catherine Guichard, cette action
est fondée sur un argumentaire plutôt technique soulignant la
sous-représentation des francophones dans les OMP onusiennes, alors
même que la demande est allée croissante avec le
déploiement et l'expansion des missions telles que la MONUSCO ou
l'ONUCI.
67
158 OIF, DDHDP, Contribution de l'Organisation
Internationale de la Francophonie aux opérations de maintien de la
paix, p.4, voir www.opérations paix/net/DATA.pdf.
Cité par CHABI Basile, L'organisation Internationale de la
Francophonie et le règlement des conflits en Afrique noire francophone,
mémoire précité, p.46.
garantie de la réussite des opérations dans la
mesure où la proximité linguistique entre la population locale et
les forces de maintien permet de créer un lien de confiance qui peut
facilement rendre les opérations probantes. C'est dans ce contexte qu'on
a assisté à une «appropriation
géoculturelle»159 des OMP consistant à un
transfert progressif « de responsabilité,
d'imputabilité, de compétences et de capacités à
une organisation dont les pays membres jouissent d'une proximité
culturelle et linguistique servant, dans une certaine mesure de point de
ralliement et d'ancrage de collaboration»160.
'ONU»162.
Encore appelée «francophonisation des
opérations de paix»161, cette appropriation
géoculturelle a permis «une augmentation substantielle bien que
tardive et modeste, de la contribution francophone aux opérations de la
paix de l
Les opérations de maintien de la paix ont pour objectif
d'aider les pays en proie à des conflits à créer les
conditions de retour à une paix durable. L'action de l'OIF consiste,
d'un point de vue pratique, à informer les Etats francophones sur la
mécanique onusienne relative au montage des Omp, l'objectif étant
de permettre aux Etats de saisir toute la mesure des opportunités
offertes et de prendre les décisions relatives à leur
participation auxdites opérations en pleine connaissance du dispositif
existant. L'OIF appuie ainsi le développement de programmes, en
coopération avec des partenaires bilatéraux et
multilatéraux, visant à renforcer la capacité des Etats
membres à participer à ces opérations.
Concrètement, cet appui prend la forme de formations dispensées
en partenariat avec les écoles de formation spécialisées,
telles que l'Ecole de maintien de la paix Alioune Blondin Beye
(EMP)163 de Bamako, l'Ecole Internationale des Forces de
Sécurité (EIFORCES)164 d'Awaé au Cameroun et
les séminaires in situ de formation aux normes des Nations
Unies dans les pays qui offrent des disponibilités immédiates de
mise
159 MASSIE Jean et MORIN David, « Francophonie et
opérations de paix : vers une appropriation géoculturelle »,
Revue Etudes Internationales, Vol. 42, n°3, 2011, pp. 313-
336.
160 LARRAMENDY Damien, MORIN David, THEROUX-BENONI Lorie-Anne
et ZAHAR Marie-Joëlle, La participation francophone aux
opérations de paix : état des lieux, Montréal,
ROP/CERI, 2012, p.21, cité par CHABI Basile, op.cit., p.48.
161 MASSIE Jean, et MORIN David, op.cit. Ce terme
traduit la nécessité de déployer les casques bleus
maitrisant la langue française dans les champs des hostilités des
pays francophones afin de faciliter la communication avec les populations
locales.
162 Ibidem., p.320.
163 Cette école a été ouverte en 2006 et
a pour mission de contribuer au renforcement des capacités des Etats
africains en matière de soutien à la paix et prioritairement
à la Force Africaine en Attente de la CEDEAO.
68
164 L'EIFORCES a été créée en 2008
et est appelée à devenir la première institution africaine
dans le domaine des missions non militaires de maintien de la paix.
à disposition de contingents, mais dont les troupes ont
besoin d'une formation complémentaire pour se présenter aux
examens de recrutement organisés par l'ONU (comme ce fut le cas en 2006
des fonctionnaires de police du Sénégal et du Cameroun).
Enfin, deux autres pôles de formation intéressent
la Francophonie. Il s'agit de la formation des contingents non francophones
à l'usage et à la pratique de la langue française et
l'identification d'un vivier d'experts civils dans les domaines liés aux
Omp.
Le second mode de participation de la Francophonie aux
opérations de maintien de la paix consiste en des actions de plaidoyers
auprès des organisations internationales notamment l'ONU. Elle
mène ainsi des actions de plaidoyers auprès de cette organisation
universelle où se déroulent les négociations
internationales sur le concept, l'architecture et le déploiement des
Omp. Cette initiative a conduit en mars 2004 à la signature d'un
partenariat ONU-OIF lorsque l'ONU a pris attache avec l'OIF en sollicitant son
concours pour la mobilisation des contingents francophones dans la perspective
du déploiement dans les pays francophones.
Les actions de l'OIF en matière de plaidoyer visent
principalement à assurer la promotion de l'usage du français dans
la documentation onusienne relative aux opérations de paix, ainsi qu'au
sein du Secrétariat et des missions, notamment pour ce qui a trait aux
processus de recrutement. En s'appuyant sur le rapport du Comité
spécial sur les Opérations de maintien de la paix des Nations
unies (dit « C-34 »), auquel l'OIF participe
en qualité d'observateur, elle a sollicité l'ONU
«à rééquilibrer sa
politique
linguistique»165 notamment en exhortant l'ONU
à ce que tous les documents produits par elle soient publiés en
français et afin d'inciter à l'insertion des francophones dans
les Omp, notamment en argumentant en faveur de l'ajustement de la
manière dont l'ONU conduit les entretiens de recrutement (en
français avec évaluation d'un anglais fonctionnel).
Dans ce cadre, l'OIF a ainsi adressé, en mars 2015, une
contribution écrite au Groupe indépendant de haut niveau sur les
opérations de paix des Nations unies, mis en place par le
Secrétaire général des Nations unies. Cette contribution a
notamment mis
69
165 OIF, Contribution de l'Organisation Internationale de la
Francophonie aux opérations de maintien de la paix, op.cit.,
p.19.
70
l'accent sur la nécessité de favoriser le
multilinguisme et de prendre en considération la dimension linguistique
dans les phases de préparation, d'intervention et de consolidation des
opérations de paix, ainsi que sur l'importance de promouvoir une
meilleure prise en compte de la diversité des spécificités
locales propres aux pays d'intervention.
Par ailleurs, l'OIF mène des actions de plaidoyer
également auprès des États membres pour les sensibiliser
aux avantages stratégiques procurés par la participation aux
opérations de maintien de la paix. Celles-ci constituent en effet un
instrument de rayonnement politico-diplomatique et un levier d'influence aux
plans régional et international, ainsi qu'un vecteur de modernisation de
l'appareil de défense et de sécurité. C'est dans ce cadre
que se sont inscrits en 2009 les forums de Bamako et de Yaoundé qui ont
permis de sensibiliser les responsables d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique
centrale à l'importance de la contribution francophone aux OMP. Il
s'agit aussi de la Co-organisation avec la Direction de la coopération
de sécurité et de défense du ministère
français des Affaires étrangères (DCSD), la
Délégation aux affaires stratégiques du ministère
français de la Défense (DAS) et le Centre de politique de
sécurité de Genève (GCSP) du cycle de séminaires
2012-2013 (Addis-Abeba, Dakar, Genève, New York) sur le rôle des
pays francophones dans les opérations de maintien de la paix de
l'ONU.
Conclusion de la première partie
71
Le rôle joué par l'OIF dans le rayonnement
démocratique des Etats de l'Afrique noire francophone est
évident. La mise en place des instruments juridiques très
ambitieux et des mécanismes d'action originaux ont permis de promouvoir
la stabilité démocratique en faisant obstacle ou en
atténuant les dérives dans la gestion du pouvoir par les
responsables politiques. Le partenariat qu'elle a créé avec les
organisations internationales et régionales engagées dans la
construction démocratique fait de sa contribution un atout
irremplaçable auprès des Etats d'Afrique noire francophone.
Et pourtant, et en dépit de toutes ces
réussites, les actions de la Francophonie dans la construction
démocratique se heurtent à bien des obstacles ; ce qui rend sa
contribution perfectible.
UN ACCOMPAGNEMENT PERFECTIBLE
DEUXIEME PARTIE :
72
Le projet politique d'accompagnement de la démocratie
mis en oeuvre par la Francophonie en Afrique noire francophone en dépit
des réussites évidentes enregistrées est plus qu'à
parfaire. En effet, bon nombre d'écueils liés aussi bien à
l'environnement politique des Etats qu'à l'organisation interne de
l'OIF, corsètent les initiatives mises en oeuvre par cette
dernière. L'analyse de ces difficultés est donc pertinente en vue
d'une meilleure action politique de l'OIF en faveur de la démocratie en
Afrique noire francophone.
Nous parlerons alors d'une part de la double difficulté
à laquelle fait face l'OIF (Chapitre 1) et d'autre part
des défis qu'elle doit relever en vue d'un meilleur accompagnement
démocratique (Chapitre II).
CHAPITRE I : DES DIFFICULTES A UN
DOUBLE NIVEAU
L'engagement politique de la Francophonie amorcée
véritablement à partir de 1997, notamment par la création
d'un poste de Secrétariat Général est d'une noblesse
indiscutable. Il est en effet tourné vers une problématique
contemporaine cruciale qu'est la démocratie africaine
caractérisée de tous les maux166. Cependant,
l'atteinte de cet objectif qu'elle s'est assignée n'est pas sans
entraves notamment en Afrique noire francophone.
On le sait très bien, la démocratie ne saurait
rimer avec les conflits. Or l'espace africain noir francophone est un espace
constamment secoué par les convulsions politiques qui débouchent
fréquemment sur des conflits. Il en résulte que l'Afrique noire
francophone n'offre pas un contexte favorable à l'instauration ou
à l'accompagnement démocratique (Section 1).
En outre, l'analyse de l'organisation interne de l'OIF laisse
transparaitre une faiblesse structurelle manifeste qui ne favorise pas un
accompagnement démocratique optimal (Section 2).
Section 1 : Les difficultés intrinsèques
à l'espace noir francophone
L'ambition politique de la Francophonie qui est de jouer un
rôle primordial dans le rayonnement de la démocratie dans l'espace
noir francophone est corsetée par, d'une part, l'instabilité
politique qui secoue les Etats de cet espace (paragraphe 1) et
d'autre part, par la difficulté de concilier la souveraineté
étatique et l'accompagnement démocratique (paragraphe
2).
73
166 En effet bon nombre d'observateurs
internationaux voient en la démocratie africaine une démocratie
imparfaite faite d'instabilité politique, de coups d'Etat
caractérisés par des tentatives des militaires à reverser
les gouvernements civils élus démocratiquement, la violation des
droits de l'Homme, la confiscation du pouvoir, l'instrumentalisation des
constitutions par les autorités gouvernementales à des fins
politiques ainsi que des élections peu crédibles.
Paragraphe 1 : L'OIF face à un espace constamment
instable
L'Afrique noire francophone reste un espace très
miné par des conflits ethniques et politiques qui engendrent des
violations massives des droits humains (A). Dans ce contexte,
les actions de médiation entreprises par l'OIF en vue de la
résolution desdites crises n'aboutissent toujours pas à des
issues favorables (B).
A- Une recrudescence des conflits
«Alors que le développement est un processus
long et endogène, l'Afrique est le continent des conflits et des
tsunamis silencieux»167. C'est malheureusement le tableau
sombre que l'on dresse de l'Afrique qui apparemment n'a pas pris la mesure du
développement. Depuis les années 1970, le continent africain a
connu plus de trente guerres qui, dans leur vaste majorité, sont
d'origine interne. Pour la seule année 1996, quatorze des
cinquante-trois pays africains - soit plus du quart - étaient
touchés par des conflits armés qui avaient provoqué plus
de la moitié de tous les décès liés à la
guerre dans le monde entier et qui avaient de même expliqué le
sort de huit millions de réfugiés et de personnes
déplacées168.
Avec l'écroulement du bloc soviétique et
l'adoption dans le monde et en Afrique de la démocratie comme mode
d'organisation des sociétés humaines, l'on pouvait
raisonnablement s'attendre à l'atténuation considérable
des conflits armés au profit de l'accélération du
processus conduisant à la pacification des Etats. Au contraire, c'est
surtout après 1989, donc avec le changement démocratique que les
conflits ont redoublé d'intensité. Au lieu d'en assurer la
prospérité des pays africains, l'avènement de la
démocratie semble donner un coup d'accélérateur à
des conflits particulièrement internes, violents, lesquels ont
entamé la vie socio-politico-économique de la majorité des
Etats. Et pour preuve, «depuis 1990, 19 conflits majeurs africains ont
été localisés dans 17 pays, dont un seul « classique
», c'est-à-dire opposant deux États
(Éthiopie-Érythrée). La
167 HUGON Philipe, « Conflits armés,
insécurité et trappes à pauvreté en Afrique»,
Afrique contemporaine : Afrique et Développement,
n°218, Bruxelles, éd. De Boeck, 2006, p. 33.
74
168 ANNAN Koffi, Les causes des conflits et la promotion d'une
paix et d'un développement durable en Afrique, rapport au conseil de
sécurité, New-York, Nations Unies, Avril 1998, paragraphe 4.
Disponible sur
www.un.org.
75
baisse du nombre des conflits majeurs en Afrique entre
1990 et 1997 a fait place à une reprise entre 1998 et 2000 (11 conflits
par an), puis à une réduction depuis 2001 (cinq conflits par an
en moyenne). En 2006, le spectre des conflits continue de hanter la
République démocratique du Congo (RDC), la Côte d'Ivoire,
la Somalie, l'Érythrée et l'Éthiopie ainsi que le Darfour,
avec une extension au Tchad voisin. S'expliquant largement par le
sous-développement et par l'exclusion, les conflits sont, à leur
tour, des facteurs d'insécurité et de sous-développement
traduisant l'existence de cercles vicieux et de trappes à
sous-développement et à conflits»169.
A cet effet, l'Afrique noire francophone reste très
affectée par une prolifération exponentielle des conflits ces
dernières années. En Afrique de l'ouest, deux conflits majeurs
retiennent les attentions. Il s'agit d'abord de la Côte d'Ivoire qui a
connu doublement la guerre civile dont celle ayant débuté en 2002
et la crise postélectorale de 2010. Ces deux crises ont non seulement
généré des hécatombes mais, aussi appauvri le pays
en annihilant tous les efforts de construction démocratique
déployés jusque-là par les autorités nationales et
les partenaires sociaux. Il s'agit ensuite de la Guinée où la
mort du Président Lansana Conté le 22 décembre 2008, a
entrainé le pays dans une nouvelle ère de turbulence qui a
conduit jusqu'au massacre de 2009 par le putschiste Moussa Daddis Camara.
Dans la même optique, l'Afrique centrale n'est pas
épargnée de cette instabilité
généralisée. En effet, une violente guerre
civile170 a ravagé la République centrafricaine
à partir de l'année 2013. Elle a opposé notamment les
milices de la Seleka, à majorité musulmane et fidèle au
président Michel Djotodia, à des groupes d'auto-défense
chrétiens
169 HUGON Philippe, « Conflits armés,
insécurité et trappes à pauvreté en Afrique»,
article précité, p.42.
170 Selon un communiqué d'Amnesty International
publié le 19 décembre 2013, environ 1000 chrétiens sont
massacrés par la Seleka rien que pour les journées du 5 au 8
décembre 2013 lors de la bataille de Bangui et des centaines de civils
sont massacrés par les deux camps lors du mois de janvier. À la
fin du mois de janvier 2014, l'ONU estime que les violences ont fait 2000 morts
et un million de déplacés depuis décembre. Dans un rapport
publié le 1er novembre 2014, l'ONU estime que les violences
ont fait 3000 morts entre le 5 décembre 2013 et le 14 août 2014.
Sur cette période les anti-balaka seraient responsables de la mort de
854 civils et de 7 travailleurs humanitaires tandis que la Séléka
aurait tué 610 civils et 7 travailleurs humanitaires. Human Rights Watch
affirme avoir recensé la mort de 146 personnes dans les environs de
Bambari, Bakala, Mbres et Dékoa entre juin et début septembre. En
janvier 2015, un rapport d'une commission d'enquête de l'ONU affirme que
des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ont
été commis par la Seleka et les anti-balaka mais qu'il n'y a pas
de preuve de génocide. Selon la commission, le conflit en
République centrafricaine a fait 3 000 à 6 000 morts en deux ans.
Voir www.
https://wikivisually.com/lang-fr/wiki/Troisiéme
guerre civile centrafricaine.
76
et animistes, les anti-balaka, fidèles à
l'ancien président François Bozizé et accusés
d'être soutenus par des anciens militaires des Forces armées
centrafricaines. Le conflit se caractérise par de nombreuses exactions
contre les civils, musulmans ou chrétiens. Un grand nombre d'entre eux
fuient les villages pour se réfugier dans la brousse. La situation
débouche sur une crise humanitaire importante, aggravée par le
chaos sécuritaire.
Face à ces crises, plusieurs missions de paix ont
été établies par l'ONU en vue de les maîtriser et
les enrayer171. Dans la même logique sur le plan
régional et sous régional, l'UA aussi a multiplié
l'Etablissement des OMP sur le terrain des hostilités. Les causes de ces
conflits sont multiples: centralisation excessive du pouvoir politique et
économique engendrant corruption et népotisme; refus de certains
dirigeants de rendre des comptes et d'accepter l'alternance politique,
mépris des minorités, monopolisation du pouvoir par des groupes
(ethniques, régionaux, militaires), absence de système de
représentation efficace, coopération insuffisante de part et
d'autre de frontières héritées de la colonisation
séparant artificiellement une même communauté, disputes sur
les tracés territoriaux(...), insuffisance du contrôle de la
circulation des armes liée à la déficience de l'Etat.
Le point essentiel qui constitue un enjeu de taille pour
l'Afrique est la conséquence de ces crises car en effet les conflits
armés internes ont la particularité de plonger les institutions
étatiques dans une crise systémique qui aboutit non seulement
à l'effondrement de l'Etat mais aussi au démantèlement du
processus démocratique. L'effondrement de l'Etat du fait des conflits se
remarque aussi bien sur le plan politique que sur le plan juridique.
Sur le plan politique, l'effondrement de l'Etat,
«c'est une situation où la structure, l'autorité, le
droit et l'ordre politique se sont émiettés et ont besoin
d'être recomposés»172.
171 Il s'agit du BINUCA (Bureau Intégré des
Nations Unies pour la Consolidation de la paix en RCA) envoyé en Janvier
2010, de la MISCA (Mission internationale de soutien à la RCA) sous
conduite Africaine et l'opération Sangaris sous conduite de la France.
Et enfin la MINUSCA (Mission Internationale des Nations Unies pour la
stabilisation en Centrafrique) mise en place en 2014.
171ZARTMAN William cité par POULIGNY
Béatrice : Ils nous avaient promis la paix : Opérations de
l'ONU et populations locales, Paris, Presses de sciences po, 2004, p.50.
Cité par KIMARARUNGA Jean Désiré, L'organisation des
Nations Unies face aux conflits en Afrique : contribution à une culture
de prévention, mémoire de DEA en relations internationales
et intégration européenne, Université de
Liège, 2007.
.
D'un point de vue juridique, c'est l'existence même de
l'Etat qui est compromise du fait de l'écroulement de l'édifice
institutionnel servant d'assise au pouvoir politique.
L'effondrement de l'Etat conduit aussi inéluctablement
à l'éclatement de la nation - du moins celle qui est en
construction. Il en résulte une certaine remise en cause du sentiment
collectif du vouloir vivre ensemble. La société en tant que
groupe se fragmente. C'est bien la triste réalité qu'a connue la
Centrafrique avec la guerre civile opposant musulmans et chrétiens.
Ainsi, « (...) Non seulement l'Etat est absent dans sa fonction
d'ordre et de légitimité, mais la société a
volé en éclats, la nation est fragmentée, la population
dispersée et l'économie en ruine. De plus, alors que l'Etat est
vacant, ni ordre, ni pouvoir, ni légitimité ne sont transmis
à des groupes (même si plusieurs organisations existantes
pourraient évoluer dans ce sens). La réalité et le symbole
du pouvoir sont tous deux à qui veut les prendre parmi les factions
armées qui se combattent»173.
Par ailleurs, la démocratie qui déjà est
très fragile en période normale subit de grandes convulsions avec
l'éclatement d'une crise politique.
Sans remettre en cause le caractère précoce de
la démocratie dans les pays africains, il convient de faire remarquer
que les guerres ont tendance à porter un coup dur au processus
démocratique.
Cette situation est le corollaire de l'effondrement de l'Etat.
En effet, « l'Etat n'est plus le seul détenteur du pouvoir de
répression légale. Il peut à tout moment se trouver en
compétition avec d'autres centres de pouvoir, en détenant les
mêmes moyens. L'apparition d'un tel phénomène dans le
paysage politique africain est un facteur de grande
vulnérabilité, d'instabilité chronique et même de
délégitimation des pouvoirs légalement mis en place, qui
hypothèque les fragiles processus démocratiques amorcés
ici et là »174.
77
173 LOWENKOPF Martin, cité par AHANHANZO GLELE Victor
et HOUEDJISSIN Modeste, L'intégration régionale comme
instrument de prévention des conflits : cas de la CEDEAO,
mémoire de fin de 1er cycle DRI, UAC : ENAM, 2000, p.17,
cité par KIMARARUNGA Jean Désiré, L'organisation des
Nations Unies face aux conflits en Afrique : contribution à une culture
de prévention, op.cit.
174 KONARE Omar Alpha, cité par EDUI MOKA Abdoul,
La prévention des conflits en Afrique, Mémoire de DEA Droit
de la personne humaine et Démocratie, UAC, 2002, p.31, cité par
KIMARARUNGA Jean Désiré, op.cit.
C'est bien cela qu'a vécu la République de
Côte d'Ivoire. A l'issue des élections présidentielles de
2000, le gouvernement mis sur pied est obligé de partager le pouvoir
avec des groupes rebelles à travers la signature d'un accord inclusif
dénommé les accords de Marcoussis175 en 2003 afin de
mettre fin à la guerre civile qui sévissait dans le pays. Le
constat à ce niveau est que l'on remarque avec amertume que les armes
ont tendance à prendre le pas sur les urnes.
Ce phénomène constitue un défi pour la
démocratie et pour les partenaires de l'Afrique. Des accommodements de
toutes sortes sont consentis à l'égard des rebelles
désormais sur le même pied d'égalité avec le pouvoir
légal. Sous prétexte de "réconciliation nationale", des
criminels de guerre sont intégrés dans des processus de
reconstruction de l'Etat de droit, ce qui contredit les idéaux de
justice et de démocratie. Le système démocratique reste
donc très éprouvé avec ces conflits.
Le système de réaction mis en place par l'OIF en
vue de la résorption de ces crises et conflits n'assure pas toujours le
retour à la paix et à la normalité constitutionnelle.
B- Une intervention étriquée de l'OIF
L'OIF n'est pas une organisation de maintien de la paix. Par
conséquent, elle ne dispose pas d'une force de maintien de la paix. Du
reste, son intervention dans les crises repose essentiellement sur la
médiation. En effet, en tant que processus de plus en plus
structuré, « la médiation offre à tous les
acteurs d'un conflit un cadre souple, neutre et impartial d'échange et
de prise de décision, propice à la résolution des
conflits»176. «Le développement récent des
crises et des conflits dans l'espace francophone a permis à la
Francophonie de confirmer le caractère complexe de leurs nouvelles
dynamiques et lui donne l'occasion de rappeler, dans ce contexte
évolutif, l'importance de la médiation internationale dans la
prévention et le règlement pacifique des
différends»177. L'OIF qui
175 Les accords de Marcoussis ou accords Kléber se sont
tenus du 15 au 26 janvier 2003 en France à Linas-Marcoussis et visaient
à mettre un terme à la guerre civile de Cote d'Ivoire qui s'y
déroulait depuis 2002. Autour de la table de négociations, les
forces nouvelles rebelles du nord et les différents partis politiques du
pays étaient invités par le Président français,
Jacques Chirac, pour négocier à huit clos les conditions de
retour à la paix. Les accords furent signés au centre des
conférences internationales, avenue Kléber à Paris.
