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La place de la politique culturelle dans le projet d'émergence du Cameroun à  l'horizon 2035. Contribution à  une analyse des politiques publiques.


par Arouna Pountougnigni Mfenjou
Université de Yaoundé 1 - Master en sociologie  2018
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE YAOUNDE I UNIVERSITY OF YAOUNDE I

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CENTRE DE RECHERCHE ET
DE FORMATION
DCTLEDOCTORALE EN SCIENCES
HUMAINES, ET SOCIALESSOCIALS ET
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DOCTORATE RESEARCH UNIT
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SCIENCES

UNITE DE FORMATION
ET DE RECHERCHE
DOCTORALE EN
SCIENCES HUMAINES ET
SOCIALES

LA PLACE DE LA POLITIQUE CULTURELLE DANS LE
PROJET D'EMERGENCE DU CAMEROUN A L'HORIZON
2035 : CONTRIBUTION A UNE ANALYSE DES POLITIQUES
PUBLIQUES

Mémoire présenté en vue de l'obtention du diplôme de Master en sociologie spécialité : sociologie politique

Par

Arouna POUNTOUGNIGNI MFENJOU
Licencié en sociologie

Sous la direction de :

Henri TEDONGMO TEKO
Chargé de cours, université de Yaoundé 1

Février 2018

A ma mère, POLANKEN Amsétou ;

et à la mémoire de ma soeur PEMEMGBEMOUN MFENJOU Aicha qui fut brutalement soustraite à la vie le jeudi 27 juillet 2017 des suites d'un accident.

REMERCIEMENTS

II

La présente recherche n'aurait jamais vu le jour sans l'éclairage scientifique de notre encadreur, sans la contribution de nos enseignants, sans la disponibilité de nos informateurs et la contribution financière, psychologique et matérielle de nos parents.

Notre cordiale gratitude va en tout premier lieu, à notre directeur de mémoire le Dr. Henri TEDONGMO TEKO donc la rigueur scientifique et l'exigence d'un travail bien fait nous ont permis de mener cette recherche. Les amendements apportés, les conseils, la mise à notre disposition des ouvrages nécessaires à notre investigation scientifique ont été d'un apport inestimable. Qu'il trouve ici l'expression de notre profonde et sincère gratitude.

Nos remerciements vont aussi à l'endroit de notre chef de département, le Pr. Jean NZHIE ENGONO, dont le cours sur la méthodologie de recherche a été d'un apport substantiel à notre initiation à la pratique sociologique. Nous exprimons notre gratitude à l'endroit des professeurs Joseph Marie ZAMBO BELINGA, Armand LEKA ESSOMBA, Samuel-Béni ELLA ELLA dont les enseignements depuis la première année étaient pour nous un réel motif de satisfaction. Nous n'oublions pas l'ensemble de nos enseignants qui ont considérablement et durablement contribué à notre formation.

A tous nos informateurs (artistes musiciens, responsables du MINAC, MINEPAT et du MINTOUL, artistes musiciens etc.) qui nous ont donnés des informations sans lesquelles cette recherche n'aurait jamais vu le jour, qu'ils trouvent ici le sentiment de notre profonde gratitude. Nous exprimons notre profonde gratitude à l'endroit du Centre de Recherche Sociologique (CRESO) et du Laboratoire camerounais d'Etude et de Recherches sur les Sociétés Contemporaines (CERESC) dont les multiples séminaires de méthodologie organisés ont été d'un apport considérable à l'élaboration de la présente recherche.

Nous sommes particulièrement reconnaissant à l'endroit de POLANKEN Amsétou et MFENJOU Daouda (nos géniteurs) qui, de par leurs conseils, leurs soucis de nous voir progresser dans la recherche, ne ménageaient aucun effort pour mettre à notre disposition tout ce dont nous avions besoin. Qu'ils trouvent ici toute notre reconnaissance. Nous remercions aussi notre frère ainé NGNANGOU MFENJOU Mohamed Salim qui n'a jamais cessé de nous apporter son soutien multiforme. Nous exprimons également notre gratitude à l'endroit de nos amis NSANGOU Amadou et FOSSO WAFO Francis pour les multiples corrections apportées à notre travail. Nos remerciements vont à l'endroit de nos condisciples de promotion en occurrence, NGOUYAMSA NSANGOU Abdel Karim, MBAINGUEMEM Armel, etc., dont les échanges durant ces années, nous ont marqués considérablement. Nos cordiales gratitudes vont enfin à l'endroit de Ghislaine LEKASSA ainsi qu'à tous les membres du Centre de Recherche Sociologique (CRESO)

SOMMAIRE

III

DEDICACE i

REMERCIEMENTS ii

SOMMAIRE iii

LISTES DES TABLEAUX ET DES IMAGES iv

LISTE DES ABREVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES v

RESUME vii

ABSTRACT viii

CITATION INTRODUCTIVE iv

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : PROJET D'EMERGENCE ET POLITIQUE CULTURELLE :

LE PRETEXTE D'UNE INVESTIGATION SCIENTIFIQUE 30

CHAPITRE 1 : LE PROJET D'EMERGENCE DU CAMEROUN 31

CHAPITRE 2 : DE LA CULTURE A LA POLITIQUE CULTURELLE 56

DEUXIEME PARTIE : L'EMERGENCE PAR LA CULTURE : L'URGENCE D'UN

REAJUSTEMENT DU PROJET D'EMERGENCE DU CAMEROUN 78

CHAPITRE 3 : POLITIQUE CULTURELLE ET EMERGENCE DES NATIONS 80

CHAPITRE 4 : DE LA POLITIQUE SANS CULTURE A LA CULTURE SANS POLITIQUE AU CAMEROUN : L'URGENCE D'UN REAJUSTEMENT DU PROJET

D'EMERGENCE DU CAMEROUN 99

CONCLUSION GENERALE 137

BIBLIOGRAPHIE 146

TABLE DES MATIERES 210

LISTE DES TABLEAUX ET DES IMAGES

iv

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : liste de documents de base de l'étude................................................ 25

Tableau 2 : liste des institutions/personnes interviewés 27

Tableau 3 : la contribution des ICs à l'économie de l'Allemagne, la Grande Bretagne, la

Bulgarie et l'Italie en 2010................................................................................. 92

Tableau 4 : le budget du MINAC entre 2000 et 2018 114

LISTE DES IMAGES

Image 1 : photo prise à Foumban lors de la cérémonie du sho'o me lùèt du Ngouon...........123

Image 2 : un homme sur la pirogue sur le fleuve Wouri ramenant le message des ancêtres lors

duNgondo.................................................................................................................125

LISTE DES ABREVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES

V

-BRICS : Brésil, Russie, Chine, Afrique du sud

-CASSPC : Compte d'affectation spécial pour le soutien à la politique culturelle

-CCC : centre culturel camerounais

-CEEAC : communauté économique des Etats de l'Afrique centrale

-CEMAC: communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale

-CMC : cameroon music corporation

-CMLCP : comité musical de lutte contre la piraterie

-DSCE : document de stratégie pour la croissance et l'emploi

-DSRP : document de stratégie pour la réduction de la pauvreté

-ECAM : enquête camerounaise auprès des ménages

-EMIA : école militaire inter armée

-FENAC : festival national des arts et de la culture

-FMI : fond monétaire international

-ICs : industrie culturelles

-MINAC : ministère des arts et de la culture

-MINEPAT : ministère de l'économie, de la planification et de l'aménagement du territoire

-MINRESI : ministère de la recherche scientifique et de l'innovation

-MINTOUL : ministère du tourisme et des loisirs

-OAPI : organisation africaine de la propriété intellectuelle

-ODD : objectifs de développement durable

VI

-OMD : objectifs du millénaire pour le développement

-OMPI : organisation mondiale de la propriété intellectuelle

-PAS : programme d'ajustement structurel

-PC : politique culturelle

-SOCADRA : société camerounaise des droits d'auteurs

-SOCAM : société civile de l'art musical

-SOCACIM : société camerounaise civile de musique

-SOCINADA : société civile des droits d'auteur

-SONACAM : société nationale camerounaise du droit d'auteur de l'art musical

-UE : Union européenne

-UEMOA : Union économique et monétaire ouest africaine

-UNESCO : Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture

RESUME

VII

La recherche présentée dans le cadre de ce mémoire porte sur la place de la politique culturelle dans le projet émergence du Cameroun à l'horizon 2035. Comment la politique culturelle est-elle prise en compte dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 ? Telle est la question de recherche principale de cette étude. L'objectif est d'apprécier la place que le projet d'émergence à l'horizon 2035 en cours d'implémentation au Cameroun depuis 2009, accorde à la culture en tant que niche de développement et de croissance des nations. Sur la base d'une enquête qualitative réalisée auprès des principaux responsables du MINEPAT, du MINAC, du MINTOUL, des artistes musiciens etc., nous dégageons et analysons les logiques d'action qui influencent les choix politiques d'émergence dans leur rapport au secteur culturel. L'intérêt d'une telle démarche qui mobilise la théorie de l'action sociale, la théorie de la rationalité limitée et la théorie néo-institutionnaliste est de pouvoir mettre en perspective les motivations et les rationalités qui expliquent la faible place encore accordée au secteur culturel au Cameroun. Cela, malgré le constat croissant de la contribution pertinente de ce secteur à l'émergence de certaines nations. Dans un environnement mondial marqué par l'apport substantiel de la culture à l'émergence voire au développement à travers les industries culturelles, et de par son énorme potentialité artistique et culturelle, les politiques de développements du Cameroun en général accordent très peu d'intérêt au secteur culturel.

Mots clés : Politique culturelle. Projet d'émergence. Politique de développement. Culture. Industries culturelles.

ABSTRACT

VIII

The research presented as part of this thesis focuses on the place of cultural policy in the project emergence of Cameroon by 2035. How is cultural policy taken into account in the project of emergence of Cameroon by 2035? This is the main research question of this study. The objective is to appreciate the place that the 2035 emergence project currently being implemented in Cameroon since 2009, gives culture as a niche for the development and growth of nations. On the basis of a qualitative survey conducted among the main managers of MINEPAT, MINAC, MINTOUL, musicians, etc., we identify and analyze the logic of action that influences the political choices of emergence in their relation to the cultural sector. The interest of such an approach that mobilizes the theory of social action, the theory of limited rationality and neo-institutionalist theory is to be able to put in perspective the motivations and the rationalities which explain the weak place still granted to the cultural sector in Cameroon this, despite the growing recognition of the sector's relevant contribution to the emergence of certain nations. In a global environment marked by the substantial contribution of culture to emergence or even development through cultural industries, and due to its enormous artistic and cultural potentiality, Cameroon's development policies in general place very little interest in cultural sector.

Key words: Cultural policy. Emergence project. Development policy. Culture. Cultural industries.

Dans son projet d'accession au statut de pays émergent, le Cameroun s'est doté d'un programme multisectoriel de développement. Ce programme, condensé dans le Document de stratégie pour la croissance et l'emploi (DSCE), accorde une place non négligeable à la culture. Pourtant, il nous semble que le secteur culturel pourrait occuper une place plus éminente si ses acteurs se montraient plus ingénieux et conscients des dividendes qu'une politique culturelle bien pensée et bien exécutée peut apporter au pays1

ix

1 Richard Laurent OMBGA, « Les nouveaux défis de la culture camerounaise », in Annales de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines. Vol. 1, n° 13, Nouvelle série, Second Semestre, Université de Yaoundé 1, 2011, p.3.

INTRODUCTION GENERALE

1

2

1-Contexte et justifications du choix du sujet

De par sa mosaïque de cultures issue de son caractère multi ethnique, le Cameroun est connu en Afrique et à travers le monde, comme l'Afrique en miniature. Les pouvoirs publics se servent le plus souvent de ce label pour vanter la destination Cameroun. Cependant, cette mosaïque de cultures contraste avec la place que le secteur culturel occupe dans les politiques de développement. Dans ce sens, le projet d'émergence du Cameroun qui est une politique d'orientation globale adoptée en février 2009, a très peu tenu compte du secteur culturel comme étant un secteur pouvant conduire à son émergence. Pourtant, les expériences des USA, d'Afrique du sud, du Nigéria et de plusieurs autres pays révèlent clairement que le secteur culturel est une filière importante pouvant conduire à la croissance des nations. Dès lors, l'interrogation centrale qui émerge de cette réalité est celle relative au faible intérêt que ce projet accorde à ce secteur. Cela, malgré la contribution pertinente du secteur culturel à l'amélioration des conditions de vie des individus dans d'autres pays.

Notre motivation à mener cette recherche sur la place de la politique culturelle dans le projet d'émergence à l'horizon 2035 se justifie par la nécessité scientifique de comprendre pourquoi, malgré son énorme potentiel artistique et culturel, le secteur culturel n'est pas suffisamment pris en compte dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035. Une telle motivation s'inscrit en fait dans une double nécessité. D'une part, l'exigence politique qui sous-tend cette étude suggère de questionner les stratégies économiques prises par les pouvoirs publics en priorisant le secteur infrastructurel comme étant un secteur porteur de l'émergence alors que la culture est devenue une niche de développement. Il devient de ce fait intéressant pour nous d'apprécier l'intérêt que le projet d'émergence accorde au secteur culturel. D'autre part, la nécessité sociale de notre recherche trouve toute sa pertinence dans la situation des artistes camerounais donc les oeuvres sont piratées et contrefaites et, qui vivent bien souvent dans la précarité et dans l'indigence alors qu'il existe une économie de l'art au Cameroun. Considérant tout cela, nous nous proposons d'interroger les mesures prises par les pouvoirs publics pour promouvoir le secteur culturel et par là assurer le bien-être même de ces artistes.

Après avoir décliné le contexte et les motivations qui sont les nôtres à mener une telle étude, il est question pour nous, dans les lignes suivantes, d'élaborer notre problème et problématique de recherche.

3

2-Problème de recherche

Dans son acception le plus large, un problème de recherche renvoie à l'ensemble des éléments qui posent problème ; c'est-à-dire l'obstacle, la difficulté identifiée et qu'on cherche à résoudre voire à comprendre. Il renvoie à cet effet à une situation d'insatisfaction constatée qui nécessite une réflexion pour trouver une solution. Le problème de recherche en sciences sociales en général et en sociologie en particulier permet, d'après Rachad ANTONUIS, de circonscrire un objet, soit un ensemble de processus sociaux sur lesquels on souhaite se pencher.

La contribution de la culture au développement a suscité depuis 1996, la création d'une Commission en charge du développement et de la culture au sein de l'Unesco lors de la vingt-sixième Conférence mondiale, sous le vocable Notre diversité créatrice.2C'est dans ce sens qu'il est clairement établi que la culture contribue au processus de développement à plusieurs niveaux.3 Ainsi, à l'orée des années 2000, l'Unesco attirait déjà l'attention de ses États membres sur le bien-fondé d'intégrer la culture dans leur politique de développement afin d'en tirer les dividendes.4 En fait, dans l'optique d'oeuvrer pour une meilleure prise en compte de la culture dans le processus de développement, les États membres doivent selon l'UNESCO, concevoir et établir des politiques culturelles de manière à ce qu'elles constituent un élément clé du développement endogène et durable.

De nos jours, le secteur culturel est de plus en plus reconnu comme étant une nouvelle filière de la croissance. Sa contribution à la croissance des pays développés et des pays en voie de développement est importante. En effet, dans le manuel sur les industries culturelles ACP5, la culture y est présentée comme une composante essentielle du développement. En tant que domaine d'activité, le secteur culturel contribue puissamment par le biais du patrimoine matériel et immatériel, des industries créatives et divers moyens d'expression artistique au développement économique, à la stabilité sociale et à la protection de l'environnement. C'est dans ce sens qu'en 2006 au niveau mondial, les industries culturelles occupaient la 5e place

2 Commission mondiale de la culture et du développement, Notre diversité créatrice, Paris, Unesco, 1996

3 UNESCO, La culture dans le cadre de l'Agenda pour le développement durable post-2015 : Pourquoi la culture est l'une des clés du développement durable,

http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CLT/images/AgendaDeveloppementDurable sPost20

4Cette phrase est l'objectif premier des actions recommandées aux Etats membre de l'Unesco lors de la conférence

de Stockholm tenue du 30 mars au 2 avril 1998

5 Secrétariat ACP, Manuel sur les industries culturelles ACP, 2006

4

dans la liste des secteurs les plus porteurs après les services financiers, les technologies de l'information, la pharmacie et la biotechnologie et le tourisme.

De même, la contribution du secteur culturel au développement est également perceptible à travers les emplois qu'il génère et qui contribue à la réduction du chômage. En effet, dans une étude portant sur les industries créatives et l'économie créative dans les rapports officiels européens en 2010, il ressort clairement qu'en Allemagne par exemple, les industries créatives regorgeaient en 2008 plus de 238 000 entreprises et ont réalisées un chiffre d'affaire de plus de 132 milliards d'euro et, employaient plus de 2,5 millions de personnes. Il ressort de la même étude que les industries culturelles des USA en 2004 contribuaient au PIB à hauteur de 5,2 % et employaient 4,7 millions de personnes. Ces industries contribuaient également à hauteur de 2,4% au PIB du Canada et employaient plus de 670 000 de canadiens.

En Afrique, la culture dans plusieurs pays est un secteur important qui a conduit à la croissance de ces derniers. Les dividendes issus de ce secteur contribuent à la réduction de la pauvreté, du chômage et à la croissance du PIB. Au Nigéria par exemple, le secteur culturel à travers son industrie cinématographique (Nollywood)6, a pu hisser le Nigéria (grand producteur de pétrole) au rang de première puissance économique d'Afrique, malgré la baisse drastique des coûts des produits pétroliers. En effet, depuis plus de deux décennies, l'industrie cinématographique nigériane avec une production annuelle de plus de 2000 films par an, emploie plus d'un million de personnes. De même, en Afrique du sud, la production audiovisuelle dans les années 1990 était estimée à plus à 1,3 milliard de rands.7

De ce qui précède, il ressort donc clairement qu'à travers une politique culturelle clairement élaborée et une priorisation du secteur culturel dans leurs politiques de développement, ce secteur est devenu une niche importante qui a contribué à la réduction de la pauvreté et à la croissance dans ces pays. Cependant, malgré l'adoption d'une politique d'orientation générale en matière d'émergence du Cameroun, peu de place demeure accordée à la culture via la politique culturelle.

Du 23 au 26 août 1991 se tenaient, au palais des congrès de Yaoundé, les états généraux de la culture. Tous les participants avaient à coeur de mettre sur pied des stratégies pouvant conduire à la promotion et à la valorisation de la culture camerounaise. C'est dans ce sens que ce symposium a abouti à des recommandations (voir annexes). Même si certaines

6 Dans un article paru sur le Bimensuel Le Patrimoine n° 006 du 14 décembre 2016, Cedrick JIONGO nous fait observer que le secteur cinématographique nigérian, a lui seul, emploie un million de personnes et pèse 853,9 milliards de nairas soit 5,6 milliards de dollars.

7 Francisco D'ALMEIDA et Marie LISE ALLEMAN, Les industries culturelles des pays du sud : enjeux du projet de convention internationale sur la diversité culturelle, Paris, Organisation internationale de la francophonie, 2004

5

recommandations de ces états généraux n'ont pas été tenues8 ou demeurent une vue de l'esprit voire une illusion 9, il n'en demeure pas moins que certaines ont été respectées. La création de tout un ministère en charge des questions culturelles est l'une des recommandations fortes de cette rencontre. C'est ainsi qu'à la faveur du décret n° 92/245 du 2 décembre 1992, fut créé le tout premier ministère de la culture donc la mission première était l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique culturelle.

En revanche, plus de deux décennies après, la PC du Cameroun demeure floue. Au regard des maux qui gangrènent la culture et des crises qui sévissent dans ce secteur, il est difficile d'admettre à ce jour l'existence d'une PC au Cameroun10. Comment en effet comprendre l'ineffectivité de la PC malgré l'existence du MINAC depuis plus de deux décennies ? Qu'est-ce qui justifie une telle léthargie ? Pourquoi le MINAC peine-t-il à élaborer une PC pour le Cameroun ? C'est dans ce sens qu'en l'absence d'une PC réelle, les initiatives en faveur de l'art et de la culture se déploient par tâtonnements et les entrepreneurs culturels qui réussissent s'inspirent plus des entrepreneurs étrangers.11 Dans le même sillage, au regard de l'absence d'une stratégie claire en matière de promotion culturelle, certains personnes à l'instar du Dr. Dieudonné BONDOMA YOKONO, ancien directeur général de l'économie et de la planification stratégique du MINEPAT et actuel président de la cellule d'appui à la réalisation des contrats de partenariat (CARPA), estiment que la baisse drastique de l'enveloppe budgétaire du MINAC au fil du temps est la conséquence de cet absence de PC.12

Bien qu'il soit de plus en plus reconnu aujourd'hui que la culture constitue une niche pouvant conduire à l'amélioration substantielle des conditions de vie des individus, la culture au Cameroun, malgré son énorme potentialité, n'est pas suffisamment prise en compte dans le projet d'émergence à l'horizon 2035. Ainsi, à la suite de ces observations, le problème de recherche retenu dans le cadre de ce travail est celui de la place de la PC dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035. Nous apprécions à cet effet la place que le projet d'émergence à l'horizon 2035 accorde à la PC en tant qu'un outil de développement et de bien-être. Le prétexte de l'intérêt accordé à ce problème découle de la lecture du projet d'émergence où nous avons constaté qu'il existe une politique de consolidation d'unité nationale, une

8 Roger Bernard ONOMO ETABA, Le tourisme culturel au Cameroun, Paris, L'Harmattan, 2009, p.17

9 Justin Blaise AKONO, Cameroun : qui a étranglé le droit d'auteur ? Yaoundé, Edition scène d'ébène, 2014, p.114.

10 Flora AMABIAMINA « Une littérature nationale sans nation ? » in Fabien EBOUSSI BOULAGA (sous dir), L'Etat du Cameroun 2008, Editions Terroirs, p.541.

11 Henri TEDONGMO TEKO, Réussir l'entrepreneuriat culturel : expériences camerounaises, Saint-Denis, éditions Connaissances et Savoirs, 2016, p.128.

12 Ces propos ont été ténus le 19 janvier 2016 lors de la conférence ténue au CCC sur les fondements culturels et enjeux de l'émergence.

6

7

politique d'urbanisation, une politique de développement infrastructurel etc., mais que ce projet accorde très peu de place à la PC. Dès lors, un état des lieux de connaissance développée autour de la problématique d'émergence du Cameroun nous permettra de mieux envisager notre problématique de recherche.

3-Problématique de recherche

La problématique d'émergence du Cameroun a déjà été abordée par plusieurs auteurs aux affiliations disciplinaires distinctes. Ces études sont l'oeuvre des philosophes, des journalistes, des psychologues, des sociologues, des économistes, des diplomates, des juristes etc. Les études réalisées dans le cadre de l'émergence du Cameroun montrent pour la plus part les préalables devant conduire le Cameroun à l'atteinte de son émergence.

L'émergence est souvent perçue comme une étape conduisant au développement. Cherchant à comprendre le phénomène d'émergence à partir du cas du Cameroun, le philosophe Pius ONDOUA OLINGA nous fait savoir que l'émergence est la principale trajectoire qui conduit au développement. Dans son article intitulée Emergence et trajectoire du développement. Regard de philosophe, il nous fait comprendre que l'émergence est la zone intermédiaire entre le développement et le sous-développement. Il nous fait également savoir que l'atteinte de l'émergence du Cameroun passe par l'intégration dans son projet des trois moments essentiels pouvant conduire à son émergence à savoir : le moment interrogatif et critique du modèle dominant de développement, le moment d'évaluation de possibilités utopiques et le moment programmatique. Les indicateurs de ces moments sont d'après lui entre autres la réalisation de l'humain qui met un accent sur la qualité de vie de l'humain etc. Ces indicateurs sont analysables d'après l'auteur sous trois dimensions à savoir, la dimension intersubjective, la dimension individuelle et la dimension de l'insertion à la mondialisation.13

Dans une recherche parue dans les Annales de la FALSH en 2008, le psychologue camerounais Jacques Philippe TSALA TSALA présente les réflexions qu'il a eu à mener sur le DSCE à venir. Dans cet article intitulé Psychologie et développement, comment la psychologie peut-elle contribuer au développement du Cameroun ?, l'auteur articule ses propos en trois points essentiels : les préoccupations du développement social ; les données socio-économiques psychogènes et délictogènes ; la solidarité nationale ou le désir politique de faire face au développement social. Pour cet auteur, c'est à travers ces trois préoccupations que le Cameroun

13 ONDOUA OLINGA Puis, « Emergence et trajectoire du développement. Regard de philosophe » in Annales de la FALSH, UY I, Vol 1, N° 13, Nouvelle Série, Deuxième édition.

pourra atteindre son émergence. Il est important pour le Cameroun d'après lui, de développer son secteur agricole car il est un pays à forte potentialité agricole.

Dans le cadre de l'atteinte d'émergence du Cameroun, certains groupements patronaux camerounais ont fait des propositions aux pouvoirs publics pour conduire le pays à son émergence. Plus précisément, sous l'égide de l'ancien président du groupement patronal du Cameroun (GICAM) André FOTSO et de l'économiste camerounais Roger TSAFACK NANFOSSO, le cercle de recherche du GICAM (CREG) a proposé en 2014 cent propositions pour l'émergence du Cameroun. Pour ces auteurs, l'émergence du Cameroun repose sur trois secteurs fondamentaux à savoir : le secteur primaire (qui repose sur la sylviculture durable, l'émergence du secteur de la pêche et de la pisciculture), le secteur secondaire (à travers la contribution des industries extractives au PIB etc.) et le secteur tertiaire.14 Il ressort des propositions formulées par le GICAM que c'est seulement à travers les secteurs sus-cités que l'émergence du Cameroun pourra être possible.

L'émergence du Cameroun passe également par la conception d'une sécurité humaine et d'une diplomatie de l'émergence. A cet effet, pour atteindre l'émergence, le diplomate camerounais Christian Edmond BEPI POUT pense que le Cameroun doit s'atteler à la conception d'une sécurité humaine et d'une diplomatie de l'émergence. Cette conception permettra d'après l'auteur de questionner la capacité contributive de la diplomatie camerounaise dans le chantier de la croissance économique et dans la dynamique d'amélioration des conditions de vie des camerounais dans un environnement mondial tourmenté et mouvementé. Se faisant plus clair, il soutient qu' : « en s'appuyant sur le substrat idéologique de la sécurité humaine et en procédant aux réaménagements normatifs et institutionnels subséquents, la diplomatie camerounaise pourra jouer un rôle décisif dans le projet d'émergence ».15

En analysant le processus d'émergence du Cameroun, Fonkika DINVEN VERLA pense que c'est un processus qui est porté et impulsé par les acteurs. Parmi ces acteurs, il exclut les entreprises vampires qui sont d'après lui, des entreprises qui ne payent pas leurs impôts. Il nous fait également comprendre que l'émergence ne se résume pas aux rhétoriques politiques dans la mesure où, être émergent ne consiste pas seulement à faire des discours politiques, mais relève davantage des mesures clairement prises et adoptées par les pouvoirs publics pour atteindre cette émergence. Pour que le Cameroun atteigne son émergence, l'auteur prescrit à l'Etat de

14 Lire André FOTSO, Roger TSAFACK NANFOSSO (sous-dir), 100 propositions pour l'émergence du Cameroun, CREG, GICAM, Edition de Yaoundé, 2014.

15 Christian Edmond BEPI POUT, Sécurité humaine et diplomatie de l'émergence : enjeux pour le Cameroun, Yaoundé, PUY, 2013, p.65.

8

mettre une stratégie sur pied pour lutter contre le vampirisme des entreprises camerounaises car elle constitue un frein à son émergence.16

Dans le processus d'atteinte de son développement, le Cameroun à un certain nombre de défis d'émergence à relever. Ainsi, l'étude du projet d'émergence du Cameroun a amené Richard MAKON à observer que, pour que le Cameroun atteigne le développement, il doit relever trois défis fondamentaux de l'émergence à savoir : le défi identitaire à travers l'enracinement de la population à leur culture car l'émergence est avant tout un processus identitaire, le défi éducatif qui passe par la refonte intégrale du système éducatif dans l'optique de former les acteurs du changement et enfin le défi démocratique qui pose en réalité la question de la liberté humaine comme étant au coeur de tout processus de développement, de changement social. C'est à travers ces trois défis, pense l'auteur, que le Cameroun pourra atteindre l'émergence qui est la zone intermédiaire entre le sous-développement et le développement.

Au département de sociologie de l'université de Yaoundé I, peu de recherche, existe sur le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035. En effet, dans son mémoire de Master de sociologie, Christophe BIYIDI étudie la sociologie de l'implémentation du DSCE dans les communes de Yaoundé IV, V et Ngomedzap. Dans cette étude, l'auteur apprécie l'implémentation du DSCE dans les communes suscitées. La question principale de son étude consiste à questionner pourquoi le DSCE ne produit pas les résultats escomptés. Pour lui, il ne produit pas des fruits attendus à cause de la faible allocation budgétaire du BIP (budget d'investissement public) sur le terrain depuis 2010, les problèmes que le BIP rencontre sur le terrain et les conflits liés à la décentralisation.17

Plusieurs études ont déjà été menées sur la place de la culture dans le DSCE qui n'est en réalité qu'une séquence du projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 couvrant la période 2010-2020 (voir annexes). En effet, en étudiant le DSCE du Cameroun, Sylviane TEJIOGNI DONGMO observe que ce document a très peu tenu compte du secteur culturel comme étant un secteur pouvant conduire à la réalisation des objectifs de la croissance et de l'emploi. A ce sujet, elle observe de manière générale que malgré son énorme potentiel artistique et culturel, l'Afrique n'a pas encore pu élaborer une stratégie à même de valoriser et de promouvoir ce secteur. Se faisant plus claire, elle soutient que : « peu de pays africains ont

16 Fonkika DINVEN VERLA, Le vampirisme des entreprises camerounaises : un frein à l?émergence, Paris L'Harmattan, 2015

17 Christophe BIYIDI, « Sociologie de l'implémentation du document de stratégie pour la croissance et l'emploi (DSCE) dans les communes de Yaoundé IV, V et Ngomedzap : enjeux, contraintes et perspectives sociologiques », Université de Yaoundé I, 2016.p.13.

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intégré la culture dans leurs PRSPs (Poverty Reduction Strategy Papers). Le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE) au Cameroun en est un exemple ».18 La solution à ce problème d'après l'auteure, passe par l'intégration de la culture dans son DSCE pour favoriser l'éclosion des industries culturelles et créatives.

Dans la même perspective, Richard Laurent OMGBA et Henri TEDONGMO TEKO observent également que la culture n'est pas suffisamment prise en compte dans le DSCE. D'après Richard Laurent OMGBA, le DSCE accorde une place négligeable au secteur culturel alors que, au regard des dividendes économiques issus des industries culturelles, ce secteur pourrait occuper une place plus éminente si les concepteurs de ce document se montraient plus ingénieux.19 Henri TEDONGMO TEKO20 observe quant à lui que le peu d'intérêt accordé au secteur culturel dans le DSCE suppose que jusqu'en 2035, ce secteur restera loin des préoccupations des décideurs malgré la contribution importante de ce secteur à la croissance économique des nations. Ces deux auteurs soutiennent que le Cameroun gagnerait à intégrer la culture dans son projet d'émergence car celle-ci est devenue dans l'économie mondiale, un levier important de la croissance.

Dès lors, parallèlement à Christophe BIYIDI donc le mémoire de master 2 porte sur la sociologie d'implémentation du DSCE, notre étude s'inscrit dans le prolongement des études de Sylviane TEJIOGNI DONGMO, Richard Laurent OMGBA et Henri TEDONGMO TEKO. Tous ces auteurs se sont attachés à l'appréciation de la place du secteur culturel dans le DSCE. C'est dans ce sens que nous avons orienté notre étude sur la faible prise en compte de la PC dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 (Cameroun vision 2035, voir annexes) et non sur le DSCE qui n'est qu'en réalité, qu'une séquence du projet d'émergence. Cette orientation vise à faire un dépassement des études antérieures qui se sont focalisées essentiellement à l'appréciation de la place de la culture dans le DSCE sans toutefois interrogées la conception de cette politique de développement. Notre étude se propose donc de questionner l'élaboration et la conception du projet d'émergence en rapport avec le secteur culturel. C'est-à-dire, elle cherche à comprendre les logiques d'action et les rationalités qui sont à l'oeuvre dans le cadre de l'élaboration des politiques de développement à partir du cas

18 Sylviane TEJIOGNI DONGMO, « Le développement des industries culturelles et créatives en Afrique : enjeux et perspectives » in Culture, intégration et développement, éditions du silence, Libreville, 2014, p.47.

19 Richard Laurent OMBGA, « Les nouveaux défis de la culture camerounaise », in Annales de la Faculté des arts, lettres et sciences humaines, Vol.1, n°13, Nouvelle série, Second Semestre, Université de Yaoundé I, 2011, Pp.03-15

20 Henri TEDONGMO TEKO, Réussir l'entrepreneuriat culturel : expériences camerounaises, Saint-Denis, Editions Connaissances et Savoirs, 2016

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spécifique du projet d'émergence. De cette orientation, découle notre problématique de recherche.

D'après Lawrence OLIVIER, Guy BEDARD, Julie FERRON, la problématique de recherche s'articule autour du recensement de ce qui pose problème c'est-à dire la recherche de la solution d'un problème qui n'a pas encore été trouvée. Se faisant plus clairs, ils diront que : « la problématique est la recherche de ''ce qui pose problème'', c'est-à dire d'une difficulté théorique ou pratique dont la solution n'est pas trouvée ».21

L'état des connaissances sur la place du secteur culturel dans le DSCE révèle que plusieurs études ont déjà été menées sur la place que ce document accorde au secteur culturel. Au regard de la contribution du secteur culturel à l'émergence des nations et au regard des ambitions clairement affichées des pouvoirs publics camerounais au sujet de l'émergence à travers les différents secteurs pouvant conduire à cette émergence et, au regard d'énormes potentialités artistiques et culturelles du Cameroun, nous nous questionnons si la promotion et la valorisation de la culture camerounaise constituent le leitmotiv des pouvoirs publics. Car, comment comprendre qu'il existe dans le document cadre de l'émergence (Cameroun vision 2035), une politique sur la consolidation du processus de démocratisation, d'urbanisation, d'industrialisation, de l'aménagement du territoire etc. et, que le secteur culturel qui est d'ailleurs un secteur porteur dans les pays comme l'Inde, le Nigéria, la France, les USA ne soit pas suffisamment pris en compte dans l'élaboration de la politique d'émergence du Cameroun.

Notre problématique de recherche porte ainsi sur la faible prise en compte de la place de la PC dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 (Cameroun vision 2035). Cette problématique permet dès lors, d'émettre les questionnements qui constituent la trame de fond de la présente étude.

4- Question de recherche

Pour mener à bien notre étude, notre question de recherche est constituée d'une question de recherche principale et de deux questions de recherche secondaires.

4.1- Question de recherche principale

Comment la politique culturelle est-elle prise en compte dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 ?

21Lawrence OLIVIER, Guy BEDARD, Julie FERRON, L'élaboration d'une problématique de recherche. Sources, outils et méthode, Paris L'Harmattan, 2005, p.24.

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4.2- Questions de recherches secondaires

? Quelles sont les logiques d'action et les rationalités pouvant rendre compte de la faible

prise en compte de la PC dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 ? ? Quelle est la perception que les individus ont de la culture au Cameroun ?

5. Hypothèse spécifique de recherche

Dans une recherche scientifique, l'hypothèse de recherche renvoie à une réponse première, une réponse provisoire devant servir de piste d'analyse, piste de réflexion au chercheur. Elle consiste d'après Jean-Louis LOUBET DEL BAYLE, à :

[...] formuler des propositions relatives à leur signification et à leur explication, propositions qui devront être ensuite validées par une confrontation avec la réalité, afin d'apprécier leur degré de pertinence et d'adéquation au réel, parce que dans le schéma traditionnel de la démarche scientifique expérimentale on appelle des opérations de vérification.22

Ainsi, pour mener à bien notre recherche sur l'appréciation de la place de la PC dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035, nous avons articulé notre réflexion autour d'une hypothèse de recherche principale et de deux hypothèses secondaires.

5.1- Hypothèse principale

Le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 ne prend pas suffisamment en compte la politique culturelle.

5.2- Hypothèses secondaires

I La faible prise en compte de la politique culturelle dans le projet d'émergence du

Cameroun s'explique par la faible connaissance de l'apport de la culture dans l'émergence des nations.

I La perception de la culture au Cameroun est davantage folklorique dans la mesure elle représente.

6. Objectifs de la recherche

Notre étude repose sur un objectif de recherche principal d'une part, et d'autre part sur deux objectifs de recherche spécifiques.

22Jean-Louis LOUBET DEL BAYLE, Op. Cit, pp. 260-261.

6.1- Objectif général de la recherche

Dans le cadre de cette recherche, notre objectif général est celui d'apprécier la place accordée à la politique culturelle dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035.

6.2- Objectifs spécifiques

y' Montrer qu'il existe des logiques d'actions et des rationalités qui rendent compte du

faible intérêt encore accordé à la politique culturelle dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035.

y' Ressortir les différentes perceptions que les individus ont de la culture au Cameroun ainsi que son impact sur le développement du secteur culturel.

7- Clarification terminologique

Les mots de la langue usuelle sont toujours des sujets à controverse et une clarification conceptuelle facilitera la compréhension des concepts qui sont utilisés dans le cadre de cette étude. Ainsi, d'après Emile DURKHEIM, la définition des concepts est une exigence dans la pratique sociologique. Il soutient à ce sujet que :

Toute investigation scientifique porte sur un groupe déterminé de phénomènes qui répondent à une même définition. La première démarche du sociologue doit dont être de définir les choses donc il traite, afin que l'on sache bien de quoi il est question.23

Cette clarification terminologique permettra dans le cadre de notre recherche d'après de « mieux savoir de quoi l'on parle ».24 Ainsi, dans le cadre de cette recherche, nous avons un certain nombre de mots voire groupe de mots à clarifier. Parmi ces mots ou groupe de mots, nous avons :

7.1-Politique culturelle

Dans un sens plus large, la PC renvoie à l'ensemble des orientations prises ainsi que les stratégies adoptées par les pouvoirs publics en vue de soutenir, protéger, voire promouvoir la culture de cet Etat. La PC est spécifique à chaque pays car il n'existe pas de PC standard bien que reposant sur un objectif qui peut paraitre commun à tous les pays comme la promotion et la valorisation de la culture. Elle repose sur un certain nombre d'éléments fondamentaux prescrit

23Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF/Quadrige, 1986, p.34. 24Pierre DOMINCE, L'histoire de vie comme processus de formation, Paris, L'harmattan, 2002, p.11.

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par l'Unesco. D'après cet organisme, la PC est « un ensemble de principes opérationnels, de pratiques et de procédés de gestion administrative ou budgétaire devant servir de base à l'action culturelle de l'État ».25 L'Unesco prescrit alors aux Etats membres de considérer la PC comme « un ensemble de pratiques sociales, conscientes et délibérées, d'intervention ou de non-intervention ayant pour objet de satisfaire certains besoins culturels par l'emploi optimal de toutes les ressources matérielles et humaines dont une société donnée dispose au moment considéré » 26 d'une part, et d'autre part de considérer la culture comme une composante essentielle du développement. Pour François COLBERT, la PC est « un instrument utilisé par un pouvoir public pour valoriser et protéger les traits distincts d'une société, donc ses droits fondamentaux, ses systèmes de valeurs, ses traditions et ses croyances ».27Dans le même sillage, David THROSBY considère que :

La politique culturelle signifie la promotion ou l'interdiction des pratiques et des

valeurs culturelles par les gouvernements, les entreprises et autres institutions ainsi

que les individus. De telles politiques peuvent être explicites lorsque leurs objectifs

sont clairement définis comme culturels. Ou bien implicite quand leurs objectifs

culturels sont dissimulés ou décrits dans d'autres termes.28

Ainsi, dans le cadre de ce travail, la notion de politique culturelle sera entendue comme

l'ensemble des mesures prises ainsi que les stratégies adoptées par les pouvoirs publics en vue de valoriser et de promouvoir les potentialités artistiques et culturelles d'un pays.

7.2-Projet d'émergence

Lors de la conférence ténue le 26 mai 2016 au CCC de Yaoundé portant sur les fondements et enjeux culturels de l'émergence, l'ancien directeur général de l'économie et de la programmation des investissements du MINEPAT et actuel président du CARPA définissait le projet d'émergence en ces termes : « le projet d'émergence est un projet qui intègre d'une part l'aspect quantitatif à travers l'atteinte d'un taux de croissance à deux chiffres et d'autre part l'aspect qualitatif qui met un accent particulier sur l'accès de la population à l'éducation, aux soins de santé à tous ». L'émergence en contexte camerounais et au regard de l'utilisation que les pouvoirs publics en font, est assimilable à la sortie du tunnel de la misère au point où on est

25 UNESCO, « Réflexion préalables sur les politiques culturelles », Paris, UNESCO, 1969, p. 4. 26Ibid. p.8.

27 François COLBERT, Les éléments de la politique culturelle,

http://www.gestiondesarts.com/media/wysiwyg/document/Colbert Politiquesculturelles.pdf consulté le 23 novembre 2017 à 14h15

28 David THROSBY, The economy of cultural policy, Cambridge, University Press, p.161.

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en droit de demander à ses concitoyens de serrer les ceintures, de faire preuve de résilience car le bonheur pointe à l'horizon 2035.

Dans le même sens, l'économiste Laurice Serges ETEKI ELOUNDOU par ailleurs chargé d'étude assistant au MINRESI, concernant le projet d'émergence, soutient que : « le projet d'émergence est un projet qui vise à atteindre un niveau de développement qui permettra au pays de régler ses problèmes économiques et sociaux ».29

Les projets d'émergence ont fait naitre les pays émergents. On entend par pays émergent l'ensemble des pays dont le PIB par habitant est inférieur à celui des pays développés mais qui connaissent une croissance économique fulgurante et donc le niveau de vie et les structures sociales et économiques convergent vers ceux des pays développés. D'après Ernest TOUNA MAMA, « un pays émergent, c'est un pays qui sort du lot des pays sous-développés, qui se distingue de ces derniers par une croissance économique rapide et soutenue, un niveau de revenu par tête qui converge vers celui des pays développés ».30

Dans la même dynamique, l'ingénieur statisticien et économiste sénégalais Moubarack LO observait déjà, dans un article portant sur l'émergence économique des nations, que les termes de pays émergents et de marchés émergents ont fait leur apparition dans la littérature économiste depuis les années 1980. Bien que reconnaissant l'absence d'une définition unanime du concept d'émergence, il nous fait comprendre que les termes de pays émergents et de marchés émergents désignent les pays les plus dynamiques parmi les pays en voie de développement et les mieux intégrés dans l'économie désormais mondialisée.

