Mémoire de recherche
Pour le diplôme de Master II
Relations Internationales
RECONCILIATION ET
SOCIALISATION
POLITIQUE POST-GUERRE
CIVILE LIBANAISE
Par Nisrine HADDAD
Sous la direction de
Madame la Docteure Milena DIECKHOFF
Ce mémoire est dédié à ma maman
française,
Toujours dans mon coeur.
Madame Monique
19 mars 1958 - 09 juillet 2022
Le 4 août 2020, vers 18h20, j'appelais tous mes
proches et mes connaissances à Beyrouth pour m'assurer que leurs coeurs
battaient encore. Depuis ce jour, nos coeurs fonctionnent mais nos yeux sont
devenus vides.
Je me demande si c'est normal pour une jeune de 20 ans de
vivre une telle expérience. Il n'y avait pas un contexte de guerre ni
d'alerte, c'était un mardi normal à Beyrouth quand un stock de
2750 tonnes de nitrate d'ammonium dans le hangar No. 12 du Port s'explosait
laissant derrière lui 215 morts, 6 500 blessés et 350 000 sans
logement. Non, je ne pense pas que c'est normal.
Une semaine après la double explosion j'ai
contacté l'Université Clermont-Auvergne pour partir de ce pays
gouverné par des chefs de milices. J'ai été
acceptée en Master 1, Carrières Internationales. Aujourd'hui, je
rédige ce mémoire pour valider ma deuxième année de
Master en Relations Internationales sous l'encadrement de Madame Milena
Dieckhoff que je remercie énormément pour son soutien moral et
académique tout au long de l'année.
Durant la révolution du 17 Octobre 2019, nous avons
été opprimés par l'armée libanaise. Des balles
réelles nous ont été tirées dessus, surtout
après la tragédie du 4 août 2020. Avec le Covid-19 et la
crise socio-économique flagrante, beaucoup de militants
révolutionnaires ont baissé les bras, d'autres ont quitté
le pays. Personnellement j'ai quitté le pays mais je n'ai jamais
baissé les bras.
Dans ce mémoire, je me révolte...
Remerciements
La réalisation de ce mémoire a été
possible grâce à l'aide de plusieurs personnes à qui je
voudrais témoigner toute ma gratitude.
Madame Milena Dieckhoff, ma directrice de mémoire, pour
m'avoir motivée à faire ce que j'aime dans la vie quand je
voulais abandonner mes rêves pour des opportunités plus
simples,
Ma famille, ma maman May, mon papa Elias et mes deux
frères Fares et Rami qui, malgré la distance qui nous
sépare, forment mon plus grand support partout dans ce monde,
Mon oncle Emmanuel pour m'avoir épaulée tout au
long de mes deux années de Master,
Mon parrain académique et universitaire, Docteur Habib
Boussadia, pour ses précieux conseils et son orientation ficelée
durant ma recherche,
Ma famille française, Madame Monique, Monsieur Jacky,
Hélène, Hugo, Arnaud, Marie et leurs enfants, grâce
à laquelle je me sens chez moi en France,
Toutes les personnes que j'ai interviewées pour leurs
temps et opinions politiques, Professeur et ex-ministre Charbel Nahas, Docteur
Fayez Araji, Madame Dima Abou Daya, Monsieur Alain Mounayer, Monsieur Dany
Fayad, Monsieur Nazih Chaanine, Monsieur Walid Zeitouny, Monsieur Maxwell
Saungweme, Madame Doha Adi, Monsieur Hussein Chokr, Monsieur Ali Sandeed,
Monsieur Ramzi Abou Ismail, Monsieur Sami Braidy et l'ex-combattant palestinien
au sein de l'OLP qui a demandé de rester anonyme.
Mes accompagnants durant les entretiens, Monsieur Rami Haddad
et Monsieur Elias Fayad, pour leurs ressources humaines et temps,
Sans oublier l'Université Clermont-Auvergne et son
personnel qui m'ont donné l'opportunité de continuer mes
études en France.
Merci de tout coeur à toute personne qui m'a
aidée directement ou indirectement dans l'accomplissement de ce
mémoire de fin d'études.
3
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Sommaire
Introduction 05
I. La création de l'Etat libanais sur un fondement
communautaire renforcé avec le temps 06
II. La fragilité socioéconomique et politique
interne et l'environnement régional conflictuel
menant à une guerre civile Libanais 07
III. Le Liban d'aujourd'hui : Situation d'entre-guerres
post-guerre civile 11
Problématique, intérêts et enjeux de la
recherche 14
Corps du mémoire 16
I. Le Manque de réconciliation au Liban après la
guerre civile 16
A. Complexité du terme « Réconciliation
» et sa projection conceptuelle sur le cas libanais 16
B. Contexte de la fin de la guerre civile libanaise vers la
création de la Deuxième République
libanaise 18
C. L'échec des modalités « mythiques »
de réconciliation mises en place après la guerre civile
20
1) Les lacunes formelles et corporelles de l'accord du Taëf
et son inapplicabilité 20
2) L'Amnistie libanaise : un accord politique conditionné
pour protéger les chefs de
milices devenus des Hommes d'Etat 23
3) Le freinage du passage de l'amnistie à la justice
transitionnelle au Liban 25
II. La réconciliation au Liban aujourd'hui 27
A. La réconciliation est une nécessité
après 32 ans de la fin de la guerre civile 27
1) Des dossiers toujours non traités 28
a) Les disparitions forcées et les détentions
secrètes 28
b) Les crimes de genre durant la guerre civile libanaise 32
2) Manque d'une mémoire collective 35
3) L'oubli : Manque de regret et de pardon 38
B. Les limites de la réconciliation aujourd'hui 40
1) La corruption des institutions étatiques due au
système politique communautaire 41
2) Manque de volonté commune des leaders politiques pour
protéger leurs intérêts
personnels 44
3) Les influences externes dans les décisions
étatiques 46
III. La socialisation politique confessionnelle 49
A. La socialisation politique, une notion moderne avec une
définition ambiguë faisant l'objet
de plusieurs recherches 49
B. Le renforcement de la socialisation politique confessionnelle
avec la guerre civile libanaise
52
C. Le remplacement de la socialisation politique nationale
libanaise par la socialisation
politique confessionnelle 56
1) Au niveau identitaire : Le remplacement de l'identité
nationale par une autre
confessionnelle ...........................57
2) Au niveau de l'état civil : la confessionnalisation du
statut personnel ...........................59
3) Au niveau éducatif : une « autonomie
éducationnelle» menant à la reproduction de la
division confessionnelle et sociale au sein des écoles
60
4
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
4) Au niveau psychologique : la peur de « l'autre »
guide le comportement et l'opinion
politique des libanais 63
5) Au niveau socio-économique : Le consociationalisme
politique et ses conséquences 66
IV. La réconciliation: salvatrice de la socialisation
politique nationale et bloquée par la
socialisation politique confessionnelle 71
A. En théorie : trois types de réconciliations
doivent être faites 71
1) La réconciliation par le dialogue interreligieux 71
2) La réconciliation par la justice et les travaux de
mémoire 75
3) La réconciliation à travers l'éducation
des jeunes 77
B. En pratique : un cercle vicieux freine toute initiative
étatique de réconciliation 81
Conclusion 84
I. Les Libanais se « révoltent » de plus en plus
suite à de nombreuses crises 85
A. Les manifestations du 17 octobre 2019 85
B. La double explosion du port de Beyrouth 88
C. Les élections législatives de 2022 91
II. Le renforcement de la société civile : une
échappatoire du cercle vicieux bloquant la
réconciliation nationale Libanaise 95
5
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
« Nous jurons par Dieu Tout-Puissant,
Chrétiens et Musulmans, de rester unis jusqu'à la fin des temps
pour défendre le magnifique Liban »1 -
Gébran Tuéni, le 14 mars 2005 (8 mois avant son assassinat).
Ce fameux serment du député libanais constitue
le rêve de plusieurs Libanaises et Libanais qui se trouvent aujourd'hui
obligés de quitter leur pays face à un système
communautaire limitant leurs rêves et ambitions. Le discours de
Tuéni a été répété par des centaines
de milliers de Libanais rassemblés dans la place des Martyrs à
Beyrouth pour la première fois le 14 mars 2005 pour commémorer le
Premier Ministre assassiné un mois au paravent, Rafiq Hariri, et pour la
deuxième fois durant les manifestations de 2019. Entre la «
Révolution des Cèdres » 2 de 2005 et la «
Révolution du 17 Octobre » de 2019 beaucoup de changements
socioéconomiques et politiques ont eu lieu au Liban, mais plutôt
vers le pire. Le politologue franco-libanais Antoine Sfeira a
considéré le 14 mars 2005 comme le jour d'une expression claire
de la société civile libanaise contre une autre communautaire au
coeur du Liban3. Pour lui, avant la « Révolution des
Cèdres », « la citoyenneté demeurait communautaire
ou n'existait pas »4, l'identité nationale
libanaise était remplacée par l'autre confessionnelle et cela
suite à plusieurs événements qui n'ont pas servi au profit
de l'unité nationale. En effet, si cette « Révolution des
Cèdres » a marqué la fin de l'occupation syrienne et
l'apparition publique de la société civile libanaise, elle n'a
surement pas mis fin au communautarisme politique issue d'une mal-gestion
historique de la pluralité confessionnelle libanaise. Aujourd'hui, plus
que jamais, le Liban paye le prix de cette mal-gestion à travers la pire
crise socio-économique qu'il n'a jamais connue5. En mars
2020, le Premier Ministre Hassane Diab a confirmé la gravité de
la situation en exprimant son inquiétude envers la dégradation de
la qualité de vie Libanaise et l'incapacité de l'Etat de
contrôler la crise: « L'Etat n'est plus en mesure de
protéger les Libanais et de leur assurer une vie décente
»6. Cette crise est le résultat d'à peu
près trois décennies de communautarisme politique mettant les
seigneurs de guerre au coeur du système politique Libanais, et cela
à travers la légitimation de la transformation de ces seigneurs
en des Hommes d'Etat. Jusqu'à ce jour, que ça soit à
travers l'accord du Taëf mettant fin à la guerre civile ou bien la
loi d'Amnistie protégeant les responsables de guerre, le Liban a connu
32 ans de clientélisme politique confessionnel et de
1 ANNAHAR, « 2005
ááÇÞÊÓáÇÇ
ÉÖÇÊäÅ ááÇÎ
íäíæÊ äÇÑÈÌ
ÊÇãáß », YouTube, 2005, 00 :02
:52. [en ligne] : íäíæÊ
äÇÑÈÌ Éãáß 2005
ááÇÞÊÓáÇÇ
ÉÖÇÊäÇ ááÇÎ -
YouTube.
2 Le 14 mars 2005 a marqué la naissance de
la « Révolution des Cèdres » regroupant des mouvements
et des partis politiques libanais opposés à l'existence militaire
syrienne sur le territoire du pays : Courant du futur, Forces Libanaises,
Kataëb (Phalange), Mouvement de la gauche démocratique, Mouvement
du renouveau démocratique et Rassemblement de Cornet Chehwane.
Concernant le Courant Patriotique libre, il prend part de cet alliance durant
la Révolution des Cèdres mais s'éloigne à la suite
des élections législatives de 2005 pour au final finir dans
l'Alliance du 8 Mars (coalition prosyrienne).
3 SFEIR A., « Liban. Les trahisons du 14 mars
», Études, vol. 403, no. 9, 2005, pp. 153-160.
4 Ibid., p. 155.
5 LE MONDE, « Le désastre libanais est
le résultat de décennies de mauvaise gestion, de corruption,
menées par une élite oligarchique », Le Monde, 16
Juillet 2020. [en ligne] : « Le désastre libanais est le
résultat de décennies de mauvaise gestion, de corruption,
menées par une élite oligarchique » (
lemonde.fr).
6 OLJ, « L'Etat n'est plus en mesure de
protéger les Libanais » : l'aveu d'impuissance de Hassane Diab
», L'Orient-Le Jour, 03 Mars 2020. [en ligne] : «
L'État n'est plus en mesure de protéger les Libanais » :
l'aveu d'impuissance de Hassane Diab - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
6
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
corruption devenus la pierre angulaire de son système
communautaire aux dépends de la réconciliation nationale
inexistante.
Pour comprendre la complexité sociopolitique et
économique libanaise contemporaine, il faut d'abord appréhender
la place qu'occupe le communautarisme politique dans l'Etat depuis sa
création (I), ensuite comprendre le contexte du déclenchement de
la guerre civile des 15 ans (II) pour enfin analyser le statut du Liban actuel
(III).
I. La création de l'Etat libanais sur un fondement
communautaire
renforcé avec le temps
Le Liban est un Etat jeune datant de 1920 et réunissant
plusieurs territoires de différentes cultures et appartenances. Avant le
début du mandat français (Accords Sykes-Picot) et la
création du Liban étendu sur 10 452 km2 par le
Général Henri Gouraud7, le Liban était sous
l'occupation ottomane qui a duré environ 400 ans (1516-1918)8
et était divisé en deux sociétés différentes
ayant chacune une histoire et une culture différentes: les citadins et
les montagnards. Les Chrétiens maronites, les Druzes et une partie des
Chiites étaient installés dans la Montagne tandis que les
Sunnites et les Grecs-Orthodoxes étaient placés au littoral.
Cette division démographique est formée progressivement entre le
VIIème et le XIème siècle et n'a pratiquement pas
changé jusqu'à nos jours, elle s'est même renforcée
suite à la guerre civile libanaise. Outre la différence
d'histoire, de culture et de religion entre les territoires unis pour former le
Liban, chaque communauté répondait à une autorité
externe: le sultan (le Calif) pour les Sunnites, le Vatican et l'occident
(surtout la France) pour les Maronites, les villes saintes de l'Iran et de
l'Irak pour les Chiites et la Russie pour les Grecs Orthodoxes. Cette
dépendance externe a complexifié encore plus la convergence entre
les confessions composantes du Liban et n'a pas pris fin suite à la
création de l'Etat libanais, d'où les divergences communautaires
flagrantes dans la société libanaise contemporaine. Le
journaliste français Xavier Baron a parfaitement
synthétisé cette divergence populaire lors de la création
du Liban en confirmant que :« Ce sont donc des populations aux
aspirations plurielles et parfois rivales, héritières d'histoires
distinctes, qui sont appelées à former un Etat unifié au
début du XXème siècle »9.
Cette mosaïque culturelle libanaise constitue la richesse
et la beauté du Liban, outre sa beauté géologique, elle a
fait que ce pays soit touristique et intéressant. En revanche, au niveau
politique, cette richesse a connu une mal-gestion avec la prise de place
progressive d'un système politique communautaire depuis la fin du
XIXème siècle. En effet, le communautarisme politique a
été mis en place au Liban comme un compromis entre 18
confessions10 qui doivent toutes être
représentées selon le poids démographique de chacune.
7 HOKAYEM A., « Le Liban de 1920, une
entité controversée », L'Orient-Le Jour, 08
Février 2021. [en ligne] : Le Liban de 1920, une entité
controversée - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
8 CHAIGNE-OUDIN A.L., EL KHOURY Y., « Liban
», Les Clés du Moyen-Orient, 01 Février 2010. [en
ligne] : Liban (
lesclesdumoyenorient.com).
9 BARON X., Le Liban, une exception
menacée: en 100 questions, Italie, Tallandier, 2020, p. 08.
10 Les 18 confessions reconnues par l'Etat Libanais
: Sunnite, ismaélienne, chiite, alaouite, druze, maronite,
grecque-orthodoxe, grecque-catholique, grégorienne, syrienne-catholique,
syrienne-orthodoxe, copte, protestante, latine, arménienne-catholique,
assyrienne catholique, assyrienne orthodoxe, juive. DAVIE M.F., « Internet
et les enjeux de la cartographie des religions au Liban »,
Géographie et cultures, no. 68, 2008, pp. 81-98.
7
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Pratiquement trois grands courants religieux ont place au
Liban (chiite, sunnite et maronite), et le communautarisme n'a fait que de
progressivement diviser le pouvoir de plus en plus formellement entre eux.
Commençons avec l'article 95 de la première Constitution
libanaise11 de 1926, qui guide à la création de la
jeune démocratie consensuelle libanaise. Cela dans la mesure ou les
communautés essentiellement chrétiennes et musulmanes partagent
le pouvoir équitablement entre elles (proportionnellement selon leurs
importances) en assurant une représentation équitable au sein des
emplois publics et au sein du gouvernement. Cette division confessionnelle
fallait être transitoire de base, mais elle n'a fait que se renforcer
à travers le Pacte National de 1943 et l'accord du Taëf de 1989.
Effectivement, le mandat français a pris fin le 22 Novembre 1943 (la
fête nationale libanaise) et les Libanais faillaient s'autogouverner.
Cela a été fait à travers la consécration d'un
accord non-écrit appelé le Pacte National12 devenu
fondamental dans la vie nationale du Liban indépendant. Cet accord a
divisé plus précisément les trois présidences entre
les confessions avec un Président de la République maronite, un
président du Conseil sunnite et celui de la Chambre chiite. Il a de
même confirmé la répartition des emplois publics en
fonction de l'importance numérique de chaque confession. Le Pacte
National a été confirmé constitutionnellement par l'accord
du Taëf de 198913 marquant la fin de la guerre civile et la
naissance de la Deuxième République libanaise. Cet « accord
d'entente nationale » a rééquilibré le
communautarisme politique libanais au sens plus favorable aux musulmans en
diminuant les compétences du Président de la République
chrétien aux profits du chef du Gouvernement sunnite et du chef du
Parlement chiite. Cela suite à une guerre civile qui a duré 15
ans (II).
II. La fragilité socioéconomique et politique
interne et l'environnement
régional conflictuel menant à une guerre civile
Libanaise
« Le Liban était souvent
présenté, dans les années 1950 et 1960, comme un
modèle de démocratie et de développement
économique, comme un exemple remarquable de stabilité au milieu
de la poudrière du Proche-Orient, déchirée par le conflit
israélo-arabe. Pourtant, en 1975, une guerre civile meurtrière
éclate, longue de quinze ans, faisant entre 150 et 250 000 morts
»14, cet extrait de l'article de Hervé Amiot sur le
sujet de la guerre civile libanaise explique le basculement du Liban
considéré comme « la Suisse du Moyen Orient
»15 vers le Liban guerrier et instable à cause du
communautarisme politique. Dans la suite de l'article, Amiot précise
qu'entre 1958 et 1964 le Liban a connu une prospérité et une
évolution de modernisation au niveau mondial grâce aux tentatives
du Président de la République Fouad Chéhab de
dépasser le confessionnalisme en surmontant les clivages et imposant
« une
11 « A titre transitoire et conformément aux
dispositions de l'article 1er de la Charte du Mandat et dans une intention de
justice et de concorde, les communautés seront équitablement
représentées dans les emplois publics et dans la composition du
ministère sans que cela puisse cependant nuire au bien de l'État.
». L'article 95 de la Constitution libanaise de 1926.
12 CHAIGNE-OUDIN A.L., « Pacte National
Libanais», Les Clés du Moyen-Orient, 09 Mars 2018. [en
ligne] : Pacte National libanais (
lesclesdumoyenorient.com).
13 Le contexte de cet accord avec ses effets seront
expliqués en détails dans la Partie I, B et C.(1).
14 AMIOT H., « La guerre du Liban (1975-1990)
: entre fragmentation interne et interventions extérieures »,
Les Clés du Moyen-Orient, 23 Octobre 2013. [en ligne] : La
guerre du Liban (1975-1990) : entre fragmentation interne et interventions
extérieures (
lesclesdumoyenorient.com).
15 MEIER D., « « Le Liban était la
Suisse du Moyen-Orient. » », Liban. Identités, pouvoirs et
conflits. Idées reçues sur un État dans la tourmente,
sous la direction de Meier Daniel. Le Cavalier Bleu, 2016, pp. 37-41.
8
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
politique volontariste économiquement (grands
investissements d'Etat), centralisatrice menée par un Etat fort
»16. Le Président Chéhab n'a pas pu
continuer face au mécontentement des grandes familles confessionnelles
traditionnelles libanaises qui voyaient leur pouvoirs diminuer, en 1964 il
laisse la présidence. Suite à cela, la crise
socioéconomique et politique commence et se dégrade suivant
plusieurs événements internes et externes qui mènent
à la guerre civile. Effectivement deux types de facteurs ont
causé 15 ans de guerre, le premier étant interne résultant
d'une complexité confessionnelle suite à l'instauration d'un
système politique communautaire par le Pacte National, tandis que le
deuxième est l'impact de l'entourage conflictuel régional du
Liban. Sachant que l'un alimente l'autre et vice-versa, ces facteurs n'ont fait
que s'aggraver durant la guerre en noyant le pays encore plus
profondément dans des crises économiques, sociales et
politiques.
Avant de rentrer dans les détails des
éléments déclencheurs de la guerre civile libanaise, il
est important de noter qu'il n'existe pas une histoire commune entre toutes les
parties du conflit. Jusqu'à nos jours, l'histoire officielle libanaise
s'arrête avec la « gloire de l'unité nationale » face au
Mandat français et l'indépendance de 1943, après cette
date, chaque parti politique raconte sa version des événements.
Certains considèrent que la guerre civile libanaise est causé par
les Palestiniens sur le territoire libanais, d'autres considèrent que
c'est une guerre internationale au Liban, d'autres la limitent à la
crise socio-économique qui existait à l'époque, d'autres
pointent les doigts vers les Chrétiens qui ont refusé le
renforcement militaire palestinien au Liban, etc. Plusieurs points de vues et
interprétations existent sur le sujet, nous allons simplement
évoqué le contexte général de la guerre civile
libanaise en se basant sur des faits sans rentrer dans les détails des
événements.
Suite au conflit israélo-arabe accompagnant la
création de l'Etat d'Israël, entre 100 000 et 300 00017
Palestiniens ont trouvé refuge au Liban. L'existence de ces derniers sur
le territoire libanais a été perçue comme menaçante
à l'équilibre communautaire du Pacte surtout qu'ils constituent
près de 10% de la population libanaise (estimée à
l'époque entre 3.5 et 4.5 millions d'habitants18). Les
tensions effectives sur le sujet de l'existence palestinienne au Liban ont
commencées suite à la guerre israélo-arabe de 1967 et
surtout suite à l'arrivée de Yasser Arafat en 1969 à la
tête de l'Organisation de libération de la Palestine
(OLP)19. Durant cette période les palestiniens ont
commencé à se militariser au Liban ce qui a
déstabilisé la classe politique libanaise (surtout avec la
division communautaire) entre une partie chrétienne (le Front libanais)
opposée à ce renforcement armé palestinien et faisant
appel à l'autonomie étatique libanaise, et une deuxième
partie (Le Mouvement national) regroupant les musulmans et les gauches aux
cotés des fedayin. Cette crise sociopolitique n'a fait qu'empirer,
surtout avec les opérations militaires de raids israéliennes au
Sud du Liban présentées comme des réponses aux attaques
palestiniennes menant au déplacement de plusieurs familles surtout
chiites vers les
16 AMIOT H., « La guerre du Liban (1975-1990)
: entre fragmentation interne et interventions extérieures »,
op.cit.
17 DORAÏ M.K., Chapitre premier. La
présence Palestinienne au Liban, dans Les
réfugiés palestiniens du Liban: Une géographie de
l'exil, Paris, CNRS Éditions, 2006, pp. 35-77.
18 DUMONT G.F., « Le Liban, une mosaïque
de populations », Population & Avenir, vol. 673, no. 3, 2005,
p. 03.
19 BARON X., Le Liban, une exception
menacée: en 100 questions, op.cit., p. 91.
9
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
quartiers pauvres des villes20,
spécifiquement les banlieues de Beyrouth. En plus, des affrontements de
plus en plus intenses entre l'armée libanaise et les palestiniens
causaient des différends entre des partis politiques Libanais
supporteurs des palestiniens et leur Etat. Comme résultat, le Mouvement
National Libanais réclame un commandement armée
pluricommunautaire et non pas uniquement réservé au
Président de la République maronite21. Comme nous
avons déjà vu, le système libanais est régi sur le
fondement confessionnel du Pacte National, et cela au niveau institutionnel,
économique et social. Le partage du pouvoir selon ce Pacte favorise la
domination politique et économique des Maronites ce qui a aidé au
renforcement de l'unification du Mouvement National Libanais face aux
Chrétiens pour essayer de diminuer leur pouvoir.
Face à toutes ces crises et pour essayer de s'en
sortir, le Président de la République Charles Hélou signe
un accord au Caire le 03 novembre 196922 donnant droit au
Palestiniens de garder leur résistance armée sur le territoire
libanais et les autorisant à accéder les régions
montagneuses du Sud du Liban, ce qui a transformé la frontière
sud libanaise en front de guerre. Cet accord n'a fait que de mettre l'huile sur
le feu23, d'un côté le Mouvement National insistait sur
l'importance de la cause palestinienne et sur le rôle central du Liban
dans l'affaire, tandis que de l'autre le Front Libanais demandait l'abolition
de l'accord puisqu'il mettait en danger la souveraineté étatique
libanaise face à des camps palestiniens ou le Liban n'a aucun pouvoir,
pour lui les palestiniens ont créé un Etat dans l'Etat libanais.
Ce n'est que vers la fin de la guerre civile que le Parlement libanais a
abrogé l'accord du Caire24.
La date officielle du début de la guerre civile
libanaise est le 13 avril 1975 quand des miliciens chrétiens maronites
(Phalangistes) tirent sur un autobus à Aïn el-Remmaneh tuant 27
passagers dont la majorité Palestinienne25. Cet acte
était une réponse au meurtre d'un garde-corps du fondateur de
leurs parti politique (Phalange) Pierre Gemayel le jour même par des
inconnus (certains considère qu'ils était membres du Parti Social
Nationaliste Syrien (PSNS)). D'ici, les violences mutuelles se mettent en place
entre deux camps, le Mouvement National et le Front Libanais, qui durent 15
ans. Durant cette guerre civile, au niveau local, le Liban a subi une division
milicienne ou chaque milice contrôlait une région (carte 1) et des
déplacements confessionnels suite à cette division, tandis qu'au
niveau global, il y'a eu beaucoup
20 Ibid., p. 93.
21 Ibid., p. 96.
22 MARCHAL B., « L'accord do Caire implique un
engagement accru des Libanais flans la guerre contre Israêl Un certain
malaise persiste à Beyrouth », Le Monde, 05 Novembre 1969.
[en ligne] : L'accord do Caire implique un engagement accru des Libanais
flans la guerre contre Israël Un certain malaise persiste à
Beyrouth (
lemonde.fr).
23 AMIOT H., « La guerre du Liban (1975-1990)
: entre fragmentation interne et interventions extérieures »,
op.cit.
24 LE MONDE, « LIBAN : l'abrogation de
l'accord du Caire . », Le Monde, 24 Mai 1987. [en ligne] :
LIBAN : l'abrogation de l'accord du Caire. _ (
lemonde.fr).
25 AMIOT H., « Chronologie illustrée du
conflit libanais (1975-1990) », Les clés du Moyen-Orient,
20 Octobre 2013. [en ligne] : Chronologie illustrée du conflit
libanais (1975-1990) (
lesclesdumoyenorient.com).
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
d'interventions externes (carte 2) qui ont fini par une
occupation israélienne du Sud du Liban jusqu'en 2000 (le jour de la
libération26) et syrienne jusqu'en 2005 (révolution
des cèdres).
Carte 1 : La division démographique interne
milicienne fin des années 1980.
Source : Article de Hervé Amiot, « La guerre
du Liban (1975-1990) : entre fragmentation interne et interventions
extérieures », Les Clés du Moyen-Orient, 23 octobre 2013.
[en ligne] : La guerre du Liban (19751990) : entre fragmentation interne et
interventions extérieures (
lesclesdumoyenorient.com).
Carte 2 : Les interventions externes dans la guerre civile
libanaise. Source : Article de Hervé Amiot, « La guerre du Liban
(1975-1990) : entre fragmentation interne et interventions extérieures
», Les Clés du Moyen-Orient, 23 octobre 2013. [en ligne] : La
guerre du Liban (19751990) : entre fragmentation interne et interventions
extérieures (
lesclesdumoyenorient.com).
10
Face à une armée paralysée, le Liban
était régi par des groupes miliciens de plus en plus nombreux qui
imposaient leurs propres règles dans leurs régions et qui
massacraient les autres populations27. Au fil des années de
cette guerre, les crises économiques, sociales et politiques n'ont fait
que se multiplier et s'aggraver sans solutions. La vie d'une nation
était paralysée, l'économie d'un Etat détruite, la
physionomie libanaise était complétement bouleversée et le
fondement même de l'Etat effondré. Les interventions externes
n'ont pas aidées, que ça soit les interventions des troupes
syriennes à partir de juin 1976 (suites à la demande des milices
chrétiennes) qui n'ont arrêtées de changer de camps et qui
arrivent à Beyrouth en novembre, ou bien les attaques
frontalières israéliennes dans le Sud du pays causant le
déplacement forcé
26 EL BACHA F., « Liban/Histoire : le 25 mai
2000 et le retrait israélien du Sud Liban », Libnanews, 25
Mai 2018. [en ligne] : Les dates-clés du Liban: le 25 mai 2000 et le
retrait israélien du Sud Liban (
libnanews.com).
27 Chaque camp de la guerre a exécuté
des massacres dans les régions de l'autre, par exemple les
Chrétiens ont attaqués plusieurs camps de réfugiés
palestiniens comme celui de Tal El Zaatar en août 1976 ou bien celui de
Karantina en janvier 1976 , et les palestiniens ont massacré les
habitants chrétiens de plusieurs villages comme Damour le 20 janvier
1976.
11
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
de milliers de familles surtout chiites vers les villes,
l'invasion du Liban et l'assiègement de sa Capitale, ajoutons les
interventions des Palestiniens alliés des milices de gauches jusqu'au
départ de l'OLP en 1982, et finalement les tentatives des
Américains, Italiens et Français de réassurer le pouvoir
de l'Etat libanais à Beyrouth avant que leurs embrassades au Liban
soient attaquées (entre 1982 et 1984) 28 par la nouvelle
résistance libanaise pro-iranienne chiite créée en 1982
pour répondre à l'invasion israélienne: le Hezbollah.
Théoriquement, la guerre civile libanaise a pris fin en
1990 suite à l'accord du Taëf, mais pratiquement ses effets
socioéconomiques, sociopolitiques et psychiques sont toujours
présents au sein de la société libanaise, alors nous nous
demandons si la guerre est vraiment derrière le peuple libanais
même après 32 ans (III).
III. Le Liban d'aujourd'hui : Situation d'entre-guerres
post-guerre civile
« Tout est possible, y compris une guerre civile
», paroles du président du Secours Populaire Libanais le 03
août 2022 concernant l'actualité libanaise, 32 ans suite à
la « fin » de la guerre civile. Effectivement cette phrase n'a jamais
arrêté de circuler entre le peuple et les dirigeants libanais vu
les tensions toujours présentes sous différentes formes. En
parlant du Liban post-guerre civile, tout le monde a tendance à
considérer que la guerre est finie vu que le conflit armé est
fini, et que maintenant c'est la phase de post-conflit et de consolidation de
la paix d'après les institutions internationales et surtout l'ONU. Cette
dernière définie la notion de « post-conflit » comme
« un modèle idéal de transition après une guerre,
impliquant institutions internationales, Etats et acteurs civils, privés
et associatifs pour surmonter ensembles les tensions et reconstruire une paix
durable (peace building) »29. En d'autres termes, le
concept international d'une société post-conflit comporte une
intervention à plusieurs niveaux et par l'intermédiaire de
plusieurs acteurs pour (re)construire la paix nationale et cela à
travers une divergence de projets, par exemple des projets de
réconciliation, state-building, transition démocratique,
reconstruction, etc. Si nous prenons le simple critère d'initiatives
pour consolider la paix, alors le Liban est en situation de post-conflit. Non
uniquement des initiatives internes ont été prises à
travers les années par l'Etat, des organisations, des associations et
d'autres acteurs civils divers, mais même des interventions
internationales ont pris place de la part des Etats tiers, de l'ONU et de
différentes organisations à plusieurs reprises. Le
problème avec ce type de post-conflit au Liban est que les initiatives
prises par l'Etat et à l'initiative de quelques Etats tiers n'ont fait
que de ralentir et parfois bloquer toute autre initiative par n'importe quel
autre acteur. La reconstruction de l'Etat libanais suite à la guerre
civile a été faite par les ex-chefs de milices transformés
en dirigeants politiques sous une double occupation syrienne et
israélienne. Cela a été fait à travers le
renforcement d'un système politique communautaire leur donnant une place
au coeur de son
28 DE MAUPEOU F., « Le Hezbollah (1/4).
Origines et fondements du « Parti du Dieu », à partir de
l'ouvrage de Walid Charara et Frédéric Domont, Le Hezbollah, un
mouvement islamo-nationaliste », Les Clés du Moyen-Orient,
22 Mai 2013. [en ligne] : Le Hezbollah (1/4). Origines et fondements du
« Parti du Dieu », à partir de l'ouvrage de Walid Charara et
Frédéric Domont, Le Hezbollah, un mouvement islamo-nationaliste
(
lesclesdumoyenorient.com).
29 CATTARUZZA A., DORIER E., « Post-conflit :
entre guerre et paix » Hérodote - Revue de géographie et
de géopolitique, no. 03, 2015, pp. 6-15.
12
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
fonctionnement. Les « Seigneurs de guerre » ont
rebattu les institutions étatiques en mettant leurs
intérêts personnels et ceux de leurs milices transformées
en partis politico-confessionnels avant les intérêts Etatiques. Le
clientélisme et la cleptocratie redistributive sont devenus une arme
dans les mains des leaders politico-confessionnels pour renforcer la
dépendance de leurs communautés confessionnelles à eux. Le
prix de cette transformation était le manque de réconciliation
nationale renforcé par l'élite politique pour garantir sa place
au pouvoir. Dans le cas libanais, face à une société
multiconfessionnelle non-réconciliée, la réconciliation
nationale est limitée à « la normalisation des relations
intercommunautaires et interreligieuses, la reprise de dynamiques
métropolitaines et la nécessité de la construction d'une
mémoire nationale -- en particulier celle de la période 1975-1990
et, plus généralement, la mémoire de la
guerre.»30, cette définition est adoptée par
la majorité des chercheuses et chercheurs qui ont travaillé sur
le sujet de la réconciliation nationale libanaise, une explication plus
théorique et détaillée de ce choix aura lieu dans la
partie (I) de ce mémoire.
Au cours de trois décennies de clientélisme et
de redistribution de fonds étatiques a un peuple non
réconcilié, un remplacement progressive de la socialisation
politique libanaise par une autre confessionnelle a eu lieu. Cette
socialisation politique confessionnelle a été renforcée
par une division géographique communautaire résultante d'un
regroupement renforcé durant la guerre civile (carte 1, Intro, II.). La
division géographique milicienne que nous avons évoquée
dans la deuxième partie de l'introduction s'est transformée en
division géographique de partis politico-confessionnels dans la vie
politique libanaise. Dans le monde de la science politique, la notion de
socialisation politique est jeune et toujours ambiguë, mais dans ce
mémoire et en fonction de la situation libanaise, la socialisation est
politique lorsqu'elle forme et transforme le système individuel
d'opinions, d'attitudes et de représentations politiques à partir
de contraintes imposées par des agents sociaux et des interactions entre
l'individu et son environnement. Vu que la société libanaise est
divisée en plusieurs petites sociétés confessionnelles,
alors la socialisation politique libanaise est confessionnelle. Une explication
plus théorique et détaillée du choix de la
définition et du remplacement de la socialisation politique nationale
par l'autre confessionnelle au Liban aura lieu dans la partie (III) de ce
mémoire.
La socialisation politique confessionnelle accompagnée
par le manque de réconciliation nationale ont causé une
série de conflits de plus en plus violents suite à la guerre
civile, ce qui met la notion de société post-conflit de l'ONU en
question dans le cas Libanais. Parmi plusieurs autres définitions
attribuées au terme conflit, la définition du philosophe et
sociologue Julien Freund dans « Sociologie du conflit »31
correspond le plus à l'actualité libanaise depuis la fin de la
guerre civile jusqu'à nos jours, cela est due à l'éventuel
recours à la violence. Pour Freund, « Le conflit
consiste en un affrontement ou heurt intentionnel entre deux êtres ou
groupes de même espèce qui manifestent les uns à
l'égard des autres une intention hostile, en général
à propos d'un droit, et qui pour maintenir, affirmer ou rétablir
le droit essaient de briser la résistance de l'autre,
éventuellement par le recours à la violence, laquelle peut le cas
échéant
30 CHRABIEH P., « Pratiques de
réconciliation au Liban : un état des lieux »,
Théologiques, vol. 23, no. 02, 2015, p. 230.
31 FREUND J., Sociologie du conflit, Paris,
Presses Universitaires de France, 1983, 412 p.
13
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
tendre à l'anéantissement physique de
l'autre. »32. Si théoriquement le Liban est en
situation de post-conflit d'après la définition de la
communauté internationale, pratiquement les conflits n'ont jamais
arrêtés pour entrer dans la phase d' « après »
conflit. Suite à l'accord du Taëf, le Liban est juste en situation
de post-guerre civile mais jamais en post-conflit. Plusieurs
évènements et affrontements nous mènent à ce
constat, nous pouvons nommer les affrontements entre l'armée libanaise
et les milices chrétiennes suite au Taëf pour remettre leurs armes
illégales (31 janvier 1990, la guerre
d'élimination33), ou bien les affrontements entre le
général Aoun et les troupes de Damas et l'attaque du palais de
Baabda par l'aviation syrienne (13 Octobre 199034, le refuge du
général Aoun à l'ambassade de France), sans oublier la
série d'attentats politiques entre 2005 et 2012 menant à
l'assassinat de plusieurs visages politiques35 et la blessure
d'autres comme May Chidiac et Elias El Mur, causant des centaines de
blessés et morts civils. Ajoutons la guerre entre le Hezbollah et
Israël de 200636, les conflits armés de 2008 entre les
miliciens du Hezbollah et ceux du Courant du Futur sunnite37, les
affrontements armés entre le Hezbollah et les miliciens des FL en 2021,
les affrontement entre les manifestants et le couple Chiite durant les
manifestations de 2019, la double explosion du Port de Beyrouth en 2020, et les
attentats des djihadistes avec le début de la guerre civile Syrienne
jusqu'à nos jours38. Tous ces conflits sauf la double
explosion du Port et les manifestations pacifiques de 2019 sont armés,
mais la totalité était violente et a causé des
blessés et des morts, d'où se met en question la paix libanaise
post-guerre civile.
Effectivement, le Liban n'est ni en guerre, ni en paix, il est
en situation d'entre-guerres d'après la définition donnée
par la chercheuse Marielle Debos. Dans le travail de cette dernière sur
la situation politique d' « entre-guerres » au Tchad39,
l'autrice a renvoyé la notion d'Etat entre-guerres à «
l'expérience des combattants et des civils qui, s'ils ne vivent pas en
permanence en situation de guerre, semblent toujours se préparer
à la prochaine». Cette « préparation à la
prochaine guerre » est permanente et claire au Liban que ça soit
à travers les discours des dirigeants, les sujets abordés par le
peuple ou bien la rapidité fascinante des militants des partis
politico-confessionnels à s'armer et à confronter dans les rues.
L'exemple
32 Ibid., p. 65.
33 ABI RAMIA J., « « Guerre
d'élimination », tutelle syrienne, accord de Meerab : l'histoire
des relations entre le CPL et les FL », L'Orient-Le Jour, 31 Mai
2018. [en ligne] : "Guerre d'élimination", tutelle syrienne, accord
de Meerab : l'histoire des relations entre le CPL et les FL - L'Orient-Le Jour
(
lorientlejour.com).
34 ABI RAMIA J., « LE 13 octobre 1990, la
Syrie délogeait Michel Aoun de Baabda... », L'Orient-Le
Jour, 13 Octobre 2018. [en ligne] : Le 13 octobre 1990, la Syrie
délogeait Michel Aoun de Baabda... - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
35 Nous pouvons citer Rafiq Hariri, Samir Kassir,
Georges Hawi, Gebrane Tuéni, Pierre Gemayel, Walid Eido, Antoine Ghanem,
Francois El-Haj et Wissam El Hassan. L'Obs, « La chronologie des attentats
politiques au Liban », L'OBS, 12 Décembre 2007. [en ligne]
: La chronologie des attentats politiques au Liban (
nouvelobs.com). OLJ., «
Attentat place Sassine : Wissam el-Hassan tué, des ténors de
l'opposition accusent Damas », L'Orient-Le Jour, 19 Octobre 2012.
[en ligne] : Attentat place Sassine : Wissam el-Hassan tué, des
ténors de l'opposition accusent Damas - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
36 ENCEL F., « Guerre libanaise de
juillet-août 2006 : mythes et réalités d'un échec
militaire israélien », Hérodote, vol. no
124, no. 1, 2007, pp. 14-23.
37 NAÏM M., « Le Hezbollah passe à
l'attaque à Beyrouth », Le Monde, 09 Mai 2008. [en ligne]
: Le Hezbollah passe à l'attaque à Beyrouth (
lemonde.fr).
38 KHALIFEH P., « Le Liban annonce
déjoué trois projets d'attentats du groupe Etat islamique »,
RFI, 23 Février 2022. [en ligne] : Le Liban annonce avoir
déjoué trois projets d'attentats du groupe État islamique
(
rfi.fr).
39 DEBOS M., « Chapitre VII. Le gouvernement
de l'entre-guerres », Le métier des armes au Tchad. Le
gouvernement de l'entre-guerres, sous la direction de Debos Marielle,
Karthala, 2013, pp. 217-239.
14
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
le plus récent confirmant cette situation
d'entre-guerres libanaise est la simple réponse du Secrétaire
Général du Hezbollah suite à l'affrontement armé
entre ses militants (chiites) et ceux des Forces Libanaises (chrétiens)
le 14 octobre 2021 à Tayouné causant 7 morts et 32
blessés40. Hassan Nasrallah a confirmé 4 jours suivant
cet affrontement que son parti « dispose de 100 000 combattants,
entraînés et armés »41 et a
conseillé au FL de « renoncer complétement à
l'idée de guerre civile » en menaçant que leur
«région n'a jamais connu un Hezbollah aussi puissant que
maintenant ». En prenant simplement ces 3 phrases, nous pouvons
comprendre l'évidence entre la définition d'entre-guerres de
Debos et la situation libanaise.
A travers le temps, un traumatisme de la guerre civile non
résolu est transmis dans chaque société confessionnelle
aux nouvelles générations à travers différents
agents de socialisation politique, d'où le renforcement de la
socialisation politique confessionnelle par le manque de réconciliation
nationale. En même temps, toute initiative de réconciliation
nationale est bloquée par la socialisation politique confessionnelle,
d'ici se pose la question traitée dans ce mémoire: Comment
s'explique la dépendance entre la socialisation politique
confessionnelle et le manque de réconciliation nationale après la
guerre civile libanaise?
Cette problématique est traitée dans ce
mémoire suite à des lectures, recherches, entretiens avec des
intellectuels et des responsables politiques libanais et une enquête de
terrain le jour des élections législatives de 2022. De base, le
but était de fonder ce travail uniquement sur des recherches et des
lectures divers, mais en tant que libanaise sortant d'une société
déchirée confessionnellement et politiquement, j'ai trouvé
les ouvrages et articles loin de la réalité sociétale
libanaise, d'où la décision de rentrer au Liban pour renforcer
les études théoriques par une réalité divergente.
Effectivement, j'ai eu la chance d'interviewer des responsables de
différents partis politiques libanais et même des intellectuels de
la société civile en comparant leurs avis avec ceux des citoyens
sur le terrain, ce qui m'a aidé à avoir une idée claire du
degré de la conscience politique chez les Libanais et l'effet de la
socialisation politique sur cela. De même, les entretiens m'ont
aidée à toucher le manque de réconciliation nationale
entre les libanais à travers leurs témoignages, discours et
arguments, non uniquement à lire à propos de ce manque dans les
livres et articles.
Deux grilles de questions différentes ont
été préparées, la première pour les
entretiens avec les responsables et intellectuels politiques et la
deuxième pour le questionnaire des citoyens du dimanche
électoral. Dans la première moitié de l'entretien, des
questions standards étaient posées à tout le monde, tandis
que dans la deuxième des questions improvisées ont eu lieux selon
la tranche d'âge et les connaissances de l'interviewé(é).
Vous trouverez dans l'Annexe 1 les détails des entretiens faites avec
les responsables et intellectuels politiques accompagnés par des liens
sur Google Drive des enregistrements vocaux. Tandis que dans l'Annexe 2, vous
trouverez des photos personnelles de toutes les activités faites au
Liban dans
40 OLJ, « Le Liban enterre les victimes des
affrontements de Tayouné », L'Orient-Le Jour, 15 Octobre
2021. [en ligne] : Le Liban enterre les victimes des affrontements de
Tayouné - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
41 AP, AFP et REUTERS, « Au Liban, le
Hezbollah met en garde les Froces libanaises contre une escalade de la violence
», Le Monde, 18 Octobre 2021. [en ligne] : Au Liban, le
Hezbollah met en garde les Forces libanaises contre une escalade de la violence
(
lemonde.fr).
15
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
le cadre du travail pour ce mémoire de fin
d'études. Il est important de noter que chaque personne
mentionnée dans ce travail a consenti sur la forme de sa
représentation. Il existe des personnes qui n'ont pas approuvé
d'être prises en photo ou enregistrées comme l'ex-combattant
palestinien au sein de l'OLP, mais l'entretien a quand-même
été transcrit suite à son consentement. Concernant les
questionnaires du dimanche électoral, avec chaque
référence à une réponse d'un citoyen, un lien dans
les notes de bas de page vous mène vers l'enregistrement en ligne.
Ce mémoire est travaillé avec passion. Chaque
détail intellectuel et formel est une traduction corporelle d'une
passion interne envers mon pays victime d'un cancer politique. Faire partie de
notre sujet de recherche est évidemment un avantage, surtout que nous
maitrisons ses différents aspects et complexités, mais en
même temps c'est un défi. Ce sujet m'a couté des heures de
pleurs et de stress émotionnel, surtout en lisant les propos des parents
et proches des victimes de la guerre civile et de la double explosion du Port
qui réclament toujours la vérité et la justice pour leurs
bienaimés. En lisant des rapports, ou bien en regardant des reportages
et des films sur l'effet psychique du manque de réconciliation chez les
libanais, je me sentais mal envers ma famille, mon entourage et mon pays
déchiré. Le plus grand défi était de ne pas laisser
mes émotions contrôler l'objectivité de mon travail, alors
j'ai transformé ces émotions en professionnalisme et motivation
pour toujours faire un pas de plus. Pour cette raison, j'ai compris les points
de vues différents à travers mes lectures et entretiens. J'ai
regardé le Liban de loin en analysant la situation comme si
j'étais étrangère à cet Etat. Ce mémoire ne
transmet pas mon avis politique personnel, il ne doit pas le faire, ce travail
est une étude scientifique de la situation socio-politique libanaise
suite à la guerre civile en combinant les théories
générales avec l'actualité sociale, politique et
économique.
A la différence du premier défis, le
deuxième ne concerne pas la nature du sujet, mais le sujet en
lui-même. Plusieurs chercheuses et chercheurs ont travaillé sur le
manque de réconciliation nationale après la guerre civile
libanaise, mais peu ont travaillé sur son lien avec la socialisation
politique, et personne n'a utilisé l'expression « socialisation
politique confessionnelle ». Le lien entre la socialisation politique
confessionnelle et le manque de réconciliation au Liban
élaboré dans ce mémoire n'est pas basé sur un
travail extérieur ou bien inspiré par un auteur précis, il
est plutôt le résultat de plusieurs recherches, enquêtes et
réflexions personnelles. Dans ce qui suit, vous allez m'accompagner dans
ma réflexion de A à Z, en commençant par une approche
théorique, historique et administrative du manque de
réconciliation nationale libanaise (I), pour après projeter ces
connaissance sur la situation libanaise actuelle (II), avant d'expliquer la
socialisation politique confessionnelle libanaise (III) et ses rapports avec le
manque de réconciliation nationale (IV).
16
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
I. Le manque de réconciliation au Liban
après la guerre civile
Depuis la fin de la guerre civile libanaise jusqu'aujourd'hui,
le Liban n'a pas connu une réconciliation nationale effective. Des
expressions telles « nous sommes tous des frères », « nos
conflits sont importés », « La paix nationale avant tout
» et « nous sommes tous un » sont répétées
par les dirigeants politiques dans leurs discours depuis 32 ans pour insister
sur la réconciliation « mythique » faite par eux après
la guerre civile.
Avant de parler des initiatives de réconciliation dites
« mythiques » (C) nous allons d'abord évoquer la
complexité du terme « réconciliation » et ces
modalités (A) pour après comprendre le contexte de la fin de la
guerre civile libanaise qui a mené à l'adoption de ces
initiatives (B).
A. Complexité du terme « Réconciliation
» et sa projection conceptuelle sur le cas libanais
La notion de « réconciliation » fait l'objet
de plusieurs débats et des différentes définitions l'ont
été attribuées avec le temps. Certains auteurs tel
Valérie Rosoux considèrent la réconciliation comme une
sorte de rapprochement entre les anciens belligérants42,
d'autres comme Pierre Hazan l'ont liée à la confiance en la
considérant comme passage d'un « passé divisé
à un avenir partagé », tandis qu'au contraire, Trudy
Govier et Wilhelm Verwoerd ont refusé la limitation de la
réconciliation à l'évolution de la confiance dans les
relations entre les belligérants ou à un résultat final
tel un accord ou une harmonie43. Par contre, Sandrine Lefranc a
fortement critiqué le concept de la réconciliation en la
définissant comme une forme de conflit44. Pour Lefranc, la
réconciliation est un processus de se battre longtemps par des mots,
après être battu physiquement, pour identifier qui a
été le plus violent dans le cas où un accord n'a pas
été imposé.
Malgré les différentes définitions de la
réconciliation, il existe deux approches pour étudier ses types
et modalités. La première, dont Timothy Garton Ash adopte, lie la
modalité de réconciliation aux façons officielles de
réaction au lendemain du conflit45. En effet, Garton Ash a
focalisé son travail sur les recherches de gestion du «
passé difficile » en identifiant une dizaine de moyens qui tournent
autour de trois grandes axes : la vérité, la justice et la
consolidation démocratique. Ces moyens peuvent être des
commissions de vérité et de réconciliation, comme c'est le
cas de l'Afrique du Sud en 1995, des procès, comme c'est le cas des
juridiction traditionnelles des gacaca au Rwanda, ou même encore
par l'ouverture des archives, comme c'est le cas de la réconciliation
entre la France et l'Algérie46. La deuxième
42 ROSOUX V., « Réconciliation post
conflit : à la recherche d'une typologie », Revue
internationale de politique comparée, vol. 22, no. 04, 2015, pp.
557-577.
43 GOVIER T., VERWOERD W., « Trust and the
Problem of National Reconciliation », Philosophy of the Social
Sciences, vol. 32, no. 2, Juin 2002, pp. 192-193.
44 LEFRANC S., « Il faut renoncer à
réconcilier. Trois erreurs au sujet des après-guerres »,
Blog de Recherche, 2018, p. 07. [en ligne] : Il faut renoncer
à réconcilier. Trois erreurs au sujet des après-guerres -
HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société (
archives-ouvertes.fr).
45 GARTON ASH T., « The Waters of Mesomnesia
», LE GLOANNEC A.-M., Paris, Presses de Sciences Po, 2003, pp.
405-419.
46 AFP, « Ouverture des archives
françaises : un « acquis » vers la réconciliation
», Arabnews, 11 Mars 2021. [en ligne] : Ouverture des archives
françaises: un "acquis" vers la réconciliation | Arabnews
fr.
17
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
approche limite la réconciliation à un seul et
même processus ayant un but transitoire « d'un passé
divisé à un avenir commun »47. Cette
approche ne conteste pas le fait que chaque cas a une particularité qui
exige une forme différente de réconciliation, mais elle consiste
à tirer des leçons générales et globales de
l'ensemble des expériences et des instruments utilisés dans un
but commun de tourner la page de la violence48.
Entre les deux différentes approches
évoquées ci-dessus, un compromis peut être trouvé.
Evidemment, chaque situation a sa particularité et selon cette
particularité le type et les modalités de la
réconciliation différent. Valérie Rosoux a fait 4
études de cas49 pour montrer la divergence des situations et
comment le type de réconciliation dépend de plusieurs
critères, comme à titre d'exemple : le type du conflit (guerre
civile, interétatique, génocide, colonial), la nature de la
relation entre les belligérants (symétrique, asymétrique,
dominante, etc.), les représentants des parties du conflit et le moyen
de la représentation (institutions, gouvernants, ONG, ex-combattants,
etc.), l'acteur initiateur de la réconciliation, les différences
des sociétés, la gravités du combat, les
conséquences émotionnelles, les attentes des parties et d'autres
critères qui se rajoutent selon chaque cas. Mais en même temps,
Rosoux a pu tirer une conclusion commune quant aux mécanismes de
réconciliation en confirmant qu'il existe uniquement deux types de
mécanismes de réconciliation : le mécanisme diplomatique
et institutionnel, comme c'est le cas franco-allemand avec la création
d'institutions communes et par le partage de discours, et le mécanisme
de la justice transitionnelle qui est le cas Rwandais avec les juridictions
gacaca et le cas Sud-Africain avec la notion juridique «
arc-en-ciel » et la commission pour la vérité et la
réconciliation.
Dans ce travail sur le cas libanais, un compromis entre les
deux approches va être fait à l'image de celui que Roussoux a pu
faire dans ces analyses, en commençant par une étude de la
spécificité de la situation libanaise et la réaction faite
au lendemain du conflit (la première approche de Timothy Garton Ash)
dont l'accord du Taëf (I., (C), 1) et la loi d'Amnistie (I. (C), 2), pour
après parler du blocage des mécanismes de la justice
transitionnelle et de la politisation des mécanismes institutionnels et
diplomatiques (I., (C), 3).
Revenons à la définition de la
réconciliation dans le cas libanais, en effet, la réconciliation
nationale (Al Mousalaha Al Wataniya) au Liban a fait le sujet de plusieurs
études et rapports depuis 32 ans. Des universitaires, des chercheurs et
des chercheuses mettent jusqu'à présent leurs efforts pour en
déduire une définition claire et simple de la
réconciliation de ce pays complexe. Nous pouvons citer les travaux de
l'Université Libanaise, l'Université de Balamand, le Centre
d'études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain,
l'Université américaine de Beyrouth, la Presse des Paulistes,
l'Institut français au Proche-Orient et l'ouvrage CERMOC50.
Plein d'ouvrages et de conférences traitent le même sujet et
favorisent la même définition de la réconciliation
Libanaise dont l'article de Paméla Chrabieh qui définit
47 BLOOMFIELD D., BARNES T., HUYSE L.,
Reconciliation after a violent conflict, Stockholm, IDEA, 2003, p. 12.
48 SCHAAP A., Political Reconciliation, New
York, Routledge, 2009, 192 p.
49 Le cas franco-allemand, franco-algérien,
rwandais et sud-africain : ROSOUX V., « Réconciliation post
conflit: à la recherche d'une typologie », op.cit.
50 DOUAYHI C., HUYBRECHTS E., Reconstruction et
réconciliation au Liban. Négociations, lieux publics, renouement
de lien social, Beyrouth, Presses de l'Ifpo, 1999, 232 p.
