UNIVERSITE DE YAOUNDE I UNIVERSITY OF YAOUNDE
I
*************** ***************
CENTRE DE RECHERCHE ET DE
FORMATION DCTLEDOCTORALE EN SCIENCES HUMAINES, ET SOCIALESSOCIALS
ET ************** EDUCATIVES ***************
POST GRADUATE SCHOOL FOR SOCIAL AND EDUCATIONAL
SCIENCES *************** DOCTORATE RESEARCH UNIT FOR HUMAN AND
SOCIAL SCIENCES
UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE DOCTORALE
EN SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
LA PLACE DE LA POLITIQUE CULTURELLE DANS LE PROJET
D'EMERGENCE DU CAMEROUN A L'HORIZON 2035 : CONTRIBUTION A UNE ANALYSE DES
POLITIQUES PUBLIQUES
Mémoire présenté en vue de
l'obtention du diplôme de Master en sociologie
spécialité : sociologie
politique
Par
Arouna POUNTOUGNIGNI
MFENJOU Licencié en sociologie
Sous la direction de :
Henri TEDONGMO TEKO Chargé de
cours, université de Yaoundé 1
Février 2018
A ma mère, POLANKEN Amsétou
;
et à la mémoire de ma soeur
PEMEMGBEMOUN MFENJOU Aicha qui fut brutalement soustraite à la vie le
jeudi 27 juillet 2017 des suites d'un accident.
REMERCIEMENTS
II
La présente recherche n'aurait jamais vu le jour sans
l'éclairage scientifique de notre encadreur, sans la contribution de nos
enseignants, sans la disponibilité de nos informateurs et la
contribution financière, psychologique et matérielle de nos
parents.
Notre cordiale gratitude va en tout premier lieu, à
notre directeur de mémoire le Dr. Henri TEDONGMO TEKO donc la rigueur
scientifique et l'exigence d'un travail bien fait nous ont permis de mener
cette recherche. Les amendements apportés, les conseils, la mise
à notre disposition des ouvrages nécessaires à notre
investigation scientifique ont été d'un apport inestimable. Qu'il
trouve ici l'expression de notre profonde et sincère gratitude.
Nos remerciements vont aussi à l'endroit de notre chef
de département, le Pr. Jean NZHIE ENGONO, dont le cours sur la
méthodologie de recherche a été d'un apport substantiel
à notre initiation à la pratique sociologique. Nous exprimons
notre gratitude à l'endroit des professeurs Joseph Marie ZAMBO BELINGA,
Armand LEKA ESSOMBA, Samuel-Béni ELLA ELLA dont les enseignements depuis
la première année étaient pour nous un réel motif
de satisfaction. Nous n'oublions pas l'ensemble de nos enseignants qui ont
considérablement et durablement contribué à notre
formation.
A tous nos informateurs (artistes musiciens, responsables du
MINAC, MINEPAT et du MINTOUL, artistes musiciens etc.) qui nous ont
donnés des informations sans lesquelles cette recherche n'aurait jamais
vu le jour, qu'ils trouvent ici le sentiment de notre profonde gratitude. Nous
exprimons notre profonde gratitude à l'endroit du Centre de Recherche
Sociologique (CRESO) et du Laboratoire camerounais d'Etude et de Recherches sur
les Sociétés Contemporaines (CERESC) dont les multiples
séminaires de méthodologie organisés ont été
d'un apport considérable à l'élaboration de la
présente recherche.
Nous sommes particulièrement reconnaissant à
l'endroit de POLANKEN Amsétou et MFENJOU Daouda (nos géniteurs)
qui, de par leurs conseils, leurs soucis de nous voir progresser dans la
recherche, ne ménageaient aucun effort pour mettre à notre
disposition tout ce dont nous avions besoin. Qu'ils trouvent ici toute notre
reconnaissance. Nous remercions aussi notre frère ainé NGNANGOU
MFENJOU Mohamed Salim qui n'a jamais cessé de nous apporter son soutien
multiforme. Nous exprimons également notre gratitude à l'endroit
de nos amis NSANGOU Amadou et FOSSO WAFO Francis pour les multiples corrections
apportées à notre travail. Nos remerciements vont à
l'endroit de nos condisciples de promotion en occurrence, NGOUYAMSA NSANGOU
Abdel Karim, MBAINGUEMEM Armel, etc., dont les échanges durant ces
années, nous ont marqués considérablement. Nos cordiales
gratitudes vont enfin à l'endroit de Ghislaine LEKASSA ainsi qu'à
tous les membres du Centre de Recherche Sociologique (CRESO)
SOMMAIRE
III
DEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
SOMMAIRE iii
LISTES DES TABLEAUX ET DES IMAGES iv
LISTE DES ABREVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES
v
RESUME vii
ABSTRACT viii
CITATION INTRODUCTIVE iv
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : PROJET D'EMERGENCE ET POLITIQUE
CULTURELLE :
LE PRETEXTE D'UNE INVESTIGATION SCIENTIFIQUE
30
CHAPITRE 1 : LE PROJET D'EMERGENCE DU CAMEROUN
31
CHAPITRE 2 : DE LA CULTURE A LA POLITIQUE CULTURELLE
56
DEUXIEME PARTIE : L'EMERGENCE PAR LA CULTURE : L'URGENCE
D'UN
REAJUSTEMENT DU PROJET D'EMERGENCE DU CAMEROUN
78
CHAPITRE 3 : POLITIQUE CULTURELLE ET EMERGENCE DES
NATIONS 80
CHAPITRE 4 : DE LA POLITIQUE SANS CULTURE A LA CULTURE
SANS POLITIQUE AU CAMEROUN : L'URGENCE D'UN REAJUSTEMENT DU PROJET
D'EMERGENCE DU CAMEROUN 99
CONCLUSION GENERALE 137
BIBLIOGRAPHIE 146
TABLE DES MATIERES 210
LISTE DES TABLEAUX ET DES IMAGES
iv
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : liste de documents de base de
l'étude................................................ 25
Tableau 2 : liste des
institutions/personnes interviewés 27
Tableau 3 : la contribution des ICs
à l'économie de l'Allemagne, la Grande Bretagne, la
Bulgarie et l'Italie en
2010.................................................................................
92
Tableau 4 : le budget du MINAC entre 2000
et 2018 114
LISTE DES IMAGES
Image 1 : photo prise à Foumban
lors de la cérémonie du sho'o me lùèt du
Ngouon...........123
Image 2 : un homme sur la pirogue sur le
fleuve Wouri ramenant le message des ancêtres lors
duNgondo.................................................................................................................125
LISTE DES ABREVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES
V
-BRICS : Brésil, Russie, Chine,
Afrique du sud
-CASSPC : Compte d'affectation spécial
pour le soutien à la politique culturelle
-CCC : centre culturel camerounais
-CEEAC : communauté économique
des Etats de l'Afrique centrale
-CEMAC: communauté économique
et monétaire de l'Afrique centrale
-CMC : cameroon music corporation
-CMLCP : comité musical de lutte
contre la piraterie
-DSCE : document de stratégie pour la
croissance et l'emploi
-DSRP : document de stratégie pour la
réduction de la pauvreté
-ECAM : enquête camerounaise
auprès des ménages
-EMIA : école militaire inter
armée
-FENAC : festival national des arts et de la
culture
-FMI : fond monétaire international
-ICs : industrie culturelles
-MINAC : ministère des arts et de la
culture
-MINEPAT : ministère de
l'économie, de la planification et de l'aménagement du
territoire
-MINRESI : ministère de la recherche
scientifique et de l'innovation
-MINTOUL : ministère du tourisme et
des loisirs
-OAPI : organisation africaine de la
propriété intellectuelle
-ODD : objectifs de développement
durable
VI
-OMD : objectifs du millénaire pour le
développement
-OMPI : organisation mondiale de la
propriété intellectuelle
-PAS : programme d'ajustement structurel
-PC : politique culturelle
-SOCADRA : société camerounaise
des droits d'auteurs
-SOCAM : société civile de
l'art musical
-SOCACIM : société camerounaise
civile de musique
-SOCINADA : société civile des
droits d'auteur
-SONACAM : société nationale
camerounaise du droit d'auteur de l'art musical
-UE : Union européenne
-UEMOA : Union économique et
monétaire ouest africaine
-UNESCO : Organisation des nations unies pour
l'éducation, la science et la culture
RESUME
VII
La recherche présentée dans le cadre de ce
mémoire porte sur la place de la politique culturelle dans le projet
émergence du Cameroun à l'horizon 2035. Comment la politique
culturelle est-elle prise en compte dans le projet d'émergence du
Cameroun à l'horizon 2035 ? Telle est la question de recherche
principale de cette étude. L'objectif est d'apprécier la place
que le projet d'émergence à l'horizon 2035 en cours
d'implémentation au Cameroun depuis 2009, accorde à la culture en
tant que niche de développement et de croissance des nations. Sur la
base d'une enquête qualitative réalisée auprès des
principaux responsables du MINEPAT, du MINAC, du MINTOUL, des artistes
musiciens etc., nous dégageons et analysons les logiques d'action qui
influencent les choix politiques d'émergence dans leur rapport au
secteur culturel. L'intérêt d'une telle démarche qui
mobilise la théorie de l'action sociale, la théorie de la
rationalité limitée et la théorie
néo-institutionnaliste est de pouvoir mettre en perspective les
motivations et les rationalités qui expliquent la faible place encore
accordée au secteur culturel au Cameroun. Cela, malgré le constat
croissant de la contribution pertinente de ce secteur à
l'émergence de certaines nations. Dans un environnement mondial
marqué par l'apport substantiel de la culture à
l'émergence voire au développement à travers les
industries culturelles, et de par son énorme potentialité
artistique et culturelle, les politiques de développements du Cameroun
en général accordent très peu d'intérêt au
secteur culturel.
Mots clés : Politique culturelle. Projet
d'émergence. Politique de développement. Culture. Industries
culturelles.
ABSTRACT
VIII
The research presented as part of this thesis focuses on the
place of cultural policy in the project emergence of Cameroon by 2035. How is
cultural policy taken into account in the project of emergence of Cameroon by
2035? This is the main research question of this study. The objective is to
appreciate the place that the 2035 emergence project currently being
implemented in Cameroon since 2009, gives culture as a niche for the
development and growth of nations. On the basis of a qualitative survey
conducted among the main managers of MINEPAT, MINAC, MINTOUL, musicians, etc.,
we identify and analyze the logic of action that influences the political
choices of emergence in their relation to the cultural sector. The interest of
such an approach that mobilizes the theory of social action, the theory of
limited rationality and neo-institutionalist theory is to be able to put in
perspective the motivations and the rationalities which explain the weak place
still granted to the cultural sector in Cameroon this, despite the growing
recognition of the sector's relevant contribution to the emergence of certain
nations. In a global environment marked by the substantial contribution of
culture to emergence or even development through cultural industries, and due
to its enormous artistic and cultural potentiality, Cameroon's development
policies in general place very little interest in cultural sector.
Key words: Cultural policy. Emergence
project. Development policy. Culture. Cultural industries.
Dans son projet d'accession au statut de pays
émergent, le Cameroun s'est doté d'un programme multisectoriel de
développement. Ce programme, condensé dans le Document de
stratégie pour la croissance et l'emploi (DSCE), accorde une place non
négligeable à la culture. Pourtant, il nous semble que le secteur
culturel pourrait occuper une place plus éminente si ses acteurs se
montraient plus ingénieux et conscients des dividendes qu'une politique
culturelle bien pensée et bien exécutée peut apporter au
pays1
ix
1 Richard Laurent OMBGA, « Les
nouveaux défis de la culture camerounaise », in Annales de la
Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines. Vol. 1, n° 13,
Nouvelle série, Second Semestre, Université de Yaoundé 1,
2011, p.3.
INTRODUCTION GENERALE
1
2
1-Contexte et justifications du choix du sujet
De par sa mosaïque de cultures issue de son
caractère multi ethnique, le Cameroun est connu en Afrique et à
travers le monde, comme l'Afrique en miniature. Les pouvoirs publics
se servent le plus souvent de ce label pour vanter la destination Cameroun.
Cependant, cette mosaïque de cultures contraste avec la place que le
secteur culturel occupe dans les politiques de développement. Dans ce
sens, le projet d'émergence du Cameroun qui est une politique
d'orientation globale adoptée en février 2009, a très peu
tenu compte du secteur culturel comme étant un secteur pouvant conduire
à son émergence. Pourtant, les expériences des USA,
d'Afrique du sud, du Nigéria et de plusieurs autres pays
révèlent clairement que le secteur culturel est une
filière importante pouvant conduire à la croissance des nations.
Dès lors, l'interrogation centrale qui émerge de cette
réalité est celle relative au faible intérêt que ce
projet accorde à ce secteur. Cela, malgré la contribution
pertinente du secteur culturel à l'amélioration des conditions de
vie des individus dans d'autres pays.
Notre motivation à mener cette recherche sur la
place de la politique culturelle dans le projet d'émergence à
l'horizon 2035 se justifie par la nécessité scientifique de
comprendre pourquoi, malgré son énorme potentiel artistique et
culturel, le secteur culturel n'est pas suffisamment pris en compte dans le
projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035. Une telle
motivation s'inscrit en fait dans une double nécessité. D'une
part, l'exigence politique qui sous-tend cette étude suggère de
questionner les stratégies économiques prises par les pouvoirs
publics en priorisant le secteur infrastructurel comme étant un secteur
porteur de l'émergence alors que la culture est devenue une niche de
développement. Il devient de ce fait intéressant pour nous
d'apprécier l'intérêt que le projet d'émergence
accorde au secteur culturel. D'autre part, la nécessité sociale
de notre recherche trouve toute sa pertinence dans la situation des artistes
camerounais donc les oeuvres sont piratées et contrefaites et, qui
vivent bien souvent dans la précarité et dans l'indigence alors
qu'il existe une économie de l'art au Cameroun. Considérant tout
cela, nous nous proposons d'interroger les mesures prises par les pouvoirs
publics pour promouvoir le secteur culturel et par là assurer le
bien-être même de ces artistes.
Après avoir décliné le contexte et les
motivations qui sont les nôtres à mener une telle étude, il
est question pour nous, dans les lignes suivantes, d'élaborer notre
problème et problématique de recherche.
3
2-Problème de recherche
Dans son acception le plus large, un problème de
recherche renvoie à l'ensemble des éléments qui posent
problème ; c'est-à-dire l'obstacle, la difficulté
identifiée et qu'on cherche à résoudre voire à
comprendre. Il renvoie à cet effet à une situation
d'insatisfaction constatée qui nécessite une réflexion
pour trouver une solution. Le problème de recherche en sciences sociales
en général et en sociologie en particulier permet, d'après
Rachad ANTONUIS, de circonscrire un objet, soit un ensemble de processus
sociaux sur lesquels on souhaite se pencher.
La contribution de la culture au développement a
suscité depuis 1996, la création d'une Commission en charge du
développement et de la culture au sein de l'Unesco lors de la
vingt-sixième Conférence mondiale, sous le vocable Notre
diversité créatrice.2C'est dans ce sens qu'il est
clairement établi que la culture contribue au processus de
développement à plusieurs niveaux.3 Ainsi, à
l'orée des années 2000, l'Unesco attirait déjà
l'attention de ses États membres sur le bien-fondé
d'intégrer la culture dans leur politique de développement afin
d'en tirer les dividendes.4 En fait, dans l'optique d'oeuvrer pour
une meilleure prise en compte de la culture dans le processus de
développement, les États membres doivent selon l'UNESCO,
concevoir et établir des politiques culturelles de manière
à ce qu'elles constituent un élément clé du
développement endogène et durable.
De nos jours, le secteur culturel est de plus en plus reconnu
comme étant une nouvelle filière de la croissance. Sa
contribution à la croissance des pays développés et des
pays en voie de développement est importante. En effet, dans le
manuel sur les industries culturelles ACP5, la culture y
est présentée comme une composante essentielle du
développement. En tant que domaine d'activité, le secteur
culturel contribue puissamment par le biais du patrimoine matériel et
immatériel, des industries créatives et divers moyens
d'expression artistique au développement économique, à la
stabilité sociale et à la protection de l'environnement. C'est
dans ce sens qu'en 2006 au niveau mondial, les industries culturelles
occupaient la 5e place
2 Commission mondiale de la
culture et du développement, Notre diversité
créatrice, Paris, Unesco, 1996
3 UNESCO, La
culture dans le cadre de l'Agenda pour le développement durable
post-2015 : Pourquoi la culture est l'une des clés du
développement durable,
http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CLT/images/AgendaDeveloppementDurable
sPost20
4Cette phrase est l'objectif
premier des actions recommandées aux Etats membre de l'Unesco lors de la
conférence
de Stockholm tenue du 30 mars au 2 avril 1998
5 Secrétariat
ACP, Manuel sur les industries culturelles ACP, 2006
4
dans la liste des secteurs les plus porteurs après les
services financiers, les technologies de l'information, la pharmacie et la
biotechnologie et le tourisme.
De même, la contribution du secteur culturel au
développement est également perceptible à travers les
emplois qu'il génère et qui contribue à la
réduction du chômage. En effet, dans une étude portant sur
les industries créatives et l'économie créative dans les
rapports officiels européens en 2010, il ressort clairement qu'en
Allemagne par exemple, les industries créatives regorgeaient en 2008
plus de 238 000 entreprises et ont réalisées un chiffre d'affaire
de plus de 132 milliards d'euro et, employaient plus de 2,5 millions de
personnes. Il ressort de la même étude que les industries
culturelles des USA en 2004 contribuaient au PIB à hauteur de 5,2 % et
employaient 4,7 millions de personnes. Ces industries contribuaient
également à hauteur de 2,4% au PIB du Canada et employaient plus
de 670 000 de canadiens.
En Afrique, la culture dans plusieurs pays est un secteur
important qui a conduit à la croissance de ces derniers. Les dividendes
issus de ce secteur contribuent à la réduction de la
pauvreté, du chômage et à la croissance du PIB. Au
Nigéria par exemple, le secteur culturel à travers son industrie
cinématographique (Nollywood)6, a pu hisser le
Nigéria (grand producteur de pétrole) au rang de première
puissance économique d'Afrique, malgré la baisse drastique des
coûts des produits pétroliers. En effet, depuis plus de deux
décennies, l'industrie cinématographique nigériane avec
une production annuelle de plus de 2000 films par an, emploie plus d'un million
de personnes. De même, en Afrique du sud, la production audiovisuelle
dans les années 1990 était estimée à plus à
1,3 milliard de rands.7
De ce qui précède, il ressort donc clairement
qu'à travers une politique culturelle clairement élaborée
et une priorisation du secteur culturel dans leurs politiques de
développement, ce secteur est devenu une niche importante qui a
contribué à la réduction de la pauvreté et à
la croissance dans ces pays. Cependant, malgré l'adoption d'une
politique d'orientation générale en matière
d'émergence du Cameroun, peu de place demeure accordée à
la culture via la politique culturelle.
Du 23 au 26 août 1991 se tenaient, au palais des
congrès de Yaoundé, les états généraux de la
culture. Tous les participants avaient à coeur de mettre sur pied des
stratégies pouvant conduire à la promotion et à la
valorisation de la culture camerounaise. C'est dans ce sens que ce symposium a
abouti à des recommandations (voir annexes). Même si certaines
6 Dans un article paru sur le Bimensuel Le
Patrimoine n° 006 du 14 décembre 2016, Cedrick JIONGO nous
fait observer que le secteur cinématographique nigérian, a lui
seul, emploie un million de personnes et pèse 853,9 milliards de nairas
soit 5,6 milliards de dollars.
7 Francisco D'ALMEIDA et
Marie LISE ALLEMAN, Les industries culturelles des pays du
sud : enjeux du projet de convention internationale sur la diversité
culturelle, Paris, Organisation internationale de la francophonie, 2004
5
recommandations de ces états généraux
n'ont pas été tenues8 ou demeurent une vue de l'esprit
voire une illusion 9, il n'en demeure pas moins que certaines ont
été respectées. La création de tout un
ministère en charge des questions culturelles est l'une des
recommandations fortes de cette rencontre. C'est ainsi qu'à la faveur du
décret n° 92/245 du 2 décembre 1992, fut créé
le tout premier ministère de la culture donc la mission première
était l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique
culturelle.
En revanche, plus de deux décennies après, la PC
du Cameroun demeure floue. Au regard des maux qui gangrènent la culture
et des crises qui sévissent dans ce secteur, il est difficile d'admettre
à ce jour l'existence d'une PC au Cameroun10. Comment en
effet comprendre l'ineffectivité de la PC malgré l'existence du
MINAC depuis plus de deux décennies ? Qu'est-ce qui justifie une telle
léthargie ? Pourquoi le MINAC peine-t-il à élaborer une PC
pour le Cameroun ? C'est dans ce sens qu'en l'absence d'une PC réelle,
les initiatives en faveur de l'art et de la culture se déploient par
tâtonnements et les entrepreneurs culturels qui réussissent
s'inspirent plus des entrepreneurs étrangers.11 Dans le
même sillage, au regard de l'absence d'une stratégie claire en
matière de promotion culturelle, certains personnes à l'instar du
Dr. Dieudonné BONDOMA YOKONO, ancien directeur général de
l'économie et de la planification stratégique du MINEPAT et
actuel président de la cellule d'appui à la réalisation
des contrats de partenariat (CARPA), estiment que la baisse drastique de
l'enveloppe budgétaire du MINAC au fil du temps est la
conséquence de cet absence de PC.12
Bien qu'il soit de plus en plus reconnu aujourd'hui que la
culture constitue une niche pouvant conduire à l'amélioration
substantielle des conditions de vie des individus, la culture au Cameroun,
malgré son énorme potentialité, n'est pas suffisamment
prise en compte dans le projet d'émergence à l'horizon 2035.
Ainsi, à la suite de ces observations, le problème de recherche
retenu dans le cadre de ce travail est celui de la place de la PC dans le
projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035. Nous
apprécions à cet effet la place que le projet d'émergence
à l'horizon 2035 accorde à la PC en tant qu'un outil de
développement et de bien-être. Le prétexte de
l'intérêt accordé à ce problème
découle de la lecture du projet d'émergence où nous avons
constaté qu'il existe une politique de consolidation d'unité
nationale, une
8 Roger Bernard ONOMO ETABA, Le
tourisme culturel au Cameroun, Paris, L'Harmattan, 2009, p.17
9 Justin Blaise AKONO,
Cameroun : qui a étranglé le droit d'auteur ?
Yaoundé, Edition scène d'ébène, 2014,
p.114.
10 Flora AMABIAMINA « Une
littérature nationale sans nation ? » in Fabien EBOUSSI
BOULAGA (sous dir), L'Etat du Cameroun 2008, Editions
Terroirs, p.541.
11 Henri TEDONGMO TEKO,
Réussir l'entrepreneuriat culturel : expériences
camerounaises, Saint-Denis, éditions Connaissances et Savoirs,
2016, p.128.
12 Ces propos ont été ténus le
19 janvier 2016 lors de la conférence ténue au CCC sur les
fondements culturels et enjeux de l'émergence.
6
7
politique d'urbanisation, une politique de
développement infrastructurel etc., mais que ce projet accorde
très peu de place à la PC. Dès lors, un état des
lieux de connaissance développée autour de la
problématique d'émergence du Cameroun nous permettra de mieux
envisager notre problématique de recherche.
3-Problématique de recherche
La problématique d'émergence du Cameroun a
déjà été abordée par plusieurs auteurs aux
affiliations disciplinaires distinctes. Ces études sont l'oeuvre des
philosophes, des journalistes, des psychologues, des sociologues, des
économistes, des diplomates, des juristes etc. Les études
réalisées dans le cadre de l'émergence du Cameroun
montrent pour la plus part les préalables devant conduire le Cameroun
à l'atteinte de son émergence.
L'émergence est souvent perçue comme une
étape conduisant au développement. Cherchant à comprendre
le phénomène d'émergence à partir du cas du
Cameroun, le philosophe Pius ONDOUA OLINGA nous fait savoir que
l'émergence est la principale trajectoire qui conduit au
développement. Dans son article intitulée Emergence et
trajectoire du développement. Regard de philosophe, il nous fait
comprendre que l'émergence est la zone intermédiaire entre le
développement et le sous-développement. Il nous fait
également savoir que l'atteinte de l'émergence du Cameroun passe
par l'intégration dans son projet des trois moments essentiels pouvant
conduire à son émergence à savoir : le moment interrogatif
et critique du modèle dominant de développement, le moment
d'évaluation de possibilités utopiques et le moment
programmatique. Les indicateurs de ces moments sont d'après lui entre
autres la réalisation de l'humain qui met un accent sur la
qualité de vie de l'humain etc. Ces indicateurs sont analysables
d'après l'auteur sous trois dimensions à savoir, la dimension
intersubjective, la dimension individuelle et la dimension de l'insertion
à la mondialisation.13
Dans une recherche parue dans les Annales de la FALSH
en 2008, le psychologue camerounais Jacques Philippe TSALA TSALA
présente les réflexions qu'il a eu à mener sur le DSCE
à venir. Dans cet article intitulé Psychologie et
développement, comment la psychologie peut-elle contribuer au
développement du Cameroun ?, l'auteur articule ses propos en trois
points essentiels : les préoccupations du développement social ;
les données socio-économiques psychogènes et
délictogènes ; la solidarité nationale ou le
désir politique de faire face au développement social. Pour cet
auteur, c'est à travers ces trois préoccupations que le
Cameroun
13 ONDOUA OLINGA
Puis, « Emergence et trajectoire du développement. Regard
de philosophe » in Annales de la FALSH, UY I,
Vol 1, N° 13, Nouvelle Série, Deuxième
édition.
pourra atteindre son émergence. Il est important pour
le Cameroun d'après lui, de développer son secteur agricole car
il est un pays à forte potentialité agricole.
Dans le cadre de l'atteinte d'émergence du Cameroun,
certains groupements patronaux camerounais ont fait des propositions aux
pouvoirs publics pour conduire le pays à son émergence. Plus
précisément, sous l'égide de l'ancien président du
groupement patronal du Cameroun (GICAM) André FOTSO et de
l'économiste camerounais Roger TSAFACK NANFOSSO, le cercle de recherche
du GICAM (CREG) a proposé en 2014 cent propositions pour
l'émergence du Cameroun. Pour ces auteurs, l'émergence du
Cameroun repose sur trois secteurs fondamentaux à savoir : le secteur
primaire (qui repose sur la sylviculture durable, l'émergence du secteur
de la pêche et de la pisciculture), le secteur secondaire (à
travers la contribution des industries extractives au PIB etc.) et le secteur
tertiaire.14 Il ressort des propositions formulées par le
GICAM que c'est seulement à travers les secteurs sus-cités que
l'émergence du Cameroun pourra être possible.
L'émergence du Cameroun passe également par la
conception d'une sécurité humaine et d'une diplomatie de
l'émergence. A cet effet, pour atteindre l'émergence, le
diplomate camerounais Christian Edmond BEPI POUT pense que le Cameroun doit
s'atteler à la conception d'une sécurité humaine et d'une
diplomatie de l'émergence. Cette conception permettra d'après
l'auteur de questionner la capacité contributive de la diplomatie
camerounaise dans le chantier de la croissance économique et dans la
dynamique d'amélioration des conditions de vie des camerounais dans un
environnement mondial tourmenté et mouvementé. Se faisant plus
clair, il soutient qu' : « en s'appuyant sur le substrat
idéologique de la sécurité humaine et en procédant
aux réaménagements normatifs et institutionnels
subséquents, la diplomatie camerounaise pourra jouer un rôle
décisif dans le projet d'émergence ».15
En analysant le processus d'émergence du Cameroun,
Fonkika DINVEN VERLA pense que c'est un processus qui est porté et
impulsé par les acteurs. Parmi ces acteurs, il exclut les entreprises
vampires qui sont d'après lui, des entreprises qui ne payent pas leurs
impôts. Il nous fait également comprendre que l'émergence
ne se résume pas aux rhétoriques politiques dans la mesure
où, être émergent ne consiste pas seulement à faire
des discours politiques, mais relève davantage des mesures clairement
prises et adoptées par les pouvoirs publics pour atteindre cette
émergence. Pour que le Cameroun atteigne son émergence, l'auteur
prescrit à l'Etat de
14 Lire André
FOTSO, Roger TSAFACK NANFOSSO (sous-dir), 100
propositions pour l'émergence du Cameroun, CREG, GICAM, Edition de
Yaoundé, 2014.
15 Christian Edmond BEPI
POUT, Sécurité humaine et diplomatie de
l'émergence : enjeux pour le Cameroun, Yaoundé, PUY, 2013,
p.65.
8
mettre une stratégie sur pied pour lutter contre le
vampirisme des entreprises camerounaises car elle constitue un frein à
son émergence.16
Dans le processus d'atteinte de son développement, le
Cameroun à un certain nombre de défis d'émergence à
relever. Ainsi, l'étude du projet d'émergence du Cameroun a
amené Richard MAKON à observer que, pour que le Cameroun atteigne
le développement, il doit relever trois défis fondamentaux de
l'émergence à savoir : le défi identitaire
à travers l'enracinement de la population à leur culture car
l'émergence est avant tout un processus identitaire, le défi
éducatif qui passe par la refonte intégrale du
système éducatif dans l'optique de former les acteurs du
changement et enfin le défi démocratique qui pose en
réalité la question de la liberté humaine comme
étant au coeur de tout processus de développement, de changement
social. C'est à travers ces trois défis, pense l'auteur, que le
Cameroun pourra atteindre l'émergence qui est la zone
intermédiaire entre le sous-développement et le
développement.
Au département de sociologie de l'université de
Yaoundé I, peu de recherche, existe sur le projet d'émergence du
Cameroun à l'horizon 2035. En effet, dans son mémoire de Master
de sociologie, Christophe BIYIDI étudie la sociologie de
l'implémentation du DSCE dans les communes de Yaoundé IV, V et
Ngomedzap. Dans cette étude, l'auteur apprécie
l'implémentation du DSCE dans les communes suscitées. La question
principale de son étude consiste à questionner pourquoi le DSCE
ne produit pas les résultats escomptés. Pour lui, il ne produit
pas des fruits attendus à cause de la faible allocation
budgétaire du BIP (budget d'investissement public) sur le terrain depuis
2010, les problèmes que le BIP rencontre sur le terrain et les conflits
liés à la décentralisation.17
Plusieurs études ont déjà
été menées sur la place de la culture dans le DSCE qui
n'est en réalité qu'une séquence du projet
d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 couvrant la
période 2010-2020 (voir annexes). En effet, en étudiant le DSCE
du Cameroun, Sylviane TEJIOGNI DONGMO observe que ce document a très peu
tenu compte du secteur culturel comme étant un secteur pouvant conduire
à la réalisation des objectifs de la croissance et de l'emploi. A
ce sujet, elle observe de manière générale que
malgré son énorme potentiel artistique et culturel, l'Afrique n'a
pas encore pu élaborer une stratégie à même de
valoriser et de promouvoir ce secteur. Se faisant plus claire, elle soutient
que : « peu de pays africains ont
16 Fonkika DINVEN
VERLA, Le vampirisme des entreprises camerounaises : un frein
à l?émergence, Paris L'Harmattan, 2015
17 Christophe
BIYIDI, « Sociologie de l'implémentation du document de
stratégie pour la croissance et l'emploi (DSCE) dans les communes de
Yaoundé IV, V et Ngomedzap : enjeux, contraintes et perspectives
sociologiques », Université de Yaoundé I, 2016.p.13.
9
intégré la culture dans leurs PRSPs (Poverty
Reduction Strategy Papers). Le Document de Stratégie pour la Croissance
et l'Emploi (DSCE) au Cameroun en est un exemple ».18 La
solution à ce problème d'après l'auteure, passe par
l'intégration de la culture dans son DSCE pour favoriser
l'éclosion des industries culturelles et créatives.
Dans la même perspective, Richard Laurent OMGBA et Henri
TEDONGMO TEKO observent également que la culture n'est pas suffisamment
prise en compte dans le DSCE. D'après Richard Laurent OMGBA, le DSCE
accorde une place négligeable au secteur culturel alors que, au regard
des dividendes économiques issus des industries culturelles, ce secteur
pourrait occuper une place plus éminente si les concepteurs de ce
document se montraient plus ingénieux.19 Henri TEDONGMO
TEKO20 observe quant à lui que le peu d'intérêt
accordé au secteur culturel dans le DSCE suppose que jusqu'en 2035, ce
secteur restera loin des préoccupations des décideurs
malgré la contribution importante de ce secteur à la croissance
économique des nations. Ces deux auteurs soutiennent que le Cameroun
gagnerait à intégrer la culture dans son projet
d'émergence car celle-ci est devenue dans l'économie mondiale, un
levier important de la croissance.
Dès lors, parallèlement à Christophe
BIYIDI donc le mémoire de master 2 porte sur la sociologie
d'implémentation du DSCE, notre étude s'inscrit dans le
prolongement des études de Sylviane TEJIOGNI DONGMO, Richard Laurent
OMGBA et Henri TEDONGMO TEKO. Tous ces auteurs se sont attachés à
l'appréciation de la place du secteur culturel dans le DSCE. C'est dans
ce sens que nous avons orienté notre étude sur la faible prise en
compte de la PC dans le projet d'émergence du Cameroun à
l'horizon 2035 (Cameroun vision 2035, voir annexes) et non sur le DSCE
qui n'est qu'en réalité, qu'une séquence du projet
d'émergence. Cette orientation vise à faire un dépassement
des études antérieures qui se sont focalisées
essentiellement à l'appréciation de la place de la culture dans
le DSCE sans toutefois interrogées la conception de cette politique de
développement. Notre étude se propose donc de questionner
l'élaboration et la conception du projet d'émergence en rapport
avec le secteur culturel. C'est-à-dire, elle cherche à comprendre
les logiques d'action et les rationalités qui sont à l'oeuvre
dans le cadre de l'élaboration des politiques de développement
à partir du cas
18 Sylviane TEJIOGNI
DONGMO, « Le développement des industries culturelles et
créatives en Afrique : enjeux et perspectives » in Culture,
intégration et développement, éditions du
silence, Libreville, 2014, p.47.
19 Richard Laurent
OMBGA, « Les nouveaux défis de la culture camerounaise
», in Annales de la Faculté des arts, lettres et
sciences humaines, Vol.1, n°13, Nouvelle série,
Second Semestre, Université de Yaoundé I, 2011, Pp.03-15
20 Henri TEDONGMO
TEKO, Réussir l'entrepreneuriat culturel :
expériences camerounaises, Saint-Denis, Editions Connaissances et
Savoirs, 2016
10
spécifique du projet d'émergence. De cette
orientation, découle notre problématique de recherche.
D'après Lawrence OLIVIER, Guy BEDARD, Julie FERRON, la
problématique de recherche s'articule autour du recensement de ce qui
pose problème c'est-à dire la recherche de la solution d'un
problème qui n'a pas encore été trouvée. Se faisant
plus clairs, ils diront que : « la problématique est la
recherche de ''ce qui pose problème'', c'est-à dire d'une
difficulté théorique ou pratique dont la solution n'est pas
trouvée ».21
L'état des connaissances sur la place du secteur
culturel dans le DSCE révèle que plusieurs études ont
déjà été menées sur la place que ce document
accorde au secteur culturel. Au regard de la contribution du secteur culturel
à l'émergence des nations et au regard des ambitions clairement
affichées des pouvoirs publics camerounais au sujet de
l'émergence à travers les différents secteurs pouvant
conduire à cette émergence et, au regard d'énormes
potentialités artistiques et culturelles du Cameroun, nous nous
questionnons si la promotion et la valorisation de la culture camerounaise
constituent le leitmotiv des pouvoirs publics. Car, comment comprendre qu'il
existe dans le document cadre de l'émergence (Cameroun vision
2035), une politique sur la consolidation du processus de
démocratisation, d'urbanisation, d'industrialisation, de
l'aménagement du territoire
etc. et, que le secteur culturel qui est
d'ailleurs un secteur porteur dans les pays comme l'Inde, le Nigéria, la
France, les USA ne soit pas suffisamment pris en compte dans
l'élaboration de la politique d'émergence du Cameroun.
Notre problématique de recherche porte ainsi sur la
faible prise en compte de la place de la PC dans le projet d'émergence
du Cameroun à l'horizon 2035 (Cameroun vision 2035). Cette
problématique permet dès lors, d'émettre les
questionnements qui constituent la trame de fond de la présente
étude.
4- Question de recherche
Pour mener à bien notre étude, notre question de
recherche est constituée d'une question de recherche principale et de
deux questions de recherche secondaires.
4.1- Question de recherche principale
Comment la politique culturelle est-elle prise en compte dans
le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 ?
21Lawrence OLIVIER, Guy
BEDARD, Julie FERRON, L'élaboration d'une
problématique de recherche. Sources, outils et méthode,
Paris L'Harmattan, 2005, p.24.
11
12
4.2- Questions de recherches secondaires
? Quelles sont les logiques d'action et les rationalités
pouvant rendre compte de la faible
prise en compte de la PC dans le projet d'émergence du
Cameroun à l'horizon 2035 ? ? Quelle est la perception que les individus
ont de la culture au Cameroun ?
5. Hypothèse spécifique de recherche
Dans une recherche scientifique, l'hypothèse de
recherche renvoie à une réponse première, une
réponse provisoire devant servir de piste d'analyse, piste de
réflexion au chercheur. Elle consiste d'après Jean-Louis LOUBET
DEL BAYLE, à :
[...] formuler des propositions relatives à leur
signification et à leur explication, propositions qui devront être
ensuite validées par une confrontation avec la réalité,
afin d'apprécier leur degré de pertinence et d'adéquation
au réel, parce que dans le schéma traditionnel de la
démarche scientifique expérimentale on appelle des
opérations de vérification.22
Ainsi, pour mener à bien notre recherche sur
l'appréciation de la place de la PC dans le projet d'émergence du
Cameroun à l'horizon 2035, nous avons articulé notre
réflexion autour d'une hypothèse de recherche principale et de
deux hypothèses secondaires.
5.1- Hypothèse principale
Le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon
2035 ne prend pas suffisamment en compte la politique culturelle.
5.2- Hypothèses secondaires
I La faible prise en compte de la politique culturelle dans le
projet d'émergence du
Cameroun s'explique par la faible connaissance de l'apport de
la culture dans l'émergence des nations.
I La perception de la culture au Cameroun est davantage
folklorique dans la mesure elle représente.
6. Objectifs de la recherche
Notre étude repose sur un objectif de recherche principal
d'une part, et d'autre part sur deux objectifs de recherche
spécifiques.
22Jean-Louis LOUBET DEL BAYLE, Op.
Cit, pp. 260-261.
6.1- Objectif général de la recherche
Dans le cadre de cette recherche, notre objectif
général est celui d'apprécier la place accordée
à la politique culturelle dans le projet d'émergence du Cameroun
à l'horizon 2035.
6.2- Objectifs spécifiques
y' Montrer qu'il existe des logiques d'actions et des
rationalités qui rendent compte du
faible intérêt encore accordé à la
politique culturelle dans le projet d'émergence du Cameroun à
l'horizon 2035.
y' Ressortir les différentes perceptions que les individus
ont de la culture au Cameroun ainsi que son impact sur le développement
du secteur culturel.
7- Clarification terminologique
Les mots de la langue usuelle sont toujours des sujets
à controverse et une clarification conceptuelle facilitera la
compréhension des concepts qui sont utilisés dans le cadre de
cette étude. Ainsi, d'après Emile DURKHEIM, la définition
des concepts est une exigence dans la pratique sociologique. Il soutient
à ce sujet que :
Toute investigation scientifique porte sur un groupe
déterminé de phénomènes qui répondent
à une même définition. La première démarche
du sociologue doit dont être de définir les choses donc il traite,
afin que l'on sache bien de quoi il est question.23
Cette clarification terminologique permettra dans le cadre de
notre recherche d'après de « mieux savoir de quoi l'on parle
».24 Ainsi, dans le cadre de cette recherche, nous avons
un certain nombre de mots voire groupe de mots à clarifier. Parmi ces
mots ou groupe de mots, nous avons :
7.1-Politique culturelle
Dans un sens plus large, la PC renvoie à l'ensemble des
orientations prises ainsi que les stratégies adoptées par les
pouvoirs publics en vue de soutenir, protéger, voire promouvoir la
culture de cet Etat. La PC est spécifique à chaque pays car il
n'existe pas de PC standard bien que reposant sur un objectif qui peut paraitre
commun à tous les pays comme la promotion et la valorisation de la
culture. Elle repose sur un certain nombre d'éléments
fondamentaux prescrit
23Emile DURKHEIM, Les
règles de la méthode sociologique, Paris, PUF/Quadrige,
1986, p.34. 24Pierre DOMINCE, L'histoire de vie
comme processus de formation, Paris, L'harmattan, 2002, p.11.
13
par l'Unesco. D'après cet organisme, la PC est «
un ensemble de principes opérationnels, de pratiques et de
procédés de gestion administrative ou budgétaire devant
servir de base à l'action culturelle de l'État
».25 L'Unesco prescrit alors aux Etats membres de
considérer la PC comme « un ensemble de pratiques sociales,
conscientes et délibérées, d'intervention ou de
non-intervention ayant pour objet de satisfaire certains besoins culturels par
l'emploi optimal de toutes les ressources matérielles et humaines dont
une société donnée dispose au moment
considéré » 26 d'une part, et d'autre part de
considérer la culture comme une composante essentielle du
développement. Pour François COLBERT, la PC est « un
instrument utilisé par un pouvoir public pour valoriser et
protéger les traits distincts d'une société, donc ses
droits fondamentaux, ses systèmes de valeurs, ses traditions et ses
croyances ».27Dans le même sillage, David THROSBY
considère que :
La politique culturelle signifie la promotion ou
l'interdiction des pratiques et des
valeurs culturelles par les gouvernements, les entreprises et
autres institutions ainsi
que les individus. De telles politiques peuvent être
explicites lorsque leurs objectifs
sont clairement définis comme culturels. Ou bien
implicite quand leurs objectifs
culturels sont dissimulés ou décrits dans
d'autres termes.28
Ainsi, dans le cadre de ce travail, la notion de politique
culturelle sera entendue comme
l'ensemble des mesures prises ainsi que les stratégies
adoptées par les pouvoirs publics en vue de valoriser et de promouvoir
les potentialités artistiques et culturelles d'un pays.
7.2-Projet d'émergence
Lors de la conférence ténue le 26 mai 2016 au
CCC de Yaoundé portant sur les fondements et enjeux culturels de
l'émergence, l'ancien directeur général de
l'économie et de la programmation des investissements du MINEPAT et
actuel président du CARPA définissait le projet
d'émergence en ces termes : « le projet d'émergence est
un projet qui intègre d'une part l'aspect quantitatif à travers
l'atteinte d'un taux de croissance à deux chiffres et d'autre part
l'aspect qualitatif qui met un accent particulier sur l'accès de la
population à l'éducation, aux soins de santé à tous
». L'émergence en contexte camerounais et au regard de
l'utilisation que les pouvoirs publics en font, est assimilable à la
sortie du tunnel de la misère au point où on est
25 UNESCO, «
Réflexion préalables sur les politiques culturelles »,
Paris, UNESCO, 1969, p. 4. 26Ibid. p.8.
27 François COLBERT, Les
éléments de la politique culturelle,
http://www.gestiondesarts.com/media/wysiwyg/document/Colbert
Politiquesculturelles.pdf consulté le 23 novembre 2017 à
14h15
28 David THROSBY,
The economy of cultural policy, Cambridge, University Press, p.161.
14
en droit de demander à ses concitoyens de serrer
les ceintures, de faire preuve de résilience car le
bonheur pointe à l'horizon 2035.
Dans le même sens, l'économiste Laurice Serges
ETEKI ELOUNDOU par ailleurs chargé d'étude assistant au MINRESI,
concernant le projet d'émergence, soutient que : « le projet
d'émergence est un projet qui vise à atteindre un niveau de
développement qui permettra au pays de régler ses
problèmes économiques et sociaux ».29
Les projets d'émergence ont fait naitre les pays
émergents. On entend par pays émergent l'ensemble des pays dont
le PIB par habitant est inférieur à celui des pays
développés mais qui connaissent une croissance économique
fulgurante et donc le niveau de vie et les structures sociales et
économiques convergent vers ceux des pays développés.
D'après Ernest TOUNA MAMA, « un pays émergent, c'est un
pays qui sort du lot des pays sous-développés, qui se distingue
de ces derniers par une croissance économique rapide et soutenue, un
niveau de revenu par tête qui converge vers celui des pays
développés ».30
Dans la même dynamique, l'ingénieur statisticien
et économiste sénégalais Moubarack LO observait
déjà, dans un article portant sur l'émergence
économique des nations, que les termes de pays émergents et de
marchés émergents ont fait leur apparition dans la
littérature économiste depuis les années 1980. Bien que
reconnaissant l'absence d'une définition unanime du concept
d'émergence, il nous fait comprendre que les termes de pays
émergents et de marchés émergents désignent les
pays les plus dynamiques parmi les pays en voie de développement et les
mieux intégrés dans l'économie désormais
mondialisée.