Les critères qui confèrent à un pays le statut de pays émergent sont, d'après Laurence DAZIANO les suivants : la population, la croissance économique, l'urbanisation, la stabilité politique. Au regard de ces critères, elle écrit en 2014 que les « prochains pays émergents sont le Bangladesh, l'Ethiopie, le Nigéria, l'Indonésie, le Vietnam et le Mexique. Ces pays peuvent être regroupés sous le nouvel acronyme de BENIVM ».31

Ainsi, dans le cadre de cette recherche, le projet d'émergence renvoie à l'ensemble des orientations prises par les pouvoirs publics, structurées dans un document autour d'un certain nombre d'objectifs afin de les réaliser à une période clairement déterminée. Il est également important de souligner que le projet d'émergence du Cameroun est intitulé Cameroun vision 2035 avec le DSCE comme document séquentiel couvrant la période 2010-2019.

29Ces propos ont été ténus le 25 mai 2017 lors de l'émission Vox live présentée par Cabral LIBII sur la chaine de télévision Vox Africa. Le thème de l'émission de ce jour portait sur l'émergence des pays africains.

30Ernest TOUNA MAMA, L'économie camerounaise : pour un nouveau départ, Yaoundé, Afrédit, 2008, p. 31 Problèmes économiques n° 3080, Première quinzaine de janvier 2014, p.38.

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7.3-Analyse des politiques publiques

L'un des arsenaux conceptuels de la science politique, l'origine de la notion de politique publique demeure jusqu'ici ambigüe. Comme science, elle est une branche de la science politique et a une vocation pluridisciplinaire. D'après Vincent LEMIEUX32, trois éléments fondamentaux sont à l'origine d'émergence d'une politique publique : le courant des problèmes (la demande), le courant des solutions (stratégies, moyens, plans d'action, orientation, enjeux etc.) et le courant de la politique (où sont distingués les acteurs comme les élus, fonctionnaires, groupes d'intérêt, électeurs et administrés).

Dans le champ sociologique, la notion d'analyse des politiques publiques est un segment de la sociologie de l'action publique telle que nous renseigne François DE SINGLY et al. De ce point de vue, les politiques publiques d'après ces auteurs, sont un domaine des sciences sociales et ne relèvent par conséquent pas d'une épistémologie particulière. La genèse de la notion de l'analyse des politiques publiques faut-il le rappeler, remonte à la lisière des années 1930 aux Etats-Unis dans un contexte marqué par une floraison des premiers travaux portant sur l'analyse des politiques publiques. Il est important de souligner avec Pierre MOULINIER que « la culture est une politique publique au même titre que la défense, l'éducation ou l'environnement, même si sa reconnaissance en tant que telle est récente ».33

Reprenant Leslie PAL, François COLBERT entend par politique publique un ensemble d'actions ou d'inactions choisies par une autorité publique pour résoudre un problème ou un ensemble de problèmes inter reliés. Il nous renseigne à suffire que la notion de PC s'inscrit dans le cadre des politiques publiques. De l'avis de Flora AMABIAMINA, « On parle de politique publique lorsqu'un problème posé à la société est pris en charge par la puissance publique dans le cadre d'un projet ou d'un programme ».34 Dans cette perspective, la politique publique est assimilable à l'ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics pour résoudre un problème donné.

L'adoption d'une politique publique vise donc la recherche des solutions à un problème clairement identifié par les pouvoirs publics. Cette définition s'inscrit dans la même dynamique que celle de François DE SINGLY et al qui nous font savoir qu'une politique publique est adoptée parce qu'un problème est identifié. C'est dans ce sens que Pierre LASCOUMES et

32 Vincent LEMIEUX, L'étude des politiques publiques : les acteurs de leur pouvoir, Québec, Presses de l'Université de Laval, 2002

33 Pierre MOULINIER, Les politiques publiques de la culture en France, Paris, PUF, 1999, p.3.

34 Flora AMABIAMINA, « Femmes et participation au développement local et à l'action publique » in Jean Emmanuel PONDI (sous dir), Citoyenneté et pouvoir politique en Afrique centrale : états des lieux, défis et perspectives, Paris L'Harmattan, 2016, p.202.

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Patrick LE GALES diront que, « parler de politique publique c'est désigner l'action menée par une autorité publique (seule ou partenariat) afin de traiter une situation perçue comme un problème ».35Pour Jacques DE MAILLARD et Daniel KUBLER, l'analyse des politiques publiques permet de jeter un regard interrogateur voire soupçonneux sur les mesures entreprises par les pouvoirs publics pour apporter des solutions aux différents problèmes rencontrés par leurs populations. Parlant des objectifs de l'analyse des politiques publiques, Jacques DE MAILLARD et Daniel KUBLER diront que : « l'analyse des politiques publiques se donne d'abord pour objectif d'aider les décideurs à faire les bons choix politiques ».36

En France et en Angleterre, les politiques publiques seront mises sur pied pour lutter contre les effets du marché. Suivant cette logique, Jean TURGEON et Jean-François SAVARD nous font savoir qu'une politique publique est un document rédigé par des acteurs gouvernementaux présentant leur vision d'un enjeu susceptible d'une action publique et, accessoirement, les aspects légaux, techniques, pratiques et opérationnels de cette action. Il convient aussi de souligner que plusieurs disciplines s'intéressent à l'analyse des politiques publiques. De ce point de vue, l'analyse des politiques publiques représente d'après Stéphane PAQUIN, Luc BERNIER et Guy LACHAPELLE l'étude de l'action de l'État dans la société publique. Elle s'inscrit profondément dans une démarche pluridisciplinaire puisqu'elle se situe à la jonction de la science politique, du droit, de l'économie, de la sociologie, de la psychologie, de la gestion, du management, de l'administration et de l'histoire.

Dans le cadre de ce travail, la notion de l'analyse des politiques publiques aura pour contenu sémantique l'analyse des différentes orientations prises ainsi que les stratégies adoptées par les pouvoirs publics camerounais pour apporter des solutions aux problèmes dans un secteur voire rencontrés par leurs populations. Cette recherche s'inscrit à cet effet dans le champ de la sociologie de l'action publique qui place les politiques publiques au centre de son analyse. Après le toilettage des concepts utilisés dans le cadre de cette recherche, notre recherche n'aurait aucune pertinence heuristique voire scientifique si elle s'inscrit en marge d'un cadre théorique.

8- Cadre théorique

35 Pierre LASCOUMES et Patrick LE GALES, « Politiques publiques, action publique, gouvernance » in François DE SINGLY et al, Sociologie de l'action publique, Paris, 2007, Armand Colin, p.3.

36Jacques DE MAILLARD et Daniel KUBLER, Analyser les politiques publiques, Presses universitaires de Grenoble, 2013, 2e édition, pp17-18.

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Dans cette section de notre travail, il est question pour nous de décliner notre positionnement épistémologique d'une part, et d'autre part de présenter notre posture théorique. C'est dans cette logique que nous commençons par la présentation de notre positionnement épistémologique.

8.1- Positionnement épistémologique

Dans le vaste champ du savoir sociologique depuis son institutionnalisation au XIXe jusqu'à ce jour, deux grandes traditions auront considérablement et durablement marquées cette discipline. Nous avons d'une part, la tradition durkheimienne qui met l'accent sur les structures sociales dans le processus d'explication des faits sociaux. D'autre part, nous avons la tradition wébérienne qui met l'accent sur l'individu et qui cherche à comprendre par interprétation l'activité sociale et par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effets. La tradition wébérienne faut-il le rappeler, conçoit la sociologie comme « une science qui se propose de comprendre par interprétation l'activité sociale et par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effets ».37

Ainsi, dans le cadre de cette étude, notre cadre théorique s'inscrit dans la tradition wébérienne de la sociologie qui va nous permettre de comprendre par interprétation le projet d'émergence et par là d'expliquer causalement la faible prise en compte de la PC dans ce projet et ses effets. La sociologie wébérienne faut-il le rappeler, s'inscrit dans une perspective de compréhension des motivations des acteurs, les situer par rapport aux relations qu'ils entretiennent dans une situation donnée et enfin l'analyse des stratégies de ces acteurs et de leurs résultats. C'est pour cette raison que Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK nous font observer que d'après Max WEBER, « le sociologue doit s'attacher à comprendre les interactions sociales et leurs résultats ».38

8.2- Posture théorique

D'après Madeleine GRAWITZ, la théorie est « un système explicatif que l'expérimentation confirme ou non »39. C'est dans cette dynamique que toute recherche sociologique singulièrement s'adosse toujours sur une posture théorique. Cette posture théorique d'après Pierre MBONJI EDJENGUELE, « se veut un corps explicatif global et synthétique établissant des liens de relation causale entre les faits observés, analysés et

37 Max WEBER, Economie et société, Tome 1 : les catégories de la sociologie, Paris, Plon/Agora, Trad. Julien FREUND, 1er édition, 1922, p.28.

38 Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK, Introduction à la sociologie, Paris, Armand Colin, 1989, p.37. 39Madeleine GRAWITZ, lexique des sciences sociales, Paris, Dalloz, 8ème éd, P398

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généralisant lesdits liens à toutes sortes de situation ».40 En effet, les théories mobilisées dans le cadre de notre recherche nous permettront d'analyser et d'interpréter l'insuffisance de la place de la PC dans le projet d'émergence du Cameroun. Pour mieux étayer notre démarche, nous avons mobilisé un triptyque théorique en occurrence une théorie de grande portée à savoir la théorie de l'action sociale et deux théories de moyenne portée (la théorie de la rationalité limitée et la théorie néo-institutionnaliste).

8.2.1-La théorie de l'action sociale

Née au XIXe siècle avec les auteurs comme Max WEBER, Alexis DE TOCQUEVILLE, Georg SIMMEL etc., la théorie de l'action sociale est l'étude de la nature des actions humaines prises individuellement ou collectivement. La philosophie, la science économique et la sociologie sont entre autres les principaux champs scientifiques qui s'intéressent à ce paradigme. Ce paradigme place au centre de son analyse l'action sociale comme étant des productions humaines. Elle a pour principes fondamentaux la compréhension des motivations des acteurs individuels, les situer par rapport aux relations qu'ils entretiennent entre eux dans une situation donnée et enfin l'analyse des stratégies de ces acteurs ainsi que leurs résultats.

Les différentes théories qui s'inscrivent dans le prolongement de la théorie de l'action sociale sont entre autre la théorie de l'action rationnelle, la théorie de la rationalité limitée, la théorie des jeux etc. Parlant de la théorie de l'action sociale sous le prisme de Talcott PARSONS, Raymond BOUDON observe que : « Parsons rappelle avec Weber qu'expliquer un phénomène social, c'est en faire le produit d'action compréhensible. Il en résulte qu'un moment essentiel de toute théorie sociologique consiste à retrouver le sens des actions donc le produit constitue le phénomène à expliquer ».41

L'intérêt de la mobilisation de la théorie de l'action sociale dans le cadre de cette étude est de pouvoir mettre en perspective les motivations et les rationalités qui expliquent la faible place encore accordée au secteur culturel au Cameroun, malgré le constat croissant de la contribution pertinente de ce secteur dans la réussite du projet d'émergence de certains pays.

8.2.2- La théorie de la rationalité limitée

40Pierre MBONJI EDJENGUELE, L'ethno-perspective ou la méthode du discours de l'ethno-anthropologie culturelle, Yaoundé, Presses universitaires, 2005, p.13.

41 Raymond BOUDON, « La théorie de l'action sociale de Parsons : la conserver, mais la dépasser » in Sociologie et sociétés, vol. XXI, n° 1, avril 1989, Pp.55-67.

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Sous la houlette d'Herbert SIMON, la théorie de la rationalité limitée s'inscrit dans le continuum de la théorie de la décision des organisations voire de la théorie du choix rationnel avec les auteurs comme Raymond BOUDON, James COLEMAN, Jon ELSTER etc. Né en 1916 dans le Wisconsin, Herbert SIMON est une figure de proue de cette théorie avec son article intitulé A behavioral model of rational choice. L'élément fondamental de cette théorie d'après l'auteur, est que l'homme est permanemment à la recherche des voies et moyens pour atteindre des buts voire des objectifs et par conséquent prend des décisions avec un comportement moulé par la structure de son environnement social.

Cette théorie stipule que, si l'on veut étudier le vrai processus de prise de décision dans une organisation, il faut d'abord prioritairement se mettre à l'esprit que l'homme n'est ni trop rationnel ni trop affecté par son environnement. Dans cette théorie, Herbert SIMON distingue deux types de décisions à savoir les décisions programmées orientées par les structures de l'organisation et les décisions non programmées conditionnées par le caractère libre de l'individu bien que limité. Mikaël COZIC nous fait observer dans ce sens que :

Pour Simon, en effet, la rationalité limitée désigne les limitations cognitives qui pèsent sur la formation des états mentaux et sur la prise de décision des agents. Dans ce cas, la modélisation de la rationalité limitée est la recherche de modèles de décision qui soient capables de prendre en compte ces limitations cognitives.42 La mobilisation de cette théorie dans cette étude s'inscrit dans une double dimension. La

première consiste à soulever que le projet d'émergence a été élaboré par des acteurs rationnels qui ont une expertise en ce qui concerne la conception et l'élaboration des politiques de développement. La seconde dimension et la plus importante est celle d'observer bien qu'ayant été élaborée par des acteurs doués d'une expertise avérée en matières d'élaboration de politique de développement, la rationalité de ceux-ci étaient davantage limitée. Limitée à cause des directives voire orientation du politique à l'endroit des rédacteurs de ce projet. C'est-à-dire, dans le cadre d'élaboration d'une politique de développement en général et singulièrement du projet d'émergence, le politique donne des directives précises en ce qui concerne les secteurs entrainants et ceux-ci (les concepteurs) sont tenus de prioriser ces secteurs au détriment des autres secteurs.

8.2.3-La théorie néo-institutionnelle

42 Mikaël COZIC, « la rationalité limitée » disponible en téléchargement gratuit sur internet en fichier PDF, consulté le 5/12/2017 à 11h42

Relativement récente, la théorie néo-institutionnelle ou théorie néo-institutionnalisme/institutionnaliste est « un courant d'analyse en science politique qui est apparu dans les années 1980 ».43 Elle est le prolongement de la théorie institutionnelle qui avait émergé aux États-Unis sous l'impulsion de Thostein VEBLEN, John Rogers COMMONS et de Wesley Clair MITCHELL qui mettent un accent sur la compréhension du rôle des institutions dans la structuration économique. Fondamentalement ancrée dans l'analyse des organisations, la théorie néo-institutionnelle s'attache à expliquer le phénomène de l'homogénéisation comportementale dans les organisations ainsi que l'influence prépondérante des institutions sur les organisations. Cette théorie se singularise par l'utilisation des institutions comme variables explicatives autonomes. L'approche sociologique de cette théorie émerge à la lisière des années 1970 avec les travaux de Meyer FORTES etc. Parlant de cette théorie, Roberto RIZZA observe que :

L'horizon théorique néo-institutionnaliste attribue un rôle central aux institutions pour la compréhension des phénomènes sociaux, économiques, politiques, culturels et pour la reconstruction du rapport complexe entre les individus et la sphère supra-individuelle. Les différentes versions de l'institutionnalisme s'accordent sur le fait que les institutions contribuent à la définition de profondes régularités dans le comportement des individus en réduisant l'incertitude et en rendant plus prévisibles les phénomènes sociaux, économiques, politiques et culturels.44

La mobilisation de cette théorie dans le cadre de cette recherche nous permettra, à travers

une analyse interprétative du document cadre de l'émergence du Cameroun, de montrer que le faible intérêt accordé à la PC découle de l'orientation politique donnée au projet d'émergence. C'est-à-dire, ce référent théorique nous permettra de comprendre que l'agir des concepteurs de ce projet était davantage conditionné par les pouvoirs publics. Elle nous permettra également de comprendre les facteurs officieux pouvant rendre compte du peu d'intérêt accordé la PC dans le projet d'émergence de ce pays à travers une sociologie de la connaissance des politiques de développement implémentées au Cameroun depuis l'avènement de l'indépendance.

8.3- L'apport de l'interdisciplinarité

43Jean-François DORTIER (sous dir), Le dictionnaire des sciences sociales, Auxerre, Sciences Humaines Editions, 2013, p.245.

44 Roberto RIZZA, « Néo-institutionnalisme sociologique et nouvelle sociologie économique : quelles

relations ? » in Revue Interventions économiques, n° 38, 2008

Dans sa pratique actuelle, le savoir sociologique prescrit une sorte d'infidélité scientifique dans la mesure où, pour reprendre Pierre BOURDIEU, les cartes d'identités scientifiques sont de nos jours davantage fautives. Raison pour laquelle l'interdisciplinarité se positionne aujourd'hui comme une exigence dans la pratique actuelle de la science et singulièrement de la sociologie. Cette exigence nous impose à avoir une connaissance complexe dans la saisine des réalités sociales dans la mesure où « la connaissance complexe est le chemin nécessaire pour arriver à l'inconnaissable ».45

Dans sa trajectoire d'homme de science, le prince DIKA-AKWA Nya Bonambela aura légué un héritage important à la communauté scientifique. Il avait toujours pensé comme le rappelle si bien Joseph-Marie ESSOMBA que, « la méthode scientifique du Mulongi (recherche pluridimensionnelle et pluridisciplinaire) »46doit être le centre de gravité de toute investigation scientifique car, les réalités sociales sont hermétiques et nécessitent l'apport et même la conjonction des autres savoirs afin de démêler l'écheveau de cette réalité. Valentin NGA NDONGO nous fait d'ailleurs comprendre que l'interdisciplinarité constitue l'une des principales exigences de la sociologie aujourd'hui. Elle vise une sociologie en profondeur, à une saisie globale de la réalité sociale, à une sorte de sociologie totale.

Dans cette perspective, notre sujet qui porte sur l'appréciation de la place que le projet d'émergence accorde à la PC, nous soumet à une sorte d'indiscipline scientifique en faisant recours à d'autres disciplines scientifiques. Le recours à la science économique par exemple nous permettra de comprendre les contours des concepts comme le projet d'émergence, pays émergent, les ICs, les filières de croissance, les industries créatives, les politiques de développement etc. Le recours à la science politique qui est en réalité une discipline connexe de la sociologie politique nous permettra de mieux saisir la notion de politique publique et la notion de l'analyse des politiques publiques. Au regard d'une pléthore de réflexions d'ordre anthropologique sur la notion de la culture, le recours à l'anthropologie nous permettra de cerner cette notion dans toute sa multiplicité. Le recours à l'histoire nous permettra de jeter un regard rétrospectif sur les mécanismes, les stratégies des pouvoirs publics camerounais entreprises pour amélioration les conditions de vie de la population. Après avoir décliné notre posture théorique ainsi que le bien fondée de l'apport de l'interdisciplinarité dans le cadre de notre étude, nous allons décliner dans les lignes suivantes le cadre méthodologique de notre étude.

45 Edgar MORIN, Connaissance ignorance mystère, Paris Fayard, 2017, p.172.

46Joseph-Marie ESSOMBA, CHEIKH ANTA DIOP et son dernier message à l'Afrique et au monde (janvier 1986), Milan, éditions AMA/COE, 1996, p.10.

22

9-Cadre méthodologique de l'étude

Dans le cadre d'une recherche, le choix de la méthodologie n'est pas fortuit. Il relève davantage des interrogations que le chercheur se pose ainsi que l'objectif visé par le travail de ce dernier. Plus précisément, la méthodologie d'après Matthieu GUIDERE est au fondement de la recherche dans la mesure où « une science sans conscience méthodologique n?est que ruine de la recherche ».47 La méthodologie s'appuie donc sur deux éléments fondamentaux à savoir : l'approche méthodologique, le champ d'observation et l'unité d'observation.

9.1- Approche méthodologique

Les chercheurs en sciences sociales recourent généralement à deux types d'approches dans le processus d'explication, de description et de compréhension des réalités sociales. Parmi ses approches, nous avons : l'approche quantitative et l'approche qualitative. C'est dans ce sens que la sociologie classique aura durablement été marquée par le dualisme entre la méthode qualitative d'inspiration wébérienne et la méthode quantitative d'inspiration durkheimienne.

Bien que nous ayons opté pour l'approche qualitative, notre réflexion s'inscrit en marge de cette opposition méthodologique car loin de s'opposer, les deux approches sont complémentaires. Cependant, il est d'une impérieuse nécessité de souligner que la recherche qualitative se focalise sur la description, l'analyse et la compréhension de la réalité sociale dans un contexte donné. Le choix de l'approche qualitative dans le cadre de la présente étude se justifie par:

? la nécessité de comprendre en profondeur les logiques d'action et les rationalités qui peuvent conduire à la compréhension du peu d'intérêt accordé au secteur culturel dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 ;

? la nécessité de questionner les stratégies économiques des pouvoirs publics camerounais pour atteindre l'émergence à travers les entretiens avec les responsables chargés de l'élaboration été de la mise en oeuvre du projet d'émergence du Cameroun.

9.2- Champ d'observation et unité d'observation

La présente étude a été réalisée sur un champ d'observation clairement défini et sur une unité d'observation auprès desquelles les données ont été obtenues.

47 Matthieu GUIDERE, Méthodologie de la recherche, Paris, Ellipses, 2004, p.4.

23

9.2.1- Champ d'observation

Plus connu sous le nom de terrain d'étude, le champ d'observation est le lieu où le chercheur mène son étude. Dans le cadre de la présente étude, la ville de Yaoundé a été retenue comme notre champ principal d'observation. Ce choix n'est pas fantaisiste encore moins fortuit. Capitale de la République du Cameroun, Yaoundé est le siège des institutions où est logé les départements ministériels qui s'occupent de l'élaboration de la politique de développement d'une part, de l'élaboration de la politique culturelle d'autre part et de la promotion du tourisme. Au regard de notre souci d'avoir des informations sur le Ngouon48, nous avons fait une descente à Foumban lors de la 546e édition du Ngouon.

Cependant, la délimitation de notre champ d'étude n'implique pas que l'étude a été réalisée sur toute la population de Yaoundé. Raison pour laquelle notre réflexion porte sur une unité d'observation.

9.2.2- Les unités d'observation

La présente étude est réalisée sur une unité d'observation constituée de plusieurs types d'acteurs. Face à la densité des acteurs du champ culturel en occurrence les artistes, les institutionnels en charge de ce secteur, les promoteurs culturels d'une part et d'autre part à cause des énormes moyens financiers et techniques que nécessite une étude exhaustive sur notre population d'étude, nous avons opté de faire notre investigation scientifique sur un échantillon.

Dans son acception la plus large, le concept échantillon vient du latin scandiculum dérivant de scandere qui veut dire monter, gravir. Il vient également de l'ancien français eschandillon qui veut dire un petit instrument de mesure. Dans le cadre d'une recherche, l'échantillon renvoie à un fragment de la population concernée par une étude. Ainsi, d'après Rodolphe GHIGLIONE et Benjamin MATALON,

il est très rare qu'on puisse étudier exhaustivement une population, c'est-à dire en interroger tous les membres : ce serait trop long et si couteux que c'est pratiquement impossible f...] Le problème est de choisir un groupe d'individus, un

48 Le Ngouon est une grande fête culturelle et traditionnelle bamoun qui se célèbre tous les deux ans.

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échantillon, tel que les observations qu'on fera sur lui pourront être généralisées à

l'ensemble de la population(...).49

Dans le cadre de cette étude, l'échantillonnage adopté est celui de l'échantillon sur le terrain ou sur place. Ce choix s'est fait à cause des difficultés d'obtention d'un fichier exhaustif de notre unité d'observation et à cause de la dispersion de nos personnes ressources. Pour assurer la crédibilité de sa représentativité, la construction de notre unité d'observation s'est adossée sur l'élément principiel de l'hétérogénéité des répondants. Comme éléments constituants notre unité d'observation, nous avons les acteurs institutionnels que Jean-Claude COMBESSIE appelle les informateurs institués50 de par leurs positions de responsabilités, les artistes musiciens et les personnes ayant mené des réflexions sur l'émergence du Cameroun.51

Les acteurs institutionnels sur lesquels nous avons obtenu des informations utiles nécessaires à la réalisation de cette étude sont constitués de certains responsables du MINEPAT (ministère chargé de l'élaboration de la politique de développement du Cameroun), de certains responsables du MINAC (qui s'occupe d'après son décret de création de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la PC) du chef secteur culture de l'Unesco et enfin la direction de la promotion du tourisme culturel MINTOUL. Au regard de la crise qui secoue les organismes de gestion collective des droits d'auteurs de la catégorie B art musical, nous avons également interrogé certains artistes musiciens. Nous avons également à travers le processus d'itération, interrogé deux acteurs qui ont mené des réflexions sur l'émergence du Cameroun.

9.3- Techniques de collecte des données

Comme nous l'avons précédemment indiqué et au regard des grandes orientations de cette étude, le prélèvement des données auprès de notre unité d'observation a été réalisé par le biais des instruments d'investigation essentiellement qualitatifs avec comme outils de collecte des données le guide d'entretien et le guide d'observation. Le choix de ces outils de collecte de donnée obéit aux types d'informations que nous voulons avoir. Madeleine GRAWITZ nous renseigne d'ailleurs que :

Dans une recherche, la nature même des informations qu'il convient de recueillir pour atteindre l'objectif, commande les moyens employés pour le faire. On ne chasse pas les papillons avec des hameçons, en admettant que l'on puisse

49Rodolphe GHIGLIONE et Benjamin MATALON, Les enquêtes sociologiques. Théories et pratique, Paris, Armand Colin, 1985(4e édition), p.29.

50 Jean-Claude COMBESSIE, La méthode en sociologie, Paris, La Découverte, 1996, p.19.

51 Voir liste des enquêtés en annexes

25

attraper, des poissons avec un filet à papillons. Il est donc indispensable

d'approprier l'outil à la recherche.52

Nous convenons dans cette dynamique à la suite de Jean-Marc ELA que l'objectif d'une enquête de terrain est d'obtenir les informations pouvant conduire à la vérification d'une hypothèse. Et dans ce sens, « cette quête d'information doit obéir à des techniques qui ont besoin d'être contextualisées dans la mesure où, là aussi, on retrouve les manières d'enquêter marquées par des traditions méthodologiques propres à une culture de la recherche scientifique ».53

9.3.1- Les données par l'observation documentaire

Au regard de notre objet de recherche qui porte sur l'appréciation de la place que le projet d'émergence accorde à la PC, l'observation documentaire constitue la technique privilégiée d'extraction d'information afin de bâtir notre recherche. Et par conséquent, notre sujet de recherche nous exige à faire une immersion non seulement dans le document cadre de l'émergence, mais aussi à une étude des documents (les politiques de développement du Cameroun) qui ont à coeur de promouvoir le bien-être de la population camerounaise. Nous convenons à la suite d'Yvan ABERMOT et Jean RAVESTEIN que globalement, « l'observation est une manière de recueillir des données qui peut être utilisée comme outil unique ou en complément d'autres outils de recherche ».54

De ce point de vue, on entend par document tout élément qui véhicule un message, une information. Comme typologie de documents, nous avons : les documents écrits (livres, articles scientifiques et journaliste etc.), les documents non écrits (photo) et les documents sémiotiques (signe). Il est important de souligner que l'observation documentaire renvoie à la notion d'analyse de contenu théorisée par Laurence BARDIN. Plus précisément, Laurence BARDIN nous fait observer que le but de l'analyse de contenu est :

L'inférence de connaissance aux conditions de production (ou éventuellement de réception) à l'aide d'indicateurs quantitatifs ou non. L'analyste est comme un archéologue. Il travaille sur les traces : les documents qu'il peut retrouver ou susciter. Mais ces traces sont la manifestation d'états de données à travers

52Madeleine GRAWITZ,Op.Cit,p.500

53 Jean-Marc ELA, Guide pédagogique de formation à la recherche pour le développement en Afrique, Paris L'Harmattan, 2001, p.61.

54 Yvan ABERMOT et Jean RAVESTEIN, Réussir son master en sciences humaines et sociales : problématiques-méthodes-outils, Paris, Dunod, 2009, p.107.

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elles(...) L'analyse de contenu veut atteindre au coeur des messages, à leur face

latente et à leur dimension invisible.55

C'est par le biais de ce type d'observation que nous allons mieux cerner les éléments constitutifs du projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035. Les données issues de cette méthode ont été obtenues par le biais de la lecture du projet d'émergence (Cameroun vision 2035), le DSCE, des émissions radiophoniques et télévisuelles et conférences débats etc.

L'observation documentaire nous a conduit tour aux bibliothèques des instituts français du Cameroun branche de Yaoundé et de Douala, au centre de documentation du club Unesco de l'université de Yaoundé I, à la bibliothèque de la faculté des arts lettres et sciences humaines, au cercle philo-psycho-socio-anthropo de l'Université de Yaoundé 1, à la bibliothèque de la représentation de l'Unesco de l'Afrique centrale sise à Bastos, d'une part et d'autre part à travers une fouille webographique via la base des données de l'Unesco, les moteurs de recherches Dogpile, Google, Wikipédia, Google scholar etc. Ainsi, les principaux documents de base exploités dans le cadre de travail sont condensés dans le tableau suivant.

Tableau 1 : liste de documents de base consulté

Documents

Source

Cameroun vision 2035

www.minepat.gov.cm

DSCE

www.minepat.gov.cm

DSRP

www.minepat.gov.cm

Rapport de la commission mondiale de la culture et du développement, Paris, juillet 1996

www.unesco.org

Rapport Novembre 2009 sur la culture comme facteur de Développement économique et social

www.unesco.org

Rapport de la commission mondiale de la culture et du développement, Paris, juillet 1996

www.unesco.org

-Conférence de Stockholm du 30 mars au 2 avril 1998 sur la culture

www.unesco.org

Source : Arouna POUNTOUGNIGNI MFENJOU

9.3.2- L'observation directe comme mode de production des données

Étymologiquement, le verbe observer vient du latin observare qui consiste à garder devant soi, ne pas quitter des yeux afin de considérer minutieusement une chose en vue de mieux la connaitre en profondeur. L'observation au sens de Jean-Pierre DURAND et de Robert WEIL se présente comme « [...] un préalable obligé pour construire une bonne enquête par

55Laurence BARDIN, L'analyse de contenu, Paris, PUF, 1983, 3e édition, p.39.

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entretiens ou par questionnaires ».56 L'observation, cet outil de connaissance du monde sera l'élément de standardisation de notre comportement dans le cadre de cette réflexion. Durant cette phase délicate, la suprématie de l'oeil doit être un élément d'une importance capitale sur l'observation car d'après Antigone MOUCHTOURIS, « elle apporte des éclairages spécifiques sur la réalité sociale et qu'elle nous permet de comprendre son extrême complexité » afin « de comprendre la construction des processus sociaux ».57C'est dans ce sens qu'elle s'inscrit dans un triptyque de perception, de mémorisation et de notation.

9.3.3- Les données par l'observation méthodique

A la différence de l'observation directe libre, ce type d'observation est orienté non seulement par la problématique de la recherche, mais également par les hypothèses préalablement élaborées par le chercheur. Dans ce sens, « l'observation méthodique est un procédé d'observation contrôlé : il suppose que des hypothèses de recherche aient été formulées, à partir desquelles un plan raisonné d'observation pourra être élaboré ».58 C'est un type d'observation qui nécessite une éducation de l'oeil mieux encore une suprématie absolue de l'oeil dans le processus d'observation des dynamiques sur lesquelles reposera l'observation du chercheur.

Dans le cadre de notre étude, cette technique nous permettra de voir qu'à l'absence d'une orientation clairement identifiée et d'une vision en matière du secteur culturel, ce secteur culturel est dynamique, en plein mouvement. Cependant, les différents types d'observation mobilisés dans le cadre de cette étude vont se faire avec une conjonction avec les entrevues car, pensent Stéphane BEAUD et Florence WEBER, « à dire vrai, les uns et les autres sont complémentaires : une observation sans entretiens risque de rester aveugle aux points de vue indigènes ; un entretien sans observation risque de rester prisonnier d'un discours décontextualisé » .59

9.3.4- L'entretien semi directif comme mode de production des données

56 Jean-Pierre DURAND et Robert WEIL, Sociologie contemporaine, Paris, Vigot, 2006, p.422.

57Antigone MOUCHTOURIS, L'observation : un outil de connaissance du monde, Paris L'Harmattan, 2014, p. 30.

58Georg GRANAI, « Techniques de l'enquête sociologique » in Georges GURWITCH (sous dir), Traité de sociologie, Paris PUF, 1967, 3e éditions, p. 15.

59 Stéphane BEAUD et Florence WEBER, Guide de l'enquête de terrain, Paris La Découverte, 2010, 4e édition, Pp.123-124.

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Elément indispensable dans la vie sociale, les entrevues ou les entretiens se conçoivent comme le moyen d'obtention des données auprès des producteurs de ce qu'Emile DURKHEIM a appelé l'ensemble de manière de penser, d'agir et de sentir qu'ils vivent au quotidien via une discussion, un échange autour d'une problématique spécifique. Autrement dit, l'entretien semi-directif vise d'après Benjamin Alexandre NKOUM à recueillir des données auprès d'une ou de plusieurs personnes. Il nous fait comprendre qu' « Il consiste donc à introduire les thèmes sous forme de questions ouvertes en laissant à la personne enquêtée, la liberté de s?exprimer sur le sujet ».60 En effet, nous disent FASSIN et al,

L'entretien et l'observation correspondent à une approche généralement descriptive des faits sociaux : pour celui qui enregistre ce qu'il entend et ce qu'il voit, il s'agit d'abord de savoir de quoi sont faites les existences des gens qu'il étudie ; il va tenter de relever les discours et les situations lui permettant d'accéder aux croyances, aux représentations, aux pratiques, aux institutions qui donnent un sens à une société.61

Cette technique nous permettra dans le cadre de ce travail de réaliser des entretiens avec

les acteurs (artistes, acteurs institutionnels en occurrence le MINEPAT, MINAC et le MINTOUL) autour de la place de la politique culturelle dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035. Le tableau ci-dessous regroupe l'ensemble de personnes avec lesquelles nous avons réalisé des entretiens.

Tableau 2 : liste des institutions/ personnes interviewés

Personnes ou institutions interrogé

Type d'entretien

Nombres

MINEPAT

Semi-directif

02

MINAC

Semi-directif

05

MINTOUL

Semi-directif

01

Artistes musiciens

Semi-directif

03

UNESCO

Semi-directif

01

Personnes interrogées via le processus
d'itération

Semi-directif

02

Total

05

14

Source : Arouna POUNTOUGNIGNI MFENJOU

9.4-Traitement et analyse des données

60 Benjamin Alexandre NKOUM, Initiation à la recherche : une nécessité professionnelle, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2010, 2e édition, p.134.

61Didier FASSIN et al, Sociétés, développement et santé, Paris, les Éditions Ellipses, 1990, p. 87

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Loin d'être une sinécure, l'analyse des données est très déterminante dans le cadre d'une production scientifique. L'approche qualitative qui relève de notre positionnement épistémologique nous a conduit à produire des données essentiellement qualitatives. Ces données obtenues sont traitées à partir de l'analyse de contenu. De l'avis de Laurence BARDIN, l'analyse de contenu est :

Un ensemble de techniques d'analyse des communications visant, par des

procédures systématiques et objectives de description du contenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l'inférence de connaissances relatives aux conditions de production/ réception (variables inférées) de ces messages.62

Dans cette perspective, l'analyse de contenu facilite l'interprétation des données par le

chercheur dans le cadre de ces investigations scientifiques. C'est dans ce sens que nous observons à la suite de Roger MUCCHIELLI qu'il s'agit d' « un examen objectif, exhaustif, méthodologique et si possible quantitatif, d'un texte ou d'un ensemble d'informations en vue d'en tirer ce qu'il contient de significatif par rapport aux objectifs de la recherche ».63 L'analyse de contenu dans le cadre de cette étude porte sur les entretiens réalisés ainsi que sur les documents cadre de l'émergence (Cameroun vision 2035 et le DSCE), sur les plans quinquennaux, les PAS et le DSRP etc.

10- La structuration de l'étude

Cette recherche qui porte sur l'appréciation de la place de la PC dans le projet d'émergence est structurée autour de deux grandes articulations contenant chacune deux chapitres.

Dans la première partie de cette recherche, notre réflexion est axée sur le projet d'émergence et la politique culturelle qui constitue le prétexte de cette investigation scientifique. Au niveau du chapitre premier, nous passons au scanner le projet d'émergence du Cameroun tout en articulant notre réflexion sur le contenu sémantique du concept d'émergence, les éléments qui ont contribué à sa genèse, les grandes orientations du projet d'émergence du Cameroun etc. Au chapitre deuxième, nous analysons la notion de culture et celle de la politique culturelle. L'objectif ici est de faire une sociogenèse de la culture, faire ressortir les

62 Laurence BARDIN, L'analyse de contenu, Paris, PUF, 1977, p.43.

63 Roger MUCCHIELLI, L'analyse de contenu des documents et des communications, Paris, ESF Editeur, 2006, p.123.

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fonctions de la culture, les éléments qui entrent dans le processus d'élaboration d'une PC et enfin ressortir les modèles et les objectifs d'une PC.

Dans la deuxième articulation de ce travail centré sur la culture sans politique et politique sans culture au Cameroun, nous montrons comment la politique culturelle contribue à l'émergence des nations (chapitre troisième). L'objectif ici est de montrer que la culture est devenue une niche d'émergence des nations à travers la contribution des industries culturelles à la croissance. Le chapitre quatrième est intitulé politique sans culture et culture sans politique au Cameroun : pour un réajustement du projet d'émergence. L'objectif ici est de montrer qu'il existe des politiques de développement qui ont pour particularité la non prise en compte suffisante du secteur culturel dans leurs phases d'élaboration. Au regard des données issues de nos enquêtes de terrain, nous articulons notre réflexion sur la nécessité voire l'urgence d'un réajustement du projet d'émergence du Cameroun afin d'intégrer la culture dans son projet d'émergence. L'objectif ici est de montrer l'opportunité d'une prise en compte du secteur culturel dans son projet d'émergence. En toute logique, l'ordonnancement ci-dessus reflètera la progression de cette étude.

PREMIERE PARTIE : PROJET D'EMERGENCE
ET POLITIQUE CULTURELLE : LE PRETEXTE
D'UNE INVESTIGATION SCIENTIFIQUE

31

CHAPITRE 1 : LE PROJET D'EMERGENCE DU CAMEROUN

32

Le concept d'émergence est symptomatique d'une crise profonde des sociétés africaines en général. Il s'agit d'un concept technocratique fonctionnant comme un nouveau fétiche, au même titre que l'ajustement structurel à une certaine époque. En réalité, il est de nature à masquer une incapacité générale à trouver les moyens et procédures appropriés pour permettre aux Etats africains de contribuer efficacement à la réduction de l'extrême pauvreté des populations à court et à moyen termes.64

64Pascal TOUOYEM, « L'Afrique à l'épreuve des »programmes de sortie de crise» » in Jean Didier BOUKOUNGOU (sous dir), L'émergence de l'Afrique, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2015, p.183.

33

34

Qu'entend-on par émergence ? Quelle est la sociohistoire du projet d'émergence du Cameroun ? Quelles sont les grandes orientations de ce projet et quelles en sont ces limites ? Telles sont les interrogations qui vont être analysées dans le cadre de ce chapitre. Pour y répondre, nous allons nous atteler à définir le concept d'émergence qui constitue depuis une décennie le fil conducteur de toutes les conversations sociales et même de toutes les rhétoriques politiques au sein de l'espace public de certains pays africains en général et du Cameroun en particulier. Son intégration quasi générale dans le corpus sémantique des discussions politiques, économiques, sociales du moment est révélatrice des attentes de la population corolairement aux discours prononcés par les pouvoirs publics africains concernant cette notion. Dès lors, qu'est-ce que l'émergence ?

1- L'origine du concept d'émergence : variation de sens

Dans l'exercice du métier de sociologue, la clarification conceptuelle est loin d'être un exercice superflu voire superfétatoire. Dans cette dynamique, il est question pour nous de procéder à une analyse sémantico-analytique du concept d'émergence qui est quasiment devenu le refrain des discours et rhétoriques politiques, populaires et journalistiques au sein des Etats africains. Cette clarification conceptuelle aboutira à la réflexion autour de la genèse du projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 ainsi que les grandes orientations de cette politique publique.

Concept apparu vers la fin du XIXe, l'émergence est un concept qui visiblement, semble être marqué par une sorte d'ambigüité étymologique voire définitionnelle. D'essence philosophique, le concept d'émergence est grossièrement résumé par l'adage le tout possède parfois davantage de possibilité que la seule somme de ses parties. Ce concept est assimilable à la notion de décollage évoquée par l'économiste Rostow WALT WITHMAN lorsqu'il parlait des cinq étapes qui conduisaient au développement d'un pays : la société traditionnelle, l'émergence des pré-conditions du décollage, le décollage, la marche vers la maturité et l'ère de la consommation de masse. Pour ce dernier, la phase du décollage est la phase la plus importante dans la dynamique de développement d'un pays. De ce point de vue, l'émergence peut-être synonymique de la phase de décollage dans la théorie de Rostow WALT WITHMAN. Dans l'image aquatique, l'émergence est un processus qui consiste à sortir la tête de l'eau.

Dans son mémoire de master de sociologie, Henri TEDONGMO TEKO, reprenant STEWART et COHEN, nous fait comprendre que le concept d'émergence désigne un point de passage obligé pour expliquer des propriétés macroscopiques que l'on ne sait pas reporter sur

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des propriétés des seuls composants, et ainsi de suite jusqu'à l'infini. En Science physique par exemple, l'émergence désigne un mouvement de pensée externe à la « théorie du tout », qui considère les grandes lois physiques comme émergentes, c'est-à- dire, qui n'offrent pas la possibilité d'être déduites des principes plus fondamentaux.65

Dans la dynamique définitionnelle de ce concept, Alain VULBEAU et al observent que l'émergence est une importation du domaine scientifique qui désigne soit un phénomène (comme le point de »sortie d'un rayon ou d'un fluide»), soit un processus biologique (comme l'apparition d'un organe nouveau ou de propriétés nouvelles d'ordre supérieur). C'est ainsi que d'après ces derniers, le verbe émerger a le sens d'apparaitre à la surface, en sortant d'un milieu où l'on est plongé ; ou, de façon figurée, c'est le fait de se manifester ou d'apparaitre plus clairement.66

Dans le même sillage, Pius ONDOUA OLINGA, parlant de ce concept nous fait comprendre que l'émergence est la zone intermédiaire entre le développement et le sous-développement. Ce faisant plus clair, il soutient que :

Le concept d'émergence apparait alors comme un moyen terme, entre développement et sous-développement, dans le cadre de la classification désormais bipolaire du monde, les appelés pays émergents réalisant une migration programmé (et réussie) du pole du développement, en pleine conscience et surtout en meilleure maitrise des défis et des enjeux dérivant de l'hétérogénéité d'un monde essentiellement contradictoire, dans sa structuration et dans son fonctionnement.67

C'est dans cette dynamique que le concept d'émergence a été à l'origine dans les années

1980 de la naissance de la notion de pays émergent par l'économiste néerlandais Antoine VAN AGTMAEL à la société financière internationale. Il entend par pays émergents l'ensemble des pays en voie de développement caractérisés par une croissance forte. Les pays émergents renvoient donc le site internet Wikipédia à « l'ensemble des pays donc le PIB par habitant est inférieur à celui des pays développés, mais qui connaissent une croissance économique rapide, et dont le niveau de vie ainsi que les structures économiques et sociales convergent vers ceux

65Henri TEDONGMO TEKO, « la dynamique socio-économique de l'émergence du marché illégal des oeuvres musicales dans la nouvelle économie a douala », mémoire de master de sociologie, Université de Douala 2009, p.8. Disponible en ligne à l'adresse www.mémoireonline.com consulté le 03/04/2017 à 16h05

66Manuel Boucher, « Sortir de l'ombre ? Oui, mais seulement au crépuscule... », in Manuel BOUCHER et Alain VULBEAU (sous dir), Emergences culturelles et jeunesse populaire. Turbulences ou médiations ?, Paris L'Harmattan, 2003, p.158.