18
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
la réconciliation nationale comme étant
« la normalisation des relations intercommunautaires et
interreligieuses, la reprise de dynamiques métropolitaines et la
nécessité de la construction d'une mémoire nationale -- en
particulier celle de la période 1975-1990 et, plus
généralement, la mémoire de la
guerre.»51
D'abord, en normalisant les relations intercommunautaires et
interreligieuses, la réconciliation libanaise exige des initiatives de
dialogues et de rapprochements, ce qui nous réfère à la
définition de Valérie Rosoux qui limite la réconciliation
au rapprochement. Ensuite, en reprenant les dynamiques métropolitaines,
la confiance entre les belligérants doit être renforcée, ce
qui nous réfère à la définition de Pierre Hazan,
surtout avec la construction d'une mémoire nationale commune, ce qui
transforme le « passé divisé à un avenir
partagé ». En plus, cette définition de la
réconciliation nationale libanaise ne limite pas la
réconciliation aux simples rapprochement et confiance, mais elle a des
finalités de paix national et de cohabitation saine entre le peuple
multiconfessionnelle, ce qui rentre dans le refus de la limitation de la
réconciliation évoqué par Trudy Govier et Wilhelm
Verwoerd. Enfin, un accord a été imposé (le Taëf) en
1989 et même une loi d'Amnistie a été promulguée en
1991, mais les travaux des chercheuses et chercheures jusqu'à nos jours
et le manque des éléments constitutifs de la définition de
la réconciliation nationale libanaise montrent que ces initiatives
étaient insuffisantes et qu'une réconciliation est exigée
pour corriger la situation socio-politique libanaise actuelle. En revenant
à la définition faite par Lefranc, elle définit la
réconciliation comme une forme de conflit. Dans le cas libanais, le
conflit n'a toujours pas fini depuis le début de la guerre civile, il a
juste changé de formes. Par la suite, les travaux actifs jusqu'à
nos jours et la situation actuelle libanaise prouvent que le manque de
réconciliation n'est pas la solution pour dépasser la guerre
civile et ses effets. Sans doute, si la réconciliation n'était
pas bien encadrée dans une société fortement
divisée, elle peut causer des tensions et infliger un conflit, mais
sinon, elle se trouve comme une solution pour sauver une crise qui dure depuis
1975. Par contre, la définition de la réconciliation libanaise
trouve même un compromis avec le travail de Lefranc en rejetant la loi
d'Amnistie trouvée bloquante et injuste. Alors, la définition
commune de tous les chercheuses et chercheurs sur le sujet de la
réconciliation libanaise va être adoptée dans ce travail vu
qu'elle s'analyse comme un compromis entre différentes
définitions de la réconciliation qui est toujours en
évolution.
B. Contexte de la fin de la guerre civile libanaise vers la
création de la Deuxième République libanaise
Les dernières années avant la fin de la guerre
n'étaient pas moins violentes que celles d'avant. Entre 1982 et 1990, la
guerre civile libanaise a connu quatre phases52 de plus en plus
violentes poussant les autorités libanaises, sous l'occupation syrienne,
à ratifier l'accord du Taëf créant la Deuxième
République libanaise. Déjà en 1982 il y'a eu plusieurs
tournants d'événements dont l'invasion du Liban par Israël
en juin, le départ des combattants palestiniens avec Yasser Arafat de
Beyrouth pour la Tunisie entre août et septembre, l'assassinat du
Président de la République Bachir Gemayel le 14 septembre avant
sa prise de fonction,
51 CHRABIEH P., « Pratiques de
réconciliation au Liban : un état des lieux », op.cit., p.
230.
52 Encyclopédie, « Guerre au Liban »,
Larousse.fr. [en ligne] : guerre du Liban - LAROUSSE.
19
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
l'autorisation par l'armée israélienne aux
milices chrétiennes de pénétrer à Sabra et Chatila
et de commettre des massacres suite au retrait de la force multinationale
d'interposition53, et la création d'une résistance
anti-israélienne financée et formée par l'Iran
appelé « Hezbollah » comptant mener une guerre contre les
Israéliens, les camps chrétiens et les forces occidentales
présentes à Beyrouth (une série d'attentats a
été faite en novembre 1982 contre la quartier
général israélien et contre les ambassades occidentales
à Beyrouth en avril et octobre menant à des centaines de
morts).
L'image globale de la guerre civile libanaise entre 1983 et
1989 était gravement compliquée. Déjà après
l'assassinat de son leader Bachir Gemayel, la milice Les Forces Libanaises (FL)
qui regroupait des milices chrétiennes se heurte à des
complications et des tensions entre ses parties composantes, les chiites sont
divisés entre les pro-syriens (Amal) et les pro-iraniens (Hezbollah),
les milices druzes appuyées par les Syriens s'opposent aux milices
chrétiennes appuyées par les Israéliens dans la montagne,
des milliers de Chrétiens quittent la montagne vers la littoral et la
force multinationale quitte définitivement le Liban au milieu des
combats en février 1984 après avoir subi plusieurs otages
d'occidentaux à Beyrouth.
Entre 1984 et 1987 les chefs des confessions
politico-militaires ont été menés à accepter, sous
l'égide de la Syrie, la constitution d'un gouvernement d'union nationale
sous la présidence de Rachid Salamé jusqu'à son
assassinat. Durant cette période, l'Etat s'est de plus en plus affaibli
tandis qu'économiquement les milices confessionnelles se sont
renforcées par des appuis externes de l'Iran, l'Arabie saoudite, la
Jordanie, l'Egypte, Israël et l'Iraq et par les rackets, les pillages et
le trafic de drogue. Ces milices ont même eu leurs propres moyens
d'informations.
Surtout entre les années 1985 et 1988, les parties de
la guerre civile n'étaient pas organisées entre elles. Nous
pouvons faire référence à l'interview faite avec
l'ex-ministre des télécommunications en 2009 et du travail en
2011 Professeur Charbel Nahas qui confirme le manque de coordination au sein
des milices de la guerre civile libanaise54. Nahas informe qu'il
y'avait beaucoup de tensions et de problèmes internes dans les groupes
miliciens que vers la fin de la guerre ils n'en pouvaient plus les cacher, que
ça soit les Chrétiens, les Sunnites, les Chiites, les Druzes et
même les palestiniens déchirés entre l'OLP et les
pro-syriens.
Vers la fin du mandat du frère du président
assassiné Bachir Gemayel, en septembre 1988, la nomination d'un nouveau
président et même gouvernement était quasi-impossible.
Chacun des Musulmans pro-syriens et des Chrétiens nommait le leur. Au
final, le commandant en chef de l'armée libanaise le
général Michel Aoun a été nommé
président d'un Conseil des ministres intérimaire. En mars 1989,
ce dernier soutenu par l'Iraq lança son armée contre les Syriens
d'occupation sous motif d'une guerre de libération nationale. Ce qui
résulte par la division de l'armée libanaise en deux et la
destruction de Beyrouth-Ouest par des bombardements intensifs. La
défaite du général Michel Aoun constitue la fin de la
guerre civile libanaise traduite par la signature de l'accord du Taëf le 5
novembre 1989 et par la proclamation, le 21 Septembre 1990, de la
Deuxième République libanaise. D'ici nous
53 Le FMI, les Etats-Unis, la France et l'Italie.
54 Annexe 1, «Interviews faites au Liban »,
Professeur Charbel Nahas, 06 Juin 2022, Achrafieh, p. 01.
20
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
pouvons comprendre l'ambiance dans laquelle les initiatives de
réconciliation ont été prises au lendemain de la guerre
civile libanaise.
C. L'échec des modalités
«mythiques» de réconciliation mises en place après la
guerre civile
Pour transformer leur lutte armée en lutte politique,
institutionnelle et juridique suivant la guerre civile libanaise, les «
seigneurs de guerre » supportés par des Etats tiers ont mis en
place plusieurs réformes, accords et lois pour garantir leurs positions
au pouvoir et éviter la mise en question de leurs responsabilités
juridiques. Ces modalités n'ont pas uniquement réussi à
protéger les responsables de la guerre civile mais aussi à
imposer une réconciliation mythique et formelle qui a bloqué
toute initiative d'une vraie réconciliation effective au Liban. Que
ça soit à travers l'accord du Taëf (1) ou bien la loi
d'Amnistie (2), la justice transitionnelle est freinée au Liban (3).
1) Les lacunes formelles et corporelles de l'accord du
Taëf et son inapplicabilité
Face à la gravité de la situation et vu le
contexte de la fin de la guerre civile libanaise et le lâchement de
l'affaire par les pays occidentaux, un comité tripartie a
été créé par la Ligue Arabe pour négocier un
accord avec les députés libanais et régler la situation.
Malgré les oppositions de la Syrie aux interventions arabes dans cette
affaire, une convocation des députés libanais a été
faite à l'Arabie Saoudite (au Taëf) sous l'égide du
comité formé par l'Algérie, le Maroc et le pays
accueillant pour négocier un accord d' « entente nationale »
qui va cesser le feu et régler la situation.
En regardant la formalité de cette procédure,
même avant de rentrer dans les détails de l'accord, plusieurs
reproches peuvent être faites. Déjà l'initiative est prise
par un acteur externe et le comité est formé par trois pays dont
le Liban ne fait pas partie. En plus, il y'a eu un déplacement
géographique pour négocier la fin d'une guerre faite uniquement
et exclusivement sur le territoire libanais. Ajoutons à cela que ces
négociations concernent même des réformes de la
Constitution libanaise, ce qui a été considéré
comme illégitime par plusieurs opposants dont le Général
Michel Aoun qui refuse l'accord. Enfin, les députés
invités à ces négociations au Taëf n'ont pas
été réélus depuis le 3 mai 197255, trois
ans avant le déclanchement de la guerre. En effet, jusqu'en 1992,
pendant 20 ans, le mandat de la Chambre a été renouvelé
chaque 2 ans. Alors se posent plusieurs questions autour de la
souveraineté du Liban, la représentation effective des Libanais
au sein de ces négociation et la légitimité de cet accord
modifiant la Constitution libanaise sans représentation et avis
effectifs libanais.
Après trois semaines de
négociations56, le 22 octobre 1989, 58 députés
des 62 votent pour l'accord constituant un compromis politique sur lequel se
fonde la vie politique libanaise
55 KARAM M., « Pourquoi, en 1991, des
députés libanais ont étaient nommés plutôt
qu'élus... », L'Orient-Le Jour, 31 Mai 2018. [en ligne]
: Quand le gouvernement libanais nommait des députés... -
L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
56 GRANDCHAMPS C., « L'accord de Taëf,
trois semaines de négociations pour un texte fondateur et
controversé », L'Orient-Le Jour, 22 Octobre 2018. [en
ligne] : L'accord de Taëf, trois semaines de négociations pour
un texte fondateur et controversé - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
21
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
jusqu'à nos jours. Les dispositions de cet accord,
appelé communément l'accord du Taëf, ont été
intégrées dans la Constitution libanaise le 21 septembre 1990.
Les arrangements du Taëf, surtout ceux concernant la réconciliation
effective au Liban, sont restés en partie des lettres mortes et cela
pour plusieurs raisons : D'abord, cet accord exige un cessez-le-feu et la fin
de la guerre civile qui pratiquement a duré un an suite à son
entrée en vigueur57, il avait comme but initial l'abolition
du confessionnalisme politique en divisant le pouvoir équitablement
entre les Musulmans et les Chrétiens mais en réalité il a
renforcé encore plus le communautarisme politique. En effet, le
Taëf a distribué les 128 sièges du Parlement libanais
équitablement entre les Chrétiens et les Musulmans, 64
sièges pour chaque religion, et précise un partage du pouvoir
politique entre les trois présidences de la république
(Chrétien maronite de l'Etat, Musulman chiite du Parlement et Musulman
sunnite du Gouvernement). Il symbolise le retour de l'état de droit au
Liban en présentant ce dernier comme étant une «
République démocratique parlementaire fondée sur le
principe du respect des libertés publiques et en premier lieux de la
liberté d'opinion et de croyance »58. Au niveau
pédagogique, cet accord tente l'écriture d'une histoire commune
du Liban dans un livre d'histoire commun qui ne finit pas en 1943 avec
l'indépendance nationale ce qui n'a toujours pas été fait.
En plus, le Taëf a mis des procédures de réconciliation sans
préciser des calendrier pour les faire, il affirme la restauration de
l'autorité de l'Etat et la fin de l'occupation israélienne mais
en admettant la présence syrienne pour « aider l'Etat libanais a
rétablir son autorité sur son propre territoire ». Il ne
faut pas oublier que cet accord a été conclu sous l'occupation
syrienne où les troupes syriennes se baladaient dans les rues de
Beyrouth. Aucune date n'a été fixée pour leurs retrait, au
contraire, le parlement libanais a admis leur présence et l'a
légalisée. Enfin, le Taëf oblige la dissolution de toutes
les milices et la remise de leurs armes à l'Etat. Jusqu'à nos
jours, la milice pro-syrienne Hezbollah n'a toujours pas respecté cette
obligation.
En regardant la situation du pays juste après l'accord
d'entente nationale et de réconciliation, nous pouvons déduire
que cet accord est un échec total. D'abord, la guerre n'a pas fini, les
combats recommencent entres les deux milices chiites Amal et Hezbollah et les
milices chrétiennes refusent de remettre leurs armes ce qui cause des
claches entres les FL de Samir Geagea et l'armée libanaise de Michel
Aoun. Ce dernier, opposé au Taëf, lutte avec agressivité
contre ce nouveau régime et finit par quitter le Liban pour la France en
1991 après avoir été écrasé par les
aviations syriennes et l'armée libanaise. Ensuite, le but de cet accord
était de montrer qu'il n'y avait pas de vainqueur en sortant de cette
guerre. Mais effectivement, en réduisant les pouvoirs
présidentiels du président maronite et en renforçant les
compétences du président du Conseil sunnite, « le chef
du gouvernement est ainsi le responsable de l'exécution de la politique
générale »59, et du président de la
Chambre Chiite dont le mandat est prolongé d'un à quatre ans et
qui a un rôle primordiale dans la nomination du chef du gouvernement, les
Chrétiens sont sortis perdants et les Musulmans plus
précisément Sunnites
57 Le retour effectif de la paix au Liban
résulte d'un changement politique au niveau international. L'URSS se
décompose, Saddam Hussein envahit le Koweït et la Syrie tourne son
intérêt vers la libération de la Koweït aux
côtés des Etats-Unis.
58 LARCHE J., FAUCHON P., JOLIBOIS C., RUFIN M.,
MATHEAS J., Quel Avenir Pour le Liban ?, Commission des lois, rapport
111, 1996/1997, Partie IV, A. [en ligne]: Quel avenir pour le Liban ? (
senat.fr).
59 BARON X., Le Liban, une exception
menacée: en 100 questions, op.cit., p. 119.
22
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
gagnants. Enfin, dès la première chance
d'élections démocratiques après la guerre civile, le
Taëf a montré un manque démocratique absolue. Le 23 mai
1991, une nouvelle loi s'est promulguée qui exige la division
mentionnée par le Taëf. Sauf que, les nouveaux
députés remplaçants des autres
décédés durant la guerre et les 9 députés
occupants les nouveaux sièges rajoutés par le Taëf seront
désignés et non pas votés par le peuple, et cela «
pour une seule fois »60.
En réalité, le Taëf qui a été
perçu comme la solution idéale pour une coexistence
réussite entre les 18 confessions libanaises a en effet, d'après
Bassem Snaije61, validé que les chefs des milices deviennent
des hommes d'Etat. Avec Nabih Berri, ex-chef de la milice chite Amal
transformé en Président de la chambre des députés
depuis 1992 jusqu'aujourd'hui, Samir Geagea, ex-chef de la milice « Forces
Libanaises » devenu le leader du même parti politique présent
dans le Parlement et le Gouvernement depuis la guerre civile, Hassan Nasrallah,
Walid Jomblat, Amin Gemayel et autres. Et c'est par le Taëf que commence
la crise politique actuelle.
Le Taëf a tellement échoué que tous les
partis politiques et même la société civile, malgré
leurs différences, sont d'accord sur l'échec de ses
finalités de réconciliation et de cohabitation. Nous pouvons voir
cela en se référant aux entretiens faites avec les responsables
et les experts politiques au Liban :
- Professeur Charbel Nahas (ex-ministre et fondateur d'un
mouvement de la société civile) considère que le Taëf
n'est qu'une « organisation externe des chefs apparents
»62. Pour Nahas cet accord est un compromis politique des
pays externes (Syrie, Maroc, Arabie Saoudite et Algérie) pour former
l'équipe existante jusqu'aujourd'hui au pouvoir.
- Docteur Fayez Araji (professeur à l'Université
Libanaise et militant d'extrême gauche) considère que le Taëf
n'est qu'un renforcement du système politique communautaire et qu'il met
en danger les minorités étatiques. « A l'époque
il y'avait 50% de la population Chrétienne et 50% Musulmane dont la
division des institutions en moitié, aujourd'hui les
Chrétiens sont des minorités, et ils sont le plus en danger si on
garde ce système »63.
- Monsieur Hussein Chokr (spécialiste de l'analyse des
conflits au sein de SFCG) considère que « théoriquement
le Taëf est un accord de réconciliation, en effet c'est un accord
de division du pouvoir »64, pour Chokr le problème
de la réconciliation aujourd'hui est le système politique
fondé sur cet accord.
60 The Taif Agreement, negotiated in Saudi Arabia,
September 1989, approved by the Lebanese Parliament, 04 November 1989, p.
02.
61 FRANCE24, «Liban : comment sortir de la
crise économique ? », Youtube, 17 Septembre 2021. [en
ligne] : Liban : comment sortir de la crise économique ? ·
FRANCE 24 - YouTube.
62 Annexe 1, « Interviews faites au Liban »,
Professeur Charbel Nahas, 06 Juin 2022, Achrafieh, p. 01.
63 Annexe 1, «Interviews faites au Liban
», Docteur Fayez Araji, 23 Mai 2022, Zahlé, 00 : 38 : 00,
p. 04. [en ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1D57da5PNK0N8XZkCQWsl7NrETHp1WqVR/view?usp=sharing.
64 Annexe 1, «Interviews faites au Liban
», Monsieur Hussein Chokr, 24 Mai 2022, SFCG HQ, 00:26 :15, p.
17. [en ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1FgHvoSunbKmezZR2nNBZEGixxvr43Jwb/view?usp=sharing.
23
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
- Monsieur Dany Fayad (cadre du parti Kataëb (Phalanges
Libanaises)) a donné l'exemple du « partage du fromage
»65 entre les milices de guerre au sein du système
politique libanais et a insisté que cette tradition se
répète avant chaque élection.
- Monsieur Ramzi Abou Ismail (psychologue politique et membre
de la société civile) insiste que le Taëf a
réconcilié les dirigeants entre eux mais jamais le
peuple66.
- Madame Dima Abou Daya (candidate indépendante pour
les élections législatives de 2022) considère que
théoriquement le Taëf était une bonne forme de
réconciliation mais n'a jamais été
appliqué67.
2) L'Amnistie libanaise : un accord politique
conditionné pour protéger les chefs de milices devenus des Hommes
d'Etat.
Si dans le temps l'Amnistie était une forme de pratique
politique démocratique ayant comme but humain de
réintégrer les délinquants de guerre dans les
sociétés, aujourd'hui cette approche n'est plus valable. Ces
valeurs morales ne sont plus offertes à l'Amnistie et ce à cause
du blocage du pardon et de la mémoire collective essentiels pour la
réconciliation dans une société de post-conflit. Pour
Sophie Wahnich, « cette institution, qui a connu hier le faste des
louanges, semble aujourd'hui irrémédiablement entachée
d'illégitimité. Associée à une politique d'oubli
actif, elle est accusée de voiler la vérité historique
supposée aujourd'hui être seule salvatrice des
sociétés qui ont connu des traumatismes politiques de grande
ampleur. Le nazisme en Allemagne, le fascisme, puis le sang versé par le
terrorisme des « années de plomb » en Italie, la collaboration
puis la guerre d'Algérie en France ont donné à l'Amnistie
un caractère scandaleux»68. En effet,
pénalement l'Amnistie trouve toujours une légitimité
(malgré les approches de sa promotions à l'impunité), mais
socialement d'après Wahnich, elle est illégitime.
Concernant la définition même de l'amnistie, en
effet, même si elle forme une notion du Droit International, elle n'est
pas définie juridiquement dans ce droit. Par contre, par
référence à l'étymologie grecque, l'Amnistie est un
acte qui inflige l'oubli sur tout ce qui a été fait contre la
loi, en se basant sur la constitution de l'Etat69. D'après un
rapport sorti par le Comité international de la Croix-Rouge, l'Amnistie
trouve son but dans les sociétés sortantes d'un conflit
armée pour reprendre la vie normale du pays et pour faciliter la
réconciliation70. Elle aide à éviter le
recommencement des conflits et à établir la vérité.
En plus, c'est une forme de pardon qui généralement n'exige de
ceux qui en bénéficient aucune manifestation de
65 Annexe 1, «Interviews faites au Liban
», Monsieur Dany Fayad, 19 Mai 2022, Zahlé, p. 05. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/16nZnYaHLjcFbcHUl9FAAMxeLz28jvWIB/view?usp=sharing.
66 Annexe 1, «Interviews faites au Liban
», Monsieur Ramzi Abou Ismail, 15 Juin 2022, Zoom, p. 24. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1b9jh-Iv0hETYvJiRCuuPn2NMwub-cEcI/view?usp=sharing.
67 Annexe 1, «Interviews faites au Liban
», Madame Dima Abou Daya, 23 Mai 2022, Zahlé, p. 10. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/15jm8LoDxNV33Vb1CWMl5myrnR--SyEZK/view?usp=sharing.
68 WAHNICH S., Une histoire politique de
l'amnistie. Études d'histoire, d'anthropologie et de droit, sous la
direction de Wahnich Sophie, Presses Universitaires de France, 2007, pp.
15-20.
69 SKAFF C.J., « L'amnistie et la justice
transitionnelle », Le Portique, vol. 31, 2013, pp. 175-186.
70 CICR, Commentaire des Protocoles
additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août
1949, 1987, par. 4617-4618.
24
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
repentir ou d'amendement71. Alors en parlant de
l'Amnistie, et d'après plusieurs recherches faites par des
différents chercheurs, trois éléments sont invoqués
: l'oubli, le pardon et l'histoire commune. Mais est-ce que ces trois
éléments sont envisageables si les crimes et leurs responsables
n'ont pas été qualifiés comme c'est le cas au Liban?
Sophie Wahnich a répondue a cette question dans le
travail collectif72 dont elle a dirigé en insistant sur
l'obligation et l'importance de qualifier le crime et son responsable pour
pouvoir accepter ou refuser une telle décision. En plus, Wahnich a
insisté sur l'importance de la réécriture de l'histoire
suite à la qualification des crimes et de leurs auteurs. Ici se trouve
le problème principale de la loi d'Amnistie libanaise du 26 août
1991 qui accorde une Amnistie aux criminels de guerre pour tout crime commis
avant le 28 mars 1991 à quelques exceptions près. Le fait que les
responsables n'ont pas été identifiés ni leurs crimes et
que la loi d'Amnistie n'exige aucune obligation de repentir ou d'amendement de
leurs parts rend l'effet de cette initiative extrêmement minimal dans les
conditions exigées pour avoir une vraie réconciliation.
Le deuxième problème de la loi 84 réside
dans son troisième article qui impose une condition
d'inapplicabilité de l'Amnistie à « l' assassinat ou la
tentative d'assassinat de personnalités religieuses ou politiques et de
diplomates arabes ou étrangers »73. Cet article non
seulement ne respecte pas le fait que la loi d'Amnistie doit être absolue
et inconditionnelle74, mais il établit aussi que les chefs
des milices devenus des leaders politiques et les hommes religieux ont droit
à la justice quand le reste de la population a été
dépourvu de ce droit fondamental. Uniquement Samir Geagea, chef des FL,
a été arrêté en 1994 pour l'assassinat de Rachid
Karamé (l'ancien Premier Ministre) en 1987 et a été
condamné à peine de prison à perpétuité.
Après le départ des troupes syriennes en 2005, le Parlement a
voté pour sa libération.
La non-reconnaissance des crimes et des responsables des
crimes et la protection du droit à la justice uniquement des
personnalités religieuses et politiques montrent à quel point
cette loi d'Amnistie libanaise est politisée et faite uniquement pour la
protection des Hommes d'Etat criminels de guerre. Enfin du compte, cette loi 84
n'est qu'un accord politique pour blanchir les records des vraies responsables
des crimes de guerre et accorde à la population libanaise
traumatisée une réconciliation biaisée. La loi 84 est
l'exemple type de la critique de l'Amnistie faite par Sandrine Lefranc qui
considère que « Le vainqueur jugeait (et on appelait cela une
justice politique) puis amnistiait, le demi-vainqueur et le demi-vaincu
s'accordaient sur une amnistie... L'amnistie met fin à la guerre civile
de manière immorale, oui, mais de la manière la plus politique
selon Aristote »75. En d'autres termes, l'Amnistie est la
politique des gouvernants d'après-guerre.
71 V. L. JOINET, Question de l'impunité
des auteurs des violations des droits de l'homme (civils et politiques),
Rapport établi en application de la décision 1996/119 de
la Sous-commission des droits de l'homme, CES, 26 juin1997. [en ligne] :
untitled (
hoggar.org)
72 WAHNICH S., Une histoire politique de
l'amnistie. Études d'histoire, d'anthropologie et de droit,
op.cit.
73 CLDH, Liban, Disparitions Forcées et
Détentions au Secret , Rapport du Centre Libanais des Droits
Humains, Beyrouth, 21 Février 2008, p. 40.
74Notons qu'elle peut être partielle et
limitée à certaines personnes ou octroyée sous certaines
conditions. 75 LEFRANC S., « Il faut renoncer à
réconcilier. Trois erreurs au sujet des après-guerres »,
op.cit., pp. 2-3.
25
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
3) Le freinage du passage de l'Amnistie à la justice
transitionnelle au Liban
« Il ressort clairement de notre expérience de
ces dernières années qu'il n'est possible de consolider la paix
dans la période qui suit immédiatement la fin du conflit et de la
préserver durablement, que si la population est assurée d'obtenir
réparation à travers un système légitime de
règlement des différends et l'administration équitable de
la justice »76, le Secrétaire Général
des Nations-Unies, Ban Ki-moon, a donné cette définition de la
justice transitionnelle dans son rapport devant le Conseil de
Sécurité en 2004. En analysant cette définition, nous
pouvons conclure que la justice transitionnelle a comme finalité la
consolidation de la paix et la préservation de cette dernière. En
ce qui concerne sa nature même, elle est un système
légitime ayant comme finalités d'assurer la réparation au
peuple à travers le règlement des différends et
l'administration équitable de la justice.
La Justice transitionnelle
Réparation, règlement des différends et
justice équitable => consolidation de la paix
préservée
|
Nous allons analyser l'état des éléments
constitutifs de cette définition de la justice transitionnelle au Liban
en commençant par la réparation et le règlement des
différends. Effectivement, ni le Taëf et ni la loi d'Amnistie de
1991 n'ont mentionné la réparation des victimes et de leurs
familles. Des milliers de jeunes libanais sont disparus entre 1975 et 1990,
leurs familles forment des comités jusqu'à nos jours et luttent
pour savoir leurs sorts, s'ils sont morts elles réclament leurs corps
pour les enterrer dignement dans leur pays, sinon, elles demandent leurs
libération des prisons syriennes et israéliennes. L'Etat libanais
ne répond toujours pas à ces familles. Des femmes et des enfants
victimes de violences sexuelles n'ont même pas pu parler et
témoigner jusqu'à nos jours, au cas contraire, aucune
réparation ne leur a été accordée. La
vérité sur plusieurs dossiers n'a toujours pas été
prononcée, comment pouvons-nous parler de réparation et de
règlement des différends ? Historiquement les seules mesures de
réparation et de compensation qui ont eu lieu au Liban sont celles de
1860 sous l'Empire Ottoman sur le sujet des massacres du Mont Liban entre les
Druzes et les Maronites. Les responsables étaient obligés de
payer une amende aux familles des victimes, tandis qu'en 1991, après 131
ans, une loi visant à la réconciliation et la paix après
une guerre civile n'a même pas mentionné la notion de
réparation ou de compensation. En ce qui concerne le règlement
des différends, ce dernier se fait suite à la
vérité, à l'identification et à la reconnaissance
des crimes et des criminels de guerre d'après monsieur Ramzi Abou
Ismail77, cela se fait aussi suite à l'identification de la
cause de ses différends et de son traitement. Toutes ces exigences n'ont
pas été faites, comment pouvons-nous parler de règlement
des différends au Liban si ces différends-mêmes ne sont pas
communément identifiés ?
En parlant de la justice équitable au Liban, la
multi-confessionnalité et le système
communautaire doivent toujours être pris en compte. Le
peuple libanais a toujours connu des
76 Secrétaire Général des
Nations-Unies, Rétablissement de l'État de droit et
administration de la justice pendant la période de transition dans les
sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit,
Rapport devant le Conseil de Sécurité, Doc. S/2004/616, 23
août 2004, p. 7, par. 08.
77 Annexe 1, « Interviews faites au Liban
», Monsieur Ramzi Abou Ismail, 15 Juin 2022, Zoom, 00 :06 :31, p.
23. [en ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1b9jh-Iv0hETYvJiRCuuPn2NMwub-cEcI/view?usp=sharing.
26
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
minorités confessionnelles et des majorités
confessionnelles évoluables avec le contexte socio-politique. Cette
particularité de la situation libanaise rend l'approche de John
Rawls78 sur la notion de la justice équitable pertinente. En
effet, Rawls insiste dans son ouvrage « Justice as fairness : Political
not metaphysical » sur la nécessité d'adopter une
théorie permettant de « concilier l'égalité des
personnes avec la particularité des situations »79.
En prenant en compte les droits des minorités et leurs liens avec la
justice équitable de Rawls, les études de Will
Kymlicka80 sur le « fédéralisme multinational
» semblent pertinents dans le cas libanais. Kymlicka impose la
nécessité de se demander comment le droit des minorités
affecte la conception de citoyenneté qui implique l'unité
nationale, la liberté individuelle et la justice sociale.
En observant l'image globale après la fin de la guerre
civile libanaise, nous remarquons une certaine injustice envers les
Chrétiens vu que les compétences du Président de la
République chrétien ont été minimisées pour
augmenter celles du Premier Ministre sunnite et du Chef de la Chambre chiite.
Et vu que le seul qui a été responsabilisé et
condamné pour un crime de guerre est le chef de la milice
chrétienne des FL, Samir Geagea. Alors cette approche de Kymlicka entre
les droits des minorités et la conception de citoyenneté n'est
pas du tout respectée au Liban vu que cette inégalité
entre les Chrétiens et les autres confessions menace d'abord
l'unité nationale en créant des tensions (surtout à la
sortie de la guerre civile), ensuite la liberté individuelle puisque les
membres de cette milice chrétienne n'ont pas été
représentés au pouvoir, donc ils n'avaient pas le droit de
s'exprimer librement, et enfin la justice sociale. En d'autres termes, le Liban
n'a pas adopté une théorie permettant de concilier «
l'égalité des personnes avec la particularité des
situations »81 comme a exigé Rawls pour une justice
équitable. Ajoutons à cela, que le Taëf a donné la
possibilité aux chefs de milices de devenir des Hommes d'Etat, la loi 84
a protégé ces leaders politiques de toute responsabilisation
sortante de la guerre, et leur a donné le droit à la justice avec
les hommes religieux, ce qui n'a pas été donné aux
citoyens « basiques ». Les résultats du Taëf et de la loi
d'Amnistie ne sont que des résultats politiques rentrants dans les
intérêts des hommes du pouvoir, ce qui est aussi contraire
à une justice équitable.
En conclusion, les éléments de définition
de la justice transitionnelle donnés par Ban Ki-moon qui sont : la
réparation, le règlement des différends et la justice
équitable, ne sont pas traité dans les initiatives de
réconciliation mythiques prises par le pouvoir libanais en sortant de la
guerre civile, et c'est le Taëf avec la loi 84 qui freinent la justice
transitionnelle jusqu'à nos jours.
Après avoir eu une approche théorique et
historique des raisons du manque de réconciliation nationale libanaise
post-guerre civile, il est important de comprendre les conséquences de
ce manque 32 ans suivant la fin de cette guerre (II).
78 RAWLS J., Justice as Fairness: Political Not
Metaphysical. In Equality and Liberty, Royaume-Unis, Palgrave Macmillan,
1991, pp. 145-173.[en ligne]: Justice as Fairness: Political Not
Metaphysical | SpringerLink.
79 BARIPEDIA, « La théorie
égalitariste de la justice distributive de John Rawls »,
Baripedia. [en ligne] : La théorie égalitariste de la
justice distributive de John Rawls (
baripedia.org).
80 KYMLICKA W., Les Théories de la
justice : une introduction, Libéraux, utilitaristes, libertaires,
marxistes, communautariens, féministes, Paris, Essai (poche), 2003,
364 p.
81 BARIPEDIA, « La théorie
égalitariste de la justice distributive de John Rawls », op.cit.
27
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
II. La réconciliation au Liban aujourd'hui
« Depuis la fin de la guerre, en 1990, je n'ai qu'une
préoccupation : m'assurer que mes enfants ne revivent pas ce que j'ai
vécu. Je ne veux pas qu'ils aient à prendre les armes un jour. Ni
eux, ni aucun jeune de leur âge. Pour cela, un travail de mémoire
est nécessaire, surtout si l'on considère la situation dramatique
par laquelle passe notre pays. Nous ne pouvons pas comprendre notre
actualité , ni construire le Liban de demain, si nous ne connaissons pas
notre histoire »82, Fouad Abou Nader (2021).
A travers ces mots, Fouad Abou Nader, un ex-combattant de la
guerre civile libanaise a exprimé son inquiétude concernant le
sort de ses enfants suite au manque de réconciliation au Liban
après la guerre des 15 ans. L'auteur a traduit dans son livre les
pensées et inquiétudes de plusieurs parents libanais aujourd'hui.
Les raisons de ces inquiétudes constituent les motifs pour lesquels la
réconciliation est une nécessité au Liban même
après plus que 30 ans (A), et aussi les limites sociopolitiques bloquant
la réconciliation libanaise (B).
A. La réconciliation est une nécessité
après 32 ans de la fin de la guerre civile
En parlant de la réconciliation, une importante
question doit-être posée : est-ce que la réconciliation est
nécessaire ?. En interviewant des Libanais, plusieurs
considéraient que la réconciliation n'est plus efficace
après 32 ans de la fin de la guerre civile, comme par exemple le Maire
de la Moualaka Mr. Nazih Chaanine et l'ex-ministre Mr. Charbel Nahas qui
considèrent que pour qu'elle soit efficace, la réconciliation
doit être faite juste après la guerre. Tandis que la
majorité pensait que la réconciliation est une
nécessité. Pareil, la plupart des études, rapports et
recherches faites sur la sociopolitique libanaise considèrent que la
réconciliation est une nécessité, nommons à titre
d'exemple le Rapport du Centre Libanais des Droits Humain sur le sujet des
disparitions forcées durant la guerre, le Rapport de l'ONG Legal Action
Worldwide (LAW) sur le sujet des crimes de violence sexuelles comme arme de
guerre durant la guerre civil, les travaux de divers universités comme
l'Université Libanaise, l'Université Américaine de
Beyrouth, l'Université Saint-Joseph, l'Université Balamand et
autres, les travaux de plusieurs chercheuses et chercheurs comme Kamal Hamdan,
Paméla Chrabieh, Eric Huybrechts, Chawqi Douayhi, Charbel Jean Skaff,
Fouad Abou Nader, Tracy Chamoun et Xavier Baron.
Sur un niveau plus international, comme Valérie Rosoux
l'a mentionné dans son travail83, «pour la plupart
des chercheurs et praticiens spécialisés dans la
résolution des conflits, un seul et même scénario doit
être favorisé : la réconciliation. », pour
après rajouter « Que ce soit au Liban ou au Haut-Karabakh, en
Afghanistan ou en Israël, au Libéria ou au Kosovo tous soulignent
le « pouvoir de la réconciliation »84 ».
Même le Secrétaire Général de l'ONU Antonio
Guterres l'a confirmé en précisant qu' « une
réconciliation réussie contribue
82 ABOU NADER F., Liban : Les défis de
la liberté, le combat d'un chrétien d'Orient, 2021,
L'Observatoire, Paris, p. 11.
83 ROSOUX V., « Réconciliation post
conflit : à la recherche d'une typologie », op.cit., p. 557.
84 Formule de l'ancienne Secrétaire
d'État américaine Hilary Clinton, reprise par son successeur,
John Kerry (Washington, 2 septembre 2015).
28
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
à prévenir la résurgence des
conflits, en plus de former le terreau de sociétés plus
résilientes, pacifiques et prospères (...) C'est pour cette
raison que promouvoir la réconciliation et briser le cercle de
l'impunité fait partie intégrante de notre travail
»85.
Peut-être que dans certaines sociétés de
post-conflit la réconciliation ne se trouve pas comme
nécessité, ce n'est pas notre sujet. Concernant le Liban, la
réconciliation est une nécessité voire une obligation pour
guérir le peuple d'un traumatisme sanglant. Dans ce qui suit, nous
allons comprendre précisément pourquoi.
1) Des dossiers toujours non traités
« Il n'y a pas eu au Liban l'oubli salutaire auquel
on parvient après avoir travaillé à surmonter un
traumatisme, mais il y a eu en revanche, l'oubli pernicieux de ceux qui se
contentent de le refouler. En nous enfermant dans le silence, nous nous serions
enfermés dans le traumatisme du passé. Au Liban, nous avons "
oublié " sans oublier »86 . L'enfermement dans le
silence que Amal Makarem a mentionné constitue le non-traitement de
dossiers sensibles de la guerre par les autorités libanaises et le
manque de réaction face aux demandes du peuple, ce qui rend difficile de
tourner la page de la guerre civile même après 32 ans. En effet,
ce non-traitement des dossiers bloque la capacité du peuple à
surpasser le traumatisme de la guerre civile, et ce jusqu'aujourd'hui,
d'où la nécessité de trouver justice.
Deux sujets majeurs n'ont pas été traités
suite à la guerre civile et qui constituent une étape importante
de la réconciliation libanaise. Le premier étant le dossier des
disparus, et le deuxième celui des victime de violences sexuelles
utilisées comme arme de guerre durant la guerre civile.
a) Les disparitions forcées et les détentions
secrètes :
Durant la guerre civile, des milliers de Libanais ont
été enlevés et disparus sur les mains des milices
libanaises et des armées syrienne et israélienne, laissant
derrière eux des familles qui luttent en majorité jusqu'à
ce jour pour savoir leurs sorts. Cette pratique d'enlèvement a
durée même après la guerre civile, durant les occupations
syrienne et israélienne. Une partie des victimes est détenue en
Syrie, l'autre en Israël et celle enlevée par les milices est
restée au Liban. Certaines victimes ont été
relâchées, d'autres exécutées au Liban, et les
restes remises aux autorités israélienne et syrienne parmi
lesquelles certaines sont enterrées dans ces pays, et d'autres sont
toujours captivées dans les prisons sous traitement inhumain.
Depuis la fin de la guerre civile en 1990, aucune
enquête n'a été menée pour savoir ce que sont
devenues plus de17 00087 disparus. Il est sûr que des
centaines de Libanais sont toujours détenus dans les pires conditions
puisque des détenus qui ont été libérés des
prisons
85 Conseil de Sécurité, «
Conseil de Sécurité : « la réconciliation ne saurait
se substituer à la justice, ni même ouvrir la voie à
l'amnistie pour les crimes les plus graves », prévient le
Secrétaire général », Couverture des
réunions, CS/14024, 19 Novembre 2019. [en ligne] : Conseil de
sécurité: « la réconciliation ne saurait se
substituer à la justice, ni même ouvrir la voie à
l'amnistie pour les crimes les plus graves », prévient le
Secrétaire général | Couverture des réunions &
communiqués de presse.
86 MAKAREM A., Colloque sur Mémoires
d'avenir à l'UNESCO, 2001. Retrouvez son intervention sur le site :
www.memoirepourlavenir.com/french/profil/index.htm
87Rapport CLDH, op.cit., p. 42.
29
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
syriennes et israéliennes ont confirmé aux
familles des autres détenues que le leurs sont toujours vivants et
captivés. A titre d'exemple, ce qui suit est un témoignage de la
fille de Mohammed Nassar (un jeune libanais enlevé en 1979 à 30
ans) tiré d'un rapport fait par le Centre Libanais des Droits Humain en
2008 :
« En 1988, deux prisonniers libanais
libérés de la prison de Adra ont affirmé à la
famille de Ahmad Nassar qu'ils étaient détenus dans la même
cellule que lui et que, comme eux, il était accusé de complot
politique. En 2001 un autre détenu libéré de Syrie leur a
dit qu'il avait vu Ahmad et qu'il avait été condamné
à 20 ans de réclusion. Il leur a aussi donné un papier,
daté de 1999, où Ahmad avait écrit : « Je suis Ahmad
Nassar, je suis dans la prison centrale syrienne, chambre 7, dans le sous-sol
de la prison. Je suis marié, j'ai deux enfants. » Une signature
figure sur le bout de papier, identifiée comme conforme à la
signature de Ahmad Nassar »88- Ce témoignage est un
parmi plusieurs confirmant la présence d'autres détenus dans les
prisons en Syrie et en Israël par des victimes libérées.
Non uniquement les victimes souffrent dans les prisons
à cause de la torture quotidienne et les conditions inhumaines, mais
leurs familles aussi. C'est une torture psychique et émotionnelle pour
les parents et proches des victimes qui finira une fois la vérité
sera révélée. Une maman a témoigné : «
La disparition de mon fils, c'est comme si je tenais une braise
incandescente dans ma main. Cela fait 15 ans que cela me fait mal, mais je ne
peux pas la lâcher »89. Ce qui rend la situation
encore plus difficile pour les proches de la victime, c'est la
négligence des autorités libanaises et la considération
par les politiciens que c'est du passé qui doit être
oublié.
Aline Manoukian, une rédactrice photo
indépendante basée à Paris, a pris cette photo durant la
guerre civile libanaise qui a été publiée dans la revue
« L'Orient-Le Jour ». Aline a expliqué que "Presque chacun
d'entre nous, au Liban, a perdu un proche, un ami, une connaissance pendant la
guerre civile. Des milliers de personnes ont été tuées ou
enlevées. Je n'ose même pas imaginer à quel point il est
insoutenable pour une mère de perdre un enfant. Pire, de ne pas savoir
ce qu'il est devenu. Ce jour-là, en 1983, des proches de disparus
avaient laissé exploser leur colère au passage du Musée.
Ils voulaient des réponses, savoir ce qu'il était advenu de leurs
proches. Dans la fumée et le chaos, cette femme vêtue de noir a
brandi une photo de son fils disparu. J'ai pris la photo très
rapidement, sans me rendre compte que son visage allait me hanter pendant des
années. Je l'ai appelée "La Louve". Elle a cette
férocité animale, elle serait capable de déchiqueter celui
qui oserait faire du mal à son louveteau." 90
88 Ibid., p. 21.
89 Ibid., p. 06.
90 OLJ, « La guerre dans l'oeil de six
photographes libanais », l'Orient-Le Jour, 14 Avril 2015. [en
ligne] : La guerre dans l'oeil de six photographes libanais - L'Orient-Le
Jour (
lorientlejour.com).
30
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Malgré les réactions faibles des
autorités libanaises sur le sujet des disparus en Syrie et en
Israël, les familles de ces derniers luttent toujours. Des comités
ont été créés comme le « Comité des
familles de détenus libanais en Syrie » avec le support de
l'association Support of Lebanese in Detention and Exile (SOLID) pour
comprendre pourquoi leurs proches ont été détenus. Ces
comités ont comme but de faire pression sur les autorités
libanaises et syriennes pour libérer les vivants et rendre les morts
à leur pays. Malheureusement, les autorités libanaises et
syriennes accordent des fausses promesses à ces familles, ou bien
dénient l'existence de détenues en Syrie. Malgré le fait
que 121 détenus91 ont été libérés
des prisons syriennes en 1998 et 5692 en 2000, les autorités
libanaises n'ont jamais officiellement reconnu l'existence de détenus
libanais en Syrie. Depuis avril 2005, chaque deux ou trois ans les proches des
disparus organisent un sit-in au centre-ville de Beyrouth face à (Escwa)
qui est la maison des Nations-Unies dans le but d'attirer l'attention de la
communauté internationale pour reconnaitre la non application de la
résolution 1559 du CS93 par la Syrie tant que les
détenus sont dans ces prisons.
En ce qui concerne les familles des disparus en Israël,
un Comité de suivi (Khiam rehabilitation Center) leurs apporte un
soutien dans la consultation des dossiers soumis au CICR et aux Nations-Unies.
Ces dossiers visent à exercer des pressions auprès des
autorités israéliennes. La situation des victimes détenues
en Israël est plus compliquée que celle des disparus en Syrie vu
que Israël est considérée comme un ennemie officiel du
gouvernement Libanais. Cette question des détenus libanais en
Israël est devenue un sujet de conflit entre le Hezbollah et Israël.
A chaque fois que Hezbollah enlève un militaire israélien, des
négociations commencent pour libérer des détenus libanais.
Par exemple, en 2004, avec des interventions allemandes, une vingtaine de
libanais ont été libérés des prisons
israéliennes et une soixantaine de familles ont
récupérés les dépouilles de leurs proches. En
parallèle, un homme d'affaire israélien a été
libéré par le Hezbollah après 4 ans de détention et
trois corps d'Israéliens ont été rendus à leurs
familles.
De la part des autorités libanaises, le premier acte
officiel sur le sujet des disparus est la loi de 1995, dite la loi du silence,
en vertu de laquelle les personnes disparues peuvent être
déclarées mortes. En plus, d'après le rapport du Centre
Libanais des Droits Humains94, plusieurs commissions
d'enquêtes ont été créées au début des
années 2000 mais sans aucun résultat. Nous pouvons mentionner la
commission d'enquête de l'année 2000 qui avait un délai de
3 mois pour régler une question de 17 000 disparus. Cette commission n'a
pas donné de réponses aux familles des disparus, elle a
uniquement émis un résumé de rapport de deux pages
confirmant qu'il n'existe pas de disparus ni en Israël, ni en Syrie et que
les parents doivent
91 K.P., « Conférence de soutien aux
prisonniers, au théâtre de la Sagesse à Achrafieh 228
libanais seraient toujours détenus dans les prisons syriennes »,
L'Orient-Le Jour, 03 Avril 1998. [en ligne] :
https://www.lorientlejour.com/article/265716/Conference_de_soutien_aux_prisonniers%252C_au_theatre_de_la
_Sagesse_a_Achrafieh_228_libanais_seraient_toujours_detenus_dans_les_prisons_syriennes.html.
92 FIDH, « Libération de détenus
libanais en Syrie », Fédération Internationale pour les
Droits de l'Homme, 13 Décembre 2000. [en ligne] :
https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/liban/LIBERATION-DE-DETENUS-LIBANAIS-EN.
93 La Résolution 1559 du Conseil de
Sécurité confirme l'indépendance et la souveraineté
du Liban et oblige les forces étrangères (Syrienne et
Israélienne) de se retirer du territoire Libanais.
94 Rapport CLDH, op.cit. pp. 29-32.
31
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
respecter la loi de 1995 et déclarer leurs proches
morts. Une autre commission a été créée en 2001,
cette dernière avait comme mission unique de prouver qu'il existait des
détenus en Syrie et en Israël et de référer les
dossiers des détenus en Israël au CICR et ceux des détenus
en Syrie aux autorités syriennes. Cette commission a collecté des
témoignages des familles et a reçu 78095 demandes
d'enquête de la part des familles des victimes. Elle n'a émis
aucun rapport et n'a rien publié tandis que ces membres ont
confirmé qu'il existe 97 personnes en vie en Syrie, mais les
autorités libanaises n'ont rien fait face à cela. Une
troisième commission a été créée en 2005,
cette dernière est libano-syrienne ayant comme but d'investiguer sur la
présence de détenus syriens au Liban et de détenus
libanais en Syrie. Pareil que les autres deux commissions, celle de 2005 n'a
pas mené à des résultats effectifs. En effet, les
autorités syriennes bloquaient tout progrès de la part de la
commission parce qu'ils ne reconnaissent pas officiellement la présence
de détenus libanais chez eux. Dans le même rapport du Centre
Libanais des Droits Humains, il est mentionné que « Dans les
entretiens que nous avons menés, pratiquement toutes les familles nous
ont affirmé qu'elles avaient déposé leur dossier devant
chacune des commissions et qu'à chaque fois il leur était
demandé de fournir à nouveau les informations dont elles
disposaient. Pourtant elles n'ont jamais reçu de réponse. Cette
attitude a renforcé leur conviction que les autorités libanaises
n'avaient aucunement l'intention de révéler le sort de leurs
« disparus »96.
Plus récemment, en 2014, le Conseil d'Etat a reconnu le
« droit de savoir » des familles des victimes en partageant avec eux
les rapports de la commission d'enquête de l'année
200097. En 2015, à l'occasion de la journée
internationale des victimes de disparitions forcées le 30 août,
« Human Rights Watch » a mis la pression sur le autorités
libanaises en publiant un communiqué98 insistant sur la
nécessité de créer une commission nationale
indépendante pour enquêter sur le sort des victimes disparues
forcément durant la guerre civile et les occupations israélienne
et syrienne. Après trois ans, le 13 novembre 201899, le
Parlement libanais a répondu à cette demande et une loi a
été adoptée contenant 38 articles visant à
enquêter et à trouver la vérité sur le sujet des
disparitions forcées durant la guerre civile libanaise. Cette loi
prévoit la création d'une Commission d'enquête nationale
composée de 10 membres dont 2 représentent les associations des
familles des victimes. Cette commission sera chargée d'enquêter
sur le sort des disparus en Syrie et en Israël et sur l'existence de
fosses communes sur le territoire libanais.
A travers la loi 105/18, les autorités libanaises ont
reconnus « le droit de savoir » des familles des victimes. Cette loi
est considérée comme une réussite et une sorte de victoire
des comités, associations et organisations des familles des victimes
luttant depuis 30 ans. D'après Justine Di Mayo, une représentante
de l'ONG libanaise « ACT for the disappeared » (ACT),
95 Liste publiée par le Quotidien Al-Nahar le
17 Avril 2005.
96 Rapport CLDH, op.cit., p. 32.
97 HRW, « Liban : Il faut mettre en place une
Commission nationale d'enquête sur les disparitions forcées »
Human Rights Watch, 29 Août 2015. [en ligne] : Liban : Il
faut mettre en place une Commission nationale d'enquête sur les
disparitions forcées | Human Rights Watch (
hrw.org).
98 OLJ, « HRW demande au Liban une commission
d'enquête sur les disparitions forcées », L'Orient-Le
Jour, 01 Septembre 2015. [en ligne] : HRW demande au Liban une
commission d'enquête sur les disparitions forcées - L'Orient-Le
Jour (
lorientlejour.com).
99 LAUTISSIER H., « Au Liban, la loi sur les
disparus enfin votée », Middle East Eye, 15 Novembre 2018.
[en ligne] : Au Liban, la loi sur les disparus enfin votée | Middle
East Eye édition française.
32
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
« c'est la première fois depuis la fin de la
guerre qu'il y'a un processus de vérité et de
réconciliation qui se met en place au Liban »100
Malgré l'espoir créé en 2018 avec la loi
105/18, la commission indépendante n'a pas été
créée que 18 mois plus tard avec le gouvernement résultant
des manifestations de 2019101. Le gouvernement de Hassan Diab a
créé la commission en juin 2020102, deux mois avant la
double-explosion du port de Beyrouth103. Suite à l'explosion
du Port et à la démission du gouvernement créant la
Commission, ce sujet n'a plus été abordé et le nombre des
familles des victimes luttant contre l'impunité et pour la
vérité s'est augmenté en rajoutant les familles des
victimes de la double-explosion. La routine des proches des disparus a repris,
des rassemblements au centre-ville de Beyrouth ont recommencés. Sauf que
depuis 3 ans les demandes ont changées de « la création
d'une loi et d'une Commission d'enquête » en « l'application de
la loi 105/18 »104.
Durant ces 32 ans suivant la fin de la guerre civile, les
autorités libanaises légitimées par l'accord du Taëf
et protégées par la Loi d'amnistie bloquent trois droits
fondamentaux du peuple libanais : le droit à la vérité, le
droit à la justice et le droit à réparation. La
reconnaissance et l'attribution efficace de ces droits est une forme de
réconciliation. En fait, comme Nadim Houry105 a
déjà affirmé, « Le Liban ne peut pas avancer sans
aborder de manière adéquate les problèmes du passé
»106. Les familles et proches des disparus veulent aborder
ces problèmes du passé, ce sont les autorités libanaises
qui les ont gardés dans un état transitoire de va-et-vient entre
les familles des victimes et les institutions.
b) Les crimes de genre durant la guerre civile libanaise
Depuis 1990 jusqu'aujourd'hui, le sujet des crimes de genre
n'a pas été abordé ni par les autorités libanaises
et ni par le peuple. Le premier rapport107 sur le sujet est sorti en
juin 2022 par L'ONG « Legal Actions Worldwide » (LAW) intitulé
« Ils nous ont violés de toutes les manières possibles. Les
crimes de genre durant les guerres civiles libanaises ». Dans le cadre de
ce rapport, 142 individus ont été questionnés par LAW. Les
statistiques dans le document108
100 Ibid.
101 Evènement plus détaillé dans la
conclusion, Partie I, A.
102 COMATY L., « Pour une commission nationale
pionnière et innovatrice sur les disparus », L'Orient-Le
Jour, 28 Juillet 2020. [en ligne] : Pour une commission nationale
pionnière et innovatrice sur les disparus - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
103 Evènement plus détaillé dans la
conclusion, Partie I, B.
104 G.D et S.A.S, « Les familles des disparus appellent
à l'application de la loi 105 », L'Orient-Le Jour, 30 Aout
2019. [en ligne] : Les familles des disparus appellent à
l'application de la loi 105 - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
105 Nadim Houry était le directeur adjoint de la vision
Moyen-Orient et Afrique du Nord à « Human Rights Watch » en
2015 quand il a déclaré cela.
106 HRW, « Liban : Il faut mettre en place une Commission
nationale d'enquête sur les disparitions forcées »,
op.cit.
107 SALLON H., « Au Liban, un rapport brise le tabou des
violences sexuelles perpétrées durant la guerre civile »,
Le Monde, 23 Juin 2022. [en ligne] : Au Liban, un rapport brise le
tabou des violences sexuelles perpétrées durant la guerre civile
(
lemonde.fr).
108 LAW, They raped us in every possible way, in ways you
can't imagine: Gendered Crimes during the lebanese civil wars, Rapport de
Legal Action Worlwide, Beyrouth, 2021, p. 26.
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
qui suit résument la situation actuelle libanaise sur
le sujet des crimes de genre durant la guerre civile.
Page 26 du rapport «They raped us in every possible
way, in ways you can't imagine: Gendered Crimes during the Lebanese civil
wars», Rapport de Legal Action Worlwide, Beyrouth, 2021.
Nous remarquons dans ce document que 81% des personnes
interrogées aujourd'hui au Liban sont toujours affectées par la
guerre civile, 50% ont toujours un sentiment de colère et de vengeance
et 99% ne supportent pas la loi d'Amnistie de 1991. Ces chiffres prouvent
l'échec des modes de réconciliations « mythiques » et
montrent le besoin du peuple d'une vraie et effective réconciliation au
Liban même après 32 ans.
Sur le sujet des crimes de genre, 51% des interrogés
ont assisté à des violences sexuelles. Uniquement 9% des crimes
de genres ont été rapportés par des victimes et des
témoins pour les raisons suivantes :
1.
33
Les autres victimes ou témoins ne savent pas que la loi
libanaise les protège contre les violences de genre : 51%.
2. Les autres victimes ou témoins n'ont aucune
confiance au système juridique libanais : 53%.
3. Les autres victimes ou témoins croient que les
Hommes de pouvoir sont « au-dessus » de la loi : 49%.
4. Les autres victimes ou témoins ont eu peur des
actes de vengeances qui peuvent résulter s'ils actent légalement
: 31%.
5. Les autres victimes et témoins, même
personnes non reliées à ces crimes ne savent même pas qu'il
existaient des crimes qualifiés comme crimes de genre « gender
based crimes » : 66%.