Les critères qui confèrent à un pays le
statut de pays émergent sont, d'après Laurence DAZIANO les
suivants : la population, la croissance économique, l'urbanisation, la
stabilité politique. Au regard de ces critères, elle écrit
en 2014 que les « prochains pays émergents sont le Bangladesh,
l'Ethiopie, le Nigéria, l'Indonésie, le Vietnam et le Mexique.
Ces pays peuvent être regroupés sous le nouvel acronyme de BENIVM
».31
Ainsi, dans le cadre de cette recherche, le projet
d'émergence renvoie à l'ensemble des orientations prises par les
pouvoirs publics, structurées dans un document autour d'un certain
nombre d'objectifs afin de les réaliser à une période
clairement déterminée. Il est également important de
souligner que le projet d'émergence du Cameroun est intitulé
Cameroun vision 2035 avec le DSCE comme document séquentiel
couvrant la période 2010-2019.
29Ces propos ont été
ténus le 25 mai 2017 lors de l'émission Vox live
présentée par Cabral LIBII sur la chaine de
télévision Vox Africa. Le thème de
l'émission de ce jour portait sur l'émergence des pays
africains.
30Ernest TOUNA
MAMA, L'économie camerounaise : pour un nouveau
départ, Yaoundé, Afrédit, 2008, p.
31 Problèmes économiques
n° 3080, Première quinzaine de janvier 2014, p.38.
15
7.3-Analyse des politiques publiques
L'un des arsenaux conceptuels de la science politique,
l'origine de la notion de politique publique demeure jusqu'ici ambigüe.
Comme science, elle est une branche de la science politique et a une vocation
pluridisciplinaire. D'après Vincent LEMIEUX32, trois
éléments fondamentaux sont à l'origine d'émergence
d'une politique publique : le courant des problèmes (la demande), le
courant des solutions (stratégies, moyens, plans d'action, orientation,
enjeux etc.) et le courant de la politique (où sont distingués
les acteurs comme les élus, fonctionnaires, groupes
d'intérêt, électeurs et administrés).
Dans le champ sociologique, la notion d'analyse des politiques
publiques est un segment de la sociologie de l'action publique telle que nous
renseigne François DE SINGLY et al. De ce point de vue, les
politiques publiques d'après ces auteurs, sont un domaine des sciences
sociales et ne relèvent par conséquent pas d'une
épistémologie particulière. La genèse de la notion
de l'analyse des politiques publiques faut-il le rappeler, remonte à la
lisière des années 1930 aux Etats-Unis dans un contexte
marqué par une floraison des premiers travaux portant sur l'analyse des
politiques publiques. Il est important de souligner avec Pierre MOULINIER que
« la culture est une politique publique au même titre que la
défense, l'éducation ou l'environnement, même si sa
reconnaissance en tant que telle est récente
».33
Reprenant Leslie PAL, François COLBERT entend par
politique publique un ensemble d'actions ou d'inactions choisies par une
autorité publique pour résoudre un problème ou un ensemble
de problèmes inter reliés. Il nous renseigne à suffire que
la notion de PC s'inscrit dans le cadre des politiques publiques. De l'avis de
Flora AMABIAMINA, « On parle de politique publique lorsqu'un
problème posé à la société est pris en
charge par la puissance publique dans le cadre d'un projet ou d'un programme
».34 Dans cette perspective, la politique publique est
assimilable à l'ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics
pour résoudre un problème donné.
L'adoption d'une politique publique vise donc la recherche des
solutions à un problème clairement identifié par les
pouvoirs publics. Cette définition s'inscrit dans la même
dynamique que celle de François DE SINGLY et al qui nous font
savoir qu'une politique publique est adoptée parce qu'un problème
est identifié. C'est dans ce sens que Pierre LASCOUMES et
32 Vincent LEMIEUX,
L'étude des politiques publiques : les acteurs de leur pouvoir,
Québec, Presses de l'Université de Laval, 2002
33 Pierre MOULINIER, Les
politiques publiques de la culture en France, Paris, PUF, 1999, p.3.
34 Flora AMABIAMINA, « Femmes
et participation au développement local et à l'action publique
» in Jean Emmanuel PONDI (sous dir),
Citoyenneté et pouvoir politique en Afrique centrale : états des
lieux, défis et perspectives, Paris L'Harmattan, 2016, p.202.
16
Patrick LE GALES diront que, « parler de politique
publique c'est désigner l'action menée par une autorité
publique (seule ou partenariat) afin de traiter une situation perçue
comme un problème ».35Pour Jacques DE MAILLARD et
Daniel KUBLER, l'analyse des politiques publiques permet de jeter un regard
interrogateur voire soupçonneux sur les mesures entreprises par les
pouvoirs publics pour apporter des solutions aux différents
problèmes rencontrés par leurs populations. Parlant des objectifs
de l'analyse des politiques publiques, Jacques DE MAILLARD et Daniel KUBLER
diront que : « l'analyse des politiques publiques se donne d'abord
pour objectif d'aider les décideurs à faire les bons choix
politiques ».36
En France et en Angleterre, les politiques publiques seront
mises sur pied pour lutter contre les effets du marché. Suivant cette
logique, Jean TURGEON et Jean-François SAVARD nous font savoir qu'une
politique publique est un document rédigé par des acteurs
gouvernementaux présentant leur vision d'un enjeu susceptible d'une
action publique et, accessoirement, les aspects légaux, techniques,
pratiques et opérationnels de cette action. Il convient aussi de
souligner que plusieurs disciplines s'intéressent à l'analyse des
politiques publiques. De ce point de vue, l'analyse des politiques publiques
représente d'après Stéphane PAQUIN, Luc BERNIER et Guy
LACHAPELLE l'étude de l'action de l'État dans la
société publique. Elle s'inscrit profondément dans une
démarche pluridisciplinaire puisqu'elle se situe à la jonction de
la science politique, du droit, de l'économie, de la sociologie, de la
psychologie, de la gestion, du management, de l'administration et de
l'histoire.
Dans le cadre de ce travail, la notion de l'analyse des
politiques publiques aura pour contenu sémantique l'analyse des
différentes orientations prises ainsi que les stratégies
adoptées par les pouvoirs publics camerounais pour apporter des
solutions aux problèmes dans un secteur voire rencontrés par
leurs populations. Cette recherche s'inscrit à cet effet dans le champ
de la sociologie de l'action publique qui place les politiques publiques au
centre de son analyse. Après le toilettage des concepts utilisés
dans le cadre de cette recherche, notre recherche n'aurait aucune pertinence
heuristique voire scientifique si elle s'inscrit en marge d'un cadre
théorique.
8- Cadre théorique
35 Pierre LASCOUMES
et Patrick LE GALES, « Politiques publiques,
action publique, gouvernance » in François DE
SINGLY et al, Sociologie de l'action publique,
Paris, 2007, Armand Colin, p.3.
36Jacques DE MAILLARD
et Daniel KUBLER, Analyser les politiques
publiques, Presses universitaires de Grenoble, 2013, 2e
édition, pp17-18.
17
Dans cette section de notre travail, il est question pour nous
de décliner notre positionnement épistémologique d'une
part, et d'autre part de présenter notre posture théorique. C'est
dans cette logique que nous commençons par la présentation de
notre positionnement épistémologique.
8.1- Positionnement épistémologique
Dans le vaste champ du savoir sociologique depuis son
institutionnalisation au XIXe jusqu'à ce jour, deux grandes traditions
auront considérablement et durablement marquées cette discipline.
Nous avons d'une part, la tradition durkheimienne qui met l'accent sur les
structures sociales dans le processus d'explication des faits sociaux. D'autre
part, nous avons la tradition wébérienne qui met l'accent sur
l'individu et qui cherche à comprendre par interprétation
l'activité sociale et par là d'expliquer causalement son
déroulement et ses effets. La tradition wébérienne faut-il
le rappeler, conçoit la sociologie comme « une science qui se
propose de comprendre par interprétation l'activité sociale et
par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effets
».37
Ainsi, dans le cadre de cette étude, notre cadre
théorique s'inscrit dans la tradition wébérienne de la
sociologie qui va nous permettre de comprendre par interprétation le
projet d'émergence et par là d'expliquer causalement la faible
prise en compte de la PC dans ce projet et ses effets. La sociologie
wébérienne faut-il le rappeler, s'inscrit dans une perspective de
compréhension des motivations des acteurs, les situer par rapport aux
relations qu'ils entretiennent dans une situation donnée et enfin
l'analyse des stratégies de ces acteurs et de leurs résultats.
C'est pour cette raison que Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK nous font
observer que d'après Max WEBER, « le sociologue doit s'attacher
à comprendre les interactions sociales et leurs résultats
».38
8.2- Posture théorique
D'après Madeleine GRAWITZ, la
théorie est « un système explicatif que
l'expérimentation confirme ou non »39.
C'est dans cette dynamique que toute recherche sociologique
singulièrement s'adosse toujours sur une posture théorique. Cette
posture théorique d'après Pierre MBONJI EDJENGUELE, « se
veut un corps explicatif global et synthétique établissant des
liens de relation causale entre les faits observés, analysés
et
37 Max WEBER, Economie et
société, Tome 1 : les catégories de la
sociologie, Paris, Plon/Agora, Trad. Julien FREUND, 1er
édition, 1922, p.28.
38 Gilles FERREOL et
Jean-Pierre NORECK, Introduction à la sociologie,
Paris, Armand Colin, 1989, p.37. 39Madeleine
GRAWITZ, lexique des sciences sociales, Paris, Dalloz,
8ème éd, P398
18
généralisant lesdits liens à toutes
sortes de situation ».40 En effet, les théories
mobilisées dans le cadre de notre recherche nous permettront d'analyser
et d'interpréter l'insuffisance de la place de la PC dans le projet
d'émergence du Cameroun. Pour mieux étayer notre démarche,
nous avons mobilisé un triptyque théorique en occurrence une
théorie de grande portée à savoir la théorie de
l'action sociale et deux théories de moyenne portée (la
théorie de la rationalité limitée et la théorie
néo-institutionnaliste).
8.2.1-La théorie de l'action sociale
Née au XIXe siècle avec les auteurs comme Max
WEBER, Alexis DE TOCQUEVILLE, Georg SIMMEL etc., la théorie de l'action
sociale est l'étude de la nature des actions humaines prises
individuellement ou collectivement. La philosophie, la science
économique et la sociologie sont entre autres les principaux champs
scientifiques qui s'intéressent à ce paradigme. Ce paradigme
place au centre de son analyse l'action sociale comme étant des
productions humaines. Elle a pour principes fondamentaux la
compréhension des motivations des acteurs individuels, les situer par
rapport aux relations qu'ils entretiennent entre eux dans une situation
donnée et enfin l'analyse des stratégies de ces acteurs ainsi que
leurs résultats.
Les différentes théories qui s'inscrivent dans
le prolongement de la théorie de l'action sociale sont entre autre la
théorie de l'action rationnelle, la théorie de la
rationalité limitée, la théorie des jeux etc. Parlant de
la théorie de l'action sociale sous le prisme de Talcott PARSONS,
Raymond BOUDON observe que : « Parsons rappelle avec Weber
qu'expliquer un phénomène social, c'est en faire le produit
d'action compréhensible. Il en résulte qu'un moment essentiel de
toute théorie sociologique consiste à retrouver le sens des
actions donc le produit constitue le phénomène à expliquer
».41
L'intérêt de la mobilisation de la théorie
de l'action sociale dans le cadre de cette étude est de pouvoir mettre
en perspective les motivations et les rationalités qui expliquent la
faible place encore accordée au secteur culturel au Cameroun,
malgré le constat croissant de la contribution pertinente de ce secteur
dans la réussite du projet d'émergence de certains pays.
8.2.2- La théorie de la rationalité
limitée
40Pierre MBONJI EDJENGUELE,
L'ethno-perspective ou la méthode du discours de
l'ethno-anthropologie culturelle, Yaoundé, Presses universitaires,
2005, p.13.
41 Raymond BOUDON, « La
théorie de l'action sociale de Parsons : la conserver, mais la
dépasser » in Sociologie et
sociétés, vol. XXI, n° 1, avril 1989,
Pp.55-67.
19
20
21
Sous la houlette d'Herbert SIMON, la théorie de la
rationalité limitée s'inscrit dans le continuum de la
théorie de la décision des organisations voire de la
théorie du choix rationnel avec les auteurs comme Raymond BOUDON, James
COLEMAN, Jon ELSTER etc. Né en 1916 dans le Wisconsin, Herbert SIMON est
une figure de proue de cette théorie avec son article intitulé
A behavioral model of rational choice. L'élément
fondamental de cette théorie d'après l'auteur, est que l'homme
est permanemment à la recherche des voies et moyens pour atteindre des
buts voire des objectifs et par conséquent prend des décisions
avec un comportement moulé par la structure de son environnement
social.
Cette théorie stipule que, si l'on veut étudier
le vrai processus de prise de décision dans une organisation, il faut
d'abord prioritairement se mettre à l'esprit que l'homme n'est ni trop
rationnel ni trop affecté par son environnement. Dans cette
théorie, Herbert SIMON distingue deux types de décisions à
savoir les décisions programmées orientées par les
structures de l'organisation et les décisions non programmées
conditionnées par le caractère libre de l'individu bien que
limité. Mikaël COZIC nous fait observer dans ce sens que :
Pour Simon, en effet, la rationalité limitée
désigne les limitations cognitives qui pèsent sur la formation
des états mentaux et sur la prise de décision des agents. Dans ce
cas, la modélisation de la rationalité limitée est la
recherche de modèles de décision qui soient capables de prendre
en compte ces limitations cognitives.42 La mobilisation de
cette théorie dans cette étude s'inscrit dans une double
dimension. La
première consiste à soulever que le projet
d'émergence a été élaboré par des acteurs
rationnels qui ont une expertise en ce qui concerne la conception et
l'élaboration des politiques de développement. La seconde
dimension et la plus importante est celle d'observer bien qu'ayant
été élaborée par des acteurs doués d'une
expertise avérée en matières d'élaboration de
politique de développement, la rationalité de ceux-ci
étaient davantage limitée. Limitée à cause des
directives voire orientation du politique à l'endroit des
rédacteurs de ce projet. C'est-à-dire, dans le cadre
d'élaboration d'une politique de développement en
général et singulièrement du projet d'émergence, le
politique donne des directives précises en ce qui concerne les secteurs
entrainants et ceux-ci (les concepteurs) sont tenus de prioriser ces secteurs
au détriment des autres secteurs.
8.2.3-La théorie néo-institutionnelle
42 Mikaël
COZIC, « la rationalité limitée » disponible
en téléchargement gratuit sur internet en fichier PDF,
consulté le 5/12/2017 à 11h42
Relativement récente, la théorie
néo-institutionnelle ou théorie
néo-institutionnalisme/institutionnaliste est « un courant
d'analyse en science politique qui est apparu dans les années 1980
».43 Elle est le prolongement de la théorie
institutionnelle qui avait émergé aux États-Unis sous
l'impulsion de Thostein VEBLEN, John Rogers COMMONS et de Wesley Clair MITCHELL
qui mettent un accent sur la compréhension du rôle des
institutions dans la structuration économique. Fondamentalement
ancrée dans l'analyse des organisations, la théorie
néo-institutionnelle s'attache à expliquer le
phénomène de l'homogénéisation comportementale dans
les organisations ainsi que l'influence prépondérante des
institutions sur les organisations. Cette théorie se singularise par
l'utilisation des institutions comme variables explicatives autonomes.
L'approche sociologique de cette théorie émerge à la
lisière des années 1970 avec les travaux de Meyer FORTES etc.
Parlant de cette théorie, Roberto RIZZA observe que :
L'horizon théorique néo-institutionnaliste
attribue un rôle central aux institutions pour la compréhension
des phénomènes sociaux, économiques, politiques, culturels
et pour la reconstruction du rapport complexe entre les individus et la
sphère supra-individuelle. Les différentes versions de
l'institutionnalisme s'accordent sur le fait que les institutions contribuent
à la définition de profondes régularités dans le
comportement des individus en réduisant l'incertitude et en rendant plus
prévisibles les phénomènes sociaux, économiques,
politiques et culturels.44
La mobilisation de cette théorie dans le cadre de cette
recherche nous permettra, à travers
une analyse interprétative du document cadre de
l'émergence du Cameroun, de montrer que le faible intérêt
accordé à la PC découle de l'orientation politique
donnée au projet d'émergence. C'est-à-dire, ce
référent théorique nous permettra de comprendre que l'agir
des concepteurs de ce projet était davantage conditionné par les
pouvoirs publics. Elle nous permettra également de comprendre les
facteurs officieux pouvant rendre compte du peu d'intérêt
accordé la PC dans le projet d'émergence de ce pays à
travers une sociologie de la connaissance des politiques de
développement implémentées au Cameroun depuis
l'avènement de l'indépendance.
8.3- L'apport de l'interdisciplinarité
43Jean-François DORTIER (sous
dir), Le dictionnaire des sciences sociales, Auxerre,
Sciences Humaines Editions, 2013, p.245.
44 Roberto RIZZA, «
Néo-institutionnalisme sociologique et nouvelle sociologie
économique : quelles
relations ? » in Revue Interventions
économiques, n° 38, 2008
Dans sa pratique actuelle, le savoir sociologique prescrit une
sorte d'infidélité scientifique dans la mesure
où, pour reprendre Pierre BOURDIEU, les cartes d'identités
scientifiques sont de nos jours davantage fautives. Raison pour laquelle
l'interdisciplinarité se positionne aujourd'hui comme une exigence dans
la pratique actuelle de la science et singulièrement de la sociologie.
Cette exigence nous impose à avoir une connaissance complexe dans la
saisine des réalités sociales dans la mesure où «
la connaissance complexe est le chemin nécessaire pour arriver
à l'inconnaissable ».45
Dans sa trajectoire d'homme de science, le prince DIKA-AKWA
Nya Bonambela aura légué un héritage important à la
communauté scientifique. Il avait toujours pensé comme le
rappelle si bien Joseph-Marie ESSOMBA que, « la méthode
scientifique du Mulongi (recherche pluridimensionnelle et pluridisciplinaire)
»46doit être le centre de gravité de toute
investigation scientifique car, les réalités sociales sont
hermétiques et nécessitent l'apport et même la conjonction
des autres savoirs afin de démêler l'écheveau de cette
réalité. Valentin NGA NDONGO nous fait d'ailleurs comprendre que
l'interdisciplinarité constitue l'une des principales exigences de la
sociologie aujourd'hui. Elle vise une sociologie en profondeur, à une
saisie globale de la réalité sociale, à une sorte de
sociologie totale.
Dans cette perspective, notre sujet qui porte sur
l'appréciation de la place que le projet d'émergence accorde
à la PC, nous soumet à une sorte d'indiscipline scientifique en
faisant recours à d'autres disciplines scientifiques. Le recours
à la science économique par exemple nous permettra de comprendre
les contours des concepts comme le projet d'émergence, pays
émergent, les ICs, les filières de croissance, les industries
créatives, les politiques de développement etc. Le recours
à la science politique qui est en réalité une discipline
connexe de la sociologie politique nous permettra de mieux saisir la notion de
politique publique et la notion de l'analyse des politiques publiques. Au
regard d'une pléthore de réflexions d'ordre anthropologique sur
la notion de la culture, le recours à l'anthropologie nous permettra de
cerner cette notion dans toute sa multiplicité. Le recours à
l'histoire nous permettra de jeter un regard rétrospectif sur les
mécanismes, les stratégies des pouvoirs publics camerounais
entreprises pour amélioration les conditions de vie de la population.
Après avoir décliné notre posture théorique ainsi
que le bien fondée de l'apport de l'interdisciplinarité dans le
cadre de notre étude, nous allons décliner dans les lignes
suivantes le cadre méthodologique de notre étude.
45 Edgar MORIN,
Connaissance ignorance mystère, Paris Fayard, 2017,
p.172.
46Joseph-Marie
ESSOMBA, CHEIKH ANTA DIOP et son dernier message à
l'Afrique et au monde (janvier 1986), Milan, éditions AMA/COE,
1996, p.10.
22
9-Cadre méthodologique de l'étude
Dans le cadre d'une recherche, le choix de la
méthodologie n'est pas fortuit. Il relève davantage des
interrogations que le chercheur se pose ainsi que l'objectif visé par le
travail de ce dernier. Plus précisément, la méthodologie
d'après Matthieu GUIDERE est au fondement de la recherche dans la mesure
où « une science sans conscience méthodologique n?est
que ruine de la recherche ».47 La méthodologie
s'appuie donc sur deux éléments fondamentaux à savoir :
l'approche méthodologique, le champ d'observation et l'unité
d'observation.
9.1- Approche méthodologique
Les chercheurs en sciences sociales recourent
généralement à deux types d'approches dans le processus
d'explication, de description et de compréhension des
réalités sociales. Parmi ses approches, nous avons : l'approche
quantitative et l'approche qualitative. C'est dans ce sens que la sociologie
classique aura durablement été marquée par le dualisme
entre la méthode qualitative d'inspiration wébérienne et
la méthode quantitative d'inspiration durkheimienne.
Bien que nous ayons opté pour l'approche qualitative,
notre réflexion s'inscrit en marge de cette opposition
méthodologique car loin de s'opposer, les deux approches sont
complémentaires. Cependant, il est d'une impérieuse
nécessité de souligner que la recherche qualitative se focalise
sur la description, l'analyse et la compréhension de la
réalité sociale dans un contexte donné. Le choix de
l'approche qualitative dans le cadre de la présente étude se
justifie par:
? la nécessité de comprendre en
profondeur les logiques d'action et les rationalités qui peuvent
conduire à la compréhension du peu d'intérêt
accordé au secteur culturel dans le projet d'émergence du
Cameroun à l'horizon 2035 ;
? la nécessité de questionner
les stratégies économiques des pouvoirs publics camerounais pour
atteindre l'émergence à travers les entretiens avec les
responsables chargés de l'élaboration été de la
mise en oeuvre du projet d'émergence du Cameroun.
9.2- Champ d'observation et unité d'observation
La présente étude a été
réalisée sur un champ d'observation clairement défini et
sur une unité d'observation auprès desquelles les données
ont été obtenues.
47 Matthieu GUIDERE,
Méthodologie de la recherche, Paris, Ellipses, 2004, p.4.
23
9.2.1- Champ d'observation
Plus connu sous le nom de terrain d'étude, le champ
d'observation est le lieu où le chercheur mène son étude.
Dans le cadre de la présente étude, la ville de Yaoundé a
été retenue comme notre champ principal d'observation. Ce choix
n'est pas fantaisiste encore moins fortuit. Capitale de la République du
Cameroun, Yaoundé est le siège des institutions où est
logé les départements ministériels qui s'occupent de
l'élaboration de la politique de développement d'une part, de
l'élaboration de la politique culturelle d'autre part et de la promotion
du tourisme. Au regard de notre souci d'avoir des informations sur le
Ngouon48, nous avons fait une descente à Foumban
lors de la 546e édition du Ngouon.
Cependant, la délimitation de notre champ
d'étude n'implique pas que l'étude a été
réalisée sur toute la population de Yaoundé. Raison pour
laquelle notre réflexion porte sur une unité d'observation.
9.2.2- Les unités d'observation
La présente étude est réalisée sur
une unité d'observation constituée de plusieurs types d'acteurs.
Face à la densité des acteurs du champ culturel en occurrence les
artistes, les institutionnels en charge de ce secteur, les promoteurs culturels
d'une part et d'autre part à cause des énormes moyens financiers
et techniques que nécessite une étude exhaustive sur notre
population d'étude, nous avons opté de faire notre investigation
scientifique sur un échantillon.
Dans son acception la plus large, le concept
échantillon vient du latin scandiculum dérivant de
scandere qui veut dire monter, gravir. Il vient également de
l'ancien français eschandillon qui veut dire un petit
instrument de mesure. Dans le cadre d'une recherche, l'échantillon
renvoie à un fragment de la population concernée par une
étude. Ainsi, d'après Rodolphe GHIGLIONE et Benjamin MATALON,
il est très rare qu'on puisse étudier
exhaustivement une population, c'est-à dire en interroger tous les
membres : ce serait trop long et si couteux que c'est pratiquement impossible
f...] Le problème est de choisir un groupe d'individus, un
48 Le Ngouon est une grande fête culturelle et
traditionnelle bamoun qui se célèbre tous les deux ans.
24
échantillon, tel que les observations qu'on fera
sur lui pourront être généralisées à
l'ensemble de la population(...).49
Dans le cadre de cette étude, l'échantillonnage
adopté est celui de l'échantillon sur le terrain ou sur place. Ce
choix s'est fait à cause des difficultés d'obtention d'un fichier
exhaustif de notre unité d'observation et à cause de la
dispersion de nos personnes ressources. Pour assurer la
crédibilité de sa représentativité, la construction
de notre unité d'observation s'est adossée sur
l'élément principiel de
l'hétérogénéité des répondants. Comme
éléments constituants notre unité d'observation, nous
avons les acteurs institutionnels que Jean-Claude COMBESSIE appelle les
informateurs institués50 de par leurs positions de
responsabilités, les artistes musiciens et les personnes ayant
mené des réflexions sur l'émergence du
Cameroun.51
Les acteurs institutionnels sur lesquels nous avons obtenu des
informations utiles nécessaires à la réalisation de cette
étude sont constitués de certains responsables du MINEPAT
(ministère chargé de l'élaboration de la politique de
développement du Cameroun), de certains responsables du MINAC (qui
s'occupe d'après son décret de création de
l'élaboration et de la mise en oeuvre de la PC) du chef secteur culture
de l'Unesco et enfin la direction de la promotion du tourisme culturel MINTOUL.
Au regard de la crise qui secoue les organismes de gestion collective des
droits d'auteurs de la catégorie B art musical, nous avons
également interrogé certains artistes musiciens. Nous avons
également à travers le processus d'itération,
interrogé deux acteurs qui ont mené des réflexions sur
l'émergence du Cameroun.
9.3- Techniques de collecte des données
Comme nous l'avons précédemment indiqué
et au regard des grandes orientations de cette étude, le
prélèvement des données auprès de notre
unité d'observation a été réalisé par le
biais des instruments d'investigation essentiellement qualitatifs avec comme
outils de collecte des données le guide d'entretien et le guide
d'observation. Le choix de ces outils de collecte de donnée obéit
aux types d'informations que nous voulons avoir. Madeleine GRAWITZ nous
renseigne d'ailleurs que :
Dans une recherche, la nature même des informations
qu'il convient de recueillir pour atteindre l'objectif, commande les moyens
employés pour le faire. On ne chasse pas les papillons avec des
hameçons, en admettant que l'on puisse
49Rodolphe GHIGLIONE
et Benjamin MATALON, Les enquêtes
sociologiques. Théories et pratique, Paris, Armand Colin,
1985(4e édition), p.29.
50 Jean-Claude
COMBESSIE, La méthode en sociologie, Paris, La
Découverte, 1996, p.19.
51 Voir liste des
enquêtés en annexes
25
attraper, des poissons avec un filet à papillons.
Il est donc indispensable
d'approprier l'outil à la
recherche.52
Nous convenons dans cette dynamique à la suite de
Jean-Marc ELA que l'objectif d'une enquête de terrain est d'obtenir les
informations pouvant conduire à la vérification d'une
hypothèse. Et dans ce sens, « cette quête d'information
doit obéir à des techniques qui ont besoin d'être
contextualisées dans la mesure où, là aussi, on retrouve
les manières d'enquêter marquées par des traditions
méthodologiques propres à une culture de la recherche
scientifique ».53
9.3.1- Les données par l'observation
documentaire
Au regard de notre objet de recherche qui porte sur
l'appréciation de la place que le projet d'émergence accorde
à la PC, l'observation documentaire constitue la technique
privilégiée d'extraction d'information afin de bâtir notre
recherche. Et par conséquent, notre sujet de recherche nous exige
à faire une immersion non seulement dans le document cadre de
l'émergence, mais aussi à une étude des documents (les
politiques de développement du Cameroun) qui ont à coeur de
promouvoir le bien-être de la population camerounaise. Nous convenons
à la suite d'Yvan ABERMOT et Jean RAVESTEIN que globalement, «
l'observation est une manière de recueillir des données qui
peut être utilisée comme outil unique ou en complément
d'autres outils de recherche ».54
De ce point de vue, on entend par document tout
élément qui véhicule un message, une information. Comme
typologie de documents, nous avons : les documents écrits (livres,
articles scientifiques et journaliste etc.), les documents non écrits
(photo) et les documents sémiotiques (signe). Il est important de
souligner que l'observation documentaire renvoie à la notion d'analyse
de contenu théorisée par Laurence BARDIN. Plus
précisément, Laurence BARDIN nous fait observer que le but de
l'analyse de contenu est :
L'inférence de connaissance aux conditions de
production (ou éventuellement de réception) à l'aide
d'indicateurs quantitatifs ou non. L'analyste est comme un archéologue.
Il travaille sur les traces : les documents qu'il peut retrouver ou susciter.
Mais ces traces sont la manifestation d'états de données à
travers
52Madeleine GRAWITZ,Op.Cit,p.500
53 Jean-Marc ELA, Guide
pédagogique de formation à la recherche pour le
développement en Afrique, Paris L'Harmattan, 2001, p.61.
54 Yvan ABERMOT et Jean
RAVESTEIN, Réussir son master en sciences humaines et
sociales : problématiques-méthodes-outils, Paris, Dunod,
2009, p.107.
26
elles(...) L'analyse de contenu veut atteindre au coeur
des messages, à leur face
latente et à leur dimension
invisible.55
C'est par le biais de ce type d'observation que nous allons
mieux cerner les éléments constitutifs du projet
d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035. Les
données issues de cette méthode ont été obtenues
par le biais de la lecture du projet d'émergence (Cameroun vision 2035),
le DSCE, des émissions radiophoniques et télévisuelles et
conférences débats etc.
L'observation documentaire nous a conduit tour aux
bibliothèques des instituts français du Cameroun branche de
Yaoundé et de Douala, au centre de documentation du club Unesco de
l'université de Yaoundé I, à la bibliothèque de la
faculté des arts lettres et sciences humaines, au cercle
philo-psycho-socio-anthropo de l'Université de Yaoundé 1,
à la bibliothèque de la représentation de l'Unesco de
l'Afrique centrale sise à Bastos, d'une part et d'autre part à
travers une fouille webographique via la base des données de l'Unesco,
les moteurs de recherches Dogpile, Google, Wikipédia, Google scholar
etc. Ainsi, les principaux documents de base exploités dans le cadre de
travail sont condensés dans le tableau suivant.
Tableau 1 : liste de documents de base
consulté
Source : Arouna POUNTOUGNIGNI MFENJOU
9.3.2- L'observation directe comme mode de production
des données
Étymologiquement, le verbe observer vient du latin
observare qui consiste à garder devant soi, ne pas quitter des
yeux afin de considérer minutieusement une chose en vue de mieux la
connaitre en profondeur. L'observation au sens de Jean-Pierre DURAND et de
Robert WEIL se présente comme « [...] un préalable
obligé pour construire une bonne enquête par
55Laurence BARDIN,
L'analyse de contenu, Paris, PUF, 1983, 3e édition, p.39.
27
entretiens ou par questionnaires
».56 L'observation, cet outil de connaissance
du monde sera l'élément de standardisation de notre
comportement dans le cadre de cette réflexion. Durant cette phase
délicate, la suprématie de l'oeil doit être un
élément d'une importance capitale sur l'observation car
d'après Antigone MOUCHTOURIS, « elle apporte des
éclairages spécifiques sur la réalité sociale et
qu'elle nous permet de comprendre son extrême complexité »
afin « de comprendre la construction des processus sociaux
».57C'est dans ce sens qu'elle s'inscrit dans un triptyque
de perception, de mémorisation et de notation.
9.3.3- Les données par l'observation
méthodique
A la différence de l'observation directe libre, ce type
d'observation est orienté non seulement par la problématique de
la recherche, mais également par les hypothèses
préalablement élaborées par le chercheur. Dans ce sens,
« l'observation méthodique est un procédé
d'observation contrôlé : il suppose que des hypothèses de
recherche aient été formulées, à partir desquelles
un plan raisonné d'observation pourra être élaboré
».58 C'est un type d'observation qui nécessite
une éducation de l'oeil mieux encore une suprématie
absolue de l'oeil dans le processus d'observation des dynamiques sur lesquelles
reposera l'observation du chercheur.
Dans le cadre de notre étude, cette technique nous
permettra de voir qu'à l'absence d'une orientation clairement
identifiée et d'une vision en matière du secteur culturel, ce
secteur culturel est dynamique, en plein mouvement. Cependant, les
différents types d'observation mobilisés dans le cadre de cette
étude vont se faire avec une conjonction avec les entrevues car, pensent
Stéphane BEAUD et Florence WEBER, « à dire vrai, les uns
et les autres sont complémentaires : une observation sans entretiens
risque de rester aveugle aux points de vue indigènes ; un entretien sans
observation risque de rester prisonnier d'un discours
décontextualisé » .59
9.3.4- L'entretien semi directif comme mode de
production des données
56 Jean-Pierre DURAND
et Robert WEIL, Sociologie contemporaine,
Paris, Vigot, 2006, p.422.
57Antigone MOUCHTOURIS,
L'observation : un outil de connaissance du monde, Paris
L'Harmattan, 2014, p. 30.
58Georg GRANAI,
« Techniques de l'enquête sociologique » in Georges
GURWITCH (sous dir), Traité de sociologie, Paris PUF,
1967, 3e éditions, p. 15.
59 Stéphane BEAUD
et Florence WEBER, Guide de l'enquête de
terrain, Paris La Découverte, 2010, 4e édition,
Pp.123-124.
28
Elément indispensable dans la vie sociale, les
entrevues ou les entretiens se conçoivent comme le moyen d'obtention des
données auprès des producteurs de ce qu'Emile DURKHEIM a
appelé l'ensemble de manière de penser, d'agir et de sentir
qu'ils vivent au quotidien via une discussion, un échange autour d'une
problématique spécifique. Autrement dit, l'entretien
semi-directif vise d'après Benjamin Alexandre NKOUM à recueillir
des données auprès d'une ou de plusieurs personnes. Il nous fait
comprendre qu' « Il consiste donc à introduire les
thèmes sous forme de questions ouvertes en laissant à la personne
enquêtée, la liberté de s?exprimer sur le sujet
».60 En effet, nous disent FASSIN et al,
L'entretien et l'observation correspondent à une
approche généralement descriptive des faits sociaux : pour celui
qui enregistre ce qu'il entend et ce qu'il voit, il s'agit d'abord de savoir de
quoi sont faites les existences des gens qu'il étudie ; il va tenter de
relever les discours et les situations lui permettant d'accéder aux
croyances, aux représentations, aux pratiques, aux institutions qui
donnent un sens à une société.61
Cette technique nous permettra dans le cadre de ce travail de
réaliser des entretiens avec
les acteurs (artistes, acteurs institutionnels en occurrence
le MINEPAT, MINAC et le MINTOUL) autour de la place de la politique culturelle
dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035. Le
tableau ci-dessous regroupe l'ensemble de personnes avec lesquelles nous avons
réalisé des entretiens.
Tableau 2 : liste des institutions/ personnes
interviewés
Personnes ou institutions interrogé
|
Type d'entretien
|
Nombres
|
MINEPAT
|
Semi-directif
|
02
|
MINAC
|
Semi-directif
|
05
|
MINTOUL
|
Semi-directif
|
01
|
Artistes musiciens
|
Semi-directif
|
03
|
UNESCO
|
Semi-directif
|
01
|
Personnes interrogées via le
processus d'itération
|
Semi-directif
|
02
|
Total
|
05
|
14
|
Source : Arouna POUNTOUGNIGNI MFENJOU
9.4-Traitement et analyse des données
60 Benjamin Alexandre NKOUM,
Initiation à la recherche : une nécessité
professionnelle, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2010, 2e
édition, p.134.
61Didier FASSIN et al,
Sociétés, développement et santé, Paris, les
Éditions Ellipses, 1990, p. 87
29
Loin d'être une sinécure, l'analyse des
données est très déterminante dans le cadre d'une
production scientifique. L'approche qualitative qui relève de notre
positionnement épistémologique nous a conduit à produire
des données essentiellement qualitatives. Ces données obtenues
sont traitées à partir de l'analyse de contenu. De l'avis de
Laurence BARDIN, l'analyse de contenu est :
Un ensemble de techniques d'analyse des communications
visant, par des
procédures systématiques et objectives de
description du contenu des messages, à obtenir des indicateurs
(quantitatifs ou non) permettant l'inférence de connaissances relatives
aux conditions de production/ réception (variables
inférées) de ces messages.62
Dans cette perspective, l'analyse de contenu facilite
l'interprétation des données par le
chercheur dans le cadre de ces investigations scientifiques.
C'est dans ce sens que nous observons à la suite de Roger MUCCHIELLI
qu'il s'agit d' « un examen objectif, exhaustif, méthodologique
et si possible quantitatif, d'un texte ou d'un ensemble d'informations en vue
d'en tirer ce qu'il contient de significatif par rapport aux objectifs de la
recherche ».63 L'analyse de contenu dans le cadre de cette
étude porte sur les entretiens réalisés ainsi que sur les
documents cadre de l'émergence (Cameroun vision 2035 et le
DSCE), sur les plans quinquennaux, les PAS et le DSRP etc.
10- La structuration de l'étude
Cette recherche qui porte sur l'appréciation de la
place de la PC dans le projet d'émergence est structurée autour
de deux grandes articulations contenant chacune deux chapitres.
Dans la première partie de cette recherche, notre
réflexion est axée sur le projet d'émergence et la
politique culturelle qui constitue le prétexte de cette investigation
scientifique. Au niveau du chapitre premier, nous passons au scanner le projet
d'émergence du Cameroun tout en articulant notre réflexion sur le
contenu sémantique du concept d'émergence, les
éléments qui ont contribué à sa genèse, les
grandes orientations du projet d'émergence du Cameroun etc. Au chapitre
deuxième, nous analysons la notion de culture et celle de la politique
culturelle. L'objectif ici est de faire une sociogenèse de la culture,
faire ressortir les
62 Laurence BARDIN,
L'analyse de contenu, Paris, PUF, 1977, p.43.
63 Roger MUCCHIELLI,
L'analyse de contenu des documents et des communications, Paris, ESF
Editeur, 2006, p.123.
30
fonctions de la culture, les éléments qui
entrent dans le processus d'élaboration d'une PC et enfin ressortir les
modèles et les objectifs d'une PC.
Dans la deuxième articulation de ce travail
centré sur la culture sans politique et politique sans culture
au Cameroun, nous montrons comment la politique culturelle contribue
à l'émergence des nations (chapitre troisième). L'objectif
ici est de montrer que la culture est devenue une niche d'émergence des
nations à travers la contribution des industries culturelles à la
croissance. Le chapitre quatrième est intitulé politique
sans culture et culture sans politique au Cameroun : pour un
réajustement du projet d'émergence. L'objectif ici est
de montrer qu'il existe des politiques de développement qui ont pour
particularité la non prise en compte suffisante du secteur culturel dans
leurs phases d'élaboration. Au regard des données issues de nos
enquêtes de terrain, nous articulons notre réflexion sur la
nécessité voire l'urgence d'un réajustement du projet
d'émergence du Cameroun afin d'intégrer la culture dans son
projet d'émergence. L'objectif ici est de montrer l'opportunité
d'une prise en compte du secteur culturel dans son projet d'émergence.
En toute logique, l'ordonnancement ci-dessus reflètera la progression de
cette étude.
PREMIERE PARTIE : PROJET D'EMERGENCE ET POLITIQUE
CULTURELLE : LE PRETEXTE D'UNE INVESTIGATION SCIENTIFIQUE
31
CHAPITRE 1 : LE PROJET D'EMERGENCE DU CAMEROUN
32
Le concept d'émergence est symptomatique d'une
crise profonde des sociétés africaines en général.
Il s'agit d'un concept technocratique fonctionnant comme un nouveau
fétiche, au même titre que l'ajustement structurel à une
certaine époque. En réalité, il est de nature à
masquer une incapacité générale à trouver les
moyens et procédures appropriés pour permettre aux Etats
africains de contribuer efficacement à la réduction de
l'extrême pauvreté des populations à court et à
moyen termes.64
64Pascal TOUOYEM,
« L'Afrique à l'épreuve des »programmes de sortie de
crise» » in Jean Didier BOUKOUNGOU (sous dir),
L'émergence de l'Afrique, Yaoundé, Presses de l'UCAC,
2015, p.183.
33
34
Qu'entend-on par émergence ? Quelle est la
sociohistoire du projet d'émergence du Cameroun ? Quelles sont les
grandes orientations de ce projet et quelles en sont ces limites ? Telles sont
les interrogations qui vont être analysées dans le cadre de ce
chapitre. Pour y répondre, nous allons nous atteler à
définir le concept d'émergence qui constitue depuis une
décennie le fil conducteur de toutes les conversations sociales et
même de toutes les rhétoriques politiques au sein de l'espace
public de certains pays africains en général et du Cameroun en
particulier. Son intégration quasi générale dans le corpus
sémantique des discussions politiques, économiques, sociales du
moment est révélatrice des attentes de la population
corolairement aux discours prononcés par les pouvoirs publics africains
concernant cette notion. Dès lors, qu'est-ce que l'émergence ?
1- L'origine du concept d'émergence : variation
de sens
Dans l'exercice du métier de sociologue, la
clarification conceptuelle est loin d'être un exercice superflu voire
superfétatoire. Dans cette dynamique, il est question pour nous de
procéder à une analyse sémantico-analytique du concept
d'émergence qui est quasiment devenu le refrain des discours et
rhétoriques politiques, populaires et journalistiques au sein des Etats
africains. Cette clarification conceptuelle aboutira à la
réflexion autour de la genèse du projet d'émergence du
Cameroun à l'horizon 2035 ainsi que les grandes orientations de cette
politique publique.
Concept apparu vers la fin du XIXe, l'émergence est un
concept qui visiblement, semble être marqué par une sorte
d'ambigüité étymologique voire définitionnelle.
D'essence philosophique, le concept d'émergence est grossièrement
résumé par l'adage le tout possède parfois davantage de
possibilité que la seule somme de ses parties. Ce concept est
assimilable à la notion de décollage évoquée par
l'économiste Rostow WALT WITHMAN lorsqu'il parlait des cinq
étapes qui conduisaient au développement d'un pays : la
société traditionnelle, l'émergence des
pré-conditions du décollage, le décollage, la marche vers
la maturité et l'ère de la consommation de masse.
Pour ce dernier, la phase du décollage est la phase la plus importante
dans la dynamique de développement d'un pays. De ce point de vue,
l'émergence peut-être synonymique de la phase de décollage
dans la théorie de Rostow WALT WITHMAN. Dans l'image aquatique,
l'émergence est un processus qui consiste à sortir la tête
de l'eau.
Dans son mémoire de master de sociologie, Henri
TEDONGMO TEKO, reprenant STEWART et COHEN, nous fait comprendre que le concept
d'émergence désigne un point de passage obligé pour
expliquer des propriétés macroscopiques que l'on ne sait pas
reporter sur
35
des propriétés des seuls composants, et ainsi de
suite jusqu'à l'infini. En Science physique par exemple,
l'émergence désigne un mouvement de pensée externe
à la « théorie du tout », qui considère les
grandes lois physiques comme émergentes, c'est-à- dire, qui
n'offrent pas la possibilité d'être déduites des principes
plus fondamentaux.65
Dans la dynamique définitionnelle de ce concept, Alain
VULBEAU et al observent que l'émergence est une importation du
domaine scientifique qui désigne soit un phénomène (comme
le point de »sortie d'un rayon ou d'un fluide»), soit un processus
biologique (comme l'apparition d'un organe nouveau ou de
propriétés nouvelles d'ordre supérieur). C'est ainsi que
d'après ces derniers, le verbe émerger a le sens d'apparaitre
à la surface, en sortant d'un milieu où l'on est plongé ;
ou, de façon figurée, c'est le fait de se manifester ou
d'apparaitre plus clairement.66
Dans le même sillage, Pius ONDOUA OLINGA, parlant de ce
concept nous fait comprendre que l'émergence est la zone
intermédiaire entre le développement et le
sous-développement. Ce faisant plus clair, il soutient que :
Le concept d'émergence apparait alors comme un
moyen terme, entre développement et sous-développement, dans le
cadre de la classification désormais bipolaire du monde, les
appelés pays émergents réalisant une migration
programmé (et réussie) du pole du développement, en pleine
conscience et surtout en meilleure maitrise des défis et des enjeux
dérivant de l'hétérogénéité d'un
monde essentiellement contradictoire, dans sa structuration et dans son
fonctionnement.67
C'est dans cette dynamique que le concept d'émergence a
été à l'origine dans les années
1980 de la naissance de la notion de pays émergent par
l'économiste néerlandais Antoine VAN AGTMAEL à la
société financière internationale. Il entend par pays
émergents l'ensemble des pays en voie de développement
caractérisés par une croissance forte. Les pays émergents
renvoient donc le site internet Wikipédia à « l'ensemble
des pays donc le PIB par habitant est inférieur à celui des pays
développés, mais qui connaissent une croissance économique
rapide, et dont le niveau de vie ainsi que les structures économiques et
sociales convergent vers ceux
65Henri TEDONGMO
TEKO, « la dynamique socio-économique de
l'émergence du marché illégal des oeuvres musicales dans
la nouvelle économie a douala », mémoire de master de
sociologie, Université de Douala 2009, p.8. Disponible en ligne à
l'adresse
www.mémoireonline.com
consulté le 03/04/2017 à 16h05
66Manuel Boucher,
« Sortir de l'ombre ? Oui, mais seulement au crépuscule... »,
in Manuel BOUCHER et Alain VULBEAU (sous
dir), Emergences culturelles et jeunesse populaire. Turbulences ou
médiations ?, Paris L'Harmattan, 2003, p.158.