67Puis ONDOUA OLINGA, « Emergence et trajectoire du développement. Regard de philosophe » in Annales de la FALSH, UY I, Vol 1, N° 13, Nouvelle Série, Deuxième édition, p.210

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des pays développés ».68Dans un aspect quantitatif, d'après le Dr. Dieudonné BONDOMA YOKONO, président de la cellule d'appui à la réalisation des contrats de partenariat, l'émergence renvoie à l'atteinte d'un taux de croissance à deux chiffres qui traduit en fait la performance économique d'un Etat donné. Au plan qualitatif, l'émergence renvoie à l'amélioration des conditions de vie sociale de la population en leur facilitant l'accès à l'éducation, au service de santé de base ainsi que l'assainissement de leurs milieux de vie.69

L'idée d'émergence, dans le contexte actuel au Cameroun marqué par la précarité et l'extrême pauvreté, est devenue une sorte de fétiche qui va contribuer à l'amélioration substantielle des conditions de vie de la population. Jean-Marie MELPHON KAMBA soutient à cet effet que, l'utilisation de la notion d'émergence par l'élite politico- administrative vise non seulement à masquer l'incapacité des pays africains à réduire la pauvreté de leurs populations à court, moyen et à long terme ; mais aussi, de montrer comment ces Etats veulent trouver en l'émergence une possible voie de sortie du tunnel du sous-développement. L'émergence implique nécessairement la clarification d'une trajectoire et d'une finalité. C'est dans ce sens que l'objectif du projet d'émergence du Cameroun vise à faire de cet Etat un pays émergent démocratique et uni dans sa diversité à l'horizon 2035.

Au regard de tout ce qui précède, l'on entendra par projet d'émergence comme nous l'avons précédemment indiqué, l'ensemble des orientations prises et les stratégies adoptées par un Etat pour atteindre un niveau de vie quantitativement et qualitativement élevé à un horizon préalablement établi. Ainsi, depuis février 2009 date de l'adoption et de la publication du document cadre du projet d'émergence du Cameroun (Cameroun vision 2035), le concept émergence alimente quasiment toutes les conversations sociales et les discours politico-économiques dans l'espace public. Le site internet www.camerbe.com faisait déjà remarqué en 2015 dans un article écrit par Rigobert KENMOGNE que ce concept est devenu :

L'un des mots les plus employés au Cameroun actuellement. Il s'assimile quasiment à un refrain comme ce fut le cas pour le « Renouveau » de nombreuses années après l'arrivée à la magistrature suprême de Paul Biya. Les hommes politiques l'utilisent de manière récurrente dans les discours politiques, dans les déclarations ou dans les conversations ordinaires.70

Dans le même sillage, parlant du concept d'émergence, Robert EVOLA observe qu'il est devenu le fil conducteur des conversations et même des discussions au sein de l'espace public.

68https:/ fr.wikipédia.org/w/index.php ?title=Pays_émergents&oldid=133576848

69 Entretien mené le 21/07/2017 à 11h05 à Bastos

70httpwww.camer.be/44616/12:1/2035-lemergence-du-cameroun-en -question-cameroon.html consulté le 18/06/2017 à 21h45

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Il est utilisé à tort et à travers au point où on parle de l'émergence à propos de tous et de rien pense l'auteur. L'émergence est même devenue une notion de propagande politico-idéologique alors qu'elle est pourtant dotée d'un caractère scientifique qui est le plus souvent occulté dans le cadre de son utilisation.

Il soutient dans le même sens que, la compréhension de cette notion passe par la saisie profonde de « l?émergentisme qui est un courant de pensée qui demande une culture scientifique solide » 71afin de mieux comprendre le sens et la puissance de ce concept car ce dernier est extrêmement ambiguë et polysémique. La culture scientifique donc parle l'auteur ici renvoie à la maitrise des différentes caractéristiques de la notion d'émergence. Dans le contexte camerounais, et au regard des atteintes, des implications sociales et des espoirs dont il est porteur, l'émergence est devenue quasiment la voie du salut de tout un peuple qui espère sortir de la pauvreté et de la misère à l'horizon 2035.

Après avoir analysé les origines du concept d'émergence, il est question pour nous dans la section suivante de faire une immersion dans le projet d'émergence du Cameroun dans l'optique de ressortir les éléments ayant contribués à son élaboration par la Division de la prospective et de la planification stratégique du MINEPAT. Mais, avant d'y arriver, nous allons passer en revue quelques grands axes des projets d'émergences des autres pays africains tout en soulignant que ce concept est davantage mobilisé par les pays d'Afrique subsaharienne notamment les anciennes colonies françaises comme une politique de développement.

2-Les pays africains à l'épreuve des politiques de l'émergence72

Les pays d'Afrique qui accèdent à la souveraineté internationale dans les années 1960 ont tous un dénominateur commun : la misère. Dans ces constellations de misère et de pauvreté pour emprunter l'expression à Jean-Claude SHANDA TOMNE, les pays africains vont se lancés à la quête des solutions aux problèmes rencontrés par leurs populations. Dans cette dynamique de trouver des solutions progressives aux problèmes de leurs populations, les Etats africains en général et singulièrement les pays du bassin du Congo73, se sont engagés dans une dynamique d'élaboration et d'adoption d'un certain nombre de politique publique afin de palier à tous ces maux. Chaque Etat du bassin du Congo s'est doté d'un agenda donc l'objectif est

71Ibidem

72 Nous nous sommes inspirés des travaux de Didier NGALEBAYE dont les travaux portent sur « les politiques de l'émergence dans les pays du bassin du Congo : enjeux, impasse et quelles perspectives ? » et de l'article de Pascal TOUOYEM intitulé « L'Afrique à l'épreuve des programmes de sortie de crise ».

73Les pays du bassin du Congo retenus pour cette étude sont constitués: Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, RCA, Rwanda, Sao Tomé et Principe

l'atteinte de l'émergence c'est-à dire, trouver les solutions aux problèmes de leurs populations à un horizon bien déterminé. Jean-Marie MELPHON KAMBA observe fort pertinemment qu':« après avoir expérimenté sans succès, pratiquement à marche forcée, une série d'idéologie de développement, l'Afrique s'est de nouveau embarquée dans une affaire d'émergence ».74 Il devient donc de ce fait intéressent pour nous d'analyser les politiques d'émergence des pays du Bassin du Congo.

2.1-Cas du Burundi

Pour le Burundi, son projet d'émergence est consigné dans un document de 36 pages intitulé Programme indicatif national pour la période 2014-2020. Le projet d'émergence de ce pays est l'émanation d'un accord de partenariat signé entre ce pays et la commission européenne qui fixe les grandes orientations de cette politique publique. La commission européenne qui constitue d'ailleurs la principale source de financement du programme indicatif national pour la période 2014-2020, veut faire du Burundi un pays émergent à l'horizon 2020. Ce financement de la commission européenne consiste à apporter un soutien macroéconomique, aux programmes et projets ainsi qu'aux politiques sectorielles de ce pays.

2.2-Cas du Congo

En ce qui concerne le Congo, sa politique d'émergence est structurée autour de deux textes important à savoir : Le chemin de l'avenir. De l'espérance à la prospérité (37 pages) qui constituait le projet de société de Dénis SASSOU-N'GUESSO qui avait conduit à sa réélection en 2009 à la présidence de la république du Congo. Le président Dénis SASSOU N'GUESSO, dans ce programme politique, nous fait comprendre à la page 36 que la création des conditions d'émergence d'une industrie lourde constitue son leitmotiv. Le second document cadre de l'émergence de ce pays intitulé Plan National de Développement Congo 2012-2016 (54 pages) est élaboré par le ministère de l'économie, du plan, de l'aménagement du territoire et de l'intégration dont le livre 3 met un accent particulier sur le Cadre macroéconomique et budgétaire 2012-2016.

L'objectif central tel que mentionné à la quatrième page du document sus-cité, porte sur la diversification de l'économie afin d'accélérer la croissance, la création d'emploi et la réduction de la pauvreté, et d'impulser l'émergence du Congo. Sa politique d'émergence est organisé autour de quatre documents principaux à savoir : un Document de Stratégie à moyen

74Jean-Marie MELPHON KAMBA, « Emergence et défi de gouvernance administrative en Afrique », in Jean Didier BOUKONGOU (sous dir), L'émergence de l'Afrique, Yaoundé, Presse de l'UCAC, 2015, p.139.

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terme pour la Croissance, l'Emploi et la Réduction de la Pauvreté (DSCERP 2012-2016, Livre 1) ; un document de programmation multisectorielle intégrée pour identifier, mettre en cohérence et budgétiser les actions prioritaires (Programmes d'Actions Prioritaires, PAP 20122016, et son Programme d'Investissement Prioritaires, PIP 2012-2016, Livre 2) ; un Document d'Orientation Budgétaire pour projeter les perspectives macroéconomiques et les ressources budgétaires et en aligner l'affections sur les priorités de la stratégie (Cadre des Dépenses à Moyen terme, CDMT 2012-2016, Livre 3) ; et enfin un document-cadre d'organisation institutionnelle et technique de l'exécution, du suivi et de l'évaluation des programmes et actions du PND (Livre 4). Le financement de l'émergence de ce pays est l'oeuvre des acteurs du secteur public à travers le budget de l'Etat ainsi que les acteurs du secteur privé.

2.3-Cas du Gabon

Le projet d'émergence de la république gabonaise est structuré autour du Plan Stratégique Gabon Emergent. Vision 2025 et orientations stratégiques 2011-2016. Déclinaison en Programme et Actions du Projet de Société de Son Excellence Ali Bongo ONDIMBA, Président de la République : L'avenir en confiance. Avec un volume de 149 pages, ce document a été publié en juillet 2012. Composé de cinq chapitres donc le chapitre premier décrit de façon concrète la vision du Gabon Emergent à l'horizon 2025, le chapitre deuxième quant à lui présente la première étape du chemin à savoir les fondations sans lesquelles l'émergence ne saurait être durable, les chapitres 3 et 4 montrent comment accélérer la croissance afin de tirer les dividendes pour améliorer le bien-être de tous les citoyens et le chapitre 5 enfin, indique le dispositif ainsi que les conditions de mise en oeuvre réussie du PSGE (Plan Stratégique Gabon Emergent).

La politique d'émergence du Gabon vise à relever trois défis majeurs à savoir : l'accélération de la croissance économique et la diversification des sources, la réduction de la pauvreté et des inégalités sociales, et enfin le gouvernement gabonais vise à assurer la gestion durable des ressources pour les générations futures. A travers ces défis majeurs, le Gabon ambitionne de devenir en 2025 une démocratie majeure et une nation unie, une des cinq nations africaines les plus compétitives, un modèle de développement durable, conciliant le bien-être humain, l'équité sociale, la croissance durable et la conservation environnementale en plaçant l'humain au coeur du développement. Le Gabon Emergent permettra une prospérité partagée par tous, et enfin le Gabon en 2025, sera une voix écoutée et respectée d'après les ambitions des pouvoirs publics gabonais.

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2.4-Cas de la Guinée Equatoriale

Avec un volume de 83 pages et subdivisé en quatre chapitre, la politique d'émergence de la Guinée Equatoriale est contenue dans le document intitulé Guinée Equatoriale 2020 Agenda pour une diversification des sources de la croissance. Tome 1 : Diagnostique stratégique qui a été adopté en mai 2007 par le gouvernement équato-guinéen. Face à son évolution, la Guinée Equatoriale à travers son projet d'émergence veut relever deux défis majeurs à savoir le défi de la sécurité et le défi de l'intégration régionale. Trois scénarii sont envisageables pour faire de la Guinée Equatoriale un pays émergent à l'horizon 2020. Il s'agit de : la prospérité protégée (la Guinée Equatoriale Citadelle), la prospérité fragile (la Guinée Equatoriale sous tension), la prospérité dynamique (la Guinée Equatoriale Flambeau). D'après ce document, l'émergence de la Guinée Equatoriale passera par une diversification de son économie afin de devenir en 2020, un centre financier régional.

2.5-Cas de la RCA

D'après Didier NGALEBAYE dans son article sur l?émergence des bassins du Congo, la RCA est le seul pays du bassin du Congo ne disposant pas d'une politique d'émergence. Cette situation est corolairement liée aux multiples crises qu'elle a connue depuis le coup d'état de Michel DJOTODIA qui avait renversé François BOZIZE suivi plus tard des affrontements ethno-communautaires avec comme protagonistes la séléka, les musulmans et les anti-balakas. Après son élection à la tête de ce pays en 2016, le Président Faustin Archange TOUADERA s'est engagé dans une dynamique de réconciliation nationale entre les différentes communautés du pays afin de promouvoir la paix qui est d'après lui, l'épicentre même de tout processus de développement.

2.6-Cas du Rwanda

Résultat d'un long processus de consultations populaires initiées entre 1999 et 2000, la politique d'émergence du Rwanda est consignée dans le document Vision 2020 du Rwanda. Ce document de 28 pages qui a pour préfacier le président Paul KAGAME, s'articule autour d'un ensemble d'objectifs à court, moyen et long terme. L'objectif à court terme repose sur la promotion de la stabilité macroéconomique ainsi que la création des richesses pour réduire la dépendance à l'aide étrangère. L'objectif à moyen terme vise la transformation d'une économie agricole vers une économie basée sur le savoir et enfin, l'objectif à long terme vise à créer une classe moyenne productive pour encourager l'entrepreneuriat. L'atteint de ces objectifs d'après

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ce document, sera la conjonction de plusieurs facteurs notamment la bonne gouvernance et un Etat capable, le développement des ressources humaines et une économie basée sur le savoir, le développement soutenu par le secteur privé ainsi que le développement des infrastructures ; l'agriculture à haute valeur ajoutée et orientée vers le marché et enfin l'intégration régionale et internationale.

2.7-Cas du Sao Tomé et Principe

Fruit d'un accord de partenariat signé entre l'Etat de Sao Tomé et Principe et la commission de l'Union Européenne, le projet d'émergence de ce pays est intitulé Programme indicatif national pour la période 2014-2020. L'émergence de ce pays repose sur six clauses signées d'accord partie entre la Commission européenne et l'Etat de Sao Tomé et Principe. La clause numéro 2 nous fait comprendre que la Commission européenne mettra à la disposition du Sao Tomé et Principe pour la période 2014-2020, un montant de 28 millions d'euros pour le financement de l'émergence de ce pays. Ce financement par l'Union européenne sera orienté dans deux secteurs prioritaires à savoir le secteur de l'eau et assainissement et le renforcement des filières agricoles d'exportation. Dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, l'Union Européenne va mettre en oeuvre un plan directeur d'eau potable et d'assainissement afin de réduire l'incidence des maladies hydriques. Dans le domaine du renforcement des filières agricoles d'exportation, l'objectif de l'UE est d'appuyer le développement d'un système de coopératives engagées.

Au regard de tout ce qui précède, il ressort clairement que l'adoption des projets d'émergence par les pays du bassin du Congo est conséquentiel des injonctions extérieures en occurrence celle de la commission de l'Union Européenne. Didier NGALEBAYE souligne pertinemment cette réalité lorsqu'il soutient que: « la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) et l'Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (UEMOA) avaient demandé à leurs Etats de s'engager dans la voie de l'émergence économique, en ayant l'année 2005 comme date limite [...] »75.

De l'étude des programmes d'émergence, une constatation se dégage. Cette constatation est celle de nous rendre compte que la plus part des pays qui veulent être émergents sont des pays de l'Afrique subsaharienne anciennement colonisés par la France. Et les questions qui faillent se poser sont celle de savoir pourquoi est-ce que ce sont majoritairement les anciens pays colonisés par la France qui mobilisent le concept d'émergence pour en faire une

75Didier NGALEBAYE, « L'émergence des pays du Bassin du Congo : enjeux, impasses et perspectives ? » in Jean Didier BOUKONGOU (sous dir), Emergence de l'Afrique, Presses de l'UCAC, 2015, p.38.

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vision ?Es-ce que les pays émergent en occurrence le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine, l'Afrique du sud avaient clairement affichés leurs ambitions de devenir émergent ?Et parmi les pays qui affichent clairement leurs ambitions de devenir émergent, il y'a le Cameroun qui a adopté depuis février 2009 un document qui encadre son émergence à l'horizon 2035.

3-Sociohistoire du projet d'émergence du Cameroun

Lorsque le Cameroun accède à l'indépendance, il fait face à plusieurs équations sociales à plusieurs inconnues à résoudre notamment l'absence des infrastructures éducatives, sanitaires, routières etc. Au regard de toutes ces équations sociales et dans un souci de pallier à tous cela, le gouvernement Camerounais a initié un ensemble de projets et de programmes de développement afin d'oeuvrer pour l'amélioration des conditions de vie de la population. C'est dans ce sens qu'un certain nombre de politiques publiques seront mises sur pied dans le souci d'oeuvrer pour le bien être de la population camerounaise. Des plans quinquennaux au DSRP en passant par les PAS (ces politiques de développement seront étudiées au chapitre 4), les objectifs du millénaire pour le développement, le DSCE, le dénominateur commun de toutes ses politiques est celui de promouvoir le développement de ce pays. C'est dans cette perspective que le projet d'émergence porté par le document Cameroun vision 2035, verra le jour en février 2009.

Il est important de souligner que les travaux de formulation de la politique de l'émergence du Cameroun avaient démarrés au début de l'année 2006 après l'atteinte de l'initiative PPTE sous l'autorité du Ministre d'Etat, Ministre de la Planification, de la Programmation du Développement et de l'Aménagement du Territoire de l'époque Augustin Frédéric KODOCK à travers l'organisation d'un séminaire de formation d'une vingtaine de cadres de ce ministère animé par des experts de l'Institut des Futurs Africains. L'élaboration de ce document s'est faite sous la coordination du Dr. Roger MBASSA NDINE qui était alors, le secrétaire général du MINEPAT.

La genèse de ce document tire principalement et fondamentalement son origine avec l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative pays pauvre très endettés à travers la remise substantielle de la dette du Cameroun, ce qui amène de fait les pouvoirs publics à s'investir à la conception d'un projet innovant structuré autour d'une projection à long terme. C'est dans ce sillage que nous nous inscrivons à la suite de l'économiste camerounais Ernest TOUNA MAMA qui pense qu' « avec l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE le 28 Avril 2006, le Cameroun doit pouvoir envisager sérieusement son décollage économique pour

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devenir un pays émergent dans une quinzaine d'années».76Pour l'auteur, l'adoption d'une stratégie prospective en matière d'amélioration des conditions sociales des citoyens est la seule alternative pour le développement du Cameroun. Concernant cette vision stratégique prospective, il dit subtilement que:

La vision stratégique prospective peut alors être comprise comme une planification

de long terme, en ce qu'elle consiste, sur la base d'un diagnostic préalable, en la

fixation d'objectifs de haute portée temporelle et en leur déclinaison en stratégies

puis en programme et projets.77

Lors de la collecte des données sur le terrain, il nous a été donné de constater que le

DSCE est considéré par certaines responsables du en occurrence Mme. X du MINTOUL, Mme. Mr. ATEBA du MINAC, Suzanne Pulchérie NNOMO ELA etc. comme projet d'émergence du Cameroun. Ernest NNANGA (chef de la division prospective et de la planification stratégique du MINEPAT) et le Dr. Dieudonné BONDOMA YOKONO (président du CARPA) nous font savoir que le DSCE n'est qu'une déclinaison du projet d'émergence, une déclinaison qui couvre la période de 2010 à 2019. Le DSCE met l'accent sur le développement des infrastructures afin de promouvoir la croissance économique et l'emploi.

Rappelons à toutes fins utiles que la Vision 2035 a pour leitmotiv l'accession du Cameroun à l'émergence à travers la construction d'une économie émergente afin d'atteindre le développement qui est la téléologie de tout processus d'émergence car cette dernière n'est qu'une trajectoire qui conduit au développement. L'économiste Ernest TOUNA MAMA nous le rappelle clairement en ces termes : « la sortie du sous-développement doit être le but ultime de toute action stratégique de la politique économique. Cette finalité constitue une aspiration naturelle des différentes composantes de la société ».78Daniel ETOUNGA MANGUELLE, dans la même dynamique nous fait observer que l'absence d'une vision à long terme du développement du Cameroun est incontestablement l'un des obstacles conjoncturels au changement du Cameroun.

C'est dans ce sillage que le gouvernement camerounais va donc entreprendre via son projet d'émergence la formulation d'une vision à long terme dans un horizon de 25 ans avec la participation active de la société civile, les partenaires au développement ainsi que le secteur privé. C'est ainsi qu'au regard des multiples crises que traversent les pays africains, les concepteurs de ce document nous font comprendre que :

76Ernest TOUNA MAMA, L'économie Camerounaise : Pour un nouveau départ, Yaoundé, Afrédit, 2008, p.10. 77Op. Cit, p.377.

78Op. Cit, p.379.

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Le Cameroun, pour renforcer la reprise économique amorcée depuis une décennie et l'asseoir durablement, doit donc inscrire à nouveau ses politiques de développement dans une perspective plus large et plus globale. D'où la nécessité de se doter d'une Vision Prospective, préalable à toute stratégie nationale de développement à long terme.79

À la lumière des éléments que nous avons recueillis au cours de notre immersion dans le

document boussole de l'émergence, nous nous attacherons dans la section suivante à la

compréhension de ce phénomène qu'est l'émergence à travers ses fondements ainsi que le

calendrier adopté par l'Etat du Cameroun pour l'atteindre.

3.1-Les fondements du projet d'émergence du Cameroun

Comme le projet d'émergence des autres pays du Bassin du Congo, le projet d'émergence du Cameroun repose sur un certain nombre de fondement. En effet, parlant des fondements du projet d'émergence du Cameroun, le document Cameroun Vision 2035 nous renseigne à suffire que la croissance retrouvée depuis les lendemains de la dévaluation du Franc CFA en 1994 n'a cependant pas atteint une vigueur durable et elle reste insuffisante pour atteindre les OMD. Il s'en suit des dysfonctionnements importants, une rationalisation insuffisante dans la sélection des programmes, un déséquilibre dans l'aménagement régional, un impact de l'investissement public fortement réduit et une faible appropriation d'outils d'évaluation, de coordination et de réorientation des appuis financiers extérieurs.80

Au regard de toutes ces difficultés de relance de son économie, le gouvernement Camerounais à travers son projet d'émergence, mettra sur pied des stratégies qui viseront à relancer l'économie ce qui justifie d'ailleurs l'urgence de se doter d'une vision à long terme pour un développement à long terme. Cette vision s'intègre dans une dynamique prospective. C'est dans ce sens que :

La vision prospective du développement propose à un horizon donné, un avenir construit sans qu'il ne s'agisse d'une anticipation du futur somme toute difficile à cerner. [...] Il s'agit de construire ou d'imaginer le futur le plus souhaitable, en se fixant des objectifs de développement.81

Il est également important de souligner que la politique de l'émergence du Cameroun

repose sur un certain nombre d'enjeux qui sont au coeur de ses fondements. Parmi ses enjeux,

79Ibidem 80Ibid, p.1 81Ibidem

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nous avons : la formation qualitative et quantitative du capital humain, la répartition équitable des richesses, la maitrise de l'espace etc. D'après le projet d'émergence du Cameroun, la formation qualitative et quantitative du capital humain consistera à garantir à la population l'accès aux soins de santé de qualité, à l'éducation de qualité ainsi qu'à l'amélioration de l'efficacité interne et la régulation de l'ensemble du système scolaire et universitaire.

La répartition équitable des richesses visera donc à réduire les écarts entre les plus riches et les plus pauvres car ces écarts peuvent hypothéqués la cohésion sociale et le vivre ensemble qui factuellement, est menacé par les revendications des régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest depuis novembre 2016. La maitrise de l'espace quant à elle, visera à concilier le développement harmonieux, juste et équitable de toutes les zones du pays.

Après avoir ressorti les fondements de cette politique publique qui vise à faire du Cameroun un pays émergent à une période bien déterminée, il est question pour nous maintenant de nous appesantir sur les grandes orientations du projet d'émergence.

3.2-Les grandes orientations du projet d'émergence du Cameroun

Dans la phase d'élaboration du projet d'émergence, les concepteurs de ce document ont structuré cette politique publique autour de quatre grandes orientations qu'ils ont bien voulu appelé les objectifs généraux de la vision. Les objectifs généraux du projet d'émergence du Cameroun sont les suivants.

3.2.1) La réduction de la pauvreté à un niveau socialement acceptable

Dans cette section, nous renseigne le document Cameroun vision 2035, en 2001 lors de la mise en oeuvre du DSRP, le taux de pauvreté monétaire gravitait autour de 40,2%. L'adoption du DSRP par l'Etat du Cameroun ambitionnait donc la réduction du taux de chômage de moitié le faisant passer de 40,2% à 20% à travers l'accélération de la croissance moyenne annuelle à 7%. La stratégie conférée au DSRP s'articulait donc autour de la promotion du secteur privé gage d'un outil de réduction de la pauvreté.

De 2001 à 2007, soit six années après sa mise en oeuvre, le taux de chômage est resté quasiment stable rendant improbable l'atteinte des objectifs du DSRP donc la période d'évaluation était fixée pour l'année 2015. Et, c'est pour pallier à ce manquement que le document Cameroun vision 2035 verra le jour avec comme ambition de ramener le taux de pauvreté à un niveau résiduel c'est-à-dire inférieur à 10%. Les stratégies de réduction de cette pauvreté d'après ce projet d'émergence, reposeront sur l'intensification, l'amélioration de la

qualité des services de santé, d'éducation, de formation et des infrastructures énergétiques, routières etc.

3.2.2) Accéder au statut de pays à revenu intermédiaire

Les pays à revenu intermédiaire, dans son sens définitionnel, désigne l'ensemble des pays donc le revenu annuel par habitant est compris entre 3706 et 11 455 dollars d'après le site internet Wikipédia. L'estimation est faite en dollar parce que depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le dollar est devenu la monnaie de référence dans le monde. Les concepteurs de cette politique publique sous la base des informations de la banque mondiale, ont identifiés quatre groupes de pays dans le monde à savoir :

I les pays à faible revenu : 935 dollars ou moins. Ces pays sont au nombre de 49 dont plus de trente pays africains.

I les pays à revenu moyen, de 936 à 3 705 dollars américain. Ces pays sont au nombre de 54 dont moins d'une dizaine de pays africains parmi lesquels le Cameroun (1050 dollars par tête en 2007).

I les pays à revenu intermédiaire, de 3 706 à 11 455 dollars US. Ces pays sont au nombre de 41 dont sept pays africains (Botswana, Gabon, Ile Maurice, Mayotte, Seychelles, Libye, Afrique du Sud).

I les pays à revenu élevé, supérieur à 11 455 dollars US. Ces pays sont au nombre de 56. Deux pays africain figurent sur cette liste en occurrence la Guinée Equatoriale.

Au regard de ce qui précède, le Cameroun ambitionne à travers l'accélération de son rythme de croissance économique en s'appuyant sur ses ressources agricoles, minières, environnementales etc. et en veillant également à une répartition équitable des revenus issus de l'exploitation de ses ressources, à atteindre le stade de pays à revenu intermédiaire en 2035.

3.2.3) Devenir un Nouveau Pays Industrialisé

Les nouveaux pays industrialisés désignent l'ensemble des « pays qui, par leur stratégie de développement, ont vu leur économie connaitre une phase d?industrialisation rapide au cours des vingt dernières années ».82Parmi les nouveaux pays industrialisés aujourd'hui, nous avons : les cinq ?bébés Tigres?? (Malaisie, Indonésie, Thaïlande, Philippines, Viêt-Nam), les

82www.mataf.net/fr/edu/glossaire/nouveaux-pays-industrialises consulté le 19 avril 2017 à 19h37

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?Jaguars?? (Mexique, Chili, Colombie, Argentine) etc. Ces pays ont pour caractéristique principale, une industrialisation rapide et accélérée du secteur secondaire et du secteur tertiaire. C'est dans ce sens que, le projet d'émergence du Cameroun ambitionne faire de ce pays un nouveau pays industrialisé. C'est ainsi que dans la perspective de devenir un nouveau Pays Industrialisé, la vision retient ainsi comme objectifs spécifiques d'atteindre une croissance de qualité, marquée par une large diversification des sources de la croissance, l'intégration plus dense des différentes branches d'activités, l'accroissement sensible du poids des produits issus de l'industrie manufacturière dans le PIB.83

3.2.4) Consolider le processus démocratique et renforcer l'unité nationale

L'ambition fondatrice de la consolidation du processus démocratique et le renforcement de l'unité nationale vise à garantir l'existence des espaces d'expression et de liberté, l'existence des appareils de pression (syndicats, partis politiques, médias), la stabilité des institutions. Ce processus met également un accent sur la promotion d'un Etat de droit doté d'une administration forte et à la promotion du genre à travers la représentativité des femmes à des fonctions électives. Le renforcement de l'unité nationale telle que perçu par cette politique publique renvoie à la mobilisation et à l'unification des différentes composantes sociologiques, religieuses, linguistiques etc. afin d'oeuvrer pour le vivre ensemble entre les différentes composantes sociologiques qui constituent le Cameroun car, faut-il le rappeler, le Cameroun est un pays polyethnique mieux encore de multi culturalité où on retrouve une mosaïque d'ethnie et de culture.

Le Cameroun à travers cette politique de consolidation de la démocratie et de renforcement de l'unité nationale, met un accent sur la promotion des idéaux de paix, de justice, de liberté, de solidarité nationale et de progrès social afin d'inculquer le sentiment d'appartenance à une même nation qui doit être l'élément de standardisation comportemental de toute la population camerounaise. L'atteinte de tous ces objectifs consistera en la mise en oeuvre d'une stratégie de croissance, d'emploi, d'amélioration de la gouvernance et de la gestion stratégique de l'Etat. Telles sont les grandes orientations qui sont au centre de la politique d'émergence du Cameroun donc l'échéance est fixée pour l'horizon 2035. L'énumération des grandes orientations de cette politique publique favorisera également une meilleure compréhension du projet d'émergence du Cameroun.

83Cameroun vision...Op. Cit, p.18

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4-La compréhension de l'émergence du Cameroun et de son calendrier

Comme un effet de mode voire un virus en propagation, la politique d'émergence est devenue depuis une dizaine d'années l'élément fédérateur et même structurant des politiques publiques des Etats d'Afrique en général et les Etats de la CEMAC (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, Tchad, RCA) en particulier. Aux agendas différents les uns des autres (Cameroun : 2035, Congo : 2025, Gabon : 2025 etc.), ces Etats se sont lancés au regard des multiples slogans politiques déployés, à l'amélioration considérable des conditions de vie de leurs populations. Didier NGALEBAYE, parlant de la charge sémantique de la notion d'émergence, soulève pertinemment que :

Eloignées et coupées désormais des origines philosophiques du concept ''Emergence'', par-delà la diversité des agendas (2020, 2025, 2030, 2035) et la similarité des objectifs apparents, les 'politiques de l'émergence'' sont à la mode en Afrique depuis au moins 10 ans [...]84

Se faisant plus clair, l'auteur observe que ces politiques d'émergence sont des émanations

extérieures de certains organisations sous régionales en occurrence la CEMAC et l'UEMOA. C'est dans ce sens qu'il soutient que la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) et l'Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (UEMOA) avaient demandé à leurs Etats membres de s'engager dans la voie de l'émergence économique en ayant l'année 2005 comme date limite.85

Concernant le calendrier d'émergence du Cameroun, Cameroun Vision 2035 stipule que l'horizon de 25-30 ans qui a été choisi correspond au temps de doublement de la population du Cameroun. Au-delà de l'aspect démographique, le choix de l'horizon a également été guidé par le souci de considérer une période suffisante pour les changements structurels. C'est le temps nécessaire à un changement de génération d'après les concepteurs de la politique d'émergence du Cameroun.

Depuis l'adoption du projet d'émergence du Cameroun en février 2009, ce document via le concept qu'il porte(émergence), à inaugurer une série de discussions, de discours et de conversations sociales quasiment dans toute l'étendue du territoire national avec la contribution effective des grands supports de communication et de diffusion des informations(radio, télévision, presse écrite, internet etc.) y relatives. Ces différentes incantations voire propagande sont révélatrices de la volonté manifeste du gouvernement camerounais à oeuvrer

84Didier NGALEBAYE, « L'émergence des pays du bassin du Congo : enjeux, impasses et perspectives ? » in Jean Didier BOUKONGOU (sous dir), L'émergence de l'Afrique, Yaoundé, Presse de l'UCAC, 2015, p.38. 85Ibidem

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pour l'amélioration des conditions de vie de la population. Pascal TOUOYEM observe d'ailleurs à ce sujet que:

Le concept d'émergence est symptomatique d'une crise profonde des sociétés africaines en général. Il s'agit d'un concept technocratique fonctionnant comme un nouveau fétiche, au même titre que l'ajustement structurel à une certaine époque. En réalité, il est de nature à masquer une incapacité générale à trouver les moyens et procédures appropriés pour permettre aux Etats africains de contribuer efficacement à la réduction de l'extrême pauvreté des populations à court et à moyen termes.86

Cette succession, cette incantation des formules en occurrence le concept d'émergence

nous rappelle cette saison lointaine des concepts captivants, des rhétoriques ronflantes et explosives (santé pour tous en l'an 2000 en occurrence) qui ont cours dans le continent noir depuis l'avènement des indépendances. C'est dans ce sens que nous nous inscrivons à la suite de Fonkika DINVEN VERLA qui pense que l'émergence devient même dans certains pays, un argument pour les pouvoirs publics pour se dédouaner des souffrances qu'endure sa population au quotidien. C'est fort opportunément par là qu'il observe que : « l'on pourrait même dire que le concept d'émergence est devenu aujourd'hui l'argument politique de plusieurs gouvernement pour se dédouaner des souffrances du peuple ».87

Cette notion est au coeur de toutes les rhétoriques politiques qui ont cours dans l'espace camerounais depuis 2010 au point où, on il est mobilisé nom de baptême des promotions des grandes écoles en occurrence (Paix et émergence qui était le nom de baptême de la 35e promotion de l'EMIA), le nom de baptême de la 8e édition du FENAC 2016 donc le thème était culture et émergence, le nom des agences de voyage (émergence du Noun voyage) etc. La désacralisation de la notion d'émergence est perceptible également dans l'univers des loisirs au point de devenir le nom d'une entreprise de la joie (bar) comme le bar émergence88, le nom de baptême des bâtiments89 , le nom des quincailleries90.

La notion d'émergence, au regard de l'utilisation qui en est faite au Cameroun dit beaucoup, elle produit un flux continu de paroles et de bruit qui ont investi l'espace public

86Pascal TOUOYEM, Ibidem

87Fonkika DINVEN VERLA, Le vampirisme des entreprises camerounaises : un frein à l'émergence, Paris, l'Harmattan, 2015, p.19.

88L'émergence bar est l'un des bars les plus festifs du quartier Essos de la ville de Yaoundé. La mobilité urbaine est singulièrement difficile sur cette rue durant les week-ends à cause du flux des clients de cette entreprise de la joie.

89 L'immeuble ministériel numéro 1 du Cameroun plus connu sous le nom de l'immeuble de la mort a été baptisé en 2015 après sa réhabilitation immeuble de l'émergence.

90 Quincaillerie émergence de Messamendongo à la sortie sud de Yaoundé.

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voire l'espace médiatique. L'émergence au Cameroun semble se limiter essentiellement aux rhétoriques politiques. Or, Fonkika DINVEN VERLA pense qu'être émergent ne consiste pas donc seulement à faire des discours politiques mais plutôt à lier les idées, les paroles et les intentions à l'action. C'est dans cette perspective que Grégoire LEFOUOBA, parlant de l'émergence, soutient que c'est « un nouveau terme qui emballe tous les locuteurs et qui remplace plus ou moins, mais, avec des fortunes différentes les slogans du genre 'autosuffisance alimentaire'' d'ici à l'an 2000, santé pour tous...plan africain de l'électrification, etc. ».91

Le concept d'émergence, au regard de son utilisation par les pouvoirs publics et au regard d'un certain nombre d'espoir que la population camerounaise fonde en lui, est à l'image de la notion du grand dérangement théorisée par le sociologue français Georges BALANDIER. Au sujet de ce concept, il dit :

Le grand dérangement contemporain marque le passage, par rupture d'un passé

défait à un présent où l'inédit s'étend, ou le devenir se produit dans la

transformation continue sans achèvement identifiable [...] Le grand dérangement,

c'est aussi cela, cette entrée dans un avenir encore obscur, où rien ne se fera avec

une connaissance suffisante déjà acquise.92

En ce qui concerne le calendrier d'émergence du Cameroun qui est programmé pour

l'horizon 2035 tel que mentionné dans le document cadre de ce dernier, les avis sont multiples. Certains auteurs pensent qu'on doit fixer un calendrier pour l'atteinte de l'émergence en occurrence l'économiste Ernest TOUNA MAMA. Concernant l'émergence du Cameroun, il observe que : « la première condition pour sortir le Cameroun du sous-développement est donc de se fixer un cap, c'est-à-dire ce que nous voulons que notre économie devienne dans cinq, dix, quinze voire vingt-cinq ans ».93Parallèlement à Ernest TOUNA MAMA, Robert EVOLA tout en reconnaissant que l'émergence est une construction sociale, nous fait savoir que l'émergentisme est contre la programmation d'un échéancier pour atteindre l'émergence. Il pense de ce point de vue que le prédictible (émergence) est tout au plus fondé sur des probabilités, des suppositions voire des spéculations car, pense-t-il, dans toutes situations, l'inattendu est la règle et non l'exception. A ce sujet, il dit :

Bien que l'émergentisme ne soit pas d'accord sur l'approche programmatique ou

événementielle, il n'en reste pas moins que l'émergence se prépare, elle

91Grégoire LEFOUOBA, « Emergence de l'Afrique : Attentes sociales et implications culturelles », in Jean Didier BOUKONGOU, L'émergence de l'Afrique, Yaoundé, Presse de l'UCAC, 2015, p.14.

92Georges BALANDIER, Le grand....Pp.3-4 93 Ernest TOUNA MAMA, Op. Cit, p.379.

n'intervient que grâce à certaines conditions [...] et parfois même si ces conditions sont remplies, il peut arriver que l'émergence soit anticipée, retardée ou même ne se produise.94

Il continue en nous faisant observer que l'émergence d'une nation ne peut se faire qu'à la

suite des interactions des émergences individuelles, tout comme l'émergence d'un système à son niveau supérieur n'est possible qu'à partir des interactions qui se sont tissées à son niveau inférieur. L'émergence demande alors un travail de construction complexe et incrémentale.

Robert EVOLA voit en la prédication voire la fixation d'un échéancier d'atteinte de l'émergence une erreur non seulement stratégique, mais davantage idéologique et scientifique. Il nous fait observé à ce sujet que l'émergence n'est pas le corolaire d'un horizon préalablement fixé par les pouvoirs publics, mais qu'elle est davantage le fruit d'une construction qui prend en compte tous les éléments nécessaires à l'atteinte de cet horizon car pense-t-il,« l'émergence s'accompagne alors des sacrifices et des privations que chaque individu d'abord et la société tout entière ensuite, devraient être prêts à assumer ».95Dans cette dynamique de compréhension du calendrier d'émergence du Cameroun, cet auteur nous fait comprendre que le phénomène d'émergence a parmi ces caractéristiques fondamentales l'imprévisibilité et qu'il serait saugrenue voire absurde de fixer un calendrier à l'atteinte de cette dernière. A ce sujet, il dit : « une seconde caractéristique de l'émergence est l'imprévisibilité du phénomène, au sens où il n'a pu être prédit a priori par une voie reconnue »96.

Ainsi, il est n'est pas possible de parler d'émergence d'un pays sans avoir obtenu l'émergence de ses ensembles géographiques ou de ses populations, ou encore sans avoir obtenu l'émergence de nouveaux comportement chez les populations qui le constituent. En d'autres termes suivant cette logique, l'émergence commence par la base (particulier) avant de se manifester au sommet (le général).97Étant donné que la politique d'émergence est structurée autour d'un certain nombre d'éléments, de procédures et de procédés, il est fort probable que cette dernière soit obstruée si tous ces éléments ne sont pas pris en compte. L'émergence peut être retardée renvoyée à un horizon ultérieur comme ce fut déjà le cas pour le Tchad.98

94Robert EVOLA, Comprendre le phénomène...Op. Cit, pp.13-14.

95Ibidem

96Robert EVOLA, Op. Cit, p.40.

97Op. Cit, p.42.

98Au regard de sa situation économique morose, le président tchadien Idriss DEBY ITNO lors d'un conseil des

ministres tenu le 26 décembre 2014, a prolongé d'une décennie l'horizon d'atteinte de l'émergence de son pays en

le faisant passé de 2020 à 2030.

La compréhension de cette politique d'émergence nous impose également à nous rendre compte que l'émergence est devenue en quelque sorte dans l'espace camerounais une sorte de liturgie de la patience `'prêchée» par les pouvoirs publics aux populations. Dans son sens étymologique, le mot liturgie vient de deux mots grecs à savoir leitos qui veut dire peuple ou public et de ergon qui signifie travail ou action. La liturgie est donc une action faite en public et une action faite pour le service du peuple. La liturgie de la patience dans cette dynamique a pour objectif d'assurer et de rassurer les masses populaires en les appelants à faire preuve de résilience, à serrer la ceinture, à retrousser les manches car à l'horizon 2035, les choses vont changer positivement, les conditions de vie des populations seront substantiellement améliorées.

La vulgarisation du concept émergence dans le champ lexicologique camerounais depuis 2009, a transformé cette notion à une sorte de tranquillisant social. Autrement dit, les pouvoirs publics, avec la contribution effective des moyens de communication de masse, tiennent des discours (en occurrence le discours du président BIYA le 31 décembre 2015) demandant le plus souvent à leurs compatriotes de rester tranquilles voire indifférents à leurs propres souffrances, de supporter car leur messie (émergence) comme le personnage de Moise dans la religion chrétienne, viendra les libérer de la précarité, de la misère voire de la pauvreté à son avènement en 2035. En définitive, et au regard de son utilisation, ce concept mobilisateur qu'est l'émergence est porteur d'une thérapie aux différents maux qui minent le quotidien des habitants des dix régions du Cameroun. Elle est mobilisée au niveau interne par les pouvoirs publics pour mettre les citoyens en confiance et au niveau externe, la mobilisation du concept d'émergence vise à attirer les investissements directs étrangers d'après Serges Laurice ETEKI ELOUNDOU.99

Par-dessus tout, l'émergence tout comme les autres recettes miraculeuses appliquées donc les pays de l'Afrique subsaharienne seront vouées à l'échec si elles ne cadrent pas avec les réalités socioculturelles, les réalités historiques de ces Etats. L'ingénieur-économiste camerounais Daniel ETOUNGA MANGUELLE, parlant des programmes de sortie de crise appliquée au Cameroun depuis les indépendances, pense qu'il ne servira à rien d'implémenter les projets de développement qui ne cadre pas avec le développement historique de ce pays. A ce sujet il observe que :

Il ne servira certainement à rien d'appliquer au Cameroun, des recettes

miraculeuses importées d'ailleurs et peu compatibles avec le développement

99 Entretien mené le 16/06/2017 à 10h34 au MINRESI

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historique du pays, auquel il faut absolument coller, parce qu'il reste l'ultime référence et la seule garantie de la faisabilité des réformes engagés.100

5-Le financement de l'émergence du Cameroun

S'interroger sur le financement de l'émergence du Cameroun est loin d'être un exercice superflu encore moins superfétatoire car l'émergence ne se résume pas aux discours politiques. Mais, l'émergence est davantage le fruit d'une construction permanente par les acteurs sociaux en général et en particulier les acteurs institutionnels qui nécessitent un ensemble de moyens. L'émergence comme toute politique publique, nécessite un ensemble de moyens financiers pour être effective.