Nous pouvons conclure de ces chiffres que le non traitement
des crimes de genre durant la guerre civile et l'impunité de leurs
responsables résultent de plusieurs raisons sociopolitiques et
psychologiques. La majorité du peuple n'a pas confiance au
système politique libanais. Pour eux, le pouvoir de la loi libanaise est
affaibli par la corruption des Homme d'Etat. Déjà socialement les
crimes de genre sont considérés comme tabou et les victimes ont
peur de parler : une femme de 46 ans interviewé par LAW a
confirmé que «Female victims do not tell their stories; they
need protection if they decide to do so. People consider girls as a shame if
they get raped or harassed, because they are the «honour» of the
family.»109. Alors déjà les
109 Rapport LAW, op. cit., p. 39.
34
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
victimes ont peur pour leur « réputation » et
celle de leurs parents, en plus même si théoriquement le code
pénal libanais les protège, pratiquement elles pensent que la loi
ne s'applique pas au Liban et que les responsables politiques contrôlent
le système judiciaire libanais. Sans oublier qu'à cause de la loi
d'Amnistie, l'impunité est devenue un grand titre au Liban et les
victimes n'ont plus d'espoir pour trouver justice. Comme conséquence un
impact psychologique et physique chez les victimes et la société
est resté non traité depuis une trentaine d'années : Un
homme de 50 ans a témoigné auprès de LAW que «My
cousins, until this day, have psychological impacts from what they witnessed
and heard about It»110 . Une femme de 52 ans a
témoigné aussi que « I feel mentally and physically ill
- I suffered from insomnia and was scared a lot. I used to imagine that they
wanted to kill me, I was paranoid,
I was nervous, and I still am. I have problems in my stomach
now.»111 Un homme de 60 ans a déclaré aussi
«Many women were tortured so badly that they are physically and
mentally disabled. Women were bullied, pulled by their hair, electrocuted,
harassed, and threatened of rape in the detention
centre.»112
En parlant des crimes de genre qui ont eu lieu durant la
guerre civile libanaise, le rapport de LAW a spécifié 5
types113 :
1. La violence basée sur le sexe et le genre : Des
viols, des viols collectifs et de masses, la torture sexuelle, des mutations
génitales et l'humiliation y compris l'électrocution des seins et
de la région génitale, l'obscénité, la
nudité forcée et la prostitution ont été faites par
des acteurs étatiques et des miliciens contre des femmes et des
filles.
2. Meurtres et enlèvements : Des femmes, des filles et
des enfants y compris des femmes enceintes et des foetus, ont été
tués et enlevés par des acteurs étatiques armés,
des miliciens.
3. Impact sexospécifique des disparitions
forcées : Les disparitions forcées d'hommes ont eu un impact
sexospécifique sur les femmes et les filles, avec des implications
économiques, sociales et sécuritaires négatives.
4. Violence familiale : Les femmes et les filles ont subi des
violences familiales, y compris des coups, des violences verbales et sexuelles
de la part de leur mari et de membres masculins de leur famille en raison des
effets psychologiques prolongés des guerres.
5. Rôle des femmes dans les milices : Les femmes et les
filles ont joué un rôle important au sein des milices
armées dans diverses capacités non combattantes
(discrimination).
Ces crimes de genre qui ont eu lieu durant la guerre civile
ont laissé un impact traumatisant dans la société
libanaise. Cet impact se traduit d'une génération à une
autre. Ces crimes ont changé les aspects de la vie libanaise (sociale,
légale et politique). Le manque de discussion et de suivi psychosocial a
mené les victimes, les témoins, leurs proches et même la
société entière à trouver des moyens pour vivre
avec un tel passé sans aucun accès à la
vérité, la réparation et la justice. Avec le temps, tous
ces éléments ont mené le peuple a perdre de plus en plus
de confiance en le système politique libanais et la loi libanaise.
D'où une nécessité du dialogue,
110 Loc. cit.
111 Loc. cit.
112 Loc. cit.
113 Ibid. p. 27.
35
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
pour la vérité, la justice et la
réparation. Ces nécessités commencent par
l'indentification du passé et les travaux de mémoire collective
(2).
2) Manque d'une mémoire collective
« Personne ne survit à une guerre, pas
même les vivants. Ceux qui en réchappent hébergent
plusieurs tombes. Avec pour seule rémission une histoire à
écrire », Colum McCan.
Selon les paroles de McCan, le peuple libanais n'a jamais
été remissionné puisqu'un travail de mémoire
nationale commune n'a jamais pris place officiellement après la guerre
civile libanaise. Avant de rentrer dans les détails du manque d'histoire
et de mémoire commune de la guerre au Liban, il est nécessaire de
clarifier la relation entre mémoire et histoire. En effet, et dans le
cas Libanais, le Professeur Antoine Messarra, qui faisait partie d'une
Commission chargée de rédiger une histoire commune libanaise, a
remarqué qu'il existe une « dichotomie entre l'histoire
enseignée et les mémoires collectives »114,
« le résultat est une société à souvenirs
fragmentés, des souvenirs avec lesquels nous ne sommes pas
réconciliés »115. En effet, l'histoire
libanaise officielle se termine avec l'indépendance du pays en 1943.
Tout ce qui suit cette période dépend de l'établissement
scolaire. Chaque région enseigne sa propre version et
interprétation. Il n'existe pas un livre d'histoire objectif citant des
faits et non pas des interprétations. La commission, dont professeur
Messarra faisait partie, avait finalisé un livre d'histoire commun
basé sur les différentes mémoires communes du pays, il
fallait uniquement l'imprimer en juin 2000 quand l'ancien ministre de
l'Education, Abdel Rahim Mrad, a arrêté toute opération
d'impression.
Selon Maurice Halbwachs, «(...) la mémoire
collective ne se confond pas avec l'histoire (...) L'histoire, sans doute, est
le recueil des faits qui ont occupé la plus grande place dans la
mémoire des hommes. Mais lus dans les livres, enseignés et appris
dans les écoles, les événements passés sont
choisis, rapprochés et classés, suivant des
nécessités ou des règles qui ne s'imposaient pas aux
cercles d'hommes qui en ont gardé longtemps le dépôt
vivant. C'est qu'en général l'histoire ne commence qu'au point
où finit la tradition, moment où s'éteint ou se
décompose la mémoire sociale. »116. Enzo
Traverso a rajouté à cela qu'il est nécessaire de «
prendre compte l'influence de l'histoire sur la mémoire
elle-même, car il n'y a pas de mémoire littérale,
originaire et non contaminée : les souvenirs sont constamment
élaborés par une mémoire inscrite au sein de l'espace
public, soumis aux modes de penser collectifs mais aussi influencés par
les paradigmes savants de la représentation du
passé»117. Alors sans doute l'histoire ne doit pas
se confondre avec la mémoire, mais en même temps, la
mémoire collective influence l'histoire et l'histoire est construite
selon la mémoire collective et sociétale. Dans son même
ouvrage « la mémoire collective », Halbwachs met en lien la
notion de mémoire collective avec celle de la mémoire
individuelle. En effet, et confirmé par plusieurs autres auteurs comme
Johan Michel et Marie-Claire Lavabre, il existe un lien très basic et
fort entre la mémoire collective et la mémoire individuelle, et
c'est l'unité sociétale qui protège la
114MESSARRA, A., « Ecoles au Liban: dur
d'enseigner une histoire commune », L'OBS, 08 Novembre 2016. [en
ligne] : Ecoles au Liban : dur d'enseigner une histoire commune (
nouvelobs.com).
115 Ibid.
116 HALBWACHS M., La mémoire collective, Paris,
Les Presses universitaires de France,1967.
117 TRAVERSO E., Le passé, modes d'emploi : Histoire,
mémoire, politique, Paris, La Fabrique, 2005, p. 29.
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
mémoire collective et l'identité
nationale118. Si nous voulons schématiser l'ensemble des
interprétations citées ci-dessus :
36
HADDAD Nisrine- Mémoire 2021-2022
Définition de la mémoire collective
(119), définition de la mémoire individuelle
(120).
Au Liban, les mémoires individuelles ont formé
les mémoires collectives politico-confessionnelles. Chaque parti
politico-confessionnelle de la guerre civile a formé sa mémoire
collective dans sa propre société et a transmis cette
mémoire à ses enfants et dans ses propres établissements
scolaires. En d'autres termes, les mémoires collectives
politico-confessionnelles ont remplacées la mémoire collective
nationale commune qui se divise sur 19 versions différentes de livres
d'histoire121.
En parlant de la guerre civile libanaise, même sa raison
déclenchante n'est pas communément identifiée ni
traitée. En interviewant des responsables politiques libanais et des
membres de la société civile, la question du début de la
guerre civile a été posée. Chaque interviewé a
donné une interprétation différente :
118 Nous revenons sur ce lien entre l'unité
sociétale et l'identité commune dans la troisième partie
de ce mémoire portant sur la socialisation politique confessionnelle.
119 VIDAL-BENEYTO J., « La construction de la
mémoire collective. Du franquisme à la démocratie »,
Diogène, vol. 201, no. 1, 2003, pp. 17-28.
120 MICHEL J., « Esquisse d'une
socio-phénoménologie historique de la mémoire collective
», in Mémoires et histoires : des identités personnelles
aux politiques de reconnaissance, Rennes, PUR, 2005, p. 90.
121 RIZK B., « Génocide arménien, guerres
civiles libanaises et mémoire collective », Agenda
Culturel, 27 Avril 2020. [en ligne] : Génocide arménien,
Guerres civiles libanaises et mémoire collective (
agendaculturel.com).
37
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
- Professeur Fayez Araji (extrême gauche) : a
précisé que la guerre civile libanaise n'est pas internationale
mais purement interne. Elle a commencé pour des raisons
économiques et sociales (en relation avec la démographie). C'est
la fragilité de la société qui a causé la guerre
civile libanaise122.
- Monsieur Dany Fayad (Phalangiste) : a justifié la
participation de son parti à la guerre par la légitime
défense contre les palestiniens : « nous avons participé
à la guerre civile et nous étions les premiers à le faire
pour se défendre et non pas pour attaquer. C'est une légitime
défense face aux palestiniens et les syriens avec des autres nations qui
ont essayé de nous jeter à la mère. C'était dit par
Kamal Joumblatt « badna nkeb el masihiye bel baher» « .t.
í~,_íÓãti L
»123, « Nous n'avons attaqué personne,
nous ne sommes pas partis en Palestine pour envahir Jérusalem, ni en
Syrie pour envahir Damas. Nous étions là, c'est eux qui sont
venus. On a défendu notre terre et en plus c'est notre civilisation et
notre mode de vie »124
- Un ancien général militaire palestinien au
sein de l'OLP : considère que les Chrétiens ont commencé
à se militariser même avant le début de la guerre civile ce
qui prouve que ce n'était pas une légitime défense. Selon
lui, la guerre civile libanaise a commencé par une décision
Etats-unienne vu que le Liban était faible et n'a pas pu refuser.
«En effet, si Yasser Arafat a voulu que le Liban se transforme en
Palestine, il aurait pu le faire »125.
- Docteur Walid Fahd Zeitouny (Parti Social Nationaliste
Syrien) :«Comme déjà mentionné, nos partis
politiques servent les intérêts des autres Etats au Liban. Ghassan
Tuéni considère que c'est la guerre des autres sur notre terrain,
moi je considère que c'est la guerre des autres et la nôtre sur
notre terre. Les libanais aussi ont fait la guerre et y ont participés
»126.
- Monsieur Alain Mounayer (Les Forces Libanaises) : «
nous n'étions jamais la cause de la guerre mais toujours en
état de défense, notre cause n'a pas fini mais elle
vient de commencer dans le but d'avoir 3 choses : disparition des armes
illégales, impartialité étatique et pouvoir juridique
indépendant. »127
- Monsieur Ali Sandeed (ONG Search For Common Ground)
(Palestino-syrien résident au Liban): Pour Ali, il y'avait
déjà des préparations longtemps avant la guerre civile,
mais le fait déclencheur était l'attaque du bus des palestiniens
à Ain al Ramadi. « Mais ce n'était qu'un fait
déclencheur de préparations déjà existantes dans le
but de garder le Liban faible et fragile »128. Pour Ali,
les interventions externes forment la raison
122 Annexe 1, «Interviews faites au Liban »,
Docteur Fayez Araji, 23 Mai 2022, Zahlé, 00: 14: 00, p. 03. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1D57da5PNK0N8XZkCQWsl7NrETHp1WqVR/view?usp=sharing.
123 Annexe 1, «Interviews faites au Liban »,
Monsieur Dany Fayad, 19 Mai 2022, Zahlé, 00 :12:00, p. 06. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/16nZnYaHLjcFbcHUl9FAAMxeLz28jvWIB/view?usp=sharing.
124 Ibid. 00 :13 :10.
125 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Ancien
militant de l'OLP, 28 Mai 2022, Saida, p. 28.
126 Annexe 1, « Interviews faites au Liban »,
Monsieur Walid Zeitouny, 20 Mai 2022, Mreijat, 00 :41 :00, p. 07. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1Bln7ga1-OKgiaXjqD_n0DIn8TDiQuItU/view?usp=sharing.
127 Annexe 1, «Interviews faites au Liban »,
Monsieur Alain Mounayer, 27 Mai 2022, Zahlé, 00 :12 :28, p. 12.
[en ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1FqeRNEOOl3iPk-d9Iom9Xuts277aKduc/view?usp=sharing.
128 Annexe 1, « Interviews faites au Liban »,
Monsieur Ali Sandeed, 24 Mai 2022, SFCG HQ, 00 :01 :48, p. 19. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1FtjVOXQ5IAbquq6eNyleYzn8RQYOEXIx/view?usp=sharing.
38
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
principale de la guerre civile libanaise. « les
leaders des milices exécutaient les ordres externes au sein du pays en
jouant sur les sensibilités religieuses du peuple
»129.
- Monsieur Ramzi Abou Ismail (Psychologue politique) :
confirme que « D'un point de vue social, les raisons de la guerre
n'ont pas été discutées ni traitées. Une partie
considérait que le palestinien occupait le Liban, une autre que le
palestinien n'était qu'un simple réfugié. Et ce dernier a
choisi une partie ce qui a déclenché la
guerre»130.
La nature même de la guerre civile libanaise et ses
raisons ne sont pas identifiées communément entre le peuple.
Certains considèrent que c'est la guerre des Libanais chez eux, d'autres
que c'est la guerre des autres au Liban, d'autres lient la guerre aux
finalités palestiniennes tandis que les palestiniens pensent que s'ils
avaient la volonté d'occuper le Liban personne ne pouvait les
arrêter. Les milices chrétiennes pensent que c'était
uniquement une légitime défense tandis que les chrétiens
communistes pensent que si c'était le cas il ne fallait pas commettre
des génocides, etc. Dans les interprétations il existe plusieurs
approches qui peuvent être faites sur la source et les motifs de la
guerre civile libanaise. Mais dans les faits personne ne peut rien changer.
L'histoire doit être écrite selon les faits et non pas les
interprétations, et cela doit être initié rapidement pour
régler un problème juridique, psychologique et social
flagrant.
Selon le résultat d'un projet collectif entre
l'Université Saint-Joseph et l'Institut Français du Proche Orient
sur le sujet de la mémoire de la guerre au Liban, un des constats
communs est qu'au Liban il existe une « inflation mémorielle
» due à la « fragmentation communautaire et
territoriale de la mémoire »131 résultante
de l'absence d'une mémoire nationale. D'où la
nécessité de reconstruire une mémoire nationale illustrant
un besoin conscient de vivre ensemble et clarifiant un passé dans le but
de lutter pour la vérité et contre l'impunité et l'oubli
imposés par les autorités.
3) L'oubli : Manque de regret et de pardon
Depuis la fin de la guerre civile jusqu'à nos jours, il
n'y a pas eu de remords de la part des responsables ni de pardon de la part des
victimes et leurs familles. Cela est dû au manque de
réconciliation effective au Liban. Le Taëf et la Loi d'Amnistie
avec la loi du Silence bloquent tout travail de mémoire et imposent
l'impunité et l'oubli au peuple libanais. Nous nous demandons si l'oubli
est important pour la nation. Pour Ernest Renan, les travaux d'histoire mettent
les nations en danger132 et l'oubli est essentiel pour le
bienêtre des nations, mais est-ce que c'est le cas au Liban ?
129 Ibid.
130 Annexe 1, « Interviews faites au Liban »,
Monsieur Ramzi Abou Ismail, 15 Juin 2022, Zoom, 00:06:32, p. 23. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1b9jh-Iv0hETYvJiRCuuPn2NMwub-cEcI/view?usp=sharing.
131 PICARD E., « Mermier Franck, Varin Christophe,
Mémoires de guerres au Liban (1975-1990), Paris, Sindbad Actes Sud,
2010, pp. 620. », Revue des mondes musulmans et de la
Méditerranée, no. 131, 2012. [en ligne] :
Mermier Franck, Varin Christophe (sous la dir. de), Mémoires de
guerres au Liban (1975-1990), Paris, Sindbad Actes Sud, 2010, 620 p. (
openedition.org).
132 RENAN E., Qu'est-ce qu'une nation ?, (1882),
Kissinger Publishing, 2010, 36 p.
39
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Une simple déclaration de Madame Wadad Halwani, une
maman d'un disparu, suffit pour comprendre la difficulté de l'oubli au
Liban : « j'aimerai connaitre la vérité avant de quitter
la vie, mais je sais que le chemin est encore long. Si nos enfants ne
parviennent pas à connaitre le sort de nos proches, ce seront nos
petits-enfants qui prendront le relais. Mais je voudrais tellement qu'ils
n'héritent pas de ce poids ». Comme Madame Halwani, plusieurs
victimes et proches de victimes de la guerre civile libanaise ont soif pour la
vérité et vont «céder» cela non uniquement
à leurs enfants mais à leurs petits-enfants. Dans son article sur
la mémoire de la guerre au Liban133, Aïda Kanafani-Zahar
a mis la lumière sur le fait qu'il y'a toujours une probabilité
d'oublier, dans toute guerre, sous forme de « mémoire
occulté ». Mais en parallèle il y'a toujours des expressions
visibles qui empêchent l'oubli et imposent la mémoire. L'autrice a
donné l'exemple de la reconstruction du centre-ville de Beyrouth qui a
été détruit au début de la guerre. En effet, le
centre-ville de Beyrouth qui était le symbole de la coexistence
islamo-chrétienne et de la prospérité économique
libanaise, est devenu le symbole de la haine et de l'appauvrissement durant la
guerre civile. C'est par la rue de Damas-place des Martyrs que s'est
dessinée «la ligne de la mort» entre Beyrouth Est (des
Chrétiens) et Beyrouth Ouest (des Musulmans). Cette frontière
était un endroit de conflit continu. Il y'avait des tirs jours et nuits
entre les milices chrétiennes du coté Est et musulmanes du
côté Ouest. Même les passagers prenaient une énorme
risque pour traverser d'un coté à l'autre. On estime que le
nombre de morts à ces frontières est 20 000134. En
1994, la société libanaise pour le développement et la
reconstruction de Beyrouth (Solidere) a pris l'initiative de reconstruire le
centre-ville exactement tel qu'il était en rachetant les droits des
propriétaires du Balad et de la place des Martyrs. Cette
société, sous l'impulsion de l'ancien premier ministre Rafic Al
Hariri, a pu reconstruire le Balad tel qu'il était, mais pas la
place des Martyrs qui est restée rasée. Cette place a repris sa
nomination et rôle le 14 mars 2005 quand 1 million de Libanais se sont
rassemblés là-bas pour commémorer la mémoire du
Premier Ministre assassiné le 14 février de la même
année, Rafic Al Hariri135. Cette reconstruction du
centre-ville avait comme but de renforcer les liens sociaux entres les 18
confessions libanaises et de renforcer l'économie libanaise après
15 ans de guerre par la reconstruction des marchés et des zones
commerciales.
Figure 1: Photo personnelle de l'Hôtel Saint-Georges
à Beyrouth.
Figure 2 : Photo de
Kawa-News.com.
Malgré les efforts de reconstruction du centre-ville,
dans les mémoires individuelles des gens c'était un endroit de
conflit divisant Beyrouth confessionnellement. Il existe toujours des immeubles
non reconstruits et endommagés qui nous rappellent de la guerre civile
libanaise. Prenons par exemple l'hôtel « Saint-Georges » dont
les propriétaires refusent toujours de le vendre à Solidere, et
par contre ont affiché
« Stop Solidere » sur sa façade (Fig.1). Ou
bien l'exemple du grand théâtre de Beyrouth situé au milieu
du centre-ville (fig.2).
133 KANAFANI-ZAHAR A., « Liban, mémoires de
guerre, désirs de paix », La pensée de midi, vol.
3, no. 3, 2000, pp. 75-84.
134 Ibid., p. 84.
135 BEAUCHARD J., « Beyrouth, ville ouverte et fermée
», Hermès, La Revue, vol. 63, no. 2, 2012, pp. 109-115.
40
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Cette mémoire reconstruite de l'espace ne peut
être remplacée par l'oubli. Même après la
reconstruction du centre-ville, les libanais vont toujours se souvenir des
horreurs de la guerre civile si un travail de mémoire et de
réconciliation ne prend pas place. Même si il ne reste aucune
trace urbaine de la guerre civile, les traces psychiques, corporelles et
sociales ne peuvent pas s'oublier. Même avec un travail de
mémoire, l'oubli n'est pas possible, mais la réconciliation
change la manière dont le citoyen regarde la guerre et l'effet de cette
guerre sur son comportement sociétale et sa santé psychique.
Avec les travaux de mémoire, chaque partie de la guerre
sera capable de voir le point de vue de l'autre et cela va éclaircir
l'image globale de ces 15 ans. Le remords et le pardon perdus constituant des
tensions socio-politiques depuis une trentaine d'années peuvent
être trouvés avec la réconciliation. Dans son livre, Fouad
Abou Nader ne considère pas que son parti d'extrême droite a eu
tort « Nous avons dû combattre, mais il serait faux de
prétendre que nous avons eu tort et que nous sommes responsables de la
situation dans laquelle le Liban se trouve aujourd'hui. (...) Je n'ai rien
à me faire pardonner dans cette guerre. Nous avons bien agi
»136. Chaque partie de la guerre civile pense la
même chose, et insiste que si le Liban se trouve aujourd'hui dans la
même situation elle va réagir de la même manière.
Mais sans partager, entendre et écouter l'autre partie, aucun des partis
politiques ne va comprendre ses responsabilités et regretter quelques
actes pour que les victimes de ces actes pardonnent. La reconnaissance des
souffrance des victimes aide à cicatriser les plaies de la guerre.
« Il est urgent de ne pas oublier, urgent de regarder
en arrière et d'essayer de (nous) comprendre enfin entre nous, les
citoyens de ce pays. Urgent de saluer le courage de gens qui portent leur
passé d'acteurs de la guerre comme une croix et passent le seul message
qui vaille : celui de la réconciliation civile, citoyenne
»137
B. Les limites de la réconciliation
aujourd'hui
En septembre 2017, devant l'Assemblée
Générale des Nations-Unies, le Président de la
République Libanaise Michel Aoun a déclaré que le Liban
est en paix et que le monde doit profiter de cette expérience
réussite en matière de réconciliation, de dialogue et de
cohabitation entre différentes religions et ethnies138. Cette
déclaration a été fortement critiquée par la
majorité du peuple libanais, des politistes, des juristes, des
chercheuses et des chercheurs qui vu qu'un dialogue et une
réconciliation effective au Liban n'ont toujours pas eu lieu
après la guerre civile libanaise. Cela pour plusieurs raisons dont la
faiblesse des institutions étatiques à cause du système
politique communautaire (1), qui a mis en place les leaders politiques actuels
refusant d'initier une véritable réconciliation (2) et laissant
des pays tiers intervenir dans les affaires nationales (3).
136 ABOU NADER F., Liban : Les défis de la
liberté, le combat d'un chrétien d'Orient, op.cit., p.
12.
137 TARRAF S., « Une paix si malaisée ! Comme une
litanie... », blog Chroniques civiles du Liban et d'ailleurs, 19
Novembre 2013. [en ligne] :
https://libanchroniquesciviles.wordpress.com/tag/assaad-chaftari.
138 ABOU JAOUDE K.H., « Le Liban, un modèle de
réconciliation ? », L'Orient-Le Jour, 28 Octobre 2017. [en
ligne] : Le Liban, un modèle de réconciliation ? - L'Orient-Le
Jour (
lorientlejour.com).
41
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
1) La corruption des institutions étatiques due au
système politique communautaire
« Les institutions de la Seconde République
sont à bout de souffle, le clientélisme et le confessionnalisme
politique gangrènent le système politique depuis
l'indépendance ».139
Comme déjà mentionné dans l'introduction,
depuis la fin du XIXème siècle, le communautarisme politique
s'est implanté dans le système politique Libanais dans le but de
permettre à toutes les confessions de gérer équitablement
et pacifiquement les affaires du pays. Par contre, les effets de ce
communautarisme n'étaient que négatives sur le futur des
institutions étatiques. En effet, le communautarisme politique a
été utilisé par les partis libanais pour servir leurs
propres intérêts et non pas ceux de la nation. Que ça soit
à travers le Pacte Nationale ou bien l'accord du Taëf, le
communautarisme n'était qu'un outil pour partager les
intérêts entre les différents partis
politico-confessionnels.
« Au Liban, le communautarisme est le partage
institutionnalisé du pouvoir entre les différentes
communautés religieuses du pays selon leur importance, et l'exercice par
les autorités religieuses de prérogatives ailleurs
détenues par l'Etat »140. Le Gouvernement et le
Parlement libanais sont composés équitablement entre
Chrétiens et Musulmans, cela surtout après l'accord du Taëf
et la création de la deuxième République libanaise.
Même si dans la constitution de 1926 et dans l'accord du Taëf cette
division communautaire est uniquement transitoire, aucun calendrier n'a
été précisé, jusqu'à nos jours, pour finir
cette transition. Par la suite, cette division confessionnelle des postes
institutionnels a donné la chance aux ex-chefs de milices de devenir des
élites politiques et des dirigeants institutionnels.
C'est normal à la fin des guerres civiles que les
vainqueurs dirigent les pays, mais au Liban il n'y a pas eu de vainqueurs
officiels, alors les dirigeants sont tous des chefs et représentants de
partis qui s'entretuaient durant les conflits. Cela ne signifie pas
forcément que les institutions étatiques vont devenir corrompus,
sauf qu'au Liban l'encadrement de cette transformation des « princes de
guerre » en des Hommes d'Etat était fragile, faible et en
elle-même mal saine. En effet, dans la logique communautaire libanaise,
les citoyens se tournent vers leurs chefs politico-confessionnels occupants des
rôles institutionnels pour se protéger des autres confessions, ce
qui a développé un clientélisme. Selon Professeur Ghassan
Salamé, le clientélisme au Liban a créé une sorte
de «cleptocratie » puisque « l'élite corrompue qui
dirige le pays est une élite redistributive »141
parce qu'elle redistribue une partie de cet argent volé à sa
partie des citoyens fidèle. La corruption au Liban est devenue un mode
de vie, que ça soit dans les institutions étatiques juridiques,
politiques ou même administratives. Selon le rapport
139 MALSAGNE S., « Les élections
présidentielles au Liban : entre espoir et retour douloureux de
l'Histoire », Confluences Méditerranée, vol. 97,
no. 2, 2016, pp. 157-173.
140 BARON X., Le Liban, une exception menacée: en 100
questions, op.cit., p. 138.
141 SALAME G., « Chaos au Liban: l'analyse de Ghassan
Salamé », Figaro Live, 07 Février 2022. [en ligne]
: Chaos au Liban: l'analyse de Ghassan Salamé (
lefigaro.fr).
42
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
de Transparency International de 2021, le Liban est
classé 154eme parmi les 180 Etats les moins corrompus au monde selon le
« Corruption Perceptions Index » (doc. 1) 142.
Document 1 : Site Officiel de "Transparency
International"
Selon les études d'une association locale « The
Lebanese Transparency Association » faites en 2013, des pots de vins sont
payés par plus de 60% des Libanais pour la facilitation de leur
accès aux services publiques et administratives143. Tandis
que plus récemment, en 2019, le journal « Le monde » a
publié que 93%144 des Libanais confirment la corruption de
leur gouvernement.
Le système communautaire Libanais, suite au Pacte
Nationale confirmé par le Taëf, est fondé sur le consensus
de toutes les confessions libanaises. En effet, et selon l'ancien ministre des
Télécommunications et du Travail Professeur Charbel Nahhas, le
droit de Veto qui est plutôt coutumier que constitutionnel bloque la
capacité exécutive du pouvoir145. Concernant ce droit,
l'article 65 de la Constitution (révisé au Taëf) mentionne
en ce qui concerne le gouvernement que :
« Le quorum légal pour ses réunions est
des deux tiers de ses membres. Les décisions y sont prises par
consensus, ou si cela s'avère impossible, par vote, et les
décisions sont alors prises à la majorité des
présents. Quant aux questions fondamentales elles requièrent
l'approbation des deux tiers des membres du Gouvernement tel que le nombre en a
été fixé dans le décret de formation. Les questions
suivantes sont considérées comme fondamentales: La
révision de la Constitution, la proclamation de l'état d'urgence
et sa levée, la guerre et la paix, la mobilisation
générale, les accords et traités internationaux, le budget
général de l'Etat, Les programmes de développement globaux
et à long terme, la nomination des fonctionnaires de la première
catégorie ou équivalent, la révision des circonscriptions
administratives, la dissolution de la Chambre des députés, la loi
électorale, la loi sur la nationalité, les lois
142 TRANSPARENCY INTERNATIONAL, « Corruption Perceptions
Index- Lebanon», CPI, 2021. [en ligne] : 2021 Corruption
Perceptions Index - Explore the... -
Transparency.org.
143 E.C, «Le Liban, un pays corrompu jusqu'à la
moelle osseuse- mais qui est responsable ? », L'Echo Du
Cèdre, 2013. [en ligne] : Le Liban, un pays corrompu
jusqu'à la moelle osseuse - mais qui est responsable ? - L'Echo du
Cèdre (
weebly.com).
144 FATTORI F., HOLZINGER F., LAGADEC A., PICARD F.,
«Liban: un Etat gangrene par la corruption», Le Monde, 22
Novembre 2019. [en ligne] : Liban : un Etat gangrené par la
corruption (
lemonde.fr).
145 Annexe 1, « Interviews faites au Liban»,
Professeur Charbel Nahas, 06 Juin 2022, Achrafieh, p. 02.
43
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
concernant le statut personnel et la révocation des
ministres. »146. Ce quorum de 2/3 évite qu'une
confession prenne la décision sans l'approbation d'au moins une partie
de l'autre. Mais par contre, si 1/3 de la Chambre des Ministres décide
de bloquer une décision, elle peut le faire. La coutume a pris l'article
65 de la Constitution Libanaise et a introduit le droit de Veto «
ÞÍ ÖÞäáÇ » dans les travaux de
la Chambre des Ministres et ceux du Parlement libanais. Alors aujourd'hui, si
un parti ou bien une alliance politique n'a pas minimum 1/3 des députes
et désire bloquer une décision, les négociations
commencent pour diviser leurs intérêts avec des autres ministres
ou députés et atteindre le minimum requis pour le droit de Veto.
C'était le cas en 2006 lorsque les ministres chiites ont quitté
en bloque le conseil des ministres147 pour éviter la
création d'un Tribunal Libano-international pour enquêter sur
l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005. C'était
aussi le cas en 2014 lorsque de même le camp chiite a
empêché les élections présidentielles pour 2 ans
pour élire le général Michel Aoun en 2016148.
Le principe de la majorité des deux-tiers cédé depuis la
Première République s'est transformé de facto en
quorum des députés au sein du Parlement nécessaire pour
élire un Président de la République. Pour Chibli Mallat,
un politologue libanais, ce Veto est une spécificité libanaise
permettant le blocage par les tiers restants de toute décision menant
à la perte de leur candidat présidentiel. Pour Mallat c'est un
problème purement d'ordre constitutionnel149. Depuis le
Taëf jusqu'à nos jours, les responsables des partis menacent les
autres partis par ce droit de Veto. Comme par exemple suite aux élection
législatives de 2022, le Chef du parti FL Samir Geagea a rappelé
plusieurs fois150 la possibilité d'utiliser le droit de Veto
pour bloquer les décision du couple chiite et leurs alliés.
En 2012, Mounir Corm a publié un essai151 en
parlant du désire des Libanais de sortir de ces institutions
menées du Taëf et d'émerger une troisième
République. Même en 2008, Ghassan Tuéni a appelé le
Liban a une révolution culturelle autour de la notion de
citoyenneté vers un nouveau Pacte National152. Ces
initiatives mènent au changement des institutions vers des autres qui
peuvent élaborer une réconciliation au niveau étatique.
Mais pour le moment, les institutions corrompues existantes sont incapables de
le faire par manque de capacité, de consensus et de désire dans
le but de protéger les intérêts des partis politiques.
146 La Constitution Libanaise, site officiel du Conseil
Constitutionnel Libanais. [en ligne] : La Constitution Libanaise.pdf (
cc.gov.lb).
147 AFP et REUTERS, « Démission des cinq ministres
chiites du gouvernement libanais », Le Monde, 11 Novembre 2006.
[en ligne] : Démission des cinq ministres chiites du gouvernement
libanais (
lemonde.fr).
148 AFP avec Le Monde, « Liban : Michel Aoun élu
président après plus de deux ans de vide politique », Le
Monde, 31 Octobre 2016. [en ligne] : Liban : Michel Aoun élu
président après plus de deux ans de vide politique (
lemonde.fr).
149 MALLAT C., « Blocage », L'Orient-Le
Jour, 14 Février 2016. [en ligne] : Blocage - L'Orient-Le Jour
(
lorientlejour.com).
150 REUTERS, «
«ÉãæßÍáÇ
ÉÚØÇÞãÈ
ÏÏåíæ »Çááå
ÈÒÍ« Úã
»ÉÑíÈß
ÉåÌÇæã«
ÚÞæÊí ÚÌÚÌ
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ÇæÍÑí áÇ
ãåíáÚ »,
ÊÓæÈ íÈÑÚ, 01
Juin 2022. [en ligne] :
«ÉãæßÍáÇ
ÉÚØÇÞãÈ
ÏÏåíæ »Çááå
ÈÒÍ« Úã
»ÉÑíÈß
ÉåÌÇæã«
ÚÞæÊí ÚÌÚÌ
..»ðÇÑíËß
ÇæÍÑí áÇ
ãåíáÚ (
arabicpost.net).
151 CORM M., Pour une III è République
libanaise. Etude critique pour une sortie de Taëf, L'Harmattan, 2012,
122 p.
152 SAVIGNEAU J., « Ghassan Tuéni : « La
force culturelle du Liban, c'est la liberté d'expression », Le
Monde , 06 Novembre 2009. [en ligne] : Ghassan Tuéni : "La force
culturelle du Liban, c'est la liberté d'expression" (
lemonde.fr).
44
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
2) Manque de volonté commune chez les leaders
politiques pour protéger leurs intérêts personnels
Au Liban, l'adversaire d'hier est l'allié
d'aujourd'hui. Cela est connu et confirmé même par la classe
politique actuelle. L'accord d'entente mutuelle signé entre Michel Aoun
et le Hezbollah, le 6 février 2006153, forme un exemple sur
cela. En effet, durant la guerre civile, Michel Aoun était le
«héro» de combats contre la Syrie avant d'être
évincé en 1990 par l'armée syrienne, tandis que le
Hezbollah est l'allié fidèle de la Syrie depuis la fin de la
guerre civile jusqu'à nos jours, il a même participé
à la guerre civile syrienne pour protéger le système de
Bachar Al Assad154. Les deux parties de cet accord ont des
intérêts derrière, d'un côté le Hezbollah qui
avait un plan claire en 1980 de transformer le Liban en Etat islamique sur le
modèle de l'Iran155 prouve le changement de ces
finalités à travers l'alliance avec le Courant patriotique libre
(CPL), un parti maronite par excellence, pour renforcer son intégration
dans la vie politique et le Gouvernement qui a commencé en
2005156. D'un autre côté, Michel Aoun un candidat
naturel depuis longtemps à la présidence de l'Etat a besoin d'un
support du plus grand courant chiite actuel. Ce plan a été
réalisé en 2016 avec l'arrivée de Michel Aoun à la
présidence de la République Libanaise après plus de deux
ans de blocages et de boycott des séances parlementaires par les
députés du Hezbollah et du CPL, en même temps le Hezbollah
protège son arme considérée par lui et son allié
comme moyen «noble et sacré» dont l'existence est
justifiée par l'occupation israélienne des fermes de
Chébaa et l'existence de détenus libanais en Israël.
En observant la vie politique des dirigeants, nous pouvons
constater qu'une sorte de réconciliation est achevée entre eux.
La page de la guerre civile a été «tournée»
selon leurs paroles. Des négociations entre des anciens ennemies
prennent place et même des alliances et des coopérations. Revenons
aux élections présidentielles de 2016, au final c'était le
parti FL de Samir Geagea qui a accepté de voter pour Michel Aoun pour
mettre terme au boycott du Hezbollah et du CPL. Même si les dirigeants
ont oublié la guerre sanglante appelé «guerre
d'élimination»157 entre les militants du
général Aoun (chef de l'armée dans le temps) et les
miliciens des FL en 1990, le peuple ne l'a pas encore oublié, surtout
que des fosses communes n'ont toujours pas été trouvées ou
inspectées. L'accord de Meerab conclu le 18 janvier 2016158
pour officialiser les bonnes relations entre le CPL et les FL peut être
interprété comme un bon signe pour tourner la page de la guerre
civile et se réconcilier, sauf que dans la situation
153 HADDAD S., « Un document d'entente
plus que jamais d'actualité », L'Orient-Le Jour, 07
Février 2013. [en ligne] : Un document d'entente plus que jamais
d'actualité - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
154 CIMINO M., « Le Hezbollah et la guerre en Syrie »,
Politique étrangère, vol. , no. 2, 2016, pp. 115-127.
155 SAAD GHORAYEB A., SUEUR E., « Le Hezbollah :
résistance, idéologie et politique », Confluences
Méditerranée, vol. 61, no. 2, 2007, pp. 41-47.
156 BARON X., Le Liban, une exception menacée: en 100
questions, op.cit., p. 163.
157 ABI RAMIA J., « « Guerre d'élimination
», tutelle syrienne, accord de Meerab : l'histoire des relations entre le
CPL et les FL », L'Orient-Le Jour, 31 Mai 2018. [en ligne] :
"Guerre d'élimination", tutelle syrienne, accord de Meerab : l'histoire
des relations entre le CPL et les FL - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
158 BAAKLINI S., « Accord de Meerab : un succès
stratégique malgré les querelles tactiques ? »,
L'Orient-Le Jour, 19 Janvier 2019. [en ligne] : Accord de Meerab :
un succès stratégique malgré les querelles tactiques ? -
L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
libanaise actuelle, ce sont les responsables qui se sont
réconciliés sans rien initier au niveau juridique et
politico-social, tout en mettant en avant leur intérêts personnels
au profit des intérêts de la nation.
Photo durant la cérémonie de l'Accord de Meerab
du 18 janvier 2016.
De gauche à droit : Samir Geagea, Michel Aoun, Setrida
Geagea, Gebran Bassil.
Source:
Nakedpolitics.org
Photo après l'élection de Michel Aoun
Président de la République libanaise le 31 octobre 2016.
A Gauche le Secrétaire Général du Parti
Hezbollah et à droite le Président Michel Aoun.
Source :
Beirutme.com
45
Si la réconciliation entre les dirigeants politiques et
ex-chefs de guerre a un effet positif sur la paix nationale et le
déroulement des affaires politiques, dans le cas libanais elle a
montré qu'il existe deux types de Libanais après la guerre civile
des 15 ans. Le premier est celui de la classe politique dirigeante
réconciliée vu que; d'abord elle a trouvé justice à
travers l'article 3 de la loi d'Amnistie de 1991 qui fait exception aux auteurs
d'assassinats et des tentatives d'assassinats de personnalités
politiques et religieuses, ensuite elle a été
protégée par cette même loi en matière des crimes de
guerres et enfin elle a été «indemnisée» par
l'accord du Taëf qui a légitimisé sa place au pouvoir. Sans
oublier que pour cette classe politique, le perdant et le responsable a
été poursuivi et emprisonné pour 11 ans (Chef de la milice
chrétienne FL) et les compétences institutionnelles et politiques
des perdants (Chrétiens) ont diminuées au profit des vainqueurs
(Sunnites et Chiites)159. Le deuxième type de libanais
après la guerre civile est celui des gens « normaux » toujours
non réconciliés et n'ayant pas ce privilège d'avoir droit
ni à la vérité, ni à la justice et ni à la
réparation160.
Dans son article161 dans L'Orient-Le Jour, Carmen
Hassoun Abou Jaoudé a mis l'accent sur les intérêts
politiques et stratégiques des dirigeants libanais qui l'obligent
à s'entendre et à se réconcilier. A travers les entretiens
faites au Liban, plusieurs citoyens et Hommes politiques ont aussi
insisté sur la priorisation des intérêts personnels des
dirigeants politiques et de leurs partis sur l'intérêt national
libanais. C'est le cas de Monsieur Ramzi Abou Ismail, Monsieur Dany Fayad,
Madame Dima Abou Daya, Monsieur Ali Sandeed, Monsieur Sami Braidy et
159 Référence Partie I, C, 2) et 3).
160 Référence Partie II, A.
161 ABOU JAOUDE K.H., « Le Liban, un modèle de
réconciliation ? », op.cit.
46
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Monsieur Charbel Nahas. Ce dernier a expliqué que les
responsables se sont réconciliés entre eux, ce qui explique les
coutumes administratives et formelles rédigées nulles part que
suivent les députés et les ministres. Par exemple, la
constitution ne précise nulle part la confession des Secrétaires
Généraux de la Chambre des députés, c'est la
coutume agréée entre eux qui impose les confessions des deux
secrétaires; le premier Maronite (aujourd'hui Alain Aoun) et le
deuxième Druze (aujourd'hui Hadi Aboul Hessen). En plus, à
travers le veto (Hak Al Nakked), toutes les négociations sont
bloquées. D'après Professeur Nahas, quand les négociations
sont bloquées, les décisions seront au final prises par 6 ou 7
députés. Nahas a ajouté que le blocage mène
à la diminution de la capacité exécutive du pouvoir et par
la suite la légitimité de ce pouvoir diminue de même pour
au final se mettre en question162.
Ce n'est pas un secret que les partis politiques bloquent le
travail de tout un gouvernement pour protéger leurs
intérêts. Nous pouvons citer l'exemple de la pression faite par le
couple chiite Hezbollah et Amal sur le gouvernement suite à la double
explosion du Port de Beyrouth pour changer le juge Tarek Bitar chargé
d'enquêter sur le sujet163. En effet, le 12 octobre 2021,
toute une séance du Cabinet a été levée à
cause d'un débat animé de la part du Hezbollah en demandant le
changement du Juge Bitar parce qu'il a lancé des mandats d'arrêt
contre des anciens ministres proches du Hezbollah dont Ali Hassan Khalil
(mouvement Amal). En plus, au milieu d'une crise économique flagrante
ayant besoin d'une solution de la part du pouvoir exécutif, la
réunion qui était prévu le 13 octobre 2020 a
été reportée pour éviter une autre
«crise» de débats.
Face à une classe politique réconciliée
et ayant le pouvoir de bloquer n'importe quelle décision, de boycotter
les Chambres et de paralyser tout un pays pour protéger et atteindre ses
intérêts personnels, comment pouvons-nous attendre à une
réconciliation initiée par cette élite ? surtout que cette
même élite bloque tout travail de justice et de mémoire
concernant la guerre civile libanaise sous le volet de «tourner la
page» et d'«oublier»164.
3) Les influences externes dans les décisions
étatiques
« Aujourd'hui, les Libanais doivent s'astreindre
à chercher des solutions réfléchies et
élaborées à Beyrouth, et non pas à Taëf,
à Doha, à Damas ou au Caire »165 - Fouad
Abou Nader (2021)
Depuis sa création, le Liban a toujours
été dépendant des pays externes. Les interférences
de ces derniers ont évoluées avec le temps selon les changements
de la situation géopolitique entourant le pays. Nous avons
déjà vu comment l'Etat libanais a été
créé sous la colonisation française et a trouvé son
indépendance « théorique » en 1943 avant la
création de l'Etat d'Israël en 1948 et la participation de la jeune
armée libanaise à la guerre contre lui sur les frontières
libanaises. Dix ans plus tard, en 1958, le Liban a connu une guerre civile de 3
mois due à la montée du nationalisme arabe incarné par le
président égyptien Gamal Abdel
162 Annexe 1, «Interviews faites au Liban »,
Professeur Charbel Nahas, 06 Juin 2022, Achrafieh, p. 02.
163 DAOU M., « Explosions à Beyrouth : le
gouvernement paralysé par la campagne contre le juge Tarek Bitar »
France24, 19 Octobre 2021. [en ligne] : Explosions à
Beyrouth : le gouvernement paralysé par la campagne contre le juge Tarek
Bitar (
france24.com).
164 Référence Partie II, A.
165 ABOU NADER F., Liban : Les défis de la
liberté, le combat d'un chrétien d'Orient, op.cit., p.
141.
47
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Nasser. Ce dernier a conclu l'accord du Caire en 1969 avec le
Chef de l'OLP Yasser Arafat, le Chef d'Etat Libanais Charles Helou et le
commandant en chef de l'armée libanaise le Général
Boustany donnant le droit aux Palestiniens166 de renforcer leur
résistance sur le territoire libanais menant à la guerre civile
libanaise des 15 ans qui a impliqué plusieurs pays dont la Syrie et
Israël qui ont fini par occuper le pays après la guerre
(Israël jusqu'en 2000 et Syrie jusqu'en 2005). L'accord du Taëf
symbolisant la fin de la guerre civile a été conclu au Taëf
à l'initiative du Maroc, l'Algérie et l'Arabie Saoudite pour le
profit de la Syrie167 qui occupait le Liban et sous l'occupation de
laquelle le gouvernement libanais pro-syrien a initié la loi d'Amnistie
de 1991 et la loi du Silence de 1994 bloquant toute réconciliation
possible dans le pays. Même vers la fin de cette occupation, deux
alliances se sont apparues ; d'un côté l'alliance du 14 Mars
(l'opposition antisyrienne) renforcées par l'Arabie Saoudite et les pays
occidentaux et de l'autre côté l'Alliances du 8 Mars (les
pro-syriens) soutenus par l'Iran et la Syrie. Depuis le retirement des forces
de Bachar Al Assad du Liban, le 26 Avril 2005, jusqu'à nos jours, des
partis politiques traduisent la volonté de pays externes au sein du
pouvoir et cela est dû à l'influence religieuse, militaire et
financière de ces pays externes. Prenons par exemple l'influence
économique et religieuse de l'Arabie saoudite sur le Courant du Futur,
ou bien l'influence idéologique, financière et militaire de
l'Iran sur le parti pro-syrien Hezbollah. La dépendance des partis
politiques libanais des Etats tiers se traduit même dans le discours des
responsables. Par exemple, le jour des élections législatives de
2022, le Chef du CPL, allié du parti pro-syrien et pro-iranien
Hezbollah, Gebran Bassil a fait un discours télévisé en
déclarant que la bataille de son parti n'était pas avec les FL,
les Socialistes, les Phalangistes, Amal et des autres partis nationaux mais
plutôt « avec les Etats-Unis, Israël et leurs alliés
régionaux »168.
Dans un pays de post-guerre civile qui n'a pas encore pu
renforcer sa politique et présence régionales, c'est normal que
les pays tiers faisant partie des conflits régionaux essaient de dominer
et d'influencer ses positions politiques. Cela est même plus complexe
quand la région dans laquelle se trouve ce pays est le Moyen-Orient. En
effet, cette région a toujours été pleine de
complexités et de tensions, surtout suite à la création de
l'Etat d'Israël et les réaction des Etats arabes face à
cela. Aujourd'hui, le Moyen-Orient est un terrain de guerre d'influence entre
le camp sunnite, qui est lui-même divisé entre les Frères
Musulmans (Qatar et la Turquie) et les Wahhabites (autres pays du Golfe et
l'Egypte), et le camp chiite émanant de la révolution islamique
en Iran qui a influencé plusieurs pays dont l'Irak et la Syrie à
travers le Hezbollah. Concernant le Liban, cette guerre régionale
d'influence se traduit à travers les partis politico-confessionnels. Le
Hezbollah suit les directives de l'Iran (son pays créateur et financeur)
et la Syrie (son allié depuis la fin de la guerre civile), pareil pour
son allié maronite le CPL. Tandis que le Courant du Futur a
majoritairement été soutenu par l'Arabie Saoudite169
depuis sa création en 1992. Cette guerre d'influence régionale
s'est surtout traduite au Liban en 2017 lorsque le Premier Ministre Saad Hariri
et Chef du Courant du Futur a été obligé d'annoncer
166 Entre 100 000 et 130 000 palestiniens ont trouvé
refuge au Liban en 1948.
167 Référence partie I.C.1).
168 AL MANAR, « Bassil sur les législatives
libanaises : La bataille était avec Washington et « Israël
» », AlManarTV, 16 Mai 2022. [en ligne] : Bassil sur les
législatives libanaises: La bataille était avec Washington et
« Israël » - Site de la chaîne AlManar-Liban.
169 OLJ, « Pour Moussaoui, le Courant du Futur est «
assujetti » à l'Arabie Saoudite », L'Orient-Le Jour,
18 Juillet 2016. [en ligne] : Pour Moussaoui, le courant du Futur est «
assujetti » à l'Arabie saoudite - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
48
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
sa démission à Ryad en directe à la
télévision saoudienne170 en imputant le poids que
l'Iran met à travers le Hezbollah sur les équilibres internes du
Liban et surtout sur ses relations régionales en précisant les
relations avec l'Arabie Saoudite. Déjà en ce moment l'Arabie
Saoudite faisait face à l'Iran politiquement et militairement dans
plusieurs pays comme la Syrie (en soutenant la révolution), le
Yémen (en s'engageant dans la guerre contre les houthis en 2015), le
Qatar et même l'Irak. Le roi saoudien Salmane et son fils Mohammed ben
Salmane considéraient que leur seule faiblesse dans cette région
pour lutter contre l'Iran était au Liban vu que le Premier Ministre
était inactif face au Hezbollah. Cette tentative d'affaiblissement de
l'influence iranienne au Liban a échouée vu que d'abord Saad
Hariri a renoncé à sa démission171 un mois
après l'annonce et ensuite le couple Chiite a montré son support
au Premier Ministre, ce qui a renforcé leurs relations. Cette manoeuvre
de la part de l'Arabie Saoudite a tensionné ses relations avec le
Courant du Futur mais elle ne les a pas éliminées.
Récemment, le 23 janvier 2022, un communiqué a été
publié de la part des dirigeants du parti en confirmant que «
toute atteinte à l'Arabie Saoudite, est un poignard dans le coeur du
courant politique de Hariri »172.
Cette dépendance des Etats tiers rend la
probabilité d'une réconciliation étatique faible au Liban
pour des raisons de manque de souveraineté politique et
décisionnelle des institutions étatiques. En effet, les accords
officiels imposant l'oubli et l'impunité ont tous été
conclus en dehors du Liban et par des initiatives étrangères
à l'Etat Libanais. Même l'accord de Doha173 qui a
révisé le Taëf a été conclu le 21 mai 2008 au
Qatar. Ces mêmes Etats tiers, qui étaient à l'initiative de
l'imposition du manque de réconciliation, influencent toujours le
pouvoir libanais. Alors toute décision concernant un travail de
mémoire, une enquête pour la vérité ou bien une
poursuite juridique pour des crimes de guerre, va aller contre la
volonté des pays influents les partis politiques libanais, ce qui rend
l'initiative d'une réconciliation difficile à aborder.
Face à ces limites d'ordre institutionnel,
politique et externe, des limites d'ordre socio-politique bloquent aussi la
réconciliation libanaise, menant à la fragilité de la
société civile et à l'insuffisance de ses initiatives de
réconciliation. En effet, la plus grande limite de la
réconciliation au Liban est en même temps renforcée par le
manque de réconciliation, c'est la socialisation politique
confessionnelle. (III)
170 EURONEWS, « La démission de Saad Hariri prend
de court le Liban », YouTube, 05 Novembre 2017. [en ligne] :
La démission de Saad Hariri prend de court le Liban - YouTube
171 BARTHE B., « Le Premier ministre libanais, Saad
Hariri, renonce à sa démission », Le Monde, 06
Décembre 2017. [en ligne] : Le premier ministre libanais, Saad
Hariri, renonce à sa démission (
lemonde.fr).
172NNA, « Le courant du Futur : Celui qui porte
atteinte à l'Arabie !saoudite, poignarde la politique de Hariri »,
République Libanaise Ministère de l'Information, 23
Janvier 2022. [en ligne] :
ãáÇÚáÅá
Éíä1uáÇ
ÉáÇßuáÇ - Le Courant du Futur : celui
qui porte atteinte à l'Arabie saoudite, poignarde la politique de Hariri
(
nna-leb.gov.lb).
173LIBANEWS, L'Accord de Doha, Libanews, 23 Mai 2008,
02 p.
49
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
III. La socialisation politique confessionnelle
« Le système libanais est fait d'une
façon pour établir et construire l'idée des chefs
féodaux, et les individus libanais sont privés de la
liberté de se rebeller contre leurs appartenances confessionnelles, ils
sont parqués comme des animaux dans leurs confessions. Ce n'est pas
simplement la diversité religieuse et culturelle qui existe dans toutes
les sociétés, mais c'est un usage de la diversité
culturelle pour faire une espèce d'apartheid soft entre des
différentes communautés au profit des féodaux »-
Professeur Ghassan Salamé (2021) 174.
En effet, la mosaïque culturelle et multiconfessionnelle
au Liban constitue sa richesse folklorique, culturelle et touristique, mais au
niveau politique et social elle n'a infligé que des complexités
et des faiblesses. Au Liban, au sein d'une même société, il
existe plusieurs sociétés. Une grande partie des libanais ne
considère pas que le Liban est une nation, comme Ghassan Salamé
qui le considère comme une confédération de
communautés, Tarek Daher qui le considère comme « un
ensemble de communautés qui vivent en autrice, et qui ne voient pas le
Liban comme un pays, mais ils le voient comme un ensemble de petits pays
»175, Rami Ollaik qui le voit comme une juxtaposition de
religions176 et Mario Abinader qui le considère comme
inexistant177. Toutes ces interprétations constituent le
résultat de la socialisation politique confessionnelle libanaise.
Dans cette troisième partie, nous allons expliquer la
notion de socialisation politique (A), comment elle est confessionnelle dans le
cas libanais (B) et comment elle remplace la socialisation nationale à
plusieurs niveaux (C).
A. La socialisation politique, une notion moderne avec une
définition ambiguë faisant l'objet de plusieurs recherches
La notion de socialisation politique est introduite pour la
première fois à la fin des années 50 par le sociologue
américain Hyman qui a guidé les travaux de plusieurs autres
auteurs de son époque comme Easton et Dennis, Greenstein et Hess et
Torney qui tous limitaient la socialisation politique aux inspirations
béhavioristes et fonctionnalistes. Jusqu'aux années 70, la
socialisation politique était définie comme « l'ensemble
des mécanismes et processus de transmission et d'incorporation des
opinions et représentations politiques des individus
»178, mais cette approche a été
critiquée et élargie par plusieurs travaux dès la fin des
années 60 comme ceux d'Annick Percheron (1978 et 1985), Jennings et
Niemi (1968) , Pacheron (1985) et autres qui ont montré que la
socialisation politique n'était pas limitée à
174 SALAME G., « Chaos au Liban: l'analyse de Ghassan
Salamé », Figaro Live, 05 Novembre 2021. [en ligne] :
Chaos au Liban: l'analyse de Ghassan Salamé (
lefigaro.fr).
175 ALBERTINI D., « Le Liban n'est pas une Nation, encore
moins, un pays... », HEM Réseau, 11 Août 2021. [en
ligne] : TD : «le Liban n'est pas une Nation, encore moins, un
pays...» par Dan Albertini - Réseau HEM Global (
reseauhem.com).
176 OLLAIK R., « Le Liban n'est pas une nation, c'est une
juxtaposition de religions », Atlantico, Extraits de La route
des abeilles, Éditions Anne Carrière, 1 Mars 2012. [en
ligne] : Le Liban n'est pas une nation, c'est une juxtaposition de religions
|
Atlantico.fr.