67Puis ONDOUA
OLINGA, « Emergence et trajectoire du développement.
Regard de philosophe » in Annales de la FALSH,
UY I, Vol 1, N° 13, Nouvelle Série, Deuxième édition,
p.210
36
des pays développés
».68Dans un aspect quantitatif, d'après le Dr.
Dieudonné BONDOMA YOKONO, président de la cellule d'appui
à la réalisation des contrats de partenariat, l'émergence
renvoie à l'atteinte d'un taux de croissance à deux chiffres qui
traduit en fait la performance économique d'un Etat donné. Au
plan qualitatif, l'émergence renvoie à l'amélioration des
conditions de vie sociale de la population en leur facilitant l'accès
à l'éducation, au service de santé de base ainsi que
l'assainissement de leurs milieux de vie.69
L'idée d'émergence, dans le contexte actuel au
Cameroun marqué par la précarité et l'extrême
pauvreté, est devenue une sorte de fétiche qui va contribuer
à l'amélioration substantielle des conditions de vie de la
population. Jean-Marie MELPHON KAMBA soutient à cet effet que,
l'utilisation de la notion d'émergence par l'élite politico-
administrative vise non seulement à masquer l'incapacité des pays
africains à réduire la pauvreté de leurs populations
à court, moyen et à long terme ; mais aussi, de montrer comment
ces Etats veulent trouver en l'émergence une possible voie de sortie du
tunnel du sous-développement. L'émergence implique
nécessairement la clarification d'une trajectoire et d'une
finalité. C'est dans ce sens que l'objectif du projet d'émergence
du Cameroun vise à faire de cet Etat un pays émergent
démocratique et uni dans sa diversité à l'horizon
2035.
Au regard de tout ce qui précède, l'on entendra
par projet d'émergence comme nous l'avons précédemment
indiqué, l'ensemble des orientations prises et les stratégies
adoptées par un Etat pour atteindre un niveau de vie quantitativement et
qualitativement élevé à un horizon préalablement
établi. Ainsi, depuis février 2009 date de l'adoption et de la
publication du document cadre du projet d'émergence du Cameroun
(Cameroun vision 2035), le concept émergence alimente quasiment
toutes les conversations sociales et les discours politico-économiques
dans l'espace public. Le site internet
www.camerbe.com faisait
déjà remarqué en 2015 dans un article écrit par
Rigobert KENMOGNE que ce concept est devenu :
L'un des mots les plus employés au Cameroun
actuellement. Il s'assimile quasiment à un refrain comme ce fut le cas
pour le « Renouveau » de nombreuses années après
l'arrivée à la magistrature suprême de Paul Biya. Les
hommes politiques l'utilisent de manière récurrente dans les
discours politiques, dans les déclarations ou dans les conversations
ordinaires.70
Dans le même sillage, parlant du concept
d'émergence, Robert EVOLA observe qu'il est devenu le fil conducteur des
conversations et même des discussions au sein de l'espace public.
68https:/
fr.wikipédia.org/w/index.php
?title=Pays_émergents&oldid=133576848
69 Entretien mené le 21/07/2017 à 11h05
à Bastos
70httpwww.camer.be/44616/12:1/2035-lemergence-du-cameroun-en
-question-cameroon.html consulté le 18/06/2017 à 21h45
37
38
Il est utilisé à tort et à travers au
point où on parle de l'émergence à propos de tous et de
rien pense l'auteur. L'émergence est même devenue une notion de
propagande politico-idéologique alors qu'elle est pourtant dotée
d'un caractère scientifique qui est le plus souvent occulté dans
le cadre de son utilisation.
Il soutient dans le même sens que, la
compréhension de cette notion passe par la saisie profonde de «
l?émergentisme qui est un courant de pensée qui demande une
culture scientifique solide » 71afin de mieux comprendre
le sens et la puissance de ce concept car ce dernier est extrêmement
ambiguë et polysémique. La culture scientifique donc parle l'auteur
ici renvoie à la maitrise des différentes caractéristiques
de la notion d'émergence. Dans le contexte camerounais, et au regard des
atteintes, des implications sociales et des espoirs dont il est porteur,
l'émergence est devenue quasiment la voie du salut de tout un peuple qui
espère sortir de la pauvreté et de la misère à
l'horizon 2035.
Après avoir analysé les origines du concept
d'émergence, il est question pour nous dans la section suivante de faire
une immersion dans le projet d'émergence du Cameroun dans l'optique de
ressortir les éléments ayant contribués à son
élaboration par la Division de la prospective et de la planification
stratégique du MINEPAT. Mais, avant d'y arriver, nous allons passer en
revue quelques grands axes des projets d'émergences des autres pays
africains tout en soulignant que ce concept est davantage mobilisé par
les pays d'Afrique subsaharienne notamment les anciennes colonies
françaises comme une politique de développement.
2-Les pays africains à l'épreuve des
politiques de l'émergence72
Les pays d'Afrique qui accèdent à la
souveraineté internationale dans les années 1960 ont tous un
dénominateur commun : la misère. Dans ces constellations de
misère et de pauvreté pour emprunter l'expression à
Jean-Claude SHANDA TOMNE, les pays africains vont se lancés à la
quête des solutions aux problèmes rencontrés par leurs
populations. Dans cette dynamique de trouver des solutions progressives aux
problèmes de leurs populations, les Etats africains en
général et singulièrement les pays du bassin du
Congo73, se sont engagés dans une dynamique
d'élaboration et d'adoption d'un certain nombre de politique publique
afin de palier à tous ces maux. Chaque Etat du bassin du Congo s'est
doté d'un agenda donc l'objectif est
71Ibidem
72 Nous nous sommes inspirés des travaux de
Didier NGALEBAYE dont les travaux portent sur « les politiques de
l'émergence dans les pays du bassin du Congo : enjeux, impasse et
quelles perspectives ? » et de l'article de Pascal TOUOYEM intitulé
« L'Afrique à l'épreuve des programmes de sortie de crise
».
73Les pays du bassin du Congo retenus pour cette
étude sont constitués: Burundi, Cameroun, Congo, Gabon,
Guinée Equatoriale, RCA, Rwanda, Sao Tomé et Principe
l'atteinte de l'émergence c'est-à dire, trouver
les solutions aux problèmes de leurs populations à un horizon
bien déterminé. Jean-Marie MELPHON KAMBA observe fort
pertinemment qu':« après avoir expérimenté sans
succès, pratiquement à marche forcée, une série
d'idéologie de développement, l'Afrique s'est de nouveau
embarquée dans une affaire d'émergence ».74
Il devient donc de ce fait intéressent pour nous d'analyser les
politiques d'émergence des pays du Bassin du Congo.
2.1-Cas du Burundi
Pour le Burundi, son projet d'émergence est
consigné dans un document de 36 pages intitulé Programme
indicatif national pour la période 2014-2020. Le projet
d'émergence de ce pays est l'émanation d'un accord de partenariat
signé entre ce pays et la commission européenne qui fixe les
grandes orientations de cette politique publique. La commission
européenne qui constitue d'ailleurs la principale source de financement
du programme indicatif national pour la période 2014-2020, veut faire du
Burundi un pays émergent à l'horizon 2020. Ce financement de la
commission européenne consiste à apporter un soutien
macroéconomique, aux programmes et projets ainsi qu'aux politiques
sectorielles de ce pays.
2.2-Cas du Congo
En ce qui concerne le Congo, sa politique d'émergence
est structurée autour de deux textes important à savoir : Le
chemin de l'avenir. De l'espérance à la prospérité
(37 pages) qui constituait le projet de société de
Dénis SASSOU-N'GUESSO qui avait conduit à sa
réélection en 2009 à la présidence de la
république du Congo. Le président Dénis SASSOU N'GUESSO,
dans ce programme politique, nous fait comprendre à la page 36 que
la création des conditions d'émergence d'une industrie lourde
constitue son leitmotiv. Le second document cadre de
l'émergence de ce pays intitulé Plan National de
Développement Congo 2012-2016 (54 pages) est élaboré
par le ministère de l'économie, du plan, de l'aménagement
du territoire et de l'intégration dont le livre 3 met un accent
particulier sur le Cadre macroéconomique et budgétaire
2012-2016.
L'objectif central tel que mentionné à la
quatrième page du document sus-cité, porte sur la diversification
de l'économie afin d'accélérer la croissance, la
création d'emploi et la réduction de la pauvreté, et
d'impulser l'émergence du Congo. Sa politique d'émergence
est organisé autour de quatre documents principaux à savoir : un
Document de Stratégie à moyen
74Jean-Marie MELPHON
KAMBA, « Emergence et défi de gouvernance administrative
en Afrique », in Jean Didier BOUKONGOU (sous dir),
L'émergence de l'Afrique, Yaoundé, Presse de l'UCAC,
2015, p.139.
39
terme pour la Croissance, l'Emploi et la Réduction
de la Pauvreté (DSCERP 2012-2016, Livre 1) ; un document de
programmation multisectorielle intégrée pour identifier, mettre
en cohérence et budgétiser les actions prioritaires
(Programmes d'Actions Prioritaires, PAP 20122016, et son Programme
d'Investissement Prioritaires, PIP 2012-2016, Livre 2) ; un Document
d'Orientation Budgétaire pour projeter les perspectives
macroéconomiques et les ressources budgétaires et en aligner
l'affections sur les priorités de la stratégie (Cadre des
Dépenses à Moyen terme, CDMT 2012-2016, Livre 3) ; et enfin
un document-cadre d'organisation institutionnelle et technique de
l'exécution, du suivi et de l'évaluation des programmes et
actions du PND (Livre 4). Le financement de l'émergence de ce pays
est l'oeuvre des acteurs du secteur public à travers le budget de l'Etat
ainsi que les acteurs du secteur privé.
2.3-Cas du Gabon
Le projet d'émergence de la république gabonaise
est structuré autour du Plan Stratégique Gabon Emergent.
Vision 2025 et orientations stratégiques 2011-2016. Déclinaison
en Programme et Actions du Projet de Société de Son Excellence
Ali Bongo ONDIMBA, Président de la République : L'avenir en
confiance. Avec un volume de 149 pages, ce document a été
publié en juillet 2012. Composé de cinq chapitres donc le
chapitre premier décrit de façon concrète la vision du
Gabon Emergent à l'horizon 2025, le chapitre deuxième quant
à lui présente la première étape du chemin à
savoir les fondations sans lesquelles l'émergence ne saurait être
durable, les chapitres 3 et 4 montrent comment accélérer la
croissance afin de tirer les dividendes pour améliorer le
bien-être de tous les citoyens et le chapitre 5 enfin, indique le
dispositif ainsi que les conditions de mise en oeuvre réussie du PSGE
(Plan Stratégique Gabon Emergent).
La politique d'émergence du Gabon vise à relever
trois défis majeurs à savoir : l'accélération de la
croissance économique et la diversification des sources, la
réduction de la pauvreté et des inégalités
sociales, et enfin le gouvernement gabonais vise à assurer la gestion
durable des ressources pour les générations futures. A travers
ces défis majeurs, le Gabon ambitionne de devenir en 2025 une
démocratie majeure et une nation unie, une des cinq nations africaines
les plus compétitives, un modèle de développement durable,
conciliant le bien-être humain, l'équité sociale, la
croissance durable et la conservation environnementale en plaçant
l'humain au coeur du développement. Le Gabon Emergent permettra une
prospérité partagée par tous, et enfin le Gabon en 2025,
sera une voix écoutée et respectée d'après les
ambitions des pouvoirs publics gabonais.
40
2.4-Cas de la Guinée Equatoriale
Avec un volume de 83 pages et subdivisé en quatre
chapitre, la politique d'émergence de la Guinée Equatoriale est
contenue dans le document intitulé Guinée Equatoriale 2020
Agenda pour une diversification des sources de la croissance. Tome 1 :
Diagnostique stratégique qui a été adopté en
mai 2007 par le gouvernement équato-guinéen. Face à son
évolution, la Guinée Equatoriale à travers son projet
d'émergence veut relever deux défis majeurs à savoir le
défi de la sécurité et le défi de
l'intégration régionale. Trois scénarii sont envisageables
pour faire de la Guinée Equatoriale un pays émergent à
l'horizon 2020. Il s'agit de : la prospérité
protégée (la Guinée Equatoriale Citadelle), la
prospérité fragile (la Guinée Equatoriale sous tension),
la prospérité dynamique (la Guinée Equatoriale Flambeau).
D'après ce document, l'émergence de la Guinée Equatoriale
passera par une diversification de son économie afin de devenir en 2020,
un centre financier régional.
2.5-Cas de la RCA
D'après Didier NGALEBAYE dans son article sur
l?émergence des bassins du Congo, la RCA est le seul pays du
bassin du Congo ne disposant pas d'une politique d'émergence. Cette
situation est corolairement liée aux multiples crises qu'elle a connue
depuis le coup d'état de Michel DJOTODIA qui avait renversé
François BOZIZE suivi plus tard des affrontements ethno-communautaires
avec comme protagonistes la séléka, les musulmans et les
anti-balakas. Après son élection à la tête
de ce pays en 2016, le Président Faustin Archange TOUADERA s'est
engagé dans une dynamique de réconciliation nationale entre les
différentes communautés du pays afin de promouvoir la paix qui
est d'après lui, l'épicentre même de tout processus de
développement.
2.6-Cas du Rwanda
Résultat d'un long processus de consultations
populaires initiées entre 1999 et 2000, la politique d'émergence
du Rwanda est consignée dans le document Vision 2020 du Rwanda.
Ce document de 28 pages qui a pour préfacier le président Paul
KAGAME, s'articule autour d'un ensemble d'objectifs à court, moyen et
long terme. L'objectif à court terme repose sur la promotion de la
stabilité macroéconomique ainsi que la création des
richesses pour réduire la dépendance à l'aide
étrangère. L'objectif à moyen terme vise la transformation
d'une économie agricole vers une économie basée sur le
savoir et enfin, l'objectif à long terme vise à créer une
classe moyenne productive pour encourager l'entrepreneuriat. L'atteint de ces
objectifs d'après
41
ce document, sera la conjonction de plusieurs facteurs
notamment la bonne gouvernance et un Etat capable, le développement des
ressources humaines et une économie basée sur le savoir, le
développement soutenu par le secteur privé ainsi que le
développement des infrastructures ; l'agriculture à haute valeur
ajoutée et orientée vers le marché et enfin
l'intégration régionale et internationale.
2.7-Cas du Sao Tomé et Principe
Fruit d'un accord de partenariat signé entre l'Etat de
Sao Tomé et Principe et la commission de l'Union Européenne, le
projet d'émergence de ce pays est intitulé Programme
indicatif national pour la période 2014-2020. L'émergence de
ce pays repose sur six clauses signées d'accord partie entre la
Commission européenne et l'Etat de Sao Tomé et Principe. La
clause numéro 2 nous fait comprendre que la Commission européenne
mettra à la disposition du Sao Tomé et Principe pour la
période 2014-2020, un montant de 28 millions d'euros pour le financement
de l'émergence de ce pays. Ce financement par l'Union européenne
sera orienté dans deux secteurs prioritaires à savoir le secteur
de l'eau et assainissement et le renforcement des filières agricoles
d'exportation. Dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, l'Union
Européenne va mettre en oeuvre un plan directeur d'eau potable et
d'assainissement afin de réduire l'incidence des maladies hydriques.
Dans le domaine du renforcement des filières agricoles d'exportation,
l'objectif de l'UE est d'appuyer le développement d'un système de
coopératives engagées.
Au regard de tout ce qui précède, il ressort
clairement que l'adoption des projets d'émergence par les pays du bassin
du Congo est conséquentiel des injonctions extérieures en
occurrence celle de la commission de l'Union Européenne. Didier
NGALEBAYE souligne pertinemment cette réalité lorsqu'il soutient
que: « la Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale (CEMAC) et l'Union Economique et Monétaire de
l'Afrique de l'Ouest (UEMOA) avaient demandé à leurs Etats de
s'engager dans la voie de l'émergence économique, en ayant
l'année 2005 comme date limite [...]
»75.
De l'étude des programmes d'émergence, une
constatation se dégage. Cette constatation est celle de nous rendre
compte que la plus part des pays qui veulent être émergents sont
des pays de l'Afrique subsaharienne anciennement colonisés par la
France. Et les questions qui faillent se poser sont celle de savoir pourquoi
est-ce que ce sont majoritairement les anciens pays colonisés par la
France qui mobilisent le concept d'émergence pour en faire une
75Didier NGALEBAYE,
« L'émergence des pays du Bassin du Congo : enjeux,
impasses et perspectives ? » in Jean Didier BOUKONGOU
(sous dir), Emergence de l'Afrique, Presses de l'UCAC, 2015,
p.38.
42
vision ?Es-ce que les pays émergent en occurrence le
Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine, l'Afrique du sud avaient clairement
affichés leurs ambitions de devenir émergent ?Et parmi les pays
qui affichent clairement leurs ambitions de devenir émergent, il y'a le
Cameroun qui a adopté depuis février 2009 un document qui encadre
son émergence à l'horizon 2035.
3-Sociohistoire du projet d'émergence du
Cameroun
Lorsque le Cameroun accède à
l'indépendance, il fait face à plusieurs équations
sociales à plusieurs inconnues à résoudre notamment
l'absence des infrastructures éducatives, sanitaires, routières
etc. Au regard de toutes ces équations sociales et dans un souci de
pallier à tous cela, le gouvernement Camerounais a initié un
ensemble de projets et de programmes de développement afin d'oeuvrer
pour l'amélioration des conditions de vie de la population. C'est dans
ce sens qu'un certain nombre de politiques publiques seront mises sur pied dans
le souci d'oeuvrer pour le bien être de la population camerounaise. Des
plans quinquennaux au DSRP en passant par les PAS (ces politiques de
développement seront étudiées au chapitre 4), les
objectifs du millénaire pour le développement, le DSCE, le
dénominateur commun de toutes ses politiques est celui de promouvoir le
développement de ce pays. C'est dans cette perspective que le projet
d'émergence porté par le document Cameroun vision 2035,
verra le jour en février 2009.
Il est important de souligner que les travaux de formulation
de la politique de l'émergence du Cameroun avaient
démarrés au début de l'année 2006 après
l'atteinte de l'initiative PPTE sous l'autorité du Ministre d'Etat,
Ministre de la Planification, de la Programmation du Développement et de
l'Aménagement du Territoire de l'époque Augustin
Frédéric KODOCK à travers l'organisation d'un
séminaire de formation d'une vingtaine de cadres de ce ministère
animé par des experts de l'Institut des Futurs Africains.
L'élaboration de ce document s'est faite sous la coordination du Dr.
Roger MBASSA NDINE qui était alors, le secrétaire
général du MINEPAT.
La genèse de ce document tire principalement et
fondamentalement son origine avec l'atteinte du point d'achèvement de
l'initiative pays pauvre très endettés à travers la remise
substantielle de la dette du Cameroun, ce qui amène de fait les pouvoirs
publics à s'investir à la conception d'un projet innovant
structuré autour d'une projection à long terme. C'est dans ce
sillage que nous nous inscrivons à la suite de l'économiste
camerounais Ernest TOUNA MAMA qui pense qu' « avec l'atteinte du point
d'achèvement de l'initiative PPTE le 28 Avril 2006, le Cameroun doit
pouvoir envisager sérieusement son décollage économique
pour
43
devenir un pays émergent dans une quinzaine
d'années».76Pour l'auteur, l'adoption d'une
stratégie prospective en matière d'amélioration des
conditions sociales des citoyens est la seule alternative pour le
développement du Cameroun. Concernant cette vision stratégique
prospective, il dit subtilement que:
La vision stratégique prospective peut alors
être comprise comme une planification
de long terme, en ce qu'elle consiste, sur la base d'un
diagnostic préalable, en la
fixation d'objectifs de haute portée temporelle et en
leur déclinaison en stratégies
puis en programme et projets.77
Lors de la collecte des données sur le terrain, il nous a
été donné de constater que le
DSCE est considéré par certaines responsables du
en occurrence Mme. X du MINTOUL, Mme. Mr. ATEBA du MINAC, Suzanne
Pulchérie NNOMO ELA etc. comme projet d'émergence du Cameroun.
Ernest NNANGA (chef de la division prospective et de la planification
stratégique du MINEPAT) et le Dr. Dieudonné BONDOMA YOKONO
(président du CARPA) nous font savoir que le DSCE n'est qu'une
déclinaison du projet d'émergence, une déclinaison qui
couvre la période de 2010 à 2019. Le DSCE met l'accent sur le
développement des infrastructures afin de promouvoir la croissance
économique et l'emploi.
Rappelons à toutes fins utiles que la Vision 2035 a
pour leitmotiv l'accession du Cameroun à l'émergence
à travers la construction d'une économie émergente afin
d'atteindre le développement qui est la téléologie de tout
processus d'émergence car cette dernière n'est qu'une trajectoire
qui conduit au développement. L'économiste Ernest TOUNA MAMA nous
le rappelle clairement en ces termes : « la sortie du
sous-développement doit être le but ultime de toute action
stratégique de la politique économique. Cette finalité
constitue une aspiration naturelle des différentes composantes de la
société ».78Daniel ETOUNGA MANGUELLE, dans
la même dynamique nous fait observer que l'absence d'une vision à
long terme du développement du Cameroun est incontestablement l'un des
obstacles conjoncturels au changement du Cameroun.
C'est dans ce sillage que le gouvernement camerounais va donc
entreprendre via son projet d'émergence la formulation d'une vision
à long terme dans un horizon de 25 ans avec la participation active de
la société civile, les partenaires au développement ainsi
que le secteur privé. C'est ainsi qu'au regard des multiples crises que
traversent les pays africains, les concepteurs de ce document nous font
comprendre que :
76Ernest TOUNA MAMA,
L'économie Camerounaise : Pour un nouveau départ,
Yaoundé, Afrédit, 2008, p.10. 77Op. Cit, p.377.
78Op. Cit, p.379.
44
Le Cameroun, pour renforcer la reprise économique
amorcée depuis une décennie et l'asseoir durablement, doit donc
inscrire à nouveau ses politiques de développement dans une
perspective plus large et plus globale. D'où la nécessité
de se doter d'une Vision Prospective, préalable à toute
stratégie nationale de développement à long
terme.79
À la lumière des éléments que nous
avons recueillis au cours de notre immersion dans le
document boussole de l'émergence, nous nous attacherons
dans la section suivante à la
compréhension de ce phénomène qu'est
l'émergence à travers ses fondements ainsi que le
calendrier adopté par l'Etat du Cameroun pour
l'atteindre.
3.1-Les fondements du projet d'émergence du
Cameroun
Comme le projet d'émergence des autres pays du Bassin
du Congo, le projet d'émergence du Cameroun repose sur un certain nombre
de fondement. En effet, parlant des fondements du projet d'émergence du
Cameroun, le document Cameroun Vision 2035 nous renseigne à suffire que
la croissance retrouvée depuis les lendemains de la dévaluation
du Franc CFA en 1994 n'a cependant pas atteint une vigueur durable et elle
reste insuffisante pour atteindre les OMD. Il s'en suit des dysfonctionnements
importants, une rationalisation insuffisante dans la sélection des
programmes, un déséquilibre dans l'aménagement
régional, un impact de l'investissement public fortement réduit
et une faible appropriation d'outils d'évaluation, de coordination et de
réorientation des appuis financiers extérieurs.80
Au regard de toutes ces difficultés de relance de son
économie, le gouvernement Camerounais à travers son projet
d'émergence, mettra sur pied des stratégies qui viseront à
relancer l'économie ce qui justifie d'ailleurs l'urgence de se doter
d'une vision à long terme pour un développement à long
terme. Cette vision s'intègre dans une dynamique prospective. C'est dans
ce sens que :
La vision prospective du développement propose
à un horizon donné, un avenir construit sans qu'il ne s'agisse
d'une anticipation du futur somme toute difficile à cerner. [...] Il
s'agit de construire ou d'imaginer le futur le plus souhaitable, en se fixant
des objectifs de développement.81
Il est également important de souligner que la
politique de l'émergence du Cameroun
repose sur un certain nombre d'enjeux qui sont au coeur de ses
fondements. Parmi ses enjeux,
79Ibidem 80Ibid, p.1 81Ibidem
45
46
nous avons : la formation qualitative et quantitative du
capital humain, la répartition équitable des richesses, la
maitrise de l'espace etc. D'après le projet d'émergence du
Cameroun, la formation qualitative et quantitative du capital humain consistera
à garantir à la population l'accès aux soins de
santé de qualité, à l'éducation de qualité
ainsi qu'à l'amélioration de l'efficacité interne et la
régulation de l'ensemble du système scolaire et universitaire.
La répartition équitable des richesses visera
donc à réduire les écarts entre les plus riches et les
plus pauvres car ces écarts peuvent hypothéqués la
cohésion sociale et le vivre ensemble qui factuellement, est
menacé par les revendications des régions du Sud-Ouest et du
Nord-Ouest depuis novembre 2016. La maitrise de l'espace quant à elle,
visera à concilier le développement harmonieux, juste et
équitable de toutes les zones du pays.
Après avoir ressorti les fondements de cette politique
publique qui vise à faire du Cameroun un pays émergent à
une période bien déterminée, il est question pour nous
maintenant de nous appesantir sur les grandes orientations du projet
d'émergence.
3.2-Les grandes orientations du projet d'émergence
du Cameroun
Dans la phase d'élaboration du projet
d'émergence, les concepteurs de ce document ont structuré cette
politique publique autour de quatre grandes orientations qu'ils ont bien voulu
appelé les objectifs généraux de la vision. Les objectifs
généraux du projet d'émergence du Cameroun sont les
suivants.
3.2.1) La réduction de la pauvreté
à un niveau socialement acceptable
Dans cette section, nous renseigne le document Cameroun
vision 2035, en 2001 lors de la mise en oeuvre du DSRP, le taux de
pauvreté monétaire gravitait autour de 40,2%. L'adoption du DSRP
par l'Etat du Cameroun ambitionnait donc la réduction du taux de
chômage de moitié le faisant passer de 40,2% à 20% à
travers l'accélération de la croissance moyenne annuelle à
7%. La stratégie conférée au DSRP s'articulait donc autour
de la promotion du secteur privé gage d'un outil de réduction de
la pauvreté.
De 2001 à 2007, soit six années après sa
mise en oeuvre, le taux de chômage est resté quasiment stable
rendant improbable l'atteinte des objectifs du DSRP donc la période
d'évaluation était fixée pour l'année 2015. Et,
c'est pour pallier à ce manquement que le document Cameroun vision
2035 verra le jour avec comme ambition de ramener le taux de
pauvreté à un niveau résiduel c'est-à-dire
inférieur à 10%. Les stratégies de réduction de
cette pauvreté d'après ce projet d'émergence, reposeront
sur l'intensification, l'amélioration de la
qualité des services de santé,
d'éducation, de formation et des infrastructures
énergétiques, routières etc.
3.2.2) Accéder au statut de pays à revenu
intermédiaire
Les pays à revenu intermédiaire, dans son sens
définitionnel, désigne l'ensemble des pays donc le revenu annuel
par habitant est compris entre 3706 et 11 455 dollars d'après le site
internet Wikipédia. L'estimation est faite en dollar parce que depuis la
fin de la deuxième guerre mondiale, le dollar est devenu la monnaie de
référence dans le monde. Les concepteurs de cette politique
publique sous la base des informations de la banque mondiale, ont
identifiés quatre groupes de pays dans le monde à savoir :
I les pays à faible revenu : 935 dollars ou moins. Ces
pays sont au nombre de 49 dont plus de trente pays africains.
I les pays à revenu moyen, de 936 à 3 705
dollars américain. Ces pays sont au nombre de 54 dont moins d'une
dizaine de pays africains parmi lesquels le Cameroun (1050 dollars par
tête en 2007).
I les pays à revenu intermédiaire, de 3 706
à 11 455 dollars US. Ces pays sont au nombre de 41 dont sept pays
africains (Botswana, Gabon, Ile Maurice, Mayotte, Seychelles, Libye, Afrique du
Sud).
I les pays à revenu élevé,
supérieur à 11 455 dollars US. Ces pays sont au nombre de 56.
Deux pays africain figurent sur cette liste en occurrence la Guinée
Equatoriale.
Au regard de ce qui précède, le Cameroun
ambitionne à travers l'accélération de son rythme de
croissance économique en s'appuyant sur ses ressources agricoles,
minières, environnementales
etc. et en veillant également
à une répartition équitable des revenus issus de
l'exploitation de ses ressources, à atteindre le stade de pays à
revenu intermédiaire en 2035.
3.2.3) Devenir un Nouveau Pays Industrialisé
Les nouveaux pays industrialisés désignent
l'ensemble des « pays qui, par leur stratégie de
développement, ont vu leur économie connaitre une phase
d?industrialisation rapide au cours des vingt dernières années
».82Parmi les nouveaux pays industrialisés
aujourd'hui, nous avons : les cinq ?bébés
Tigres?? (Malaisie, Indonésie, Thaïlande, Philippines,
Viêt-Nam), les
82www.mataf.net/fr/edu/glossaire/nouveaux-pays-industrialises
consulté le 19 avril 2017 à 19h37
47
?Jaguars?? (Mexique, Chili,
Colombie, Argentine) etc. Ces pays ont pour caractéristique principale,
une industrialisation rapide et accélérée du secteur
secondaire et du secteur tertiaire. C'est dans ce sens que, le projet
d'émergence du Cameroun ambitionne faire de ce pays un nouveau pays
industrialisé. C'est ainsi que dans la perspective de devenir un nouveau
Pays Industrialisé, la vision retient ainsi comme objectifs
spécifiques d'atteindre une croissance de qualité, marquée
par une large diversification des sources de la croissance,
l'intégration plus dense des différentes branches
d'activités, l'accroissement sensible du poids des produits issus de
l'industrie manufacturière dans le PIB.83
3.2.4) Consolider le processus démocratique et
renforcer l'unité nationale
L'ambition fondatrice de la consolidation du processus
démocratique et le renforcement de l'unité nationale vise
à garantir l'existence des espaces d'expression et de liberté,
l'existence des appareils de pression (syndicats, partis politiques,
médias), la stabilité des institutions. Ce processus met
également un accent sur la promotion d'un Etat de droit doté
d'une administration forte et à la promotion du genre à travers
la représentativité des femmes à des fonctions
électives. Le renforcement de l'unité nationale telle que
perçu par cette politique publique renvoie à la mobilisation et
à l'unification des différentes composantes sociologiques,
religieuses, linguistiques etc. afin d'oeuvrer pour le vivre ensemble entre les
différentes composantes sociologiques qui constituent le Cameroun car,
faut-il le rappeler, le Cameroun est un pays polyethnique mieux encore de multi
culturalité où on retrouve une mosaïque d'ethnie et de
culture.
Le Cameroun à travers cette politique de consolidation
de la démocratie et de renforcement de l'unité nationale, met un
accent sur la promotion des idéaux de paix, de justice, de
liberté, de solidarité nationale et de progrès social afin
d'inculquer le sentiment d'appartenance à une même nation qui doit
être l'élément de standardisation comportemental de toute
la population camerounaise. L'atteinte de tous ces objectifs consistera en la
mise en oeuvre d'une stratégie de croissance, d'emploi,
d'amélioration de la gouvernance et de la gestion stratégique de
l'Etat. Telles sont les grandes orientations qui sont au centre de la politique
d'émergence du Cameroun donc l'échéance est fixée
pour l'horizon 2035. L'énumération des grandes orientations de
cette politique publique favorisera également une meilleure
compréhension du projet d'émergence du Cameroun.
83Cameroun
vision...Op. Cit, p.18
48
4-La compréhension de l'émergence du
Cameroun et de son calendrier
Comme un effet de mode voire un virus en propagation, la
politique d'émergence est devenue depuis une dizaine d'années
l'élément fédérateur et même structurant des
politiques publiques des Etats d'Afrique en général et les Etats
de la CEMAC (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, Tchad,
RCA) en particulier. Aux agendas différents les uns des autres (Cameroun
: 2035, Congo : 2025, Gabon : 2025 etc.), ces Etats se sont lancés au
regard des multiples slogans politiques déployés, à
l'amélioration considérable des conditions de vie de leurs
populations. Didier NGALEBAYE, parlant de la charge sémantique de la
notion d'émergence, soulève pertinemment que :
Eloignées et coupées désormais des
origines philosophiques du concept ''Emergence'', par-delà la
diversité des agendas (2020, 2025, 2030, 2035) et la similarité
des objectifs apparents, les 'politiques de l'émergence''
sont à la mode en Afrique depuis au moins 10 ans
[...]84
Se faisant plus clair, l'auteur observe que ces politiques
d'émergence sont des émanations
extérieures de certains organisations sous
régionales en occurrence la CEMAC et l'UEMOA. C'est dans ce sens qu'il
soutient que la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique
Centrale (CEMAC) et l'Union Economique et Monétaire de l'Afrique de
l'Ouest (UEMOA) avaient demandé à leurs Etats membres de
s'engager dans la voie de l'émergence économique en ayant
l'année 2005 comme date limite.85
Concernant le calendrier d'émergence du Cameroun,
Cameroun Vision 2035 stipule que l'horizon de 25-30 ans qui a
été choisi correspond au temps de doublement de la population du
Cameroun. Au-delà de l'aspect démographique, le choix de
l'horizon a également été guidé par le souci de
considérer une période suffisante pour les changements
structurels. C'est le temps nécessaire à un changement de
génération d'après les concepteurs de la politique
d'émergence du Cameroun.
Depuis l'adoption du projet d'émergence du Cameroun en
février 2009, ce document via le concept qu'il porte(émergence),
à inaugurer une série de discussions, de discours et de
conversations sociales quasiment dans toute l'étendue du territoire
national avec la contribution effective des grands supports de communication et
de diffusion des informations(radio, télévision, presse
écrite, internet etc.) y relatives. Ces différentes
incantations voire propagande sont révélatrices
de la volonté manifeste du gouvernement camerounais à oeuvrer
84Didier NGALEBAYE, «
L'émergence des pays du bassin du Congo : enjeux, impasses et
perspectives ? » in Jean Didier BOUKONGOU (sous dir),
L'émergence de l'Afrique, Yaoundé, Presse de l'UCAC,
2015, p.38. 85Ibidem
49
pour l'amélioration des conditions de vie de la
population. Pascal TOUOYEM observe d'ailleurs à ce sujet que:
Le concept d'émergence est symptomatique d'une
crise profonde des sociétés africaines en général.
Il s'agit d'un concept technocratique fonctionnant comme un nouveau
fétiche, au même titre que l'ajustement structurel à une
certaine époque. En réalité, il est de nature à
masquer une incapacité générale à trouver les
moyens et procédures appropriés pour permettre aux Etats
africains de contribuer efficacement à la réduction de
l'extrême pauvreté des populations à court et à
moyen termes.86
Cette succession, cette incantation des formules en occurrence le
concept d'émergence
nous rappelle cette saison lointaine des concepts captivants,
des rhétoriques ronflantes et explosives (santé pour tous en l'an
2000 en occurrence) qui ont cours dans le continent noir depuis
l'avènement des indépendances. C'est dans ce sens que nous nous
inscrivons à la suite de Fonkika DINVEN VERLA qui pense que
l'émergence devient même dans certains pays, un argument pour les
pouvoirs publics pour se dédouaner des souffrances qu'endure sa
population au quotidien. C'est fort opportunément par là qu'il
observe que : « l'on pourrait même dire que le concept
d'émergence est devenu aujourd'hui l'argument politique de plusieurs
gouvernement pour se dédouaner des souffrances du peuple
».87
Cette notion est au coeur de toutes les rhétoriques
politiques qui ont cours dans l'espace camerounais depuis 2010 au point
où, on il est mobilisé nom de baptême des promotions des
grandes écoles en occurrence (Paix et émergence qui
était le nom de baptême de la 35e promotion de l'EMIA), le nom de
baptême de la 8e édition du FENAC 2016 donc le
thème était culture et émergence, le nom des
agences de voyage (émergence du Noun voyage) etc. La
désacralisation de la notion d'émergence est perceptible
également dans l'univers des loisirs au point de devenir le nom d'une
entreprise de la joie (bar) comme le bar
émergence88, le nom de baptême des
bâtiments89 , le nom des quincailleries90.
La notion d'émergence, au regard de l'utilisation qui
en est faite au Cameroun dit beaucoup, elle produit un flux continu de paroles
et de bruit qui ont investi l'espace public
86Pascal TOUOYEM,
Ibidem
87Fonkika DINVEN
VERLA, Le vampirisme des entreprises camerounaises : un frein
à l'émergence, Paris, l'Harmattan, 2015, p.19.
88L'émergence bar
est l'un des bars les plus festifs du quartier Essos de la ville de
Yaoundé. La mobilité urbaine est singulièrement difficile
sur cette rue durant les week-ends à cause du flux des clients de cette
entreprise de la joie.
89 L'immeuble ministériel
numéro 1 du Cameroun plus connu sous le nom de l'immeuble de la mort
a été baptisé en 2015 après sa
réhabilitation immeuble de l'émergence.
90 Quincaillerie émergence de
Messamendongo à la sortie sud de Yaoundé.
50
51
52
voire l'espace médiatique. L'émergence au
Cameroun semble se limiter essentiellement aux rhétoriques politiques.
Or, Fonkika DINVEN VERLA pense qu'être émergent ne consiste pas
donc seulement à faire des discours politiques mais plutôt
à lier les idées, les paroles et les intentions à
l'action. C'est dans cette perspective que Grégoire LEFOUOBA, parlant de
l'émergence, soutient que c'est « un nouveau terme qui emballe
tous les locuteurs et qui remplace plus ou moins, mais, avec des fortunes
différentes les slogans du genre 'autosuffisance
alimentaire'' d'ici à l'an 2000, santé pour tous...plan africain
de l'électrification, etc. ».91
Le concept d'émergence, au regard de son utilisation
par les pouvoirs publics et au regard d'un certain nombre d'espoir que la
population camerounaise fonde en lui, est à l'image de la notion du
grand dérangement théorisée par le sociologue
français Georges BALANDIER. Au sujet de ce concept, il dit :
Le grand dérangement contemporain marque le passage,
par rupture d'un passé
défait à un présent où
l'inédit s'étend, ou le devenir se produit dans la
transformation continue sans achèvement identifiable
[...] Le grand dérangement,
c'est aussi cela, cette entrée dans un avenir encore
obscur, où rien ne se fera avec
une connaissance suffisante déjà
acquise.92
En ce qui concerne le calendrier d'émergence du Cameroun
qui est programmé pour
l'horizon 2035 tel que mentionné dans le document cadre
de ce dernier, les avis sont multiples. Certains auteurs pensent qu'on doit
fixer un calendrier pour l'atteinte de l'émergence en occurrence
l'économiste Ernest TOUNA MAMA. Concernant l'émergence du
Cameroun, il observe que : « la première condition pour sortir
le Cameroun du sous-développement est donc de se fixer un cap,
c'est-à-dire ce que nous voulons que notre économie devienne dans
cinq, dix, quinze voire vingt-cinq ans
».93Parallèlement à Ernest TOUNA MAMA,
Robert EVOLA tout en reconnaissant que l'émergence est une construction
sociale, nous fait savoir que l'émergentisme est contre la
programmation d'un échéancier pour atteindre l'émergence.
Il pense de ce point de vue que le prédictible (émergence) est
tout au plus fondé sur des probabilités, des suppositions voire
des spéculations car, pense-t-il, dans toutes situations, l'inattendu
est la règle et non l'exception. A ce sujet, il dit :
Bien que l'émergentisme ne soit pas d'accord sur
l'approche programmatique ou
événementielle, il n'en reste pas moins que
l'émergence se prépare, elle
91Grégoire
LEFOUOBA, « Emergence de l'Afrique : Attentes sociales et
implications culturelles », in Jean Didier BOUKONGOU,
L'émergence de l'Afrique, Yaoundé, Presse de l'UCAC,
2015, p.14.
92Georges BALANDIER,
Le grand....Pp.3-4 93 Ernest TOUNA
MAMA, Op. Cit, p.379.
n'intervient que grâce à certaines conditions
[...] et parfois même si ces conditions sont remplies, il peut arriver
que l'émergence soit anticipée, retardée ou même ne
se produise.94
Il continue en nous faisant observer que l'émergence d'une
nation ne peut se faire qu'à la
suite des interactions des émergences individuelles,
tout comme l'émergence d'un système à son niveau
supérieur n'est possible qu'à partir des interactions qui se sont
tissées à son niveau inférieur. L'émergence demande
alors un travail de construction complexe et incrémentale.
Robert EVOLA voit en la prédication voire la fixation
d'un échéancier d'atteinte de l'émergence une erreur non
seulement stratégique, mais davantage idéologique et
scientifique. Il nous fait observé à ce sujet que
l'émergence n'est pas le corolaire d'un horizon préalablement
fixé par les pouvoirs publics, mais qu'elle est davantage le fruit d'une
construction qui prend en compte tous les éléments
nécessaires à l'atteinte de cet horizon car pense-t-il,«
l'émergence s'accompagne alors des sacrifices et des privations que
chaque individu d'abord et la société tout entière
ensuite, devraient être prêts à assumer
».95Dans cette dynamique de compréhension du
calendrier d'émergence du Cameroun, cet auteur nous fait comprendre que
le phénomène d'émergence a parmi ces
caractéristiques fondamentales l'imprévisibilité et qu'il
serait saugrenue voire absurde de fixer un calendrier à l'atteinte de
cette dernière. A ce sujet, il dit : « une seconde
caractéristique de l'émergence est
l'imprévisibilité du phénomène, au sens où
il n'a pu être prédit a priori par une voie reconnue
»96.
Ainsi, il est n'est pas possible de parler d'émergence
d'un pays sans avoir obtenu l'émergence de ses ensembles
géographiques ou de ses populations, ou encore sans avoir obtenu
l'émergence de nouveaux comportement chez les populations qui le
constituent. En d'autres termes suivant cette logique, l'émergence
commence par la base (particulier) avant de se manifester au sommet (le
général).97Étant donné que la politique
d'émergence est structurée autour d'un certain nombre
d'éléments, de procédures et de procédés, il
est fort probable que cette dernière soit obstruée si tous ces
éléments ne sont pas pris en compte. L'émergence peut
être retardée renvoyée à un horizon ultérieur
comme ce fut déjà le cas pour le Tchad.98
94Robert EVOLA,
Comprendre le phénomène...Op. Cit, pp.13-14.
95Ibidem
96Robert EVOLA, Op.
Cit, p.40.
97Op. Cit, p.42.
98Au regard de sa situation
économique morose, le président tchadien Idriss DEBY ITNO lors
d'un conseil des
ministres tenu le 26 décembre 2014, a prolongé
d'une décennie l'horizon d'atteinte de l'émergence de son pays
en
le faisant passé de 2020 à 2030.
La compréhension de cette politique d'émergence
nous impose également à nous rendre compte que l'émergence
est devenue en quelque sorte dans l'espace camerounais une sorte de
liturgie de la patience `'prêchée» par les pouvoirs
publics aux populations. Dans son sens étymologique, le mot liturgie
vient de deux mots grecs à savoir leitos qui veut dire peuple
ou public et de ergon qui signifie travail ou action. La liturgie est
donc une action faite en public et une action faite pour le service du peuple.
La liturgie de la patience dans cette dynamique a pour objectif
d'assurer et de rassurer les masses populaires en les appelants à
faire preuve de résilience, à serrer la ceinture,
à retrousser les manches car à l'horizon 2035, les
choses vont changer positivement, les conditions de vie des populations seront
substantiellement améliorées.
La vulgarisation du concept émergence dans le champ
lexicologique camerounais depuis 2009, a transformé cette notion
à une sorte de tranquillisant social. Autrement dit, les
pouvoirs publics, avec la contribution effective des moyens de communication de
masse, tiennent des discours (en occurrence le discours du président
BIYA le 31 décembre 2015) demandant le plus souvent à leurs
compatriotes de rester tranquilles voire indifférents à leurs
propres souffrances, de supporter car leur messie (émergence)
comme le personnage de Moise dans la religion chrétienne, viendra les
libérer de la précarité, de la misère voire de la
pauvreté à son avènement en 2035. En définitive, et
au regard de son utilisation, ce concept mobilisateur qu'est l'émergence
est porteur d'une thérapie aux différents maux qui minent le
quotidien des habitants des dix régions du Cameroun. Elle est
mobilisée au niveau interne par les pouvoirs publics pour mettre les
citoyens en confiance et au niveau externe, la mobilisation du concept
d'émergence vise à attirer les investissements directs
étrangers d'après Serges Laurice ETEKI ELOUNDOU.99
Par-dessus tout, l'émergence tout comme les autres
recettes miraculeuses appliquées donc les pays de l'Afrique
subsaharienne seront vouées à l'échec si elles ne cadrent
pas avec les réalités socioculturelles, les
réalités historiques de ces Etats.