Dans sa perception des économies de l'Afrique noire en général, le diplomate et politologue Jean-Claude SHANDA TONME nous fait comprendre que ce sont des économies d'imprévision structurées par des projets mal pensés, mal ficelés qui ne répondent pas aux besoins de la population. Il nous fait également comprendre que ses projets qui dans leurs conceptions sont d'abord mal pensés, n'est pas à l'abri d'une crise de financement nécessaire à leurs réalisations. A ce sujet, il déclare que :

Presque au même moment, plusieurs grands projets ont été lancés, soi-disant

dans le cadre d'une politique des grandes ambitions. Seulement, tous les projets

ont été tellement mal conçus et mal ficelés pour ce qui est des financements, que

l'on se demande à quoi ressemblera la finalité dans dix ans.101

Il est également important de souligner que l'émergence qui est une construction non

seulement des acteurs étatique mais également de l'ensemble de la population, nécessite de ce point de vue aussi bien les moyens humains, financiers que matériels. Suivant cette logique, dans les sous-sections suivantes, nous nous intéresserons davantage aux moyens financiers qui sont engagés par les pouvoirs publics pour permettre à ce pays d'atteindre son émergence car comme le fait remarquer Jean Didier BOUKONGOU, « il ne suffit pas de déclamer des plans d'action et des programmes ; encore faut-il se doter des ressources suffisantes, indiquer les stratégies de financement et trouver les moyens adéquats en corrélation avec l'environnement économique et juridique actuel ».102

'°°Daniel ETOUNGA MANGUELE, Le Cameroun : une exception africaine ? Yaoundé SHERPA, 2004, p.58. '°'SHANDA TONME, La malédiction de l'Afrique Noire : De la négritude à la négrocratie, Paris L'Harmattan, 2011, p. 82.

'°2Jean Didier BOUKONGOU, « L'Afrique, responsable du financement de son émergence », in Jean Didier BOUKOUNGOU, (sous dir), L'émergence de l'Afrique, Yaoundé, Presse de l'UCAC, 2015, p.86.

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Nous observons à ce niveau à la suite de Jean Didier BOUKONGOU que certains projets et politiques de développement implémentés en Afrique général (le Plan d'action de Lagos, les objectifs du millénaire pour le développement) ont échoués à cause d'un manque de financement. L'auteur pense que le financement de l'émergence de l'Afrique en général sera l'oeuvre de la solidarité internationale telle que prônée par les Nations unies. A ce sujet, il écrit : « non pas qu'il s'agisse de s'en contenter, il est pertinent d'admettre qu'actuellement, le premier levier de financement du développement de l'Afrique est la solidarité internationale prévue par la charte des Nations Unies ».103

En nous référant au projet d'émergence du Cameroun, nous nous sommes rendu compte qu'en ce qui concerne le financement de cette politique publique, plusieurs acteurs vont intervenir en occurrence l'Etat, le secteur privé et les ménages.

5.1-L'Etat

Il tire l'essentiel de ses revenus des recettes fiscales et non fiscales, des emprunts obligataires ainsi que les emprunts sur le marché international, les revenus de placement, l'apport extérieur des capitaux et des techniques plus connu sous le nom de l'aide public au développement (les prêts et les dons) et les CTD (collectivités territoriales décentralisées) qui constituent une source supplémentaire de cette émergence.

5.2-Le secteur privé

Les ressources financières du secteur privé reposent essentiellement sur l'épargne des ménages et des associations en joint-venture, l'épargne des entreprises, les marchés financiers nationaux, régionaux voire internationaux et enfin le financement bancaire.

5.3-Les ménages

Les ménages tirent l'essentiel de leurs revenus d'après la vision d'émergence du Cameroun, des transferts de la diaspora, les prestations sociales, les revenus du travail, les revenus financiers ainsi que les emprunts auprès du secteur financier.

Au demeurant, lors de la lecture du projet d'émergence du Cameroun, nous avons dénichés un certain nombre de limite voire d'insuffisance qui seront explicitées dans les lignes suivantes.

103Op. Cit, p.87.

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6-Les limites du projet d'émergence

Dans la cosmogonie africaine, une sagesse burkinabé nous fait comprendre qu'on peut dormir sur la même natte sans pour autant avoir les mêmes rêves. En nous appuyant sur cette sagesse négro africaine, toute personne qui s'engagerait à étudier le projet d'émergence du Cameroun, pourrait identifier les insuffisances qui correspondraient à ses orientations méthodologiques voire épistémologique. Dans le cadre de ce travail qui consiste à apprécier la place de la PC dans le projet d'émergence du Cameroun, nous avons identifiés deux principales insuffisances à savoir l'inexistence d'une PC dans le projet d'émergence et l'inexistence d'une politique d'amélioration du système éducatif. Ces deux insuffisances sont étroitement liées dans la mesure où, la perception de la culture est conséquentielle du type d'éducation reçue d'après Jean Jacob Nyobe, secrétaire administratif et technique du CASSPC.104

6.1-La politique culturelle et la vision 2035

En étudiant de fond en comble le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035, nous avons fait une constatation. Cette constatation est celle du peu d'intérêt accordé à la PC qui existait pourtant sous la république unie du Cameroun en général et de la marginalisation de la culture dans cette vision en particulier.

La lecture du document cadre de l'émergence nous a permis de voir que ce projet n'a pas suffisamment pris en compte la PC en tant qu'outil de développement et de bien-être. A cet effet, nous nous sommes rendu également compte que dans le projet d'émergence du Cameroun, il existe une politique d'industrialisation, de promotion de l'unité nationale, une politique d'urbanisation mais que la politique en matière de la culture qui devrait s'articuler autour des orientations prises par les pouvoirs publics pour promouvoir le secteur culturel, est inexistante.

Concernant le peu d'intérêt accordé à la PC dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035, nous nous inscrivons en droite ligne avec Henri TEDONGMO TEKO lorsqu'il déclare : « le manque d'intérêt accordé au secteur culturel et artistique par les pouvoirs publics dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE), suppose jusqu'à 2035, ce secteur sera condamné à rester très loin des préoccupations des décideurs ».105

104 Entretien mené le 29/09/2017 à 14h 30 au MINAC

105Henri TEDONGMO TEKO, Réussir l'entrepreneuriat culturel : expériences camerounaises, Saint-Denis, Editions Connaissances et Savoirs, 2016, p.23.

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Dans la même dynamique, madame Suzanne Pulchérie NNOMO ELA par ailleurs chef service régionale du patrimoine culturel et des musées de la délégation régionale des arts et de la culture du centre, expert Unesco en matière du patrimoine mondial, nous fait comprendre que les politiques en général ont beaucoup plus misés sur l'industrialisation voilà pourquoi on peut voir l'émergence des ports autonomes, des barrages hydroélectriques ainsi de suite .106La deuxième insuffisance du projet d'émergence est l'absence d'une politique d'amélioration du système éducatif.

6.2-Le système éducatif et la vision 2035

L'absence d'une politique d'amélioration du système éducatif constitue sans doute la seconde constatation saisissante des insuffisances du projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 que nous avons relevés. En effet, depuis le dernier conseil de l'enseignement supérieur qui date des années 1980 en passant par le dernier conseil de l'éducation de base ténue du 26 au 27 mai 1995 à Yaoundé, le constat est identique. Le système éducatif doit être refondé afin d'être amélioré car elle ne répond plus aux exigences tant économiques, sociales que culturelles de la société camerounaise qui s'est engagé depuis 2009 dans une dynamique d'émergence. NORTOP soutenait déjà à ce sujet que toute éducation se fait par et pour la société. Le sociologue français Emile DURKHEIM soutient dans le même sillage qu'il s'agit de former l'homme tel que le veut la société et la société le veut tel que le réclame son économie.

Depuis février 2009 année d'adoption du projet d'émergence du Cameroun, un certain nombre d'auteur camerounais ont menés des réflexions sur le lien entre le système éducatif et l'émergence de ce pays. Tous les ouvrages de ces auteurs ont tous un dénominateur commun : l'émergence du Cameroun passe par la refonte systématique de son système éducatif. Plus précisément d'après Richard MAKON, trois défis fondamentaux s'imposent au Cameroun pour atteindre l'émergence. Parmi ces défis nous dit-il, nous avons le défi identitaire, le défi éducatif et le défi démocratique. Le défi éducatif pour l'auteur consistera à améliorer le système éducatif dans l'optique de former les acteurs du changement c'est-à dire les élèves et étudiants en les inculquant la religion du développement qui doit être coloré par l'identité

106Entretien mené le 06/06/2017 à la délégation régionale des arts et de la culture du centre à 12h13.

Camerounaise.107 Dans la même dynamique, André Marie MANGA soutient que « l'éducation fait inéluctablement partie des leviers du succès et du progrès d'un peuple ».108

Dans le même sillage que Richard MAKON et André Marie MANGA, Samuel Aimé ABOSSOLO et Justin Arnold OMBGA MBAZOA, ont menés une réflexion sur la place de l'éducation dans le projet d'émergence du Cameroun. Au terme de leurs réflexions, ils sont arrivés à la conclusion selon laquelle pour atteindre le stade de pays émergent, le Cameroun doit se doter d'un système éducatif fort car le système éducatif présent est en inadéquation avec les objectifs qui visent à accélérer la croissance d'ici 2035.109 La refonte du système éducatif permettra sans doute de faire de la culture via la PC une composante essentielle de l'émergence, du développement.

En définitive, nous intéressant à l'étude du projet d'émergence dans ce chapitre, nous nous sommes rendu compte que la notion d'émergence est également mobilisée par d'autres pays. Nous avons également vu les grandes orientations du projet d'émergence du Cameroun ainsi que ses limites en rapport avec le secteur culturel.

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107Cf. Richard MAKON, Le Cameroun à la croisée des chemins vers le développement : les trois défis de l'émergence, Harmattan Cameroun, 2017.

108André Marie MANGA, Cameroun : de l'éducation à l'émergence, Paris L'Harmattan, 2016, 4e de couverture.

109Cf. Samuel Aimé ABOSSOLO et Justin Arnold OMGBA MBAZOA, Education et émergence au Cameroun : la place de l'éducation dans la mouvance de l'émergence à l'horizon 2035, Editions universitaires européennes, 2015.

CHAPITRE 2 : DE LA CULTURE A LA

POLITIQUE CULTURELLE

La diversité sémantique sur laquelle jouent parfois les sociologues eux-mêmes BOURDIEU et PASSERON ne parlent-ils de la culture de la classe cultivée, rend illusoire la fixation d'une définition acceptable par tous. Acceptons donc la pluralité des sens puisqu'elle traduit à la fois l'évolution des idées et la multiplicité des problèmes.110

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110Gilles FERREOL (sous dir), Dictionnaire de sociologie, Paris, Armand Colin, 1995, p.57.

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Dans ce chapitre de notre travail, nous allons axer notre réflexion sur les perspectives définitionnelles de la notion de culture dans sa globalité. Notre seconde préoccupation sera celle de cerner le sens et la puissance de cette notion dans le vaste boulevard de la science sociologique. Cette section culminera avec la clarification de la notion de PC qui constitue le coeur même de notre investigation scientifique.

1-La notion de culture

La notion de culture est diversement analysée dans les champs scientifiques. Au regard du caractère ambigüe donc elle est porteur, chaque auteur l'analyse avec ses référents épistémologiques et méthodologique. C'est dans ce sens que le mot culture est un mot irritant, polysémique, à géométrie variable, dont les spécialistes ont relevés des centaines de définitions.111 C'est dans cette dynamique que nous convenons dès l'entame à la suite d'Emmanuel KAMDEM que « la littérature sur la culture est très abondante et diversifiée ; il est donc prétentieux de notre part d'en faire le tour »112 dans notre recherche.

L'auteur nous fait également comprendre que le premier anthropologue ayant théorisé la notion de culture en anthropologie est le britannique Edward Burnett TYLOR dans son ouvrage Primitive culture. Ce dernier propose à la notion culture, la définition suivante qui demeure d'ailleurs actuelle : « culture ou civilisation, pris dans son sens ethnologique le plus étendue, est ce tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l'art, la morale, le droit, les coutumes et les autres capacités ou acquises par l'homme en tant que membre de la société ».113

1.1-Le cadre conceptuel et épistémologique de la notion de culture

Né au XIIIe siècle et apparue dans la langue française au XVIIIe siècle, marqué par une équivocité et d'une exceptionnelle fluidité sémantique, le concept de culture vient du latin cultura qui veut dire cultiver la terre, soin apporté au bétail ou aux champs. De par sa polysémie, et son caractère difficilement définissable et saisissable, ce concept est porteur d'une pléthore de sens voire de signification qui la rende ambigüe à la limite. Cette ambigüité est due au faite qu' « aujourd'hui, l'idée de culture est peut-être plus important que jamais

111 Pierre MOULINIER, Les politiques publiques de la culture en France, Paris PUF, 1999, p.4.

112 Emmanuel KAMDEM, Management et interculturalité en Afrique. Expérience camerounaise, Québec, Les Presses de l'Université de Laval, Paris, L'Harmattan, 2002, p.27.

113 Op. Cit, p.29.

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dans le débat public ».114Sa complexité sémantique est également due au faite qu'elle est à l'image de la sociologie, c'est-à-dire une notion carrefour qui touche à tout, qui englobe tout, une notion caractérisée par des définitions aussi diverses que variées. Marie Sophie MADIBA illustre pertinemment cette complexité lorsqu'elle soulève que la culture touche à des domaines variés. Taxée parfois d'industrie culturelle, ce peut être les manières de faire et d'agir (façons de se vêtir, de se nourrir, de parler, de danser), les loisirs, les croyances et ou les perceptions, les musiques, les coutumes, les arts, les traditions.115

Concept polysémique, la notion de culture fait l'objet des mutations définitionnelles à travers l'utilisation qu'on en fait de ce dernier. Sa signification est corolaire à son contexte d'utilisation au point où, toute définition de la culture est conséquentielle de l'affiliation disciplinaire du chercheur, de l'auteur et par conséquent, sa « définition varie selon la spécialité du chercheur ».116 Ainsi, aborder la notion de culture impose au chercheur d'être attentif aux ambigüités, à la polysémie donc elle est porteuse. La notion de culture renvoie donc de ce point de vue à différentes concessions, acceptions et perception.

En effet, la culture, dans un sens plus large peut être comprise comme tout ce qui est acquis c'est-à-dire créé, inventé, façonner par l'homme vivant dans une sphère sociale donnée. C'est également tout ce qui s'ajoute à la nature sous l'action de l'homme qui transforme cette dernière à sa guise.

Dans un sens philosophique, la culture est l'élément qui confère à l'homme le pouvoir de dominer et d'agir sur la nature. Du point de vue matériel, la culture est comprise comme étant l'activité d'un paysan qui cultive son champ. Ferdinand CHINDJI KOULEU en rend bien compte quand il soutient que :

Ce mot s'applique aussi bien aux travaux champêtres (culture du macabo), au corps humain (la culture physique), à l'esprit d'un individu (la culture générale), qu'à une société tout entière (les états généraux de la culture), aux humanités (la culture classique), qu'à la biologie (culture microbienne en laboratoire). 117

Au regard de ce qui précède, il ressort que la culture désigne l'ensemble des institutions,

des manières de penser, de faire, de sentir et d'agir, des coutumes propre à une communauté

114Adam KUPER, « Les origines de l'idée moderne de culture en anthropologie », in Albert DUCROS, Jacqueline DUCROS et Fréderic JOULIAN (sous dir), La nature est-elle culturelle ? Histoire, épistémologie et applications récentes du concept de culture, Paris Editions Errance, 1998, p.55.

115Marie Sophie MADIBA, « Diversité culturelle : au carrefour de l'exception culturelle, l'hybridation et la mise en commun. Pour une approche pluridisciplinaire des concepts de diversité culturelle et de mondialisation sous le prisme de la communication interculturelle » in communautés et sociétés. Annales de sociologie et d'anthropologie, Université Saint-Joseph, Beyrouth, Liban, Vol 21-22, 2010-2011, p.93.

116 Marie-Claude VETTRAINO-SOULARD, Les enjeux culturels d'internet, Paris Hachette, 1998, p.3. 117Ferdinand CHINJI-KOULEU, Communiquer est un art, Editions Saagraph, 2004, p.371.

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voire un peuple. Elle constitue d'après Pierre KAMDEM, Mesmin TCHINDJANG et al l'âme d'un peuple, c'est le véhicule de sa pensée, c'est l'expression imagée de son vécu bref, c'est l'identifiant, la clé primaire de la compréhension de toute société traditionnelle reconnue telle118raison pour laquelle « quand un peuple perd cet âme, il meurt ».119

D'après l'Unesco, l'institution internationale donc l'un de ces objectifs et la protection et la valorisation de la culture des nations, la culture est un concept englobant de par les différentes composantes donc elle est porteuse. La complexité de cette notion est résumée par à travers la définition suivante :

La culture dans son sens le plus large, est considéré comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les

croyances.120

Dans le vaste champ de la rationalité scientifique, Pierre MBONJI EDJENGUELE dans son ouvrage Morts et vivant en négro-culture, distingue deux types de culture : la culture morte et la culture vivante. D'après lui, la culture morte est cet ensemble d'items et d'institutions qui n'ont pas pu s'adapter à la marche irréversible du temps et, pourtant, s'accrochent au wagon de l'histoire et deviennent par là même un poids mort. Pour lui, la culture morte est cette culture qui ne répond plus efficacement au besoin des individus vivant dans une communauté donnée. On la retrouve dans les aéroports entre les mains des touristes qui ont à coeur de garder un souvenir de leurs voyages en terre africaine. Les danses traditionnelles et les productions folkloriques (lors des visites des chefs d'Etat étrangers, lors des événements sportifs) sont révélatrices d'après l'auteur de cette culture morte. Et par culture vivante, il nous fait observer que c'est une culture qui :

Est en accord avec l'environnement, les aspirations de ceux qui la vivent, qui comprend des valeurs épanouissantes, passées et non passéistes, actuelles, endogènes et exogènes, à condition de préparer ses consommateurs à faire face aux défis existentiels.121

La culture vivante telle que nous dit l'auteur est une culture dynamique qui absorbe les

apports étrangers, c'est une culture fortement ancrée dans l'agir humain, elle est un palliatif aux

118Pierre KAMDEM & Mesmin TCHINDJANG (dir), Repenser la promotion du tourisme culturel au Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique, Yaoundé Editions Iresma-Karthala, 2011, p.33. 119Jules ASSOUMOU, Ibidem

120Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico city, 26 juillet-aout 1982

121Ibidem

besoins existentiels des individus. C'est une culture qui « s'enrichit des autres en enrichissant ; elle est enracinée et expressive d'une identité ans être ancrée, amarrée ».122

Au regard des différentes clarifications sus-citées sur la culture, il convient de retenir que la définition opérationnelle de la culture retenue dans le cadre de cette étude considère à la suite de Henri TEDONGMO TEKO, que la culture est « un capital à exploiter parce que peut contribuer au développement économique et social, et surtout à la croissance économique ».123Il nous revient maintenant d'énumérer les différentes fonctions de la culture dans afin de mieux comprendre sa charge sémantique.

1.2-Les fonctions de la culture

Dans toutes les sociétés humaines, la culture a une fonction d'orientation dans la mesure où, elle est l'élément qui oriente, guide les comportements des individus. Chaque membre agit en se référant soit à sa culture d'appartenance soit à sa culture de référence. De ce point de vue, si un membre de la communauté ou du groupement a un comportement qui s'écarte du comportement communément admis par sa culture, ce dernier est considéré comme un déviant voire un délinquant. C'est dans ce sens qu'une femme béti (ethnie du Cameroun qu'on retrouve dans les régions du Centre, Sud et Est) qui mange la vipère par exemple, sera davantage vue comme une déviante par les membres de sa communauté car, d'après la culture de cette ethnie, la femme n'est pas autorisée à manger la vipère.

Dans le même sens, une femme de confession religieuse musulmane qui s'habille en 'destroy'', pantalon moulant, collant, mini-jupe etc. est davantage perçue aux yeux de ces frères et soeurs musulmans comme une déviante car elle s'écarte des lois et principes de la religion musulmane.

Dans cette fonction d'orientation, « la culture met ensemble, elle contient et interprète les valeurs d'une société moins systématique. C'est à travers la culture que l'on découvre la signification et le but du genre de la vie individuelle et sociale ». Autrement dit, dans les organisations sociales, la culture, au regard de tout ce qui précède, devient l'élément fondamental qui structure les comportements humains. C'est elle qui oriente les comportements humains bref l'ensemble des manières de penser, de faire, d'agir et de sentir des individus dans un environnement social donné est orienté et guidé par la culture. La culture devient ainsi l'ordonnatrice et la régulatrice des manières d'agir, de penser et de sentir.

122Op. Cit, p.131.

123Henri TEDONGMO TEKO, Réussir ..., p.32.

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La deuxième fonction de la culture est celle de la représentation. Elle sert d'élément d'identification, de justification et de compréhension du comportement d'un individu au sein de l'espace public. La culture dans ce sens, nous renseigne Joseph KI-ZERBO et al, vise également à réunir les personnes en une communauté particulière distincte vivant dans un environnement social donné. D'après lui, «la culture est donc à la fois ce qui fait que la majorité des membres d?une société globale partagent les mêmes schèmes de comportement et se distinguent des autres peuples ». 124C'est dans ce sens qu'un individu agira en fonction des représentations prescrites par la culture de sa société, de son milieu sinon il sera taxé de déviant.

Dans cette perspective, à travers une action posée par un individu, l'on peut comprendre que cette action s'inscrit dans le même sillage que celle posée par ses prédécesseurs par exemple, et il ne sera pas exclu d'entendre au sein de l'espace social un individu légitimité une action en disant qu'on a toujours fait comme ça dans ma culture. Les besoins physiologiques et biologiques des individus dans une sphère sociale donnée sont diversement exprimés et représentés selon des différentes manières de faire, de sentir, de penser et d'agir des individus donc la culture en est l'élément révélateur des pratiques et des agissements sociaux.

La culture est le moteur de l'intégration sociale dans la mesure où, à travers l'utilisation d'une même langue qui est un élément de la culture par exemple, un individu qui est issu d'une autre culture (tribu) s'intégrera plus vite que celui qui n'a aucune connaissance de la langue de la société où ce dernier souhaite s'installer. Par un exemple, un peulh qui ne comprend et ne parle ni le français ni l'anglais s'intégrera facilement à Yaoundé dans les quartiers comme Briqueterie, Tsinga etc. parce que ce sont des quartiers à majorité peulh qui comprendrons de fait cet individu qui ne s'exprime en aucune autre langue que le foulbé ou le fufuldé qui est la langue majoritairement parlée dans ces quartiers.

La fonction d'intégration sociale de la culture s'illustre davantage dans la mesure où, d'après Ferdinand CHINDJI KOULEU, « elle simplifie la conduite et elle pourvoit donc aux rôles et aux relations sociales »125en réunissant et en mettant ensemble une communauté de personne au sein d'une organisation sociale. Les organisations culturelles internationales telles que la Francophonie et le Commonwealth ont pour leitmotiv de contribuer et de participer à l'intégration des peuples du monde via la langue française et anglaise. Mais, Charly Gabriel MBOCK, parlant de la Francophonie, observe de façon remarquable que cette organisation est

124Joseph KI-ZERBO (dir), La natte des autres : pour un développement endogène en Afrique, Paris, Karthala, 1992, p. 80

125Ferdinand CHINJI-KOULEU, Op. Cit p.376

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culturocide c'est-à-dire, tue d'autres cultures à travers leur appauvrissement et leur éradication. Il soutient dans ce sens que :

L'appauvrissement dont la Francophonie s'est laissé soupçonner tient déjà à l'éradication des cultures dans les colonies françaises à commencer par le bannissement sans appel des langues des peuples colonisés. La Francophonie s'impose ainsi comme le grand paradoxe de la France : c'est un organisme à vocation culturelle sur fond d'exception qui travaille à l'extermination des cultures des autres, sans exception.126

Après ce bref rappel historique de la notion de culture, et après avoir énumérer quelques fonctions de cette dernière, il est question pour nous dans la section suivante de cerner ce concept sous le prisme de ce savoir qui s'interroge perpétuellement sur elle-même d'après Raymond ARON.

2-De la notion de culture en sociologie

Parlant de la notion de culture, Denys CUCHE observe qu'elle est une notion ambigüe.

D'après l'auteure, l'ambigüité de cette notion ne peut être dépassée que si le chercheur fait

recours à sa genèse afin de mieux déceler ces contours. Elle observe à ce sujet que :

Les mots ont une histoire et, dans une certaine mesure aussi, les mots font l'histoire. Si cela est vrai de tous les mots, cela est particulièrement vérifiable dans le cas du terme 'culture'' [...] C'est pourquoi, si l'on veut comprendre le sens actuel du concept de culture et son usage dans les sciences sociales, il est indispensable de reconstituer sa genèse sociale, sa généalogie.127

2.1-Du concept de culture dans le champ de la rationalité sociologique

L'étude de la notion de culture en sociologie ne date pas d'aujourd'hui. Cette étude trouve toute sa pertinence à la suite de la littérature scientifique développée autour de cette notion. Ainsi, dans le vaste champ de la rationalité scientifique, la culture fait l'objet d'une abondante littérature depuis la signature de l'acte conceptuel du terme sociologie par Auguste COMTE en 1839 dans son Cours de philosophie positive.

Notre démarche dans cette partie s'inscrit dans une logique de compréhension de la notion de culture sous la chapelle de la science sociologique. Dans ce vaste champ de la rationalité sociologique, certains auteurs à l'instar de Small ALBIOL, Park, Burgess et surtout

126 Charly Gabriel MBOCK, Décoloniser la France, Montréal, KiyiKaat Editions, 2010, p.42.

127Denys CUCHE, La notion de culture dans les sciences sociales, Paris La Découverte, 2010, 4e édition, p.9.

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OGBURN etc. ont menés des réflexions profondes sur cette notion. En s'appuyant sur les pères fondateurs de la sociologie scientifique et académique (Max WEBER, Emile DURKHEIM), ils nous font observés que les architectes de la sociologie scientifique non jamais utilisé explicitement cette notion. Dans cette dynamique, Denys CUCHE observe à propos d'Emile DURKHEIM qu'il n'utilisait presque jamais le concept de culture mais plutôt la théorie de la conscience collective qui est une forme de théorie culturelle car, il existe dans toute société, une conscience collective, faite des représentations collectives, des idéaux, des valeurs et des sentiments communs à tous les individus. Cette conscience collective précède l'individu, s'impose à lui, lui est extérieure et transcendante. C'est la conscience collective (culture) qui réalise l'unité et la cohésion d'une société. 128

A la lumière de ces propos, nous nous rendons à l'évidence compte que l'expression conscience collective telle que nous l'avons vu sous l'angle de Denys CUCHE, a les mêmes caractéristiques que la notion de culture. Dans le même sillage, parlant de l'émergence de la culture dans le champ sociologique, Guy ROCHER observe que ce n'est que dans la nouvelle génération de sociologue français qui surgit après la dernière guerre que le terme devient populaire en France sous l'influence de la sociologie américaine.129En d'autres termes, la culture dans le champ sociologique provient de l'histoire et non de la philosophie en ce sens que les historiens sont davantage d'après l'auteur,

Des empiristes, des chercheurs méticuleux, préoccupés de faire oeuvre scientifique

plutôt que philosophique, débouchant finalement pour plusieurs d'entre eux sur

de véritable travaux ethnographique. C'est là un aspect intéressant de la notion

de culture, qu'elle provienne de l'histoire et non de la philosophie.130

Cette notion, nous renseigne Jean CAZENEUVE et al, est l'une des notions les plus

ambigus, les plus polysémiques au point où elle alimente aussi bien les controverses et est révélatrice des confusions donc elle est porteuse pour tout chercheur qui s'engage dans une dynamique définitionnelle liée à cette notion. A ce sujet, ils diront qu'elle est l'un des mots les plus usités, mais aussi l'un des plus mal définis en sociologie.131

Ce caractère polysémique de la culture est à l'origine de la difficulté pour les chercheurs en sciences sociales en générale et en sociologie en particulier de donner une définition unanimement acceptable dans le vaste champ de cette discipline qui « se caractérise par une

128Denys CUCHE, Op. Cit, pp.27-29

129Guy ROCHER, Introduction à la sociologie générale (l'action sociale), Montréal, éditions HMH, 1968, p.108 130Op.cit.p.106

131Jean CAZENEUVE et al, Encyclopédie de sociologie, Lille, Presse des petits fils de Leonard Danel, 1970, p.69

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recherche perpétuelle d'elle »132 surtout que comme nous l'enseigne Raymond ARON, les sociologues ne sont d'accords que sur leurs désaccords. C'est dans ce sens que Gilles FERREOL et al, parlant de la culture, diront que rarement un signifiant aura couvert autant de signifiés et rarement aussi un terme sera au coeur de tant de polémique tant politique que scientifiques.133

Dans la même dynamique, Henri TEDONGMO TEKO nous fait comprendre dans son ouvrage sur l'entrepreneuriat culturel que toute exercice analytique de la notion de culture révèle la diversité et la multiplicité d'une notion qui ne peut être que saisie que par un processus définitionnel qui explore les acceptions et les contours dans ce qu'elles ont d'idéologiques et d'affiliations disciplinaires. André AKOUN et Pierre ANSART voient en la culture un concept englobant. Ils considèrent cette expression comme un tout, c'est-à-dire un ensemble qui « désigne ainsi tout ce qui est créé et transmis par l'homme, tout ce qui n'est pas donné par la seule nature et l'hérédité biologique ».134 Nous nous rendons à l'évidence compte qu'à la lumière de cette définition qu'ils considèrent la culture non seulement comme une création humaine qui est transmise aux générations futures afin d'assurer la pérennité de celle-ci, mais davantage comme étant un fait social. Ce faisant plus clair, ils observent que :

si l'on retient en effet que toute pratique humaine est simultanément une pratique culturelle par opposition à ce que serait la nature, tous les faits sociaux, toutes les relations sont des faits sociaux de culture et tous les domaines qui relèvent des études sociologiques illustrent des dimensions de la culture.135

De ce point de vue, nous pouvons nuancés à la suite d'Emmanuel KAMDEM que la

culture n'est pas abordée dans le cadre de cette recherche comme un système clos, un système immuable. Mais elle est davantage un processus dynamique de reconstruction et de déconstruction des normes qui sont au coeur d'une organisation sociale. C'est dans ce sens qu'en ce XXIe débutant, Fréderic LEBARON, définit la culture comme étant : « l'ensemble des pratiques et représentations caractéristiques d'un groupe humain déterminé ».136 D'après lui, la culture varie dans le temps et dans l'espace social qui est structuré autour des classes sociales distinctes, ayant en commun leurs manières d'agir et leurs façons de faire qui dévient une sorte de the way of life mieux encore un mode vie. Guy ROCHER voit en cette notion une sorte de concept qui englobe les manières de penser, d'agir, de sentir et de faire autour

132Raymond ARON, Dix-huit leçons sur la société industrielle, Paris, Gallimard, 1962, p.3 133Gilles FERREOL (dir), Dictionnaire de sociologie, Paris, Armand Colin, 1995, pp.50-51 134André AKOUN et Pierre ANSART, Op. Cit, p.126

135Op. Cit, p.125

136Frédéric LEBARON, La sociologie de A à Z, Paris, Dunod, 2009, p.42.

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desquelles les individus vivant dans un environnement social donné. Se faisant plus explicite, il soulève que :

la culture est un ensemble lié de manière de penser, de sentir et d'agir plus ou

moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois symbolique, à constituer ces personnes en une sorte de collectivité distincte.137

Dans une perspective d'analyse stratégique des organisations, la culture est perçue

comme un système de normes et de valeurs construits par les acteurs et qui assurent la cohésion sociale. Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG considèrent à cet effet que la culture n'est plus cet univers de valeurs et de normes incarnés et intouchables qui, en dernière instance, guident, ordonnent les comportements observés et donc en rendent compte. Ils poursuivent en soulignant que, formée d'un ensemble d'éléments de la vie psychique et mentale, avec ses composantes affectives, cognitives, intellectuelles, relationnelles, elle est un instrument, elle est la capacité que les individus acquièrent, utilisent et transforment en bâtissant et vivant leurs relations et leurs échanges avec les autres.138

L'émergence de la culture dans le champ sociologique a été à l'origine de l'apparition au sein de ce savoir d'une série de branche faisant de celle-ci une sorte de kaléidoscope. L'une des branches qui attire le plus notre attention dans le cadre de cette étude, est celle de la sociologie des pratiques culturelles théorisée par le français Philippe COULANGEON. A travers cette sociologie, Philippe COULANGEON cherche à comprendre les logiques d'action et les rationalités explicatives qui sont à l'origine de la forte propension de la consommation des biens culturels en France depuis un certain nombre d'année. Il nous fait comprendre dans ce sens que les pratiques culturelles constituent des marqueurs d'identités sociales. Celle-ci s'observe davantage dans la prépondérance de la télévision dans les hobbies quotidiens dans les ménages au point de devenir d'après les mots de l'auteur le nouvel opium du peuple. Dans la dynamique d'une précision terminologique, il nous fait savoir que :

Par pratiques culturelles, on entend généralement l'ensemble des activités de consommation ou de participation liées à la vie intellectuelle et artistique, qui engagent des dispositions esthétiques et participent à la définition des styles de vie : lecture, fréquentation des équipements culturels (théâtres, musées, salles de

137Guy ROCHER, Introduction à la sociologie générale, (l'organisation sociale), Montréal, HMH, 1968 p.111. 138 Michel CROZIER, Erhard FRIEDBERG, L'acteur et le système. Les contraintes de l'action collective, Paris, Seuil, 1977, p.210.

cinéma, salles de concerts, etc.), usages des médias audiovisuels, mais aussi pratiques culturelles amateurs.139

Au regard des différentes définitions et conceptions de la culture ci-dessus mentionnée, l'énumération des caractéristiques de la culture favorisera sans doute une compréhension profonde de cette notion.

2.2-Caractéristiques de la culture

La culture telle que nous l'avons vue précédemment est un legs social partagé par toute la population d'une collectivité, d'une communauté, d'un groupement etc. Elle devient ce trait distinctif qui structure les comportements des individus qui ont en commun cette culture. Ainsi, il ressort que chaque groupe social a ses réalités sociologiques qui cadrent avec son milieu de vie. Elle (culture) est de ce point de vue un élément de standardisation comportemental dans la mesure où, tout le monde qui partage en commun une culture, agit en se référant à leur culture car, l'ensemble de manière d'agir, de sentir, de penser et de faire est influencé par la culture de ce dernier. Ferdinand CHINDJI-KOULEU, citant Jules FERRY, soutient à ce sujet que : « la culture d'un peuple dit-on, est sa lettre de noblesse, sa carte d'identité au forum des nations. C'est par le sommet seulement que les cultures se touchent. Les chemins qu'elles suivent sont différents et correspondent à des éléments essentiels de l'âme des peuples ».140La culture est dans ce sens une acquisition en même temps qu'une donnée universelle.

2.2.1-La culture comme une acquisition

La culture est une acquisition de la part de l'individu car, à sa naissance, il est une tabula rasa c'est-à-dire une table rase et acquière une culture par le biais de la socialisation. Cette acquisition est le fruit de la socialisation entendue au sens de Guy ROCHER comme étant le processus ou le mécanisme par lequel un individu apprend tout au long de sa vie les éléments de sa socio culture sous l'influence des agents de socialisations, les intègre dans la structure de sa personnalité et par là s'adapte à l'environnement social de son milieu d'appartenance ou de référence.

Dans ce sens, après l'apprentissage de la culture se pose le problème de l'intériorisation de cette dernière et enfin celui de la reproduction afin de s'adapter au sein de l'environnement dans lequel il est appelé à vivre. Parlant de l'acquisition de la culture, Guy ROCHER observe

139Philippe COULANGEON, Sociologie des pratiques culturelles, Paris La Découverte, 2010 pp.3-4. 140Ferdinand CHINDJI-KOULEU, Op. Cit

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que : « rien de naturel n'est hérité biologiquement ou génétiquement, rien de la culture n'est inscrit à la naissance dans l'organisme biologique. L'acquisition de la culture résulte des divers modes de mécanisme de l'apprentissage ».141La culture dévient dès lors cet héritage que les gardiens de la tradition en occurrence (chef traditionnel, roi, notables etc.) ont le devoir de protéger afin d'assurer sa pérennisation.

2.2.2-La culture comme une donnée universelle

La culture est universelle dans la mesure où on la retrouve dans toutes les sociétés humaines. L'adjectif universel que nous avons utilisé ici ne veut pas dire qu'il existe sur la planète terre une culture unique qu'on devrait importer comme des prêts à porter pour obliger les autres peuples à agir en fonction de cette culture. Mais, le caractère universel de la culture veut tout simplement dire que celle-ci est en dernier ressort, une « acquisition sociale, car l'homme est un animal créateur de culture. C'est dire que chaque peuple possède une culture qu'il cherche à transmettre, par voie de communication à la postérité ».142 Elle est d'autant plus universelle dans la mesure où, d'après Denys CUCHE, « l'Homme est essentiellement un être de culture »143ce qui nous amène dès lors à comprendre qu'il n'existe pas de peuple inculte dans le monde comme l'avait prétendue la mission coloniale. L'universalité de la culture ne signifie pas uniformisation des façons de penser, d'agir et de sentir mais plutôt le fait qu'il existe une mosaïque de culture dans le monde. Chaque culture a sa spécificité, sa singularité et sa typicité au point d'être un levier de changement social.

L'économiste camerounais Daniel ETOUNGA MANGUELLE considère la culture issue du programme d'ajustement culturel comme un élément fondamental du changement social qui culminera avec le processus d'amélioration des conditions de vie de la population. Il définit l'ajustement culturel comme étant « l'ardente nécessité de changer les mentalités pour favoriser le développement intégral et l'épanouissement de l'homme dans son milieu naturel ».144Pour lui, la culture africaine telle qu'elle est présentement, c'est-à dire une culture où les mentalités sont les plus rétrogrades, constitue la cause fondamentale de l'échec des projets et programmes de développement car, pense-t-il, « les traits dominants de la culture camerounaise, tels que décrits à la fin du règne du Président Ahidjo, sont aujourd'hui, à la fois

141Guy ROCHER, Introduction à la sociologie générale, (l'action sociale), Montréal, édition HMH, 1968, p.113. 142Ferdinand CHINDJI-KOULEU, Op.cit. p.375

143Denys CUCHE, Op. Cit, p.5

144Daniel ETOUNGA MANGUELE, Cameroun : une exception africaine ?, Yaoundé SHERPA, p.53.

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plus renforcés et hélas, plus rétrogrades ».145Concernant ce programme d'ajustement culturel,

il opère une précision terminologique lorsqu'il soutient :

Il ne s'agit à présent d'importer des phraséologies toutes faites et de servir à la

sauce gombo, au rythme de cris et danses des groupes d'animation. Mais il faut

au contraire aller au coeur de nos moeurs et coutumes, pour extirper la gangue qui

empêche nos sociétés de se mouvoir vers la modernité.146

Théodore MAYI-MATIP, dans le même sillage que Daniel ETOUNGA MANGUELE,

pense que la tradition (culture) est le socle granitique du développement. Pour que ce développement soit effectif, pense-t-il, il doit intégrer trois éléments fondamentaux à savoir l'enseignement et le recours aux langues (langues maternelles), la collaboration entre l'élite gouvernante et les hommes issus des cercles initiatiques et enfin les planificateurs du développement doivent faire de la culture l'épicentre même du développement. Se faisant plus clair, Théodore MAYI-MATIP nous fait comprendre que le développement des sociétés africaines s'articule autour de deux projets de société :

L'un propose le développement de l'Afrique par la destruction plus ou moins subtile des traditions africaines, en favorisant la disparition des langues africaines, l'importation des modèles culturels de développement étrangers et la consommation exclusive par les africains des produits culturels provenant d'autres civilisations [...]L'autre projet, opposé au premier, assigne deux impératifs au développement de l'Afrique moderne, à savoir, d'une part, l'intégration du développement à l'environnement de l'Afrique.147

A travers ces propos, Théodore MAYI-MATIP pense qu'un développement qui n'est pas

soutenu par les réalités locales (culture) d'une société donnée produit des individus

consommateurs et non des individus créatif voire productif. Cependant, plusieurs approches ont

été développées autour de la notion de culture.

3-Quelques approches de compréhension de la culture en sociologie

Dans une logique de compréhension de la notion de culture, Denys CUCHE distingue un certain nombre d'approche qui favorise un meilleur décryptage de cette notion.

145Ibidem

146Daniel ETOUNGA MANGUELLE, L'Afrique a-t-elle besoin d'un programme...Op Cit, p.137.

147Théodore MAYI-MATIP, « Le rôle de l'unité dans la transmission des valeurs culturelles » in UNESCO, Tradition et développement dans l'Afrique d'aujourd'hui, Paris PUF, 1990, p.104.

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3.1-L'approche fonctionnaliste de la culture

Cette approche a pour figure marquante l'anthropologue anglais Bronislaw MALINOWSKI (1884-1942). En s'opposant à la rédaction de l'histoire des peuples sans écriture sous sa forme scripturaire, Bronislaw MALINOWSKI pense qu'une meilleure connaissance des individus passe fondamentalement par une immersion totale du chercheur dans la culture de la population qu'il entend étudier. A ce sujet, Denys CUCHE, parlant de Bronislaw MALINOWSKI, soutient qu' :

Il s'oppose à toute tentative d'écrire l'histoire des cultures à tradition orale. Selon

lui, il faut s'en tenir à l'observation directe des cultures dans leur état présent, sans chercher à remonter à leurs origines, ce qui représente une démarche illusoire, car non susceptible de preuve scientifique. Le grand mérite de Malinowski aura toutefois été de démontrer qu'on ne peut pas étudier une culture de l'extérieur, et encore moins à distance.148

Plus de trois décennies plus tard, Georges BALANDIER soutient également concernant

une meilleure compréhension des dynamiques sociales d'une société que, les sociétés ne sont jamais ce qu'elles paraissent être ou ce qu'elles prétendent être. Elles s'expriment à deux niveau au moins ; l'un, superficiel, présente les structures `'officielles», si l'on peut dire ; l'autre profond, assure l'accès aux rapports réels les plus fondamentaux et aux pratiques révélatrices de la dynamique du système social. 149

3.2-L'approche structuraliste de la culture

Sous la houlette de Claude LEVI-STRAUSS, cette approche considère la culture comme un tout regroupant plusieurs éléments. Claude LEVI-STRAUSS note pertinemment que toute culture peut être considérée comme un ensemble de système symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles matrimoniales, les rapports économiques, l'art, la science, la religion etc. Tous ces systèmes visent à exprimer certains aspects de la réalité physique et de la réalité sociale, et plus encore, les relations que ces deux types de réalité entretiennent entre eux et que les systèmes symboliques eux-mêmes entretiennent les uns avec les autres.