177 ABINADER M., « Le Liban n'existe pas »,
L'Orient-Le Jour, 17 Août 2018. [en ligne] : Le Liban
n'existe pas - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
178 BOUGHABA Y., DAFFLON A., MASCLET C.,« Introduction.
Socialisation (et) politique. Intériorisation de l'ordre social et
rapport politique au monde », Sociétés
contemporaines, vol. 112, no. 4, 2018, pp. 5-21.
50
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
l'âge d'enfance, que le citoyen avait un rôle
actif et que la socialisation politique se résumait par l'ensemble
d'attitudes, de représentations et d'opinons politiques. Cela
jusqu'à l'arrivé des travaux sociologiques de Bourdieu (1972 et
1977) qui mettait en question le caractère politique de la socialisation
et la fin des années 80 quand les recherches sur la socialisation
politique ont pris un recule malgré les tentatives de relance par
Hepburn en 1995, Joignant en 1997 et Tournier en 1997.
Dans les années 2000, une nouvelle
génération de chercheuses et chercheurs a pris le relais des
études sur la socialisation politique. Une diversité d'approches
a été faite, que ça soit des enquêtes sur la
socialisation professionnelle (Mennesson, Pudal, Sainsaulieu) et la
socialisation militante (Juhem, Collovald, Yon), des enquêtes sur la
mutation des identifications collectives et individuelles (Haegel et Lavabre),
d'autres sur les conséquences biographiques de l'engagement (Fillieule
et al., Gottraux, Leclerq et Pagis, etc.) ou même la socialisation
juvénile et enfantine (Simon, Recchi, Lignier et Pagis, Sapiro, Renahy,
Boone, etc.). En générale, deux diversités d'auteurs et de
travaux sont apparues179. La première visant à
définir la socialisation politique à travers la définition
de la politique et la deuxième à étudier les normes et
pratiques sociales formant la socialisation politique.
Jusqu'à nos jours il n'existe pas une définition
universelle de la socialisation politique ni une liste exhaustive de ses
mécanismes. Dans ce mémoire notre intérêt n'est pas
d'analyser les différentes approches ni de présenter les
différentes définitions de cette notion jeune et ambiguë en
Science Politique, mais d'adopter la définition qui rentre le plus dans
la situation libanaise et dans les intérêts de notre recherche.
Commençons par la socialisation définie dans le dictionnaire des
Sciences économiques comme un processus d'adaptation de l'enfant
à la vie en société et de l'individu à la
société. Pour avoir une définition plus précise de
la socialisation nous pouvons faire référence à la
définition donnée par Dominique Bolliet et Jean Pierre Schmitt
qui lient la socialisation au fait de « comprendre les
mécanismes de transmissions de la culture, comment les individus
incorporent les valeurs, les normes, les rôles »180
en faisant intervenir 4 dimensions : la transmission et
l'intériorisation de la culture, la construction des identités,
l'intégration des individus au groupe et la capacité du groupe
à intégrer et à créer un lien. Nous pouvons
conclure que la procédure de socialisation dure tout au long de la vie
de l'individu. Durant cette procédure ce dernier apprend à
intérioriser la culture, les normes et les valeurs de sa
société, il construit son identité et s'intègre au
groupe qui à son tour créé un lien entre ses individus.
Par ici, la socialisation est politique lorsqu'elle forme et
transforme le système individuel d'opinions, d'attitudes et de
représentations politiques à partir de contraintes
imposées par des agents sociaux et des interactions entre l'individu et
son environnement. Alors, la socialisation politique regroupe une culture
politique transmise par l'Etat (la culture nationale), mais aussi la culture
communautaire résultante de l'existence de plusieurs cultures
179 BOUGHABA Y., DAFFLON A., MASCLET C., .,«
Introduction. Socialisation (et) politique. Intériorisation de l'ordre
social et rapport politique au monde », op.cit.
180 GRAINGER M., « Socialisation », Les concepts
en sciences infirmières. 2ème édition,
réf. BOLLIET D., SCHMITT J.P., La Socialisation, Thèmes
et Débats, Chez Bréal, 2002, 124 p., Association de Recherche en
Soins Infirmiers, 2012, pp. 276-278.
51
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
dans une même société. Ici nous parlons
par exemple de cultures confessionnelles ou bien de classes sociales. Cette
définition de la socialisation politique a été
tirée à partir de la définition de Philippe Braud qui
considère dans son livre «Sociologie Politique» que la
socialisation politique est un « processus d'inculcation des normes et
valeurs qui organisent les perceptions par les agents sociaux du pouvoir
politique (dimension verticale) et des groupes de références
(dimension horizontale) »181, et d'Annick Percheron, dans
son livre «La socialisation Politique», qui considère que le
processus de la socialisation politique « donne aux individus la
matière profonde de leurs perceptions, de leurs représentations,
de leurs attitudes. Elle les aide à construire le fond de carte sur
lequel viendront s'inscrire avec des contenus différents , des reliefs
différents, les évènements successifs
»182.
Plusieurs éléments doivent être
soulignés en parlant de la socialisation politique. D'abord, comme c'est
déjà précisé dans la définition de
socialisation, la socialisation politique ne s'arrête pas à un
âge déterminé, elle accompagne l'individu tout au long de
sa vie au sein d'une société. Durkheim a précisé
deux formes de socialisations183 ; la socialisation primaire ou
initiale qui regroupe les enfants et les adolescents et qui se fait au sein des
premières communautés d'appartenance (sa famille, la
crèche, l'école, les amis, etc.), et la deuxième
étant la socialisation secondaire ou continue qui concerne les
dernières phases de l'adolescence et les adultes. Durkheim
précise que la socialisation de la nouvelle génération par
l'ancienne constitue l'éducation permettant d'avoir des normes et
valeurs au fondement d'une société.
Ensuite, les événement politiques et sociaux que
les individus connaissent affectent leurs identités politiques qui se
construisent par le processus de la socialisation politique. Nous faisons
référence ici au « fond de carte » que Percheron a
mentionné dans sa définition. En effet, ce fond de carte
évolue avec le temps selon les événements qui viennent,
qu'ils soient sociaux (mariage, poste de travail etc. ) ou bien politiques
(élections, guerre, tensions, révolutions, etc.). Alors la
socialisation politique est interactive (en interaction avec l'entourage) et
continue (elle ne s'arrête pas à un âge précis).
Enfin, d'après Philippe Braud (Sociologie Politique,
2008), il faut distinguer entre agents de socialisation et milieux de
socialisation. Les milieux de socialisation, sont les communautés
sociales structurées comme la famille, l'école et les
médias. Ces endroits peuvent ne concerner qu'une partie de la
société comme la religion, l'ethnie ou le militantisme politique.
En général, c'est l'endroit où se passe la
procédure d'inculcation. Tandis que les agents de socialisation sont les
personnes qui effectuent cette inculcation, c'est le cas des instituteurs
(prof, nourrice, etc.) et des pairs (voisins, copains, cousins, etc.). Dans son
ouvrage « L'expérience politique des jeunes »184,
Anne Muxel a expliqué l'impact des relations entre pairs sur la
socialisation politique d'un individu.
181BACOT P., « Philippe Braud, Sociologie
politique », Mots. Les langages du politique, vol. 84, no. 2,
2007, pp. 104-109.
182 PERCHERON A., La socialisation
politique, Textes réunis par MAYER N., MUXEL C., Armand Colin,
Paris, 1993, 226 p.
183 OUMEIMA CHERIFA M., Socialisation Familiale et
sphère domestique : Les usages sociaux de temps selon une approche
contextuelle, générationnelle et de genre, La Socialisation
Selon Durkheim, Thèse doctorale, Ministère de l'Enseignement
Supérieur et de la Recherche Scientifique, Université d'Oran 2,
Oran, pp. 132-135.
184 MUXEL A., L'expérience politique des jeunes.
Presses de Sciences Po, 2001, 192 p.
52
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Les mécanismes de la socialisation politique
diffèrent d'un environnement à un autre et d'une
société à une autre et connaissent des changements d'une
génération à une autre. D'où la projection des
éléments théoriques sur la situation de la socialisation
politique libanaise (B)
B. L'intensification de la socialisation politique
confessionnelle avec la guerre civile libanaise
Reprenons la définition de la socialisation politique
proposée dans la partie précédente et projetons là
sur la situation libanaise : « la socialisation est politique
lorsqu'elle forme et transforme le système individuel d'opinions,
d'attitudes et de représentations politiques à partir de
contraintes imposées par des agents sociaux et des interactions entre
l'individu et son environnement. Alors, la socialisation politique regroupe une
culture politique transmise par l'Etat (la culture nationale), mais aussi la
culture communautaire résultante de l'existence de plusieurs cultures
dans une même société. »
Alors le système individuel d'opinions et d'attitudes
politiques est formé à travers l'entourage de la personne et ses
interactions avec cet entourage. Au Liban, il existe 18 communautés
religieuses et une division géographique confessionnelle
renforcée suite à la guerre civile. Par la suite, la
socialisation politique de chaque Libanais dépend de sa religion et sa
région d'enfance et d'habitation. Ce qui est normal dans une
société multiculturelle. Par contre, dans la situation libanaise,
la « culture nationale » précisée dans la
définition de la socialisation politique n'est pas unifiée au
niveau des écoles et des établissement éducatifs, la
culture nationale est plutôt communautaire même avant la
création de l'Etat libanais. Suite à la guerre civile, la
division géographique s'est devenue encore plus
hétérogène religieusement et la culture nationale plus
confessionnelle vu que chaque leader politico-confessionnelle a pris part du
pouvoir à travers l'accord du Taëf. En plus, avec le manque de
réconciliation après la guerre civile, chaque partie du Liban,
selon ses appartenances politico-confessionnelles, éduquait ses enfants,
ce qui a divergé de plus en plus la socialisation politique entre ces
sociétés. Ce qui nous mène à considérer que
la socialisation politique au Liban est confessionnelle.
Le Liban a toujours connu une socialisation politique
confessionnelle divisant son opinion publique en plusieurs camps
politico-confessionnels. Durant l'empire Ottoman, la Montagne a connu des
massacres de mai jusqu'à septembre 1860185 entre les Druzes
et les Maronites suite à l'effondrement de la féodalité et
le mauvais fonctionnement du double caïmacamat (système
instauré en 1942 séparant les Maronites et les Druzes par la
route allant de Beyrouth à Damas). Même durant la période
de la première guerre mondiale, l'effondrement de l'empire Ottoman et
les Accords Sykes-Picot, deux camps existaient au Liban, le premier
plutôt chrétien demandait toujours une intervention occidentale et
une assistance française, tandis que le deuxième musulman
insistait sur la protection et l'assistance arabes. Même après la
mise en place du mandat français au Liban, les Chrétiens, les
Chiites et une partie des Druzes l'ont accepté tandis que les Sunnites
avaient peur de la dominance maronite et demandaient le
185 KRUSE C., « Mont-Liban (1840-1860) », Les
clés du Moyen-Orient, 09 Mars 2012. [en ligne] : Mont-Liban
(1840-1860) (
lesclesdumoyenorient.com).
53
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
rattachement du Liban à la Syrie, cela jusqu'à
l'indépendance du Liban en 1943186. En effet, ce qui a
renforcé la socialisation politique confessionnelle est la
communitarisation du système politique libanais ; d'abord, l'Etat
libanais a été créé en 1920 sur une base
communautaire sous le mandat français. Ensuite, le Pacte Nationale
conclu suite à l'indépendance du pays en 1943, même si non
écrit, a instauré un système communautaire confirmé
en 1989 par le Taëf symbolisant la fin d'une guerre civile mais
renforçant une socialisation politique confessionnelle qui peut mener
à une guerre plus sanglante et plus violente. En effet, la guerre civile
libanaise a renforcé l'hétérogénéité
de la répartition géographique des confessions
libanaises187.
Depuis 1932, il n'y a pas eu un recensement officiel se basant
sur les appartenances confessionnelles de la population libanaise, et cela
d'après Hervé Amiot188 est dû à la
fragilité de l'équilibre confessionnelle rompu en 1975 causant
une guerre civile. Un nouveau comptage officiel risque de mettre devant les
yeux des libanais la situation démographique réelle de leur pays,
ce qui peut causer des réactions de mécontentement des
minorités ou bien des réactions d'augmentation du pouvoir des
majorités vu que le Taëf divise le pouvoir équitablement
entre Chrétiens et Musulmans en considérant qu'ils étaient
égaux démographiquement en sortant de la guerre civile. Des
enquêtes sont réalisées après 1932 mais avaient
beaucoup de lacunes et n'étaient jamais officialisées, comme
l'enquête menée sous la présidence de Fouad Chéhab
en 1970 qui ne comptait que la population résidente. Même
après la guerre civile il y'a eu deux enquêtes avec des grandes
différences de résultats (plus que 20%), en 1996 et en 1997.
Tandis que dans les années 2000 des universitaires ont aussi
initiés des enquêtes qui se divergent entre elles. Ces divergences
s'expliquent d'abord par la nombre de libanais qui quittent le pays, qui
émigrent et qui augmentent avec le temps et selon les circonstances,
ensuite par le nombre d'immigrés et des réfugies qui viennent au
Liban et dont le nombre est difficile à cerner.
Comme conséquence au manque de recensement officiel, le
seul recours pour avoir une idée sur la répartition
démographique confessionnelle au Liban sont les listes
électorales qui donnent une idée générale de la
répartition des confessions dans le pays malgré leurs limites
(mineurs non cités, ne montrent que les personnes inscrites sur les
listes, ne prennent pas en compte les non-libanais).
Les figures (1)189, (2)190 et
(3)191 représentent les répartitions
démographiques des confessions sur le territoire libanais entre les
années 2000, 2012 et 2018. En observant les trois cartes, nous pouvons
conclure qu'il n'y a pas eu de grands changements ; les 4 communautés
principales sont réparties de la façon suivante : les Chiites
sont majoritairement entre la frontière israélienne et
Saïda, dans le Sud du Liban, dans la Bekaa surtout entourant Baalbeck
186 Baron X., Le Liban, une exception menacée: en 100
questions , op.cit., p. 60.
187 Référence Intro, I.
188 AMIOT H., « Le Liban : géographie d'un Etat
multiconfessionnel », Les Clés du Moyen-Orient, 22 Octobre
2013, modifié le 07 Août 2020. [en ligne] : Le Liban :
géographie d'un Etat multiconfessionnel (
lesclesdumoyenorient.com).
189 Ibid.
190 MAIGRE F., « Le Liban, une mosaïque
confessionnelle fragile », LaCroix, 14 Septembre 2012. [en ligne]
: Le Liban, une mosaïque confessionnelle fragile (
la-croix.com).
191
Libandata.org., «Les
circonscription électorales du Liban (élections
législatives de 2018) », Libandata, 19 Mars 2018. [en
ligne] : Les circonscriptions électorales du Liban (élections
législatives de 2018) |
Libandata.org.
Réconciliation et socialisation politique après
la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
54
Figure1 : Répartition des confessions au Liban sur
la base des listes électorales de l'année 2000.
Figure 2 : La répartition des confessions selon les
estimations faites en juillet 2012.
Figure 3 : Les sièges législatifs selon la
répartition confessionnelle sur les circonscriptions électorales
du Liban (élections 2018)
et dans la banlieue sud de Beyrouth. Tandis que les Sunnites,
depuis l'empire Ottoman, sont majoritairement situés dans les zones
commerciales de Beyrouth, Saïda et Tripoli. En générale, les
sunnites sont les plus nombreux dans le Nord du Liban entre les
frontières syriennes et Tripoli et autour de Baalbeck. Par contre, les
Druzes, même avant l'empire Ottoman ont toujours habités les
montagnes libanaises. Ils sont établis dans la région du Chouf et
à Alay dans l'est de Beyrouth et le pied du mont Hermon. Enfin, les
Chrétiens sont dispersés dans les divers régions
libanaises, mais surtout les maronites, même avant l'empire Ottoman, au
Nord du Mont-Liban et dans la montagne au-dessus de Tripoli. Les
Chrétiens se situent également au sud autour de Jezzine, à
la Bekaa autour de Zahlé et à Zahlé (majoritairement
grec-catholique) et vers les frontières israéliennes. Cette
répartition n'est pas la même qu'avant la guerre civile
libanaise.
Réconciliation et socialisation politique après
la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Figure 4 : Le nombre d'émigrés libanais
chrétiens entre 1975 et 2007.
55
En effet, la guerre civile libanaise a causé
l'immigration de 990 000192 libanais, dont jusqu'à 1978,
75%193 étaient des chrétiens (figure 4)194
et a provoqué des déplacements forcés des citoyens
à l'intérieur du Liban selon leurs confessions. Nous avons
déjà vu la frontière qui a eu lieu au centre-ville de
Beyrouth, séparant Beyrouth Est des Chrétien et Beyrouth Ouest
des Musulmans. En pratique, avant la séparation définitive, un
délai a été donné aux Chrétiens de Beyrouth
Ouest pour se déplacer à Beyrouth Est et inversement pour les
Musulmans. Pareil, un clivage entre les Druzes et les Chrétiens a
touché le Sud de Mont Liban (le Chouf) lors de la guerre de la Montagne
qui a eu lieu entre 1982 et 1984, ou environ 160 000195
Chrétiens ont étés amenés à fuir les
massacres et à se déplacer de forces tandis que d'autres ont
décidés de rester196. Concernant les Chiites libanais,
entre 1977 et 1981197, ils étaient forcés à
quitter le Sud du Liban vers les banlieues de Beyrouth suite à
l'avancée de l'armée israélienne. Des moindres mouvements
de populations ont eu lieu aussi, comme dans le Bekaa ou des villages
chrétiennes ont perdus leurs populations, à Tripoli aussi de
nombreux Chrétiens se sont dirigés vers Zghorta.
En conclusion, la répartition géographique
communautaire existait au Liban même avant l'empire Ottoman, ce dessin
des 4 communautés existait avant la guerre civile libanaise mais a
été renforcé par la guerre qui a diminué le taux de
coexistence régionale entre les majorités et minorités
confessionnelles, mais quand même il existe toujours une coexistence
entre différentes confessions dans une même région. En
effet, malgré la « politique des déplacés » mise
en place par le gouvernement libanais après la guerre civile, l'ONG
locale «l'Institut libanais pour le développement économique
et social» (ILDES) a précisé qu'uniquement 20%198
des déplacés forcement sont revenus à leurs villes et
villages.
192 SEIFEDDINE W.S., « Crise économique : un
rapport met en garde contre une troisième vague d'émigration du
Liban », AA, 01 Septembre 2021. [en ligne] : Crise
économique : un rapport met en garde contre une troisième vague
d'émigration du Liban (
aa.com.tr).
193LABAKI B., « Les chrétiens du Liban
(1943-2008). Prépondérance, marginalisation et renouveau »,
Confluences Méditerranée, vol. 66, no. 3, 2008, pp.
99-116.
194 Ibid., p. 103.
195 KANAFANI-ZAHAR A., « Réflexion sur le blocage
des « dernières réconciliations » au Mont Liban »,
Cahiers de la Méditerranée, Centre de la
Méditerranée Moderne et Contemporaine (CMMC) - Université
Côte d'Azur, 71 décembre 2005, pp. 129-143.
196 CHIPAUX F., « Visite aux chrétiens dans le
Chouf », LeMonde, 01 Octobre 1984. [en ligne] : Visite aux
chrétiens dans le Chouf (
lemonde.fr).
197 AMIOT H., « Chronologie illustrée du conflit
libanais (1975-1990), Les clés du Moyen-Orient, 30 Octobre
2013. [en ligne] : Chronologie illustrée du conflit libanais
(1975-1990) (
lesclesdumoyenorient.com).
198 AMIOT H., « Le Liban : géographie d'un Etat
multiconfessionnel » op.cit.
56
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Suite à ce renforcement de la division
géographique confessionnelle par la guerre civile, le Liban a connu
plusieurs sociétés dans une seule société. Chaque
région, selon sa confession dominante, a créé sa propre
société et une socialisation politique confessionnelle propre
à ses enfants. Même dans les régions où coexistent
plusieurs confessions, chacune a sa propre socialisation politique. (nous
verrons en détails comment cette socialisation politique confessionnelle
remplace la socialisation politique nationale dans la partie C).
C. Le remplacement de la socialisation politique nationale
libanaise par la socialisation politique confessionnelle
Plusieurs politistes, sociologues et psychanalystes ont
travaillé sur le lien entre la socialisation politique et les
sociétés multiculturelles. Dans son livre « De la division
du travail », Emile Durkheim a parlé du lien entre le degré
de primitivité des sociétés et le degré de
ressemblance entre les individus les formants. « Plus les
sociétés sont primitives, plus il y'a ressemblance entre les
individus dont elles sont formées »199, alors plus
les sociétés sont composées, plus il y'a dissemblances
entre les individus dont elles sont formées. Tandis que dans «
L'individu et sa société » 200, Abraham Kardiner
a introduit la notion de la « personnalité de base »
qui est commune pour tous les membre du groupe parce qu'elle est liée
à la culture de base de l'individu. Alors si nous voulons projeter la
notion de personnalité de base sur les sociétés
divergentes, il est probable d'avoir plusieurs personnalités de base
différentes dans une même société. La notion la plus
simplificatrice et proche des sociétés
différenciées est celle des « habitus » introduite par
le sociologue français Pierre Bourdieu dans son livre « Le Sens
pratique »201 en 1980. En effet, les habitus sont le
résultat des « conditionnements associés à une
classe particulière de conditions d'existence »202
en étant « durables et transposables ». Dans sa
définition, le sociologue français précise que les habitus
fonctionnent comme des « principes générateurs et
organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être
objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée
consciente de fins et la maitrise expresse des opérations
nécessaires pour les atteindre »203. Bourdieu parle
d'habitus comme étant le produit de la socialisation mais en même
temps générateur de nouvelles pratiques. Ils sont plutôt
les dispositions qui intègrent toutes les expériences du
passé et qui créées des réaction et des positions
(pas forcément conscientes) pour gérer ces expériences
socialement. Par la suite, les habitus de chaque classe sont le résultat
de l'ensemble d'expériences communes de cette classe qui fonctionnent
sous forme de perception, d'appréciation et d'action. En d'autres
termes, les habitus forment la conciliation entre les habitudes culturelles et
le comportement des individus. En parlant de la socialisation
199 DIDIER-FEVRE C., « « L'individu, secrets de
fabrication », Sciences Humaines, no. 256, Février 2014
», Les Clionautes, 17 Janvier 2014. [en ligne] : Emile
Durkheim | The place to be ? (
hypotheses.org).
200 KARDINER A., L'individu et sa société,
Essaie d'anthropologie psychanalytique, Bibliothèque des Sciences
Humaines, Gallimard, 1969, Etats-Unis, 536 p.
201 BOURDIEU P., Le Sens pratique, Le Sens Commun, Les
éditions de minuit, 1980, France, 500 p.
202 Ibid., p. 88.
203 Loc. cit.
57
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
politique, nous pouvons considérer les habitus comme
résultants de la socialisation politique et menant au comportement
politique individuel.
Dans cette partie, nous allons expliquer comment les habitus
différents des communautés confessionnelles libanaises renforcent
la socialisation politique confessionnelle qui remplace la socialisation
politique nationale au niveau identitaire (1), d'état civil (2),
scolaire (3), psychologique (4) et socioéconomique (5).
1) Au niveau identitaire : Le remplacement de
l'identité nationale par une autre confessionnelle
«One might almost say : no memory, no identity; no
identity, no nation.»204. Dans la deuxième partie
(2) du paragraphe (A) de la partie (II) de ce mémoire, nous avons
évoqué comment la mémoire individuelle crée la
mémoire collective et vis-versa, et comment les deux sont primordiales
pour l'unité sociétale et l'identité commune d'une nation,
en faisant référence aux études de Halbwachs, Johan Michel
et Marie-Claire Lavabre. En effet, l'unité sociétale
protège l'identité nationale et cela d'après une
mémoire collective commune. Nous avons introduit cette notion pour
souligner le besoin d'une réconciliation nationale au Liban et les
résultats du manque de cette dernière. Vu qu'au Liban il n'existe
pas une mémoire collective nationale mais des mémoires
collectives communautaires, alors, selon la logique expliquée ci-dessus,
au Liban on n'a pas une identité nationale mais des identités
confessionnelles différentes.
Ce problème de mémoire collective ne concerne
pas uniquement la mémoire de guerre, mais aussi l'origine de
l'entité libanaise. Même sur le sujet des origines du peuple
libanais il existe majoritairement deux camps et deux arguments qui datent
depuis très longtemps et qui dépendent des religions. Pour la
majorité des Chrétiens, le Liban est un pays phénicien vu
que historiquement la Phénicie est née et s'est
développée sur le littoral libanais pendant environ 9
siècles, tandis que la majorité musulmane le décrit comme
pays arabo-musulman. Il existe même des mouvements nationalistes qui en
se basant sur la géopolitique considèrent que le Liban fait
partie de la Grande-Syrie (Bilad al Sham) qui regroupe le Liban, la Jordanie,
la Syrie et la Palestine. Durant notre entretien, Monsieur Walid Zeitouny
(Docteur en sociologie politique à l'Université Libanaise) a
précisé qu'il existe 5 courants de pensées concernant
l'identité libanaise205 et chacun se base sur son histoire et
culture différentes de l'autre. La première lecture est la
lecture orientaliste (Istichrakiya) qui a accepté la division faite par
la France et l'Angleterre après la première guerre mondiale, la
deuxième étant la lecture islamique qui considère que le
Liban fait partie de l'Etat Islamique, la troisième étant la
lecture Arabe dérivée de la lecture islamique, la
quatrième étant la lecture d'entité (kira2a kayaniya)
proche de la lecture orientaliste en prenant en considération les
origines phéniciennes et la cinquième est la lecture du Parti
Social Nationaliste Syrien qui considère que le Liban fait partie de la
Grande Syrie en prenant en compte les frontières géographiques
naturelles et en réfléchissant objectivement et non pas
subjectivement. En effet, vu que Monsieur Zeitouny est un cadre du
204 SMITH A., «Memory and modernity: reflections on
Ernest Gellner's theory of nationalism», Nations and Nationalism,
1996, vol. 02, p. 383.
205 Annexe 1, « Interviews faites au Liban »,
Monsieur Walid Zeitouny, 20 Mai 2022, Mreijat, 00 :35 :06, p. 08. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1Bln7ga1-OKgiaXjqD_n0DIn8TDiQuItU/view?usp=sharing.
58
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
PSNS, il explique que son parti ne considère pas le
Liban comme une nation à cause des tensions confessionnelles existantes,
même avant sa création, et leurs réglage par des solutions
encore plus confessionnelles de la part des Etats tiers, ce qui mène au
manque de structure sociale et par la suite au manque d'identité
nationale commune.
La majorité des auteurs qui ont travaillé sur le
sujet de l'identité libanaise confirment que la question de
définir l'identité nationale traverse l'histoire du Liban et pose
un problème entre les différentes confessions. Si nous
considérons l'identité comme un sentiment personnel
d'appartenance et que l'identité nationale est le sentiment d'appartenir
à une nation, alors au Liban il n'existe pas une identité
nationale vu que le sentiment d'appartenance est confessionnel et communautaire
pour des raisons d'origine, d'histoire et de culture différentes. Si
nous prenons en compte les repères identitaires communs de la nation
pour définir l'identité nationale, malgré l'existence du
drapeau libanais, de l'hymne national libanais et de l'accent arabe libanais,
certaines écoles enseignent l'hymne national français, d'autres
l'hymne national iranien avant et même à la place de l'hymne
national libanais. Concernant le drapeau libanais, la majorité des
partis politiques porte le drapeau de leurs parti au lieu du drapeau libanais
même pour des évènements nationaux. Et enfin, concernant
l'accent libanais, selon les régions politico-confessionnelles, nous
trouvons une dominance linguistique différente. En
général, dans les régions chrétiennes, nous
trouvons des écoles chrétiennes francophones qui mettent l'effort
sur la langue française plus que la langue arabe, tandis que dans les
régions musulmanes la langue arabe est beaucoup plus maitrisée.
Sans oublier les écoles anglophones qui mettent plus l'accent sur
l'anglais que l'arabe. Si nous prenons l'histoire et la culture communes pour
identifier l'identité nationale, Ahmad Beydoun a mis l'accent sur le
conflit historique islamo-chrétien en précisant que «
l'historien chrétien et l'historien musulman sentent tous les deux une
menace planer sur leur identité en tant qu'elle est rapport à
l'origine. Le Chrétien voit la source du danger dans l'islam et dans
l'arabisme et le Musulman la trouve incarnée dans le Chrétien et
dans l'Occident »206. Cette peur de l'autre
renforcée par les discours des dirigeants politico-confessionnels freine
les possibilité d'une appartenance nationale commune basée sur
une histoire objective unifiée.
Tous ces habitus communautaires renforçant la
socialisation politique confessionnelle et remplaçant l'identité
nationale par l'identité confessionnelle sont renforcés par la
mal gestion des conflits historiques, culturels et religieux par l'Etat
Libanais. En effet, le système communautaire renforce les
identités confessionnelles au Liban, ce qui est considéré
comme meurtrier à la nation libanaise. Même en 1943, lors de
l'indépendance du Liban, le Pacte National qui a conclu cette
indépendance a essayé de trancher le conflit d'appartenance
occidentale ou bien arabe du Liban en le considérant comme un pays ayant
un « visage arabe »207. D'après Georges Naccache,
« deux négations ne font jamais une nation
»208, cette double négation a renforcé
encore plus les tensions confessionnelles et la socialisation politique
confessionnelle divergente entre les communautés.
206 BEYDOUN A., Identité confessionnelle et temps
social chez les historiens libanais contemporains, Université
Libanaise, 1984, Beyrouth, 610 p.
207 DEBS N., « L'identité libanaise, une difficile
identité plurielle », Topique, vol. 110, no. 01, 2010, pp.
105-116.
208 NACCACHE G., « Deux négations ne font jamais
une nation », Un rêve libanais, 1943-1972, Beyrouth, FMA,
1982.
59
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
2) Au niveau de l'état civil: la confessionnalisation
du statut personnel « Un Libanais à un autre :
« es-tu chrétien ou musulman ? »
« Je suis athée. »
« Ah bon... très bien... Athée
chrétien ou athée musulman ? » »209.
Une boutade que Jihad Nammour a emprunté à Theodor Hanf.
Cette boutade montre que le peuple libanais n'arrive pas
à différencier la religion de l'identité. Pour lui, la
religion n'est plus la foi mais l'identité qui l'introduit et le
définie. Au Liban, pas tous les Chrétiens sont vraiment
Chrétiens ayant la foi chrétienne ni tous les Musulmans ont la
foi musulmane, mais une religion (celle de leur père) leurs a
été imposée à la naissance et gère leur
statut personnel même après la mort. En effet, la fiche
individuelle d'état-civil de chaque libanais précise sa
confession et selon cette confession toutes les affaires de son statut
personnel seront régies (mariage, divorce, héritage,
décès, etc.).
D'après Charbel Nahas « L'Etat libanais
reconnaît institutionnellement les confessions religieuses et abandonne
le droit privé et le statut personnel à leurs juridictions
respectives ce qui constitue les Libanais en communautés
confessionnelles »210. C'est ce que Aïda
Kafanani-Zahar définie comme le « religieux
institutionnalisé »211 en introduisant deux types
de ruptures entres les Libanais et leur Etat, la première étant
celle du statut personnel confessionnalisé et la deuxième du
confessionnalisme politique. Les religions sont devenus des institutions qui
régissent juridiquement le statut personnel des Libanais et
politiquement (confirmé par le Taëf) leur mode de vie. Une double
autonomie distingue le système de statut personnel libanais. La
première étant judiciaire par l'existence de tribunaux pour
chaque communauté ; « tribunaux spirituels pour les
chrétiens catholiques, orthodoxes et évangéliques ;
tribunaux charaïques pour les sunnites, jaafarites pour les chiites et
mat?habiyya pour les druzes. Enfin des tribunaux rabbiniques pour les
israélites »212. La deuxième autonomie
étant l'autonomie législative de chaque confession puisque chaque
communauté a ses propres lois et législations213.
Sans rentrer dans les détails de chaque loi
régissant le statut personnel de chaque confession, nous pouvons
déduire que tout au long de la vie du citoyen libanais, depuis sa
naissance jusqu'à sa mort et même après, une confession lui
est attribuée et le différencie de l'autre Libanais ayant une
autre confession sur ses papiers officiels. Ce qui construit dès
209 NAMMOUR J., « Les identités au Liban, entre
complexité et perplexité », Cités, vol. 29,
no. 1, 2007, p. 49.
210 NAHAS C., Le confessionnalisme au Liban. Du
fonctionnement discursive et idéologique vers une position du
problème, Thèse d'anthropologie, Ecole des Hautes Etudes en
Sciences Sociales, 1980, p. 4.
211 KAFANANI-ZAHAR A., « Les tentatives d'instaurer le
mariage civil au Liban : l'impact des Tanzîmât et des
réformes mandataires (chapitre 23) », P.-J. Luizard, Le choc
colonial et l'Islam. Les politiques religieuses des puissances coloniales en
terre d'islam, Paris, La Découverte, 2006, p. 427.
212 TOBICH F., Chapitre II : Le statut personnel libanais
: le statu-quo normatif, Les Statuts personnels dans les pays arabes :
de l'éclatement à l'harmonisation, Presse universitaire
d'Aix-Marseille, Aix-en-provence, 2008, pp. 161-183. [en ligne] : Les
statuts personnels dans les pays arabes - Chapitre II. Le statut personnel
libanais - Presses universitaires d'Aix-Marseille (
openedition.org).
213 BASILE B., Statut personnel et compétence
judiciaire des communautés confessionnelles au Liban (étude
juridique comparée), Université St. Esprit, Kaslik, 1993, p.
15.
60
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
l'enfance de la personne une socialisation politique
confessionnelle légitimée par l'Etat et l'article 9214
de sa Constitution. Cette divergence et multiplicité des statuts
personnels des Libanais et l'absence d'une loi unique civile libanaise du
statut personnel rend la séparation confessionnelle entre les Libanais
plus simple. Surtout après la guerre civile libanaise et le renforcement
des séparations géographiques confessionnelles, le fait que les
statuts personnels sont régis selon les confessions diverge encore plus
les types de socialisation politique confessionnelle de chaque région.
Par exemple, si un couple est composé d'une personne catholique de
Zahlé et d'une autre chiite de Saida, le mariage auprès des
institutions libanaises ne sera pas possible sauf si une va convertir à
la religion de l'autre vu que le mariage civil n'est pas possible. Alors
l'homogénéisation par le mariage entre les confessions n'est pas
possible pour casser un peu les habitus de chaque partie confessionnelle, au
moins pas sur le territoire libanais.
3) Au niveau éducatif : une « autonomie
éducationnelle» menant à la reproduction de la division
confessionnelle et sociale au sein des écoles
« L'école au Liban est le miroir d'une
société basée sur un fonctionnement communautaire. Le
manque de moyens dédiés à l'école publique supprime
toute possibilité de voir un jour une unité quelconque entre les
différentes communautés du Liban. L'école publique ne
devrait pas être l'école des pauvres mais bien un lieu de partage,
qui réunit avant tout des citoyens »215, les
paroles de la sociologue Maissam Nimer.
L'école joue un rôle essentiel dans la
socialisation primaire des enfants (Durkheim), avec la famille, elle est la
base du « fond de carte » (Percheron) de la socialisation de
l'enfant. Dans le cas Libanais, d'après Antoine Messarra, une «
autonomie éducationnelle »216 a
été donnée aux confessions pour construire leurs
établissements scolaires et cela d'après les articles 9 et 10 de
la Constitution libanaise. Par la suite, à cause de la faiblesse du
secteur public libanais, les écoles du secteur privé forment des
établissements de socialisation confessionnelle, politique et politique
confessionnelle. Ce qui forme des « fonds de cartes » sociaux et
communautaires divers au sein d'un même peuple libanais.
En 1943, le principe de l'autonomie éducationnelle a
donné une certaine priorité au secteur privé face au
secteur public pour protéger les libertés de toutes les
confessions. Comme conséquence, les écoles privées ont
connu une évolution et un développement plus rapides que les
écoles publiques. Au niveau financier, le pourcentage des
dépenses pour l'éducation publique sont très faibles par
rapport aux autres dépenses étatiques. En 2012, le pourcentage
des dépenses pour l'éducation présentaient
7.1%217 de la dépense publique, rapportée au PIB,
214 Cet article garantie aux populations le respect de leurs
intérêts religieux et statuts personnels.
215 NIMER M., « Le système éducatif
libanais reproduit la division sociale et communautaire »,
Solidarité Laïque, 03 Novembre 2016. [en ligne] : « Le
système éducatif libanais reproduit la division sociale et
communautaire » - Solidarité Laïque (
solidarite-laique.org).
216 MESSARRA A., « Le statut constitutionnel de
l'enseignement. Intégration et limites de l'autonomie (chapitre 3)
», dans Théorie générale du système
politique libanais. Essai comparé sur les fondements et les perspectives
dévaluation d'un système consensuel de gouvernement, Paris,
Cariscript, 1994, p. 116.
217 NIMER M., « Le système éducatif libanais
reproduit la division sociale et communautaire, op.cit.
61
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
la dépense d'éducation en 2020 était de
30%218 pour les écoles publiques tandis que 66% pour les
écoles privées. Comme résultat, un grand nombre des
bâtiments scolaires sont loués et ne remplissent pas les
conditions exigées pour une éducation en sécurité
et les matériaux utilisés sont insuffisants et anciens. Le
problème le plus désavantageant est celui de la faible
compétence des enseignants dans les écoles publiques. En effet,
en 2016, 45%219 des enseignants dans les écoles publiques
n'avaient pas de diplômes universitaires. Face au décalage entre
les deux secteurs, la majorité des parents se tournent vers les
écoles privées pour assurer une meilleur éducation et
environnement éducatif pour leurs enfants (en 2013220, 64%
des inscriptions étaient auprès des écoles privées
tandis que 32% auprès des écoles publiques et 4% auprès
des écoles générées par les NU pour les
réfugiés palestiniens, ces chiffre ont changés aujourd'hui
suite à la crise économique. Environ 55 000221
élèves ont changés leurs écoles privées en
d'autres publiques en 2020-2021). Mais pour les parents n'ayant pas les moyens
financiers, le choix est fixé sur les écoles publiques, ce qui
créé un décalage social et éducatif entre les
enfants. En d'autres termes, les riches auront une bonne éducation
tandis que les pauvres non. Mais dans les deux cas, s'ils étaient les
victimes du clientélisme politique, ils auront une éducation dans
les établissements privés confessionnels.
Nadine Picaudou222 explique le rôle du
clientélisme politique dans le fonctionnement de l'Etat Libanais tout en
insistant sur le fait que « le clientélisme repose sur l'usage
personnalisé des ressources de l'Etat libanais au profit des confessions
et de leurs réseaux de clientèle»223 ce qui
explique l'existence de plusieurs établissements privés surtout
éducatifs comme le précise Catherine Le Thomas224 en
parlant des établissement éducatifs chiites. Cette
dernière souligne comment les écoles confessionnelles renforcent
et mènent à la domination politique des partis
politico-confessionnels sur le peuple. En effet, le choix des écoles
privées par les parents se fait selon la région ou habite la
famille, la religion de cette dernière et ses appartenances politiques.
L'école catholiques des Soeurs des Saint-coeurs de Jezzine n'est pas la
même que le Lycée Chiite Moustapha
(ìØÕãáÇ
ÉíæäÇË) à Nabatiyeh ni que «
Al Eman Model School »
(ÉíÌÐæãäáÇ
äÇãíáÅÇ
ÉÓÑÏã) sunnite à Tyr. Chacune de ces
écoles a son propre programme et ses propres manuels religieux. Par
exemple, Le Thomas a expliqué que chez les écoles islamiques
chiites, les manuels religieux se déclinent en deux
versions225, la première concernant le « combat, le
jihad et l'héroïsme guerrier » tandis que la
deuxième traduit une « simple éducation religieuse sans
trop de mise en perspective sociale ou politique ». Tandis que dans
les écoles chrétiennes, les séances de
catéchèse transmettent les interprétations
218 LE MONDE, « L'école c'est la véritable
« banque » du Liban de demain», Le Monde, 01 Septembre
2020. [en ligne] : « L'école c'est la véritable
«banque» du Liban de demain » (
lemonde.fr).
219 NIMER M., « Le système éducatif libanais
reproduit la division sociale et communautaire, op.cit.
220 Ibid.
221 BAHOUS R., NASSAR F.N., OUAISS M., « Le secteur
éducatif libanais est au bord du gouffre », l'Orient-Le Jour,
22 Avril 2022. [en ligne] : Le secteur éducatif libanais est au
bord du gouffre - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
222 PICAUDOU N., « Le miroir libanais », Visages du
politique au Proche-Orient, Paris, Folio, 2018, p. 35.
223 MOUMMI A., Entre confessionnalisme politique et «
hypothèse laïque ». Le Grand Lycée Franco-Libanais
comme espace de redéfinition du rapport au religieux dans la
société libanaise ?, Débat durant la journée
d'études des doctorants du CéSor, 20 Octobre 2020, LIER-FYT/
IFPO, 10 p.
224 LE THOMAS C., Les écoles chiites au Liban.
Construction communautaire et mobilisation politique, Presse de l'IFPO,
Beyrouth, Karthala, Paris, 2012, 419 p.
221-222.
225 Ibid. pp.
62
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
différentes de l'évangile selon la confession de
l'établissement (grec catholique, protestante,
évangélique, maronite, grec orthodoxe, etc.) .
Cette divergence entre les établissements
éducatifs privés ne concerne pas uniquement l'éducation
religieuse mais aussi l'éducation civique et historique. Chaque parti
politique exige l'enseignement de sa version de l'histoire libanaise à
ses enfants selon sa vision des choses. Concernant le manuel d'histoire, chez
les écoles francophones on apprend l'histoire de la France, c'est le cas
par exemple du Collège des Soeurs des Saint-coeurs à
Zahlé, tandis que dans les écoles Chiites proches du Hezbollah,
ils substituent l'ouvrage officiel de l'Etat par l'ouvrage publié par la
JTDI226 « conforte une version sacralisée et
islamisée de l'histoire de la région » et
réécrit l'histoire et la géographie des ennemis, des
frontières et des héros de la communauté chiite
»227. Les seules années où tous les
élèves libanais étudient le même livre d'histoire
sont les deux années des examens officiels (Brevet et Terminal), sachant
que cette histoire commune finit avec l'indépendance du Liban en 1943.
Concernant l'histoire récente du pays, surtout entre 1975 et 2022,
chaque établissement selon son appartenance politico-confessionnelle
interprète les évènement et enseigne sa version des
évènements en mettant la lumière sur ses héros
communautaires. Après la terminale, ces adolescents qui ont connu toute
une enfance dans une école politico-confessionnelle et une
éducation clientélisée, vont intégrer des
universités où des élections ont lieu chaque année
créant des tensions et même des blessés228.
Concernant les universités, pareil comme les écoles, chaque
établissement, selon son emplacement géographique sur le
territoire libanais, est influencé par un parti politico-confessionnel
dominant.
Le clientélisme éducatif ne concerne pas
uniquement les écoles et universités libanaises, mais aussi les
scouts au Liban. Pour chaque confession dans chaque région il existe un
scout politico-religieux qui renforce encore plus la socialisation politique
confessionnelle chez les enfants et les adolescents. Nous pouvons citer le
scout de la liberté des FL dans les régions chrétiennes
comme à Kesserwan, le Scout de la Terre du CPL à Batroun, le
« Imam Mahdi Scouts » du Hezbollah dans les régions Chiites
comme à Baalbeck, etc.
Le système éducatif libanais n'est pas national
mais confessionnel. Chaque confession envoie ses enfants aux
établissements éducatifs qui la ressemblent et qui sont
financés par le leader politique qui la représente. Le manque du
monopole national éducatif renforcé par la Constitution libanaise
limite la capacité de l'Etat d'imposer un manuel unique d'histoire et
d'éducation civique au sein de tous les établissements publics et
privés. Le clientélisme et la cleptocratie redistributive
(Salamé) nous mènent à conclure que les pauvres
n'appartenant à aucun parti politique ou dont le parti politique ne
finance pas leur éducation seront obligés d'avoir une
éducation faible (aux écoles publiques) et moins importante que
celle des écoles privées confessionnelles. En d'autres termes, la
monnaie étatique est redistribuée par les
226 l'Association pour l'Enseignement religieux islamique, proche
du Hezbollah.
227 Ibid. pp. 228-229.
228 Vidéo montrant un affrontement durant les
élections universitaires à l'Université Saint-Joseph de
Beyrouth entre les FL et le Hezbollah : Lebanon Debate, «
ÉíÚæÓíáÇ
ÉÚãÇÌáÇ í
áÇßÔÅÈ ìÍÑÌ
:æíÏíáÇÈ », Lebanon
Debate, 02 Décembre 2020. [en ligne] :
ÉíÚæÓíáÇ
ÉÚãÇÌáÇ í
áÇßÔÅÈ ìÍÑÌ
:æíÏíáÇÈ (
lebanondebate.com)
63
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
leaders politico-confessionnels sur leurs
établissements scolaires confessionnels au lieu des établissement
publiques laïques (Picaudou).
4) Au niveau psychologique : la peur de « l'autre »
guide le comportement et l'opinion politique des libanais
La socialisation politique confessionnelle au Liban est
alimentée par la peur et la méfiance de l'autre. Chaque parti
politico-confessionnel considère que les autres partis veulent
l'éliminer et qu'il doit survivre face aux autres. Cet instinct de
survie est due à la nature même de la société
guerrière et conflictuelle. En effet, la guerre civile libanaise a
duré 15 ans et est devenue un mode de vie. Les gens partaient au travail
le matin et rentraient le soir avant le couvre-feu (quand les bombardements et
les attaques armées commencent). Dans l'esprit et la tête des
citoyens, le sentiment de guerre est devenu naturel et normal. Chaker Abou
Abdalla, un comédien libanais né durant la guerre civile,
racontait comment à la fin de la guerre il a fait un choc avec les
jeunes de sa génération parce qu'ils ne connaissaient pas comment
la vie se passait sans guerre ; « Durant la guerre, on se demandait
avec mes amis si dans les autres pays il y'avait des tirements, parce que pour
moi c'était le normal »229, «
jusqu'à 12 ans je pensais que la guerre était partout et non
uniquement au Liban »230. « La crise de nerfs que
j'ai eu avec ma génération était post-guerre civile. Quand
la guerre était fini, on a paniqué, toute ma
génération, un après l'autre. C'est surement le Trouble de
Stress Post-Traumatique (PTSD) »231. Pour Chaker et sa
génération, le traumatisme causant la PTSD n'était pas la
guerre civile mais la fin de la guerre et l'apprentissage que la vie normale
n'était pas la guerre. Durant notre interview, Professeur Nahas a
confirmé ce que Chaker disait : « La guerre civile libanaise
est devenue un mode de vie, le peuple menait une vie normale, on travaillait
dans la journée et tuait nos adversaires dans la nuit
»232. Ce mode de vie a créé un reflex social
et culturel de guerre. Aujourd'hui, dans la culture libanaise chaque confession
se sente en danger et a peur de l'autre et cela n'est pas uniquement due au
passé guerrier entre elles mais aussi au comportement des dirigeants
politiques envers ce passé. En effet, les leaders
politico-confessionnels prennent avantage de la peur et mal-confiance entre les
confessions suite à la guerre civile pour garder leurs citoyens
fidèles. Cela en renforçant la socialisation politique
confessionnelle à travers plusieurs moyens, d'abord par leur discours
confessionnel plein de menaces, de haine et de méfiance contre l'autres
partis, ensuite par le financement de leurs peuples et la redistribution de
l'argent étatiques et enfin par la religion.
« Les musulmans nous ont mangés », « les
Chrétiens veulent nous massacrer », « les Chiites veulent
transformer le Liban en l'Etat El-Fakih », « les Chrétiens et
les Musulmans n'ont jamais appréciés les Druzes », «
nous devons rester unis et forts face aux autres » , « nous ne devons
jamais lâcher l'affaire même après la guerre civile »,
toutes ces phrases sont des expressions clichées entendues partout au
Liban (selon la confession de la région), même sur les
réseaux sociaux. Cela est le résultat des discours confessionnels
faites par les responsables
229 ABOU ABDALLA C., « Chaker Abou Abdalla : which
generation had it better?», YouTube, sarde (after dinner),
Podcast 80, , 03 Juillet 2022, 11:40. [en ligne]: CHAKER BOU ABDALLA: Which
generation had it better? | Sarde (after dinner) Podcast #80 - YouTube.
230 Ibid, 11:50.
231 Ibid, 12:55.
232 Annexe 1, « Interviews faites au Liban »,
Professeur Charbel Nahas, 06 Juin 2022, Achrafieh, pp. 01- 02.
64
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
politico-confessionnels, appelés au Liban discours de
« tirage de nerfs confessionnels » (chadd el 3asab al ta2ifi) qui se
multiplient surtout avant chaque élection législative. Sayed Ali
Fadlallah a confirmé233, même avant les
élections législatives de 2022, que le Liban va « voir
encore plus de discours et mots populaires visant à tirer les nerfs du
peuple pour gagner leurs voix », Sayed Fadlallah a confirmé
que les élections n'allaient pas mener à des changements radicaux
puisque « malheureusement, les discours confessionnelles et
communautaires continuent à chatouiller les oreilles des Libanais et les
poussent à choisir leurs représentants sur une base
confessionnelle ». Dans une plainte234 faite en 2019 par
« l'initiative libanaise contre la discrimination et le racisme
»235 contre 7 Hommes et activistes politiques libanais de
différentes appartenances politico-confessionnelles (Gebran Bassil,
Georges Aoun, Elie Marouni, Ali Barakat, Ziad Assouad, Naji Hayek et Rachid
Jonblat), il a été précisé que l'objet de poursuite
est « la mobilisation des tensions confessionnelles et civiles, crime
décrit dans l'article 317 du code pénal libanais
»236 en accusant Georges Aoun, le maire municipale de
Hadath, d'avoir émis une décision interdisant toute vente de
biens immobiles à un non chrétien à Hadath, Naji Hayek
d'avoir publié des publications sur Facebook concernant les crimes de la
guerre civile et insultant les victimes des batailles « Souk al Ghareb
» de 1989, et enfin Gebran Bassil d'avoir publié des Tweets
racistes sur son compte Twitter contre les non-libanais sur le territoire
libanais. Alors il existe plusieurs moyens pour émaner le discours
politique confessionnel.
Outre les discours de « tirage de nerfs
confessionnels», la religion est aussi utilisée pour émettre
des directives politiques. Que ça soit par des Hommes politiques ou bien
des Hommes religieux, dans chaque communauté des instructions
émanent pour orienter le peuple vers un comportement politique
précis. Ça peut être à travers les fatwas
chez les confessions islamiques, al Taklîf237
précisément chez les Chiites ou bien à travers les sermons
chez les Chrétiens. Ces instructions politiques peuvent même
émaner des symboles religieux sans discours, par exemple, le jour des
élections législatives, dans les régions
chrétiennes, on sonne les cloches pour rappeler aux Chrétiens
qu'ils doivent voter pour que « leurs cloches restent actives au Liban
»238 (figures 1 et 2), et des photos des candidats et des
responsables
233 Al MARKAZIYA «
ÑííÛÊáÇ
ÉíáãÚ ÞíÚí
íÆÇØáÇ
邯뇂
:Çááå áÖ », Al Markaziya,
20 Avril 2022. [en ligne] : (5)
ÑííÛÊáÇ
ÉíáãÚ ÞíÚí
íÆÇØáÇ
邯뇂
:Çááå áÖ
-ÉíÒßÑãáÇ (
almarkazia.com).
234 WAKALAT, «
äíÑÎÂæ
íäæÑÇãæ
ÏæÓæ áíÓÇÈ
ÞÍÈ ÉíÆÇÖÞ
ìæÚÏ», IMLEBANON, 22 Août 2019.
[en ligne]: IMLebanon | äíÑÎÂæ
íäæÑÇãæ
ÏæÓæ áíÓÇÈ
ÞÍÈ ÉíÆÇÖÞ
ìæÚÏ!
235 Al OMK,
«äííäíØÓááá
ÇãÚÏ
»ÉíÑÕäÚáÇæ
񒒋懂
ÉÖåÇäãá
ÉíäÇäÈááÇ
ÉÑÏÇÈãáÇ«
ÁÇÔäÅ », Al3omk, 22 Aout 2019. .
[en ligne] : ÁÇÔäÅ
íÈÑÛãáÇ
ÞãÚáÇ -
äííäíØÓááá
ÇãÚÏ
»ÉíÑÕäÚáÇæ
񒒋懂
ÉÖåÇäãá
ÉíäÇäÈááÇ
ÉÑÏÇÈãáÇ« (
al3omk.com).
236 NASSAR A., «
ÉíåÇÑßáÇ
ÈÇØÎ
ÉåÌÇæãæ
äÇäÈá », Al-Arab, 24 Aout 2019. [en ligne]
: | ÉíåÇÑßáÇ
ÈÇØÎ
ÉåÌÇæãæ
äÇäÈá
ÈÑÚáÇ
ÉíÍÕ | ÑÇÕä
ÏíÏÚ (
alarab.co.uk)
237 SANAA T., « Liban : l'inquiétude s'empare des
Libanais après les « fatwas » de Hassan Nasrallah,
Menanews, 11 Octobre 2021. [en ligne] : Liban: l'inquiétude
s'empare des Libanais après les «fatwas» de Hassan Nasrallah -
MENANEWS.info.
238 Slogan utilisé par plusieurs Chrétiens
libanais pour insister qu'ils vont survivre dans le pays. Il y'a même une
page Facebook qui a été créée sous ce nom. [en
ligne] : (1) ÞÏÊ
ÇäÓÇÑÌ áÖÊ
ÇÏÈ äíã
äíÏÈáÇÇ ÏÈ
ìáÅ íÍíÓã |
Facebook.
|
Figure 4 : Photo personnelle des affiches et photos des
candidats et des responsables chiites sur la façade d'une mosquée
chiite à la Bekaa. A côté de la photo de Hassan Nasrallah
est écrit en arabe «notre ordre vient de nos leaders».
|
65
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Figures 1-2 : Photos personnelles d'un jeune
chrétien entrain de sonner la cloche de l'église à
Zahlé le dimanche électoral 2022.
Figure 3 : Photo personnelle des
drapeaux des FL à côté d'un monument
religieux chrétien à Zahlé le dimanche électoral
2022.
s'accrochent à côté des monument religieux
pour jouer sur les sentiments et les émotions d'appartenances
religieuses chez le peuple (figures 3 et 4).
66
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
5) Au niveau socio-économique: Le consociationalisme
politique et ses conséquences
Transparency International définit la corruption comme
étant un « abus de pouvoir reçu en
délégation à des fins privées
»239. Dans son article « La corruption au Liban : les
racines du mal »240, Joseph Maïla a précisé
que trois éléments constituent la corruption : le
clientélisme politique, la fragilité des institutions effectives
de droit et la culture civique. Tandis que dans son article « Le
clientélisme s'est adapté à la situation économique
au Liban »241, Bassel Salloukh a défini le
clientélisme comme étant « une relation verticale entre
ce qu'on appelle un « patron » et un « client ». Il s'agit
pour le patron de donner au client accès à des ressources
extraites de l'Etat, en échange de son allégeance politique. La
récompense du client peut prendre de nombreuses formes : emplois dans le
secteur public, marchés publics, aides aux plus démunis...
»242. Salloukh a ajouté que dans la cas Libanais,
la relations entre patron et client se renforce dans le système
communautaire sous le nom de « consociationalisme »243
permettant aux leaders politico-confessionnels de mobiliser leurs
communautés. Au Liban, la socialisation politique, renforcée par
le consocialionalisme, permet aux dirigeants politiques de garder leur pouvoir
sur le peuple de leurs communautés. En d'autres termes, la corruption et
le clientélisme politique sont au fondement du système politique
Libanais vu la fragilité et la faiblesse de l'Etat asservi aux
confessions. C'est à travers la redistribution des ressources que les
leaders confessionnels gardent la fidélité et l'identité
confessionnelle de leurs peuples. Ce qui a créé la cleptocratie
redistributive d'après Ghassan Salamé.