78
176 OIF, 2é Retraite sur la
médiation de la Francophonie, 2012, p.31.
177Ibidem, p.6
en fait son instrument diplomatique principal n'arrive pas
à réellement s'imposer dans le cadre du règlement des
conflits en Afrique noire francophone. Cette situation s'explique d'abord par
la multiplicité des acteurs intervenant dans le règlement des
conflits et ensuite par leur difficile coopération et
complémentarité.
Tout d'abord il faut reconnaitre que «l'OIF participe
aux processus de règlement des conflits affectant les pays de l'Afrique
francophone non pas en tant qu'acteur isolé, mais dans le cadre des
concertations multilatérales mises en place»178.
C'est justement à ce niveau que le problème se pose dans le
règlement du conflit car chaque médiateur est mandaté par
une institution spécifique et doit mener aussi sa diplomatie d'une
manière aussi spécifique.
Autrement dit, «En pratique, le médiateur
désigné par la communauté internationale se trouve
confronté à l'intervention d'autres médiateurs,
envoyés spéciaux, représentants de diverses institutions
internationales, acteurs étatiques ou non étatiques, de nombreux
observateurs, situation qui fragilise sa mission auprès des
parties»179. On assiste en la matière bien souvent
à une véritable « cacophonie », et la coordination des
acteurs pour la plupart concurrents autour d'un chef de file est difficile
à organiser180. La dimension externe de la crise tchadienne
caractérisée par une pluralité d'intervenants externes
illustre bien les défis généraux des médiations.
Selon Ngarlem Toldé, «ce qui semble caractériser la
plupart d'entre elles est l'absence d'un centre (formel ou informel) de
synchronisation et d'harmonisation»181.
De façon générale, la présence sur
place de plusieurs médiateurs, envoyés spéciaux et
d'importantes organisations internationales et non- gouvernementales est
susceptible de créer une grande confusion quant aux
responsabilités du médiateur principal. L'harmonisation et la
coordination des initiatives des feuilles de routes des médiateurs
restent donc une problématique cruciale pour le succès des
initiatives de médiation dans
178 GUICHERD Catherine, « Profondeur stratégique
de la Francophonie en Afrique », 2013, p.38, in BAGAYOKO
Niagalé et RAMEL Frédéric, Francophonie et profondeur
stratégique, IRSEM.
179 OIF, 2é Retraite sur la
médiation de la Francophonie, ouvrage précité.,
p.31.
180Ibidem, p.31.
79
181 NGARLEM Toldé, La Francophonie et la
résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers,
Lyon, Université Jean Moulin (Lyon 3), Thèse de doctorat soutenue
le 20 décembre 2012, p. 159.
les conflits. Dans le cas spécifique de la
médiation francophone, son action parait subordonnée à
l'action d'autres organisations disposant d'une envergure politique et
financière plus grande182. Ainsi dans son rapport de
2006-2008, le Secrétaire Général de la Francophonie a
souligné que dans la crise tchadienne de 2007-2008183, c'est
l'action politico-militaire de la France et de l'Union Européenne qui a
réellement permis de dépasser la crise interne. De la même
façon en Côte d'Ivoire, malgré son dévouement
à s'impliquer dans la résolution de la crise électorale de
2005-2011, c'est l'utilisation de la force militaire associée aux
pressions politiques entreprises par d'abord l'ONU et ensuite la France qui a
permis d'apaiser les esprits.
Hormis l'instabilité politique, c'est le respect du
principe sacrosaint de la souveraineté qui constitue l'autre obstacle
à une meilleure implication de l'OIF dans la démocratie en
Afrique noire francophone.
Paragraphe 2 : L'OIF face à la souveraineté
des Etats
La souveraineté étatique constitue un principe
notoirement connu en droit international. Elle est considérée
comme une qualité de l'Etat (A). Toutefois sa conception et son respect
au sens strict constitue un obstacle à l'offensive démocratique
de l'OIF au sein des Etats (B)
A- La souveraineté comme qualité de
l'Etat
La souveraineté est le droit exclusif qu'exerce un Etat
sur son territoire ou sur son peuple. Selon Louis Le Fur, la
souveraineté est la qualité de l'Etat de n'être
obligé ou déterminé que par sa propre volonté, dans
les limites du principe supérieur du droit, et conformément au
but collectif qu'il est appelé à réaliser184.
La conséquence directe de la souveraineté de l'Etat est le
principe de l'égalité de tous les Etats et la
non-ingérence définie par la Charte des Nations Unies dans
l'article 2.7 du Chapitre I : « Aucune
182 GUICHERD Catherine, « Profondeur stratégique de
la Francophonie en Afrique », op.cit., p.38.
183 En février 2008 des rebelles tchadiens venant du
Soudan s'introduisent dans la capitale tchadienne et tentent un coup de force
pour s'approprier le pouvoir. Le président Idriss Déby mobilise
alors ses troupes pour la riposte afin de préserver son pouvoir. Leur
action n'étant pas suffisante pour contenir ces rebelles, la France a
été sollicitée pour intervenir militairement contre les
rebelles.
80
184 LE FUR Louis, Etat fédéral et
confédération d'Etats, 1896, p.443.
disposition dans la présente Charte n'autorise les
Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ». La
souveraineté étatique donne la compétence personnelle
à l'Etat quant à la question liée à l'organisation
du pouvoir politique, à son statut politique, la forme de son
régime et les modalités d'exercice du pouvoir politique
c'est-à-dire que l'Etat a le droit de « choisir son
système politique, économique, social et culturel sans aucune
forme d'ingérence de la part d'un autre État
»185 ou organisation internationale. Ainsi, s'agissant du
chapitre de l'organisation des scrutins électoraux, la
souveraineté conduit à considérer que l'Etat est le seul
qui en détermine les modalités sans aucune influence
extérieure tel que le notifie Hector Gros Espiell lorsqu'il affirme:
«à l'organisation constitutionnelle de l'État, à
la forme de gouvernement et au système d'intégration des pouvoirs
de l'État [...] les élections, en tant que procédé
d'intégration des organes législatif et exécutif
prévus par la constitution, relevaient du seul domaine du droit interne.
Le droit de participer aux élections, d'être électeur et
d'être élu, était une question que chaque pays
résolvait exclusivement au moyen de son système constitutionnel
et juridique. Que les élections aient lieu ou non, qu'elles aient
été ajournées ou non, qu'elles aient été
authentiques et libres, frauduleuses et viciées, voilà qui
laissait le droit international indifférent»186.
Le principe de la non-ingérence, fleuron même de
la souveraineté de l'Etat a été hautement défendu
par une résolution de l'Assemblée Générale des
Nations Unies et un arrêt de la Cour Internationale de Justice.
L'Assemblée Générale de l'ONU au paragraphe 5 de sa
résolution 2131 du 21 décembre 1965 portant
«Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention
dans les affaires intérieures des États » affirmait que
« tout État a le
185 Il suffit de procéder à une lecture presque
notariale de la Déclaration relative aux principes de droit
International touchant les relations amicales et à la coopération
entre les États conformément à la Charte des Nations
Unies, Rés. AG 2625(XXV), Doc. Off. AG NU, 25e session. Sup.
no13, Doc. NU, A/8018 (1970). Aussi, peut-on consulter avec profit
l'arrêt Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, supra
note 1 aux pp. 133 et s.
81
186 GROS-ESPIELL Hector, « Liberté des
élections et observation internationale des élections. Rapport
Général», dans Colloque de la Laguna, Liberté des
élections et observation internationale des élections,
Bruylant, Bruxelles, 1994, pp.79 et s. Toutefois, on peut signaler des
interventions unilatérales de certaines puissances occidentales dans les
affaires intérieures d'un autre État. De telles interventions
peuvent se fonder sur des irrégularités électorales ;
SCHACHTER Oscar, « Is There a Right to Overthrow an Illegitimate
Régime», dans Mélanges Michel Virally, Le droit
international au service de la paix, de la justice et du développement,
Paris, Pedone, 1991, 423 aux pp. 423 et s. ; SCHACHTER Oscar, «
International Law in Theory and Practice », 1982, 178 Rec. des cours 9 aux
pp.140-149 ; GORDON Edward, « International Law and the United States
Action in Grenada », 1984. Cité par KOKOROKO Dodzi, «
Souveraineté étatique et légitimité
démocratique », Revue Québécoise de droit
international, 2003, p. 23.
82
droit de choisir son système politique,
économique, social et culturel sans aucune forme d'ingérence de
la part de n'importe quel État »187. Quant à
la Cour Internationale de Justice, dans son arrêt du 27 juin 1986 sur
l'« Affaire des activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua », elle a reconnu une valeur coutumière à un
tel principe et considéré que « l'intervention interdite
doit donc porter sur des matières à propos desquelles le principe
de souveraineté des États permet à chacun de se
décider librement»188, et la Cour d'ajouter qu'il
en est ainsi du «choix du système politique, économique,
social et culturel : Les orientations politiques internes d'un État
relèvent de la compétence exclusive de celui-ci [...] Chaque
État possède le droit fondamental de choisir et de mettre en
oeuvre comme il l'entend son système politique, économique et
social [...] La Cour ne découvre aucun instrument ayant une valeur
juridique, unilatérale ou synallagmatique, par lequel le Nicaragua se
serait engagé quant au principe et aux modalités de la tenue
d'élections [...]. L'adhésion d'un État à une
doctrine particulière ne constitue pas une violation du droit
international coutumier. Conclure autrement reviendrait à priver de son
sens le principe fondamental de la souveraineté des États sur
lequel repose tout le droit international et la liberté qu'un
État a de choisir son système politique, social et
culturel»189. La valorisation de ce principe de
souveraineté a abouti à une tendance très poussée
de fétichisation de l'autonomie constitutionnelle et autorise l'Etat
à accepter ou rejeter toute initiative qu'il considère comme
étant une menace à son intégrité territoriale ou
une immixtion dans ses affaires intérieures. C'est ainsi au nom de
187 Dans le prolongement de cette résolution, on peut
citer la Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention
dans les affaires intérieures des États et de l'ingérence
dans les affaires intérieures des États, Rés. AG
36/103, Doc. Off. AG NU, 36e sess. Doc. NU A/RES/36/103, (1981), sans passer
sous silence l'Affaire du Détroit de Corfour (Albanie c. Royaume-Uni),
arrêt 9 avril 1949, [1949] C.I.J. Rec. 4. à la p. 35 : « le
prétendu droit d'intervention ne peut être envisagé par
elle [la Cour] que comme une manifestation d'une politique de force, politique
qui, dans le passé, a donné lieu aux abus les plus graves et qui
ne saurait, quelles que soient les déficiences présentes de
l'organisation internationale, trouver aucune place dans le droit international
». Pour d'amples explications, voir VINCINEAU Michel, « Quelques
commentaires à propos de la « Déclaration sur
l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les
affaires intérieures des États », dans Mélanges
Charles Chaumont, 555, supra note 8 aux pp. 555-577. Cité par
KOKOROKO Dodzi, op.cit., p.5.
188 Affaire des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua, supra note 1 à la p. 133 : « la
seule dérogation reconnue à la règle concerne les
régimes nazis et racistes, autrement dit, « toutes les
idéologies et pratiques totalitaires ou autres, en particulier, nazies,
fascistes, néo-fascistes fondées sur l'exclusivisme ou
l'intolérance raciale ou ethnique, la haine, la terreur, le déni
systématique des droits de l'homme et des libertés fondamentales
» ; LANG Caroline, L'affaire Nicaragua c. États-Unis
devant la CIJ, Paris, Librairie générale de droit et
jurisprudence, 1990 ; EISEN MANN Pierre-Michel, « L'arrêt de la CIJ
du 27 juin 1986 dans l'affaire des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci », 1986, A.F.D.I., 153 aux
pp. 153 et s. Cité par KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté
étatique et légitimité démocratique »,
article précité, p.5.
189Ibidem.
la souveraineté, qu'au Togo et au Zimbabwe lors des
élections présidentielles de 1993 et de 2002, plusieurs
organisations non-gouvernementales telles le Groupe d'Études et de
Recherches sur la Démocratie et le Développement
Économique et Social(GERDDES), l'Union Interafricaine des Droits de
l'homme (UIDH) ou l'UE ont été exclues, parce que
supposées proches des oppositions politiques aux pouvoirs en
place190. En définitive, la souveraineté peut
être utilisée comme un alibi par les autorités politiques
afin de manipuler leur peuple et leur nation à leur guise sans pour
autant craindre une remise en cause de leur légitimité de la part
de quelque Etat ou organisation internationale que ce soit. Même si ce
principe a beaucoup évolué aujourd'hui en droit
international191, les Etats en restent toujours très
attachés dans leur rapport entre eux ou avec les acteurs
dérivés du droit international. Dans le cadre de l'OIF,
l'attachement des Etats à leur souveraineté est une entrave
à une meilleure implication démocratique.
B- La souveraineté comme obstacle à
l'implication démocratique
Le respect de la souveraineté constitue un principe
central qui gouverne les actions de la Francophonie en matière
d'accompagnement démocratique. A l'article 1er de la charte
adoptée à Antananarivo, on peut lire au paragraphe 2 :«
La Francophonie respecte la souveraineté des Etats, leurs langues, leurs
cultures. Elle observe la plus stricte neutralité dans les questions de
politique intérieure». C'est à la base de cette
énonciation de la Charte, que l'OIF a décrété la
diversité démocratique en faveur des Etats. En d'autres
190 DIAMOND Larry, Promoting Democracy in the 1990's,
Carnegie Foundation of New-York, Washington, 1995 aux pp. 17 et s.
L'exemple zimbabwéen mérite de façon exceptionnelle
d'être souligné. En effet, le gouvernement de Robert Mugabe a
refusé d'accorder des accréditations à certains
observateurs de l'Union européenne, en invoquant l'immixtion pure et
simple de ces derniers dans les affaires intérieures de son pays. Voir
KPATINDE Francis, « Mugabe fait front » Jeune Afrique/
L'Intelligent (25
fév. au 3 mars 2002) ; Laasko, supra
note 35 aux pp. 437-464. Pour le cas du Togo, voir PILON Marc, «
L'observation des processus électoraux : enseignements de
l'élection présidentielle au Togo », Politique
africaine, n°56,, 137 aux pp. 139 et s, 1994. Cité par
KOKOROKO Dodzi, op.cit.
83
191 Le professeur VIRALLY Michel expliquait comment le
développement progressif du droit international avait remodelé le
visage de la souveraineté. C'est durant ces dernières
années que les règles fondamentales du droit international ont
été codifiées dès lors que l'on s'attache à
celles qui, tout en ayant une portée morale ou politique sont
limitatives de la souveraineté. La souveraineté des États
n'est plus perçue comme un pouvoir absolu et inconditionné, mais
comme un faisceau de compétences exercées dans
l'intérêt de l'État, mais aussi dans le sens des
intérêts généraux de la Communauté
internationale. Selon l'ancien Secrétaire Général des
Nations Unies, M. Perez de Cuellar, «La souveraineté
dépend de l'attitude d'un État par rapport aux droits de l'Homme
puisque la protection des droits de l'Homme constitue la clé de
voûte du système international, donc de la paix ». Il
ajoute que le « principe de la non-intervention dans les affaires
intérieures d'un État ne saurait servir de barrière
protectrice derrière laquelle, les droits de l'Homme pourraient
être massivement et systématiquement violés en toute
impunité ». Voir VIRALLY Michel, le « Droit International
en devenir », Essais écrits au fil des ans, in Politique
étrangère, n°2, 1990, 55ème
année, pp.424-426.
termes, les Etats sont libres d'organiser leur système
démocratique comme ils l'entendent et le conçoivent en liaison
avec leurs cultures ou les legs de leur histoire. Ainsi, on peut lire dans la
déclaration de Bamako au chapitre 3, article 2 :«pour la
Francophonie, il n'y a pas de mode d'organisation unique de la
démocratie et que, dans le respect des principes universels, des formes
d'expression de la démocratie doivent s'inscrire dans les
réalités et spécificités historiques, culturelles
et sociales de chaque peuple». Si la consécration de ce
principe de diversité démocratique tient à la
nécessité de respecter l'autonomie constitutionnelle de chaque
Etat, il faut cependant comprendre qu'elle porte un coup à la
légitimité des actions et aux prises de position192 de
l'OIF en cas de dérive des dirigeants politiques. La consécration
de la diversité démocratique contribue en effet pour les Etats
sur la base de l'autonomie constitutionnelle à entretenir une
diversité des situations politiques dans l'espace francophone. Ainsi,
«l'espace noir francophone comprend une mosaïque de situations
politiques»193 qualifiées tout azimut de
système démocratique. En Afrique noire francophone, cette
situation est de nature à favoriser la prolifération des
démocraties dites de façade ou de prestige qui pourtant ne
suscite pas la préoccupation des instances de la Francophonie qui
affichent leur quasi passiveté. L'affaiblissement de la
potentialité d'apport de l'OIF dans l'affermissement des
démocraties en Afrique noire francophone en raison de la
souveraineté étatique se remarque également sur le plan
des élections. En effet sur ce plan, «tout est mis en oeuvre
pour saboter la pratique de l'observation internationale des élections
sur le fondement de la souveraineté
étatique»194. En conséquence, les rapports
finaux des observations électorales établis par les observateurs
de l'OIF manquent d'audace pour dénoncer les dysfonctionnements
réels qui ont entaché le bon déroulement des
élections195. Ainsi, dans ce chapitre éminemment
192 L'OIF affirme à travers ses textes son attachement
aux valeurs notoirement connues de la gouvernance démocratique dont la
condamnation des coups d'Etat, l'organisation à date
régulière des échéances électorales, le
respect des droits humains....
193 SY Malick, DJISTERA Lahana Corine, ROBEYE Rirangar
Aimé, La promotion de la démocratie, de l'Etat de droit et
des droits de l'Homme dans l'espace francophone, mémoire de Master
2 en sciences politiques et relations internationales, Université Jean
Moulin Lyon 3, 2008.
194 KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté étatique et
légitimité démocratique », article
précité., p.49.
84
195 A titre d'exemple, la mission électorale au Togo
lors des élections présidentielles de 2010 a constaté au
cours d'une visite au centre de traitement des résultats que «des
problèmes concernant la réception des données par VSAT ont
été signalés en raison de la panne des postes de
réception qui sont au nombre de 5. Ces difficultés de
réception de données par VSAT considéré comme plus
sécurisé et leur interruption à la suite de la panne des
ordinateurs n'a pas permis une configuration de l'intégralité des
données reçues par les trois procédés initialement
prévus ( Rapport de mission d'information et de contacts de la
Francophonie, Elections
important de la vie démocratique, on remarque que
l'observation électorale mise en oeuvre par l'OIF fait l'objet de bien
des critiques et son application révèle une bien plus
pénible réalité196 car elle opte pour une
conception purement formaliste du droit à des élections libres et
honnêtes, occultant ainsi les déviances affectant un choix
authentique par les êtres humains197. De ce point de vue, le
respect de l'autonomie constitutionnelle, est de nature à
tempérer et à émietter la détermination de l'OIF
à s'investir raisonnablement dans la construction démocratique.
L'OIF est presque impuissante face aux dirigeants politiques qui brandissant
leur autonomie constitutionnelle s'accrochant inlassablement au
pouvoir198 en livrant leur peuple à l'asservissement. On
comprend alors aisément la posture mitigée de l'OIF face à
la prolifération de certaines «démocratures» en Afrique
noire francophone199
présidentielles du 4 mars 2010 au Togo,
www.démocratie.francophonie.org/,
p.8.). Dans ce cas, l'élection a été validée alors
que ces pannes d'ordinateurs paraissent comme des sabotages en vue de truquer
les élections. En conséquence l'OIF s'aligne derrière
cette phraséologie qui est devenue un rite de l'observation
internationale des élections : «malgré les quelques
insuffisances constatées, l'élection s'est déroulée
dans le calme et la sincérité sur toute l'étendue du
territoire».
196 SALMON Jean, « Démocratisation et
souveraineté : l'impossible conciliation ? », dans Rostane
Mehdi (dir), La Contribution des Nations Unies à la
démocratisation de l'État, Dixième Rencontre
internationale d'Aix-en-Provence, Colloque des 14 et 15 décembre 2001,
Pedone, Paris, 2002, 191 aux pp. 191 et S. Cité par KOKOROKO Dodzi,
« Souveraineté étatique et légitimité
démocratique », article précité, p.13.
197 KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté étatique et
légitimité démocratique », article
précité, p.13.
198 Sur l'espace noir francophone, plusieurs chefs d'Etat sont
au pouvoir depuis plus de 30 ans et d'autres un peu moins. Le Président
Teodoro Obiang Nguema de la Guinée Equatoriale arrivé au pouvoir
à la suite du coup d'Etat du 3 aout 1979 est le plus ancien au poste.
Paul Biya du Cameroun a bouclé ses 34 ans de pouvoir. Quant à
Nguesso Denis Sassou du Congo, il cumule 32 ans de pouvoir. Président de
1979 à 1992, puis de 1997 à l'heure actuelle grâce à
une nouvelle constitution qui lui permet de briguer un autre mandat. Au Tchad,
Idriss Déby Itno est au pouvoir depuis 26 ans. Le Gabonais Omar Bongo
est décédé en 2009 après plus de 41 ans au pouvoir.
Il faut ajouter à cette liste le régime de Pierre Nkurunziza, au
pouvoir depuis 2005. Le référendum constitutionnel mis en oeuvre
par lui et auquel le peuple a motivé son approbation lui permettrait de
se maintenir au pouvoir jusqu'en 2034 puisque la durée du mandat est
passée désormais de 5 à 7 ans. L'autonomie
constitutionnelle est instrumentalisée par certains chefs d'Etat
africain pour légitimer leur maintien au pouvoir. «En effet, en
Afrique, la vie politique a été dominée, et dans certains
Etats continue par être dominé par des chefs d'Etats inamovibles,
qui ont confisqué le pouvoir d'Etat, en profitant du manque de culture
démocratique des populations. Voir A. Loada, «La limitation du
nombre des mandat ...», p.144. Cité par TCHANGA KEUTCHA
Célestin, «Droit constitutionnel et conflits politiques dans les
Etats francophones d'Afrique noire», Revue Française de Droit
Constitutionnel, vol 3, n 63, p. 451- 491. « Depuis
l'indépendance, la plupart des Présidents ont
considéré qu'une fois en fonction, ils avaient vocation à
le conserver indéfiniment. Sous le régime des partis uniques ou
largement dominants, il leur était facile de se faire
réélire indéfiniment, le plus souvent d'ailleurs comme
candidat unique». Voir G. Conac, « Quelques réflexions
sur le nouveau constitutionnalisme africain», in Organisation
Internationale de la Francophonie, Paris, Pedone et Bruxelles, Bruylant,
2001, p.14. Il est aisé de constater que le passage, sur le plan formel,
d'un ordre constitutionnel autoritaire à un autre, libéral et
démocratique, n'a pas remis en cause cette personnalisation du pouvoir
politique. Bon nombre de Présidents sortant n'acceptent l'ouverture
démocratique que dans la mesure où elle ne remet pas en cause
leur maintien à la tête du pays, excluant ainsi en fait la
possibilité d'une alternance au sommet de l'Etat. Le poids de cette
tradition autoritaire reste encore vivace au Gabon, au Tchad, au Cameroun, au
Togo, au Burundi où les dirigeants n'ont pas encore pris conscience
qu'ils ont intérêt à respecter les règles du jeu
démocratique.