D'après ce dernier, l'homme est un animal essentiellement social c'est-à dire, qui de par sa nature, vit dans une structure ou communauté sociale régit par une culture structurée autour

148 Denys CUCHE, Op. Cit, p.36.

149Georges BALANDIER, Sens et puissance (les dynamiques sociales), Paris, PUF, 1971, p.7.

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des règles sociales, des règles sociales communément admises par tous. Cette approche « se donne pour tâche de retrouver ce qui est nécessaire à toute vie sociale, c'est-à dire les universaux culturels, ou pour dire les choses autrement, les '' a priori'' de toute société humaine ».150

3.3-L'approche interactionniste de la culture

Avec l'influence marquante d'Edward SAPIR, cette approche met un accent sur la communication interindividuelle comme étant structurée par la culture. D'après lui, la culture est un élément qui concourt à la production des interactions au sein d'une sphère sociale donnée. Ce dernier voit en la culture « un ensemble de significations que se communiquent les individus d'un groupe donné à travers ces interactions »151 , ce qui nous amène à comprendre que, d'après l'approche interactionniste, la culture est le produit des interactions sociales entre les individus.

Au regard de tout ce qui précède et après l'analyse de la culture dès son origine en passant par sa compréhension sous le prisme de la sociologie, nous nous attacherons au point suivant à la notion de PC qui est l'élément fondamental de notre travail.

4-De la notion de politique culturelle

Comme la notion de culture précédemment analysée, la notion de PC est également à l'origine d'une abondante littérature en science sociale en générale. Elle fait également l'objet de controverse définitionnelle. Ainsi, d'après l'Unesco, la PC est :

un ensemble de pratiques sociales, conscientes et délibérées, d'intervention ou de

non-intervention ayant pour objet de satisfaire certains besoins culturels par

l'emploi optimal de toutes les ressources matérielles et humaines dont une société

donnée dispose au moment considéré. 152

François COLBERT pour sa part, observe que la PC est un instrument utilisé par les pouvoirs publics pour valoriser et pour protéger les traits distinctifs d'une société, donc ses droits fondamentaux, ses systèmes de valeurs, ses traditions et ses croyances. La PC, au regard de toutes ces définitions, vise non seulement la promotion de la culture d'un Etat mais davantage la satisfaction des besoins vitaux des individus vivant dans une communauté sociale

150Claude LEVI-STRAUSS, « Introduction à l'oeuvre de Marcel Mauss », in Marcel MAUSS, Sociologie et Anthropologie, Paris, PUF, 1950, p.19.

151Denys CUCHE, Op. Cit, p.50.

152Unesco, « Réflexion préalables.... Op. Cit, p.8.

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donnée. Dans cette perspective, l'élaboration d'une PC par un Etat est souvent porteuse d'une solution à un problème que ce dernier entend résoudre. Il importe également de souligner qu'il n'existe pas de PC standard dans le monde.

A cet effet, chaque pays mieux encore chaque Etat élabore sa PC en fonction de sa conception de la culture, son système économique, de son idéologie politique ainsi que son souci majeur qui consiste le plus souvent à promouvoir son développement infrastructurel, économique, social, technologique etc. C'est dans ce sens que, d'après Françoise BENHAMOU, la PC en France oscille entre deux acceptions de la culture à savoir l'exception française et l'exception culturelle. L'exception culturelle prend en compte les biens et services culturels des autres pays. Grace à cette PC nous dit l'auteure, la promotion de la culture française se fait par le biais de trois grand canaux. A ce sujet, elle soutient que :

Le premier consiste en la reconnaissance du contenu en création via le droit des auteurs(...) le deuxième reconnait les externalités positives de la production culturelle(...).Parmi ces externalités, on peut concevoir le soutien de la création comme un soutien à la constitution d'un patrimoine pour les générations futures. Le troisième repose sur l'hypothèse que la diversité des structures est une condition nécessaire (mais non suffisante) à la diversité des produits.153

Dans la même dynamique, Jacques RENARD nous fait comprendre que la PC de la

république française a une fonction intégrative dans la mesure où, elle contribue à l'intégration des artistes étrangers dans la métropole française. A ce sujet, il observe que :

Alors que surgit la tentation d'un repli sur le pré carré national, la politique culturelle de l'Etat, tout à fait relayée par les choix artistiques de nombreux responsables d'institutions culturelles, a été et demeure celle du dialogue des cultures, de l'accueil des artistes étrangers, de la découverte du patrimoine et des formes artistiques venues d'ailleurs.154

La PC contribue non seulement à promouvoir la culture d'un Etat en particulier, mais

davantage contribue à la conservation du patrimoine qui fonde l'identité et cimente la mémoire collective d'un Etat. C'est dans ce sens que Jacques RENARD souligne que les monuments peuvent donc devenir non plus des lieux figés mais davantage des lieux de médiation entre le passé et le futur d'un peuple. Pour sortir la culture de l'ornière d'après l'auteur, le besoin de relance de la PC s'impose. Dans ce contexte, observe l'auteur, la relance de la PC passe par une

153Françoise BENHAMOU, « La politique culturelle française entre exception et diversité », in Problèmes politiques et sociaux, De l'exception à la diversité culturelle, No 904, septembre 2004, p.85.

154Jacques RENARD, Un pavé dans la culture. L'urgence d'un nouveau souffle de la politique culturelle-la controverse de MONUM, Paris L'Harmattan, 2003, p.145.

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attitude beaucoup plus imaginative à l'égard des formes contemporaines de la création et de leurs liens avec les problèmes sociaux et humains, par la redéfinition des relations entre l'administration et les ICs, par le développement de synergies entre les secteurs publics et privés ce qui n'implique en aucune façon de renoncer à l'ambition du service public-enfin par l'européanisation résolue et assumée de certains pans de l'action publique.

Dans le souci de promouvoir le tourisme culturel en France, Jean François GRUNFELD nous fait comprendre que plusieurs acteurs sont mobilisés pour la promotion de ce tourisme en occurrence les acteurs institutionnels, les collectivités territoriales. Concernant ces collectivités territoriales, l'auteur mentionne que :

La décentralisation a donnée aux collectivités territoriales un grand pouvoir en matière de dépenses culturelles [...] Les politiques culturelles des collectivités territoriales se fondent sans exception sur la mise en oeuvre d'un inventaire, sur la volonté de mettre en valeur le patrimoine comme élément de coalescence sociale, comme facteur d'intégration et de création d'emploi.155

Comme toute politique, la politique culturelle suit tout un processus de préparation et vise un certain nombre d'objectifs qu'il importe d'énumérer.

4.1-Le processus d'élaboration d'une politique culturelle

La PC est le fruit d'un processus qui intègre plusieurs éléments. C'est ainsi que cinq étapes concourent à l'élaboration d'une PC d'après François COLBERT156 à savoir :

? la première étape, nous dit-il, est celle de la demande du gouvernement voire celle de la

détermination d'un problème qui peut être faite soit par le gouvernement lui-même, soit par une autre entité voire une personne ou groupe de personne ;

? la deuxième étape est celle de la formulation d'une solution suite au problème identifié

où le gouvernement, après avoir été saisi du problème, élabore ensuite des solutions afin de solutionner ledit problème ;

? la troisième étape est celle de l'enclenchement du processus de prise de décision

corolairement aux débats qui ont eu cours au sein de l'appareil du gouvernement ; ? la quatrième étape repose sur la mise en place de la politique adoptée par le

gouvernement encadré par des normes ;

155Jean François GRUNFELD, Tourisme culturel : acteurs et actions, Paris Les chroniques de L'AFAA, 1999, p.11.

156François COLBERT, Les éléments de la politique culturelle,

http://www.gestiondesarts.com/media/wysiwyg/documents/Colbert_Politiquesculturelles.pdf, consulté le 15 aout 2017 à 23h13

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v' la dernière étape renvoie à l'étude des impacts de la politique adoptée sur la résolution du

problème afin de la réajuster si jamais cela s'avère nécessaire. Ainsi, comme toute politique, la PC repose sur des objectifs.

4.2-Les objectifs d'une politique culturelle

Lors de la conférence de Stockholm de 1998 sur les PC organisée sous l'égide de la Commission Mondiale pour la Culture et le Développement, l'UNESCO, à travers cette conférence, avait pour souci majeur de montrer aux Etats participants la corrélation consubstantielle existante entre les PC et les politiques de développement. Concernant le rapport final de ce symposium, l'UNESCO retient cinq objectifs qui doivent structurés toute PC. Comme objectifs, nous avons :

> faire de la PC une des composantes essentielles de la stratégie de développement ; > promouvoir la créativité et la participation à la vie culturelle ;

> renforcer les politiques et les pratiques visant à promouvoir les ICs, mais aussi à protéger et à valoriser le patrimoine matériel et immatériel ;

> promouvoir la diversité culturelle et linguistique par et pour la société de l'information ; > soutenir le développement culturel en fournissant davantage de ressources humaines et Matérielles nécessaires.157

En France par exemple, l'objectif de la politique culturelle de ce pays prescrit d'après Pierre MOULINIER que : « pas de création et de protection du patrimoine sans diffusion de leurs productions ; pas de patrimoine sans création ».158 Il s'agit plus subtilement d'après l'auteur de promouvoir et de valoriser par le biais de la PC française, des identités culturelles françaises afin de favoriser sa transmission aux générations futures dans l'optique d'assurer sa pérennité à travers l'enrichissement et la valorisation du patrimoine, l'aide à la création culturelle etc.

Après l'énumération des différents objectifs que vise une PC, il importe maintenant pour nous d'énumérer les différents modèles de PC.

157UNESCO, Rapport final sur la conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles pour le développement, Stockholm, Unesco, 1998, p.15.

158 Pierre MOULINIER, Op. Cit, p.17.

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4.3-Les modèles de politique culturelle

Lorsqu'on parle le plus souvent de PC, trois modèles sont généralement mises en exergue à savoir le modèle français et le modèle anglo-saxon avec des spécificités différentes d'après François COLBERT.

? Le premier modèle est appelé le modèle français ou le modèle de l'Etat architecte qui est centré sur l'extrême interventionnisme de l'Etat à travers l'allocation des budgets ce qui confère à l'Etat le rôle central dans la gestion, la protection et la préservation du patrimoine culturel.

? Le modèle britannique ou anglo-saxon ou le modèle de l'Etat mécène, avec la création en 1940 du Council for the Encouragement of Music and Arts, a pour mission première de financer le travail des artistes afin qu'ils divertissent les masses populaires. Parallèlement au modèle français, le modèle anglo-saxon a mis un accent sur la démocratisation culturelle au point où le secteur privé constitue le principal financeur du secteur culturel par l'entremise d'un système appelé Arts Challenge Grants (subvention des projets artistiques).

? Le dernier modèle est le modèle américain ou le modèle de l'Etat facilitateur qui met un accent sur l'encouragement des productions artistiques. D'après ce modèle, l'Etat joue le rôle de facilitateur afin de permettre aux acteurs du secteur privé d'investir dans le secteur culturel. Les investissements des pouvoirs publics dans le secteur des industries culturelles sont minimes car le financement du secteur culturel est davantage l'oeuvre du secteur privé. Voilà de manière succincte les différents modèles de politique culturelle. Les modèles de PC comme toute politique sont centrés sur des missions précises.

4.4-Les missions d'une politique culturelle

4.4.1-La politique culturelle comme stratégie d'assimilation des peuples

La réflexion matérialisée ici vise à montrer comment la PC a servi d'instrument d'assimilation des individus par certains Etats du monde à une certaine période de l'histoire. L'Etat français au XIXe a expérimenté une PC donc l'ambition s'articulait autour de l'assimilation des étrangers. Denys CUCHE observe pertinemment à ce sujet que : L'Etat-nation français, confronté dans le dernier tiers du XIXe siècle au développement rapide de l'immigration étrangère, adoptait une politique culturelle

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résolument assimilationniste de ces populations, conformément au modèle centraliste qui avait déjà produit ses effets sur les cultures régionales du pays.159

Dans la même dynamique, le sénégalais Papa Ibrahima SECK nous fait savoir que, la

stratégie culturelle de la France en Afrique lors de la colonisation, consistait à imposer son modèle d'école laïque pour mieux assimiler ces derniers car ce modèle rendrait la canalisation et l'assimilation des africains facile à la métropole. Il analyse cette politique d'assimilation sur deux aspects :

Le premier aspect est d'ordre spatio-économique : en fait, dès lors qu'un pays est conquis, il est réputé illico presto territoire colonial français [...] le second aspect de ce paradoxe est d'ordre politico-culturel : en fait, les indigènes du pays conquis ou occupé, devenu territoire français, ne sont d'emblée reconnus Français car le statut de citoyen français ainsi que la culture française sont considérés par le colonisateur comme une dignité qu'il faut mériter(...)160

4.4.2-La politique culturelle comme stratégie de consolidation de l'unité nationale

Certains Etats du monde sont le plus souvent confrontés aux problèmes de vivre ensemble ce qui a souvent pour corolaire les affrontements inter ethnique. Face à ce problème, certains pays se servent de leur culture pour pallier à ces préoccupations. C'est dans ce sens qu'à travers la culture, le feu président Ahmadou AHIDJO, avait fait de la culture le socle, le ciment de l'unité nationale. Lors de son discours d'ouverture à la première session du Conseil de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique et technique du Conseil national des affaires culturelles ténue à Yaoundé du 18 au 22 décembre 1974, il considérait que la culture est :

Un moyen essentiel de cimentation et de consolidation de l'unité nationale et comme instrument de développement et de progrès. Elle doit aussi vous conduire à souligner, en dernière analyse, son impact décisif dans l'affirmation de la personnalité nationale, car la culture est, pour ainsi dire, la carte d'identité d'une nation.161

A travers ce discours du premier président de la République du Cameroun, il apparait clairement qu'à travers la PC, l'unité nationale d'un Etat peut être consolidée voire cimentée.

159Denys CUCHE, Op. Cit, p.26.

160Papa Ibrahima SECK, La stratégie culturelle de la France en Afrique, Paris L'Harmattan, 1993, pp 51-52. 161J.C BAHOKEN et Engelbert ATANGANA, Politique culturelle de la ...Op. Cit, p.25.

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Dans sa conception de la PC de la république du Cameroun à venir, le président Paul BIYA pense que celle-ci doit s'articuler autour de trois volets à savoir : le volet moral qui consistera à former les camerounais autour des valeurs de paix et de cohésion sociale ; le volet académique de cette PC qui visera non plus à s'arrêter au diplôme pour exiger un emploi mais à se servir de ce diplôme pour créer les richesses ; le volet civique de la PC entend mettre un accent particulier sur l'instruction des camerounais sur leurs droits et sur leurs libertés ; le volet politique de cette PC visera à la formation du peuple camerounais à la maitrise et à la connaissance des idéologies qui divisent les hommes en particulier et le monde en général ; le volet esthétique de cette PC enfin, aura à coeur de vanter le patrimoine culturel camerounais dans un contexte de mondialisation. Tous ces volets constitueront la thèse de la politique culturelle qu'il développe dans son ouvrage. Concernant sa thèse en matière de la PC, il nous fait comprendre que :

La thèse centrale de la nouvelle politique culturelle qui est exposé ici se résume par le concept de spiritualisme culturel, qu'il faut distinguer de l'idéalisme culturel [...] Notre projet est donc de passer d'une culture inconsciemment vécue à une culture librement pensée. Ma conviction est qu'une politique culturelle, courageuse et conséquente, est le levier de cette culture politique fructueuse que j'entends promouvoir pour asseoir la démocratie camerounaise.162

4.4.3-La politique culturelle comme stratégie de valorisation de la culture

Au regard des problèmes rencontrés dans le domaine de la culture, la PC se présente comme un palliatif. Son adoption vise fondamentalement la protection, la valorisation et la promotion du patrimoine artistique et culturelle d'un pays. Comme nous le verrons plus loin, la PC est un élément fondamental dans la contribution du secteur culturel à l'émergence voire au développement d'un pays. L'absence voire la faiblesse de celle-ci est un élément fondamental dans l'explication des problèmes qui plombent l'éclosion de ce secteur. En effet, Malick NDIAYE, parlant des musées d'Afrique, observe pertinemment que:

La faiblesse des politiques culturelles aux plans national, régional et continental a eu des conséquences néfastes sur l'institution muséale et face à ce désengagement de l'Etat, des initiatives privées performantes ont vu le jour. Elles renforcent une

162 Paul BIYA, Pour le libéralisme ....Op. Cit, pp113-114.

certaine intégrité sociale et esthétique et jouent le rôle de catalyseur d?un espace investi par les activités artistiques et déserté par les politiques culturelles.163

De manière synthétique, ce chapitre nous a permis de voir que la PC découle d'une culture que les pouvoirs publics veulent promouvoir et valorisée. Cependant, cette notion de PC n'a été évoquée que de façon brève ci-dessus car elle sera davantage approfondie dans la deuxième partie de notre travail à travers son apport dans l'émergence des nations.

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163Malick NDIAYE « Les musées en Afrique, l'Afrique au musée : quelles nouvelles perspectives » in Africultures numéro 70, Réinventer les musées, Paris L'harmattan, mai-juin-juillet 2007, p.15.

DEUXIEME PARTIE : L'EMERGENCE PAR LA
CULTURE : L'URGENCE D'UN REAJUSTEMENT
DU PROJET D'EMERGENCE DU CAMEROUN

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Dans le cadre de cette partie de notre travail, il est question dès l'entame (chapitre troisième), de faire ressortir le lien consubstantiel qui existe entre la culture à travers la PC et l'émergence des nations sur le plan socio-économique. Il est également question pour nous dans le chapitre quatrième de passer en revue les différentes politiques publiques en matière de développement implémentées au Cameroun depuis l'avènement des indépendances afin de montrer qu'il existe des politiques publiques en matière de développement au Cameroun qui ont toute la spécificité que la culture n'est pas suffisamment prise en compte.

Il sera également question pour nous de montrer que malgré le peu d'intérêt encore accordé à la culture dans ces différents politiques publiques, il existe une culture donc les festivals patrimoniaux et le dynamisme des artistes musiciens en sont le baromètre. Enfin, il sera également question pour nous, au regard des données issues du terrain, de montrer l'impérieuse nécessité d'un réajustement du projet d'émergence du Cameroun afin d'intégrer la PC comme étant une niche pouvant conduire à l'émergence.

CHAPITRE 3 : POLITIQUE CULTURELLE ET EMERGENCE DES NATIONS

« (...) car si les fluctuations des cours du coltan et du diamant du Sud sont tributaires des émotions du Nord, la culture en tant que bien économique n?est jamais assujettie à la loi de la dévaluation ».164

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164Léon TSAMBA BULU, « Épure d'un développement de l'industrie du disque congolaise par le mécénat privé » in Revue africaine des médias, volume 13, numéro 2, 2005, pp. 36-67

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Le travail qui est le nôtre dans le cadre de ce chapitre consiste à présenter l'apport de la culture à l'émergence des nations. Un accent particulier est mis sur les ICs comme étant l'un des piliers importants de l'émergence dans un contexte marqué non seulement par la baisse considérable des prix des matières premières, mais également par la baisse drastique du baril de pétrole etc. L'utilisation du concept émergence dans ce chapitre s'inscrira dans la même dynamique que le concept développement dans la mesure où, le développement est la téléologie de tout processus d'émergence. Autrement dit, le développement est la finalité de tout processus d'émergence.

L'émergence, comme nous l'avons précédemment vu dans la théorie de développement de Rostow WALT WHITMAN, renvoie à la notion de décollage dans les cinq étapes (notamment la société traditionnelle, l'émergence des pré-conditions du décollage, le décollage, la marche vers la maturité et l'ère de la consommation de masse) par lesquelles passe tous les pays pour atteindre le développement. L'interface entre la PC et l'émergence des sociétés dans ce chapitre nous permettra de comprendre comment à travers un ensemble de mesures et de stratégies adoptées par les pouvoirs publics, la culture a été un pilier important de l'émergence de ces pays.

D'après la conférence intergouvernementale sur la PC pour le développement tenue à Stockholm du 30 mars au 02 avril 1998, la culture était perçue par tous les participants comme l'élément central du développement. C'est dans ce sens que l'objectif premier de cette conférence visait à « faire de la politique culturelle l'un des éléments clés de la stratégie de développement ».165La contribution de la culture à l'émergence tant économique que sociale de certains pays est importante comme nous le verrons plus bas.

La culture, de par sa contribution au PIB et les emplois qu'elle génère, est devenue un élément important dans le processus de développement des nations. En d'autre termes, Henri TEDONGMO TEKO nous renseigne à suffire « que ce soit au niveau du Produit intérieur brut (FIB) ou au niveau de l'emploi, la contribution des secteurs culturels reste assez importante dans plusieurs pays ».166L'ancien président sénégalais Léopold SEDAR SENGHOR à l'aurore des années 70 lors d'un colloque sur la culture et le développement à Dakar, nous faisait déjà observés que la culture, c'est-à dire l'homme, était au commencement et à la fin du développement c'est-à dire, la culture était non seulement un tremplin idéal et incontournable

165 La conférence de Stockholm 30 March-2 April 1998. Plan d'action sur les politiques culturelles pour le développement.

166Henri TEDONGMO TEKO, Réussir l'entrepreneuriat culturel... p.29.

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du développement, mais davantage le moule de tout processus qui concoure à l'amélioration des conditions de vie des individus.

Dans cette perspective, la culture n'est plus seulement perçue comme un élément qui se transmet de génération en génération, mais davantage comme un élément qui peut être porté sur le marché afin de rentabiliser l'économie d'un pays, c'est-à dire un capital. Elle est un élément instigateur de l'émergence d'une société au regard de son apport sur le plan économico-social. Elle concoure à la croissance d'un Etat comme les autres secteurs qui concourent à la croissance. La contribution de la culture à l'émergence économique des nations s'adosse sur ce que les allemands Theodor ADORNO et son congénère Max HOKHEIMER, appellent les ICs.

1- La notion d'industries culturelles

Concept forgé au lendemain de la deuxième conflagration mondiale, kultureindustrie en allemand qui est issue de l'association de deux concepts à savoir culture et industrie, la notion des ICs a été employée pour la première fois par Max HOKHEIMER et Theodor ADORNO dans la préface de leur ouvrage intitulé la dialectique de la raison. Ces derniers sont davantage connus dans le champ sociologique comme faisant partie des fondateurs de l'école de Francfort qui est à l'origine de la vision critique de la sociologie. D'après ces derniers, l'utilisation du concept d'ICs avait au départ une connotation péjorative car elle était utilisée pour dénoncer l'emprise de la culture par le capitalisme à cette époque-là. Concept englobant, le concept des ICs nécessite une clarification conceptuelle afin de mieux cerner son sens et sa puissance.

La notion d'ICs est diversement définie en science en général. D'après le guide pour le développement des ICs et créatives, les ICs renvoient à :

l'ensemble en constante évolution des activités de production et d'échanges

culturels soumises aux règles de la marchandisation, où les techniques de production industrielle sont plus ou moins développées, mais où le travail s'organise de plus en plus sur la production et la commercialisation des biens et des services dont le mode capitaliste d'une double séparation entre le producteur et son produit, entre les taches de création et d'exécution.167

Dans un rapport d'étude établi pour le compte de l'agence intergouvernementale de la

Francophonie et du Haut conseil de la Francophonie, Francisco d'ALMEIDA et Marie LISE ALLEMAN, reprenant MIEGE, conçoivent les ICs comme étant caractérisées principalement par la reproductibilité de l'oeuvre originale produite, traitée et transmise au moyen de

167Unesco, Politiques pour la créativité : guide pour le développement des industries culturelles, Paris, Unesco, 2012, p.15.

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technologies, par la part importante de la création et par le non salariat des créateurs. Les ICs sont des industries qui d'après Fabrice TTHURIOT, touchent à la fois la création, la production, la promotion voire la commercialisation de contenus créatifs de nature culturelle et immatérielle généralement protégées par les droits d'auteurs.

Les ICs se définissent également par rapport aux industries créatives qui renvoie aux activités ayant trait à la création et qui relève davantage des droits d'auteurs voire de la propriété littéraire et artistique. Ce sont des secteurs généralement protégés par les droits d'auteurs et des droits voisins donc les ayants droits voire les titulaires de droit bénéficient des retombées de ces droits.

La culture sous le prisme des ICs, est axée sur une perspective davantage économique donc les piliers sont la production, la réduction du chômage à travers la création d'emploi, les revenus qu'engendrent ces derniers ainsi que la croissance. L'apport de la culture au développement de certains pays est important au regard des externalités des ICs à travers le processus d'industrialisation de la culture comme nous le verrons plus tard.

Depuis la fin de la deuxième conflagration mondiale, l'on observe le phénomène d'industrialisation de la culture. Cette industrialisation a occasionnée l'apparition de certaines notions qui vont alimenter les conversations sociales et les productions scientifiques comme les notions des industries créatives, d'ICs etc. C'est dans ce sens que Philippe CHANTEPIE et Alain LE DIBERDER déclarent que : « les industries culturelles connaissent au début du XXIe siècle une mutation sans précédent de leur environnement ».168 L'émergence de cette série de notion va amener Meriem MEHADJI à observer que : « les industries créatives, les industries culturelles ou encore les industries du copyright sont devenues des expressions courantes dans le jargon économique désignant d'une manière différenciée une industrialisation basée sur la créativité et l'innovation ».169

Dans un contexte marqué par la raréfaction des matières premières qui constituaient naguère les éléments fondamentaux pour le développement des Etats, les ICs constituent aujourd'hui les leviers importants dans la croissance des nations. Angélique GACIYUBWENGE observe à ce sujet que : « les industries culturelles en Afrique constituent une piste à explorer en tant que vecteur de développement, aussi bien économique que

168 Philippe CHANTEPIE et Alain LE DIBERDER, Révolution numérique et industries culturelles, Paris La Découverte, 2005, p.108.

169Meriem MEHADJI, « Les politiques culturelles et le processus de développement dans le monde Arabe : analyse d'une série d'indicateurs », Thèse de doctorat de sciences politiques, Université Paris, Descartes, octobre 2014.

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social ».170La contribution des ICs au PIB de certains pays dans le monde est importante car les répercussions économiques de ses dernières sont considérables comme nous le verrons plus tard.

Dans la littérature anglo-saxonne, la notion d'ICs est substituée à la notion d'industrie créative qui a vu le jour au Royaume-Uni dans les années 1990. C'est dans cette dynamique que naitra le concept d'économie créative en 2001 dans l'ouvrage de John HOWKINS intitulé The Creative economy : how prople make money from ideas. Ainsi, les notions d'industries créatives et d'ICs dans cette étude vont s'inscrire dans une même dynamique.

Dans le cadre de cette section de notre recherche, faut-il le rappeler, l'objectif est celui de montrer l'apport de la culture via la PC à l'émergence des sociétés sur le plan économique et social. Nous nous basons sur un certain nombre de rapport d'étude réalisée sous la houlette de l'Organisation Internationale de la Francophonie, de l'Unesco, ainsi que les données issues des entretiens avec notre unité d'observation etc. Toutefois, le secteur des ICs englobe plusieurs filières qu'il nous parait important d'énumérer.

2-Les filières des industries culturelles

La notion d'ICs englobe plusieurs filières de la culture notamment la littérature, la musique, l'audiovisuel, l'industrie de l'édition imprimée, la presse, le patrimoine, le multimédia, les médias, les arts du spectacle, la production cinématographique et depuis un certain temps les jeux vidéo. Philippe CHANTEPIE et Alain LE DIBERDER nous renseigne à ce sujet que ces filières font partie de la mutation technologique qui se « caractérise d?abord par de nouveaux rapports entre les industries de contenus, industries culturelles et médias, et les industries techniques ».171 Les ICs font parties des filières des industries créatives c'est-à-dire les nouvelles filières pouvant conduire à la croissance, pouvant accélérer la croissance. Pour parler des industries culturelles, cela nécessite préalablement l'existence d'une orientation claire que les pouvoirs publics donnent à la culture. Cette orientation est plus connue sous le vocable de PC. Il existe à cet effet par un lien consubstantiel entre la PC et les ICs.

170Angélique GACIYUBWENGE, « L'apport des industries culturelles africaines dans le développement et l'intégration régionale en Afrique centrale » in Culture, intégration et développement, Organisation internationale de la Francophonie, mars 2014, p.31.

171 Philippe CHANTEPIE et Alain LE DIBERDER, Op.cit., p.3.

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3- La politique culturelle: facteur conséquentiel des industries culturelles

L'interface établie entre la PC et les ICs n'est pas un lien fortuit. Cette interface est davantage une interface de dépendance dans la mesure où, les ICs sont l'émanation de la PC dans un pays donné. Elles constituent un élément important pour l'éclosion des ICs dans un pays donné. Elle établit le cadre institutionnel favorisant l'éclosion, l'implantation et le développement des ICs. Il existe donc une certaine indissociabilité entre la PC et les ICs au point où, il ne serait pas excessif de dire que la PC constitue une propédeutique pour l'éclosion des ICs. Cette dernière organise les ICs comme nous le verrons dans les lignes qui suivent.

En Egypte par exemple, la PC en matière de cinéma est extrêmement protectionniste. D'après son code de l'industrie cinématographique, le nombre de films étrangers destinés à la diffusion dans les salles de cinéma est contrôlé et les acteurs regroupés en corporation exigent aux producteurs locaux ou expatriés le recrutement exclusif des acteurs nationaux. En Tunisie également, l'industrie cinématographique est régie depuis 1960 par une législation à laquelle tous les acteurs sont assujettis. Le gouvernement tunisien a mis en place à travers le code de l'industrie cinématographique un fond destiné au soutien de l'industrie cinématographique par les pouvoirs publics via les subventions octroyées aux cinéastes par l'Etat.172

La PC constitue donc de ce point de vue une stratégie mise sur pied par les gouvernements pour valoriser son potentiel culturel et artistique afin d'assurer un mieux-être social à leurs populations. C'est elle qui favorise un meilleur enracinement et une meilleure structuration des ICs. Sans une PC clairement pensée, point d'ICs. Elle dynamise à cet effet les ICs car elles sont corrélées à la PC afin d'exploités les retombées issues des industries qui doivent également s'inscrire dans une dynamique d'émergence des pays où ses industries sont implantées.

Dans un rapport d'étude sur les ICs des pays du sud, Francisco D'ALMEIDA et Marie LISE ALLEMAN nous font comprendre que la PC constitue une condition sine qua non de développement des industries culturelles dans la mesure où, les pays qui bénéficient des retombées économiques des ICs par exemple, sont les pays qui ont mis en oeuvre des politiques publiques pour soutenir et promouvoir le développement de leurs ICs. La PC d'après ces derniers, constituent des politiques publiques de soutien des entreprises par les pouvoirs publics afin de favoriser l'éclosion de ces industries.

A travers la PC sud-africaine par exemple, le gouvernement a mis sur pied depuis 1997 la CIGS (Cultural Industries Growth Strategy) qui est une politique globale devant permettre la

172République Tunisienne, code de l?industrie cinématographique, Imprimerie Officielle de la République Tunisienne, 2010

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croissance des ICs. C'est dans ce sens qu'ils diront que : « le cas de la croissance des industries sud-africaines de la musique et du film montre que leur développement et leur impact économique dépendent directement des politiques publiques de soutien ».173 Nous avons conçu la PC dès l'entame de notre travail comme étant l'ensemble des orientations prises ainsi que les stratégies adoptées par les pouvoirs publics d'un pays voire d'un Etat en vue de soutenir, protéger voire promouvoir la culture de cet Etat. La PC se fonde sur les stratégies concourant à la création, la production, la distribution qui passe par la commercialisation des produits culturels c'est-à dire des produits issus de la culture.

A la question de savoir quel peut être l'apport de la culture à l'émergence de l'Afrique aujourd'hui, voici ce que l'artiste musicien sénégalais Youssou N'DOUR confie à Christian MALARD et Florence KLEIN-BOURDON lors d'une interview :

Elle peut tout apporter. Je considère qu'à part quelques pays qui ont du pétrole et du diamant, pour le reste, le pétrole c'est la culture. Si on la valorise, cela peut apporter énormément de devises, de respect et de rayonnement. Le problème aujourd'hui, c'est sa valorisation. On a une culture assez riche, diverse, énorme et inexploitée : si elle est valorisée, elle peut apporter énormément à l'Afrique, économiquement.174

Dans un contexte économique morose marqué par la baisse drastique du prix de pétrole,

des matières premières qui se raréfient, des matières premières, la culture constitue de ce point de vue une ressource importante que les pays comme le Nigéria ont su mobilisés pour booster leur croissance afin d'accélérer leur croissance. La valorisation de la culture afin qu'elle contribue au développement passe par l'élaboration d'une PC clairement pensée afin de favoriser l'éclosion des ICs.

D'après Elvys Camille LEKOUEDE, pour que les ICs des Etats de la CEEAC contribuent au PIB de ces pays, les Etats membres de cette organisation doivent mettre plusieurs mesures en oeuvre. Parmi ces mesures, nous dit-il, « il y a la création d'un marché culturel national et régional mais aussi la création d'écoles ou d'instituts de formation dans les métiers de la culture ». 175Les centres et les écoles à caractère culturel qui sont l'émanation de

173 Francisco D'ALMEIDA et Marie LISE ALLEMAN, les industries culturelles des pays du sud : enjeux du projet de convention internationale sur la diversité culturelle, Organisation internationale de la francophonie, aout 2004, p.13.

174Christian MALARD et Florence KLEIN-BOURDON, L'émergence de l'Afrique : regards croisés de Paul BIYA, Abdoulaye BIO TCHANE, Youssou N'DOUR, Paris, édition Le cherche midi, 2010, p.140.

175Elvys Camille LEKOUEDE, « Les politiques culturelles et les stratégies nationales de réduction de la pauvreté » in Culture, intégration et développement, Organisation internationale de la Francophonie, mars 2014, p.66.

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la PC vont contribués d'après l'auteur à la valorisation, la protection et à la diffusion des produits culturels de cet Etat. La PC contribue ainsi à la promotion des métiers d'artistes, de guide touristique etc. d'une part, mais également à la vulgarisation des métiers culturels qui sont nécessaire à l'industrialisation du secteur culturel dans un pays d'autre part. Dès lors qu'un Etat a adopté une PC clairement pensée, efficace et efficiente, cette dernière devient de fait un levier important pour l'émergence tant sur le plan économique que social de cet Etat comme nous le verrons dans la section suivante.

4-Politique culturelle et émergence des nations

Depuis une quinzaine d'année, l'Unesco s'attache à démontrer le rôle de la culture via la PC en tant qu'un vecteur de développement économique et social des sociétés à ces Etats membres. Cette organisation a mis sur pied des initiatives afin d'intégrer la culture dans l'agenda international du développement notamment en 2010 lors du sommet mondial sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement. L'Unesco démontre de manière irréfutable l'apport de la culture au développement économique et social et humain des sociétés. Cette institution vise à montrer à ces Etats membres le bien-fondé de la contribution de la culture afin de favoriser l'élaboration des politiques publiques en matière de la culture dans le souci d'oeuvrer pour le développement de filières d'ICs et créatives. C'est ainsi que, comme le souligne fort pertinemment Suzanne ALMEIDA-KLEIN, le développement qui est la finalité de tout processus d'émergence, « s?attache au progrès économique, social et humain »176des individus.

4.1-Sur le plan économique

Toutes les initiatives prisent par les pouvoirs publics ont pour finalité l'amélioration substantielle des conditions de vie de leurs compatriotes. Dès lors, pour atteindre cette finalité, plusieurs initiatives ainsi que plusieurs secteurs sont mis à contribution. C'est dans ce sens que les pays comme le Nigéria, la France, les Etats unies ; grâce aux politiques publiques clairement pensées en matière de leur culture, se sont appuyés sur leurs cultures pour accroitre leurs PI3.

Dans ces pays, la contribution de la culture au PI3 est considérable. Elle contribue à la croissance économique et à la production des richesses. Parlant de l'apport de la culture à

176Suzanne ALMEIDA-KLEIN, La dimension culturelle du développement. Vers une approche pratique, Paris, Unesco, 1994, p.126.

l'économie de certains pays de l'Afrique de l'ouest, le journal intégration de Thierry NDONG,

dans un article publié sur son site internet nous faisait comprendre que :

Les expériences d'autres pays en Afrique subsaharienne montrent que la culture peut faire beaucoup mieux en termes de contribution à la création des richesses. Un an avant, la valeur ajoutée dégagée par les filières culturelles au Burkina Faso par exemple, était estimée à environ 80 milliards FCFA soit 2,02% du PIB avec plus de 160 mille emplois directs (soit 1,78% des actifs occupés) selon les autorités du pays. En 2013, année où le Nigéria est devenu la première puissance économique d'Afrique, l'industrie du divertissement («Nollywood» notamment) pesait de 8,7 % du PIB selon un communiqué officiel de l'administration fédérale.177

Dans l'optique de montrer le lien existant entre la culture et le développement des

nations, Maurice Sévérin EDOA BIKOULA dans une étude portant sur la culture et l'intégration comme moteurs du développement, nous fait observé que la culture a des répercussions économiques sur le développement d'un pays. Ces répercussions, d'après l'auteur, peuvent être analysées sur deux pôles à savoir sa participation à l'augmentation du taux de croissance du PIB et de la valeur ajoutée brute et à la création d'emploi. Se faisant plus clair, il soutient que :

La participation de la culture à l'augmentation du taux de croissance du produit intérieur brut et de la valeur ajoutée brute et même à la création d'emplois se fait de manière indirecte en ce sens que la culture agit par effet d'entrainement en se répercutant sur des secteurs non culturels. Ceci se réalise par le tourisme, par exemple.178

Les ICs sont pourvoyeuses d'emploi dans la mesure où, nous dit l'auteur, elles

engendrent les emplois liés aux travaux de réhabilitation voire d'entretien du patrimoine culturel et touristique d'un pays. Dans le Rapport sur l'économie créative de 2013, il ressort que la culture et la créativité sont reconnues pour la valeur économique générée par les industries culturelles et créatives en termes de création d'emplois, ainsi que pour la manière dont elles stimulent l'émergence de nouvelles idées ou technologies créatives. Henri TEDONGMO TEKO, dans une analyse sur l'apport du secteur culturel à la croissance économique des Etats, fait le constat suivant lequel la culture est un immense réservoir dont

177www.journalintegration.com /index.php/panorama/item/394.culture-le-combat-fratricide -de-mouelle-kombi consulté le 25février 2016 à 21h45

178 Maurice Sévérin EDOA BIKOULA, « Culture et intégration comme moteur de développement » in Culture, intégration et développement, Paris, Organisation internationale de la Francophonie, 2014, p.18.

l'exploitation contribue efficacement à la croissance économique. En citant Chirita et al, il nous fait comprendre que : « ces dernières années, il est devenu de plus en plus évident que le secteur des arts et de la culture a joué un rôle économique et social important. Il a contribué de manière substantielle au PIB, à la croissance et à l'emploi ».179

Dans les pays regorgeant d'énormes ICs comme le Liban, les Etats Unies, le Nigéria etc. les métiers générés par le secteur culturel sont énormes. Les métiers culturels renvoient à cet effet aux métiers générés par les ICs comme les métiers de guide touristique, de gestionnaire de patrimoine d'un musée etc. En France par exemple, les ICs employaient en 2003, plus de 249800 salariés d'après le Rapport sur l'économie créative de 2003. Dans le guide pour l'évaluation de la contribution économique des industries du droit d'auteur, il ressort clairement que l'apport économique des industries de droit d'auteur et à l'économie est important. Il est d'autant plus important dans la mesure où, d'après ce guide,

Dans l'économie mondiale, la protection du droit d'auteur est à l'origine d'industries à part entière, telles que l'industrie musicale, l'édition, le cinéma, la radiodiffusion et les logiciels, et influe également le nombre d'activités commerciales. Le droit auteur est un moteur de croissance économique, qui crée des emplois et stimule les échanges.180

Dans le même sillage, Meriem MEHADJI nous fait comprendre que les ICs libanaises

sont les plus économiquement actives dans le monde arabe car leurs contributions au PIB est importantes d'une part, et d'autre part, elles sont des gisements d'emploi dans la mesure où elles emploient un nombre important d'individus. Dans les pays arabes, poursuit-elle, les ICs occupent une place importante dans les programmes et les politiques de développement qui ont des visés économiques afin de contribuer au bien-être de la population. Leurs financements sont l'oeuvre du secteur privé encouragé par les pouvoirs publics qui dynamisent le secteur privé à travers l'exonération de la taxe d'importation sur les équipements nécessaire aux tournages, ainsi que la taxe sur les valeurs ajoutées sur les productions cinématographiques tunisiennes en occurrence.

Ainsi, les ICs en Tunisie sont incluent dans le programme national donc le souci majeur consiste à encourager le secteur privé à investir dans le secteur de l'industrialisation de la culture à travers le financement des productions cinématographiques, la musique, la danse, les centres culturels, les foires culturelles etc.

179Henri TEDONGMO TEKO, Réussir l'entrepreneuriat...Op. Cit, pp.29-30.

180Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, Guide pour l'évaluation de la contribution économique des industries culturelles du droit d'auteur, Genève, OMPI, 2003, p.2.

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Lors d'un entretien avec Archil TCHINDA par ailleurs chef service de la cinématographie et de l'audiovisuel à la direction de la cinématographie et des productions audiovisuelles au MINAC, parlant de l'apport de la culture à l'émergence des nations, il nous faisait comprendre que :

La culture, à travers les industries culturelles d'un pays contribuent à

l'amélioration de la compétitivité de ce pays en matière de commerce extérieur. Les industries culturelles revitalisent l'image de marque des lieux créatifs et favorise l'afflux des touristes et même des investissements étrangers dans un contexte où la compétitivité est incontestablement liée à l'attractivité que les productions musicales ou cinématographiques en occurrence véhiculent.181 Maurice Séverin EDOA BIKOULA observe dans le même sillage que les ICs occupent

une place importante dans le commerce extérieur d'un pays. Le secteur culturel dans les pays comme le Nigéria, la France, les Etats Unies etc. constitue un gisement d'emploi car il emploi non seulement une quantité considérable d'individu, mais contribue également au PIB de ces Etats. C'est un secteur organisé qui fait partie des priorités des politiques de développement. C'est grâce à l'ICs notamment l'industrie cinématographique que le Nigéria a pu se hisser sur l'échiquier africain en 2013, comme première puissance économique du continent devant l'Afrique du Sud.

Le Nigéria en Afrique subsaharienne, se présente incontestablement comme étant une force culturelle. Son industrie de la musique, du cinéma, de la mode etc. les démontrent à suffisance. Le gouvernement nigérian, conscient de l'épuisement des ressources pétrolifères qui constituaient naguère le pilier fondamental de son économie, s'est lancé depuis un certain temps à l'assaut des industries créatives que représente le secteur culturel.