Comme nous avons déjà vu dans le premier
paragraphe (1) de la partie II, section B, le confessionnalisme politique a
sans doute renforcé et protégé la corruption et le
clientélisme politique. C'est à travers le Pacte National et le
Taëf que les institutions publiques se reposent sur un mode de
fonctionnement clientéliste. En réalité, le
communautarisme n'est qu'une manière pour gouverner, c'est un mode de
gouvernance. Le fait d'avoir un système communautaire ne signifie pas
forcément le clientélisme et la corruption. Mais dans le cas
Libanais, et d'après Maïla, « c'est le lien
clientéliste basé sur la relation entre un dirigeant local ou
national et des hommes inféodés à lui en échange de
leur soutien qui fait problème »244. C'est d'abord
la nature de la classe dirigeante guerrière qui a pris sa
légitimé à travers le Taëf et ensuite la
fragilité de l'Etat supposé de droit en sortant de la guerre
civile qui ont mené à la corruption totale et la
dépendance économique du peuple de leurs dirigeants
politico-confessionnels. En effet, pour protéger leurs
intérêts personnels et politiques, les élites politiques,
sous la jouissance de l'immunité politique, ont augmenté les
ressources de leurs partis à travers le détournement des revenus
étatiques et des aides internationales envoyées
239 Transparency International, «
Corruption en général », TI Suisse. [en ligne] :
Corruption en général | Transparency International
Suisse.
240 MAÏLA J., « La corruption au Liban : les racines
du mal », L'Orient-Le Jour, 20 Janvier 2021. [en ligne] : La
corruption au Liban : les racines du mal - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
241 SALLOUKH B., « Le clientélisme s'est
adapté à la situation économique au Liban », Le
Commerce, 27 Janvier 2021. [en ligne] : Bassel Salloukh : « Le
clientélisme s'est adapté à la situation économique
au Liban » (
lecommercedulevant.com).
242 Ibid.
243 Ibid.
244 MAÏLA J., « La corruption au Liban : les racines du
mal », op.cit.
67
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
pour secouer le Liban toujours endetté et en
difficultés. Ces processus, avec les activités de financement
illégales, ont affaibli le système économique national.
L'exemple le plus pertinent du clientélisme politique au Liban
réside dans l'évolution du nombre d'embauches dans le secteur
public. Vu qu'un renforcement des quotas confessionnels s'est imposé au
sein des administrations étatiques suite au Taëf, la qualité
du travail est restée la même tandis que le nombre
d'employés s'est explosé. En 1975, il y'avait 75 000
employés augmentés jusqu'à 175 000 en 2000 et 300 000 en
2017. A travers le renforcement des avantages ministériaux, le
critère confessionnel est devenu la condition principale pour embaucher,
l'appartenance politico-confessionnel augmente les chances d'embauchement selon
le parti politique responsable de chaque institution. Sachant que
l'accès aux ressources dépend d'une ministère à une
autre, Salloukh a remarqué qu' « une personne pauvre sent
qu'elle a plus d'intérêts en commun avec une personne riche issue
de son groupe confessionnel qu'une personne pauvre de confession
différente »245.
A travers cette analyse, nous pouvons conclure que la
divergence socio-économique du peuple libanais est utilisée par
les élites politico-confessionnels d'une part pour financer leurs partis
et d'autres part pour dominer financièrement leurs peuples
communautaires. En plus, la corruption et le clientélisme
créé une sorte de décalage socio-économique entre
les différents parti politico-confessionnels. Ce décalage
dépend du financement externe des partis, des ministères qu'ils
régissent, des postes qu'ils occupent et de leurs représentations
au sein des institutions.
Depuis automne 2019, la situation économique n'a fait
qu'empirer au Liban. Déjà en 2016 quand le FMI a sorti un rapport
pointant l'immense faiblesse financière du Liban et le risque d'une
crise économique face aux flux de réfugiés syriens
(déjà 1.03 million enregistrés auprès du HCR en
2015)246, la Banque Centrale du Liban et son gouverneur Riad
Salamé ont supprimé 14 pages de ce rapport247. Trois
ans plus tard, le Liban a plongé dans sa plus grande crise
économique depuis la guerre civile. Dans un rapport intitulé
« Le naufrage du Liban » publié en juin 2021, la BM a
placé cette crise économique parmi les trois pires crises au
niveau mondial depuis le XIXème siècle248. Cette crise
est le résultat de 30 ans de corruption et de clientélisme, elle
s'est empirée en 2019 avec les manifestations (« Révolution
» du 17 Octobre) qui ont bloqué le pays pour plusieurs mois, la
crise sanitaire du Covid-19 et les restrictions qui l'ont accompagnée et
enfin la double explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020 qui a
ralentie le commerce libanais et a détruit plusieurs quartiers de
Beyrouth. Lebanon Economic Monitor
245 SALLOUKH B., « Le clientélisme s'est
adapté à la situation économique au Liban »,
op.cit.
246EL KHOURI-TANNOUS D., BAUTES N., BERGEL P.,
« Les réfugiés de guerre syriens au Liban (20112016). Quel
accès à la ville pour des citadins indésirables? »,
Espaces et sociétés, vol. 172-173, no. 1-2, 2018, p.
38.
247 HAGE BOUTROS P., « la BDL a caviardé un
rapport alarmant du FMI, avec son accord, en 2016, selon la presse suisse
», L'Orient-Le Jour, 07 Octobre 2021. [en ligne] : La BDL a
caviardé un rapport alarmant du FMI, avec son accord, en 2016, selon la
presse suisse - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
248
SUDOUEST.FR, AFP, « Liban :
pourquoi la crise économique est l'une des pires au monde depuis 1850
», SudOuest, 01 Juin 2021. [en ligne] : Liban : pourquoi la
crise économique est l'une des pires au monde depuis 1850 (
sudouest.fr).
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
(LEM) dans «The Deliberate Depression»249
a confirmé que la réponse des autorités libanaises
à ces défis ont été extrêmement insuffisantes
et cela est dû au clientélisme et à la corruption.
Figure1 :Graphes montrant l'évolution de la crise
économique libanaise entre 2010 et 2020 en fonction du PIB, la dette
publique, le déficit publique et le taux de change.
Source : FMI, HCR, AFP, Gouvernement libanais,
lirarate.com.
Figure 1: Graphe montrant l'évolution du taux de
change de la livre libanaise face au dollar par rapport aux
évènements qui ont touché le Liban de 1964 jusqu'à
mars 2021. Sources : Banque du Liban, AFP.
Comme résultat de cette inflation (voir figures 1 et 2),
la monnaie nationale qui est officiellement fixée à 1.507 livres
libanaises pour un dollar depuis 1997, à perdu dans deux ans
95%250 de sa valeur sur le marché. Le 4 janvier 2022, la
livre libanaise a franchi la barre des 30 000 L.L contre 1 Dollar
Américain251. Le PIB du Liban est passé environ 55
milliards de dollars en 2018 à 20.5 milliards de dollars en
2021252. Les dépôts bancaires des épargnants en
devises étrangères sont bloqués depuis le début de
cette profonde crise économique et financière. Selon la
CESAO253, en 2021, le taux de pauvreté multidimensionnelle au
Liban était 82% sachant qu'en 2019 il était 42%. Le salaire
minimum au Liban représente à peine 25$/mois aujourd'hui. Au
niveau social, les résultat de cette crise sont drastiques, selon
l'Administration Centrale de la Statistique (ACS) le chômage a
dépassé les 30%254 et les conditions de vie sont
devenues extrêmement difficiles. Avec la crise énergétique,
le secteur de l'énergie ne fournit que deux heures255
d'électricité par jour. Les familles et citoyens vivant dans les
campagnes ne peuvent plus acheter des carburants pour chauffer leurs maisons et
beaucoup de citoyens ont perdu leur travail à cause de la pénurie
des marchandises et des produits essentiels du marché libanais. La
dévaluation de la livre libanaise rend inaccessible le paiement de
médicaments et des soins hospitaliers, alors que les tarifs de
remboursement de
68
249 HARAKE W., JAMALI I., ABOU HAMDE N., Lebanon Economic
Monitor : The Deliberate Depression, World Bank Group, no. 154631, vol.
01, Novembre 2020, Lebanon, 90 p.
250 AFP, « La livre libanaise atteint un plus bas record
face au dollar », ArabNews, 05 Janvier 2022. [en ligne] : La
livre libanaise atteint un plus bas record face au dollar | Arabnews fr.
251 OLJ, « Au 4eme jour de 2022, la livre franchit la
triste barre des 30.000 L.L contre le dollar », L'Orient-Le Jour,
04 Janvier 2022. [en ligne] : Au 4e jour de 2022, la livre franchit la
triste barre des 30.000 LL contre le dollar - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
252 WEHBE E., « Où en sont les discussions entre
le Liban et le FMI », L'Orient-Le Jour, 29 décembre 2021.
[en ligne] : Où en sont les discussions entre le Liban et le FMI ? -
L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
253 ONU, « Les trois quarts des libanais ont
plongé dans la pauvreté, selon l'ONU », ONU Info,
03 Septembre 2021. [en ligne] : Les trois quarts des Libanais ont
plongé dans la pauvreté, selon l'ONU | ONU Info (
un.org).
254 GEMAYEL F., « Au Liban, le taux de chômage
avoisine désormais les 30% selon l'ACS », L'Orient-Le
Jour, 12 Mai 2022. [en ligne] : Au Liban, le taux de chômage
avoisine désormais les 30% selon l'ACS - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
255 ROTIVEL A., « Au Liban, vivre avec moins de deux
heures d'électricité par jour », La Croix, 10
Octobre 2021. [en ligne] : Au Liban, vivre avec moins de deux heures
d'électricité par jour (
la-croix.com).
69
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
l'Assurance-maladie n'ont pas été
ajustés256. Selon la société al-Douwaliya lil
Maaloumat, 61924257 Libanais ont quitté le Liban entre la
mi-janvier et la mi-novembre 2019. Selon le président de l'ONG locale
« Labora », dans les 4 premiers mois de l'année 2021, 230
000258 citoyens avaient émergés du Liban. La situation
est devenue tellement grave que des libanais risquent leurs vies dans la
méditerranée pour échapper du Liban259.
Nous pouvons penser que les manifestations de 2019 et la crise
économique flagrante dont passe le pays aujourd'hui vont affaiblir cette
classe politique qui n'a plus de financement étatique due à la
faillite de l'Etat, mais en réalité, plusieurs partis profitent
de cette situation pour renforcer leur emprise en distribuant des colis
alimentaires, en payant des factures et en donnant accès aux vaccins
contre le Covid et aux hôpitaux. Le Hezbollah par exemple, a lancé
en juin 2021, en pleine crise économique, une carte al-Sajjad qui permet
aux bénéficiaires d'avoir des réductions au moins de 50%
sur des produits de première nécessité de la chaine de
supermarchés Al-Nour. En effet, la somme que chaque famille peut
dépenser dépend de sa situation, les bénéficiaires
peuvent dépenser entre 300 000 et 450 000260 L.L/mois. Tous
ces événements ont bien sûr fragilisé le
système politique, mais les dirigeants n'ont pas mis longtemps pour
comprendre qu'ils pouvaient utiliser le clientélisme politique dans
cette situation précise pour renforcer leurs bases. Evidemment il
n'avaient plus de ressources comme avant avec un Etat en défaut de
paiement, alors ils ont réorganisé la redistribution des fonds.
Certains partis ont choisi de cibler les plus pauvres de leur public, d'autres
se sont retournés vers les hommes d'affaires et les plus riches de leurs
partis en demandant du financement vu que ces hommes sont devenus riches
grâce à la redistribution des fonds étatiques par les
partis (ils se sentent contraignis), et enfin des partis essaient d'inclure la
diaspora confessionnelle pour faire rentrer de l'argent étrangère
fraiche dans leurs comptes. La question qui se pose aujourd'hui par les
économistes et les politistes concerne la durée d'adaptation du
clientélisme à la crise économique actuelle face à
une majorité populaire affamée.
Dans un pays où la corruption est devenue une culture,
une collaboration se fait entre ceux qui corrompent et ceux qui se laissent
corrompre. Au Liban, rien ne semble fonctionner sans le recours aux moyen
illicites. C'est l'éducation civique que le peuple a appris et vu. Que
pouvons-nous attendre de générations qui n'ont vu que la
corruption, et qui ont expérimenté que sans support politique ils
n'arrivent nulle part. Maïla a insisté sur le fait que la
corruption est devenue une mentalité et l'Etat est
considéré inexistant chez le peuple libanais261. Cette
situation nous fait penser à la citation de Montesquieu dans l'esprit
des lois (1748) : « Lorsque dans une république les lois
cessent d'être exécutées, l'Etat est déjà
perdu ». Ishac Diwan et
256 SALLON H., « Au Liban, le calvaire des malades du
cancer pour se payer des soins », Le Monde, 29 Décembre
2021. [en ligne] : Au Liban, le calvaire des malades du cancer pour se payer
des soins (
lemonde.fr).
257 MAROUN B., « Ces Libanais qui ne veulent plus qu'une
chose : partir », L'Orient-Le Jour, 10 Juillet 2020. [en ligne]
: Ces Libanais qui ne veulent plus qu'une chose : partir - L'Orient-Le Jour
(
lorientlejour.com).
258 AA., « Liban : 230 Mille citoyens ont
émigré en 4 mois »,
AA.com, 18 Octobre 2021. [en ligne]
: Liban : 230 mille citoyens ont émigré en 4 mois (
aa.com.tr)
259 MOUSSET B., BOULET A., « Les Libanais nouveaux migrants
en mer Méditeranée », Franceinfo, 12 Janvier 2022.
[en ligne] : Les Libanais nouveaux migrants en mer
Méditerranée (
francetvinfo.fr).
260 M.R., « Le Hezbollah élargit sa panoplie
d'aides sociales, mais comment et combien peut-il tenir? », Le
Commerce Du Levant, 03 Juin 202. [en ligne] : Le Hezbollah
élargit sa panoplie d'aides sociales, mais comment et combien peut-il
tenir? (
lecommercedulevant.com)
261 MAÏLA J., « La corruption au Liban : les racines du
mal », op.cit.
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Jamal Ibrahim Haidar ont fait une étude en juin 2016
sur le sujet de la corruption libanaise, et ils ont insisté que «
Le Liban se caractérise par un environnement de «deals»
plutôt que de «règles», qui avantage la création
d'emplois à court terme, mais ce clientélisme étouffe la
croissance et la création d'emplois à long terme
»262. Ce remplacement des « règles » par
les « deals » a causé la perte de confiance en l'Etat libanais
de la part de son peuple et surtout ses jeunes. D'après un sondage
cité par le Magazine The Economiste fait par le Lebanese Center for
Policy Studies, le trois quarts263 des jeunes libanais croient que
sans connexion politique on n'est pas capable de trouver un travail au
Liban.
Après avoir vu que la socialisation politique est
confessionnelle au Liban et qu'elle remplace la socialisation politique
nationale à plusieurs niveaux (identitaire, d'état civil,
éducatif, psychologique et socioéconomique), il est important de
voir que les habitus de cette socialisation politique confessionnelle sont
renforcés par le manque de réconciliation qui elle-même est
bloquée par la socialisation politique confessionnelle. En d'autres
termes, la socialisation politique confessionnelle au Liban bloque la vraie
réconciliation post-guerre civile, mais la réconciliation est la
solution pour sortir de la socialisation politique confessionnelle
(IV).
Au Liban :
HADDAD Nisrine- Mémoire 2021-2022
70
262 ROZELIER M., « Comment le Clientélisme politique
entrave l'emploi au Liban », Le Commerce Du Levant, 01 Mars 2017.
[en ligne] : Comment le clientélisme politique entrave l'emploi au
Liban (
lecommercedulevant.com)
263 Ibid.
71
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
IV. La réconciliation: salvatrice de la socialisation
politique nationale et
bloquée par la socialisation politique confessionnelle.
« Dans ce pays si tous les citoyens ne s'aiment pas,
on n'aura jamais un vrai Etat, et si les citoyens ne se réconcilient pas
comme avant, le Musulman aime le Chrétien et le Chrétien aime le
Musulman et s'entendent entre eux, on n'aura jamais un vrai Etat, nous
resterons comme des moutons »264- Les paroles d'un homme
chiite libanais qui a participé à la guerre civile de 1975.
Les paroles de ce monsieur le dimanche électoral, le
jour où il y'a le plus des discours sentimentaux et de « tirage de
nerfs confessionnels » par les dirigeants politiques, montre que
même dans les moments les plus instinctifs confessionnellement au Liban,
même parmi les personnes les plus touchées par la guerre, il
existe des citoyens qui comprennent l'importance de la réconciliation
pour sortir de la socialisation politique confessionnelle.
La réconciliation est une nécessité au
Liban265 et trois formes sont exigées pour atteindre une
à tous les niveaux (A), mais en pratique, outre les limites
mentionnées dans la deuxième partie du mémoire, un cercle
vicieux bloque toute initiative de réconciliation alimenté par la
socialisation politique confessionnelle (B).
A. En théorie : trois types de
réconciliations doivent être faites
La réconciliation par le dialogue interreligieux
crée un besoin mutuel entre toutes les confessions de vivre ensemble en
écartant les religions comme motif pour s'éloigner l'un de
l'autre (1), mais dans le cas libanais, l'absence de mémoire commune de
guerre rend ce type de réconciliation insuffisant pour vivre ensemble et
cela à cause de l'absence de vérité et de justice,
d'où l'importance du deuxième type de réconciliations
menant à une mémoire de guerre commune (2) et à
l'éducation seine des jeunes (3).
1) La réconciliation par le dialogue interreligieux
En parlant de la réconciliation libanaise, la
première chose qui passe dans la tête de n'importe quelle
personne, qu'elle soit spécialiste ou pas, est le système
communautaire mis en place pour régler le multiconfessionnalisme
libanais. Et cela pour une et simple raison, déjà
expliquée en détails, qui est que le communautarisme est à
la base de la guerre civile et renforce encore plus la socialisation politique
confessionnelle. Alors en parlant de la réconciliation au Liban, nous
devons commencer par le problème de base déclenchant de cette
guerre et des tensions l'entourant, qui est la mal gestion socio-politique de
la diversité confessionnelle à travers les années. Par la
suite, le réflexe naturel, en évoquant la réconciliation
au Liban, est de proposer des solutions concernant la pluralité
confessionnelle libanaise, dont la mal gestion a
264Interrogations du dimanche électoral,
« Citoyen chiite », 15 Mai 2022, 2022, Zahlé, 20 sec. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1hLqsDqiZqsWAMnXqZxjqx2g7-iN5KGsG/view?usp=sharing.
265 Référence Partie II, A.
72
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
créé un système communautaire, qui
à son tour a renforcé la socialisation politique confessionnelle
devenue au coeur de ce système.
Une des solutions les plus étudiées par des
chercheuses et chercheurs sur le sujet de la réconciliation libanaise
est le dialogue interreligieux. Les finalités de cette solution ont
même été introduites dans la définition de la
réconciliation nationale libanaise regroupant « la
normalisation des relations intercommunautaires et religieuses
»266. Il existe plusieurs courants de visions de la
réconciliation par le dialogue interreligieux libanais ; un courant
considère que ce dialogue est la vocation du Liban, le destin du Liban
et même appelle l'ONU à considérer le Liban comme pays de
dialogue universel, c'est le cas de William Zard Abou Jaoudé, Edouard
Alam et Guitta Hourani qui ont lancé l'association LDI267
(Lebanese Dialogue Initiative) en 2013 en collaboration avec
l'Université Notre-Dame de Louaïzé pour organiser
annuellement des forums internationaux pour prôner la paix, le dialogue
et l'entente. Un autre courant considère que le Liban est le «
laboratoire du dialogue interreligieux », c'est le cas de Harès
Chehab, le secrétaire général du Comité national
islamo-chrétien pour le dialogue (CNICD)268, et de tout le
comité. Fouad Abou Nader considère même que le Liban est le
laboratoire du dialogue interreligieux pour tout le Moyen-Orient269.
Et finalement, un troisième courant considère que le dialogue
interreligieux forme le fondement du « Liban message ». Cette
appellation a été lancée par le pape Jean-Paul II durant
sa visite en 1997 en insistant que « le Liban est plus qu'un pays,
c'est un message, un message de liberté et de coexistence
»270. Durant son discours, Jean-Paul II s'est
adressé aux Musulmans et Chrétiens libanais en demandant une
réconciliation interreligieuse271.
« Une caractéristique du dialogue
inter-religieux est de chercher à dépasser les antagonismes et
les conflits. Apprendre à connaitre l'autre, c'est faire tomber peu
à peu clichés et stéréotypes
»272. Dans son article, Geneviève Comeau a
montré l'importance du dialogue interreligieux pour surpasser les
conflits et à connaitre nos compatriotes. En effet, dans un pays
multiconfessionnel, le dialogue interreligieux rend la cohabitation et la paix
plus simples à atteindre vu que chaque partie comprenne l'autre et fait
tomber les préjugés « clichés ». Si nous
projetons cette théorie sur la situation libanaise, nous ne devons pas
oublier que la confession au Liban n'est pas limitée à la simple
religion mais elle est devenue un parti politique influençant toute une
communauté et initiant une guerre civile, ce qui rend la tâche du
dialogue interreligieux pour construire la paix encore plus compliquée
mais pas impossible. D'après
266 CHRABIEH P., « Pratiques de réconciliation au
Liban : un état des lieux », op.cit., p. 230.
267 MEYER C., « Parce que le Liban se veut une terre de
réconciliation », L'Orient-Le Jour, 06Novembre 2017. [en
ligne] : Parce que le Liban se veut une terre de réconciliation... -
L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
268 OLJ, « ISLAM-CHRETIENTE Harès Chéhab :
le Liban est un véritable laboratoire de dialogue »,
l'Orient-Le Jour, 27 Mai 2004. [en ligne] :
ISLAM-CHRÉTIENTÉ Harès Chéhab : Le Liban est un
véritable laboratoire de dialogue - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
269 ABOU NADER F., Liban : Les défis de la
liberté, le combat d'un chrétien d'Orient, op.cit., p.
30.
270 ZENIT STAFF, « Le dialogue interreligieux, par
l'ambassadeur du Liban près le Saint-Siège. Analyse de
l'embassadeur Abi Assi », Zenit, 07 Juin 2007. [en ligne] : Le
dialogue interreligieux, par l'ambassadeur du Liban près le
Saint-Siège - ZENIT - Francais.
271 GEORGES L., « Jean Paul II veut contribuer à
la réconciliation nationale au Liban », Le Monde, 10 Mai
1997. [en ligne] : Jean Paul II veut contribuer à la
réconciliation nationale au Liban (
lemonde.fr).
272 COMEAU G., « Contribution du dialogue inter religieux
à la paix », Revue Projet, vol. 281, no. 4, 2004, p.
53.
73
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Paméla Chrabieh273 la réconciliation
à travers le dialogue interreligieux suppose deux dimensions : la
première étant la dimension institutionnelle et la
deuxième universitaire. Le premier dialogue doit se faire entre les
institutions confessionnelles, par exemple entre le Conseil Supérieur
chiite, le Patriarcat maronite et Dar al Fatwa sunnite, et après ces
institutions doivent initier des dialogues entres leurs communautés.
Tandis que le deuxième doit se faire à l'initiative des
académiques, que ça soit à travers des recherches, des
colloques, des conférences, des débats, des sommets, de
publications ou même des déclarations.
Depuis la fin de la guerre civile, des initiatives
académiques et institutionnelles se sont multipliées sur le sujet
de la réconciliation à travers le dialogue interreligieux ; nous
avons déjà cité l'association LDI et le CNICD, il y'a
aussi des travaux de divers universités comme l'USJ, la AUB,
l'université de Balamand, l'université Libanaise et autres.
Même des association locales et des ONG travaillent sur le sujet, comme
c'est le cas de l'ONG « One Lebanon » et de l'Institut catholique de
la Méditerranée qui organise des colloques en partenariat avec
des divers autres institutions comme celle des Sciences religieuses de l'USJ
(ils ont organisé un Colloque à Marseille le 27 janvier
2007274). Ajoutons à cela que des ONG internationales sont
impliquées dans le sujet du dialogue interreligieux libanais comme par
exemple « Search For Common Ground » qui initie plusieurs projets
dans toutes les régions libanaises pour consolider la paix à
travers des sessions de dialogue entre des différents citoyens ayant des
différents profils. Chrabieh a confirmé que les personnes prenant
part à ces évènements « affirment souvent que le
dialogue enrichit les participants et participantes. Il ouvre de nouveaux
horizons intellectuels ou apporte une compréhension théologique
plus profonde. En ce sens, dialoguer, c'est chercher une voie de partenariat
sans renier sa vérité individuelle. L'idée est de
constamment chercher à restaurer le lien, et non à le
désintégrer»275.
En réalité, trois types de dialogues
interreligieux sont envisagés, le premier étant spirituel, le
deuxième concerne les textes et la coopération et le
troisième gère la vie commune entre les confessions au sein de la
société. Depuis la fin de la guerre civile libanaise, la
majorité des initiatives de dialogue ont été prises dans
le domaine des deux premiers types mais rarement du troisième. Par
exemple, en 2009, un décret a été signé promulguant
la fête de l'Annonciation comme étant une fête nationale
islamo-chrétienne, chômée. Depuis lors, le jour de
l'Annonciation (le 25 mars) est considéré comme un jour
férié national symbolisant la cohabitation
islamo-chrétienne libanaise. Un évènement est
organisé chaque année dans le collège jésuite
Notre-Dame de Jamhour assisté par des Hauts fonctionnaires et des Homme
politiques et religieux de toutes les confessions, durant lequel des chants et
des prières de toutes les confessions ont lieux. Ce « rituel de
communication »276 (notion de Peter Van der Veer), est devenu
un rituel fortement médiatisé pour montrer une image de relation
« saine » entre
273 CHRABIEH P., « Pratiques de réconciliation au
Liban : un état des lieux », op.cit., p. 230.
274 RADA, « Colloque le 27 janvier « le dialogue
interreligieux entre théologie et politique », Marseille-Liban,
les informations sur le Liban à Marseille, 23 Janvier 2007. [en
ligne] : Colloque le 27 janvier"Le dialogue interreligieux entre
théologie et politique" | (
marseille-liban.com).
275 CHRABIEH P., « Pratiques de réconciliation au
Liban : un état des lieux », op.cit., p. 230.
276 VAN DER VEER P., Religious nationalism : Hindus and
Muslims in India, Londres, Berkeley, 1994, Los Angeles, University of
California Press, 247 p.
74
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
les deux religions. Anne-Françoise Weber277,
comme d'autres spécialistes de l'interreligieux, a
considéré cet événement comme une institution de la
religion civile libanaise à travers un dialogue médiatisé.
L'Annonciation islamo-chrétienne est considérée comme un
dialogue interreligieux spirituel (type 1). Plusieurs associations travaillent
sur ce type de dialogue comme « le Comité national pour le
dialogue ; le congrès permanent pour le dialogue libanais ;
Adyân, la fondation libanaise pour les études interreligieuses
et la solidarité spirituelle ; Darb Maryâm « le chemin de
Marie » Mouvement islamo-chrétien de dialogue et d'échange
; Ma'ân hawla sayyidetnâ Maryâm « Ensemble
autour de Marie, Notre Dame » fondée par Nagy Khoury, Muhammad
Nokkari et Ibrahim Shams al-Din »278.
Le deuxième type de dialogue interreligieux est
plutôt textuel et tourne autour de la coopération. Il ne concerne
pas les pratiques spirituelles et la prière comme le premier type mais
tourne autour de la façon de gérer les choses au niveau national
et éthique. Ce type de dialogue concerne par exemple toute question de
droit humain, d'écologie, de droit de la femme, de liberté
d'expression, etc. Ce sont des notions régissant toute question de
justice et de paix en travaillant avec d'autres personnes ayant d'autres
traditions et visions. Ceux qui gèrent ce type de dialogue sont
plutôt des associations qui se multiplient avec le temps, comme
Offre-joie, Laïque Pride, KAFA, Women in Front et autres.
Le troisième type de dialogue est le dialogue de vie,
il a surtout été traité par Pamela Chrabieh, il concerne
le mode de vivre ensemble dans une même société, dans les
mêmes écoles et les mêmes quartiers. « Le dialogue
de vie prouve en quelque sorte qu'il ne suffit pas de reconnaitre les
fondements et les objectifs du dialogue mais d'adopter une manière
d'agir et, plus encore, une manière d'être en développant
des relations riches et multiples »279. Outre Chrabieh,
plusieurs auteurs ont travaillé sur ce type de dialogue comme Nada
Raphael280 et Georges Corm281 qui mettent la
lumière sur le manque de ces dialogues et sur leur importance pour une
convivialité réussite. Ce troisième type de dialogue est
le plus rare au Liban parce qu'il est le plus contraignant. Il ne concerne pas
les religions en tant que telles ni les questions superficielles
sociétales, mais il concerne la socialisation politique confessionnelle.
C'est le dialogue socio-politique qui doit avoir lieu pour partager les maux de
la guerre civile entre tous les partis politico-confessionnels, pour pouvoir
trouver la vérité et créer une mémoire commune qui
mène à une identité commune et à une socialisation
politique nationale commune. Ce dialogue de vie n'est pas un simple dialogue
interreligieux, c'est un dialogue inter-politique qui rapproche les partis de
guerre en trouvant la vérité qui mène à des
mémoires individuelles réconciliées pour créer une
mémoire collective commune (2).
277 WEBER A.F., Le Cèdre islamo-chrétien.
Des libanais à la recherche de l'unité nationale,
Baden-Baden, Nomos, 2007, 255 p.
278 CRIVELLO, M., DIRÈCHE K.,
Traversées des mémoires en Méditerranée : La
réinvention du « lien ». XIXe-XXe
siècle., Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2017,
pp. 97-107.
279 CHRABIEH P., « Pratiques de réconciliation au
Liban : un état des lieux », op.cit., p. 232.
280 RAPHAEL N., Trait d'union Islam-Christianisme,
Beyrouth, Arab Printing Press, 2009,p. 693.
281 CORM G., Histoire du pluralisme religieux dans le
bassin méditerranéen, Paris, Société nouvelle
Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1998, 321 p.
75
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
2) La réconciliation par la justice et les travaux de
mémoire
« If there is an open and serious memorialisation
program, where people can say out their minds, people can actually realize that
it's possible for all Lebanese to win and no one has to lose
»282- Paroles de Monsieur Maxwell Saungweme, directeur de
l'ONG internationale Search For Common Ground durant notre entretien.
Le traumatisme de la guerre civile libanaise,
cédé d'une génération à une autre et qui
diffère selon les confessions renforçant l'extrémisme
politico-confessionnel et la socialisation politique, ne peut être
résolu sans un vrai travail de mémoire au sein du peuple
libanais. En observant le nombre de dossiers non traités283,
que ça soit celui des disparitions forcées, des fosses communes
non enquêtées ou bien des crimes de genre, et l'effet du non
traitement de ses dossiers sur les victimes, leurs parents et les nouvelles
générations, nous pouvons déduire que la
vérité et la justice sont obligatoires pour avoir une vraie
réconciliation nationale. Sans vérité les crimes commis
durant la guerre ne seront jamais reconnus et par la suite la justice restera
toujours bloquée. Pour avoir une vérité nous avons besoin
d'un travail de mémoire au niveau institutionnel et étatique,
suite à la vérité et au traitement des dossiers mis
à part par les autorités libanaise, nous pouvons avoir des
mémoires individuelles réconciliées formant une
mémoire collective libanaise commune.
« La mémoire est liée à la
vérité, la mémoire est liée à la justice et
c'est une forme de la justice »284, pareil que l'experte
libanaise en justice transitionnelle Carmen Abou Jaoudé, la
quasi-totalité des recherches, des rapports et des travaux faites sur
les sujets de la réconciliation libanaise et du manque de justice suite
à la guerre civile mettent la lumière sur l'importance du travail
de mémoire. Aïda Kanafani-Zahar par exemple a commencé son
article par la phrase suivante : « La reconstitution de la
mémoire de la guerre illustre un besoin conscient de vivre ensemble. Ce
faisant, les gens écartent la religion comme une raison de distance et
de conflit. Pour une partie des Libanais, la guerre est restée
incompréhensible, et cela même par le côté
confessionnel qu'elle prit. L'interrogation d'une femme maronite,
déplacée en 1983 et qui est revenue à son village dix ans
plus tard, illustre ce point : «Pourquoi a-t-on été
déplacé, pourquoi est-on revenu ? On ne sait pas. Pourquoi
aurait-on des problèmes au retour puisqu'on n'avait aucun
problème avant ?» »285 , les paroles de cette
dame déplacée illustrent l'importance psychologique de comprendre
la vérité pour surpasser le traumatisme de la guerre et vivre
normalement. Dans un entretien avec Samir Kassir accordé à
Amnesty International, le philosophe et journaliste confirme qu' « un
travail de mémoire aurait dû et devra être pris en charge
par une institution ou un organisme semblable à la Commission Justice et
Réconciliation mise sur pied en Afrique du Sud après la
disparition du régime d'apartheid », permettant de «
déboucher sur la requalification de certains crimes de guerre en
crimes contre
282 Annexe 1, « Interviews faites au Liban »,
Monsieur Maxwell Saungweme, 24 Mai 2022, SFCG HQ, 00 :08 :39, p. 15.
[en ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1w8kx1wWWKBOc1vd7Kym2FYXZx9Bk5xci/view?usp=sharing.
283 Référence partie II., A., (1).
284 ABOU JAOUDE C., « Carmen Abou Jaoudé: Du
travail de mémoire libanais inachevé »,
IciBeyrouth, 15 Avril 2022. [en ligne] : Carmen Abou Jaoudé:
Du travail de mémoire libanais inachevé - (
icibeyrouth.com).
285 KANAFANI-ZAHAR A., « Liban, mémoires de
guerre, désirs de paix », La pensée de midi, vol.
3, no. 3, 2000, p. 75.
76
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
l'humanité », pour après rajouter
qu'« à l'avenir, il faut amender la loi d'amnistie en
renonçant à la distinction qu'elle établit entre, d'une
part, les crimes « ordinaires » et d'autre part les assassinat
politiques et les atteintes à la sureté de l'Etat. Comme si toute
la guerre n'était pas en soi une atteinte à la sureté de
l'Etat ». Le philosophe libanais a parlé de la
nécessité de requalifier des crimes de guerre oubliés par
les autorités libanaises en crimes contre l'humanité et continus
pour pouvoir poursuivre leurs auteurs amnistiés. Dans son rapport sur
les disparitions forcées et les détentions au secret, le CLDH a
demandé la même chose : « Nous demandons à ce que
certains crimes de guerre soient requalifiés en crimes contre
l'Humanité et ne soient ainsi plus couverts par la loi d'amnistie de
1991. »286. En plus, Kassir a mis l'accent sur
l'importance d'amender la loi d'amnistie et ses effets sur le renforcement de
l'impunité après la guerre civile287.
Pareil, le rapport de LAW sur les crimes de genre durant la
guerre civile libanaise a émis 5 recommandations pour une
réconciliation nationale dont 4 tournent autour d'un travail de
mémoire : « (1) Increase documentation of women's experiences
of gendered crimes during Lebanese Civil Wars in order to counter the
male-dominated narrative of the Civil Wars and amplifying survivor and victims'
voices. Document sexual violence committed against men during Lebanon's civil
wars. (2) Promote truth-telling including through disseminating the
findings and recommendations of the gendered crimes research and other
complimentary research to a wide range of audiences, including youth, through
panels, university lectures, social media campaigns, roundtables, and
discussions. (3) Utilize documentation and truth telling to contribute
to an environment that is conducive to women's role in truth-seeking,
reconciliation, justice, and peacebuilding. Enhance collective healing by truth
telling and memorialization of the Lebanese Civil War through a survivor -
centered approach and community-based activities. (4) Empower the
National Commission of the Missing and Forcibly Disappeared in Lebanon by
providing it with information and evidence gathered and support it in the
collection of further evidence, to pursue acknowledgement, recognition, and
apology to victims and survivors of gendered crimes and other violations and
abuses perpetrated during the Lebanese Civil Wars.»288
Même d'un point de vue international, Nadim Houry (Human Rights Watch) a
confirmé que « Le Liban ne peut pas avancer sans aborder de
manière adéquate les problèmes du passé
»289.
Plusieurs formes de travaux de mémoire peuvent avoir
lieux, comme par exemple la documentation de témoignages de personnes
impliquées dans la guerre et de leurs proches (victimes, combattants,
leaders, témoins, etc.), pour après les utiliser dans des
procédures de promotion de « dire la vérité »
(truth telling) (LAW), à travers des organismes semblables à la
Commission Justice et Réconciliation (Kassir), à travers la
mémoire reconstruite de l'espace (Kanafani-Zahar), à travers des
monuments détruits qui rappellent de la guerre civile (Abou
Jaoudé), à travers une commission de vérité (Abou
Jaoudé), à travers un dialogue entre les
286 Rapport CLDH, op.cit., p. 47.
287 Le renforcement de l'impunité par la loi d'Amnistie
est expliqué en détails dans les deux premières parties du
mémoire.
288 Rapport LAW, op.cit., p. 44.
289 HRW, « Liban : Il faut mettre en place une Commission
nationale d'enquête sur les disparitions forcées »,
op.cit.
77
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
différentes parties de la guerre civile, à
travers des campagnes sur les réseaux sociaux et les médias, etc.
Le travail de mémoire le plus urgent et efficace au Liban est celui qui
émane de l'Etat, c'est le travail institutionnel étatique qui
touche toutes les régions et partis libanais. Le travail de
mémoire étatique doit mener à une identification des
crimes commis durant la guerre civile à travers des enquêtes sur
toutes sortes de dossiers non traités, ces enquêtes doivent
inclure les versions de tous les côtés et les témoignages
de toutes les parties du conflit. La vérité doit résulter
de ces travaux d'enquête et le droit à la vérité
doit être assuré à tous les libanais et non-libanais inclus
dans la guerre civile. A travers la vérité, les raisons
déclenchantes de la guerre civile vont être identifiées et
les événements aussi, le sort des 17000 disparus forcément
va être révélé et la vérité sur les
fosses communes et les victimes de violences sexuelles aussi. Les victimes de
toutes sortes de crimes et leurs proches vont finalement recevoir leur droit de
savoir, ce droit est pour eux une forme de justice290 d'après
Abou Jaoudé. A travers la reconnaissance et l'identification des crimes,
les responsables doivent être reconnus et identifiés.
Suite à l'expression et l'échange entre tous les
côtés et les classes sociales de la guerre civile, à
l'identification de la vérité, au traitement des dossiers et
à l'identification et la reconnaissance des responsables, le pardon peut
avoir lieu au Liban et la page peut se tourner après l'avoir lu et
traité. C'est à travers le travail de mémoire et le
dialogue interreligieux et confessionnel (1) que les mémoires
individuelles vont changer, surtout celles des victimes et de leurs proches, ce
qui va mener à une mémoire collective nationale. Cette
mémoire collective nationale peut mener à un livre d'histoire
commun et à la troisième forme de réconciliation (3).
3) La réconciliation à travers
l'éducation des jeunes
La réconciliation effective au Liban ne concerne pas
uniquement les impliqués directement dans la guerre civile, mais les
concernés indirectement qui sont les jeunes et les nouvelles
générations. La socialisation politique confessionnelle libanaise
cède le traumatisme et les effets de la guerre des grands parents, aux
parents, aux enfants et ensuite à leurs enfants qui à leur tour
vont les transmettre à leurs enfants si un vrai travail de
réconciliation ne prend pas place. En effet, comme nous avons
déjà vu dans la partie III, la base de la socialisation politique
de l'individu se fonde durant son enfance et adolescence, c'est ce que Durkheim
a appelé la socialisation primaire. Vu que le remplacement de la
socialisation politique nationale par la socialisation politique
confessionnelle renforce l'extrémisme politico-religieux chez les jeunes
dans chaque région libanaise (partie III, C), alors la
réconciliation doit résoudre ce problème pour être
effective et durable. Et cela à plusieurs niveaux ; au niveau
académiques (les écoles et les universités) au niveau
social institutionnel (associations, scoutisme, ONG, etc.) et au niveau social
interactionnel personnel (réseaux sociaux, amis, famille, entourage).
Alors c'est un ensemble de plusieurs projets qui doivent prendre place en
parallèle et qui impliquent le travail de plusieurs acteurs
(école, famille, enseignants, ONG, institutions, organisations,
influenceurs, etc.). Mais comme c'est le cas pour les deux premières
formes de réconciliation, l'acteur principal doit être l'Etat
libanais qui est le seul à avoir le monopole
290 ABOU JAOUDE C., « Carmen Abou Jaoudé: Du travail
de mémoire libanais inachevé », op.cit., 06:34.
78
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
d'imposer des curriculums précis et unifiés au
niveau scolaire et académique, il peut de même imposer des normes
et directives à respecter au niveau institutionnel et
sociétal.
Au Liban il n'existe pas une éducation civique et
politique nationale, comme conséquence, si nous prenons la
définition de Boehm de la conscience politique, nous pouvons
déduire que la majorité des Libanais n'en n'a pas une. En effet,
Boehm considère que la conscience politique est le « faite
d'envisager consciemment toutes les directions qui s'offrent à nous et
d'expliquer les raisons pour lesquelles celle-ci serait favorable à
celle-là »291. Dans le cas libanais, l'individu
n'envisage pas « toutes les directions » possibles, il est
extrêmement impliqué dans la direction héritée par
ses parents et son entourage sans aucune comparaison objective avec les autres
points de vues. Durant les interrogations faites le jour des élections
législatives de 2022, la majorité des citoyens interrogés
n'avaient pas lu le programme électoral de la liste et le candidat pour
lesquels ils ont votés. Leurs voix ont été données
à la liste du parti politique qu'ils ont l'habitude de suivre ou bien au
candidat qui a payé le plus (cleptocratie redistributive,
Salamé). Par exemple :
- Une jeune libanaise qui vote pour la première fois a
répondu à la question « pourquoi avez-vous voté
cette année ? » par « parce que je supporte une
personne qui m'a aidée à plusieurs reprises. Nous n'avons jamais
demandé de l'aide sans qu'elle réponde. Moi personnellement j'ai
envoyé plusieurs personnes qui avaient besoin d'aides médicales
et de financement pour des opérations chirurgicales et elle leurs a
aidées »292. Elle a répondu à la
question « avez-vous lu son programme électoral ? »
par « Non, je vote pour les personnes qui m'aident
»293.
- Une femme Libanaise qui vote et travaille pour le Hezbollah
a répondu à la question « pourquoi avez-vous voté
pour le Hezbollah » par «si tu toques la porte des membres
du Hezbollah, ils t'aident. Par exemple en hiver ils m'ont aidé à
acheter du carburant à moins cher. Ils regardent les pauvres et ils les
aident »294 , « il y'a la carte al-sajjad
où je peux faire les courses à moins cher de leurs
supermarchés »295, « il ont même fait des
cartes vitales pour avoir une sécurité sociale et des cartes
d'assurance pour meubler et réparer les meubles de la maison
»296
Comme conséquence du clientélisme
renforçant et renforcée par la socialisation politique, il
n'existe pas une conscience politique au Liban. Par la suite, la vraie
réconciliation doit résulter d'une éducation politique et
civique des jeunes créant une conscience politique permettant à
chaque libanais de voter après avoir consciemment regarder toutes les
options possibles.
291 ARTUR J., « La conscience politique »,
ConscienceChanging, 13 Octobre 2021. [en ligne] : La Conscience
Politique - Conscience (
consciencechanging.org).
292 Interrogations du dimanche électoral, « Jeune
Libanaise-Premier vote », 15 Mai 2022, Zahlé, 00 :37.[en ligne]:
https://drive.google.com/file/d/1CvjYdJ0_lkg_zdh8eFVKsKsYNCd6Kskm/view?usp=sharing.
293 Ibid. 00 : 02 :00.
294 Interrogations du dimanche électoral, «
Libanais qui a voté pour le Hezbollah pour les aides
financières», 15 Mai 2022, Ain Kafarzabad, 01 : 47 :00. [en
ligne]:
https://drive.google.com/file/d/1Cwm73dFYLsz4m07ko7R0u0gv9yOwamVk/view?usp=sharing.
295 Ibid. 00 : 02 :50.
296 Ibid. 00 : 03 :45.
79
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
L'importance de la réconciliation par
l'éducation des jeunes n'est pas uniquement exprimée par les
experts et politologues mais aussi par les partis politiques et la
société civile. En effet, la majorité des personnes
interviewées considèrent que l'éducation des enfants au
niveau politique est la solution pour une vraie réconciliation lente
mais efficace à long terme :
- Docteur Fayez Araji (extrême gauche) considère
que « la seule vraie solution pour le Liban commence par
l'éducation civique à l'école. Nos sociétés
aujourd'hui sont guerrières, je vois de quoi mon fils discute avec ses
collègues à l'écoles et de quoi je discute avec mes amis,
ce n'est pas une société de paix », « nous devons
apprendre aux enfants que l'histoire libanaise ne se limite pas à
l'histoire du Mont-Liban, nous devons apprendre à nos enfants qu'ils ont
la liberté politique de suivre qui ils veulent et de respecter les avis
politiques des autres, cela à travers une éducation civique qui
met le Liban en priorité »297.
- Monsieur Dany Fayad (Phalangiste) considère qu'il
n'existe pas une éducation politique au Liban, « Nous n'avons
pas une bonne éducation ni politique et ni patriotique, ça doit
commencer à l'école. Dans les écoles du Hezbollah les
enfants apprennent les hymnes de Khomeini avant l'hymne du Liban. Nous avons
besoin d'une éducation nationale civique avant tout »298
- Madame Dima Abou Daya (indépendante candidaté
sur la liste des FL) insiste que l'éducation civique nationale est la
solution. « En tant que maman je peux te dire que tout dépend
de ce que nous disons à nos enfants, il y'a une grande différence
entre dire que « ton grand-père a été tué par
les autres » et de dire « au Liban il y'avait une guerre, mais
aujourd'hui nous devons créer un Liban qui nous ressemble tous en tant
que LIBANAIS »299
- Monsieur Alain Mounayer (enseignant et cadre des FL) a
donné un exemple de son éducation pour montrer l'importance de
l'éducation des jeunes à la maison: « Mon papa me disais
toujours «quand quelqu'un critique les Islams devant toi, souviens toi de
la belle voix du Muezzine» même durant la guerre j'avais la
réconciliation dans mon coeur malgré la forte volonté de
tuer pour protéger ma maison. La réconciliation est un mode de
vie, c'est une éducation à la maison et à l'école
»300.
- Madame Doha (société civile et experte en
résolution des conflits) a critiqué le livre d'éducation
civique libanais en insistant sur le fait que nous devons apprendre nos jeunes
à critiquer et à poursuivre. « le livre
d'éducation civique actuel n'a pas été changé
depuis mon enfance et même avant. Il n'est pas un livre
intéressant. Il est vraiment inactif. nous devons transmettre aux
enfants que la politique est dans la vie
297 Annexe 1, «Interviews faites au Liban »,
Docteur Fauez Araji, 23 Mai 2022, Zahlé, 01 :06 :30, p. 04. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1D57da5PNK0N8XZkCQWsl7NrETHp1WqVR/view?usp=sharing.
298 Annexe 1, «Interviews faites au Liban »,
Monsieur Dany Fayad, 19 Mai 2022, Zahlé, 00 :31 :40, p. 06. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/16nZnYaHLjcFbcHUl9FAAMxeLz28jvWIB/view?usp=sharing.
299Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Madame
Dima Abou Daya, 23 Mai 2022, Zahlé, 00 :10 :10, p. 10. [en ligne]
:
https://drive.google.com/file/d/15jm8LoDxNV33Vb1CWMl5myrnR--SyEZK/view?usp=sharing.
300 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Monsieur Alain
Mounayer, 27 Mai 2022, Zahlé, 00 :27 :45, p. 13. [en ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1FqeRNEOOl3iPk-d9Iom9Xuts277aKduc/view?usp=sharing.
80
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
quotidienne. Nous devons créer un esprit critique
chez les jeunes, une volonté de poursuivre et de juger. »
301
- Le psychologue politique Ramzi Abou Ismail
(société civile) a mis la lumière sur la
nécessité d'avoir un livre d'histoire commun et un livre
d'éducation civique commun. Il a ajouté qu'après cette
étape, « le ministre de l'éducation en collaboration
avec les écoles et les municipalités doivent organiser des
activités populaires touchants le plus de tranches de la
société »302.
- Monsieur Sami Braidy (intellectuel et un enseignant
retraité) a critiqué le système éducatif libanais
en considérant les écoles comme des fermes. Braidy a
ajouté que nous devons sauver l'identité libanaise pour pouvoir
se réconcilier, et cela se fait à travers une histoire commune
enseignée à nos jeunes.303
»304
Tous ces points de vues nous mènent à conclure
que l'éducation civique et politique saine et correcte des jeunes dans
leurs familles, leurs écoles et leurs sociétés leurs aide
à créer une conscience politique et à réconcilier
tout un pays. Avoir une identité commune sur les bases d'une histoire
commune et de principes civiques communs (après la réconciliation
par les dialogues interreligieux et les travaux de mémoire collective)
créé des générations de plus en plus
reconciliées et surtout ouvertes à des différentes
attitudes politiques sans tensions de post-guerre. Certaines organisations qui
travaillent sur la reconstruction de la paix et la réconciliation au
Liban mettent l'effort sur les jeunes d'aujourd'hui qui vont devenir les futur
leaders du pays plus que les adultes déjà fortement
impliqués dans la socialisation politique confessionnelle depuis des
dizaines d'années. C'est ce que le directeur de l'ONG internationale
« Search For Common Ground » au Liban, Monsieur Maxwell Saungweme, a
confirmé durant notre entretien : « what SFCG is trying to do
is work on young people who are going to become the future leaders of Lebanon.
We are trying to work on developing multidimensional identities and the ability
to live in confessional diversity.
Après avoir vu les trois types de
réconciliation les plus convenables pour une réconciliation
idéale de post-guette civil libanaise (dialogue interreligieux, travail
de mémoire et éducation des jeunes), la réalité
montre qu'un cercle vicieux bloque toute initiative de ce genre (B)
301 Annexe 1, « Interviews faites au Liban »,
Madame Doha Adi, 24 Mai 2022, CFCG HQ, 00 :12 :00, pp. 21-22. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1G-HVu1TwTNN9ZR_oDGNi9HnbZJr0eWtg/view?usp=sharing.
302 Annexe 1, « Interviews faites au Liban »,
Monsieur Ramzi Abou Ismail, 15 Juin 2022, Zoom, 00 :09 :31, p. 23. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1b9jh-Iv0hETYvJiRCuuPn2NMwub-cEcI/view?usp=sharing.
303 Annexe 1, «Interviews faites au Liban »,
Monsieur Sami Braidy, 21 Mai 2022, Zahlé, 00 :41:50, p. 27. [en
ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1G-dLA5UIO2pIEWYHP0leySWldOTI6B6c/view?usp=sharing.
304 Annexe 1, « Interviews faites au Liban »,
Monsieur Maxwell Saungweme, 24 Mai 2022, SFCG HQ, 00 :05 :40, p. 14.
[en ligne] :
https://drive.google.com/file/d/1w8kx1wWWKBOc1vd7Kym2FYXZx9Bk5xci/view?usp=sharing.
81
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
B. En pratique : un cercle vicieux freine toute initiative
étatique de réconciliation
Les initiatives d'une réconciliation nationale
libanaise, qu'elles soient pour un dialogue interreligieux, un travail de
mémoire ou bien dans le but d'unifier les programmes éducatifs au
sein des écoles privées et publiques, doivent émaner de
l'Etat pour qu'elles soient effectives. Cela non uniquement pour toucher tout
le peuple libanais, pour promulguer des lois imposables à tout le monde
et pour initier des enquêtes légitimées partout, mais aussi
pour abolir et modifier les loi et pactes qui forment la réconciliation
mythique (Partie I, C) qui a bloqué la vraie réconciliation au
lieu de la promouvoir. Dans son article comparatif entre 4 types de
réconciliations différentes, Valérie Rosoux305
a précisé qu'il existe quatre sortes d'initiatives de
réconciliation ; du bas en haut (à l'initiative des individus),
du haut en bas (venant d'une décision politique), de l'extérieur
(venant à l'initiative d'une organisation ou de pays tiers) et enfin, la
réconciliation peut être intime (avec soi-même). Rosoux a
précisé que peu importe l'acteur initiant la
réconciliation, s'il n'y pas une volonté populaire et une
réelle volonté politique, la réconciliation nationale ne
peut avoir lieu. Nous avons vu tout au long de ce mémoire que des divers
initiatives ont été prises par des organisations et des
associations locales et internationales dans le but de réconcilier le
peuple libanais, que ça soit par des dialogues, des
évènement, des projets, des travaux académiques ou autres
sans vrais résultats effectives, et cela pour une et simple raison : le
manque de volonté chez les dirigeants (Partie II, B, (1) et (2)).
Effectivement, les responsables de la guerre civile libanaise
devenus Hommes d'Etat trouvent leur légitimité à travers
l'accord du Taëf et la loi d'amnistie qui bloquent la justice
transitionnelle et la vraie réconciliation nationale (Partie I, C, (3)).
Alors chaque travaille de réconciliation ne peut prendre place sans
modifier ou bien abolir le Taëf et la loi d'Amnistie ce qui va mettre
leurs responsabilités juridiques en oeuvre et va faire tomber leur
légitimité politique. Par la suite, un vrai travail de
réconciliation ne peut avoir lieux sans la nécessité d'une
vraie réforme institutionnelle éliminant le partage de pouvoir
sur la base du Taëf. Cette réforme institutionnelle doit
émaner du pouvoir qui est lui-même en danger au cas où le
partage du pouvoir selon le Taëf est éliminé. Outre cette
élimination du partage du pouvoir sur la base confessionnelle, le Centre
international pour la justice transitionnelle rajoute la
nécessité de responsabiliser les puissances
étrangères jouant un rôle dans la guerre civile Libanaise.
Sachant que les puissance étrangères influencent toujours les
décisions politiques nationales libanaises (Partie II, B, (3)), une
décision de réconciliation nationale reste très loin
d'être prise.
Face à ce danger de perdre leur
légitimité et de se responsabiliser, les leaders
politico-confessionnels se sont retournés vers le renforcement de la
socialisation politique confessionnelle pour protéger et garder leurs
rôles comme références et protecteurs de leurs confessions.
Que ça soit à travers le clientélisme au niveau
éducatif (Partie III, C, (3)) et socioéconomique (Partie III, C,
(5)), les discours de « tirage de nerfs » au niveau psychologique
(Partie III, C, (4)), ou même la religion au niveau du statut personnel
(Partie III, C, (2)) et de l'identité sociopolitique (Partie III, C,
(1)), les leaders politico-confessionnels ont
305 ROSOUX V., « Réconciliation post conflit:
à la recherche d'une typologie », op.cit., pp. 557-577.
82
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
renforcé leur place au coeurs du système
communautaire libanais devenu dépendant de la corruption et du
clientélisme. En d'autres termes, la socialisation politique
confessionnelle est devenue au coeur du communautarisme libanais. Nous pouvons
faire référence à l'ouvrage «Children in the
Political System »306 de David Easton qui met l'accent sur le
rôle important que joue la socialisation politique dans le maintien du
système politique. Selon Easton, la socialisation politique peut
être utilisée par le pouvoir en place pour maintenir le
système et cela à travers quatre étapes : la politisation,
la personnalisation, l'idéalisation et enfin
l'institutionnalisation307. En analysant les étapes nous
pouvons conclure que les leaders politiques libanais l'ont effectuées et
ont même rajouté d'autres supplémentaires.