L'ingénieur-économiste camerounais Daniel ETOUNGA MANGUELLE,
parlant des programmes de sortie de crise appliquée au Cameroun depuis
les indépendances, pense qu'il ne servira à rien
d'implémenter les projets de développement qui ne cadre pas avec
le développement historique de ce pays. A ce sujet il observe que :
Il ne servira certainement à rien d'appliquer au
Cameroun, des recettes
miraculeuses importées d'ailleurs et peu
compatibles avec le développement
99 Entretien mené le 16/06/2017 à 10h34
au MINRESI
53
historique du pays, auquel il faut absolument coller,
parce qu'il reste l'ultime référence et la seule garantie de la
faisabilité des réformes engagés.100
5-Le financement de l'émergence du Cameroun
S'interroger sur le financement de l'émergence du
Cameroun est loin d'être un exercice superflu encore moins
superfétatoire car l'émergence ne se résume pas aux
discours politiques. Mais, l'émergence est davantage le fruit d'une
construction permanente par les acteurs sociaux en général et en
particulier les acteurs institutionnels qui nécessitent un ensemble de
moyens. L'émergence comme toute politique publique, nécessite un
ensemble de moyens financiers pour être effective.
Dans sa perception des économies de l'Afrique noire en
général, le diplomate et politologue Jean-Claude SHANDA TONME
nous fait comprendre que ce sont des économies d'imprévision
structurées par des projets mal pensés, mal ficelés qui ne
répondent pas aux besoins de la population. Il nous fait
également comprendre que ses projets qui dans leurs conceptions sont
d'abord mal pensés, n'est pas à l'abri d'une crise de financement
nécessaire à leurs réalisations. A ce sujet, il
déclare que :
Presque au même moment, plusieurs grands projets ont
été lancés, soi-disant
dans le cadre d'une politique des grandes ambitions.
Seulement, tous les projets
ont été tellement mal conçus et mal
ficelés pour ce qui est des financements, que
l'on se demande à quoi ressemblera la finalité
dans dix ans.101
Il est également important de souligner que
l'émergence qui est une construction non
seulement des acteurs étatique mais également de
l'ensemble de la population, nécessite de ce point de vue aussi bien les
moyens humains, financiers que matériels. Suivant cette logique, dans
les sous-sections suivantes, nous nous intéresserons davantage aux
moyens financiers qui sont engagés par les pouvoirs publics pour
permettre à ce pays d'atteindre son émergence car comme le fait
remarquer Jean Didier BOUKONGOU, « il ne suffit pas de déclamer
des plans d'action et des programmes ; encore faut-il se doter des ressources
suffisantes, indiquer les stratégies de financement et trouver les
moyens adéquats en corrélation avec l'environnement
économique et juridique actuel ».102
'°°Daniel ETOUNGA
MANGUELE, Le Cameroun : une exception africaine ?
Yaoundé SHERPA, 2004, p.58.
'°'SHANDA TONME, La
malédiction de l'Afrique Noire : De la négritude à la
négrocratie, Paris L'Harmattan, 2011, p. 82.
'°2Jean Didier
BOUKONGOU, « L'Afrique, responsable du financement de son
émergence », in Jean Didier BOUKOUNGOU, (sous
dir), L'émergence de l'Afrique, Yaoundé, Presse de
l'UCAC, 2015, p.86.
54
Nous observons à ce niveau à la suite de Jean
Didier BOUKONGOU que certains projets et politiques de développement
implémentés en Afrique général (le Plan d'action de
Lagos, les objectifs du millénaire pour le développement) ont
échoués à cause d'un manque de financement. L'auteur pense
que le financement de l'émergence de l'Afrique en général
sera l'oeuvre de la solidarité internationale telle que
prônée par les Nations unies. A ce sujet, il écrit : «
non pas qu'il s'agisse de s'en contenter, il est pertinent d'admettre
qu'actuellement, le premier levier de financement du développement de
l'Afrique est la solidarité internationale prévue par la charte
des Nations Unies ».103
En nous référant au projet d'émergence du
Cameroun, nous nous sommes rendu compte qu'en ce qui concerne le financement de
cette politique publique, plusieurs acteurs vont intervenir en occurrence
l'Etat, le secteur privé et les ménages.
5.1-L'Etat
Il tire l'essentiel de ses revenus des recettes fiscales et
non fiscales, des emprunts obligataires ainsi que les emprunts sur le
marché international, les revenus de placement, l'apport
extérieur des capitaux et des techniques plus connu sous le nom de
l'aide public au développement (les prêts et les dons) et les CTD
(collectivités territoriales décentralisées) qui
constituent une source supplémentaire de cette émergence.
5.2-Le secteur privé
Les ressources financières du secteur privé
reposent essentiellement sur l'épargne des ménages et des
associations en joint-venture, l'épargne des entreprises, les
marchés financiers nationaux, régionaux voire internationaux et
enfin le financement bancaire.
5.3-Les ménages
Les ménages tirent l'essentiel de leurs revenus
d'après la vision d'émergence du Cameroun, des transferts de la
diaspora, les prestations sociales, les revenus du travail, les revenus
financiers ainsi que les emprunts auprès du secteur financier.
Au demeurant, lors de la lecture du projet d'émergence
du Cameroun, nous avons dénichés un certain nombre de limite
voire d'insuffisance qui seront explicitées dans les lignes
suivantes.
103Op. Cit, p.87.
55
6-Les limites du projet d'émergence
Dans la cosmogonie africaine, une sagesse burkinabé
nous fait comprendre qu'on peut dormir sur la même natte sans pour
autant avoir les mêmes rêves. En nous appuyant sur cette
sagesse négro africaine, toute personne qui s'engagerait à
étudier le projet d'émergence du Cameroun, pourrait identifier
les insuffisances qui correspondraient à ses orientations
méthodologiques voire épistémologique. Dans le cadre de ce
travail qui consiste à apprécier la place de la PC dans le projet
d'émergence du Cameroun, nous avons identifiés deux principales
insuffisances à savoir l'inexistence d'une PC dans le projet
d'émergence et l'inexistence d'une politique d'amélioration du
système éducatif. Ces deux insuffisances sont étroitement
liées dans la mesure où, la perception de la culture est
conséquentielle du type d'éducation reçue d'après
Jean Jacob Nyobe, secrétaire administratif et technique du
CASSPC.104
6.1-La politique culturelle et la vision 2035
En étudiant de fond en comble le projet
d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035, nous avons fait une
constatation. Cette constatation est celle du peu d'intérêt
accordé à la PC qui existait pourtant sous la république
unie du Cameroun en général et de la marginalisation de la
culture dans cette vision en particulier.
La lecture du document cadre de l'émergence nous a
permis de voir que ce projet n'a pas suffisamment pris en compte la PC en tant
qu'outil de développement et de bien-être. A cet effet, nous nous
sommes rendu également compte que dans le projet d'émergence du
Cameroun, il existe une politique d'industrialisation, de promotion de
l'unité nationale, une politique d'urbanisation mais que la politique en
matière de la culture qui devrait s'articuler autour des orientations
prises par les pouvoirs publics pour promouvoir le secteur culturel, est
inexistante.
Concernant le peu d'intérêt accordé
à la PC dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon
2035, nous nous inscrivons en droite ligne avec Henri TEDONGMO TEKO lorsqu'il
déclare : « le manque d'intérêt accordé au
secteur culturel et artistique par les pouvoirs publics dans le Document de
Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE), suppose jusqu'à
2035, ce secteur sera condamné à rester très loin des
préoccupations des décideurs ».105
104 Entretien mené le 29/09/2017 à 14h 30 au
MINAC
105Henri TEDONGMO TEKO,
Réussir l'entrepreneuriat culturel : expériences
camerounaises, Saint-Denis, Editions Connaissances et Savoirs, 2016,
p.23.
56
Dans la même dynamique, madame Suzanne Pulchérie
NNOMO ELA par ailleurs chef service régionale du patrimoine culturel et
des musées de la délégation régionale des arts et
de la culture du centre, expert Unesco en matière du patrimoine mondial,
nous fait comprendre que les politiques en général ont beaucoup
plus misés sur l'industrialisation voilà pourquoi on peut voir
l'émergence des ports autonomes, des barrages hydroélectriques
ainsi de suite .106La deuxième insuffisance du projet
d'émergence est l'absence d'une politique d'amélioration du
système éducatif.
6.2-Le système éducatif et la vision 2035
L'absence d'une politique d'amélioration du
système éducatif constitue sans doute la seconde constatation
saisissante des insuffisances du projet d'émergence du Cameroun à
l'horizon 2035 que nous avons relevés. En effet, depuis le dernier
conseil de l'enseignement supérieur qui date des années 1980 en
passant par le dernier conseil de l'éducation de base ténue du 26
au 27 mai 1995 à Yaoundé, le constat est identique. Le
système éducatif doit être refondé afin d'être
amélioré car elle ne répond plus aux exigences tant
économiques, sociales que culturelles de la société
camerounaise qui s'est engagé depuis 2009 dans une dynamique
d'émergence. NORTOP soutenait déjà à ce sujet que
toute éducation se fait par et pour la société.
Le sociologue français Emile DURKHEIM soutient dans le même
sillage qu'il s'agit de former l'homme tel que le veut la société
et la société le veut tel que le réclame son
économie.
Depuis février 2009 année d'adoption du projet
d'émergence du Cameroun, un certain nombre d'auteur camerounais ont
menés des réflexions sur le lien entre le système
éducatif et l'émergence de ce pays. Tous les ouvrages de ces
auteurs ont tous un dénominateur commun : l'émergence du Cameroun
passe par la refonte systématique de son système éducatif.
Plus précisément d'après Richard MAKON, trois défis
fondamentaux s'imposent au Cameroun pour atteindre l'émergence. Parmi
ces défis nous dit-il, nous avons le défi identitaire,
le défi éducatif et le défi
démocratique. Le défi éducatif pour l'auteur
consistera à améliorer le système éducatif dans
l'optique de former les acteurs du changement c'est-à dire les
élèves et étudiants en les inculquant la religion du
développement qui doit être coloré par l'identité
106Entretien mené le 06/06/2017 à la
délégation régionale des arts et de la culture du centre
à 12h13.
Camerounaise.107 Dans la même dynamique,
André Marie MANGA soutient que « l'éducation fait
inéluctablement partie des leviers du succès et du progrès
d'un peuple ».108
Dans le même sillage que Richard MAKON et André
Marie MANGA, Samuel Aimé ABOSSOLO et Justin Arnold OMBGA MBAZOA, ont
menés une réflexion sur la place de l'éducation dans le
projet d'émergence du Cameroun. Au terme de leurs réflexions, ils
sont arrivés à la conclusion selon laquelle pour atteindre le
stade de pays émergent, le Cameroun doit se doter d'un système
éducatif fort car le système éducatif présent est
en inadéquation avec les objectifs qui visent à
accélérer la croissance d'ici 2035.109 La refonte du
système éducatif permettra sans doute de faire de la culture via
la PC une composante essentielle de l'émergence, du
développement.
En définitive, nous intéressant à
l'étude du projet d'émergence dans ce chapitre, nous nous sommes
rendu compte que la notion d'émergence est également
mobilisée par d'autres pays. Nous avons également vu les grandes
orientations du projet d'émergence du Cameroun ainsi que ses limites en
rapport avec le secteur culturel.
57
107Cf. Richard MAKON, Le Cameroun
à la croisée des chemins vers le développement : les trois
défis de l'émergence, Harmattan Cameroun, 2017.
108André Marie MANGA,
Cameroun : de l'éducation à l'émergence, Paris
L'Harmattan, 2016, 4e de couverture.
109Cf. Samuel Aimé ABOSSOLO et
Justin Arnold OMGBA MBAZOA, Education et émergence
au Cameroun : la place de l'éducation dans la mouvance de
l'émergence à l'horizon 2035, Editions universitaires
européennes, 2015.
CHAPITRE 2 : DE LA CULTURE A LA
POLITIQUE CULTURELLE
La diversité sémantique sur laquelle jouent
parfois les sociologues eux-mêmes BOURDIEU et PASSERON ne parlent-ils de
la culture de la classe cultivée, rend illusoire la fixation d'une
définition acceptable par tous. Acceptons donc la pluralité des
sens puisqu'elle traduit à la fois l'évolution des idées
et la multiplicité des problèmes.110
58
110Gilles FERREOL (sous dir),
Dictionnaire de sociologie, Paris, Armand Colin, 1995, p.57.
59
Dans ce chapitre de notre travail, nous allons axer notre
réflexion sur les perspectives définitionnelles de la notion de
culture dans sa globalité. Notre seconde préoccupation sera celle
de cerner le sens et la puissance de cette notion dans le
vaste boulevard de la science sociologique. Cette section culminera avec la
clarification de la notion de PC qui constitue le coeur même de notre
investigation scientifique.
1-La notion de culture
La notion de culture est diversement analysée dans les
champs scientifiques. Au regard du caractère ambigüe donc elle est
porteur, chaque auteur l'analyse avec ses référents
épistémologiques et méthodologique. C'est dans ce sens que
le mot culture est un mot irritant, polysémique, à
géométrie variable, dont les spécialistes ont
relevés des centaines de définitions.111 C'est dans
cette dynamique que nous convenons dès l'entame à la suite
d'Emmanuel KAMDEM que « la littérature sur la culture est
très abondante et diversifiée ; il est donc prétentieux de
notre part d'en faire le tour »112 dans notre
recherche.
L'auteur nous fait également comprendre que le premier
anthropologue ayant théorisé la notion de culture en
anthropologie est le britannique Edward Burnett TYLOR dans son ouvrage
Primitive culture. Ce dernier propose à la notion culture, la
définition suivante qui demeure d'ailleurs actuelle : « culture
ou civilisation, pris dans son sens ethnologique le plus étendue, est ce
tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l'art, la morale, le
droit, les coutumes et les autres capacités ou acquises par l'homme en
tant que membre de la société ».113
1.1-Le cadre conceptuel et épistémologique de
la notion de culture
Né au XIIIe siècle et apparue dans la langue
française au XVIIIe siècle, marqué par une
équivocité et d'une exceptionnelle fluidité
sémantique, le concept de culture vient du latin cultura qui
veut dire cultiver la terre, soin apporté au bétail ou aux
champs. De par sa polysémie, et son caractère difficilement
définissable et saisissable, ce concept est porteur d'une
pléthore de sens voire de signification qui la rende ambigüe
à la limite. Cette ambigüité est due au faite qu' «
aujourd'hui, l'idée de culture est peut-être plus important que
jamais
111 Pierre MOULINIER, Les politiques
publiques de la culture en France, Paris PUF, 1999, p.4.
112 Emmanuel KAMDEM, Management et
interculturalité en Afrique. Expérience camerounaise,
Québec, Les Presses de l'Université de Laval, Paris, L'Harmattan,
2002, p.27.
113 Op. Cit, p.29.
60
dans le débat public ».114Sa
complexité sémantique est également due au faite qu'elle
est à l'image de la sociologie, c'est-à-dire une notion carrefour
qui touche à tout, qui englobe tout, une notion
caractérisée par des définitions aussi diverses que
variées. Marie Sophie MADIBA illustre pertinemment cette
complexité lorsqu'elle soulève que la culture touche à des
domaines variés. Taxée parfois d'industrie culturelle, ce peut
être les manières de faire et d'agir (façons de se
vêtir, de se nourrir, de parler, de danser), les loisirs, les croyances
et ou les perceptions, les musiques, les coutumes, les arts, les
traditions.115
Concept polysémique, la notion de culture fait l'objet
des mutations définitionnelles à travers l'utilisation qu'on en
fait de ce dernier. Sa signification est corolaire à son contexte
d'utilisation au point où, toute définition de la culture est
conséquentielle de l'affiliation disciplinaire du chercheur, de l'auteur
et par conséquent, sa « définition varie selon la
spécialité du chercheur ».116 Ainsi, aborder
la notion de culture impose au chercheur d'être attentif aux
ambigüités, à la polysémie donc elle est porteuse. La
notion de culture renvoie donc de ce point de vue à différentes
concessions, acceptions et perception.
En effet, la culture, dans un sens plus large peut être
comprise comme tout ce qui est acquis c'est-à-dire créé,
inventé, façonner par l'homme vivant dans une sphère
sociale donnée. C'est également tout ce qui s'ajoute à la
nature sous l'action de l'homme qui transforme cette dernière à
sa guise.
Dans un sens philosophique, la culture est
l'élément qui confère à l'homme le pouvoir de
dominer et d'agir sur la nature. Du point de vue matériel, la culture
est comprise comme étant l'activité d'un paysan qui cultive son
champ. Ferdinand CHINDJI KOULEU en rend bien compte quand il soutient que :
Ce mot s'applique aussi bien aux travaux champêtres
(culture du macabo), au corps humain (la culture physique), à l'esprit
d'un individu (la culture générale), qu'à une
société tout entière (les états
généraux de la culture), aux humanités (la culture
classique), qu'à la biologie (culture microbienne en laboratoire).
117
Au regard de ce qui précède, il ressort que la
culture désigne l'ensemble des institutions,
des manières de penser, de faire, de sentir et d'agir,
des coutumes propre à une communauté
114Adam KUPER,
« Les origines de l'idée moderne de culture en anthropologie
», in Albert DUCROS, Jacqueline DUCROS
et Fréderic JOULIAN (sous dir), La nature
est-elle culturelle ? Histoire, épistémologie et applications
récentes du concept de culture, Paris Editions Errance, 1998,
p.55.
115Marie Sophie
MADIBA, « Diversité culturelle : au carrefour de
l'exception culturelle, l'hybridation et la mise en commun. Pour une approche
pluridisciplinaire des concepts de diversité culturelle et de
mondialisation sous le prisme de la communication interculturelle » in
communautés et sociétés. Annales de sociologie et
d'anthropologie, Université Saint-Joseph, Beyrouth, Liban, Vol 21-22,
2010-2011, p.93.
116 Marie-Claude VETTRAINO-SOULARD, Les
enjeux culturels d'internet, Paris Hachette, 1998, p.3.
117Ferdinand CHINJI-KOULEU,
Communiquer est un art, Editions Saagraph, 2004, p.371.
61
62
voire un peuple. Elle constitue d'après Pierre KAMDEM,
Mesmin TCHINDJANG et al l'âme d'un peuple, c'est le
véhicule de sa pensée, c'est l'expression imagée de son
vécu bref, c'est l'identifiant, la clé primaire de la
compréhension de toute société traditionnelle reconnue
telle118raison pour laquelle « quand un peuple perd cet
âme, il meurt ».119
D'après l'Unesco, l'institution internationale donc
l'un de ces objectifs et la protection et la valorisation de la culture des
nations, la culture est un concept englobant de par les différentes
composantes donc elle est porteuse. La complexité de cette notion est
résumée par à travers la définition suivante :
La culture dans son sens le plus large, est
considéré comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et
matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une
société ou un groupe social. Elle englobe, outre les lettres, les
modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les
systèmes de valeurs, les traditions et les
croyances.120
Dans le vaste champ de la rationalité scientifique,
Pierre MBONJI EDJENGUELE dans son ouvrage Morts et vivant en
négro-culture, distingue deux types de culture : la culture
morte et la culture vivante. D'après lui, la culture morte
est cet ensemble d'items et d'institutions qui n'ont pas pu s'adapter à
la marche irréversible du temps et, pourtant, s'accrochent au wagon de
l'histoire et deviennent par là même un poids mort. Pour lui, la
culture morte est cette culture qui ne répond plus efficacement au
besoin des individus vivant dans une communauté donnée. On la
retrouve dans les aéroports entre les mains des touristes qui ont
à coeur de garder un souvenir de leurs voyages en terre africaine. Les
danses traditionnelles et les productions folkloriques (lors des visites des
chefs d'Etat étrangers, lors des événements sportifs) sont
révélatrices d'après l'auteur de cette culture morte. Et
par culture vivante, il nous fait observer que c'est une culture qui
:
Est en accord avec l'environnement, les aspirations de
ceux qui la vivent, qui comprend des valeurs épanouissantes,
passées et non passéistes, actuelles, endogènes et
exogènes, à condition de préparer ses consommateurs
à faire face aux défis existentiels.121
La culture vivante telle que nous dit l'auteur est une culture
dynamique qui absorbe les
apports étrangers, c'est une culture fortement
ancrée dans l'agir humain, elle est un palliatif aux
118Pierre KAMDEM & Mesmin
TCHINDJANG (dir), Repenser la promotion du tourisme culturel au
Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique,
Yaoundé Editions Iresma-Karthala, 2011, p.33.
119Jules ASSOUMOU,
Ibidem
120Déclaration de Mexico sur
les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques
culturelles, Mexico city, 26 juillet-aout 1982
121Ibidem
besoins existentiels des individus. C'est une culture qui
« s'enrichit des autres en enrichissant ; elle est enracinée et
expressive d'une identité ans être ancrée, amarrée
».122
Au regard des différentes clarifications
sus-citées sur la culture, il convient de retenir que la
définition opérationnelle de la culture retenue dans le cadre de
cette étude considère à la suite de Henri TEDONGMO TEKO,
que la culture est « un capital à exploiter parce que peut
contribuer au développement économique et social, et surtout
à la croissance économique ».123Il nous
revient maintenant d'énumérer les différentes fonctions de
la culture dans afin de mieux comprendre sa charge sémantique.
1.2-Les fonctions de la culture
Dans toutes les sociétés humaines, la culture a
une fonction d'orientation dans la mesure où, elle est
l'élément qui oriente, guide les comportements des individus.
Chaque membre agit en se référant soit à sa culture
d'appartenance soit à sa culture de référence. De ce point
de vue, si un membre de la communauté ou du groupement a un comportement
qui s'écarte du comportement communément admis par sa culture, ce
dernier est considéré comme un déviant voire un
délinquant. C'est dans ce sens qu'une femme béti (ethnie
du Cameroun qu'on retrouve dans les régions du Centre, Sud et Est) qui
mange la vipère par exemple, sera davantage vue comme une
déviante par les membres de sa communauté car, d'après la
culture de cette ethnie, la femme n'est pas autorisée à manger la
vipère.
Dans le même sens, une femme de confession religieuse
musulmane qui s'habille en 'destroy'', pantalon
moulant, collant, mini-jupe etc. est davantage perçue aux yeux de ces
frères et soeurs musulmans comme une déviante car elle
s'écarte des lois et principes de la religion musulmane.
Dans cette fonction d'orientation, « la culture met
ensemble, elle contient et interprète les valeurs d'une
société moins systématique. C'est à travers la
culture que l'on découvre la signification et le but du genre de la vie
individuelle et sociale ». Autrement dit, dans les
organisations sociales, la culture, au regard de tout ce qui
précède, devient l'élément fondamental qui
structure les comportements humains. C'est elle qui oriente les comportements
humains bref l'ensemble des manières de penser, de faire, d'agir et de
sentir des individus dans un environnement social donné est
orienté et guidé par la culture. La culture devient ainsi
l'ordonnatrice et la régulatrice des manières d'agir, de penser
et de sentir.
122Op. Cit, p.131.
123Henri TEDONGMO TEKO,
Réussir ..., p.32.
63
La deuxième fonction de la culture est celle de la
représentation. Elle sert d'élément d'identification, de
justification et de compréhension du comportement d'un individu au sein
de l'espace public. La culture dans ce sens, nous renseigne Joseph KI-ZERBO et
al, vise également à réunir les personnes en une
communauté particulière distincte vivant dans un environnement
social donné. D'après lui, «la culture est donc à
la fois ce qui fait que la majorité des membres d?une
société globale partagent les mêmes schèmes de
comportement et se distinguent des autres peuples ».
124C'est dans ce sens qu'un individu agira en fonction des
représentations prescrites par la culture de sa société,
de son milieu sinon il sera taxé de déviant.
Dans cette perspective, à travers une action
posée par un individu, l'on peut comprendre que cette action s'inscrit
dans le même sillage que celle posée par ses
prédécesseurs par exemple, et il ne sera pas exclu d'entendre au
sein de l'espace social un individu légitimité une action en
disant qu'on a toujours fait comme ça dans ma culture. Les
besoins physiologiques et biologiques des individus dans une sphère
sociale donnée sont diversement exprimés et
représentés selon des différentes manières de
faire, de sentir, de penser et d'agir des individus donc la culture en est
l'élément révélateur des pratiques et des
agissements sociaux.
La culture est le moteur de l'intégration sociale dans
la mesure où, à travers l'utilisation d'une même langue qui
est un élément de la culture par exemple, un individu qui est
issu d'une autre culture (tribu) s'intégrera plus vite que celui qui n'a
aucune connaissance de la langue de la société où ce
dernier souhaite s'installer. Par un exemple, un peulh qui ne comprend
et ne parle ni le français ni l'anglais s'intégrera facilement
à Yaoundé dans les quartiers comme Briqueterie, Tsinga etc. parce
que ce sont des quartiers à majorité peulh qui
comprendrons de fait cet individu qui ne s'exprime en aucune autre langue que
le foulbé ou le fufuldé qui est la langue
majoritairement parlée dans ces quartiers.
La fonction d'intégration sociale de la culture
s'illustre davantage dans la mesure où, d'après Ferdinand CHINDJI
KOULEU, « elle simplifie la conduite et elle pourvoit donc
aux rôles et aux relations sociales »125en
réunissant et en mettant ensemble une communauté de personne au
sein d'une organisation sociale. Les organisations culturelles internationales
telles que la Francophonie et le Commonwealth ont pour leitmotiv de contribuer
et de participer à l'intégration des peuples du monde via la
langue française et anglaise. Mais, Charly Gabriel MBOCK, parlant de la
Francophonie, observe de façon remarquable que cette organisation est
124Joseph KI-ZERBO
(dir), La natte des autres : pour un développement
endogène en Afrique, Paris, Karthala, 1992, p. 80
125Ferdinand CHINJI-KOULEU,
Op. Cit p.376
64
culturocide c'est-à-dire, tue d'autres
cultures à travers leur appauvrissement et leur éradication. Il
soutient dans ce sens que :
L'appauvrissement dont la Francophonie s'est laissé
soupçonner tient déjà à l'éradication des
cultures dans les colonies françaises à commencer par le
bannissement sans appel des langues des peuples colonisés. La
Francophonie s'impose ainsi comme le grand paradoxe de la France : c'est un
organisme à vocation culturelle sur fond d'exception qui travaille
à l'extermination des cultures des autres, sans
exception.126
Après ce bref rappel historique de la notion de
culture, et après avoir énumérer quelques fonctions de
cette dernière, il est question pour nous dans la section suivante de
cerner ce concept sous le prisme de ce savoir qui s'interroge
perpétuellement sur elle-même d'après Raymond ARON.
2-De la notion de culture en sociologie
Parlant de la notion de culture, Denys CUCHE observe qu'elle
est une notion ambigüe.
D'après l'auteure, l'ambigüité de cette
notion ne peut être dépassée que si le chercheur fait
recours à sa genèse afin de mieux déceler
ces contours. Elle observe à ce sujet que :
Les mots ont une histoire et, dans une certaine mesure
aussi, les mots font l'histoire. Si cela est vrai de tous les mots, cela est
particulièrement vérifiable dans le cas du terme
'culture'' [...] C'est pourquoi, si l'on veut comprendre le sens
actuel du concept de culture et son usage dans les sciences sociales, il est
indispensable de reconstituer sa genèse sociale, sa
généalogie.127
2.1-Du concept de culture dans le champ de la
rationalité sociologique
L'étude de la notion de culture en sociologie ne date
pas d'aujourd'hui. Cette étude trouve toute sa pertinence à la
suite de la littérature scientifique développée autour de
cette notion. Ainsi, dans le vaste champ de la rationalité scientifique,
la culture fait l'objet d'une abondante littérature depuis la signature
de l'acte conceptuel du terme sociologie par Auguste COMTE en 1839 dans son
Cours de philosophie positive.
Notre démarche dans cette partie s'inscrit dans une
logique de compréhension de la notion de culture sous la chapelle de la
science sociologique. Dans ce vaste champ de la rationalité
sociologique, certains auteurs à l'instar de Small ALBIOL, Park, Burgess
et surtout
126 Charly Gabriel MBOCK, Décoloniser
la France, Montréal, KiyiKaat Editions, 2010, p.42.
127Denys CUCHE,
La notion de culture dans les sciences sociales, Paris La
Découverte, 2010, 4e édition, p.9.
65
OGBURN etc. ont menés des réflexions profondes
sur cette notion. En s'appuyant sur les pères fondateurs de la
sociologie scientifique et académique (Max WEBER, Emile DURKHEIM), ils
nous font observés que les architectes de la sociologie scientifique non
jamais utilisé explicitement cette notion. Dans cette dynamique, Denys
CUCHE observe à propos d'Emile DURKHEIM qu'il n'utilisait presque jamais
le concept de culture mais plutôt la théorie de la conscience
collective qui est une forme de théorie culturelle car, il existe
dans toute société, une conscience collective, faite des
représentations collectives, des idéaux, des valeurs et des
sentiments communs à tous les individus. Cette conscience collective
précède l'individu, s'impose à lui, lui est
extérieure et transcendante. C'est la conscience collective (culture)
qui réalise l'unité et la cohésion d'une
société. 128
A la lumière de ces propos, nous nous rendons à
l'évidence compte que l'expression conscience collective telle
que nous l'avons vu sous l'angle de Denys CUCHE, a les mêmes
caractéristiques que la notion de culture. Dans le même sillage,
parlant de l'émergence de la culture dans le champ sociologique, Guy
ROCHER observe que ce n'est que dans la nouvelle génération de
sociologue français qui surgit après la dernière guerre
que le terme devient populaire en France sous l'influence de la sociologie
américaine.129En d'autres termes, la culture dans le champ
sociologique provient de l'histoire et non de la philosophie en ce sens que les
historiens sont davantage d'après l'auteur,
Des empiristes, des chercheurs méticuleux,
préoccupés de faire oeuvre scientifique
plutôt que philosophique, débouchant finalement
pour plusieurs d'entre eux sur
de véritable travaux ethnographique. C'est là
un aspect intéressant de la notion
de culture, qu'elle provienne de l'histoire et non de la
philosophie.130
Cette notion, nous renseigne Jean CAZENEUVE et al, est
l'une des notions les plus
ambigus, les plus polysémiques au point où elle
alimente aussi bien les controverses et est révélatrice des
confusions donc elle est porteuse pour tout chercheur qui s'engage dans une
dynamique définitionnelle liée à cette notion. A ce sujet,
ils diront qu'elle est l'un des mots les plus usités, mais aussi l'un
des plus mal définis en sociologie.131
Ce caractère polysémique de la culture est
à l'origine de la difficulté pour les chercheurs en sciences
sociales en générale et en sociologie en particulier de donner
une définition unanimement acceptable dans le vaste champ de cette
discipline qui « se caractérise par une
128Denys CUCHE, Op. Cit, pp.27-29
129Guy ROCHER, Introduction
à la sociologie générale (l'action sociale),
Montréal, éditions HMH, 1968, p.108
130Op.cit.p.106
131Jean CAZENEUVE et al,
Encyclopédie de sociologie, Lille, Presse des petits fils de
Leonard Danel, 1970, p.69
66
recherche perpétuelle d'elle
»132 surtout que comme nous l'enseigne Raymond ARON, les
sociologues ne sont d'accords que sur leurs désaccords. C'est
dans ce sens que Gilles FERREOL et al, parlant de la culture, diront
que rarement un signifiant aura couvert autant de signifiés et rarement
aussi un terme sera au coeur de tant de polémique tant politique que
scientifiques.133
Dans la même dynamique, Henri TEDONGMO TEKO nous fait
comprendre dans son ouvrage sur l'entrepreneuriat culturel que toute exercice
analytique de la notion de culture révèle la diversité et
la multiplicité d'une notion qui ne peut être que saisie que par
un processus définitionnel qui explore les acceptions et les contours
dans ce qu'elles ont d'idéologiques et d'affiliations disciplinaires.
André AKOUN et Pierre ANSART voient en la culture un concept englobant.
Ils considèrent cette expression comme un tout, c'est-à-dire un
ensemble qui « désigne ainsi tout ce qui est créé
et transmis par l'homme, tout ce qui n'est pas donné par la seule nature
et l'hérédité biologique ».134 Nous
nous rendons à l'évidence compte qu'à la lumière de
cette définition qu'ils considèrent la culture non seulement
comme une création humaine qui est transmise aux
générations futures afin d'assurer la pérennité de
celle-ci, mais davantage comme étant un fait social. Ce faisant plus
clair, ils observent que :
si l'on retient en effet que toute pratique humaine est
simultanément une pratique culturelle par opposition à ce que
serait la nature, tous les faits sociaux, toutes les relations sont des faits
sociaux de culture et tous les domaines qui relèvent des études
sociologiques illustrent des dimensions de la culture.135
De ce point de vue, nous pouvons nuancés à la suite
d'Emmanuel KAMDEM que la
culture n'est pas abordée dans le cadre de cette
recherche comme un système clos, un système immuable. Mais elle
est davantage un processus dynamique de reconstruction et de
déconstruction des normes qui sont au coeur d'une organisation sociale.
C'est dans ce sens qu'en ce XXIe débutant, Fréderic LEBARON,
définit la culture comme étant : « l'ensemble des
pratiques et représentations caractéristiques d'un groupe humain
déterminé ».136 D'après lui, la
culture varie dans le temps et dans l'espace social qui est structuré
autour des classes sociales distinctes, ayant en commun leurs manières
d'agir et leurs façons de faire qui dévient une sorte de the
way of life mieux encore un mode vie. Guy ROCHER voit en cette notion une
sorte de concept qui englobe les manières de penser, d'agir, de sentir
et de faire autour
132Raymond ARON, Dix-huit
leçons sur la société industrielle, Paris, Gallimard,
1962, p.3 133Gilles FERREOL (dir), Dictionnaire
de sociologie, Paris, Armand Colin, 1995, pp.50-51
134André AKOUN et Pierre ANSART, Op. Cit,
p.126
135Op. Cit, p.125
136Frédéric LEBARON,
La sociologie de A à Z, Paris, Dunod, 2009, p.42.
67
68
desquelles les individus vivant dans un environnement social
donné. Se faisant plus explicite, il soulève que :
la culture est un ensemble lié de manière de
penser, de sentir et d'agir plus ou
moins formalisées qui, étant apprises et
partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une
manière à la fois symbolique, à constituer ces personnes
en une sorte de collectivité distincte.137
Dans une perspective d'analyse stratégique des
organisations, la culture est perçue
comme un système de normes et de valeurs construits par
les acteurs et qui assurent la cohésion sociale. Michel CROZIER et
Erhard FRIEDBERG considèrent à cet effet que la culture n'est
plus cet univers de valeurs et de normes incarnés et intouchables qui,
en dernière instance, guident, ordonnent les comportements
observés et donc en rendent compte. Ils poursuivent en soulignant que,
formée d'un ensemble d'éléments de la vie psychique et
mentale, avec ses composantes affectives, cognitives, intellectuelles,
relationnelles, elle est un instrument, elle est la capacité que les
individus acquièrent, utilisent et transforment en bâtissant et
vivant leurs relations et leurs échanges avec les
autres.138
L'émergence de la culture dans le champ sociologique a
été à l'origine de l'apparition au sein de ce savoir d'une
série de branche faisant de celle-ci une sorte de kaléidoscope.
L'une des branches qui attire le plus notre attention dans le cadre de cette
étude, est celle de la sociologie des pratiques culturelles
théorisée par le français Philippe COULANGEON. A travers
cette sociologie, Philippe COULANGEON cherche à comprendre les logiques
d'action et les rationalités explicatives qui sont à l'origine de
la forte propension de la consommation des biens culturels en France depuis un
certain nombre d'année. Il nous fait comprendre dans ce sens que les
pratiques culturelles constituent des marqueurs d'identités sociales.
Celle-ci s'observe davantage dans la prépondérance de la
télévision dans les hobbies quotidiens dans les ménages au
point de devenir d'après les mots de l'auteur le nouvel opium du
peuple. Dans la dynamique d'une précision terminologique, il nous
fait savoir que :
Par pratiques culturelles, on entend
généralement l'ensemble des activités de consommation ou
de participation liées à la vie intellectuelle et artistique, qui
engagent des dispositions esthétiques et participent à la
définition des styles de vie : lecture, fréquentation des
équipements culturels (théâtres, musées, salles
de
137Guy ROCHER,
Introduction à la sociologie générale, (l'organisation
sociale), Montréal, HMH, 1968 p.111. 138 Michel CROZIER,
Erhard FRIEDBERG, L'acteur et le système. Les contraintes
de l'action collective, Paris, Seuil, 1977, p.210.
cinéma, salles de concerts, etc.), usages des
médias audiovisuels, mais aussi pratiques culturelles
amateurs.139
Au regard des différentes définitions et
conceptions de la culture ci-dessus mentionnée,
l'énumération des caractéristiques de la culture
favorisera sans doute une compréhension profonde de cette notion.
2.2-Caractéristiques de la culture
La culture telle que nous l'avons vue
précédemment est un legs social partagé par toute la
population d'une collectivité, d'une communauté, d'un groupement
etc. Elle devient ce trait distinctif qui structure les comportements des
individus qui ont en commun cette culture. Ainsi, il ressort que chaque groupe
social a ses réalités sociologiques qui cadrent avec son milieu
de vie. Elle (culture) est de ce point de vue un élément de
standardisation comportemental dans la mesure où, tout le monde qui
partage en commun une culture, agit en se référant à leur
culture car, l'ensemble de manière d'agir, de sentir, de penser et de
faire est influencé par la culture de ce dernier. Ferdinand
CHINDJI-KOULEU, citant Jules FERRY, soutient à ce sujet que : «
la culture d'un peuple dit-on, est sa lettre de noblesse, sa carte
d'identité au forum des nations. C'est par le sommet seulement que les
cultures se touchent. Les chemins qu'elles suivent sont différents et
correspondent à des éléments essentiels de l'âme des
peuples ».140La culture est dans ce sens une acquisition
en même temps qu'une donnée universelle.
2.2.1-La culture comme une acquisition
La culture est une acquisition de la part de l'individu car,
à sa naissance, il est une tabula rasa c'est-à-dire une
table rase et acquière une culture par le biais de la socialisation.
Cette acquisition est le fruit de la socialisation entendue au sens de Guy
ROCHER comme étant le processus ou le mécanisme par lequel un
individu apprend tout au long de sa vie les éléments de sa socio
culture sous l'influence des agents de socialisations, les intègre dans
la structure de sa personnalité et par là s'adapte à
l'environnement social de son milieu d'appartenance ou de
référence.
Dans ce sens, après l'apprentissage de la culture se
pose le problème de l'intériorisation de cette dernière et
enfin celui de la reproduction afin de s'adapter au sein de l'environnement
dans lequel il est appelé à vivre. Parlant de l'acquisition de la
culture, Guy ROCHER observe
139Philippe COULANGEON,
Sociologie des pratiques culturelles, Paris La
Découverte, 2010 pp.3-4.
140Ferdinand CHINDJI-KOULEU, Op.
Cit
69
que : « rien de naturel n'est hérité
biologiquement ou génétiquement, rien de la culture n'est inscrit
à la naissance dans l'organisme biologique. L'acquisition de la culture
résulte des divers modes de mécanisme de l'apprentissage
».141La culture dévient dès lors cet
héritage que les gardiens de la tradition en occurrence (chef
traditionnel, roi, notables etc.) ont le devoir de protéger afin
d'assurer sa pérennisation.
2.2.2-La culture comme une donnée
universelle
La culture est universelle dans la mesure où on la
retrouve dans toutes les sociétés humaines. L'adjectif universel
que nous avons utilisé ici ne veut pas dire qu'il existe sur la
planète terre une culture unique qu'on devrait importer comme des
prêts à porter pour obliger les autres peuples à agir en
fonction de cette culture. Mais, le caractère universel de la culture
veut tout simplement dire que celle-ci est en dernier ressort, une «
acquisition sociale, car l'homme est un animal créateur de culture.
C'est dire que chaque peuple possède une culture qu'il cherche à
transmettre, par voie de communication à la postérité
».142 Elle est d'autant plus universelle dans la mesure
où, d'après Denys CUCHE, « l'Homme est essentiellement
un être de culture »143ce qui nous amène
dès lors à comprendre qu'il n'existe pas de peuple inculte dans
le monde comme l'avait prétendue la mission coloniale.
L'universalité de la culture ne signifie pas uniformisation des
façons de penser, d'agir et de sentir mais plutôt le fait qu'il
existe une mosaïque de culture dans le monde. Chaque culture a sa
spécificité, sa singularité et sa typicité au point
d'être un levier de changement social.
L'économiste camerounais Daniel ETOUNGA MANGUELLE
considère la culture issue du programme d'ajustement culturel comme un
élément fondamental du changement social qui culminera avec le
processus d'amélioration des conditions de vie de la population. Il
définit l'ajustement culturel comme étant « l'ardente
nécessité de changer les mentalités pour favoriser le
développement intégral et l'épanouissement de l'homme dans
son milieu naturel ».144Pour lui, la culture africaine
telle qu'elle est présentement, c'est-à dire une culture
où les mentalités sont les plus rétrogrades, constitue la
cause fondamentale de l'échec des projets et programmes de
développement car, pense-t-il, « les traits dominants de la
culture camerounaise, tels que décrits à la fin du règne
du Président Ahidjo, sont aujourd'hui, à la fois
141Guy ROCHER, Introduction
à la sociologie générale, (l'action sociale),
Montréal, édition HMH, 1968, p.113.
142Ferdinand CHINDJI-KOULEU, Op.cit. p.375
143Denys CUCHE, Op. Cit, p.5
144Daniel ETOUNGA MANGUELE,
Cameroun : une exception africaine ?, Yaoundé SHERPA, p.53.
70
plus renforcés et hélas, plus
rétrogrades ».145Concernant ce programme
d'ajustement culturel,
il opère une précision terminologique lorsqu'il
soutient :
Il ne s'agit à présent d'importer des
phraséologies toutes faites et de servir à la
sauce gombo, au rythme de cris et danses des groupes
d'animation. Mais il faut
au contraire aller au coeur de nos moeurs et coutumes, pour
extirper la gangue qui
empêche nos sociétés de se mouvoir vers
la modernité.146
Théodore MAYI-MATIP, dans le même sillage que Daniel
ETOUNGA MANGUELE,
pense que la tradition (culture) est le socle granitique du
développement. Pour que ce développement soit effectif,
pense-t-il, il doit intégrer trois éléments fondamentaux
à savoir l'enseignement et le recours aux langues (langues maternelles),
la collaboration entre l'élite gouvernante et les hommes issus des
cercles initiatiques et enfin les planificateurs du développement
doivent faire de la culture l'épicentre même du
développement. Se faisant plus clair, Théodore MAYI-MATIP nous
fait comprendre que le développement des sociétés
africaines s'articule autour de deux projets de société :
L'un propose le développement de l'Afrique par la
destruction plus ou moins subtile des traditions africaines, en favorisant la
disparition des langues africaines, l'importation des modèles culturels
de développement étrangers et la consommation exclusive par les
africains des produits culturels provenant d'autres civilisations [...]L'autre
projet, opposé au premier, assigne deux impératifs au
développement de l'Afrique moderne, à savoir, d'une part,
l'intégration du développement à l'environnement de
l'Afrique.147
A travers ces propos, Théodore MAYI-MATIP pense qu'un
développement qui n'est pas
soutenu par les réalités locales (culture) d'une
société donnée produit des individus
consommateurs et non des individus créatif voire
productif. Cependant, plusieurs approches ont
été développées autour de la
notion de culture.
3-Quelques approches de compréhension de la
culture en sociologie
Dans une logique de compréhension de la notion de
culture, Denys CUCHE distingue un certain nombre d'approche qui favorise un
meilleur décryptage de cette notion.
145Ibidem
146Daniel ETOUNGA
MANGUELLE, L'Afrique a-t-elle besoin d'un programme...Op Cit,
p.137.
147Théodore
MAYI-MATIP, « Le rôle de l'unité dans la
transmission des valeurs culturelles » in UNESCO, Tradition et
développement dans l'Afrique d'aujourd'hui, Paris PUF,
1990, p.104.
71
3.1-L'approche fonctionnaliste de la culture
Cette approche a pour figure marquante l'anthropologue anglais
Bronislaw MALINOWSKI (1884-1942). En s'opposant à la rédaction de
l'histoire des peuples sans écriture sous sa forme scripturaire,
Bronislaw MALINOWSKI pense qu'une meilleure connaissance des individus passe
fondamentalement par une immersion totale du chercheur dans la culture de la
population qu'il entend étudier. A ce sujet, Denys CUCHE, parlant de
Bronislaw MALINOWSKI, soutient qu' :
Il s'oppose à toute tentative d'écrire
l'histoire des cultures à tradition orale. Selon
lui, il faut s'en tenir à l'observation directe des
cultures dans leur état présent, sans chercher à remonter
à leurs origines, ce qui représente une démarche
illusoire, car non susceptible de preuve scientifique. Le grand mérite
de Malinowski aura toutefois été de démontrer qu'on ne
peut pas étudier une culture de l'extérieur, et encore moins
à distance.148
Plus de trois décennies plus tard, Georges BALANDIER
soutient également concernant
une meilleure compréhension des dynamiques sociales
d'une société que, les sociétés ne sont jamais ce
qu'elles paraissent être ou ce qu'elles prétendent être.