Les industries créatives qui ont vues le jour en Australie en 1994 avec l'adoption de la Nation créative qui est une combinaison entre l'art et la culture ainsi que les nouvelles technologies de l'information et de la communication, sont des industries basées sur l'innovation et la créativité. Ces dernières constituent un élément fondamental dans la diversification de l'économie nigériane dans la mesure où, elles constituent un levier important à sa croissance économique ses dernières années malgré les fluctuations des couts pétroliers. C'est fort opportunément par là qu'ALHAJI LAI Mohammed, par ailleurs ministre de l'information et de la culture dira lors la rencontre entre le gouvernement nigérian, l'Unesco, les acteurs de la société civile et les artistes tenue du 9 au 11 mai 2017 au Nigéria que :

181Entretien menée le 13/10/2017 à 11h03 à la direction de la cinématographie

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Vous pouvez imaginer la diversité de la culture et combien cette convention est importante (pour le Nigéria). Le pays a une grande économie et ses secteurs cinématographiques et de la mode en pleine expansion sont devenus d'importants exportateurs de biens et services créatifs. Le secteur représentait environ 1,3% du

PIB du pays. C'est pourquoi le gouvernement actuel s'est engagé à faire de

l'industrie créative une alternative au pétrole.182

En Afrique du Sud par exemple, la production audiovisuelle dans les années 1990 était estimée à 1,3 milliard de rands et constituait l'activité principale de plus de 550 sociétés d'après une étude sur les ICs des pays du sud réalisée par Francisco D'ALMEIDA et Marie LISE ALLEMAN sous l'égide de l'Organisation internationale de la Francophonie. Le secteur de l'art musical de ce pays à cette époque employait plus de 6 000 personnes en Jamaïque et plus de 12 000 personnes en Afrique du sud.

Au cours de notre entretien avec le secrétaire administratif et technique du CASSPC du MINAC Jean Jacob NYOBE par ailleurs expert de l'Unesco en matière d'élaboration de PC, il nous faisait observé que l'industrie cinématographique du Nigéria à elle seule, plus connue sous le nom de Nollywood, emploie quasiment le quart de la jeunesse de ce pays et a une production cinématographique de plus de 2000 films par an.183

Ainsi, depuis plus de deux décennies, l'industrie cinématographique nigérienne d'après Robert ORYA, PDG de l'entreprise d'État Nigeria Export, représente 5,2 % de la croissance du continent en 2014, alors que l'ensemble de l'industrie a généré cette année-là des revenus de 590 millions de dollars US. Les recettes de cette industrie en deux décennies, sont chiffrées à 7,2 milliards de dollars US, soit 1,4 % du PIB du Nigéria, d'après une étude de l'Oxford Business Group. Le Nigéria est la première économie d'Afrique et son industrie du cinéma occupe le second rang en tant qu'employeur au pays, suivant de près celui de l'agriculture et embauche 1 million de personnes au total, si l'on compte les branches de la distribution et de l'exploitation.184

Cette montée fulgurante de l'industrie cinématographique nigériane a été rendu possible par les mesures entreprises par les pouvoirs publics nigérians. En effet, depuis janvier 2015, le gouvernement nigérian a mis sur pied un projet dénommé projet ACT Nollywood donc l'ambition est de stimuler la création d'un Fond d'innovation et de distribution afin de mieux

182 http:/ fr.unesco.org/creativity/news/capacite-creative-au-nigeria-plein-essor-de-nollywood consulté le 9 aout 2017 à 13h37

183 Entretien mené le 27/09/2017 à 13h50 au MINAC

184 Ces informations ont été obtenues sur le site :www.apculturesplus.eu/?q=fr/content/nollywood-en-plein-essor-l%E2%80%99industrie-ci%C3A9matographique-du-ni%C3A9ria-donne-un-%C3%A9lan-in%C3%A9niable-0consulté le 09/08/2017 à 12h14

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favoriser la distribution des films et de lutter contre la piraterie qui tue par ailleurs les oeuvres de l'esprit.

Le gouvernement du Nigéria a également mis sur pied un organisme appelé Fonds pour la production cinématographique qui est chargé de la formation et du recyclage des acteurs de cinéma. Ce fond, faut-il le rappeler, est à mesure d'octroyer des subventions aux projets artistiques jugé économiquement rentable pouvant atteindre 50 000 dollars US. Nollywood est devenu ainsi l'avenir de l'économie nigériane avec un marché supérieur à 300 millions d'euro. Les films nigérians sont quasiment consommés dans tous les pays du continent.

Dans une étude réalisée par Philippe BOUQUILLION et Jean-Baptiste LE CORF portant sur les industries créatives et l?économie créative dans les rapports officiels européens en 2010, il ressort de cette étude qu'en Allemagne par exemple, les ICs et créatives regorgeaient en 2008 plus de 238 000 entreprises qui avaient réalisées un chiffre d'affaire de plus de 132 milliards d'euro et employaient plus de 763 000 personnes. En 2009 d'après la même étude, les ICs et créatives italiennes employaient plus de 2,5 millions de personnes. Ainsi, le poids économique des ICs dans les économies nationales des pays européens l'atteste le tableau suivant est important.

Tableau 3 : la contribution des ICs à l'économie de l'Allemagne, la Grande Bretagne, la Bulgarie et l'Italie en 2010

Pays

Contribution au PNB

Nombre d'emplois généré

Allemagne

2,6%

763 000

Bulgarie

2,8%

Non communiqué

Grande Bretagne

7,3%

3 000 000

Italie

9%

350 000 (0,4%)

Source: adapté à partir de Philippe BOUQUILLION et Jean-Baptiste LE CORF

En Espagne par exemple, le secteur culturel est l'un des moteurs importants de la croissance économique. Lors de notre entretien avec Madame Suzanne Pulchérie NNOMO ELA, elle nous faisait observé que ce pays avait très vite compris que l'art et la culture pouvait être le support du développement. L'économie culturelle dans ce pays nous dit-elle est une réalité. Chaque village en Espagne a son musée et les touristes qui y viennent contribuent considérablement à l'économie du pays. On retrouve dans ce pays plusieurs types de musée en occurrence le musée du café, le musée du chocolat etc. Le musée de la ville d'Alicante nous dit madame Suzanne Pulchérie NNOMO ELA contribue énormément à l'économie de cette ville et

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corolairement à l'économie de ce pays à travers les devises issues des sites touristiques qui sont éparpillés dans toute l'étendue de la ville.185

D'après une étude réalisée par le cabinet TERA consulting portant sur la contribution des industries créatives à l'économie de l'UE en termes de PIB et d'emploi, il ressort clairement qu'en 2011, les industries créatives représentaient une part importante du PIB (6,8%) et employait 6,5% de la population de l'Union Européenne. Dans une autre étude similaire réalisée en 2015 par le cabinet EY portant sur le poids de la culture sur l'économie mondiale, elle révèle que le secteur des ICs et créatives a généré des revenus supérieurs à celui des télécommunications au niveau mondial (2 250 milliards de dollars US contre 1 570 milliards de dollars pour le secteur des télécommunications). Ce secteur en 2015, employait plus de 29,5 millions de personnes.

Au regard de tout ce qui précède, il ressort qu'à travers la PC, la culture par le truchement des ICs, contribue considérablement à la croissance économique de même qu'elle constitue un gisement d'emploi pour les individus. Nous avons vu également que la PC constitue une condition sine qua non pour l'éclosion des ICs donc la contribution au PIB et la création d'emplois en sont l'élément conséquentiel. Bien que contribuant considérablement à l'émergence économique de certains pays tel que nous l'avons vu précédemment, il n'en demeure pas moins que la culture contribue également à l'émergence des nations sur le plan social.

4.2-Sur le plan social

L'apport de la culture à l'émergence sociale via la PC est également énorme. Cet apport permet de voir qu'au-delà de la croissance économique issue des dividendes des ICs, il y'a l'épanouissement des individus vivant dans un environnement social donné.

Dans un rapport sur l'impact social et économique de la culture au développement et en s'appuyant sur le cas du festival de Fès des musiques sacrées du monde, Naima LABHIL nous fait observer que les activités, biens et services culturels, ont une double nature, économique et culturelle, parce qu'ils sont porteurs d'identités, de valeurs et de sens. Elles ne doivent donc pas être traitées comme ayant exclusivement une valeur commerciale. L'objectif est alors d'après cette dernière, de créer les conditions permettant aux cultures de s'épanouir et d'interagir librement de manière à s'enrichir mutuellement.

185 Entretien mené le 06/06/2017 à 12h15 à la délégation régionale du MINAC du Centre.

Dans un autre sens, l'ingénieur statistique sénégalais Moubarack LO argue que le concept d'émergence ne peut être uniquement appréhendé sous l'angle économique. Les citoyens d'un pays qui émerge pense-t-il doivent sentir dans leur vie quotidienne que leur bien-être s'améliore et que des opportunités nouvelles en matière de santé, d'éducation et de revenus sont créés raison pour laquelle ce dernier soutient fermement que l'émergence doit également être sociale.

Dans cette perspective, la culture est un élément unificateur des communautés humaines vivant dans un environnement social donné. Elle rassemble les peuples dans la mesure où, la culture n'a pas de langue pour être comprise, pour s'exprimer. L'artiste musicien camerounais Thierry Lamy, parlant de l'apport de la culture à l'émergence sociale des sociétés soutient que cette dernière transgresse les identités sociales dans la mesure où : « nous, dans le domaine de la musique, il n'y a pas un do qui appartient aux anglophones et un autre do aux francophones. Tous les artistes ont une même compréhension du do ».186Il poursuit en nous faisant remarquer que le mythique groupe de bikutsi camerounais les têtes brulées dans les années 1990, lors de ces concerts à l'hexagone faisait danser les citoyens européens alors que ces derniers n'avaient même pas une idée des messages qui étaient véhiculés dans ces chansons. La culture sous cet angle rassemble les peuples. C'est un élément puissant de l'intégration sociale.

La culture sous le plan social renforce également la cohésion sociale, transcende les clivages qui ont cours entre les individus vivant en interaction. Les grands festivals culturels notamment le festival de Canne de France, les Oscars aux USA etc. sont souvent des lieux de rencontre et d'expression de la multiculturalité, d'interculturalité entre les peuples. Lieux de multiculturalité et d'interculturalité car ce sont des festivals au cours desquels plusieurs cultures se rencontrent, un lieu de dialogue par excellence des cultures mises en compétition. A cet effet, la culture est un puissant levier de paix entre les anciens adversaires dans la mesure où :

Après des périodes de fortes tensions internationales, la culture semble un premier terrain de rapprochement entre les Etats qui restent, malgré tout, fortement antagonistes. La lente sortie de la guerre froide entre l'URSS, voire la Chine, et divers pays occidentaux depuis la mort de Staline en 1953 jusqu'à la fin des années 1950 s'opère d'abord à travers la reprise des échanges culturels.187

Madame Suzanne Pulchérie NNOMO ELA nous faisait remarquer lors d'un entretien

avec elle qu'en Espagne par exemple, le musée de la ville d'Alicante a mis sur pied un

186Entretien mené le 26/07/2017 à 13h05 à l'esplanade de la primature

187 François CHAUBET et Laurent MARTIN, Histoire des relations culturelles dans le monde contemporain, Paris Armand Colin, 2011, pp. 99-100.

programme de réinsertion des jeunes délinquants. Après avoir commis un délit, le jeune délinquant n'est pas envoyé dans un centre de détention comme cela se passe dans d'autres pays. Mais, il est plutôt envoyé dans un musée où il sortira nanti d'une qualification professionnelle comme celle de guide touristique, opérateur culturel etc. ce qui favorise sa réinsertion sociale. Ce pays, nous dit-elle a compris très tôt que l'art et la culture étaient des piliers important du développement et qu'il était important de développer ce secteur.188

Dans une étude réalisée par François MATARASSO et Charles LANDRY, ces derniers nous font comprendre que l'enjeu de développement social via le secteur culturel sous l'impulsion de la PC est considérable. La PC d'après ces auteurs, encourage l'expression des identités culturelles différentes. Elle protège les identités culturelles minoritaires dans les pays comme la Grande Bretagne, la France etc. La culture sur le plan social peut être une source de conflit d'une part et d'autre part une source de tolérance et de compréhension entre les individus. Ils soutiennent à ce sujet que :

Si la culture peut être à l'origine de conflits, elle peut également favoriser la compréhension, la tolérance et le dialogue et contribuer à la cohésion de la société civile. L'organisation de l'activité culturelle locale et la célébration de la tradition et de l'identité sont des instruments puissants de renforcement de la cohésion sociale.189

Dans un entretien avec M. ATEBA artiste bassiste, et par ailleurs sous-directeur du

spectacle et du développement des infrastructures et équipement technique du MINAC, il nous faisait observé que dans les pays où la culture est valorisée, elle confère aux artistes un statut, une valeur qui, corolairement concoure à un renversement de l'échelle de valeur. D'après lui, l'artiste aux Etats unies par exemple a un statut, une valeur, une identité. C'est un Homme respecté, fortuné qui vit aisément, qui vit de son art. Il est un modèle dans la société. Il n'est pas comme l'artiste au Cameroun qui croupit dans la misère. Les artistes musiciens américains en occurrence sont le plus souvent classés parmi les plus riches du pays parallèlement au Cameroun où, visiblement, les plus riches sont les hauts commis de l'Etat.190

Les artistes musiciens américains comme JAY-Z, RIHANNA, RICK ROSS, BEYONCE etc. ont des fortunes évaluées à des millions de dollars. Or, les émissions à caractère social au Cameroun en occurrence l'émission regard social de la chaine de télévision Equinoxe sont souvent les lieux de prédilection pour les artistes musiciens indigents, malades etc. pour

188 Entretien mené le 06/06/2017 à 12h15 à la délégation régionale du MINAC du Centre.

189François MATARASSO et Charles LANDRY, Politique culturelle : vingt et un enjeux stratégiques, Bruxelles, Edition du conseil de l'Europe, 1999, p.39. 190 Entretien mené le 04/09/2017 à 12h07 au MINAC

solliciter la générosité des âmes de bonnes volontés afin de se soigner. Cette émission présentée par Eric KOUAMO, a déjà eu le passage entre autre de la défunte artiste musicienne LYZA T auteure du tube à succès associé, MENGALLA JOSS du mythique groupe de bikutsi les têtes brulées etc. La première qui était atteinte d'une tumeur et l'autre qui souffrait d'un déficit visuel doublé d'un problème de filouterie de loyer, ont sollicités cette émission pour solliciter à mondovision l'aide matérielle et financière des âmes de bonne volonté.

Les artistes camerounais à quelques exceptions près vivent dans l'indigence et dans la précarité. Les propos de Justin Blaise AKONO concernant les conditions de vie sociale des artistes musiciens camerounais sont d'une pertinence actuelle lorsqu'il soutient que : « des artistes continuent à mourir de maladies bénignes, à mendier pour survivre, obligés de troquer leurs chansons leur inspiration contre les dédicaces que les adeptes des clubs, discothèques et cabaret appellent affectueusement 'atalakou'' [...] ».191

Concernant les conditions de vie sociales des artistes camerounais, les propos de l'artiste musicien ZIGZARET INTERNATIONAL rencontré lors d'un mouvement de protestation des artistes musiciens aux services du premier ministre pour dénoncer la plateforme spéciale que voulait mettre sur pied le MINAC au détriment de la fusion de deux sociétés de gestion des droits d'auteurs et des droits voisins (SOCAM/CMC) de l'art musical, sont assez illustratifs :

La musique, c'est l'âme du pays. Vous allez voir que dans d'autre pays, même au

Cameroun nos populations apprécient la musique et les stars des autres pays parce que quoi, ils sont bien habillés, ils ont des beaux véhicules (...) Les seuls artistes qui sont des vas-nu pieds au monde, ce sont les artistes camerounais !192 Parlant de l'apport de la culture à l'émergence d'une société sur le plan social, M.

ATEBA observe que :

Sur le plan social vous allez remarquer qu'aux Etats unies, les plus riches ce ne sont pas les fonctionnaires c'est les sportifs, les artistes etc. C'est-à dire qu'au niveau social il y'a un renversement de l'échelle de valeur. Au niveau de la mentalité, lorsque vous sortez votre CD, les gens ne vont pas cherchés à copier çà de gauche à droite. Vous sortez votre CD, les gens vont chercher plutôt à aller acheter votre CD [...] sa fait qu'il y a un renversement de l'échelle de valeur au point où l'artiste est un homme aisé ce qui n'est pas le cas au Cameroun.193

191Justin Blaise AKONO, Cameroun : qui a étranglé le droit d'auteur ? Yaoundé, Edition Scène d'Ebène, 2014, p.9.

192 Entretien mené le 26/ 07/ 2017 à 13h30 à l'esplanade de la Primature

193 Entretien mené le 04/09/2017 à 12h07 au MINAC

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La culture sur le plan social contribue à l'amélioration des conditions de vie de la population à travers la réduction du taux de pauvreté qui est la résultante des emplois générés par les ICs. Les ICs dans les pays comme le Nigéria, l'Afrique du sud, la Jamaïque, la France constituent des gisements d'emplois dans la mesure où elles emploient un nombre considérable de la population ce qui contribue à la réduction du chômage et de la pauvreté.

Parlant de l'apport de la culture au développement d'un pays sur le plan social, Henri TEDONGMO TEKO, citant CHIRITA et al nous fait observer que : « la culture agit au niveau macro-économique en stimulant la croissance économique, mais aussi au niveau individuel en fournissant les moyens de construire sa propre personnalité et de mener une vie intellectuelle, émotionnelle et spirituelle plus épanouie. ».194Elle génère in fine des externalités importantes et positives pour l'ensemble de la population. La culture sur le plan social pense l'artiste musicien ZIGZARET INTERNATIONAL, contribue à l'épanouissement des individus. Elle adoucie les moeurs minute by minute au point où, soutient-il, « nos musiques adoucissent les moeurs de nos populations chaque seconde».195

Lors d'un entretien avec le Pr Christophe MBIDA MINDZIE par ailleurs directeur du patrimoine culturel au MINAC, il nous faisait observé avec une insistance particulière que sur le plan social, la culture a considérablement contribué au développement des pays comme la Chine où, le développement a été le corollaire de la révolution culturelle qui a été avant tout une révolution sociale. D'après lui, la culture est un élément essentiel du développement social d'une nation dans la mesure où, elle favorise l'épanouissement personnel, contribue à la réduction de la pauvreté, réduit les fractures sociales, les inégalités sociales ainsi que les tensions sociales. C'est fort opportunément qu'il dit, concernant l'apport de la culture sur le plan social, que :

Les gens qui ont du travail, il y a un épanouissement personnel. Les gens qui ne

sont pas au chômage se sentent valorisés socialement. Ils ne sont plus misérables,

ils peuvent envoyés leurs enfants à l'école [...] On ne bâtit pas un pays avec des

pauvres, des frustrés, des chômeurs et à partir du moment où il y a les emplois, il y'a moins de tension sociale. Les tensions sociales c'est que, à côté de ceux qui ont, il y'a ceux qui n'ont pas et le but de ce qui n'ont pas, c'est d'aller arracher ceux qui ont et c'est comme ça que les fractures sociales naissent.196

194Henri TEDONGMO TEKO, Op. Cit, p.33.

195 Entretien mené le 26/07/2017 à 13h40 à l'esplanade de la primature 196Entretien menée le 11/09/2017 au MINAC à 11h40

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Les répercussions non économiques de la culture sur le développement d'un pays sont perceptibles dans le domaine de la cohésion sociale, de l'intégration sociale et de la formation d'un nouveau système de valeurs, dans le développement de la diversité culturelle, de l'identité nationale et de l'identité des différents groupes culturels, dans le domaine de la créativité et de l'incitation à la création et à l'innovation. C'est dans ce sens que nous observons à la suite de Maurice Sévérin EDOA BIKOULA qu' « en effet, dans une société marquée par ses fractures, ses ruptures, ses divisions, la cohésion sociale apparait essentielle. La fonction primordiale de la culture est donc d?unir une pluralité de personnes ».197

Au regard de ce qui précède, il ressort que le développement ne se réduit pas seulement à la seule croissance économique. Il est davantage social avec comme indicateur l'épanouissement des individus, la réduction des inégalités sociales, des fractures sociales, la cohésion sociale, le renversement de l'échelle de valeur etc.

L'intégration sociale qui repose sur la culture est un élément catalyseur du développement. Habmo BIRWE observe à cet effet que, la culture est un élément important pouvant contribuer à l'intégration en Afrique centrale et à son développement. Au regard de l'ignorance de la culture dans les approches traditionnelles de l'intégration, l'auteur pense que la culture est une source essentielle d'une cohabitation conviviale et d'une intégration favorable au développement. Il soutient à cet effet qu' « une intégration qui repose sur le dialogue des cultures et des civilisations est une intégration qui impulse le développement ».198

Au demeurant, ce chapitre de notre étude a eu pour ambition de montrer comment la culture a contribué au développement qui n'est qu'en réalité la téléologie de tout processus d'émergence. Il ressort donc de ce qui précède que, la variable culturelle est l'une des variables explicatives du processus d'amélioration des conditions de vie des individus dans les pays suscités. Nous soutenons à cet effet à la suite de Marie-Liliane DIBOMA qu'à « la lumière de ce qui a été développé ci-dessus, il semble véritablement important que la culture occupe une place significative dans le développement économique et social des peuples ».199 Dès lors, dans un pays où très peu d'intérêt sont accordés à la culture et dans un contexte où il existe une politique sans culture et une politique sans culture, l'urgence d'un réajustement du projet d'émergence de ce pays devient une nécessité.

197 Maurice Sévérin EDOA BIKOULA, Op. Cit, p. 13.

198Habmo BIRWE, « Quand la culture peut oeuvrer pour l'intégration et le développement sous régional en Afrique centrale » in Culture, intégration et développement, Organisation internationale de la Francophonie, 2014, p. 75.

199 Marie-Liliane DIBOMA, « Culture, Pilier du développement au Cameroun », in International Journal of Innovation and Scientific Research ISSN 2351-8014 Vol. 16 No. 1 Jun. 2015, p.52.

CHAPITRE 4 : DE LA POLITIQUE SANS CULTURE A LA
CULTURE SANS POLITIQUE AU CAMEROUN :
L'URGENCE D'UN REAJUSTEMENT DU PROJET
D'EMERGENCE

A tout prendre, la culture peut mieux et plus facilement que tous les grands projets structurants qui trônent au coeur du programme d'émergence du Cameroun et de l'Afrique, donner les moyens d'une transformation en profondeur de notre société mais aussi de son rayonnement au plan international.200

101

200Richard Laurent OMBGA, « Les nouveaux défis de la culture camerounaise », in Annales de la Faculté des arts, lettres et sciences humaines, Vol.1, n°13, Nouvelle série, Second Semestre, Université de Yaoundé I, 2011, p.13.

102

Depuis son accession à l'indépendance, le gouvernement camerounais a mis sur pied une série de programme et de projets de développement pour engager ce pays sur le train de l'amélioration qualitative et quantitative des conditions de vie de la population. Ces programmes et projets de développement avaient ou ont tous un dénominateur commun : sortir le pays de la misère, la pauvreté, la précarité car faut-il le rappeler, lorsque ce pays accède à la souveraineté internationale le 1er janvier 1960, tout est à faire ou à refaire. Il est à l'image des autres pays de l'Afrique subsaharienne. Jean Claude SHANDA TONME observe à ce sujet que, « l'Afrique noire qui émerge des indépendances est une constellation des nations pauvres où tout est à faire et à construire, peut-être même à inventer ».201Maurice KAMTO observe dans le même sens que « sauf quelques cas exceptionnels, les économies subsahariennes n'ont jamais affiché des performances comparables à celles des pays nord-africains et encore moins à celles des pays du Sud-est asiatique ».202

Plusieurs années après ces constatations, la situation économico-sociale de l'Afrique en général n'a guère changée. Cette situation est décrite fort judicieusement par Guy Parfait SONGUE en ces termes : « l'Afrique est indépendante depuis environ un demi-siècle, et malgré tous les discours tenus et les politiques menées jusqu'ici pour son développement, elle semble sombrer dans une espèce de développement du sous-développement ».203

Face donc à ces constellations de misère et de pauvreté, l'Etat du Cameroun va mettre sur un pied une série de projets voire programme de sortie de crise. Ces projets de sortie de crise sont davantage connus sous le vocable de politique de développement qui sera explicité dans les lignes suivante. Cette clarification est suivie de l'analyse des politiques de développement implémentées au Cameroun depuis les indépendances.

1- Politiques sans culture au Cameroun

Dans son sens définitionnel, la notion de politique de développement renvoie à l'ensemble des orientations prises et des stratégies adoptées par les pouvoirs publics pour favoriser les transformations politiques, économiques, sociales donc le but est de répondre à un besoin précis qui est généralement celui de l'amélioration substantielle des conditions de vie de la population. L'implémentation d'une politique de développement sur le terrain précède

201 SHANDA TONME, La malédiction de l'Afrique ....Op. Cit, p.162

202Maurice KAMTO, L'urgence de la pensée : réflexions sur une pré-condition du développement en Afrique, Yaoundé, Mandara, p.130.

203Guy Parfait SONGUE, « L'imposture des politiques de développement en Afrique : entre illusions, faillite et besoin de refondation » in Jean-Emmanuel PONDI (sous-dir), Repenser le développement à partir de l'Afrique, Yaoundé, Afrédit, 2015, p.171.

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l'identification du problème que cette politique souhaite résoudre. Plus précisément, trois grandes étapes essentielles structurent le cheminement d'une politique de développement à savoir : la préparation ou de la conception, l'exécution et enfin l'évaluation.

Ainsi, dans l'optique de trouver les solutions afin de permettre le développement du Cameroun et ceux depuis les indépendances jusqu'à présent, quatre politiques de développement ont déjà été appliquées au Cameroun : les plans quinquennaux, le plan d'ajustement structurel, le DSRP et le DSCE.

1.1-Les plans quinquennaux204

Les plans quinquennaux furent la toute première politique de développement du Cameroun lorsqu'il accède à son autonomie interne le 1er janvier 1960. C'est dans ce sens que, de 1960 à 1991, six plans quinquennaux ont successivement été appliqués au Cameroun dans un souci d'amélioration substantielle des conditions de vie de la population. Trois organes constitutifs étaient chargés de l'élaboration des plans quinquennaux : les comités de développement, les groupes d'études techniques multidisciplinaires et les commissions nationales de planification.

Le premier plan quinquennal (1960-1965) avait donc pour objectif fondamental le dédoublement du revenu par habitant qui devait passer de 21500 FCFA à 43500 FCFA dans une période de vingt ans. Ce doublement du revenu par habitant devrait être précédé par la mise en place des structures économiques et sociales appropriées, la réduction des disparités régionales à travers la scolarisation des masses et la construction des infrastructures sanitaires, éducatives, universitaires etc.

Le second plan quinquennal couvrant la période 1966-1971, d'après Ernest TOUNA MAMA, fut l'objet d'une élaboration plus démocratique dans la mesure où, son élaboration a été confiée à l'assistance technique française. Il s'inscrivait dans la même dynamique en termes d'objectif que le premier plan quinquennal.

La période 1971-1976 marque la phase d'implémentation du troisième plan quinquennal aux objectifs similaires avec les deux premiers, mais qui apporte une innovation en mettant un accent particulier sur les investissements productifs direct d'une part en occurrence ceux liés à l'industrie, à l'énergie aux mines et d'autre part, sur les investissements liés au développement des infrastructures.

204Nous tirons l'essentiel des informations sur les plans quinquennaux et les PAS de l'ouvrage de l'économiste TOUNA MAMA intitulé, L'économie camerounaise : pour un nouveau départ, Yaoundé, Afrédit, 2008.

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De 1976 à 1981, marque la période d'implémentation du quatrième plan quinquennal. Ce plan était conséquentiel d'une élaboration démocratique avec un souci de promotion de l'unité nationale et du développement autocentré. Son objectif visait à assurer un taux de croissance du PIB par habitant d'au moins 5% par an. Les priorités de ce plan étaient axées sur le développement rural avec la création et l'extension des grandes plantations modernes, industriel avec la promotion des exportations industrielles. Ces priorités visaient l'accroissement de la productivité, de la compétitivité des entreprises industrielles et enfin le développement du secteur tertiaire à travers la création d'un Office Commercial Camerounais, la création d'un organisme chargé de la promotion du commerce extérieur etc.

Avec un bilan largement positif issu de l'implémentation des quatre premiers plans quinquennaux, le cinquième plan quinquennal (1981-1986) a été élaboré dans une dynamique prospective afin d'assurer une vie meilleure aux 16 millions d'habitants que devait compter le Cameroun à l'aurore de l'année 2000. C'est dans ce sens que ces objectifs seront orientés vers la réalisation effective de l'autosuffisance alimentaire, la redynamisation des structures de production, la réorientation de l'industrialisation à travers la revalorisation prioritaire des matières premières locales.

Le sixième plan quinquennal (1986-1991) s'inscrit dans la même démarche prospectiviste de développement pour l'an 2000 que le cinquième. Les orientations de ce plan gravitaient autour du libéralisme communautaire avec l'encouragement des initiatives privées, la solidarité nationale ; le développement auto-entretenu avec comme composante la satisfaction des aspirations nationales ; la démocratisation et la justice sociale à travers l'épanouissement collective des individus, l'égalité de chance entre les individus afin de bénéficier des fruits de la croissance et enfin comme dernière orientation, l'intégration nationale qui constitue le socle granitique d'un développement équilibré entre toute les composantes sociologiques du pays. Il est important de souligner que c'est au cours de l'implémentation de ce dernier plan quinquennal que va naitre le premier PAS suite à la crise économique comme nous le verrons dans les lignes suivantes.

1.2-Le Programme d'ajustement structurel

Comme la plus part des Etats africains, le Cameroun n'a pas été épargné par la crise économique de la fin de la décennie 80 donc le PAS en est la résultante. Fruit d'une intention d'un Etat clairement formulée à l'endroit du FMI, le PAS est un programme des institutions de

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Brettons Woods (FMI, Banque mondiale) pour sortir un pays de la crise économique. Ainsi, de septembre 1988 au 30 septembre 2003, six PAS au total ont été mis en oeuvre au Cameroun.

Corolairement lié à l'accord de confirmation établi entre le Cameroun et le FMI, le premier PAS (septembre 1988-juin 1990) du Cameroun est mis sur pied pour une durée initiale de 18 mois (septembre 1988-mars 1990). Mais, il sera rallongé de 3 mois (juin 1990) à cause des difficultés rencontrées au cours de son implémentation. Les objectifs globaux de ce plan portaient sur la réduction du déficit de solde courant, la stabilisation des finances publiques, l'obtention d'un taux de croissance réel du PIB de 3% dès 1989/1990.

Le deuxième PAS donc la période d'implémentation s'étend de décembre 1991 à septembre 1992, qui lui-même était précédé par une confirmation de l'accord le 12 décembre 1991, avait pour objectif global la stabilisation du déficit budgétaire à 210 milliards CFA soit 7% du PIB. Pour atteindre cet objectif, plusieurs stratégies seront mises sur pied à savoir l'accroissement des revenus de l'Etat, la maitrise des dépenses des entreprises publiques, l'instauration d'une politique monétaire, sociale et de la dette.

Le troisième PAS (mars 1994-juin 1995) est lié à la lettre d'intention adressée par les pouvoirs publics camerounais au FMI le 17 février 1994. L'implémentation de ce plan commence avec la signature d'un accord de confirmation le 15 mars 1994. Les objectifs de ce troisième plan étaient centrés sur deux points essentiels à savoir : dégager un excédent budgétaire au niveau du solde primaire et l'organisation d'une meilleure répartition des dépenses entre les dépenses courantes et les dépenses d'investissement à travers la réduction de la masse salariale des fonctionnaires. Les stratégies pour atteindre les objectifs de ce plan seront portées par les politiques budgétaire, monétaire, sociale, de l'endettement, les reformes structurelles etc.

De septembre 1995 à juillet 1996, marque la période du quatrième PAS. L'accord de confirmation de ce plan a été signé le 27 septembre 1995. Ce programme visait la réalisation de trois objectifs fondamentaux : la réalisation d'un taux de croissance réelle du PIB de 5%, la réduction de l'inflation à environ 8% et la stabilisation du déficit des transactions extérieures courantes à environ 2,5% du PIB. L'atteinte de ces objectifs reposait sur le renforcement substantiel de la position des finances publiques, une politique monétaire restrictive, la réforme de la fonction publique, des entreprises publiques, le secteur financier, l'agriculture et les transports afin de faire des économies.

Le cinquième PAS du Cameroun implémenté du 1er juillet 1997 au 30 juin 2000, a été institué pour renforcer sa politique d'ajustement et promouvoir une croissance durable. L'élaboration de ce plan nous renseigne Benoît ATANGANA ONANA, a commencé en

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1995.205Les objectifs de ce plan visaient entre autre la limitation du déficit courant du PIB, le maintien de la croissance du PIB à 5% et la baisse de l'inflation en gisement annuel à un seuil de 2%. Les stratégies pour atteindre ces objectifs étaient axées sur la mobilisation des recettes publiques, la poursuite des reformes structurelles dans une perspective de renforcement de la productivité économique, l'amélioration des allocations des ressources des secteurs prioritaires.

En ce qui concerne le sixième et dernier plan qui couvrait la période du 1er octobre 2000 au 30 septembre 2003, il avait pour ambition fondamentale de limiter le déficit extérieur courant du PIB, contenir l'inflation mesurée par les prix à la consommation à 2%, porter le taux de croissance du PIB réel à 5% afin de relever le PIB par habitant. Ce plan avait comme stratégie, l'amélioration de la productivité et de la compétitivité par l'élargissement et l'achèvement du programme de privatisation des sociétés publiques et parapubliques, le renforcement de la gouvernance, la transparence et la lutte contre la corruption ainsi que la création d'un cadre institutionnel et juridique propice à l'initiative privée et enfin le renforcement de l'intégration régionale. La fin de l'exécution du sixième PAS à l'orée des années 2000 marque le début d'implémentation de la troisième politique de développement du Cameroun.

1.3-Le document de stratégie pour la réduction de la pauvreté

Après le PAS et avec l'atteinte en octobre 2000 du point de décision dans le cadre de l'initiative renforcée d'allégement de la dette des PPTE, le DSRP (voir annexes) entre en vigueur en avril 2003 comme troisième politique de développement du Cameroun. BABISSAKANA et ABISSAMA ONANA diront à juste titre que le DSRP tire son fondement de « l'initiative PPTE qui a été le principal déterminant de l'adoption de l'approche DSRP par les institutions de Bretton Woods ».206Cette politique est le fruit de deux séries d'enquêtes (ECAM I, 1996 et ECAM II, 2001) réalisées auprès de la population camerounaise. Avec un volume de 60 pages, l'objectif fondamental du DSRP est de réduire considérablement la pauvreté à travers une croissance économique forte et durable, une meilleure efficience des dépenses publiques ainsi que le renforcement et l'amélioration de la gouvernance.

Le DSRP a également eu pour ambition de conduire le Cameroun à la réalisation des OMD avec comme acteurs, les acteurs institutionnels, la société civile et la communauté

205 Benoît ATANGANA ONANA, De la crise à la croissance économique. Approche entrepreneuriale pour une croissance forte, soutenue et durable au Cameroun, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2011, p.296.

206BABISSAKA et ABISSAMA ONANA, Les débats économiques du Cameroun & d'Afrique, Yaoundé, Prescriptor, 2005, p.372.

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internationale. Le DSRP s'articule autour de sept axes principaux : la promotion d'un secteur macro-économique ; le renforcement de la croissance par la diversification de l'économie ; la dynamisation du secteur privé comme moteur de la croissance et partenaire dans l'offre des services sociaux ; le développement des infrastructures de base, des ressources naturelles et la protection de l'environnement ; l'accélération de l'intégration régionale dans le cadre de la CEMAC ; le renforcement des ressources humaines, du secteur social et l'insertion des groupes défavorisés dans le circuit économique et enfin l'accélération du cadre institutionnel, de la gestion administrative et de la gouvernance. Il est également important de souligner que le DSRP a également été lancé dans d'autre pays de l'Afrique subsaharienne en occurrence le Sénégal en avril 2002. Tel est de manière synthétique les grandes orientations de la troisième politique de développement du Cameroun.

1.4-Le document de stratégie pour la croissance et l'emploi

Adopté en août 2009, le DSCE est une déclinaison du projet d'émergence du Cameroun couvrant la période 2010-2020. Il ambitionne faire du Cameroun un pays émergent à l'horizon 2035. Cette politique est articulée autour des stratégies sectorielles à savoir la croissance et l'emploi. Le DSCE est en fait la première phase de matérialisation et d'implémentation de la vision 2035 du Cameroun en matière d'émergence.

Les objectifs du DSCE portent sur l'accélération de la croissance à travers la création d'emplois formels ainsi que la réduction considérable de la pauvreté. Il vise davantage à porter le taux de croissance à 5,5% en moyen annuel dans la période 2010-2020, ramener le sous-emploi de 75,8% à moins de 50% en 2020 avec la création de milliers d'emplois formels par an et enfin, le DSCE vise à ramener le taux de pauvreté monétaire de 39,9% en 2007 à 28,7 en 2020 pour atteindre les OMD. De manière synthétique, le DSCE tourne autour de trois éléments fondamentaux : la stratégie d'emploi, la stratégie de croissance ainsi que la gouvernance et la gestion stratégique. Cependant, l'énumération et l'étude des politiques de développement implémentées au Cameroun nous a conduits à faire une constatation qui est celle du peu d'intérêt accordé au secteur culturel dans ses politiques comme nous le verrons dans les lignes suivantes.

2- Le secteur culturel et les politiques de développement du Cameroun

L'analyse des différentes politiques de développement qui ont été implémentées au Cameroun depuis les indépendances nous a conduit indubitablement à un constat : la faible

prise en compte du secteur culturel dans ses politiques. Un constat somme toute révélateur de la conception et de la perception du secteur culturel par les pouvoirs publics du Cameroun. Cette quasi tradition d'oubli voire de marginalisation du secteur culturel dans les politiques de développement démontre à suffisance que ce secteur est loin d'être une priorité dans ces politiques de développement. La singularité de toutes ses politiques de développement réside à leurs fortes propensions à tous quantifiés ce qui a conduit P. SOROKIN à appeler la quantophrénie c'est-à-dire la tendance à tout voir en terme de chiffre. Le seul baromètre de la croissance dans un pays dévient donc les chiffres car, d'après Beat BURGENMEIER, « dès les années 1960, le système normalisé par l'ONU de la comptabilité nationale a donné à la croissance économique une expression statistique forte ».207

D'un point de vue général, la constatation qui s'y dégage nous conduit irréversiblement à l'observation selon laquelle toutes ces politiques n'ont pas réussis de manière significative à élever le standard de vie des citoyens, à améliorer les conditions de vie des citoyens du Cameroun. Au contraire, ces politiques ont plutôt des résultats mitigés, ce qui devient davantage ennuyeux d'observer que le Cameroun qui avait un taux de croissance de l'ordre de 12% dans la décennie 70, peine aujourd'hui à avoir un taux de croissance de 6%. Nous observons dans ce sens à la suite de Paul KEMOGNE FOKAM que toutes les politiques de développement implémentées en Afrique ont plutôt contribuées à une montée vertigineuse de la pauvreté d'où la nécessité de rompre avec « cette pensée économico-théologique qui a eu pour conséquence d'engouffrer davantage l'Afrique dans les méandres de la précarité, des inégalités et de la pauvreté ».208

2.1-La culture : un secteur marginal des politiques de développement

La conclusion à laquelle nous sommes arrivés après l'étude des quatre politiques de développement implémentées au Cameroun est que le secteur culturel est un secteur qui n'est pas suffisamment pris en compte dans ces politiques. Des plans quinquennaux jusqu'au DSCE qui est en fait une déclinaison du projet d'émergence, les concepteurs de ces politiques n'ont pas pris en compte le secteur culturel comme pouvant être un levier important pouvant contribuer à atteindre le cap de l'émergence à l'horizon 2035.

A travers la mobilisation des théories de la rationalité limitée et néo-institutionnaliste, et sur la base des entretiens menés auprès des responsables chargés de l'élaboration de la politique

207Beat BURGENMEIER, Politiques économiques du développement durable, Bruxelles, De Boeck, 2008, p. 22. 208Paul K. FOKAM, Misère galopante du sud: complicité du nord, Paris, Maisonneuve& Larose, 2005, p.59.

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d'émergence « pour étudier les faits donc la parole est le vecteur »209, il ressort clairement que le faible intérêt accordé à la culture dans les politiques de développement en général et singulièrement dans le projet d'émergence relève davantage des orientations que le gouvernement camerounais a bien voulu donné à ce projet. Ainsi, au cours de nos entretiens avec le Dr. Dieudonné BONDOMA YOKONO et Mr. Ernest NNANGA tous deux des hauts cadres au MINEPAT, ils nous faisaient observés subtilement que les directives des pouvoirs publics dans le cadre d'élaboration du projet d'émergence étaient clair : priorisés les secteurs entrainants comme celui des infrastructures. Les propos du Dr Dieudonné BONDOMA YOKONO par ailleurs président du CARPA et ancien directeur général de l'économie et de la programmation des investissements du MINEPAT à ce sujet sont assez illustratifs:

La conception et l'élaboration du projet d'émergence a été orientée par les

prescriptions des pouvoirs publics en optant pour la priorisation du secteur

infrastructurel qui est un secteur entrainant. C'est pour cette raison que vous

allez vous rendre compte que le secteur culturel n'est pas mentionné dans le

projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035.210

Le chef de division de la prospective et de la planification stratégique du MINEPAT

(Ernest NNANGA) s'inscrit dans la même dynamique que l'ancien directeur général de l'économie et de la programmation des investissements stratégique du MINEPAT lorsqu'il nous fait observé que le projet d'émergence a été élaboré sur la base des prescriptions des pouvoirs publics car pense-t-il, « à quoi sert le développement du secteur culturel s'il n' y a pas d'infrastructures routières pour atteindre les sites touristique ? Voilà pourquoi on doit d'abord aménagé les infrastructures routières par exemple ».211 Ainsi, il ressort clairement de ces propos qu'il existe une certaine construction politique de la marginalisation du secteur culturel dans les politiques de développement implémentées au Cameroun. Cette marginalisation découle des orientations politiques données au projet d'émergence. Cette vision est partagée par Mme Suzanne Pulchérie NNOMO ELA, chef service régional du patrimoine culturel et des musées de la délégation régionale du MINAC du centre qui observe que : « les politiques en général ont beaucoup plus misés sur l'industrialisation, voilà pourquoi on peut voir l'émergence des ports en eau profonde, des barrages hydroélectriques ainsi de suite ».212

209Alain BLANCHET, Rodolphe GHIGLIONE, Jean MASSONAT, Alain TROGNON, Les techniques d'enquête en sciences sociales, Paris, DUNOD, 2005, 3e édition, p.85.

210 Entretien mené le 21/07/2017 à 11h à Bastos

211 Entretien mené le 14/06/2017 à 10h15 au MINEPAT

212 Entretien mené le 06/06/2017 à la délégation régionale du MINAC du Centre à 12h13

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Plus précisément, dans l'émission La grande interview du mardi 28 novembre 2017 de Jean Bruno TAGNE diffusé sur la chaine de télévision Canal 2, à la question de savoir qui prend les décisions économiques au Cameroun, l'économiste statisticien Dieudonné ESSOMBA (qui a été l'un des rédacteurs du DSCE) dit que toute bonne décision économique a deux dimensions à savoir les objectifs et les mécanismes opératoires. Les objectifs d'après lui, sont définis par le président de la république et que, lorsqu'il a défini les objectifs, il ne lui revient plus de définir les mécanismes opératoires car ces derniers relève de la compétence des techniciens. Et lorsque le politique impose aux techniciens la manière de traiter le problème, le système se bloque et entraine la stagnation de l'économie. Il ressort donc de ces propos que c'est le politique qui prend les décisions économiques au Cameroun et convoque maintenant les spécialistes pour concevoir la politique de développement tout en respectant leurs orientations.