Face à la socialisation politique confessionnelle
renforcée suite à la guerre civile libanaise (Partie III, B) qui
remplace la socialisation politique nationale (Partie III, C), la peur de
l'autre, le manque de confiance entre les différentes confessions
libanaises et la dépendance socioéconomique du parti
politico-confessionnel, poussent les Libanais a voter pour les même
leaders politico-confessionnels pour assurer, selon eux, leur survie au sein du
Liban. Durant l'interview avec Madame Doha Adi, elle parlait du manque de
confiance entre les confessions libanaises en racontant une histoire
personnelle : « j'ai demandé à mon frère de ne
plus voter pour le Courant Futur mais pour les indépendants, il m'a
répondu qu'il n'était pas confiant que les «autres »
n'allaient pas voter pour leurs dirigeants traditionnels»308.
Les paroles du frère de Madame Adi sont exactement le but que les
dirigeants politico-confessionnels veulent atteindre à travers le
renforcement de la socialisation politique pour la protection de leurs postes
et garder leur légitimité.
Comme conséquence, chaque quatre ans les mêmes
partis politiques gagnent aux élections législatives et les
ex-chefs de milices restent au pouvoir. Ces derniers évidemment ne
veulent toujours pas une réconciliation nationale qui ne rentre pas dans
leurs intérêts personnels. Et le cercle vicieux continu (page
83).
306 EASTON D., DENNIS J., Children in the political
system: Origins of Political Legitimacy, US, McGraw-Hill Inc., 1969, 458
p.
307 Le Politiste, « La Socialisation Politique »,
LePolitiste.com. [en ligne] : La
socialisation politique: Le Politiste (
le-politiste.com).
308 Annexe 1, « Interviews faites au Liban »,
Madame Doha Adi, 24 Mai 2022, CFCG HQ, 00 :15 :37, p. 22. [en ligne]
:
https://drive.google.com/file/d/1G-HVu1TwTNN9ZR_oDGNi9HnbZJr0eWtg/view?usp=sharing.
Réconciliation et socialisation politique après
la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
83
HADDAD Nisrine- Mémoire 2021-2022
84
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Conclusion :
« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde
à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres
»309. Cette fameuse citation d'Antonio Gramsci illustre
parfaitement la situation du Liban aujourd'hui. En effet, et même si
lentement, la situation libanaise change avec les nouvelles
générations et mentalités qui apparaissent. Suite à
de nombreuses crises et malgré la socialisation politique bloquant toute
réconciliation nationale possible, de plus en plus de libanais se
tournent contre leurs dirigeants politico-confessionnels vers la
société civile opposante aux élites politiques. Surtout
durant les dernières quatre années, une identité libanaise
s'est apparue au sein d'une partie des libanais en remplaçant l'autre
confessionnelle.
En parlant de la complexité de la réconciliation
au Liban face à la socialisation politique confessionnelle et du cercle
vicieux bloquant toute initiative de réconciliation nationale à
cause de la place que le système communautaire donne aux ex-chefs de
milices, la question se pose concernant des solutions émanant en dehors
du système corrompu et bloquant. En d'autres termes, les questions se
posent concernant la société civile libanaise. D'après Dr.
Fadia Kiwan, la société civile est définie «comme
l'ensemble des institutions, organisations et associations qui fonctionnent
dans les différents secteurs sociaux indépendamment de l'Etat.
Elle inclut aussi bien les entreprises privées, les syndicats et ordres
professionnels, les fondations religieuses et de l'éducation et les ONG
»310, le dictionnaire Larousse a rajouté à
cette définition « les individus [..] agissant en dehors de la
classe politique et du pouvoir » 311. Dans ce qui suit, la
société civile est considérée comme «
l'opposé de la société politique, qui
représente le pouvoir »312.
Suite à la guerre civile libanaise, la
société civile s'est fortement renforcée, «
d'environ 250 ONG existantes dans les années 90, ce sont maintenant
plusieurs milliers de structures de tailles, d'objectifs et de moyens
extrêmement divers »313. En effet, durant les
années 70 et avec l'émergence des milices
considérées comme des entités de la société
civile, le but de la majorité des acteurs de la société
civile était purement communautaire et guerrier. Suivant la fin de la
guerre civile et surtout l'échec des réconciliations mythiques
mises en place par les autorités libanaises pro-syriennes, la vague de
la société civile anti-communautariste et
pro-réconciliation nationale a commencé et ne s'est toujours pas
terminée. Les années de l'occupations syrienne étaient les
plus contraignantes pour les OSC (Organisations de la Société
Civile) libanaises, malgré cela, en 2005, suite au départ du
dernier soldat syrien du territoire libanais, la société civile a
montré à quel point elle était résiliente durant
l'occupation et a pu rebondir. Depuis 2005 jusqu'aujourd'hui, plusieurs
évènements ont contribué à
309 SAMRANI A., « Pourquoi la révolution libanaise
n'a pas (encore) eu lieu », L'Orient-Le Jour, 15 Octobre 2020.
[en ligne] : Pourquoi la révolution libanaise n'a pas (encore) eu
lieu - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
310 KIWAN F., « La société civile au Liban
: un levier pour le changement ? », Les Cahiers de l'Orient, vol.
112, no. 4, 2013, p. 49.
311 GOLDSTEIN S., « Les différents types de
sociétés civiles et leurs spécificités »,
LegalPlace., 29 Janvier 2022. [en ligne] : Société
civile : types et modalités de création - Guide (
legalplace.fr).
312 Ibid.
313GRÜNEWALD F., BACHE J., DE GEOFFROY V.,
BACHAWATI S., KELDANI E., Société civile et pouvoirs locaux
au Liban :Principaux enjeux et dynamiques d'acteurs, Groupe URD, Rapport
de Recherche, Mai 2021, 22 p.
85
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
l'apparition de nouveaux acteurs de la société
civile libanaise. Effectivement chaque période de crise a
entrainé l'émergence de nouvelles OSC, que ça soit «
la Guerre de Juillet » en 2006 entre le Hezbollah et Israël, les
vagues de réfugiés syriens qui ont commencés à
arriver en 2012, les manifestations de 2019, la double explosion du port de
Beyrouth en 2020, la crise du Covid-19 et la crise économique flagrante
qui n'est toujours pas résolue. Avec la cumulation de tous ces
évènements, de plus en plus de projets, d'organisations et de
militants influencent la population libanaise pour changer la situation
sociopolitique et économique actuelle à travers le changement du
pouvoir qui était à l'initiative de la plupart des crises
libanaises et qui a mal géré leur totalité (I). En effet,
le développement de la société civile libanaise avec le
temps est un moyen pour casser le cercle vicieux bloquant toute initiative de
réconciliation nationale (II).
I. Les Libanais se « révoltent » de plus
en plus suite à de nombreuses crises
Si par leurs discours de haine et de « tirage de nerfs
» les leaders politico-confessionnels ont comme but de renforcer la
socialisation politique confessionnelle à travers l'appui sur la
mal-confiance entre les différentes confessions, les
événements qui ont eu lieux au Liban ces 4 dernières
années n'ont fait qu'augmenter la mal-confiance entre les libanais et
leurs dirigeants. Nous pouvons faire référence ici à
Annick Percheron dans « la socialisation politique »314
qui, à la différence de David Easton, considère que la
socialisation politique peut conduire au rejet du système politique en
place. Ce rejet a été exprimé par la société
civile libanaise au niveau social sur le terrain lors des manifestations du 17
Octobre (A) et surtout suite à la double explosion du port de Beyrouth
(B), et au niveau politique suite aux élections législatives de
2022 (C).
A. Les manifestations du 17 Octobre 2019
« Si la 1re fête du 22 novembre 1943
célébrait l'indépendance vis-à-vis de la mainmise
étrangère, cette 2e fête du 17 octobre 2019
célébrera l'indépendance vis-à-vis de la mainmise
de la classe dirigeante corrompue et le souhait pour la formation d'un
gouvernement de gens cultivés et instruits, intègres,
compétents et expérimentés qui saura effacer les
séquelles de 4 décennies d'un pouvoir corrompu et abject.
»315 - Jacques Moufarege
Trente ans après la fin de la guerre civile libanaise,
la société civile libanaise a prouvé que la socialisation
politique nationale n'était pas à 100% remplacée par
l'autre confessionnelle. Suite à 3 décennies de corruption, de
mensonges, de promesses vides, de chutes économiques progressives et de
mal gestion de crises, le 17 octobre 2019, des dizaines de
milliers316 de Libanais se sont trouvés dans les rues tenant
uniquement le drapeau libanais et chantant l'hymne national libanais. Cela
suite à de nombreux compagnes sur les réseaux sociaux contre la
mal gestion de la crise économique par les dirigeants libanais et
surtout contre
314 PERCHERON A., La socialisation politique, op.cit.
315 MOUFAREGE J.M., « Révolution du 17 octobre
2019 : être libanais par défaut ne suffit pas ! »,
L'Orient Le-Jour, 27 Novembre 2019. [en ligne] : Révolution
du 17 octobre 2019 : être libanais par défaut ne suffit plus ! -
L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
316 AMNESTY INTERNATIONAL, « Manifestations et
répression », Amnesty International, 18 Septembre 2020.
[en ligne] : Tout savoir sur les manifestations au Liban - Amnesty
International.
86
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
les taxes imposées par ces-derniers sur le peuple.
Après 13 jours de manifestations tout au long des 10 452 km2
et de blocages des rues principales du pays, le Gouvernement de Saad Hariri
annonce sa démission317, interprétée comme la
deuxième victoire de la société civile libanaise, tandis
que la première était de créer la peur chez les chefs
politico-confessionnels. Cette peur a été exprimée par
plusieurs moyens différents, par exemple les FL et les phalangistes ont
essayé d' «adopter» la révolution en la
considérant comme leur affaire et mission, tandis que le CPL a
considéré que cette révolution répondait aux
aspirations du fondateur du parti aujourd'hui Président de la
République, juste avant de re-adopter la position de leur allié
chiite dont la réaction était la plus impactante. En effet, le
Secrétaire général du parti pro-iranien Hezbollah, Hassan
Nasrallah, a fait plusieurs discours télévisés accusant
les manifestants d'être financés par des ambassades
étrangères au Liban318, il les a même
menacés s'ils insistent sur leurs demandes et revendications en
évoquant le danger d'une deuxième guerre civile au cas de vide
politique (utilisant le manque de réconciliation comme arme pour rester
au pouvoir), il les a même demandés de rentrer chez eux. Des
militants du Hezbollah et d'Amal (le couple chiite) descendaient dans les rues
libanaises de temps à autres319, surtout suite aux discours
de leurs dirigeants, tenant les drapeaux de leurs partis
politico-confessionnels pour attaquer les manifestants, bruler leurs tentes et
infliger la peur chez les familles, parents et jeunes libanais320.
Toutes ces réactions de la part des dirigeants montrent une certaine
peur face à la menace de perdre leur pouvoir, certains d'entre eux ont
trouvé la solution dans des tentatives d'intégrer la
révolution, tandis que d'autres ont adopté les solutions «
traditionnelles » privilégiées par le système
communautaire libanais : utiliser l'absence de réconciliation nationale
en rappelant le risque d'une guerre civile pour renforcer la peur entre les
confessions et réveiller l'instinct de survie communautaire.
Ces manifestations sont considérées par certains
comme une révolution (Thawrat 17 Techrin) et par d'autre comme un
soulèvement qui n'a pas abouti à une vraie révolution
à cause du manque d'organisation et d'orientation communes entre les
manifestants. Dans son article auprès de L'Orient-Le Jour321,
Anthony Samrani a expliqué pourquoi les manifestations de 2019 ne sont
pas considérées comme une révolution, cela pour 5 raisons:
les contradictions entre les manifestants (les libanais sont d'accord sur ce
qu'ils ne veulent pas mais pas sur ce qu'ils veulent), la société
civile est largement divisée et n'arrive pas à accepter son
incapacité de représenter la totalité des opposants, le
manque d'accord entre les manifestants sur les
317 EL KHOURY Y., « Le Liban à l'heure de la
« révolution » d'octobre : bilan d'étape et
interrogations pour l'avenir », Les Clés du Moyen-Orient,
31 Octobre 2019. [en ligne] : Le Liban à l'heure de la «
révolution » d'octobre : bilan d'étape et interrogations
pour l'avenir (
lesclesdumoyenorient.com)
318 Discours de Hassan Nasrallah le 9ème jour des
manifestations. Le cri des peuples, « Manifestations au Liban : Nasrallah
dénonce les manipulations politiques et l'ingérence
étrangère », Lecridespeuples, 31 Octobre 2019. [en
ligne] : Manifestations au Liban : Nasrallah dénonce les
manipulations politiques et l'ingérence étrangère - Le Cri
des Peuples.
319 Vidéo montrant des militants du couples chiite
attaquant les manifestants en portant les drapeaux de leurs partis politiques,
et l'armée libanaise au milieu ne réagissant pas. Euronews,
«
äíÑåÇÙÊãáÇ
äæãÌÇåí áã
ÉßÑÍæ Çááå
ÈÒÍ æÑÕÇäã
ÊæÑíÈ í »,
YouTube, 25 Novembre 2019. [en ligne] :
ÊæÑíÈ í
äíÑåÇÙÊãáÇ
äæãÌÇåí áã
ÉßÑÍæ Çááå
ÈÒÍ æÑÕÇäã -
YouTube.
320 ABOU RAHAL L., « Liban : le Hezbollah appelle ses
partisans à la retenue », La Presse, 25 Octobre 2019. [en
ligne] : Liban : le Hezbollah appelle ses partisans à la retenue | La
Presse.
321 SAMRANI A., « Pourquoi la révolution libanaise
n'a pas (encore) eu lieu », op.cit.
87
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
priorités des manifestations322, la
résilience de la classe politique actuelle et la place qu'occupe le
Hezbollah comme le coeur du pouvoir décisionnel étatique. A la
différence de Samrani, beaucoup d'autres auteurs, comme Jacques
Moufarrege323, considèrent les manifestations de 2019 comme
une vraie révolution contre une classe politique corrompue. Mais une
chose est commune entre ces deux courants de pensées, le fait que les
manifestations couvraient tout le Liban en dépassant les
barrières confessionnelles, sociales et générationnelles,
visant à faire tomber une classe corrompue, un système
communautaire clientéliste et à réparer l'argent
volé.
Au niveau politique, les manifestations du 17 Octobre 2019
n'ont pas changé grand-chose, les même dirigeants sont
restés au pouvoir, le système communautaire est toujours en place
et la crise économique n'a fait qu'empirer. Outre les 5 limites d'une
vraie révolution expliquées par Samrani, les manifestants ont
petit à petit baissé les bras pour des raisons économiques
(ils avaient besoin de travailler pour vivre), pour des raisons sanitaires (la
crise du Covid-19) et enfin pour des raisons d'immigration dans des pays tiers
(surtout les jeunes et suite à la double explosion du port de Beyrouth
(2)). Ce baissement de bras sur le terrain ne signifie pas que les
manifestations ont échouées et cela pour plusieurs raisons.
D'abord les manifestations du 17 Octobre ont montrées, pour la
première fois depuis 30 ans, que plus de 10%324 des libanais
voulaient effectivement changer tout un système et étaient
prêts à bloquer tout un pays pour changer leurs vies. Ensuite, ces
manifestations ont fait évoluer la société civile
libanaise tout en commençant une nouvelle histoire avec une base
populaire plus grande et une « révolution » sans
précédent. D'après le rapport du groupe URD sur le sujet
de la société civile libanaise, de nouvelles formes d'OSC se sont
apparues suite aux manifestations, « il s'agit des « groupes
informels de réflexion et de pression » (Li Hakki, MNFID, etc.)
»325. Enfin, le média et les réseaux
sociaux326ont joué un très grand rôle pour
influencer le reste de la population libanaise ne participant pas aux
manifestations, ce qui a augmenté le nombre des supporteurs de la
société civile libanaise et des opposants au pouvoir actuel.
Même au niveau international, les réseaux sociaux ont
touché la diaspora libanaise qui elle aussi s'est manifestée en
ligne et dans les rues des pays accueillants327.
322 Une partie des manifestants considère que la
priorité est de régler la crise économique
résultante de la mal gestion des flux de réfugiés syriens
depuis 2011, tandis que l'autre partie pense que la priorité est de
changer le système politique communautaire pour arrêter le
clientélisme et sauver la situation économique.
323 MOUFAREGE J.M., « Révolution du 17 octobre
2019 : être libanais par défaut ne suffit pas ! »,
L'Orient Le-Jour, 27 Novembre 2019. [en ligne] : Révolution
du 17 octobre 2019 : être libanais par défaut ne suffit plus ! -
L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
324 Ibid.
325 Rapport Groupe URD, op.cit., p. 07.
326 Nous pouvons prendre l'exemple de AL-Jadeed TV,
Lebanese_revolution_19 (Instagramme), Political.pen (Instagramme), Thouwar 17
Techrin (Facebook), Wassef El Haraki (influenceur et activiste politique),
Pierre El Hachach (influenceur et activiste politique), etc.
327 Pour plus de détails sur les manifestations de la
diaspora libanaise partout dans le monde: OLJ, « De Paris à
Washington, la diaspora libanaise mobilisée », L'Orient-Le
Jour, 20 0ctobre 2019. [en ligne] : De Paris à Washington, la
diaspora libanaise mobilisée - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
B. La double explosion du port de Beyrouth
« Il n'y a pas un membre de la classe politique qui
puisse dire qu'il n'est pas responsable de ce désastre
»328 - représentant d'une Organisation de la
Société civile Libanaise
Le manque de confiance entre une partie du peuple libanais et
la classe dirigeante qui s'est exprimé durant les manifestations de 2019
a continué à augmenter et a atteint un point très
élevé suite à la non-réaction du gouvernement
libanais face au double explosion du port. Dans les faits, le 4 août
2020, une double explosion a eu lieu au port de Beyrouth dont l'origine
était un mal-stockage d'à peu près 3000 tonnes de nitrate
d'ammonium laissant derrière elle environ 200 morts, 6 500
blessés et 300 000 personnes sans abri329. Plusieurs rumeurs
sont sorties concernant l'événement déclencheur de cette
tragédie (accusations de stockages d'armes, long durée de
stockage de produits très dangereux, bombardements israéliens des
stocks du Hezbollah, etc.) sans aucune réaction, réponse, ni
explication de la part de la classe dirigeante libanaise, ce qui a
reclenché les manifestations dans les rues. Le résultat de cette
nouvelle pression populaire était la démission du deuxième
gouvernement depuis le début des manifestations en 2019330,
le gouvernement de Hassane Diab.
Deux années suivant la tragédie, aucun dirigeant
politique n'a accepté d'être auditionné et la classe
politique fait de son mieux pour effacer les traces restantes du drame.
L'enquête sur les causes de la double explosion est suspendue depuis des
mois pour des raisons de blocages politiques et le gouvernement libanais,
depuis avril 2022331, essaie de démolir les silos du port
devenues le symbole de ce drame. Cette décision d'effacer les traces du
crime a été suspendue en raison de l'opposition faite par les
familles et proches des victimes du 04 août qui veulent transformer les
silos en mémorial332. Cette promotion de l'oubli et de
l'impunité par les autorités libanaise nous rappelle de leur
exacte réaction suivant la guerre civile libanaise.
|
Figure 1 : Dessin représentant les familles des
victimes de la double explosion du port de Beyrouth entrains de supporter les
silos à grains pour éviter leur démolition par le
gouvernement libanais.
Source : Publié par le député Elias
Hankach sur Facebook le jour ou une partie des silos s'est effondrée (le
31/07/2022).
|
88
328 Rapport Groupe URD, op.cit., p. 09.
329 AMNESTY INTERNATIONAL, « Manifestations et
répression », Amnesty International, 18 Septembre 2020.
[en ligne] : Tout savoir sur les manifestations au Liban - Amnesty
International.
330 AFP, « Liban : le gouvernement démissionne six
jours après le drame », LaCroix, 10 Août 2020. [en
ligne] : Liban: le gouvernement démissionne six jours après le
drame (
la-croix.com).
331 LE FIGARO, AFP, « Le Liban ordonne la
démolition des silos du port de Beyrouth », Le Figaro, 14
Avril 2022.[en ligne] : Le Liban ordonne la démolition des silos du
port de Beyrouth (
lefigaro.fr).
332 AFP, « Port de Beyrouth : une partie des silos
à grains s'est effondré », La Voix Du Nord, 31
Juillet 2022. [en ligne] : Port de Beyrouth : une partie des silos à
grains s'est effondrée - La Voix du Nord
89
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
« On vit dans un pays où le gouvernement a le
monopole d'une justice sélective, qui varie en fonction des personnes
concernées et des priorités de ceux qui nous gouvernent. Les
chefs de guerre font tout pour ralentir et stopper l'enquête. C'est une
honte, mais c'est comme ça, on vit dans un pays de non-droit où
l'injustice fait loi. »333, les paroles de Paul Najjar, un
père libanais qui a perdu sa fille de 3 ans et demi dans l'explosion,
sont le résultats de plusieurs comportements de la part des
autorités libanaises pour bloquer les enquêtes sur le sujet. Par
exemple, le couple chiite Amal et Hezbollah a fait un recours pour suspicion
légitime contre l'ancien juge Fadi Sawan qui a été
remplacé en février 2021 par le juge Tarek Bitar. Ce dernier est
de même le sujet de plusieurs menaces de la part des partis politiques,
comme par exemple le Hezbollah qui à plusieurs reprises lui a
envoyé des messages menaçant sa personne et ses
proches.334 Avec son allié chiite, le Hezbollah a
même bloqué les réunions du gouvernement à plusieurs
reprises pour arrêter le travail de Bitar (Partie II, B., (2)) dans le
but de protéger leurs personnels. Outre la promotion de
l'impunité et le masquage de la vérité, la flamme
armée des tensions interconfessionnelles s'est réanimée
par les chefs politico-confessionnels avec la nomination du juge Bitar. En
effet, le 14 octobre 2021, 6 personnes335 ont été
tuées et une trentaine blessée durant un affrontement entre le
Hezbollah et les FL suite à une manifestation du Hezbollah demandant la
démission de Bitar336. « Le fait que l'enquête
se rapproche de certains responsables politiques induit ce type de comportement
avec potentiellement des dérives graves »337, a
analysé un journaliste de la revue Orients Stratégiques. Ces
violences « rappellent de très mauvais souvenirs
»338, des souvenirs de la guerre civile libanaise.
Les résultats de cette explosion nous rappellent de
ceux de la guerre civile libanaise au niveau social, juridique et politique.
Les grands titres des conséquences de cette explosion sont les suivants:
impunité, oppression, tensions interconfessionnelles et manifestations
pour la vérité et la justice. Au Liban, l'impunité et
l'absence du droits à la vérité, à la justice et
à la réparation sont devenus une routine pour protéger des
Hommes d'Etat situés au centre du système politique. Comme
conséquences à cette tragédie, la société
civile s'est renforcée encore plus et de nouvelles organisations se sont
apparues. Les masses arrivées dans les quartiers de Beyrouth les plus
touchés suite à l'explosion ont été
mobilisées par des mouvements politiques mais aussi par des ONG
libanaises comme Offre Joie, Amel, Lebanese Scout Association, Lebanese Red
Cross et autres. D'autres masses ont été mobilisées par
les
333 GIBON C., « Deux ans après, l'enquête
sur l'explosion du port de Beyrouth piétine », La Vie, 25
Juillet 2022. [en ligne] : Deux ans après, l'enquête sur
l'explosion du port de Beyrouth piétine (
lavie.fr).
334 Qui lui a écrit le message suivant : «
Nous pourrions te déboulonner... ». COLLY A., « Explosion
dans le port de Beyrouth : le juge chargé de l'enquête cible de
menaces et de pressions », Franceinfo, 23 Octobre 2021. [en
ligne] : Explosion dans le port de Beyrouth : le juge chargé de
l'enquête cible de menaces et de pressions (
francetvinfo.fr).
335 FRANCEINFO, « Six morts après une
manifestation au Liban « Cela rappelle de très mauvais souvenirs
», estime un chercheur », Franceinfo, 14 Octobre 2021. [en
ligne] : Six morts après une manifestation au Liban : "Cela rappelle
de très mauvais souvenirs", estime un chercheur (
francetvinfo.fr).
336 REUTERS, AFP, LE MONDE, « Au Liban, le Hezbollah met
en garde les Forces libanaises contre une escalade de la violence »,
Le Monde, 18 Octobre 2021.[en ligne] : Au Liban, le Hezbollah met
en garde les Forces libanaises contre une escalade de la violence (
lemonde.fr).
337 FRANCEINFO, « Six morts après une
manifestation au Liban « Cela rappelle de très mauvais souvenirs
»op.cit.
338 Ibid.
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
réseaux sociaux et se sont structurées en des
Organisations de la société civile. De leur part, les familles
des victimes de la double explosion se sont organisées en des OSC (par
exemple l'Association des familles des victimes de l'explosion du port de
Beyrouth) pour organiser des manifestations mensuelles devant le port de
Beyrouth339, des manifestations devant le palais de
Justice340, le parlement libanaise, les maisons des
dirigeants341 et dans les rues libanaises en demandant la
vérité derrière la mort de leurs proches et la justice
pour ces derniers. Le 15 septembre 2021, 140 ONG locales et internationales se
sont mobilisées pour demander à l'ONU de lancer une enquête
internationale vu que le parlement libanais refuse de lever l'immunité
des ex-ministres342. Mireille Khoury, la maman d'une victime de
l'explosion du port ayant 15 ans, nous a rappelé de plusieurs mamans des
victimes de la guerre civile libanaise à travers ses mots : «
Cela fait vraiment très mal d'être ici et de devoir mendier la
justice. Au lieu d'être avec mes proches dans ma maison à faire
mon deuil en paix, je dois supplier les ministres et députés de
ne pas faire obstacle à l'enquête. »343
344
Figure 2: «Samia Eido Dohan takes part in a road
block with a photo of her husband, Mohamed Nour Doughan, who was killed in
the Beirut blast». Source: Mehdi Chebil.
90
339 LIBNANEWS, « Les parents des victimes de l'explosion
du port de Beyrouth reppellent que l'immunité des parlementaires est
levée », Libnanews, 04 Janvier 2022. [en ligne] : Les
parents des victimes de l'explosion du port de Beyrouth rappellent que
l'immunité des parlementaires est levée | Newsdesk
Libnanews.
340 HOUSSARI N., « Les familles des victimes de
l'explosion de Beyrouth manifestent devant le palais de Justice »,
ArabNews, 18 Janvier 2022. [en ligne] : Les familles des victimes
de l'explosion de Beyrouth manifestent devant le palais de Justice | Arabnews
fr.
341 GIBON C., « Deux ans après, l'enquête sur
l'explosion du port de Beyrouth piétine », op.cit.
342 TOUSSAY J., « l'enquête sur l'explosion du port
de Beyrouth suspendue, colère des familles des victimes »,
HuffPost, 27 Septembre 2021. [en ligne] : L'enquête sur
l'explosion du port de Beyrouth suspendue, colère des familles des
victimes (
huffingtonpost.fr).
343 GIBON C., « Deux ans après, l'enquête sur
l'explosion du port de Beyrouth piétine », op.cit.
344 CHEBIL M., « Two months after Beirut Blast, families
accuse govt of `killing the dead a second time'», France24, 05
Octobre 2020. [en ligne]: Two months after Beirut blast, families accuse
govt of `killing the dead a second time' (
france24.com).
91
Réconciliation et socialisation politique après
la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
Le nombre des opposants aux chefs politico-confessionnels et
à leur système s'est augmenté suite aux répressions
des manifestations du 17 octobre 2019345 (par l'armée et les
forces de sécurité libanaises), à la non-réaction
de la classe politique suivant la double explosion du port de Beyrouth,
à la promotion de l'impunité et au recours à la
violence346 face aux familles des victimes du 4 août (figures
3 et 4) de la part de la classe politique. Les résidents libanais comme
la diaspora libanaise attendaient les résultats des élections
législatives de 2022 pour voir le vrai impact du renforcement de la
société civile au niveau populaire (C.).
Figures 3-4 : Moments d'arrestation de William Noun, le
frère d'une des victimes de la double explosion du port de Beyrouth Joe
Noun, durant sa participation aux manifestations devant la maison du Premier
ministre Najib Mikati en août 2021.
Source : Nabilismail.photojournalist (Instagram).
C. Les élections législatives de 2022
« C'est facile, si on prend les noms de famille de la
classe politique actuelle, la moitié est là depuis
l'indépendance du Liban, soit 1943. L'autre moitié est là
depuis la fin de la guerre civile, soit 1990 »347, «
le Liban mérite mieux que cette politique héréditaire,
où le fils du chef est un chef, le fils du politicien est un politicien
». Paroles de Wadih Al-Asmar, un travailleur pour la première
coalition électorale au niveau nationale de la société
civile libanaise « Koulouna Watani » qui a proposé des listes
dans toutes les circonscription électorales libanaises de 2018.
Le travail de la société civile libanaise n'est
pas limité à influencer le peuple libanais victime d'une
socialisation politique confessionnelle à travers des campagnes sur les
réseaux sociaux, des travaux académiques et des
évènements publics et privés contre le système
clientéliste corrompu. Mais aussi, la société civile a
comme but de traduire cet influence politico-sociale dans la vie politique
à travers les élections législatives libanaises qui
forment un moyen pour le peuple de s'exprimer et de choisir ses
représentants, c'est à travers ce
345 AMNESTY INTERNATIONAL, «Liban. Il faut une
enquête sur le recours à la force excessive, notamment sur l'usage
de balles réelles pour disperser les manifestations », Amnesty
International, 1 Novembre 2019. [en ligne] : Liban. Il faut une
enquête sur le recours à la force excessvive, notamment sur
l'usage de balles réelles pour disperser les manifestations (
amnesty.org).
346 HENNEQUIN L., « Premières législatives
en neuf ans au Liban, la société civile tente de faire entendre
sa voix », Huffpost, 06 Mai 2018. [en ligne] :
Premières législatives en neuf ans au Liban, la
société civile tente de faire entendre sa voix (
huffingtonpost.fr).
92
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
processus que le vrai progrès des OSC libanaises
apparaisse et s'évalue. Suite aux quatre dernières années
de manifestations et de montée de l'influence de la
société civile Libanaise, tous les regards locaux et
internationaux étaient dirigés vers les élections
législatives de 2022, pour voir officiellement la puissance de la
société civile libanaise.
L'effort de la société civile au niveau
électoral a commencé par la lutte pour le changement du
système majoritaire en un autre proportionnel348. En effet,
le système électoral majoritaire a été
remplacé en 2017 par un autre proportionnel et la société
civile a joué un rôle important dans l'instauration de cette
nouvelle loi, elle a même organisé un « vote symbolique
»349 comme moyen de forcing pour une loi axée sur la
proportionnelle. En 2010, le politiste libanais Abdo Saad s'est exprimé
sur l'ancien système électoral majoritaire en considérant
que « C'est une véritable hérésie que de
continuer à s'accrocher à un système aussi désuet,
qui ne fait que perpétuer le confessionnalisme exacerbé, en
consacrant le monopole du pouvoir par les leaders communautaires
»350. Suite à la loi électorale de 2017, le
premier scrutin proportionnel libanais a eu lieu le 6 mai 2018 et pour la
première fois, la diaspora libanaise a pu voter, ce qui a
augmenté les chances pour la société civile libanaise de
gagner des sièges parlementaires. Les résultats de ces
élections ont introduit, pour la première fois, un visage de la
société civile au sein du Parlement libanais avec la
députée Paula Yacoubian. Outre la coalition « Koulouna
Watani » et le succès de la société civile à
avoir un siège au parlement libanais, la société civile a
même, à travers des ONG, réussit à veiller sur la
neutralité de l'Etat lors des élections de 2018 et à
défendre la démocratie. C'est par exemple le cas de l'ONG «
LADE » qui a déployé 1200 bénévoles
observateurs sur le long du territoire libanais le jours des
élections351.
Entre les élections législatives de 2018 et
celles de 2022, la situation au Liban n'a fait qu'empirer au niveau
économique, social et politique, ce qui a renforcé la
société civile encore plus et a augmenté ses chances de
réussite dans les prochaines élections législatives. Si
avant 2019 la priorité d'une partie du peuple était de demander
une justice post-guerre civile et l'arrêt du clientélisme et de la
corruption, avec la mal-gestion des flux de réfugiés
syriens352, la double explosion du port de Beyrouth et
l'évolution de la crise économique (Manifestations, Covid-19,
explosion), la totalité du peuple aujourd'hui se trouve affectée
financièrement et psychologiquement et demande une vie digne. Ce n'est
plus un cri contre une classe politique
348 Voir annexe 3 pour plus de détails
sur « L'évolution des processus électoraux au Liban et ses
effets sur la démocratie représentative depuis la fin de la
guerre civile libanaise jusqu'aux préparations de l'élection
législative de 2022 ». HADDAD N., papier de recherche rendu
à Madame Miléna Dieckhoff en matière «
Démocratie et Processus électoraux », 23 Novembre 2021.,
1er semestre de M2RI.
349 ABI AKL Y., « Faute de nouvelle loi
électorale, la société civile organise un « vote
symbolique », L'Orient-Le Jour, 22 Mai 2017. [en ligne] :
Faute de nouvelle loi électorale, la société civile
organise un « vote symbolique » - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
350 JALKH J., « Abdo Saad :« le système
majoritaire plurinominal est une véritable hérésie »
», L'Orient-Le Jour, 16 Avril 2010. [en ligne] : Abdo Saad :
« Le système majoritaire plurinominal est une véritable
hérésie » - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
351 DAOU M., « Législatives au Liban : le combat
d'une ONG pour défendre une démocratie malmenée »,
France24, 05 Mai 2018. [en ligne] : Législatives au Liban :
le combat d'une ONG pour défendre une démocratie malmenée
(
france24.com).
352 Depuis 2011 jusqu'aujourd'hui, 1.5 million de
déplacés syriens sont venus sur le territoire libanais. RUCH N.,
« La situation des réfugiés syriens au Liban », Les
Clés du Moyen-Orient, 21 Janvier 2021. [en ligne] : La situation
des réfugiés syriens au Liban (
lesclesdumoyenorient.com).
93
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
corrompue, c'est plutôt un cri de faim et de froid. Cela
a été exprimé par la spécialiste May Hazaz ;
« Ici on manque de tout, on préserve l'essence pour les
déplacements urgents. Les pénuries qui se font chaque jour plus
inquiétantes pourraient me désespérer mais j'ai connu 17
années de guerre civile, j'ai vu les bombes exploser devant moi. Je sais
que ma vie ne m'appartient pas. Je prie, je suis en paix pour moi-même
mais j'ai peur pour l'avenir du Liban » 353. Dans ces
paroles nous pouvons remarquer que même la crise socioéconomique
d'aujourd'hui rappelle les libanais de la guerre civile libanaise, d'où
la complexité de l'état du citoyen libanais actuellement
(exaspération et la révolte sont plus grandes). Ce dernier n'est
pas réconcilié après la guerre civile, il ne se sent pas
en sécurité chez lui (peur de l'autre libanais) et il est pauvre
et désespéré face à une classe politique
responsable de son état. Comme conséquence, beaucoup de libanais
surtout jeunes ont quitté le Liban ces dernières années,
précisément entre le début de la révolution
libanaise en 2019 et décembre 2021, 1 million de libanais (1/6 de la
population) ont quitté le Liban354, majoritairement des
étudiants et des cadres supérieurs (médecins, infirmiers,
ingénieurs, enseignants). Il existe même des citoyens qui risquent
leurs vies dans la mer pour s'échapper de la situation
désastreuse au Liban, cela a causé la mort de
plusieurs355 qui ont préféré le « voyage
de la mort » sur la vie au Liban. C'est ce que Khaled Daaboul, un Libanais
de Tripoli a confirmé : « Enfant, nous étions pauvres,
mais nous n'avions jamais ressenti la nécessité de risquer nos
vies en quête d'une vie meilleure. En 2020, risquer ma vie et celles de
ma femme et de nos enfants est devenu inévitable pour vivre pas
seulement pour avoir une vie meilleur »356. Suite à
tout cela, les regards étaient tournés vers les élections
législatives de 2022 pour voir comment le peuple déprimé
va s'exprimé face à un pouvoir déprimant en place depuis
32 ans.
Comme chaque élection législative, quelques mois
avant le dimanche électoral, les campagnes électoraux au Liban
commencent. Sauf que cette fois-ci (2022), les campagnes n'étaient pas
limitées à la médiatisation et les propagandes des simples
visages et paroles des candidats, mais la situation socio-économique a
été utilisée par tous les camps pour influencer le peuple.
De la part de la société civile, des sujets sensibles
résultants des 4 dernières années ont été
utilisées pour motiver le peuple à changer la situation à
travers le changement des dirigeants (affiches et vidéos visant les
émigrés libanais et leurs familles, les proches des victimes de
l'explosion du 4 août, le peuple libanais qui n'a plus accès
à son compte bancaire, la pauvreté de familles libanaises, etc.).
Même des campagnes sur les réseaux sociaux ont touché la
diaspora libanaise avant les jours de leurs élections (6-8 mai 2022).
Face à la société civile, les partis traditionnels ont
utilisé leur arme traditionnelle :l'appuie sur la socialisation
politique confessionnelle libanaise au niveau psychologique (Partie III, C.,
(4)) et au niveau socio-économique (Partie III, C., (5)). Malgré
la situation socio-économique tragique au Liban,
353 FAYN M.G., « Liban #1 : le pouvoir d'agir de la
société civile contre l'effondrement », Selfpower
Community, Entretien avec May Hazaz, 01 Septembre 2021. [en ligne] :
Liban #1 : le pouvoir d'agir de la société civile contre
l'effondrement - Selfpower community (
selfpower-community.com).
354 FRANK S., « Les Libanais très nombreux
à vouloir quitter leur pays », RFI, 03 décembre
2021. [en ligne] : Les Libanais très nombreux à vouloir
quitter leur pays | SACER (
sacer-infos.com).
355 AFP, « Naufrage au large au Liban : au moins six
migrants sont morts noyés », AFP, 24 Avril 2022. [en
ligne] : Naufrage au large du Liban : au moins six migrants sont morts
noyés (
msn.com).
356 CHAMSEDDINE A., « « le voyage de la mort »
: des Libanais risquent leur vie en Méditerranée pour
échapper à l'enfer sur terre », Middle East Eye, 22
Septembre 2020. [en ligne] : « Le voyage de la mort » : des
Libanais risquent leur vie en Méditerranée pour échapper
à l'enfer sur terre | Middle East Eye édition
française.
94
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
les traditions de « tirage de nerfs confessionnels»
et de clientélisme économique par les chefs
politico-confessionnels ont affecté la majorité des
électeurs. Une jeune qui a voté pour la société
civile a confirmé que beaucoup de ses connaissances faisaient partie des
manifestations contre le pouvoir ces 4 dernières années, mais au
final ils ont revoté pour les chefs de leurs confessions : «
les propagandes confessionnelles des chefs politiques ont sans doute
affecté beaucoup de libanais qui étaient pour la
révolution libanaise, moi personnellement je connais beaucoup de gens
qui étaient présents avec moi dans les rues de la
révolution mais qui au final ont voté pour les forces libanaises
sous le motif de ne pas perdre leurs voix, mais moi personnellement ça
ne m'a pas trop affecté, au début je voulais instinctivement
voter pour les FL, mais maintenant je suis de nouveau pro-société
civile »357. Tandis que Rabih, un activiste de la
société civile, a commenté sur le sujet de la
stratégie des partis traditionnels par ce qui suit: « je trouve
que personne n'est en danger au Liban , en tant que peuple nous vivons
ensemble, c'est juste avant les élections législatives suite aux
discours de tirage de nerfs confessionnels que les tensions commencent, nos
régions sont mixtes et il existe beaucoup d'Islam mariés à
des Chrétiens et vis-versa. Si nous continuons à
réfléchir confessionnellement nous n'aurons jamais un Etat
»358.
Pour la première fois au Liban, et malgré la
multiplicité de nombre de listes de la société civile dans
chaque circonscription359, 16 candidats indépendants ont pu
gagner des sièges au sein du parlement libanais. Ces candidats pourront
jouer le rôle d'arbitraire entre deux grands camps traditionnels (Couple
chiite/CPL et alliés, FL et alliés) et pourrons porter la voix de
la société civile libanaise même s'ils ne forment pas une
majorité parlementaire ou bien l'1/3 bloquant. Il est très
important de prendre en compte l'effet de la forte abstention des
résidents libanais sur les résultats des élections. En
effet, le taux de participation des résidents était
41%360 (en baisse de 6 points par rapport à 2018) ce qui a
desservi les listes de la société civile qui est elle-même
divisée en plusieurs courants. Une partie des abstenues n'a pas
voté parce qu'elle ne croyait pas qu'une société civile
aussi divisée pourra faire grand-chose dans un pays aussi corrompu. Nous
pouvons prendre l'exemple de Georgio Ajamian, un jeune libanais au début
de ses trentaines qui a refusé d'aller voter parce qu'il a perdu
l'espoir dans le changement du Liban. Pour lui les décisions politiques
sont toutes prises en privé selon les intérêts des Etats
tiers et des partis politiques libanais, alors les élections ne sont que
des formalités, elles ne servent à rien parce que les
décisions sont externes. Quand nous l'avons demandé pourquoi il
n'a pas voté, Georgio a ajouté que « la
société civile est extrêmement divisée au Liban,
à Zahlé par exemple, quatre listes de la société
civile se sont présentées, ce qui signifie qu'il n'y a pas une
vraie société civile au Liban mais chacun fait ce qu'il veut sous
le nom de société civile. Cela disperse les voix et ne sert
à rien »361, « Nous faisons rien pour le
Liban, nous croyons
357 Interrogations du dimanche électoral, « Jeune
fille de la société civile», 15 Mai 2022, Zahlé, 00
:00 :55. [en ligne]:
https://drive.google.com/file/d/1EQeQ9L90Ug5NZ-xKrrzMbX9AtMCo-H7A/view?usp=sharing.
358 Interrogations du dimanche électoral, « Rabih
Sassine- Société civile», 15 Mai 2022, Zahlé, 00 :01
:39. [en ligne]:
https://drive.google.com/file/d/1EaHfqxO0fzNdLPz_BZlYWVVq4fENXjjL/view?usp=sharing.
359 Par exemple, dans la Circonscription Bekaa I, 8 listes se
sont présentées dont 3 de la part des partis traditionnels et 5
de la société civile.
360 KHALIFEH P., « Elections législatives au Liban
: 41% de participation, le comptage est en cours », RFI, 16 Mai
2022. [en ligne] : Élections législatives au Liban: 41% de
participation, le comptage est en cours (
rfi.fr).
361 Interrogations du dimanche électoral, «
Georgio Ajamian, abstenu de voter», 15 Mai 2022, Zahlé, 00 :01 :47.
[en ligne]:
https://drive.google.com/file/d/1ECxPgdNIHqAlzNQF0ZMdtNJf9wGMOnro/view?usp=sharing.
95
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
toujours que le chef politico-confessionnel peut nous
aider tandis qu'il ne fait rien lui non-plus»362.
Concernant la diaspora libanaise, trois fois plus d'expatriés libanais
se sont inscrit sur les listes électorales de 2022 que celles de
2018363 et le taux de participation à l'étranger
était 60% dont une grande partie n'était pas affecté par
les « tirages de nerfs confessionnels » des dirigeants.
L'évolution de la société civile
libanaise n'est pas uniquement exprimée au niveau national parlementaire
par la victoire de 16 candidats indépendants, mais aussi à un
niveau plus restreint, comme par exemple le niveau syndical à travers
l'arrivée de plusieurs candidats indépendants à la
présidence des Ordres de Beyrouth, comme Melhem Khalaf élu
bâtonnier de l'Ordre des avocats et Aref Yassine élu
bâtonnier de l'Ordre des ingénieurs, ou bien au niveau des
élections estudiantines dans les universités libanaises. Sur ce
sujet, Dr. Ziad Abdel Samad a confirmé que les partis politiques
«ont perdu la confiance des étudiants
»364. Tandis que Dr. Talal Nizameddin a expliqué ce
changement par le fait qu'« Il y'a un changement majeur dans la
mentalité des étudiants et les problèmes qu'ils jugent
urgents ne sont plus les mêmes. Ils ont une rancoeur contre le
système qui gouverne leur pays »365.
II. Le renforcement de la société civile :
une échappatoire du cercle
vicieux bloquant la réconciliation nationale Libanaise
Face à une société coincée dans un
cercle vicieux tournant depuis plus que 3 décennies, la seule solution
pour en sortir réside dans la volonté du peuple de changer cette
situation. Le système communautaire libanais repose sur une base
populaire victime d'une socialisation politique confessionnelle
renforcée par le manque de réconciliation post guerre civile. Si
cette base populaire tourne contre les dirigeants situés au coeur du
système politique, alors le système communautaire perd sa pierre
angulaire sur laquelle il se repose et trouve sa légitimité. Les
ex-chefs de milices de la guerre civile devenus les dirigeants du pays à
travers le Taëf et la loi d'Amnistie sont au courant de l'importance du
support populaire pour rester au pouvoir, d'où le renforcement de la
socialisation politique confessionnelle pour éviter la
réconciliation entre le peuple qui va tourner contre eux le jour
où cette réconciliation aura lieu.
Avec la chute libre socioéconomique des
dernières années, le peuple libanais retrouve son identité
libanaise sur la base d'une souffrance commune entre toute les confessions. En
d'autres termes, malgré la tragédie de la situation
socioéconomique actuelle, elle a rapproché les citoyens qui
souffrent ensemble. En effet, depuis 2019 jusqu'aujourd'hui, le Libanais se
rend compte de plus en plus que le peuple de sa confession n'est pas le seul
faisant partie du drame, c'est une crise au niveau national. Le Maronite tout
comme le Chiite et le Druze est en difficultés financières et
n'arrive pas à acheter les produits en pénuries. Durant ces
dernières années, les libanais ont partagé non uniquement
les difficultés de la situation économique et sociale mais aussi
des sentiments de deuil pour les victimes des manifestations de 2019 et de
362Ibid., 00 :01 :37.
363 BRAIDY N., HIJAZI S., « Cartographie du vote de la
diaspora libanaise », L'Orient Le Jour, 21 Novembre 2021. [en
ligne] : Cartographie du vote de la diaspora libanaise - L'Orient-Le Jour
(
lorientlejour.com).
364 HOUSSARI N., « Les indépendants remportent les
élections universitaires libanaises », Arabnews, 16
Novembre 2020. [en ligne] : Les indépendants remportent les
élections universitaires libanaises | Arabnews fr.
365 Ibid.
96
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
la double explosion du port, des sentiments de fatigue et de
déception contre les dirigeants politiques et même des sentiments
de détresse. Il est vrai que la vraie réconciliation nationale
doit émaner du pouvoir pour être la plus efficace au niveau
juridique, social et politique, mais ne pouvons-nous pas considérer le
chagrin commun entre les Libanais comme un début d'une
réconciliation nationale ?.
« Notre détresse est la même, que le
disparu se prénomme Georges ou Ali, Mohammad ou Joseph
»366. Ces paroles d'une femme libanaise dont le
père a été enlevé durant la guerre civile montre
que le peuple libanais a toujours été uni sur les sujets
sensibles et douloureux. Les disparitions et les crimes de genre durant la
guerre civile ont touché des individus de toutes les confessions sans
exceptions, pareil pour l'explosion du port de Beyrouth. Les OSC des parents et
proches de ces victimes ne sont pas divisées en confessions, mais elles
sont mixtes sans même s'informer sur la confession de chaque membre.
Aujourd'hui, la crise socioéconomique flagrante dans laquelle passe le
pays rend tout le peuple victime et par la suite de plus en plus uni,
d'où le renforcement de la société civile libanaise. Cette
dernière travaille sur l'idée de montrer aux libanais qu'ils sont
tous dans la même détresse socio-économique et cela
à cause des dirigeants politico-confessionnels. D'après la Banque
Mondiale367 les dirigeants libanais n'arrivent pas à sortir
de la crise économique mais ils l'alimentent encore plus, alors le
Libanais perd de plus en plus de confiance en son chef politico-confessionnel,
d'une part parce qu'il observe que ce dernier n'arrive pas à
régler la situation et d'autre part parce que la société
civile le guide à se rendre compte de cela à travers des
campagnes de sensibilisation (émissions télévisées,
podcasts, films, événements, conférences, rapports,
publications, musique, dessins, etc.)
« En tant que société civile, je
rêve d'un Liban sans drapeaux politico-confessionnels, je rêve d'un
seul et unique drapeau libanais au-dessus des têtes des libanais
»368, ce rêve de l'activiste de la
société civile Rabih Sassine vise directement la fin de la
socialisation politique confessionnelle et l'instauration de la seule
socialisation politique nationale. Mais ce projet nécessite une
réconciliation nationale pour instaurer des directives claires de la
socialisation politique nationale au niveau éducatif, juridique et
social. Effectivement, chaque libanais qui s'oppose à son dirigeant
politico-confessionnel traditionnel prend un pas en avant vers une
réconciliation nationale et cela pour plusieurs raisons. D'abord au
niveau social, il s'oppose aux habitus (Bourdieu) traditionnels de sa
socialisation politique confessionnelle en les transformant en des habitus
d'une socialisation politique nationale, ce qui appauvri la socialisation
politique confessionnelle au profit de l'autre nationale et cela va influencer
son entourage et surtout le « fond de carte » (Percheron) de ses
enfants. Ensuite, au niveau décisionnel et politique, il s'oppose
à ses dirigeants politico-confessionnels, signifiant qu'il va voter aux
candidats indépendants de la société civile durant les
élections législatives, ce qui va
366 G.D, S.A.S., « Les familles des disparus appellent
à l'application de la loi 105 », L'Orient-Le Jour, 30
Août 2019. [en ligne] : Les familles des disparus appellent à
l'application de la loi 105 - L'Orient-Le Jour (
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367 BOHINEUST A., « Les dirigeants du Liban alimentent
son naufrage économique », Le Figaro, 01 Juin 2021. [en
ligne] : Les dirigeants du Liban alimentent son naufrage économique
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368 Interrogations du dimanche
électoral, « Rabih Sassine- Société civile», 15
Mai 2022, Zahlé, 00 :02 :24. [en ligne]:
https://drive.google.com/file/d/1EaHfqxO0fzNdLPz_BZlYWVVq4fENXjjL/view?usp=sharing.
97
Réconciliation et socialisation politique
après la guerre civile libanaise. HADDAD Nisrine, 2021-2022
donner plus de pouvoir aux opposants à la classe
politique traditionnelle pour prendre des décisions étatiques. A
travers ces décisions, une vraie réconciliation nationale peut
avoir lieux avec toutes ses formes théoriques (Partie IV, A.) sans
qu'elle soit freinée par un cercle vicieux (Partie IV,B.).
En d'autres termes, face aux crises actuelles et à
l'évolution progressive de la société civile libanaise,
deux travaux se font en parallèle qui peuvent briser le cercle vicieux
bloquant toute initiative de réconciliation nationale, d'une part la
socialisation politique confessionnelle se remplace par une autre nationale
à travers l'influence que transmet chaque citoyen opposé au
système communautaire clientéliste dans son entourage, et d'une
autre part le vote pour les candidats indépendants qui, suite à
chaque scrutin, va de plus en plus affaiblir le pouvoir décisionnel des
chefs politiques traditionnels vers une vraie réconciliation nationale
institutionnalisée (en parallèle aux petites initiatives faites
par les OSC).
« Lorsque j'étais enfant, les balles et les
mortiers tuaient en une fraction de seconde. Aujourd'hui, en temps de paix, on
meurt plusieurs fois par jour ». Cette douleur de Khaled Daaboul nous
mène à comprendre qu'aujourd'hui les chefs
politico-confessionnels sont plus que jamais en danger de perdre leurs places.
En 2018, la souffrance n'était pas aussi flagrante qu'aujourd'hui, alors
un seul candidat hors le système a pu gagner aux élections
législatives. Tandis qu'en 2022 la situation est plus difficile,
malgré la division et la fragilité de la société
civile libanaise face aux partis traditionnels, 16 candidats
indépendants ont pu avoir des sièges au sein du Parlement
libanais. Concernant les élections prochaines, plusieurs
hypothèses différentes peuvent avoir lieu. En étant
optimistes, nous pouvons considérer qu'avec les efforts de
développement de la société civile vers une meilleure plus
unie, accompagnés par ses campagnes d'influence et la dégradation
de la situation sociale, plus d'indépendants vont occuper des
sièges au sein du Parlement libanais. Tandis que si nous adoptons une
position pessimiste, nous pouvons considérer qu'une
société civile autant dispersée, mal organisée et
jeune (comparée aux partis politiques traditionnels) ne pourra pas
avancer dans les conditions contraignantes de clientélisme et de
communautarisme dans lesquelles se trouve le Liban.
Cette sortie du cercle vicieux libanais n'est pas sûre
et est extrêmement conditionnée. Au niveau temporel le changement
a besoin de plusieurs scrutins législatives si la société
civile arrive plus à s'organiser et à s'unifier face aux partis
politico-confessionnels maitrisant les modalités de fonctionnement de la
vie politique libanaise, et si elle continue à influencer le peuple
correctement sans être affectée et fragilisée par les
tentatives des partis politico-confessionnels de l'affaiblir. Georgio Ajamian a
confirmé que la société civile libanaise doit
impressionner les libanais pour qu'ils ne s'abstiennent pas de voter lors des
élections à venir : « Si un nombre de
représentants de la société civile arrive au parlement,
cela ne signifie pas que c'est le début du changement au Liban. Le
début du changement commence quand ces députés prouvent
qu'ils sont sur le bon chemin. Une fois cela est fait, je vote en 2026. «
they need to impress us »»369.
369 Interrogations du dimanche
électoral, « Georgio Ajamian, abstenu de voter», 15 Mai 2022,
Zahlé, 00 :07:09. [en ligne]:
https://drive.google.com/file/d/1ECxPgdNIHqAlzNQF0ZMdtNJf9wGMOnro/view?usp=sharing.
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Tessalit Productions, Ezkiel Film Production, Rouge International
DOUEIRI Z. (réalisateur), West Beirut, 1998, 3B
productions
LABAKI N. (réalisatrice), Et Maintenant On Va
Où?, 2011, Les Films des Tournelles
1
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Interviews faites au Liban :
Professeur Charbel Nahas : Etait
ministre des télécommunications en 2009 et ministre du travail en
2011. Fondateur du mouvement gauche Citoyens et citoyennes dans un Etat qui a
participé aux manifestations de 2019. Il est aussi professeur à
l'Université Libanaise et a un doctorat en anthropologie sociale.
Charbel Nahas - Wikipedia
Le 06/06/2022, Achrafieh à 08h30.
1. Le Liban est-il en état de paix ou bien de guerre ?
4 Le Liban aujourd'hui est en état de
paix. Mais dans la situation actuelle, la probabilité d'un
déclanchement d'une guerre civile est beaucoup plus élevée
que celle des années 70.
2. Après 32 ans, qu'en pensez-vous de la
réconciliation au Liban ?
4 La réconciliation n'est pas une
obligation ni quelque chose de naturelle. Ce n'est pas faux de ne pas avoir une
réconciliation
4 La réconciliation concerne
uniquement le niveau politique et si nous regardons aujourd'hui les
responsables, nous remarquons qu'ils se sont réconciliés entre
eux. Chaque parti politique considère le pays comme parfait. La
définition de la réconciliation est le fait d'organiser une
nouvelle situation politique ( Tartib Wade3 Siyasi Jadid)
4 Le Taëf n'est qu'une
formalité. C'est un arrangement formel fait pas
des Etats externes pour mettre en place une équipe
existante jusqu'à nos jours. « Organisation externe des chefs
apparents ». Le Taëf a mis 10 ans d'organisation consolatoire (tartib
tafawoudi), de 1983 jusqu'à 1992 (Genève, Laurraine etc.) avec
des blocages de partis politiques comme le courant national libre.
Effectivement en 1992, l'équipe a été créée
et non pas le Taëf.
4 La guerre civile libanaise n'est pas fini
par un vainqueur direct, mais les arrangements qui ont eu lieu
postérieurement (al Sin Sin) et autres sont le résultat des
travaux de l'Arabie Saoudite et de la Syrie (Etats-tiers).
3. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs de milices
en des Hommes d'Etat
4 Les chefs des milices du début de
la GC ne sont pas les même de la fin de la guerre. Au début de la
guerre civile on ne connait pas les responsables politiques actuels. Ce n'est
qu'avec le temps qu'il se sont apparus. Exemple : au début on avait
Kamal Jomblat et Pierre Gemayel tandis qu'à la fin Walid Jomblat et
Bachir Gemayel.
4. Concernant le peuple, la réconciliation ne le concerne
pas ?
4 La guerre civile libanaise est devenue un
mode de vie. Les partis s'organisaient entre eux pour savoir quand est-ce qu'on
attaquait ou pas. Evidemment il y'avait tout le temps des explosions de
voitures et d'enlèvements . Mais le peuple menait une vie quasi-normale.
On travaillait dans la journée et tuait les adversaires dans la nuit
.
4 Dr. Nahas a insisté que les partis
de la guerre entre eux n'étaient pas d'accord et n'étaient pas
organisés. C'était le bordel total.
4 Dr Nahas a dessiné une image globale
pour bien comprendre la situation sociale durant la guerre :
I. La guerre a duré 15 ans avec un financement externe
continu
2
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
II. Au bout de 15 ans, les gens ont vraiment marre. Ils
veulent juste que la guerre finisse en acceptant n'importe quoi pour finir les
voitures explosives et les kidnappes.
III. Concernant la mémoire, il existe deux types :
A. La mémoire individuelle (makmou3a),
opprimée. Dont les gens ne sont pas fières
B. La mémoire collective ou selon prof. Nahas «
institutionnelle ». C'est au pouvoir de la créer et ça
dépend de la formation du pouvoir (actualités + Mythes)
5. Pourquoi le pouvoir aujourd'hui n'est-il pas proche selon
vous de faire un travail de mémoire pour avoir une mémoire
collective commune et une histoire regroupant tous les points de vues ?
4 íáAáÇ
ãáÓáÇ +
ÉíÞÇËíã
4 Après la guerre civile il y'a eu
une scarification du concept de la paix civile et de l'accord entre tous. Dans
tous les discours on entend ces expressions sans autant les avoir. Ce sont des
légitimités considérées comme une priorité
sur l'Etat. « Char3iyat Ka2ima Kabl Al Dawla ». tant que ça
rentre dans les intérêts des partis politiques ces slogans sont
sacrés. Quand ce n'est pas le cas, il existe un droit coutumier à
l'opposition. Un droit au Veto.
4 Selon Prof. Nahas, la
légitimité politique libanaise existe à
l'extérieure de l'Etat libanais. (suite à la guerre civile
c'était la volonté des syriens).
4 L'histoire pour prof Nahas est la
réflexion de tout ce qui se passe. Déjà chaque
communauté enseigne son histoire chez elle.
4 Concernant le pouvoir, la
réconciliation est déjà faite. La coutume des
élections au sein du parlement même prouve cela. Le droit au Veto
prouve cela aussi. La coutume est plus importante que la constitution au sein
du pvr.
4 Toutes les négociations sont
bloquées parce que le droit au veto existe (7ak Al Naked). Quand les
négociations sont bloquées, les décisions sont au final
prises par 6 ou 7 députés.
4 Blocage -> la capacité
exécutive diminue -> la légitimité du pouvoir
diminue
4 Aujourd'hui on n'est ni en guerre ni
capable de rendre des décisions. On est en crise à cause de tout
cela
6. Qu'en pensez-vous du pouvoir de la Société
Civile aujourd'hui au Liban ?
4 Les plus fortes organisations de la
société civile aujourd'hui sont les confessions.
4 On a besoin d'un Etat Actif. On a besoin de la
légitimité d'un pouvoir civil et non pas de la
société civile.
íäÏãáÇ
ÚãÊÌãáÇ
Óíáæ
ÉíäÏãáÇ
ÉØáÓáÇ
ÉíÚÑÔ
Cela se fait par la coopération avec les confessions
3
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Docteur Fayez Mohamed Araji :
Professeur à l'Université Libanaise depuis 2013 et
à l'Université Américaine de Beyrouth (AUB) de 2010
jusqu'à 2020. Il est politiquement actif d'extrême gauche.
Lien de l'entretien :
https://drive.google.com/file/d/1D57da5PNK0N8XZkCQWsl7NrETHp1WqVR/view?usp=sharing.
Le 23/05/2022, Zahlé à 15h00
1. Le Liban est-il en guerre ou bien en paix ?
4 Le Liban n'a jamais été en paix
depuis sa naissance. Mais il
n'est quand même pas en guerre. On est en trêve
« ÉäÏA ».
4 Selon Dr. Araji, depuis la naissance du
Liban en 1920 jusqu'aujourd'hui, c'est la majorité confessionnelle
qui gère le pays. Il existe toujours une domination confessionnelle.
Même avant sa création, au mont Liban quand les druzes
étaient majoritaires il étaient dominants, après les
maronites sont devenus démographiquement majoritaires, surtout
après la création du Grand Liban. Aujourd'hui c'est la domination
chiite. Le problème réside ici. Le Liban a été
créé sur une entité (Kayan) confessionnelle et non pas
civile
4 Le problème réside dans la
création même du pays. Le Liban a été
créé confessionnellement. C'était la France qui a
créé le Liban avec une entité maronite (domination
chrétienne). La domination n'est pas démographique mais
confessionnelle.
4 Il a précisé que la Guerre
civile libanaise n'est pas internationale mais purement interne. Elle est
causée pour des raison économiques et sociales (en relation avec
la démographie). C'est la fragilité de la société
qui a causé la guerre civile libanaise.
4 Le Liban n'a pas connu plus que 15 ans de
trêve.
2. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs de milices
en des Hommes d'Etat ?
4 C'est la même chose depuis 100 ans
jusqu'aujourd'hui. Ils sont les mêmes qui font les guerres et
gèrent le pays
4 Les participants à la guerre ne
sont pas uniquement les milices. Des autres ont participés
financièrement et économiquement.
4 Durant la guerre civile ce ne sont pas
uniquement les Hommes d'Etat qui ont participé mais aussi les composants
du « Deep State ». En effet le pouvoir est dans les mains de l'Etat
Profond et non pas de l'Etat effectif apparent et choisi par le peuple.
3. Qui sont les composants du Deep State ?
4 Selon Dr. Araji, la décision
effective est menée par les composants de la Deep State : Les Hommes
religieux, les Banques, les Hommes de sécurité (Rijal Al Amen),
le média.
4 L'Etat profond prend son pouvoir des Etats
tiers. Sans support externe le deep state ne tient pas 4 C'est
normal dans un pays aussi petit que le Liban d'être trop influencé
par des pays tiers.
Surtout par la Syrie un grand pays voisin. Mais le
problème au Liban est que l'influence des
pays tiers n'est pas limité à la politique mais
affecte les détails socio-économiques.
4. Quelle sont les solutions économiques et sociales ?
4 Depuis la création du Grand Liban
nous avons le même système économique. Il est temps de
basculer vers un système communiste
4 Nous devons aussi basculer vers une
démocratie directe. Le référendum est une solution.
4
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
4 Ce système est un échec total.
Nous devons aller vers l'extrême opposé
5. Les minorités sont-elles en danger ?
4 Vu l'entité selon laquelle le pays
a été créé (Marouniye siyesiye), la division est
faite selon les pourcentages démographiques. Durant l'accord tu
Taëf, il y'avait 50% Chrétiens et 50% musulmans au Liban. Alors la
division était 50% des députés chrétiens et 50%
musulmans. Aujourd'hui la minorité est chrétienne, les musulmans
ont le droit de changer la division pour augmenter leur pouvoir
représentatif. => lacune dès la création !
4 Le plus grand danger est qu'il y'a
quasiment plus de Chrétiens autour du Liban. Ils diminuent
énormément. Les Chrétiens au Liban sont vraiment en
danger. Les Chrétiens Libanais ont une chance aujourd'hui de ne pas
faire les mêmes erreurs des Chrétiens autour. Aujourd'hui les
Chrétiens doivent utiliser le droit de Veto pour changer le pouvoir vers
un autre civil pour se protéger en tant que minorité.
6. Quelle est la procédure pour protéger les
Chrétiens?
4 Faire des projets de lois et aller jusqu'au
bout. Ne plus entendre les responsables religieux.
4 Les Chrétiens sont tellement une
minorité que sans la collaboration avec les Musulmans ils n'auraient eu
aucun député.
7. Les élections législatives ne forment-elles pas
une solution à la crise actuelle ?
4 Non. 55% du peuple n'a pas voté.
4 L'éducation politique dans ce cas n'a
rien à voir. C'est claire que l'existence chrétienne au
Liban est menacée. Même les gens qui n'ont pas eu
une éducation peuvent sentir le danger
4 Il n'est pas demandé que les gens
aient une éducation politique
8. Est-ce que la société civile peut changer le
pays ?
4 Dr. Araji considère que la
société civile au Liban est un bloc
hétérogène. Sur beaucoup de questions notamment celui de
l'accord avec Israël.
4 Il considère que la
Société civile forme plutôt une entité oppositaire
et non pas une opposition parce qu'ils ne sont pas d'accord entre eux. Pareil
pour les manifestations du 17 Octobre. « åáÊß
ÉÖÑÇÚã ÉáÊß
Óíáæ
ÉíÖÇÑÊÚÅ »
4 Uniquement 10 députés sont
vraiment des deep state. exemple Jamil Al Sayyed, Nabih Berri et Walid
Jomblat.
9. Où est-ce que la vraie solution commence ?
4 Par l'éducation civique à
l'école. On doit apprendre aux enfants que l'histoire libanaise n'est
pas uniquement l'histoire du mont Liban.
4 On doit se mettre d'accord sur une histoire
commune. La guerre s'est arrêtée parce que le financement s'est
arrêté. Des bourses ont été données aux
jeunes pour les tirer du terrain et les armes se sont arrêtées
d'être fournies. Alors les trois éléments qui forment la
guerre n'existent plus.
4 Personne n'a gagné la guerre ce qui
est bien! comme ça le vainqueur n'écrit pas uniquement
l'histoire
4 La mémoire collective est
très importante pour la réconciliation. Au Liban tout le monde
est sorti en considérant qu'il n'a pas tort. Le concept de martyre est
confessionnel . Nous devons trouver justice, nous devons identifier qui est
coupable.
4 Le peuple libanais est un peuple
schizophrène. (auteur français)
4 Il existe une cumulation historique
cédée aux générations selon la région
libanaise. La solution est de parler ! nous avons une
société de guerre
4 La réconciliation se fait par 3
étapes : 1. Identifier les raisons de la guerre, 2. Identifier les
coupables, 3. Justice et dialogue
5
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
4 La solution aussi est de recréer des
groupes laïques et non pas « civils ».
4 La dernière solution selon Dr. Araji
est la démocratie directe, le référendum. Comme ça
le peuple sera responsable des décisions.
Mr. Dany Fayad : Assistant du
Secrétaire général des affaires provinciales de la Bekaa
au sein des Phalanges Libanaises « Kataëb ».
Les Phalanges Libanaises sont un parti politique
essentiellement chrétien qui a été fondé par
Cheikh Pierre Gemayel, Najib Acouri, Georges Naccache, Charles
Hélou, Hamid Frangié et Chafik Nassif en 1936. Il a lutté
pour l'indépendance du Liban en 1943, s'est militarisé en 1975,
et fait partie du pouvoir d'aujourd'hui sous la direction de son
président Cheikh Sami Gemayel.
Lien de l'entretien :
https://drive.google.com/file/d/16nZnYaHLjcFbcHUl9FAAMxeLz28jvWIB/view?usp=sharing.
Le 19/05/2022, Zahlé à 18h00
1. Le Liban est-il en guerre ou bien en paix ?
4 D'un point de vue militaire nous ne sommes
pas en guerre. Mais nous n'avons pas une situation stable. D'un point de vue
économique et sociale les facteurs déclencheurs de la guerre sont
présents. C'est similaire à la situation des années 1970.
Nous sommes en situation de paix apparente et fragile.
2. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs des
milices en des Hommes d'Etat ?
4 Les princes de la guerre « Oumaraa Al
Hareb » ont mis à part leurs vêtements de milices et les
ont remplacés par des chemises et des
cravates. Ce sont les mêmes qui ont signé le
Taëf et la nouvelle constitution du Liban. Même
la distribution des chaises après les dernières
élections montre les mêmes visages.
3. Vu que les chefs des milices sont au pouvoir aujourd'hui,
alors ils ont été voté par le peuple. Est-ce que le
pouvoir libanais représente l'opinion publique ?
4 Ça dépend des
communautés. Par exemple pour les Chiites ils étaient
obligés de voter pour le couple chiite pour des raisons
financières et religieuses (les Fatwas).
4 Chez les Chrétiens il y'a eu
plusieurs questions concernant les résultats. On a vu une tricherie dans
les additions des nombres de votes.
4. Pensez-vous que la réconciliation est possible
entre les anciens ennemies de la guerre après 32 ans de la fin de la
guerre civile ?
4 « J'ai peur de dire non
». avant les élections il y'a eu des compromis entre ces
différents partis et ont reparti les « portions du fromages
» entre les secteurs. Malgré la réussite de quelques
délégués de la révolution du 17 Octobre, il y'avait
quand même un compromis entre les grands joueurs (Hezbullah, Amal, les
Forces Libanaises, le Courant National Libre, le Courant Futur, etc.)
5. Concernant la réconciliation entre le peuple ?
4 Après 32 ans de paix, le temps a
dépassé cela. Surtout avec l'existence des mêmes chefs au
pouvoir.
6
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
6. Votre parti a participé à la guerre civile
et se trouve aujourd'hui au pouvoir, il est même actif politiquement et
socialement. En critiquant cette « division du fromage », je n'ai pas
pu m'empêcher de demander comment vous critiquez quelque chose dont vous
en faites partie ?
4 « nous avons participé à la guerre
civile et nous étions les premiers à le faire pour se
défendre et non pas pour attaquer. C'est une légitime
défense face aux Palestiniens et les Syriens avec des autres nations qui
ont essayé de nous jeter à la mer. C'était dit par Kamal
Joumblatt « badna nkeb el masihiye bel baher» «
ÑÍÈáÇÈ
ííÍíÓãáÇ
Èßä ÇäÏÈ ».
4 « Nous n'avons attaqué personne, nous ne
sommes pas partis en Palestine pour envahir Jérusalem, ni en Syrie pour
envahir Damas. Nous étions là, ce sont eux qui sont venus. On a
défendu notre terre et en plus c'est notre civilisation et notre mode de
vie »
7. Ensuite vous avez transformé cette lutte armée
en lutte électorale ?
4 C'est un parti libanais qui a participé et a
contribué à mettre des lois et des établissements dans
l'Etat. Par exemple la caisse nationale sociale, la loi protégeant les
enfants et les femmes etc.
4 Nous ne sommes ni droit ni gauche. Les phalanges sont fait
pour rapprocher les points de vues des deux constituants des pays. Avec le
temps nous ne sommes transformés en parti politique et social.
4 Nos députés sont élus par le vote des
partisans. Nous ne sommes pas sur la même liste que les autres
8. Vous vous considérés comme une partie de la
Société civile libanaise ? 4 Il y'a des groupes qui ont notre
même langage politique et vision socioéconomique. Comme par
exemple la question des armes illégales existantes sur notre
territoire.
9. Vous êtes avec la paix avec Israël ?
4 Pour le moment ils sont les ennemies. Pour l'avenir Mr. Fayad
est avec la paix
10. Pensez-vous que l'éducation politique existe au Liban
?
4 Non. Dans les écoles du Hezbollah il apprennent les
hymnes du Khomeini avant l'hymne du Liban. Nous avons besoin d'une
éducation nationale civique avant tout
11. Concernant le traumatisme de la guerre transmis aux
jeunes, devons-nous parler de la guerre ou bien oublier ?
4 Nous ne devons pas oublier la guerre ni parler trop de
détails. Nous devons dégager des conclusions. L'esprit de la
vengeance contre les responsables de la mort des membres de la famille est
là. Nous devons savoir que le Liban ne se remettra pas debout si nous ne
sommes pas unis
12. Quelle est la procédure pour cette unification ?
4 Une table ronde. Pour discuter la base d'un Etat moderne
avec une nouvelle constitution. Nous devons mettre à part les
armés, c'est l'égalité qui va être le facteur
essentiel d'une phase transitoire du Liban qui souffre maintenant.
4 C'est un cercle vicieux. Les partis selon Mr. Dany ne vont pas
mettre à part leurs intérêts.
7
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Mr. Walid Fahd Zeitouny :
Général de brigade retraité de l'armée libanaise
qui a participé à la guerre civile. Ayant un diplôme
d'études approfondies en sociologie politique de l'Université
Libanaise, il enseigne la géopolitiques et la géostratégie
à l'Université même. Il est membre du Parti Social
nationaliste syrien (PSNS) et a occupé plusieurs positions cadres
notamment Doyen de la Défense et vice-président.
Le PSNS est un mouvement politique libanais et syrien
fondé au Liban par l'intellectuel Antoun Saadé à partir
des années 1930. Ce parti crée sa milice et participe à la
Guerre civile libanaise et Syrienne. Après la guerre civile libanaise en
1990, ce parti envoi quelques députés au parlement et
intègre le gouvernement libanais. Il est considéré comme
néofasciste par de nombreux politologues et analystes.
Lien de l'entretien :
https://drive.google.com/file/d/1Bln7ga1OKgiaXjqD
n0DIn8TDiQuItU/view?usp=sharing.
Le 20/05/2022, Mreijat à 10h00
1. Le Liban aujourd'hui est en état de guerre ou bien
en état de paix ?
4 Le système politique libanais est
fondé sur « ÉíÆÇØáÇ
åíÞÇæÊáÇ » « le
compris confessionnel ». Pratiquement, au premier différend, il
y'aura une guerre. Exemple 1943, 1952, 1975 et en 2008 il y'avait un
début d'une guerre. La guerre au Liban est quasiment toujours
existante
4 Le problème est que toutes les
confessions libanaises sont liées à des pays tiers. Et la guerre
s'arrête selon les intérêts des partis confessionnels et de
leurs supports externes.
4 La laïcité positive est la
solution ( la séparation entre l'Etat et la religion). On doit
créer un Etat. Le Liban n'est pas un Etat mais une entité. C'est
au peuple de créer l'Etat du Liban.
4 L'opposant est considéré comme
ennemie. C'est un autre problème
2. Comment la guerre a commencé ?
4 Comme déjà mentionné,
nos partis politiques servent les intérêts des autres Etats au
Liban. Ghassan Toueini considère que c'est la guerre des autres sur
notre terrain, Dr. Zeitouny considère que c'est la guerre des autres et
la nôtre sur notre terre. Les libanais aussi ont fait la guerre et y ont
participés.
4 Même la question palestinienne et
syrienne est une question confessionnelle. La guerre civile a commencé
parce que chaque confession ne voulait pas que l'autre augmente
démographiquement. Les Chiites ont profité de ce conflit pour se
renforcer (Moussa al Sader)
4 Israël est rentrée sur demande de
la Résistance libanaise (les partis chrétiens) 4
Après le Taëf, les sunnites sont sortis comme
vainqueurs.
3. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs des milices
en des Hommes d'Etat ?
4 Les administrations miliciennes sont
transformées en administrations étatiques. Pour Mr. Zeitouny il
n'existe pas de partis politiques au Liban parce que les partis politiques
doivent avoir comme priorité le citoyen et non pas la confession.
4 Nous n'avons pas des Hommes d'Etat mais des
Hommes de milices qui sont rémunérés par l'Etat pour la
guerre et se comportent au sein de l'Etat toujours comme des miliciens sans
exception. « même nous »
8
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
4. Est-ce que vous trouviez que la réconciliation peut se
faire après 32 ans ?
4 Selon Mr. Zeitouny, la vraie question est
de savoir si la réconciliation est un résultat ou bien une
base.
4 Pour lui le Liban n'a jamais
été une nation. A cause des tensions confessionnelles existantes
même durant l'occupation ottomane. Pour régler les tensions, les
grands Etats ont toujours réglés les problèmes par des
solutions plus confessionnelles. Ce qui a mené à un manque de
structure sociale
4 Le Liban ne peut avoir une
réconciliation à cause du manque de structure sociale dans le
pays du à son histoire et interventions externes.
4 Le grand Liban de 1920 est le
résultat de Sykes-Picot, c'est le résultat de personnes et non
pas d'une nation.
4 La mémoire collective ne peut se
faire parce que déjà ça fait longtemps que la guerre est
fini. Le langage des gens aujourd'hui est beaucoup plus raciste et
sévère qu'avant.
5. Quelle est la solution ?
4 La solution est l'éducation. Les
élèves doivent apprendre les valeurs et leur identité
effective.
4 Identité ? Il existe 5 lectures
concernant l'identité libanaise. (lecture islamique (le Liban fait
partie des Etats islamiques), la lecture Arabe proche de la lecture islamique,
kira2a kayaniya lecture d'entité (qui ont accepté la division de
la France et des anglais), la 5eme lecture est celle du PSNS, définition
objective et non pas subjective).
4 La définition de la nation n'est pas
acquise au Liban
4 Le changement doit être
organisé ! la société civile aujourd'hui n'est pas du tout
organisée et ses actions s'opposent à ses idées.
4 Nous devons contrôler le media et
unifier les programmes scolaires. Les écoles sont devenues
confessionnelles.
6. Devons-nous se souvenir de la guerre ou bien l'oublier ?
4 Nous devons en parler pour le bien de
l'Etat, les citoyens doivent eux même détester la guerre et
écouter ce qui s'est passé pour éviter de la
répéter
7. En tant qu'Ex-combattant est-ce que vous êtes
reconcilié avec vous-même et votre entourage ?
4 « quand j'ai combattu
j'étais convaincu, jusqu'aujourd'hui je suis convaincu ». j'ai
protégé ma ville. Je suis druze et j'ai protégé ma
ville maronite de tout coeur. C'est l'éducation civique que mon parti
politique m'a appris et dans les écoles nous devons faire apprendre aux
élèves d'oublier la socialisation politique de leurs
régions.
8. Par quelle initiative devons-nous atteindre la
réconciliation ?
4 «al mousala7a bilebnen hiye to7dir la
7arb jdide», « la réconciliation au Liban est la
préparation d'une nouvelle guerre ».
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Mme. Dima Abou Daya :
Candidate indépendante pour les élections législatives de
2022. Dima est la première femme chiite qui candidate pour le
siège du député chiite représentant la Bekaa en
faisant partie d'une liste électorale d'un parti d'extrême droite
chrétien (Les Forces Libanaises).
Les Forces Libanaises est un mouvement créé
durant la guerre sous forme de milice chrétienne pour unifier les partis
combattants contre l'existence palestinienne au Liban. Il a joué un
rôle majeur durant la guerre civile. Quand cette dernière fu
terminée, ce mouvement s'est transformé en parti politique. Ce
mouvement est officiellement laïc mais effectivement sa composition a
toujours été majoritairement chrétienne et surtout
maronite.
Lien de l'entretien :
https://drive.google.com/file/d/15jm8LoDxNV33Vb1CWMl5myrnR--
SyEZK/view?usp=sharing.
Le 23/05/2022, Zahlé à 10h30
1. Pourquoi en tant que Chiite avez-vous candidaté aux
élections
législatives dans la liste des Forces Libanaises
ex-milice chrétienne de la Guerre civile ?
4 « Le système
électoral confessionnel non démocratique au Liban oblige que tu
sois dans une liste même si tu es indépendante. Alors j'ai
cherché la liste la plus proche de mes pensées et de mon
idéologie, et je me suis candidatée comme indépendante sur
cette liste »
4 Pour dima, les FL avaient un programme sauveur
du Liban dans cette crise actuelle. Dima a trouvé le programme des
Forces Libanaises très convenable pour le futur du pays.
4 Nous nous sommes rencontrés avec les FL
sur le concept de la souveraineté
2. Le Liban est-il en paix ou bien en guerre ?
4 Nous sommes en blocus économique et
en guerre non déclarée. La guerre aujourd'hui est contre
l'oppression existante et sur l'opinion publique kidnappée et pour
l'identité libanaise perdue
3. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs de
milices en des hommes d'Etat aujourd'hui ?
4 Le sujet de la Guerre civile est vraiment
sensible pour moi parce que ma famille a été obligée
d'immigrer 3 fois. C'est un sujet tellement pénible.
4 Si nous cherchons dans l'histoire nous
perdons la géographie du pays. La page de la guerre doit tourner.
4 Les chefs aujourd'hui sont venus comme
résultat de la volonté populaire. Si aujourd'hui nous ne sommes
pas satisfaits, nous devons savoir exactement de quoi avons-nous besoin et de
changer.
4. Pour savoir de quoi nous avons besoin nous devons
éduquer le peuple politiquement non ? 4 Dima a
répondu qu'elle a deux enfants, le plus petit a commencé à
apprendre dans un livre
d'éducation civique. Mais son petit mémorise
sans apprendre. Dima trouve que nous devons
changer la façon dont on enseigne cette
matière.
4 Dans les universités nous devons avoir
des formations de jeunes pour planifier le futur.
4 Dima va créer une NGO pour
développer les pensées des jeunes d'une manière souple
pour rentrer dans les cerveaux et coeurs des jeunes pour accepter les
autres.
9
5. Sans réconciliation peut-on planifier comme vous venez
de dire ?
10
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
4 Ma réconciliation c'est le fait
d'avouer que vous avez commis des crimes, comme ça on réouvre des
blessures. Nous devons nous mettre d'accord sur le fait que nous sommes tous
libanais sans remettre nos enfants dans ces douleurs. Nous avons tous dans nos
maisons des photos de martyrs et des personnes cicatrisées comme son
papa.
4 « Que devons-nous écrire ?
que nous nous sommes entretués pour des raisons confessionnelles ?
écrivons les leçons tirées de la Guerre civile sans
rentrer dans les détails »
6. Concernant le traumatisme cédé d'une
génération à une autre, par la discussion peut-on
régler cela ?
4 C'est une culture et une éducation
civique. Tout dépend de ce qu'on dise à nos enfants. Il y'a une
différence entre le fait de dire à mon enfant « ton
grand-père a été tué par les autres » et
de dire « au Liban il y'avait une guerre, mais aujourd'hui nous devons
créer un Liban qui nous ressemble tous en tant que LIBANAIS
»
4 Le système confessionnel a
intérêt de garder cette mentalité confessionnelle
approfondie pour protéger les partis
4 Pour Dima le Taëf est très
bien mais il n'est pas appliqué. Nous devons appliquer la loi.
4 Pour Dima nous devons appliquer le
Taëf pour après changer ce système. En d'autres termes nous
devons nous mettre tous à pied d'égalité pour surpasser
tout cela.
7. En tant que femme libanaise qui révolte contre sa
société chiite régionale, avez vu connu beaucoup de
harcèlement ? est-ce que tout cela a été une motivation ou
bien une démotivation ?
4 J'ai connu toute forme de
harcèlement. Sur les médias, j'ai été suivie par
des voitures la nuit, ma grande famille m'a reniée, j'ai
été menacée plusieurs fois. Mais tout cela m'a
motivée encore plus. Evidemment dans des certains temps j'avais peur
parce que j'ai des enfants.
4 Mais « quand ton discours est
national et non pas confessionnel la mission est difficile, quand ton discours
n'appartient à aucun parti politique, la mission est beaucoup plus
difficile ».
4 Ma grande famille a déclaré
que je ne faisais plus partie de cette famille. c'était la
première réaction. Après sur les réseaux sociaux
j'ai reçu des messages et j'ai même lu des postes qui montrent
qu'une femme ne doit pas gouverner ou guider politiquement. Même les voix
préférentielles sont plutôt orientées vers les
hommes parce que notre société a plus de confiance en les hommes
que les femmes.
4 Même mes enfants à
l'école ont connu le harcèlement.
8. Est-ce que vous avez un nouvel espoir après les
élections législatives ?
4 J'étais extrêmement
satisfaite des résultats. Aujourd'hui au parlement la majorité
n'est plus rattachée
9. Parlons de la socialisation politique. Vous venez d'un
entourage chiite ?
4 Oui. Malheureusement nous n'avons pas le
choix au Liban de choisir. Je suis née dans un entourage chiite mais
heureusement mes parents étaient laïques. Ils croyaient en Dieux,
mais la religion doit rester dans la maison et non pas à
l'extérieur.
10. Quel est votre conseil aux jeunes libanais aujourd'hui face
à la pression sociale ? 4 « révoltez et
confrontez ».
11. Après le changement, est-ce que les partis
politiques qui étaient des milices doivent rester au pouvoir ?
4 Les FL ont lâché leurs armes.
Leur leader Samir Geagea s'est excusé et s'est
emprisonné. 4 A long terme Hezbollah doit faire
pareil. On ne peut pas parler si un des deux tient l'arme.
4 Dima est contre l'annulation ou l'abolition.
La démocratie est que tout le monde soit représenté.
Tout le monde doit participé au dialogue et en
discuter.
11
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Mr. Alain Mounayer : Elu comme
candidat du comité de direction du syndicat des professeurs au secteur
privé, trésorier du syndicat représentant les Forces
Libanaises, consultant du responsable des Forces Libanaises dans la Bekaa,
Monsieur Alain, un enseignant en mathématiques depuis plus que 30 ans
à l'école complémentaire et secondaire des Soeurs des
Saints-Coeurs Zahlé. Il était bénévole à la
Croix Rouge durant la guerre civile tandis que son frère combattait avec
les Forces Libanaises. Il a perdu des martyrs de la famille notamment ses deux
cousins proches.
Lien de l'entretien :
https://drive.google.com/file/d/1FqeRNEOOl3iPkd9Iom9Xuts277aKduc/view?usp=sharing.
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Le 27/05/2022, Zahlé à 10h30
1. Le Liban se trouve-t-il en état de paix ou bien de
guerre ?
4 Le Liban est en état de guerre. A
cause du manque de stabilité
sociale et politique et à cause des armes
illégales partout.
2. Qu'en pensez-vous de la transformation des milices de la
guerre civile libanaise en des partis politiques ?
4 Il fallait avoir des reformes avant cette
transformation. On ne peut pas les laisser en dehors de la vie politique. La
lacune réside dans la façon dont ces milices ont
été intégrées. Ils ont envahi les institutions
étatiques et l'ont transformées pour servir leurs propres
|
intérêts miliciennes.
|
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3. Les Forces Libanaises, dont vous êtes responsable,
était une milice durant la Guerre Civile. Ne pensez-vous pas qu'ils font
partie de ces milices qui ont transformé les institutions
étatiques pour servir leurs intérêts ?
4 Non au contraire, les Forces Libanaises
n'en font pas partie de ces partis qui ont corrompu les institutions
étatiques. La preuve réside dans le fait que nous étions
persécutés pour 15 ans jusqu'en 2005 (thawrat al arez), la
Révolution des Cèdres.
4 Peut-être que si on a pu
intégrer les institutions juste après la guerre comme les autres
milices, on aurait pu le faire d'une autre façon non corrompue.
4. Ces partis politiques gagnent chaque 4 ans, ce qui montre
que c'est la volonté du peuple non ?
4 La loi électorale n'est pas
totalement démocratique mais beaucoup mieux que la loi d'avant (Kanoun
Al 60) où les responsables des milices pouvaient faire gagner qui ils
voulaient. C'est la minorité chrétienne qui était le plus
en danger avec la loi précédente.
5. Est-ce que la réconciliation est toujours probable
après 32 ans depuis la fin de la guerre civile ?
4 Bien sûr. La réconciliation
ne se fait que par un congrès (conférence) national. Au lieu
d'avoir « folkloriquement » une table ronde, nous devons avoir un
vrai débat national.
4 Sachant que les FL sont la seule partie
participante à la guerre qui s'est publiquement excusée.
4 Nous devons sortir de la société et revenir
à soi-même pour décortiquer l'extrémisme
confessionnel.
6. Est-ce que vous êtes vraiment laïcs en tant que
parti politique ?
4 Pratiquement, quand monsieur Alain
représentait les FL au sein du syndicat des enseignants, il n'a jamais
remarqué que les FL différenciaient entre les confessions et leur
parti. Il n'a jamais reçu des ordre des responsables à «
Maarab ».
4 Mais il a insisté que pratiquement ils
sont des Chrétiens.
12
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
4 Zahlé est une ville des FL parce que
ses principes et valeurs ressemblent à celles de ce parti. N'oubliez pas
que les jeunes de Zahlé ont arrêté leurs études pour
défendre leurs familles et leur ville. (SOCIALISATION POLITIQUE).
4 « Vous ne pouvez pas demander aux
forces libanaises de laisser tomber leur volet chrétien quand il
n'existe pas un vrai pouvoir juridique au Liban. Aujourd'hui nous ne pouvons
pas avoir une réconciliation si le pouvoir juridique n'arrive pas
à sauver le pays »
7. Les jeunes des Forces Libanaises considèrent que
l'idéologie de votre parti est d'avoir une supériorité
chrétienne au Liban, est-ce que c'est dû à un manque
d'éducation politique au sein de vos jeunes ?
4 Nous ne sommes plus dans une époque
d'idéologies mais de valeurs. Aujourd'hui nous n'avons plus besoin
d'idéologies.
8. Est-ce que le Hezbollah est du terrorisme ?
4 Oui. Parce que le financement de ce parti
est de l'extérieur. Et il utilise son pouvoir pour causer l'horreur chez
les gens.
9. Vous étiez considérés comme des
terroristes durant la Guerre Civile, c'est pour cette raison
que votre fondateur Bachir Gemayel n'est pas mentionné
dans aucun article international.
4 C'est vrai. Parce que à
l'époque la communauté internationale empathisait avec les
palestiniens. Cette cause a échoué après
l'opération Ain Taba et Munich jusqu'à les années 2000
quand une photo d'un militaire israélien tapait la main d'un enfant
palestinien qui tenait une pierre.
4 C'est cette photo qui a
redéclanché la cause palestinienne.
4 « nous n'étions jamais la
cause de la guerre mais toujours en Etat de défense »
4 « Notre cause n'a pas fini mais
elle vient de commencer dans le but d'avoir 3 choses : plus d'armée
illégale, impartialité et pouvoir juridique indépendant
».
10. Comment pouvez-vous prouver que le Hezbollah est du
terrorisme si son allié est maronite ?
4 Nous devons prouver son
illégitimité. Nous sommes la force du peuple sur le terrain
« Nabad Al Chare3 ». Je parle des Chrétiens parce que j'en
suis un mais nous représentons tout le monde. 4 Ce sont
les gens qui jugent.
11. Comment vous gérez entre votre poste d'enseignant
et votre poste de responsable politique ?
4 Toute ma vie durant mes cours je n'ai jamais
montré une appartenance politique à un parti.
4 Même si j'ai un seul
élève qui est contre mes croyances politiques, je n'exercerai
jamais le harcèlement à son égard
12. En tant que papa, as-tu affecté les avis politiques
de tes enfants ?
4 Monsieur Alain a expliqué que Jad
son fils travaillait avec les indépendants à l'université.
Il a mené une bataille électorale très
sévère au nom de la société civile et des
indépendants. Ceci lui a rendu très fière
13. Avez- vous des martyrs dans la famille ? avez-vous
participé à la guerre ?
4 Oui. J'ai deux cousins qui se sont
assassinés.
J'étais bénévole à la croix rouge
durant la guerre mais par contre mes frères y ont participé.
13
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
14. Est-ce que vous êtes réconciliés ?
est-ce que vous avez transmis quelques traces de la guerre à vos enfants
?
4 Les FL ont initié une
réconciliation. Notre leader Samir Geagea s'est publiquement
excusé pour les horreurs de la guerre
4 « quand la personne est
éduquée sur les valeurs et le concept de la
réconciliation, tout cela n'est que du passé »
4 Mon papa me disait toujours «quand
quelqu'un critique les Islams devant toi, souviens toi de la belle voix du
Muezzine» « même durant la guerre j'avais la
réconciliation dans mon coeur malgré la forte volonté de
tuer pour protéger ma maison ». « la
réconciliation est un mode de vie, c'est une éducation à
la maison et à l'école ».
4 « Quand j'étais
responsable de la télécommunication à la croix rouge,
durant la guerre, j'ai reçu un appel d'une dame de Saadnayel
(région musulmane) qui nous suppliait de prendre sa fille à
l'hôpital à cause d'une méningite. Elle est arrivée
chez nous en nous suppliant, j'ai appelé le responsable et il m'a
défendu de prendre la fille. Malgré tout j'ai pris la fille et sa
maman à l'hôpital », « j'ai été
suspendu après cela mais avec fierté ».
15. Nous savons qu'au Liban nous n'avons pas cette
mentalité ni cette éducation, nous n'avons pas d'histoire
commune, alors chaque enfant connait la version de ses parents. Comment
pouvons-nous traiter cette forte socialisation politique ?
4 Le problème de l'histoire commune
est que nous devons écrire l'histoire avec objectivité. Nous
devons l'écrire avec les faits et non pas les conclusions et les
interprétations.
16. Sommes-nous dans un cercle vicieux ?
4 Le jour où il y'aura une
conférence nationale, en décidant l'impartialité du Liban,
c'est le jour ou la réconciliation commence.
4 Aujourd'hui nous ne pouvons pas initier
cette conférence sans avoir des vraies institutions juridiques et
policières
17. Est-ce que c'est une guerre asymétrique entre
l'opposition et le Hezbollah ?
4 Je ne considère pas cette guerre
comme asymétrique mais comme une guerre entre celui qui a raison et le
fautif. Par la suite c'est nous qui sommes les plus forts même si il y'a
l'Iran derrière le Hezbollah.
4 La décentralisation administrative
est le but actuel des Forces Libanaises. Nous sommes avec la
fédéralisation du Liban. La fédéralisation ne
signifie pas renforcement des partis droits. Au contraire, c'est une
cohabitation. La première étape est d'éliminer l'arme
illégale du Hezbollah.
14
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Mr. Maxwell Saungweme : Originally
from Zimbabwe, Maxwell is a country Director in Lebanon and Syria for in
international NGO called Search For Common Ground. He has served this NGO for
26 years and has been in Lebanon for 2 years. Maxwell has vast experience in
the following program thematic sectors: social justice, peacebuilding, conflict
transformation; prevention and transforming violent extremism and many
others.
Lien de l'entretien:
https://drive.google.com/file/d/1w8kx1wWWKBOc1vd7Kym2FYXZx9Bk5xci/view?usp=sharing.
Le 24/05/2022, Siège de Search For Common Ground- Beyrouth
à 15h00
1. According to you, is Lebanon presently at peace or at war?
4 We can say that Lebanon is at peace with
the absence of war and violence. To some extent it's at peace
4 But looking at the difficulties and
unsolved issues, we can also say that Lebanon isn't at Peace, so we could
describe it as negative peace.
4 Despite of the economic and social crisis
there haven't been any violence and conflicts, which shows that Lebanon is
very resilient and that interests Mr. Maxwell.
2. Since 1975 until today, Lebanon has seen a lot of tension
and conflicts. Due to lack of reconciliation, children are more affected by
this war than their parents. Why do you think that reconciliation initiatives
have failed?
4 The problem in the Lebanese system is that
people are divided. But there are encouraging events outside of these tensions
you just mentioned. Every time Lebanese protested against social and economic
issues, they are doing It regardless of their religious identities, which means
that young Lebanese are developing identical identities instead of moving away
from the whole divided lives and identities.
4 It is very important that young people are
developing dimensional identities. That is very important.
They aren't considering their ethnic or religious groups but are only focusing
on the common problem.
4 Developing multidimensional identities is
something very positive and important in the middle east especially in Irak and
Lebanon. And that is a goal of SFCG's many goals. Developing multidimensional
identities means that people are not looking at things just from their narrow
identities.
3. What's Search For Common Ground's plan facing all these
complexities towards peace building and reconciliation?
4 what SFCG is trying to do is work on young
people who are going to become the future leaders of Lebanon. We are trying to
work on developing multidimensional identities and the ability to live in
diversity.
4 There are different approaches and we use
one of them and it is «common ground approach», how the diversity is
a point of strength to unity and leading towards each other rather than
dividing.
4 When trying to address identities in a
group, we figure out a lot of things in common. So what SFCG is trying to do is
to use the common identified as entry points to find common grounds and to
address it deeper and serious issues that we live in Lebanese societies
4. We all know that in Lebanon we don't have a common story,
how are we able to achieve reconciliation if we don't agree on a common story
to teach our kids at school? We usually know that the winner writes the story,
in Lebanon we don't have a winner
15
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
4 One of Search's philosophies is that it is
possible for everyone to win. Our approach is «no one should lose in order
for someone to win»
4 So we can always use the
«win-win» solutions. We believe that that is possible in the case of
Lebanon. We have to invest in the memoire and in the memorialisation problems
where people find their history and people tell their stories. Maxwell thinks
that «if there is an open and serious memorialisation program,
where people can say out their minds, people can actually realize that it's
possible for all Lebanese to win and no one has to lose»
5. What type of reconciliation do you think suits best the
situation in Lebanon?
4 What is needed depends on the Lebanese.
What is needed is to create a platform where all stakeholders come and agree.
In the end people need to emphasise empathy and to understand why different
groups prefer different ways to reconciliation and then find a common
ground.
4 There's always a possibility of finding a
common ground if a proper facilitator facilitate this. No one said that only
one way of reconciliation should be used in Lebanon. We just have to find a
common ground between all groups.
6. The reconciliation initiatives should be taken by whom?
The Lebanese themselves? External NGOs or other countries?
4 The process relies on a credible
convenance to begin with. It should be someone respected by all parties and
someone who is able to understand.
4 But for any reconciliation process to
succeed, it should be driven by the Lebanese and the locals not by foreigners.
As much as foreigners and international NGOs can play in that field, they can
only support and facilitate, but for the process to really work we need the
Lebanese's will.
7. As an international peace building NGO in a corrupted
country, people take you for granted. What are the challenges you face ?
4 In terms of peace building, as SFCG we
manage to achieve small successes while working with communities. We've also
tried to work with the government like the ministry of justice, the internal
security forces and others. There are a lot of challenges but Samwell sees all
that as appetite and demand within communities and within the government.
4 «While working with the government we
saw government agents criticising the government, this showed me that people
really want to change». Lebanon isn't the worst in terms of challenges.
The Challenges in Lebanon are around the things they say and transparency, our
resources, whether you side the memorials in the government, whether the
commitment is maintained. The fast change in the state institutions is also a
challenge. One day you meet a responsible the next day he has changed.
8. Do you prefer working from the bottom up or the top down?
4 This approach is used by SFCG. We
basically work bottom up and we have realised that for us to succeed we have to
work with decision makers.
9. How long have you been working in Lebanon? What's your
evaluation to the development of reconciliation and of your work? Have you seen
some positive results or is it blocked?
4 For Search since 1996 and in Lebanon 2
years.
4 Before 2020 I could point to some progress,
but these two years in Lebanon have shown a very difficult time in terms of the
economy and the covid-19. So it have been very difficult to the government to
deal with it and it was very difficult for us to measure progress
4 If we look at some of the things, on a very
local level we made some progress.
16
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Mr. Hussein Chokr : «
Hussein is a Beirut-based conflict analyst on Lebanon and Syria at Search for
Common Ground. He was previously a Governance Researcher at the United Nations
Economic and Social Commission for Western Asia, and Research Fellow at the
Institute for Near and Middle East Studies at the Ludwig Maximilian University
of Munich. His interests include the political economy of Syria and Lebanon,
with a focus on governance and public policy»1
Lien de l'entretien:
https://drive.google.com/file/d/1FgHvoSunbKmezZR2nNBZEGixxvr43Jwb/view?usp=sharing.
Le 24/05/2022, Siège de Search For Common Ground- Beyrouth
à 15h30
1. Hussein vous étiez pleinement actif dans la
société civile libanaise, pourquoi vous en êtes plus ?
4 « Je n'ai plus trouvé une
ressemblance avec les groupes de la société civile libanaise
».
4 « je risquais de mettre mon
effort dans le mauvais chemin et avec la mauvaise personne ».
4 Je ne vais pas m'investir dans un projet
qui ne me ressemble pas
2. Est-ce que vous pensez que le Liban est en état de
guerre ou bien en état de paix ?
4 C'est un argument qui nous oblige d'aller
vers la littérature du conflit et du post-conflit. Quand l'ONU a mis les
critères définissants le conflit et le post-conflit, ils ont
proposés des indicateurs. Selon Hussein, ces critères sont
fragiles et peuvent ne pas être tous présents. Alors s'il existe
des critères et d'autres non, sommes-nous en guerre ou pas ?
4 Oui au Liban on a signé un
arrangement national, les émigrés sont rentrées. Alors
selon la définition des NU nous sommes dans une situation de
post-conflit mais effectivement nous ne sommes pas dans le post-conflit mais
dans le conflit même. C'est un conflit non guerrier.
3. Qu'en pensez-vous de la transformation des milices en des
partis politiques ?
4 Je trouve que la société
civile aujourd'hui est une partie d'une fabrication politique. Ce n'est pas
vrai qu'ils ne font pas partie du pouvoir
4 Dans la plupart des pays qui ont eu des
conflits internes, les vainqueurs sont devenus partie du pouvoir. Au Liban vu
qu'il n'y a pas eu un vainqueur déclaré, dans la plupart des pays
dans une telle situation on fait pareil pour renforcer leurs pouvoirs
4 Hussein ne voit pas que cette
transformation est exceptionnelle. Il trouve le problème dans
l'incapacité de la société civile de confronter cela.
4. Trouvez-vous que les élections législatives
d'aujourd'hui sont un début vers un changement ? 4
Ça peut-être. En tout cas la loi électorale donne
la chance à tout le monde de gagner sauf les trop petits.
4 Tout le monde se considère comme
gagnant aujourd'hui parce que leurs calculs des résultats étaient
corrects
4 La loi électorale s'est
montrée comme démocratique. Parce que personne des existants ne
s'est opposée aux résultats. Il est démocratique mais pas
juste. Il n'est pas représentative.
4 Quand on parle de la démocratie on a
besoin de demander aux citoyens (c'est fait), mais il n'est pas à 100%
représentative. Mais il est à 100% représentative plus que
celui d'avant.
1 CHOKR H., «Lebanese `Reconciliation' and the
Historical Roots of Deferred Violence», The London School of Economics
and Political Science, 20 Décembre 2021. [en ligne]: Lebanese
'Reconciliation' and the Historical Roots of Deferred Violence | Middle East
Centre (
lse.ac.uk).
17
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
5. Est-ce que vous êtes avec une démocratie
libérale au Liban ?
4 Le système n'est pas convenable pour cela ni le
peuple.
4 La SC considère qu'elle est la seule
éduquée dans le pays. Mais ce n'est pas vrai ! toutes les partis
politiques ont des gens extrêmement éduqués. Le peuple est
éduqué et compréhensive. 4 Il existe une différence
entre les élites politiques et l'éducation politique.
4 « La démocratie c'est la réflexion
de la société et de la population telles qu'elles sur
l'actualité politique ». la démocratie n'oblige pas
d'avoir une éducation politique
4 Alors pour Hussein le Liban est un pays démocratique
vu que toute la population est représentée au parlement avec des
lacunes. « La société s'alimente
d'éléments historiques précis, cela impacte le
système politique, et après le système reflète cela
sur la société. Cercle Vicieux »
6. Qu'en pensez-vous de la réconciliation au Liban ?
4 Au Liban nous n'avons pas des initiatives de
réconciliation. Au niveau micro si bien sûr. Mais
ce ne sont pas considérées comme des vraies
initiatives.
4 Les composantes de la réconciliation sont :
Truth, Justice and réparation
4 Les petites initiatives ne sont pas suffisantes.
7. Quelle est la forme idéale de la réconciliation
au Liban aujourd'hui ?
4 L'accord du Taëf théoriquement est un accord de
réconciliation. Mais en effet c'est un accord de division du pouvoir
4 Pour savoir le type de réconciliation idéale
au Liban, nous devons se transformer en des « scenario analysists ».
La situation est extrêmement sensible. Nous avons beaucoup de menaces
historiques.
4 Si au Liban nous allons faire une réconciliation
selon l'histoire, nous serons obligés d'annuler beaucoup de composantes
du système politique libanais actuel
4 Je suis contre l'abolition (kellon ye3ne kellon), =>
vide. Mais je suis avec le suivi juridique de tous. Tous sont responsables et
tous doivent être jugés.
4 Nos partis politiques sont des réflexions de
nos sociétés. Peut-être que le parti politique va partir.
Mais la mentalité et la société qu'il représente
restent
4 Nous voulons changer le parti en tant que parti ou bien la
mentalité qui entoure le parti? 4 Nous devons changer le mot
«éducation politique » vers « éducation nationale
».
4 La vraie réconciliation ne peut se faire qu'à
travers l'Etat. Pour être vrai et général. Ce sont les
institutions qui doivent les initier.
4 Hussein est convaincu que les institutions existent. Mais
il n'est pas convaincu par leur fonctionnement. Et il n'est pas convaincu par
le système politique
8. Qu'elle est la forme de réconciliation idéale
pour le Liban ?
4 La réconciliation qui n'est pas idéale mais
qui ne verse pas du sang, est l'accord entre les pouvoirs politiques existantes
qui viennent d'avoir une forme de réconciliation générale
à travers les institutions.
4 Si je parle de réconciliation en dehors de la forme
proposée maintenant, je menace la paix nationale. parce qu'après
la guerre civile, il y'a eu un attachement entre le système politique et
les institutions étatiques.
4 En dehors de cela, je vais supprimer un des partis
politiques, en faisant cela et vu que ce parti a la main vraiment
profondément dans les institutions, je mets un danger effective.
4 « vicious loop », unless we have an international
intervention
9. Qu'en pensez-vous de l'intervention internationale au Liban
?
4 Depuis la création du Liban, on a toujours
été gouverné par l'extérieur
4 Nous ne pouvons pas parler du Liban sans parler de la
politique internationale et régionale. C'est toujours
parallèle
18
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
4 « le Liban est créé
parce qu'il a été gouverné par l'extérieur,
après on a eu des volets intérieurs adoptés par les volets
extérieurs, ce qui a créé des tensions qui ont mené
à la guerre civile. La guerre civile n'est pas uniquement le
résultat des oppositions entre les volets internes mais aussi parce que
les volets externes ont eu d'autres intérêts que le Liban, ceux de
l'intérieur n'ont pas su quoi faire. Après la guerre on a eu un
accord externe qui a fait rentrer l'Arabie Saoudite et les syriens pour 15 ans.
Après 15 ans quand ce système a échoué on n'a plus
eu de volets externes et c'est pour cette raison qu'on a des hauts et des bas
»
10. Vous ne considérez pas que l'Iran est un volet
extérieur ?
4 Non, le volet extérieur doit avoir
la capacité de gérer la politique comme elle veut. En ce moment
il n'y a aucun Etat qui arrive à faire cela.
4 L'Iran ne contrôle pas au Liban
aujourd'hui.
4 Les interventions internationales ont
toujours été la cause de notre histoire et actualité.
Récemment la situation a commencé à changer. Le
problème est devenu plus local parce qu'ils nous ont laissé seuls
(proportionnellement). Leurs outils ont changé. Les syriens
étaient littéralement dans les rues de Beirut.
11. Le Hezbollah est-il légitime ? vous êtes avec
ses armes illégales ?
4 Le réalisme : le plus fort gagne.
4 Le Hezbollah était une opposition
pour remplir le vide de l'Etat au sud. Aujourd'hui si nous voulons renforcer
l'Etat, le Hezbollah doit remettre ses armes.
Cercle vicieux, le Liban n'est pas sur la voie
correcte.
19
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Mr. Ali Sandeed: Project Manager at
Search For Common Ground. «Skillful in Project Management with a
demonstrated history of working in the non-profit organization management
industry. Experienced in Training, Communication, Conflict Resolution,
Interventions, and Facilitation. Strong professional with a Master's degree
focused in Masters in Philosophy of Human Rights and
Non-violence»2. Ali est un syro-palestinien résidant au
Liban, il a 34 ans, il travaille dans le domaine de la construction de la paix
au Liban depuis 2012.
Lien de l'entretien :
https://drive.google.com/file/d/1FtjVOXQ5IAbquq6eNyleYzn8RQYOEXIx/view?usp=sharing.
Le 24/05/2022, Siège de Search For Common Ground-
Beyrouth à 16h30
1. En tant que palestinien au Liban, quelle est votre version
de l'histoire de la guerre civile ?
4 Il existe beaucoup de scenarios, mais pour
Ali, il y'avait déjà des préparations longtemps avant
la Guerre civile. Le fait déclencheur était l'attaque sur le bus
des palestiniens à Ain al Ramadi. Mais c'était qu'en fait
déclencheur de préparations déjà existantes dans le
but de garder le Liban faible et fragile
4 Les interventions externes (Syrie,
Palestine, Israel) sont la raison principale
4 Le but des chefs de milices de dominer
économiquement pour pouvoir contrôler le peuple et renforcer
leurs fortunes est la motivation pour qu'ils continuent la guerre
4 Selon Ali, les leaders des milices
exécutaient les ordres externes au sein du pays.
4 Ces leaders ont joué sur la
sensibilité religieuse qui est le point fragile chez les libanais. C'est
la peur de l'autre qui a motivé les gens à intégrer les
milices de leurs confessions.
2. En écoutant votre analyse de la période de
la guerre civile, je l'ai comparée avec la situation actuelle au Liban.
Il existe une certaine similitude ne pensez-vous pas ?
4 Il y'a deux moyens que les leaders
dominent aujourd'hui. Le premier étant à travers la politique
(la façon difficile), et le deuxième
étant la violence (la façon simple). Comme ça les
leaders
politiques ont dominé le pays. Du coup ils ont
transformé la deuxième façon en la première.
4 Avoir un support politique aujourd'hui au Liban rend le
citoyen plus sûr.
3. A votre avis, le Liban se trouve en état de guerre ou
bien de paix ?
4 En état de guerre très
violente. Pour Ali la paix c'est le fait d'être confortable et tranquille
chez soi, personne au Liban n'est tranquille. Même les dirigeants.
4 Nous sommes en guerre économique
uniquement.
4. En regardant la transformation des chefs de milices en des
Hommes politiques, Ali tu te trouves aujourd'hui plus tendant vers ces partis
ou bien vers la société civile ?
4 Personnellement je regarde les nouveaux,
mais « they cannot be trusted yet » ils doivent s'organiser !
aujourd'hui il existe des milices pacifiques.
5. On a vu durant les élections beaucoup de jeunes qui
étaient avec la société civile et qui ont
participés aux manifestations de 2019 se retourner vers leurs
identités politico-confessionnelles et vers leurs sociétés
politiques et ont votés pour leurs leaders traditionnels. Quelle est la
solution face à cette socialisation politique ?
2 Compte LinkedIn de Monsieur Ali Sandeed : Ali
Sandeed | LinkedIn
20
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
4 Cette socialisation politique a pris
beaucoup de temps. Le fait d'en sortir va prendre aussi beaucoup de temps.
4 Les partis politiques ont montrés
aux gens que c'est la révolution qui a causé la crise
économique actuelle pour les rerecruter.
4 Ali est optimiste qu'aujourd'hui il existe
des jeunes vraiment loins de cette idéologie traditionnelle de leurs
sociétés
6. Comment peut-on avoir une réconciliation sans histoire
commune ?
4 Dans n'importe quel pays après des
conflits chaque partie parle de sa version
4 En Palestine on ne parle pas des religions
et des confessions. En Palestine c'est uniquement Israël le
problème. Tandis qu'au Liban ça diffère entre les
confessions. Mais leur point commun est la crise d'aujourd'hui et la peine
d'aujourd'hui. Ça prend du temps.
7. L'initiative de la réconciliation au Liban doit
être prise par qui ?
4 Tout ce qui émane de
l'extérieur n'est pas vraiment et fortement effectif
4 Nous avons besoin d'un changement du
système même pour la vraie réconciliation.
4 Nous devons travailler avec toutes les
sociétés et avec les jeunes à l'école. Dans les
écoles francophones il y'a une appartenance automatique à la
France, AUB aux USA. Nous devons travailler sur une identité commune
sachant que cette multi-confessionnalité est une richesse
8. En tant que palestinien résidant au Liban, vous
n'avez pas de droits. Vous allez rester jusqu'à quand ?