85
199 Selon le professeur KOKOROKO, par «
démocrature », «nous entendons certaines caricatures
démocratiques en trompe l'oeil qui sont pourtant acceptées dans
le concert des Nations telles le Togo, la Birmanie, le Zimbabwe et le
Tchad». Il faut ajouter aussi, le Congo Brazzaville, le Burundi. Voir
KOKOROKO Dodzi, « souveraineté étatique et principe de
légitimité démocratique », op.cit. Rappelons
aussi à cet effet que certains présidents citant leurs pays comme
étant démocratiques en Afrique noire francophone se maintiennent
au pouvoir depuis des années et sont auteurs de violations graves des
droits de l'homme sous la passiveté de la communauté
internationale et plus particulièrement de l'OIF.
Ceci étant, si la souveraineté, qualité
intrinsèque de l'Etat, ne saurait s'effacer devant la
légitimité démocratique, elle doit cesser d'être un
instrument utilisé par les politiques pour nourrir leurs appétits
dictatoriaux ou mettre un frein aux initiatives de la Francophonie dans son
investissement pour la démocratie. En d'autres termes, il faudrait que
l'alibi de l'autonomie constitutionnelle maquillée en défense de
la souveraineté étatique n'assure plus la violation des droits de
l'homme en l'occurrence celui d'être élu et d'élire ses
dirigeants politiques démocratiquement. En un mot, il faut que
disparaisse sous la pression des Etats véritablement
démocratiques, de l'ONU, des Organisations internationales et
régionales, des ONG, des médias, de l'opinion publique nationale
et internationale en collaboration avec l'OIF, une conception exacerbée
de la souveraineté étatique200.
Section 2 : Les difficultés intrinsèques
à l'OIF
L'ambition politique de l'OIF de faire de l'espace noir
francophone un bastion de la démocratie contraste malheureusement avec
le caractère limité des moyens d'action (paragraphe 1)
et une flexibilité dans son fonctionnement interne
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Un appui limité
L'OIF est confrontée à la difficulté de
la mobilisation des moyens financiers pour faire face à la
réalisation des activités liées à ses objectifs.
Aux difficultés financières (A) s'ajoutent une souplesse
excessive des textes qui organisent son action politique en faveur
de la démocratie (B). Si cette souplesse textuelle est
liée à sa vision d'accompagnement démocratique, une vision
modérée et idéaliste des relations internationales, il
n'en demeure pas moins vrai qu'elle ralentit ou tempère
considérablement ses potentialités d'action.
86
200 KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté étatique et
légitimité démocratique », article
précité, p.50.
A- Une insuffisance évidente des moyens
d'action
Selon le site web de l'OIF, en décembre 2017, elle
regroupe quatre-vingt Etats ou gouvernements repartis sur les cinq continents
représentant 14% de la population mondiale201.
Si une telle extension vertigineuse de l'OIF est un avantage
stratégique notamment du côté de sa visibilité et de
son poids dans les relations internationales, elle nécessite cependant
de lourds moyens à même de répondre aux multiples besoins
et sollicitations des Etats dans tous les domaines notamment « la
promotion de «la paix, de la démocratie et des droits de
l'Homme». Or, «durant les années quatre-vingt-dix,
l'élargissement ne s'est pas accompagné d'aucun financement
supplémentaire et s'est donc traduit par un saupoudrage qui
déçoit autant les anciens que les nouveaux
adhérents.» 202 . «La Francophonie a
été marquée par le passé par des difficultés
financières majeures, en grande partie liées au fait que pendant
de nombreuses années, près d'un tiers des membres de la
Francophonie n'avaient pas versé leurs contributions volontaires au
budget de l'OIF, les arriérés ayant atteint un montant
cumulé d'environ 11 millions d'Euros .Cet important manque à
gagner a longtemps déséquilibré le budget de
l'organisation»203. La conséquence directe de cette
situation est que l'OIF en raison de ses moyens limités n'arrive pas
à couvrir les besoins exprimés par les Etats. A titre d'exemple,
pour la période de 2010-2013, l'OIF consacre à la mise en oeuvre
de son programme 180 millions d'Euros dont environ 10,5 millions à sa
mission B: « Promouvoir la paix, la démocratie et les droits de
l'Homme» au titre de l'année 2011204. De ce point
de vue, quand l'on est conscient de ce que la vie politique des Etats d'Afrique
noire francophone est particulièrement jonchée de crises et de
conflits et que la démocratie est soumise à de vives convulsions,
de lourds moyens restent à mobiliser pour répondre aux diverses
sollicitations des Etats de l'espace.
201www.oif.org.
Consulté le 20 septembre 2017.
202AUF, ouvrage collectif, Francophonie et
relations internationales, ouvrage précité., p.75
203www.oif.org.
87
204OIF, Rapport du contrôleur financier,
Année financière 2011, p.12.
Du reste, «l'élargissement de l'OIF
nécessite des moyens financiers notamment dans la promotion de la
démocratie: l'élargissement suppose des moyens
supplémentaires et une institutionnalisation plus poussée, car ce
qui existe est notoirement insuffisant: des moyens financiers et techniques
supplémentaires permettraient, notamment de développer
l'enseignement de la langue française dans les pays peu francophones et
de soutenir les initiatives nationales pour atteindre les objectifs de la
Francophonie»205.
Par ailleurs, la mise en oeuvre des actions de
médiation, la mobilisation des personnalités et experts à
même de mener à bien les missions n'est pas encore à la
hauteur des attentes. Les équipes d'accompagnement, d'assistance ou de
soutien aux médiateurs ou aux facilitateurs n'existent pas pour la
plupart du temps206. Les exigences de la lourdeur inhérente
aux tâches de préparation et de mise en oeuvre des missions de
médiation ou de facilitation annihilent souvent les efforts des experts
et consultations de la Délégation, à la Paix, à la
Démocratie et aux Droits de l'Homme bien que depuis 2003, cet organe a
connu un accroissement non moins important de ses effectifs. Ainsi, dans la
plupart des cas, ce sont les mêmes personnes qui assurent les
différentes tâches.
Travailler en synergie avec les Nations Unies, l'Union
Africaine, l'Union Européenne (UE) ou les organisations sous
régionales comme la CEDEAO ou la CEEAC, organiser une mission de
médiation , envoyer des missions d'information, d'observation et
d'évaluation dans des pays appartenant à des zones
géographiques très diversifiées sont autant d'actions qui
supposent bien évidemment de disposer d'un réseau diplomatique
solide, d'experts qualifiés et de budget consistant. A ce jour, en
dépit des différents appels au renforcement du budget, (en
témoignent les fécondes et pertinentes recommandations contenues
dans les Actes du retraite sur la médiation francophone de 2007 et de
2012, organisé sous l'égide de l'OIF) la Francophonie peine
à mobiliser de tels moyens (en 2012, son budget s'élevait
à 85 millions d'euros, montant stable sur un an).
En plus de ces moyens humains et financiers insuffisants qui
freinent l'action de l'OIF, l'inexistence des mesures coercitives due à
la souplesse des textes de l'OIF
205 AUF, ouvrage collectif, Francophonie et
relations internationales, ouvrage précité,
p.75.
88
206 OIF, Retraite sur la médiation de la
Francophonie, article précité, p.19.
représente une autre entrave à une meilleure
implication de l'OIF dans l'approfondissement démocratique en Afrique
noire francophone.
B- Une souplesse défavorable des textes
L'OIF repose sur des textes essentiellement
déclaratoires. La Charte de la Francophonie, principal texte de
l'organisation n'a pas valeur contraignante. Dans la même logique, la
Déclaration de Bamako et la Déclaration de Saint Boniface sont
des textes de la soft law et par voie conséquence, les obligations qui y
découlent ne lient pas les Etats membres de l'institution. Ceci fait de
l'OIF une organisation atypique207. Car une Organisation
internationale est fondée sur un traité liant tous les membres.
Cet acte constitutif est un acte mixte car «il est à la fois un
accord de volonté conclu entre les Etats souverains et aux sens à
la fois formel et matériel ou l'on l'entend en droit public interne, une
constitution, déterminant les droits et obligations des Etats
liés entre eux de même qu'aux organes institués dont ils
précisent les pouvoirs»208.
Le caractère non contraignant des textes de l'OIF
entraine dans la plupart des cas, le non-respect de certains principes
liés à la démocratie et à l'Etat de droit. La
rupture de la démocratie en Guinée, en Côte d'Ivoire, en
Centrafrique et même en RDC est très illustrative du non
appropriation par les Etats des valeurs démocratiques promues par l'OIF.
Il en est de même des révisions opportunistes mises en oeuvre par
les chefs d'Etats de certains pays d'Afrique noire francophone;
révisions qui sont enclenchées au grand mépris des valeurs
contenues dans la Déclaration de Bamako et sous la presque inaction des
instances de l'OIF. C'est pourquoi, «il est souhaitable d'avoir un
véritable traité ratifié par les parlements des Etats
membres et définissant les droits et les devoirs de chaque signataire.
Ainsi les membres prendraient-ils au sérieux leur
adhésion»209 . Par ailleurs, la souplesse des
textes de l'OIF a pour conséquence d'empêcher l'OIF de prendre des
mesures coercitives ou non coercitives telles les sanctions économiques
à l'égard des Etats en cas de
207 CABANIS André, CROUZATIER Jean Marie, IVAN
Ruxandra, SOPPELSA Jacques, Méthodologie de la recherche en droit
international, géopolitique et relations internationales,
op.cit., p.70.
208 DUPUIY Pierre Marie, op.cit., p.158.
89
209 AUF, ouvrage collectif, Francophonie et relations
internationales, ouvrage précité, p.70.
90
violation de la démocratie. En effet, deux principes
cardinaux régissent les activités de l'OIF en matière de
médiation et de conciliation. Le premier qui prend en compte le principe
sacro-saint de la souveraineté consiste pour les institutions de l'OIF
à n'intervenir qu'après obtention de l'autorisation de l'Etat
concerné.
Le second principe qui est celui de la
complémentarité des actions de l'OIF à celles des autres
organisations internationales et régionales a pour philosophie
d'éviter une cacophonie entre les acteurs de la médiation ; ce
qui pourrait complexifier le conflit ou corseter le dénouement de la
crise.
Du reste, l'intervention de la Francophonie dans les conflits
repose sur la médiation ; mode privilégié de
résolution des conflits qui trouve son explication dans le fait que les
textes qui organisent la démocratie dans l'espace francophone ont un
caractère souple. En cas de rupture de la démocratie, la sanction
privilégiée est soit la suspension de l'Etat concerné des
rencontres des instances de l'organisation ou l'exclusion pure et simple de ce
dernier de l'organisation. Mais malheureusement, on remarque que l'OIF est
plutôt encline à jouer le rôle d'un leader moral
auprès des Etats ; une action qui jusque-là n'empêche pas
les dirigeants politiques de l'espace noir francophone à s'adonner
à des violations des droits humains et à réviser
opportunément les constitutions. Face à une telle situation, il
est important que l'OIF renforce la déclaration de Bamako afin de la
rendre contraignante vis-à-vis de ses Etats membres. Cette
démarche doit s'inscrire dans le sillage du Commonwealth qui s'est
doté d'outils lui permettant d'imposer des sanctions à l'encontre
des pays ne respectant pas les règles établies.
Par ailleurs, la faiblesse des textes de l'OIF rend son
fonctionnement mitigé. Paragraphe 2 : Un fonctionnement
mitigé.
Le fonctionnement interne de l'OIF fait constamment l'objet de
polémiques. Il est d'abord dénoncé en raison de la
présence stratégique de la France qui laisse penser que l'OIF est
une émanation de la géopolitique française dans le monde
et plus particulièrement dans les Etats de l'Afrique francophone (A).
Cette influence française
91
entraine une perte de confiance manifestée par les
Etats membres en particulier ceux de l'Afrique noire francophone (B).
A- Une prédominance excessive de la France
L'OIF est victime du caractère dérisoire de son
budget. Ce budget reste essentiellement tributaire de la contribution de la
France qui reste le premier Etat contributeur au FMU. La conséquence de
cet état de chose est que la partie française en raison de cette
forte contribution à tendance à utiliser l'organisation comme un
outil ou une variante de sa politique étrangère.
«La France reste le premier contributeur de l'OIF.
Sur un budget total de 85millions d'Euros par an, la France contribue à
hauteur de 26 millions, juste devant le Canada, ce qui lui confère une
certaine influence»210.
Le budget de la Francophonie est en grande partie
sustenté par la France, première donatrice suivie du
Canada211. Selon Drezet Paul, en 2012, la part de la France dans le
budget de l'OIF s'élevait à 44%, celle du Canada à 25%,
celle de la Belgique à 14%, celle de la Suisse à 6,8% et celle du
Québec à 6,3%212. A l'image de l'Organisation des
Nations Unies où les Etats Unis en raison de leur forte contribution au
budget pèsent sur les décisions prises par l'institution, la
forte contribution de la France dans le budget de la Francophonie lui donne
indubitablement une position stratégique que le pays utilise pour
influer en sa faveur sur les actions entreprises. Cette situation fait que
nombreux croit que la Francophonie est une institution créée pour
servir les intérêts de la France et perpétuer les
intérêts français dans les pays membres et en occurrence
dans les Etats d'Afrique. La conséquence d'une telle situation est
qu'elle décrédibilise l'OIF par rapport aux objectifs
prioritaires qu'elle s'est fixée d'atteindre et en occurrence ses
objectifs politiques. «D'ailleurs certains observateurs en Côte
d'Ivoire et au Tchad voient en l'action de la Francophonie dans les crises
qu'ont connues ces Etats, une sorte d'expression de la
210
www.google.bj/amp/s/amp.rfi.fr/afrique/201411276quelle-place-france-francophonie,
consulté le 18 juillet 2017.
211 DREZET Paul, Les enjeux de la Francophonie: d'une
communauté de langue à une communauté de destin,
www.francophonie.org,
p.13, cité par CHABI Basile, op.cit., p.13.
212 DREZET Paul, Les enjeux de la Francophonie: d'une
communauté de langue à une communauté de destin,
op.cit.
92
volonté française»213 .
Par ailleurs, sur le plan idéologique, la Francophonie donne
l'impression d'être portée par la France comme le démontre
ces mots du Président Nicolas Sarkozy « l'OIF doit porter
également des combats politiques au vrai sens du terme... A quoi cela
servirait- il, mes chers amis, d'avoir des valeurs communes si nous ne
transformions pas cette adhésion en prises de position
politiques?»214. En effet, «la France qui n'a
plus ses colonies sent qu'elle perd de son lustre
d'antan»215. Ainsi, « la Francophonie devient le
cadre idéal pour restaurer cette influence»216. Si
l'on peut se réjouir que la France soit le partenariat
privilégié de l'Afrique, il est tout aussi indéniable de
nier que la politique étrangère de la France est
essoufflée et en quête perpétuelle de ses lettres de
noblesse.
Face aux défis de la globalisation économique et
eu égard à la montée en puissance des Etats anglo-saxons
dans le champ de l'acquisition de la puissance, la France, très
affaiblie, compte en grande partie sur la Francophonie pour espérer
peser sur les relations internationales. De ce point de vue, «la
Francophonie est devenue un instrument politique au service de la France qui
profite du poids des pays membres pour rayonner à
l'extérieur.»217. Ainsi, «au-delà
du simple aspect linguistique, l'influence et la puissance de la France sont
donc là»218. «On le sent lors des grandes messes
rituelles. Paris dissimule à peine qu'elle se trouve au centre des
prises de décisions. L'illustration en a été donnée
avec l'entrée négociée au sein du monde francophone, de
pays dont ceux de l'Europe de l'Est»219. Donc, dans une
certaine mesure, «la Francophonie est un axe
213 www.courrier
international.com/article/2010/3/25/un-instrument-.politique-au-service-de-la-france.
Consulté le 15 juillet 2017. Le pouvoir d'Idriss Deby a
été conforté en Février 2008 grâce à
l'action militaire de la France mise en oeuvre par le président Sarkozy.
Lors de l'entrée à Ndjamena des rebelles tchadiens dont
l'objectif était de déstabiliser le pouvoir, une légion
française a été envoyée au Tchad afin de sauver le
pouvoir d'Idriss Déby pourtant déjà dénoncé
par l'opinion publique tchadienne. Bien que cette action s'inscrit dans le
cadre de la responsabilité de protéger, elle traduit aussi
l'acharnement de Paris de conforter le régime controversé de
Idriss Déby. De la même manière, en Côte d'Ivoire
l'initiative en 2003 de signature des accords de Marcoussis voulue et
dirigée par Jacques Chirac a permis de maintenir Laurent Gbagbo au
pouvoir en dépit des irrégularités qui ont entaché
l'organisation de cette élection dont l'élimination de Alassane
Ouattara de la course à la présidentielle à cause du
principe antidémocratique de l'ivoiriété et qui a
été institué par Henri Konan Bédié.
214 Allocution prononcée au palais de l'Elysée
à l'occasion de la journée Internationale de la Francophonie le
20 mars 2010,
p.4. www.elysee.fr.
cité par CHABI Basile, L'OIF et la résolution des conflits en
Afrique noire francophone,
op.cit.
p.69. 215www.courrierinternational.com/article/
2010/3/25/un-instrument-politique-au-service-de-la-france. Consulté
le 15 juillet 2017. 216Ibidem.
217Ibidem.
218 MAGNENET HUBSCHWERLIN Christophe, « Vers une
défense francophone en Afrique? », Revue Défense
Nationale, n°333, p.3. Disponible sur
www.defnat.fr, cité
par CHABI Basile, op.cit., p.70.
219
www.courrierinternationale.com/*article/2010/3/25/un
instrument-politique-au-service-de la France.
majeur de la politique
française»220 et cela a pour
conséquence de la désorienter du moment où «elle
se trouve apparentée à une mosaïque de peuples et de
cultures au sein de laquelle s'exprime la politique (de puissance douce) d'un
Etat qui en est le pôle de
référence (en raison de son
investissement actuel sans être l'initiateur)
»221.
93
B- Une crédibilité
érodée
L'engagement de l'OIF en faveur de la démocratie
souffre d'un réel enthousiasme de la part des Etats dès lors que
cette organisation est considérée par l'opinion publique comme
étant une puissante arme au service de l'hégémonie
française ou encore «le dernier avatar de l'empire colonial
français»222. Cette situation amène
« plusieurs à s'interroger sur les finalités et la
nature de l'Organisation »223.
En effet, «pour l'opinion politique africaine, la
Francophonie sert à asseoir et pérenniser des dictatures, donc
à assurer le recul des démocraties. L'organisation profiterait
davantage aux acteurs politiques mais se soucierait très peu du sort des
jeunes»224. Une approche explicative de cette opinion
serait dans une moindre mesure le maintien au pouvoir de dirigeants politiques
au terme de leur ultime mandat et ceci sous la coupole des instances de la
Francophonie qui dans la plupart des cas s'effacent ou restent impuissantes
face à la détermination des «assoiffés du
pouvoir» dans ces genres de situation. Les exemples du Burkina Faso sous
le Président Compaoré, ou de la RDC sous Joseph Kabila en disent
long sur ce phénomène. L'OIF est ainsi «accusée
de faire plus la politique qu'autre chose».225
Par ailleurs, l'espace francophone est un espace où le
déséquilibre entre pays du sud et pays du nord est très
accru et cette inégalité est mise à profit par les plus
puissants
220 MASSART-PIERARD Françoise, La Francophonie:
complexité, ambivalence et jeu de position, in BEAUDOUIN
Louise et PAQUIN Stéphane (dir.), Pourquoi la Francophonie?,
Québec, VLB éditeur, 2008, p. 54.
221Ibid.
222 WOLTON Dominique, L'identité francophone dans
la mondialisation, Paris, CRSF, 2008, p.11. Cité par CHABI Basile,
L'OIF et la résolution des conflits en Afrique noire francophone
mémoire précité., p.71.
223Ibidem. La crédibilité de
l'OIF constitue davantage une problématique dans la mesure où les
modalités d'adhésion sont assez troubles, subjectives et
élastiques. L'on assiste alors à un élargissement
spectaculaire des membres de l'organisation avec une prise en compte
très critique des critères de promotion de la langue
française et des valeurs de démocratie et des droits de
l'Homme.
224
http://www.courrierinternational.com/article/2010/03/25/un-instrument-politique-au-service-de-la-france.
225Ibidem.
pour affaiblir les faibles car ce sont les premiers qui
assurent les financements du développement des derniers avec toutes les
contraintes que l'on connait très bien. «Ce
déséquilibre s'est accentué au fil du temps du fait du
poids de la France en rapport avec les visées
géostratégiques de l'Elysée»226.
Cette situation entraine au niveau des Etats un certain désenchantement
qui débouche sur une tendance à sortir de ce milieu assujetti aux
seuls intérêts français. Tel fut le cas du Rwanda qui a
fini par rejoindre le Commonwealth anglo-saxon étant membre de l'OIF.
Selon le quotidien Courrier International, «la
Francophonie est devenue un instrument politique au service de la France qui
profite du poids des pays membres pour rayonner à l'extérieur
(....). Le rayonnement culturel étant sous-jacent à l'influence
économique, la France qui n'a plus ses colonies, sent qu'elle perd de
son lustre d'antan; la Francophonie devient alors le cadre idéal pour
restaurer cette influence (...) Paris dissimule à peine qu'elle se
trouve au centre des prises de décision»227. La
remise en cause de la crédibilité de l'OIF est d'autant plus
juste dans la mesure où cet espace est devenu un terrain où
s'observent «de véritables luttes d'influence et de leadership
qui opposent de temps à autre Français, Belges, Canadiens,
Québécois et Suisses, entre autres»228
consumant ainsi les pays faibles constitués en partie par les pays
d'Afrique francophone. L'on ne saurait blâmer les pays d'Afrique
francophone du moment où la Francophonie est devenue «une
arène de compétition ouverte et déclarée entre
grandes puissances, en particulier la France qui tente de préserver sa
sphère d'influence et des intérêts économiques
vis-à-vis d'autres puissances présentes géographiquement
sur le continent, telles que les Etats Unis ou la Chine. A la francophonie et
à la Francophonie s'ajoute une troisième conception du monde
francophone : une franco sphère où l'OIF est ici
considérée comme instrument à la solde des
intérêts nationaux de ses membres les plus puissants, en
particulier la France et dans une moindre mesure le
Canada»229
226Ibidem
227 Ibidem.
228 Ibidem.
94
229 MASSIE Jean, MORIN David, « Francophonie et
opérations de paix. Vers une appropriation géoculturelle
», Revues Etudes internationales, vol 42, n°3, 2011, pp.315-
316.
Par ailleurs, notons qu'en dépit du fait que l'OIF fait
de la diversité culturelle et la valorisation des langues africaines une
priorité, les efforts sont beaucoup plus tournés vers le
rehaussement de la langue française dans les pays africains francophones
où résident d'ailleurs cinquante-cinq pour cent des francophones
du monde entier. Cet engagement de l'OIF à l'égard de la langue
française au mépris des langues africaines s'explique par le fait
que la langue est en perte de vitesse comparativement à l'anglais
anglo-saxon en pleine propagation. Comme le fait remarquer Courrier
international, «le français est devenu une langue fragile qui
emprunte de plus en plus aux autres. Naguère langue de la diplomatie
internationale, le français a progressivement cédé le
terrain face à l'influence grandissante de l'anglais
anglo-américain (...). Cela force l'admiration et donne davantage de
poids à la langue, instrument d'une belle
coopération»230.
Toutes ces insuffisances relevées dans l'engagement de
l'OIF en faveur de la démocratie, montrent que des défis restent
à relever pour une meilleure implication de l'organisation dans ce
domaine
95
230
http://www.courrierinternational.com/article/2010/03/25/un-instrument-politique-au-service-de-la-france.
CHAPITRE II :
DES PERSPECTIVES A UNE MEILLEURE IMPLICATION
DEMOCRATIQUE
96
L'optimisation de l'accompagnement démocratique de la
Francophonie ne saurait être une réalité si de profondes
réformes ne sont pas engagées dans le fonctionnement interne de
ladite organisation. Ainsi, c'est la conduite de toute la démarche
politique de l'OIF qui doit être revue et amplifiée
(Section 2). Mais avant tout, l'organisation doit s'engager
à inciter les Etats à opérer des réformes dans
l'ordre interne (Section 1).
Section 1 : Les réformes à soutenir au
niveau des Etats
La préservation de la démocratie repose pour
l'essentiel sur le respect aussi bien par les gouvernés que les
gouvernants des textes et donc de la constitution ; instrument fondamental qui
organise les pouvoirs dans un Etat. Mais à l'heure actuelle le
constitutionnalisme adopté par les Etats d'Afrique noire dans les
années 1990 est soumise de façon générale à
de vives convulsions qui maintiennent la démocratie africaine dans une
sorte de léthargie. La conséquence est la
désintégration des principes cardinaux qui ont
caractérisé le constitutionnalisme africain à son
avènement. Il urge alors de redonner au constitutionnalisme africain ces
lettres de noblesse en la revalorisant (paragraphe 1).
Au-delà, l'OIF doit inciter les Etats à accompagner les acteurs
alternatifs internes du maintien démocratique que sont l'armée et
la société civile (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La revalorisation du
constitutionnalisme.
Le nouveau constitutionnalisme africain instauré dans
les années 90 était caractérisé par une
préoccupation fondamentale : permettre aux démocraties africaines
en gestation de décongestionner la fonction présidentielle en
établissant l'équilibre des pouvoirs.
97
L'objectif était donc de mettre en place des
contrepoids politiques et juridiques afin de rationaliser le pouvoir
politique231 et que « le pouvoir puisse arrêter le
pouvoir et que l'homme soit le remède à l'homme
»232. Cette innovation que l'on peut retrouver dans la
majorité des constitutions africaines n'a cependant qu'une existence
théorique.
En effet, il n'est pas rare d'enregistrer une immixtion du
pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire ou que par l'effet du
phénomène partisan, le parlement finisse par prêter
allégeance au Président de la République s'écartant
ainsi du rôle de contrepoids politique que lui confère la Loi
Fondamentale.
De ce point de vue, la séparation des pouvoirs ne reste
qu'une pétition de principe233 et la constitution
exposée à toute sorte de manipulation politique.
Il faudra alors tout d'abord revitaliser le principe de la
séparation des pouvoirs; principe cardinal des démocraties
contemporaines (A). Cet effort permettra à coup sûr à la
justice constitutionnelle de rétablir son autorité d'antan afin
de préserver la constitution de l'effet dégradant de la fraude
à la constitution (B).
A- Une nécessaire revitalisation de la
séparation des pouvoirs.
« Toute société dans laquelle la
garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des
pouvoirs déterminée, n'a pas de constitution
»234. Cette disposition met en exergue la sacralité
du principe de la séparation des pouvoirs dans toute démocratie
qui favorise la construction de l'Etat de droit.
On le sait très bien que depuis le
célèbre de l'esprit des lois235, «
la séparation des pouvoirs est considérée comme le
crédo de la démocratie et un instrument de mesure de la bonne
disposition des pouvoirs au sein de l'Etat »236. Sur ce
point, s'il est vrai qu'en
231 AÏVO Frédéric Joël, « Les
constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », Revue
Française de Droit Constitutionnel, n°104, 2015, p.777.
232 AHANHANZO GLELE Maurice, « La constitution ou Loi
Fondamentale », in Encyclopédie juridique de l'Afrique,
Tome 1, l'Etat et le droit, Abidjan, N.E.A. Cité par AÏVO
Fréderic Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir
politique en Afrique », article précité, p.777.
233 AÏVO Frédéric Joël, « Les
constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article
précité, p.783.
234 Article 16 de la Déclaration française des
droits de l'homme et du citoyen du 26/08/1789.
235 MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Paris classiques
Garnier, éd Garnier, 1973.
236 AÏVO Frédéric Joël, « Les
constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article
précité, p.781.
Afrique en général et en Afrique noire
francophone en particulier, l'érection des pouvoirs exécutif,
législatif et judiciaire est une réalité237
l'effectivité de leur séparation en est tout autre.
En effet, selon Montesquieu, toute personne qui détient
des pouvoirs, aura tendance à en abuser c'est-à-dire outrepasser
les limites de ses prérogatives. La séparation des pouvoirs
garantie dans le nouveau constitutionnalisme africain vise à
éviter une telle confusion des pouvoirs et permet de cantonner chaque
pouvoir dans son secteur. Pourtant, en Afrique noire francophone, le principe
peine à s'enraciner et la pratique la plus récurrente est celle
d'une mainmise du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire et
même sur l'organe législatif réputé contrôler
l'action gouvernementale 238 . Sur ce point, MANANGOU Vivien Romain,
enseignant à la faculté de droit de l'université de la
Rochelle nous explique comment en Afrique, par l'effet récurrent du
phénomène majoritaire, l'exécutif parvient à
neutraliser l'Assemblée Nationale dans son rôle de contrepoids
politique en étouffant les ardeurs de la minorité parlementaire.
Dans ce cas, l'Assemblée se transforme en une caisse de
résonnance de l'exécutif en facilitant ses initiatives y compris
les plus hostiles à la démocratie239.
Le Professeur AÏVO, faisant une analyse de
l'effectivité de ce principe dans les démocraties africaines,
écrit que « dans la plupart des Etats, la séparation des
pouvoirs est devenue une pétition de principe et l'action attendue des
institutions de contrepoids presque un mythe. Au lieu de la séparation
des pouvoirs l'observation des systèmes politiques africains laisse
apparaître un alignement des pouvoirs. A l'exception de quelques rares
Etats où la culture institutionnelle semble progressivement s'implanter
cet alignement se traduit par l'abaissement volontaire ou conditionné du
parlement, la mise
98
237 Selon le Professeur GUEYE Babacar, « La
séparation des pouvoirs est solennellement consacrée par toutes
les constitutions ». L'objectif étant de « conjurer
les démons de la confusion des pouvoirs qui avait
caractérisé la période autoritaire des régimes
africains ». Voir GUEYE Babacar, « La démocratie en
Afrique : succès et résistances », Pouvoirs,
n° 129, 2009, p.526.
238 Par exemple, selon l'art 79 de la constitution
béninoise du 11 décembre 1990, « Le parlement est
constitué par une assemblée unique dite Assemblée
Nationale dont les membres portent le titre de député. Il exerce
le pouvoir législatif et contrôle l'action du gouvernement
».
239 MANANGOU Vivien Romain, « Contre-pouvoirs, tiers
pouvoirs et démocratie en Afrique », in
8é congrès de l'Association Française de
Droit Constitutionnel, Lyon, 26 au 28 Juin 2014, p.6.
au pas de la justice au service du pouvoir
exécutif, l'impuissance du juge constatée face à la
majorité présidentielle »240.
Et pour preuve, l'actualité africaine de ces
dernières années est émaillée de tristes
évènements dans lesquels la juridiction constitutionnelle ou
encore le parlement se sont révélés incapables de
s'émanciper du pouvoir politique241. Dans ce rapport de force
entre les institutions, le parlement est neutralisé dans son rôle
de contrepoids politique242.
Si le parlement est constitutionnellement reconnu comme
étant la représentation du peuple et de surcroît un
contrepoids politique243, il est important que, pour la
vitalité de la démocratie, il puisse jouer le rôle
constitutionnel qui lui est dévolu. Sur ce plan, la Francophonie doit,
en collaboration avec ses réseaux institutionnels, intensifier la
coopération entre les parlements d'Afrique noire francophone en vue du
partage des expériences sur les techniques appropriées pour jouer
efficacement leur rôle de contrepoids politique. L'Assemblée
Parlementaire de la Francophonie, actrice principale de la coopération
interparlementaire au sein de la Francophonie doit intensifier ses
240 AÏVO Frédéric Joël, « Les
constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article
précité., p.783.
241 D'abord, En Côte d'Ivoire en 2010, à la suite
du deuxième tour de l'élection présidentielle, les
résultats ont été diversement voire contradictoirement
appréciés par les deux institutions chargées de rendre les
résultats. Le verdict donné par la CENI et validé par la
communauté internationale donnait Alassane Ouattara vainqueur de
l'élection. Mais la Cour Constitutionnelle conteste ce résultat
en donnant la victoire à Laurent Gbagbo bien que les résultats
qui lui sont transmis par la CENI donnaient la victoire à Ouattara.
Cette même Cour constitutionnelle après capture de Gbagbo par la
force Licorn et les forces pro Ouattara revient sur sa décision en
estimant que le vrai vainqueur de l'élection est Alassane Ouattara.
Cette divergence entre les institutions a fait plonger le pays dans une crise
civile généralisée. En 2005, à la suite de la mort
du Président Eyadema, son fils s'était emparé du fauteuil
présidentiel avec l'aval des députés togolais qui
procéderont à la modification de deux dispositions fondamentales
de la Constitution empêchant ainsi le dauphin présidentiel
légitime, M. Fambaré Natchaba Ouattara d'assurer l'intérim
qui lui revient de droit (ce sont les articles 65 et 144 de la constitution du
27 septembre 1992 modifiée le 31 décembre 2002. Le premier
organise la vacance du pouvoir. Le second portait sur l'interdiction de
procéder à une révision de la constitution en
période d'intérim, de vacance ou d'atteinte à
l'intégrité du territoire). Ensuite, on peut citer
Sénégal où la Cour Constitutionnelle a validé la
candidature de Maître A. Wade dans le cadre des élections
présidentielles de 2012. Tous ces faits prouvent que le cordon ombilical
entre les juridictions constitutionnelles et le pouvoir politique n'est pas
rompu. Enfin, dans un autre registre, la Cour Constitutionnelle congolaise
s'évertue à rejeter systématiquement les requêtes de
l'opposition congolaise sur des éléments de forme sans prendre
soin de répondre au fond alors même que souvent les atteintes
à la constitution sont avérées. Voir sur ce point
Décision n°005/Déc./PR/09/ du 25 juillet 2009 sur les
recours en annulation du scrutin du 12 Juillet 2009.
242 En Afrique, le système représentatif
n'apparait pas, comme un organe de représentation fidèle du
peuple. Une fois élus, les hommes politiques se coalisent autour de
leurs intérêts corporatifs plutôt que de privilégier
ceux du peuple. Or l'objectif du constitutionnalisme des années 90 en
accordant le pouvoir aux parlementaires de se prononcer par exemple sur les
projets de révision constitutionnelle, est d'aménager un moyen de
prise de décision, ou, d'amendement de la constitution dans les
conditions plus maitrisables que la voie référendaire qui s'est
révélée beaucoup plus plausible pour les Présidents
révisionnistes surtout lorsque le peuple est suffisamment
instrumentalisé. Voir à propos de l'implication des parlements
dans la procédure de révision constitutionnelle : Constitution du
Burkina Faso du 2 juin 1991 Art 164, Constitution de la République du
Benin du 11 décembre 1990, art. 155 pour ne citer que ces deux cas.
99
243 MANANGOU Vivien Romain, « Contrepouvoir, tiers pouvoirs
et démocratie en Afrique », article précité.
p.6.
activités afin d'accompagner les parlements d'Afrique
noire francophone dans les dynamiques démocratiques qu'ils sont
appelés à assurer.
Par ailleurs, la séparation des pouvoirs implique
également que la justice et plus particulièrement la justice
constitutionnelle ne soit pas saisie par le politique. Mais la
réalité reste que l'action des juridictions constitutionnelles
dans le dispositif institutionnel n'est pas sans reproches. Ainsi, «
L'effectivité de la justice constitutionnelle peine à se
développer et traduit indéniablement les hésitations
à l'avènement de la constitutionnalité des lois
»244.
Il est vrai que la Francophonie dans son désir de faire
éclore les valeurs démocratiques au sein de ses Etats membres
n'est pas restée insensible à la problématique de
l'indépendance de la justice constitutionnelle. Elle
bénéficie d'une attention particulière dans le cadre de la
coopération juridique à travers les réseaux
institutionnels tels que l'Association des Cours et Conseils Constitutionnels
des Pays ayant en partage l'Usage du Français (ACCPUF) et de
l'Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AAHJF).
Toutefois, son apport plus accru est souhaité afin
d'exorciser le constitutionnalisme africain245 de la confusion des
pouvoirs ou du phénomène notoirement connu en Afrique noire
francophone de la présidence à vie et du régime
viaget246. Ainsi le juge constitutionnel pourra-t-il s'afficher
comme un véritable rempart de la démocratie.
B- Une restauration indispensable du rôle du juge
constitutionnel
«La justice est l'une des pièces maitresses de
l'Etat de droit. Elle représente dans les démocraties
contemporaines le moule dans lequel la science du droit se concrétise et
se perfectionne. Il n'y a pas démocratie sans Etat de droit. Il n'y a
pas d'Etat de droit qui ne s'appuie sur le socle d'une justice
indépendante et crédible, dotée de moyens à
la
244 KANE Mamadou « Les obstacles structurels et culturels
à l'épanouissement de la justice constitutionnelle en Afrique
» Communication, CMAP, p.11.
245AÏVO Frédéric Joël, «
Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article
précité, p.777.
100
246 FALL Madior Ismaël, Le pouvoir exécutif
dans le constitutionnalisme des Etats d'Afrique, Paris, l'Harmattan, 2008,
p.275. Cité par AÏVO Frédéric Joël, « Les
constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article
précité, p.777.
hauteur de sa mission»247.
Malheureusement le fonctionnement de la justice dans les Etats africains
demeure toujours problématique. En effet ce problème touche aussi
bien l'institution elle-même que le personnel destiné à
l'animer.
Tout d'abord en considérant le seul cas du juge
constitutionnel, Georges Burdeau laisse entendre que « lorsqu'il
existe un juge constitutionnel ; il doit lui être aussi être
considéré comme un organe législatif partiel. Même
s'il n'est pas guidé par des considérations d'opportunité,
comme des responsables parlementaires, il peut néanmoins
interpréter la constitution de telle manière qu'une loi
apparaisse conforme ou contraire et il est ainsi en mesure de s'opposer
à son application»248.
En effet le rôle du juge constitutionnel est majeur dans
le nouveau constitutionnalisme africain. « Ce rôle joué
par les Cours et Conseils constitutionnels autonomes est une innovation majeure
récente dans l'histoire politique et institutionnelle des Etats
francophones d'Afrique noire. Ces juridictions constitutionnelles
naguère ineffectives ou inefficaces, sont désormais
considérées comme la condition nécessaire de l'existence
d'un véritable Etat de droit»249. Et ceci, d'une
part en raison du rôle qui leur est dévolu de faire respecter la
séparation des pouvoirs, de veiller à la résolution du
contentieux électoral250 et d'autre part à cause de
l'impérium qui leur est concédé d'interpréter la
Loi Fondamentale et donc de créer du droit constitutionnel dans la
mesure où « les règles constitutionnelles ne comprennent
pas seulement la Constitution formelle. Elles incluent également la
jurisprudence constitutionnelle, c'est-à- dire les décisions par
lesquelles les juges appliquent et interprètent la Constitution
formelle,
247 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et
justice: contribution de l'OIF à la construction de l'Etat de
droit, thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 2015,
p.54.
248 BURDEAU Georges ; HAMON Francis ; TROPPER Michel, Droit
constitutionnel, Paris, LGDJ, 24è éd, p.137.
249 Lire à cet effet, OULD BOUBOUTT
Ahmed Salem, « Les juridictions constitutionnelles en Afrique:
évolutions et enjeux», in KANTE Babacar et PIERTEMAAT-KROS
(dir.), Vers la renaissance du constitutionnalisme en Afrique,
Gorée Institute, 1998, p. 91-108. Cité par TCHAPNGA KEUTCHA
Célestin, « Droit constitutionnel et conflits politiques dans les
Etats francophones d'Afrique noire», Revue Française de Droit
Constitutionnel, n°63, vol.3, pp. 451-491. Disponible sur
https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2005-3-page-451.htm#re77n°76
101
250 « C'est en qualité de
juges du contentieux électoral que les juridictions constitutionnelles
africaines se sont faites remarquer dans la résolution de conflits
politiques. (...) Les contestations politiques font désormais partie du
paysage politique et créent des tensions qui se cristallisent parfois
sur les juridictions constitutionnelles». Voir TCHAPNGA KEUTCHA
Célestin, « Droit constitutionnel et conflits politiques dans les
Etats francophones d'Afrique noire », article
précité.
amplifient ou réduisent les intentions originelles
du pouvoir constituant»251. Et à ce titre, le juge
constitutionnel peut sur la base de son pouvoir d'interprétation faire
obstacle à un texte de révision constitutionnelle (quand bien
même légal) qui de par sa nature toucherait à la forme
républicaine ou certains principes liés à cette forme
républicaine comme le caractère démocratique ou l'Etat de
droit252. Sur ce plan, c'est le juge constitutionnel
béninois, et dans une moindre mesure les juges maliens et
sénégalais qui font preuve de création et
d'indépendance. A titre illustratif, par la décision du 8 juillet
2006 le juge constitutionnel béninois interdit une révision
constitutionnelle dont l'objectif est de porter de 4 à 5ans le mandat
des députés et ce, au nom du consensus national. Dans cette
décision, il déclare : « que même si la
Constitution a prévu les modalités de sa propre révision,
la détermination du peuple béninois à créer un Etat
de droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la
sécurité juridique et de la cohésion nationale commandent
que toute révision tienne compte des idéaux qui ont
présidé à l'adoption de la Constitution du 11
décembre 1990, notamment le consensus national, principe à valeur
constitutionnelle...».
Par ailleurs, le même juge béninois a fait preuve
de créativité en 1996 lorsqu'il s'agit de savoir si le
Président de la République pouvait nommer un « Premier
ministre» bien qu'un tel poste n'est pas prévu dans le
système présidentiel béninois à moins d'une
révision constitutionnelle. Pour trancher cette question, le juge s'est
écarté de la lettre de la constitution en innovant tout en
estimant que le Président de la République pouvait parfaitement
créer un tel poste sans que la Loi Fondamentale subisse une modification
quelconque, l'essentiel étant qu'il conserve son attribution de «
chef du gouvernement» et que le Premier ministre ne soit que le
coordonnateur de l'action gouvernementale. Il se révèle à
travers cette décision que pour préserver la démocratie,
le juge « ne s'est pas au final contenté de regarder la
Constitution comme une relique à laquelle il convenait de marquer une
déférence excessive. Il l'a transformée en un corps vivant
dans le cadre
251 Rapport du centre pour la gouvernance démocratique
Burkina Faso, Constitutionnalisme et révisions constitutionnelles en
Afrique de l'Ouest: le cas du Benin, du Burkina Faso, du Sénégal,
op.cit., p.3.
102
252 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, « Les
révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme
africain », Politeia, n°7, Printemps 2007,
www.afrilex-ubordeau4.fr,
note 157, p.23.
d'une politique jurisprudentielle volontariste
appelé à connaitre d'autres
développements»253. Ainsi, le juge a
évité ici une certaine instrumentalisation de la constitution par
les pouvoirs exécutifs ou législatifs pour atteindre des
objectifs politiques en transformant les «prescriptions contenues dans
la norme constitutionnelle, aussi solennelles soient- elles, en de simples
barrières de papier»254.
Si cette décision démontre de la vitalité
de la justice constitutionnelle béninoise notamment par la censure d'une
loi constitutionnelle sur les bases autres que celle des limites
traditionnellement assignées au pouvoir constituant
dérivé, ce exemple est malheureusement quasiment singulier en
Afrique noire francophone. Autrement dit, à quelques exceptions
près, les juridictions constitutionnelles africaines ne jouent pas
encore pleinement leur rôle255. Ainsi « en dehors du
Benin256, du Niger et, dans une moindre mesure, du Mali et de
Madagascar, les Cours constitutionnelles africaines ou ce qui en tient lieu,
demeurent dans une attitude timorée»257. La preuve
en est que dans la pratique constitutionnelle africaine francophone, soit elles
prêtent allégeance au pouvoir tout en s'écartant du
rôle de contrepoids juridique qu'elles sont appelées à
assurer, soit elles sont purement et simplement fragilisées ou
banalisées par le pouvoir politique258. Si l'existence
textuelle des juridictions constitutionnelles apparait indéniable au
sein du
253 KOKOROKO Dodzi, « L'apport de la justice
constitutionnelle africaine à la consolidation des acquis
démocratiques », Cotonou, Revue Béninoise de Sciences
Juridiques et Administratif, n° 18, p. 90.
254 TROPPER Michel, « La Constitution de 1791 aujourd'hui
», Revue Française de Droit Constitutionnel, 1992,
n°9, p.6. Cité par ATANGANA AMOUGOU Jean Louis, article
précité, p.23.
255 Lire à cet effet AHADZI Koffi, « les nouvelles
tendances du Constitutionnalisme africain noir francophone », Afrique
Juridique et politique, Juin-décembre, 2002, p.35.
256 Au Benin de 1993 à 1998, la Cour a rendu 468
décisions dont de nombreuses annulèrent des ordonnances des lois
des décrets et des arrêtés. De même de 1991 à
2001, elle a rendu 257 décisions relatives au droit de l'Homme. Par la
décision n°2-144 du 23 décembre 2002, elle s'est rendue
célèbre en rendant une décision dont la conséquence
n'est rien moins que l'interdiction de la polygamie. Au Niger, la cour
constitutionnelle a rendu une décision en 1992 relative à la
cohabitation entre le Président Mahamane Ousmane et son premier ministre
Hama Hamadou. Elle a été saisie par plusieurs décisions
émanant du président ou du premier ministre relatives à
l'interprétation des dispositions constitutionnelles organisant la
cohabitation au sein de l'exécutif. Dans ces décisions sur cette
affaire, la Cour a tranché tantôt en faveur de l'un tantôt
en faveur de l'autre en se conformant ainsi à la lettre et à
l'esprit de la Constitution. Voir à cet effet ATANGANA AMOUGOU Jean
Louis, « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau
constitutionnalisme africain », article précité, p.
24.
257 Ibidem.
103
258 Par exemple au Niger en 2009, malgré le rejet de
projet de révision du nombre de mandat présidentiel, le
Président Tandja a tout simplement dissous le conseil constitutionnel en
raison de son opposition au projet de révision. Dans ce Etat de
l'Afrique noire francophone par exemple, la Cour constitutionnelle a
été dissoute par le Président de la République le
29 juin 2009 pour avoir donné un avis négatif à un projet
de révision de la Constitution de la Ve République (CC
du Niger, avis n° 02/CC du 25 mai 2009), et pour avoir ensuite
déclaré le projet de révision adopté contraire
à la Constitution (CC du Niger, arrêt n°4 /CC/ME du 12 juin
2009). Le contexte de rupture de l'ordre constitutionnel fait très
souvent le lit de la dissolution des institutions de l'Etat de droit et
notamment de la juridiction constitutionnelle.
nouveau constitutionnalisme africain et qu'il est aussi vrai
qu'elles sont pourvues des pouvoirs classiques qui leur sont reconnus dans les
démocraties contemporaines, il faut faire remarquer cependant qu'un
nombre considérable d'Etats tentent à ignorer leur position
éminente au sein de l'architecture institutionnelle. La
conséquence est que leur influence dans le système juridique
demeure assez marginale259. La réalité est que
très souvent, les juges des juridictions ne se sont eux-mêmes pas
montrés irréprochables, au contraire. Que ce soit au Togo en
Guinée, au Gabon ou en Centrafrique260, « les juges
constitutionnels se sont souvent déconsidérés en validant
des résultats électoraux truqués ou tronqués
»261 ou tout simplement la justice constitutionnelle est
ignorée ou contredit lors de l'établissement des arrangements
politiques.
Cette situation ne concerne pas singulièrement la
justice constitutionnelle mais tout l'appareil judiciaire et se justifie le
plus souvent par le fait que la séparation des pouvoirs n'est pas encore
une réalité dans les Etats d'Afrique francophone et l'on assiste
à une situation où l'organe judicaire est saisi par le pouvoir
exécutif qui dicte à ce dernier ses lois. C'est aussi le cas
quand on assiste à un scénario où le régime en
place et l'Assemblée Nationale du même bord politique s'allient
pour commettre des dérives politiques262. C'est pourquoi, le
juge constitutionnel, puisque c'est à lui qu'il est
constitutionnellement reconnu la responsabilité d'assurer la
séparation des pouvoirs doit jouer pleinement son rôle en
censurant les intrusions du pouvoir exécutif dans le judiciaire ou
contrecarrer les manoeuvres entre le régime en place et le parlement.
Dans ce domaine, l'OIF doit
259 ATANGANA AMOUGOU Jean Louis, « Les révisions
constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain », article
précité, p.24
260A l'occasion de la sélection des candidats à
l'élection présidentielle de 2005, la Cour Constitutionnelle
avait éliminé un certain nombre de candidats notamment ceux de
l'opposition. Non contents de la décision de la haute juridiction, ces
derniers saisissent le Président de la République en lui
demandant d'user de son pouvoir de garant de la paix sociale et l'unité
nationale afin de réformer la décision pourtant insusceptible de
recours selon la Constitution. Le conflit sera résolu par un accord
politique conclu à Libreville avec la médiation du
Président Bongo. Cette médiation a pour conséquence de
réformer la décision de la cour constitutionnelle en autorisant
un certain nombre de candidats initialement exclus de la course aux
présidentielles. Cet arrangement vise certes à préserver
la paix sociale, mais n'oeuvre pas à crédibiliser la tache de
cette jeune Cour qui doit pourtant par la suite valider ou non les
résultats des élections présidentielles.
261AHADZI Koffi, « Les nouvelles tendances du
Constitutionnalisme africain noir francophone », article
précité, p.50.
104
262Il s'agit du phénomène majoritaire
dont le danger potentiel est la remise en cause du rôle de contrepoids
politique de l'Assemblée par rapport au pouvoir exécutif. La
révision des articles 65 et 144 de la constitution togolaise par les
députés a permis à Faure Yassingbé de briguer le
fauteuil présidentiel à la mort de son père alors que ces
articles prévoient qu'en cas de vacance de pouvoir l'intérim est
assuré par le Président de l'Assemblée Nationale.
davantage s'impliquer dans son appui aux réseaux
institutionnels en vue de concrétiser l'indépendance du pouvoir
judiciaire263.
Par ailleurs, notons que l'assurance de l'indépendance
de la justice dépend aussi du détachement des activités de
son personnel de tout contrôle de l'exécutif. Or, dans la plupart
des pays d'Afrique noire francophone, la nomination ou le recrutement des
magistrats, la gestion administrative et budgétaire des juridictions
sont assurés par l'exécutif qui à travers ses
différents services, contrôle l'action
gouvernementale264 . « Le rôle de l'OIF pourrait
être ici de plaider auprès des Etats pour un renforcement de
l'autonomie administrative et budgétaire des
juridictions»265.
Cette question d'indépendance de la justice se pose
encore avec plus d'acuité en ce qui concerne la justice
constitutionnelle.
En effet, l'indépendance de la justice
constitutionnelle est plus que cruciale pour la réalisation de l'Etat de
droit, et ceci, d'une part parce qu'elle est gardienne de la promesse
constitutionnelle d'indépendance de la justice et d'autre part parce
qu'elle est garante du respect de la Constitution. Plus que toute autre
juridiction, l'indépendance de la juridiction constitutionnelle tient
pour l'essentiel à l'indépendance de ses membres266.
En tout état de cause, quelque soit leur mode de
nomination267, les critères de compétence juridique
des juges doivent être privilégiés dans le processus de
nomination car, « s'il est nécessaire de nommer des
personnalités aux qualités reconnues et incontestables, il
paraît pertinent que celles-ci soient majoritairement des juristes. La
Francophonie doit
263L'OIF joue déjà un rôle
important dans ce domine à travers les rencontres thématiques
organisées autour de l'indépendance de la justice, par
l'Association Africaine des Hautes Juridictions francophone (AAHJF),
l'Association des institutions Supérieures de contrôle (AISCCUF),
l'Association des Hautes Juridictions de Cassation des pays ayant en partage
l'usage du Français (ACCPUF). Ces rencontres ont permis en tant que
besoin de rappeler l'importance de l'indépendance institutionnelle des
juridictions
264 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et
justice: contribution de l'OIF à la construction de l'Etat de
droit, thèse précitée, p.75. Dans certains
Etats comme le Sénégal, c'est au Ministère Public que
revient les prérogatives de fixer tous les ans, par arrêté,
le début des vacations des Cours et tribunaux, d'accorder aux magistrats
leur autonomie d'absence. Voir à cet effet les articles 27 et 28 du
statut des magistrats.
265 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et justice:
contribution de l'OIF à la construction de l'Etat de droit,
thèse précitée, p.77.
266 CC du Benin, décision 15 DC du 16 mars 1993, Rec.
1993, p.83.
105
267 Il existe plusieurs modes de nomination
des membres de l'institution constitutionnelle en Afrique francophone. En
général, selon le modèle européen, les membres de
ces institutions sont plutôt nommés par les autorités
politiques pour un mandat déterminé et limité. Leur nombre
varie selon les pays et ils sont nommés soit exclusivement par le
Président de la République après approbation par le
parlement soit exclusivement par le parlement ou encore proportionnellement par
le Président de la République et les Présidents des
Assemblées parlementaires.
106
donc inviter les Etats qu'elle rassemble à
objectiver les modes de désignation des juges constitutionnels, afin de
renforcer, dans l'opinion collective l'indépendance objective qui doit
s'attacher à l'exercice de son pouvoir
juridictionnel»268.
Au total, quel que soit le mode de désignation et la
durée de son mandat, qu'il soit reconductible ou pas, le juge
constitutionnel, lorsqu'il est saisi par sa fonction, a un « devoir
d'ingratitude »269 à l'égard de
l'autorité de nomination. Ce devoir l'oblige à ne servir que la
constitution et les droits qu'elle garantit270.
En dehors de la justice, l'OIF doit accompagner les
réformes au sein de l'armée et de la société civile
compte tenu du rôle important qu'elles jouent dans toute
démocratie.
Paragraphe 2 : Le recadrage du rôle de l'armée
et de la société civile
La bonne marche du système démocratique passe
par le bon fonctionnement des institutions et leur participation chacune
à leur niveau à l'éclosion des valeurs
démocratiques. Dans cette perspective, le rôle de l'armée
ne doit pas être négligé dans la mesure où elle est
considérée comme une actrice de la
démocratie271. Le rôle de l'armée doit
être alors redéfini (A) car l'actualité africaine depuis
l'avènement de la démocratie fait état de ce que sa place
reste encore léthargique au sein des Etats africains. Cette
redéfinition du rôle de l'armée doit être
couplée par le réveil de la société civile (B) qui
doit assurer à son tour une véritable veuille citoyenne.
A- Un apport primordial de l'armée.
La fin de la guerre froide a sonné le glas des conflits
interétatiques et renforcé la paix dans les frontières
étatiques. La création de l'ONU, investie de la mission du
maintien de la paix et de la sécurité internationale avec
l'action d'avant-garde du Conseil
268 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et justice:
contribution de l'OIF à la construction de l'Etat de droit, thèse
précitée, p.88.
269 C'est à l'occasion d'une interview accordée
au quotidien « Le Monde» en 1982 que Robert Badinter évoque au
sujet de l'indépendance des membres du Conseil constitutionnel, leur
« devoir d'ingratitude » à l'égard de leur
autorité de nomination. La formule a ensuite été reprise
par FAVOREU Louis dans « La notion de Cour constitutionnelle »,
in De la Constitution : Etudes en l'honneur de Jean-François Aubert,
Bâle, Helbing et Lichtenhahn, 1996, p. 25.
270 KASSI BROU Saint-Omer, Francophonie et justice:
contribution de l'OIF à la construction de l'Etat de droit, thèse
précitée., p.89.
271 ESSONO Evono Alexis, « Armée
et démocratie en Afrique, une relation ambivalente à normaliser
», Afrique Contemporaine, n° 242, 2012
de sécurité a permis de réduire les
menaces externes génératrices de conflits et d'affrontements
entre les nations. Mais dans leur ordre interne, les Etats sont dans une
constante menace. Les déchirements ethniques, les guerres civiles, les
coups d'Etat militaire, les exactions contre les populations civiles commises
le plus souvent par les forces de l'ordre272, ainsi que les
divisions ethniques au sein de l'armée exacerbent les affres d'anarchie,
de violence de famine et de viol devant une action étriquée de
l'armée273. Ainsi, dans nombre de pays d'Afrique noire
francophone, l'armée est loin de jouer son rôle d'actrice de la
démocratie. Au contraire elle contribue à la mettre à
l'épreuve.
Une simple explication à cette situation est la
politisation et l'instrumentalisation de l'armée, vouée
exclusivement à des missions extramilitaires, ce qui a pour
conséquence l'éloignement de l'armée de son objectif
véritable, à travers la négligence voire l'abandon de la
formation, de la discipline, du patriotisme, de l'éthique. De
façon pratique, cette déchéance se manifeste par le vol,
les pillages, le viol, les assassinats, la trahison et les massacres durant les
périodes troubles de contestation du régime prédateur en
place. En temps normal de terreur, ce sont les brutalités, le racket, le
tribalisme, les violations massives des droits humains. En Guinée par
exemple selon Amnesty International en 2009, «l'armée est en
pleine déliquescence, c'est le corps malade du pays... C'est un lent
périssement. Les troupes d'élite se sont livrées depuis
des années à des pillages et des exactions. En toute
impunité»274. L'exemple du massacre sanglant des
populations civiles en 2009 en Guinée par le putschiste Daddis Camara
aidée par sa troupe amène à s'interroger sur le rôle
de l'armée en Afrique.
L'instrumentalisation de l'armée à des fins
politiques est très notable en Afrique noire francophone. Ainsi,
lors de la crise postélectorale de 2010-2011, « en Côte
d'Ivoire,
272 Par exemple, lors de la crise postélectorale de
2010, des attaques incessantes ont été commises par les forces de
l'ordre du Président Gbagbo et ses miliciens contre tout partisan
supposé ou réel d'Alassane Ouattara, reconnu par la
communauté internationale comme étant le Président
élu à l'issu du second tour des élections
présidentielles de novembre 2010. De même, les forces
fidèles à Ouattara ont été responsables des
exactions sur des bases ethniques ou politiques à l'égard des
populations civiles selon Human Right Watch. Voir
www.hrw.org/fr/news/2011/03/15/cote-divoire-les-forces-de-laurent-gbagbo-ont-commis-des-crimes-contre-l'humanite.
273 SODOKIN Koffigan Atsou, Contribution de l'OIF au droit
international de la démocratie, mémoire précité,
p. 81.
107
274 La Chronique, Le Mensuel d'Amnesty international France,
« l'Age des questions », n° 276, novembre 2009, p.21.
les deux camps ennemis qui s'affrontaient, lors de la
course sanglante au pouvoir, ont, à tour de rôle, tribalisé
l'armée pour arriver à leurs fins. (...) Au Congo Kinshasa, de
Mobutu au Kabila père et fils, l'armée prend toujours la couleur
ethnique du détenteur du pouvoir. Au Congo Brazzaville, la tribalisation
de l'armée a débouché sur une guerre civile, tout comme au
Tchad, ou le vainqueur fait massacrer l'ethnie de l'opposant vaincu. (...) La
victoire d'Alpha Condé, très contestée, n'a
été possible que grâce à la composition ethnique de
l'armée qui a penché en sa faveur en réprimant sauvagement
les manifestants du camp adverse, majoritairement des
Peulh»275.
La remarque générale faite de l'armée en
Afrique est qu'elle reste une armée prétorienne dont la structure
est en pleine crise identitaire. « Ce sont souvent des armées
prétoriennes au service d'un homme et non constituées pour la
défense nationale. Elles sont fondées sur des bases ethniques car
constituées majoritairement d'une ethnie, celle du chef de
l'Etat»276. C'est l'exemple de l'armée togolaise
composée majoritairement de Kabyés, l'ethnie de l'ancien
président Eyadema. Selon Ayayi Togoata Apedo-Amah, «
l'armée africaine a une triste réalité au sein des peuples
qu'elle est censée protéger et défendre contre les ennemis
extérieurs et intérieurs (...). Triste héritage de
l'armée coloniale, l'armée néocoloniale est une
armée d'occupation au service de la dictature ; elle n'est pas au
service du peuple, elle sert à le réprimer, à le
terroriser. Elle est parfois tribalisée et tribaliste quand le dictateur
est un tribaliste compulsif»277. Or, la
démocratie ne peut en aucun cas s'accommoder d'une armée
prétorienne conçue pour la tyrannie et l'impunité.
Face à cette situation et eu égard à la
menace contemporaine de la secte islamiste Boko Haram, l'aide à une
réforme de l'armée est un enjeu de taille pour la Francophonie en
vue de la vitalité des démocraties africaines.
275 AYAYI TAGOATA Apedo-Amah, « Togo : Réflexion sur
le rôle de l'armée en Afrique à l'ère de la
démocratisation et de
Boko Haram », 2016,
www.togo-online.co.uk/opinions/togo-reflexion-sur-le-role-de-l'armée-en-afrique-lere-de-la-
democratisation-et-de-boko-haram.
276 ESSONO Evono Alexis, « Armée et
démocratie en Afrique, une relation ambivalente à normaliser
», Afrique Contemporaine, n° 242, 2012, p. 10. Disponible
sur www.cairn.info/revue-afrique contemporaine-201-2-page-120.htm.
108
277AYAYI TAGOATA Apedo-Amah, « Togo :
Réflexion sur le rôle de l'armée en Afrique à
l'ère de la démocratisation et de Boko Haram », article
précité.
D'entrée de jeu, faisons remarquer que la construction
d'une armée républicaine, au service de la démocratie
« passe forcément par la professionnalisation des armées
africaines (...) mais aussi par une amélioration des conditions de
travail et de vie des militaires, sans laquelle on assistera aux mutineries et
aux scènes de pillages qu'on a connu il y'a pas si longtemps au Burkina
Faso en 2011»278. Cette exigence se pose avec plus
d'acuité dans la mesure où « dans une démocratie
digne de ce nom, l'armée ne peut être un acteur politique. Elle
est soumise au pouvoir civil. Elle doit assumer la fonction que lui assigne la
Constitution, c'est à dire la défense de la souveraineté
nationale»279. De ce point de vue, si l'on est
obligé de légitimer dans certaines circonstances l'intervention
de l'armée dans la vie politique notamment en période de
dérapage du pouvoir en place280, il faudrait faire remarquer,
et ceci, à quelques exceptions près que «l'exercice du
pouvoir politique par les militaires s'est traduit le plus souvent par la
concentration des pouvoirs au profit des dirigeants, la violation massive des
droits de l'homme et in fine le
sous-développement»281. Alors qu'ils expliquent
souvent leur intrusion dans la vie politique par la nécessité de
préserver l'ordre constitutionnel ou défendre la
démocratie, les militaires se sont révélés pire que
le mal qu'ils dénonçaient282. Dès lors, cette
intrusion de l'armée dans le pouvoir politique ne saurait être
légitimée. D'ailleurs le système démocratique ne
s'accommode pas de la violence. C'est pourquoi la Déclaration de Bamako
condamne à l'alinéa 5 du chapitre 3 «les coups d'Etat et
toute autre prise de pouvoir par la violence, les armes ou quelque autre moyen
illégal». Il en ressort que pour éviter ces intrusions
de l'armée dans le politique, conséquence du désamour
ressenti par cette dernière de la gestion antidémocratique, il
faut, à la prime abord, consolider la
278 ESSONO Evono Alexis, « Armée et
démocratie en Afrique, une relation ambivalente à normaliser
», article précité, p.18. Par rapport à la
professionnalisation des armées en Afrique, soulignons que les
recrutements dans l'armée sont souvent faits sans tenir compte de la
vocation. Des critères de patriotisme et de vocation ne sont pas pris en
compte dans le processus de recrutement des forces de l'ordre. Ce qui
expliquerait en partir un manque d'engagement à servir avec
dévouement la République.
279Ibidem.
280 Devant le refus des dirigeants politiques
d'obtempérer aux revendications démocratiques du peuple ou face
à des régimes dictatoriaux prédateurs des libertés
publiques, l'armée est apparue comme le dernier bouclier ou rempart pour
sortir le pays de l'impasse politique. Ainsi, c'est le cas au Mali, où
l'armée dirigée par le Général Amadou Toumani
Touré est intervenue en 1991 pour renverser le président Moussa
Traoré et instaurer la démocratie. Elle a permis également
de remettre sur les rails le processus démocratique. Ce fut le cas
également au Niger en février 2010 où elle est intervenue
pour mettre fin à une crise née de la volonté du
président Tandja de se maintenir au pouvoir à tout prix.
281 AYAYI TAGOATA Apedo-Amah, article
précité,
109
282 Le coup d'Etat de Moussa Daddis Camara en Guinée et la
crise qui en a suivi en sont une illustration parfaite.
110
culture démocratique à l'endroit des dirigeants
politiques. Car, affirme le Professeur EVONO Essono Alexis, « les
crises politiques récurrentes en Afrique subsaharienne francophone
s'expliquent, en grande partie, par l'absence d'une culture
démocratique»283. La consolidation de la
culture démocratique se traduira par le respect de la Constitution par
tous et en premier, le chef de l'Etat, garant de la paix sociale et de
l'unité nationale. Ainsi le respect des dispositions constitutionnelles
conduirait à maintenir la stabilité constitutionnelle et ainsi
à garder l'armée en retrait face au pouvoir politique c'est
à dire à rendre anachroniques les interventions de l'armée
dans la vie politique284. La construction d'une armée
républicaine est en fin de compte une responsabilité du pouvoir
civil (les autorités politiques) qui doit instaurer un climat de
confiance avec les forces républicaines par le respect de la
constitution, l'organisation de formations régulières pour leur
permettre de décupler les nouvelles menaces contemporaines qui
déstabilisent les Etats et se mettre ainsi résolument au service
de la nation . A cet effet, Francopol qui est un réseau institutionnel
francophone chargé de veiller à l'amélioration des
conditions de travail des forces armées doit veiller
particulièrement à cette préoccupation de la modernisation
des outils de travail mis à la disposition des forces armées
à l'échelle nationale.
En dehors de l'armée, la Francophonie doit
également soutenir les actions d'un autre rempart de la
démocratie qu'est la société civile nationale.
B- Un apport supplétif de la
société civile
L'un des aspects importants que l'OIF se doit de prendre en
compte dans son action politique pour l'éclosion démocratique au
sein des Etats d'Afrique noire francophone, serait non seulement de collaborer
avec les organisations internationales et régionales oeuvrant pour le
rayonnement démocratique, mais aussi d'agir dans l'ordre interne. Ceci
dans l'objectif de créer une synergie d'action avec les acteurs internes
investis expressément ou implicitement de missions de promotion des
valeurs démocratiques. Parmi ces acteurs internes, la
société civile occupe une place de choix eu égard à
son
283 ESSONO Evono Alexis, « Armée et démocratie
en Afrique, une relation ambivalente à normaliser », article
précité.
284 Ibidem.
111
112
engagement à s'ériger en une sorte de veuille
citoyenne face aux dérives récurrentes des régimes en
place en Afrique noire francophone.
En effet, la société civile est définie
comme étant, « la sphère sociale distincte de celle de
l'Etat et des partis politiques formée de l'ensemble des organisations
et personnalités dont l'action concourt à l'émergence ou
à l'affirmation d'une identité sociale collective, à la
défense des droits de la personne humaine ainsi que des droits
spécifiques attachés à la citoyenneté»
285 . Cette sphère sociale est composée des
Organisations Non Gouvernementales, des Organisations confessionnelles et
religieuses, des chefferies traditionnelles, des organisations
socioprofessionnelles, des associations, des organisations de Médias,
des organisations syndicales 286 . Les actions de ces organisations
touchent la quasi-totalité des secteurs de la vie nationale tels que
l'éducation formelle et informelle, la santé, l'environnement, la
promotion agricole, l'artisanat, l'intermédiation sociale, le
renforcement de capacités (la formation), la défense des
intérêts des consommateurs, la gestion des conflits, l'aide
juridique, la défense des droits humains, la bonne gouvernance, etc. De
ce point de vue, l'apport de la société civile pour la
construction démocratique est sans ambages.
Selon l'ancien secrétaire Général des
Nations unies Koffi Annan, la présence d'une société
civile forte et libre d'agir est la marque de fabrique d'une démocratie
stable et accomplie- où l'Etat et la société civile
travaillent ensemble au service d'objectifs communs pour un avenir meilleur et
où dans le même temps, la société civile concourt
à rappeler aux pouvoirs publics leurs responsabilités. L'on
comprend aisément cette affirmation de l'ex SG/ONU dans la mesure
où le concept moderne de démocratie, en tant que pouvoir du
peuple par le peuple et pour le peuple, ne se limite ni aux élections
libres, permettant de définir une majorité, ni au règne
sans partage de cette majorité. La démocratie comme projet sans
cesse à construire, implique la liberté d'opinion, le respect des
droits des minorités, la confrontation pacifique des
intérêts et donc la liberté
285KAMTO Maurice, « Les rapports Etat-
société civile en Afrique », Afrique 2000, 1994,
p.47.
286Les organisations de la société
civile et le renforcement démocratique : le cas du Benin, p.2.
Disponible sur
www.google.bj. les osc et le
renforcement de la d mocratie le cas du b nin2.pdf.
d'organisation et l'Etat de droit, la responsabilité
des gouvernants, etc. Cela suppose pouvoirs et contrepouvoirs et donc un espace
libre, celui de la société civile forte, indépendante du
pouvoir de l'Etat, de celui de l'économie (de l'argent), de la tradition
(clan, etc.). Ainsi la société civile joue un rôle
d'éducateur, de contrôle de l'action publique et institutionnelle.
Par exemple, la participation des citoyens aux consultations électorales
est facilitée par la société civile qui intervient pour
éduquer les électeurs (en majorité analphabètes en
Afrique noire francophone) au droit électoral287. C'est ainsi
que la mobilisation des organisations de la société civile
béninoise a permis l'organisation à bonne date au Benin de
l'élection présidentielle de mars 2006288. Il en est
de même toujours au Benin de la fin de non-recevoir populaire
opposée à la loi portant règles particulières pour
l'élection du Président de la République
entérinée par la Cour Constitutionnelle. A cet effet la
juridiction constitutionnelle béninoise reconnait le rôle
joué par la société civile dans l'épanouissement de
la démocratie. Pour elle, elle joue le rôle d'interface et de
médiation et sa présence au sein des organes électoraux
est indispensable289.
Il en ressort de tous ces développements que le
rôle joué par la société civile dans le
système démocratique n'est pas anodin. Certains penseurs lui
reconnaissent même le rôle de contrepouvoir 290 . Mais
malheureusement, les contingences politiques ne permettent pas encore que les
organisations de la société civile jouent pleinement leur
rôle en Afrique noire francophone. En effet, leur efficacité dans
la lutte démocratique dépend intimement de l'indépendance
dont elles jouissent vis à vis de la société politique.
Selon Bentahar, « lorsque les acteurs de la société
civile sont soumis aux conditionnalités des acteurs politiques, ils
perdent leur représentativité et peuvent être ainsi
déséquilibrés,
287 Face à la crise économique et sociale
profonde, les critiques au sein des populations se multiplient à
l'encontre des pouvoirs publics. En conséquence, ces dernières
expriment leur lassitude à prendre part aux consultations
électorales. La plupart des couches démunies considèrent
les élections comme une occasion de gaspillage de ressources publiques
et d'illicites enrichissements de certains dirigeants. Alors les organisations
de la société se chargent de galvaniser le moral des populations
pour les inciter à exprimer leur droit citoyen et donner ainsi de
l'éclat à la démocratie électorale.
288 Les organisations de la
société civile et le renforcement démocratique : le cas du
Benin, p.2. Disponible
www.google.bj. les osc et le
renforcement de la d mocratie le cas du b nin2.pdf.
289 Ibidem, p.6.
290 BENTAHAR Mohamed, « Quelques rappels sur la
société civile, sa place, son rôle et son lien avec la
démocratie », Médiapart, novembre 2014. Disponible
sur
blog. mediapart.fr/m
sbentahar/blog/141114/quelques-rappels-sur-la-société-civile-sa-place-son-role-et-son-lien-avec-la-démocratie.
basculés du côté de l'Etat et
détruire la condition d'existence de la société civile
voire de la démocratie. La confusion entre société
politique et société civile jette les jalons d'un totalitarisme
dans la mesure où, (...) les partis d'opposition sont réduits au
silence du fait de la répression qu'ils subissent de la part de la
puissance étatique. Dans un régime où les organisations de
la société civile ne gardent pas leur indépendance vis
à vis de la classe politique, le champ d'action des tenants du pouvoir
s'agrandit et surgissent avec lui les prémisses d'une toute puissance
étatique. La société civile cesse d'être dans ce cas
un contrepouvoir. En perdant son indépendance, la société
civile se fragilise et fragilise la démocratie quand ses observations ne
sont plus liées à l'intérêt général
des citoyens mais plutôt à une coloration politique
»291.
L'engagement politique de l'OIF pour la démocratie doit
donner une importance cardinale au développement de la
société civile dans les Etats d'Afrique noire francophone. Il
s'agit d'impulser le réveil et l'indépendance de ces
organisations afin qu'elle puisse participer à l'animation de la vie
politique surtout dans les pays où les droits de l'homme sont
constamment violés et où le pouvoir politique règne en
dictature292. S'il est vrai que l'OIF reconnait la place des
organisations de la société civile dans l'épanouissement
de la démocratie notamment à l'alinéa 17 du chapitre 4C de
la déclaration de Bamako293, son soutien effectif à
ces dernières est encore à intensifier. Il s'agira alors de
veiller au renforcement effectif de leur capacité par l'organisation le
cas échéant de formation ainsi que leur financement afin qu'elles
puissent véritablement jouer leur partition à l'éclosion
des valeurs démocratiques en influençant les autorités
politiques à travers des dénonciations et des appels à
l'ordre . Ceci permettra indubitablement de faire obstacle aux dérives
du pouvoir politique. Au demeurant, La participation de la
société civile à la rationalisation du pouvoir politique
doit aboutir à ce qu'au-delà des
291 BENTAHAR Mohamed, « Quelques rappels sur la
société civile, sa place, son rôle et son lien avec la
démocratie », article précité.
292 Nous voulons citer dans ce cas les pays comme le Tchad, le
Congo Brazzaville, la RDC où les présidents sont restés
inamovibles depuis des années au pouvoir tout en annihilant les ardeurs
des partis d'opposition et en livrant leurs populations des privations
arbitraires des libertés publiques.
113
293 La déclaration dispose: « Reconnaitre la
place et faciliter l'implication constante de la société civile,
y compris les ONG, les médias, les autorités morales
traditionnelles, pour leur permettre d'exercer, dans l'intérêt
collectif, leur rôle d'acteurs d'une vie politique
équilibrée ».
dénonciations, qu'elle s'affiche comme un
véritable partenaire de l'Etat qui favorise le dialogue social dans les
périodes de crises politiques.
En dehors des Etats, les réformes doivent être
engagées également au sein de l'OIF ; ce qui permettra de mettre
en place un système rénové d'accompagnement
démocratique.
Section 2 : Les réformes à impulser au
sein de l'OIF.
La volonté politique affichée par la
Francophonie dès 1986 et qui a connu son point d'orgue à partir
de 1997 s'est manifestée par des innovations importantes en l'occurrence
sur le plan institutionnel.
Pourtant, et en dépit de cette avancée
significative, son action en faveur de la démocratie est plus que jamais
perfectible. En effet, les difficultés auxquelles fait face
l'organisation réside tout d'abord dans sa vision politique d'appui
à la démocratie ; une vision francophone très
modérée et volontariste dont la légitimité
politique trouve son fondement dans la morale et surtout la bonne foi des
Etats294. Cette vision idéaliste des relations
internationales sur laquelle l'OIF construit son action politique affaiblit non
seulement son autorité auprès des Etats membres mais elle affecte
aussi l'effet que peut produire ses décisions auprès des Etats
membres car ils ne redoutent aucune menace à l'inapplication des textes
auxquels ils ont souscrits.
Ceci étant, proposer des réformes au
fonctionnement interne de l'OIF (pour un meilleur accompagnement
démocratique) passe d'abord par une rénovation de sa vision
d'accompagnement démocratique, une vision qui, jusque-là, a
montré ses limites (paragraphe 1). Cette
rénovation permettra de rendre son action politique plus
cohérente et efficace (paragraphe 2).
114
294MASSART-PIERARD Françoise, « La
Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale»,
Revue Internationale de Politique Comparée, vol.14,
no1, 2007, p.18.
Paragraphe 1 : Une vision francophone d'accompagnement
démocratique à rénover.
Elle passe par le renforcement de l'autorité de
l'organisation auprès des Etats (A). Ce renforcement ne pourra
être une réalité sans une rénovation de la valeur
normative des textes (B) qui en raison de leur caractère
déclaratoire ne lient pas les Etats membres qui adhérent à
l'organisation et ne créent à leur égard aucune obligation
contractuelle.
A- Une présence plus énergique
auprès des Etats.
L'action politique de l'organisation internationale de la
Francophonie est régie par le courant idéaliste des relations
internationales295. « Ce dernier, peut en effet être
saisi sous quatre angles différents : « téléologique,
volontariste, rationnel et utopique»296. Selon cette
idéologie qui gouverne l'action politique de l'OIF, les problèmes
auxquels sont confrontés les Etats peuvent être
réglés par leur soumission volontaire à des principes
moraux et universels ou par la collaboration de la société dans
sa globalité c'est-à-dire le multilatéralisme. Par
conséquent, «elle appuie sa quête de relations
internationales sur des constituants connus pour être aussi ceux du
référentiel global selon Pierre Muller : les normes (ou principes
d'action) et les valeurs (ou les représentations les plus fondamentales
sur ce qu'il convient de proscrire ou d'adopter). Aussi va-t-elle favoriser le
passage des idées à l'action par différentes mesures
conformes au paradigme qui l'anime et devrait commander son attitude. Ainsi
toutes les actions politiques de la Francophonie ne peuvent être
qu'incitatives et donc indirectes, car son exécution dépend de la
bonne volonté des Etats membres auxquels elle ne peut que
«recommander» d'adhérer aux traités internationaux
relatif aux droits de l'Homme ou tout autre domaine en relation avec la
démocratie»297. C'est sur ce point que se pose
fondamentalement la problématique de l'autorité de la
Francophonie aux yeux des Etats afin que les principes démocratiques
qu'elle défend avec véhémence soient observés par
les Etats membres ou que les décisions qui sont prises par elle dans le
cadre de son activité politique soient respectées. Or, les
295MASSART-PIERARD Françoise, « La
Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale»,
op.cit., p.18. 296Ibidem. p.4.
115
297Ibidem. p.4.
116
Etats sont généralement enclins à
défendre leurs propres intérêts, et ceci, très
souvent au grand dam des obligations qui résultent des engagements
internationaux auxquels ils ont souscrits.
Dans le cas spécifique de la Francophonie, les textes
qui régissent sa démarche politique n'ont aucune force normative
et leur respect ne dépend que de la détermination subjective des
Etats membres qui ne se voient pas du tout menacer par une quelconque
épée de Damoclès en cas du non-respect. Il en
résulte par conséquent une banalisation des obligations
auxquelles ils ont souscrit par leur adhésion à l'OIF et par
ricochet une sous-estimation de l'autorité de l'organisation.
Pour la réussite de ses missions politiques, la
Francophonie doit redorer son blason auprès des Etats.
La démarche primordiale qu'il convient d'entreprendre
dans ce sens, est que sur le plan normatif, l'OIF se dote d'un traité
constitutif qui définit clairement «les droits et obligations
des Etats liés entre eux de même qu'aux organes institués
dont ils précisent les pouvoirs»298. Selon Michel
Guillou dans la Gazette de la presse francophone de novembre 2004, «
un traité est nécessaire. Il faut travailler à le rendre
possible dans un avenir proche. La Francophonie politique a besoin d'un
traité qui la fonde. L'importance pour le monde de son mandat le
justifie simplement »299.
D'ailleurs Michel Guillou a mené une réflexion
pour savoir quel type de traité il faut avoir pour la
Francophonie300 c'est-à-dire un nouveau traité ou une
modification du traité de Niamey.
Pour Michel Guillou une modification «
présenterait l'énorme avantage de donner à la
Francophonie, par métamorphose du traité de Niamey le point de
départ emblématique de la Francophonie intergouvernementale, les
instances dont elle aurait dû se doter 35 ans plus
tôt»301. « Dans le cas contraire, il faudra
se résoudre à faire un
298 DUPUY Pierre Marie, op.cit., p. 158
299 GUILLOU Michel, La gazette de la presse francophone,
novembre-décembre 2004, p.5-6.
300 GUILLOU Michel, Francophonie-Puissance :
l'équilibre multipolaire, éd. Ellipses, Paris, 2005,
p.81.
301 Ibidem.
nouveau traité pour donner une personnalité
juridique internationale à l'Organisation internationale de la
Francophonie, le traité de Niamey étant abrogé ou tout le
moins modifié.»302.
Dans l'état actuel, la nature non contraignante de la
Charte amène les Etats membres à ne pas respecter leurs
obligations. C'est pourquoi la stratégie d'accompagnement
démocratique de l'OIF doit être beaucoup plus formalisée
à travers l'adoption « d'un véritable traité
ratifié par les parlements des Etats membres et définissant les
droits et devoirs de chaque signataire. Ainsi les membres prendraient-ils au
sérieux leur adhésion»303. La
conséquence de la flexibilité excessive de la Charte est quel
l'OIF ne peut que se constituer qu'en une simple prédicatrice des
valeurs démocratiques au lieu d'en être le véritable
artisan 304 . Elle doit aller au-delà des sollicitations, ou
dépasser le cadre strict d'un leadership moral auprès des Etats
pour devenir plus exigeante en termes de pratique démocratique.
D'ailleurs, les avantages qu'elle présente dans ce domaine doit l'amener
à être plus percutante : elle « confère un
caractère permanent à la concertation qui se concrétise
à plusieurs niveaux: celui des chefs d'Etats et de gouvernement au
moment des Sommets et lors de l'ouverture de la session générale
des Nations Unies; celui des ministres à l'occasion des
conférences ministérielles: celui des diplomates dans le cadre
des représentations permanentes: celui enfin des experts dans les
conférences internationales»305.
Par ailleurs, pour être plus efficace dans son action
politique en faveur de l'expansion de la démocratie, l'OIF ne doit pas,
même si elle est une puissance douce306, être trop
permissive à l'égard des Etats en matière de pratique
démocratique. A ce titre, les exemples de pays de l'Afrique noire
francophone comme le Congo Brazzaville, le Tchad ou encore le Congo Kinshasa
où on assiste à des régimes présidentiels immortels
depuis
117
302 Ibidem.
303AUF, (ouvrage collectif), Francophonie et
relations internationales, op.cit., p.70.
304 MASSART-PIERARD Françoise, « La
Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale
», article précité, p.6993.
305 AUF, (ouvrage collectif), Francophonie et relations
internationales, article précité, p.73.
306 MASSART-PIERARD Françoise, op.cit., p.17.
L'auteur nous renseigne ici sur la nature de l'OIF. Elle est une puissance
douce c'est-à dire une organisation qui est surtout encline à
attirer et non à contraindre. Elle est prédicatrice des valeurs
démocratiques et s'efforce d'exhorter les Etats à les promouvoir.
Il ne s'agit pas pour elle d'imposer ou d'user de la contrainte pour
convaincre.
des décennies ne doivent pas laisser l'OIF apathique
alors que sa charte fait de l'alternance au pouvoir un critère
primordial du jeu démocratique. Il s'agit d'aller au-delà de
simples déclarations ou condamnations sans envergure qui n'ont aucune
influence sur les dirigeants politiques africains déterminés
à bafouer les valeurs démocratiques. Par exemple, la
stratégie américaine d'imposition de la démocratie est
plus percutante. A propos du projet américain de la "Communauté
des démocraties307, Condoleeza Rice 308, lors de son audition
par la Commission sénatoriale chargée d'approuver sa nomination
déclarait «premièrement nous devons unir la
communauté des démocraties dans la construction d'un
système international fondé sur nos valeurs communes et la
règle de droit. Deuxièmement nous renforcerons la
communauté des démocraties afin de contrer les menaces qui
pèsent sur notre sécurité collective et d'apaiser le
désespoir qui alimente le terrorisme ; Et troisièmement nous
répandrons la liberté et la démocratie dans le monde
entier. Telle est la mission que le Président Bush a assigné
à l'Amérique dans le monde... et telle est aujourd'hui la grande
mission de la diplomatie américaine»309. A travers
cet engagement, l'on peut remarquer la détermination dont fait montre la
machine américaine en matière d'expansion de la démocratie
; une stratégie qui peut aller jusqu'à un droit
d'ingérence démocratique dans des régimes où
règnent la dictature et la violation des droits humains. Cette
idéologie s'appuie sur le principe de la légitimité
démocratique.
Toutefois, il ne s'agit pas pour l'OIF de mettre en oeuvre des
mécanismes en contradiction avec les règles du droit
international pour répandre la démocratie mais il s'agit pour
elle d'arrêter de faire du clientélisme en banalisant des
dérives démocratiques qui ont cours dans certains pays de
l'Afrique noire francophone. Car, «c'est la progression de la
démocratie de façon uniforme dans son espace qui fera son poids
sur la scène
307 L'initiative est intitulée "vers une
communauté de démocraties" et fut lancée par le ministre
polonais des affaires étrangères Bronislaw Geremek et la
secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright, ainsi que six
autres cofondateurs : les gouvernements du Chili, de la République
tchèque, de l'Inde, du Mali, du Portugal et de la République de
Corée. Au terme de la conférence, les gouvernements participants
signèrent la "Déclaration de Varsovie", acceptant de "respecter
et de faire respecter (...) les principes d'élections libres et
équitables, la liberté de parole et d'expression,
l'égalité, d'accès à l'éducation, le pouvoir
de la loi, et la liberté de rassemblement pacifique. En conclusion, le
Secrétaire General des Nations Unies Koffi Annan fit l'éloge de
la communauté des démocraties en tant que organisation
dévouée au développement d'une démocratie
globale.
308 CONDOLEEZA Rice est une femme politique américaine
et secrétaire d'Etat des Etats Unis entre janvier 2005 et janvier 2009
dans l'administration du président G. Bush.
118
309 LABARIQUE Paul, la démocratie
forcée,
www. voltairenet.org/,
cité par SODOKIN Koffigan, Contribution de l'OIF au droit
international de la démocratie, article précité.
p.72.
119
internationale»310. Ceci
étant, l'OIF se doit de jouer un rôle de premier plan le cas
échéant avec la collaboration des organisations internationales
et régionales et rompre avec une lourdeur qui la relègue
malheureusement au second plan de l'offensive démocratique.
Une analyse des actions de la Francophonie a fait dire
à cet effet à Françoise Massart-Pierrard que « la
spécificité de la Francophonie se marque dans le rôle
subsidiaire qu'elle accepte de jouer : l'humilité et le réalisme
nous obligent à admettre que la Francophonie ne peut être
présente sur tous les fronts, et quelle est d'abord là pour faire
ce que les autres ne feront jamais à sa place. Son rôle demeure
donc accessoire»311.
Enfin, s'agissant de tout Etat désirant être
membre de l'organisation, il s'agira d'objectiver les conditions
d'adhésion en faisant de la conditionnalité démocratique
non seulement un critère d'adhésion mais aussi un
élément de maintien au sein de l'institution et de
bénéfice des programmes d'aide au développement culturel
et économique.
Pour que tous ces projets se concrétisent, la
Francophonie doit rendre contraignant
les textes qui régissent ses actions.
B- Une révision objective de la valeur normative
des textes
L'Organisation Internationale de la Francophonie est
essentiellement fondée sur le droit mou, autrement dit des normes assez
flexibles et dont la valeur normative est très faible. En d'autres
termes, ces normes donnent à l'Etat une plus grande marge d'action.
En droit international, elles sont désignées
sous le terme de soft law 312 par opposition au hard
law313 et se retrouvent aussi bien dans les résolutions des
organisations
310 SODOKIN Koffigan, Contribution de l'OIF au droit
international de la démocratie, article précité.,
p.73.
311 MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie,
un nouvel intervenant sur la scène internationale », op.cit.,
p.26.
312 C'est «au début des années 1980,
l'intérêt pour le soft law devient plus général et
change un peu d'orientation. Entre 1974 - 1984, la pratique étatique
à savoir le recours aux instruments internationaux qui n'ont pas la
forme de traités mais qui disposent d'une portée politique et,
peut-être juridique devient objet d'étude». Voir P.M.
EISEMANN, «The gentleman's agreements comme source du droit
international», Journal du droit international, 1979, p. 329.
Cité par Fillipa CHATZISTAVROU, « L'usage du soft law dans le
système juridique international et ses implications sémantiques
et pratiques sur la notion de règle de droit», Le
Portique, 2005. http//:journals.openedition.org/leportique/591
313 Selon WEIL Prosper, A côté d'une hard law,
« constituée par des normes créatrices de droit et
d'obligations juridiques précises, le système normatif du droit
international comporte de plus en plus de normes dont la substance est
tellement peu contraignante que l'obligation de l'un et le droit de l'autre en
deviennent presque insaisissables». Voir
www.superprof.fr/ressources/droit/droit-europeen-et-communautaire/droit-internationnal/force-juridique-non-contraignante.html.
internationales que dans les textes conventionnels des
organisations internationales. Selon CHEVALLIER Jacques, «Ce droit
doux (soft law), parce que dépourvu de dimension contraignante,
est aussi inévitablement un droit flou: formulé en termes
d'objectifs, directives ou de recommandations, le droit perd de sa
précision; non seulement se multiplient les termes vagues, tels que
«charte» ou «partenariat», mais encore la formulation sous
forme de principes ou de standards crée une zone d'incertitude et
d'indétermination. Faute de prédétermination, la
signification des énoncés juridiques dépendra dans une
large mesure de l'interprétation qui en sera donnée, notamment
par le juge... »314.
Dans le cas spécifique de l'OIF, l'instrument central
de l'organisation qu'est la Charte rénovée de 2005 ainsi que les
textes organisant la démocratie au sein de l'espace francophone n'ont
aucune force contraignante. Par conséquent ces textes essentiellement
incitatifs et programmatoires ne créent aucune obligation pour les Etats
membres315. La conséquence d'une telle souplesse est la
banalisation par les Etats des recommandations démocratiques contenues
dans ces textes. Ainsi les révisions arbitraires des constitutions
à des fins personnelles, le non-respect des échéances
électorales, la violation de la limitation du nombre de mandats qui sont
des actes prohibés dans l'espace francophone et qui pourtant sont
entrepris sans aucune crainte de sanctions sont en partie dus de la faiblesse
normative des textes fondateurs de l'OIF et l'inexistence de véritables
sanctions à l'endroit des dirigeants politiques. Du reste, s'il n'est
pas possible que l'OIF s'identifie à l'ONU ou à L'UA comme une
organisation capable d'utiliser des moyens coercitifs pour le retour
démocratique, il faut à tout le moins pour un meilleur
accompagnement de la démocratie, qu'elle pense à rendre
contraignante la déclaration de Bamako en la transformant en une
convention qui pourra être signée et ratifiée par les Etats
qui
Le soft law se trouverait dans une situation
intermédiaire entre les textes n'ayant aucune force juridique et ceux
qui sont revêtus de force contraignante. « Elle comprend les
actes à faible caractère contraignant à savoir les
déclarations protocolaires, les résolutions, les communications,
les recommandations, les chartes, les programmes, les déclarations
d'intentions, les guidelines, les principes et autres positions prises en
commun ou encore des accords adoptés par les Etats. Cette liste peut
être aussi étendue aux communiqués aux déclarations,
aux conclusions, aux accords informels, aux opinions, aux actes, aux accords
interinstitutionnels, aux concertations et aux accords de nature purement
politique (gentlemen's agreement)». Voir Fillipa CHATZISTAVROU,
« L'usage du soft law dans le système juridique international et
ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de règle
de droit», op.cit.,
http//:journals.openedition.org/leportique/591
314 CHEVALLIER Jacques, L'Etat postmoderne, LGDI, 2004,
2e éd., p.123.
120
315 «Aux cotés des actes conventionnels à
caractère contraignant du droit international qui produisent des droits
et des obligations pour les parties, ce type d'actes n'a pas
nécessairement ni immédiatement un caractère juridique et,
par conséquent, n'est pas forcément contraignant». Voir
Fillipa CHATZISTAVROU, « L'usage du soft law dans le système
juridique international et ses implications sémantiques et pratiques sur
la notion de règle de droit», op.cit.
121
manifestent leur désir d'adhérer à
l'Organisation. L'avantage de ce projet est que la déclaration une fois
transformée en convention devra être ratifiée par les Etats
membres et entrainer ainsi des obligations contractuelles à leur
égard. .
Par ailleurs, en rendant la déclaration de Bamako
contraignante, la Francophonie doit élargir le concept de rupture de la
démocratie. Autrement dit, elle ne doit plus réduire la rupture
démocratique au simple coup d'Etat contre un régime
démocratiquement élu mais plutôt étendre ce
critère à celui du non-respect des échéances
électorales et de la violation du principe de limitation du nombre de
mandat qui est le noeud gordien de plusieurs crises politiques en Afrique noire
francophone. Par ces actions, la Francophonie pourra ainsi empêcher voire
prévenir plusieurs crises dans ses Etats et gouvernements membres.
Bref, la révision de la normativité des textes
de la Francophonie doit pouvoir aboutir à une véritable sanction
à l'égard des Etats qui ne respecteraient pas les obligations qui
naissent de leur adhésion à l'organisation. Toutefois il ne
s'agit pas d'appliquer des sanctions qui porteraient atteinte à la
quiétude des populations. Il s'agira plutôt de mettre en oeuvre
des sanctions à l'égard des dirigeants politiques qui se
rendraient coupables de violations des règles démocratiques
contenues dans les instruments de l'OIF. Il peut s'agir par exemple de
l'interdiction de voyager de l'autorité politique coupable d'actes
antidémocratiques, (violations des droits de l'Homme et des
libertés publiques par exemple) ou le soutien à la comparution
desdites autorités devant les juridictions pénales nationales,
régionales ou la Cour Pénale Internationale. De ce point de vue,
s'il est vrai que l'OIF dans son projet d'appui à la construction de
l'Etat de droit apporte déjà son soutien à la justice
internationale en oeuvrant à la comparution des autorités
politiques responsables de crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou
crimes de génocide dans l'espace noir francophone, son implication plus
accrue est souhaitée. Ceci constitue sans doute un moyen de dissuasion
et de pression en vue de la poursuite normale du processus de
démocratisation.
Somme toute, si la doctrine démocratique de l'OIF doit
être rénovée, son action politique ne doit pas non plus
être du reste.
Paragraphe 2 : Une action politique à
redynamiser.
La rénovation institutionnelle de la Francophonie
constitue un événement marquant de l'histoire de l'institution
qui fait suite à son engagement politique en faveur de la
démocratie. Dans toute la panoplie d'organes appelés à
jouer un rôle politique pour l'approfondissement démocratique, le
Secrétariat Général occupe une place importante pour avoir
été consacré par la Charte comme « clé de
voûte du système institutionnel de la Francophonie ». Mais
cet organe ne pourra jouer efficacement sa fonction s'il agit de façon
solitaire dans une totale indifférence des Etats. Par ailleurs, L'OIF
étant surtout un acteur subsidiaire 316 en matière
d'accompagnement démocratique, elle doit pouvoir compter sur une
synergie d'actions entre ses institutions et les acteurs externes et internes
engagés dans le combat pour la démocratie.
Ainsi, la redynamisation de l'action de la Francophonie en
faveur de la démocratie passe par un appui renforcé aux actions
du Secrétaire Général (A) et l'intensification de la
collaboration multidimensionnelle (B).
A- Un appui renforcé aux initiatives du
Secrétaire Général
L'importance, l'immensité et la sensibilité de
la tâche confiée au Secrétaire général de la
Francophonie sur le plan politique nécessite qu'elle soit appuyée
non seulement par les instances de l'organisation mais qu'elle reçoive
aussi l'apport bénéfique des Etats. En effet, leur enthousiasme
et leur collaboration sont primordiaux pour la réussite des missions
politiques mises en oeuvre dans leur ordre interne.
Dans l'état actuel des choses, les Etats restent encore
peu collaborateurs s'agissant de leur accompagnement au Secrétaire
Général pour l'éclosion des valeurs démocratiques
dans leur ordre interne. La tendance générale est de se
soustraire des actions multilatérales
122
316 MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie,
un nouvel intervenant sur la scène internationale », article
précité, p.26. A cet effet, soulignons que l'ONU reste la
première organisation qui déploie ses actions dans le domaine de
la démocratie sur le plan international. Les organisations
régionales et sous régionales s'efforcent à leur tour de
mettre en place des actions destinées à assurer l'éclosion
des valeurs démocratiques au profit de leurs membres. L'OIF ne met en
oeuvre ses actions que lorsque ces dernières ne le font pas ou lorsque
son expertise est sollicitée. Ceci justifie l'opinion de Abdou Diouf
selon qui : «l'humilité et le réalisme nous obligent
à admettre que la Francophonie ne peut pas être sur tous les
fronts, et qu'elle est d'abord là pour faire ce que d'autres ne feront
jamais à sa place». Voir MASSART-PIERARD Françoise,
« La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène
internationale », article précité., p.26.
123
de l'organisation en mettant en avant l'autonomie
constitutionnelle. En prenant le seul cas des missions d'observation
électorale dépêchées par le Secrétaire
Général lors des scrutins électoraux, on remarque que les
autorités politiques ont tendance à complexifier la mission des
observateurs en dissimulant par exemple des informations importantes qui
pourraient entamer la transparence ou la crédibilité de
l'élection.
Par ailleurs, la remarque est également la même
dans le domaine de la médiation dans les périodes de crises
politiques quand les Etats n'affichent pas leur croyance en les atouts dont
dispose l'organisation pour la résolution pacifique des tensions
politiques. L'apport des Etats membres à la réussite de la
mission du médiateur envoyé par le secrétaire
Général est primordial pour le dénouement de la crise.
Ainsi, « la médiation francophone ne sera consolidée que
dans un contexte d'adhésion des Etats membres bien plus qu'aujourd'hui
à l'idée que la Francophonie peut occuper une place de choix dans
ce secteur. Cela passe d'abord par la conviction des Etats membres que l'OIF
dispose pour ce faire d'atouts crédibles. Ces Etats doivent se sentir
impliqués ou être amenés à se sentir
impliqués. Le secrétaire Général verrait son action
considérablement renforcée s'il pouvait s'appuyer sur
eux»317.
En effet, compte tenu de la subtilité que requiert le
processus de médiation, il faut reconnaitre que le médiateur
envoyé par le Secrétaire Général ne peut à
lui seul faire la paix. Il a forcément besoin de la bonne foi non
seulement des protagonistes au conflit mais aussi de l'apport des acteurs
internes (les démembrements de la société civile) et la
confiance de l'ensemble de la communauté francophone pour la
réussite des différentes étapes de la médiation.
«La question de l'appropriation des solutions par les parties à
l'échelle nationale est déterminante en médiation et le
travail du médiateur sur l'inclusion des acteurs est
décisif»318 car, «le médiateur seul
ne construit pas la paix. Les parties au conflit et la société
dans son ensemble doivent adhérer au processus de paix et s'employer
à mettre en oeuvre les accords qui en
découlent»319.
317 CHABI Basile, L'OIF et la résolution des conflits
en Afrique noire francophone, article précité,
p.78.
318 OIF, 2é Retraite sur la médiation
de la Francophonie, 2012, Centre de politique de sécurité de
Genève, 21-22 novembre 2012, p.47.
319 Ibidem.
Pour mettre en exergue l'importance du soutien de la
communauté francophone aux initiatives du Secrétaire
Général, l'ambassadeur Jean Pierre Vettovaglia pense qu'une
façon d'obtenir cet engagement « serait le recours bien plus
fréquent à l'adoption de résolutions politiques sur les
situations de conflit par le Conseil Permanent de la Francophonie
(CPF)». Les résolutions, selon lui « sont
essentielles pour l'affirmation de l'OIF en tant qu'acteur dans le
règlement des conflits parce qu'elles conféreront à
l'action du SG la légitimité d'un mandat confié par les
Représentants des Etats membres... Elles sont un instrument central de
dialogue entre les SG et les Représentants étatiques. Et la
Francophonie sera d'autant plus forte que son action se fonde sur une
résolution des instances et donc sur un mandat confié par
l'ensemble de ses Etats membres»320. Sur le plan pratique,
une telle solution peut paraitre complexe mais ne doit pas conduire à
accepter une fatalité quant au comportement ambivalent des Etats les
conduisant à adopter des positions à l'antipode des obligations
auxquelles ils ont souscrit.
Enfin, pour la réussite et la facilitation de ses
missions politiques, le Secrétaire Général doit pouvoir
compter sur la franche collaboration des instances de la Francophonie en vue de
la prise de solutions adéquates pour la prévention et la gestion
des crises politiques.
Toutefois, pour une meilleure promotion de la
démocratie dans l'espace noir francophone, l'OIF doit intensifier et
perfectionner sa collaboration avec les organisations internationales et
régionales africaines puis engager une synergie d'actions avec les
dynamiques internes à l'échelle nationale.
B- Une intensification du multilatéralisme
«La paix, le renforcement de la démocratie et
des droits de l'Homme constituent une oeuvre quotidienne qui requiert une
appropriation des solutions par les acteurs politiques et de la
société civile à l'échelon
national»321 ainsi que des actions collectives
multilatérales qui s'inscrivent dans la durée. C'est convaincu de
cette réalité que la
320 VETTOVAGLIA Jean Pierre, « Inventaire et pistes pour
le renforcement des instruments (processus et ressources) à disposition
des médiateurs de la Francophonie », in OIF,
2é retraite sur la médiation de la
Francophonie, 2007, op.cit., p.18.
124
321 OIF, Retraite sur la médiation de la
Francophonie, article précité, p.47.
Francophonie a décidé de ne pas oeuvrer de
façon isolée ou solitaire mais d'inscrire son action dans un
cadre multilatéral par une franche collaboration avec les organisations
internationales oeuvrant pour la paix et la démocratie de même
qu'un partenariat avec les acteurs endogènes. Ainsi la
déclaration de Bamako souligne cette collaboration au Chapitre 4d
« A ces fins, et dans un souci de partenariat rénové,
nous entendons : intensifier la coopération entre l'OIF et les
organisations internationales et régionales, développer la
concertation en vue de la démocratisation des relations internationales,
et soutenir dans ce cadre, les initiatives qui visent à promouvoir la
démocratie».
En effet, la promotion de la paix et de la démocratie
en Afrique noire francophone fait intervenir une multiplicité
d'organisations aussi bien internationales que régionales qui
mènent des actions au même titre que l'OIF. Il s'agit entre autres
de l'ONU, de la CEDEAO, l'UA, la SADC, l'UE, la CEEAC. La résolution des
crises politiques connait également l'intervention des
personnalités étatiques322 jouissant d'une audience
reconnue aussi bien sur le plan africain qu'international. La
variété de ces acteurs constitue un riche potentiel que l'OIF
doit capitaliser afin de donner un grand élan et un enthousiasme pour le
moins régional au processus de médiation et aux actions de
renforcement de la démocratie en Afrique noire francophone. Car de
façon générale, l'aspect qui amenuise les efforts des
partenaires internationaux et rend les médiations peu fructueuses est
l'absence d'une homogénéité dans les processus de
médiation ; chaque organisation proposant des modèles qui leur
sont spécifiques. En plus, « avec la complexité des
situations et la multiplicité des intérêts aussi bien au
niveau des Etats qu'au niveau des organisations régionales et
internationales, il n'est pas toujours évident de réaliser une
concertation solide et fructueuse entre ces
dernières»323. Aussi fait-il ajouter qu' «
il n'existe pas de mécanisme universel univoque et clairement
établi qui harmoniserait les réactions internationales et
imposerait le même traitement aux mêmes
situations»324. Face à cet état de
chose, «l'action concertée et coordonnée des Etats et
des organisations
322 Par exemple l'ancien Président du Burkina Faso,
Blaise Compaoré a été sollicité plusieurs fois par
l'OIF pour conduire la médiation dans les crises dans le continent
africain.
323 CHABI Basile, L'OIF et la résolution des conflits
en Afrique noire francophone, memoire précité, p.74.
125
324 CHABI Basile, memoire précité, p.74
régionales et universelles est sans doute la moins
mauvaise des approches»325. Le rôle de l'OIF dans
cette dynamique serait de parvenir à intensifier la concertation et la
coordination avec les autres organisations partenaires en mettant en exergue
les potentialités spécifiques de chaque organisation dans le
domaine de la paix et de la démocratie. Le privilège particulier
dont jouit l'OIF auprès des Nations Unies comme au niveau des
organisations régionales africaines doit lui permettre de jouer le
rôle de lobbying afin que les intérêts partisans des
organisations ne priment pas sur la capitalisation des valeurs
démocratiques et la paix en Afrique noire francophone326.
L'abandon des intérêts partisans doit amener
logiquement les organisations internationales et régionales, visant
désormais la promotion des valeurs démocratiques à
dénoncer à l'unisson toute dérive démocratique de
dirigeants politiques déterminés à faire un usage abusif
des prérogatives constitutionnelles qui leur sont reconnues ou à
instrumentaliser la constitution à des fins politiques. La
démarche consensuelle entérinée aura l'avantage
d'affaiblir et de délégitimer tout pouvoir désuet qui ne
tire désormais sa légitimité que des privations
arbitraires des libertés publiques, et l'instrumentalisation de
l'armée327. Cette action de collaboration entre l'OIF et les
autres organisations doit s'étendre également à
l'organisation et au déroulement des élections en Afrique noire
francophone. S'il est vrai que les élections constituent un domaine de
prédilection où l'OIF développe ses actions en faveur de
la démocratie, il faut cependant reconnaitre que ses actions ne sont pas
encore à la hauteur des attentes. Il urge pour cela des actions
multidimensionnelles. La collaboration permettra de prendre en compte lors de
l'observation électorale un plus grand terrain de supervision ; gage
d'une supervision crédible et d'une crédibilité des
élections. Car, en effet « l'observation des élections
par un seul observateur ou par une équipe restreinte, qui dresse un
rapport interne (...) s'est révélé d'une utilité
réduite»328
325 Ibidem.
326 Très souvent, la volonté politique fait
défaut du fait de l'enjeu des conflits. Les processus de paix lors des
crises en Guinée et en Côte d'Ivoire se sont heurtés
à cette carence.
327 Nous voulons sur ce plan indexer les régimes
où la démocratie reste en berne comme le régime d'Idriss
Déby au Tchad, de Denis Sassou N'guesso au Congo, ou de Joseph
Nkurunziza au Burundi.
126
328 SICILIANOS LINOS Alexandre, op.cit., p.179.
Par ailleurs, l'OIF doit tenir compte des dynamiques
endogènes dans son engagement en faveur de la démocratie en
Afrique noire francophone. Nous entendons par dynamiques endogènes, la
société civile dans sa généralité. La
construction de la démocratie est une oeuvre quotidienne qui requiert
l'implication de tous les acteurs internes à divers niveaux car la
conception francophone de la construction démocratique basée sur
des actions parachutées par le haut en Afrique noire francophone ne fera
qu'aboutir à une «application mimétique des principes
d'organisation et de gouvernance importés»329. Il
ne fait aucun doute qu'à l'heure actuelle l'OIF entretient une
réciprocité avec la société civile et les ONG
330 . Le caractère particulièrement continu de la
construction démocratique doit amener l'OIF à perfectionner son
partenariat avec ces dynamiques endogènes dans la mesure où elles
peuvent influer énergiquement sur le processus démocratique dans
un pays. A cet effet, l'exemple du réveil de la société
civile burkinabaise en 2011 pour faire obstacle à la dictature
instaurée depuis des années par le Président
Compaoré331 témoigne de ce qu'elle constitue, à
en croire Mohamed Bentahar,« un ressourcement de la
démocratie»332. La variété des
domaines où la société civile ainsi que les OING peuvent
intervenir constitue des potentialités que l'OIF doit veiller à
préserver et à mettre en valeur au niveau des Etats de l'Afrique
noire francophone333.
Enfin, l'implication des dynamiques endogènes dans les
processus de médiation est cruciale pour la conclusion de la paix dans
les pays plongés dans des crises politiques.
329 OIF, Rapport DDHDP 2012, op.cit., p.111.
330A ce propos, signalons que l'OIF dispose d'une
conférence des OING et des organisations de la société
civile convoquée tous les deux ans par le Secrétaire
Général. S'agissant des OING, certaines sont
accréditées auprès de l'OIF: l'Association Francophone
d'Amitié et de liaison ( Afal), engagée dans la défense de
la diversité linguistique, l'Association francophone internationale des
Directeurs d'établissements scolaires ( 22 sections nationales)
chargée d'une mission de formation de ces derniers, environnement et
développement du tiers-monde qui lutte contre la pauvreté pour la
diversité culturelle et le développement durable ( 33
entités présentes dans 14 pays), la Fédération
internationale des ligues des droits de l'Homme (141 organisations dans une
centaine de pays ), le Groupe d'étude et de recherche sur la
démocratie et le développement économique et social en
Afrique ( présent dans 32 pays d'Afrique ) , Reporters sans
Frontières , l'Union de la presse francophone (3000 journalistes
répartis dans 110 pays et régions du monde), l'Organisation
mondiale contre la torture (282 ONG dans cinq continents).
331 La société civile burkinabaise s'est
levée en 2011 comme un seul homme pour mettre fin à 27 ans de
règne sans partage du Président Compaoré. Cet apport de la
société civile qui sera repris après par l'armée a
permis au pays des hommes intègres d'organiser des élections
démocratiques après quelques périodes de résistance
finalement maitrisées.
332 BENTAHAR Mohamed, « Quelques rappels sur la
société civile, sa place, son rôle et son lien avec la
démocratie », article précité, 2014.
127
333 En effet les organisations de la société
civile veillent à sensibiliser les populations à l'approche des
scrutins électoraux sur l'importance d'exercer leur devoir citoyen et
dénoncent les manipulations politiques des dirigeants. Les ONG
opérant dans divers niveaux dont celui des droits de l'Homme s'opposent
à la violation des droits de l'homme en appelant l'attention de la
communauté internationale. Ainsi elles contribuent à
décrédibiliser la « démocratie de prestige » qui
se développe en Afrique noire francophone.
Dans la 2é retraite sur la médiation
de la Francophonie en 2012, il a été relevé que
l'échec de beaucoup de médiations mises en oeuvre par les
organisations internationales est dû à un défaut
d'inclusion de tous les acteurs dont principalement la société
civile. Le diagnostic ayant été fait, il est recommandé
que le médiateur francophone s'attèle, en dehors des parties
identifiées au conflit, à « inclure et traiter
équitablement tous les acteurs décisifs de la
société civile, y compris les victimes et les femmes, mais
également les jeunes qu'il convient d'inclure dans le dialogue politique
et le processus de paix et doivent être incluses dans la
médiation»334. En outre, «les chefferies
traditionnelles et les autorités religieuses constituent
également une arme lourde à même d'apaiser les tensions de
façon durable grâce à l'autorité morale dont elles
jouissent aussi bien auprès des hommes politiques que des
populations»335. Au regard de leur poids incontestable,
leur prise en compte par l'OIF dans le processus de démocratisation
n'est pas anodin336.
Au total, le défi de l'OIF serait de parvenir à
travailler en synergie avec ces dynamiques locales en les libérant de
toute politisation par une mobilisation conséquente de ressources en
leur faveur, gage de leur opérationnalisation et de leur
indépendance.
334 OIF, Retraite sur la médiation de la
Francophonie, ouvrage précité, p.48.
335 CHABI Basile, L'OIF et la résolution des
conflits en Afrique noire francophone, article précité,
p.79. Nous pouvons rappeler ici le rôle important que joue la
religion chrétienne (la Cenco) dans les tentatives de reprise du
dialogue dans la crise au Congo Kinsasha. A propos du rôle et de l'action
des autorités religieuses dans le processus de pacification et
démocratisation du Congo Brazaville, Joseph Tonda, soutient qu'il s'agit
de : « toutes les pratiques ou tous les discours qui participent d'un
positionnement des hommes de Dieu ou des Églises par rapport au pouvoir,
à l'État, aux acteurs politiques et à la «
démocratisation » en tant que nouveau contexte de fondation et de
construction d'un ordre ». Voir TONDA Joseph : « De
l'exorcisme comme mode de démocratisation. Églises et mouvements
religieux au Congo de 1990 à 1994 » in Constantin
François et Coulon Christian (dir), Religion et transition
démocratique en Afrique noire, Paris, Éditions Karthala,
1997, pp. 259-260. Par ailleurs, pour DIOP Omar, « la
participation des Églises dans la période de transition
démocratique traduit un véritable renouveau démocratique
qui sera marqué à la suite par la rédaction et
l'approbation d'une nouvelle Constitution, l'adoption du multipartisme,
l'organisation des élections compétitives, la mise en place d'un
nouveau régime constitutionnel», DIOP EL HADJI Omar, Partis
politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire.
Recherche sur les enjeux juridiques et sociologiques du multipartisme dans
quelques pays de l'espace francophone, Paris, Éditions Publibook,
2006, p. 67.
128
336 A cet effet rappelons le rôle décisif
joué par Monseigneur Isidore de SOUZA lors de la conférence
nationale des forces vives de la Nation en 1990 au Bénin en oeuvrant
à la conciliation des points de vue contradictoires des politiques en
vue de l'adoption de l'ère démocratique. Ajoutons aussi la
dynamique de la Conférence Episcopale du Congo (Cenco) tout au long de
la crise politique jusqu'aux élections de décembre 2018.
Conclusion de la deuxième partie
129
L'OIF, en dépit de son enthousiasme de se constituer en
un véritable creuset pour la construction démocratique en Afrique
noire francophone affiche des faiblesses indéniables qui
réduisent considérablement ses potentialités. De
nombreuses difficultés qui peuvent être recherchées aussi
bien dans l'environnement politique des Etats objet de notre étude qu'au
niveau du fonctionnement interne de l'organisation elle-même,
complexifient la réalisation effective de ses engagements pour
l'approfondissement de la démocratie dans les Etats de Afrique noire
francophone. Il s'agit entre autre (du côté des Etats) du
caractère particulièrement instable de l'espace africain noir
francophone, du manque de la culture démocratique des dirigeants
politiques africains, du non-respect des engagements démocratiques pris
par les Etats. De surcroît, le dispositif normatif et opérationnel
particulièrement flexible de l'OIF en rendant son action peu dynamique,
ne favorise pas non plus une meilleure réaction de la part des Etats qui
à leur tour s'enlisent davantage dans l'inobservance des engagements
auxquels ils ont souscrits. A ceci, il faut ajouter le manque de moyens du fait
de l'élargissement de l'organisation sur les cinq continents du
globe.
Il urge alors de réformer la politique de
démocratisation de l'OIF afin de la rendre plus efficace.
CONCLUSION GENERALE
130
La conscience presque collective affichée dans les
années 1990 par la majorité des Etats africains en
général et ceux de l'Afrique noire francophone en particulier
à travers l'adoption de l'ère démocratique n'a pas
trouvé un appui suffisant des dirigeants politiques. C'est dans ce
contexte que l'ONU, l'UA et les organisations sous régionales se sont
résolument engagées à accompagner les Etats en vue de la
concrétisation de cette nouvelle donne politique. Mais la
réalité demeure tout de même, «l'incapacité
des Etats africains, des organisations régionales et
l'ONU»337 d'atteindre les objectifs escomptés.
C'est fort de ce constat que « l'OIF fit son
entrée sur la scène internationale, non pour se substituer ou
entrer en concurrence avec quelque acteur que ce soit, mais pour apporter
à cette oeuvre collective»338, une touche
francophone.
Parvenu au terme de ce travail, il s'agissait d'évaluer
l'effort d'accompagnement de l'OIF à la réalisation de la
démocratie en Afrique noire francophone. Retenons pour l'essentiel que
la réforme institutionnelle et normative qu'elle a mise en oeuvre a
permis de faire asseoir les bases de cet engagement et fait montre de
l'existence de la volonté politique. Sur le terrain du concret, elle a
su apporter sa contribution à l'enracinement de la démocratie en
Afrique noire francophone au travers de l'accompagnement des scrutins
électoraux, étant donné que ce sont les
«élections qui créent la base du pluralisme et de
l'alternance sans lesquels, (...) la démocratie ne peut
fleurir»339. Son engagement a été aussi sans
faille dans le renforcement des institutions démocratiques et la
préservation de la paix par la mise en oeuvre des médiations, la
pratique de l'alerte précoce, et donc de la diplomatie
préventive.
Ainsi, grâce à son effort, et au soutien
apporté à ses partenaires internationaux dont l'ONU, l'UE, l'UA
et les organisations sous régionales, les actions multilatérales
entreprises dans le cadre de la crise post-électorale de 2011 en
Côte d'Ivoire, de la guerre ethnique Centrafricaine de 2013, de la crise
guinéenne de 2009, pour ne mentionner que ces cas ont pu donner des
résultats probants. Les quatre engagements pris dans la
337 TEDOM Fogué, Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire,
Paris, l'Harmattan, 2008, p.10, cité par CHABI Basile, L'OIF et la
résolution des conflitsen Afrique nore francophone,article
précité, p.92.
338 CHABI Basile, l'OIF et la résolution des conflits
en Afrique noire francophone, mémoire
précité, p.92.
131
339 LY TALL Madina, conclusion générale,
www.democratie.francophonie.org
IMG pdf, Consulté le 17/ 08/17.
132
Déclaration de Bamako en 2000340 ainsi que
la stratégie de sécurisation de la personne humaine
consacrée par la déclaration de Saint Boniface en 2006 ont connu
une impulsion et une mise en oeuvre effective de la part de l'OIF ; ce qui est
de nature à crédibiliser son engagement politique aux
côtés de ses Etats membres et valoriser ses textes en
évitant qu'ils soient « lettres mortes ».
Consciente de ce que la démocratie ne saurait rimer
avec la violence, la Francophonie a fait de la stabilité politique son
cheval de bataille non pas en mettant en place une force d'intervention mais
plutôt par la stratégie de négociation et de
médiation dirigée par des experts qui servent de facilitateurs
dans la recherche de solutions consensuelles aux crises politiques. Pour
être plus efficace dans son soutien aux transitions démocratiques
et compte tenu de la fragilité de l'environnement politique de l'espace
africain noir francophone, l'OIF s'implique de façon croissante dans la
résolution des crises. Ainsi de l'ouverture des hostilités
jusqu'à la période post-conflictuelle, elle se maintient au
chevet des Etats soit de façon solitaire soit par son soutien aux
actions des partenaires régionaux et internationaux. Ainsi, elle a
oeuvré à la conclusion des accords de Marcoussis puis de
Ouagadougou sur le conflit ivoirien, de Kinshasa sur la RDC et la nomination du
malien Siaka Toumani Sangaré à la tête de la Commission
Electorale Indépendante de la Guinée en 2010. Elle s'est
impliquée également dans le processus de retour de la
stabilité démocratique en Centrafrique. Son engagement en faveur
de la paix se réalise au moyen de la médiation, de
l'accompagnement des transitions et du soutien aux Omp. Toutefois, en
dépit de ces succès evidents, des inquiétudes
demeurent.
Il faut reconnaitre que l'OIF est victime de sa propre
stratégie d'accompagnement de la démocratie en raison de sa
flexibilité normative qui l'oblige à user de moins de
rugosité dans son action politique. L'OIF est en effet une organisation
internationale atypique, différente des autres organisations
internationales, « car elle ne repose pas sur un traité (sauf
à considérer comme le font certains membres) que le traité
de Niamey est
340Faut-il le rappeler il s'agit de la consolidation
de l'Etat de droit, de la tenue d'élections libres, fiables et
transparentes, du maintien d'une vie politique apaisée et la promotion
d'une culture démocratique intériorisée et le plein
respect des droits de l'Homme.
toujours valide, ce qui est juridiquement
contestable»341. En effet, «les
gouvernements des 21 Etats signent en 1970 à Niamey le traité
fondant l'Agence de coopération culturelle et non une organisation
internationale».342. Toute la faiblesse normative dont
souffre l'OIF doit être recherchée dans l'inexistence d'un
traité constitutif qui établirait les droits et devoirs des Etats
de façon formelle.
Cette faiblesse normative entraîne une double
conséquence pour une éclosion effective de la démocratie.
D'une part, elle entraine le manque de considération des Etats à
l'égard des obligations qui découlent des textes. D'autre part,
elle limite considérablement le pouvoir quant à l'OIF de
contraindre un Etat pour le respect des obligations qui découlent de son
adhésion à l'organisation ou à lui administrer de
véritables sanctions à la hauteur des déviances
commises.
Somme toute, même si des voix s'élèvent
aujourd'hui pour dénoncer sa flexibilité relative et son manque
de crédibilité, soulignons que son apport est incontestable dans
l'éclosion de la démocratie en Afrique noire francophone.
341 CABANIS André, CROUZATIER Jean Marie, IVAN
Ruxandra, SOPPELSA Jacques, Méthodologie de la recherche en droit
international, géopolitique et relations internationales, Paris,
AUF, 2010, p.23.
133
342CABANIS André, CROUZATIER Jean
Marie, IVAN Ruxandra, SOPPELSA Jacques, Méthodologie de la recherche
en droit international, géopolitique et relations internationales,
ouvrage précité, p.22.
BIBLIOGRAPHIE
134
135
I- OUVRAGES GENERAUX
1' AÏVO Frédéric Joël, La
constitution béninoise du 11 décembre 1990 : un modèle
pour l'Afrique? Mélanges en l'honneur de Maurice
Ahanhanzo-Glélé, éd. L'Harmattan, 2014, 800 p.
1' AÏVO Frédéric Joël, Le juge
constitutionnel et l'Etat de droit en Afrique L'exemple du modèle
béninois, éd. l'Harmattan, 2006, 222 p.
1' BURDEAU Georges, HAMON Francis, TROPPER Michel, Droit
constitutionnel, Paris, LGDJ, 24e éd, 1993, 730 p.
1' CABANIS André, CROUZATIER Jean Marie, IVAN Ruxandra
et SOPPELSA Jacques, Méthodologie de la recherche en droit
international, géopolitique et relations internationales, Paris,
AUF, 2010, 146 p.
1' CHARPENTIER Jean, Les institutions internationales,
Mémento, Paris, Dalloz, 17e éd., 2009, 136 p.
1' COMBACAU Jean, SUR Serge, Droit international
public, Domat droit public Montchrestein, 6é éd., 2004, 809
p.
1' COT Jean-Pierre, PELLET Alain, FORTEAU Mathias, La
Charte des nations unies: Commentaire article par article,
3é éd, Paris, Economica, 2364 p.
1' DALLIER Patrick, FORTEAU Mathias et PELLET Alain, Droit
international public, 8é éd, Paris, L.G.D.J.
2009, 1709 p.
1' DIEZ DE VELASCO VALLEJO Manuel, Les organisations
internationales, Paris, Economica, 2002, 919 p.
1' DUPUY Pierre-Marie, Droit International Public,
9é éd., Paris, Dalloz, 2008,
879 p.
1' HUNTINGTON Samuel, The third wave: Democratization in the
late twentieth century, Norman, University of Oklahoma Press, 1991, 339
p
1' LAGRANGE Evelyne, SOREL Jean-Marc, Droit des organisations
internationales, LGDJ, 2013, 1248 p.
136
1' SALMON Jean, Dictionnaire de droit international
public, Bruxelles, Bruylant, 2001, 1198 p.
1' VIRALLY Michel, Le droit international en devenir.
Essais écrits au fil des ans, éd Graduate Institute, 1990,
504 p.
II- OUVRAGES SPECIALISES
1' AUF (ouvrage collectif), Francophonie et Relations
internationales : Géopolitique de la Francophonie, Paris,
éd. Des archives contemporaines, 2009, 102 p.
1' ABOU Sélim et CATALA Pierre (sous dir), La
Francophonie aux défis de l'économie et du droit
aujourd'hui, Paris, Presses de l'Université Saint Joseph, coll.
Economie, 2002, 206 p
1' ABOU Sélim, CROUZATIER Jean-Marie, Ivan Ruxandra,
Soppelsa Jacques, Solidarité en (fF)rancophonie :
réalité ou faux semblant ?, Paris/ Montréal, AUF, 184
p.
1' ABOU Sélim, HADDAD Katia, Une Francophonie
différentielle, Paris, l'Harmattan, Beyrouth, Presse de
l'Université Saint Joseph (PUSJ), 1994, 560 p.
1' ALLAIRE Gratien, Gilbert Anne, Francophonie
plurielle, Sudbury, Institut franco-ontarien, coll. Fleur de trille, 1998,
316 p.
1' ARNAUD Serge, GUILLOU Michel, SALON Albert, Les
défis de la francophonie. Pour une mondialisation humaniste, Paris
Alpharès, coll. Planéte francophone, 2005, 260 p.
1' BARRAT Jacques (dir.), Géopolitique de la
Francophonie, Paris, PUF, 1997, 194 p.
1' BARRAT Jacques, MOISEI Claudia, Géopolitique de
la Francophonie. Un nouveau souffle ?, Paris, Documentation
Française, coll. Les études de la DF, n°5191, 2004, 171
p.
1' OIF (Ouvrage collectif), De Dakar à Dakar, 25
ans d'engagement de la Francophonie au service de la démocratie,
Bruylant, 2015.
137
V' DENIAU Xavier, La Francophonie, Paris, PUF, coll.
Que Sais-je ?, 1983, 6ème éd. 1992, 128 p.
V' DIOUF Abdou, Passion francophonie : Discours et
intervention 20032010, Bruxelles, Bruylant, 2010,310 p.
V' DREZET Paul, Les enjeux de la Francophonie : d'une
communauté de langue à une communauté de destin,
www. francophonie.org,
67 p.
III- ARTICLES
V' AÏVO Frédéric Joël, « Les
constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », Revue
Française de Droit Constitutionnel, vol.4, n°104, 2015,
p.771-800.
V' AÏVO Frédéric Joël, « La
question de la personnalité juridique des associations d'Etats »,
Revue de la Recherche Juridique Droit Prospectif, Vol.4, n°134,
2010, 34 p.
V' APEDO-AMAH AYAYI Tagoata, Togo : « Réflexion
sur le rôle de l'armée en Afrique à l'ère de la
démocratisation et de Boko Haram», juillet
2016.
www.togo-online.co.uk./opinionstogo-reflexion..../.
V' ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, « Francophonie et
résolution des conflits en Afrique», Colloque de
Yaoundé, 25-26 septembre 2009, inédit.
V' ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, « les révisions
constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain»,
Politeia, n°7, Printemps 2007,
www.afrilex-u-borbeau4.fr,
note 157, 27 p.
V' BAUDAIS Virginie, CHALIZAL Grégory, « Les
partis politiques et l'indépendance partisane « d'Amadou Toumani
Touré, » Politique
Africaine, vol.4, 2006, n°104, p.61-80.
V' BEN ACHOUR Rafaa, « La contribution de Boutros Boutros
Ghali à l'émergence d'un droit international positif de la
démocratie », in Boutros
138
Boutros-Ghali, amicorumdiscipulorumque
liber. Paix, développement, démocratie, Volume II,
Bruxelles, Bruylant, 1998, pp. 909-923.
( BENTAHAR Mohamed, « Quelques rappels
sur la société civile, sa place, son rôle et son lien avec
la démocratie », Médiapart, novembre 2014,
blog.mediarpart.fr/m-bentahar/blog/141114.
( COLIN Jean-Pierre, « D'une langue
à l'universel », Politique et société, vol.
16, n° 1, juin 1997, pp. 139-153.
( DESSOUCHES Christine, «
Exposé de problématique : la pratique de l'OIF en matière
de médiation », in Retraite sur la médiation de la
Francophonie, 2007, pp.22-36.
( DESSOUCHES Christine, « La
dimension politique de la Francophonie », in Les Balkans en
mutation : de nouveaux espaces de coopération politique internationale
en Europe, Colloque de Sofia, 2006, pp.91-96.
www.balkanpoliticalclub-net/media/...
/interconferens-07-France-
internet.pdf.
( ESSONO Evono Alexis, «Armée et
démocratie en Afrique, une relation ambivalente à
normaliser», Afrique Contemporaine, 2012, pp. 120 -121.
( GUEYE Babacar « la démocratie
en Afrique : succès et résistances », Pouvoirs,
vol.200, n°129, 526 p.
( GUAINO Henri, « L'économie, la
mondialisation et la francophonie », Vecteur environnement, vol.
36, n° 2, 2003, pp. 43-45.
( GUILLOU Michel, « La Francophonie,
enjeu de la mondialisation », Etudes, avril 1998, pp. 445-455.
( HUGON Philipe, « Conflits
armés, insécurité et trappes à pauvreté en
Afrique », Afrique Contemporaine, n° 218, Vol.2, 2006, pp.
33- 47.
139
i' JAUMOTTE André, « Francophonie
et mondialisation » Revue Générale, novembre 1999,
pp. 7-11.
i' KOKOROKO Dodzi, « L'apport
de la jurisprudence constitutionnelle africaine à la consolidation des
acquis démocratiques », Revue Béninoise de Sciences
Juridiques et Administratives, n°18, juin 2007, pp.87-128.
i' KOKOROKO Dodzi, «
Souveraineté étatique et principe de légitimité
démocratique », Revue Québécoise de Droit
international, 2003, pp.37-59.
i' LEON Tony, « L'Etat de la
démocratie libérale en Afrique, résurgence ou recul
?», 2010, 31
p.
www.un.mondelibre.org.
i' MANAGOU Vivien Romain, «
Contre-pouvoir, tiers pouvoirs et démocratie en Afrique »,
Association Française de Droit Constitutionnel, congrès de Lyon,
26, 27 et 28 Juin 2014, 24 p.
i' MASSART-PIERARD Françoise, «
La francophonie internationale », Courrier Hebdomadaire du CRISP,
n° 1665, 1999, pp. 1- 47.
i' MASSART-PIERARD Françoise, «
La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène
internationale», Revue Internationale de Politique Comparée,
Vol. 14, 2007, pp. 69- 93.
i' NDIMINA-MOUGALA Antoine-Denis, « Les
opérations de maintien de la paix de l'ONU en Afrique Centrale»,
1960-2000, Revue Guerres Mondiales et Conflits Contemporains,
n°236, Vol. 4, 2009, pp.121-133.
i' TCHAPNGA KEUTCHA Célestin, «
Droit constitutionnel et conflits politiques dans les Etats francophones
d'Afrique noire », Revue Française de Droit Constitutionnel,
n°63, 2005, pp. 451- 491.
i' VITALIS Joseph, « La réforme
du secteur de sécurité en Afrique. Contrôle
démocratique de la force publique et adaptation aux
réalités du continent », in Afrique contemporaine,
Dossier paix, sécurité,
140
développement, Agence Française de
développement, no 209, printemps 2004, 246 p.
1' WOLTON Dominique, «Conclusion»,
Hermès, n°40, 2004, pp. 360-378.
IV- THESES ET MEMOIRES : 1- MEMOIRES
1' AYARI Zied, L'exigence démocratique en droit
international, mémoire de master2, Jean Moulin,
2012.
www.memeoireonline.com/10/13/7547/m_l-exigence-democratique-en-droit-inter6.html
1' CHABI Boni Basile, l'Organisation Internationale de la
Francophonie et la résolution des conflits en Afrique noire
francophone, UAC, FADESP, mémoire de master en droit international
et organisations Internationales, 2014,140 p.
1' GBOH Christelle, L'Union africaine à
l'épreuve de la démocratie, mémoire de maitrise en
relations diplomatiques et consulaires, Université Catholique de
l'Afrique de l'Ouest, Abidjan, 2010.
www.memoireonline.com/11/13/7983/L-union-africaine-l-epreuve-de-la-democratie.html
1' HAROUNI Salwa, L'ONU et la démocratie,
mémoire de DEA en droit public, Tunis,
1996.
www.memoireonline.com/07/08/1356/m_-l-onu-et-la-democratie0.html
1' MBONO Aloys Stéphane, La Francophonie et la
prévention des conflits postélectoraux en Afrique. Cas de la
RDC, mémoire de master, Université de Lyon 3, 2011, 107
p.
1' MWIMBA Tambwe Beevens, Processus électoraux et
contestation de résultats en Afrique subsaharienne, Cas de la RDC,
mémoire de maitrise, Université de Kalemie, 2012.
141
1' ROBEYE Rirangar Aimé, la promotion de la
démocratie, de l'Etat et des droits de l'Homme dans l'espace
francophone, Université Jean Moulin Lyon3, Mémoire de
master, 2009, 61 p.
1' SODOKIN Atsou Koffigan, La contribution de
l'Organisation Internationale de la Francophonie au droit international de la
démocratie, UAC, FADESP, Chaire UNESCO, mémoire de DEA,
2010,120 p.
1' WELLA Mazamesso, Processus électoraux en Afrique
noire francophone, Université de Lomé, mémoire de
DEA, 2011, 79 p. www. Mémoire
online.com/10/11/4909.
2- THESES
1' ETEKOU Bédi Yves Stanislas, l'alternance
démocratique dans les Etats d'Afrique francophone, thèse de
doctorat, Université de Paris-Est, 2013, 449 p.
1' GOUNOU KORA Ahmzat, Contribution de l'Union Africaine
au droit international de la démocratie, thèse de doctorat
de droit public, UAC, 2017, 632 p.
1' KASSI BROU Olivier Saint-Omer, Francophonie et justice
: Contribution de l'organisation internationale de la Francophonie à la
construction de l'Etat de droit, Thèse de doctorat,
Université de Bordeaux, 2015, 729 p.
1' NGARLEM Toldé Evariste Beelndum, La Francophonie
et la résolution des conflits : réflexion sur la notion de
tiers, Thèse de doctorat, Université Jean Moulin (Lyon 3),
2012, 395 p.
V-
142
CONTRIBUTIONS ET RAPPORTS
V' Actes de la Conférence des Chefs d'Etats et de
Gouvernement des pays ayant en commun l'usage du Français, Paris, 17-18
février 1986, la documentation française, 354p.
www.francophonie.org/IMG/pdf//actessommeti
19021986.pdf.
V' Assemblée Parlementaire de la Francophonie,
XXVIIIe session, Suisse, juillet 2002, in Revue de l'APF,
n°113, 159 p.
V' OIF, La contribution de l'OIF aux opérations de
maintien de la paix, France, 11
p. www.francophonie.org
V' OIF, Les réseaux institutionnels de la
Francophonie, Vigies, leviers, viviers de la démocratie,
France, 2016, 53
p. www.francophonie.org
V' OIF, Médiation internationale, Actes de la 2é
retraite de l'organisation Internationale de la francophonie,
Genève, 21-22 novembre 2012. 82p.
V' OIF, Plan d'action de Hanoi, VIIe conférence des chefs
d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage, Hanoi
(Vietnam), 14- 16 novembre 1997. 11 p.
V' OIF, Rapport du Secrétaire Général de la
Francophonie, 2008-2010, 119 p.
V' OIF, XIVe Sommet des Chefs d'Etats
et de Gouvernement de la Francophonie, octobre 2012, 53 p.
V' Symposium international sur le bilan des pratiques de la
démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophones
Francophonie et démocratie, Paris, Ed. Pedone, 2003, 948 p.
VI- JURISPRUDENCE INTERNATIONALE
V' CIJ., Affaires des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, USA/ Nicaragua, 7 juin
1986.
143
1' CIJ., Réparation des dommages subis au service
des Nations Unies, Avis consultatif du 11 Avril 1949, Rec., 1949,
pp.178-180.
1' CIJ., Licéité de la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires, Avis OMS du 8 Juillet 1996, Rec., 1996,
pp.75-79.
VII-TEXTES DE REFERENCE
1' OIF, Charte de la Francophonie, Antananarivo, 23 novembre
2005, 10 p.
1' OIF, Déclaration de Bamako sur la Démocratie,
les Droits et les Libertés, Ouagadougou, 3 novembre 2000, 42 p.
1' OIF, Déclaration de Saint Boniface sur la
prévention des conflits et la Sécurité Humaine, Saint
Boniface, 14 mai 2006, 10 p.
1' OIF, Statut et modalités d'adhésion à la
Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernements des pays ayant le
français en partage, Beyrouth, 20 octobre 2002, Bucarest, 28-29
Septembre 2006, 7 p.
1' ONU, Charte des Nations Unies, San Francisco, 26 juin 1945,
28p.
1' UA, Acte constitutif de l'Union Africaine, Lomé, 11
juillet 2000, 16 p.
1' UE, Traité de Lisbonne, Lisbonne, 13 décembre
2007, 105p.
VIII- SITES INTERNET
1'
www.cameroonvoice.com/news/article-news-24796.html
1'
www.courrierinternational.com/article/2010/03/25/un-instrument-politique-au-service-de-la-france
1'
www.francophonie.org/Chronologie.html
1'
apf.francophonie.org/Discours-de-M-jacques-LEGENDRE.html
1'
www.google.bj/amp/s/amp.rfi.fr/fr/afrique20141127-quelle-place-france-francophonie
1'
www.libreafrique.org/ZAKRI-Blé-armée-et-politique-021115
144
1'
blog.mediapart.fr/m-bentahar/bloog/1114/quelques-rappel-sur-la-societe-civile-sa-place-son-role-et-son-lien-avec-la-democratie
1'
www.un.org/french/millenaire/areas552f.htm
1'
www.un.org
ANNEXE
145
LE SCHEMA INSTITUTIONNEL DE L'OIF
146
Source : Direction de la communication et des
instances de la Francophonie.
http://www.francophonie.org
TABLE DES MATIERES
DEDICACE
147
i
REMERCIEMENTS ii
SIGLES ET ABREVIATIONS : iii
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : 11
UN ACCOMPAGNEMENT AVERE 11
CHAPITRE I : 12
LES BASES DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE 12
Section I : Une incitation au plan universel 13
Paragraphe 1 : Une prise de conscience générale
13
A- Un rôle pionnier des Nations Unies 13
B- Une réaction solennelle des organisations
régionales 18
Paragraphe 2 : Une irréversible rénovation des
objectifs 22
A- Une longue marche vers l'engagement politique 22
B- Un aboutissement décisif 25
Section 2 : La conception d'un dispositif institutionnel en
matière de démocratie 28
Paragraphe 1 : L'adoption de textes ambitieux. 28
A- Une Charte rénovée 29
B- Une Charte confortée par deux
déclarations laborieuses 31
Paragraphe 2 : L'érection d'institutions aux dimensions
politiques affirmées 34
A- Un Secrétaire Général investi de
missions politiques 34
B- Un Secrétariat Général
suppléé par l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie
36
CHAPITRE II : 40
L'EFFECTIVITE DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE 40
Section 1 : Une mise en oeuvre dynamique des engagements
démocratiques 40
Paragraphe 1 : Une expertise électorale proactive 40
A - L'assistance électorale 41
B- L'observation électorale 43
148
Paragraphe 2 : Un renforcement avéré des
institutions judiciaires 46
A-Un soutien général à la justice
ordinaire. 47
B- Un appui spécial à la justice
constitutionnelle 52
Section 2 : Un maintien effectif de la stabilité
démocratique. 55
Paragraphe 1 : La politique de prévention 56
A- Une approche anticipatrice des crises 56
B- Une implication croissante 59
Paragraphe 2 : La politique de gestion 63
A- Une démarche coordonnée par le tandem
Secrétariat Général et CPF 63
B- Une démarche extensive 67
Conclusion de la première partie 71
DEUXIEME PARTIE : 72
UN ACCOMPAGNEMENT PERFECTIBLE 72
CHAPITRE I : DES DIFFICULTES A UN DOUBLE NIVEAU 73
Section 1 : Les difficultés intrinsèques
à l'espace noir francophone 73
Paragraphe 1 : L'OIF face à un espace constamment
instable 74
A- Une recrudescence des conflits 74
B- Une intervention étriquée de l'OIF
78
Paragraphe 2 : L'OIF face à la souveraineté des
Etats 80
A- La souveraineté comme qualité de l'Etat
80
B- La souveraineté comme obstacle à
l'implication démocratique 83
Section 2 : Les difficultés intrinsèques
à l'OIF 86
Paragraphe 1 : Un appui limité 86
A- Une insuffisance évidente des moyens d'action
87
B- Une souplesse défavorable des textes 89
Paragraphe 2 : Un fonctionnement mitigé. 90
A- Une prédominance excessive de la
France 91
B- Une crédibilité érodée
93
CHAPITRE II : 96
149
DES PERSPECTIVES A UNE MEILLEURE IMPLICATION DEMOCRATIQUE
96
Section 1 : Les réformes à soutenir au niveau
des Etats 96
Paragraphe 1 : La revalorisation du constitutionnalisme. 96
A- Une nécessaire revitalisation de la
séparation des pouvoirs. 97
B- Une restauration indispensable du rôle du juge
constitutionnel 100
Paragraphe 2 : Le recadrage du rôle de l'armée et
de la société civile 106
A- Un apport primordial de l'armée. 106
B- Un apport supplétif de la société
civile 110
Section 2 : Les réformes à impulser au sein de
l'OIF. 114
Paragraphe 1 : Une vision francophone d'accompagnement
démocratique à rénover. 115
A- Une présence plus énergique
auprès des Etats. 115
B- Une révision objective de la valeur normative
des textes 119
Paragraphe 2 : Une action politique à redynamiser.
122
A- Un appui renforcé aux initiatives du
Secrétaire Général 122
B- Une intensification du multilatéralisme
124
Conclusion de la deuxième partie 129
CONCLUSION GENERALE 130
BIBLIOGRAPHIE 134
ANNEXE 145