Elles s'expriment à deux niveau au moins ; l'un, superficiel,
présente les structures `'officielles», si l'on peut dire ; l'autre
profond, assure l'accès aux rapports réels les plus fondamentaux
et aux pratiques révélatrices de la dynamique du système
social. 149
3.2-L'approche structuraliste de la culture
Sous la houlette de Claude LEVI-STRAUSS, cette approche
considère la culture comme un tout regroupant plusieurs
éléments. Claude LEVI-STRAUSS note pertinemment que toute culture
peut être considérée comme un ensemble de système
symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles
matrimoniales, les rapports économiques, l'art, la science, la religion
etc. Tous ces systèmes visent à exprimer certains aspects de la
réalité physique et de la réalité sociale, et plus
encore, les relations que ces deux types de réalité entretiennent
entre eux et que les systèmes symboliques eux-mêmes entretiennent
les uns avec les autres.
D'après ce dernier, l'homme est un animal
essentiellement social c'est-à dire, qui de par sa nature, vit dans une
structure ou communauté sociale régit par une culture
structurée autour
148 Denys CUCHE, Op. Cit, p.36.
149Georges BALANDIER, Sens et
puissance (les dynamiques sociales), Paris, PUF, 1971, p.7.
72
des règles sociales, des règles sociales
communément admises par tous. Cette approche « se donne pour
tâche de retrouver ce qui est nécessaire à toute vie
sociale, c'est-à dire les universaux culturels, ou pour dire les choses
autrement, les '' a priori'' de toute société humaine
».150
3.3-L'approche interactionniste de la culture
Avec l'influence marquante d'Edward SAPIR, cette approche met
un accent sur la communication interindividuelle comme étant
structurée par la culture. D'après lui, la culture est un
élément qui concourt à la production des interactions au
sein d'une sphère sociale donnée. Ce dernier voit en la culture
« un ensemble de significations que se communiquent les individus d'un
groupe donné à travers ces interactions »151
, ce qui nous amène à comprendre que, d'après l'approche
interactionniste, la culture est le produit des interactions sociales entre les
individus.
Au regard de tout ce qui précède et après
l'analyse de la culture dès son origine en passant par sa
compréhension sous le prisme de la sociologie, nous nous attacherons au
point suivant à la notion de PC qui est l'élément
fondamental de notre travail.
4-De la notion de politique culturelle
Comme la notion de culture précédemment
analysée, la notion de PC est également à l'origine d'une
abondante littérature en science sociale en générale. Elle
fait également l'objet de controverse définitionnelle. Ainsi,
d'après l'Unesco, la PC est :
un ensemble de pratiques sociales, conscientes et
délibérées, d'intervention ou de
non-intervention ayant pour objet de satisfaire certains
besoins culturels par
l'emploi optimal de toutes les ressources
matérielles et humaines dont une société
donnée dispose au moment considéré.
152
François COLBERT pour sa part, observe que la PC est un
instrument utilisé par les pouvoirs publics pour valoriser et pour
protéger les traits distinctifs d'une société, donc ses
droits fondamentaux, ses systèmes de valeurs, ses traditions et ses
croyances. La PC, au regard de toutes ces définitions, vise non
seulement la promotion de la culture d'un Etat mais davantage la satisfaction
des besoins vitaux des individus vivant dans une communauté sociale
150Claude LEVI-STRAUSS, «
Introduction à l'oeuvre de Marcel Mauss », in Marcel
MAUSS, Sociologie et Anthropologie, Paris, PUF, 1950,
p.19.
151Denys CUCHE, Op. Cit, p.50.
152Unesco, « Réflexion
préalables.... Op. Cit, p.8.
73
donnée. Dans cette perspective, l'élaboration
d'une PC par un Etat est souvent porteuse d'une solution à un
problème que ce dernier entend résoudre. Il importe
également de souligner qu'il n'existe pas de PC standard dans le
monde.
A cet effet, chaque pays mieux encore chaque Etat
élabore sa PC en fonction de sa conception de la culture, son
système économique, de son idéologie politique ainsi que
son souci majeur qui consiste le plus souvent à promouvoir son
développement infrastructurel, économique, social, technologique
etc. C'est dans ce sens que, d'après Françoise BENHAMOU, la PC en
France oscille entre deux acceptions de la culture à savoir l'exception
française et l'exception culturelle. L'exception culturelle prend en
compte les biens et services culturels des autres pays. Grace à cette PC
nous dit l'auteure, la promotion de la culture française se fait par le
biais de trois grand canaux. A ce sujet, elle soutient que :
Le premier consiste en la reconnaissance du contenu en
création via le droit des auteurs(...) le deuxième reconnait les
externalités positives de la production culturelle(...).Parmi ces
externalités, on peut concevoir le soutien de la création comme
un soutien à la constitution d'un patrimoine pour les
générations futures. Le troisième repose sur
l'hypothèse que la diversité des structures est une condition
nécessaire (mais non suffisante) à la diversité des
produits.153
Dans la même dynamique, Jacques RENARD nous fait comprendre
que la PC de la
république française a une fonction
intégrative dans la mesure où, elle contribue à
l'intégration des artistes étrangers dans la métropole
française. A ce sujet, il observe que :
Alors que surgit la tentation d'un repli sur le pré
carré national, la politique culturelle de l'Etat, tout à fait
relayée par les choix artistiques de nombreux responsables
d'institutions culturelles, a été et demeure celle du dialogue
des cultures, de l'accueil des artistes étrangers, de la
découverte du patrimoine et des formes artistiques venues
d'ailleurs.154
La PC contribue non seulement à promouvoir la culture d'un
Etat en particulier, mais
davantage contribue à la conservation du patrimoine qui
fonde l'identité et cimente la mémoire collective d'un Etat.
C'est dans ce sens que Jacques RENARD souligne que les monuments peuvent donc
devenir non plus des lieux figés mais davantage des lieux de
médiation entre le passé et le futur d'un peuple. Pour sortir la
culture de l'ornière d'après l'auteur, le besoin de relance de la
PC s'impose. Dans ce contexte, observe l'auteur, la relance de la PC passe par
une
153Françoise
BENHAMOU, « La politique culturelle française entre
exception et diversité », in Problèmes politiques et
sociaux, De l'exception à la diversité culturelle,
No 904, septembre 2004, p.85.
154Jacques
RENARD, Un pavé dans la culture. L'urgence d'un nouveau
souffle de la politique culturelle-la controverse de MONUM, Paris
L'Harmattan, 2003, p.145.
74
attitude beaucoup plus imaginative à l'égard des
formes contemporaines de la création et de leurs liens avec les
problèmes sociaux et humains, par la redéfinition des relations
entre l'administration et les ICs, par le développement de synergies
entre les secteurs publics et privés ce qui n'implique en aucune
façon de renoncer à l'ambition du service public-enfin par
l'européanisation résolue et assumée de certains pans de
l'action publique.
Dans le souci de promouvoir le tourisme culturel en France,
Jean François GRUNFELD nous fait comprendre que plusieurs acteurs sont
mobilisés pour la promotion de ce tourisme en occurrence les acteurs
institutionnels, les collectivités territoriales. Concernant ces
collectivités territoriales, l'auteur mentionne que :
La décentralisation a donnée aux
collectivités territoriales un grand pouvoir en matière de
dépenses culturelles [...] Les politiques culturelles des
collectivités territoriales se fondent sans exception sur la mise en
oeuvre d'un inventaire, sur la volonté de mettre en valeur le patrimoine
comme élément de coalescence sociale, comme facteur
d'intégration et de création d'emploi.155
Comme toute politique, la politique culturelle suit tout un
processus de préparation et vise un certain nombre d'objectifs qu'il
importe d'énumérer.
4.1-Le processus d'élaboration d'une politique
culturelle
La PC est le fruit d'un processus qui intègre plusieurs
éléments. C'est ainsi que cinq étapes concourent à
l'élaboration d'une PC d'après François
COLBERT156 à savoir :
? la première étape, nous dit-il, est celle de la
demande du gouvernement voire celle de la
détermination d'un problème qui peut être
faite soit par le gouvernement lui-même, soit par une autre entité
voire une personne ou groupe de personne ;
? la deuxième étape est celle de la formulation
d'une solution suite au problème identifié
où le gouvernement, après avoir été
saisi du problème, élabore ensuite des solutions afin de
solutionner ledit problème ;
? la troisième étape est celle de
l'enclenchement du processus de prise de décision
corolairement aux débats qui ont eu cours au sein de
l'appareil du gouvernement ; ? la quatrième étape repose sur la
mise en place de la politique adoptée par le
gouvernement encadré par des normes ;
155Jean François GRUNFELD,
Tourisme culturel : acteurs et actions, Paris Les chroniques de
L'AFAA, 1999, p.11.
156François COLBERT, Les
éléments de la politique culturelle,
http://www.gestiondesarts.com/media/wysiwyg/documents/Colbert_Politiquesculturelles.pdf,
consulté le 15 aout 2017 à 23h13
75
v' la dernière étape renvoie
à l'étude des impacts de la politique adoptée sur la
résolution du
problème afin de la réajuster si jamais cela
s'avère nécessaire. Ainsi, comme toute politique, la PC repose
sur des objectifs.
4.2-Les objectifs d'une politique culturelle
Lors de la conférence de Stockholm de 1998 sur les PC
organisée sous l'égide de la Commission Mondiale pour la Culture
et le Développement, l'UNESCO, à travers cette conférence,
avait pour souci majeur de montrer aux Etats participants la corrélation
consubstantielle existante entre les PC et les politiques de
développement. Concernant le rapport final de ce symposium, l'UNESCO
retient cinq objectifs qui doivent structurés toute PC. Comme objectifs,
nous avons :
> faire de la PC une des composantes
essentielles de la stratégie de développement ; >
promouvoir la créativité et la participation à la
vie culturelle ;
> renforcer les politiques et les pratiques
visant à promouvoir les ICs, mais aussi à protéger et
à valoriser le patrimoine matériel et immatériel ;
> promouvoir la diversité culturelle
et linguistique par et pour la société de l'information ;
> soutenir le développement culturel en fournissant
davantage de ressources humaines et Matérielles
nécessaires.157
En France par exemple, l'objectif de la politique culturelle
de ce pays prescrit d'après Pierre MOULINIER que : « pas de
création et de protection du patrimoine sans diffusion de leurs
productions ; pas de patrimoine sans création ».158
Il s'agit plus subtilement d'après l'auteur de promouvoir et de
valoriser par le biais de la PC française, des identités
culturelles françaises afin de favoriser sa transmission aux
générations futures dans l'optique d'assurer sa
pérennité à travers l'enrichissement et la valorisation du
patrimoine, l'aide à la création culturelle etc.
Après l'énumération des différents
objectifs que vise une PC, il importe maintenant pour nous
d'énumérer les différents modèles de PC.
157UNESCO, Rapport final sur la
conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles pour le
développement, Stockholm, Unesco, 1998, p.15.
158 Pierre MOULINIER, Op. Cit, p.17.
76
4.3-Les modèles de politique culturelle
Lorsqu'on parle le plus souvent de PC, trois modèles
sont généralement mises en exergue à savoir le
modèle français et le modèle anglo-saxon avec des
spécificités différentes d'après François
COLBERT.
? Le premier modèle est appelé le modèle
français ou le modèle de l'Etat architecte qui est centré
sur l'extrême interventionnisme de l'Etat à travers l'allocation
des budgets ce qui confère à l'Etat le rôle central dans la
gestion, la protection et la préservation du patrimoine culturel.
? Le modèle britannique ou anglo-saxon ou le
modèle de l'Etat mécène, avec la création en 1940
du Council for the Encouragement of Music and Arts, a pour mission
première de financer le travail des artistes afin qu'ils divertissent
les masses populaires. Parallèlement au modèle français,
le modèle anglo-saxon a mis un accent sur la démocratisation
culturelle au point où le secteur privé constitue le principal
financeur du secteur culturel par l'entremise d'un système appelé
Arts Challenge Grants (subvention des projets artistiques).
? Le dernier modèle est le modèle
américain ou le modèle de l'Etat facilitateur qui met un accent
sur l'encouragement des productions artistiques. D'après ce
modèle, l'Etat joue le rôle de facilitateur afin de permettre aux
acteurs du secteur privé d'investir dans le secteur culturel. Les
investissements des pouvoirs publics dans le secteur des industries culturelles
sont minimes car le financement du secteur culturel est davantage l'oeuvre du
secteur privé. Voilà de manière succincte les
différents modèles de politique culturelle. Les modèles de
PC comme toute politique sont centrés sur des missions
précises.
4.4-Les missions d'une politique culturelle
4.4.1-La politique culturelle comme stratégie
d'assimilation des peuples
La réflexion matérialisée ici vise à
montrer comment la PC a servi d'instrument d'assimilation des individus par
certains Etats du monde à une certaine période de l'histoire.
L'Etat français au XIXe a expérimenté une PC donc
l'ambition s'articulait autour de l'assimilation des étrangers. Denys
CUCHE observe pertinemment à ce sujet que : L'Etat-nation
français, confronté dans le dernier tiers du XIXe siècle
au développement rapide de l'immigration étrangère,
adoptait une politique culturelle
77
résolument assimilationniste de ces populations,
conformément au modèle centraliste qui avait déjà
produit ses effets sur les cultures régionales du
pays.159
Dans la même dynamique, le sénégalais Papa
Ibrahima SECK nous fait savoir que, la
stratégie culturelle de la France en Afrique lors de la
colonisation, consistait à imposer son modèle d'école
laïque pour mieux assimiler ces derniers car ce modèle rendrait la
canalisation et l'assimilation des africains facile à la
métropole. Il analyse cette politique d'assimilation sur deux aspects
:
Le premier aspect est d'ordre spatio-économique :
en fait, dès lors qu'un pays est conquis, il est réputé
illico presto territoire colonial français [...] le second aspect de ce
paradoxe est d'ordre politico-culturel : en fait, les indigènes du pays
conquis ou occupé, devenu territoire français, ne sont
d'emblée reconnus Français car le statut de citoyen
français ainsi que la culture française sont
considérés par le colonisateur comme une dignité qu'il
faut mériter(...)160
4.4.2-La politique culturelle comme stratégie de
consolidation de l'unité nationale
Certains Etats du monde sont le plus souvent confrontés
aux problèmes de vivre ensemble ce qui a souvent pour corolaire les
affrontements inter ethnique. Face à ce problème, certains pays
se servent de leur culture pour pallier à ces préoccupations.
C'est dans ce sens qu'à travers la culture, le feu président
Ahmadou AHIDJO, avait fait de la culture le socle, le ciment de l'unité
nationale. Lors de son discours d'ouverture à la première session
du Conseil de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique
et technique du Conseil national des affaires culturelles ténue à
Yaoundé du 18 au 22 décembre 1974, il considérait que la
culture est :
Un moyen essentiel de cimentation et de consolidation de
l'unité nationale et comme instrument de développement et de
progrès. Elle doit aussi vous conduire à souligner, en
dernière analyse, son impact décisif dans l'affirmation de la
personnalité nationale, car la culture est, pour ainsi dire, la carte
d'identité d'une nation.161
A travers ce discours du premier président de la
République du Cameroun, il apparait clairement qu'à travers la
PC, l'unité nationale d'un Etat peut être consolidée voire
cimentée.
159Denys CUCHE, Op.
Cit, p.26.
160Papa Ibrahima
SECK, La stratégie culturelle de la France en Afrique,
Paris L'Harmattan, 1993, pp 51-52. 161J.C
BAHOKEN et Engelbert ATANGANA, Politique culturelle de la
...Op. Cit, p.25.
78
Dans sa conception de la PC de la république du
Cameroun à venir, le président Paul BIYA pense que celle-ci doit
s'articuler autour de trois volets à savoir : le volet moral
qui consistera à former les camerounais autour des valeurs de paix
et de cohésion sociale ; le volet académique de cette PC
qui visera non plus à s'arrêter au diplôme pour exiger un
emploi mais à se servir de ce diplôme pour créer les
richesses ; le volet civique de la PC entend mettre un accent
particulier sur l'instruction des camerounais sur leurs droits et sur leurs
libertés ; le volet politique de cette PC visera à la
formation du peuple camerounais à la maitrise et à la
connaissance des idéologies qui divisent les hommes en particulier et le
monde en général ; le volet esthétique de cette
PC enfin, aura à coeur de vanter le patrimoine culturel camerounais dans
un contexte de mondialisation. Tous ces volets constitueront la thèse de
la politique culturelle qu'il développe dans son ouvrage. Concernant sa
thèse en matière de la PC, il nous fait comprendre que :
La thèse centrale de la nouvelle politique
culturelle qui est exposé ici se résume par le concept de
spiritualisme culturel, qu'il faut distinguer de l'idéalisme culturel
[...] Notre projet est donc de passer d'une culture inconsciemment vécue
à une culture librement pensée. Ma conviction est qu'une
politique culturelle, courageuse et conséquente, est le levier de cette
culture politique fructueuse que j'entends promouvoir pour asseoir la
démocratie camerounaise.162
4.4.3-La politique culturelle comme stratégie de
valorisation de la culture
Au regard des problèmes rencontrés dans le
domaine de la culture, la PC se présente comme un palliatif. Son
adoption vise fondamentalement la protection, la valorisation et la promotion
du patrimoine artistique et culturelle d'un pays. Comme nous le verrons plus
loin, la PC est un élément fondamental dans la contribution du
secteur culturel à l'émergence voire au développement d'un
pays. L'absence voire la faiblesse de celle-ci est un élément
fondamental dans l'explication des problèmes qui plombent
l'éclosion de ce secteur. En effet, Malick NDIAYE, parlant des
musées d'Afrique, observe pertinemment que:
La faiblesse des politiques culturelles aux plans
national, régional et continental a eu des conséquences
néfastes sur l'institution muséale et face à ce
désengagement de l'Etat, des initiatives privées performantes ont
vu le jour. Elles renforcent une
162 Paul BIYA, Pour le libéralisme
....Op. Cit, pp113-114.
certaine intégrité sociale et esthétique
et jouent le rôle de catalyseur d?un espace investi par les
activités artistiques et déserté par les politiques
culturelles.163
De manière synthétique, ce chapitre nous a
permis de voir que la PC découle d'une culture que les pouvoirs publics
veulent promouvoir et valorisée. Cependant, cette notion de PC n'a
été évoquée que de façon brève
ci-dessus car elle sera davantage approfondie dans la deuxième partie de
notre travail à travers son apport dans l'émergence des
nations.
79
163Malick NDIAYE
« Les musées en Afrique, l'Afrique au musée :
quelles nouvelles perspectives » in Africultures numéro
70, Réinventer les musées, Paris L'harmattan,
mai-juin-juillet 2007, p.15.
DEUXIEME PARTIE : L'EMERGENCE PAR LA CULTURE :
L'URGENCE D'UN REAJUSTEMENT DU PROJET D'EMERGENCE DU CAMEROUN
80
81
Dans le cadre de cette partie de notre travail, il est
question dès l'entame (chapitre troisième), de faire ressortir le
lien consubstantiel qui existe entre la culture à travers la PC et
l'émergence des nations sur le plan socio-économique. Il est
également question pour nous dans le chapitre quatrième de passer
en revue les différentes politiques publiques en matière de
développement implémentées au Cameroun depuis
l'avènement des indépendances afin de montrer qu'il existe des
politiques publiques en matière de développement au Cameroun qui
ont toute la spécificité que la culture n'est pas suffisamment
prise en compte.
Il sera également question pour nous de montrer que
malgré le peu d'intérêt encore accordé à la
culture dans ces différents politiques publiques, il existe une culture
donc les festivals patrimoniaux et le dynamisme des artistes musiciens en sont
le baromètre. Enfin, il sera également question pour nous, au
regard des données issues du terrain, de montrer l'impérieuse
nécessité d'un réajustement du projet d'émergence
du Cameroun afin d'intégrer la PC comme étant une niche pouvant
conduire à l'émergence.
CHAPITRE 3 : POLITIQUE CULTURELLE ET EMERGENCE DES
NATIONS
« (...) car si les fluctuations des cours du coltan
et du diamant du Sud sont tributaires des émotions du Nord, la culture
en tant que bien économique n?est jamais assujettie à la loi de
la dévaluation ».164
82
164Léon TSAMBA
BULU, « Épure d'un développement de l'industrie du
disque congolaise par le mécénat privé » in Revue
africaine des médias, volume 13, numéro 2, 2005, pp.
36-67
83
Le travail qui est le nôtre dans le cadre de ce chapitre
consiste à présenter l'apport de la culture à
l'émergence des nations. Un accent particulier est mis sur les ICs comme
étant l'un des piliers importants de l'émergence dans un contexte
marqué non seulement par la baisse considérable des prix des
matières premières, mais également par la baisse drastique
du baril de pétrole etc. L'utilisation du concept émergence dans
ce chapitre s'inscrira dans la même dynamique que le concept
développement dans la mesure où, le développement est la
téléologie de tout processus d'émergence. Autrement dit,
le développement est la finalité de tout processus
d'émergence.
L'émergence, comme nous l'avons
précédemment vu dans la théorie de développement de
Rostow WALT WHITMAN, renvoie à la notion de décollage
dans les cinq étapes (notamment la société
traditionnelle, l'émergence des pré-conditions du
décollage, le décollage, la marche vers la maturité et
l'ère de la consommation de masse) par lesquelles passe tous les pays
pour atteindre le développement. L'interface entre la PC et
l'émergence des sociétés dans ce chapitre nous permettra
de comprendre comment à travers un ensemble de mesures et de
stratégies adoptées par les pouvoirs publics, la culture a
été un pilier important de l'émergence de ces pays.
D'après la conférence intergouvernementale sur
la PC pour le développement tenue à Stockholm du 30 mars au 02
avril 1998, la culture était perçue par tous les participants
comme l'élément central du développement. C'est dans ce
sens que l'objectif premier de cette conférence visait à
« faire de la politique culturelle l'un des éléments
clés de la stratégie de développement
».165La contribution de la culture à
l'émergence tant économique que sociale de certains pays est
importante comme nous le verrons plus bas.
La culture, de par sa contribution au PIB et les emplois
qu'elle génère, est devenue un élément important
dans le processus de développement des nations. En d'autre termes, Henri
TEDONGMO TEKO nous renseigne à suffire « que ce soit au niveau
du Produit intérieur brut (FIB) ou au niveau de l'emploi, la
contribution des secteurs culturels reste assez importante dans plusieurs pays
».166L'ancien président sénégalais
Léopold SEDAR SENGHOR à l'aurore des années 70 lors d'un
colloque sur la culture et le développement à Dakar, nous faisait
déjà observés que la culture, c'est-à dire l'homme,
était au commencement et à la fin du développement
c'est-à dire, la culture était non seulement un tremplin
idéal et incontournable
165 La conférence de Stockholm 30 March-2
April 1998. Plan d'action sur les politiques culturelles pour le
développement.
166Henri TEDONGMO
TEKO, Réussir l'entrepreneuriat culturel... p.29.
84
du développement, mais davantage le moule de tout
processus qui concoure à l'amélioration des conditions de vie des
individus.
Dans cette perspective, la culture n'est plus seulement
perçue comme un élément qui se transmet de
génération en génération, mais davantage comme un
élément qui peut être porté sur le marché
afin de rentabiliser l'économie d'un pays, c'est-à dire un
capital. Elle est un élément instigateur de l'émergence
d'une société au regard de son apport sur le plan
économico-social. Elle concoure à la croissance d'un Etat comme
les autres secteurs qui concourent à la croissance. La contribution de
la culture à l'émergence économique des nations s'adosse
sur ce que les allemands Theodor ADORNO et son congénère Max
HOKHEIMER, appellent les ICs.
1- La notion d'industries culturelles
Concept forgé au lendemain de la deuxième
conflagration mondiale, kultureindustrie en allemand qui est issue de
l'association de deux concepts à savoir culture et industrie, la notion
des ICs a été employée pour la première fois par
Max HOKHEIMER et Theodor ADORNO dans la préface de leur ouvrage
intitulé la dialectique de la raison. Ces derniers sont
davantage connus dans le champ sociologique comme faisant partie des fondateurs
de l'école de Francfort qui est à l'origine de la vision critique
de la sociologie. D'après ces derniers, l'utilisation du concept d'ICs
avait au départ une connotation péjorative car elle était
utilisée pour dénoncer l'emprise de la culture par le capitalisme
à cette époque-là. Concept englobant, le concept des ICs
nécessite une clarification conceptuelle afin de mieux cerner son sens
et sa puissance.
La notion d'ICs est diversement définie en science en
général. D'après le guide pour le développement des
ICs et créatives, les ICs renvoient à :
l'ensemble en constante évolution des
activités de production et d'échanges
culturels soumises aux règles de la
marchandisation, où les techniques de production industrielle sont plus
ou moins développées, mais où le travail s'organise de
plus en plus sur la production et la commercialisation des biens et des
services dont le mode capitaliste d'une double séparation entre le
producteur et son produit, entre les taches de création et
d'exécution.167
Dans un rapport d'étude établi pour le compte de
l'agence intergouvernementale de la
Francophonie et du Haut conseil de la Francophonie, Francisco
d'ALMEIDA et Marie LISE ALLEMAN, reprenant MIEGE, conçoivent les ICs
comme étant caractérisées principalement par la
reproductibilité de l'oeuvre originale produite, traitée et
transmise au moyen de
167Unesco,
Politiques pour la créativité : guide pour le
développement des industries culturelles, Paris, Unesco, 2012,
p.15.
85
technologies, par la part importante de la création et
par le non salariat des créateurs. Les ICs sont des industries qui
d'après Fabrice TTHURIOT, touchent à la fois la création,
la production, la promotion voire la commercialisation de contenus
créatifs de nature culturelle et immatérielle
généralement protégées par les droits d'auteurs.
Les ICs se définissent également par rapport aux
industries créatives qui renvoie aux activités ayant trait
à la création et qui relève davantage des droits d'auteurs
voire de la propriété littéraire et artistique. Ce sont
des secteurs généralement protégés par les droits
d'auteurs et des droits voisins donc les ayants droits voire les titulaires de
droit bénéficient des retombées de ces droits.
La culture sous le prisme des ICs, est axée sur une
perspective davantage économique donc les piliers sont la production, la
réduction du chômage à travers la création d'emploi,
les revenus qu'engendrent ces derniers ainsi que la croissance. L'apport de la
culture au développement de certains pays est important au regard des
externalités des ICs à travers le processus d'industrialisation
de la culture comme nous le verrons plus tard.
Depuis la fin de la deuxième conflagration mondiale,
l'on observe le phénomène d'industrialisation de la culture.
Cette industrialisation a occasionnée l'apparition de certaines notions
qui vont alimenter les conversations sociales et les productions scientifiques
comme les notions des industries créatives, d'ICs etc. C'est dans ce
sens que Philippe CHANTEPIE et Alain LE DIBERDER déclarent que : «
les industries culturelles connaissent au début du XXIe
siècle une mutation sans précédent de leur environnement
».168 L'émergence de cette série de notion
va amener Meriem MEHADJI à observer que : « les industries
créatives, les industries culturelles ou encore les industries du
copyright sont devenues des expressions courantes dans le jargon
économique désignant d'une manière
différenciée une industrialisation basée sur la
créativité et l'innovation ».169
Dans un contexte marqué par la raréfaction des
matières premières qui constituaient naguère les
éléments fondamentaux pour le développement des Etats, les
ICs constituent aujourd'hui les leviers importants dans la croissance des
nations. Angélique GACIYUBWENGE observe à ce sujet que :
« les industries culturelles en Afrique constituent une piste à
explorer en tant que vecteur de développement, aussi bien
économique que
168 Philippe CHANTEPIE et Alain LE
DIBERDER, Révolution numérique et industries
culturelles, Paris La Découverte, 2005, p.108.
169Meriem MEHADJI,
« Les politiques culturelles et le processus de
développement dans le monde Arabe : analyse d'une série
d'indicateurs », Thèse de doctorat de sciences politiques,
Université Paris, Descartes, octobre 2014.
86
social ».170La contribution des ICs
au PIB de certains pays dans le monde est importante car les
répercussions économiques de ses dernières sont
considérables comme nous le verrons plus tard.
Dans la littérature anglo-saxonne, la notion d'ICs est
substituée à la notion d'industrie créative qui a vu le
jour au Royaume-Uni dans les années 1990. C'est dans cette dynamique que
naitra le concept d'économie créative en 2001 dans
l'ouvrage de John HOWKINS intitulé The Creative economy : how prople
make money from ideas. Ainsi, les notions d'industries créatives et
d'ICs dans cette étude vont s'inscrire dans une même dynamique.
Dans le cadre de cette section de notre recherche, faut-il le
rappeler, l'objectif est celui de montrer l'apport de la culture via la PC
à l'émergence des sociétés sur le plan
économique et social. Nous nous basons sur un certain nombre de rapport
d'étude réalisée sous la houlette de l'Organisation
Internationale de la Francophonie, de l'Unesco, ainsi que les données
issues des entretiens avec notre unité d'observation etc. Toutefois, le
secteur des ICs englobe plusieurs filières qu'il nous parait important
d'énumérer.
2-Les filières des industries culturelles
La notion d'ICs englobe plusieurs filières de la
culture notamment la littérature, la musique, l'audiovisuel, l'industrie
de l'édition imprimée, la presse, le patrimoine, le
multimédia, les médias, les arts du spectacle, la production
cinématographique et depuis un certain temps les jeux vidéo.
Philippe CHANTEPIE et Alain LE DIBERDER nous renseigne à ce sujet que
ces filières font partie de la mutation technologique qui se «
caractérise d?abord par de nouveaux rapports entre les industries de
contenus, industries culturelles et médias, et les industries techniques
».171 Les ICs font parties des filières des
industries créatives c'est-à-dire les nouvelles filières
pouvant conduire à la croissance, pouvant accélérer la
croissance. Pour parler des industries culturelles, cela nécessite
préalablement l'existence d'une orientation claire que les pouvoirs
publics donnent à la culture. Cette orientation est plus connue sous le
vocable de PC. Il existe à cet effet par un lien consubstantiel entre la
PC et les ICs.
170Angélique
GACIYUBWENGE, « L'apport des industries culturelles africaines
dans le développement et l'intégration régionale en
Afrique centrale » in Culture, intégration et
développement, Organisation internationale de la Francophonie,
mars 2014, p.31.
171 Philippe CHANTEPIE et Alain LE
DIBERDER, Op.cit., p.3.
87
3- La politique culturelle: facteur
conséquentiel des industries culturelles
L'interface établie entre la PC et les ICs n'est pas un
lien fortuit. Cette interface est davantage une interface de dépendance
dans la mesure où, les ICs sont l'émanation de la PC dans un pays
donné. Elles constituent un élément important pour
l'éclosion des ICs dans un pays donné. Elle établit le
cadre institutionnel favorisant l'éclosion, l'implantation et le
développement des ICs. Il existe donc une certaine
indissociabilité entre la PC et les ICs au point où, il ne serait
pas excessif de dire que la PC constitue une propédeutique pour
l'éclosion des ICs. Cette dernière organise les ICs comme nous le
verrons dans les lignes qui suivent.
En Egypte par exemple, la PC en matière de
cinéma est extrêmement protectionniste. D'après son code de
l'industrie cinématographique, le nombre de films étrangers
destinés à la diffusion dans les salles de cinéma est
contrôlé et les acteurs regroupés en corporation exigent
aux producteurs locaux ou expatriés le recrutement exclusif des acteurs
nationaux. En Tunisie également, l'industrie cinématographique
est régie depuis 1960 par une législation à laquelle tous
les acteurs sont assujettis. Le gouvernement tunisien a mis en place à
travers le code de l'industrie cinématographique un fond destiné
au soutien de l'industrie cinématographique par les pouvoirs publics via
les subventions octroyées aux cinéastes par
l'Etat.172
La PC constitue donc de ce point de vue une stratégie
mise sur pied par les gouvernements pour valoriser son potentiel culturel et
artistique afin d'assurer un mieux-être social à leurs
populations. C'est elle qui favorise un meilleur enracinement et une meilleure
structuration des ICs. Sans une PC clairement pensée, point d'ICs. Elle
dynamise à cet effet les ICs car elles sont corrélées
à la PC afin d'exploités les retombées issues des
industries qui doivent également s'inscrire dans une dynamique
d'émergence des pays où ses industries sont implantées.
Dans un rapport d'étude sur les ICs des pays du sud,
Francisco D'ALMEIDA et Marie LISE ALLEMAN nous font comprendre que la PC
constitue une condition sine qua non de développement des
industries culturelles dans la mesure où, les pays qui
bénéficient des retombées économiques des ICs par
exemple, sont les pays qui ont mis en oeuvre des politiques publiques pour
soutenir et promouvoir le développement de leurs ICs. La PC
d'après ces derniers, constituent des politiques publiques de soutien
des entreprises par les pouvoirs publics afin de favoriser l'éclosion de
ces industries.
A travers la PC sud-africaine par exemple, le gouvernement a
mis sur pied depuis 1997 la CIGS (Cultural Industries Growth Strategy)
qui est une politique globale devant permettre la
172République
Tunisienne, code de l?industrie cinématographique,
Imprimerie Officielle de la République Tunisienne, 2010
88
croissance des ICs. C'est dans ce sens qu'ils diront que :
« le cas de la croissance des industries sud-africaines de la musique
et du film montre que leur développement et leur impact
économique dépendent directement des politiques publiques de
soutien ».173 Nous avons conçu la PC dès
l'entame de notre travail comme étant l'ensemble des orientations prises
ainsi que les stratégies adoptées par les pouvoirs publics d'un
pays voire d'un Etat en vue de soutenir, protéger voire promouvoir la
culture de cet Etat. La PC se fonde sur les stratégies concourant
à la création, la production, la distribution qui passe par la
commercialisation des produits culturels c'est-à dire des produits issus
de la culture.
A la question de savoir quel peut être l'apport de la
culture à l'émergence de l'Afrique aujourd'hui, voici ce que
l'artiste musicien sénégalais Youssou N'DOUR confie à
Christian MALARD et Florence KLEIN-BOURDON lors d'une interview :
Elle peut tout apporter. Je considère qu'à
part quelques pays qui ont du pétrole et du diamant, pour le reste, le
pétrole c'est la culture. Si on la valorise, cela peut apporter
énormément de devises, de respect et de rayonnement. Le
problème aujourd'hui, c'est sa valorisation. On a une culture assez
riche, diverse, énorme et inexploitée : si elle est
valorisée, elle peut apporter énormément à
l'Afrique, économiquement.174
Dans un contexte économique morose marqué par la
baisse drastique du prix de pétrole,
des matières premières qui se raréfient,
des matières premières, la culture constitue de ce point de vue
une ressource importante que les pays comme le Nigéria ont su
mobilisés pour booster leur croissance afin d'accélérer
leur croissance. La valorisation de la culture afin qu'elle contribue au
développement passe par l'élaboration d'une PC clairement
pensée afin de favoriser l'éclosion des ICs.
D'après Elvys Camille LEKOUEDE, pour que les ICs des
Etats de la CEEAC contribuent au PIB de ces pays, les Etats membres de cette
organisation doivent mettre plusieurs mesures en oeuvre. Parmi ces mesures,
nous dit-il, « il y a la création d'un marché culturel
national et régional mais aussi la création d'écoles ou
d'instituts de formation dans les métiers de la culture ».
175Les centres et les écoles à caractère
culturel qui sont l'émanation de
173 Francisco D'ALMEIDA et Marie LISE
ALLEMAN, les industries culturelles des pays du sud : enjeux du
projet de convention internationale sur la diversité culturelle,
Organisation internationale de la francophonie, aout 2004, p.13.
174Christian MALARD et
Florence KLEIN-BOURDON, L'émergence de l'Afrique :
regards croisés de Paul BIYA, Abdoulaye BIO TCHANE, Youssou N'DOUR,
Paris, édition Le cherche midi, 2010, p.140.
175Elvys Camille LEKOUEDE, «
Les politiques culturelles et les stratégies nationales de
réduction de la pauvreté » in Culture,
intégration et développement, Organisation
internationale de la Francophonie, mars 2014, p.66.
89
90
91
la PC vont contribués d'après l'auteur à
la valorisation, la protection et à la diffusion des produits culturels
de cet Etat. La PC contribue ainsi à la promotion des métiers
d'artistes, de guide touristique etc. d'une part, mais également
à la vulgarisation des métiers culturels qui sont
nécessaire à l'industrialisation du secteur culturel dans un pays
d'autre part. Dès lors qu'un Etat a adopté une PC clairement
pensée, efficace et efficiente, cette dernière devient de fait un
levier important pour l'émergence tant sur le plan économique que
social de cet Etat comme nous le verrons dans la section suivante.
4-Politique culturelle et émergence des
nations
Depuis une quinzaine d'année, l'Unesco s'attache
à démontrer le rôle de la culture via la PC en tant qu'un
vecteur de développement économique et social des
sociétés à ces Etats membres. Cette organisation a mis sur
pied des initiatives afin d'intégrer la culture dans l'agenda
international du développement notamment en 2010 lors du sommet mondial
sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement. L'Unesco
démontre de manière irréfutable l'apport de la culture au
développement économique et social et humain des
sociétés. Cette institution vise à montrer à ces
Etats membres le bien-fondé de la contribution de la culture afin de
favoriser l'élaboration des politiques publiques en matière de la
culture dans le souci d'oeuvrer pour le développement de filières
d'ICs et créatives. C'est ainsi que, comme le souligne fort pertinemment
Suzanne ALMEIDA-KLEIN, le développement qui est la finalité de
tout processus d'émergence, « s?attache au progrès
économique, social et humain »176des individus.
4.1-Sur le plan économique
Toutes les initiatives prisent par les pouvoirs publics ont
pour finalité l'amélioration substantielle des conditions de vie
de leurs compatriotes. Dès lors, pour atteindre cette finalité,
plusieurs initiatives ainsi que plusieurs secteurs sont mis à
contribution. C'est dans ce sens que les pays comme le Nigéria, la
France, les Etats unies ; grâce aux politiques publiques clairement
pensées en matière de leur culture, se sont appuyés sur
leurs cultures pour accroitre leurs PI3.
Dans ces pays, la contribution de la culture au PI3 est
considérable. Elle contribue à la croissance économique et
à la production des richesses. Parlant de l'apport de la culture
à
176Suzanne
ALMEIDA-KLEIN, La dimension culturelle du développement.
Vers une approche pratique, Paris, Unesco, 1994, p.126.
l'économie de certains pays de l'Afrique de l'ouest, le
journal intégration de Thierry NDONG,
dans un article publié sur son site internet nous
faisait comprendre que :
Les expériences d'autres pays en Afrique
subsaharienne montrent que la culture peut faire beaucoup mieux en termes de
contribution à la création des richesses. Un an avant, la valeur
ajoutée dégagée par les filières culturelles au
Burkina Faso par exemple, était estimée à environ 80
milliards FCFA soit 2,02% du PIB avec plus de 160 mille emplois directs (soit
1,78% des actifs occupés) selon les autorités du pays. En 2013,
année où le Nigéria est devenu la première
puissance économique d'Afrique, l'industrie du divertissement
(«Nollywood» notamment) pesait de 8,7 % du PIB selon un
communiqué officiel de l'administration
fédérale.177
Dans l'optique de montrer le lien existant entre la culture et
le développement des
nations, Maurice Sévérin EDOA BIKOULA dans une
étude portant sur la culture et l'intégration comme moteurs
du développement, nous fait observé que la culture a des
répercussions économiques sur le développement d'un pays.
Ces répercussions, d'après l'auteur, peuvent être
analysées sur deux pôles à savoir sa participation à
l'augmentation du taux de croissance du PIB et de la valeur ajoutée
brute et à la création d'emploi. Se faisant plus clair, il
soutient que :
La participation de la culture à l'augmentation du
taux de croissance du produit intérieur brut et de la valeur
ajoutée brute et même à la création d'emplois se
fait de manière indirecte en ce sens que la culture agit par effet
d'entrainement en se répercutant sur des secteurs non culturels. Ceci se
réalise par le tourisme, par exemple.178
Les ICs sont pourvoyeuses d'emploi dans la mesure où, nous
dit l'auteur, elles
engendrent les emplois liés aux travaux de
réhabilitation voire d'entretien du patrimoine culturel et touristique
d'un pays. Dans le Rapport sur l'économie créative de
2013, il ressort que la culture et la créativité sont
reconnues pour la valeur économique générée par les
industries culturelles et créatives en termes de création
d'emplois, ainsi que pour la manière dont elles stimulent
l'émergence de nouvelles idées ou technologies créatives.
Henri TEDONGMO TEKO, dans une analyse sur l'apport du secteur culturel à
la croissance économique des Etats, fait le constat suivant lequel la
culture est un immense réservoir dont
177www.journalintegration.com
/index.php/panorama/item/394.culture-le-combat-fratricide -de-mouelle-kombi
consulté le 25février 2016 à 21h45
178 Maurice Sévérin EDOA
BIKOULA, « Culture et intégration comme moteur de
développement » in Culture, intégration et
développement, Paris, Organisation internationale de la
Francophonie, 2014, p.18.
l'exploitation contribue efficacement à la croissance
économique. En citant Chirita et al, il nous fait comprendre
que : « ces dernières années, il est devenu de plus en
plus évident que le secteur des arts et de la culture a joué un
rôle économique et social important. Il a contribué de
manière substantielle au PIB, à la croissance et à
l'emploi ».179
Dans les pays regorgeant d'énormes ICs comme le Liban,
les Etats Unies, le Nigéria etc. les métiers
générés par le secteur culturel sont énormes. Les
métiers culturels renvoient à cet effet aux métiers
générés par les ICs comme les métiers de guide
touristique, de gestionnaire de patrimoine d'un musée etc. En France par
exemple, les ICs employaient en 2003, plus de 249800 salariés
d'après le Rapport sur l'économie créative de
2003. Dans le guide pour l'évaluation de la contribution
économique des industries du droit d'auteur, il ressort clairement
que l'apport économique des industries de droit d'auteur et à
l'économie est important. Il est d'autant plus important dans la mesure
où, d'après ce guide,
Dans l'économie mondiale, la protection du droit
d'auteur est à l'origine d'industries à part entière,
telles que l'industrie musicale, l'édition, le cinéma, la
radiodiffusion et les logiciels, et influe également le nombre
d'activités commerciales. Le droit auteur est un moteur de croissance
économique, qui crée des emplois et stimule les
échanges.180
Dans le même sillage, Meriem MEHADJI nous fait comprendre
que les ICs libanaises
sont les plus économiquement actives dans le monde
arabe car leurs contributions au PIB est importantes d'une part, et d'autre
part, elles sont des gisements d'emploi dans la mesure où elles
emploient un nombre important d'individus. Dans les pays arabes, poursuit-elle,
les ICs occupent une place importante dans les programmes et les politiques de
développement qui ont des visés économiques afin de
contribuer au bien-être de la population. Leurs financements sont
l'oeuvre du secteur privé encouragé par les pouvoirs publics qui
dynamisent le secteur privé à travers l'exonération de la
taxe d'importation sur les équipements nécessaire aux tournages,
ainsi que la taxe sur les valeurs ajoutées sur les productions
cinématographiques tunisiennes en occurrence.
Ainsi, les ICs en Tunisie sont incluent dans le programme
national donc le souci majeur consiste à encourager le secteur
privé à investir dans le secteur de l'industrialisation de la
culture à travers le financement des productions
cinématographiques, la musique, la danse, les centres culturels, les
foires culturelles etc.
179Henri TEDONGMO
TEKO, Réussir l'entrepreneuriat...Op. Cit,
pp.29-30.
180Organisation mondiale de
la propriété intellectuelle, Guide pour
l'évaluation de la contribution économique des industries
culturelles du droit d'auteur, Genève, OMPI, 2003, p.2.
92
Lors d'un entretien avec Archil TCHINDA par ailleurs chef
service de la cinématographie et de l'audiovisuel à la direction
de la cinématographie et des productions audiovisuelles au MINAC,
parlant de l'apport de la culture à l'émergence des nations, il
nous faisait comprendre que :
La culture, à travers les industries culturelles d'un
pays contribuent à
l'amélioration de la compétitivité de ce
pays en matière de commerce extérieur. Les industries culturelles
revitalisent l'image de marque des lieux créatifs et favorise l'afflux
des touristes et même des investissements étrangers dans un
contexte où la compétitivité est incontestablement
liée à l'attractivité que les productions musicales ou
cinématographiques en occurrence véhiculent.181
Maurice Séverin EDOA BIKOULA observe dans le même sillage que les
ICs occupent
une place importante dans le commerce extérieur d'un
pays. Le secteur culturel dans les pays comme le Nigéria, la France, les
Etats Unies etc. constitue un gisement d'emploi car il emploi non seulement une
quantité considérable d'individu, mais contribue également
au PIB de ces Etats. C'est un secteur organisé qui fait partie des
priorités des politiques de développement. C'est grâce
à l'ICs notamment l'industrie cinématographique que le
Nigéria a pu se hisser sur l'échiquier africain en 2013, comme
première puissance économique du continent devant l'Afrique du
Sud.
Le Nigéria en Afrique subsaharienne, se présente
incontestablement comme étant une force culturelle. Son industrie de la
musique, du cinéma, de la mode etc. les démontrent à
suffisance. Le gouvernement nigérian, conscient de l'épuisement
des ressources pétrolifères qui constituaient naguère le
pilier fondamental de son économie, s'est lancé depuis un certain
temps à l'assaut des industries créatives que représente
le secteur culturel.
Les industries créatives qui ont vues le jour en
Australie en 1994 avec l'adoption de la Nation créative qui est
une combinaison entre l'art et la culture ainsi que les nouvelles technologies
de l'information et de la communication, sont des industries basées sur
l'innovation et la créativité. Ces dernières constituent
un élément fondamental dans la diversification de
l'économie nigériane dans la mesure où, elles constituent
un levier important à sa croissance économique ses
dernières années malgré les fluctuations des couts
pétroliers. C'est fort opportunément par là qu'ALHAJI LAI
Mohammed, par ailleurs ministre de l'information et de la culture dira lors la
rencontre entre le gouvernement nigérian, l'Unesco, les acteurs de la
société civile et les artistes tenue du 9 au 11 mai 2017 au
Nigéria que :
181Entretien menée le 13/10/2017 à 11h03
à la direction de la cinématographie
93
Vous pouvez imaginer la diversité de la culture et
combien cette convention est importante (pour le Nigéria). Le pays a une
grande économie et ses secteurs cinématographiques et de la mode
en pleine expansion sont devenus d'importants exportateurs de biens et services
créatifs. Le secteur représentait environ 1,3% du
PIB du pays. C'est pourquoi le gouvernement actuel s'est
engagé à faire de
l'industrie créative une alternative au
pétrole.182
En Afrique du Sud par exemple, la production audiovisuelle
dans les années 1990 était estimée à 1,3 milliard
de rands et constituait l'activité principale de plus de 550
sociétés d'après une étude sur les ICs des pays du
sud réalisée par Francisco D'ALMEIDA et Marie LISE ALLEMAN sous
l'égide de l'Organisation internationale de la Francophonie. Le secteur
de l'art musical de ce pays à cette époque employait plus de 6
000 personnes en Jamaïque et plus de 12 000 personnes en Afrique du
sud.
Au cours de notre entretien avec le secrétaire
administratif et technique du CASSPC du MINAC Jean Jacob NYOBE par ailleurs
expert de l'Unesco en matière d'élaboration de PC, il nous
faisait observé que l'industrie cinématographique du
Nigéria à elle seule, plus connue sous le nom de Nollywood,
emploie quasiment le quart de la jeunesse de ce pays et a une production
cinématographique de plus de 2000 films par an.183
Ainsi, depuis plus de deux décennies, l'industrie
cinématographique nigérienne d'après Robert ORYA, PDG de
l'entreprise d'État Nigeria Export, représente 5,2 % de la
croissance du continent en 2014, alors que l'ensemble de l'industrie a
généré cette année-là des revenus de 590
millions de dollars US. Les recettes de cette industrie en deux
décennies, sont chiffrées à 7,2 milliards de dollars US,
soit 1,4 % du PIB du Nigéria, d'après une étude de
l'Oxford Business Group. Le Nigéria est la première
économie d'Afrique et son industrie du cinéma occupe le second
rang en tant qu'employeur au pays, suivant de près celui de
l'agriculture et embauche 1 million de personnes au total, si l'on compte les
branches de la distribution et de l'exploitation.184
Cette montée fulgurante de l'industrie
cinématographique nigériane a été rendu possible
par les mesures entreprises par les pouvoirs publics nigérians. En
effet, depuis janvier 2015, le gouvernement nigérian a mis sur pied un
projet dénommé projet ACT Nollywood donc l'ambition est
de stimuler la création d'un Fond d'innovation et de distribution afin
de mieux
182 http:/
fr.unesco.org/creativity/news/capacite-creative-au-nigeria-plein-essor-de-nollywood
consulté le 9 aout 2017 à 13h37
183 Entretien mené le 27/09/2017 à 13h50 au
MINAC
184 Ces informations ont été obtenues sur le site
:www.apculturesplus.eu/?q=fr/content/nollywood-en-plein-essor-l%E2%80%99industrie-ci%C3A9matographique-du-ni%C3A9ria-donne-un-%C3%A9lan-in%C3%A9niable-0consulté
le 09/08/2017 à 12h14
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favoriser la distribution des films et de lutter contre la
piraterie qui tue par ailleurs les oeuvres de l'esprit.
Le gouvernement du Nigéria a également mis sur
pied un organisme appelé Fonds pour la production
cinématographique qui est chargé de la formation et du
recyclage des acteurs de cinéma. Ce fond, faut-il le rappeler, est
à mesure d'octroyer des subventions aux projets artistiques jugé
économiquement rentable pouvant atteindre 50 000 dollars US.
Nollywood est devenu ainsi l'avenir de l'économie
nigériane avec un marché supérieur à 300 millions
d'euro. Les films nigérians sont quasiment consommés dans tous
les pays du continent.
Dans une étude réalisée par Philippe
BOUQUILLION et Jean-Baptiste LE CORF portant sur les industries
créatives et l?économie créative dans les rapports
officiels européens en 2010, il ressort de cette étude qu'en
Allemagne par exemple, les ICs et créatives regorgeaient en 2008 plus de
238 000 entreprises qui avaient réalisées un chiffre d'affaire de
plus de 132 milliards d'euro et employaient plus de 763 000 personnes. En 2009
d'après la même étude, les ICs et créatives
italiennes employaient plus de 2,5 millions de personnes. Ainsi, le poids
économique des ICs dans les économies nationales des pays
européens l'atteste le tableau suivant est important.
Tableau 3 : la contribution des ICs à
l'économie de l'Allemagne, la Grande Bretagne, la Bulgarie et l'Italie
en 2010
Pays
|
Contribution au PNB
|
Nombre d'emplois généré
|
Allemagne
|
2,6%
|
763 000
|
Bulgarie
|
2,8%
|
Non communiqué
|
Grande Bretagne
|
7,3%
|
3 000 000
|
Italie
|
9%
|
350 000 (0,4%)
|
Source: adapté à partir de
Philippe BOUQUILLION et Jean-Baptiste LE CORF
En Espagne par exemple, le secteur culturel est l'un des
moteurs importants de la croissance économique. Lors de notre entretien
avec Madame Suzanne Pulchérie NNOMO ELA, elle nous faisait
observé que ce pays avait très vite compris que l'art et la
culture pouvait être le support du développement.
L'économie culturelle dans ce pays nous dit-elle est une
réalité. Chaque village en Espagne a son musée et les
touristes qui y viennent contribuent considérablement à
l'économie du pays. On retrouve dans ce pays plusieurs types de
musée en occurrence le musée du café, le musée du
chocolat etc. Le musée de la ville d'Alicante nous dit madame Suzanne
Pulchérie NNOMO ELA contribue énormément à
l'économie de cette ville et
95
96
97
98
corolairement à l'économie de ce pays à
travers les devises issues des sites touristiques qui sont
éparpillés dans toute l'étendue de la
ville.185
D'après une étude réalisée par le
cabinet TERA consulting portant sur la contribution des industries
créatives à l'économie de l'UE en termes de PIB et
d'emploi, il ressort clairement qu'en 2011, les industries créatives
représentaient une part importante du PIB (6,8%) et employait 6,5% de la
population de l'Union Européenne. Dans une autre étude similaire
réalisée en 2015 par le cabinet EY portant sur le poids de la
culture sur l'économie mondiale, elle révèle que le
secteur des ICs et créatives a généré des revenus
supérieurs à celui des télécommunications au niveau
mondial (2 250 milliards de dollars US contre 1 570 milliards de dollars pour
le secteur des télécommunications). Ce secteur en 2015, employait
plus de 29,5 millions de personnes.
Au regard de tout ce qui précède, il ressort
qu'à travers la PC, la culture par le truchement des ICs, contribue
considérablement à la croissance économique de même
qu'elle constitue un gisement d'emploi pour les individus. Nous avons vu
également que la PC constitue une condition sine qua non pour
l'éclosion des ICs donc la contribution au PIB et la création
d'emplois en sont l'élément conséquentiel. Bien que
contribuant considérablement à l'émergence
économique de certains pays tel que nous l'avons vu
précédemment, il n'en demeure pas moins que la culture contribue
également à l'émergence des nations sur le plan social.
4.2-Sur le plan social
L'apport de la culture à l'émergence sociale via
la PC est également énorme. Cet apport permet de voir
qu'au-delà de la croissance économique issue des dividendes des
ICs, il y'a l'épanouissement des individus vivant dans un environnement
social donné.
Dans un rapport sur l'impact social et économique de la
culture au développement et en s'appuyant sur le cas du festival de
Fès des musiques sacrées du monde, Naima LABHIL nous fait
observer que les activités, biens et services culturels, ont une double
nature, économique et culturelle, parce qu'ils sont porteurs
d'identités, de valeurs et de sens. Elles ne doivent donc pas être
traitées comme ayant exclusivement une valeur commerciale. L'objectif
est alors d'après cette dernière, de créer les conditions
permettant aux cultures de s'épanouir et d'interagir librement de
manière à s'enrichir mutuellement.
185 Entretien mené le 06/06/2017 à 12h15 à
la délégation régionale du MINAC du Centre.
Dans un autre sens, l'ingénieur statistique
sénégalais Moubarack LO argue que le concept d'émergence
ne peut être uniquement appréhendé sous l'angle
économique. Les citoyens d'un pays qui émerge pense-t-il doivent
sentir dans leur vie quotidienne que leur bien-être s'améliore et
que des opportunités nouvelles en matière de santé,
d'éducation et de revenus sont créés raison pour laquelle
ce dernier soutient fermement que l'émergence doit également
être sociale.
Dans cette perspective, la culture est un
élément unificateur des communautés humaines vivant dans
un environnement social donné. Elle rassemble les peuples dans la mesure
où, la culture n'a pas de langue pour être comprise, pour
s'exprimer. L'artiste musicien camerounais Thierry Lamy, parlant de l'apport de
la culture à l'émergence sociale des sociétés
soutient que cette dernière transgresse les identités sociales
dans la mesure où : « nous, dans le domaine de la musique, il
n'y a pas un do qui appartient aux anglophones et un autre do aux francophones.
Tous les artistes ont une même compréhension du do
».186Il poursuit en nous faisant remarquer que le
mythique groupe de bikutsi camerounais les têtes
brulées dans les années 1990, lors de ces concerts à
l'hexagone faisait danser les citoyens européens alors que ces derniers
n'avaient même pas une idée des messages qui étaient
véhiculés dans ces chansons. La culture sous cet angle rassemble
les peuples. C'est un élément puissant de l'intégration
sociale.
La culture sous le plan social renforce également la
cohésion sociale, transcende les clivages qui ont cours entre les
individus vivant en interaction. Les grands festivals culturels notamment
le festival de Canne de France, les Oscars aux USA etc. sont
souvent des lieux de rencontre et d'expression de la multiculturalité,
d'interculturalité entre les peuples. Lieux de multiculturalité
et d'interculturalité car ce sont des festivals au cours desquels
plusieurs cultures se rencontrent, un lieu de dialogue par excellence des
cultures mises en compétition. A cet effet, la culture est un puissant
levier de paix entre les anciens adversaires dans la mesure où :
Après des périodes de fortes tensions
internationales, la culture semble un premier terrain de rapprochement entre
les Etats qui restent, malgré tout, fortement antagonistes. La lente
sortie de la guerre froide entre l'URSS, voire la Chine, et divers pays
occidentaux depuis la mort de Staline en 1953 jusqu'à la fin des
années 1950 s'opère d'abord à travers la reprise des
échanges culturels.187
Madame Suzanne Pulchérie NNOMO ELA nous faisait
remarquer lors d'un entretien
avec elle qu'en Espagne par exemple, le musée de la
ville d'Alicante a mis sur pied un
186Entretien mené le
26/07/2017 à 13h05 à l'esplanade de la primature
187 François CHAUBET et Laurent
MARTIN, Histoire des relations culturelles dans le monde
contemporain, Paris Armand Colin, 2011, pp. 99-100.
programme de réinsertion des jeunes délinquants.
Après avoir commis un délit, le jeune délinquant n'est pas
envoyé dans un centre de détention comme cela se passe dans
d'autres pays. Mais, il est plutôt envoyé dans un musée
où il sortira nanti d'une qualification professionnelle comme celle de
guide touristique, opérateur culturel etc. ce qui favorise sa
réinsertion sociale. Ce pays, nous dit-elle a compris très
tôt que l'art et la culture étaient des piliers important du
développement et qu'il était important de développer ce
secteur.188
Dans une étude réalisée par
François MATARASSO et Charles LANDRY, ces derniers nous font comprendre
que l'enjeu de développement social via le secteur culturel sous
l'impulsion de la PC est considérable. La PC d'après ces auteurs,
encourage l'expression des identités culturelles différentes.
Elle protège les identités culturelles minoritaires dans les pays
comme la Grande Bretagne, la France etc. La culture sur le plan social peut
être une source de conflit d'une part et d'autre part une source de
tolérance et de compréhension entre les individus. Ils
soutiennent à ce sujet que :
Si la culture peut être à l'origine de
conflits, elle peut également favoriser la compréhension, la
tolérance et le dialogue et contribuer à la cohésion de la
société civile. L'organisation de l'activité culturelle
locale et la célébration de la tradition et de l'identité
sont des instruments puissants de renforcement de la cohésion
sociale.189
Dans un entretien avec M. ATEBA artiste bassiste, et par ailleurs
sous-directeur du
spectacle et du développement des infrastructures et
équipement technique du MINAC, il nous faisait observé que dans
les pays où la culture est valorisée, elle confère aux
artistes un statut, une valeur qui, corolairement concoure à un
renversement de l'échelle de valeur. D'après lui, l'artiste aux
Etats unies par exemple a un statut, une valeur, une identité. C'est un
Homme respecté, fortuné qui vit aisément, qui vit de son
art. Il est un modèle dans la société. Il n'est pas comme
l'artiste au Cameroun qui croupit dans la misère. Les artistes musiciens
américains en occurrence sont le plus souvent classés parmi les
plus riches du pays parallèlement au Cameroun où, visiblement,
les plus riches sont les hauts commis de l'Etat.190
Les artistes musiciens américains comme JAY-Z, RIHANNA,
RICK ROSS, BEYONCE etc. ont des fortunes évaluées à des
millions de dollars. Or, les émissions à caractère social
au Cameroun en occurrence l'émission regard social de la chaine
de télévision Equinoxe sont souvent les lieux de
prédilection pour les artistes musiciens indigents, malades etc. pour
188 Entretien mené le 06/06/2017 à 12h15 à
la délégation régionale du MINAC du Centre.
189François MATARASSO et
Charles LANDRY, Politique culturelle : vingt et un enjeux
stratégiques, Bruxelles, Edition du conseil de l'Europe, 1999,
p.39. 190 Entretien mené le 04/09/2017 à 12h07 au MINAC
solliciter la générosité des âmes
de bonnes volontés afin de se soigner. Cette émission
présentée par Eric KOUAMO, a déjà eu le passage
entre autre de la défunte artiste musicienne LYZA T auteure du tube
à succès associé, MENGALLA JOSS du mythique
groupe de bikutsi les têtes brulées etc. La
première qui était atteinte d'une tumeur et l'autre qui souffrait
d'un déficit visuel doublé d'un problème de filouterie de
loyer, ont sollicités cette émission pour solliciter à
mondovision l'aide matérielle et financière des âmes de
bonne volonté.
Les artistes camerounais à quelques exceptions
près vivent dans l'indigence et dans la précarité. Les
propos de Justin Blaise AKONO concernant les conditions de vie sociale des
artistes musiciens camerounais sont d'une pertinence actuelle lorsqu'il
soutient que : « des artistes continuent à mourir de maladies
bénignes, à mendier pour survivre, obligés de troquer
leurs chansons leur inspiration contre les dédicaces que les adeptes des
clubs, discothèques et cabaret appellent affectueusement
'atalakou'' [...] ».191
Concernant les conditions de vie sociales des artistes
camerounais, les propos de l'artiste musicien ZIGZARET INTERNATIONAL
rencontré lors d'un mouvement de protestation des artistes musiciens aux
services du premier ministre pour dénoncer la plateforme spéciale
que voulait mettre sur pied le MINAC au détriment de la fusion de deux
sociétés de gestion des droits d'auteurs et des droits voisins
(SOCAM/CMC) de l'art musical, sont assez illustratifs :
La musique, c'est l'âme du pays. Vous allez voir que
dans d'autre pays, même au
Cameroun nos populations apprécient la musique et les
stars des autres pays parce que quoi, ils sont bien habillés, ils ont
des beaux véhicules (...) Les seuls artistes qui sont des vas-nu pieds
au monde, ce sont les artistes camerounais !192 Parlant de l'apport de la
culture à l'émergence d'une société sur le plan
social, M.
ATEBA observe que :
Sur le plan social vous allez remarquer qu'aux Etats
unies, les plus riches ce ne sont pas les fonctionnaires c'est les sportifs,
les artistes etc. C'est-à dire qu'au niveau social il y'a un
renversement de l'échelle de valeur. Au niveau de la mentalité,
lorsque vous sortez votre CD, les gens ne vont pas cherchés à
copier çà de gauche à droite. Vous sortez votre CD, les
gens vont chercher plutôt à aller acheter votre CD [...] sa fait
qu'il y a un renversement de l'échelle de valeur au point où
l'artiste est un homme aisé ce qui n'est pas le cas au
Cameroun.193
191Justin Blaise AKONO, Cameroun
: qui a étranglé le droit d'auteur ? Yaoundé, Edition
Scène d'Ebène, 2014, p.9.
192 Entretien mené le 26/ 07/ 2017 à 13h30 à
l'esplanade de la Primature
193 Entretien mené le 04/09/2017 à 12h07 au
MINAC
99
La culture sur le plan social contribue à
l'amélioration des conditions de vie de la population à travers
la réduction du taux de pauvreté qui est la résultante des
emplois générés par les ICs. Les ICs dans les pays comme
le Nigéria, l'Afrique du sud, la Jamaïque, la France constituent
des gisements d'emplois dans la mesure où elles emploient un nombre
considérable de la population ce qui contribue à la
réduction du chômage et de la pauvreté.
Parlant de l'apport de la culture au développement d'un
pays sur le plan social, Henri TEDONGMO TEKO, citant CHIRITA et al
nous fait observer que : « la culture agit au niveau
macro-économique en stimulant la croissance économique, mais
aussi au niveau individuel en fournissant les moyens de construire sa propre
personnalité et de mener une vie intellectuelle, émotionnelle et
spirituelle plus épanouie. ».194Elle
génère in fine des externalités importantes et
positives pour l'ensemble de la population. La culture sur le plan social pense
l'artiste musicien ZIGZARET INTERNATIONAL, contribue à
l'épanouissement des individus. Elle adoucie les moeurs minute by
minute au point où, soutient-il, « nos musiques
adoucissent les moeurs de nos populations chaque
seconde».195
Lors d'un entretien avec le Pr Christophe MBIDA MINDZIE par
ailleurs directeur du patrimoine culturel au MINAC, il nous faisait
observé avec une insistance particulière que sur le plan social,
la culture a considérablement contribué au développement
des pays comme la Chine où, le développement a été
le corollaire de la révolution culturelle qui a été avant
tout une révolution sociale. D'après lui, la culture est un
élément essentiel du développement social d'une nation
dans la mesure où, elle favorise l'épanouissement personnel,
contribue à la réduction de la pauvreté, réduit les
fractures sociales, les inégalités sociales ainsi que les
tensions sociales. C'est fort opportunément qu'il dit, concernant
l'apport de la culture sur le plan social, que :
Les gens qui ont du travail, il y a un
épanouissement personnel. Les gens qui ne
sont pas au chômage se sentent valorisés
socialement. Ils ne sont plus misérables,
ils peuvent envoyés leurs enfants à
l'école [...] On ne bâtit pas un pays avec des
pauvres, des frustrés, des chômeurs et
à partir du moment où il y a les emplois, il y'a moins de tension
sociale. Les tensions sociales c'est que, à côté de ceux
qui ont, il y'a ceux qui n'ont pas et le but de ce qui n'ont pas, c'est d'aller
arracher ceux qui ont et c'est comme ça que les fractures sociales
naissent.196
194Henri TEDONGMO TEKO, Op. Cit,
p.33.
195 Entretien mené le 26/07/2017 à 13h40 à
l'esplanade de la primature 196Entretien menée le 11/09/2017
au MINAC à 11h40
100
Les répercussions non économiques de la culture
sur le développement d'un pays sont perceptibles dans le domaine de la
cohésion sociale, de l'intégration sociale et de la formation
d'un nouveau système de valeurs, dans le développement de la
diversité culturelle, de l'identité nationale et de
l'identité des différents groupes culturels, dans le domaine de
la créativité et de l'incitation à la création et
à l'innovation. C'est dans ce sens que nous observons à la suite
de Maurice Sévérin EDOA BIKOULA qu' « en effet, dans une
société marquée par ses fractures, ses ruptures, ses
divisions, la cohésion sociale apparait essentielle. La fonction
primordiale de la culture est donc d?unir une pluralité de personnes
».197
Au regard de ce qui précède, il ressort que le
développement ne se réduit pas seulement à la seule
croissance économique. Il est davantage social avec comme indicateur
l'épanouissement des individus, la réduction des
inégalités sociales, des fractures sociales, la cohésion
sociale, le renversement de l'échelle de valeur etc.
L'intégration sociale qui repose sur la culture est un
élément catalyseur du développement. Habmo BIRWE observe
à cet effet que, la culture est un élément important
pouvant contribuer à l'intégration en Afrique centrale et
à son développement. Au regard de l'ignorance de la culture dans
les approches traditionnelles de l'intégration, l'auteur pense que la
culture est une source essentielle d'une cohabitation conviviale et d'une
intégration favorable au développement. Il soutient à cet
effet qu' « une intégration qui repose sur le dialogue des
cultures et des civilisations est une intégration qui impulse le
développement ».198
Au demeurant, ce chapitre de notre étude a eu pour
ambition de montrer comment la culture a contribué au
développement qui n'est qu'en réalité la
téléologie de tout processus d'émergence. Il ressort donc
de ce qui précède que, la variable culturelle est l'une des
variables explicatives du processus d'amélioration des conditions de vie
des individus dans les pays suscités. Nous soutenons à cet effet
à la suite de Marie-Liliane DIBOMA qu'à « la
lumière de ce qui a été développé ci-dessus,
il semble véritablement important que la culture occupe une place
significative dans le développement économique et social des
peuples ».199 Dès lors, dans un pays
où très peu d'intérêt sont accordés à
la culture et dans un contexte où il existe une politique sans culture
et une politique sans culture, l'urgence d'un réajustement du projet
d'émergence de ce pays devient une nécessité.
197 Maurice Sévérin EDOA BIKOULA,
Op. Cit, p. 13.
198Habmo BIRWE,
« Quand la culture peut oeuvrer pour l'intégration et le
développement sous régional en Afrique centrale » in
Culture, intégration et développement,
Organisation internationale de la Francophonie, 2014, p. 75.
199 Marie-Liliane DIBOMA, « Culture,
Pilier du développement au Cameroun », in International Journal of
Innovation and Scientific Research ISSN 2351-8014 Vol. 16 No. 1 Jun.
2015, p.52.
CHAPITRE 4 : DE LA POLITIQUE SANS CULTURE A
LA CULTURE SANS POLITIQUE AU CAMEROUN : L'URGENCE D'UN REAJUSTEMENT DU
PROJET D'EMERGENCE
A tout prendre, la culture peut mieux et plus facilement
que tous les grands projets structurants qui trônent au coeur du
programme d'émergence du Cameroun et de l'Afrique, donner les moyens
d'une transformation en profondeur de notre société mais aussi de
son rayonnement au plan international.200
101
200Richard Laurent
OMBGA, « Les nouveaux défis de la culture camerounaise
», in Annales de la Faculté des arts, lettres et
sciences humaines, Vol.1, n°13, Nouvelle série,
Second Semestre, Université de Yaoundé I, 2011, p.13.
102
Depuis son accession à l'indépendance, le
gouvernement camerounais a mis sur pied une série de programme et de
projets de développement pour engager ce pays sur le train de
l'amélioration qualitative et quantitative des conditions de vie de la
population. Ces programmes et projets de développement avaient ou ont
tous un dénominateur commun : sortir le pays de la misère, la
pauvreté, la précarité car faut-il le rappeler, lorsque ce
pays accède à la souveraineté internationale le
1er janvier 1960, tout est à faire ou à refaire. Il
est à l'image des autres pays de l'Afrique subsaharienne. Jean Claude
SHANDA TONME observe à ce sujet que, « l'Afrique noire qui
émerge des indépendances est une constellation des nations
pauvres où tout est à faire et à construire,
peut-être même à inventer ».201Maurice
KAMTO observe dans le même sens que « sauf quelques cas
exceptionnels, les économies subsahariennes n'ont jamais affiché
des performances comparables à celles des pays nord-africains et encore
moins à celles des pays du Sud-est asiatique
».202
Plusieurs années après ces constatations, la
situation économico-sociale de l'Afrique en général n'a
guère changée. Cette situation est décrite fort
judicieusement par Guy Parfait SONGUE en ces termes : « l'Afrique est
indépendante depuis environ un demi-siècle, et malgré tous
les discours tenus et les politiques menées jusqu'ici pour son
développement, elle semble sombrer dans une espèce de
développement du sous-développement ».203
Face donc à ces constellations de misère et de
pauvreté, l'Etat du Cameroun va mettre sur un pied une série de
projets voire programme de sortie de crise. Ces projets de sortie de crise sont
davantage connus sous le vocable de politique de développement qui sera
explicité dans les lignes suivante. Cette clarification est suivie de
l'analyse des politiques de développement implémentées au
Cameroun depuis les indépendances.
1- Politiques sans culture au Cameroun
Dans son sens définitionnel, la notion de politique de
développement renvoie à l'ensemble des orientations prises et des
stratégies adoptées par les pouvoirs publics pour favoriser les
transformations politiques, économiques, sociales donc le but est de
répondre à un besoin précis qui est
généralement celui de l'amélioration substantielle des
conditions de vie de la population. L'implémentation d'une politique de
développement sur le terrain précède
201 SHANDA TONME, La malédiction de
l'Afrique ....Op. Cit, p.162
202Maurice KAMTO,
L'urgence de la pensée : réflexions sur une
pré-condition du développement en Afrique, Yaoundé,
Mandara, p.130.
203Guy Parfait
SONGUE, « L'imposture des politiques de développement en
Afrique : entre illusions, faillite et besoin de refondation » in
Jean-Emmanuel PONDI (sous-dir), Repenser le
développement à partir de l'Afrique, Yaoundé,
Afrédit, 2015, p.171.
103
l'identification du problème que cette politique
souhaite résoudre. Plus précisément, trois grandes
étapes essentielles structurent le cheminement d'une politique de
développement à savoir : la préparation ou de la
conception, l'exécution et enfin l'évaluation.
Ainsi, dans l'optique de trouver les solutions afin de
permettre le développement du Cameroun et ceux depuis les
indépendances jusqu'à présent, quatre politiques de
développement ont déjà été appliquées
au Cameroun : les plans quinquennaux, le plan d'ajustement
structurel, le DSRP et le DSCE.
1.1-Les plans quinquennaux204
Les plans quinquennaux furent la toute première
politique de développement du Cameroun lorsqu'il accède à
son autonomie interne le 1er janvier 1960. C'est dans ce sens que,
de 1960 à 1991, six plans quinquennaux ont successivement
été appliqués au Cameroun dans un souci
d'amélioration substantielle des conditions de vie de la population.
Trois organes constitutifs étaient chargés de
l'élaboration des plans quinquennaux : les comités de
développement, les groupes d'études techniques
multidisciplinaires et les commissions nationales de planification.
Le premier plan quinquennal (1960-1965) avait donc
pour objectif fondamental le dédoublement du revenu par habitant qui
devait passer de 21500 FCFA à 43500 FCFA dans une période de
vingt ans. Ce doublement du revenu par habitant devrait être
précédé par la mise en place des structures
économiques et sociales appropriées, la réduction des
disparités régionales à travers la scolarisation des
masses et la construction des infrastructures sanitaires, éducatives,
universitaires etc.
Le second plan quinquennal couvrant la période
1966-1971, d'après Ernest TOUNA MAMA, fut l'objet d'une
élaboration plus démocratique dans la mesure où, son
élaboration a été confiée à l'assistance
technique française. Il s'inscrivait dans la même dynamique en
termes d'objectif que le premier plan quinquennal.
La période 1971-1976 marque la phase
d'implémentation du troisième plan quinquennal aux
objectifs similaires avec les deux premiers, mais qui apporte une innovation en
mettant un accent particulier sur les investissements productifs direct d'une
part en occurrence ceux liés à l'industrie, à
l'énergie aux mines et d'autre part, sur les investissements liés
au développement des infrastructures.
204Nous tirons l'essentiel des informations sur les
plans quinquennaux et les PAS de l'ouvrage de l'économiste TOUNA MAMA
intitulé, L'économie camerounaise : pour un nouveau
départ, Yaoundé, Afrédit, 2008.
104
De 1976 à 1981, marque la période
d'implémentation du quatrième plan quinquennal. Ce plan
était conséquentiel d'une élaboration démocratique
avec un souci de promotion de l'unité nationale et du
développement autocentré. Son objectif visait à assurer un
taux de croissance du PIB par habitant d'au moins 5% par an. Les
priorités de ce plan étaient axées sur le
développement rural avec la création et l'extension des grandes
plantations modernes, industriel avec la promotion des exportations
industrielles. Ces priorités visaient l'accroissement de la
productivité, de la compétitivité des entreprises
industrielles et enfin le développement du secteur tertiaire à
travers la création d'un Office Commercial Camerounais, la
création d'un organisme chargé de la promotion du commerce
extérieur etc.
Avec un bilan largement positif issu de
l'implémentation des quatre premiers plans quinquennaux, le
cinquième plan quinquennal (1981-1986) a été
élaboré dans une dynamique prospective afin d'assurer une vie
meilleure aux 16 millions d'habitants que devait compter le Cameroun à
l'aurore de l'année 2000. C'est dans ce sens que ces objectifs seront
orientés vers la réalisation effective de l'autosuffisance
alimentaire, la redynamisation des structures de production, la
réorientation de l'industrialisation à travers la revalorisation
prioritaire des matières premières locales.
Le sixième plan quinquennal (1986-1991)
s'inscrit dans la même démarche prospectiviste de
développement pour l'an 2000 que le cinquième. Les orientations
de ce plan gravitaient autour du libéralisme communautaire avec
l'encouragement des initiatives privées, la solidarité nationale
; le développement auto-entretenu avec comme composante la satisfaction
des aspirations nationales ; la démocratisation et la justice sociale
à travers l'épanouissement collective des individus,
l'égalité de chance entre les individus afin de
bénéficier des fruits de la croissance et enfin comme
dernière orientation, l'intégration nationale qui constitue le
socle granitique d'un développement équilibré entre toute
les composantes sociologiques du pays. Il est important de souligner que c'est
au cours de l'implémentation de ce dernier plan quinquennal que va
naitre le premier PAS suite à la crise économique comme nous le
verrons dans les lignes suivantes.
1.2-Le Programme d'ajustement structurel
Comme la plus part des Etats africains, le Cameroun n'a pas
été épargné par la crise économique de la
fin de la décennie 80 donc le PAS en est la résultante. Fruit
d'une intention d'un Etat clairement formulée à l'endroit du FMI,
le PAS est un programme des institutions de
105
Brettons Woods (FMI, Banque mondiale) pour sortir un pays de
la crise économique. Ainsi, de septembre 1988 au 30 septembre 2003, six
PAS au total ont été mis en oeuvre au Cameroun.
Corolairement lié à l'accord de confirmation
établi entre le Cameroun et le FMI, le premier PAS (septembre
1988-juin 1990) du Cameroun est mis sur pied pour une durée initiale de
18 mois (septembre 1988-mars 1990). Mais, il sera rallongé de 3 mois
(juin 1990) à cause des difficultés rencontrées au cours
de son implémentation. Les objectifs globaux de ce plan portaient sur la
réduction du déficit de solde courant, la stabilisation des
finances publiques, l'obtention d'un taux de croissance réel du PIB de
3% dès 1989/1990.
Le deuxième PAS donc la période
d'implémentation s'étend de décembre 1991 à
septembre 1992, qui lui-même était précédé
par une confirmation de l'accord le 12 décembre 1991, avait pour
objectif global la stabilisation du déficit budgétaire à
210 milliards CFA soit 7% du PIB. Pour atteindre cet objectif, plusieurs
stratégies seront mises sur pied à savoir l'accroissement des
revenus de l'Etat, la maitrise des dépenses des entreprises publiques,
l'instauration d'une politique monétaire, sociale et de la dette.
Le troisième PAS (mars 1994-juin 1995) est
lié à la lettre d'intention adressée par les pouvoirs
publics camerounais au FMI le 17 février 1994. L'implémentation
de ce plan commence avec la signature d'un accord de confirmation le 15 mars
1994. Les objectifs de ce troisième plan étaient centrés
sur deux points essentiels à savoir : dégager un excédent
budgétaire au niveau du solde primaire et l'organisation d'une meilleure
répartition des dépenses entre les dépenses courantes et
les dépenses d'investissement à travers la réduction de la
masse salariale des fonctionnaires. Les stratégies pour atteindre les
objectifs de ce plan seront portées par les politiques
budgétaire, monétaire, sociale, de l'endettement, les reformes
structurelles etc.
De septembre 1995 à juillet 1996, marque la
période du quatrième PAS. L'accord de confirmation de ce
plan a été signé le 27 septembre 1995. Ce programme visait
la réalisation de trois objectifs fondamentaux : la réalisation
d'un taux de croissance réelle du PIB de 5%, la réduction de
l'inflation à environ 8% et la stabilisation du déficit des
transactions extérieures courantes à environ 2,5% du PIB.
L'atteinte de ces objectifs reposait sur le renforcement substantiel de la
position des finances publiques, une politique monétaire restrictive, la
réforme de la fonction publique, des entreprises publiques, le secteur
financier, l'agriculture et les transports afin de faire des
économies.
Le cinquième PAS du Cameroun
implémenté du 1er juillet 1997 au 30 juin 2000, a
été institué pour renforcer sa politique d'ajustement et
promouvoir une croissance durable. L'élaboration de ce plan nous
renseigne Benoît ATANGANA ONANA, a commencé en
106
1995.205Les objectifs de ce plan visaient entre
autre la limitation du déficit courant du PIB, le maintien de la
croissance du PIB à 5% et la baisse de l'inflation en gisement annuel
à un seuil de 2%. Les stratégies pour atteindre ces objectifs
étaient axées sur la mobilisation des recettes publiques, la
poursuite des reformes structurelles dans une perspective de renforcement de la
productivité économique, l'amélioration des allocations
des ressources des secteurs prioritaires.
En ce qui concerne le sixième et dernier plan qui
couvrait la période du 1er octobre 2000 au 30 septembre 2003,
il avait pour ambition fondamentale de limiter le déficit
extérieur courant du PIB, contenir l'inflation mesurée par les
prix à la consommation à 2%, porter le taux de croissance du PIB
réel à 5% afin de relever le PIB par habitant. Ce plan avait
comme stratégie, l'amélioration de la productivité et de
la compétitivité par l'élargissement et
l'achèvement du programme de privatisation des sociétés
publiques et parapubliques, le renforcement de la gouvernance, la transparence
et la lutte contre la corruption ainsi que la création d'un cadre
institutionnel et juridique propice à l'initiative privée et
enfin le renforcement de l'intégration régionale. La fin de
l'exécution du sixième PAS à l'orée des
années 2000 marque le début d'implémentation de la
troisième politique de développement du Cameroun.
1.3-Le document de stratégie pour la
réduction de la pauvreté
Après le PAS et avec l'atteinte en octobre 2000 du
point de décision dans le cadre de l'initiative renforcée
d'allégement de la dette des PPTE, le DSRP (voir annexes) entre en
vigueur en avril 2003 comme troisième politique de développement
du Cameroun. BABISSAKANA et ABISSAMA ONANA diront à juste titre que le
DSRP tire son fondement de « l'initiative PPTE qui a été
le principal déterminant de l'adoption de l'approche DSRP par les
institutions de Bretton Woods ».206Cette politique est le
fruit de deux séries d'enquêtes (ECAM I, 1996 et ECAM II, 2001)
réalisées auprès de la population camerounaise. Avec un
volume de 60 pages, l'objectif fondamental du DSRP est de réduire
considérablement la pauvreté à travers une croissance
économique forte et durable, une meilleure efficience des
dépenses publiques ainsi que le renforcement et l'amélioration de
la gouvernance.
Le DSRP a également eu pour ambition de conduire le
Cameroun à la réalisation des OMD avec comme acteurs, les acteurs
institutionnels, la société civile et la communauté
205 Benoît ATANGANA ONANA, De la
crise à la croissance économique. Approche entrepreneuriale pour
une croissance forte, soutenue et durable au Cameroun, Yaoundé,
Presses de l'UCAC, 2011, p.296.
206BABISSAKA et
ABISSAMA ONANA, Les débats économiques du
Cameroun & d'Afrique, Yaoundé, Prescriptor, 2005, p.372.
107
108
internationale. Le DSRP s'articule autour de sept axes
principaux : la promotion d'un secteur macro-économique ; le
renforcement de la croissance par la diversification de l'économie ; la
dynamisation du secteur privé comme moteur de la croissance et
partenaire dans l'offre des services sociaux ; le développement des
infrastructures de base, des ressources naturelles et la protection de
l'environnement ; l'accélération de l'intégration
régionale dans le cadre de la CEMAC ; le renforcement des ressources
humaines, du secteur social et l'insertion des groupes
défavorisés dans le circuit économique et enfin
l'accélération du cadre institutionnel, de la gestion
administrative et de la gouvernance. Il est également important de
souligner que le DSRP a également été lancé dans
d'autre pays de l'Afrique subsaharienne en occurrence le Sénégal
en avril 2002. Tel est de manière synthétique les grandes
orientations de la troisième politique de développement du
Cameroun.
1.4-Le document de stratégie pour la croissance et
l'emploi
Adopté en août 2009, le DSCE est une
déclinaison du projet d'émergence du Cameroun couvrant la
période 2010-2020. Il ambitionne faire du Cameroun un pays
émergent à l'horizon 2035. Cette politique est articulée
autour des stratégies sectorielles à savoir la croissance et
l'emploi. Le DSCE est en fait la première phase de
matérialisation et d'implémentation de la vision 2035 du Cameroun
en matière d'émergence.
Les objectifs du DSCE portent sur l'accélération
de la croissance à travers la création d'emplois formels ainsi
que la réduction considérable de la pauvreté. Il vise
davantage à porter le taux de croissance à 5,5% en moyen annuel
dans la période 2010-2020, ramener le sous-emploi de 75,8% à
moins de 50% en 2020 avec la création de milliers d'emplois formels par
an et enfin, le DSCE vise à ramener le taux de pauvreté
monétaire de 39,9% en 2007 à 28,7 en 2020 pour atteindre les OMD.
De manière synthétique, le DSCE tourne autour de trois
éléments fondamentaux : la stratégie d'emploi, la
stratégie de croissance ainsi que la gouvernance et la gestion
stratégique. Cependant, l'énumération et l'étude
des politiques de développement implémentées au Cameroun
nous a conduits à faire une constatation qui est celle du peu
d'intérêt accordé au secteur culturel dans ses politiques
comme nous le verrons dans les lignes suivantes.
2- Le secteur culturel et les politiques de
développement du Cameroun
L'analyse des différentes politiques de
développement qui ont été implémentées au
Cameroun depuis les indépendances nous a conduit indubitablement
à un constat : la faible
prise en compte du secteur culturel dans ses politiques. Un
constat somme toute révélateur de la conception et de la
perception du secteur culturel par les pouvoirs publics du Cameroun. Cette
quasi tradition d'oubli voire de marginalisation du secteur culturel dans les
politiques de développement démontre à suffisance que ce
secteur est loin d'être une priorité dans ces politiques de
développement. La singularité de toutes ses politiques de
développement réside à leurs fortes propensions à
tous quantifiés ce qui a conduit P. SOROKIN à appeler la
quantophrénie c'est-à-dire la tendance à tout
voir en terme de chiffre. Le seul baromètre de la croissance dans un
pays dévient donc les chiffres car, d'après Beat BURGENMEIER,
« dès les années 1960, le système
normalisé par l'ONU de la comptabilité nationale a donné
à la croissance économique une expression statistique forte
».207
D'un point de vue général, la constatation qui
s'y dégage nous conduit irréversiblement à l'observation
selon laquelle toutes ces politiques n'ont pas réussis de manière
significative à élever le standard de vie des citoyens, à
améliorer les conditions de vie des citoyens du Cameroun. Au contraire,
ces politiques ont plutôt des résultats mitigés, ce qui
devient davantage ennuyeux d'observer que le Cameroun qui avait un taux de
croissance de l'ordre de 12% dans la décennie 70, peine aujourd'hui
à avoir un taux de croissance de 6%. Nous observons dans ce sens
à la suite de Paul KEMOGNE FOKAM que toutes les politiques de
développement implémentées en Afrique ont plutôt
contribuées à une montée vertigineuse de la
pauvreté d'où la nécessité de rompre avec
« cette pensée économico-théologique qui
a eu pour conséquence d'engouffrer davantage l'Afrique dans les
méandres de la précarité, des inégalités et
de la pauvreté ».208
2.1-La culture : un secteur marginal des politiques de
développement
La conclusion à laquelle nous sommes arrivés
après l'étude des quatre politiques de développement
implémentées au Cameroun est que le secteur culturel est un
secteur qui n'est pas suffisamment pris en compte dans ces politiques. Des
plans quinquennaux jusqu'au DSCE qui est en fait une déclinaison du
projet d'émergence, les concepteurs de ces politiques n'ont pas pris en
compte le secteur culturel comme pouvant être un levier important pouvant
contribuer à atteindre le cap de l'émergence à l'horizon
2035.
A travers la mobilisation des théories de la
rationalité limitée et néo-institutionnaliste, et sur la
base des entretiens menés auprès des responsables chargés
de l'élaboration de la politique
207Beat BURGENMEIER,
Politiques économiques du développement durable,
Bruxelles, De Boeck, 2008, p. 22. 208Paul
K. FOKAM, Misère galopante du sud: complicité du
nord, Paris, Maisonneuve& Larose, 2005, p.59.
109
d'émergence « pour étudier les faits
donc la parole est le vecteur »209, il ressort clairement
que le faible intérêt accordé à la culture dans les
politiques de développement en général et
singulièrement dans le projet d'émergence relève davantage
des orientations que le gouvernement camerounais a bien voulu donné
à ce projet. Ainsi, au cours de nos entretiens avec le Dr.
Dieudonné BONDOMA YOKONO et Mr. Ernest NNANGA tous deux des hauts cadres
au MINEPAT, ils nous faisaient observés subtilement que les directives
des pouvoirs publics dans le cadre d'élaboration du projet
d'émergence étaient clair : priorisés les secteurs
entrainants comme celui des infrastructures. Les propos du Dr Dieudonné
BONDOMA YOKONO par ailleurs président du CARPA et ancien directeur
général de l'économie et de la programmation des
investissements du MINEPAT à ce sujet sont assez illustratifs:
La conception et l'élaboration du projet
d'émergence a été orientée par les
prescriptions des pouvoirs publics en optant pour la
priorisation du secteur
infrastructurel qui est un secteur entrainant. C'est pour
cette raison que vous
allez vous rendre compte que le secteur culturel n'est pas
mentionné dans le
projet d'émergence du Cameroun à l'horizon
2035.210
Le chef de division de la prospective et de la planification
stratégique du MINEPAT
(Ernest NNANGA) s'inscrit dans la même dynamique que
l'ancien directeur général de l'économie et de la
programmation des investissements stratégique du MINEPAT lorsqu'il nous
fait observé que le projet d'émergence a été
élaboré sur la base des prescriptions des pouvoirs publics car
pense-t-il, « à quoi sert le développement du secteur
culturel s'il n' y a pas d'infrastructures routières pour atteindre les
sites touristique ? Voilà pourquoi on doit d'abord aménagé
les infrastructures routières par exemple ».211
Ainsi, il ressort clairement de ces propos qu'il existe une certaine
construction politique de la marginalisation du secteur culturel dans
les politiques de développement implémentées au Cameroun.
Cette marginalisation découle des orientations politiques
données au projet d'émergence. Cette vision est partagée
par Mme Suzanne Pulchérie NNOMO ELA, chef service régional du
patrimoine culturel et des musées de la délégation
régionale du MINAC du centre qui observe que : « les politiques
en général ont beaucoup plus misés sur
l'industrialisation, voilà pourquoi on peut voir l'émergence des
ports en eau profonde, des barrages hydroélectriques ainsi de suite
».212
209Alain BLANCHET, Rodolphe
GHIGLIONE, Jean MASSONAT, Alain TROGNON, Les techniques
d'enquête en sciences sociales, Paris, DUNOD, 2005, 3e
édition, p.85.
210 Entretien mené le 21/07/2017 à
11h à Bastos
211 Entretien mené le 14/06/2017 à
10h15 au MINEPAT
212 Entretien mené le 06/06/2017 à
la délégation régionale du MINAC du Centre à
12h13
110
111
Plus précisément, dans l'émission La
grande interview du mardi 28 novembre 2017 de Jean Bruno TAGNE
diffusé sur la chaine de télévision Canal 2,
à la question de savoir qui prend les décisions
économiques au Cameroun, l'économiste statisticien
Dieudonné ESSOMBA (qui a été l'un des rédacteurs du
DSCE) dit que toute bonne décision économique a deux dimensions
à savoir les objectifs et les mécanismes opératoires. Les
objectifs d'après lui, sont définis par le président de la
république et que, lorsqu'il a défini les objectifs, il ne lui
revient plus de définir les mécanismes opératoires car ces
derniers relève de la compétence des techniciens. Et lorsque le
politique impose aux techniciens la manière de traiter le
problème, le système se bloque et entraine la stagnation de
l'économie. Il ressort donc de ces propos que c'est le politique qui
prend les décisions économiques au Cameroun et convoque
maintenant les spécialistes pour concevoir la politique de
développement tout en respectant leurs orientations.
Il convient d'observer que la culture, au regard des
données issues des observations directe et documentaire, est
convoquée dans l'atteinte du cap de l'émergence dans ses aspects
folkloriques. Ce folklore est perceptible lors des cérémonies qui
meublent souvent les cérémonies de poses de première
pierre des grands chantiers communément appelés projets
structurants c'est-à-dire, des projets priorisés par les
pouvoirs publics pour atteindre l'émergence (c'était le cas lors
des cérémonies de poses de première pierre des barrages
hydroélectriques de Memvele, Lom Pangar, port autonome de Kribi
etc.).213
Toutes ces politiques de développement, comme nous
l'avons vue dans leurs principales articulations, ont toutes un
dénominateur commun qui est celui du manque d'intérêt
accordé à ce secteur. La culture visiblement, est loin
d'être une priorité, un levier pouvant conduire à
l'émergence. Cette dynamique de marginalité du secteur culturel
dans la vision prospective du développement du Cameroun démontre
que jusqu'à 2035, la culture restera ancrée dans la
folklorisation dans laquelle les pouvoirs publics l'ont confiné. Elle
continuera qu'à être convoquée que lors des
cérémonies festives et protocolaires.
Il convient également de souligner que le projet
d'émergence qui constitue la base fondamentale de notre réflexion
a été élaboré avec la conjonction idéelle de
soixante-deux personnes sous la coordination de Roger MBASSA NDINE, docteur en
science économique. La conception de ce projet est constituée de
manière prépondérante par des économistes, des
ingénieurs statisticiens, des démographes, d'un journaliste, de
certains ministères, des directeurs de ministère, des enseignants
d'universités etc. Le constat qui se dégage de la
213 Entretien avec le directeur du patrimoine
mené le 11/09/2017 au MINAC à 11h40
composition des concepteurs de ce projet est celui qu'aucun
employé du MINAC n'a été associé à
l'élaboration de ce document.
La composition de ses concepteurs révèle que
l'équipe constituée par le MINEPAT avant son élargissement
aux contributions des autres institutions voire d'autre personnes est que, sur
vingt personnes qui constituaient cette équipe, il y'avait cinq
démographes, sept ingénieurs statisticiens, deux
économistes, un administrateur du travail, deux ingénieurs du
génie industriel, un journaliste, un ingénieur
général de la statistique et deux ingénieurs
statisticiens.
Lors de notre entretien avec Jean Jacob NYOBE par ailleurs
secrétaire administratif et technique du CASSPC, il nous faisait
comprendre que le secteur culturel souffre d'un problème de priorisation
dans les politiques de développement du Cameroun dans la mesure
où, au cours de l'élaboration des politiques de
développement, l'accent est davantage mis sur le développement du
secteur infrastructurel, l'habitat etc. que le secteur culturel. Cette
priorisation du secteur des infrastructures explique d'après lui
l'absence de la contribution des responsables du MINAC. Et, visiblement, les
pouvoirs publics ne se rendent pas compte de la contribution que peut apporter
le secteur culturel à l'émergence alors que qu'il est de plus en
plus admis que la culture est une composante essentielle de
développement. La priorité de ces politiques de
développement s'articulent autour du développement des
infrastructures qui jusqu'à présent, demeurent insuffisantes
voire inexistante dans certaines parties du Cameroun.214
Et pourtant, le Cameroun regorge d'énormes
potentialités culturelles et artistiques qui peuvent
générée des devises et contribuer efficacement à
son rayonnement international mais qui se heurte à un manque de
valorisation et de promotion de ses potentialités artistiques et
culturelles. Archil TCHINDA, chef service de la cinématographie et de
l'audiovisuel au MINAC, décrit cette situation en ces termes :
« notre propre culture n'est pas suffisamment valorisée. Nous
connaissons qu'elle existe, nous savons où elle existe. Mais nous
n'avons pas les moyens suffisants, les moyens nécessaires pour
l'apporter au firmament, aux yeux du monde ».215La
dotation financière annuelle du MINAC d'après Archil TCHINDA, ne
lui permet pas de réaliser ses objectifs.
Cette situation, d'après les responsables du MINEPAT
rencontrés lors de la collecte des données sur le terrain, est
dû au faite que le secteur culturel n'est pas un secteur entrainant au
même titre que celui des infrastructures. Les propos du Dr
Dieudonné BONDOMA YOKONO, président du CARPA (cellule d'appui
à la réalisation des contrats de partenariats) et ancien
214 Entretien mené le 27/09/2017 à 13h40 au
MINAC
215Entretien mené le 13/10/2017 à 11h02
à la Direction de la cinématographie au quartier Hippodrome
112
directeur général de l'économie et de la
programmation des investissements du MINEPAT, illustre bien cet état de
chose lorsqu'il dit :
Le secteur culturel, bien qu'il soit un secteur important ne
constitue pas une priorité dans les politiques de développement
du Cameroun parce que le gouvernement mise beaucoup sur les secteurs
entrainants comme le secteur des infrastructures(les routes, les ports, les
barrages etc.), le secteur agricole etc.216 Dans la même
dynamique, en tant qu'intuitu persona, M. NNANGA Ernest,
ingénieur
statisticien économiste et par ailleurs chef de
division de la prospective et de la planification stratégique au
MINEPAT, soutient fermement que le secteur culturel est un secteur qui peut
contribuer à l'émergence. Mais, il pense que c'est en fait au
MINAC de tout mettre en oeuvre pour que ce secteur contribue à
l'émergence. En revanche, de l'avis des responsables du MINAC, c'est au
MINEPAT, institution technique chargée d'élaboration de la
politique de développement d'intégrer la culture comme un secteur
pouvant conduire à l'émergence. La conception du secteur culturel
par le chef de division de la prospective et de la planification
stratégique se résume en ces termes:
Le secteur culturel au Cameroun est un secteur porteur
pour l'émergence de notre pays. Mais, il revient au ministère des
arts et de la culture de tout mettre en oeuvre pour que la culture contribue
efficacement à l'émergence. Le MINEPAT a des missions
spécifiques qui sont celles d'élaborer une politique
d'émergence portée par les projets structurants comme les
barrages, les routes, les ponts etc. Mais il n'est pas des missions de notre
ministère d'oeuvrer pour que la culture soit quelque chose d'important
pour l'émergence, pour le développement.217
Ces propos du chef de division de la prospective et de la
planification stratégique
traduisent en fait le caractère ambigüe de
l'institution qui est en charge de la rédaction et de l'orientation de
la politique de développement du Cameroun qui renvoie la
responsabilité d'intégrer la culture comme l'un des leviers de
l'émergence au MINAC. Alors que selon les missions du MINEPAT, la
rédaction de la politique de développement relève
exclusivement de la compétence de ce ministère.
Le peu d'intérêt accordé au secteur
culturel dans les politiques de développement du Cameroun traduisent
probablement que les concepteurs des politiques de développement en
général et le projet d'émergence en particulier ne
comprennent pas encore que la culture peut être une composante
essentielle voire un levier important pouvant contribuer à
l'émergence du
216 Entretien mené le 21/07/2017 à 11h à
Bastos
217Entretien mené le 14/06/2017 à 10h15
au MINEPAT
113
Cameroun, au développement. Loin de nous inscrire dans
une dynamique de jugement de valeur, les données du terrain nous ont
amené à observer à la suite de Laurice Serges ETEKI
ELOUNDOU et Maurice SIMO DJOM que les concepteurs de ces politiques sont
souvent des classiques (Keynésiens) qui ne comprennent pas toujours que
le secteur culturel, notamment les industries créatives sont des
nouvelles filières de croissance, c'est-à-dire des
filières à même de porter la croissance afin de contribuer
à l'amélioration des conditions socio-économiques des
individus.
Laurice Serges ETEKI ELOUNDOU nous faisait également
comprendre dans un entretien que, lorsqu'on parle des filières de
croissance, ils (concepteurs des politiques de développement) n'y voient
que les matières premières, le pétrole, le secteur
manufacturier et infrastructurel etc. alors qu'il est clairement
démontré aujourd'hui que les ICs constituent un fleuron de
l'économie nigériane en général et que la
contribution de l'industrie cinématographique est plus importante que
celle des industries extractives dans ce pays. Maurice SIMO DJOM, chercheur en
intelligence économique observe à ce sujet que : « les
concepteurs des politiques économiques et les pouvoirs publics du
Cameroun n'ont pas encore compris que la culture est un puissant levier de
transformation socio-économique dans certains pays du monde
».218 Laurice Serges ETEKI ELOUNDOU, économiste et
chargé d'étude assistant au MINRESI observe au sujet des
concepteurs des politiques économiques du Cameroun que:
Ceux qui pensent les politiques économiques au
niveau national sont parfois des
keynésiens c'est-à-dire des classiques qui
ne suivent pas le cours du temps. Ils ne comprennent pas qu'il y'a des nouveaux
leviers de croissance comme les industries créatives, les industries
culturelles, l'innovation etc. Raison pour laquelle ce secteur reste absent
dans les politiques de développement du Cameroun et c'est regrettable
pour un pays qui est doté d'une immense richesse
culturelle.219
Dans la même perspective, Jean Jacob NYOBE,
secrétaire administratif et technique du
CASSPC au MINAC, par ailleurs expert de l'UNESCO en
matière de PC, observe fort pertinemment que malgré le
foisonnement exceptionnel du secteur culturel qui est issu de la
multiplicité ethnique du Cameroun, ce secteur demeure
marginalisé, défavorisé, négligé dans les
politiques de développement. Il nous fait observer que pour comprendre
la situation actuelle du secteur culturel au Cameroun, il faut remonter en 1960
qui est la période qui marque l'accession à
l'indépendance. Il le résume en ces termes:
218 Entretien mené le 07/06/2017 à
15h 05 à Hippodrome 219Entretien mené
le 16/06/2017 à 10h35 au MINRESI
114
Le secteur culturel est défavorisé parce
que, depuis les années 60, ceux qui étaient aux affaires ne
savaient rien de la culture (...) Je vous prends un exemple. Au Cameroun on
avait AHIDJO, au Sénégal ils avaient SENGHOR et en Côte
d'ivoire HOUPHOUET BOIGNY [...] SENGHOR qui était un éminent
homme de lettre, de culture savait ce qu'on entendait par musée,
spectacle, l'art contemporain, le cinéma, le patrimoine culturel
etc. et il a posé les
jalons de l'émergence de çà. Et nous on avait un
président qui ne comprenait pas grande chose à la culture raison
pour laquelle peu d'investissement était accordé pour le
développement du secteur culturel.220
Il ressort donc de ce qui précède que le faible
intérêt accordé au secteur culturel dans le
projet d'émergence se justifie d'une part par les
orientations politiques de ce projet ; et d'autre part, ce faible
intérêt se justifierait par la faible connaissance de l'apport de
l'apport de la culture dans l'émergence des nations. L'analyse de la
place du secteur culturel dans les politiques de développement nous a
également permis de nous rendre compte que peu d'intérêt
est également accordé au secteur culturel dans la loi de finance
à travers la dotation budgétaire du MINAC.
2.2- Le MINAC et son budget : mission impossible
Fruit des états généraux de la culture
tenu au palais des congrès de Yaoundé du 23 au 26 août
1991, ces états généraux ont consacrés la
création de tout un ministère en charge de la culture car,
faut-il le rappeler, le ministère de la culture a été
pendant de longue année une direction du ministère de
l'information et de la culture. C'est ainsi qu'à la faveur du
décret n° 92/245 du 2 décembre 1992, fut créé
le premier ministère de la culture avec comme mission première
l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique en matière des
questions culturelles.
En 2005, et à la faveur d'un décret du
président de la république, les nouvelles dispositions furent
assignées à ce ministère toujours dans une dynamique de
protection et de promotion de la culture camerounaise. D'après le
décret no 2012/381 du 14 septembre 2012 portant organisation
du ministère des arts et de la culture, le MINAC est responsable
d'après l'article 2 de ce décret, de l'élaboration et de
la mise en oeuvre de la politique du gouvernement en matière de
promotion et de développement artistique et culturel. A ce titre, il est
chargé entre autre :
? du développement et de la diffusion des arts et de la
culture nationale ;
220Entretien mené le 27/09/2017 à 13h43
au MINAC
115
y' de la préservation des sites et monuments historiques
;
y' de la protection, de la conservation, de l'enrichissement
et de la promotion du patrimoine culturel, artistique et
cinématographique ;
y' de la promotion et de la création artistique et
culturelle ;
y' de la promotion et de la création artistique et
culturelle ;
y' de la promotion et du suivi de la diffusion des oeuvres
d'art et cinématographique, en relation avec les administrations
concernées ;
y' des musées, des bibliothèques, des
cinémathèques, des médiathèques et des archives
nationales ;
y' de la promotion de la cinématographie et des arts
dramatiques ; y' de la promotion et de la supervision des grands
évènements culturels ;
y' du suivi des activités des structures nationales de
gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins du droit
d'auteur.
Au-delà de ces missions, le MINAC assure la liaison
entre le gouvernement et les organisations internationaux oeuvrant dans les
domaines de l'art et de la culture notamment l'Unesco, l'OAPI, l'OMPI etc. Il
exerce également la tutelle du palais des congrès, les archives
nationales, assure la liaison entre les pouvoirs publics et les organismes de
gestion collective des droits d'auteur et des droits voisins. Il est
également l'interface entre les pouvoirs publics camerounais et les
organisations internationales comme l'Unesco.
Cependant, bien qu'ayant des stratégies et des visions
contestables comme l'existence en territoire national des CCC et d'un
musée national sans aucune contenance car on ne sait pas si c'est un
musée d'art classique, moderne ou contemporain, le MINAC au regard des
missions qui lui sont assignées, a quasiment le plus petit budget depuis
son existence. C'était encore malheureusement le cas lors de l'exercice
budgétaire 2017 où il avait le plus petit budget. Le tableau
ci-dessous illustre bien la faible dotation budgétaire de ce
ministère.
116
Tableau 4 : le budget du MINAC
entre 2000 et 2018
Année budgétaire
|
Dotation budgétaire
|
2000
|
986 000 000 FCFA
|
2003
|
1 769 000 000 FCFA
|
2004
|
1 748 057 000 FCFA
|
2005
|
2 529 000 000 FCFA
|
2007
|
2 549 209 479 FCFA
|
2011
|
5 252 000 000 FCFA
|
2012
|
3 232 000 000 FCFA
|
2014
|
4 059 000 000 FCFA
|
2015
|
4 072 000 000 FCFA
|
2016
|
4 059 000 000 FCFA
|
2017
|
3 813 000 000 FCFA
|
2018
|
4 417 000 000 FCFA
|
Source : adapté à
partir des lois de finance du Cameroun
Il ressort clairement de ce tableau que, depuis l'an 2000, le
budget du MINAC n'a jamais excédé cinq milliard de franc CFA. Un
budget aussi dérisoire comme celui du MINAC ne saurait faciliter la
réalisation des projets engagés par ce ministère. En 2017
par exemple, ce ministère avait pour ambition d'implanter ces
délégations départementales fonctionnelles dans toute
l'étendue du territoire mais, au regard de son faible enveloppe
budgétaire, ses ambitions sont restées des voeux pieux, une
utopie. C'est dans ce sens que ce ministère au lieu d'assumer pleinement
ses missions d'acteurs du secteur culturel est souvent réduit à
une mission d'agent. C'est-à-dire a celui de simple participant aux
activités culturelles comme Canal d?or.
Parlant du budget du MINAC, tous les responsables de ce
ministère rencontrés dans le cadre de cette étude nous
font observés que la ressource financière constitue l'une des
difficultés majeures que ce ministère rencontre dans le cadre de
son déploiement. Plus précisément, les ambitions du MINAC
demeurent juste des ambitions dans la mesure où les ambitions sont
clairement élaborées comme l'ouverture de ces
délégations départementales sur les 58 départements
que compte le Cameroun. Mais, ces ambitions ne sont guère
implémentées à cause des moyens financiers qui manquent le
plus. Dans un entretien avec le directeur du
117
patrimoine du MINAC, il affirmait péremptoirement qu' :
« avec 4milliards de francs, on ne peut pas être à la
mesure de nos ambitions sa c'est clair ».221
Le paradoxe des lois de finances du Cameroun est tel que, le
MINTOUL qui utilise essentiellement les produits culturels, a toujours un
budget élevé plus que le MINAC. A titre illustratif, en 2015,
pendant que le MINAC avait un budget de 4 milliards franc CFA, le MINTOUL avait
quant à lui un budget de 9 milliards franc CFA. Ce fut également
le cas en 2016 où le budget du MINAC s'élevait à 4
milliards franc CFA tandis que le MINTOUL avait un budget de 19 milliards franc
CFA. En 2017, pendant que le MINAC avait un budget de 3 milliards franc CFA, le
MINTOUL quant à lui avait un budget de 9 milliards de franc CFA.
Néanmoins, malgré le peu d'intérêt
accordé au secteur culturel dans les politiques de développement
implémentées au Cameroun depuis les années 1960
jusqu'à ce jour, le secteur culturel au Cameroun est un secteur
dynamique comme nous le verrons dans les lignes suivantes.
3- La culture sans politique au Cameroun
Bien qu'il soit difficile voire impossible d'admettre de nos
jours l'existence des peuples sans culture comme l'aurait prétendu
l'occident qui se voyait doté d'une mission civilisatrice, chaque peuple
est doté d'une culture. Cette culture est une marque d'identité
d'un peuple. C'est elle qui différencie les peuples. Elle est donc
d'après Henri TEDONGMO TEKO « ce qui est propre à chaque
groupe social et diffère d'un groupe social à un autre
».222Chaque société humaine est dotée
d'un art et d'une culture. Elle est la somme des solutions qu'invente ce peuple
face aux problèmes qu'il rencontre.
Le Cameroun tout comme les autres pays du monde, est
doté d'une culture. Et dans cette perspective, nous convenons à
la suite de Jean-Pierre WARNIER qu' « il n'existe aucune
société au monde qui ne possède sa propre culture. C'est
en cela que toute culture est socialisée ».223Il
est important de souligner que lorsque nous parlons de culture, il s'agit des
expressions culturelles qui sont diamétralement opposées aux
expressions ornementales, c'est-à dire folklorique. Il ne s'agit pas de
ses expressions folkloriques qu'on retrouve dans les aéroports lors de
l'accueil d'un chef d'Etat étranger, des hautes personnalités
étrangères par exemple. Ces expressions folkloriques voire cette
folklorisation de la culture sont également
221 Entretien mené le 11/09/2017 à
11h40 au MINAC
222 Henri TEDONGMO TEKO, Sociologie de
l'entrepreneuriat...Op. Cit, p.72.
223 Jean-Pierre WARNIER, La mondialisation
de la culture, Paris La Découverte, 2007 4 e éditions,
p.7.
118
perceptible lors des manifestations protocolaires. La culture
n'est pas ce folklore voire ces expressions folkloriques.
La culture est plutôt d'après le président
Paul BIYA, une conjonction de valeurs humaines, morales, esthétiques,
sociales par lesquelles les citoyens camerounais s'identifient ; «
elle n'est donc ni le folklore des aéroports, ni les exhibitions
ponctuelles des cérémonies protocolaires
».224Cette culture qui a longtemps souffert de sa
folklorisation d'après lui, et qui souffre toujours d'ailleurs de cette
folklorisation, nécessite la mise sur pied d'une nouvelle orientation en
matière de promotion culturelle qui aura pour grande ambition
de restituer sa dignité et sa fierté à l'ensemble du
peuple camerounais. Il est donc paradoxale que cette prise de conscience de la
folklorisation de la culture par le président Paul BIYA depuis 1987
demeure d'actualité dans la mesure où, la seule perception qu'ont
certains de nos dirigeants de la culture, soit ce folklore qu'on observe lors
des cérémonies qui meublent souvent les manifestations
publiques.
La culture camerounaise a sa spécificité, sa
singularité ainsi que sa typicité. Elle est dynamique car suivant
l'ère du temps. Ce foisonnement de la culture camerounaise est
corolairement liée à la multiplicité ethnique et
culturelle de ce pays. Et c'est sans doute la raison pour laquelle Dominique
AUZIAS, Jean-Paul LABOURDETTE et al, parlant du Cameroun diront :
Il est des voyages qui marquent. Des pays dont les
couleurs imprègnent et ensorcellent, le Cameroun est de ceux-là.
Les langues locales se mêlent au français, et à l'anglais ;
l'animisme se conjugue à loisir avec l'islam et le christianisme, pour
former un peuple des plus fascinants du monde. Un « concentré
d'Afrique », « Toute l'Afrique dans un seul pays », «
L'Afrique en miniature », clament souvent les slogans du ministère
du Tourisme ou des tour-opérateurs.225
Mais, au demeurant, pour mieux analyser la culture de cette
Afrique en miniature, ce
concentré d'Afrique dans un pays, une
meilleure intelligibilité de la culture de ce pays nous impose à
un exercice empirique, c'est-à dire axer notre réflexion sur
l'ethnographie de la culture au sein de notre environnement social.
224Paul BIYA, Op. Cit, p.110.
225Le Magazine Le petit futé Cameroun
2013-2014, Paris, 6e édition
119
3.1- L'ethnographie de la culture
Bien qu'il ne soit pas une priorité dans les politiques
de développement, le secteur culturel est un secteur en effervescence,
en perpétuel mouvement voire changement. Les événements
à caractère culturel que nous évoquerons abondamment plus
bas constituent des marqueurs et même le baromètre de la
diversité culturelle de cette Afrique en miniature. Ainsi, lors
de notre entretien avec le Professeur Christophe MBIDA MINDZIE, il nous faisait
observé qu'un regard posé sur la culture camerounaise nous
amène à observés celle-ci de deux manières.
Premièrement, comme citoyen qui vit la culture au
quotidien, la culture camerounaise est forte, elle est diversifiée, elle
est riche et elle regorge d'énormes potentialités. Lorsqu'on se
balade à travers le Cameroun, l'on observe une multitude d'expressions
culturelles vivantes qui
sont perceptibles à travers les langues locales, le
style architectural des chefferies traditionnelles à l'Ouest Cameroun
en occurrence. L'on se rend aussi compte que le Cameroun est doté des
atouts touristiques comme le palais des rois Bamoun de Foumban, le musée
aquatique de Kribi, le musée de la chefferie de Bafoussam, le
musée de civilisation de Dschang, le parc national de Waza, le Mont
Cameroun, les chutes de la Lobbé etc. A travers cette
observation du déploiement de la culture camerounaise, nous pouvons
visiblement nous rendre compte que malgré le phénomène de
mondialisation culturelle qui tend vers une uniformisation culturelle, les
camerounais restent quand même tant bien que mal ancrés dans leur
culture.
Deuxièmement, l'on observe qu'au Cameroun,
l'énorme potentialité culturelle est malheureusement
sous-utilisée, sous-exploitée. C'est une culture qui est
valorisée par les détenteurs, les légataires,
c'est-à dire les communautés locales mais qui au niveau
étatique, est visiblement considérée comme un outil de
distraction. Cette valorisation se fait à travers les festivals
patrimoniaux qui sont organisés même si c'est à travers le
bricolage productif, mais qui sont révélateurs de la valeur que
ces communautés donnent à leurs cultures.
Ainsi, lorsque nous parlons de bricolage, il s'agit pour nous
de montrer comment les communautés locales qui font partis de ce que
Jean-Marc ELA appelle pertinemment le monde d?en bas qui n'ont souvent
aucune maitrise, aucune compétence dans l'organisation des festivals, se
réunissent et à travers le bricolage parvient à promouvoir
leurs cultures. Le bricolage dans le cadre de cette étude trouve toute
sa pertinence avec le sociologue et théologien africain en boubou
Jean-Marc ELA lorsqu'il dit :
120
Quand je parle de bricolage, je pense à tous ces
savoirs produits par la société pour relever les défis de
son environnement(...) Si l'on veut cerner notre réalité, il
faudra rencontrer l'Afrique là où elle s'invente, à partir
de ces bricolages qui forment en quelque sorte le tissu de notre vie sociale
».226
Le dynamisme de la culture camerounaise est également
perceptible à travers les artistes musiciens qui contribuent au
rayonnement artistique et culturel de ce pays au niveau international d'une
part, et d'autre part, à travers les festivals patrimoniaux.
3.2-Le dynamisme des artistes musiciens camerounais
Malgré que le Cameroun ne soit pas doté de
studio d'enregistrement véritable, d'un palais spécialement
dédié à la culture comme en Côte d'ivoire, de salle
de spectacle digne de ce nom c'est-à dire des salles dotées d'un
théâtre, les artistes musiciens camerounais en occurrence MANU
DIBANGO, TALLA André Marie, Richard BONA, KAREYCE FOTSO, BLICK BASSY,
Jean DIKOTO MANDENGUE, ESSO ESSOMBA,EKO Roosevelt, OTTOU Marcelin, Charlotte
DIPANDA, X-MALEYA etc. sont parmi les artistes les plus influents du continent
voire du monde. Ces artistes contribuent au rayonnement de la culture
camerounaise et de l'image du Cameroun à l'international. Leurs
prestations dans les plus prestigieuses salles de spectacles occidentales comme
l'Olympia de Paris sont révélatrices de leurs
potentialités. Leurs concerts se font le plus souvent à guichet
fermé.
Ce dynamisme visible des artistes musiciens camerounais est
également perceptible au sein de la société camerounaise
dans la mesure où, leurs productions artistiques sont consommées
allègrement par les individus. Patrick AWONDO et Jean-Marcellin MANGA
rappellent dans ce sens que :
Grandement consommée dans les espaces ouverts que
sont les bars et les snack-bars, dans les marchés, lors de
célébrations festives et culturelles, ou encore dans divers
autres sites d'écoute, elle est un langage qui se donne à voir
comme un mode privilégié de célébration de la vie,
même si cette célébration peut aussi se muer en critique
des conditions de vie des populations, comme le montre le cas de Lapiro de
Mbanga (...)227
226 Yao ASSOGBA, Jean-Marc ELA. Le
sociologue et théologien africain en boubou, Paris L'Harmattan,
1999, Pp.39-40
227Patrick AWONDO,
Jean-Marcellin MANGA, « Devenir rappeur engagé :
l'émergence controversée du rap dans l'espace public camerounais
» in Politique africaine, n° 141, 2016, p.125.
121
Le dynamisme avéré des artistes musiciens
camerounais se heurte malheureusement le plus souvent à l'ingratitude
des pouvoirs publics à l'endroit de ces artistes. Car à ce jour,
il n'existe aucun prix de la part des pouvoirs publics pour primer et
encourager les artistes musiciens camerounais par exemple. Les
cérémonies de récompense qui sont organisés pour
primer les meilleurs artistes musiciens ainsi que les acteurs du secteur
culturel sont des initiatives privées en occurrence le Canal
d'or228, les Balafon music awards qui est une
cérémonie organisé par le président directeur
général (Cyrille BOJIKO) de la radio Balafon qui est une radio
urbaine de la ville de Douala.
Les artistes camerounais profitent souvent de ces
cérémonies des awards pour faire leurs plaidoiries car,
ces cérémonies bénéficient souvent de la
présence des illustres personnalités du Cameroun. Ainsi,
après l'obtention de son prix de meilleur artiste comédien au
Canal d'or 11ème édition au palais des
congrès en présence de la première dame Chantal BIYA en
mai 2017, l'artiste comédien Thierry NTAMACK s'est illustré par
un message fort évocateur lorsqu'il disait à l'assistance que les
artistes camerounais souffrent énormément car ne
bénéficiant par des subventions des pouvoirs publics d'une part,
et d'autre part les artistes ne peuvent pas vivre de leurs arts car les gens
n'achètent plus les CD et la contrefaçon qui a élu
domicile dans les productions des artistes ainsi que l'absence de structure de
gestion collective des droits d'auteurs.
La contrefaçon, la non répartition des droits
d'auteurs, l'absence de salle de spectacle digne d'intérêt ne
semblent pas freinés le dynamisme des artistes musiciens camerounais.
Ces artistes développent des stratégies pour continuer à
composer, à produire. L'une des stratégies les plus
prisées par les artistes musiciens camerounais aujourd'hui est
l'atalakou.229En effet, le 26 juillet 2017 lors d'une
descente sur le terrain, alors que certains artistes musiciens manifestaient
à l'esplanade de la primature pour la fusion absorption de la SOCAM par
la CMC, il nous a été donné d'observé
l'atalakou d'une artiste musicienne à un monsieur visiblement
nanti. Cette artiste faisait son atalakou en ces termes :
«président, papa, il n'y a
228Canal d'or est une cérémonie
créée en 2004 par la chaine de télévision
privée CANAL 2 Internationale pour
récompenser les acteurs culturels. Depuis sa création
jusqu'à ce jour, 11 édition de récompense ont
déjà été organisées donc 9 éditions
à Douala et 2 éditions à Yaoundé qui a
été marqué par la présence de la première
dame camerounaise Mme Chantal BIYA au palais des congrès de
Yaoundé.
229 Dans la sphère publique camerounaise et même
africaine, l'atalakou est ce moyen très prisé par
certains artistes musiciens camerounais pour bénéficier de la
générosité de celui à qui l'atalakou. Les
termes les plus utilisés par ces artistes sont : président,
papa l'argent etc. La mobilisation de ces terminologies vise à
bénéficier des largesses du président, papa l'argent,
papa euro, papa dollar etc. Notre expérience en tant
qu'imprésario lors de certains mariages nous a permis de voir certains
artistes sollicités quelques minutes pour prester devant les
mariés et les convives. Lorsque cela leurs ai été
donné, à travers l'atalakou, ils bénéficiaient des
billets de banque de certains convives. Les mariages des personnes
fortunées sont des hauts lieux où ces artistes sollicitent pour
prester.
122
rien pour ta fille ?met la main dans la poche, ta fille
soufre ! ». Elle reçut ce jour-là un billet de 2000
FCFA de la part de son président.
Ces atalakous qui sont devenus des logiques de survie
de certaines artistes ont malheureusement contribués à confiner
ces artistes dans une posture de mendicité faisant ainsi de ces
derniers des mendiants des billets de banque. Henri TEDONGMO TEKO
observe dans ce sens que « ces logiques de survie qui ont pour
conséquence principale de réduire la valorisation des arts et de
la culture à une forme de chrématistique, donnent lieu à
une forte émergence de l'illégalité et de
l'informalité dans le secteur culturel (...)
».230
Malgré les difficultés rencontrées par
ses derniers, les artistes musiciens contribuent au rayonnement de l'image de
marque du Cameroun dans le monde. Certains de ces artistes ont
déjà été ambassadeur des organisations
internationales à l'instar de l'artiste musicienne Kareyse FOTSO qui a
été ambassadrice des 8è jeux de la francophonie
en Côte d'ivoire.
Parlant des artistes musiciens camerounais, le Professeur
Christophe MBIDA MINDZIE, observe sans occulté les problèmes qui
sévissent dans ce domaine, que le secteur musical camerounais est l'un
des plus dynamiques en Afrique ce qui a contribué à l'exportation
de cette musique sur le plan international. Il n'hésitera pas à
dire que «les musiciens camerounais sont parmi les plus
célèbres au monde, il faut aussi voir çà au lieu de
voir seulement les problèmes qui structurent le quotidien de ces
derniers»231.
Il n'en demeure néanmoins pas que, le dynamisme
avéré des artistes musiciens camerounais reste plombé par
l'absence de stratégie efficace de lutte contre la contrefaçon
par les pouvoirs publics qui visiblement, est même encouragé par
ces derniers dans la mesure où l'Etat, visiblement, ne joue pas franc
jeu dans la lutte contre la piraterie. Le CMLCP qui est l'organe chargé
de lutter contre la piraterie ne cesse de dénoncer l'absence des
subventions de la part des pouvoirs publics pour permettre un meilleur
déploiement sur le terrain. Plus précisément, l'artiste
musicien PAPILLON par ailleurs président du CMLCP, va dans le même
sens que Joël Christian NKENG A NKENG lorsqu'au cours de l`émission
Entretien avec... du 22 juin 2017 sur la chaine de
télévision STV présenté par Leila NGANZEU, il dit :
« le comité musical de lutte contre la piraterie ne
bénéficie pas de l'aide du Minac. Le Minac ne travaille pas en
synergie avec le comité musical de lutte contre la piraterie pour lutter
efficacement contre la piraterie ».
Parlant de la piraterie musicale, Joël Christian NKENG A
NKENG observe que cette dernière est causée non seulement par la
démographie galopante d'une part, mais davantage par
230 Henri TEDONGMO TEKO, Réussir
l'entrepreneuriat culturel...Op. Cit, p.20.
231 Entretien le 11/09/2017 à 11h40 au MINAC
123
l'anomie c'est-à dire l'absence d'une loi permettant de
lutter efficacement contre ce phénomène
qui plombe d'ailleurs le dynamisme des artistes. Ce faisant
plus clair, il soutient que : L'Etat semble avoir abandonné la lutte
contre la piraterie aux mains des artistes eux-mêmes alors que celle-ci
ne doit pas leur incomber totalement. Ce laxisme dénote une sorte
d'encouragement tacite de la part des pouvoirs publics et la piraterie serait
devenue une sorte d'exutoire face à une crise à laquelle ces
autorités n'ont aucune solution pertinente à
proposer.232
Ce point de vue est corroboré par l'artiste musicien
ZIZARET INTERNATIONAL
lorsqu'il révèle que la piraterie est
encouragée par l'Etat car, ce dernier refuse de mettre à la
disposition des artistes musiciens en occurrence des moyens de
répression nécessaire pour
lutter efficacement contre cette gangrène. C'est fort
opportunément qu'il soutient que: Si l'Etat met à la
disposition des artistes une loi les autorisant à détruire toutes
les oeuvres contrefaites qu'ils trouveront dans la rue, d'ici 24 heures, tous
les CD contrefaits seront détruits. Il suffit que l'Etat donne l'ordre
aux artistes et on demande aux artistes, agissons ! Douala,
Ngaoundéré, Buea etc. les milliers de CD seront
écrasés.233
Au regard de tous ces maux qui plombent de manière
considérable le dynamisme des artistes musiciens camerounais, le
dynamisme de la culture camerounaise s'observe également lors des
festivals patrimoniaux.
4-Les festivals patrimoniaux ou la valorisation et la
promotion de la culture par le bas
Organisés le plus souvent sans aucune subvention de la
part des pouvoirs publics, les festivals patrimoniaux constituent l'une des
principales vitrines du dynamisme et de l'effervescence de la culture
camerounaise. Ces festivals constituent des hauts lieux d'expression de la
culturalité, de l'interculturalité et de multiculturalité
des peuples. A ce sujet, Sali BABANI nous fait observé que :
Depuis la décennie 1990, l'on note que tous les
arts camerounais sans exclusive,
se mettent en valeur par l'organisation des festivals et
journées culturels à travers
232Joël Christian NKENG A NKENG,
«Piraterie ou contrefaçon des oeuvres musicales : facteurs
explicatives, modes opératoires et impact sur les artistes
interprètes à Yaoundé », mémoire de sociologie
de master 2, Université de Yaoundé 1, 2009/2010, p.134.
233Entretien mené le 26/07/2017 à 13h30
à l'esplanade de la Primature
124
lesquels le talent et l'expression artistiques
démontrent le niveau de créativité et
d'ingéniosité des
acteurs.234
Ces festivals témoignent à suffisance la
vitalité, l'effervescence et le dynamisme de la culture camerounaise
dans un contexte où, les priorités politiques sont beaucoup plus
axées sur le développement des infrastructures ce qui s'observe
avec l'émergence des barrages hydroélectriques, des ports etc.
Chaque aire culturelle, nous dit Sali BABANI a réveillé son
héritage culturel ce qui s'observe à travers les festivals comme
le Ngouon chez les bamouns, le Ngondo chez les
douala etc. qui entraine la participation des individus venus d'horizons divers
comme nous le verrons dans les lignes suivantes.
4.1-Le festival Ngouon235
Dans son acception la plus simple, le Ngouon dans le monde des
enfants chez les bamouns, renvoie à un insecte au vol lourd et bruyant
plus connu sous le nom kakandù qui annonce la saison
sèche. A l'origine, le Ngouon était une fête qui marquait
la fin des récoltes. Organisé pour la première fois par le
fondateur du royaume Bamum NCHARE Yen en 1395 et interdit sous le règne
du Roi NJOYA en 1924 par l'administration française pour des raisons
politiques, le Ngouon reprend droit de cité en 1993 soit un an
après l'accession au trône du Roi Ibrahim MBOMBO NJOYA,
19ème roi de la dynastie Bamum. Il est également
important de souligner que le Ngouon se célèbre actuellement une
fois tous les deux ans régulièrement au mois de décembre.
A chaque édition du Ngondo, un colloque y est organisé.
Le Ngouon est également une société
secrète qui a pour mission de questionner la gestion du royaume par le
monarque. Mais, il n'en demeure pas moins que, dans son caractère
polysémique, le ngouon revêt un caractère
mystique, festif et économique. Le caractère mystique de ce
festival réside dans cet adage ù fùa let ngouon
nè me qui veux tout simplement dire dans sa traduction
littérale m'as-tu appelé (invité) pour me montrer le
Ngouon ? En effet, cet adage est utilisé singulièrement et
régulièrement par un Bamoun pour marquer son ébahissement
face à une situation ou un comportement inhabituel. Ce festival serait
donc de ce point de vue quelque chose d'inhabituelle voire quelque chose qu'on
ne dévoile pas n'importe comment, n'importe quand, n'importe où
et devant n'importe qui. Et par conséquent, on ne convie donc pas un
étranger pour lui montrer le Ngouon surtout quand il n'est pas
initié.
234Sali BABANI, «
L'avènement du pluralisme politique et la réappropriation
ethnique et étatique du patrimoine culturel au Cameroun : 1992- 2007
» in Elizabeth TAMAJONG (sous dir) Les mutations en
Afrique, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2009, Pp.141-157.
235Nous tirons l'essentiel des informations sur le
Ngouon à partir de notre participation aux éditions du Ngouon de
2004, 2006, 2008, 2010 et de 2016 ainsi qu'à travers Le
journal magazine des grandes journées du peuple Bamum,
Numéro spécial : Restauration du
Ngouon, Juillet-Août 1993.
125
Le caractère mystique du Ngouon va prendre un coup
lorsque le Roi NJIMOLUH NJOYA Seydou 18e roi de la dynastie, en
1976, décide de montrer publiquement l'un des objets sacrés du
Ngouon à quelques une de ses épouses. Il est important de
signaler qu'avant cette date, les femmes et les enfants s'enfermaient au
passage du Ngouon.
Le caractère festif de ce festival est que,
jusqu'à ce jour, le Ngouon demeure la plus grande fête
traditionnelle et culturelle du royaume Bamum. C'est le plus grand festival
populaire du royaume bamoun dans la mesure où le Ngouon regroupe des
individus d'horizons diverses. Ainsi, l'image suivante est assez illustrative
du caractère populaire de ce festival patrimonial.
Photo prise le 11 décembre 2016 à Foumban lors
de la cérémonie du sho'o me lùèt sur la rue Porte
d'entrée-cour d'apparat
Source : Enquête de terrain
Cette photo, avec des individus parés de leurs tenues
traditionnelles et d'arbre de paix filmée lors du rituel
sho'o me lùèt ou fit nkindi, qui marque en fait
le retour victorieux du
126
peuple bamum lors des guerres de conquête terriennes
menées par le roi MBOUOMBOUO 11èmemonarque de la
dynastie bamum, témoigne de l'effervescence populaire qu'il y a autour
du festival Ngouon.
Le caractère économique de ce festival
réside dans le fait que le Ngouon est devenu une foire économique
au regard des retombées économiques que bénéficient
en occurrence les propriétaires d'hôtels, les agences de transport
en commun etc. En effet, lors de ce festival, les frais de transport par
exemple, quittant des deux plus grandes métropoles du Cameroun (Douala
et Yaoundé) pour rallier Foumban sont souvent multipliés par
deux. C'était le cas lors de l'édition 2016 où le trajet
Yaoundé-Foumban et Douala-Foumban était passé de 3500 FCFA
à 7000 FCFA. C'est sans doute la raison pour laquelle en 1993 au moment
de son réinstauration Le journal magazine des grandes
journées du peuple Bamum, considérait le Ngouon comme le
rendez-vous des 4F (Foumban en Fête, en Foire et en Folie.
D'ailleurs, le thème de la 546e édition de
l'édition 2016 qui s'est ténue du 04 au 11 Décembre
était fort évocateur de la dimension économique de ce
festival. Ce thème, intitulé Ngouon : levier de consolidation
de paix et du développement est assez révélateur du
fait que ce festival est devenu au fil du temps, un instrument de promotion du
développement socio-économique du royaume Bamoun.
Lors d'une discussion avec le Dr. Christian NDOMBI par
ailleurs chef du secteur culture du bureau régional multisectoriel de
l'Unesco pour l'Afrique centrale après le colloque sur le Ngouon
édition 2016, il nous faisait comprendre avec beaucoup d'amertume qu'un
festival aussi important que le Ngouon n'est pas inscrit au patrimoine mondial
de l'Unesco. Cet état de chose est dû au faite que le Ngouon ne
fait pas encore parti de la liste du patrimoine du Cameroun. C'est dans ce sens
qu'en date du 22 février 2018, le roi des bamouns à signer une
décision royale portant création de la Commission locale de
supervision de la préparation du dossier du Ngouon pour son inscription
sur la liste représentative du patrimoine immatériel de
l'humanité.
4.2-Le festival Ngondo236
Le Ngondo est une fête culturelle, traditionnelle et
rituelle de la tribu Douala et du peuple grand Sawa qui se
célèbre tous les premiers samedis du mois de décembre de
chaque année sur les berges du fleuve Wouri. Il a été
célébré pour la première fois en 1830. Il
réunit plusieurs cantons en occurrence le canton Akwa, canton
Déido etc. Le Ngondo a pour objectif de réunir les
peuples côtiers une fois tous les douze mois.
236 L'essentiel des informations sur le
ngondo nous vient du site :
https://fr.wikipedia.org./w/index.php
?title=Ngondo_(fête)&oldid=132548142.
127
Le caractère culturel de ce festival est visible
à travers les courses de pirogue sur le fleuve Wouri, le concours de
cuisine, les luttes traditionnelles sur les berges du Wouri, l'organisation des
colloques ainsi que l'élection du miss Ngondo, l'organisation des
concerts de musique etc.
Le caractère rituel de ce festival est perceptible
à travers les danses rituelles, l'immersion dans le fleuve Wouri pour
ressortir avec le message des ancêtres qui est déterminant pour le
peuple. L'image suivante montrant un homme sur une pirogue avec un panier en
rotin dans lequel se trouve le message des ancêtres est assez
illustratif du caractère mystique voire rituel de ce festival.
Photo 2 : un homme sur la pirogue sur le fleuve Wouri
ramenant le message des ancêtres
Source : Happi MBIELE
Au regard de ce qui précède, nous nous rendons
à l'évidence compte que malgré le fait que le secteur
culturel ne soit par une priorité des pouvoirs publics camerounais, les
communautés locales en occurrence les Bamouns et les Sawa s'attachent
à organiser parfois sans aucune subvention des pouvoirs publics, les
festivals qui constituent une vitrine pour la promotion de leurs cultures. Ces
festivals dont « les expressions artistiques, musique, danse et chant,
constituent une indissoluble trilogie, étroitement liée à
la vie sociale »237constituent les marques et les
marqueurs d'identités culturelles de ces peuples. Parlant de ses
festivals, Sali BABANI relève pertinemment que : « le ngondo
dans l'aire culturelle Sawa, le Ngouon (à Foumban) et le Medumba
(à Banganté), la semaine culturelle de Garoua [...] et bien
d'autres, sont la manifestation
237 Adala HERMENEGILDO, L'Adamaoua
trésors culturels et patrimoniaux : peuples, traditions et
identités culturelles. Tome 1, Paris L'Harmattan, 2015, p.35.
128
de la volonté des communautés, de faire
revivre des trésors traditionnels ancestraux
africains ».238
Ces festivals se tiennent à des calendriers
précis. Ils ne sont pas comme le FENAC239donc le calendrier
prévoit qu'il se tienne une fois tous les deux ans mais qui était
entré en hibernation en 2008 avant d'être relancé en
novembre 2016 par le ministre des arts de la culture Narcisse MOUELLE KOMBI.
La valorisation et l'organisation de ces festivals se fait par
le bas c'est-à-dire, par les acteurs voire détenteurs
même de ces festivals patrimoniaux parfois sans aucun parrainage des
acteurs institutionnels. Le secteur culturel, malgré quelques traits de
dynamisme qui y scintillent, demeure un secteur en proie à la
précarité, à l'indigence. Les pouvoirs publics ont
visiblement abandonnés ce secteur entre les mains des artistes et entre
les mains des communautés locales. C'est un secteur qui reste
marginalisé dans les politiques de développement comme nous
l'avons précédemment indiqué.
La culture au Cameroun est en proie à la folklorisation
au point qu'on y pense seulement à elle que pour égayer, divertir
les masses populaires lors d'un événement. Les propos de Richard
Laurent OMGBA sont révélateurs des logiques d'action qui sont
produites autour de ce secteur de la vie sociale lorsqu'il soulève que
:
Dans nos régions, préfectures,
arrondissements et villages, la culture n'est convoquée que lorsqu'il
s'agit de divertir, d'égayer, de distraire. Elle est faite pour amuser
et aider à dissiper les soucis. C'est cette culture qu'affectionnent les
visiteurs, les touristes, les hommes politiques à l'occasion des
tournées et des grandes fêtes.240
Dans un contexte économique morose, marqué par la
baisse drastique du baril de pétrole,
les matières premières qui se raréfient,
il est juste regrettable de constater qu'un secteur plein de
potentialités comme le secteur culturel, soit relégué au
rang d'un secteur qui n'est convoqué que pour le divertissement, bref
pour amuser les individus lors des événements
politico-économiques comme les meetings politiques, les poses
de première pierre des barrages, l'accueil d'une personnalité
étrangère ou locale etc. La culture de cette Afrique en
miniature est
238Sali BABANI,
Op. Cit, p.144
239Le FENAC a été
institutionnalisé à la faveur du décret n° 91/193 du
08 avril 1991 signé par le président Paul BIYA. Le FENAC a
plusieurs volets notamment celui de célébrer la culture
camerounaise ainsi que les acteurs culturels, l'autre volet est intellectuel
qui est visible via l'organisation d'un colloque qui s'articule autour d'une
thématique sur la culture camerounaise où sortent les
idées susceptibles d'inspirer les décideurs. Depuis son
institutionnalisation en 1991 plusieurs éditions du FENAC ont
déjà été organisées notamment à
Douala en 1994, Ngaoundéré en 1996, Ebolowa en 1998, Limbé
en 2000, Bafoussam en 2002, Yaoundé en 2016.
240 Richard Laurent OMBGA, Op. Cit, p.5.
129
l'ombre d'elle-même. Les artistes camerounais vivent
dans la précarité, dans l'indigence, dans l'indolence car il
n'existe à ce jour aucun statut pour ces derniers.
L'observation du secteur culturel au Cameroun nous a permis
d'observer que, dans un contexte marqué par les ambitions
affirmées des pouvoirs publics de faire du Cameroun un pays
émergent dans un horizon déterminé, le secteur culturel
quant à lui, est en plein dans l'imergence. L'imergence
de ce secteur est perceptible à travers un certain nombre
d'indicateur comme l'absence d'une orientation claire en matière de
promotion des arts et de la culture, l'inexistence des salles de spectacles,
l'absence d'une loi forte pour lutter contre la piraterie, la
contrefaçon voire le braconnage des oeuvres de l'esprit, le jeu trouble
des pouvoirs publics en ce qui concerne les organismes de gestion des droits
d'auteurs et les droits voisins de la catégorie B art musical,
l'inexistence d'un statut clair pour les artistes, le délabrement
avancé des sites et monuments historique, l'absence d'un calendrier des
activités culturelles et artistiques du Cameroun etc.
L'artiste musicien Ledoux Marcellin observe, à propos
de la catégorie B art musical, que ce secteur se porte mal à
cause de l'inexistence d'un organe de gestion collective des droits d'auteurs.
Il soutient pertinemment que :
La culture a beaucoup de problème.
Déjà parce que l'organe de gestion des droits
d'auteurs ne fonctionne pas. Il ne fonctionne pas et du
coup ça pose un grand problème ce qui a d'ailleurs tué
l'industrie musicale. Cà même éviter les
mécènes de mettre beaucoup d'argent dans l'industrie
musicale.241
Au regard de ce qui précède, l'on se rend davantage
compte que plusieurs perceptions de
la culture se dégage à la lumière des
données que nous avons obtenues dans le cadre de cette recherche.
5- La perception de la culture au Cameroun
Les données issues de l'observation documentaire et des
entrevues menés dans le cadre de cette recherche, nous renseigne
à suffire que la perception voire la représentation qu'un
individu est tributaire de la connaissance que ce dernier a de la culture.
Ainsi, lors de nos descentes sur le terrain, nous avons observés que la
promotion et la valorisation du secteur culturel nécessite
également la formation d'un capital humain.
241Entretien mené le 26 juillet 2017 à
Yaoundé.
5.1) Système éducatif, compétence
professionnelle et perception de la culture
Ainsi, alors que nous avons adressé une demande
d'entretien au Directeur de la promotion du tourisme culturel au MINTOUL, ce
dernier nous enverra plutôt chez madame X.242Durant notre
entretien avec madame X responsable au dit ministère chargé de la
promotion du tourisme culturel, très peu de réponses
étaient données à nos interrogations. Durant l'entretien,
elle n'a cessé de nous dire que : « je ne suis qu'une
professeure de mathématique et si vous avez besoin d'en savoir plus sur
le tourisme culturel, allez au ministère des arts et de la culture
».243De cette attitude, il se dégage que sa
formation de professeure de mathématique conditionne sa perception de la
culture car n'ayant pas de connaissance en matière de promotion du
tourisme culturel.
La question de la perception de la culture est
également tributaire du type d'éducation que les individus ont
reçu. C'est dans ce sens que dans un entretien avec le secrétaire
administratif et technique du CASSPC au MINAC nous faisait observé que
le système éducatif n'a pas tenu compte des
réalités sociales et culturelles. Ce système
d'après ce dernier, ne favorise pas une meilleure perception de la
culture par les individus dans la mesure où il existe peu de structure
de socialisation à l'art et à la culture au Cameroun. Pour sa
part,
Tous les discours que nous tenons sur la culture comme
vecteur de l'émergence ne seront que des discours vains parce qu'il
existe peu de structure de socialisation à l'art et à la culture
au Cameroun et par conséquent, peu de personnes ont des connaissances en
matière d'art et à la culture au Cameroun. Alors, là il
y'a un problème de fond et je ne vois pas comment dans ces conditions
comment la culture pourra aboutir à l'émergence en
2035.244
5.2) La folklorisation de la culture
130
242Nous avons utilisé ce code
pour dissimuler l'identité de notre interviewé pour des raisons
de confidentialités.
243 Entretien mené le 14 juin 2017
à Yaoundé.
244 Entretien mené le 03 octobre 2017
à Yaoundé.
CONCLUSION GENERALE
131
132
La recherche présentée dans le cadre de cette
étude portant sur la sociologie de l'analyse des politiques publiques
avait pour thématique centrale la place de la politique culturelle
dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 :
contribution à une analyse des politiques publiques. À tout
prendre, le rappel des grandes lignes de cette étude s'impose afin de
mieux expliciter les éléments développés dans les
deux parties de cette recherche.
Cette étude a pour objet de recherche
l'appréciation de la place de la PC dans le projet d'émergence
à l'horizon 2035 et est centrée autour d'une question de
recherche principale, formulée comme suit: comment la PC en tant
qu'outil de développement et de bien-être est-elle prise en compte
dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035? A la
périphérie de cette question de recherche principale, se sont
greffées deux questions de recherche subsidiaires afin de mieux
comprendre le peu d'intérêt accordé au secteur culturel
dans les politiques de développement du Cameroun en
général et singulièrement dans le projet
d'émergence. C'est dans ce sens que les interrogations subsidiaires de
cette recherche étaient formulées en ces termes :
? quelles sont les logiques d'action et les rationalités
pouvant rendre compte de la non prise
en compte suffisante de la PC dans le projet
d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 ?
? que gagnerait le Cameroun à intégrer une PC
dans son projet d'émergence du Cameroun ?
Les principales interrogations qui étaient au coeur de
cette recherche se sont adossées sur des hypothèses qui ont
été élaborées de manière suivante. En ce qui
concerne l'hypothèse principale de notre réflexion, elle
postulait que le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035
ne prend pas en compte suffisamment la PC. Car, au regard des objectifs
visés par ce document, il est clairement établi que
l'émergence se fera sans le secteur culturel. Ainsi, après la
délimitation de l'hypothèse de recherche principale, notre
recherche a également été structurée autour de deux
hypothèses subsidiaires à savoir :
? la faible prise en compte de la PC dans le projet
d'émergence du Cameroun s'explique par la faible connaissance de
l'apport de la culture à l'émergence des nations.
? à travers une bonne élaboration et une prise
en compte effective de la PC, le Cameroun
aura un projet d'émergence davantage efficace pouvant
conduire plus vite à son émergence.
Pour faire la preuve de notre investigation, notre recherche
s'est adossée sur trois orientations théoriques à savoir
une théorie de grande portée (la théorie de l'action
sociale) et deux théories de moyenne portée en occurrence la
théorie de la rationalité limitée et la théorie
133
134
néo-institutionnaliste. Ce triptyque
théorique a été mobilisé parce que « le
sociologue ne crée pas des modèles arbitraires de conduite ni ne
peut découvrir d'explication totale de la vie et du destin des
sociétés. Il recourt à des grilles de lectures,
adaptées aux problèmes étudiés
».245
De l'opérationnalisation de la théorie de la
rationalité limitée et la théorie
néo-institutionnaliste, il ressort que le projet d'émergence est
élaboré par des acteurs à la rationalité
limitée due à l'influence subtile des pouvoirs publics dans le
cycle de conception et d'élaboration de la politique d'émergence.
Ces grilles de lecture nous ont conduit à observer que le secteur
culturel, bien qu'étant une filière importante de la croissance,
n'est pas suffisamment pris en compte dans les quatre politiques de
développement implémentées au Cameroun depuis son
accession à l'autonomie interne en général et dans le
projet d'émergence en particulier. C'est ainsi que nous nous sommes
rendu compte la culture au Cameroun oscille entre la marginalité et la
marginalisation.
La marginalité de la culture au Cameroun est
perceptible dans la mesure où, cette dernière n'est
convoquée que pour divertir, pour égayer, bref pour amuser les
individus au cours des cérémonies protocolaires, des
cérémonies festives. C'est-à-dire, elle est toujours en
marge des choses sérieuses et n'est convoquée que pour amuser,
égayer et divertir. La marginalisation de ce secteur s'opère lors
de l'élaboration et de la conception des politiques de
développement qui sont orientées par le gouvernement.
Malgré cette tradition de marginalisation du secteur culturel, notre
étude nous a conduit à observer que certaines initiatives du
monde d'en bas (détenteurs de la culture, les artistes
musiciens etc.) sont prises pour promouvoir et valoriser la culture au sein de
notre environnement social. Au regard des ramifications
épistémologiques de notre objet d'étude, le recours
à la multidisciplinarité nous a conduit à faire une
conjonction de plusieurs disciplines scientifiques afin de mieux cerner notre
objet dans toutes ses dimensions, dans toute sa multiplicité.
Sur la base d'une enquête qualitative
réalisée auprès des responsables chargés de
l'élaboration et de la mise en oeuvre du projet d'émergence,
trois techniques de collecte de donnée ont été
mobilisées dans le cadre de la production des données. C'est dans
ce sens que l'observation directe libre et l'entretien semi-directif nous ont
contraint à une descente sur le terrain. L'observation documentaire nous
a permis d'accéder aux différentes politiques de
développement du Cameroun, les rapports, les lois ainsi qu'à
toutes les ressources documentaires pouvant rendre compte de l'apport
significatif de la culture dans les initiatives visant à
l'amélioration des conditions de vie des individus. Cette méthode
nous a également
245Gilles FERREOL et
Jean-Pierre NORECK, Introduction...Op. Cit, p.45.
conduit à une immersion au coeur du concept
d'émergence. Un concept qui a vue développer autour de
lui une série de rhétoriques explosives et ronflantes, un concept
qui alimente depuis 2009 toutes les conversations sociales,
politico-économiques au sein de notre environnement social. Cette
technique constitue également l'une des motivations qui nous a conduit
à axer notre réflexion sur une telle problématique car,
c'est à travers la lecture du projet d'émergence, que nous avons
orienté notre recherche sur cette problématique.
La conjonction de l'observation documentaire et les entretiens
nous a conduit à l'observation selon laquelle le projet
d'émergence du Cameroun ne prend pas suffisamment en compte la PC en
tant qu'outil de développement et de bien-être ce qui nous
amène à réaffirmer l'actualité du constat fait par
Henri TEDONGMO TEKO selon lequel, « le manque d'intérêt
accordé au secteur culturel et artistique par les pouvoirs publics dans
le Document de stratégie pour la croissance et l'emploi (DSCE), suppose
que jusqu'à 2035, ce secteur sera condamné à rester
très loin des préoccupations des décideurs
».246 Cet état de faite nous renseigne à
suffire que le secteur culturel et artistique camerounais jusqu'en 2035,
restera toujours confiné dans la marginalisation, dans la folklorisation
et dans le bricolage. Cependant, une telle affirmation pourrait paraitre
laudatrice voire prétentieuse à cause de la carence
d'explicitation des grands moments autour duquel cette étude a
été bâti.
La partie première de notre recherche, qui s'articule
autour de la politique d'émergence et de la PC, est structuré
autour de deux principaux chapitres. Dans le chapitre premier, nous avons
passé au scanner le projet d'émergence du Cameroun à
travers une réflexion en profondeur de ce concept. Cette
réflexion intègre entre autre l'origine du concept
d'émergence, les pays africains à l'épreuve des politiques
d'émergence, la sociohistoire du projet d'émergence du Cameroun,
les fondements de ce projet ainsi que ses grandes orientations, la
compréhension de cette vision et de son calendrier et ce qui nous est
apparu comme limites de ce projet. La réflexion menée dans le
cadre ce chapitre nous a amené à observer que l'émergence
est un concept extrêmement ambigu marqué par une exceptionnelle
fluidité sémantique et que le prendre pour en faire une vision
pose deux problèmes fondamentaux en réalité.
Premièrement, l'émergence est le fruit d'une
construction qui repose sur un certain nombre d'exigences comme l'atteinte d'un
taux de croissance à deux chiffres. Elle n'est pas le fruit d'une
incantation des pouvoirs publics car, l'émergence ne se
décrète pas, il se construit. Deuxièmement, les Etats
africains apparaissent comme des amateurs de mode. Lorsque les
246 Henri TEDONGMO TEKO, Réussir
l'entrepreneuriat...Op. Cit, p.23.
135
136
137
nations unies parlaient des OMD dans les années 2000,
tous les pays africains quasiment en parlaient également et lorsque ces
dernières parlaient des ODD, tous les états africains
s'étaient également embarqués dans cette dynamique. Ainsi,
le concept d'émergence est à l'image des slogans comme ceux de
santé pour tous en l'an 2000 etc. L'émergence devenant ainsi, la
voix par laquelle viendra le salut de la population camerounaise. Elle mue
dès lors en ce que Jacques CHATUE qualifie si pertinemment d'une
imposture théorique et c'est dans cette perspective que l'atteinte
de ce cap se mue en un mirage, une illusion au regard de la modicité des
moyens et des stratégies adoptées dans la mesure où,
« le mythe du résultat peut induire une certaine rigueur, mais
seulement une rigueur adialectique et mortifère
».247
La réflexion sur l'émergence nous a permis
également de nous rendre compte qu'il existe des préalables
à mobiliser pour parler d'émergence. En nous inscrivant dans la
même dynamique que l'économiste Rostow WALT WHITMAN lorsqu'il
parle des étapes par lesquelles passent tous les pays pour atteindre le
développement, l'on se rendra à l'évidence compte que le
Cameroun est loin de réunir les conditionnalités
préalables à l'atteinte de l'émergence. En nous appuyant
sur les cinq étapes de cet auteur, l'on se rend compte que nous ne
sommes qu'à la première étape c'est-à-dire,
à l'étape de la société traditionnelle alors que
l'émergence dans sa théorie, renvoie à la troisième
étape c'est-à-dire l'étape du décollage. Ce
décollage d'après Rostow WALT WHITMAN requiert trois
conditionnalités à savoir :
Une hausse du taux d'investissements productifs passant
par exemple de 15% à
30% du PIB, le développement d'un ou de plusieurs
secteurs manufacturiers et l'existence ou l'émergence rapide
d'un système politique, social et institutionnel qui, en exploitant
finement l'expansion initiale dans le secteur moderne et les potentiels effets
externes économiques du décollage, arrive à donner
à la croissance un caractère continu.248
Dans le chapitre deuxième de notre étude, nous
nous intéressons à la notion de culture et
de la PC à travers l'analyse des interactions qu'il y'a
entre ces deux notions. Il s'agissait donc de questionner l'origine de la
notion de culture, ses différentes fonctions, la conception de ce
concept dans le champ de la rationalité sociologique, les
caractéristiques de la culture ainsi que les différentes
approches de compréhension de la culture sous le prisme de la sociologie
; la notion de PC ; le processus d'élaboration d'une PC ainsi que ses
objectifs ; les modèles de PC ainsi que les visés des PC.
247Jacques CHATUE,
Epistémologie et sciences de développement : questionnements
sur une imposture théorique, Yaoundé, éditions CLE,
2014, p, 92.
248Repris par Moubarack LO «
l'émergence...Op. Cit
Comme la notion d'émergence, la culture est
également une notion ambigüe et polysémique. Son
caractère polysémique est conséquentiel à la
définition que chaque discipline scientifique donne à cette
notion. C'est dans ce que nous pouvons nuancer notre propos à la suite
d'Henri TEDONGMO TEKO lorsqu'il observe que : « l'analyse de la notion
de culture révèle la diversité et la complexité
d'une notion qui ne peut être saisie que par un processus
définitionnel qui explore les acceptions dans ce qu'elles ont
d'idéologies et d'affiliations disciplinaires
».249
L'analyse de la notion de PC dans ce chapitre nous a permis de
nous rendre compte que, bien qu'ayant des traits en commun, il n'existe pas de
PC standard, c'est-à-dire une PC qui serait à l'image d'une
clé de voute qui ouvrirait toutes les serrures. Il existe cependant des
modèles de PC auxquelles les autres Etats se sont inspirés pour
élaborer la leur. L'énumération de typologies de PC nous a
également permis d'observer que chaque PC s'illustre par sa
singularité, par sa typicité. La PC, dans un contexte
donné est le plus souvent le corolaire d'une ambition de valorisation de
ses potentialités artistiques et culturelles à travers le
développement infrastructurel, social, économique, etc.
Notre étude sur l'apport de la culture à
l'émergence nous a révéler que cette dernière (la
culture) est une composante essentielle de l'émergence. C'est ainsi
qu'au chapitre troisième de cette investigation structurée autour
de la présentation de la PC en tant que vecteur d'émergence des
sociétés, nous nous sommes attelés à souligner
cette monstration. Ce chapitre s'articulait autour de la notion d'ICs à
travers sa genèse et ces différentes composantes, la PC comme
élément conséquentiel des ICs, la PC et l'émergence
des Etats sur le plan socio-économique. C'est ainsi qu'il est devenu de
nos jours indéniable que le secteur culturel fait incontestablement
partie des nouvelles filières de la croissance. L'économie
nigériane est l'une des plus attrayantes aujourd'hui grâce au
secteur culturel en général et singulièrement à son
industrie cinématographique.250
Face à la raréfaction des matières
premières doublée de la baisse drastique du prix de baril de
pétrole qui constituait naguère le poumon essentiel de son
économie, le gouvernement nigérian s'est lancé dans la
diversification de son économie et à réussir à
faire de sa culture un pilier majeur de son économie. Ce chapitre nous a
permis de nous rendre compte que les ICs sont génératrices
d'emplois, ce qui favorise la réduction substantielle de la
pauvreté. Elles contribuent aussi à la croissance. La
contribution des ICs à l'économie mondiale telle que nous
249Henri TEDONGMO
TEKO, Op. Cit, p.33.
250 Nollywood est la deuxième industrie
de cinéma dans le monde derrière l'industrie
cinématographique américaine Hollywood.
l'avons vu dans le cadre de ce chapitre est importante au
regard de son apport au PIB. De cette analyse, est ressortir le lien entre les
ICs et la PC. Il existe de ce fait un lien de consubstantialité entre
l'éclosion des ICs et la PC car, c'est celle-ci qui oriente, encadre et
permet le développement des ICs ; ce qui nous a conduit à
souligner que les ICs sont la propédeutique de la PC. Les ICs
découlent de l'implémentation de la PC. Dans toutes les nations
où la contribution des ICs est importante, l'on observe que ces nations
sont dotées d'une PC clairement pensée.
Ainsi, la culture sous l'impulsion de la PC contribue au
rayonnement international d'un pays, sur le plan social, transcende les
clivages, favorise et oeuvre pour le vivre ensemble car elle n'a pas de langage
spécifique mais plutôt un langage universel. Elle unie les
peuples, contribue au renversement de l'échelle de valeurs. Dans un
entretien donné à Christian MALARD et Florence KLEIN-BOURDON,
l'ancien ministre sénégalais de la culture YOUSSOU NDOUR, par
ailleurs artiste musicien, soutenait fort pertinemment que :
Je pense qu'à part quelques pays qui ont du
pétrole et du diamant, pour le reste,
c'est la culture. Si on la valorise, cela peut apporter
énormément de devises, de
respect et de rayonnement. Le problème aujourd'hui,
c'est sa valorisation. On a
une culture assez riche, diverse, énorme et
inexploité : si elle est valorisée, elle
peut apporter énormément à l'Afrique
économiquement.251
La réflexion menée au chapitre quatrième et
le dernier de cette étude, s'est articulée
autour de la politique sans culture et de la culture sans
politique au Cameroun. Cette section de notre étude a eu pour ambition
d'emblée de mener une réflexion sur les quatre politiques de
développement implémentées au Cameroun depuis 1960.
L'analyse séquentielle de ces politiques nous a amené à
nous rendre compte que, toutes ses politiques ont une spécificité
qui est celle du peu d'intérêt accordée à la culture
en tant qu'un outil de développement et de bien-être. Il
était subdivisé en plusieurs sous sections entre autre,
politiques sans culture au Cameroun articulé autour des plans
quinquennaux, le PAS, le DSRP et le DSCE. La culture comme une oubliée
des politiques de développement dont la faible dotation
budgétaire du MINAC en est une illustration et enfin la culture sans
politique au Cameroun avait comme baromètre les festivals patrimoniaux,
le dynamisme des artistes musiciens camerounais.
De l'analyse des politiques de développement
implémentées au Cameroun, en est ressortie une observation
fondamentale. Cet examen nous amène à nous rendre compte que le
secteur culturel ne constitue pas une priorité pour toutes ces
politiques. Les priorités de ces
251Christian MALARD
et Florence KLEIN-BOURDON, Ibidem
138
politiques sont orientées vers le développement
des infrastructures qui demeurent jusqu'à ce jour insuffisantes voire
inexistantes dans certaines parties du Cameroun au point où, pour
rallier Kribi quittant Ebolowa en saison de pluvieuse par exemple, les usagers
sont contraints de passer par la région du Centre (Yaoundé) et le
Littoral (Edéa) avant de rallier Kribi qui est dans la région du
Sud.
Dans un contexte marqué par la raréfaction des
ressources naturelles et la baisse drastique du prix de baril de
pétrole, et dans un contexte mondialisé où la culture fait
partie des nouvelles filières de croissance, le projet
d'émergence du Cameroun qui est une politique d'orientation globale, n'a
pas fait l'économie de la marginalisation de ce secteur dont les
dividendes économiques dans les pays comme le Nigéria, les Etats,
l'Inde sont extrêmement énormes.
Cette tradition de marginalisation de la culture dans les
politiques de développement nous a permis de comprendre que,
visiblement, malgré l'immensité des potentialités
artistiques et culturelles du Cameroun, les pouvoirs publics n'ont pas encore
pris conscience que la culture peut être une industrie importante pouvant
conduire le pays à son émergence. La marginalisation de ce
secteur est perceptible également sur la dotation budgétaire du
MINAC qui a, quasiment depuis de nombreuse année, la plus petite
dotation budgétaire. Malgré cette tradition de marginalisation du
secteur culturel, il nous a été donné de nous rendre
compte qu'il existe une culture au Cameroun dont les festivals patrimoniaux et
le dynamisme des artistes musiciens en sont les indicateurs.
La contrefaçon et les conflits observés au sein
des structures de gestion collective des droits d'auteurs et des droits voisins
depuis quelques décennies jusqu'à nos jours qui « sont,
en effet, des formes de rémunération des créateurs et des
investisseurs dans l'ensemble des filières culturelles (musique,
cinéma, presse édition de logiciel, etc.)252,
certains artistes comme nous l'avons vus, produisent des oeuvres de
qualité internationalement appréciable et contribue au
rayonnement international du Cameroun.
Au regard de ce qui précède, il convient
également de souligner que la réalisation de cette étude
n'a pas été sans difficulté. Les difficultés les
plus notoires ont été celles relatives à la
réticence de nos répondants, le refus de certains à se
prêter aux entretiens, la méfiance exprimée à
l'endroit de notre sujet, le refus catégorique de certains informateurs
de nous laisser enregistrer l'entretien. Pour pallier à ces
difficultés, nous avons fait preuve d'imagination sociologique qui
devrait caractériser tous les sociologues d'après WRIGHT MILL.
252Préface de Jean TABI MANGA in
Christophe SEUNA, Droit d'auteur et droits voisins au
Cameroun : la loi du 19 décembre 2000 et son décret
d'application, Yaoundé, SOGESIC, 2008, p.5.
139
Nous n'avons pas la prétention d'avoir
épuisé tous les contours de notre objet de recherche dans le
cadre de cette étude. A la suite de cette étude, les recherches
futures portant sur la place du secteur culturel dans les politiques de
développement en Afrique pourraient permettre une saisie en profondeur
de la contribution de ce secteur à la croissance afin de mieux enrichir
notre objet de recherche. Ces recherches pourraient s'articuler autour de:
politique culturelle et développement de l'Afrique: approche
comparée du Cameroun et du Maroc, politique culturelle et
développement des villes au Cameroun: cas de Foumban, la place de la
politique culturelle dans les projets de société des parties
politiques au Cameroun etc.
Notre recherche sur l'appréciation de la place de la PC
dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035, nous a
permis de voir d'une part qu'il n'existe pas une PC clairement pensée
pour promouvoir et valoriser les potentialités artistiques et culturelle
et, d'autre part, que la culture n'est pas suffisamment prise en compte dans
les politiques de développement du Cameroun depuis les
indépendances jusqu'à ce jour. Cette investigation scientifique
n'était donc enfin qu'un modeste regard sur une thématique
actuelle (l'émergence), sur un secteur porteur (secteur culturel), mais
peu valorisé dans un environnement mondial marqué par un constat
croissant de la contribution pertinente du secteur culturel dans la
réussite du projet d'émergence des nations.
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/index.php/panorama/item/394.culture-le-combat-fratricide -de-mouelle-kombi
consulté le 25février 2016 à 21h45
http:/
fr.unesco.org/creativity/news/capacite-creative-au-nigeria-plein-essor-de-nollywood
consulté le 9 aout 2017 à 13h37
www.apculturesplus.eu/?q=fr/content/nollywood-en-plein-essor-l%E2%80%99industrie-ci%C3A9matographique-du-ni%C3A9ria-donne-un-%C3%A9lan-in%C3%A9niable-0
consulté le 09/08/2017 à 12h14
-
www.camer.be/44616/12:1/2035-lemergence-du-cameroun-en
-question-cameroon.html consulté le 18/06/2017 à 21h45
www.mataf.net/fr/edu/glossaire/nouveaux-pays-industrialises
consulté le 19 avril 2017 à 19h37
ANNEXES
153
1)
|
Guides d'entretiens et d'observation
|
157
|
2)
|
Liste des personnes interviewées
|
...159
|
3)
|
Attestations et autorisations de recherche
|
.160
|
4)
|
Extrait des actes des états généraux de la
culture
|
.162
|
5)
|
Extrait du projet d'émergence (Cameroun Vision 2035)
|
164
|
6)
|
Extrait du DSRP
|
.191
|
7)
|
Extrait du DSCE
|
164
|
|
154
GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES RESPONSABLES DU
MINEPAT(CONCEPTEURS) DE LA VISION 2035
I) Renseignements généraux
> Présentation de l'enquêteur et de l'objet de
l'entretien > Date et lieu de l'entretien
> Identification des interviewés
II) Déroulement de l'entretien
1) Secteur culturel et projet d'émergence du
Cameroun
> Parlez-nous de la genèse du projet
d'émergence
> Quelles sont les grandes orientations de ce projet ?
> Que pensez-vous du secteur culturel au Cameroun ?
> Quelles sont les logiques d'actions pouvant rendre compte
du faible intérêt
accordé au secteur culturel dans le projet
d'émergence ?
2) Culture et développement
> Es-ce que la culture peut oeuvrer pour le
développement d'un pays ?
> Comment la culture peut-elle contribuer au
développement d'un pays ?
> Que gagnerait le Cameroun a intégré la
politique culturelle dans son projet d'émergence ?
Arrivée à la fin de notre entretien, avez-vous
l'impression que quelque chose d'important n'a pas été dit, que
nous avons oublié un aspect important des choses et que vous souhaitez
ajouter ? Avez-vous un dernier message que vous aimeriez faire passer ?
GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES RESPONSABLES DU MINAC ET DU
MINTOUR
I) Renseignements généraux
> Présentation de l'enquêteur et de l'objet de
l'entretien > Date et lieu de l'entretien
> Identification des interviewés
II) Déroulement de l'entretien
> Parlez-nous du secteur culturel et le projet
d'émergence
> Es-ce qu'il existe une politique culturelle/
développement du tourisme au
Cameroun ?
> Selon vous, qu'est-ce que la politique culturelle ?
155
> Selon vous qu'est-ce qui explique la non prise du secteur
culturel dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035
?
> Il existait une politique culturelle sous la
république unie du Cameroun, comment expliquez-vous l'inexistence de
celle-ci sous la république du Cameroun ?
> Pourquoi la culture est-elle devenue une oubliée
des projets de développement au Cameroun ?
> Que gagnerait le Cameroun a intégré la
politique culturelle dans son projet d'émergence ?
Arrivée à la fin de notre entretien, avez-vous
l'impression que quelque chose d'important n'a pas été dit, que
nous avons oublié un aspect important des choses et que vous souhaitez
ajouter ? Avez-vous un dernier message que vous aimeriez faire passer ?
GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES ARTISTES MUSICIENS
I) Renseignements généraux
> Présentation de l'enquêteur et de l'objet de
l'entretien > Date et lieu de l'entretien
> Identification des interviewés
II) Déroulement de l'entretien
> La perception du secteur culturel
> La question des droits d'auteurs et des droits voisins au
Cameroun
> Les pouvoirs publics et la question des droits d'auteurs
> Culture et développement
Arrivée à la fin de notre entretien, avez-vous
l'impression que quelque chose
d'important n'a pas été dit, que nous avons
oublié un aspect important des choses et que vous
souhaitez ajouter ? Avez-vous un dernier message que vous
aimeriez faire passer ?
GUIDE D'OBSERVATION
> La place de la culture dans les manifestations publiques
> L'organisation des festivals patrimoniaux
> Les acteurs des festivals patrimoniaux
> L'image de l'artiste dans la société
Liste des personnes
interviewées
156
N°
|
NOMS
|
FONCTIONS
|
1
|
Ernest NNANGA
|
Chef de division de la prospective et de la planification
stratégique du MINEPAT
|
2
|
Dr. Dieudonné BONDOMA YOKONO
|
Ancien Directeur général de l'économie
et de la programmation du MINEPAT
|
3
|
Madame X
|
Cadre au MINTOUL
|
4
|
Pr Christophe MBIDA MINDZIE
|
Directeur du patrimoine culturel du MINAC
|
5
|
Mr. ATEBA
|
Sous-directeur du spectacle, du développement
des infrastructures du MINAC
|
6
|
Jean Jacob NYOBE
|
Secrétaire administratif et technique du CASSPC
|
7
|
Archil TCHINDA
|
Chef service de la cinématographie et
de l'audiovisuel du MINAC
|
8
|
Mme. Suzanne Pulchérie NNOMO
|
Chef service régional du patrimoine culturel et
des musées de la délégation régionale du
MINAC du Centre
|
9
|
Dr. Christian NDOMBI
|
Chef secteur culture au Bureau Régional
Multisectoriel de l'UNESCO pour l'Afrique Centrale à
Yaoundé
|
10
|
Dr. Maurice SIMO DJOM
|
Chercheur en intelligence économique
|
11
|
Laurice Serges ETEKI ELOUNDOU
|
Chargé d'étude assistant au MINRESI
|
12
|
Thierry Lamy
|
Artiste musicien
|
13
|
Ledoux Marcellin
|
Artiste musicien
|
14
|
Zigzaret international
|
Artiste musicien
|
157
ATTESTATIONS DE RECHERCHES
158
159
Extrait des Actes des Etats généraux
de la culture
« Voici les actes des Etats généraux de la
culture tenus à Yaoundé du 23 au 26 août 1991 ; voici les
résultats d'un vaste et fructueux débat national sur notre
culture, sur ce qui nous constitue comme communauté humaine et nous rend
différents des autres Peuples, c'est-à-dire notre identité
; sur ce qui nous attache à la chaine de l'Humanité et fait de
nous des citoyens du monde, c'est-à-dire notre Universalité.
Ces actes sont la boussole devant guider notre action
culturelle. Par eux, le Cameroun retrouve le nord grâce à de
précieuses et audacieuses propositions ; le pari de l'intelligence et de
l'avenir s'y trouve incrusté. C'est désormais le levier du
Renouveau culturel camerounais en marche ; car seule une politique culturelle
innovatrice et ambitieuse peut permettre au Cameroun de jouer un rôle
dans l'histoire, de graver ses empreintes indélébiles sur les
murs du temps : le Président de la République, Son Excellence
Paul BIYA, le rappelle si opportunément au Chapitre n° 6 de son
Livre « Pour le Libéralisme Communautaire ».
Voici donc les Actes des Etats Généraux de la
Culture ; des fleurs qui portent la promesse des fruits de la
démocratisation en cours dans la société camerounaise. Ils
constituent la preuve tangible du triomphe progressif et peut-être
irréversible de l'idéologie et de la pratique
républicaines dans notre Pays. Leurs prescriptions proviennent des
entrailles de la Société Camerounaise prise dans sa
diversité. En effet, au cours des deux mois précédent les
Etats généraux de la Culture, se sont tenus dans les 215
Arrondissements, 49 Départements et 10 Provinces que compte notre pays,
des assemblées générales de la Culture, des Conseils
départementaux et des Conseils provinciaux de la Culture, forums de
discussion, d'échange d'idées et de désignation des
représentants à l'échelle supérieure.
Les hommes et les femmes de culture se sont plus que
mobilisés : artistes et écrivains, promoteurs des oeuvres de
l'esprit et intellectuels de sensibilités diverses ont accouru ; les
associations et organismes non gouvernementaux et les collectivités
locales impliqués dans l'action culturelle ont répondu
présents.
Les Etats Généraux de la Culture ont ainsi
été le couronnement national d'un processus marqué d'un
bout à l'autre par la participation libre de toutes et de tous :
c'est-à-dire par la prise en main de la Culture par le Peuple. Ils ont
prouvés que la Culture est la maison commune de tous les Camerounais et
de toutes les Camerounaises sans aucune discrimination. Un édifice
solide où l'Etat peut désormais se contenter des tâches
résiduelles mais importantes d'organisateur et de facilitateur : puisse
le « moins Etat » accoucher le « plus culturel ».
En tout cas, la politique culturelle, dès lors, va
progressivement cesser d'être une exclusivité
des Pouvoirs publics pour devenir ce qu'elle n'aurait jamais
dû cesser d'être : l'affaire de tous
160
et de toutes. L'association du Peuple et de l'Intelligentsia
à la définition de la destination commune en matière
culturelle, à la recherche du sens perdu et de la solution à
notre équation existentielle est un précédent
républicain valant un pesant de considération. Elle inaugure le
dialogue essentiel entre l'Etat et la Société afin de trouver
dans le consensus, une réponse à notre crise multidimensionnelle.
Il est normal que ce soient les Hommes et les Femmes de Culture qui aient
ouvert le bal : la crise sociale est d'abord culturelle ; une
société en crise est fondamentalement malade de sa culture, de
son système de valeurs et de normes.
Voici donc les actes des Etats Généraux de la
Culture : c'est le Nouveau dessein Culturel du Cameroun, avec comme axes
essentiels :
10- La Charte camerounaise de la Culture
11-Le Plan de consolidation de l'identité culturelle
camerounaise
12-Le Plan d'action du Cameroun pour la décennie
mondiale du développement culturel et d'intégration de la
dimension culturelle dans les stratégies de croissance
13-Le Plan de structuration du paysage culturel camerounais et
de relance de l'animation culturelle nationale
14-Le Plan de mise en place des structures de formation en
matière culturelle
15-Le Plan de promotion des entreprises et des industries
culturelles
16-Le Plan de relance de la coopération culturelle
internationale
17-Le Plan de réforme de l'administration et du
financement de la culture
18-Le Canevas des rapports entre la Culture, la Science, la
Technologie et l'Education
19-Le Plan de préservation et de restauration du
patrimoine naturel et culturel national
20-Le Plan de diffusion de la culture nationale
21-La Déclaration des Droits de l'Homme à la
Culture.
Ces messages de la communauté nationale réunie
en conclave culturel conjuguent allègrement culture et excellence,
culture et justice, culture et liberté, culture et vérité,
culture et esthétique, mieux culture et démocratie etc.... Bref,
ils posent les jalons d'un sursaut national à la mesure des défis
présents et futurs. La liaison ainsi effectuée entre
l'identité nationale et l'universalité, entre la culture et les
valeurs positives d'humanité, constitue la dynamique de notre Nouveau
Dessein Culturel, le ressort de notre marche vers les crimes.
Voilà donc l'appel des Etats Généraux de
la Culture : actes de générosité et d'engagement. Ce sont
des fleurs ; elles sont belles ; ainsi seront les fruits ; pour le plus grand
bien du Cameroun et de l'Humanité toute entière.
Signé, le ministre de l'Information et de la Culture,
le Professeur Augustin KONTCHOU KOUOMEGNI ».
Les Actes des Etats généraux de la
Culture Yaoundé du 23 au 26 août 1991
TABLE DES MATIERES
161
DEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
SOMMAIRE ....iii
LISTES DES TABLEAUX ET DES IMAGES iv
LISTE DES ABREVIATIONS, SIGLES ET DES ACRONYMES
v
RESUME vii
ABSTRACT viii
CITATION INTRODUCTIVE .....ix
INTRODUCTION GENERALE 1
DEDICACE i iii
REMERCIEMENTS ii iii
RESUME vii
ABSTRACT viii
1-Contexte et justifications du choix du sujet
2
2-Problème de recherche 3
3-Problématique de recherche 6
4- Question de recherche 10
4.1- Question de recherche principale 10
4.2- Questions de recherches secondaires
11
5- Hypothèse spécifique de recherche
11
5.1- Hypothèse principale 11
5.2- Hypothèses secondaires 11
6- Objectifs de la recherche 11
6.1- Objectif général de la recherche
12
6.2- Objectifs spécifiques 12
7- Clarification terminologique 12
7.1-Politique culturelle 12
7.2-Projet d'émergence 13
7.3-Analyse des politiques publiques 15
8- Cadre théorique 16
8.1- Positionnement épistémologique
17
8.2- Posture théorique 17
8.2.1-La théorie de l'action sociale
18
8.2.2- La théorie de la rationalité
limitée 18
8.2.3-La théorie néo-institutionnelle
19
8.3- L'apport de l'interdisciplinarité
20
9-Cadre méthodologique de l'étude
22
9.1- Approche méthodologique 22
9.2- Champ d'observation et unité d'observation
22
9.2.1- Champ d'observation 23
9.2.2- Les unités d'observation 23
9.3- Techniques de collecte des données
24
9.3.1- Les données par l'observation
documentaire 25
9.3.2- L'observation directe comme mode de production
des données 26
9.3.3- Les données par l'observation
méthodique 27
9.3.4- L'entretien semi directif comme mode de
production des données 27
9.4-Traitement et analyse des données
28
10- La structuration de l'étude 29
CHAPITRE 1 : LE PROJET D'EMERGENCE DU CAMEROUN
32
1- L'origine du concept d'émergence : variation
de sens 34
2-Les pays africains à l'épreuve des
politiques de l'émergence 37
162
163
2.1-Cas du Burundi 38
2.2-Cas du Congo 38
2.3-Cas du Gabon 39
2.4-Cas de la Guinée Equatoriale 40
2.5-Cas de la RCA 40
2.6-Cas du Rwanda 40
2.7-Cas du Sao Tomé et Principe 41
3-Sociohistoire du projet d'émergence du
Cameroun 42
3.1-Les fondements du projet d'émergence du
Cameroun 44
3.2-Les grandes orientations du projet
d'émergence du Cameroun 45
3.2.1) La réduction de la pauvreté
à un niveau socialement acceptable 45
3.2.2) Accéder au statut de pays à
revenu intermédiaire 46
3.2.3) Devenir un Nouveau Pays Industrialisé
46
3.2.4) Consolider le processus démocratique et
renforcer l'unité nationale 47
4-La compréhension de l'émergence du
Cameroun et de son calendrier 48
5-Le financement de l'émergence du Cameroun
53
5.1-L'Etat 54
5.2-Le secteur privé 54
5.3-Les ménages 54
6-Les limites du projet d'émergence
55
6.1-La politique culturelle et la vision 2035
55
6.2-Le système éducatif et la vision
2035 56
CHAPITRE 2 : DE LA CULTURE A LA POLITIQUE CULTURELLE
58
1-La notion de culture 59
1.1-Le cadre conceptuel et
épistémologique de la notion de culture 59
1.2-Les fonctions de la culture 62
2-De la notion de culture en sociologie 64
2.1-Du concept de culture dans le champ de la
rationalité sociologique 64
2.2-Caractéristiques de la culture
68
2.2.1-La culture comme une acquisition 68
2.2.2-La culture comme une donnée universelle
69
3-Quelques approches de compréhension de la
culture en sociologie 70
3.1-L'approche fonctionnaliste de la culture
71
3.2-L'approche structuraliste de la culture
71
3.3-L'approche interactionniste de la culture
72
4-De la notion de politique culturelle 72
4.1-Le processus d'élaboration d'une politique
culturelle 74
4.2-Les objectifs d'une politique culturelle
75
4.3-Les modèles de politique culturelle
76
4.4-Les missions d'une politique culturelle
76
4.4.1-La politique culturelle comme stratégie
d'assimilation des peuples 76
4.4.2-La politique culturelle comme stratégie
de consolidation de l'unité nationale 77
4.4.3-La politique culturelle comme stratégie
de valorisation de la culture 78
82
CHAPITRE 3 : POLITIQUE CULTURELLE ET EMERGENCE DES
NATIONS 82
1- La notion d'industries culturelles 84
2-Les filières des industries culturelles
86
3- La politique culturelle: facteur
conséquentiel des industries culturelles 87
4-Politique culturelle et émergence des nations
89
4.1-Sur le plan économique 89
4.2-Sur le plan social 95
1- Politiques sans culture au Cameroun
102
1.1-Les plans quinquennaux 103
1.2-Le Programme d'ajustement structurel
104
1.3-Le document de stratégie pour la
réduction de la pauvreté 106
1.4-Le document de stratégie pour la
croissance et l'emploi 107
2- Le secteur culturel et les politiques de
développement du Cameroun 107
2.1-La culture : un secteur marginal des politiques
de développement 108
2.2- Le MINAC et son budget : mission impossible
114
3- La culture sans politique au Cameroun
117
3.1- L'ethnographie de la culture 119
3.2-Le dynamisme des artistes musiciens camerounais
120
4-Les festivals patrimoniaux ou la valorisation et la
promotion de la culture par le bas 123
4.1-Le festival Ngouon 124
4.2-Le festival Ngondo 126
5- La perception de la culture au Cameroun
129
BIBLIOGRAPHIE 140
ANNEXES 153
TABLE DES MATIERES 154
|