4 Les palestiniens au Liban ne veulent pas
rester. Ils n'ont pas une dignité au Liban. Ils veulent uniquement
partir.
4 Il existe des milices qui sont
créées aujourd'hui dans les camps palestiniens juste parce qu'ils
en ont marre et n'ont pas le choix. Ou bien ils meurent de faim ou bien ils
s'intègrent aux milices.
9. Qu'en pensez-vous de la légitimation de l'existence
de la milice Hezbollah sur le territoire libanais sous le motif de
libérer la Palestine ?
4 Pour Ali, le Hezbollah est protectorat
d'Israël et non pas Palestine. S'il voulait vraiment libérer
Palestine il aurait pu être la bas aujourd'hui. Il peut
faire la guerre en Palestine contre Israël. 4 Le
Hezbollah est comme n'importe quel autre parti, son existence endommage le
pays. Et son
financement et son support est externe
4 L'armée libanaise doit avoir le
monopole militaire
10. Vous êtes avec ou contre avoir des bonnes relations
avec Israël ?
4 Personnellement, Ali est contre. Mais il
est convaincu qu'il s'exerce sur le Liban une stratégie d'affamassions
pour ne plus avoir d'autres choix que de signer des accords avec Israël
4 Même la vision est différente
entre les religions. Pour Ali Israël ne va pas s'arrêter en
Palestine. Leur carte est du Nil au Fourrat.
4 «the more you divide a population
the easier it gets to control it», pour Ali c'est ce que Israel est
en train de faire.
21
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Ms. Doha Adi : Une jeune activiste
Libanaise de 28 ans, diplômée en journalisme et travaille en tant
que directrice de projet chez Search For Common Ground dans le domaine de la
reconstruction de la paix et la coalition sociale. Doha avait un grand espoir
durant la révolution Libanaise de 2019. Elle croyait vraiment que
c'était le début d'un changement quand les élections
législatives de 2022 l'ont démotivées.
Le 24/05/2022, Siège de Search For Common Ground- Beyrouth
à 17h00
Lien de l'entretien:
https://drive.google.com/file/d/1GHVu1TwTNN9ZR
oDGNi9HnbZJr0eWtg/view?usp=sharing.
1. Le Liban est-il en paix ou bien en guerre ?
4 Logistiquement le Liban n'est pas en
guerre. On est en paix négative parce que les émotions et les
sentiments entre les différentes parties de la guerre persistent
toujours
2. Croyez-vous qu'il existe une forte socialisation politique
au Liban aujourd'hui à cause du manque de réconciliation ?
4 Personnellement je viens d'une
région sunnite de la Bekaa. En grandissant, comme beaucoup d'autres
groupes de jeunes dans d'autres régions, à cause du manque de
réconciliation il y'a eu une grande distance entre les
communautés. Ce qui a causé une isolation entre différents
groupes au sein du pays même. On parle de l'accès aux informations
et aux postes de travail et même financièrement.
3. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs de milices
en des hommes d'Etat ?
4 C'est quelque chose surréelle.
Ça montre combien en tant que communautés libanaises on peut
être affecté simplement par le leader confessionnel et justifier
ses actes.
4 Doha affirme que ce n'est pas logique pour
elle comment la mémoire collective des gens peut simplement être
effacée pour des raisons de protection confessionnelle de la part de
leurs leaders communautaires contre les autres.
4. Devons-nous oublier ou bien se souvenir de la guerre pour se
réconcilier ?
4 Nous devons parler pour conclure que tout
le monde est responsable et coupable. Nous devons savoir ce qui s'est
passé et se mettre d'accord que nous avons tous commis des erreurs et
que nous devons habiter ensemble dans un même pays avec une seule
identité
5. Quelle est la procédure ?
4 Nous devons avoir un partage
d'informations. Le media a le potentiel de faire cela. Nous devons montrer des
histoires de toutes les parties de la guerre.
4 Nous devons montrer à tout le monde
que c'est vrai que vous êtes des victimes mais aussi l'autre est une
victime de vos actes
6. Les résultats des élections sont-ils un
début pour un vrai changement ?
4 au début je pleurais de joie. Mais
après en regardant l'émission de « sar el waet » j'ai
eu peur que ces jeunes députés se transforment en des hommes
d'états corrompus comme ceux d'avant
7. devons-nous trouver une justice ? n'avez-vous pas peur que
ça déclenche une nouvelle guerre civile ?
4 « dans ce cas nous méritons
une deuxième guerre civile ».
8. Qu'en pensez-vous du système éducatif
(politiquement) et quelle est la solution s'il existe un problème ?
22
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
4 Le livre d'éducation civique est le
même depuis mon enfance jusqu'aujourd'hui. Ce n'est pas un livre
intéressant. Il est vraiment immobile. nous devons transmettre aux
enfants que la politique est dans la vie quotidienne. Nous devons créer
un esprit critique chez les jeunes, une volonté de poursuivre et de
juger.
9. On a vu durant les élections beaucoup de jeunes qui
étaient avec la société civile et qui ont
participés aux manifestations de 2019 se retourner vers leurs
identités politico-confessionnelles et vers leurs sociétés
politiques et ont voté pour leurs leaders traditionnels. Quelle est la
solution face à cette socialisation politique ?
4 Le problème est qu'il n y a pas de
confiance. « j'ai demandé à mon frère de ne plus
voter pour le courant futur mais pour les indépendants, il m'a
répondu qu'il n'était pas confiant que les autres n'allaient pas
voter pour leurs dirigeants traditionnels »
4 Pour Doha nous devons travailler avec les
tout petits parce que ceux de notre âge et plus grand sont
déjà dans le cercle vicieux. C'est un jeux sur la psychologie des
jeunes.
10. Pour travailler sur les enfants d'aujourd'hui, nous avons
besoin d'un changement du système éducatif, à travers le
parlement. Qu'en pensez-vous ?
4 « je fais partie de la même
communité, j'ai les même accès et j'ai reçu les
mêmes informations. Mais j'ai pu changer parce que j'ai eu la chance de
parler avec des autres personnes ayant d'autres mentalités et
pensées. Je suis sortie de ma « confort zone » avec des
personnes comme moi des autres communautés. Et on a créé
notre histoire commune et mémoire partagée ensemble. Nous pouvons
lâcher les valeurs traditionnelles des communautés traditionnelles
».
4 Doha croit en la culture alternative. Avec
sa soeur elle travaille sur cela et ça marche.
4 Doha ne croit pas qu'il existe beaucoup de
Libanais comme elle. Elle travaille dans son cercle limité. Elle ne
trouve pas qu'elle est capable de faire plus.
23
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Ramzi Abou Ismaïl : «I am a
political psychologist and a quantitative researcher with a background in Law,
Political and Social Psychology. My interest in the field emerged following the
2018 elections in Lebanon. While my original interest was focused on why people
prefer maintaining the status quo, after joining Kent my interest shifted
towards Intergroup conflict and collective violence. My research focuses now on
explaining collective behaviours: from normative collective action to
collective violence»3. Ramzi is a political social media
influencer, he has an Instagram page with the username «The Political
Psychologist».
Lien de l'entretien:
https://drive.google.com/file/d/1b9jh-Iv0hETYvJiRCuuPn2NMwub
cEcI/view?usp=sharing.
Le 15/06/2022, à distance via Zoom à 14h00
1. Est-ce que vous considérez le Liban aujourd'hui en
état de
Paix ou bien en guerre ?
4 La guerre selon Ramzi est « une
forme de conflit. Le conflit est l'état de manque d'accord entre des
groupes différents. Ces différents groupes ont des
différentes observations des choses. Cette différence de
division, d'intérêts, de valeurs et de futur mène à
voir l'autre en étant un adversaire. » alors « nous
sommes en guerre de qui va imposer sa vision et ses valeurs sur l'autre
».
4 Le développement des groupes au
Liban a mené à changer les dynamiques de communications entre
ces groupes. L'ennemie d'hier est l'allié d'aujourd'hui et
l'alliée d'hier est l'ennemie d'aujourd'hui.
4 Les actions militaires sont finis.
Militairement il n'y a plus de guerre avec l'accord du Taëf. Mais les
raisons de la guerres ne sont pas réglées. Exemple le dossier des
disparus n'est toujours pas traité, il n'y a pas eu une
conférence nationale pour la réconciliation, les coupables ne
sont pas identifiés, il n'y a pas eu de procès juridiques, des
gens ont perdu leurs familles, etc.
4 D'un point de vue sociale, les raisons de
la guerre n'ont pas été discutées et traitées. Une
partie considérait que le palestinien occupait le Liban, une autre
partie considérait que le palestinien était un
réfugié. Et le palestinien a choisi une partie et la guerre a
commencé.
4 Cette culture se projette sur n'importe quel conflit
aujourd'hui parce que la situation n'a pas été
traitée, nous n'avons toujours pas des valeurs communes.
2. Quelle est la procédure pour régler ces
problèmes non résolus ?
4 L'Etat doit mettre des plans d'intervention
dans les écoles et universités. Il doit imposer des camps. Tout
cela après avoir fait une conférence nationale
générale dans laquelle nous devons partager nos peurs, limites et
autres. Cette conférence aura pour but de baser l'identité
commune du Liban.
4 Pour Ramzi le Liban n'a jamais eu une
identité commune. Il y'avait toujours une autre personne en face
considérant que son Liban n'est pas ton Liban.
4 Pour pouvoir faire cela nous avons besoin
d'un Livre d'histoire commun et d'un livre d'éducation civique commun.
Après tout cela, le ministre de l'éducation en collaboration avec
les écoles et les municipalités doivent organiser des
activités populaires touchants le plus de tranches de la
société.
4 D'après l'expérience de
Ramzi, il y'a des gens qui considèrent que nous avons
dépassé la guerre, d'autres considèrent que nous sommes
tous laïcs au Liban, d'autres considèrent que ce plan est
impossible sans expliquer pourquoi.
3 Compte LinkedIn de Monsieur Ramzi Abou Ismail:
Ramzi Abou Ismail | LinkedIn.
24
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
3. Vous ne considérez pas que ce projet peut causer une
nouvelle guerre civile ?
4 C'est un discours qui n'est pas
scientifique. Si nous avons un travail cadré « framework » il
n'y aura pas une agressivité.
4 Bien sûr les deux parties peuvent se
blesser mutuellement en parlant de la guerre, mais ils sont toutes les deux
là pour avoir une réconciliation. Et bien sûr nous devons
avoir des professionnels gérant et facilitant ces projets. Pour cela, un
responsable politique actuel ne peut planifier ce Framework. Nous avons besoin
d'un travail académique.
4 Si nous faisons ça comme c'est fait
dans la rue, bien sûr nous finirons dans une guerre civile. 4
Les professionnels doivent gérer le discours pour faire sortir
les émotions sans forcément toucher aux sujets qui causent des
conflits.
4 Dans un cadre sein et correct nous pouvons
avoir un dialogue.
4. Vous considérez que ce dialogue doit regrouper
uniquement des libanais ?
4 Ramzi trouve qu'en priorité les
libanais doivent participer. Nous devons nous mettre d'accord sur la forme de
la crise
4 Après la cause de la crise « les
Palestiniens » doivent participer et après les Syriens.
4 Nous ne devons pas oublier qu'à
cause de la peur des libanais face aux palestiniens, ils les gardent dans des
camps sans faire attention qu'au sein de ses camp il existe et se
développe des bombes temporaires.
5. Relation libano-palestinienne ?
4 Il existe une très grande gap entre
les Libanais et les Palestiniens.
4 Il existe des palestiniens qui croient
qu'il vont retourner en Palestine. C'est une crise d'idéologie
très grave. «ce faux espoir créé des
générations incapables de cohabiter et de s'intégrer
».
6. L'initiative de ce projet de réconciliation doit
être prise par l'Etat ?
4 L'Etat est capable mais la
société civile aussi. A travers la collaboration entre la
société civile, les universités et les écoles, nous
pouvons avoir ce projet.
4 La croix rouge est une ONG qui travaille
à la place de l'Etat. Nous avons des entités privés
financées parfois par l'Etat pour exécuter un travail
étatique.
4 Dans l'absence du pouvoir aujourd'hui, nous
pouvons avoir un pouvoir externe pour le faire. 4 Il existe
des organisations avec des universités qui peuvent commencer par ce plan
qui peut se transformer vers une initiative des NU
4 Ce plan a besoin d'un planificateur, d'un
ingénieur. S'il existe une « advocacy » suffisante sur cette
idée nous pouvons travailler tous ensemble même si on n'est pas
d'accord sur tous les points.
4 Le financement est un problème.
Ramzi personnellement avait un projet mais le financement l'a bloqué
parce qu'il existe une préférence de mettre l'argent dans les
élections.
4 Aujourd'hui le pouvoir n'est pas
prêt à faire tout cela. Selon Ramzi les 16 députés
indépendants ont échoué déjà.
4 Ramzi croit toujours que les institutions de
la société civile sont beaucoup mieux que le pouvoir. 4
Le plus grand problème aujourd'hui est que chaque parti
politique a des problèmes selon sa taille et non pas la taille du
pays.
7. Entre les responsables vous pensez qu'il y'a eu une
réconciliation ?
4 Ramzi est convaincu que les responsables
aujourd'hui s'entendent bien. Le Taëf a divisé les
intérêts entre ces dirigeants. Ils s'entendent très bien
25
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
8. Concernant l'histoire commune ?
4 L'histoire commune doit se baser sur des faits
et non pas des interprétations.
4 Le problème n'est pas dans les
réactions (légitime défense), le problème est dans
le manque d'interprétation des réactions. La légitime
défense est normale, mais le fait de violer des femmes c'est pas du tout
normal.
Il n'existe pas un vrai regret. Tous les partis disent pareil
: « si vous allez refaire nous allons refaire ».
26
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Maire Nazih Chaanine : Monsieur
Chaanine est le maire de la Moualaka depuis 25 ans. Il était un
combattant tout au long de la guerre civile libanaise auprès de la
Résistance Libanaise.
Lien de l'entretien :
https://drive.google.com/file/d/1CGWQCoi5SPifUjMxJLyvh08OMrubSnJ/view?usp=sharing.
Le 07/06/2021, Moualaka à 15h00
1. Est-ce que vous considérez que le Liban aujourd'hui
est en état de guerre ou bien de paix ?
4 Le Liban n'est ni en paix ni en guerre parce
qu'on a pas de stabilité
2. Avez-vous participé à la guerre civile
Libanaise ? racontez-nous un peu votre expérience
4 Oui j'ai participé à la
guerre comme la plupart des jeunes de mon âge à
l'époque.
4 En 1976, on a remarqué une
existence armée dans la région et des
formations militaires de la part de groupes
extrémistes. Il y'a eu des kidnappes
sur l'identité. La raison principale de la guerre est
l'existence palestinienne avec « mounazzame sa3ika souriyé »
qui ont commencé à se militariser et à payer aux libanais
pour les rejoindre. Il y'a eu une division confessionnelle des habitants. Les
Palestiniens et les Syriens ont commencé à militariser les
Musulmans libanais tandis que les Chrétiens n'étaient ni
formés, ni prêts. Du coup chaque Chrétien a acheté
de son propre argent des armes. Et on a commencé les formations. Les
Chrétiens n'ont pas combattu pour envahir des régions mais pour
se défendre.
4 J'avais entre 25 et 30 ans. J'ai
participé depuis le début jusqu'à la fin
3. Est-ce que vous considérez que vous êtes
réconcilié post-guerre civile ?
4 Déjà durant la guerre je
n'avais pas de la haine contre l'autre. J'avais des amis musulmans et on
était toujours en contact.
4 Personnellement j'ai sauvé des gens de
l'autre partie. Et ils m'ont sauvé plusieurs fois
4. Vous trouvez que cette participation à la guerre a
affecté vos enfants ? 4 Non pas du tout. Même moi
je n'ai pas eu de problèmes
5. Vous pensez que la réconciliation est possible
après 32 ans ?
4 Non, il est trop tard. 30 ans de destruction
ne peuvent pas être rebattus dans 10 et 15 ans.
6. Dans la région dont vous être maire habitent
des gens de toutes les confessions, vous trouvez que la cohabitation est
réussite ?
4 Elle est réussite parce qu'ils sont
obligés de vivre ensemble et non pas parce qu'il en ont envie. Mais le
jour où il y'a des élections, chaque groupe penche vers sa
communauté
7. Vous trouvez que la loi électorale est juste ?
4 Non. Parce que si le Libanais veut une
personne il ne peut pas la choisir seule, il sera obligé de mettre toute
la liste.
8. Quelle est la solution de la socialisation politique ?
4 nous avons besoin d'une conscientisation
à long terme et non pas un mois avant les élections comme c'est
le cas au Liban
27
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
4 dans les écoles nous devons avoir un
livre d'histoire et d'éducation civique uniques. Chaque école
enseigne ce qu'elle veut. Des écoles enseignent l'histoire de Bonaparte
et d'autres de Al Fakih
9. Vous pensez que les Libanais doivent parler de la guerre ?
4 nous devons écrire une histoire
commune objective et avec le temps les gens oublient.
10. Est-ce que vous étiez des terroristes à un
moment durant la guerre ?
4 Non jamais. La communauté
internationale était sensible sur la question des palestiniens parce
qu'ils étaient dans l'injustice. Mais les palestiniens au Liban sont
injustes. Ils voulaient transformer le Liban en Palestine et ils ont
écrit « tarik al kodes tamorr fi jounieh » « la route
de Jérusalem passe par Jounié ».
4 Il y'avait pas un média qui montre
Bachir Gemayel comme un média qui montre les palestiniens comme
victimes.
4 Le Liban a besoin d'un Bachir Gemayel
aujourd'hui
11. Vous avez des amis du Hezbollah et vous passez des camps
ensemble, existe -t-il des tensions entre vous ?
4 « il n'existe pas de tensions mais
de mensonges, je sais qu'ils mentent et ils savent que je mens, quand on a deux
visages et deux langues, la réconciliation est impossible.
»
28
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Monsieur Sami Braidy : Un
intellectuel socio-politique et un enseignant scolaire retraité.
Monsieur Braidy a enseigné au sein des écoles publiques
libanaises pour plus que 40 ans.
Lien de l'entretien :
https://drive.google.com/file/d/1GdLA5UIO2pIEWYHP0leySWldOTI6B6c/view?usp=sharing.
|
21/05/2022, Zahlé à 15h00
4 Pour avoir un rôle dans la politique
libanaise, il faut consacrer
3 approches : la confession, la famille et l'argent
4 Le Liban n'a pas de patrimoine ni
d'histoire
4 La socialisation historique au Liban est
basée sur l'intérêt individuel et sur le
confessionnalisme
|
1. Est-ce que la réconciliation est possible aujourd'hui
?
4 Elle est possible et obligatoire. La
réconciliation commence avec la fin du confessionnalisme. 4
Fouad Chehab était capable de faire cela, mais l'armée
l'a bloqué pour renforcer le camp religieux
4 En effet «
ÉíÓÇíÓáÇ
ÉíäæÑÇãáÇ »
est la cause du désastre Libanais. Aujourd'hui elle se trouve
représentée par les partis politiques chrétiens. Et la
« ÉíÓÇíÓáÇ
ÉÚíÔáÇ »
représentée par le couple chiite
4 La pensée gauche est la solution
pour le Liban (contre le confessionnalisme). Nous devons
avoir la paix comme grand titre dans le pays. Un
pouvoir humain est la solution. «
íäÇÓäÅ ãßÍ »
4 Bichope Gregwar Haddad et Imam Moussa Al Sader
travaillaient sur cela mais tous les deux
ont été éloignés.
2. Existe-t-il des partis politiques aujourd'hui vraiment avec
cette laïcité ?
4 Uniquement les partis gauches
4 Les députés de la
société civile qui ont pu gagner montrent vraiment un premier pas
vers le mieux. Mais il reste beaucoup de temps et d'effort à mettre. Le
danger est si ces députés restent et refusent de céder
leurs places après. ( le danger est qu'ils se transforment comme les
anciens)
4 Aujourd'hui il existe une confrontation
chrétienne-chrétienne, sunnite-sunnite, chiite-chiite et
druze-druze
4 Selon Mr. Braidy le problème au Liban
a été créé par les Français et les
Anglais
4 «la khalass illa bl dawle al
madaniye» «ÉíäÏãáÇ
åáæÏáÇÈ áÇÅ
ÕáÇÎ áÇ», «pas de sauvetage
qu'à travers l'Etat laïc»
3. Qui doit prendre l'initiative de cette transformation ?
4 Les responsables existants aujourd'hui
font partie du problème. Ils ne peuvent pas le résoudre. Ils
doivent céder leurs places à des nouveaux visages pour avoir un
changement
4 « nous ne pouvons construire un Etat
sans des représentants jeunes »
4. Le Liban aujourd'hui est-il en guerre ou bien en paix ?
4 Le Liban est en état de guerre froide
très forte.
4 Pour Monsieur Braidy la paix c'est le fait
d'avoir du travail, croissance, culture et prospérité.
Actuellement aucun de ces éléments n'est présent au
Liban.
5. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs de milices
en des Hommes d'Etat ?
4 Le Liban a fortement besoin de partis
politiques loin des milices guerrières. « On ne peut pas tenir
des armes et des livres. Ou l'une ou l'autre. »
6. Aujourd'hui ces milices gagnent pas les élections,
Est-ce que c'est démocratique ?
29
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
4 Le Hezbollah doit se transformer comme les
Forces Libanaises en un Parti politique. Les FL se sont éloignées
de l'identité de milice. Si le Hezbollah arrive à faire cela la
compétition qu'on a vu durant les élections de 2022
disparaisse.
4 La réalité aujourd'hui est un
combat politique entre deux extrêmes.
4 La loi électorale n'est pas du tout
démocratique. Elle est nulle.
7. L'éducation politique commence où ?
4 Dans les écoles. Nous devons changer
tout le système éducatif et le curriculum. Les écoles
aujourd'hui sont comme des fermes.
8. La réconciliation se fait par l'oubli ou bien en
parlant et en trouvant une histoire commune ? 4 Effectivement,
pour pouvoir créer une identité nous devons créer une
histoire commune et la critiquer positivement.
4 Les Chiites ont l'histoire de Jabal Amer, les
Chrétiens Jabal Loubnan, etc. Nous devons parler des erreurs.
4 Monsieur Braidy ne pense pas que nous pouvons
faire cela. Il a un espoir, mais pas durant sa « vie de vieux
». Il a un espoir avec les jeunes.
30
Annexe 1, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Un ancien général militaire palestinien
au sein de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP)
:
L'OLP est une organisation palestinienne politique et
militaire composée de plusieurs petites organisations palestiniennes
pour libérer la Palestine. Cette organisation a commencé à
mener des raids du Liban vers Israël en 1968 et a fait partie du Mouvement
National Libanais durant la guerre civile Libanaise.
Le 28/05/2022, Saida à 18h00
1. En tant qu'ex-combattant au sein de l'OLP, comment
expliquez-vous le début de la guerre civile libanaise de votre point de
vue?
4 La Multiconfessionnalité est la
cause principale de la guerre civile Libanaise.
4 Effectivement cette guerre de 15 ans est
le résultat d'une crise politique causée par les Etats-Unis et
l'Angleterre. Cette crise a commencé suite à une décision
américaine face à un Liban faible qui n'a pas pu s'empêcher
de tomber dans les conflits.
4 Avec l'arrivée progressive des
Palestiniens et leur renforcement jusqu'en 1971 (surtout suite à leur
sortie de la Jordanie) les libanais se sont divisés entre
Chrétiens contre les Palestiniens et les Gauches+ Musulmans
propalestiniens.
4 Les Chrétiens avaient un
excès de droits à l'époque ce qui a bloqué la
possibilité pour les Palestiniens de lutter pour leurs droits
4 « En effet, si Yasser Arafat a
voulu que le Liban se transforme en Palestine, il aurait pu le faire
», d'après Kissinger, les Palestiniens étaient beaucoup
plus forts que les Chrétiens Libanais.
4 « Nous ne voulons pas envahir le
Liban, nous sommes là parce qu'on ne peut plus rentrer chez nous
», « La nationalité nous a été
proposée mais la majorité l'avait refusée, sauf les riches
qui l'ont acceptée pour des raisons économiques ».
4 « Je trouve que même sans
les Syriens et les Palestiniens, le Liban n'aurait jamais pu se rétablir
». Les Partis chrétiens sont partis beaucoup trop loin dans
leurs négociations avec les Israéliens.
4 Avec le temps, la guerre civile libanaise
n'était plus une guerre de dominance mais de génocides
2. Est-ce que vous considérez qu'une
réconciliation est possible après 32 ans ? si oui comment ?
4 Vu la situation actuelle libanaise, une
réconciliation n'est pas possible. Nous sommes toujours dans la
même mentalité et avons les mêmes responsables politiques
4 Il existe un manque de conscience
politique au Liban. Que ça soit du côté palestinien ou bien
libanais, nous devons comprendre que la guerre est derrière nous et que
les palestiniens ne veulent jamais remplacer le Liban par la Palestine.
4 Nous avons commis des erreurs dans le
passé, nous le savons. Un dialogue doit avoir lieu pour exprimer notre
culpabilité et s'excuser d'une part, et pour accepter les excuses des
autres partis de l'autre part.
3. Qu'est-ce qui empêche la réconciliation
effective alors ?
4 D'un point de vue palestinien, le manque
d'éducation politique chez nos jeunes leur fait rentrer dans l'islamisme
profond et extrême. En d'autres termes, les jeunes palestiniens font
recours à l'islamisme pour se protéger.
4 La réconciliation doit se faire
à travers l'éducation des jeunes (écoles,
établissements éducatifs, etc.), les médias, et une
conférence nationale pour la réconciliation entre toutes les
parties de la guerre.
Annexe 2, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Photos du terrain :
Interviews formelles :
De gauche à droite : Mme. Doha Adi
(interviewée), Mme. Nisrine Haddad (intervieweuse), Mr. Hussein
Chokr (interviewé) et Mr. Ali Sandeed (interviewé).
SFCG HQ, Achrafieh-Liban.
SFCG HQ, Achrafieh-Liban.
SFCG HQ, Achrafieh-Liban.
Durant l'entretien avec Monsieur Ali Sandeed.
1
Avec le Directeur Général de « Search For
Common
Ground » au Liban, Monsieur Maxwell Saungweme.
Annexe 2, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Maison Kataëb, Zahlé-Liban.
Maison Kataëb, Zahlé-Liban.
De gauche à droite : Mr. Anthony Mouakkar, Mme.
Nisrine Haddad (intervieweuse), Mr. Dany Fayad (Interviewé) et Mr. Elias
Fayad.
Maison Kataëb, Zahlé Liban.
Durant l'entretien avec Monsieur Dany Fayad.
Avec l'Assistant du Secrétaire
général des affaires provinciales de la Bekaa au sein des
Phalanges Libanaises, Monsieur Dany Fayad.
Maison Kataëb, Zahlé-Liban.
Durant l'entretien avec Monsieur Dany Fayad.
2
3
Annexe 2, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Zahlé-Liban
Durant l'entretien avec l'intellectuel politique et
enseignant retraité,
Zahlé-Liban
Monsieur Sami Braidy.
Mreijat- Liban
Avec Monsieur Walid Fahd Zeitouny, enseignant à
l'Université
Avec la candidate chiite indépendante à
Zahlé, Madame Dima
Abou Daya.
Libanaise et membre cadre du Parti Social Nationaliste
Syrien.
Durant le questionnement d'une jeune Libanaise qui vote
pour la première fois.
4
Annexe 2, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Enquête du dimanche électoral à la
Bekaa-Liban :
Durant le questionnement d'un
militant actif de la Société Civile
Libanaise à Zahlé, Monsieur Rabih Sassine.
Avec un militant du Courant
Durant le questionnement d'un
militant du Hezbollah.
Patriotique Libre (interrogé).
Annexe 2, Mémoire 2021-2022 HADDAD Nisrine, M2RI
Avec une militante du Hezbollah (interrogée).
Avec un militant Phalangiste (interrogé). Avec une
jeune militante de la société civile
libanaise (interrogée).
5
Avec un militant des FL (interrogé). Avec mon
accompagnant, Monsieur Rami
Haddad.
Devant une voiture illégale décorée
par les drapeaux du Hezbollah.
11/23/2021
Démocratie et
Processus électoraux
Sujet: L'évolution des processus
électoraux au Liban et ses effets sur la démocratie
représentative depuis la fin de la guerre civile libanaise
jusqu'aux préparations de l'élection législative
de 2022
HADDAD Nisrine
Master 2, Relations Internationales
1
HADDAD Nisrine Démocratie et processus
électoraux
M2RI Le 23/11/2021
Suite aux horreurs d'une guerre civile qui a duré 15
ans, le Liban a ratifié en novembre 1989 le « Document d'entente
nationale », appelé l'accord de Taëf, qui est au fondement de
la Deuxième République libanaise, et qui affirme le
caractère multiconfessionnel du Liban. Cet accord est un compromis
islamo-chrétien qui consiste à diviser les 128 sièges du
Parlement libanais équitablement entre les chrétiens et les
musulmans1, et précise un partage du pouvoir politique entre
les trois présidences de la république2. Il symbolise
le retour de l'état de droit au Liban en présentant ce dernier
comme étant une « République démocratique
parlementaire fondée sur le principe du respect des libertés
publiques et en premier lieux de la liberté d'opinion et de croyance
». En réalité, le Taëf qui a été
perçu comme la solution idéale pour une coexistence
réussite entre les 18 confessions libanaises a prouvé, avec le
temps, d'être une des raisons principales des conflits politiques
flagrants au Liban jusqu'à présent.
Suite au Taëf, le type des élections
législatives n'a pas changé, le scrutin est resté
majoritaire, d'où le vote se fait par sièges parlementaires dans
les circonscriptions électorales. Les lois électorales
ratifiées entre 1992 et 20083 ont uniquement modifié
la taille de la circonscription électorale, toujours vers une taille
plus grande dans le but de réduire les facteurs non politiques, comme le
confessionnalisme, et de mener vers des collaborations entre les
différentes confessions4. Tout cela a été fait
sans prendre en considération que le fait d'élargir les
circonscriptions limite les droits politiques et sociaux des minorités.
Ce qui rend ce système majoritaire simple mais injuste. En 2017, une
nouvelle loi électorale a été ratifiée changeant le
système électoral législatif d'un scrutin majoritaire
à un scrutin proportionnel avec équilibre entre les
différentes confessions. Depuis la fin de la guerre civile, 6
élections législatives ont eu lieu avec 5 scrutins majoritaires
et un proportionnel. Aujourd'hui, la deuxième élection
proportionnelle législative libanaise est en cours de préparation
et aura lieu fin mars de l'année 2022.
La démocratie représentative libanaise est
traduite par la participation des citoyens aux élections
législatives du Parlement, qui a un mandat de 4 ans. Entre chaque
mandat, la question de la loi électorale se pose, et des tensions entre
les différentes confessions, qui ont toujours persistées
même après la guerre civile, recommencent. C'est une routine
qu'une partie du
1 64 sièges pour chaque religion.
2 Chrétien Maronite de l'Etat, Musulman Chiite
du Parlement et Musulman Sunnite du Gouvernement.
3 Les 5 lois électorales de 1992, 1996, 2000,
2005 et 2008.
4 Sachant que le déséquilibre
démographique entre les communautés confessionnelles libanaises
demeure, depuis la guerre civile, un sujet très sensible.
2
HADDAD Nisrine Démocratie et processus
électoraux
M2RI Le 23/11/2021
peuple libanais a très bien compris et acceptée,
tandis qu'une autre partie essaye toujours de lutter pour un Etat
véritablement laïque, non seulement dans sa constitution qui a
été contredite par le Taëf, mais aussi dans son
système électoral et au sein de ses pouvoirs exécutif et
législatif. Une troisième partie du peuple libanais se trouve
indifférente face à cette routine, ou bien elle n'a pas bien
compris le processus électoral, ou bien elle a perdue l'espoir que le
Liban peut changer après des décennies de corruptions et de
transmissions familiales du pouvoir.
Depuis la fin de la guerre civile libanaise jusqu'aux
préparations actuelles des élections de 2022, beaucoup de
changements politiques, économiques et sociaux ont eu lieu au Liban. Ces
derniers ont affectés, à la fois positivement et
négativement, les processus électoraux et les résultats
des élections législatives libanaises, ce qui rend
intéressante l'analyse de l'état de la démocratie
représentative au Liban suite à tous ces facteurs.
La définition de la démocratie qui va être
adoptée dans cette étude est celle de Guy Hermet qui
considère que « la démocratie désigne un mode
d'organisation du pouvoir politique dont la légitimité requiert
qu'il reconnaisse pleinement le primat de la souveraineté populaire et
qu'il s'assigne pour objectif son renforcement effectif, mais dont l'agencement
réel se fonde toujours pour l'essentiel sur une délégation
de pouvoir à un personnel spécialisé par le biais
d'élections régulières, concurrentielles et sans exclusive
trop marquées vis-à-vis de certains secteurs, dans lequel aussi
la volonté majoritaire ne s'exerce pas au point d'écraser les
minorités ou les groupes d'intérêts de toutes
espèces »5
Suite à ce qui précède, une chronologie
historique guidera le plan; dans un premier temps (1989-2017), nous verrons les
lacunes du système électoral majoritaire et les raisons menant
à son remplacement par un autre proportionnel (I), puis dans un second
temps (20182021), nous verrons les lacunes de la nouvelle loi électorale
et ses effets sur la crise actuelle libanaise (II)
5 HERMET Guy, Dictionnaire de la science
politique et des institutions politiques, Armand Colin, Paris, 2015, 8e
édition.
3
HADDAD Nisrine Démocratie et processus
électoraux
M2RI Le 23/11/2021
I. D'un scrutin majoritaire considéré «
non-démocratique » à un autre proportionnel
« C'est une véritable hérésie
que de continuer à s'accrocher à un système aussi
désuet, qui ne fait que perpétuer le confessionnalisme
exacerbé, en consacrant le monopole du pouvoir par les leaders
communautaires »6 Abdo Saad. Le scrutin majoritaire a
été considéré par plusieurs politistes et
universitaires Libanais comme étant une limite à la
démocratie ou même non-démocratique pour des raisons
variées (A), alors en 2017 une nouvelle loi électorale a
instauré un système proportionnel (B)
A. La momification du système majoritaire menant
à l'instabilité politique et sociale du Liban
Comme déjà mentionné, les seules
modifications faites au système électoral libanais post guerre
civile concernent la taille et nombre des circonscriptions électorales.
Les autorités libanaises ont mis 20 ans pour comprendre qu'un
système majoritaire plurinominal, dans un pays multiconfessionnel, dont
la croissance démographique des communautés est inégale,
ne mène pas à avoir un parlement conforme au Taëf, et qui
représente la totalité du peuple. La représentation
concerne uniquement des parties dominantes géographiquement, ou non,
dans chaque circonscription, mais pas la totalité du peuple libanais.
Pour illustrer l'injustice de ce système, prenons l'exemple des
résultats des élections de 2005 dans la seconde circonscription
du Nord, où tous les sièges de la circonscription ont
été remportés à la liste qui a eu 57.5%7
des votes, tandis que la liste ayant uniquement 15% de votes en moins n'a
obtenu aucun siège8. Par conséquence,
premièrement, même si les sièges du législatif sont
répartis conformément au Taëf, ils ne représentent
pas la totalité du peuple libanais, alors la démocratie
représentative est mise en question. Deuxièmement, les tensions
politico-confessionnelles s'intensifient post-élections
législatives. Cela est due à la réaction des partis
non-gagnants et par la suite non-représentés au sein du parlement
pour les 4 prochaines années. Troisièmement, ça incite les
« opprimés » à ne plus participer aux élections
législatives. En d'autres termes, au boycott.
6 JALKH J., « Abdo Saad :« le
système majoritaire plurinominal est une véritable
hérésie » », L'orient-Le Jour, 16 Avril 2010.
[en ligne] : Abdo Saad : « Le système majoritaire plurinominal
est une véritable hérésie » - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
7 SAAD A., « Le Système Electoral
Majoritaire Freine l'avancée démocratique », Confluence
Méditerranée, vol.56, no.1, 2006, p. 111.
8 Dans cette même circonscription, en 2000,
une liste a obtenue 89% des sièges avec uniquement 43% des votes, alors
les autres 57% des autres listes ont été réparties sur 11%
des sièges de cette circonscription.
4
HADDAD Nisrine Démocratie et processus
électoraux
M2RI Le 23/11/2021
Le taux de participation des citoyens dans les 5
élections législatives suivant la fin de la guerre civile
libanaise était toujours inférieur à 55%, vue les
abstentions du peuple libanais pour des différentes raisons. Pour les
élections de 1992, la communauté chrétienne a
boycotté les élections en considérant qu'elles sont
contraires au principe de l'égalité9 et qu'il n'y aura
pas une représentation équitable entre les musulmans et les
chrétiens vue le découpage injuste des circonscriptions. Pour les
élections de 1996, il y'a eu 44.11%10 de participation et 32%
en 2000. Ces deux élections ont été boycottées par
les opposants au régime syrien au Liban, mais qui ont quand même
mené à deux mandat de parlements pro-syriens. Ce qui met la
souveraineté de l'Etat libanais en question, et par la suite, sa
démocratie représentative. En effet, après la guerre
civile libanaise, la Syrie a occupé le Liban, il y'avait même une
forte présence syrienne militaire et policière sur le territoire
libanais11. Et entre les années 1996 et 2005, la dominance
syrienne était même encrée dans le parlement libanais, ce
qui a mené à considérer que la démocratie
représentative au Liban était presque inexistante, parce que le
Liban, en tant qu'Etat, n'était pas souverain12, et parce que
le taux de participation aux élections était faible vue que les
opposants au régime syrien ont boycotté et par la suite ne sont
pas représentés. En ce qui concerne les élections de 2005,
le taux de participation était de 46.47%, la majorité absolue au
Parlement a été obtenue par l'opposition anti-syrienne avec
72/12813 élus. En Avril 2005, le dernier soldat syrien a
quitté le territoire libanais14, ce qui rend les
élections législatives de 2009 plus souveraines et
démocratiques que ceux d'avant. Mais ça n'empêche pas la
persistance des défauts du système majoritaire quant à la
représentation de tout le peuple libanais et la limitation de la
démocratie représentative. La participation dans cette
dernière élection majoritaire libanaise était de 53.98% du
nombre d'électeurs inscrits, ce qui montre les lacunes du système
majoritaire et la volonté d'une grande partie du peuple libanais de le
changer.
9 LARCHE J., FAUCHON P., JOLIBOIS C., RUFIN M.,
MATHEAS J., Quel Avenir Pour le Liban ?, Commission des lois, rapport
111, 1996/1997. [en ligne] : Quel avenir pour le Liban ? (
senat.fr).
10 LIBAN Majlis AL-Nuwwab (Assemblée
Nationale), Archive des résultats des élections
parlementaires, 1996. [En ligne] : LIBAN : élections
parlementaires en Majlis Al-Nuwwab, 1996 (
ipu.org).
11 PICARD E., « Elections libanaises : un peu
d'air à circuler... », Critique internationale,
vol.n°.10, no.1, 2001, p. 22.
12 Juste pour illustrer un peu l'intention du
régime syrien concernant le Liban, l'ancien président de la
république Syrienne Hafez Al Assad considérait que « Le
Liban est une erreur du Général Gouraud. Il n'a jamais
existé. C'est une partie de la Syrie ».
13 Universalis, « 2-30 juin 2005, Liban.
Elections Législatives et Assassinats Politiques »,
Universalis.fr. [en ligne] : 2-30 juin 2005 - Liban.
Élections législatives et assassinats politiques -
Événement - Encyclopædia Universalis.
14 GARDAZ S., « Retrait du Liban : Fin de
l'ingérence syrienne », Le Temps, 27 Avril 2005. [En
ligne] : Retrait du Liban: fin de l'ingérence syrienne? - Le
Temps.
HADDAD Nisrine Démocratie et processus
électoraux
M2RI Le 23/11/2021
B. L'adoption d'un nouveau système proportionnel et
ses avantages démocratiques comparés à l'ancien
majoritaire
Près d'une décennie suivant les élections
de 2009, en 2017, une nouvelle loi électorale a été
adoptée suivant trois auto-renouvellements du mandat
parlementaire15. Et le 6 mai 2018, le premier scrutin proportionnel
libanais a eu lieu en conservant un équilibre entre les
différentes confessions. Les nouveautés de ce système
électoral sont nombreuses, mais les plus importantes quant à la
démocratie représentative au Liban sont expliquées dans ce
qui suit.
Figure 1 montrant la division des circonscriptions, le
nombre de sièges dans chacune et la répartition des confessions
sur les sièges.
5
Cette nouvelle loi électorale diminue le nombre de
circonscriptions de 26 à 15. Il y'a des circonscriptions plus grandes
que les autres et le nombre de sièges varie d'après leurs
tailles. Selon le poids démographique de chaque circonscription, les
sièges sont répartis entre les confessions.
Le changement est même visible au niveau des bureaux de
vote, où les bulletins de vote sont pré-imprimés et
présentant les listes, les noms complets des candidats, leurs
communautés et la circonscription dans laquelle ils se
présentent. Le panachage n'est plus possible comme c'était le cas
avec le système majoritaire. L'électeur doit simplement cocher la
liste pour laquelle il vote en choisissant un seul candidat de cette liste
à qui il donne sa « voix préférentielle ». Avec
ce système de bulletins pré-imprimés et tamponnés
par le ministère de l'Intérieur, les partis politiques ne peuvent
plus distribuer des bulletins déjà prêts avec des listes
panachées à la porte des bureaux de vote pour s'assurer que les
citoyens, à qui ils ont payés, vont voter pour eux. Ce qui limite
les achats de votes.
15 Sous motif de la
préparation d'une nouvelle loi électorale et de la recherche d'un
consensus entre les partis politiques.
6
HADDAD Nisrine Démocratie et processus
électoraux
M2RI Le 23/11/2021
Pour la première fois au Liban, la diaspora libanaise a
pu voter. En effet, le Liban a connu des vagues multiples d'immigrations, il
existe des millions de Libanais dans le monde entier. Pour les élections
de 2018, 8200016 libanais hors le Liban se sont inscrits pour voter
et 59% d'entre eux ont votés en choisissant des listes se
représentants dans leur circonscription d'origine. Même si le taux
de participation est bas, cette possibilité d'implication de la diaspora
n'existait pas avant. En effet, la loi électorale de 2017 donne la
possibilité pour la diaspora libanaise de présenter des candidats
pour les élections législatives dès les deuxièmes
élections. Alors, six sièges seront attribués à
eux, en addition aux 128 sièges, pour les élections de
202217.
Le plus grand résultat démocratique de ce
système proportionnel est la possibilité pour les outsiders de
faire finalement partie au parlement Libanais. Pour la première fois au
Liban, une coalition appelée « Koulouna Watani »,
présentant des listes des candidats de la société
civile18 dans tout le pays, a pu avoir un siège au parlement
Libanais suite aux élections de 2018. En effet, la société
civile au Liban a joué un rôle primordial dans l'instauration de
cette loi électorale19, et durant les élections
même à travers des ONG, qui ont essayé de veiller sur la
neutralité des élections de 2018 et à défendre la
démocratie. C'est par exemple le cas de l'ONG « LADE » qui a
déployé 1200 bénévoles observateurs sur le long du
territoire libanais le jour des élections, le dimanche 6
mai20.
16 HOUEIX R., « Législatives au Liban :
proportionnelle, équilibre confessionnel... un système
électoral complexe », France 24, 04 Mai 2018. [En
ligne]: Législatives au Liban : proportionnelle, équilibre
confessionnel... un système électoral complexe (
france24.com)
17 IRADA K., « Législatives 2022 : la
représentation de la diaspora ne peut être cantonnée
à 6 sièges », L'orient-Le Jour, 11 septembre
2021.
18 Jürgen Habermas : « La
société civile se compose de ces associations, organisations et
mouvements qui à la fois accueillent, condensent et répercutent
en les amplifiant dans l'espace public politique, la résonance que les
problèmes sociaux trouvent dans la sphère de la vie privée
».
19Elle a même organisé un « vote
symbolique » comme moyen de forcing pour une loi axée sur la
proportionnelle quand le parlement a renouveler son mandat pour la
deuxième fois dans le but de trouver un consensus entre les partis
politiques pour un système électoral
20 DAOU M., « Législatives au Liban :
le combat d'une ONG pour défendre une démocratie malmenée
», France24, 05 Mai 2018. [En ligne] : Législatives au
Liban : le combat d'une ONG pour défendre une démocratie
malmenée (
france24.com)
7
HADDAD Nisrine Démocratie et processus
électoraux
M2RI Le 23/11/2021
II. Les défauts des élections
législatives de 2018 et le renforcement de la
société civile suite à de nombreux
événements
Le système proportionnel n'est pas parfait, mais quand
même, il reste moins problématique que le système
majoritaire et représente plus le peuple libanais au sein du parlement.
Cela montre une amélioration de la démocratie
représentative entre les élections de 2009 et celle de 2018. Dans
la première partie (A) nous verrons les défauts des
élections de 2018, tandis que dans la deuxième partie (B) nous
verrons les effets des derniers événements sur le pouvoir de la
société civile et comment ça donne espoir pour les
élections de 2022.
A. Les critiques des élections
législatives de 2018
La faible participation du peuple libanais aux
élections de 2018, malgré les campagnes organisées par les
candidats sur les réseaux sociaux et le terrain, a été le
sujet de nombreuses critiques. En effet, 49.2%21 du peuple libanais
a participé. C'est principalement dû à la complexité
du système électorale qui n'a pas été compris par
le grand public et par la suite, n'a pas motivé les électeurs
à participer. Le peuple libanais n'a pas été bien
formé politiquement avant le jour des élections, et par la suite,
n'a pas énormément participé. Si le système
proportionnel a été bien expliqué, les citoyens qui ont
perdus l'espoir à un changement véritable de la classe politique,
pourront comprendre qu'en effet, ce scrutin peut aboutir à une vraie
démocratie représentative s'ils participent. Pour illustrer la
complexité de ce système, il suffit de savoir que même
avant d'adopter la loi de 2017, les gouvernants ne savaient pas comment
l'expliquer aux citoyens. « Personne ne sait comment on va expliquer
cette loi aux citoyens »22, paroles de l'ancien ministre
de l'éducation nationale Marwan Hamadé.
Suite à tout cela, peut-on mettre en cause la
légitimité des gouvernants ? D'après la logique de
Dominique Reynié, la réponde sera oui. « l'abstention et
le vote populiste réduisent la base électorale des gouvernants et
leur légitimité (...) »23.
21 OLJ, « Législatives: taux de
participation de 49.2%, résultats définitifs dans les prochaines
heures », L'Orient-Le Jour, 06 mai 2018. [en ligne] :
Législatives : taux de participation de 49,2 %, résultats
définitifs dans les prochaines heures - L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
22 OLJ, « Loi électorale : début
du Conseil des Ministres », L'Orient Le-Jour, 14 Juin 2017. [en
ligne] : Loi électorale : début du Conseil des ministres -
L'Orient-Le Jour (
lorientlejour.com).
23 REYNIE D.,(dir.), Où va la
démocratie ? Une enquête internationale de la Fondation pour
l'innovation politique, Paris, Plon, Fondation pour l'innovation
politique, 2017, p.15
8
HADDAD Nisrine Démocratie et processus
électoraux
M2RI Le 23/11/2021
Le vote préférentiel a été aussi
un sujet de nombreuses critiques. Notamment celle de Nawaf Salam24
qui considère que cette « limitation du vote
préférentiel à un seul choix aboutissant à
intensifier la compétition au sein d'une même liste, et cela au
détriment de la vraie compétition entre listes politiquement
opposées et distinctes quant à leur programme
»25.
La troisième critique concerne l'absence de quota
réservé à la femme, même si la loi électorale
de 2017 donne une place importante aux femmes politiques libanaises, elle ne
précise pas un quota. Le parlement Libanais élu en 2018 compte 6
femmes26 uniquement et 122 Hommes. Et ça a été
le sujet de nombreuses critiques de la part de la communauté
féministe au Liban, notamment des influenceurs et influenceuses sur les
réseaux sociaux.
Enfin, la loi de 2017 ne limite pas les dépenses
électorales pour les candidats, ce qui créé des
compétitions électorales déséquilibrées. En
plus, plusieurs partis politiques, suite à la fermeture des bureaux de
vote, ont déclaré avoir vu des agents appartenant aux autres
partis politiques achetant les voix préférentielles des citoyens.
Ce qui est due aussi au manque de limitation des dépenses
électorales.
B. La révolution, l'explosion du Port de Beyrouth et
la crise économique: des événements tragiques menant au
renforcement de la société civile
Un an et demi suivant les élections législatives
de 2018, 1 million libanais se sont trouvés dans les rues en demandant
la démission de toute la classe politique, sans exceptions. Cela est
suite à de nombreuses campagnes dirigées par la
société civile sur les réseaux sociaux contre les taxes
imposées par le gouvernement au peuple. Durant cette révolution,
les demandes étaient claires; le changement des dirigeants politiques du
pays en remplaçant leurs « visages de guerre » par des jeunes
visages plus laïques, l'abolition du Taëf et du confessionnalisme
pour avoir un Etat laïque et l'organisation d'élections qui ne sont
pas fondées sur « l'équilibre confessionnel » mais
plutôt sur les compétences des représentants du peuple.
Même si la révolution libanaise n'a pas abouti à tout cela,
elle a montré le nombre des libanais ayant la
24 Juriste, politiste, diplomate et universitaire
libanais qui a été élu en 2017 juge à la Cour
Internationale de Justice pour la période 2018-2027.
25 CHAOUL M., « La réforme du
système électoral : étude comparative », L'Orient
Littéraire, 03 Juin 2021. [En ligne] : La réforme du
système électoral : étude comparative - L'Orient-Le Jour
(
lorientlejour.com)
26 A-C.D, AFP, « Liban: six femmes au nouveau
Parlement », Le Parisien, 08 Mai 2018. [en ligne] : Liban :
six femmes au nouveau Parlement - Le Parisien.
9
HADDAD Nisrine Démocratie et processus
électoraux
M2RI Le 23/11/2021
volonté de changer le pays vers le mieux. Elle a en
parallèle montré qu'il existe aussi un grand nombre de libanais
qui suivent toujours leurs dirigeants de guerre27. La
révolution a même montré à quel point le
gouvernement libanais est capable d'aller pour protéger les
intérêts personnels des corrompus du pouvoir. Notamment une force
excessive a été usée par l'armée libanaise face aux
manifestants et des balles réelles ont été
utilisées pour les disperser28.
Le 4 Août 2020, une double explosion a eu lieu au port
de Beirut dont l'origine était un stock de 3000 tonnes de nitrate
d'ammonium. Jusqu'aujourd'hui, aucun dirigeant politique n'a accepté
d'être auditionné, ce qui a reclencher les manifestations dans les
rues. En février 2021, un nouveau juge a été chargé
de l'enquête, le juge Tarek Bitar. Ce dernier a été
plusieurs fois menacé par des Partis politiques libanais, plus
récemment pas le Hezbollah qui lui a écrit le message suivant
:"Nous pourrions te déboulonner..."29. Mais quand
même il continue à convoquer des personnages politiques pour
être auditionnés. Le 14 Octobre 2021, 6 personnes30
ont été tuées durant une manifestation du
Hezbollah demandant la démission du juge Bitar. "Le
fait que l'enquête se rapproche de certains
responsables politiques induit ce type de comportement avec potentiellement des
dérives graves"31, a analysé un journaliste de la
revue Orients Stratégiques. Le fait que cette explosion a causé
214 morts, 6500 blessés et 35000 sans
27 Cela a été exprimé par la
violence et le harcèlement des manifestants de la part des autres
Libanais.
28 Amnesty International, «Liban. Il faut une
enquête sur le recours à la force excessive, notamment sur l'usage
de balles réelles pour disperser les manifestations », Amnesty
International, 1 Novembre 2019. [En ligne] : Liban. Il faut une
enquête sur le recours à la force excessive, notamment sur l'usage
de balles réelles pour disperser les manifestations (
amnesty.org)
29 COLLY Aurélien, « Explosion dans le
port de Beyrouth : le juge chargé de l'enquête cible de menaces et
de pressions », Franceinfo, 23 Octobre 2021. [En ligne] :
Explosion dans le port de Beyrouth : le juge chargé de l'enquête
cible de menaces et de pressions (
francetvinfo.fr).
30 Franceinfo, « Six morts après une
manifestation au Liban « Cela rappelle de très mauvais souvenirs
», estime un chercheur », Franceinfo, 14 Octobre 2021. [En
ligne] : Six morts après une manifestation au Liban : "Cela rappelle
de très mauvais souvenirs", estime un chercheur (
francetvinfo.fr).
31 Ibid.
HADDAD Nisrine Démocratie et processus
électoraux
M2RI Le 23/11/2021
logements, et que les dirigeants politiques libanais bloquent les
enquêtes sur ce sujet, le peuple libanais et surtout les familles des
victimes se révoltent encore plus contre la classe politique
dirigeante.
Figures 5 et 6 : le frère d'une victime de
l'explosion du Port de Beyrouth réprimé par les forces
étatiques libanaises
Suite à la révolution Libanaise, l'explosion du
port et la crise du Covid-19, le Liban se trouve aujourd'hui dans une des pires
crises économiques et politiques au monde32. Le silence des
gouvernants face à cette crise, mène une plus grande partie du
peuple libanais affamé, qui a perdu des membres de sa famille et une
partie de sa capitale, a vraiment vouloir le changement. Ce qui a
résulté au renforcement de la société civile
libanaise qui tout au long de ce mandat n'a pas arrêté d'inviter
le peuple libanais à participer aux événements
organisés par des ONG, des associations et même des personnels. Et
petit à petit, l'engagement du peuple libanais se fortifie au sein de
ces initiatives, ce qui donne espoir pour les prochaines élections de
2022.
10
32 AFP, « Le Liban traverse la pire crise
économique du monde », Le Point International, 01 Juin 2021. [en
ligne] : Le Liban traverse la pire crise économique du monde - Le
Point
11
HADDAD Nisrine Démocratie et processus
électoraux
M2RI Le 23/11/2021
CONCLUSION :
Certes le système électoral Libanais a connu des
grands changements entre la fin de la guerre civile jusqu'à nos jours.
Peut-être qu'en sortant d'une guerre confessionnelle violente, la
solution idéale, à l'époque, était d'adopter
l'accord du Taëf entre toutes les confessions pour trouver un compromis au
niveau du pouvoir étatique. Mais le fait de respecter cet accord,
jusqu'à nos jours, limite la démocratie représentative au
Liban parce que les sièges doivent toujours être divisés
selon les confessions, et le vote se fait selon la confession de
l'électeur. Surement, le système proportionnel est plus
démocratique que le système majoritaire, mais il comprend tout de
même des lacunes. Les lacunes liées à sa
nouveauté33 sont aujourd'hui en cours de traitement par le
gouvernement et la société civile active. Au contraire, les
lacunes liées au vote préférentiel, les circonscriptions
et la représentation égale de tous les citoyens, ne peuvent
être réglées qu'en abolissant le Taëf, installant un
Etat laïque et des élections qui n'ont rien à voir avec les
communautés confessionnelles. Cela va réduire les tensions
quotidiennes entre les citoyens, les conflits pré et post-
élections et les corruptions des élections vue que l'on ne se bat
plus pour la « survie de la confession et l'élimination de l'autre
». La situation actuelle au Liban, même si tragique, montre une
volonté toujours plus grande du peuple libanais de changer le pays et
d'élire plus de représentants de la société civile.
Les élections de 2022 vont tout révéler.
Déjà les campagnes pour que la diaspora libanaise participe aux
élections ont commencées sur les réseaux sociaux, des
vidéos instructives sur le système électoral sont
postées par des ONG sur Facebook et Instagram, et des Hashtags motivant
le peuple au changement du Liban par le vote sont lancés. Dans l'espoir
que le pluralisme, qui caractérise la démocratie, n'aurait plus
du mal à s'imposer au Liban.
33 Le quota de femmes au Parlement, l'explication
de la proportionnelle au peuple libanais et la faible culture politique.
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HADDAD Nisrine Démocratie et processus
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M2RI Le 23/11/2021
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