Il convient d'observer que la culture, au regard des données issues des observations directe et documentaire, est convoquée dans l'atteinte du cap de l'émergence dans ses aspects folkloriques. Ce folklore est perceptible lors des cérémonies qui meublent souvent les cérémonies de poses de première pierre des grands chantiers communément appelés projets structurants c'est-à-dire, des projets priorisés par les pouvoirs publics pour atteindre l'émergence (c'était le cas lors des cérémonies de poses de première pierre des barrages hydroélectriques de Memvele, Lom Pangar, port autonome de Kribi etc.).213

Toutes ces politiques de développement, comme nous l'avons vue dans leurs principales articulations, ont toutes un dénominateur commun qui est celui du manque d'intérêt accordé à ce secteur. La culture visiblement, est loin d'être une priorité, un levier pouvant conduire à l'émergence. Cette dynamique de marginalité du secteur culturel dans la vision prospective du développement du Cameroun démontre que jusqu'à 2035, la culture restera ancrée dans la folklorisation dans laquelle les pouvoirs publics l'ont confiné. Elle continuera qu'à être convoquée que lors des cérémonies festives et protocolaires.

Il convient également de souligner que le projet d'émergence qui constitue la base fondamentale de notre réflexion a été élaboré avec la conjonction idéelle de soixante-deux personnes sous la coordination de Roger MBASSA NDINE, docteur en science économique. La conception de ce projet est constituée de manière prépondérante par des économistes, des ingénieurs statisticiens, des démographes, d'un journaliste, de certains ministères, des directeurs de ministère, des enseignants d'universités etc. Le constat qui se dégage de la

213 Entretien avec le directeur du patrimoine mené le 11/09/2017 au MINAC à 11h40

composition des concepteurs de ce projet est celui qu'aucun employé du MINAC n'a été associé à l'élaboration de ce document.

La composition de ses concepteurs révèle que l'équipe constituée par le MINEPAT avant son élargissement aux contributions des autres institutions voire d'autre personnes est que, sur vingt personnes qui constituaient cette équipe, il y'avait cinq démographes, sept ingénieurs statisticiens, deux économistes, un administrateur du travail, deux ingénieurs du génie industriel, un journaliste, un ingénieur général de la statistique et deux ingénieurs statisticiens.

Lors de notre entretien avec Jean Jacob NYOBE par ailleurs secrétaire administratif et technique du CASSPC, il nous faisait comprendre que le secteur culturel souffre d'un problème de priorisation dans les politiques de développement du Cameroun dans la mesure où, au cours de l'élaboration des politiques de développement, l'accent est davantage mis sur le développement du secteur infrastructurel, l'habitat etc. que le secteur culturel. Cette priorisation du secteur des infrastructures explique d'après lui l'absence de la contribution des responsables du MINAC. Et, visiblement, les pouvoirs publics ne se rendent pas compte de la contribution que peut apporter le secteur culturel à l'émergence alors que qu'il est de plus en plus admis que la culture est une composante essentielle de développement. La priorité de ces politiques de développement s'articulent autour du développement des infrastructures qui jusqu'à présent, demeurent insuffisantes voire inexistante dans certaines parties du Cameroun.214

Et pourtant, le Cameroun regorge d'énormes potentialités culturelles et artistiques qui peuvent générée des devises et contribuer efficacement à son rayonnement international mais qui se heurte à un manque de valorisation et de promotion de ses potentialités artistiques et culturelles. Archil TCHINDA, chef service de la cinématographie et de l'audiovisuel au MINAC, décrit cette situation en ces termes : « notre propre culture n'est pas suffisamment valorisée. Nous connaissons qu'elle existe, nous savons où elle existe. Mais nous n'avons pas les moyens suffisants, les moyens nécessaires pour l'apporter au firmament, aux yeux du monde ».215La dotation financière annuelle du MINAC d'après Archil TCHINDA, ne lui permet pas de réaliser ses objectifs.

Cette situation, d'après les responsables du MINEPAT rencontrés lors de la collecte des données sur le terrain, est dû au faite que le secteur culturel n'est pas un secteur entrainant au même titre que celui des infrastructures. Les propos du Dr Dieudonné BONDOMA YOKONO, président du CARPA (cellule d'appui à la réalisation des contrats de partenariats) et ancien

214 Entretien mené le 27/09/2017 à 13h40 au MINAC

215Entretien mené le 13/10/2017 à 11h02 à la Direction de la cinématographie au quartier Hippodrome

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directeur général de l'économie et de la programmation des investissements du MINEPAT, illustre bien cet état de chose lorsqu'il dit :

Le secteur culturel, bien qu'il soit un secteur important ne constitue pas une priorité dans les politiques de développement du Cameroun parce que le gouvernement mise beaucoup sur les secteurs entrainants comme le secteur des infrastructures(les routes, les ports, les barrages etc.), le secteur agricole etc.216 Dans la même dynamique, en tant qu'intuitu persona, M. NNANGA Ernest, ingénieur

statisticien économiste et par ailleurs chef de division de la prospective et de la planification stratégique au MINEPAT, soutient fermement que le secteur culturel est un secteur qui peut contribuer à l'émergence. Mais, il pense que c'est en fait au MINAC de tout mettre en oeuvre pour que ce secteur contribue à l'émergence. En revanche, de l'avis des responsables du MINAC, c'est au MINEPAT, institution technique chargée d'élaboration de la politique de développement d'intégrer la culture comme un secteur pouvant conduire à l'émergence. La conception du secteur culturel par le chef de division de la prospective et de la planification stratégique se résume en ces termes:

Le secteur culturel au Cameroun est un secteur porteur pour l'émergence de notre pays. Mais, il revient au ministère des arts et de la culture de tout mettre en oeuvre pour que la culture contribue efficacement à l'émergence. Le MINEPAT a des missions spécifiques qui sont celles d'élaborer une politique d'émergence portée par les projets structurants comme les barrages, les routes, les ponts etc. Mais il n'est pas des missions de notre ministère d'oeuvrer pour que la culture soit quelque chose d'important pour l'émergence, pour le développement.217

Ces propos du chef de division de la prospective et de la planification stratégique

traduisent en fait le caractère ambigüe de l'institution qui est en charge de la rédaction et de l'orientation de la politique de développement du Cameroun qui renvoie la responsabilité d'intégrer la culture comme l'un des leviers de l'émergence au MINAC. Alors que selon les missions du MINEPAT, la rédaction de la politique de développement relève exclusivement de la compétence de ce ministère.

Le peu d'intérêt accordé au secteur culturel dans les politiques de développement du Cameroun traduisent probablement que les concepteurs des politiques de développement en général et le projet d'émergence en particulier ne comprennent pas encore que la culture peut être une composante essentielle voire un levier important pouvant contribuer à l'émergence du

216 Entretien mené le 21/07/2017 à 11h à Bastos

217Entretien mené le 14/06/2017 à 10h15 au MINEPAT

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Cameroun, au développement. Loin de nous inscrire dans une dynamique de jugement de valeur, les données du terrain nous ont amené à observer à la suite de Laurice Serges ETEKI ELOUNDOU et Maurice SIMO DJOM que les concepteurs de ces politiques sont souvent des classiques (Keynésiens) qui ne comprennent pas toujours que le secteur culturel, notamment les industries créatives sont des nouvelles filières de croissance, c'est-à-dire des filières à même de porter la croissance afin de contribuer à l'amélioration des conditions socio-économiques des individus.

Laurice Serges ETEKI ELOUNDOU nous faisait également comprendre dans un entretien que, lorsqu'on parle des filières de croissance, ils (concepteurs des politiques de développement) n'y voient que les matières premières, le pétrole, le secteur manufacturier et infrastructurel etc. alors qu'il est clairement démontré aujourd'hui que les ICs constituent un fleuron de l'économie nigériane en général et que la contribution de l'industrie cinématographique est plus importante que celle des industries extractives dans ce pays. Maurice SIMO DJOM, chercheur en intelligence économique observe à ce sujet que : « les concepteurs des politiques économiques et les pouvoirs publics du Cameroun n'ont pas encore compris que la culture est un puissant levier de transformation socio-économique dans certains pays du monde ».218 Laurice Serges ETEKI ELOUNDOU, économiste et chargé d'étude assistant au MINRESI observe au sujet des concepteurs des politiques économiques du Cameroun que:

Ceux qui pensent les politiques économiques au niveau national sont parfois des

keynésiens c'est-à-dire des classiques qui ne suivent pas le cours du temps. Ils ne comprennent pas qu'il y'a des nouveaux leviers de croissance comme les industries créatives, les industries culturelles, l'innovation etc. Raison pour laquelle ce secteur reste absent dans les politiques de développement du Cameroun et c'est regrettable pour un pays qui est doté d'une immense richesse culturelle.219

Dans la même perspective, Jean Jacob NYOBE, secrétaire administratif et technique du

CASSPC au MINAC, par ailleurs expert de l'UNESCO en matière de PC, observe fort pertinemment que malgré le foisonnement exceptionnel du secteur culturel qui est issu de la multiplicité ethnique du Cameroun, ce secteur demeure marginalisé, défavorisé, négligé dans les politiques de développement. Il nous fait observer que pour comprendre la situation actuelle du secteur culturel au Cameroun, il faut remonter en 1960 qui est la période qui marque l'accession à l'indépendance. Il le résume en ces termes:

218 Entretien mené le 07/06/2017 à 15h 05 à Hippodrome 219Entretien mené le 16/06/2017 à 10h35 au MINRESI

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Le secteur culturel est défavorisé parce que, depuis les années 60, ceux qui étaient aux affaires ne savaient rien de la culture (...) Je vous prends un exemple. Au Cameroun on avait AHIDJO, au Sénégal ils avaient SENGHOR et en Côte d'ivoire HOUPHOUET BOIGNY [...] SENGHOR qui était un éminent homme de lettre, de culture savait ce qu'on entendait par musée, spectacle, l'art contemporain, le cinéma, le patrimoine culturel etc. et il a posé les jalons de l'émergence de çà. Et nous on avait un président qui ne comprenait pas grande chose à la culture raison pour laquelle peu d'investissement était accordé pour le développement du secteur culturel.220

Il ressort donc de ce qui précède que le faible intérêt accordé au secteur culturel dans le

projet d'émergence se justifie d'une part par les orientations politiques de ce projet ; et d'autre part, ce faible intérêt se justifierait par la faible connaissance de l'apport de l'apport de la culture dans l'émergence des nations. L'analyse de la place du secteur culturel dans les politiques de développement nous a également permis de nous rendre compte que peu d'intérêt est également accordé au secteur culturel dans la loi de finance à travers la dotation budgétaire du MINAC.

2.2- Le MINAC et son budget : mission impossible

Fruit des états généraux de la culture tenu au palais des congrès de Yaoundé du 23 au 26 août 1991, ces états généraux ont consacrés la création de tout un ministère en charge de la culture car, faut-il le rappeler, le ministère de la culture a été pendant de longue année une direction du ministère de l'information et de la culture. C'est ainsi qu'à la faveur du décret n° 92/245 du 2 décembre 1992, fut créé le premier ministère de la culture avec comme mission première l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique en matière des questions culturelles.

En 2005, et à la faveur d'un décret du président de la république, les nouvelles dispositions furent assignées à ce ministère toujours dans une dynamique de protection et de promotion de la culture camerounaise. D'après le décret no 2012/381 du 14 septembre 2012 portant organisation du ministère des arts et de la culture, le MINAC est responsable d'après l'article 2 de ce décret, de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique du gouvernement en matière de promotion et de développement artistique et culturel. A ce titre, il est chargé entre autre :

? du développement et de la diffusion des arts et de la culture nationale ;

220Entretien mené le 27/09/2017 à 13h43 au MINAC

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y' de la préservation des sites et monuments historiques ;

y' de la protection, de la conservation, de l'enrichissement et de la promotion du patrimoine culturel, artistique et cinématographique ;

y' de la promotion et de la création artistique et culturelle ;

y' de la promotion et de la création artistique et culturelle ;

y' de la promotion et du suivi de la diffusion des oeuvres d'art et cinématographique, en relation avec les administrations concernées ;

y' des musées, des bibliothèques, des cinémathèques, des médiathèques et des archives nationales ;

y' de la promotion de la cinématographie et des arts dramatiques ; y' de la promotion et de la supervision des grands évènements culturels ;

y' du suivi des activités des structures nationales de gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur.

Au-delà de ces missions, le MINAC assure la liaison entre le gouvernement et les organisations internationaux oeuvrant dans les domaines de l'art et de la culture notamment l'Unesco, l'OAPI, l'OMPI etc. Il exerce également la tutelle du palais des congrès, les archives nationales, assure la liaison entre les pouvoirs publics et les organismes de gestion collective des droits d'auteur et des droits voisins. Il est également l'interface entre les pouvoirs publics camerounais et les organisations internationales comme l'Unesco.

Cependant, bien qu'ayant des stratégies et des visions contestables comme l'existence en territoire national des CCC et d'un musée national sans aucune contenance car on ne sait pas si c'est un musée d'art classique, moderne ou contemporain, le MINAC au regard des missions qui lui sont assignées, a quasiment le plus petit budget depuis son existence. C'était encore malheureusement le cas lors de l'exercice budgétaire 2017 où il avait le plus petit budget. Le tableau ci-dessous illustre bien la faible dotation budgétaire de ce ministère.

116

Tableau 4 : le budget du MINAC entre 2000 et 2018

Année budgétaire

Dotation budgétaire

2000

986 000 000 FCFA

2003

1 769 000 000 FCFA

2004

1 748 057 000 FCFA

2005

2 529 000 000 FCFA

2007

2 549 209 479 FCFA

2011

5 252 000 000 FCFA

2012

3 232 000 000 FCFA

2014

4 059 000 000 FCFA

2015

4 072 000 000 FCFA

2016

4 059 000 000 FCFA

2017

3 813 000 000 FCFA

2018

4 417 000 000 FCFA

Source : adapté à partir des lois de finance du Cameroun

Il ressort clairement de ce tableau que, depuis l'an 2000, le budget du MINAC n'a jamais excédé cinq milliard de franc CFA. Un budget aussi dérisoire comme celui du MINAC ne saurait faciliter la réalisation des projets engagés par ce ministère. En 2017 par exemple, ce ministère avait pour ambition d'implanter ces délégations départementales fonctionnelles dans toute l'étendue du territoire mais, au regard de son faible enveloppe budgétaire, ses ambitions sont restées des voeux pieux, une utopie. C'est dans ce sens que ce ministère au lieu d'assumer pleinement ses missions d'acteurs du secteur culturel est souvent réduit à une mission d'agent. C'est-à-dire a celui de simple participant aux activités culturelles comme Canal d?or.

Parlant du budget du MINAC, tous les responsables de ce ministère rencontrés dans le cadre de cette étude nous font observés que la ressource financière constitue l'une des difficultés majeures que ce ministère rencontre dans le cadre de son déploiement. Plus précisément, les ambitions du MINAC demeurent juste des ambitions dans la mesure où les ambitions sont clairement élaborées comme l'ouverture de ces délégations départementales sur les 58 départements que compte le Cameroun. Mais, ces ambitions ne sont guère implémentées à cause des moyens financiers qui manquent le plus. Dans un entretien avec le directeur du

117

patrimoine du MINAC, il affirmait péremptoirement qu' : « avec 4milliards de francs, on ne peut pas être à la mesure de nos ambitions sa c'est clair ».221

Le paradoxe des lois de finances du Cameroun est tel que, le MINTOUL qui utilise essentiellement les produits culturels, a toujours un budget élevé plus que le MINAC. A titre illustratif, en 2015, pendant que le MINAC avait un budget de 4 milliards franc CFA, le MINTOUL avait quant à lui un budget de 9 milliards franc CFA. Ce fut également le cas en 2016 où le budget du MINAC s'élevait à 4 milliards franc CFA tandis que le MINTOUL avait un budget de 19 milliards franc CFA. En 2017, pendant que le MINAC avait un budget de 3 milliards franc CFA, le MINTOUL quant à lui avait un budget de 9 milliards de franc CFA.

Néanmoins, malgré le peu d'intérêt accordé au secteur culturel dans les politiques de développement implémentées au Cameroun depuis les années 1960 jusqu'à ce jour, le secteur culturel au Cameroun est un secteur dynamique comme nous le verrons dans les lignes suivantes.

3- La culture sans politique au Cameroun

Bien qu'il soit difficile voire impossible d'admettre de nos jours l'existence des peuples sans culture comme l'aurait prétendu l'occident qui se voyait doté d'une mission civilisatrice, chaque peuple est doté d'une culture. Cette culture est une marque d'identité d'un peuple. C'est elle qui différencie les peuples. Elle est donc d'après Henri TEDONGMO TEKO « ce qui est propre à chaque groupe social et diffère d'un groupe social à un autre ».222Chaque société humaine est dotée d'un art et d'une culture. Elle est la somme des solutions qu'invente ce peuple face aux problèmes qu'il rencontre.

Le Cameroun tout comme les autres pays du monde, est doté d'une culture. Et dans cette perspective, nous convenons à la suite de Jean-Pierre WARNIER qu' « il n'existe aucune société au monde qui ne possède sa propre culture. C'est en cela que toute culture est socialisée ».223Il est important de souligner que lorsque nous parlons de culture, il s'agit des expressions culturelles qui sont diamétralement opposées aux expressions ornementales, c'est-à dire folklorique. Il ne s'agit pas de ses expressions folkloriques qu'on retrouve dans les aéroports lors de l'accueil d'un chef d'Etat étranger, des hautes personnalités étrangères par exemple. Ces expressions folkloriques voire cette folklorisation de la culture sont également

221 Entretien mené le 11/09/2017 à 11h40 au MINAC

222 Henri TEDONGMO TEKO, Sociologie de l'entrepreneuriat...Op. Cit, p.72.

223 Jean-Pierre WARNIER, La mondialisation de la culture, Paris La Découverte, 2007 4 e éditions, p.7.

118

perceptible lors des manifestations protocolaires. La culture n'est pas ce folklore voire ces expressions folkloriques.

La culture est plutôt d'après le président Paul BIYA, une conjonction de valeurs humaines, morales, esthétiques, sociales par lesquelles les citoyens camerounais s'identifient ; « elle n'est donc ni le folklore des aéroports, ni les exhibitions ponctuelles des cérémonies protocolaires ».224Cette culture qui a longtemps souffert de sa folklorisation d'après lui, et qui souffre toujours d'ailleurs de cette folklorisation, nécessite la mise sur pied d'une nouvelle orientation en matière de promotion culturelle qui aura pour grande ambition de restituer sa dignité et sa fierté à l'ensemble du peuple camerounais. Il est donc paradoxale que cette prise de conscience de la folklorisation de la culture par le président Paul BIYA depuis 1987 demeure d'actualité dans la mesure où, la seule perception qu'ont certains de nos dirigeants de la culture, soit ce folklore qu'on observe lors des cérémonies qui meublent souvent les manifestations publiques.

La culture camerounaise a sa spécificité, sa singularité ainsi que sa typicité. Elle est dynamique car suivant l'ère du temps. Ce foisonnement de la culture camerounaise est corolairement liée à la multiplicité ethnique et culturelle de ce pays. Et c'est sans doute la raison pour laquelle Dominique AUZIAS, Jean-Paul LABOURDETTE et al, parlant du Cameroun diront :

Il est des voyages qui marquent. Des pays dont les couleurs imprègnent et ensorcellent, le Cameroun est de ceux-là. Les langues locales se mêlent au français, et à l'anglais ; l'animisme se conjugue à loisir avec l'islam et le christianisme, pour former un peuple des plus fascinants du monde. Un « concentré d'Afrique », « Toute l'Afrique dans un seul pays », « L'Afrique en miniature », clament souvent les slogans du ministère du Tourisme ou des tour-opérateurs.225

Mais, au demeurant, pour mieux analyser la culture de cette Afrique en miniature, ce

concentré d'Afrique dans un pays, une meilleure intelligibilité de la culture de ce pays nous impose à un exercice empirique, c'est-à dire axer notre réflexion sur l'ethnographie de la culture au sein de notre environnement social.

224Paul BIYA, Op. Cit, p.110.

225Le Magazine Le petit futé Cameroun 2013-2014, Paris, 6e édition

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3.1- L'ethnographie de la culture

Bien qu'il ne soit pas une priorité dans les politiques de développement, le secteur culturel est un secteur en effervescence, en perpétuel mouvement voire changement. Les événements à caractère culturel que nous évoquerons abondamment plus bas constituent des marqueurs et même le baromètre de la diversité culturelle de cette Afrique en miniature. Ainsi, lors de notre entretien avec le Professeur Christophe MBIDA MINDZIE, il nous faisait observé qu'un regard posé sur la culture camerounaise nous amène à observés celle-ci de deux manières.

Premièrement, comme citoyen qui vit la culture au quotidien, la culture camerounaise est forte, elle est diversifiée, elle est riche et elle regorge d'énormes potentialités. Lorsqu'on se balade à travers le Cameroun, l'on observe une multitude d'expressions culturelles vivantes qui

sont perceptibles à travers les langues locales, le style architectural des chefferies
traditionnelles à l'Ouest Cameroun en occurrence. L'on se rend aussi compte que le Cameroun est doté des atouts touristiques comme le palais des rois Bamoun de Foumban, le musée aquatique de Kribi, le musée de la chefferie de Bafoussam, le musée de civilisation de Dschang, le parc national de Waza, le Mont Cameroun, les chutes de la Lobbé etc. A travers cette observation du déploiement de la culture camerounaise, nous pouvons visiblement nous rendre compte que malgré le phénomène de mondialisation culturelle qui tend vers une uniformisation culturelle, les camerounais restent quand même tant bien que mal ancrés dans leur culture.

Deuxièmement, l'on observe qu'au Cameroun, l'énorme potentialité culturelle est malheureusement sous-utilisée, sous-exploitée. C'est une culture qui est valorisée par les détenteurs, les légataires, c'est-à dire les communautés locales mais qui au niveau étatique, est visiblement considérée comme un outil de distraction. Cette valorisation se fait à travers les festivals patrimoniaux qui sont organisés même si c'est à travers le bricolage productif, mais qui sont révélateurs de la valeur que ces communautés donnent à leurs cultures.

Ainsi, lorsque nous parlons de bricolage, il s'agit pour nous de montrer comment les communautés locales qui font partis de ce que Jean-Marc ELA appelle pertinemment le monde d?en bas qui n'ont souvent aucune maitrise, aucune compétence dans l'organisation des festivals, se réunissent et à travers le bricolage parvient à promouvoir leurs cultures. Le bricolage dans le cadre de cette étude trouve toute sa pertinence avec le sociologue et théologien africain en boubou Jean-Marc ELA lorsqu'il dit :

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Quand je parle de bricolage, je pense à tous ces savoirs produits par la société pour relever les défis de son environnement(...) Si l'on veut cerner notre réalité, il faudra rencontrer l'Afrique là où elle s'invente, à partir de ces bricolages qui forment en quelque sorte le tissu de notre vie sociale ».226

Le dynamisme de la culture camerounaise est également perceptible à travers les artistes musiciens qui contribuent au rayonnement artistique et culturel de ce pays au niveau international d'une part, et d'autre part, à travers les festivals patrimoniaux.

3.2-Le dynamisme des artistes musiciens camerounais

Malgré que le Cameroun ne soit pas doté de studio d'enregistrement véritable, d'un palais spécialement dédié à la culture comme en Côte d'ivoire, de salle de spectacle digne de ce nom c'est-à dire des salles dotées d'un théâtre, les artistes musiciens camerounais en occurrence MANU DIBANGO, TALLA André Marie, Richard BONA, KAREYCE FOTSO, BLICK BASSY, Jean DIKOTO MANDENGUE, ESSO ESSOMBA,EKO Roosevelt, OTTOU Marcelin, Charlotte DIPANDA, X-MALEYA etc. sont parmi les artistes les plus influents du continent voire du monde. Ces artistes contribuent au rayonnement de la culture camerounaise et de l'image du Cameroun à l'international. Leurs prestations dans les plus prestigieuses salles de spectacles occidentales comme l'Olympia de Paris sont révélatrices de leurs potentialités. Leurs concerts se font le plus souvent à guichet fermé.

Ce dynamisme visible des artistes musiciens camerounais est également perceptible au sein de la société camerounaise dans la mesure où, leurs productions artistiques sont consommées allègrement par les individus. Patrick AWONDO et Jean-Marcellin MANGA rappellent dans ce sens que :

Grandement consommée dans les espaces ouverts que sont les bars et les snack-bars, dans les marchés, lors de célébrations festives et culturelles, ou encore dans divers autres sites d'écoute, elle est un langage qui se donne à voir comme un mode privilégié de célébration de la vie, même si cette célébration peut aussi se muer en critique des conditions de vie des populations, comme le montre le cas de Lapiro de Mbanga (...)227

226 Yao ASSOGBA, Jean-Marc ELA. Le sociologue et théologien africain en boubou, Paris L'Harmattan, 1999, Pp.39-40

227Patrick AWONDO, Jean-Marcellin MANGA, « Devenir rappeur engagé : l'émergence controversée du rap dans l'espace public camerounais » in Politique africaine, n° 141, 2016, p.125.

121

Le dynamisme avéré des artistes musiciens camerounais se heurte malheureusement le plus souvent à l'ingratitude des pouvoirs publics à l'endroit de ces artistes. Car à ce jour, il n'existe aucun prix de la part des pouvoirs publics pour primer et encourager les artistes musiciens camerounais par exemple. Les cérémonies de récompense qui sont organisés pour primer les meilleurs artistes musiciens ainsi que les acteurs du secteur culturel sont des initiatives privées en occurrence le Canal d'or228, les Balafon music awards qui est une cérémonie organisé par le président directeur général (Cyrille BOJIKO) de la radio Balafon qui est une radio urbaine de la ville de Douala.

Les artistes camerounais profitent souvent de ces cérémonies des awards pour faire leurs plaidoiries car, ces cérémonies bénéficient souvent de la présence des illustres personnalités du Cameroun. Ainsi, après l'obtention de son prix de meilleur artiste comédien au Canal d'or 11ème édition au palais des congrès en présence de la première dame Chantal BIYA en mai 2017, l'artiste comédien Thierry NTAMACK s'est illustré par un message fort évocateur lorsqu'il disait à l'assistance que les artistes camerounais souffrent énormément car ne bénéficiant par des subventions des pouvoirs publics d'une part, et d'autre part les artistes ne peuvent pas vivre de leurs arts car les gens n'achètent plus les CD et la contrefaçon qui a élu domicile dans les productions des artistes ainsi que l'absence de structure de gestion collective des droits d'auteurs.

La contrefaçon, la non répartition des droits d'auteurs, l'absence de salle de spectacle digne d'intérêt ne semblent pas freinés le dynamisme des artistes musiciens camerounais. Ces artistes développent des stratégies pour continuer à composer, à produire. L'une des stratégies les plus prisées par les artistes musiciens camerounais aujourd'hui est l'atalakou.229En effet, le 26 juillet 2017 lors d'une descente sur le terrain, alors que certains artistes musiciens manifestaient à l'esplanade de la primature pour la fusion absorption de la SOCAM par la CMC, il nous a été donné d'observé l'atalakou d'une artiste musicienne à un monsieur visiblement nanti. Cette artiste faisait son atalakou en ces termes : «président, papa, il n'y a

228Canal d'or est une cérémonie créée en 2004 par la chaine de télévision privée CANAL 2 Internationale pour récompenser les acteurs culturels. Depuis sa création jusqu'à ce jour, 11 édition de récompense ont déjà été organisées donc 9 éditions à Douala et 2 éditions à Yaoundé qui a été marqué par la présence de la première dame camerounaise Mme Chantal BIYA au palais des congrès de Yaoundé.

229 Dans la sphère publique camerounaise et même africaine, l'atalakou est ce moyen très prisé par certains artistes musiciens camerounais pour bénéficier de la générosité de celui à qui l'atalakou. Les termes les plus utilisés par ces artistes sont : président, papa l'argent etc. La mobilisation de ces terminologies vise à bénéficier des largesses du président, papa l'argent, papa euro, papa dollar etc. Notre expérience en tant qu'imprésario lors de certains mariages nous a permis de voir certains artistes sollicités quelques minutes pour prester devant les mariés et les convives. Lorsque cela leurs ai été donné, à travers l'atalakou, ils bénéficiaient des billets de banque de certains convives. Les mariages des personnes fortunées sont des hauts lieux où ces artistes sollicitent pour prester.

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rien pour ta fille ?met la main dans la poche, ta fille soufre ! ». Elle reçut ce jour-là un billet de 2000 FCFA de la part de son président.

Ces atalakous qui sont devenus des logiques de survie de certaines artistes ont malheureusement contribués à confiner ces artistes dans une posture de mendicité faisant ainsi de ces derniers des mendiants des billets de banque. Henri TEDONGMO TEKO observe dans ce sens que « ces logiques de survie qui ont pour conséquence principale de réduire la valorisation des arts et de la culture à une forme de chrématistique, donnent lieu à une forte émergence de l'illégalité et de l'informalité dans le secteur culturel (...) ».230

Malgré les difficultés rencontrées par ses derniers, les artistes musiciens contribuent au rayonnement de l'image de marque du Cameroun dans le monde. Certains de ces artistes ont déjà été ambassadeur des organisations internationales à l'instar de l'artiste musicienne Kareyse FOTSO qui a été ambassadrice des 8è jeux de la francophonie en Côte d'ivoire.

Parlant des artistes musiciens camerounais, le Professeur Christophe MBIDA MINDZIE, observe sans occulté les problèmes qui sévissent dans ce domaine, que le secteur musical camerounais est l'un des plus dynamiques en Afrique ce qui a contribué à l'exportation de cette musique sur le plan international. Il n'hésitera pas à dire que «les musiciens camerounais sont parmi les plus célèbres au monde, il faut aussi voir çà au lieu de voir seulement les problèmes qui structurent le quotidien de ces derniers»231.

Il n'en demeure néanmoins pas que, le dynamisme avéré des artistes musiciens camerounais reste plombé par l'absence de stratégie efficace de lutte contre la contrefaçon par les pouvoirs publics qui visiblement, est même encouragé par ces derniers dans la mesure où l'Etat, visiblement, ne joue pas franc jeu dans la lutte contre la piraterie. Le CMLCP qui est l'organe chargé de lutter contre la piraterie ne cesse de dénoncer l'absence des subventions de la part des pouvoirs publics pour permettre un meilleur déploiement sur le terrain. Plus précisément, l'artiste musicien PAPILLON par ailleurs président du CMLCP, va dans le même sens que Joël Christian NKENG A NKENG lorsqu'au cours de l`émission Entretien avec... du 22 juin 2017 sur la chaine de télévision STV présenté par Leila NGANZEU, il dit : « le comité musical de lutte contre la piraterie ne bénéficie pas de l'aide du Minac. Le Minac ne travaille pas en synergie avec le comité musical de lutte contre la piraterie pour lutter efficacement contre la piraterie ».

Parlant de la piraterie musicale, Joël Christian NKENG A NKENG observe que cette dernière est causée non seulement par la démographie galopante d'une part, mais davantage par

230 Henri TEDONGMO TEKO, Réussir l'entrepreneuriat culturel...Op. Cit, p.20.

231 Entretien le 11/09/2017 à 11h40 au MINAC

123

l'anomie c'est-à dire l'absence d'une loi permettant de lutter efficacement contre ce phénomène

qui plombe d'ailleurs le dynamisme des artistes. Ce faisant plus clair, il soutient que : L'Etat semble avoir abandonné la lutte contre la piraterie aux mains des artistes eux-mêmes alors que celle-ci ne doit pas leur incomber totalement. Ce laxisme dénote une sorte d'encouragement tacite de la part des pouvoirs publics et la piraterie serait devenue une sorte d'exutoire face à une crise à laquelle ces autorités n'ont aucune solution pertinente à proposer.232

Ce point de vue est corroboré par l'artiste musicien ZIZARET INTERNATIONAL

lorsqu'il révèle que la piraterie est encouragée par l'Etat car, ce dernier refuse de mettre à la

disposition des artistes musiciens en occurrence des moyens de répression nécessaire pour

lutter efficacement contre cette gangrène. C'est fort opportunément qu'il soutient que: Si l'Etat met à la disposition des artistes une loi les autorisant à détruire toutes les oeuvres contrefaites qu'ils trouveront dans la rue, d'ici 24 heures, tous les CD contrefaits seront détruits. Il suffit que l'Etat donne l'ordre aux artistes et on demande aux artistes, agissons ! Douala, Ngaoundéré, Buea etc. les milliers de CD seront écrasés.233

Au regard de tous ces maux qui plombent de manière considérable le dynamisme des artistes musiciens camerounais, le dynamisme de la culture camerounaise s'observe également lors des festivals patrimoniaux.

4-Les festivals patrimoniaux ou la valorisation et la promotion de la culture par le bas

Organisés le plus souvent sans aucune subvention de la part des pouvoirs publics, les festivals patrimoniaux constituent l'une des principales vitrines du dynamisme et de l'effervescence de la culture camerounaise. Ces festivals constituent des hauts lieux d'expression de la culturalité, de l'interculturalité et de multiculturalité des peuples. A ce sujet, Sali BABANI nous fait observé que :

Depuis la décennie 1990, l'on note que tous les arts camerounais sans exclusive,

se mettent en valeur par l'organisation des festivals et journées culturels à travers

232Joël Christian NKENG A NKENG, «Piraterie ou contrefaçon des oeuvres musicales : facteurs explicatives, modes opératoires et impact sur les artistes interprètes à Yaoundé », mémoire de sociologie de master 2, Université de Yaoundé 1, 2009/2010, p.134.

233Entretien mené le 26/07/2017 à 13h30 à l'esplanade de la Primature

124

lesquels le talent et l'expression artistiques démontrent le niveau de créativité et

d'ingéniosité des acteurs.234

Ces festivals témoignent à suffisance la vitalité, l'effervescence et le dynamisme de la culture camerounaise dans un contexte où, les priorités politiques sont beaucoup plus axées sur le développement des infrastructures ce qui s'observe avec l'émergence des barrages hydroélectriques, des ports etc. Chaque aire culturelle, nous dit Sali BABANI a réveillé son héritage culturel ce qui s'observe à travers les festivals comme le Ngouon chez les bamouns, le Ngondo chez les douala etc. qui entraine la participation des individus venus d'horizons divers comme nous le verrons dans les lignes suivantes.

4.1-Le festival Ngouon235

Dans son acception la plus simple, le Ngouon dans le monde des enfants chez les bamouns, renvoie à un insecte au vol lourd et bruyant plus connu sous le nom kakandù qui annonce la saison sèche. A l'origine, le Ngouon était une fête qui marquait la fin des récoltes. Organisé pour la première fois par le fondateur du royaume Bamum NCHARE Yen en 1395 et interdit sous le règne du Roi NJOYA en 1924 par l'administration française pour des raisons politiques, le Ngouon reprend droit de cité en 1993 soit un an après l'accession au trône du Roi Ibrahim MBOMBO NJOYA, 19ème roi de la dynastie Bamum. Il est également important de souligner que le Ngouon se célèbre actuellement une fois tous les deux ans régulièrement au mois de décembre. A chaque édition du Ngondo, un colloque y est organisé.

Le Ngouon est également une société secrète qui a pour mission de questionner la gestion du royaume par le monarque. Mais, il n'en demeure pas moins que, dans son caractère polysémique, le ngouon revêt un caractère mystique, festif et économique. Le caractère mystique de ce festival réside dans cet adage ù fùa let ngouon nè me qui veux tout simplement dire dans sa traduction littérale m'as-tu appelé (invité) pour me montrer le Ngouon ? En effet, cet adage est utilisé singulièrement et régulièrement par un Bamoun pour marquer son ébahissement face à une situation ou un comportement inhabituel. Ce festival serait donc de ce point de vue quelque chose d'inhabituelle voire quelque chose qu'on ne dévoile pas n'importe comment, n'importe quand, n'importe où et devant n'importe qui. Et par conséquent, on ne convie donc pas un étranger pour lui montrer le Ngouon surtout quand il n'est pas initié.

234Sali BABANI, « L'avènement du pluralisme politique et la réappropriation ethnique et étatique du patrimoine culturel au Cameroun : 1992- 2007 » in Elizabeth TAMAJONG (sous dir) Les mutations en Afrique, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2009, Pp.141-157.

235Nous tirons l'essentiel des informations sur le Ngouon à partir de notre participation aux éditions du Ngouon de 2004, 2006, 2008, 2010 et de 2016 ainsi qu'à travers Le journal magazine des grandes journées du peuple Bamum, Numéro spécial : Restauration du Ngouon, Juillet-Août 1993.

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Le caractère mystique du Ngouon va prendre un coup lorsque le Roi NJIMOLUH NJOYA Seydou 18e roi de la dynastie, en 1976, décide de montrer publiquement l'un des objets sacrés du Ngouon à quelques une de ses épouses. Il est important de signaler qu'avant cette date, les femmes et les enfants s'enfermaient au passage du Ngouon.

Le caractère festif de ce festival est que, jusqu'à ce jour, le Ngouon demeure la plus grande fête traditionnelle et culturelle du royaume Bamum. C'est le plus grand festival populaire du royaume bamoun dans la mesure où le Ngouon regroupe des individus d'horizons diverses. Ainsi, l'image suivante est assez illustrative du caractère populaire de ce festival patrimonial.

Photo prise le 11 décembre 2016 à Foumban lors de la cérémonie du sho'o me lùèt sur la rue Porte d'entrée-cour d'apparat

Source : Enquête de terrain

Cette photo, avec des individus parés de leurs tenues traditionnelles et d'arbre de paix filmée lors du rituel sho'o me lùèt ou fit nkindi, qui marque en fait le retour victorieux du

126

peuple bamum lors des guerres de conquête terriennes menées par le roi MBOUOMBOUO 11èmemonarque de la dynastie bamum, témoigne de l'effervescence populaire qu'il y a autour du festival Ngouon.

Le caractère économique de ce festival réside dans le fait que le Ngouon est devenu une foire économique au regard des retombées économiques que bénéficient en occurrence les propriétaires d'hôtels, les agences de transport en commun etc. En effet, lors de ce festival, les frais de transport par exemple, quittant des deux plus grandes métropoles du Cameroun (Douala et Yaoundé) pour rallier Foumban sont souvent multipliés par deux. C'était le cas lors de l'édition 2016 où le trajet Yaoundé-Foumban et Douala-Foumban était passé de 3500 FCFA à 7000 FCFA. C'est sans doute la raison pour laquelle en 1993 au moment de son réinstauration Le journal magazine des grandes journées du peuple Bamum, considérait le Ngouon comme le rendez-vous des 4F (Foumban en Fête, en Foire et en Folie. D'ailleurs, le thème de la 546e édition de l'édition 2016 qui s'est ténue du 04 au 11 Décembre était fort évocateur de la dimension économique de ce festival. Ce thème, intitulé Ngouon : levier de consolidation de paix et du développement est assez révélateur du fait que ce festival est devenu au fil du temps, un instrument de promotion du développement socio-économique du royaume Bamoun.

Lors d'une discussion avec le Dr. Christian NDOMBI par ailleurs chef du secteur culture du bureau régional multisectoriel de l'Unesco pour l'Afrique centrale après le colloque sur le Ngouon édition 2016, il nous faisait comprendre avec beaucoup d'amertume qu'un festival aussi important que le Ngouon n'est pas inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Cet état de chose est dû au faite que le Ngouon ne fait pas encore parti de la liste du patrimoine du Cameroun. C'est dans ce sens qu'en date du 22 février 2018, le roi des bamouns à signer une décision royale portant création de la Commission locale de supervision de la préparation du dossier du Ngouon pour son inscription sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l'humanité.

4.2-Le festival Ngondo236

Le Ngondo est une fête culturelle, traditionnelle et rituelle de la tribu Douala et du peuple grand Sawa qui se célèbre tous les premiers samedis du mois de décembre de chaque année sur les berges du fleuve Wouri. Il a été célébré pour la première fois en 1830. Il réunit plusieurs cantons en occurrence le canton Akwa, canton Déido etc. Le Ngondo a pour objectif de réunir les peuples côtiers une fois tous les douze mois.

236 L'essentiel des informations sur le ngondo nous vient du site : https://fr.wikipedia.org./w/index.php ?title=Ngondo_(fête)&oldid=132548142.

127

Le caractère culturel de ce festival est visible à travers les courses de pirogue sur le fleuve Wouri, le concours de cuisine, les luttes traditionnelles sur les berges du Wouri, l'organisation des colloques ainsi que l'élection du miss Ngondo, l'organisation des concerts de musique etc.

Le caractère rituel de ce festival est perceptible à travers les danses rituelles, l'immersion dans le fleuve Wouri pour ressortir avec le message des ancêtres qui est déterminant pour le peuple. L'image suivante montrant un homme sur une pirogue avec un panier en rotin dans lequel se trouve le message des ancêtres est assez illustratif du caractère mystique voire rituel de ce festival.

Photo 2 : un homme sur la pirogue sur le fleuve Wouri ramenant le message des ancêtres

Source : Happi MBIELE

Au regard de ce qui précède, nous nous rendons à l'évidence compte que malgré le fait que le secteur culturel ne soit par une priorité des pouvoirs publics camerounais, les communautés locales en occurrence les Bamouns et les Sawa s'attachent à organiser parfois sans aucune subvention des pouvoirs publics, les festivals qui constituent une vitrine pour la promotion de leurs cultures. Ces festivals dont « les expressions artistiques, musique, danse et chant, constituent une indissoluble trilogie, étroitement liée à la vie sociale »237constituent les marques et les marqueurs d'identités culturelles de ces peuples. Parlant de ses festivals, Sali BABANI relève pertinemment que : « le ngondo dans l'aire culturelle Sawa, le Ngouon (à Foumban) et le Medumba (à Banganté), la semaine culturelle de Garoua [...] et bien d'autres, sont la manifestation

237 Adala HERMENEGILDO, L'Adamaoua trésors culturels et patrimoniaux : peuples, traditions et identités culturelles. Tome 1, Paris L'Harmattan, 2015, p.35.

128

de la volonté des communautés, de faire revivre des trésors traditionnels ancestraux

africains ».238

Ces festivals se tiennent à des calendriers précis. Ils ne sont pas comme le FENAC239donc le calendrier prévoit qu'il se tienne une fois tous les deux ans mais qui était entré en hibernation en 2008 avant d'être relancé en novembre 2016 par le ministre des arts de la culture Narcisse MOUELLE KOMBI.

La valorisation et l'organisation de ces festivals se fait par le bas c'est-à-dire, par les acteurs voire détenteurs même de ces festivals patrimoniaux parfois sans aucun parrainage des acteurs institutionnels. Le secteur culturel, malgré quelques traits de dynamisme qui y scintillent, demeure un secteur en proie à la précarité, à l'indigence. Les pouvoirs publics ont visiblement abandonnés ce secteur entre les mains des artistes et entre les mains des communautés locales. C'est un secteur qui reste marginalisé dans les politiques de développement comme nous l'avons précédemment indiqué.

La culture au Cameroun est en proie à la folklorisation au point qu'on y pense seulement à elle que pour égayer, divertir les masses populaires lors d'un événement. Les propos de Richard Laurent OMGBA sont révélateurs des logiques d'action qui sont produites autour de ce secteur de la vie sociale lorsqu'il soulève que :

Dans nos régions, préfectures, arrondissements et villages, la culture n'est convoquée que lorsqu'il s'agit de divertir, d'égayer, de distraire. Elle est faite pour amuser et aider à dissiper les soucis. C'est cette culture qu'affectionnent les visiteurs, les touristes, les hommes politiques à l'occasion des tournées et des grandes fêtes.240

Dans un contexte économique morose, marqué par la baisse drastique du baril de pétrole,

les matières premières qui se raréfient, il est juste regrettable de constater qu'un secteur plein de potentialités comme le secteur culturel, soit relégué au rang d'un secteur qui n'est convoqué que pour le divertissement, bref pour amuser les individus lors des événements politico-économiques comme les meetings politiques, les poses de première pierre des barrages, l'accueil d'une personnalité étrangère ou locale etc. La culture de cette Afrique en miniature est

238Sali BABANI, Op. Cit, p.144

239Le FENAC a été institutionnalisé à la faveur du décret n° 91/193 du 08 avril 1991 signé par le président Paul BIYA. Le FENAC a plusieurs volets notamment celui de célébrer la culture camerounaise ainsi que les acteurs culturels, l'autre volet est intellectuel qui est visible via l'organisation d'un colloque qui s'articule autour d'une thématique sur la culture camerounaise où sortent les idées susceptibles d'inspirer les décideurs. Depuis son institutionnalisation en 1991 plusieurs éditions du FENAC ont déjà été organisées notamment à Douala en 1994, Ngaoundéré en 1996, Ebolowa en 1998, Limbé en 2000, Bafoussam en 2002, Yaoundé en 2016.

240 Richard Laurent OMBGA, Op. Cit, p.5.

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l'ombre d'elle-même. Les artistes camerounais vivent dans la précarité, dans l'indigence, dans l'indolence car il n'existe à ce jour aucun statut pour ces derniers.

L'observation du secteur culturel au Cameroun nous a permis d'observer que, dans un contexte marqué par les ambitions affirmées des pouvoirs publics de faire du Cameroun un pays émergent dans un horizon déterminé, le secteur culturel quant à lui, est en plein dans l'imergence. L'imergence de ce secteur est perceptible à travers un certain nombre d'indicateur comme l'absence d'une orientation claire en matière de promotion des arts et de la culture, l'inexistence des salles de spectacles, l'absence d'une loi forte pour lutter contre la piraterie, la contrefaçon voire le braconnage des oeuvres de l'esprit, le jeu trouble des pouvoirs publics en ce qui concerne les organismes de gestion des droits d'auteurs et les droits voisins de la catégorie B art musical, l'inexistence d'un statut clair pour les artistes, le délabrement avancé des sites et monuments historique, l'absence d'un calendrier des activités culturelles et artistiques du Cameroun etc.

L'artiste musicien Ledoux Marcellin observe, à propos de la catégorie B art musical, que ce secteur se porte mal à cause de l'inexistence d'un organe de gestion collective des droits d'auteurs. Il soutient pertinemment que :

La culture a beaucoup de problème. Déjà parce que l'organe de gestion des droits

d'auteurs ne fonctionne pas. Il ne fonctionne pas et du coup ça pose un grand problème ce qui a d'ailleurs tué l'industrie musicale. Cà même éviter les mécènes de mettre beaucoup d'argent dans l'industrie musicale.241

Au regard de ce qui précède, l'on se rend davantage compte que plusieurs perceptions de

la culture se dégage à la lumière des données que nous avons obtenues dans le cadre de cette recherche.

5- La perception de la culture au Cameroun

Les données issues de l'observation documentaire et des entrevues menés dans le cadre de cette recherche, nous renseigne à suffire que la perception voire la représentation qu'un individu est tributaire de la connaissance que ce dernier a de la culture. Ainsi, lors de nos descentes sur le terrain, nous avons observés que la promotion et la valorisation du secteur culturel nécessite également la formation d'un capital humain.

241Entretien mené le 26 juillet 2017 à Yaoundé.

5.1) Système éducatif, compétence professionnelle et perception de la culture

Ainsi, alors que nous avons adressé une demande d'entretien au Directeur de la promotion du tourisme culturel au MINTOUL, ce dernier nous enverra plutôt chez madame X.242Durant notre entretien avec madame X responsable au dit ministère chargé de la promotion du tourisme culturel, très peu de réponses étaient données à nos interrogations. Durant l'entretien, elle n'a cessé de nous dire que : « je ne suis qu'une professeure de mathématique et si vous avez besoin d'en savoir plus sur le tourisme culturel, allez au ministère des arts et de la culture ».243De cette attitude, il se dégage que sa formation de professeure de mathématique conditionne sa perception de la culture car n'ayant pas de connaissance en matière de promotion du tourisme culturel.

La question de la perception de la culture est également tributaire du type d'éducation que les individus ont reçu. C'est dans ce sens que dans un entretien avec le secrétaire administratif et technique du CASSPC au MINAC nous faisait observé que le système éducatif n'a pas tenu compte des réalités sociales et culturelles. Ce système d'après ce dernier, ne favorise pas une meilleure perception de la culture par les individus dans la mesure où il existe peu de structure de socialisation à l'art et à la culture au Cameroun. Pour sa part,

Tous les discours que nous tenons sur la culture comme vecteur de l'émergence ne seront que des discours vains parce qu'il existe peu de structure de socialisation à l'art et à la culture au Cameroun et par conséquent, peu de personnes ont des connaissances en matière d'art et à la culture au Cameroun. Alors, là il y'a un problème de fond et je ne vois pas comment dans ces conditions comment la culture pourra aboutir à l'émergence en 2035.244

5.2) La folklorisation de la culture

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242Nous avons utilisé ce code pour dissimuler l'identité de notre interviewé pour des raisons de confidentialités.

243 Entretien mené le 14 juin 2017 à Yaoundé.

244 Entretien mené le 03 octobre 2017 à Yaoundé.

CONCLUSION GENERALE

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La recherche présentée dans le cadre de cette étude portant sur la sociologie de l'analyse des politiques publiques avait pour thématique centrale la place de la politique culturelle dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 : contribution à une analyse des politiques publiques. À tout prendre, le rappel des grandes lignes de cette étude s'impose afin de mieux expliciter les éléments développés dans les deux parties de cette recherche.

Cette étude a pour objet de recherche l'appréciation de la place de la PC dans le projet d'émergence à l'horizon 2035 et est centrée autour d'une question de recherche principale, formulée comme suit: comment la PC en tant qu'outil de développement et de bien-être est-elle prise en compte dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035? A la périphérie de cette question de recherche principale, se sont greffées deux questions de recherche subsidiaires afin de mieux comprendre le peu d'intérêt accordé au secteur culturel dans les politiques de développement du Cameroun en général et singulièrement dans le projet d'émergence. C'est dans ce sens que les interrogations subsidiaires de cette recherche étaient formulées en ces termes :

? quelles sont les logiques d'action et les rationalités pouvant rendre compte de la non prise

en compte suffisante de la PC dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 ?

? que gagnerait le Cameroun à intégrer une PC dans son projet d'émergence du Cameroun ?

Les principales interrogations qui étaient au coeur de cette recherche se sont adossées sur des hypothèses qui ont été élaborées de manière suivante. En ce qui concerne l'hypothèse principale de notre réflexion, elle postulait que le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 ne prend pas en compte suffisamment la PC. Car, au regard des objectifs visés par ce document, il est clairement établi que l'émergence se fera sans le secteur culturel. Ainsi, après la délimitation de l'hypothèse de recherche principale, notre recherche a également été structurée autour de deux hypothèses subsidiaires à savoir :

? la faible prise en compte de la PC dans le projet d'émergence du Cameroun s'explique par la faible connaissance de l'apport de la culture à l'émergence des nations.

? à travers une bonne élaboration et une prise en compte effective de la PC, le Cameroun

aura un projet d'émergence davantage efficace pouvant conduire plus vite à son émergence.

Pour faire la preuve de notre investigation, notre recherche s'est adossée sur trois orientations théoriques à savoir une théorie de grande portée (la théorie de l'action sociale) et deux théories de moyenne portée en occurrence la théorie de la rationalité limitée et la théorie

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néo-institutionnaliste. Ce triptyque théorique a été mobilisé parce que « le sociologue ne crée pas des modèles arbitraires de conduite ni ne peut découvrir d'explication totale de la vie et du destin des sociétés. Il recourt à des grilles de lectures, adaptées aux problèmes étudiés ».245

De l'opérationnalisation de la théorie de la rationalité limitée et la théorie néo-institutionnaliste, il ressort que le projet d'émergence est élaboré par des acteurs à la rationalité limitée due à l'influence subtile des pouvoirs publics dans le cycle de conception et d'élaboration de la politique d'émergence. Ces grilles de lecture nous ont conduit à observer que le secteur culturel, bien qu'étant une filière importante de la croissance, n'est pas suffisamment pris en compte dans les quatre politiques de développement implémentées au Cameroun depuis son accession à l'autonomie interne en général et dans le projet d'émergence en particulier. C'est ainsi que nous nous sommes rendu compte la culture au Cameroun oscille entre la marginalité et la marginalisation.

La marginalité de la culture au Cameroun est perceptible dans la mesure où, cette dernière n'est convoquée que pour divertir, pour égayer, bref pour amuser les individus au cours des cérémonies protocolaires, des cérémonies festives. C'est-à-dire, elle est toujours en marge des choses sérieuses et n'est convoquée que pour amuser, égayer et divertir. La marginalisation de ce secteur s'opère lors de l'élaboration et de la conception des politiques de développement qui sont orientées par le gouvernement. Malgré cette tradition de marginalisation du secteur culturel, notre étude nous a conduit à observer que certaines initiatives du monde d'en bas (détenteurs de la culture, les artistes musiciens etc.) sont prises pour promouvoir et valoriser la culture au sein de notre environnement social. Au regard des ramifications épistémologiques de notre objet d'étude, le recours à la multidisciplinarité nous a conduit à faire une conjonction de plusieurs disciplines scientifiques afin de mieux cerner notre objet dans toutes ses dimensions, dans toute sa multiplicité.

Sur la base d'une enquête qualitative réalisée auprès des responsables chargés de l'élaboration et de la mise en oeuvre du projet d'émergence, trois techniques de collecte de donnée ont été mobilisées dans le cadre de la production des données. C'est dans ce sens que l'observation directe libre et l'entretien semi-directif nous ont contraint à une descente sur le terrain. L'observation documentaire nous a permis d'accéder aux différentes politiques de développement du Cameroun, les rapports, les lois ainsi qu'à toutes les ressources documentaires pouvant rendre compte de l'apport significatif de la culture dans les initiatives visant à l'amélioration des conditions de vie des individus. Cette méthode nous a également

245Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK, Introduction...Op. Cit, p.45.

conduit à une immersion au coeur du concept d'émergence. Un concept qui a vue développer autour de lui une série de rhétoriques explosives et ronflantes, un concept qui alimente depuis 2009 toutes les conversations sociales, politico-économiques au sein de notre environnement social. Cette technique constitue également l'une des motivations qui nous a conduit à axer notre réflexion sur une telle problématique car, c'est à travers la lecture du projet d'émergence, que nous avons orienté notre recherche sur cette problématique.

La conjonction de l'observation documentaire et les entretiens nous a conduit à l'observation selon laquelle le projet d'émergence du Cameroun ne prend pas suffisamment en compte la PC en tant qu'outil de développement et de bien-être ce qui nous amène à réaffirmer l'actualité du constat fait par Henri TEDONGMO TEKO selon lequel, « le manque d'intérêt accordé au secteur culturel et artistique par les pouvoirs publics dans le Document de stratégie pour la croissance et l'emploi (DSCE), suppose que jusqu'à 2035, ce secteur sera condamné à rester très loin des préoccupations des décideurs ».246 Cet état de faite nous renseigne à suffire que le secteur culturel et artistique camerounais jusqu'en 2035, restera toujours confiné dans la marginalisation, dans la folklorisation et dans le bricolage. Cependant, une telle affirmation pourrait paraitre laudatrice voire prétentieuse à cause de la carence d'explicitation des grands moments autour duquel cette étude a été bâti.

La partie première de notre recherche, qui s'articule autour de la politique d'émergence et de la PC, est structuré autour de deux principaux chapitres. Dans le chapitre premier, nous avons passé au scanner le projet d'émergence du Cameroun à travers une réflexion en profondeur de ce concept. Cette réflexion intègre entre autre l'origine du concept d'émergence, les pays africains à l'épreuve des politiques d'émergence, la sociohistoire du projet d'émergence du Cameroun, les fondements de ce projet ainsi que ses grandes orientations, la compréhension de cette vision et de son calendrier et ce qui nous est apparu comme limites de ce projet. La réflexion menée dans le cadre ce chapitre nous a amené à observer que l'émergence est un concept extrêmement ambigu marqué par une exceptionnelle fluidité sémantique et que le prendre pour en faire une vision pose deux problèmes fondamentaux en réalité.

Premièrement, l'émergence est le fruit d'une construction qui repose sur un certain nombre d'exigences comme l'atteinte d'un taux de croissance à deux chiffres. Elle n'est pas le fruit d'une incantation des pouvoirs publics car, l'émergence ne se décrète pas, il se construit. Deuxièmement, les Etats africains apparaissent comme des amateurs de mode. Lorsque les

246 Henri TEDONGMO TEKO, Réussir l'entrepreneuriat...Op. Cit, p.23.

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nations unies parlaient des OMD dans les années 2000, tous les pays africains quasiment en parlaient également et lorsque ces dernières parlaient des ODD, tous les états africains s'étaient également embarqués dans cette dynamique. Ainsi, le concept d'émergence est à l'image des slogans comme ceux de santé pour tous en l'an 2000 etc. L'émergence devenant ainsi, la voix par laquelle viendra le salut de la population camerounaise. Elle mue dès lors en ce que Jacques CHATUE qualifie si pertinemment d'une imposture théorique et c'est dans cette perspective que l'atteinte de ce cap se mue en un mirage, une illusion au regard de la modicité des moyens et des stratégies adoptées dans la mesure où, « le mythe du résultat peut induire une certaine rigueur, mais seulement une rigueur adialectique et mortifère ».247

La réflexion sur l'émergence nous a permis également de nous rendre compte qu'il existe des préalables à mobiliser pour parler d'émergence. En nous inscrivant dans la même dynamique que l'économiste Rostow WALT WHITMAN lorsqu'il parle des étapes par lesquelles passent tous les pays pour atteindre le développement, l'on se rendra à l'évidence compte que le Cameroun est loin de réunir les conditionnalités préalables à l'atteinte de l'émergence. En nous appuyant sur les cinq étapes de cet auteur, l'on se rend compte que nous ne sommes qu'à la première étape c'est-à-dire, à l'étape de la société traditionnelle alors que l'émergence dans sa théorie, renvoie à la troisième étape c'est-à-dire l'étape du décollage. Ce décollage d'après Rostow WALT WHITMAN requiert trois conditionnalités à savoir :

Une hausse du taux d'investissements productifs passant par exemple de 15% à

30% du PIB, le développement d'un ou de plusieurs secteurs manufacturiers et l'existence ou l'émergence rapide d'un système politique, social et institutionnel qui, en exploitant finement l'expansion initiale dans le secteur moderne et les potentiels effets externes économiques du décollage, arrive à donner à la croissance un caractère continu.248

Dans le chapitre deuxième de notre étude, nous nous intéressons à la notion de culture et

de la PC à travers l'analyse des interactions qu'il y'a entre ces deux notions. Il s'agissait donc de questionner l'origine de la notion de culture, ses différentes fonctions, la conception de ce concept dans le champ de la rationalité sociologique, les caractéristiques de la culture ainsi que les différentes approches de compréhension de la culture sous le prisme de la sociologie ; la notion de PC ; le processus d'élaboration d'une PC ainsi que ses objectifs ; les modèles de PC ainsi que les visés des PC.

247Jacques CHATUE, Epistémologie et sciences de développement : questionnements sur une imposture théorique, Yaoundé, éditions CLE, 2014, p, 92.

248Repris par Moubarack LO « l'émergence...Op. Cit

Comme la notion d'émergence, la culture est également une notion ambigüe et polysémique. Son caractère polysémique est conséquentiel à la définition que chaque discipline scientifique donne à cette notion. C'est dans ce que nous pouvons nuancer notre propos à la suite d'Henri TEDONGMO TEKO lorsqu'il observe que : « l'analyse de la notion de culture révèle la diversité et la complexité d'une notion qui ne peut être saisie que par un processus définitionnel qui explore les acceptions dans ce qu'elles ont d'idéologies et d'affiliations disciplinaires ».249

L'analyse de la notion de PC dans ce chapitre nous a permis de nous rendre compte que, bien qu'ayant des traits en commun, il n'existe pas de PC standard, c'est-à-dire une PC qui serait à l'image d'une clé de voute qui ouvrirait toutes les serrures. Il existe cependant des modèles de PC auxquelles les autres Etats se sont inspirés pour élaborer la leur. L'énumération de typologies de PC nous a également permis d'observer que chaque PC s'illustre par sa singularité, par sa typicité. La PC, dans un contexte donné est le plus souvent le corolaire d'une ambition de valorisation de ses potentialités artistiques et culturelles à travers le développement infrastructurel, social, économique, etc.

Notre étude sur l'apport de la culture à l'émergence nous a révéler que cette dernière (la culture) est une composante essentielle de l'émergence. C'est ainsi qu'au chapitre troisième de cette investigation structurée autour de la présentation de la PC en tant que vecteur d'émergence des sociétés, nous nous sommes attelés à souligner cette monstration. Ce chapitre s'articulait autour de la notion d'ICs à travers sa genèse et ces différentes composantes, la PC comme élément conséquentiel des ICs, la PC et l'émergence des Etats sur le plan socio-économique. C'est ainsi qu'il est devenu de nos jours indéniable que le secteur culturel fait incontestablement partie des nouvelles filières de la croissance. L'économie nigériane est l'une des plus attrayantes aujourd'hui grâce au secteur culturel en général et singulièrement à son industrie cinématographique.250

Face à la raréfaction des matières premières doublée de la baisse drastique du prix de baril de pétrole qui constituait naguère le poumon essentiel de son économie, le gouvernement nigérian s'est lancé dans la diversification de son économie et à réussir à faire de sa culture un pilier majeur de son économie. Ce chapitre nous a permis de nous rendre compte que les ICs sont génératrices d'emplois, ce qui favorise la réduction substantielle de la pauvreté. Elles contribuent aussi à la croissance. La contribution des ICs à l'économie mondiale telle que nous

249Henri TEDONGMO TEKO, Op. Cit, p.33.

250 Nollywood est la deuxième industrie de cinéma dans le monde derrière l'industrie cinématographique américaine Hollywood.

l'avons vu dans le cadre de ce chapitre est importante au regard de son apport au PIB. De cette analyse, est ressortir le lien entre les ICs et la PC. Il existe de ce fait un lien de consubstantialité entre l'éclosion des ICs et la PC car, c'est celle-ci qui oriente, encadre et permet le développement des ICs ; ce qui nous a conduit à souligner que les ICs sont la propédeutique de la PC. Les ICs découlent de l'implémentation de la PC. Dans toutes les nations où la contribution des ICs est importante, l'on observe que ces nations sont dotées d'une PC clairement pensée.

Ainsi, la culture sous l'impulsion de la PC contribue au rayonnement international d'un pays, sur le plan social, transcende les clivages, favorise et oeuvre pour le vivre ensemble car elle n'a pas de langage spécifique mais plutôt un langage universel. Elle unie les peuples, contribue au renversement de l'échelle de valeurs. Dans un entretien donné à Christian MALARD et Florence KLEIN-BOURDON, l'ancien ministre sénégalais de la culture YOUSSOU NDOUR, par ailleurs artiste musicien, soutenait fort pertinemment que :

Je pense qu'à part quelques pays qui ont du pétrole et du diamant, pour le reste,

c'est la culture. Si on la valorise, cela peut apporter énormément de devises, de

respect et de rayonnement. Le problème aujourd'hui, c'est sa valorisation. On a

une culture assez riche, diverse, énorme et inexploité : si elle est valorisée, elle

peut apporter énormément à l'Afrique économiquement.251

La réflexion menée au chapitre quatrième et le dernier de cette étude, s'est articulée

autour de la politique sans culture et de la culture sans politique au Cameroun. Cette section de notre étude a eu pour ambition d'emblée de mener une réflexion sur les quatre politiques de développement implémentées au Cameroun depuis 1960. L'analyse séquentielle de ces politiques nous a amené à nous rendre compte que, toutes ses politiques ont une spécificité qui est celle du peu d'intérêt accordée à la culture en tant qu'un outil de développement et de bien-être. Il était subdivisé en plusieurs sous sections entre autre, politiques sans culture au Cameroun articulé autour des plans quinquennaux, le PAS, le DSRP et le DSCE. La culture comme une oubliée des politiques de développement dont la faible dotation budgétaire du MINAC en est une illustration et enfin la culture sans politique au Cameroun avait comme baromètre les festivals patrimoniaux, le dynamisme des artistes musiciens camerounais.

De l'analyse des politiques de développement implémentées au Cameroun, en est ressortie une observation fondamentale. Cet examen nous amène à nous rendre compte que le secteur culturel ne constitue pas une priorité pour toutes ces politiques. Les priorités de ces

251Christian MALARD et Florence KLEIN-BOURDON, Ibidem

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politiques sont orientées vers le développement des infrastructures qui demeurent jusqu'à ce jour insuffisantes voire inexistantes dans certaines parties du Cameroun au point où, pour rallier Kribi quittant Ebolowa en saison de pluvieuse par exemple, les usagers sont contraints de passer par la région du Centre (Yaoundé) et le Littoral (Edéa) avant de rallier Kribi qui est dans la région du Sud.

Dans un contexte marqué par la raréfaction des ressources naturelles et la baisse drastique du prix de baril de pétrole, et dans un contexte mondialisé où la culture fait partie des nouvelles filières de croissance, le projet d'émergence du Cameroun qui est une politique d'orientation globale, n'a pas fait l'économie de la marginalisation de ce secteur dont les dividendes économiques dans les pays comme le Nigéria, les Etats, l'Inde sont extrêmement énormes.

Cette tradition de marginalisation de la culture dans les politiques de développement nous a permis de comprendre que, visiblement, malgré l'immensité des potentialités artistiques et culturelles du Cameroun, les pouvoirs publics n'ont pas encore pris conscience que la culture peut être une industrie importante pouvant conduire le pays à son émergence. La marginalisation de ce secteur est perceptible également sur la dotation budgétaire du MINAC qui a, quasiment depuis de nombreuse année, la plus petite dotation budgétaire. Malgré cette tradition de marginalisation du secteur culturel, il nous a été donné de nous rendre compte qu'il existe une culture au Cameroun dont les festivals patrimoniaux et le dynamisme des artistes musiciens en sont les indicateurs.

La contrefaçon et les conflits observés au sein des structures de gestion collective des droits d'auteurs et des droits voisins depuis quelques décennies jusqu'à nos jours qui « sont, en effet, des formes de rémunération des créateurs et des investisseurs dans l'ensemble des filières culturelles (musique, cinéma, presse édition de logiciel, etc.)252, certains artistes comme nous l'avons vus, produisent des oeuvres de qualité internationalement appréciable et contribue au rayonnement international du Cameroun.

Au regard de ce qui précède, il convient également de souligner que la réalisation de cette étude n'a pas été sans difficulté. Les difficultés les plus notoires ont été celles relatives à la réticence de nos répondants, le refus de certains à se prêter aux entretiens, la méfiance exprimée à l'endroit de notre sujet, le refus catégorique de certains informateurs de nous laisser enregistrer l'entretien. Pour pallier à ces difficultés, nous avons fait preuve d'imagination sociologique qui devrait caractériser tous les sociologues d'après WRIGHT MILL.

252Préface de Jean TABI MANGA in Christophe SEUNA, Droit d'auteur et droits voisins au Cameroun : la loi du 19 décembre 2000 et son décret d'application, Yaoundé, SOGESIC, 2008, p.5.

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Nous n'avons pas la prétention d'avoir épuisé tous les contours de notre objet de recherche dans le cadre de cette étude. A la suite de cette étude, les recherches futures portant sur la place du secteur culturel dans les politiques de développement en Afrique pourraient permettre une saisie en profondeur de la contribution de ce secteur à la croissance afin de mieux enrichir notre objet de recherche. Ces recherches pourraient s'articuler autour de: politique culturelle et développement de l'Afrique: approche comparée du Cameroun et du Maroc, politique culturelle et développement des villes au Cameroun: cas de Foumban, la place de la politique culturelle dans les projets de société des parties politiques au Cameroun etc.

Notre recherche sur l'appréciation de la place de la PC dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035, nous a permis de voir d'une part qu'il n'existe pas une PC clairement pensée pour promouvoir et valoriser les potentialités artistiques et culturelle et, d'autre part, que la culture n'est pas suffisamment prise en compte dans les politiques de développement du Cameroun depuis les indépendances jusqu'à ce jour. Cette investigation scientifique n'était donc enfin qu'un modeste regard sur une thématique actuelle (l'émergence), sur un secteur porteur (secteur culturel), mais peu valorisé dans un environnement mondial marqué par un constat croissant de la contribution pertinente du secteur culturel dans la réussite du projet d'émergence des nations.

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? Autres documents

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-Conférence de Stockholm du 30 mars au 2 avril 1998 : plan d'action sur les politiques culturelles pour le développement.

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-Décret n° 2001/956/PM du 1er novembre 2001, fixant les modalités d'application de la loi du 19 décembre 2000.

-Décret n° 92/245 du 2 décembre 1992 portant création du ministère de la culture.

-Décret no 2012/381 du 14 septembre 2012 portant organisation du ministère des arts et de la culture.

-Discours de Mahama SAWADOGO en 2011 lors du débat sur la culture et le développement de la CEEAC qui avait pour thème : «la culture comme vecteur de développement »

-Discours inaugural, colloque Culture et Développement organisé à l'occasion du 70ème anniversaire de SENGHOR, Dakar, 4-8 octobre 1976.

-Discours du secrétaire général de la Francophonie Abdou Diouf le 3 avril 2009 à Bruxelles lors du colloque international culture et création, facteurs de développement.

-KOUENA MABIKA Louis, « La place et le rôle des oeuvres d'art dans le développement africain : cas du Congo-Brazzaville », Communication à la 11e Assemblée Générale du CODESRIA (Décembre 2005, Maputo).

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-Le Magazine Le petit futé Cameroun 2013-2014, Paris, 6e édition.

-Le journal magazine des grandes journées du peuple Bamum, Numéro spécial : Restauration du Ngouon, Juillet-Août 1993.

-Le quotidien Le jour n° 2493 du vendredi 04 mars 2017.

-Loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d?auteur et aux droits voisins.

- Notre diversité créatrice, rapport de la commission mondiale de la culture et du développement, Paris, juillet 1996.

-Rapport sur l'impact social et économique de la culture : le cas du Festival de Fes des musiques sacrées du monde par Naima LAHBIL.

-Rapport sur l'économie créative, édition spéciale 2013 : élargir les voies de développement local.

-Secrétariat ACP, Manuel sur les industries culturelles ACP, 2006.

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ANNEXES

153

1)

Guides d'entretiens et d'observation

157

2)

Liste des personnes interviewées

...159

3)

Attestations et autorisations de recherche

.160

4)

Extrait des actes des états généraux de la culture

.162

5)

Extrait du projet d'émergence (Cameroun Vision 2035)

164

6)

Extrait du DSRP

.191

7)

Extrait du DSCE

164

 

154

GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES RESPONSABLES DU

MINEPAT(CONCEPTEURS) DE LA VISION 2035

I) Renseignements généraux

> Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien > Date et lieu de l'entretien

> Identification des interviewés

II) Déroulement de l'entretien

1) Secteur culturel et projet d'émergence du Cameroun

> Parlez-nous de la genèse du projet d'émergence

> Quelles sont les grandes orientations de ce projet ?

> Que pensez-vous du secteur culturel au Cameroun ?

> Quelles sont les logiques d'actions pouvant rendre compte du faible intérêt

accordé au secteur culturel dans le projet d'émergence ?

2) Culture et développement

> Es-ce que la culture peut oeuvrer pour le développement d'un pays ?

> Comment la culture peut-elle contribuer au développement d'un pays ?

> Que gagnerait le Cameroun a intégré la politique culturelle dans son projet d'émergence ?

Arrivée à la fin de notre entretien, avez-vous l'impression que quelque chose d'important n'a pas été dit, que nous avons oublié un aspect important des choses et que vous souhaitez ajouter ? Avez-vous un dernier message que vous aimeriez faire passer ?

GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES RESPONSABLES DU MINAC ET DU MINTOUR

I) Renseignements généraux

> Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien > Date et lieu de l'entretien

> Identification des interviewés

II) Déroulement de l'entretien

> Parlez-nous du secteur culturel et le projet d'émergence

> Es-ce qu'il existe une politique culturelle/ développement du tourisme au

Cameroun ?

> Selon vous, qu'est-ce que la politique culturelle ?

155

> Selon vous qu'est-ce qui explique la non prise du secteur culturel dans le projet d'émergence du Cameroun à l'horizon 2035 ?

> Il existait une politique culturelle sous la république unie du Cameroun, comment expliquez-vous l'inexistence de celle-ci sous la république du Cameroun ?

> Pourquoi la culture est-elle devenue une oubliée des projets de développement au Cameroun ?

> Que gagnerait le Cameroun a intégré la politique culturelle dans son projet d'émergence ?

Arrivée à la fin de notre entretien, avez-vous l'impression que quelque chose d'important n'a pas été dit, que nous avons oublié un aspect important des choses et que vous souhaitez ajouter ? Avez-vous un dernier message que vous aimeriez faire passer ?

GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES ARTISTES MUSICIENS

I) Renseignements généraux

> Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien > Date et lieu de l'entretien

> Identification des interviewés

II) Déroulement de l'entretien

> La perception du secteur culturel

> La question des droits d'auteurs et des droits voisins au Cameroun

> Les pouvoirs publics et la question des droits d'auteurs

> Culture et développement

Arrivée à la fin de notre entretien, avez-vous l'impression que quelque chose

d'important n'a pas été dit, que nous avons oublié un aspect important des choses et que vous

souhaitez ajouter ? Avez-vous un dernier message que vous aimeriez faire passer ?

GUIDE D'OBSERVATION

> La place de la culture dans les manifestations publiques > L'organisation des festivals patrimoniaux

> Les acteurs des festivals patrimoniaux

> L'image de l'artiste dans la société

Liste des personnes interviewées

156

 

NOMS

FONCTIONS

1

Ernest NNANGA

Chef de division de la
prospective et de la
planification stratégique du
MINEPAT

2

Dr. Dieudonné BONDOMA YOKONO

Ancien Directeur général de
l'économie et de la
programmation du MINEPAT

3

Madame X

Cadre au MINTOUL

4

Pr Christophe MBIDA MINDZIE

Directeur du patrimoine culturel du MINAC

5

Mr. ATEBA

Sous-directeur du spectacle, du
développement des
infrastructures du MINAC

6

Jean Jacob NYOBE

Secrétaire administratif et
technique du CASSPC

7

Archil TCHINDA

Chef service de la
cinématographie et de
l'audiovisuel du MINAC

8

Mme. Suzanne Pulchérie NNOMO

Chef service régional du
patrimoine culturel et des
musées de la délégation
régionale du MINAC du Centre

9

Dr. Christian NDOMBI

Chef secteur culture au Bureau
Régional Multisectoriel de
l'UNESCO pour l'Afrique
Centrale à Yaoundé

10

Dr. Maurice SIMO DJOM

Chercheur en intelligence
économique

11

Laurice Serges ETEKI ELOUNDOU

Chargé d'étude assistant au
MINRESI

12

Thierry Lamy

Artiste musicien

13

Ledoux Marcellin

Artiste musicien

14

Zigzaret international

Artiste musicien

157

ATTESTATIONS DE RECHERCHES

158

159

Extrait des Actes des Etats généraux de la culture

« Voici les actes des Etats généraux de la culture tenus à Yaoundé du 23 au 26 août 1991 ; voici les résultats d'un vaste et fructueux débat national sur notre culture, sur ce qui nous constitue comme communauté humaine et nous rend différents des autres Peuples, c'est-à-dire notre identité ; sur ce qui nous attache à la chaine de l'Humanité et fait de nous des citoyens du monde, c'est-à-dire notre Universalité.

Ces actes sont la boussole devant guider notre action culturelle. Par eux, le Cameroun retrouve le nord grâce à de précieuses et audacieuses propositions ; le pari de l'intelligence et de l'avenir s'y trouve incrusté. C'est désormais le levier du Renouveau culturel camerounais en marche ; car seule une politique culturelle innovatrice et ambitieuse peut permettre au Cameroun de jouer un rôle dans l'histoire, de graver ses empreintes indélébiles sur les murs du temps : le Président de la République, Son Excellence Paul BIYA, le rappelle si opportunément au Chapitre n° 6 de son Livre « Pour le Libéralisme Communautaire ».

Voici donc les Actes des Etats Généraux de la Culture ; des fleurs qui portent la promesse des fruits de la démocratisation en cours dans la société camerounaise. Ils constituent la preuve tangible du triomphe progressif et peut-être irréversible de l'idéologie et de la pratique républicaines dans notre Pays. Leurs prescriptions proviennent des entrailles de la Société Camerounaise prise dans sa diversité. En effet, au cours des deux mois précédent les Etats généraux de la Culture, se sont tenus dans les 215 Arrondissements, 49 Départements et 10 Provinces que compte notre pays, des assemblées générales de la Culture, des Conseils départementaux et des Conseils provinciaux de la Culture, forums de discussion, d'échange d'idées et de désignation des représentants à l'échelle supérieure.

Les hommes et les femmes de culture se sont plus que mobilisés : artistes et écrivains, promoteurs des oeuvres de l'esprit et intellectuels de sensibilités diverses ont accouru ; les associations et organismes non gouvernementaux et les collectivités locales impliqués dans l'action culturelle ont répondu présents.

Les Etats Généraux de la Culture ont ainsi été le couronnement national d'un processus marqué d'un bout à l'autre par la participation libre de toutes et de tous : c'est-à-dire par la prise en main de la Culture par le Peuple. Ils ont prouvés que la Culture est la maison commune de tous les Camerounais et de toutes les Camerounaises sans aucune discrimination. Un édifice solide où l'Etat peut désormais se contenter des tâches résiduelles mais importantes d'organisateur et de facilitateur : puisse le « moins Etat » accoucher le « plus culturel ».

En tout cas, la politique culturelle, dès lors, va progressivement cesser d'être une exclusivité

des Pouvoirs publics pour devenir ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être : l'affaire de tous

160

et de toutes. L'association du Peuple et de l'Intelligentsia à la définition de la destination commune en matière culturelle, à la recherche du sens perdu et de la solution à notre équation existentielle est un précédent républicain valant un pesant de considération. Elle inaugure le dialogue essentiel entre l'Etat et la Société afin de trouver dans le consensus, une réponse à notre crise multidimensionnelle. Il est normal que ce soient les Hommes et les Femmes de Culture qui aient ouvert le bal : la crise sociale est d'abord culturelle ; une société en crise est fondamentalement malade de sa culture, de son système de valeurs et de normes.

Voici donc les actes des Etats Généraux de la Culture : c'est le Nouveau dessein Culturel du Cameroun, avec comme axes essentiels :

10- La Charte camerounaise de la Culture

11-Le Plan de consolidation de l'identité culturelle camerounaise

12-Le Plan d'action du Cameroun pour la décennie mondiale du développement culturel et d'intégration de la dimension culturelle dans les stratégies de croissance

13-Le Plan de structuration du paysage culturel camerounais et de relance de l'animation culturelle nationale

14-Le Plan de mise en place des structures de formation en matière culturelle

15-Le Plan de promotion des entreprises et des industries culturelles

16-Le Plan de relance de la coopération culturelle internationale

17-Le Plan de réforme de l'administration et du financement de la culture

18-Le Canevas des rapports entre la Culture, la Science, la Technologie et l'Education

19-Le Plan de préservation et de restauration du patrimoine naturel et culturel national

20-Le Plan de diffusion de la culture nationale

21-La Déclaration des Droits de l'Homme à la Culture.

Ces messages de la communauté nationale réunie en conclave culturel conjuguent allègrement culture et excellence, culture et justice, culture et liberté, culture et vérité, culture et esthétique, mieux culture et démocratie etc.... Bref, ils posent les jalons d'un sursaut national à la mesure des défis présents et futurs. La liaison ainsi effectuée entre l'identité nationale et l'universalité, entre la culture et les valeurs positives d'humanité, constitue la dynamique de notre Nouveau Dessein Culturel, le ressort de notre marche vers les crimes.

Voilà donc l'appel des Etats Généraux de la Culture : actes de générosité et d'engagement. Ce sont des fleurs ; elles sont belles ; ainsi seront les fruits ; pour le plus grand bien du Cameroun et de l'Humanité toute entière.

Signé, le ministre de l'Information et de la Culture, le Professeur Augustin KONTCHOU KOUOMEGNI ».

Les Actes des Etats généraux de la Culture Yaoundé du 23 au 26 août 1991

TABLE DES MATIERES

161

DEDICACE i

REMERCIEMENTS ii

SOMMAIRE ....iii

LISTES DES TABLEAUX ET DES IMAGES iv

LISTE DES ABREVIATIONS, SIGLES ET DES ACRONYMES v

RESUME vii

ABSTRACT viii

CITATION INTRODUCTIVE .....ix

INTRODUCTION GENERALE 1

DEDICACE i iii

REMERCIEMENTS ii iii

RESUME vii

ABSTRACT viii

1-Contexte et justifications du choix du sujet 2

2-Problème de recherche 3

3-Problématique de recherche 6

4- Question de recherche 10

4.1- Question de recherche principale 10

4.2- Questions de recherches secondaires 11

5- Hypothèse spécifique de recherche 11

5.1- Hypothèse principale 11

5.2- Hypothèses secondaires 11

6- Objectifs de la recherche 11

6.1- Objectif général de la recherche 12

6.2- Objectifs spécifiques 12

7- Clarification terminologique 12

7.1-Politique culturelle 12

7.2-Projet d'émergence 13

7.3-Analyse des politiques publiques 15

8- Cadre théorique 16

8.1- Positionnement épistémologique 17

8.2- Posture théorique 17

8.2.1-La théorie de l'action sociale 18

8.2.2- La théorie de la rationalité limitée 18

8.2.3-La théorie néo-institutionnelle 19

8.3- L'apport de l'interdisciplinarité 20

9-Cadre méthodologique de l'étude 22

9.1- Approche méthodologique 22

9.2- Champ d'observation et unité d'observation 22

9.2.1- Champ d'observation 23

9.2.2- Les unités d'observation 23

9.3- Techniques de collecte des données 24

9.3.1- Les données par l'observation documentaire 25

9.3.2- L'observation directe comme mode de production des données 26

9.3.3- Les données par l'observation méthodique 27

9.3.4- L'entretien semi directif comme mode de production des données 27

9.4-Traitement et analyse des données 28

10- La structuration de l'étude 29

CHAPITRE 1 : LE PROJET D'EMERGENCE DU CAMEROUN 32

1- L'origine du concept d'émergence : variation de sens 34

2-Les pays africains à l'épreuve des politiques de l'émergence 37

162

163

2.1-Cas du Burundi 38

2.2-Cas du Congo 38

2.3-Cas du Gabon 39

2.4-Cas de la Guinée Equatoriale 40

2.5-Cas de la RCA 40

2.6-Cas du Rwanda 40

2.7-Cas du Sao Tomé et Principe 41

3-Sociohistoire du projet d'émergence du Cameroun 42

3.1-Les fondements du projet d'émergence du Cameroun 44

3.2-Les grandes orientations du projet d'émergence du Cameroun 45

3.2.1) La réduction de la pauvreté à un niveau socialement acceptable 45

3.2.2) Accéder au statut de pays à revenu intermédiaire 46

3.2.3) Devenir un Nouveau Pays Industrialisé 46

3.2.4) Consolider le processus démocratique et renforcer l'unité nationale 47

4-La compréhension de l'émergence du Cameroun et de son calendrier 48

5-Le financement de l'émergence du Cameroun 53

5.1-L'Etat 54

5.2-Le secteur privé 54

5.3-Les ménages 54

6-Les limites du projet d'émergence 55

6.1-La politique culturelle et la vision 2035 55

6.2-Le système éducatif et la vision 2035 56

CHAPITRE 2 : DE LA CULTURE A LA POLITIQUE CULTURELLE 58

1-La notion de culture 59

1.1-Le cadre conceptuel et épistémologique de la notion de culture 59

1.2-Les fonctions de la culture 62

2-De la notion de culture en sociologie 64

2.1-Du concept de culture dans le champ de la rationalité sociologique 64

2.2-Caractéristiques de la culture 68

2.2.1-La culture comme une acquisition 68

2.2.2-La culture comme une donnée universelle 69

3-Quelques approches de compréhension de la culture en sociologie 70

3.1-L'approche fonctionnaliste de la culture 71

3.2-L'approche structuraliste de la culture 71

3.3-L'approche interactionniste de la culture 72

4-De la notion de politique culturelle 72

4.1-Le processus d'élaboration d'une politique culturelle 74

4.2-Les objectifs d'une politique culturelle 75

4.3-Les modèles de politique culturelle 76

4.4-Les missions d'une politique culturelle 76

4.4.1-La politique culturelle comme stratégie d'assimilation des peuples 76

4.4.2-La politique culturelle comme stratégie de consolidation de l'unité nationale 77

4.4.3-La politique culturelle comme stratégie de valorisation de la culture 78

82

CHAPITRE 3 : POLITIQUE CULTURELLE ET EMERGENCE DES NATIONS 82

1- La notion d'industries culturelles 84

2-Les filières des industries culturelles 86

3- La politique culturelle: facteur conséquentiel des industries culturelles 87

4-Politique culturelle et émergence des nations 89

4.1-Sur le plan économique 89

4.2-Sur le plan social 95

1- Politiques sans culture au Cameroun 102

1.1-Les plans quinquennaux 103

1.2-Le Programme d'ajustement structurel 104

1.3-Le document de stratégie pour la réduction de la pauvreté 106

1.4-Le document de stratégie pour la croissance et l'emploi 107

2- Le secteur culturel et les politiques de développement du Cameroun 107

2.1-La culture : un secteur marginal des politiques de développement 108

2.2- Le MINAC et son budget : mission impossible 114

3- La culture sans politique au Cameroun 117

3.1- L'ethnographie de la culture 119

3.2-Le dynamisme des artistes musiciens camerounais 120

4-Les festivals patrimoniaux ou la valorisation et la promotion de la culture par le bas 123

4.1-Le festival Ngouon 124

4.2-Le festival Ngondo 126

5- La perception de la culture au Cameroun 129

BIBLIOGRAPHIE 140

ANNEXES 153

TABLE DES MATIERES 154






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo