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Réconciliation et socialisation politique post-guerre civile libanaise


par Nisrine HADDAD
Université Clermont-Auvergne  - Master II, Relations Internationales  2021
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Relations Internationales
   
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Mémoire de recherche

Pour le diplôme de Master II

Relations Internationales

RECONCILIATION ET

SOCIALISATION

POLITIQUE POST-GUERRE

CIVILE LIBANAISE

Par Nisrine HADDAD

Sous la direction de

Madame la Docteure Milena DIECKHOFF

Ce mémoire est dédié à ma maman française,

Toujours dans mon coeur.

Madame Monique

19 mars 1958 - 09 juillet 2022

Le 4 août 2020, vers 18h20, j'appelais tous mes proches et mes connaissances à Beyrouth pour m'assurer que leurs coeurs battaient encore. Depuis ce jour, nos coeurs fonctionnent mais nos yeux sont devenus vides.

Je me demande si c'est normal pour une jeune de 20 ans de vivre une telle expérience. Il n'y avait pas un contexte de guerre ni d'alerte, c'était un mardi normal à Beyrouth quand un stock de 2750 tonnes de nitrate d'ammonium dans le hangar No. 12 du Port s'explosait laissant derrière lui 215 morts, 6 500 blessés et 350 000 sans logement. Non, je ne pense pas que c'est normal.

Une semaine après la double explosion j'ai contacté l'Université Clermont-Auvergne pour partir de ce pays gouverné par des chefs de milices. J'ai été acceptée en Master 1, Carrières Internationales. Aujourd'hui, je rédige ce mémoire pour valider ma deuxième année de Master en Relations Internationales sous l'encadrement de Madame Milena Dieckhoff que je remercie énormément pour son soutien moral et académique tout au long de l'année.

Durant la révolution du 17 Octobre 2019, nous avons été opprimés par l'armée libanaise. Des balles réelles nous ont été tirées dessus, surtout après la tragédie du 4 août 2020. Avec le Covid-19 et la crise socio-économique flagrante, beaucoup de militants révolutionnaires ont baissé les bras, d'autres ont quitté le pays. Personnellement j'ai quitté le pays mais je n'ai jamais baissé les bras.

Dans ce mémoire, je me révolte...

Remerciements

La réalisation de ce mémoire a été possible grâce à l'aide de plusieurs personnes à qui je voudrais témoigner toute ma gratitude.

Madame Milena Dieckhoff, ma directrice de mémoire, pour m'avoir motivée à faire ce que j'aime dans la vie quand je voulais abandonner mes rêves pour des opportunités plus simples,

Ma famille, ma maman May, mon papa Elias et mes deux frères Fares et Rami qui, malgré la distance qui nous sépare, forment mon plus grand support partout dans ce monde,

Mon oncle Emmanuel pour m'avoir épaulée tout au long de mes deux années de Master,

Mon parrain académique et universitaire, Docteur Habib Boussadia, pour ses précieux conseils et son orientation ficelée durant ma recherche,

Ma famille française, Madame Monique, Monsieur Jacky, Hélène, Hugo, Arnaud, Marie et leurs enfants, grâce à laquelle je me sens chez moi en France,

Toutes les personnes que j'ai interviewées pour leurs temps et opinions politiques, Professeur et ex-ministre Charbel Nahas, Docteur Fayez Araji, Madame Dima Abou Daya, Monsieur Alain Mounayer, Monsieur Dany Fayad, Monsieur Nazih Chaanine, Monsieur Walid Zeitouny, Monsieur Maxwell Saungweme, Madame Doha Adi, Monsieur Hussein Chokr, Monsieur Ali Sandeed, Monsieur Ramzi Abou Ismail, Monsieur Sami Braidy et l'ex-combattant palestinien au sein de l'OLP qui a demandé de rester anonyme.

Mes accompagnants durant les entretiens, Monsieur Rami Haddad et Monsieur Elias Fayad, pour leurs ressources humaines et temps,

Sans oublier l'Université Clermont-Auvergne et son personnel qui m'ont donné l'opportunité de continuer mes études en France.

Merci de tout coeur à toute personne qui m'a aidée directement ou indirectement dans l'accomplissement de ce mémoire de fin d'études.

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Réconciliation et socialisation politique après la guerre civile libanaise.
HADDAD Nisrine, 2021-2022

Sommaire

Introduction 05

I. La création de l'Etat libanais sur un fondement communautaire renforcé avec le temps 06

II. La fragilité socioéconomique et politique interne et l'environnement régional conflictuel

menant à une guerre civile Libanais 07

III. Le Liban d'aujourd'hui : Situation d'entre-guerres post-guerre civile 11

Problématique, intérêts et enjeux de la recherche 14

Corps du mémoire 16

I. Le Manque de réconciliation au Liban après la guerre civile 16

A. Complexité du terme « Réconciliation » et sa projection conceptuelle sur le cas libanais 16

B. Contexte de la fin de la guerre civile libanaise vers la création de la Deuxième République

libanaise 18

C. L'échec des modalités « mythiques » de réconciliation mises en place après la guerre civile

20

1) Les lacunes formelles et corporelles de l'accord du Taëf et son inapplicabilité 20

2) L'Amnistie libanaise : un accord politique conditionné pour protéger les chefs de

milices devenus des Hommes d'Etat 23

3) Le freinage du passage de l'amnistie à la justice transitionnelle au Liban 25

II. La réconciliation au Liban aujourd'hui 27

A. La réconciliation est une nécessité après 32 ans de la fin de la guerre civile 27

1) Des dossiers toujours non traités 28

a) Les disparitions forcées et les détentions secrètes 28

b) Les crimes de genre durant la guerre civile libanaise 32

2) Manque d'une mémoire collective 35

3) L'oubli : Manque de regret et de pardon 38

B. Les limites de la réconciliation aujourd'hui 40

1) La corruption des institutions étatiques due au système politique communautaire 41

2) Manque de volonté commune des leaders politiques pour protéger leurs intérêts

personnels 44

3) Les influences externes dans les décisions étatiques 46

III. La socialisation politique confessionnelle 49

A. La socialisation politique, une notion moderne avec une définition ambiguë faisant l'objet

de plusieurs recherches 49

B. Le renforcement de la socialisation politique confessionnelle avec la guerre civile libanaise

52

C. Le remplacement de la socialisation politique nationale libanaise par la socialisation

politique confessionnelle 56

1) Au niveau identitaire : Le remplacement de l'identité nationale par une autre

confessionnelle ...........................57

2) Au niveau de l'état civil : la confessionnalisation du statut personnel ...........................59

3) Au niveau éducatif : une « autonomie éducationnelle» menant à la reproduction de la

division confessionnelle et sociale au sein des écoles 60

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4) Au niveau psychologique : la peur de « l'autre » guide le comportement et l'opinion

politique des libanais 63

5) Au niveau socio-économique : Le consociationalisme politique et ses conséquences 66

IV. La réconciliation: salvatrice de la socialisation politique nationale et bloquée par la

socialisation politique confessionnelle 71

A. En théorie : trois types de réconciliations doivent être faites 71

1) La réconciliation par le dialogue interreligieux 71

2) La réconciliation par la justice et les travaux de mémoire 75

3) La réconciliation à travers l'éducation des jeunes 77

B. En pratique : un cercle vicieux freine toute initiative étatique de réconciliation 81

Conclusion 84

I. Les Libanais se « révoltent » de plus en plus suite à de nombreuses crises 85

A. Les manifestations du 17 octobre 2019 85

B. La double explosion du port de Beyrouth 88

C. Les élections législatives de 2022 91

II. Le renforcement de la société civile : une échappatoire du cercle vicieux bloquant la

réconciliation nationale Libanaise 95

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« Nous jurons par Dieu Tout-Puissant, Chrétiens et Musulmans, de rester unis jusqu'à la fin des temps pour défendre le magnifique Liban »1 - Gébran Tuéni, le 14 mars 2005 (8 mois avant son assassinat).

Ce fameux serment du député libanais constitue le rêve de plusieurs Libanaises et Libanais qui se trouvent aujourd'hui obligés de quitter leur pays face à un système communautaire limitant leurs rêves et ambitions. Le discours de Tuéni a été répété par des centaines de milliers de Libanais rassemblés dans la place des Martyrs à Beyrouth pour la première fois le 14 mars 2005 pour commémorer le Premier Ministre assassiné un mois au paravent, Rafiq Hariri, et pour la deuxième fois durant les manifestations de 2019. Entre la « Révolution des Cèdres » 2 de 2005 et la « Révolution du 17 Octobre » de 2019 beaucoup de changements socioéconomiques et politiques ont eu lieu au Liban, mais plutôt vers le pire. Le politologue franco-libanais Antoine Sfeira a considéré le 14 mars 2005 comme le jour d'une expression claire de la société civile libanaise contre une autre communautaire au coeur du Liban3. Pour lui, avant la « Révolution des Cèdres », « la citoyenneté demeurait communautaire ou n'existait pas »4, l'identité nationale libanaise était remplacée par l'autre confessionnelle et cela suite à plusieurs événements qui n'ont pas servi au profit de l'unité nationale. En effet, si cette « Révolution des Cèdres » a marqué la fin de l'occupation syrienne et l'apparition publique de la société civile libanaise, elle n'a surement pas mis fin au communautarisme politique issue d'une mal-gestion historique de la pluralité confessionnelle libanaise. Aujourd'hui, plus que jamais, le Liban paye le prix de cette mal-gestion à travers la pire crise socio-économique qu'il n'a jamais connue5. En mars 2020, le Premier Ministre Hassane Diab a confirmé la gravité de la situation en exprimant son inquiétude envers la dégradation de la qualité de vie Libanaise et l'incapacité de l'Etat de contrôler la crise: « L'Etat n'est plus en mesure de protéger les Libanais et de leur assurer une vie décente »6. Cette crise est le résultat d'à peu près trois décennies de communautarisme politique mettant les seigneurs de guerre au coeur du système politique Libanais, et cela à travers la légitimation de la transformation de ces seigneurs en des Hommes d'Etat. Jusqu'à ce jour, que ça soit à travers l'accord du Taëf mettant fin à la guerre civile ou bien la loi d'Amnistie protégeant les responsables de guerre, le Liban a connu 32 ans de clientélisme politique confessionnel et de

1 ANNAHAR, « 2005 ááÇÞÊÓáÇÇ ÉÖÇÊäÅ ááÇÎ íäíæÊ äÇÑÈÌ ÊÇãáß », YouTube, 2005, 00 :02 :52. [en ligne] : íäíæÊ äÇÑÈÌ Éãáß 2005 ááÇÞÊÓáÇÇ ÉÖÇÊäÇ ááÇÎ - YouTube.

2 Le 14 mars 2005 a marqué la naissance de la « Révolution des Cèdres » regroupant des mouvements et des partis politiques libanais opposés à l'existence militaire syrienne sur le territoire du pays : Courant du futur, Forces Libanaises, Kataëb (Phalange), Mouvement de la gauche démocratique, Mouvement du renouveau démocratique et Rassemblement de Cornet Chehwane. Concernant le Courant Patriotique libre, il prend part de cet alliance durant la Révolution des Cèdres mais s'éloigne à la suite des élections législatives de 2005 pour au final finir dans l'Alliance du 8 Mars (coalition prosyrienne).

3 SFEIR A., « Liban. Les trahisons du 14 mars », Études, vol. 403, no. 9, 2005, pp. 153-160.

4 Ibid., p. 155.

5 LE MONDE, « Le désastre libanais est le résultat de décennies de mauvaise gestion, de corruption, menées par une élite oligarchique », Le Monde, 16 Juillet 2020. [en ligne] : « Le désastre libanais est le résultat de décennies de mauvaise gestion, de corruption, menées par une élite oligarchique » ( lemonde.fr).

6 OLJ, « L'Etat n'est plus en mesure de protéger les Libanais » : l'aveu d'impuissance de Hassane Diab », L'Orient-Le Jour, 03 Mars 2020. [en ligne] : « L'État n'est plus en mesure de protéger les Libanais » : l'aveu d'impuissance de Hassane Diab - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

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corruption devenus la pierre angulaire de son système communautaire aux dépends de la réconciliation nationale inexistante.

Pour comprendre la complexité sociopolitique et économique libanaise contemporaine, il faut d'abord appréhender la place qu'occupe le communautarisme politique dans l'Etat depuis sa création (I), ensuite comprendre le contexte du déclenchement de la guerre civile des 15 ans (II) pour enfin analyser le statut du Liban actuel (III).

I. La création de l'Etat libanais sur un fondement communautaire

renforcé avec le temps

Le Liban est un Etat jeune datant de 1920 et réunissant plusieurs territoires de différentes cultures et appartenances. Avant le début du mandat français (Accords Sykes-Picot) et la création du Liban étendu sur 10 452 km2 par le Général Henri Gouraud7, le Liban était sous l'occupation ottomane qui a duré environ 400 ans (1516-1918)8 et était divisé en deux sociétés différentes ayant chacune une histoire et une culture différentes: les citadins et les montagnards. Les Chrétiens maronites, les Druzes et une partie des Chiites étaient installés dans la Montagne tandis que les Sunnites et les Grecs-Orthodoxes étaient placés au littoral. Cette division démographique est formée progressivement entre le VIIème et le XIème siècle et n'a pratiquement pas changé jusqu'à nos jours, elle s'est même renforcée suite à la guerre civile libanaise. Outre la différence d'histoire, de culture et de religion entre les territoires unis pour former le Liban, chaque communauté répondait à une autorité externe: le sultan (le Calif) pour les Sunnites, le Vatican et l'occident (surtout la France) pour les Maronites, les villes saintes de l'Iran et de l'Irak pour les Chiites et la Russie pour les Grecs Orthodoxes. Cette dépendance externe a complexifié encore plus la convergence entre les confessions composantes du Liban et n'a pas pris fin suite à la création de l'Etat libanais, d'où les divergences communautaires flagrantes dans la société libanaise contemporaine. Le journaliste français Xavier Baron a parfaitement synthétisé cette divergence populaire lors de la création du Liban en confirmant que :« Ce sont donc des populations aux aspirations plurielles et parfois rivales, héritières d'histoires distinctes, qui sont appelées à former un Etat unifié au début du XXème siècle »9.

Cette mosaïque culturelle libanaise constitue la richesse et la beauté du Liban, outre sa beauté géologique, elle a fait que ce pays soit touristique et intéressant. En revanche, au niveau politique, cette richesse a connu une mal-gestion avec la prise de place progressive d'un système politique communautaire depuis la fin du XIXème siècle. En effet, le communautarisme politique a été mis en place au Liban comme un compromis entre 18 confessions10 qui doivent toutes être représentées selon le poids démographique de chacune.

7 HOKAYEM A., « Le Liban de 1920, une entité controversée », L'Orient-Le Jour, 08 Février 2021. [en ligne] : Le Liban de 1920, une entité controversée - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

8 CHAIGNE-OUDIN A.L., EL KHOURY Y., « Liban », Les Clés du Moyen-Orient, 01 Février 2010. [en ligne] : Liban ( lesclesdumoyenorient.com).

9 BARON X., Le Liban, une exception menacée: en 100 questions, Italie, Tallandier, 2020, p. 08.

10 Les 18 confessions reconnues par l'Etat Libanais : Sunnite, ismaélienne, chiite, alaouite, druze, maronite, grecque-orthodoxe, grecque-catholique, grégorienne, syrienne-catholique, syrienne-orthodoxe, copte, protestante, latine, arménienne-catholique, assyrienne catholique, assyrienne orthodoxe, juive. DAVIE M.F., « Internet et les enjeux de la cartographie des religions au Liban », Géographie et cultures, no. 68, 2008, pp. 81-98.

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Pratiquement trois grands courants religieux ont place au Liban (chiite, sunnite et maronite), et le communautarisme n'a fait que de progressivement diviser le pouvoir de plus en plus formellement entre eux. Commençons avec l'article 95 de la première Constitution libanaise11 de 1926, qui guide à la création de la jeune démocratie consensuelle libanaise. Cela dans la mesure ou les communautés essentiellement chrétiennes et musulmanes partagent le pouvoir équitablement entre elles (proportionnellement selon leurs importances) en assurant une représentation équitable au sein des emplois publics et au sein du gouvernement. Cette division confessionnelle fallait être transitoire de base, mais elle n'a fait que se renforcer à travers le Pacte National de 1943 et l'accord du Taëf de 1989. Effectivement, le mandat français a pris fin le 22 Novembre 1943 (la fête nationale libanaise) et les Libanais faillaient s'autogouverner. Cela a été fait à travers la consécration d'un accord non-écrit appelé le Pacte National12 devenu fondamental dans la vie nationale du Liban indépendant. Cet accord a divisé plus précisément les trois présidences entre les confessions avec un Président de la République maronite, un président du Conseil sunnite et celui de la Chambre chiite. Il a de même confirmé la répartition des emplois publics en fonction de l'importance numérique de chaque confession. Le Pacte National a été confirmé constitutionnellement par l'accord du Taëf de 198913 marquant la fin de la guerre civile et la naissance de la Deuxième République libanaise. Cet « accord d'entente nationale » a rééquilibré le communautarisme politique libanais au sens plus favorable aux musulmans en diminuant les compétences du Président de la République chrétien aux profits du chef du Gouvernement sunnite et du chef du Parlement chiite. Cela suite à une guerre civile qui a duré 15 ans (II).

II. La fragilité socioéconomique et politique interne et l'environnement

régional conflictuel menant à une guerre civile Libanaise

« Le Liban était souvent présenté, dans les années 1950 et 1960, comme un modèle de démocratie et de développement économique, comme un exemple remarquable de stabilité au milieu de la poudrière du Proche-Orient, déchirée par le conflit israélo-arabe. Pourtant, en 1975, une guerre civile meurtrière éclate, longue de quinze ans, faisant entre 150 et 250 000 morts »14, cet extrait de l'article de Hervé Amiot sur le sujet de la guerre civile libanaise explique le basculement du Liban considéré comme « la Suisse du Moyen Orient »15 vers le Liban guerrier et instable à cause du communautarisme politique. Dans la suite de l'article, Amiot précise qu'entre 1958 et 1964 le Liban a connu une prospérité et une évolution de modernisation au niveau mondial grâce aux tentatives du Président de la République Fouad Chéhab de dépasser le confessionnalisme en surmontant les clivages et imposant « une

11 « A titre transitoire et conformément aux dispositions de l'article 1er de la Charte du Mandat et dans une intention de justice et de concorde, les communautés seront équitablement représentées dans les emplois publics et dans la composition du ministère sans que cela puisse cependant nuire au bien de l'État. ». L'article 95 de la Constitution libanaise de 1926.

12 CHAIGNE-OUDIN A.L., « Pacte National Libanais», Les Clés du Moyen-Orient, 09 Mars 2018. [en ligne] : Pacte National libanais ( lesclesdumoyenorient.com).

13 Le contexte de cet accord avec ses effets seront expliqués en détails dans la Partie I, B et C.(1).

14 AMIOT H., « La guerre du Liban (1975-1990) : entre fragmentation interne et interventions extérieures », Les Clés du Moyen-Orient, 23 Octobre 2013. [en ligne] : La guerre du Liban (1975-1990) : entre fragmentation interne et interventions extérieures ( lesclesdumoyenorient.com).

15 MEIER D., « « Le Liban était la Suisse du Moyen-Orient. » », Liban. Identités, pouvoirs et conflits. Idées reçues sur un État dans la tourmente, sous la direction de Meier Daniel. Le Cavalier Bleu, 2016, pp. 37-41.

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politique volontariste économiquement (grands investissements d'Etat), centralisatrice menée par un Etat fort »16. Le Président Chéhab n'a pas pu continuer face au mécontentement des grandes familles confessionnelles traditionnelles libanaises qui voyaient leur pouvoirs diminuer, en 1964 il laisse la présidence. Suite à cela, la crise socioéconomique et politique commence et se dégrade suivant plusieurs événements internes et externes qui mènent à la guerre civile. Effectivement deux types de facteurs ont causé 15 ans de guerre, le premier étant interne résultant d'une complexité confessionnelle suite à l'instauration d'un système politique communautaire par le Pacte National, tandis que le deuxième est l'impact de l'entourage conflictuel régional du Liban. Sachant que l'un alimente l'autre et vice-versa, ces facteurs n'ont fait que s'aggraver durant la guerre en noyant le pays encore plus profondément dans des crises économiques, sociales et politiques.

Avant de rentrer dans les détails des éléments déclencheurs de la guerre civile libanaise, il est important de noter qu'il n'existe pas une histoire commune entre toutes les parties du conflit. Jusqu'à nos jours, l'histoire officielle libanaise s'arrête avec la « gloire de l'unité nationale » face au Mandat français et l'indépendance de 1943, après cette date, chaque parti politique raconte sa version des événements. Certains considèrent que la guerre civile libanaise est causé par les Palestiniens sur le territoire libanais, d'autres considèrent que c'est une guerre internationale au Liban, d'autres la limitent à la crise socio-économique qui existait à l'époque, d'autres pointent les doigts vers les Chrétiens qui ont refusé le renforcement militaire palestinien au Liban, etc. Plusieurs points de vues et interprétations existent sur le sujet, nous allons simplement évoqué le contexte général de la guerre civile libanaise en se basant sur des faits sans rentrer dans les détails des événements.

Suite au conflit israélo-arabe accompagnant la création de l'Etat d'Israël, entre 100 000 et 300 00017 Palestiniens ont trouvé refuge au Liban. L'existence de ces derniers sur le territoire libanais a été perçue comme menaçante à l'équilibre communautaire du Pacte surtout qu'ils constituent près de 10% de la population libanaise (estimée à l'époque entre 3.5 et 4.5 millions d'habitants18). Les tensions effectives sur le sujet de l'existence palestinienne au Liban ont commencées suite à la guerre israélo-arabe de 1967 et surtout suite à l'arrivée de Yasser Arafat en 1969 à la tête de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP)19. Durant cette période les palestiniens ont commencé à se militariser au Liban ce qui a déstabilisé la classe politique libanaise (surtout avec la division communautaire) entre une partie chrétienne (le Front libanais) opposée à ce renforcement armé palestinien et faisant appel à l'autonomie étatique libanaise, et une deuxième partie (Le Mouvement national) regroupant les musulmans et les gauches aux cotés des fedayin. Cette crise sociopolitique n'a fait qu'empirer, surtout avec les opérations militaires de raids israéliennes au Sud du Liban présentées comme des réponses aux attaques palestiniennes menant au déplacement de plusieurs familles surtout chiites vers les

16 AMIOT H., « La guerre du Liban (1975-1990) : entre fragmentation interne et interventions extérieures », op.cit.

17 DORAÏ M.K., Chapitre premier. La présence Palestinienne au Liban, dans Les réfugiés palestiniens du Liban: Une géographie de l'exil, Paris, CNRS Éditions, 2006, pp. 35-77.

18 DUMONT G.F., « Le Liban, une mosaïque de populations », Population & Avenir, vol. 673, no. 3, 2005, p. 03.

19 BARON X., Le Liban, une exception menacée: en 100 questions, op.cit., p. 91.

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quartiers pauvres des villes20, spécifiquement les banlieues de Beyrouth. En plus, des affrontements de plus en plus intenses entre l'armée libanaise et les palestiniens causaient des différends entre des partis politiques Libanais supporteurs des palestiniens et leur Etat. Comme résultat, le Mouvement National Libanais réclame un commandement armée pluricommunautaire et non pas uniquement réservé au Président de la République maronite21. Comme nous avons déjà vu, le système libanais est régi sur le fondement confessionnel du Pacte National, et cela au niveau institutionnel, économique et social. Le partage du pouvoir selon ce Pacte favorise la domination politique et économique des Maronites ce qui a aidé au renforcement de l'unification du Mouvement National Libanais face aux Chrétiens pour essayer de diminuer leur pouvoir.

Face à toutes ces crises et pour essayer de s'en sortir, le Président de la République Charles Hélou signe un accord au Caire le 03 novembre 196922 donnant droit au Palestiniens de garder leur résistance armée sur le territoire libanais et les autorisant à accéder les régions montagneuses du Sud du Liban, ce qui a transformé la frontière sud libanaise en front de guerre. Cet accord n'a fait que de mettre l'huile sur le feu23, d'un côté le Mouvement National insistait sur l'importance de la cause palestinienne et sur le rôle central du Liban dans l'affaire, tandis que de l'autre le Front Libanais demandait l'abolition de l'accord puisqu'il mettait en danger la souveraineté étatique libanaise face à des camps palestiniens ou le Liban n'a aucun pouvoir, pour lui les palestiniens ont créé un Etat dans l'Etat libanais. Ce n'est que vers la fin de la guerre civile que le Parlement libanais a abrogé l'accord du Caire24.

La date officielle du début de la guerre civile libanaise est le 13 avril 1975 quand des miliciens chrétiens maronites (Phalangistes) tirent sur un autobus à Aïn el-Remmaneh tuant 27 passagers dont la majorité Palestinienne25. Cet acte était une réponse au meurtre d'un garde-corps du fondateur de leurs parti politique (Phalange) Pierre Gemayel le jour même par des inconnus (certains considère qu'ils était membres du Parti Social Nationaliste Syrien (PSNS)). D'ici, les violences mutuelles se mettent en place entre deux camps, le Mouvement National et le Front Libanais, qui durent 15 ans. Durant cette guerre civile, au niveau local, le Liban a subi une division milicienne ou chaque milice contrôlait une région (carte 1) et des déplacements confessionnels suite à cette division, tandis qu'au niveau global, il y'a eu beaucoup

20 Ibid., p. 93.

21 Ibid., p. 96.

22 MARCHAL B., « L'accord do Caire implique un engagement accru des Libanais flans la guerre contre Israêl Un certain malaise persiste à Beyrouth », Le Monde, 05 Novembre 1969. [en ligne] : L'accord do Caire implique un engagement accru des Libanais flans la guerre contre Israël Un certain malaise persiste à Beyrouth ( lemonde.fr).

23 AMIOT H., « La guerre du Liban (1975-1990) : entre fragmentation interne et interventions extérieures », op.cit.

24 LE MONDE, « LIBAN : l'abrogation de l'accord du Caire . », Le Monde, 24 Mai 1987. [en ligne] : LIBAN : l'abrogation de l'accord du Caire. _ ( lemonde.fr).

25 AMIOT H., « Chronologie illustrée du conflit libanais (1975-1990) », Les clés du Moyen-Orient, 20 Octobre 2013. [en ligne] : Chronologie illustrée du conflit libanais (1975-1990) ( lesclesdumoyenorient.com).

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d'interventions externes (carte 2) qui ont fini par une occupation israélienne du Sud du Liban jusqu'en 2000 (le jour de la libération26) et syrienne jusqu'en 2005 (révolution des cèdres).

Carte 1 : La division démographique interne milicienne fin des années 1980.

Source : Article de Hervé Amiot, « La guerre du Liban (1975-1990) : entre fragmentation interne et interventions extérieures », Les Clés du Moyen-Orient, 23 octobre 2013. [en ligne] : La guerre du Liban (19751990) : entre fragmentation interne et interventions extérieures ( lesclesdumoyenorient.com).

Carte 2 : Les interventions externes dans la guerre civile libanaise. Source : Article de Hervé Amiot, « La guerre du Liban (1975-1990) : entre fragmentation interne et interventions extérieures », Les Clés du Moyen-Orient, 23 octobre 2013. [en ligne] : La guerre du Liban (19751990) : entre fragmentation interne et interventions extérieures ( lesclesdumoyenorient.com).

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Face à une armée paralysée, le Liban était régi par des groupes miliciens de plus en plus nombreux qui imposaient leurs propres règles dans leurs régions et qui massacraient les autres populations27. Au fil des années de cette guerre, les crises économiques, sociales et politiques n'ont fait que se multiplier et s'aggraver sans solutions. La vie d'une nation était paralysée, l'économie d'un Etat détruite, la physionomie libanaise était complétement bouleversée et le fondement même de l'Etat effondré. Les interventions externes n'ont pas aidées, que ça soit les interventions des troupes syriennes à partir de juin 1976 (suites à la demande des milices chrétiennes) qui n'ont arrêtées de changer de camps et qui arrivent à Beyrouth en novembre, ou bien les attaques frontalières israéliennes dans le Sud du pays causant le déplacement forcé

26 EL BACHA F., « Liban/Histoire : le 25 mai 2000 et le retrait israélien du Sud Liban », Libnanews, 25 Mai 2018. [en ligne] : Les dates-clés du Liban: le 25 mai 2000 et le retrait israélien du Sud Liban ( libnanews.com).

27 Chaque camp de la guerre a exécuté des massacres dans les régions de l'autre, par exemple les Chrétiens ont attaqués plusieurs camps de réfugiés palestiniens comme celui de Tal El Zaatar en août 1976 ou bien celui de Karantina en janvier 1976 , et les palestiniens ont massacré les habitants chrétiens de plusieurs villages comme Damour le 20 janvier 1976.

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de milliers de familles surtout chiites vers les villes, l'invasion du Liban et l'assiègement de sa Capitale, ajoutons les interventions des Palestiniens alliés des milices de gauches jusqu'au départ de l'OLP en 1982, et finalement les tentatives des Américains, Italiens et Français de réassurer le pouvoir de l'Etat libanais à Beyrouth avant que leurs embrassades au Liban soient attaquées (entre 1982 et 1984) 28 par la nouvelle résistance libanaise pro-iranienne chiite créée en 1982 pour répondre à l'invasion israélienne: le Hezbollah.

Théoriquement, la guerre civile libanaise a pris fin en 1990 suite à l'accord du Taëf, mais pratiquement ses effets socioéconomiques, sociopolitiques et psychiques sont toujours présents au sein de la société libanaise, alors nous nous demandons si la guerre est vraiment derrière le peuple libanais même après 32 ans (III).

III. Le Liban d'aujourd'hui : Situation d'entre-guerres post-guerre civile

« Tout est possible, y compris une guerre civile », paroles du président du Secours Populaire Libanais le 03 août 2022 concernant l'actualité libanaise, 32 ans suite à la « fin » de la guerre civile. Effectivement cette phrase n'a jamais arrêté de circuler entre le peuple et les dirigeants libanais vu les tensions toujours présentes sous différentes formes. En parlant du Liban post-guerre civile, tout le monde a tendance à considérer que la guerre est finie vu que le conflit armé est fini, et que maintenant c'est la phase de post-conflit et de consolidation de la paix d'après les institutions internationales et surtout l'ONU. Cette dernière définie la notion de « post-conflit » comme « un modèle idéal de transition après une guerre, impliquant institutions internationales, Etats et acteurs civils, privés et associatifs pour surmonter ensembles les tensions et reconstruire une paix durable (peace building) »29. En d'autres termes, le concept international d'une société post-conflit comporte une intervention à plusieurs niveaux et par l'intermédiaire de plusieurs acteurs pour (re)construire la paix nationale et cela à travers une divergence de projets, par exemple des projets de réconciliation, state-building, transition démocratique, reconstruction, etc. Si nous prenons le simple critère d'initiatives pour consolider la paix, alors le Liban est en situation de post-conflit. Non uniquement des initiatives internes ont été prises à travers les années par l'Etat, des organisations, des associations et d'autres acteurs civils divers, mais même des interventions internationales ont pris place de la part des Etats tiers, de l'ONU et de différentes organisations à plusieurs reprises. Le problème avec ce type de post-conflit au Liban est que les initiatives prises par l'Etat et à l'initiative de quelques Etats tiers n'ont fait que de ralentir et parfois bloquer toute autre initiative par n'importe quel autre acteur. La reconstruction de l'Etat libanais suite à la guerre civile a été faite par les ex-chefs de milices transformés en dirigeants politiques sous une double occupation syrienne et israélienne. Cela a été fait à travers le renforcement d'un système politique communautaire leur donnant une place au coeur de son

28 DE MAUPEOU F., « Le Hezbollah (1/4). Origines et fondements du « Parti du Dieu », à partir de l'ouvrage de Walid Charara et Frédéric Domont, Le Hezbollah, un mouvement islamo-nationaliste », Les Clés du Moyen-Orient, 22 Mai 2013. [en ligne] : Le Hezbollah (1/4). Origines et fondements du « Parti du Dieu », à partir de l'ouvrage de Walid Charara et Frédéric Domont, Le Hezbollah, un mouvement islamo-nationaliste ( lesclesdumoyenorient.com).

29 CATTARUZZA A., DORIER E., « Post-conflit : entre guerre et paix » Hérodote - Revue de géographie et de géopolitique, no. 03, 2015, pp. 6-15.

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fonctionnement. Les « Seigneurs de guerre » ont rebattu les institutions étatiques en mettant leurs intérêts personnels et ceux de leurs milices transformées en partis politico-confessionnels avant les intérêts Etatiques. Le clientélisme et la cleptocratie redistributive sont devenus une arme dans les mains des leaders politico-confessionnels pour renforcer la dépendance de leurs communautés confessionnelles à eux. Le prix de cette transformation était le manque de réconciliation nationale renforcé par l'élite politique pour garantir sa place au pouvoir. Dans le cas libanais, face à une société multiconfessionnelle non-réconciliée, la réconciliation nationale est limitée à « la normalisation des relations intercommunautaires et interreligieuses, la reprise de dynamiques métropolitaines et la nécessité de la construction d'une mémoire nationale -- en particulier celle de la période 1975-1990 et, plus généralement, la mémoire de la guerre.»30, cette définition est adoptée par la majorité des chercheuses et chercheurs qui ont travaillé sur le sujet de la réconciliation nationale libanaise, une explication plus théorique et détaillée de ce choix aura lieu dans la partie (I) de ce mémoire.

Au cours de trois décennies de clientélisme et de redistribution de fonds étatiques a un peuple non réconcilié, un remplacement progressive de la socialisation politique libanaise par une autre confessionnelle a eu lieu. Cette socialisation politique confessionnelle a été renforcée par une division géographique communautaire résultante d'un regroupement renforcé durant la guerre civile (carte 1, Intro, II.). La division géographique milicienne que nous avons évoquée dans la deuxième partie de l'introduction s'est transformée en division géographique de partis politico-confessionnels dans la vie politique libanaise. Dans le monde de la science politique, la notion de socialisation politique est jeune et toujours ambiguë, mais dans ce mémoire et en fonction de la situation libanaise, la socialisation est politique lorsqu'elle forme et transforme le système individuel d'opinions, d'attitudes et de représentations politiques à partir de contraintes imposées par des agents sociaux et des interactions entre l'individu et son environnement. Vu que la société libanaise est divisée en plusieurs petites sociétés confessionnelles, alors la socialisation politique libanaise est confessionnelle. Une explication plus théorique et détaillée du choix de la définition et du remplacement de la socialisation politique nationale par l'autre confessionnelle au Liban aura lieu dans la partie (III) de ce mémoire.

La socialisation politique confessionnelle accompagnée par le manque de réconciliation nationale ont causé une série de conflits de plus en plus violents suite à la guerre civile, ce qui met la notion de société post-conflit de l'ONU en question dans le cas Libanais. Parmi plusieurs autres définitions attribuées au terme conflit, la définition du philosophe et sociologue Julien Freund dans « Sociologie du conflit »31 correspond le plus à l'actualité libanaise depuis la fin de la guerre civile jusqu'à nos jours, cela est due à l'éventuel recours à la violence. Pour Freund, « Le conflit consiste en un affrontement ou heurt intentionnel entre deux êtres ou groupes de même espèce qui manifestent les uns à l'égard des autres une intention hostile, en général à propos d'un droit, et qui pour maintenir, affirmer ou rétablir le droit essaient de briser la résistance de l'autre, éventuellement par le recours à la violence, laquelle peut le cas échéant

30 CHRABIEH P., « Pratiques de réconciliation au Liban : un état des lieux », Théologiques, vol. 23, no. 02, 2015, p. 230.

31 FREUND J., Sociologie du conflit, Paris, Presses Universitaires de France, 1983, 412 p.

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tendre à l'anéantissement physique de l'autre. »32. Si théoriquement le Liban est en situation de post-conflit d'après la définition de la communauté internationale, pratiquement les conflits n'ont jamais arrêtés pour entrer dans la phase d' « après » conflit. Suite à l'accord du Taëf, le Liban est juste en situation de post-guerre civile mais jamais en post-conflit. Plusieurs évènements et affrontements nous mènent à ce constat, nous pouvons nommer les affrontements entre l'armée libanaise et les milices chrétiennes suite au Taëf pour remettre leurs armes illégales (31 janvier 1990, la guerre d'élimination33), ou bien les affrontements entre le général Aoun et les troupes de Damas et l'attaque du palais de Baabda par l'aviation syrienne (13 Octobre 199034, le refuge du général Aoun à l'ambassade de France), sans oublier la série d'attentats politiques entre 2005 et 2012 menant à l'assassinat de plusieurs visages politiques35 et la blessure d'autres comme May Chidiac et Elias El Mur, causant des centaines de blessés et morts civils. Ajoutons la guerre entre le Hezbollah et Israël de 200636, les conflits armés de 2008 entre les miliciens du Hezbollah et ceux du Courant du Futur sunnite37, les affrontements armés entre le Hezbollah et les miliciens des FL en 2021, les affrontement entre les manifestants et le couple Chiite durant les manifestations de 2019, la double explosion du Port de Beyrouth en 2020, et les attentats des djihadistes avec le début de la guerre civile Syrienne jusqu'à nos jours38. Tous ces conflits sauf la double explosion du Port et les manifestations pacifiques de 2019 sont armés, mais la totalité était violente et a causé des blessés et des morts, d'où se met en question la paix libanaise post-guerre civile.

Effectivement, le Liban n'est ni en guerre, ni en paix, il est en situation d'entre-guerres d'après la définition donnée par la chercheuse Marielle Debos. Dans le travail de cette dernière sur la situation politique d' « entre-guerres » au Tchad39, l'autrice a renvoyé la notion d'Etat entre-guerres à « l'expérience des combattants et des civils qui, s'ils ne vivent pas en permanence en situation de guerre, semblent toujours se préparer à la prochaine». Cette « préparation à la prochaine guerre » est permanente et claire au Liban que ça soit à travers les discours des dirigeants, les sujets abordés par le peuple ou bien la rapidité fascinante des militants des partis politico-confessionnels à s'armer et à confronter dans les rues. L'exemple

32 Ibid., p. 65.

33 ABI RAMIA J., « « Guerre d'élimination », tutelle syrienne, accord de Meerab : l'histoire des relations entre le CPL et les FL », L'Orient-Le Jour, 31 Mai 2018. [en ligne] : "Guerre d'élimination", tutelle syrienne, accord de Meerab : l'histoire des relations entre le CPL et les FL - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

34 ABI RAMIA J., « LE 13 octobre 1990, la Syrie délogeait Michel Aoun de Baabda... », L'Orient-Le Jour, 13 Octobre 2018. [en ligne] : Le 13 octobre 1990, la Syrie délogeait Michel Aoun de Baabda... - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

35 Nous pouvons citer Rafiq Hariri, Samir Kassir, Georges Hawi, Gebrane Tuéni, Pierre Gemayel, Walid Eido, Antoine Ghanem, Francois El-Haj et Wissam El Hassan. L'Obs, « La chronologie des attentats politiques au Liban », L'OBS, 12 Décembre 2007. [en ligne] : La chronologie des attentats politiques au Liban ( nouvelobs.com). OLJ., « Attentat place Sassine : Wissam el-Hassan tué, des ténors de l'opposition accusent Damas », L'Orient-Le Jour, 19 Octobre 2012. [en ligne] : Attentat place Sassine : Wissam el-Hassan tué, des ténors de l'opposition accusent Damas - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

36 ENCEL F., « Guerre libanaise de juillet-août 2006 : mythes et réalités d'un échec militaire israélien », Hérodote, vol. no 124, no. 1, 2007, pp. 14-23.

37 NAÏM M., « Le Hezbollah passe à l'attaque à Beyrouth », Le Monde, 09 Mai 2008. [en ligne] : Le Hezbollah passe à l'attaque à Beyrouth ( lemonde.fr).

38 KHALIFEH P., « Le Liban annonce déjoué trois projets d'attentats du groupe Etat islamique », RFI, 23 Février 2022. [en ligne] : Le Liban annonce avoir déjoué trois projets d'attentats du groupe État islamique ( rfi.fr).

39 DEBOS M., « Chapitre VII. Le gouvernement de l'entre-guerres », Le métier des armes au Tchad. Le gouvernement de l'entre-guerres, sous la direction de Debos Marielle, Karthala, 2013, pp. 217-239.

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le plus récent confirmant cette situation d'entre-guerres libanaise est la simple réponse du Secrétaire Général du Hezbollah suite à l'affrontement armé entre ses militants (chiites) et ceux des Forces Libanaises (chrétiens) le 14 octobre 2021 à Tayouné causant 7 morts et 32 blessés40. Hassan Nasrallah a confirmé 4 jours suivant cet affrontement que son parti « dispose de 100 000 combattants, entraînés et armés »41 et a conseillé au FL de « renoncer complétement à l'idée de guerre civile » en menaçant que leur «région n'a jamais connu un Hezbollah aussi puissant que maintenant ». En prenant simplement ces 3 phrases, nous pouvons comprendre l'évidence entre la définition d'entre-guerres de Debos et la situation libanaise.

A travers le temps, un traumatisme de la guerre civile non résolu est transmis dans chaque société confessionnelle aux nouvelles générations à travers différents agents de socialisation politique, d'où le renforcement de la socialisation politique confessionnelle par le manque de réconciliation nationale. En même temps, toute initiative de réconciliation nationale est bloquée par la socialisation politique confessionnelle, d'ici se pose la question traitée dans ce mémoire: Comment s'explique la dépendance entre la socialisation politique confessionnelle et le manque de réconciliation nationale après la guerre civile libanaise?

Cette problématique est traitée dans ce mémoire suite à des lectures, recherches, entretiens avec des intellectuels et des responsables politiques libanais et une enquête de terrain le jour des élections législatives de 2022. De base, le but était de fonder ce travail uniquement sur des recherches et des lectures divers, mais en tant que libanaise sortant d'une société déchirée confessionnellement et politiquement, j'ai trouvé les ouvrages et articles loin de la réalité sociétale libanaise, d'où la décision de rentrer au Liban pour renforcer les études théoriques par une réalité divergente. Effectivement, j'ai eu la chance d'interviewer des responsables de différents partis politiques libanais et même des intellectuels de la société civile en comparant leurs avis avec ceux des citoyens sur le terrain, ce qui m'a aidé à avoir une idée claire du degré de la conscience politique chez les Libanais et l'effet de la socialisation politique sur cela. De même, les entretiens m'ont aidée à toucher le manque de réconciliation nationale entre les libanais à travers leurs témoignages, discours et arguments, non uniquement à lire à propos de ce manque dans les livres et articles.

Deux grilles de questions différentes ont été préparées, la première pour les entretiens avec les responsables et intellectuels politiques et la deuxième pour le questionnaire des citoyens du dimanche électoral. Dans la première moitié de l'entretien, des questions standards étaient posées à tout le monde, tandis que dans la deuxième des questions improvisées ont eu lieux selon la tranche d'âge et les connaissances de l'interviewé(é). Vous trouverez dans l'Annexe 1 les détails des entretiens faites avec les responsables et intellectuels politiques accompagnés par des liens sur Google Drive des enregistrements vocaux. Tandis que dans l'Annexe 2, vous trouverez des photos personnelles de toutes les activités faites au Liban dans

40 OLJ, « Le Liban enterre les victimes des affrontements de Tayouné », L'Orient-Le Jour, 15 Octobre 2021. [en ligne] : Le Liban enterre les victimes des affrontements de Tayouné - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

41 AP, AFP et REUTERS, « Au Liban, le Hezbollah met en garde les Froces libanaises contre une escalade de la violence », Le Monde, 18 Octobre 2021. [en ligne] : Au Liban, le Hezbollah met en garde les Forces libanaises contre une escalade de la violence ( lemonde.fr).

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le cadre du travail pour ce mémoire de fin d'études. Il est important de noter que chaque personne mentionnée dans ce travail a consenti sur la forme de sa représentation. Il existe des personnes qui n'ont pas approuvé d'être prises en photo ou enregistrées comme l'ex-combattant palestinien au sein de l'OLP, mais l'entretien a quand-même été transcrit suite à son consentement. Concernant les questionnaires du dimanche électoral, avec chaque référence à une réponse d'un citoyen, un lien dans les notes de bas de page vous mène vers l'enregistrement en ligne.

Ce mémoire est travaillé avec passion. Chaque détail intellectuel et formel est une traduction corporelle d'une passion interne envers mon pays victime d'un cancer politique. Faire partie de notre sujet de recherche est évidemment un avantage, surtout que nous maitrisons ses différents aspects et complexités, mais en même temps c'est un défi. Ce sujet m'a couté des heures de pleurs et de stress émotionnel, surtout en lisant les propos des parents et proches des victimes de la guerre civile et de la double explosion du Port qui réclament toujours la vérité et la justice pour leurs bienaimés. En lisant des rapports, ou bien en regardant des reportages et des films sur l'effet psychique du manque de réconciliation chez les libanais, je me sentais mal envers ma famille, mon entourage et mon pays déchiré. Le plus grand défi était de ne pas laisser mes émotions contrôler l'objectivité de mon travail, alors j'ai transformé ces émotions en professionnalisme et motivation pour toujours faire un pas de plus. Pour cette raison, j'ai compris les points de vues différents à travers mes lectures et entretiens. J'ai regardé le Liban de loin en analysant la situation comme si j'étais étrangère à cet Etat. Ce mémoire ne transmet pas mon avis politique personnel, il ne doit pas le faire, ce travail est une étude scientifique de la situation socio-politique libanaise suite à la guerre civile en combinant les théories générales avec l'actualité sociale, politique et économique.

A la différence du premier défis, le deuxième ne concerne pas la nature du sujet, mais le sujet en lui-même. Plusieurs chercheuses et chercheurs ont travaillé sur le manque de réconciliation nationale après la guerre civile libanaise, mais peu ont travaillé sur son lien avec la socialisation politique, et personne n'a utilisé l'expression « socialisation politique confessionnelle ». Le lien entre la socialisation politique confessionnelle et le manque de réconciliation au Liban élaboré dans ce mémoire n'est pas basé sur un travail extérieur ou bien inspiré par un auteur précis, il est plutôt le résultat de plusieurs recherches, enquêtes et réflexions personnelles. Dans ce qui suit, vous allez m'accompagner dans ma réflexion de A à Z, en commençant par une approche théorique, historique et administrative du manque de réconciliation nationale libanaise (I), pour après projeter ces connaissance sur la situation libanaise actuelle (II), avant d'expliquer la socialisation politique confessionnelle libanaise (III) et ses rapports avec le manque de réconciliation nationale (IV).

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I. Le manque de réconciliation au Liban après la guerre civile

Depuis la fin de la guerre civile libanaise jusqu'aujourd'hui, le Liban n'a pas connu une réconciliation nationale effective. Des expressions telles « nous sommes tous des frères », « nos conflits sont importés », « La paix nationale avant tout » et « nous sommes tous un » sont répétées par les dirigeants politiques dans leurs discours depuis 32 ans pour insister sur la réconciliation « mythique » faite par eux après la guerre civile.

Avant de parler des initiatives de réconciliation dites « mythiques » (C) nous allons d'abord évoquer la complexité du terme « réconciliation » et ces modalités (A) pour après comprendre le contexte de la fin de la guerre civile libanaise qui a mené à l'adoption de ces initiatives (B).

A. Complexité du terme « Réconciliation » et sa projection conceptuelle sur le cas libanais

La notion de « réconciliation » fait l'objet de plusieurs débats et des différentes définitions l'ont été attribuées avec le temps. Certains auteurs tel Valérie Rosoux considèrent la réconciliation comme une sorte de rapprochement entre les anciens belligérants42, d'autres comme Pierre Hazan l'ont liée à la confiance en la considérant comme passage d'un « passé divisé à un avenir partagé », tandis qu'au contraire, Trudy Govier et Wilhelm Verwoerd ont refusé la limitation de la réconciliation à l'évolution de la confiance dans les relations entre les belligérants ou à un résultat final tel un accord ou une harmonie43. Par contre, Sandrine Lefranc a fortement critiqué le concept de la réconciliation en la définissant comme une forme de conflit44. Pour Lefranc, la réconciliation est un processus de se battre longtemps par des mots, après être battu physiquement, pour identifier qui a été le plus violent dans le cas où un accord n'a pas été imposé.

Malgré les différentes définitions de la réconciliation, il existe deux approches pour étudier ses types et modalités. La première, dont Timothy Garton Ash adopte, lie la modalité de réconciliation aux façons officielles de réaction au lendemain du conflit45. En effet, Garton Ash a focalisé son travail sur les recherches de gestion du « passé difficile » en identifiant une dizaine de moyens qui tournent autour de trois grandes axes : la vérité, la justice et la consolidation démocratique. Ces moyens peuvent être des commissions de vérité et de réconciliation, comme c'est le cas de l'Afrique du Sud en 1995, des procès, comme c'est le cas des juridiction traditionnelles des gacaca au Rwanda, ou même encore par l'ouverture des archives, comme c'est le cas de la réconciliation entre la France et l'Algérie46. La deuxième

42 ROSOUX V., « Réconciliation post conflit : à la recherche d'une typologie », Revue internationale de politique comparée, vol. 22, no. 04, 2015, pp. 557-577.

43 GOVIER T., VERWOERD W., « Trust and the Problem of National Reconciliation », Philosophy of the Social Sciences, vol. 32, no. 2, Juin 2002, pp. 192-193.

44 LEFRANC S., « Il faut renoncer à réconcilier. Trois erreurs au sujet des après-guerres », Blog de Recherche, 2018, p. 07. [en ligne] : Il faut renoncer à réconcilier. Trois erreurs au sujet des après-guerres - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société ( archives-ouvertes.fr).

45 GARTON ASH T., « The Waters of Mesomnesia », LE GLOANNEC A.-M., Paris, Presses de Sciences Po, 2003, pp. 405-419.

46 AFP, « Ouverture des archives françaises : un « acquis » vers la réconciliation », Arabnews, 11 Mars 2021. [en ligne] : Ouverture des archives françaises: un "acquis" vers la réconciliation | Arabnews fr.

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approche limite la réconciliation à un seul et même processus ayant un but transitoire « d'un passé divisé à un avenir commun »47. Cette approche ne conteste pas le fait que chaque cas a une particularité qui exige une forme différente de réconciliation, mais elle consiste à tirer des leçons générales et globales de l'ensemble des expériences et des instruments utilisés dans un but commun de tourner la page de la violence48.

Entre les deux différentes approches évoquées ci-dessus, un compromis peut être trouvé. Evidemment, chaque situation a sa particularité et selon cette particularité le type et les modalités de la réconciliation différent. Valérie Rosoux a fait 4 études de cas49 pour montrer la divergence des situations et comment le type de réconciliation dépend de plusieurs critères, comme à titre d'exemple : le type du conflit (guerre civile, interétatique, génocide, colonial), la nature de la relation entre les belligérants (symétrique, asymétrique, dominante, etc.), les représentants des parties du conflit et le moyen de la représentation (institutions, gouvernants, ONG, ex-combattants, etc.), l'acteur initiateur de la réconciliation, les différences des sociétés, la gravités du combat, les conséquences émotionnelles, les attentes des parties et d'autres critères qui se rajoutent selon chaque cas. Mais en même temps, Rosoux a pu tirer une conclusion commune quant aux mécanismes de réconciliation en confirmant qu'il existe uniquement deux types de mécanismes de réconciliation : le mécanisme diplomatique et institutionnel, comme c'est le cas franco-allemand avec la création d'institutions communes et par le partage de discours, et le mécanisme de la justice transitionnelle qui est le cas Rwandais avec les juridictions gacaca et le cas Sud-Africain avec la notion juridique « arc-en-ciel » et la commission pour la vérité et la réconciliation.

Dans ce travail sur le cas libanais, un compromis entre les deux approches va être fait à l'image de celui que Roussoux a pu faire dans ces analyses, en commençant par une étude de la spécificité de la situation libanaise et la réaction faite au lendemain du conflit (la première approche de Timothy Garton Ash) dont l'accord du Taëf (I., (C), 1) et la loi d'Amnistie (I. (C), 2), pour après parler du blocage des mécanismes de la justice transitionnelle et de la politisation des mécanismes institutionnels et diplomatiques (I., (C), 3).

Revenons à la définition de la réconciliation dans le cas libanais, en effet, la réconciliation nationale (Al Mousalaha Al Wataniya) au Liban a fait le sujet de plusieurs études et rapports depuis 32 ans. Des universitaires, des chercheurs et des chercheuses mettent jusqu'à présent leurs efforts pour en déduire une définition claire et simple de la réconciliation de ce pays complexe. Nous pouvons citer les travaux de l'Université Libanaise, l'Université de Balamand, le Centre d'études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain, l'Université américaine de Beyrouth, la Presse des Paulistes, l'Institut français au Proche-Orient et l'ouvrage CERMOC50. Plein d'ouvrages et de conférences traitent le même sujet et favorisent la même définition de la réconciliation Libanaise dont l'article de Paméla Chrabieh qui définit

47 BLOOMFIELD D., BARNES T., HUYSE L., Reconciliation after a violent conflict, Stockholm, IDEA, 2003, p. 12.

48 SCHAAP A., Political Reconciliation, New York, Routledge, 2009, 192 p.

49 Le cas franco-allemand, franco-algérien, rwandais et sud-africain : ROSOUX V., « Réconciliation post conflit: à la recherche d'une typologie », op.cit.

50 DOUAYHI C., HUYBRECHTS E., Reconstruction et réconciliation au Liban. Négociations, lieux publics, renouement de lien social, Beyrouth, Presses de l'Ifpo, 1999, 232 p.

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la réconciliation nationale comme étant « la normalisation des relations intercommunautaires et interreligieuses, la reprise de dynamiques métropolitaines et la nécessité de la construction d'une mémoire nationale -- en particulier celle de la période 1975-1990 et, plus généralement, la mémoire de la guerre.»51

D'abord, en normalisant les relations intercommunautaires et interreligieuses, la réconciliation libanaise exige des initiatives de dialogues et de rapprochements, ce qui nous réfère à la définition de Valérie Rosoux qui limite la réconciliation au rapprochement. Ensuite, en reprenant les dynamiques métropolitaines, la confiance entre les belligérants doit être renforcée, ce qui nous réfère à la définition de Pierre Hazan, surtout avec la construction d'une mémoire nationale commune, ce qui transforme le « passé divisé à un avenir partagé ». En plus, cette définition de la réconciliation nationale libanaise ne limite pas la réconciliation aux simples rapprochement et confiance, mais elle a des finalités de paix national et de cohabitation saine entre le peuple multiconfessionnelle, ce qui rentre dans le refus de la limitation de la réconciliation évoqué par Trudy Govier et Wilhelm Verwoerd. Enfin, un accord a été imposé (le Taëf) en 1989 et même une loi d'Amnistie a été promulguée en 1991, mais les travaux des chercheuses et chercheures jusqu'à nos jours et le manque des éléments constitutifs de la définition de la réconciliation nationale libanaise montrent que ces initiatives étaient insuffisantes et qu'une réconciliation est exigée pour corriger la situation socio-politique libanaise actuelle. En revenant à la définition faite par Lefranc, elle définit la réconciliation comme une forme de conflit. Dans le cas libanais, le conflit n'a toujours pas fini depuis le début de la guerre civile, il a juste changé de formes. Par la suite, les travaux actifs jusqu'à nos jours et la situation actuelle libanaise prouvent que le manque de réconciliation n'est pas la solution pour dépasser la guerre civile et ses effets. Sans doute, si la réconciliation n'était pas bien encadrée dans une société fortement divisée, elle peut causer des tensions et infliger un conflit, mais sinon, elle se trouve comme une solution pour sauver une crise qui dure depuis 1975. Par contre, la définition de la réconciliation libanaise trouve même un compromis avec le travail de Lefranc en rejetant la loi d'Amnistie trouvée bloquante et injuste. Alors, la définition commune de tous les chercheuses et chercheurs sur le sujet de la réconciliation libanaise va être adoptée dans ce travail vu qu'elle s'analyse comme un compromis entre différentes définitions de la réconciliation qui est toujours en évolution.

B. Contexte de la fin de la guerre civile libanaise vers la création de la Deuxième République libanaise

Les dernières années avant la fin de la guerre n'étaient pas moins violentes que celles d'avant. Entre 1982 et 1990, la guerre civile libanaise a connu quatre phases52 de plus en plus violentes poussant les autorités libanaises, sous l'occupation syrienne, à ratifier l'accord du Taëf créant la Deuxième République libanaise. Déjà en 1982 il y'a eu plusieurs tournants d'événements dont l'invasion du Liban par Israël en juin, le départ des combattants palestiniens avec Yasser Arafat de Beyrouth pour la Tunisie entre août et septembre, l'assassinat du Président de la République Bachir Gemayel le 14 septembre avant sa prise de fonction,

51 CHRABIEH P., « Pratiques de réconciliation au Liban : un état des lieux », op.cit., p. 230.

52 Encyclopédie, « Guerre au Liban », Larousse.fr. [en ligne] : guerre du Liban - LAROUSSE.

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l'autorisation par l'armée israélienne aux milices chrétiennes de pénétrer à Sabra et Chatila et de commettre des massacres suite au retrait de la force multinationale d'interposition53, et la création d'une résistance anti-israélienne financée et formée par l'Iran appelé « Hezbollah » comptant mener une guerre contre les Israéliens, les camps chrétiens et les forces occidentales présentes à Beyrouth (une série d'attentats a été faite en novembre 1982 contre la quartier général israélien et contre les ambassades occidentales à Beyrouth en avril et octobre menant à des centaines de morts).

L'image globale de la guerre civile libanaise entre 1983 et 1989 était gravement compliquée. Déjà après l'assassinat de son leader Bachir Gemayel, la milice Les Forces Libanaises (FL) qui regroupait des milices chrétiennes se heurte à des complications et des tensions entre ses parties composantes, les chiites sont divisés entre les pro-syriens (Amal) et les pro-iraniens (Hezbollah), les milices druzes appuyées par les Syriens s'opposent aux milices chrétiennes appuyées par les Israéliens dans la montagne, des milliers de Chrétiens quittent la montagne vers la littoral et la force multinationale quitte définitivement le Liban au milieu des combats en février 1984 après avoir subi plusieurs otages d'occidentaux à Beyrouth.

Entre 1984 et 1987 les chefs des confessions politico-militaires ont été menés à accepter, sous l'égide de la Syrie, la constitution d'un gouvernement d'union nationale sous la présidence de Rachid Salamé jusqu'à son assassinat. Durant cette période, l'Etat s'est de plus en plus affaibli tandis qu'économiquement les milices confessionnelles se sont renforcées par des appuis externes de l'Iran, l'Arabie saoudite, la Jordanie, l'Egypte, Israël et l'Iraq et par les rackets, les pillages et le trafic de drogue. Ces milices ont même eu leurs propres moyens d'informations.

Surtout entre les années 1985 et 1988, les parties de la guerre civile n'étaient pas organisées entre elles. Nous pouvons faire référence à l'interview faite avec l'ex-ministre des télécommunications en 2009 et du travail en 2011 Professeur Charbel Nahas qui confirme le manque de coordination au sein des milices de la guerre civile libanaise54. Nahas informe qu'il y'avait beaucoup de tensions et de problèmes internes dans les groupes miliciens que vers la fin de la guerre ils n'en pouvaient plus les cacher, que ça soit les Chrétiens, les Sunnites, les Chiites, les Druzes et même les palestiniens déchirés entre l'OLP et les pro-syriens.

Vers la fin du mandat du frère du président assassiné Bachir Gemayel, en septembre 1988, la nomination d'un nouveau président et même gouvernement était quasi-impossible. Chacun des Musulmans pro-syriens et des Chrétiens nommait le leur. Au final, le commandant en chef de l'armée libanaise le général Michel Aoun a été nommé président d'un Conseil des ministres intérimaire. En mars 1989, ce dernier soutenu par l'Iraq lança son armée contre les Syriens d'occupation sous motif d'une guerre de libération nationale. Ce qui résulte par la division de l'armée libanaise en deux et la destruction de Beyrouth-Ouest par des bombardements intensifs. La défaite du général Michel Aoun constitue la fin de la guerre civile libanaise traduite par la signature de l'accord du Taëf le 5 novembre 1989 et par la proclamation, le 21 Septembre 1990, de la Deuxième République libanaise. D'ici nous

53 Le FMI, les Etats-Unis, la France et l'Italie.

54 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Professeur Charbel Nahas, 06 Juin 2022, Achrafieh, p. 01.

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pouvons comprendre l'ambiance dans laquelle les initiatives de réconciliation ont été prises au lendemain de la guerre civile libanaise.

C. L'échec des modalités «mythiques» de réconciliation mises en place après la guerre civile

Pour transformer leur lutte armée en lutte politique, institutionnelle et juridique suivant la guerre civile libanaise, les « seigneurs de guerre » supportés par des Etats tiers ont mis en place plusieurs réformes, accords et lois pour garantir leurs positions au pouvoir et éviter la mise en question de leurs responsabilités juridiques. Ces modalités n'ont pas uniquement réussi à protéger les responsables de la guerre civile mais aussi à imposer une réconciliation mythique et formelle qui a bloqué toute initiative d'une vraie réconciliation effective au Liban. Que ça soit à travers l'accord du Taëf (1) ou bien la loi d'Amnistie (2), la justice transitionnelle est freinée au Liban (3).

1) Les lacunes formelles et corporelles de l'accord du Taëf et son inapplicabilité

Face à la gravité de la situation et vu le contexte de la fin de la guerre civile libanaise et le lâchement de l'affaire par les pays occidentaux, un comité tripartie a été créé par la Ligue Arabe pour négocier un accord avec les députés libanais et régler la situation. Malgré les oppositions de la Syrie aux interventions arabes dans cette affaire, une convocation des députés libanais a été faite à l'Arabie Saoudite (au Taëf) sous l'égide du comité formé par l'Algérie, le Maroc et le pays accueillant pour négocier un accord d' « entente nationale » qui va cesser le feu et régler la situation.

En regardant la formalité de cette procédure, même avant de rentrer dans les détails de l'accord, plusieurs reproches peuvent être faites. Déjà l'initiative est prise par un acteur externe et le comité est formé par trois pays dont le Liban ne fait pas partie. En plus, il y'a eu un déplacement géographique pour négocier la fin d'une guerre faite uniquement et exclusivement sur le territoire libanais. Ajoutons à cela que ces négociations concernent même des réformes de la Constitution libanaise, ce qui a été considéré comme illégitime par plusieurs opposants dont le Général Michel Aoun qui refuse l'accord. Enfin, les députés invités à ces négociations au Taëf n'ont pas été réélus depuis le 3 mai 197255, trois ans avant le déclanchement de la guerre. En effet, jusqu'en 1992, pendant 20 ans, le mandat de la Chambre a été renouvelé chaque 2 ans. Alors se posent plusieurs questions autour de la souveraineté du Liban, la représentation effective des Libanais au sein de ces négociation et la légitimité de cet accord modifiant la Constitution libanaise sans représentation et avis effectifs libanais.

Après trois semaines de négociations56, le 22 octobre 1989, 58 députés des 62 votent pour l'accord constituant un compromis politique sur lequel se fonde la vie politique libanaise

55 KARAM M., « Pourquoi, en 1991, des députés libanais ont étaient nommés plutôt qu'élus... », L'Orient-Le Jour, 31 Mai 2018. [en ligne] : Quand le gouvernement libanais nommait des députés... - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

56 GRANDCHAMPS C., « L'accord de Taëf, trois semaines de négociations pour un texte fondateur et controversé », L'Orient-Le Jour, 22 Octobre 2018. [en ligne] : L'accord de Taëf, trois semaines de négociations pour un texte fondateur et controversé - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

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jusqu'à nos jours. Les dispositions de cet accord, appelé communément l'accord du Taëf, ont été intégrées dans la Constitution libanaise le 21 septembre 1990. Les arrangements du Taëf, surtout ceux concernant la réconciliation effective au Liban, sont restés en partie des lettres mortes et cela pour plusieurs raisons : D'abord, cet accord exige un cessez-le-feu et la fin de la guerre civile qui pratiquement a duré un an suite à son entrée en vigueur57, il avait comme but initial l'abolition du confessionnalisme politique en divisant le pouvoir équitablement entre les Musulmans et les Chrétiens mais en réalité il a renforcé encore plus le communautarisme politique. En effet, le Taëf a distribué les 128 sièges du Parlement libanais équitablement entre les Chrétiens et les Musulmans, 64 sièges pour chaque religion, et précise un partage du pouvoir politique entre les trois présidences de la république (Chrétien maronite de l'Etat, Musulman chiite du Parlement et Musulman sunnite du Gouvernement). Il symbolise le retour de l'état de droit au Liban en présentant ce dernier comme étant une « République démocratique parlementaire fondée sur le principe du respect des libertés publiques et en premier lieux de la liberté d'opinion et de croyance »58. Au niveau pédagogique, cet accord tente l'écriture d'une histoire commune du Liban dans un livre d'histoire commun qui ne finit pas en 1943 avec l'indépendance nationale ce qui n'a toujours pas été fait. En plus, le Taëf a mis des procédures de réconciliation sans préciser des calendrier pour les faire, il affirme la restauration de l'autorité de l'Etat et la fin de l'occupation israélienne mais en admettant la présence syrienne pour « aider l'Etat libanais a rétablir son autorité sur son propre territoire ». Il ne faut pas oublier que cet accord a été conclu sous l'occupation syrienne où les troupes syriennes se baladaient dans les rues de Beyrouth. Aucune date n'a été fixée pour leurs retrait, au contraire, le parlement libanais a admis leur présence et l'a légalisée. Enfin, le Taëf oblige la dissolution de toutes les milices et la remise de leurs armes à l'Etat. Jusqu'à nos jours, la milice pro-syrienne Hezbollah n'a toujours pas respecté cette obligation.

En regardant la situation du pays juste après l'accord d'entente nationale et de réconciliation, nous pouvons déduire que cet accord est un échec total. D'abord, la guerre n'a pas fini, les combats recommencent entres les deux milices chiites Amal et Hezbollah et les milices chrétiennes refusent de remettre leurs armes ce qui cause des claches entres les FL de Samir Geagea et l'armée libanaise de Michel Aoun. Ce dernier, opposé au Taëf, lutte avec agressivité contre ce nouveau régime et finit par quitter le Liban pour la France en 1991 après avoir été écrasé par les aviations syriennes et l'armée libanaise. Ensuite, le but de cet accord était de montrer qu'il n'y avait pas de vainqueur en sortant de cette guerre. Mais effectivement, en réduisant les pouvoirs présidentiels du président maronite et en renforçant les compétences du président du Conseil sunnite, « le chef du gouvernement est ainsi le responsable de l'exécution de la politique générale »59, et du président de la Chambre Chiite dont le mandat est prolongé d'un à quatre ans et qui a un rôle primordiale dans la nomination du chef du gouvernement, les Chrétiens sont sortis perdants et les Musulmans plus précisément Sunnites

57 Le retour effectif de la paix au Liban résulte d'un changement politique au niveau international. L'URSS se décompose, Saddam Hussein envahit le Koweït et la Syrie tourne son intérêt vers la libération de la Koweït aux côtés des Etats-Unis.

58 LARCHE J., FAUCHON P., JOLIBOIS C., RUFIN M., MATHEAS J., Quel Avenir Pour le Liban ?, Commission des lois, rapport 111, 1996/1997, Partie IV, A. [en ligne]: Quel avenir pour le Liban ? ( senat.fr).

59 BARON X., Le Liban, une exception menacée: en 100 questions, op.cit., p. 119.

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gagnants. Enfin, dès la première chance d'élections démocratiques après la guerre civile, le Taëf a montré un manque démocratique absolue. Le 23 mai 1991, une nouvelle loi s'est promulguée qui exige la division mentionnée par le Taëf. Sauf que, les nouveaux députés remplaçants des autres décédés durant la guerre et les 9 députés occupants les nouveaux sièges rajoutés par le Taëf seront désignés et non pas votés par le peuple, et cela « pour une seule fois »60.

En réalité, le Taëf qui a été perçu comme la solution idéale pour une coexistence réussite entre les 18 confessions libanaises a en effet, d'après Bassem Snaije61, validé que les chefs des milices deviennent des hommes d'Etat. Avec Nabih Berri, ex-chef de la milice chite Amal transformé en Président de la chambre des députés depuis 1992 jusqu'aujourd'hui, Samir Geagea, ex-chef de la milice « Forces Libanaises » devenu le leader du même parti politique présent dans le Parlement et le Gouvernement depuis la guerre civile, Hassan Nasrallah, Walid Jomblat, Amin Gemayel et autres. Et c'est par le Taëf que commence la crise politique actuelle.

Le Taëf a tellement échoué que tous les partis politiques et même la société civile, malgré leurs différences, sont d'accord sur l'échec de ses finalités de réconciliation et de cohabitation. Nous pouvons voir cela en se référant aux entretiens faites avec les responsables et les experts politiques au Liban :

- Professeur Charbel Nahas (ex-ministre et fondateur d'un mouvement de la société civile) considère que le Taëf n'est qu'une « organisation externe des chefs apparents »62. Pour Nahas cet accord est un compromis politique des pays externes (Syrie, Maroc, Arabie Saoudite et Algérie) pour former l'équipe existante jusqu'aujourd'hui au pouvoir.

- Docteur Fayez Araji (professeur à l'Université Libanaise et militant d'extrême gauche) considère que le Taëf n'est qu'un renforcement du système politique communautaire et qu'il met en danger les minorités étatiques. « A l'époque il y'avait 50% de la population Chrétienne et 50% Musulmane dont la division des institutions en moitié, aujourd'hui les Chrétiens sont des minorités, et ils sont le plus en danger si on garde ce système »63.

- Monsieur Hussein Chokr (spécialiste de l'analyse des conflits au sein de SFCG) considère que « théoriquement le Taëf est un accord de réconciliation, en effet c'est un accord de division du pouvoir »64, pour Chokr le problème de la réconciliation aujourd'hui est le système politique fondé sur cet accord.

60 The Taif Agreement, negotiated in Saudi Arabia, September 1989, approved by the Lebanese Parliament, 04 November 1989, p. 02.

61 FRANCE24, «Liban : comment sortir de la crise économique ? », Youtube, 17 Septembre 2021. [en ligne] : Liban : comment sortir de la crise économique ?
· FRANCE 24 - YouTube.

62 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Professeur Charbel Nahas, 06 Juin 2022, Achrafieh, p. 01.

63 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Docteur Fayez Araji, 23 Mai 2022, Zahlé, 00 : 38 : 00, p. 04. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1D57da5PNK0N8XZkCQWsl7NrETHp1WqVR/view?usp=sharing.

64 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Monsieur Hussein Chokr, 24 Mai 2022, SFCG HQ, 00:26 :15, p. 17. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1FgHvoSunbKmezZR2nNBZEGixxvr43Jwb/view?usp=sharing.

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- Monsieur Dany Fayad (cadre du parti Kataëb (Phalanges Libanaises)) a donné l'exemple du « partage du fromage »65 entre les milices de guerre au sein du système politique libanais et a insisté que cette tradition se répète avant chaque élection.

- Monsieur Ramzi Abou Ismail (psychologue politique et membre de la société civile) insiste que le Taëf a réconcilié les dirigeants entre eux mais jamais le peuple66.

- Madame Dima Abou Daya (candidate indépendante pour les élections législatives de 2022) considère que théoriquement le Taëf était une bonne forme de réconciliation mais n'a jamais été appliqué67.

2) L'Amnistie libanaise : un accord politique conditionné pour protéger les chefs de milices devenus des Hommes d'Etat.

Si dans le temps l'Amnistie était une forme de pratique politique démocratique ayant comme but humain de réintégrer les délinquants de guerre dans les sociétés, aujourd'hui cette approche n'est plus valable. Ces valeurs morales ne sont plus offertes à l'Amnistie et ce à cause du blocage du pardon et de la mémoire collective essentiels pour la réconciliation dans une société de post-conflit. Pour Sophie Wahnich, « cette institution, qui a connu hier le faste des louanges, semble aujourd'hui irrémédiablement entachée d'illégitimité. Associée à une politique d'oubli actif, elle est accusée de voiler la vérité historique supposée aujourd'hui être seule salvatrice des sociétés qui ont connu des traumatismes politiques de grande ampleur. Le nazisme en Allemagne, le fascisme, puis le sang versé par le terrorisme des « années de plomb » en Italie, la collaboration puis la guerre d'Algérie en France ont donné à l'Amnistie un caractère scandaleux»68. En effet, pénalement l'Amnistie trouve toujours une légitimité (malgré les approches de sa promotions à l'impunité), mais socialement d'après Wahnich, elle est illégitime.

Concernant la définition même de l'amnistie, en effet, même si elle forme une notion du Droit International, elle n'est pas définie juridiquement dans ce droit. Par contre, par référence à l'étymologie grecque, l'Amnistie est un acte qui inflige l'oubli sur tout ce qui a été fait contre la loi, en se basant sur la constitution de l'Etat69. D'après un rapport sorti par le Comité international de la Croix-Rouge, l'Amnistie trouve son but dans les sociétés sortantes d'un conflit armée pour reprendre la vie normale du pays et pour faciliter la réconciliation70. Elle aide à éviter le recommencement des conflits et à établir la vérité. En plus, c'est une forme de pardon qui généralement n'exige de ceux qui en bénéficient aucune manifestation de

65 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Monsieur Dany Fayad, 19 Mai 2022, Zahlé, p. 05. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/16nZnYaHLjcFbcHUl9FAAMxeLz28jvWIB/view?usp=sharing.

66 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Monsieur Ramzi Abou Ismail, 15 Juin 2022, Zoom, p. 24. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1b9jh-Iv0hETYvJiRCuuPn2NMwub-cEcI/view?usp=sharing.

67 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Madame Dima Abou Daya, 23 Mai 2022, Zahlé, p. 10. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/15jm8LoDxNV33Vb1CWMl5myrnR--SyEZK/view?usp=sharing.

68 WAHNICH S., Une histoire politique de l'amnistie. Études d'histoire, d'anthropologie et de droit, sous la direction de Wahnich Sophie, Presses Universitaires de France, 2007, pp. 15-20.

69 SKAFF C.J., « L'amnistie et la justice transitionnelle », Le Portique, vol. 31, 2013, pp. 175-186.

70 CICR, Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, 1987, par. 4617-4618.

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repentir ou d'amendement71. Alors en parlant de l'Amnistie, et d'après plusieurs recherches faites par des différents chercheurs, trois éléments sont invoqués : l'oubli, le pardon et l'histoire commune. Mais est-ce que ces trois éléments sont envisageables si les crimes et leurs responsables n'ont pas été qualifiés comme c'est le cas au Liban?

Sophie Wahnich a répondue a cette question dans le travail collectif72 dont elle a dirigé en insistant sur l'obligation et l'importance de qualifier le crime et son responsable pour pouvoir accepter ou refuser une telle décision. En plus, Wahnich a insisté sur l'importance de la réécriture de l'histoire suite à la qualification des crimes et de leurs auteurs. Ici se trouve le problème principale de la loi d'Amnistie libanaise du 26 août 1991 qui accorde une Amnistie aux criminels de guerre pour tout crime commis avant le 28 mars 1991 à quelques exceptions près. Le fait que les responsables n'ont pas été identifiés ni leurs crimes et que la loi d'Amnistie n'exige aucune obligation de repentir ou d'amendement de leurs parts rend l'effet de cette initiative extrêmement minimal dans les conditions exigées pour avoir une vraie réconciliation.

Le deuxième problème de la loi 84 réside dans son troisième article qui impose une condition d'inapplicabilité de l'Amnistie à « l' assassinat ou la tentative d'assassinat de personnalités religieuses ou politiques et de diplomates arabes ou étrangers »73. Cet article non seulement ne respecte pas le fait que la loi d'Amnistie doit être absolue et inconditionnelle74, mais il établit aussi que les chefs des milices devenus des leaders politiques et les hommes religieux ont droit à la justice quand le reste de la population a été dépourvu de ce droit fondamental. Uniquement Samir Geagea, chef des FL, a été arrêté en 1994 pour l'assassinat de Rachid Karamé (l'ancien Premier Ministre) en 1987 et a été condamné à peine de prison à perpétuité. Après le départ des troupes syriennes en 2005, le Parlement a voté pour sa libération.

La non-reconnaissance des crimes et des responsables des crimes et la protection du droit à la justice uniquement des personnalités religieuses et politiques montrent à quel point cette loi d'Amnistie libanaise est politisée et faite uniquement pour la protection des Hommes d'Etat criminels de guerre. Enfin du compte, cette loi 84 n'est qu'un accord politique pour blanchir les records des vraies responsables des crimes de guerre et accorde à la population libanaise traumatisée une réconciliation biaisée. La loi 84 est l'exemple type de la critique de l'Amnistie faite par Sandrine Lefranc qui considère que « Le vainqueur jugeait (et on appelait cela une justice politique) puis amnistiait, le demi-vainqueur et le demi-vaincu s'accordaient sur une amnistie... L'amnistie met fin à la guerre civile de manière immorale, oui, mais de la manière la plus politique selon Aristote »75. En d'autres termes, l'Amnistie est la politique des gouvernants d'après-guerre.

71 V. L. JOINET, Question de l'impunité des auteurs des violations des droits de l'homme (civils et politiques), Rapport établi en application de la décision 1996/119 de la Sous-commission des droits de l'homme, CES, 26 juin1997. [en ligne] : untitled ( hoggar.org)

72 WAHNICH S., Une histoire politique de l'amnistie. Études d'histoire, d'anthropologie et de droit, op.cit.

73 CLDH, Liban, Disparitions Forcées et Détentions au Secret , Rapport du Centre Libanais des Droits Humains, Beyrouth, 21 Février 2008, p. 40.

74Notons qu'elle peut être partielle et limitée à certaines personnes ou octroyée sous certaines conditions. 75 LEFRANC S., « Il faut renoncer à réconcilier. Trois erreurs au sujet des après-guerres », op.cit., pp. 2-3.

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3) Le freinage du passage de l'Amnistie à la justice transitionnelle au Liban

« Il ressort clairement de notre expérience de ces dernières années qu'il n'est possible de consolider la paix dans la période qui suit immédiatement la fin du conflit et de la préserver durablement, que si la population est assurée d'obtenir réparation à travers un système légitime de règlement des différends et l'administration équitable de la justice »76, le Secrétaire Général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, a donné cette définition de la justice transitionnelle dans son rapport devant le Conseil de Sécurité en 2004. En analysant cette définition, nous pouvons conclure que la justice transitionnelle a comme finalité la consolidation de la paix et la préservation de cette dernière. En ce qui concerne sa nature même, elle est un système légitime ayant comme finalités d'assurer la réparation au peuple à travers le règlement des différends et l'administration équitable de la justice.

La Justice transitionnelle

Réparation, règlement des différends et justice équitable => consolidation de la paix préservée

Nous allons analyser l'état des éléments constitutifs de cette définition de la justice transitionnelle au Liban en commençant par la réparation et le règlement des différends. Effectivement, ni le Taëf et ni la loi d'Amnistie de 1991 n'ont mentionné la réparation des victimes et de leurs familles. Des milliers de jeunes libanais sont disparus entre 1975 et 1990, leurs familles forment des comités jusqu'à nos jours et luttent pour savoir leurs sorts, s'ils sont morts elles réclament leurs corps pour les enterrer dignement dans leur pays, sinon, elles demandent leurs libération des prisons syriennes et israéliennes. L'Etat libanais ne répond toujours pas à ces familles. Des femmes et des enfants victimes de violences sexuelles n'ont même pas pu parler et témoigner jusqu'à nos jours, au cas contraire, aucune réparation ne leur a été accordée. La vérité sur plusieurs dossiers n'a toujours pas été prononcée, comment pouvons-nous parler de réparation et de règlement des différends ? Historiquement les seules mesures de réparation et de compensation qui ont eu lieu au Liban sont celles de 1860 sous l'Empire Ottoman sur le sujet des massacres du Mont Liban entre les Druzes et les Maronites. Les responsables étaient obligés de payer une amende aux familles des victimes, tandis qu'en 1991, après 131 ans, une loi visant à la réconciliation et la paix après une guerre civile n'a même pas mentionné la notion de réparation ou de compensation. En ce qui concerne le règlement des différends, ce dernier se fait suite à la vérité, à l'identification et à la reconnaissance des crimes et des criminels de guerre d'après monsieur Ramzi Abou Ismail77, cela se fait aussi suite à l'identification de la cause de ses différends et de son traitement. Toutes ces exigences n'ont pas été faites, comment pouvons-nous parler de règlement des différends au Liban si ces différends-mêmes ne sont pas communément identifiés ?

En parlant de la justice équitable au Liban, la multi-confessionnalité et le système

communautaire doivent toujours être pris en compte. Le peuple libanais a toujours connu des

76 Secrétaire Général des Nations-Unies, Rétablissement de l'État de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit, Rapport devant le Conseil de Sécurité, Doc. S/2004/616, 23 août 2004, p. 7, par. 08.

77 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Monsieur Ramzi Abou Ismail, 15 Juin 2022, Zoom, 00 :06 :31, p. 23. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1b9jh-Iv0hETYvJiRCuuPn2NMwub-cEcI/view?usp=sharing.

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minorités confessionnelles et des majorités confessionnelles évoluables avec le contexte socio-politique. Cette particularité de la situation libanaise rend l'approche de John Rawls78 sur la notion de la justice équitable pertinente. En effet, Rawls insiste dans son ouvrage « Justice as fairness : Political not metaphysical » sur la nécessité d'adopter une théorie permettant de « concilier l'égalité des personnes avec la particularité des situations »79. En prenant en compte les droits des minorités et leurs liens avec la justice équitable de Rawls, les études de Will Kymlicka80 sur le « fédéralisme multinational » semblent pertinents dans le cas libanais. Kymlicka impose la nécessité de se demander comment le droit des minorités affecte la conception de citoyenneté qui implique l'unité nationale, la liberté individuelle et la justice sociale.

En observant l'image globale après la fin de la guerre civile libanaise, nous remarquons une certaine injustice envers les Chrétiens vu que les compétences du Président de la République chrétien ont été minimisées pour augmenter celles du Premier Ministre sunnite et du Chef de la Chambre chiite. Et vu que le seul qui a été responsabilisé et condamné pour un crime de guerre est le chef de la milice chrétienne des FL, Samir Geagea. Alors cette approche de Kymlicka entre les droits des minorités et la conception de citoyenneté n'est pas du tout respectée au Liban vu que cette inégalité entre les Chrétiens et les autres confessions menace d'abord l'unité nationale en créant des tensions (surtout à la sortie de la guerre civile), ensuite la liberté individuelle puisque les membres de cette milice chrétienne n'ont pas été représentés au pouvoir, donc ils n'avaient pas le droit de s'exprimer librement, et enfin la justice sociale. En d'autres termes, le Liban n'a pas adopté une théorie permettant de concilier « l'égalité des personnes avec la particularité des situations »81 comme a exigé Rawls pour une justice équitable. Ajoutons à cela, que le Taëf a donné la possibilité aux chefs de milices de devenir des Hommes d'Etat, la loi 84 a protégé ces leaders politiques de toute responsabilisation sortante de la guerre, et leur a donné le droit à la justice avec les hommes religieux, ce qui n'a pas été donné aux citoyens « basiques ». Les résultats du Taëf et de la loi d'Amnistie ne sont que des résultats politiques rentrants dans les intérêts des hommes du pouvoir, ce qui est aussi contraire à une justice équitable.

En conclusion, les éléments de définition de la justice transitionnelle donnés par Ban Ki-moon qui sont : la réparation, le règlement des différends et la justice équitable, ne sont pas traité dans les initiatives de réconciliation mythiques prises par le pouvoir libanais en sortant de la guerre civile, et c'est le Taëf avec la loi 84 qui freinent la justice transitionnelle jusqu'à nos jours.

Après avoir eu une approche théorique et historique des raisons du manque de réconciliation nationale libanaise post-guerre civile, il est important de comprendre les conséquences de ce manque 32 ans suivant la fin de cette guerre (II).

78 RAWLS J., Justice as Fairness: Political Not Metaphysical. In Equality and Liberty, Royaume-Unis, Palgrave Macmillan, 1991, pp. 145-173.[en ligne]: Justice as Fairness: Political Not Metaphysical | SpringerLink.

79 BARIPEDIA, « La théorie égalitariste de la justice distributive de John Rawls », Baripedia. [en ligne] : La théorie égalitariste de la justice distributive de John Rawls ( baripedia.org).

80 KYMLICKA W., Les Théories de la justice : une introduction, Libéraux, utilitaristes, libertaires, marxistes, communautariens, féministes, Paris, Essai (poche), 2003, 364 p.

81 BARIPEDIA, « La théorie égalitariste de la justice distributive de John Rawls », op.cit.

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II. La réconciliation au Liban aujourd'hui

« Depuis la fin de la guerre, en 1990, je n'ai qu'une préoccupation : m'assurer que mes enfants ne revivent pas ce que j'ai vécu. Je ne veux pas qu'ils aient à prendre les armes un jour. Ni eux, ni aucun jeune de leur âge. Pour cela, un travail de mémoire est nécessaire, surtout si l'on considère la situation dramatique par laquelle passe notre pays. Nous ne pouvons pas comprendre notre actualité , ni construire le Liban de demain, si nous ne connaissons pas notre histoire »82, Fouad Abou Nader (2021).

A travers ces mots, Fouad Abou Nader, un ex-combattant de la guerre civile libanaise a exprimé son inquiétude concernant le sort de ses enfants suite au manque de réconciliation au Liban après la guerre des 15 ans. L'auteur a traduit dans son livre les pensées et inquiétudes de plusieurs parents libanais aujourd'hui. Les raisons de ces inquiétudes constituent les motifs pour lesquels la réconciliation est une nécessité au Liban même après plus que 30 ans (A), et aussi les limites sociopolitiques bloquant la réconciliation libanaise (B).

A. La réconciliation est une nécessité après 32 ans de la fin de la guerre civile

En parlant de la réconciliation, une importante question doit-être posée : est-ce que la réconciliation est nécessaire ?. En interviewant des Libanais, plusieurs considéraient que la réconciliation n'est plus efficace après 32 ans de la fin de la guerre civile, comme par exemple le Maire de la Moualaka Mr. Nazih Chaanine et l'ex-ministre Mr. Charbel Nahas qui considèrent que pour qu'elle soit efficace, la réconciliation doit être faite juste après la guerre. Tandis que la majorité pensait que la réconciliation est une nécessité. Pareil, la plupart des études, rapports et recherches faites sur la sociopolitique libanaise considèrent que la réconciliation est une nécessité, nommons à titre d'exemple le Rapport du Centre Libanais des Droits Humain sur le sujet des disparitions forcées durant la guerre, le Rapport de l'ONG Legal Action Worldwide (LAW) sur le sujet des crimes de violence sexuelles comme arme de guerre durant la guerre civil, les travaux de divers universités comme l'Université Libanaise, l'Université Américaine de Beyrouth, l'Université Saint-Joseph, l'Université Balamand et autres, les travaux de plusieurs chercheuses et chercheurs comme Kamal Hamdan, Paméla Chrabieh, Eric Huybrechts, Chawqi Douayhi, Charbel Jean Skaff, Fouad Abou Nader, Tracy Chamoun et Xavier Baron.

Sur un niveau plus international, comme Valérie Rosoux l'a mentionné dans son travail83, «pour la plupart des chercheurs et praticiens spécialisés dans la résolution des conflits, un seul et même scénario doit être favorisé : la réconciliation. », pour après rajouter « Que ce soit au Liban ou au Haut-Karabakh, en Afghanistan ou en Israël, au Libéria ou au Kosovo tous soulignent le « pouvoir de la réconciliation »84 ». Même le Secrétaire Général de l'ONU Antonio Guterres l'a confirmé en précisant qu' « une réconciliation réussie contribue

82 ABOU NADER F., Liban : Les défis de la liberté, le combat d'un chrétien d'Orient, 2021, L'Observatoire, Paris, p. 11.

83 ROSOUX V., « Réconciliation post conflit : à la recherche d'une typologie », op.cit., p. 557.

84 Formule de l'ancienne Secrétaire d'État américaine Hilary Clinton, reprise par son successeur, John Kerry (Washington, 2 septembre 2015).

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à prévenir la résurgence des conflits, en plus de former le terreau de sociétés plus résilientes, pacifiques et prospères (...) C'est pour cette raison que promouvoir la réconciliation et briser le cercle de l'impunité fait partie intégrante de notre travail »85.

Peut-être que dans certaines sociétés de post-conflit la réconciliation ne se trouve pas comme nécessité, ce n'est pas notre sujet. Concernant le Liban, la réconciliation est une nécessité voire une obligation pour guérir le peuple d'un traumatisme sanglant. Dans ce qui suit, nous allons comprendre précisément pourquoi.

1) Des dossiers toujours non traités

« Il n'y a pas eu au Liban l'oubli salutaire auquel on parvient après avoir travaillé à surmonter un traumatisme, mais il y a eu en revanche, l'oubli pernicieux de ceux qui se contentent de le refouler. En nous enfermant dans le silence, nous nous serions enfermés dans le traumatisme du passé. Au Liban, nous avons " oublié " sans oublier »86 . L'enfermement dans le silence que Amal Makarem a mentionné constitue le non-traitement de dossiers sensibles de la guerre par les autorités libanaises et le manque de réaction face aux demandes du peuple, ce qui rend difficile de tourner la page de la guerre civile même après 32 ans. En effet, ce non-traitement des dossiers bloque la capacité du peuple à surpasser le traumatisme de la guerre civile, et ce jusqu'aujourd'hui, d'où la nécessité de trouver justice.

Deux sujets majeurs n'ont pas été traités suite à la guerre civile et qui constituent une étape importante de la réconciliation libanaise. Le premier étant le dossier des disparus, et le deuxième celui des victime de violences sexuelles utilisées comme arme de guerre durant la guerre civile.

a) Les disparitions forcées et les détentions secrètes :

Durant la guerre civile, des milliers de Libanais ont été enlevés et disparus sur les mains des milices libanaises et des armées syrienne et israélienne, laissant derrière eux des familles qui luttent en majorité jusqu'à ce jour pour savoir leurs sorts. Cette pratique d'enlèvement a durée même après la guerre civile, durant les occupations syrienne et israélienne. Une partie des victimes est détenue en Syrie, l'autre en Israël et celle enlevée par les milices est restée au Liban. Certaines victimes ont été relâchées, d'autres exécutées au Liban, et les restes remises aux autorités israélienne et syrienne parmi lesquelles certaines sont enterrées dans ces pays, et d'autres sont toujours captivées dans les prisons sous traitement inhumain.

Depuis la fin de la guerre civile en 1990, aucune enquête n'a été menée pour savoir ce que sont devenues plus de17 00087 disparus. Il est sûr que des centaines de Libanais sont toujours détenus dans les pires conditions puisque des détenus qui ont été libérés des prisons

85 Conseil de Sécurité, « Conseil de Sécurité : « la réconciliation ne saurait se substituer à la justice, ni même ouvrir la voie à l'amnistie pour les crimes les plus graves », prévient le Secrétaire général », Couverture des réunions, CS/14024, 19 Novembre 2019. [en ligne] : Conseil de sécurité: « la réconciliation ne saurait se substituer à la justice, ni même ouvrir la voie à l'amnistie pour les crimes les plus graves », prévient le Secrétaire général | Couverture des réunions & communiqués de presse.

86 MAKAREM A., Colloque sur Mémoires d'avenir à l'UNESCO, 2001. Retrouvez son intervention sur le site : www.memoirepourlavenir.com/french/profil/index.htm

87Rapport CLDH, op.cit., p. 42.

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syriennes et israéliennes ont confirmé aux familles des autres détenues que le leurs sont toujours vivants et captivés. A titre d'exemple, ce qui suit est un témoignage de la fille de Mohammed Nassar (un jeune libanais enlevé en 1979 à 30 ans) tiré d'un rapport fait par le Centre Libanais des Droits Humain en 2008 :

« En 1988, deux prisonniers libanais libérés de la prison de Adra ont affirmé à la famille de Ahmad Nassar qu'ils étaient détenus dans la même cellule que lui et que, comme eux, il était accusé de complot politique. En 2001 un autre détenu libéré de Syrie leur a dit qu'il avait vu Ahmad et qu'il avait été condamné à 20 ans de réclusion. Il leur a aussi donné un papier, daté de 1999, où Ahmad avait écrit : « Je suis Ahmad Nassar, je suis dans la prison centrale syrienne, chambre 7, dans le sous-sol de la prison. Je suis marié, j'ai deux enfants. » Une signature figure sur le bout de papier, identifiée comme conforme à la signature de Ahmad Nassar »88- Ce témoignage est un parmi plusieurs confirmant la présence d'autres détenus dans les prisons en Syrie et en Israël par des victimes libérées.

Non uniquement les victimes souffrent dans les prisons à cause de la torture quotidienne et les conditions inhumaines, mais leurs familles aussi. C'est une torture psychique et émotionnelle pour les parents et proches des victimes qui finira une fois la vérité sera révélée. Une maman a témoigné : « La disparition de mon fils, c'est comme si je tenais une braise incandescente dans ma main. Cela fait 15 ans que cela me fait mal, mais je ne peux pas la lâcher »89. Ce qui rend la situation encore plus difficile pour les proches de la victime, c'est la négligence des autorités libanaises et la considération par les politiciens que c'est du passé qui doit être oublié.

Aline Manoukian, une rédactrice photo indépendante basée à Paris, a pris cette photo durant la guerre civile libanaise qui a été publiée dans la revue « L'Orient-Le Jour ». Aline a expliqué que "Presque chacun d'entre nous, au Liban, a perdu un proche, un ami, une connaissance pendant la guerre civile. Des milliers de personnes ont été tuées ou enlevées. Je n'ose même pas imaginer à quel point il est insoutenable pour une mère de perdre un enfant. Pire, de ne pas savoir ce qu'il est devenu. Ce jour-là, en 1983, des proches de disparus avaient laissé exploser leur colère au passage du Musée. Ils voulaient des réponses, savoir ce qu'il était advenu de leurs proches. Dans la fumée et le chaos, cette femme vêtue de noir a brandi une photo de son fils disparu. J'ai pris la photo très rapidement, sans me rendre compte que son visage allait me hanter pendant des années. Je l'ai appelée "La Louve". Elle a cette férocité animale, elle serait capable de déchiqueter celui qui oserait faire du mal à son louveteau." 90

88 Ibid., p. 21.

89 Ibid., p. 06.

90 OLJ, « La guerre dans l'oeil de six photographes libanais », l'Orient-Le Jour, 14 Avril 2015. [en ligne] : La guerre dans l'oeil de six photographes libanais - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

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Malgré les réactions faibles des autorités libanaises sur le sujet des disparus en Syrie et en Israël, les familles de ces derniers luttent toujours. Des comités ont été créés comme le « Comité des familles de détenus libanais en Syrie » avec le support de l'association Support of Lebanese in Detention and Exile (SOLID) pour comprendre pourquoi leurs proches ont été détenus. Ces comités ont comme but de faire pression sur les autorités libanaises et syriennes pour libérer les vivants et rendre les morts à leur pays. Malheureusement, les autorités libanaises et syriennes accordent des fausses promesses à ces familles, ou bien dénient l'existence de détenues en Syrie. Malgré le fait que 121 détenus91 ont été libérés des prisons syriennes en 1998 et 5692 en 2000, les autorités libanaises n'ont jamais officiellement reconnu l'existence de détenus libanais en Syrie. Depuis avril 2005, chaque deux ou trois ans les proches des disparus organisent un sit-in au centre-ville de Beyrouth face à (Escwa) qui est la maison des Nations-Unies dans le but d'attirer l'attention de la communauté internationale pour reconnaitre la non application de la résolution 1559 du CS93 par la Syrie tant que les détenus sont dans ces prisons.

En ce qui concerne les familles des disparus en Israël, un Comité de suivi (Khiam rehabilitation Center) leurs apporte un soutien dans la consultation des dossiers soumis au CICR et aux Nations-Unies. Ces dossiers visent à exercer des pressions auprès des autorités israéliennes. La situation des victimes détenues en Israël est plus compliquée que celle des disparus en Syrie vu que Israël est considérée comme un ennemie officiel du gouvernement Libanais. Cette question des détenus libanais en Israël est devenue un sujet de conflit entre le Hezbollah et Israël. A chaque fois que Hezbollah enlève un militaire israélien, des négociations commencent pour libérer des détenus libanais. Par exemple, en 2004, avec des interventions allemandes, une vingtaine de libanais ont été libérés des prisons israéliennes et une soixantaine de familles ont récupérés les dépouilles de leurs proches. En parallèle, un homme d'affaire israélien a été libéré par le Hezbollah après 4 ans de détention et trois corps d'Israéliens ont été rendus à leurs familles.

De la part des autorités libanaises, le premier acte officiel sur le sujet des disparus est la loi de 1995, dite la loi du silence, en vertu de laquelle les personnes disparues peuvent être déclarées mortes. En plus, d'après le rapport du Centre Libanais des Droits Humains94, plusieurs commissions d'enquêtes ont été créées au début des années 2000 mais sans aucun résultat. Nous pouvons mentionner la commission d'enquête de l'année 2000 qui avait un délai de 3 mois pour régler une question de 17 000 disparus. Cette commission n'a pas donné de réponses aux familles des disparus, elle a uniquement émis un résumé de rapport de deux pages confirmant qu'il n'existe pas de disparus ni en Israël, ni en Syrie et que les parents doivent

91 K.P., « Conférence de soutien aux prisonniers, au théâtre de la Sagesse à Achrafieh 228 libanais seraient toujours détenus dans les prisons syriennes », L'Orient-Le Jour, 03 Avril 1998. [en ligne] : https://www.lorientlejour.com/article/265716/Conference_de_soutien_aux_prisonniers%252C_au_theatre_de_la _Sagesse_a_Achrafieh_228_libanais_seraient_toujours_detenus_dans_les_prisons_syriennes.html.

92 FIDH, « Libération de détenus libanais en Syrie », Fédération Internationale pour les Droits de l'Homme, 13 Décembre 2000. [en ligne] : https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/liban/LIBERATION-DE-DETENUS-LIBANAIS-EN.

93 La Résolution 1559 du Conseil de Sécurité confirme l'indépendance et la souveraineté du Liban et oblige les forces étrangères (Syrienne et Israélienne) de se retirer du territoire Libanais.

94 Rapport CLDH, op.cit. pp. 29-32.

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respecter la loi de 1995 et déclarer leurs proches morts. Une autre commission a été créée en 2001, cette dernière avait comme mission unique de prouver qu'il existait des détenus en Syrie et en Israël et de référer les dossiers des détenus en Israël au CICR et ceux des détenus en Syrie aux autorités syriennes. Cette commission a collecté des témoignages des familles et a reçu 78095 demandes d'enquête de la part des familles des victimes. Elle n'a émis aucun rapport et n'a rien publié tandis que ces membres ont confirmé qu'il existe 97 personnes en vie en Syrie, mais les autorités libanaises n'ont rien fait face à cela. Une troisième commission a été créée en 2005, cette dernière est libano-syrienne ayant comme but d'investiguer sur la présence de détenus syriens au Liban et de détenus libanais en Syrie. Pareil que les autres deux commissions, celle de 2005 n'a pas mené à des résultats effectifs. En effet, les autorités syriennes bloquaient tout progrès de la part de la commission parce qu'ils ne reconnaissent pas officiellement la présence de détenus libanais chez eux. Dans le même rapport du Centre Libanais des Droits Humains, il est mentionné que « Dans les entretiens que nous avons menés, pratiquement toutes les familles nous ont affirmé qu'elles avaient déposé leur dossier devant chacune des commissions et qu'à chaque fois il leur était demandé de fournir à nouveau les informations dont elles disposaient. Pourtant elles n'ont jamais reçu de réponse. Cette attitude a renforcé leur conviction que les autorités libanaises n'avaient aucunement l'intention de révéler le sort de leurs « disparus »96.

Plus récemment, en 2014, le Conseil d'Etat a reconnu le « droit de savoir » des familles des victimes en partageant avec eux les rapports de la commission d'enquête de l'année 200097. En 2015, à l'occasion de la journée internationale des victimes de disparitions forcées le 30 août, « Human Rights Watch » a mis la pression sur le autorités libanaises en publiant un communiqué98 insistant sur la nécessité de créer une commission nationale indépendante pour enquêter sur le sort des victimes disparues forcément durant la guerre civile et les occupations israélienne et syrienne. Après trois ans, le 13 novembre 201899, le Parlement libanais a répondu à cette demande et une loi a été adoptée contenant 38 articles visant à enquêter et à trouver la vérité sur le sujet des disparitions forcées durant la guerre civile libanaise. Cette loi prévoit la création d'une Commission d'enquête nationale composée de 10 membres dont 2 représentent les associations des familles des victimes. Cette commission sera chargée d'enquêter sur le sort des disparus en Syrie et en Israël et sur l'existence de fosses communes sur le territoire libanais.

A travers la loi 105/18, les autorités libanaises ont reconnus « le droit de savoir » des familles des victimes. Cette loi est considérée comme une réussite et une sorte de victoire des comités, associations et organisations des familles des victimes luttant depuis 30 ans. D'après Justine Di Mayo, une représentante de l'ONG libanaise « ACT for the disappeared » (ACT),

95 Liste publiée par le Quotidien Al-Nahar le 17 Avril 2005.

96 Rapport CLDH, op.cit., p. 32.

97 HRW, « Liban : Il faut mettre en place une Commission nationale d'enquête sur les disparitions forcées » Human Rights Watch, 29 Août 2015. [en ligne] : Liban : Il faut mettre en place une Commission nationale d'enquête sur les disparitions forcées | Human Rights Watch ( hrw.org).

98 OLJ, « HRW demande au Liban une commission d'enquête sur les disparitions forcées », L'Orient-Le Jour, 01 Septembre 2015. [en ligne] : HRW demande au Liban une commission d'enquête sur les disparitions forcées - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

99 LAUTISSIER H., « Au Liban, la loi sur les disparus enfin votée », Middle East Eye, 15 Novembre 2018. [en ligne] : Au Liban, la loi sur les disparus enfin votée | Middle East Eye édition française.

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« c'est la première fois depuis la fin de la guerre qu'il y'a un processus de vérité et de réconciliation qui se met en place au Liban »100

Malgré l'espoir créé en 2018 avec la loi 105/18, la commission indépendante n'a pas été créée que 18 mois plus tard avec le gouvernement résultant des manifestations de 2019101. Le gouvernement de Hassan Diab a créé la commission en juin 2020102, deux mois avant la double-explosion du port de Beyrouth103. Suite à l'explosion du Port et à la démission du gouvernement créant la Commission, ce sujet n'a plus été abordé et le nombre des familles des victimes luttant contre l'impunité et pour la vérité s'est augmenté en rajoutant les familles des victimes de la double-explosion. La routine des proches des disparus a repris, des rassemblements au centre-ville de Beyrouth ont recommencés. Sauf que depuis 3 ans les demandes ont changées de « la création d'une loi et d'une Commission d'enquête » en « l'application de la loi 105/18 »104.

Durant ces 32 ans suivant la fin de la guerre civile, les autorités libanaises légitimées par l'accord du Taëf et protégées par la Loi d'amnistie bloquent trois droits fondamentaux du peuple libanais : le droit à la vérité, le droit à la justice et le droit à réparation. La reconnaissance et l'attribution efficace de ces droits est une forme de réconciliation. En fait, comme Nadim Houry105 a déjà affirmé, « Le Liban ne peut pas avancer sans aborder de manière adéquate les problèmes du passé »106. Les familles et proches des disparus veulent aborder ces problèmes du passé, ce sont les autorités libanaises qui les ont gardés dans un état transitoire de va-et-vient entre les familles des victimes et les institutions.

b) Les crimes de genre durant la guerre civile libanaise

Depuis 1990 jusqu'aujourd'hui, le sujet des crimes de genre n'a pas été abordé ni par les autorités libanaises et ni par le peuple. Le premier rapport107 sur le sujet est sorti en juin 2022 par L'ONG « Legal Actions Worldwide » (LAW) intitulé « Ils nous ont violés de toutes les manières possibles. Les crimes de genre durant les guerres civiles libanaises ». Dans le cadre de ce rapport, 142 individus ont été questionnés par LAW. Les statistiques dans le document108

100 Ibid.

101 Evènement plus détaillé dans la conclusion, Partie I, A.

102 COMATY L., « Pour une commission nationale pionnière et innovatrice sur les disparus », L'Orient-Le Jour, 28 Juillet 2020. [en ligne] : Pour une commission nationale pionnière et innovatrice sur les disparus - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

103 Evènement plus détaillé dans la conclusion, Partie I, B.

104 G.D et S.A.S, « Les familles des disparus appellent à l'application de la loi 105 », L'Orient-Le Jour, 30 Aout 2019. [en ligne] : Les familles des disparus appellent à l'application de la loi 105 - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

105 Nadim Houry était le directeur adjoint de la vision Moyen-Orient et Afrique du Nord à « Human Rights Watch » en 2015 quand il a déclaré cela.

106 HRW, « Liban : Il faut mettre en place une Commission nationale d'enquête sur les disparitions forcées », op.cit.

107 SALLON H., « Au Liban, un rapport brise le tabou des violences sexuelles perpétrées durant la guerre civile », Le Monde, 23 Juin 2022. [en ligne] : Au Liban, un rapport brise le tabou des violences sexuelles perpétrées durant la guerre civile ( lemonde.fr).

108 LAW, They raped us in every possible way, in ways you can't imagine: Gendered Crimes during the lebanese civil wars, Rapport de Legal Action Worlwide, Beyrouth, 2021, p. 26.

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qui suit résument la situation actuelle libanaise sur le sujet des crimes de genre durant la guerre civile.

Page 26 du rapport «They raped us in every possible way, in ways you can't imagine: Gendered Crimes during the Lebanese civil wars», Rapport de Legal Action Worlwide, Beyrouth, 2021.

Nous remarquons dans ce document que 81% des personnes interrogées aujourd'hui au Liban sont toujours affectées par la guerre civile, 50% ont toujours un sentiment de colère et de vengeance et 99% ne supportent pas la loi d'Amnistie de 1991. Ces chiffres prouvent l'échec des modes de réconciliations « mythiques » et montrent le besoin du peuple d'une vraie et effective réconciliation au Liban même après 32 ans.

Sur le sujet des crimes de genre, 51% des interrogés ont assisté à des violences sexuelles. Uniquement 9% des crimes de genres ont été rapportés par des victimes et des témoins pour les raisons suivantes :

1.

33

Les autres victimes ou témoins ne savent pas que la loi libanaise les protège contre les violences de genre : 51%.

2. Les autres victimes ou témoins n'ont aucune confiance au système juridique libanais : 53%.

3. Les autres victimes ou témoins croient que les Hommes de pouvoir sont « au-dessus » de la loi : 49%.

4. Les autres victimes ou témoins ont eu peur des actes de vengeances qui peuvent résulter s'ils actent légalement : 31%.

5. Les autres victimes et témoins, même personnes non reliées à ces crimes ne savent même pas qu'il existaient des crimes qualifiés comme crimes de genre « gender based crimes » : 66%.

Nous pouvons conclure de ces chiffres que le non traitement des crimes de genre durant la guerre civile et l'impunité de leurs responsables résultent de plusieurs raisons sociopolitiques et psychologiques. La majorité du peuple n'a pas confiance au système politique libanais. Pour eux, le pouvoir de la loi libanaise est affaibli par la corruption des Homme d'Etat. Déjà socialement les crimes de genre sont considérés comme tabou et les victimes ont peur de parler : une femme de 46 ans interviewé par LAW a confirmé que «Female victims do not tell their stories; they need protection if they decide to do so. People consider girls as a shame if they get raped or harassed, because they are the «honour» of the family.»109. Alors déjà les

109 Rapport LAW, op. cit., p. 39.

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victimes ont peur pour leur « réputation » et celle de leurs parents, en plus même si théoriquement le code pénal libanais les protège, pratiquement elles pensent que la loi ne s'applique pas au Liban et que les responsables politiques contrôlent le système judiciaire libanais. Sans oublier qu'à cause de la loi d'Amnistie, l'impunité est devenue un grand titre au Liban et les victimes n'ont plus d'espoir pour trouver justice. Comme conséquence un impact psychologique et physique chez les victimes et la société est resté non traité depuis une trentaine d'années : Un homme de 50 ans a témoigné auprès de LAW que «My cousins, until this day, have psychological impacts from what they witnessed and heard about It»110 . Une femme de 52 ans a témoigné aussi que « I feel mentally and physically ill - I suffered from insomnia and was scared a lot. I used to imagine that they wanted to kill me, I was paranoid,

I was nervous, and I still am. I have problems in my stomach now111 Un homme de 60 ans a déclaré aussi «Many women were tortured so badly that they are physically and mentally disabled. Women were bullied, pulled by their hair, electrocuted, harassed, and threatened of rape in the detention centre.»112

En parlant des crimes de genre qui ont eu lieu durant la guerre civile libanaise, le rapport de LAW a spécifié 5 types113 :

1. La violence basée sur le sexe et le genre : Des viols, des viols collectifs et de masses, la torture sexuelle, des mutations génitales et l'humiliation y compris l'électrocution des seins et de la région génitale, l'obscénité, la nudité forcée et la prostitution ont été faites par des acteurs étatiques et des miliciens contre des femmes et des filles.

2. Meurtres et enlèvements : Des femmes, des filles et des enfants y compris des femmes enceintes et des foetus, ont été tués et enlevés par des acteurs étatiques armés, des miliciens.

3. Impact sexospécifique des disparitions forcées : Les disparitions forcées d'hommes ont eu un impact sexospécifique sur les femmes et les filles, avec des implications économiques, sociales et sécuritaires négatives.

4. Violence familiale : Les femmes et les filles ont subi des violences familiales, y compris des coups, des violences verbales et sexuelles de la part de leur mari et de membres masculins de leur famille en raison des effets psychologiques prolongés des guerres.

5. Rôle des femmes dans les milices : Les femmes et les filles ont joué un rôle important au sein des milices armées dans diverses capacités non combattantes (discrimination).

Ces crimes de genre qui ont eu lieu durant la guerre civile ont laissé un impact traumatisant dans la société libanaise. Cet impact se traduit d'une génération à une autre. Ces crimes ont changé les aspects de la vie libanaise (sociale, légale et politique). Le manque de discussion et de suivi psychosocial a mené les victimes, les témoins, leurs proches et même la société entière à trouver des moyens pour vivre avec un tel passé sans aucun accès à la vérité, la réparation et la justice. Avec le temps, tous ces éléments ont mené le peuple a perdre de plus en plus de confiance en le système politique libanais et la loi libanaise. D'où une nécessité du dialogue,

110 Loc. cit.

111 Loc. cit.

112 Loc. cit.

113 Ibid. p. 27.

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pour la vérité, la justice et la réparation. Ces nécessités commencent par l'indentification du passé et les travaux de mémoire collective (2).

2) Manque d'une mémoire collective

« Personne ne survit à une guerre, pas même les vivants. Ceux qui en réchappent hébergent plusieurs tombes. Avec pour seule rémission une histoire à écrire », Colum McCan.

Selon les paroles de McCan, le peuple libanais n'a jamais été remissionné puisqu'un travail de mémoire nationale commune n'a jamais pris place officiellement après la guerre civile libanaise. Avant de rentrer dans les détails du manque d'histoire et de mémoire commune de la guerre au Liban, il est nécessaire de clarifier la relation entre mémoire et histoire. En effet, et dans le cas Libanais, le Professeur Antoine Messarra, qui faisait partie d'une Commission chargée de rédiger une histoire commune libanaise, a remarqué qu'il existe une « dichotomie entre l'histoire enseignée et les mémoires collectives »114, « le résultat est une société à souvenirs fragmentés, des souvenirs avec lesquels nous ne sommes pas réconciliés »115. En effet, l'histoire libanaise officielle se termine avec l'indépendance du pays en 1943. Tout ce qui suit cette période dépend de l'établissement scolaire. Chaque région enseigne sa propre version et interprétation. Il n'existe pas un livre d'histoire objectif citant des faits et non pas des interprétations. La commission, dont professeur Messarra faisait partie, avait finalisé un livre d'histoire commun basé sur les différentes mémoires communes du pays, il fallait uniquement l'imprimer en juin 2000 quand l'ancien ministre de l'Education, Abdel Rahim Mrad, a arrêté toute opération d'impression.

Selon Maurice Halbwachs, «(...) la mémoire collective ne se confond pas avec l'histoire (...) L'histoire, sans doute, est le recueil des faits qui ont occupé la plus grande place dans la mémoire des hommes. Mais lus dans les livres, enseignés et appris dans les écoles, les événements passés sont choisis, rapprochés et classés, suivant des nécessités ou des règles qui ne s'imposaient pas aux cercles d'hommes qui en ont gardé longtemps le dépôt vivant. C'est qu'en général l'histoire ne commence qu'au point où finit la tradition, moment où s'éteint ou se décompose la mémoire sociale. »116. Enzo Traverso a rajouté à cela qu'il est nécessaire de « prendre compte l'influence de l'histoire sur la mémoire elle-même, car il n'y a pas de mémoire littérale, originaire et non contaminée : les souvenirs sont constamment élaborés par une mémoire inscrite au sein de l'espace public, soumis aux modes de penser collectifs mais aussi influencés par les paradigmes savants de la représentation du passé»117. Alors sans doute l'histoire ne doit pas se confondre avec la mémoire, mais en même temps, la mémoire collective influence l'histoire et l'histoire est construite selon la mémoire collective et sociétale. Dans son même ouvrage « la mémoire collective », Halbwachs met en lien la notion de mémoire collective avec celle de la mémoire individuelle. En effet, et confirmé par plusieurs autres auteurs comme Johan Michel et Marie-Claire Lavabre, il existe un lien très basic et fort entre la mémoire collective et la mémoire individuelle, et c'est l'unité sociétale qui protège la

114MESSARRA, A., « Ecoles au Liban: dur d'enseigner une histoire commune », L'OBS, 08 Novembre 2016. [en ligne] : Ecoles au Liban : dur d'enseigner une histoire commune ( nouvelobs.com).

115 Ibid.

116 HALBWACHS M., La mémoire collective, Paris, Les Presses universitaires de France,1967.

117 TRAVERSO E., Le passé, modes d'emploi : Histoire, mémoire, politique, Paris, La Fabrique, 2005, p. 29.

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mémoire collective et l'identité nationale118. Si nous voulons schématiser l'ensemble des interprétations citées ci-dessus :

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Définition de la mémoire collective (119), définition de la mémoire individuelle (120).

Au Liban, les mémoires individuelles ont formé les mémoires collectives politico-confessionnelles. Chaque parti politico-confessionnelle de la guerre civile a formé sa mémoire collective dans sa propre société et a transmis cette mémoire à ses enfants et dans ses propres établissements scolaires. En d'autres termes, les mémoires collectives politico-confessionnelles ont remplacées la mémoire collective nationale commune qui se divise sur 19 versions différentes de livres d'histoire121.

En parlant de la guerre civile libanaise, même sa raison déclenchante n'est pas communément identifiée ni traitée. En interviewant des responsables politiques libanais et des membres de la société civile, la question du début de la guerre civile a été posée. Chaque interviewé a donné une interprétation différente :

118 Nous revenons sur ce lien entre l'unité sociétale et l'identité commune dans la troisième partie de ce mémoire portant sur la socialisation politique confessionnelle.

119 VIDAL-BENEYTO J., « La construction de la mémoire collective. Du franquisme à la démocratie », Diogène, vol. 201, no. 1, 2003, pp. 17-28.

120 MICHEL J., « Esquisse d'une socio-phénoménologie historique de la mémoire collective », in Mémoires et histoires : des identités personnelles aux politiques de reconnaissance, Rennes, PUR, 2005, p. 90.

121 RIZK B., « Génocide arménien, guerres civiles libanaises et mémoire collective », Agenda Culturel, 27 Avril 2020. [en ligne] : Génocide arménien, Guerres civiles libanaises et mémoire collective ( agendaculturel.com).

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- Professeur Fayez Araji (extrême gauche) : a précisé que la guerre civile libanaise n'est pas internationale mais purement interne. Elle a commencé pour des raisons économiques et sociales (en relation avec la démographie). C'est la fragilité de la société qui a causé la guerre civile libanaise122.

- Monsieur Dany Fayad (Phalangiste) : a justifié la participation de son parti à la guerre par la légitime défense contre les palestiniens : « nous avons participé à la guerre civile et nous étions les premiers à le faire pour se défendre et non pas pour attaquer. C'est une légitime défense face aux palestiniens et les syriens avec des autres nations qui ont essayé de nous jeter à la mère. C'était dit par Kamal Joumblatt « badna nkeb el masihiye bel baher» « .t. í~,_íÓãti L »123, « Nous n'avons attaqué personne, nous ne sommes pas partis en Palestine pour envahir Jérusalem, ni en Syrie pour envahir Damas. Nous étions là, c'est eux qui sont venus. On a défendu notre terre et en plus c'est notre civilisation et notre mode de vie »124

- Un ancien général militaire palestinien au sein de l'OLP : considère que les Chrétiens ont commencé à se militariser même avant le début de la guerre civile ce qui prouve que ce n'était pas une légitime défense. Selon lui, la guerre civile libanaise a commencé par une décision Etats-unienne vu que le Liban était faible et n'a pas pu refuser. «En effet, si Yasser Arafat a voulu que le Liban se transforme en Palestine, il aurait pu le faire »125.

- Docteur Walid Fahd Zeitouny (Parti Social Nationaliste Syrien) :«Comme déjà mentionné, nos partis politiques servent les intérêts des autres Etats au Liban. Ghassan Tuéni considère que c'est la guerre des autres sur notre terrain, moi je considère que c'est la guerre des autres et la nôtre sur notre terre. Les libanais aussi ont fait la guerre et y ont participés »126.

- Monsieur Alain Mounayer (Les Forces Libanaises) : « nous n'étions jamais la cause de la guerre mais toujours en état de défense, notre cause n'a pas fini mais elle vient de commencer dans le but d'avoir 3 choses : disparition des armes illégales, impartialité étatique et pouvoir juridique indépendant. »127

- Monsieur Ali Sandeed (ONG Search For Common Ground) (Palestino-syrien résident au Liban): Pour Ali, il y'avait déjà des préparations longtemps avant la guerre civile, mais le fait déclencheur était l'attaque du bus des palestiniens à Ain al Ramadi. « Mais ce n'était qu'un fait déclencheur de préparations déjà existantes dans le but de garder le Liban faible et fragile »128. Pour Ali, les interventions externes forment la raison

122 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Docteur Fayez Araji, 23 Mai 2022, Zahlé, 00: 14: 00, p. 03. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1D57da5PNK0N8XZkCQWsl7NrETHp1WqVR/view?usp=sharing.

123 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Monsieur Dany Fayad, 19 Mai 2022, Zahlé, 00 :12:00, p. 06. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/16nZnYaHLjcFbcHUl9FAAMxeLz28jvWIB/view?usp=sharing.

124 Ibid. 00 :13 :10.

125 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Ancien militant de l'OLP, 28 Mai 2022, Saida, p. 28.

126 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Monsieur Walid Zeitouny, 20 Mai 2022, Mreijat, 00 :41 :00, p. 07. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1Bln7ga1-OKgiaXjqD_n0DIn8TDiQuItU/view?usp=sharing.

127 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Monsieur Alain Mounayer, 27 Mai 2022, Zahlé, 00 :12 :28, p. 12. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1FqeRNEOOl3iPk-d9Iom9Xuts277aKduc/view?usp=sharing.

128 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Monsieur Ali Sandeed, 24 Mai 2022, SFCG HQ, 00 :01 :48, p. 19. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1FtjVOXQ5IAbquq6eNyleYzn8RQYOEXIx/view?usp=sharing.

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principale de la guerre civile libanaise. « les leaders des milices exécutaient les ordres externes au sein du pays en jouant sur les sensibilités religieuses du peuple »129.

- Monsieur Ramzi Abou Ismail (Psychologue politique) : confirme que « D'un point de vue social, les raisons de la guerre n'ont pas été discutées ni traitées. Une partie considérait que le palestinien occupait le Liban, une autre que le palestinien n'était qu'un simple réfugié. Et ce dernier a choisi une partie ce qui a déclenché la guerre»130.

La nature même de la guerre civile libanaise et ses raisons ne sont pas identifiées communément entre le peuple. Certains considèrent que c'est la guerre des Libanais chez eux, d'autres que c'est la guerre des autres au Liban, d'autres lient la guerre aux finalités palestiniennes tandis que les palestiniens pensent que s'ils avaient la volonté d'occuper le Liban personne ne pouvait les arrêter. Les milices chrétiennes pensent que c'était uniquement une légitime défense tandis que les chrétiens communistes pensent que si c'était le cas il ne fallait pas commettre des génocides, etc. Dans les interprétations il existe plusieurs approches qui peuvent être faites sur la source et les motifs de la guerre civile libanaise. Mais dans les faits personne ne peut rien changer. L'histoire doit être écrite selon les faits et non pas les interprétations, et cela doit être initié rapidement pour régler un problème juridique, psychologique et social flagrant.

Selon le résultat d'un projet collectif entre l'Université Saint-Joseph et l'Institut Français du Proche Orient sur le sujet de la mémoire de la guerre au Liban, un des constats communs est qu'au Liban il existe une « inflation mémorielle » due à la « fragmentation communautaire et territoriale de la mémoire »131 résultante de l'absence d'une mémoire nationale. D'où la nécessité de reconstruire une mémoire nationale illustrant un besoin conscient de vivre ensemble et clarifiant un passé dans le but de lutter pour la vérité et contre l'impunité et l'oubli imposés par les autorités.

3) L'oubli : Manque de regret et de pardon

Depuis la fin de la guerre civile jusqu'à nos jours, il n'y a pas eu de remords de la part des responsables ni de pardon de la part des victimes et leurs familles. Cela est dû au manque de réconciliation effective au Liban. Le Taëf et la Loi d'Amnistie avec la loi du Silence bloquent tout travail de mémoire et imposent l'impunité et l'oubli au peuple libanais. Nous nous demandons si l'oubli est important pour la nation. Pour Ernest Renan, les travaux d'histoire mettent les nations en danger132 et l'oubli est essentiel pour le bienêtre des nations, mais est-ce que c'est le cas au Liban ?

129 Ibid.

130 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Monsieur Ramzi Abou Ismail, 15 Juin 2022, Zoom, 00:06:32, p. 23. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1b9jh-Iv0hETYvJiRCuuPn2NMwub-cEcI/view?usp=sharing.

131 PICARD E., « Mermier Franck, Varin Christophe, Mémoires de guerres au Liban (1975-1990), Paris, Sindbad Actes Sud, 2010, pp. 620. », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, no. 131, 2012. [en ligne] : Mermier Franck, Varin Christophe (sous la dir. de), Mémoires de guerres au Liban (1975-1990), Paris, Sindbad Actes Sud, 2010, 620 p. ( openedition.org).

132 RENAN E., Qu'est-ce qu'une nation ?, (1882), Kissinger Publishing, 2010, 36 p.

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Une simple déclaration de Madame Wadad Halwani, une maman d'un disparu, suffit pour comprendre la difficulté de l'oubli au Liban : « j'aimerai connaitre la vérité avant de quitter la vie, mais je sais que le chemin est encore long. Si nos enfants ne parviennent pas à connaitre le sort de nos proches, ce seront nos petits-enfants qui prendront le relais. Mais je voudrais tellement qu'ils n'héritent pas de ce poids ». Comme Madame Halwani, plusieurs victimes et proches de victimes de la guerre civile libanaise ont soif pour la vérité et vont «céder» cela non uniquement à leurs enfants mais à leurs petits-enfants. Dans son article sur la mémoire de la guerre au Liban133, Aïda Kanafani-Zahar a mis la lumière sur le fait qu'il y'a toujours une probabilité d'oublier, dans toute guerre, sous forme de « mémoire occulté ». Mais en parallèle il y'a toujours des expressions visibles qui empêchent l'oubli et imposent la mémoire. L'autrice a donné l'exemple de la reconstruction du centre-ville de Beyrouth qui a été détruit au début de la guerre. En effet, le centre-ville de Beyrouth qui était le symbole de la coexistence islamo-chrétienne et de la prospérité économique libanaise, est devenu le symbole de la haine et de l'appauvrissement durant la guerre civile. C'est par la rue de Damas-place des Martyrs que s'est dessinée «la ligne de la mort» entre Beyrouth Est (des Chrétiens) et Beyrouth Ouest (des Musulmans). Cette frontière était un endroit de conflit continu. Il y'avait des tirs jours et nuits entre les milices chrétiennes du coté Est et musulmanes du côté Ouest. Même les passagers prenaient une énorme risque pour traverser d'un coté à l'autre. On estime que le nombre de morts à ces frontières est 20 000134. En 1994, la société libanaise pour le développement et la reconstruction de Beyrouth (Solidere) a pris l'initiative de reconstruire le centre-ville exactement tel qu'il était en rachetant les droits des propriétaires du Balad et de la place des Martyrs. Cette société, sous l'impulsion de l'ancien premier ministre Rafic Al Hariri, a pu reconstruire le Balad tel qu'il était, mais pas la place des Martyrs qui est restée rasée. Cette place a repris sa nomination et rôle le 14 mars 2005 quand 1 million de Libanais se sont rassemblés là-bas pour commémorer la mémoire du Premier Ministre assassiné le 14 février de la même année, Rafic Al Hariri135. Cette reconstruction du centre-ville avait comme but de renforcer les liens sociaux entres les 18 confessions libanaises et de renforcer l'économie libanaise après 15 ans de guerre par la reconstruction des marchés et des zones commerciales.

Figure 1: Photo personnelle de l'Hôtel Saint-Georges à Beyrouth.

Figure 2 : Photo de Kawa-News.com.

Malgré les efforts de reconstruction du centre-ville, dans les mémoires individuelles des gens c'était un endroit de conflit divisant Beyrouth confessionnellement. Il existe toujours des immeubles non reconstruits et endommagés qui nous rappellent de la guerre civile libanaise. Prenons par exemple l'hôtel « Saint-Georges » dont les propriétaires refusent toujours de le vendre à Solidere, et par contre ont affiché

« Stop Solidere » sur sa façade (Fig.1). Ou bien l'exemple du grand théâtre de Beyrouth situé au milieu du centre-ville (fig.2).

133 KANAFANI-ZAHAR A., « Liban, mémoires de guerre, désirs de paix », La pensée de midi, vol. 3, no. 3, 2000, pp. 75-84.

134 Ibid., p. 84.

135 BEAUCHARD J., « Beyrouth, ville ouverte et fermée », Hermès, La Revue, vol. 63, no. 2, 2012, pp. 109-115.

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Cette mémoire reconstruite de l'espace ne peut être remplacée par l'oubli. Même après la reconstruction du centre-ville, les libanais vont toujours se souvenir des horreurs de la guerre civile si un travail de mémoire et de réconciliation ne prend pas place. Même si il ne reste aucune trace urbaine de la guerre civile, les traces psychiques, corporelles et sociales ne peuvent pas s'oublier. Même avec un travail de mémoire, l'oubli n'est pas possible, mais la réconciliation change la manière dont le citoyen regarde la guerre et l'effet de cette guerre sur son comportement sociétale et sa santé psychique.

Avec les travaux de mémoire, chaque partie de la guerre sera capable de voir le point de vue de l'autre et cela va éclaircir l'image globale de ces 15 ans. Le remords et le pardon perdus constituant des tensions socio-politiques depuis une trentaine d'années peuvent être trouvés avec la réconciliation. Dans son livre, Fouad Abou Nader ne considère pas que son parti d'extrême droite a eu tort « Nous avons dû combattre, mais il serait faux de prétendre que nous avons eu tort et que nous sommes responsables de la situation dans laquelle le Liban se trouve aujourd'hui. (...) Je n'ai rien à me faire pardonner dans cette guerre. Nous avons bien agi »136. Chaque partie de la guerre civile pense la même chose, et insiste que si le Liban se trouve aujourd'hui dans la même situation elle va réagir de la même manière. Mais sans partager, entendre et écouter l'autre partie, aucun des partis politiques ne va comprendre ses responsabilités et regretter quelques actes pour que les victimes de ces actes pardonnent. La reconnaissance des souffrance des victimes aide à cicatriser les plaies de la guerre.

« Il est urgent de ne pas oublier, urgent de regarder en arrière et d'essayer de (nous) comprendre enfin entre nous, les citoyens de ce pays. Urgent de saluer le courage de gens qui portent leur passé d'acteurs de la guerre comme une croix et passent le seul message qui vaille : celui de la réconciliation civile, citoyenne »137

B. Les limites de la réconciliation aujourd'hui

En septembre 2017, devant l'Assemblée Générale des Nations-Unies, le Président de la République Libanaise Michel Aoun a déclaré que le Liban est en paix et que le monde doit profiter de cette expérience réussite en matière de réconciliation, de dialogue et de cohabitation entre différentes religions et ethnies138. Cette déclaration a été fortement critiquée par la majorité du peuple libanais, des politistes, des juristes, des chercheuses et des chercheurs qui vu qu'un dialogue et une réconciliation effective au Liban n'ont toujours pas eu lieu après la guerre civile libanaise. Cela pour plusieurs raisons dont la faiblesse des institutions étatiques à cause du système politique communautaire (1), qui a mis en place les leaders politiques actuels refusant d'initier une véritable réconciliation (2) et laissant des pays tiers intervenir dans les affaires nationales (3).

136 ABOU NADER F., Liban : Les défis de la liberté, le combat d'un chrétien d'Orient, op.cit., p. 12.

137 TARRAF S., « Une paix si malaisée ! Comme une litanie... », blog Chroniques civiles du Liban et d'ailleurs, 19 Novembre 2013. [en ligne] : https://libanchroniquesciviles.wordpress.com/tag/assaad-chaftari.

138 ABOU JAOUDE K.H., « Le Liban, un modèle de réconciliation ? », L'Orient-Le Jour, 28 Octobre 2017. [en ligne] : Le Liban, un modèle de réconciliation ? - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

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1) La corruption des institutions étatiques due au système politique communautaire

« Les institutions de la Seconde République sont à bout de souffle, le clientélisme et le confessionnalisme politique gangrènent le système politique depuis l'indépendance ».139

Comme déjà mentionné dans l'introduction, depuis la fin du XIXème siècle, le communautarisme politique s'est implanté dans le système politique Libanais dans le but de permettre à toutes les confessions de gérer équitablement et pacifiquement les affaires du pays. Par contre, les effets de ce communautarisme n'étaient que négatives sur le futur des institutions étatiques. En effet, le communautarisme politique a été utilisé par les partis libanais pour servir leurs propres intérêts et non pas ceux de la nation. Que ça soit à travers le Pacte Nationale ou bien l'accord du Taëf, le communautarisme n'était qu'un outil pour partager les intérêts entre les différents partis politico-confessionnels.

« Au Liban, le communautarisme est le partage institutionnalisé du pouvoir entre les différentes communautés religieuses du pays selon leur importance, et l'exercice par les autorités religieuses de prérogatives ailleurs détenues par l'Etat »140. Le Gouvernement et le Parlement libanais sont composés équitablement entre Chrétiens et Musulmans, cela surtout après l'accord du Taëf et la création de la deuxième République libanaise. Même si dans la constitution de 1926 et dans l'accord du Taëf cette division communautaire est uniquement transitoire, aucun calendrier n'a été précisé, jusqu'à nos jours, pour finir cette transition. Par la suite, cette division confessionnelle des postes institutionnels a donné la chance aux ex-chefs de milices de devenir des élites politiques et des dirigeants institutionnels.

C'est normal à la fin des guerres civiles que les vainqueurs dirigent les pays, mais au Liban il n'y a pas eu de vainqueurs officiels, alors les dirigeants sont tous des chefs et représentants de partis qui s'entretuaient durant les conflits. Cela ne signifie pas forcément que les institutions étatiques vont devenir corrompus, sauf qu'au Liban l'encadrement de cette transformation des « princes de guerre » en des Hommes d'Etat était fragile, faible et en elle-même mal saine. En effet, dans la logique communautaire libanaise, les citoyens se tournent vers leurs chefs politico-confessionnels occupants des rôles institutionnels pour se protéger des autres confessions, ce qui a développé un clientélisme. Selon Professeur Ghassan Salamé, le clientélisme au Liban a créé une sorte de «cleptocratie » puisque « l'élite corrompue qui dirige le pays est une élite redistributive »141 parce qu'elle redistribue une partie de cet argent volé à sa partie des citoyens fidèle. La corruption au Liban est devenue un mode de vie, que ça soit dans les institutions étatiques juridiques, politiques ou même administratives. Selon le rapport

139 MALSAGNE S., « Les élections présidentielles au Liban : entre espoir et retour douloureux de l'Histoire », Confluences Méditerranée, vol. 97, no. 2, 2016, pp. 157-173.

140 BARON X., Le Liban, une exception menacée: en 100 questions, op.cit., p. 138.

141 SALAME G., « Chaos au Liban: l'analyse de Ghassan Salamé », Figaro Live, 07 Février 2022. [en ligne] : Chaos au Liban: l'analyse de Ghassan Salamé ( lefigaro.fr).

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de Transparency International de 2021, le Liban est classé 154eme parmi les 180 Etats les moins corrompus au monde selon le « Corruption Perceptions Index » (doc. 1) 142.

Document 1 : Site Officiel de "Transparency International"

Selon les études d'une association locale « The Lebanese Transparency Association » faites en 2013, des pots de vins sont payés par plus de 60% des Libanais pour la facilitation de leur accès aux services publiques et administratives143. Tandis que plus récemment, en 2019, le journal « Le monde » a publié que 93%144 des Libanais confirment la corruption de leur gouvernement.

Le système communautaire Libanais, suite au Pacte Nationale confirmé par le Taëf, est fondé sur le consensus de toutes les confessions libanaises. En effet, et selon l'ancien ministre des Télécommunications et du Travail Professeur Charbel Nahhas, le droit de Veto qui est plutôt coutumier que constitutionnel bloque la capacité exécutive du pouvoir145. Concernant ce droit, l'article 65 de la Constitution (révisé au Taëf) mentionne en ce qui concerne le gouvernement que :

« Le quorum légal pour ses réunions est des deux tiers de ses membres. Les décisions y sont prises par consensus, ou si cela s'avère impossible, par vote, et les décisions sont alors prises à la majorité des présents. Quant aux questions fondamentales elles requièrent l'approbation des deux tiers des membres du Gouvernement tel que le nombre en a été fixé dans le décret de formation. Les questions suivantes sont considérées comme fondamentales: La révision de la Constitution, la proclamation de l'état d'urgence et sa levée, la guerre et la paix, la mobilisation générale, les accords et traités internationaux, le budget général de l'Etat, Les programmes de développement globaux et à long terme, la nomination des fonctionnaires de la première catégorie ou équivalent, la révision des circonscriptions administratives, la dissolution de la Chambre des députés, la loi électorale, la loi sur la nationalité, les lois

142 TRANSPARENCY INTERNATIONAL, « Corruption Perceptions Index- Lebanon», CPI, 2021. [en ligne] : 2021 Corruption Perceptions Index - Explore the... - Transparency.org.

143 E.C, «Le Liban, un pays corrompu jusqu'à la moelle osseuse- mais qui est responsable ? », L'Echo Du Cèdre, 2013. [en ligne] : Le Liban, un pays corrompu jusqu'à la moelle osseuse - mais qui est responsable ? - L'Echo du Cèdre ( weebly.com).

144 FATTORI F., HOLZINGER F., LAGADEC A., PICARD F., «Liban: un Etat gangrene par la corruption», Le Monde, 22 Novembre 2019. [en ligne] : Liban : un Etat gangrené par la corruption ( lemonde.fr).

145 Annexe 1, « Interviews faites au Liban», Professeur Charbel Nahas, 06 Juin 2022, Achrafieh, p. 02.

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concernant le statut personnel et la révocation des ministres. »146. Ce quorum de 2/3 évite qu'une confession prenne la décision sans l'approbation d'au moins une partie de l'autre. Mais par contre, si 1/3 de la Chambre des Ministres décide de bloquer une décision, elle peut le faire. La coutume a pris l'article 65 de la Constitution Libanaise et a introduit le droit de Veto « ÞÍ ÖÞäáÇ » dans les travaux de la Chambre des Ministres et ceux du Parlement libanais. Alors aujourd'hui, si un parti ou bien une alliance politique n'a pas minimum 1/3 des députes et désire bloquer une décision, les négociations commencent pour diviser leurs intérêts avec des autres ministres ou députés et atteindre le minimum requis pour le droit de Veto. C'était le cas en 2006 lorsque les ministres chiites ont quitté en bloque le conseil des ministres147 pour éviter la création d'un Tribunal Libano-international pour enquêter sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005. C'était aussi le cas en 2014 lorsque de même le camp chiite a empêché les élections présidentielles pour 2 ans pour élire le général Michel Aoun en 2016148. Le principe de la majorité des deux-tiers cédé depuis la Première République s'est transformé de facto en quorum des députés au sein du Parlement nécessaire pour élire un Président de la République. Pour Chibli Mallat, un politologue libanais, ce Veto est une spécificité libanaise permettant le blocage par les tiers restants de toute décision menant à la perte de leur candidat présidentiel. Pour Mallat c'est un problème purement d'ordre constitutionnel149. Depuis le Taëf jusqu'à nos jours, les responsables des partis menacent les autres partis par ce droit de Veto. Comme par exemple suite aux élection législatives de 2022, le Chef du parti FL Samir Geagea a rappelé plusieurs fois150 la possibilité d'utiliser le droit de Veto pour bloquer les décision du couple chiite et leurs alliés.

En 2012, Mounir Corm a publié un essai151 en parlant du désire des Libanais de sortir de ces institutions menées du Taëf et d'émerger une troisième République. Même en 2008, Ghassan Tuéni a appelé le Liban a une révolution culturelle autour de la notion de citoyenneté vers un nouveau Pacte National152. Ces initiatives mènent au changement des institutions vers des autres qui peuvent élaborer une réconciliation au niveau étatique. Mais pour le moment, les institutions corrompues existantes sont incapables de le faire par manque de capacité, de consensus et de désire dans le but de protéger les intérêts des partis politiques.

146 La Constitution Libanaise, site officiel du Conseil Constitutionnel Libanais. [en ligne] : La Constitution Libanaise.pdf ( cc.gov.lb).

147 AFP et REUTERS, « Démission des cinq ministres chiites du gouvernement libanais », Le Monde, 11 Novembre 2006. [en ligne] : Démission des cinq ministres chiites du gouvernement libanais ( lemonde.fr).

148 AFP avec Le Monde, « Liban : Michel Aoun élu président après plus de deux ans de vide politique », Le Monde, 31 Octobre 2016. [en ligne] : Liban : Michel Aoun élu président après plus de deux ans de vide politique ( lemonde.fr).

149 MALLAT C., « Blocage », L'Orient-Le Jour, 14 Février 2016. [en ligne] : Blocage - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

150 REUTERS, « «ÉãæßÍáÇ ÉÚØÇÞãÈ ÏÏåíæ »Çááå ÈÒÍ« Úã »ÉÑíÈß ÉåÌÇæã« ÚÞæÊí ÚÌÚÌ ..»ðÇÑíËß ÇæÍÑí áÇ ãåíáÚ », ÊÓæÈ íÈÑÚ, 01 Juin 2022. [en ligne] : «ÉãæßÍáÇ ÉÚØÇÞãÈ ÏÏåíæ »Çááå ÈÒÍ« Úã »ÉÑíÈß ÉåÌÇæã« ÚÞæÊí ÚÌÚÌ ..»ðÇÑíËß ÇæÍÑí áÇ ãåíáÚ ( arabicpost.net).

151 CORM M., Pour une III è République libanaise. Etude critique pour une sortie de Taëf, L'Harmattan, 2012, 122 p.

152 SAVIGNEAU J., « Ghassan Tuéni : « La force culturelle du Liban, c'est la liberté d'expression », Le Monde , 06 Novembre 2009. [en ligne] : Ghassan Tuéni : "La force culturelle du Liban, c'est la liberté d'expression" ( lemonde.fr).

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2) Manque de volonté commune chez les leaders politiques pour protéger leurs intérêts personnels

Au Liban, l'adversaire d'hier est l'allié d'aujourd'hui. Cela est connu et confirmé même par la classe politique actuelle. L'accord d'entente mutuelle signé entre Michel Aoun et le Hezbollah, le 6 février 2006153, forme un exemple sur cela. En effet, durant la guerre civile, Michel Aoun était le «héro» de combats contre la Syrie avant d'être évincé en 1990 par l'armée syrienne, tandis que le Hezbollah est l'allié fidèle de la Syrie depuis la fin de la guerre civile jusqu'à nos jours, il a même participé à la guerre civile syrienne pour protéger le système de Bachar Al Assad154. Les deux parties de cet accord ont des intérêts derrière, d'un côté le Hezbollah qui avait un plan claire en 1980 de transformer le Liban en Etat islamique sur le modèle de l'Iran155 prouve le changement de ces finalités à travers l'alliance avec le Courant patriotique libre (CPL), un parti maronite par excellence, pour renforcer son intégration dans la vie politique et le Gouvernement qui a commencé en 2005156. D'un autre côté, Michel Aoun un candidat naturel depuis longtemps à la présidence de l'Etat a besoin d'un support du plus grand courant chiite actuel. Ce plan a été réalisé en 2016 avec l'arrivée de Michel Aoun à la présidence de la République Libanaise après plus de deux ans de blocages et de boycott des séances parlementaires par les députés du Hezbollah et du CPL, en même temps le Hezbollah protège son arme considérée par lui et son allié comme moyen «noble et sacré» dont l'existence est justifiée par l'occupation israélienne des fermes de Chébaa et l'existence de détenus libanais en Israël.

En observant la vie politique des dirigeants, nous pouvons constater qu'une sorte de réconciliation est achevée entre eux. La page de la guerre civile a été «tournée» selon leurs paroles. Des négociations entre des anciens ennemies prennent place et même des alliances et des coopérations. Revenons aux élections présidentielles de 2016, au final c'était le parti FL de Samir Geagea qui a accepté de voter pour Michel Aoun pour mettre terme au boycott du Hezbollah et du CPL. Même si les dirigeants ont oublié la guerre sanglante appelé «guerre d'élimination»157 entre les militants du général Aoun (chef de l'armée dans le temps) et les miliciens des FL en 1990, le peuple ne l'a pas encore oublié, surtout que des fosses communes n'ont toujours pas été trouvées ou inspectées. L'accord de Meerab conclu le 18 janvier 2016158 pour officialiser les bonnes relations entre le CPL et les FL peut être interprété comme un bon signe pour tourner la page de la guerre civile et se réconcilier, sauf que dans la situation

153 HADDAD S., « Un document d'entente plus que jamais d'actualité », L'Orient-Le Jour, 07 Février 2013. [en ligne] : Un document d'entente plus que jamais d'actualité - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

154 CIMINO M., « Le Hezbollah et la guerre en Syrie », Politique étrangère, vol. , no. 2, 2016, pp. 115-127.

155 SAAD GHORAYEB A., SUEUR E., « Le Hezbollah : résistance, idéologie et politique », Confluences Méditerranée, vol. 61, no. 2, 2007, pp. 41-47.

156 BARON X., Le Liban, une exception menacée: en 100 questions, op.cit., p. 163.

157 ABI RAMIA J., « « Guerre d'élimination », tutelle syrienne, accord de Meerab : l'histoire des relations entre le CPL et les FL », L'Orient-Le Jour, 31 Mai 2018. [en ligne] : "Guerre d'élimination", tutelle syrienne, accord de Meerab : l'histoire des relations entre le CPL et les FL - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

158 BAAKLINI S., « Accord de Meerab : un succès stratégique malgré les querelles tactiques ? », L'Orient-Le Jour, 19 Janvier 2019. [en ligne] : Accord de Meerab : un succès stratégique malgré les querelles tactiques ? - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

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libanaise actuelle, ce sont les responsables qui se sont réconciliés sans rien initier au niveau juridique et politico-social, tout en mettant en avant leur intérêts personnels au profit des intérêts de la nation.

Photo durant la cérémonie de l'Accord de Meerab du 18 janvier 2016.

De gauche à droit : Samir Geagea, Michel Aoun, Setrida Geagea, Gebran Bassil.

Source: Nakedpolitics.org

Photo après l'élection de Michel Aoun Président de la République libanaise le 31 octobre 2016.

A Gauche le Secrétaire Général du Parti Hezbollah et à droite le Président Michel Aoun.

Source : Beirutme.com

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Si la réconciliation entre les dirigeants politiques et ex-chefs de guerre a un effet positif sur la paix nationale et le déroulement des affaires politiques, dans le cas libanais elle a montré qu'il existe deux types de Libanais après la guerre civile des 15 ans. Le premier est celui de la classe politique dirigeante réconciliée vu que; d'abord elle a trouvé justice à travers l'article 3 de la loi d'Amnistie de 1991 qui fait exception aux auteurs d'assassinats et des tentatives d'assassinats de personnalités politiques et religieuses, ensuite elle a été protégée par cette même loi en matière des crimes de guerres et enfin elle a été «indemnisée» par l'accord du Taëf qui a légitimisé sa place au pouvoir. Sans oublier que pour cette classe politique, le perdant et le responsable a été poursuivi et emprisonné pour 11 ans (Chef de la milice chrétienne FL) et les compétences institutionnelles et politiques des perdants (Chrétiens) ont diminuées au profit des vainqueurs (Sunnites et Chiites)159. Le deuxième type de libanais après la guerre civile est celui des gens « normaux » toujours non réconciliés et n'ayant pas ce privilège d'avoir droit ni à la vérité, ni à la justice et ni à la réparation160.

Dans son article161 dans L'Orient-Le Jour, Carmen Hassoun Abou Jaoudé a mis l'accent sur les intérêts politiques et stratégiques des dirigeants libanais qui l'obligent à s'entendre et à se réconcilier. A travers les entretiens faites au Liban, plusieurs citoyens et Hommes politiques ont aussi insisté sur la priorisation des intérêts personnels des dirigeants politiques et de leurs partis sur l'intérêt national libanais. C'est le cas de Monsieur Ramzi Abou Ismail, Monsieur Dany Fayad, Madame Dima Abou Daya, Monsieur Ali Sandeed, Monsieur Sami Braidy et

159 Référence Partie I, C, 2) et 3).

160 Référence Partie II, A.

161 ABOU JAOUDE K.H., « Le Liban, un modèle de réconciliation ? », op.cit.

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Monsieur Charbel Nahas. Ce dernier a expliqué que les responsables se sont réconciliés entre eux, ce qui explique les coutumes administratives et formelles rédigées nulles part que suivent les députés et les ministres. Par exemple, la constitution ne précise nulle part la confession des Secrétaires Généraux de la Chambre des députés, c'est la coutume agréée entre eux qui impose les confessions des deux secrétaires; le premier Maronite (aujourd'hui Alain Aoun) et le deuxième Druze (aujourd'hui Hadi Aboul Hessen). En plus, à travers le veto (Hak Al Nakked), toutes les négociations sont bloquées. D'après Professeur Nahas, quand les négociations sont bloquées, les décisions seront au final prises par 6 ou 7 députés. Nahas a ajouté que le blocage mène à la diminution de la capacité exécutive du pouvoir et par la suite la légitimité de ce pouvoir diminue de même pour au final se mettre en question162.

Ce n'est pas un secret que les partis politiques bloquent le travail de tout un gouvernement pour protéger leurs intérêts. Nous pouvons citer l'exemple de la pression faite par le couple chiite Hezbollah et Amal sur le gouvernement suite à la double explosion du Port de Beyrouth pour changer le juge Tarek Bitar chargé d'enquêter sur le sujet163. En effet, le 12 octobre 2021, toute une séance du Cabinet a été levée à cause d'un débat animé de la part du Hezbollah en demandant le changement du Juge Bitar parce qu'il a lancé des mandats d'arrêt contre des anciens ministres proches du Hezbollah dont Ali Hassan Khalil (mouvement Amal). En plus, au milieu d'une crise économique flagrante ayant besoin d'une solution de la part du pouvoir exécutif, la réunion qui était prévu le 13 octobre 2020 a été reportée pour éviter une autre «crise» de débats.

Face à une classe politique réconciliée et ayant le pouvoir de bloquer n'importe quelle décision, de boycotter les Chambres et de paralyser tout un pays pour protéger et atteindre ses intérêts personnels, comment pouvons-nous attendre à une réconciliation initiée par cette élite ? surtout que cette même élite bloque tout travail de justice et de mémoire concernant la guerre civile libanaise sous le volet de «tourner la page» et d'«oublier»164.

3) Les influences externes dans les décisions étatiques

« Aujourd'hui, les Libanais doivent s'astreindre à chercher des solutions réfléchies et élaborées à Beyrouth, et non pas à Taëf, à Doha, à Damas ou au Caire »165 - Fouad Abou Nader (2021)

Depuis sa création, le Liban a toujours été dépendant des pays externes. Les interférences de ces derniers ont évoluées avec le temps selon les changements de la situation géopolitique entourant le pays. Nous avons déjà vu comment l'Etat libanais a été créé sous la colonisation française et a trouvé son indépendance « théorique » en 1943 avant la création de l'Etat d'Israël en 1948 et la participation de la jeune armée libanaise à la guerre contre lui sur les frontières libanaises. Dix ans plus tard, en 1958, le Liban a connu une guerre civile de 3 mois due à la montée du nationalisme arabe incarné par le président égyptien Gamal Abdel

162 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Professeur Charbel Nahas, 06 Juin 2022, Achrafieh, p. 02.

163 DAOU M., « Explosions à Beyrouth : le gouvernement paralysé par la campagne contre le juge Tarek Bitar » France24, 19 Octobre 2021. [en ligne] : Explosions à Beyrouth : le gouvernement paralysé par la campagne contre le juge Tarek Bitar ( france24.com).

164 Référence Partie II, A.

165 ABOU NADER F., Liban : Les défis de la liberté, le combat d'un chrétien d'Orient, op.cit., p. 141.

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Nasser. Ce dernier a conclu l'accord du Caire en 1969 avec le Chef de l'OLP Yasser Arafat, le Chef d'Etat Libanais Charles Helou et le commandant en chef de l'armée libanaise le Général Boustany donnant le droit aux Palestiniens166 de renforcer leur résistance sur le territoire libanais menant à la guerre civile libanaise des 15 ans qui a impliqué plusieurs pays dont la Syrie et Israël qui ont fini par occuper le pays après la guerre (Israël jusqu'en 2000 et Syrie jusqu'en 2005). L'accord du Taëf symbolisant la fin de la guerre civile a été conclu au Taëf à l'initiative du Maroc, l'Algérie et l'Arabie Saoudite pour le profit de la Syrie167 qui occupait le Liban et sous l'occupation de laquelle le gouvernement libanais pro-syrien a initié la loi d'Amnistie de 1991 et la loi du Silence de 1994 bloquant toute réconciliation possible dans le pays. Même vers la fin de cette occupation, deux alliances se sont apparues ; d'un côté l'alliance du 14 Mars (l'opposition antisyrienne) renforcées par l'Arabie Saoudite et les pays occidentaux et de l'autre côté l'Alliances du 8 Mars (les pro-syriens) soutenus par l'Iran et la Syrie. Depuis le retirement des forces de Bachar Al Assad du Liban, le 26 Avril 2005, jusqu'à nos jours, des partis politiques traduisent la volonté de pays externes au sein du pouvoir et cela est dû à l'influence religieuse, militaire et financière de ces pays externes. Prenons par exemple l'influence économique et religieuse de l'Arabie saoudite sur le Courant du Futur, ou bien l'influence idéologique, financière et militaire de l'Iran sur le parti pro-syrien Hezbollah. La dépendance des partis politiques libanais des Etats tiers se traduit même dans le discours des responsables. Par exemple, le jour des élections législatives de 2022, le Chef du CPL, allié du parti pro-syrien et pro-iranien Hezbollah, Gebran Bassil a fait un discours télévisé en déclarant que la bataille de son parti n'était pas avec les FL, les Socialistes, les Phalangistes, Amal et des autres partis nationaux mais plutôt « avec les Etats-Unis, Israël et leurs alliés régionaux »168.

Dans un pays de post-guerre civile qui n'a pas encore pu renforcer sa politique et présence régionales, c'est normal que les pays tiers faisant partie des conflits régionaux essaient de dominer et d'influencer ses positions politiques. Cela est même plus complexe quand la région dans laquelle se trouve ce pays est le Moyen-Orient. En effet, cette région a toujours été pleine de complexités et de tensions, surtout suite à la création de l'Etat d'Israël et les réaction des Etats arabes face à cela. Aujourd'hui, le Moyen-Orient est un terrain de guerre d'influence entre le camp sunnite, qui est lui-même divisé entre les Frères Musulmans (Qatar et la Turquie) et les Wahhabites (autres pays du Golfe et l'Egypte), et le camp chiite émanant de la révolution islamique en Iran qui a influencé plusieurs pays dont l'Irak et la Syrie à travers le Hezbollah. Concernant le Liban, cette guerre régionale d'influence se traduit à travers les partis politico-confessionnels. Le Hezbollah suit les directives de l'Iran (son pays créateur et financeur) et la Syrie (son allié depuis la fin de la guerre civile), pareil pour son allié maronite le CPL. Tandis que le Courant du Futur a majoritairement été soutenu par l'Arabie Saoudite169 depuis sa création en 1992. Cette guerre d'influence régionale s'est surtout traduite au Liban en 2017 lorsque le Premier Ministre Saad Hariri et Chef du Courant du Futur a été obligé d'annoncer

166 Entre 100 000 et 130 000 palestiniens ont trouvé refuge au Liban en 1948.

167 Référence partie I.C.1).

168 AL MANAR, « Bassil sur les législatives libanaises : La bataille était avec Washington et « Israël » », AlManarTV, 16 Mai 2022. [en ligne] : Bassil sur les législatives libanaises: La bataille était avec Washington et « Israël » - Site de la chaîne AlManar-Liban.

169 OLJ, « Pour Moussaoui, le Courant du Futur est « assujetti » à l'Arabie Saoudite », L'Orient-Le Jour, 18 Juillet 2016. [en ligne] : Pour Moussaoui, le courant du Futur est « assujetti » à l'Arabie saoudite - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

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sa démission à Ryad en directe à la télévision saoudienne170 en imputant le poids que l'Iran met à travers le Hezbollah sur les équilibres internes du Liban et surtout sur ses relations régionales en précisant les relations avec l'Arabie Saoudite. Déjà en ce moment l'Arabie Saoudite faisait face à l'Iran politiquement et militairement dans plusieurs pays comme la Syrie (en soutenant la révolution), le Yémen (en s'engageant dans la guerre contre les houthis en 2015), le Qatar et même l'Irak. Le roi saoudien Salmane et son fils Mohammed ben Salmane considéraient que leur seule faiblesse dans cette région pour lutter contre l'Iran était au Liban vu que le Premier Ministre était inactif face au Hezbollah. Cette tentative d'affaiblissement de l'influence iranienne au Liban a échouée vu que d'abord Saad Hariri a renoncé à sa démission171 un mois après l'annonce et ensuite le couple Chiite a montré son support au Premier Ministre, ce qui a renforcé leurs relations. Cette manoeuvre de la part de l'Arabie Saoudite a tensionné ses relations avec le Courant du Futur mais elle ne les a pas éliminées. Récemment, le 23 janvier 2022, un communiqué a été publié de la part des dirigeants du parti en confirmant que « toute atteinte à l'Arabie Saoudite, est un poignard dans le coeur du courant politique de Hariri »172.

Cette dépendance des Etats tiers rend la probabilité d'une réconciliation étatique faible au Liban pour des raisons de manque de souveraineté politique et décisionnelle des institutions étatiques. En effet, les accords officiels imposant l'oubli et l'impunité ont tous été conclus en dehors du Liban et par des initiatives étrangères à l'Etat Libanais. Même l'accord de Doha173 qui a révisé le Taëf a été conclu le 21 mai 2008 au Qatar. Ces mêmes Etats tiers, qui étaient à l'initiative de l'imposition du manque de réconciliation, influencent toujours le pouvoir libanais. Alors toute décision concernant un travail de mémoire, une enquête pour la vérité ou bien une poursuite juridique pour des crimes de guerre, va aller contre la volonté des pays influents les partis politiques libanais, ce qui rend l'initiative d'une réconciliation difficile à aborder.

Face à ces limites d'ordre institutionnel, politique et externe, des limites d'ordre socio-politique bloquent aussi la réconciliation libanaise, menant à la fragilité de la société civile et à l'insuffisance de ses initiatives de réconciliation. En effet, la plus grande limite de la réconciliation au Liban est en même temps renforcée par le manque de réconciliation, c'est la socialisation politique confessionnelle. (III)

170 EURONEWS, « La démission de Saad Hariri prend de court le Liban », YouTube, 05 Novembre 2017. [en ligne] : La démission de Saad Hariri prend de court le Liban - YouTube

171 BARTHE B., « Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, renonce à sa démission », Le Monde, 06 Décembre 2017. [en ligne] : Le premier ministre libanais, Saad Hariri, renonce à sa démission ( lemonde.fr).

172NNA, « Le courant du Futur : Celui qui porte atteinte à l'Arabie !saoudite, poignarde la politique de Hariri », République Libanaise Ministère de l'Information, 23 Janvier 2022. [en ligne] : ãáÇÚáÅá Éíä1uáÇ ÉáÇßuáÇ - Le Courant du Futur : celui qui porte atteinte à l'Arabie saoudite, poignarde la politique de Hariri ( nna-leb.gov.lb). 173LIBANEWS, L'Accord de Doha, Libanews, 23 Mai 2008, 02 p.

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III. La socialisation politique confessionnelle

« Le système libanais est fait d'une façon pour établir et construire l'idée des chefs féodaux, et les individus libanais sont privés de la liberté de se rebeller contre leurs appartenances confessionnelles, ils sont parqués comme des animaux dans leurs confessions. Ce n'est pas simplement la diversité religieuse et culturelle qui existe dans toutes les sociétés, mais c'est un usage de la diversité culturelle pour faire une espèce d'apartheid soft entre des différentes communautés au profit des féodaux »- Professeur Ghassan Salamé (2021) 174.

En effet, la mosaïque culturelle et multiconfessionnelle au Liban constitue sa richesse folklorique, culturelle et touristique, mais au niveau politique et social elle n'a infligé que des complexités et des faiblesses. Au Liban, au sein d'une même société, il existe plusieurs sociétés. Une grande partie des libanais ne considère pas que le Liban est une nation, comme Ghassan Salamé qui le considère comme une confédération de communautés, Tarek Daher qui le considère comme « un ensemble de communautés qui vivent en autrice, et qui ne voient pas le Liban comme un pays, mais ils le voient comme un ensemble de petits pays »175, Rami Ollaik qui le voit comme une juxtaposition de religions176 et Mario Abinader qui le considère comme inexistant177. Toutes ces interprétations constituent le résultat de la socialisation politique confessionnelle libanaise.

Dans cette troisième partie, nous allons expliquer la notion de socialisation politique (A), comment elle est confessionnelle dans le cas libanais (B) et comment elle remplace la socialisation nationale à plusieurs niveaux (C).

A. La socialisation politique, une notion moderne avec une définition ambiguë faisant l'objet de plusieurs recherches

La notion de socialisation politique est introduite pour la première fois à la fin des années 50 par le sociologue américain Hyman qui a guidé les travaux de plusieurs autres auteurs de son époque comme Easton et Dennis, Greenstein et Hess et Torney qui tous limitaient la socialisation politique aux inspirations béhavioristes et fonctionnalistes. Jusqu'aux années 70, la socialisation politique était définie comme « l'ensemble des mécanismes et processus de transmission et d'incorporation des opinions et représentations politiques des individus »178, mais cette approche a été critiquée et élargie par plusieurs travaux dès la fin des années 60 comme ceux d'Annick Percheron (1978 et 1985), Jennings et Niemi (1968) , Pacheron (1985) et autres qui ont montré que la socialisation politique n'était pas limitée à

174 SALAME G., « Chaos au Liban: l'analyse de Ghassan Salamé », Figaro Live, 05 Novembre 2021. [en ligne] : Chaos au Liban: l'analyse de Ghassan Salamé ( lefigaro.fr).

175 ALBERTINI D., « Le Liban n'est pas une Nation, encore moins, un pays... », HEM Réseau, 11 Août 2021. [en ligne] : TD : «le Liban n'est pas une Nation, encore moins, un pays...» par Dan Albertini - Réseau HEM Global ( reseauhem.com).

176 OLLAIK R., « Le Liban n'est pas une nation, c'est une juxtaposition de religions », Atlantico, Extraits de La route des abeilles, Éditions Anne Carrière, 1 Mars 2012. [en ligne] : Le Liban n'est pas une nation, c'est une juxtaposition de religions | Atlantico.fr.

177 ABINADER M., « Le Liban n'existe pas », L'Orient-Le Jour, 17 Août 2018. [en ligne] : Le Liban n'existe pas - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

178 BOUGHABA Y., DAFFLON A., MASCLET C.,« Introduction. Socialisation (et) politique. Intériorisation de l'ordre social et rapport politique au monde », Sociétés contemporaines, vol. 112, no. 4, 2018, pp. 5-21.

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l'âge d'enfance, que le citoyen avait un rôle actif et que la socialisation politique se résumait par l'ensemble d'attitudes, de représentations et d'opinons politiques. Cela jusqu'à l'arrivé des travaux sociologiques de Bourdieu (1972 et 1977) qui mettait en question le caractère politique de la socialisation et la fin des années 80 quand les recherches sur la socialisation politique ont pris un recule malgré les tentatives de relance par Hepburn en 1995, Joignant en 1997 et Tournier en 1997.

Dans les années 2000, une nouvelle génération de chercheuses et chercheurs a pris le relais des études sur la socialisation politique. Une diversité d'approches a été faite, que ça soit des enquêtes sur la socialisation professionnelle (Mennesson, Pudal, Sainsaulieu) et la socialisation militante (Juhem, Collovald, Yon), des enquêtes sur la mutation des identifications collectives et individuelles (Haegel et Lavabre), d'autres sur les conséquences biographiques de l'engagement (Fillieule et al., Gottraux, Leclerq et Pagis, etc.) ou même la socialisation juvénile et enfantine (Simon, Recchi, Lignier et Pagis, Sapiro, Renahy, Boone, etc.). En générale, deux diversités d'auteurs et de travaux sont apparues179. La première visant à définir la socialisation politique à travers la définition de la politique et la deuxième à étudier les normes et pratiques sociales formant la socialisation politique.

Jusqu'à nos jours il n'existe pas une définition universelle de la socialisation politique ni une liste exhaustive de ses mécanismes. Dans ce mémoire notre intérêt n'est pas d'analyser les différentes approches ni de présenter les différentes définitions de cette notion jeune et ambiguë en Science Politique, mais d'adopter la définition qui rentre le plus dans la situation libanaise et dans les intérêts de notre recherche. Commençons par la socialisation définie dans le dictionnaire des Sciences économiques comme un processus d'adaptation de l'enfant à la vie en société et de l'individu à la société. Pour avoir une définition plus précise de la socialisation nous pouvons faire référence à la définition donnée par Dominique Bolliet et Jean Pierre Schmitt qui lient la socialisation au fait de « comprendre les mécanismes de transmissions de la culture, comment les individus incorporent les valeurs, les normes, les rôles »180 en faisant intervenir 4 dimensions : la transmission et l'intériorisation de la culture, la construction des identités, l'intégration des individus au groupe et la capacité du groupe à intégrer et à créer un lien. Nous pouvons conclure que la procédure de socialisation dure tout au long de la vie de l'individu. Durant cette procédure ce dernier apprend à intérioriser la culture, les normes et les valeurs de sa société, il construit son identité et s'intègre au groupe qui à son tour créé un lien entre ses individus.

Par ici, la socialisation est politique lorsqu'elle forme et transforme le système individuel d'opinions, d'attitudes et de représentations politiques à partir de contraintes imposées par des agents sociaux et des interactions entre l'individu et son environnement. Alors, la socialisation politique regroupe une culture politique transmise par l'Etat (la culture nationale), mais aussi la culture communautaire résultante de l'existence de plusieurs cultures

179 BOUGHABA Y., DAFFLON A., MASCLET C., .,« Introduction. Socialisation (et) politique. Intériorisation de l'ordre social et rapport politique au monde », op.cit.

180 GRAINGER M., « Socialisation », Les concepts en sciences infirmières. 2ème édition, réf. BOLLIET D., SCHMITT J.P., La Socialisation, Thèmes et Débats, Chez Bréal, 2002, 124 p., Association de Recherche en Soins Infirmiers, 2012, pp. 276-278.

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dans une même société. Ici nous parlons par exemple de cultures confessionnelles ou bien de classes sociales. Cette définition de la socialisation politique a été tirée à partir de la définition de Philippe Braud qui considère dans son livre «Sociologie Politique» que la socialisation politique est un « processus d'inculcation des normes et valeurs qui organisent les perceptions par les agents sociaux du pouvoir politique (dimension verticale) et des groupes de références (dimension horizontale) »181, et d'Annick Percheron, dans son livre «La socialisation Politique», qui considère que le processus de la socialisation politique « donne aux individus la matière profonde de leurs perceptions, de leurs représentations, de leurs attitudes. Elle les aide à construire le fond de carte sur lequel viendront s'inscrire avec des contenus différents , des reliefs différents, les évènements successifs »182.

Plusieurs éléments doivent être soulignés en parlant de la socialisation politique. D'abord, comme c'est déjà précisé dans la définition de socialisation, la socialisation politique ne s'arrête pas à un âge déterminé, elle accompagne l'individu tout au long de sa vie au sein d'une société. Durkheim a précisé deux formes de socialisations183 ; la socialisation primaire ou initiale qui regroupe les enfants et les adolescents et qui se fait au sein des premières communautés d'appartenance (sa famille, la crèche, l'école, les amis, etc.), et la deuxième étant la socialisation secondaire ou continue qui concerne les dernières phases de l'adolescence et les adultes. Durkheim précise que la socialisation de la nouvelle génération par l'ancienne constitue l'éducation permettant d'avoir des normes et valeurs au fondement d'une société.

Ensuite, les événement politiques et sociaux que les individus connaissent affectent leurs identités politiques qui se construisent par le processus de la socialisation politique. Nous faisons référence ici au « fond de carte » que Percheron a mentionné dans sa définition. En effet, ce fond de carte évolue avec le temps selon les événements qui viennent, qu'ils soient sociaux (mariage, poste de travail etc. ) ou bien politiques (élections, guerre, tensions, révolutions, etc.). Alors la socialisation politique est interactive (en interaction avec l'entourage) et continue (elle ne s'arrête pas à un âge précis).

Enfin, d'après Philippe Braud (Sociologie Politique, 2008), il faut distinguer entre agents de socialisation et milieux de socialisation. Les milieux de socialisation, sont les communautés sociales structurées comme la famille, l'école et les médias. Ces endroits peuvent ne concerner qu'une partie de la société comme la religion, l'ethnie ou le militantisme politique. En général, c'est l'endroit où se passe la procédure d'inculcation. Tandis que les agents de socialisation sont les personnes qui effectuent cette inculcation, c'est le cas des instituteurs (prof, nourrice, etc.) et des pairs (voisins, copains, cousins, etc.). Dans son ouvrage « L'expérience politique des jeunes »184, Anne Muxel a expliqué l'impact des relations entre pairs sur la socialisation politique d'un individu.

181BACOT P., « Philippe Braud, Sociologie politique », Mots. Les langages du politique, vol. 84, no. 2, 2007, pp. 104-109.

182 PERCHERON A., La socialisation politique, Textes réunis par MAYER N., MUXEL C., Armand Colin, Paris, 1993, 226 p.

183 OUMEIMA CHERIFA M., Socialisation Familiale et sphère domestique : Les usages sociaux de temps selon une approche contextuelle, générationnelle et de genre, La Socialisation Selon Durkheim, Thèse doctorale, Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Université d'Oran 2, Oran, pp. 132-135.

184 MUXEL A., L'expérience politique des jeunes. Presses de Sciences Po, 2001, 192 p.

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Les mécanismes de la socialisation politique diffèrent d'un environnement à un autre et d'une société à une autre et connaissent des changements d'une génération à une autre. D'où la projection des éléments théoriques sur la situation de la socialisation politique libanaise (B)

B. L'intensification de la socialisation politique confessionnelle avec la guerre civile libanaise

Reprenons la définition de la socialisation politique proposée dans la partie précédente et projetons là sur la situation libanaise : « la socialisation est politique lorsqu'elle forme et transforme le système individuel d'opinions, d'attitudes et de représentations politiques à partir de contraintes imposées par des agents sociaux et des interactions entre l'individu et son environnement. Alors, la socialisation politique regroupe une culture politique transmise par l'Etat (la culture nationale), mais aussi la culture communautaire résultante de l'existence de plusieurs cultures dans une même société. »

Alors le système individuel d'opinions et d'attitudes politiques est formé à travers l'entourage de la personne et ses interactions avec cet entourage. Au Liban, il existe 18 communautés religieuses et une division géographique confessionnelle renforcée suite à la guerre civile. Par la suite, la socialisation politique de chaque Libanais dépend de sa religion et sa région d'enfance et d'habitation. Ce qui est normal dans une société multiculturelle. Par contre, dans la situation libanaise, la « culture nationale » précisée dans la définition de la socialisation politique n'est pas unifiée au niveau des écoles et des établissement éducatifs, la culture nationale est plutôt communautaire même avant la création de l'Etat libanais. Suite à la guerre civile, la division géographique s'est devenue encore plus hétérogène religieusement et la culture nationale plus confessionnelle vu que chaque leader politico-confessionnelle a pris part du pouvoir à travers l'accord du Taëf. En plus, avec le manque de réconciliation après la guerre civile, chaque partie du Liban, selon ses appartenances politico-confessionnelles, éduquait ses enfants, ce qui a divergé de plus en plus la socialisation politique entre ces sociétés. Ce qui nous mène à considérer que la socialisation politique au Liban est confessionnelle.

Le Liban a toujours connu une socialisation politique confessionnelle divisant son opinion publique en plusieurs camps politico-confessionnels. Durant l'empire Ottoman, la Montagne a connu des massacres de mai jusqu'à septembre 1860185 entre les Druzes et les Maronites suite à l'effondrement de la féodalité et le mauvais fonctionnement du double caïmacamat (système instauré en 1942 séparant les Maronites et les Druzes par la route allant de Beyrouth à Damas). Même durant la période de la première guerre mondiale, l'effondrement de l'empire Ottoman et les Accords Sykes-Picot, deux camps existaient au Liban, le premier plutôt chrétien demandait toujours une intervention occidentale et une assistance française, tandis que le deuxième musulman insistait sur la protection et l'assistance arabes. Même après la mise en place du mandat français au Liban, les Chrétiens, les Chiites et une partie des Druzes l'ont accepté tandis que les Sunnites avaient peur de la dominance maronite et demandaient le

185 KRUSE C., « Mont-Liban (1840-1860) », Les clés du Moyen-Orient, 09 Mars 2012. [en ligne] : Mont-Liban (1840-1860) ( lesclesdumoyenorient.com).

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rattachement du Liban à la Syrie, cela jusqu'à l'indépendance du Liban en 1943186. En effet, ce qui a renforcé la socialisation politique confessionnelle est la communitarisation du système politique libanais ; d'abord, l'Etat libanais a été créé en 1920 sur une base communautaire sous le mandat français. Ensuite, le Pacte Nationale conclu suite à l'indépendance du pays en 1943, même si non écrit, a instauré un système communautaire confirmé en 1989 par le Taëf symbolisant la fin d'une guerre civile mais renforçant une socialisation politique confessionnelle qui peut mener à une guerre plus sanglante et plus violente. En effet, la guerre civile libanaise a renforcé l'hétérogénéité de la répartition géographique des confessions libanaises187.

Depuis 1932, il n'y a pas eu un recensement officiel se basant sur les appartenances confessionnelles de la population libanaise, et cela d'après Hervé Amiot188 est dû à la fragilité de l'équilibre confessionnelle rompu en 1975 causant une guerre civile. Un nouveau comptage officiel risque de mettre devant les yeux des libanais la situation démographique réelle de leur pays, ce qui peut causer des réactions de mécontentement des minorités ou bien des réactions d'augmentation du pouvoir des majorités vu que le Taëf divise le pouvoir équitablement entre Chrétiens et Musulmans en considérant qu'ils étaient égaux démographiquement en sortant de la guerre civile. Des enquêtes sont réalisées après 1932 mais avaient beaucoup de lacunes et n'étaient jamais officialisées, comme l'enquête menée sous la présidence de Fouad Chéhab en 1970 qui ne comptait que la population résidente. Même après la guerre civile il y'a eu deux enquêtes avec des grandes différences de résultats (plus que 20%), en 1996 et en 1997. Tandis que dans les années 2000 des universitaires ont aussi initiés des enquêtes qui se divergent entre elles. Ces divergences s'expliquent d'abord par la nombre de libanais qui quittent le pays, qui émigrent et qui augmentent avec le temps et selon les circonstances, ensuite par le nombre d'immigrés et des réfugies qui viennent au Liban et dont le nombre est difficile à cerner.

Comme conséquence au manque de recensement officiel, le seul recours pour avoir une idée sur la répartition démographique confessionnelle au Liban sont les listes électorales qui donnent une idée générale de la répartition des confessions dans le pays malgré leurs limites (mineurs non cités, ne montrent que les personnes inscrites sur les listes, ne prennent pas en compte les non-libanais).

Les figures (1)189, (2)190 et (3)191 représentent les répartitions démographiques des confessions sur le territoire libanais entre les années 2000, 2012 et 2018. En observant les trois cartes, nous pouvons conclure qu'il n'y a pas eu de grands changements ; les 4 communautés principales sont réparties de la façon suivante : les Chiites sont majoritairement entre la frontière israélienne et Saïda, dans le Sud du Liban, dans la Bekaa surtout entourant Baalbeck

186 Baron X., Le Liban, une exception menacée: en 100 questions , op.cit., p. 60.

187 Référence Intro, I.

188 AMIOT H., « Le Liban : géographie d'un Etat multiconfessionnel », Les Clés du Moyen-Orient, 22 Octobre 2013, modifié le 07 Août 2020. [en ligne] : Le Liban : géographie d'un Etat multiconfessionnel ( lesclesdumoyenorient.com).

189 Ibid.

190 MAIGRE F., « Le Liban, une mosaïque confessionnelle fragile », LaCroix, 14 Septembre 2012. [en ligne] : Le Liban, une mosaïque confessionnelle fragile ( la-croix.com).

191 Libandata.org., «Les circonscription électorales du Liban (élections législatives de 2018) », Libandata, 19 Mars 2018. [en ligne] : Les circonscriptions électorales du Liban (élections législatives de 2018) | Libandata.org.

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Figure1 : Répartition des confessions au Liban sur la base des listes électorales de l'année 2000.

Figure 2 : La répartition des confessions selon les estimations faites en juillet 2012.

Figure 3 : Les sièges législatifs selon la répartition confessionnelle sur les circonscriptions électorales du Liban (élections 2018)

et dans la banlieue sud de Beyrouth. Tandis que les Sunnites, depuis l'empire Ottoman, sont majoritairement situés dans les zones commerciales de Beyrouth, Saïda et Tripoli. En générale, les sunnites sont les plus nombreux dans le Nord du Liban entre les frontières syriennes et Tripoli et autour de Baalbeck. Par contre, les Druzes, même avant l'empire Ottoman ont toujours habités les montagnes libanaises. Ils sont établis dans la région du Chouf et à Alay dans l'est de Beyrouth et le pied du mont Hermon. Enfin, les Chrétiens sont dispersés dans les divers régions libanaises, mais surtout les maronites, même avant l'empire Ottoman, au Nord du Mont-Liban et dans la montagne au-dessus de Tripoli. Les Chrétiens se situent également au sud autour de Jezzine, à la Bekaa autour de Zahlé et à Zahlé (majoritairement grec-catholique) et vers les frontières israéliennes. Cette répartition n'est pas la même qu'avant la guerre civile libanaise.

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Figure 4 : Le nombre d'émigrés libanais chrétiens entre 1975 et 2007.

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En effet, la guerre civile libanaise a causé l'immigration de 990 000192 libanais, dont jusqu'à 1978, 75%193 étaient des chrétiens (figure 4)194 et a provoqué des déplacements forcés des citoyens à l'intérieur du Liban selon leurs confessions. Nous avons déjà vu la frontière qui a eu lieu au centre-ville de Beyrouth, séparant Beyrouth Est des Chrétien et Beyrouth Ouest des Musulmans. En pratique, avant la séparation définitive, un délai a été donné aux Chrétiens de Beyrouth Ouest pour se déplacer à Beyrouth Est et inversement pour les Musulmans. Pareil, un clivage entre les Druzes et les Chrétiens a touché le Sud de Mont Liban (le Chouf) lors de la guerre de la Montagne qui a eu lieu entre 1982 et 1984, ou environ 160 000195 Chrétiens ont étés amenés à fuir les massacres et à se déplacer de forces tandis que d'autres ont décidés de rester196. Concernant les Chiites libanais, entre 1977 et 1981197, ils étaient forcés à quitter le Sud du Liban vers les banlieues de Beyrouth suite à l'avancée de l'armée israélienne. Des moindres mouvements de populations ont eu lieu aussi, comme dans le Bekaa ou des villages chrétiennes ont perdus leurs populations, à Tripoli aussi de nombreux Chrétiens se sont dirigés vers Zghorta.

En conclusion, la répartition géographique communautaire existait au Liban même avant l'empire Ottoman, ce dessin des 4 communautés existait avant la guerre civile libanaise mais a été renforcé par la guerre qui a diminué le taux de coexistence régionale entre les majorités et minorités confessionnelles, mais quand même il existe toujours une coexistence entre différentes confessions dans une même région. En effet, malgré la « politique des déplacés » mise en place par le gouvernement libanais après la guerre civile, l'ONG locale «l'Institut libanais pour le développement économique et social» (ILDES) a précisé qu'uniquement 20%198 des déplacés forcement sont revenus à leurs villes et villages.

192 SEIFEDDINE W.S., « Crise économique : un rapport met en garde contre une troisième vague d'émigration du Liban », AA, 01 Septembre 2021. [en ligne] : Crise économique : un rapport met en garde contre une troisième vague d'émigration du Liban ( aa.com.tr).

193LABAKI B., « Les chrétiens du Liban (1943-2008). Prépondérance, marginalisation et renouveau », Confluences Méditerranée, vol. 66, no. 3, 2008, pp. 99-116.

194 Ibid., p. 103.

195 KANAFANI-ZAHAR A., « Réflexion sur le blocage des « dernières réconciliations » au Mont Liban », Cahiers de la Méditerranée, Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (CMMC) - Université Côte d'Azur, 71 décembre 2005, pp. 129-143.

196 CHIPAUX F., « Visite aux chrétiens dans le Chouf », LeMonde, 01 Octobre 1984. [en ligne] : Visite aux chrétiens dans le Chouf ( lemonde.fr).

197 AMIOT H., « Chronologie illustrée du conflit libanais (1975-1990), Les clés du Moyen-Orient, 30 Octobre 2013. [en ligne] : Chronologie illustrée du conflit libanais (1975-1990) ( lesclesdumoyenorient.com).

198 AMIOT H., « Le Liban : géographie d'un Etat multiconfessionnel » op.cit.

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Suite à ce renforcement de la division géographique confessionnelle par la guerre civile, le Liban a connu plusieurs sociétés dans une seule société. Chaque région, selon sa confession dominante, a créé sa propre société et une socialisation politique confessionnelle propre à ses enfants. Même dans les régions où coexistent plusieurs confessions, chacune a sa propre socialisation politique. (nous verrons en détails comment cette socialisation politique confessionnelle remplace la socialisation politique nationale dans la partie C).

C. Le remplacement de la socialisation politique nationale libanaise par la socialisation politique confessionnelle

Plusieurs politistes, sociologues et psychanalystes ont travaillé sur le lien entre la socialisation politique et les sociétés multiculturelles. Dans son livre « De la division du travail », Emile Durkheim a parlé du lien entre le degré de primitivité des sociétés et le degré de ressemblance entre les individus les formants. « Plus les sociétés sont primitives, plus il y'a ressemblance entre les individus dont elles sont formées »199, alors plus les sociétés sont composées, plus il y'a dissemblances entre les individus dont elles sont formées. Tandis que dans « L'individu et sa société » 200, Abraham Kardiner a introduit la notion de la « personnalité de base » qui est commune pour tous les membre du groupe parce qu'elle est liée à la culture de base de l'individu. Alors si nous voulons projeter la notion de personnalité de base sur les sociétés divergentes, il est probable d'avoir plusieurs personnalités de base différentes dans une même société. La notion la plus simplificatrice et proche des sociétés différenciées est celle des « habitus » introduite par le sociologue français Pierre Bourdieu dans son livre « Le Sens pratique »201 en 1980. En effet, les habitus sont le résultat des « conditionnements associés à une classe particulière de conditions d'existence »202 en étant « durables et transposables ». Dans sa définition, le sociologue français précise que les habitus fonctionnent comme des « principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la maitrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre »203. Bourdieu parle d'habitus comme étant le produit de la socialisation mais en même temps générateur de nouvelles pratiques. Ils sont plutôt les dispositions qui intègrent toutes les expériences du passé et qui créées des réaction et des positions (pas forcément conscientes) pour gérer ces expériences socialement. Par la suite, les habitus de chaque classe sont le résultat de l'ensemble d'expériences communes de cette classe qui fonctionnent sous forme de perception, d'appréciation et d'action. En d'autres termes, les habitus forment la conciliation entre les habitudes culturelles et le comportement des individus. En parlant de la socialisation

199 DIDIER-FEVRE C., « « L'individu, secrets de fabrication », Sciences Humaines, no. 256, Février 2014 », Les Clionautes, 17 Janvier 2014. [en ligne] : Emile Durkheim | The place to be ? ( hypotheses.org).

200 KARDINER A., L'individu et sa société, Essaie d'anthropologie psychanalytique, Bibliothèque des Sciences Humaines, Gallimard, 1969, Etats-Unis, 536 p.

201 BOURDIEU P., Le Sens pratique, Le Sens Commun, Les éditions de minuit, 1980, France, 500 p.

202 Ibid., p. 88.

203 Loc. cit.

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politique, nous pouvons considérer les habitus comme résultants de la socialisation politique et menant au comportement politique individuel.

Dans cette partie, nous allons expliquer comment les habitus différents des communautés confessionnelles libanaises renforcent la socialisation politique confessionnelle qui remplace la socialisation politique nationale au niveau identitaire (1), d'état civil (2), scolaire (3), psychologique (4) et socioéconomique (5).

1) Au niveau identitaire : Le remplacement de l'identité nationale par une autre confessionnelle

«One might almost say : no memory, no identity; no identity, no nation.»204. Dans la deuxième partie (2) du paragraphe (A) de la partie (II) de ce mémoire, nous avons évoqué comment la mémoire individuelle crée la mémoire collective et vis-versa, et comment les deux sont primordiales pour l'unité sociétale et l'identité commune d'une nation, en faisant référence aux études de Halbwachs, Johan Michel et Marie-Claire Lavabre. En effet, l'unité sociétale protège l'identité nationale et cela d'après une mémoire collective commune. Nous avons introduit cette notion pour souligner le besoin d'une réconciliation nationale au Liban et les résultats du manque de cette dernière. Vu qu'au Liban il n'existe pas une mémoire collective nationale mais des mémoires collectives communautaires, alors, selon la logique expliquée ci-dessus, au Liban on n'a pas une identité nationale mais des identités confessionnelles différentes.

Ce problème de mémoire collective ne concerne pas uniquement la mémoire de guerre, mais aussi l'origine de l'entité libanaise. Même sur le sujet des origines du peuple libanais il existe majoritairement deux camps et deux arguments qui datent depuis très longtemps et qui dépendent des religions. Pour la majorité des Chrétiens, le Liban est un pays phénicien vu que historiquement la Phénicie est née et s'est développée sur le littoral libanais pendant environ 9 siècles, tandis que la majorité musulmane le décrit comme pays arabo-musulman. Il existe même des mouvements nationalistes qui en se basant sur la géopolitique considèrent que le Liban fait partie de la Grande-Syrie (Bilad al Sham) qui regroupe le Liban, la Jordanie, la Syrie et la Palestine. Durant notre entretien, Monsieur Walid Zeitouny (Docteur en sociologie politique à l'Université Libanaise) a précisé qu'il existe 5 courants de pensées concernant l'identité libanaise205 et chacun se base sur son histoire et culture différentes de l'autre. La première lecture est la lecture orientaliste (Istichrakiya) qui a accepté la division faite par la France et l'Angleterre après la première guerre mondiale, la deuxième étant la lecture islamique qui considère que le Liban fait partie de l'Etat Islamique, la troisième étant la lecture Arabe dérivée de la lecture islamique, la quatrième étant la lecture d'entité (kira2a kayaniya) proche de la lecture orientaliste en prenant en considération les origines phéniciennes et la cinquième est la lecture du Parti Social Nationaliste Syrien qui considère que le Liban fait partie de la Grande Syrie en prenant en compte les frontières géographiques naturelles et en réfléchissant objectivement et non pas subjectivement. En effet, vu que Monsieur Zeitouny est un cadre du

204 SMITH A., «Memory and modernity: reflections on Ernest Gellner's theory of nationalism», Nations and Nationalism, 1996, vol. 02, p. 383.

205 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Monsieur Walid Zeitouny, 20 Mai 2022, Mreijat, 00 :35 :06, p. 08. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1Bln7ga1-OKgiaXjqD_n0DIn8TDiQuItU/view?usp=sharing.

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PSNS, il explique que son parti ne considère pas le Liban comme une nation à cause des tensions confessionnelles existantes, même avant sa création, et leurs réglage par des solutions encore plus confessionnelles de la part des Etats tiers, ce qui mène au manque de structure sociale et par la suite au manque d'identité nationale commune.

La majorité des auteurs qui ont travaillé sur le sujet de l'identité libanaise confirment que la question de définir l'identité nationale traverse l'histoire du Liban et pose un problème entre les différentes confessions. Si nous considérons l'identité comme un sentiment personnel d'appartenance et que l'identité nationale est le sentiment d'appartenir à une nation, alors au Liban il n'existe pas une identité nationale vu que le sentiment d'appartenance est confessionnel et communautaire pour des raisons d'origine, d'histoire et de culture différentes. Si nous prenons en compte les repères identitaires communs de la nation pour définir l'identité nationale, malgré l'existence du drapeau libanais, de l'hymne national libanais et de l'accent arabe libanais, certaines écoles enseignent l'hymne national français, d'autres l'hymne national iranien avant et même à la place de l'hymne national libanais. Concernant le drapeau libanais, la majorité des partis politiques porte le drapeau de leurs parti au lieu du drapeau libanais même pour des évènements nationaux. Et enfin, concernant l'accent libanais, selon les régions politico-confessionnelles, nous trouvons une dominance linguistique différente. En général, dans les régions chrétiennes, nous trouvons des écoles chrétiennes francophones qui mettent l'effort sur la langue française plus que la langue arabe, tandis que dans les régions musulmanes la langue arabe est beaucoup plus maitrisée. Sans oublier les écoles anglophones qui mettent plus l'accent sur l'anglais que l'arabe. Si nous prenons l'histoire et la culture communes pour identifier l'identité nationale, Ahmad Beydoun a mis l'accent sur le conflit historique islamo-chrétien en précisant que « l'historien chrétien et l'historien musulman sentent tous les deux une menace planer sur leur identité en tant qu'elle est rapport à l'origine. Le Chrétien voit la source du danger dans l'islam et dans l'arabisme et le Musulman la trouve incarnée dans le Chrétien et dans l'Occident »206. Cette peur de l'autre renforcée par les discours des dirigeants politico-confessionnels freine les possibilité d'une appartenance nationale commune basée sur une histoire objective unifiée.

Tous ces habitus communautaires renforçant la socialisation politique confessionnelle et remplaçant l'identité nationale par l'identité confessionnelle sont renforcés par la mal gestion des conflits historiques, culturels et religieux par l'Etat Libanais. En effet, le système communautaire renforce les identités confessionnelles au Liban, ce qui est considéré comme meurtrier à la nation libanaise. Même en 1943, lors de l'indépendance du Liban, le Pacte National qui a conclu cette indépendance a essayé de trancher le conflit d'appartenance occidentale ou bien arabe du Liban en le considérant comme un pays ayant un « visage arabe »207. D'après Georges Naccache, « deux négations ne font jamais une nation »208, cette double négation a renforcé encore plus les tensions confessionnelles et la socialisation politique confessionnelle divergente entre les communautés.

206 BEYDOUN A., Identité confessionnelle et temps social chez les historiens libanais contemporains, Université Libanaise, 1984, Beyrouth, 610 p.

207 DEBS N., « L'identité libanaise, une difficile identité plurielle », Topique, vol. 110, no. 01, 2010, pp. 105-116.

208 NACCACHE G., « Deux négations ne font jamais une nation », Un rêve libanais, 1943-1972, Beyrouth, FMA, 1982.

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2) Au niveau de l'état civil: la confessionnalisation du statut personnel « Un Libanais à un autre :

« es-tu chrétien ou musulman ? »

« Je suis athée. »

« Ah bon... très bien... Athée chrétien ou athée musulman ? » »209. Une boutade que Jihad Nammour a emprunté à Theodor Hanf.

Cette boutade montre que le peuple libanais n'arrive pas à différencier la religion de l'identité. Pour lui, la religion n'est plus la foi mais l'identité qui l'introduit et le définie. Au Liban, pas tous les Chrétiens sont vraiment Chrétiens ayant la foi chrétienne ni tous les Musulmans ont la foi musulmane, mais une religion (celle de leur père) leurs a été imposée à la naissance et gère leur statut personnel même après la mort. En effet, la fiche individuelle d'état-civil de chaque libanais précise sa confession et selon cette confession toutes les affaires de son statut personnel seront régies (mariage, divorce, héritage, décès, etc.).

D'après Charbel Nahas « L'Etat libanais reconnaît institutionnellement les confessions religieuses et abandonne le droit privé et le statut personnel à leurs juridictions respectives ce qui constitue les Libanais en communautés confessionnelles »210. C'est ce que Aïda Kafanani-Zahar définie comme le « religieux institutionnalisé »211 en introduisant deux types de ruptures entres les Libanais et leur Etat, la première étant celle du statut personnel confessionnalisé et la deuxième du confessionnalisme politique. Les religions sont devenus des institutions qui régissent juridiquement le statut personnel des Libanais et politiquement (confirmé par le Taëf) leur mode de vie. Une double autonomie distingue le système de statut personnel libanais. La première étant judiciaire par l'existence de tribunaux pour chaque communauté ; « tribunaux spirituels pour les chrétiens catholiques, orthodoxes et évangéliques ; tribunaux charaïques pour les sunnites, jaafarites pour les chiites et mat?habiyya pour les druzes. Enfin des tribunaux rabbiniques pour les israélites »212. La deuxième autonomie étant l'autonomie législative de chaque confession puisque chaque communauté a ses propres lois et législations213.

Sans rentrer dans les détails de chaque loi régissant le statut personnel de chaque confession, nous pouvons déduire que tout au long de la vie du citoyen libanais, depuis sa naissance jusqu'à sa mort et même après, une confession lui est attribuée et le différencie de l'autre Libanais ayant une autre confession sur ses papiers officiels. Ce qui construit dès

209 NAMMOUR J., « Les identités au Liban, entre complexité et perplexité », Cités, vol. 29, no. 1, 2007, p. 49.

210 NAHAS C., Le confessionnalisme au Liban. Du fonctionnement discursive et idéologique vers une position du problème, Thèse d'anthropologie, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1980, p. 4.

211 KAFANANI-ZAHAR A., « Les tentatives d'instaurer le mariage civil au Liban : l'impact des Tanzîmât et des réformes mandataires (chapitre 23) », P.-J. Luizard, Le choc colonial et l'Islam. Les politiques religieuses des puissances coloniales en terre d'islam, Paris, La Découverte, 2006, p. 427.

212 TOBICH F., Chapitre II : Le statut personnel libanais : le statu-quo normatif, Les Statuts personnels dans les pays arabes : de l'éclatement à l'harmonisation, Presse universitaire d'Aix-Marseille, Aix-en-provence, 2008, pp. 161-183. [en ligne] : Les statuts personnels dans les pays arabes - Chapitre II. Le statut personnel libanais - Presses universitaires d'Aix-Marseille ( openedition.org).

213 BASILE B., Statut personnel et compétence judiciaire des communautés confessionnelles au Liban (étude juridique comparée), Université St. Esprit, Kaslik, 1993, p. 15.

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l'enfance de la personne une socialisation politique confessionnelle légitimée par l'Etat et l'article 9214 de sa Constitution. Cette divergence et multiplicité des statuts personnels des Libanais et l'absence d'une loi unique civile libanaise du statut personnel rend la séparation confessionnelle entre les Libanais plus simple. Surtout après la guerre civile libanaise et le renforcement des séparations géographiques confessionnelles, le fait que les statuts personnels sont régis selon les confessions diverge encore plus les types de socialisation politique confessionnelle de chaque région. Par exemple, si un couple est composé d'une personne catholique de Zahlé et d'une autre chiite de Saida, le mariage auprès des institutions libanaises ne sera pas possible sauf si une va convertir à la religion de l'autre vu que le mariage civil n'est pas possible. Alors l'homogénéisation par le mariage entre les confessions n'est pas possible pour casser un peu les habitus de chaque partie confessionnelle, au moins pas sur le territoire libanais.

3) Au niveau éducatif : une « autonomie éducationnelle» menant à la reproduction de la division confessionnelle et sociale au sein des écoles

« L'école au Liban est le miroir d'une société basée sur un fonctionnement communautaire. Le manque de moyens dédiés à l'école publique supprime toute possibilité de voir un jour une unité quelconque entre les différentes communautés du Liban. L'école publique ne devrait pas être l'école des pauvres mais bien un lieu de partage, qui réunit avant tout des citoyens »215, les paroles de la sociologue Maissam Nimer.

L'école joue un rôle essentiel dans la socialisation primaire des enfants (Durkheim), avec la famille, elle est la base du « fond de carte » (Percheron) de la socialisation de l'enfant. Dans le cas Libanais, d'après Antoine Messarra, une « autonomie éducationnelle »216 a été donnée aux confessions pour construire leurs établissements scolaires et cela d'après les articles 9 et 10 de la Constitution libanaise. Par la suite, à cause de la faiblesse du secteur public libanais, les écoles du secteur privé forment des établissements de socialisation confessionnelle, politique et politique confessionnelle. Ce qui forme des « fonds de cartes » sociaux et communautaires divers au sein d'un même peuple libanais.

En 1943, le principe de l'autonomie éducationnelle a donné une certaine priorité au secteur privé face au secteur public pour protéger les libertés de toutes les confessions. Comme conséquence, les écoles privées ont connu une évolution et un développement plus rapides que les écoles publiques. Au niveau financier, le pourcentage des dépenses pour l'éducation publique sont très faibles par rapport aux autres dépenses étatiques. En 2012, le pourcentage des dépenses pour l'éducation présentaient 7.1%217 de la dépense publique, rapportée au PIB,

214 Cet article garantie aux populations le respect de leurs intérêts religieux et statuts personnels.

215 NIMER M., « Le système éducatif libanais reproduit la division sociale et communautaire », Solidarité Laïque, 03 Novembre 2016. [en ligne] : « Le système éducatif libanais reproduit la division sociale et communautaire » - Solidarité Laïque ( solidarite-laique.org).

216 MESSARRA A., « Le statut constitutionnel de l'enseignement. Intégration et limites de l'autonomie (chapitre 3) », dans Théorie générale du système politique libanais. Essai comparé sur les fondements et les perspectives dévaluation d'un système consensuel de gouvernement, Paris, Cariscript, 1994, p. 116.

217 NIMER M., « Le système éducatif libanais reproduit la division sociale et communautaire, op.cit.

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la dépense d'éducation en 2020 était de 30%218 pour les écoles publiques tandis que 66% pour les écoles privées. Comme résultat, un grand nombre des bâtiments scolaires sont loués et ne remplissent pas les conditions exigées pour une éducation en sécurité et les matériaux utilisés sont insuffisants et anciens. Le problème le plus désavantageant est celui de la faible compétence des enseignants dans les écoles publiques. En effet, en 2016, 45%219 des enseignants dans les écoles publiques n'avaient pas de diplômes universitaires. Face au décalage entre les deux secteurs, la majorité des parents se tournent vers les écoles privées pour assurer une meilleur éducation et environnement éducatif pour leurs enfants (en 2013220, 64% des inscriptions étaient auprès des écoles privées tandis que 32% auprès des écoles publiques et 4% auprès des écoles générées par les NU pour les réfugiés palestiniens, ces chiffre ont changés aujourd'hui suite à la crise économique. Environ 55 000221 élèves ont changés leurs écoles privées en d'autres publiques en 2020-2021). Mais pour les parents n'ayant pas les moyens financiers, le choix est fixé sur les écoles publiques, ce qui créé un décalage social et éducatif entre les enfants. En d'autres termes, les riches auront une bonne éducation tandis que les pauvres non. Mais dans les deux cas, s'ils étaient les victimes du clientélisme politique, ils auront une éducation dans les établissements privés confessionnels.

Nadine Picaudou222 explique le rôle du clientélisme politique dans le fonctionnement de l'Etat Libanais tout en insistant sur le fait que « le clientélisme repose sur l'usage personnalisé des ressources de l'Etat libanais au profit des confessions et de leurs réseaux de clientèle»223 ce qui explique l'existence de plusieurs établissements privés surtout éducatifs comme le précise Catherine Le Thomas224 en parlant des établissement éducatifs chiites. Cette dernière souligne comment les écoles confessionnelles renforcent et mènent à la domination politique des partis politico-confessionnels sur le peuple. En effet, le choix des écoles privées par les parents se fait selon la région ou habite la famille, la religion de cette dernière et ses appartenances politiques. L'école catholiques des Soeurs des Saint-coeurs de Jezzine n'est pas la même que le Lycée Chiite Moustapha (ìØÕãáÇ ÉíæäÇË) à Nabatiyeh ni que « Al Eman Model School » (ÉíÌÐæãäáÇ äÇãíáÅÇ ÉÓÑÏã) sunnite à Tyr. Chacune de ces écoles a son propre programme et ses propres manuels religieux. Par exemple, Le Thomas a expliqué que chez les écoles islamiques chiites, les manuels religieux se déclinent en deux versions225, la première concernant le « combat, le jihad et l'héroïsme guerrier » tandis que la deuxième traduit une « simple éducation religieuse sans trop de mise en perspective sociale ou politique ». Tandis que dans les écoles chrétiennes, les séances de catéchèse transmettent les interprétations

218 LE MONDE, « L'école c'est la véritable « banque » du Liban de demain», Le Monde, 01 Septembre 2020. [en ligne] : « L'école c'est la véritable «banque» du Liban de demain » ( lemonde.fr).

219 NIMER M., « Le système éducatif libanais reproduit la division sociale et communautaire, op.cit.

220 Ibid.

221 BAHOUS R., NASSAR F.N., OUAISS M., « Le secteur éducatif libanais est au bord du gouffre », l'Orient-Le Jour, 22 Avril 2022. [en ligne] : Le secteur éducatif libanais est au bord du gouffre - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

222 PICAUDOU N., « Le miroir libanais », Visages du politique au Proche-Orient, Paris, Folio, 2018, p. 35.

223 MOUMMI A., Entre confessionnalisme politique et « hypothèse laïque ». Le Grand Lycée Franco-Libanais comme espace de redéfinition du rapport au religieux dans la société libanaise ?, Débat durant la journée d'études des doctorants du CéSor, 20 Octobre 2020, LIER-FYT/ IFPO, 10 p.

224 LE THOMAS C., Les écoles chiites au Liban. Construction communautaire et mobilisation politique, Presse de l'IFPO, Beyrouth, Karthala, Paris, 2012, 419 p.

221-222.

225 Ibid. pp.

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différentes de l'évangile selon la confession de l'établissement (grec catholique, protestante, évangélique, maronite, grec orthodoxe, etc.) .

Cette divergence entre les établissements éducatifs privés ne concerne pas uniquement l'éducation religieuse mais aussi l'éducation civique et historique. Chaque parti politique exige l'enseignement de sa version de l'histoire libanaise à ses enfants selon sa vision des choses. Concernant le manuel d'histoire, chez les écoles francophones on apprend l'histoire de la France, c'est le cas par exemple du Collège des Soeurs des Saint-coeurs à Zahlé, tandis que dans les écoles Chiites proches du Hezbollah, ils substituent l'ouvrage officiel de l'Etat par l'ouvrage publié par la JTDI226 « conforte une version sacralisée et islamisée de l'histoire de la région » et réécrit l'histoire et la géographie des ennemis, des frontières et des héros de la communauté chiite »227. Les seules années où tous les élèves libanais étudient le même livre d'histoire sont les deux années des examens officiels (Brevet et Terminal), sachant que cette histoire commune finit avec l'indépendance du Liban en 1943. Concernant l'histoire récente du pays, surtout entre 1975 et 2022, chaque établissement selon son appartenance politico-confessionnelle interprète les évènement et enseigne sa version des évènements en mettant la lumière sur ses héros communautaires. Après la terminale, ces adolescents qui ont connu toute une enfance dans une école politico-confessionnelle et une éducation clientélisée, vont intégrer des universités où des élections ont lieu chaque année créant des tensions et même des blessés228. Concernant les universités, pareil comme les écoles, chaque établissement, selon son emplacement géographique sur le territoire libanais, est influencé par un parti politico-confessionnel dominant.

Le clientélisme éducatif ne concerne pas uniquement les écoles et universités libanaises, mais aussi les scouts au Liban. Pour chaque confession dans chaque région il existe un scout politico-religieux qui renforce encore plus la socialisation politique confessionnelle chez les enfants et les adolescents. Nous pouvons citer le scout de la liberté des FL dans les régions chrétiennes comme à Kesserwan, le Scout de la Terre du CPL à Batroun, le « Imam Mahdi Scouts » du Hezbollah dans les régions Chiites comme à Baalbeck, etc.

Le système éducatif libanais n'est pas national mais confessionnel. Chaque confession envoie ses enfants aux établissements éducatifs qui la ressemblent et qui sont financés par le leader politique qui la représente. Le manque du monopole national éducatif renforcé par la Constitution libanaise limite la capacité de l'Etat d'imposer un manuel unique d'histoire et d'éducation civique au sein de tous les établissements publics et privés. Le clientélisme et la cleptocratie redistributive (Salamé) nous mènent à conclure que les pauvres n'appartenant à aucun parti politique ou dont le parti politique ne finance pas leur éducation seront obligés d'avoir une éducation faible (aux écoles publiques) et moins importante que celle des écoles privées confessionnelles. En d'autres termes, la monnaie étatique est redistribuée par les

226 l'Association pour l'Enseignement religieux islamique, proche du Hezbollah.

227 Ibid. pp. 228-229.

228 Vidéo montrant un affrontement durant les élections universitaires à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth entre les FL et le Hezbollah : Lebanon Debate, « ÉíÚæÓíáÇ ÉÚãÇÌáÇ í áÇßÔÅÈ ìÍÑÌ :æíÏíáÇÈ », Lebanon Debate, 02 Décembre 2020. [en ligne] : ÉíÚæÓíáÇ ÉÚãÇÌáÇ í áÇßÔÅÈ ìÍÑÌ :æíÏíáÇÈ ( lebanondebate.com)

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leaders politico-confessionnels sur leurs établissements scolaires confessionnels au lieu des établissement publiques laïques (Picaudou).

4) Au niveau psychologique : la peur de « l'autre » guide le comportement et l'opinion politique des libanais

La socialisation politique confessionnelle au Liban est alimentée par la peur et la méfiance de l'autre. Chaque parti politico-confessionnel considère que les autres partis veulent l'éliminer et qu'il doit survivre face aux autres. Cet instinct de survie est due à la nature même de la société guerrière et conflictuelle. En effet, la guerre civile libanaise a duré 15 ans et est devenue un mode de vie. Les gens partaient au travail le matin et rentraient le soir avant le couvre-feu (quand les bombardements et les attaques armées commencent). Dans l'esprit et la tête des citoyens, le sentiment de guerre est devenu naturel et normal. Chaker Abou Abdalla, un comédien libanais né durant la guerre civile, racontait comment à la fin de la guerre il a fait un choc avec les jeunes de sa génération parce qu'ils ne connaissaient pas comment la vie se passait sans guerre ; « Durant la guerre, on se demandait avec mes amis si dans les autres pays il y'avait des tirements, parce que pour moi c'était le normal »229, « jusqu'à 12 ans je pensais que la guerre était partout et non uniquement au Liban »230. « La crise de nerfs que j'ai eu avec ma génération était post-guerre civile. Quand la guerre était fini, on a paniqué, toute ma génération, un après l'autre. C'est surement le Trouble de Stress Post-Traumatique (PTSD) »231. Pour Chaker et sa génération, le traumatisme causant la PTSD n'était pas la guerre civile mais la fin de la guerre et l'apprentissage que la vie normale n'était pas la guerre. Durant notre interview, Professeur Nahas a confirmé ce que Chaker disait : « La guerre civile libanaise est devenue un mode de vie, le peuple menait une vie normale, on travaillait dans la journée et tuait nos adversaires dans la nuit »232. Ce mode de vie a créé un reflex social et culturel de guerre. Aujourd'hui, dans la culture libanaise chaque confession se sente en danger et a peur de l'autre et cela n'est pas uniquement due au passé guerrier entre elles mais aussi au comportement des dirigeants politiques envers ce passé. En effet, les leaders politico-confessionnels prennent avantage de la peur et mal-confiance entre les confessions suite à la guerre civile pour garder leurs citoyens fidèles. Cela en renforçant la socialisation politique confessionnelle à travers plusieurs moyens, d'abord par leur discours confessionnel plein de menaces, de haine et de méfiance contre l'autres partis, ensuite par le financement de leurs peuples et la redistribution de l'argent étatiques et enfin par la religion.

« Les musulmans nous ont mangés », « les Chrétiens veulent nous massacrer », « les Chiites veulent transformer le Liban en l'Etat El-Fakih », « les Chrétiens et les Musulmans n'ont jamais appréciés les Druzes », « nous devons rester unis et forts face aux autres » , « nous ne devons jamais lâcher l'affaire même après la guerre civile », toutes ces phrases sont des expressions clichées entendues partout au Liban (selon la confession de la région), même sur les réseaux sociaux. Cela est le résultat des discours confessionnels faites par les responsables

229 ABOU ABDALLA C., « Chaker Abou Abdalla : which generation had it better?», YouTube, sarde (after dinner), Podcast 80, , 03 Juillet 2022, 11:40. [en ligne]: CHAKER BOU ABDALLA: Which generation had it better? | Sarde (after dinner) Podcast #80 - YouTube.

230 Ibid, 11:50.

231 Ibid, 12:55.

232 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Professeur Charbel Nahas, 06 Juin 2022, Achrafieh, pp. 01- 02.

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politico-confessionnels, appelés au Liban discours de « tirage de nerfs confessionnels » (chadd el 3asab al ta2ifi) qui se multiplient surtout avant chaque élection législative. Sayed Ali Fadlallah a confirmé233, même avant les élections législatives de 2022, que le Liban va « voir encore plus de discours et mots populaires visant à tirer les nerfs du peuple pour gagner leurs voix », Sayed Fadlallah a confirmé que les élections n'allaient pas mener à des changements radicaux puisque « malheureusement, les discours confessionnelles et communautaires continuent à chatouiller les oreilles des Libanais et les poussent à choisir leurs représentants sur une base confessionnelle ». Dans une plainte234 faite en 2019 par « l'initiative libanaise contre la discrimination et le racisme »235 contre 7 Hommes et activistes politiques libanais de différentes appartenances politico-confessionnelles (Gebran Bassil, Georges Aoun, Elie Marouni, Ali Barakat, Ziad Assouad, Naji Hayek et Rachid Jonblat), il a été précisé que l'objet de poursuite est « la mobilisation des tensions confessionnelles et civiles, crime décrit dans l'article 317 du code pénal libanais »236 en accusant Georges Aoun, le maire municipale de Hadath, d'avoir émis une décision interdisant toute vente de biens immobiles à un non chrétien à Hadath, Naji Hayek d'avoir publié des publications sur Facebook concernant les crimes de la guerre civile et insultant les victimes des batailles « Souk al Ghareb » de 1989, et enfin Gebran Bassil d'avoir publié des Tweets racistes sur son compte Twitter contre les non-libanais sur le territoire libanais. Alors il existe plusieurs moyens pour émaner le discours politique confessionnel.

Outre les discours de « tirage de nerfs confessionnels», la religion est aussi utilisée pour émettre des directives politiques. Que ça soit par des Hommes politiques ou bien des Hommes religieux, dans chaque communauté des instructions émanent pour orienter le peuple vers un comportement politique précis. Ça peut être à travers les fatwas chez les confessions islamiques, al Taklîf237 précisément chez les Chiites ou bien à travers les sermons chez les Chrétiens. Ces instructions politiques peuvent même émaner des symboles religieux sans discours, par exemple, le jour des élections législatives, dans les régions chrétiennes, on sonne les cloches pour rappeler aux Chrétiens qu'ils doivent voter pour que « leurs cloches restent actives au Liban »238 (figures 1 et 2), et des photos des candidats et des responsables

233 Al MARKAZIYA « ÑííÛÊáÇ ÉíáãÚ ÞíÚí íÆÇØáÇ ÈÇØÎáÇ :Çááå áÖ », Al Markaziya, 20 Avril 2022. [en ligne] : (5) ÑííÛÊáÇ ÉíáãÚ ÞíÚí íÆÇØáÇ ÈÇØÎáÇ :Çááå áÖ -ÉíÒßÑãáÇ ( almarkazia.com).

234 WAKALAT, « äíÑÎÂæ íäæÑÇãæ ÏæÓæ áíÓÇÈ ÞÍÈ ÉíÆÇÖÞ ìæÚÏ», IMLEBANON, 22 Août 2019. [en ligne]: IMLebanon | äíÑÎÂæ íäæÑÇãæ ÏæÓæ áíÓÇÈ ÞÍÈ ÉíÆÇÖÞ ìæÚÏ!

235 Al OMK, «äííäíØÓááá ÇãÚÏ »ÉíÑÕäÚáÇæ ÒííãÊáÇ ÉÖåÇäãá ÉíäÇäÈááÇ ÉÑÏÇÈãáÇ« ÁÇÔäÅ », Al3omk, 22 Aout 2019. . [en ligne] : ÁÇÔäÅ

íÈÑÛãáÇ ÞãÚáÇ - äííäíØÓááá ÇãÚÏ »ÉíÑÕäÚáÇæ ÒííãÊáÇ ÉÖåÇäãá ÉíäÇäÈááÇ ÉÑÏÇÈãáÇ« ( al3omk.com).

236 NASSAR A., « ÉíåÇÑßáÇ ÈÇØÎ ÉåÌÇæãæ äÇäÈá », Al-Arab, 24 Aout 2019. [en ligne] : | ÉíåÇÑßáÇ ÈÇØÎ ÉåÌÇæãæ äÇäÈá

ÈÑÚáÇ ÉíÍÕ | ÑÇÕä ÏíÏÚ ( alarab.co.uk)

237 SANAA T., « Liban : l'inquiétude s'empare des Libanais après les « fatwas » de Hassan Nasrallah, Menanews, 11 Octobre 2021. [en ligne] : Liban: l'inquiétude s'empare des Libanais après les «fatwas» de Hassan Nasrallah - MENANEWS.info.

238 Slogan utilisé par plusieurs Chrétiens libanais pour insister qu'ils vont survivre dans le pays. Il y'a même une page Facebook qui a été créée sous ce nom. [en ligne] : (1) ÞÏÊ ÇäÓÇÑÌ áÖÊ ÇÏȆ äíã äíÏÈáÇÇ ÏÈ ìáÅ íÍíÓㆠ| Facebook.

 

Figure 4 : Photo personnelle des affiches et photos des candidats et des responsables chiites sur la façade d'une mosquée chiite à la Bekaa. A côté de la photo de Hassan Nasrallah est écrit en arabe «notre ordre vient de nos leaders».

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Figures 1-2 : Photos personnelles d'un jeune chrétien entrain de sonner la cloche de l'église à Zahlé le dimanche électoral 2022.

Figure 3 : Photo personnelle des

drapeaux des FL à côté d'un monument religieux chrétien à Zahlé le dimanche électoral 2022.

s'accrochent à côté des monument religieux pour jouer sur les sentiments et les émotions d'appartenances religieuses chez le peuple (figures 3 et 4).

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5) Au niveau socio-économique: Le consociationalisme politique et ses conséquences

Transparency International définit la corruption comme étant un « abus de pouvoir reçu en délégation à des fins privées »239. Dans son article « La corruption au Liban : les racines du mal »240, Joseph Maïla a précisé que trois éléments constituent la corruption : le clientélisme politique, la fragilité des institutions effectives de droit et la culture civique. Tandis que dans son article « Le clientélisme s'est adapté à la situation économique au Liban »241, Bassel Salloukh a défini le clientélisme comme étant « une relation verticale entre ce qu'on appelle un « patron » et un « client ». Il s'agit pour le patron de donner au client accès à des ressources extraites de l'Etat, en échange de son allégeance politique. La récompense du client peut prendre de nombreuses formes : emplois dans le secteur public, marchés publics, aides aux plus démunis... »242. Salloukh a ajouté que dans la cas Libanais, la relations entre patron et client se renforce dans le système communautaire sous le nom de « consociationalisme »243 permettant aux leaders politico-confessionnels de mobiliser leurs communautés. Au Liban, la socialisation politique, renforcée par le consocialionalisme, permet aux dirigeants politiques de garder leur pouvoir sur le peuple de leurs communautés. En d'autres termes, la corruption et le clientélisme politique sont au fondement du système politique Libanais vu la fragilité et la faiblesse de l'Etat asservi aux confessions. C'est à travers la redistribution des ressources que les leaders confessionnels gardent la fidélité et l'identité confessionnelle de leurs peuples. Ce qui a créé la cleptocratie redistributive d'après Ghassan Salamé.

Comme nous avons déjà vu dans le premier paragraphe (1) de la partie II, section B, le confessionnalisme politique a sans doute renforcé et protégé la corruption et le clientélisme politique. C'est à travers le Pacte National et le Taëf que les institutions publiques se reposent sur un mode de fonctionnement clientéliste. En réalité, le communautarisme n'est qu'une manière pour gouverner, c'est un mode de gouvernance. Le fait d'avoir un système communautaire ne signifie pas forcément le clientélisme et la corruption. Mais dans le cas Libanais, et d'après Maïla, « c'est le lien clientéliste basé sur la relation entre un dirigeant local ou national et des hommes inféodés à lui en échange de leur soutien qui fait problème »244. C'est d'abord la nature de la classe dirigeante guerrière qui a pris sa légitimé à travers le Taëf et ensuite la fragilité de l'Etat supposé de droit en sortant de la guerre civile qui ont mené à la corruption totale et la dépendance économique du peuple de leurs dirigeants politico-confessionnels. En effet, pour protéger leurs intérêts personnels et politiques, les élites politiques, sous la jouissance de l'immunité politique, ont augmenté les ressources de leurs partis à travers le détournement des revenus étatiques et des aides internationales envoyées

239 Transparency International, « Corruption en général », TI Suisse. [en ligne] : Corruption en général | Transparency International Suisse.

240 MAÏLA J., « La corruption au Liban : les racines du mal », L'Orient-Le Jour, 20 Janvier 2021. [en ligne] : La corruption au Liban : les racines du mal - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

241 SALLOUKH B., « Le clientélisme s'est adapté à la situation économique au Liban », Le Commerce, 27 Janvier 2021. [en ligne] : Bassel Salloukh : « Le clientélisme s'est adapté à la situation économique au Liban » ( lecommercedulevant.com).

242 Ibid.

243 Ibid.

244 MAÏLA J., « La corruption au Liban : les racines du mal », op.cit.

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pour secouer le Liban toujours endetté et en difficultés. Ces processus, avec les activités de financement illégales, ont affaibli le système économique national. L'exemple le plus pertinent du clientélisme politique au Liban réside dans l'évolution du nombre d'embauches dans le secteur public. Vu qu'un renforcement des quotas confessionnels s'est imposé au sein des administrations étatiques suite au Taëf, la qualité du travail est restée la même tandis que le nombre d'employés s'est explosé. En 1975, il y'avait 75 000 employés augmentés jusqu'à 175 000 en 2000 et 300 000 en 2017. A travers le renforcement des avantages ministériaux, le critère confessionnel est devenu la condition principale pour embaucher, l'appartenance politico-confessionnel augmente les chances d'embauchement selon le parti politique responsable de chaque institution. Sachant que l'accès aux ressources dépend d'une ministère à une autre, Salloukh a remarqué qu' « une personne pauvre sent qu'elle a plus d'intérêts en commun avec une personne riche issue de son groupe confessionnel qu'une personne pauvre de confession différente »245.

A travers cette analyse, nous pouvons conclure que la divergence socio-économique du peuple libanais est utilisée par les élites politico-confessionnels d'une part pour financer leurs partis et d'autres part pour dominer financièrement leurs peuples communautaires. En plus, la corruption et le clientélisme créé une sorte de décalage socio-économique entre les différents parti politico-confessionnels. Ce décalage dépend du financement externe des partis, des ministères qu'ils régissent, des postes qu'ils occupent et de leurs représentations au sein des institutions.

Depuis automne 2019, la situation économique n'a fait qu'empirer au Liban. Déjà en 2016 quand le FMI a sorti un rapport pointant l'immense faiblesse financière du Liban et le risque d'une crise économique face aux flux de réfugiés syriens (déjà 1.03 million enregistrés auprès du HCR en 2015)246, la Banque Centrale du Liban et son gouverneur Riad Salamé ont supprimé 14 pages de ce rapport247. Trois ans plus tard, le Liban a plongé dans sa plus grande crise économique depuis la guerre civile. Dans un rapport intitulé « Le naufrage du Liban » publié en juin 2021, la BM a placé cette crise économique parmi les trois pires crises au niveau mondial depuis le XIXème siècle248. Cette crise est le résultat de 30 ans de corruption et de clientélisme, elle s'est empirée en 2019 avec les manifestations (« Révolution » du 17 Octobre) qui ont bloqué le pays pour plusieurs mois, la crise sanitaire du Covid-19 et les restrictions qui l'ont accompagnée et enfin la double explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020 qui a ralentie le commerce libanais et a détruit plusieurs quartiers de Beyrouth. Lebanon Economic Monitor

245 SALLOUKH B., « Le clientélisme s'est adapté à la situation économique au Liban », op.cit.

246EL KHOURI-TANNOUS D., BAUTES N., BERGEL P., « Les réfugiés de guerre syriens au Liban (20112016). Quel accès à la ville pour des citadins indésirables? », Espaces et sociétés, vol. 172-173, no. 1-2, 2018, p. 38.

247 HAGE BOUTROS P., « la BDL a caviardé un rapport alarmant du FMI, avec son accord, en 2016, selon la presse suisse », L'Orient-Le Jour, 07 Octobre 2021. [en ligne] : La BDL a caviardé un rapport alarmant du FMI, avec son accord, en 2016, selon la presse suisse - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

248 SUDOUEST.FR, AFP, « Liban : pourquoi la crise économique est l'une des pires au monde depuis 1850 », SudOuest, 01 Juin 2021. [en ligne] : Liban : pourquoi la crise économique est l'une des pires au monde depuis 1850 ( sudouest.fr).

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(LEM) dans «The Deliberate Depression»249 a confirmé que la réponse des autorités libanaises à ces défis ont été extrêmement insuffisantes et cela est dû au clientélisme et à la corruption.

Figure1 :Graphes montrant l'évolution de la crise économique libanaise entre 2010 et 2020 en fonction du PIB, la dette publique, le déficit publique et le taux de change.

Source : FMI, HCR, AFP, Gouvernement libanais, lirarate.com.

Figure 1: Graphe montrant l'évolution du taux de change de la livre libanaise face au dollar par rapport aux évènements qui ont touché le Liban de 1964 jusqu'à mars 2021. Sources : Banque du Liban, AFP.

Comme résultat de cette inflation (voir figures 1 et 2), la monnaie nationale qui est officiellement fixée à 1.507 livres libanaises pour un dollar depuis 1997, à perdu dans deux ans 95%250 de sa valeur sur le marché. Le 4 janvier 2022, la livre libanaise a franchi la barre des 30 000 L.L contre 1 Dollar Américain251. Le PIB du Liban est passé environ 55 milliards de dollars en 2018 à 20.5 milliards de dollars en 2021252. Les dépôts bancaires des épargnants en devises étrangères sont bloqués depuis le début de cette profonde crise économique et financière. Selon la CESAO253, en 2021, le taux de pauvreté multidimensionnelle au Liban était 82% sachant qu'en 2019 il était 42%. Le salaire minimum au Liban représente à peine 25$/mois aujourd'hui. Au niveau social, les résultat de cette crise sont drastiques, selon l'Administration Centrale de la Statistique (ACS) le chômage a dépassé les 30%254 et les conditions de vie sont devenues extrêmement difficiles. Avec la crise énergétique, le secteur de l'énergie ne fournit que deux heures255 d'électricité par jour. Les familles et citoyens vivant dans les campagnes ne peuvent plus acheter des carburants pour chauffer leurs maisons et beaucoup de citoyens ont perdu leur travail à cause de la pénurie des marchandises et des produits essentiels du marché libanais. La dévaluation de la livre libanaise rend inaccessible le paiement de médicaments et des soins hospitaliers, alors que les tarifs de remboursement de

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249 HARAKE W., JAMALI I., ABOU HAMDE N., Lebanon Economic Monitor : The Deliberate Depression, World Bank Group, no. 154631, vol. 01, Novembre 2020, Lebanon, 90 p.

250 AFP, « La livre libanaise atteint un plus bas record face au dollar », ArabNews, 05 Janvier 2022. [en ligne] : La livre libanaise atteint un plus bas record face au dollar | Arabnews fr.

251 OLJ, « Au 4eme jour de 2022, la livre franchit la triste barre des 30.000 L.L contre le dollar », L'Orient-Le Jour, 04 Janvier 2022. [en ligne] : Au 4e jour de 2022, la livre franchit la triste barre des 30.000 LL contre le dollar - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

252 WEHBE E., « Où en sont les discussions entre le Liban et le FMI », L'Orient-Le Jour, 29 décembre 2021. [en ligne] : Où en sont les discussions entre le Liban et le FMI ? - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

253 ONU, « Les trois quarts des libanais ont plongé dans la pauvreté, selon l'ONU », ONU Info, 03 Septembre 2021. [en ligne] : Les trois quarts des Libanais ont plongé dans la pauvreté, selon l'ONU | ONU Info ( un.org).

254 GEMAYEL F., « Au Liban, le taux de chômage avoisine désormais les 30% selon l'ACS », L'Orient-Le Jour, 12 Mai 2022. [en ligne] : Au Liban, le taux de chômage avoisine désormais les 30% selon l'ACS - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

255 ROTIVEL A., « Au Liban, vivre avec moins de deux heures d'électricité par jour », La Croix, 10 Octobre 2021. [en ligne] : Au Liban, vivre avec moins de deux heures d'électricité par jour ( la-croix.com).

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l'Assurance-maladie n'ont pas été ajustés256. Selon la société al-Douwaliya lil Maaloumat, 61924257 Libanais ont quitté le Liban entre la mi-janvier et la mi-novembre 2019. Selon le président de l'ONG locale « Labora », dans les 4 premiers mois de l'année 2021, 230 000258 citoyens avaient émergés du Liban. La situation est devenue tellement grave que des libanais risquent leurs vies dans la méditerranée pour échapper du Liban259.

Nous pouvons penser que les manifestations de 2019 et la crise économique flagrante dont passe le pays aujourd'hui vont affaiblir cette classe politique qui n'a plus de financement étatique due à la faillite de l'Etat, mais en réalité, plusieurs partis profitent de cette situation pour renforcer leur emprise en distribuant des colis alimentaires, en payant des factures et en donnant accès aux vaccins contre le Covid et aux hôpitaux. Le Hezbollah par exemple, a lancé en juin 2021, en pleine crise économique, une carte al-Sajjad qui permet aux bénéficiaires d'avoir des réductions au moins de 50% sur des produits de première nécessité de la chaine de supermarchés Al-Nour. En effet, la somme que chaque famille peut dépenser dépend de sa situation, les bénéficiaires peuvent dépenser entre 300 000 et 450 000260 L.L/mois. Tous ces événements ont bien sûr fragilisé le système politique, mais les dirigeants n'ont pas mis longtemps pour comprendre qu'ils pouvaient utiliser le clientélisme politique dans cette situation précise pour renforcer leurs bases. Evidemment il n'avaient plus de ressources comme avant avec un Etat en défaut de paiement, alors ils ont réorganisé la redistribution des fonds. Certains partis ont choisi de cibler les plus pauvres de leur public, d'autres se sont retournés vers les hommes d'affaires et les plus riches de leurs partis en demandant du financement vu que ces hommes sont devenus riches grâce à la redistribution des fonds étatiques par les partis (ils se sentent contraignis), et enfin des partis essaient d'inclure la diaspora confessionnelle pour faire rentrer de l'argent étrangère fraiche dans leurs comptes. La question qui se pose aujourd'hui par les économistes et les politistes concerne la durée d'adaptation du clientélisme à la crise économique actuelle face à une majorité populaire affamée.

Dans un pays où la corruption est devenue une culture, une collaboration se fait entre ceux qui corrompent et ceux qui se laissent corrompre. Au Liban, rien ne semble fonctionner sans le recours aux moyen illicites. C'est l'éducation civique que le peuple a appris et vu. Que pouvons-nous attendre de générations qui n'ont vu que la corruption, et qui ont expérimenté que sans support politique ils n'arrivent nulle part. Maïla a insisté sur le fait que la corruption est devenue une mentalité et l'Etat est considéré inexistant chez le peuple libanais261. Cette situation nous fait penser à la citation de Montesquieu dans l'esprit des lois (1748) : « Lorsque dans une république les lois cessent d'être exécutées, l'Etat est déjà perdu ». Ishac Diwan et

256 SALLON H., « Au Liban, le calvaire des malades du cancer pour se payer des soins », Le Monde, 29 Décembre 2021. [en ligne] : Au Liban, le calvaire des malades du cancer pour se payer des soins ( lemonde.fr).

257 MAROUN B., « Ces Libanais qui ne veulent plus qu'une chose : partir », L'Orient-Le Jour, 10 Juillet 2020. [en ligne] : Ces Libanais qui ne veulent plus qu'une chose : partir - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

258 AA., « Liban : 230 Mille citoyens ont émigré en 4 mois », AA.com, 18 Octobre 2021. [en ligne] : Liban : 230 mille citoyens ont émigré en 4 mois ( aa.com.tr)

259 MOUSSET B., BOULET A., « Les Libanais nouveaux migrants en mer Méditeranée », Franceinfo, 12 Janvier 2022. [en ligne] : Les Libanais nouveaux migrants en mer Méditerranée ( francetvinfo.fr).

260 M.R., « Le Hezbollah élargit sa panoplie d'aides sociales, mais comment et combien peut-il tenir? », Le Commerce Du Levant, 03 Juin 202. [en ligne] : Le Hezbollah élargit sa panoplie d'aides sociales, mais comment et combien peut-il tenir? ( lecommercedulevant.com)

261 MAÏLA J., « La corruption au Liban : les racines du mal », op.cit.

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Jamal Ibrahim Haidar ont fait une étude en juin 2016 sur le sujet de la corruption libanaise, et ils ont insisté que « Le Liban se caractérise par un environnement de «deals» plutôt que de «règles», qui avantage la création d'emplois à court terme, mais ce clientélisme étouffe la croissance et la création d'emplois à long terme »262. Ce remplacement des « règles » par les « deals » a causé la perte de confiance en l'Etat libanais de la part de son peuple et surtout ses jeunes. D'après un sondage cité par le Magazine The Economiste fait par le Lebanese Center for Policy Studies, le trois quarts263 des jeunes libanais croient que sans connexion politique on n'est pas capable de trouver un travail au Liban.

Après avoir vu que la socialisation politique est confessionnelle au Liban et qu'elle remplace la socialisation politique nationale à plusieurs niveaux (identitaire, d'état civil, éducatif, psychologique et socioéconomique), il est important de voir que les habitus de cette socialisation politique confessionnelle sont renforcés par le manque de réconciliation qui elle-même est bloquée par la socialisation politique confessionnelle. En d'autres termes, la socialisation politique confessionnelle au Liban bloque la vraie réconciliation post-guerre civile, mais la réconciliation est la solution pour sortir de la socialisation politique confessionnelle (IV).

Au Liban :

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262 ROZELIER M., « Comment le Clientélisme politique entrave l'emploi au Liban », Le Commerce Du Levant, 01 Mars 2017. [en ligne] : Comment le clientélisme politique entrave l'emploi au Liban ( lecommercedulevant.com)

263 Ibid.

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IV. La réconciliation: salvatrice de la socialisation politique nationale et

bloquée par la socialisation politique confessionnelle.

« Dans ce pays si tous les citoyens ne s'aiment pas, on n'aura jamais un vrai Etat, et si les citoyens ne se réconcilient pas comme avant, le Musulman aime le Chrétien et le Chrétien aime le Musulman et s'entendent entre eux, on n'aura jamais un vrai Etat, nous resterons comme des moutons »264- Les paroles d'un homme chiite libanais qui a participé à la guerre civile de 1975.

Les paroles de ce monsieur le dimanche électoral, le jour où il y'a le plus des discours sentimentaux et de « tirage de nerfs confessionnels » par les dirigeants politiques, montre que même dans les moments les plus instinctifs confessionnellement au Liban, même parmi les personnes les plus touchées par la guerre, il existe des citoyens qui comprennent l'importance de la réconciliation pour sortir de la socialisation politique confessionnelle.

La réconciliation est une nécessité au Liban265 et trois formes sont exigées pour atteindre une à tous les niveaux (A), mais en pratique, outre les limites mentionnées dans la deuxième partie du mémoire, un cercle vicieux bloque toute initiative de réconciliation alimenté par la socialisation politique confessionnelle (B).

A. En théorie : trois types de réconciliations doivent être faites

La réconciliation par le dialogue interreligieux crée un besoin mutuel entre toutes les confessions de vivre ensemble en écartant les religions comme motif pour s'éloigner l'un de l'autre (1), mais dans le cas libanais, l'absence de mémoire commune de guerre rend ce type de réconciliation insuffisant pour vivre ensemble et cela à cause de l'absence de vérité et de justice, d'où l'importance du deuxième type de réconciliations menant à une mémoire de guerre commune (2) et à l'éducation seine des jeunes (3).

1) La réconciliation par le dialogue interreligieux

En parlant de la réconciliation libanaise, la première chose qui passe dans la tête de n'importe quelle personne, qu'elle soit spécialiste ou pas, est le système communautaire mis en place pour régler le multiconfessionnalisme libanais. Et cela pour une et simple raison, déjà expliquée en détails, qui est que le communautarisme est à la base de la guerre civile et renforce encore plus la socialisation politique confessionnelle. Alors en parlant de la réconciliation au Liban, nous devons commencer par le problème de base déclenchant de cette guerre et des tensions l'entourant, qui est la mal gestion socio-politique de la diversité confessionnelle à travers les années. Par la suite, le réflexe naturel, en évoquant la réconciliation au Liban, est de proposer des solutions concernant la pluralité confessionnelle libanaise, dont la mal gestion a

264Interrogations du dimanche électoral, « Citoyen chiite », 15 Mai 2022, 2022, Zahlé, 20 sec. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1hLqsDqiZqsWAMnXqZxjqx2g7-iN5KGsG/view?usp=sharing.

265 Référence Partie II, A.

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créé un système communautaire, qui à son tour a renforcé la socialisation politique confessionnelle devenue au coeur de ce système.

Une des solutions les plus étudiées par des chercheuses et chercheurs sur le sujet de la réconciliation libanaise est le dialogue interreligieux. Les finalités de cette solution ont même été introduites dans la définition de la réconciliation nationale libanaise regroupant « la normalisation des relations intercommunautaires et religieuses »266. Il existe plusieurs courants de visions de la réconciliation par le dialogue interreligieux libanais ; un courant considère que ce dialogue est la vocation du Liban, le destin du Liban et même appelle l'ONU à considérer le Liban comme pays de dialogue universel, c'est le cas de William Zard Abou Jaoudé, Edouard Alam et Guitta Hourani qui ont lancé l'association LDI267 (Lebanese Dialogue Initiative) en 2013 en collaboration avec l'Université Notre-Dame de Louaïzé pour organiser annuellement des forums internationaux pour prôner la paix, le dialogue et l'entente. Un autre courant considère que le Liban est le « laboratoire du dialogue interreligieux », c'est le cas de Harès Chehab, le secrétaire général du Comité national islamo-chrétien pour le dialogue (CNICD)268, et de tout le comité. Fouad Abou Nader considère même que le Liban est le laboratoire du dialogue interreligieux pour tout le Moyen-Orient269. Et finalement, un troisième courant considère que le dialogue interreligieux forme le fondement du « Liban message ». Cette appellation a été lancée par le pape Jean-Paul II durant sa visite en 1997 en insistant que « le Liban est plus qu'un pays, c'est un message, un message de liberté et de coexistence »270. Durant son discours, Jean-Paul II s'est adressé aux Musulmans et Chrétiens libanais en demandant une réconciliation interreligieuse271.

« Une caractéristique du dialogue inter-religieux est de chercher à dépasser les antagonismes et les conflits. Apprendre à connaitre l'autre, c'est faire tomber peu à peu clichés et stéréotypes »272. Dans son article, Geneviève Comeau a montré l'importance du dialogue interreligieux pour surpasser les conflits et à connaitre nos compatriotes. En effet, dans un pays multiconfessionnel, le dialogue interreligieux rend la cohabitation et la paix plus simples à atteindre vu que chaque partie comprenne l'autre et fait tomber les préjugés « clichés ». Si nous projetons cette théorie sur la situation libanaise, nous ne devons pas oublier que la confession au Liban n'est pas limitée à la simple religion mais elle est devenue un parti politique influençant toute une communauté et initiant une guerre civile, ce qui rend la tâche du dialogue interreligieux pour construire la paix encore plus compliquée mais pas impossible. D'après

266 CHRABIEH P., « Pratiques de réconciliation au Liban : un état des lieux », op.cit., p. 230.

267 MEYER C., « Parce que le Liban se veut une terre de réconciliation », L'Orient-Le Jour, 06Novembre 2017. [en ligne] : Parce que le Liban se veut une terre de réconciliation... - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

268 OLJ, « ISLAM-CHRETIENTE Harès Chéhab : le Liban est un véritable laboratoire de dialogue », l'Orient-Le Jour, 27 Mai 2004. [en ligne] : ISLAM-CHRÉTIENTÉ Harès Chéhab : Le Liban est un véritable laboratoire de dialogue - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

269 ABOU NADER F., Liban : Les défis de la liberté, le combat d'un chrétien d'Orient, op.cit., p. 30.

270 ZENIT STAFF, « Le dialogue interreligieux, par l'ambassadeur du Liban près le Saint-Siège. Analyse de l'embassadeur Abi Assi », Zenit, 07 Juin 2007. [en ligne] : Le dialogue interreligieux, par l'ambassadeur du Liban près le Saint-Siège - ZENIT - Francais.

271 GEORGES L., « Jean Paul II veut contribuer à la réconciliation nationale au Liban », Le Monde, 10 Mai 1997. [en ligne] : Jean Paul II veut contribuer à la réconciliation nationale au Liban ( lemonde.fr).

272 COMEAU G., « Contribution du dialogue inter religieux à la paix », Revue Projet, vol. 281, no. 4, 2004, p. 53.

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Paméla Chrabieh273 la réconciliation à travers le dialogue interreligieux suppose deux dimensions : la première étant la dimension institutionnelle et la deuxième universitaire. Le premier dialogue doit se faire entre les institutions confessionnelles, par exemple entre le Conseil Supérieur chiite, le Patriarcat maronite et Dar al Fatwa sunnite, et après ces institutions doivent initier des dialogues entres leurs communautés. Tandis que le deuxième doit se faire à l'initiative des académiques, que ça soit à travers des recherches, des colloques, des conférences, des débats, des sommets, de publications ou même des déclarations.

Depuis la fin de la guerre civile, des initiatives académiques et institutionnelles se sont multipliées sur le sujet de la réconciliation à travers le dialogue interreligieux ; nous avons déjà cité l'association LDI et le CNICD, il y'a aussi des travaux de divers universités comme l'USJ, la AUB, l'université de Balamand, l'université Libanaise et autres. Même des association locales et des ONG travaillent sur le sujet, comme c'est le cas de l'ONG « One Lebanon » et de l'Institut catholique de la Méditerranée qui organise des colloques en partenariat avec des divers autres institutions comme celle des Sciences religieuses de l'USJ (ils ont organisé un Colloque à Marseille le 27 janvier 2007274). Ajoutons à cela que des ONG internationales sont impliquées dans le sujet du dialogue interreligieux libanais comme par exemple « Search For Common Ground » qui initie plusieurs projets dans toutes les régions libanaises pour consolider la paix à travers des sessions de dialogue entre des différents citoyens ayant des différents profils. Chrabieh a confirmé que les personnes prenant part à ces évènements « affirment souvent que le dialogue enrichit les participants et participantes. Il ouvre de nouveaux horizons intellectuels ou apporte une compréhension théologique plus profonde. En ce sens, dialoguer, c'est chercher une voie de partenariat sans renier sa vérité individuelle. L'idée est de constamment chercher à restaurer le lien, et non à le désintégrer»275.

En réalité, trois types de dialogues interreligieux sont envisagés, le premier étant spirituel, le deuxième concerne les textes et la coopération et le troisième gère la vie commune entre les confessions au sein de la société. Depuis la fin de la guerre civile libanaise, la majorité des initiatives de dialogue ont été prises dans le domaine des deux premiers types mais rarement du troisième. Par exemple, en 2009, un décret a été signé promulguant la fête de l'Annonciation comme étant une fête nationale islamo-chrétienne, chômée. Depuis lors, le jour de l'Annonciation (le 25 mars) est considéré comme un jour férié national symbolisant la cohabitation islamo-chrétienne libanaise. Un évènement est organisé chaque année dans le collège jésuite Notre-Dame de Jamhour assisté par des Hauts fonctionnaires et des Homme politiques et religieux de toutes les confessions, durant lequel des chants et des prières de toutes les confessions ont lieux. Ce « rituel de communication »276 (notion de Peter Van der Veer), est devenu un rituel fortement médiatisé pour montrer une image de relation « saine » entre

273 CHRABIEH P., « Pratiques de réconciliation au Liban : un état des lieux », op.cit., p. 230.

274 RADA, « Colloque le 27 janvier « le dialogue interreligieux entre théologie et politique », Marseille-Liban, les informations sur le Liban à Marseille, 23 Janvier 2007. [en ligne] : Colloque le 27 janvier"Le dialogue interreligieux entre théologie et politique" | ( marseille-liban.com).

275 CHRABIEH P., « Pratiques de réconciliation au Liban : un état des lieux », op.cit., p. 230.

276 VAN DER VEER P., Religious nationalism : Hindus and Muslims in India, Londres, Berkeley, 1994, Los Angeles, University of California Press, 247 p.

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les deux religions. Anne-Françoise Weber277, comme d'autres spécialistes de l'interreligieux, a considéré cet événement comme une institution de la religion civile libanaise à travers un dialogue médiatisé. L'Annonciation islamo-chrétienne est considérée comme un dialogue interreligieux spirituel (type 1). Plusieurs associations travaillent sur ce type de dialogue comme « le Comité national pour le dialogue ; le congrès permanent pour le dialogue libanais ; Adyân, la fondation libanaise pour les études interreligieuses et la solidarité spirituelle ; Darb Maryâm « le chemin de Marie » Mouvement islamo-chrétien de dialogue et d'échange ; Ma'ân hawla sayyidetnâ Maryâm « Ensemble autour de Marie, Notre Dame » fondée par Nagy Khoury, Muhammad Nokkari et Ibrahim Shams al-Din »278.

Le deuxième type de dialogue interreligieux est plutôt textuel et tourne autour de la coopération. Il ne concerne pas les pratiques spirituelles et la prière comme le premier type mais tourne autour de la façon de gérer les choses au niveau national et éthique. Ce type de dialogue concerne par exemple toute question de droit humain, d'écologie, de droit de la femme, de liberté d'expression, etc. Ce sont des notions régissant toute question de justice et de paix en travaillant avec d'autres personnes ayant d'autres traditions et visions. Ceux qui gèrent ce type de dialogue sont plutôt des associations qui se multiplient avec le temps, comme Offre-joie, Laïque Pride, KAFA, Women in Front et autres.

Le troisième type de dialogue est le dialogue de vie, il a surtout été traité par Pamela Chrabieh, il concerne le mode de vivre ensemble dans une même société, dans les mêmes écoles et les mêmes quartiers. « Le dialogue de vie prouve en quelque sorte qu'il ne suffit pas de reconnaitre les fondements et les objectifs du dialogue mais d'adopter une manière d'agir et, plus encore, une manière d'être en développant des relations riches et multiples »279. Outre Chrabieh, plusieurs auteurs ont travaillé sur ce type de dialogue comme Nada Raphael280 et Georges Corm281 qui mettent la lumière sur le manque de ces dialogues et sur leur importance pour une convivialité réussite. Ce troisième type de dialogue est le plus rare au Liban parce qu'il est le plus contraignant. Il ne concerne pas les religions en tant que telles ni les questions superficielles sociétales, mais il concerne la socialisation politique confessionnelle. C'est le dialogue socio-politique qui doit avoir lieu pour partager les maux de la guerre civile entre tous les partis politico-confessionnels, pour pouvoir trouver la vérité et créer une mémoire commune qui mène à une identité commune et à une socialisation politique nationale commune. Ce dialogue de vie n'est pas un simple dialogue interreligieux, c'est un dialogue inter-politique qui rapproche les partis de guerre en trouvant la vérité qui mène à des mémoires individuelles réconciliées pour créer une mémoire collective commune (2).

277 WEBER A.F., Le Cèdre islamo-chrétien. Des libanais à la recherche de l'unité nationale, Baden-Baden, Nomos, 2007, 255 p.

278 CRIVELLO, M., DIRÈCHE K., Traversées des mémoires en Méditerranée : La réinvention du « lien ». XIXe-XXe siècle., Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2017, pp. 97-107.

279 CHRABIEH P., « Pratiques de réconciliation au Liban : un état des lieux », op.cit., p. 232.

280 RAPHAEL N., Trait d'union Islam-Christianisme, Beyrouth, Arab Printing Press, 2009,p. 693.

281 CORM G., Histoire du pluralisme religieux dans le bassin méditerranéen, Paris, Société nouvelle Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1998, 321 p.

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2) La réconciliation par la justice et les travaux de mémoire

« If there is an open and serious memorialisation program, where people can say out their minds, people can actually realize that it's possible for all Lebanese to win and no one has to lose »282- Paroles de Monsieur Maxwell Saungweme, directeur de l'ONG internationale Search For Common Ground durant notre entretien.

Le traumatisme de la guerre civile libanaise, cédé d'une génération à une autre et qui diffère selon les confessions renforçant l'extrémisme politico-confessionnel et la socialisation politique, ne peut être résolu sans un vrai travail de mémoire au sein du peuple libanais. En observant le nombre de dossiers non traités283, que ça soit celui des disparitions forcées, des fosses communes non enquêtées ou bien des crimes de genre, et l'effet du non traitement de ses dossiers sur les victimes, leurs parents et les nouvelles générations, nous pouvons déduire que la vérité et la justice sont obligatoires pour avoir une vraie réconciliation nationale. Sans vérité les crimes commis durant la guerre ne seront jamais reconnus et par la suite la justice restera toujours bloquée. Pour avoir une vérité nous avons besoin d'un travail de mémoire au niveau institutionnel et étatique, suite à la vérité et au traitement des dossiers mis à part par les autorités libanaise, nous pouvons avoir des mémoires individuelles réconciliées formant une mémoire collective libanaise commune.

« La mémoire est liée à la vérité, la mémoire est liée à la justice et c'est une forme de la justice »284, pareil que l'experte libanaise en justice transitionnelle Carmen Abou Jaoudé, la quasi-totalité des recherches, des rapports et des travaux faites sur les sujets de la réconciliation libanaise et du manque de justice suite à la guerre civile mettent la lumière sur l'importance du travail de mémoire. Aïda Kanafani-Zahar par exemple a commencé son article par la phrase suivante : « La reconstitution de la mémoire de la guerre illustre un besoin conscient de vivre ensemble. Ce faisant, les gens écartent la religion comme une raison de distance et de conflit. Pour une partie des Libanais, la guerre est restée incompréhensible, et cela même par le côté confessionnel qu'elle prit. L'interrogation d'une femme maronite, déplacée en 1983 et qui est revenue à son village dix ans plus tard, illustre ce point : «Pourquoi a-t-on été déplacé, pourquoi est-on revenu ? On ne sait pas. Pourquoi aurait-on des problèmes au retour puisqu'on n'avait aucun problème avant ?» »285 , les paroles de cette dame déplacée illustrent l'importance psychologique de comprendre la vérité pour surpasser le traumatisme de la guerre et vivre normalement. Dans un entretien avec Samir Kassir accordé à Amnesty International, le philosophe et journaliste confirme qu' « un travail de mémoire aurait dû et devra être pris en charge par une institution ou un organisme semblable à la Commission Justice et Réconciliation mise sur pied en Afrique du Sud après la disparition du régime d'apartheid », permettant de « déboucher sur la requalification de certains crimes de guerre en crimes contre

282 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Monsieur Maxwell Saungweme, 24 Mai 2022, SFCG HQ, 00 :08 :39, p. 15. [en ligne] :

https://drive.google.com/file/d/1w8kx1wWWKBOc1vd7Kym2FYXZx9Bk5xci/view?usp=sharing.

283 Référence partie II., A., (1).

284 ABOU JAOUDE C., « Carmen Abou Jaoudé: Du travail de mémoire libanais inachevé », IciBeyrouth, 15 Avril 2022. [en ligne] : Carmen Abou Jaoudé: Du travail de mémoire libanais inachevé - ( icibeyrouth.com).

285 KANAFANI-ZAHAR A., « Liban, mémoires de guerre, désirs de paix », La pensée de midi, vol. 3, no. 3, 2000, p. 75.

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l'humanité », pour après rajouter qu'« à l'avenir, il faut amender la loi d'amnistie en renonçant à la distinction qu'elle établit entre, d'une part, les crimes « ordinaires » et d'autre part les assassinat politiques et les atteintes à la sureté de l'Etat. Comme si toute la guerre n'était pas en soi une atteinte à la sureté de l'Etat ». Le philosophe libanais a parlé de la nécessité de requalifier des crimes de guerre oubliés par les autorités libanaises en crimes contre l'humanité et continus pour pouvoir poursuivre leurs auteurs amnistiés. Dans son rapport sur les disparitions forcées et les détentions au secret, le CLDH a demandé la même chose : « Nous demandons à ce que certains crimes de guerre soient requalifiés en crimes contre l'Humanité et ne soient ainsi plus couverts par la loi d'amnistie de 1991. »286. En plus, Kassir a mis l'accent sur l'importance d'amender la loi d'amnistie et ses effets sur le renforcement de l'impunité après la guerre civile287.

Pareil, le rapport de LAW sur les crimes de genre durant la guerre civile libanaise a émis 5 recommandations pour une réconciliation nationale dont 4 tournent autour d'un travail de mémoire : « (1) Increase documentation of women's experiences of gendered crimes during Lebanese Civil Wars in order to counter the male-dominated narrative of the Civil Wars and amplifying survivor and victims' voices. Document sexual violence committed against men during Lebanon's civil wars. (2) Promote truth-telling including through disseminating the findings and recommendations of the gendered crimes research and other complimentary research to a wide range of audiences, including youth, through panels, university lectures, social media campaigns, roundtables, and discussions. (3) Utilize documentation and truth telling to contribute to an environment that is conducive to women's role in truth-seeking, reconciliation, justice, and peacebuilding. Enhance collective healing by truth telling and memorialization of the Lebanese Civil War through a survivor - centered approach and community-based activities. (4) Empower the National Commission of the Missing and Forcibly Disappeared in Lebanon by providing it with information and evidence gathered and support it in the collection of further evidence, to pursue acknowledgement, recognition, and apology to victims and survivors of gendered crimes and other violations and abuses perpetrated during the Lebanese Civil Wars.»288 Même d'un point de vue international, Nadim Houry (Human Rights Watch) a confirmé que « Le Liban ne peut pas avancer sans aborder de manière adéquate les problèmes du passé »289.

Plusieurs formes de travaux de mémoire peuvent avoir lieux, comme par exemple la documentation de témoignages de personnes impliquées dans la guerre et de leurs proches (victimes, combattants, leaders, témoins, etc.), pour après les utiliser dans des procédures de promotion de « dire la vérité » (truth telling) (LAW), à travers des organismes semblables à la Commission Justice et Réconciliation (Kassir), à travers la mémoire reconstruite de l'espace (Kanafani-Zahar), à travers des monuments détruits qui rappellent de la guerre civile (Abou Jaoudé), à travers une commission de vérité (Abou Jaoudé), à travers un dialogue entre les

286 Rapport CLDH, op.cit., p. 47.

287 Le renforcement de l'impunité par la loi d'Amnistie est expliqué en détails dans les deux premières parties du mémoire.

288 Rapport LAW, op.cit., p. 44.

289 HRW, « Liban : Il faut mettre en place une Commission nationale d'enquête sur les disparitions forcées », op.cit.

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différentes parties de la guerre civile, à travers des campagnes sur les réseaux sociaux et les médias, etc. Le travail de mémoire le plus urgent et efficace au Liban est celui qui émane de l'Etat, c'est le travail institutionnel étatique qui touche toutes les régions et partis libanais. Le travail de mémoire étatique doit mener à une identification des crimes commis durant la guerre civile à travers des enquêtes sur toutes sortes de dossiers non traités, ces enquêtes doivent inclure les versions de tous les côtés et les témoignages de toutes les parties du conflit. La vérité doit résulter de ces travaux d'enquête et le droit à la vérité doit être assuré à tous les libanais et non-libanais inclus dans la guerre civile. A travers la vérité, les raisons déclenchantes de la guerre civile vont être identifiées et les événements aussi, le sort des 17000 disparus forcément va être révélé et la vérité sur les fosses communes et les victimes de violences sexuelles aussi. Les victimes de toutes sortes de crimes et leurs proches vont finalement recevoir leur droit de savoir, ce droit est pour eux une forme de justice290 d'après Abou Jaoudé. A travers la reconnaissance et l'identification des crimes, les responsables doivent être reconnus et identifiés.

Suite à l'expression et l'échange entre tous les côtés et les classes sociales de la guerre civile, à l'identification de la vérité, au traitement des dossiers et à l'identification et la reconnaissance des responsables, le pardon peut avoir lieu au Liban et la page peut se tourner après l'avoir lu et traité. C'est à travers le travail de mémoire et le dialogue interreligieux et confessionnel (1) que les mémoires individuelles vont changer, surtout celles des victimes et de leurs proches, ce qui va mener à une mémoire collective nationale. Cette mémoire collective nationale peut mener à un livre d'histoire commun et à la troisième forme de réconciliation (3).

3) La réconciliation à travers l'éducation des jeunes

La réconciliation effective au Liban ne concerne pas uniquement les impliqués directement dans la guerre civile, mais les concernés indirectement qui sont les jeunes et les nouvelles générations. La socialisation politique confessionnelle libanaise cède le traumatisme et les effets de la guerre des grands parents, aux parents, aux enfants et ensuite à leurs enfants qui à leur tour vont les transmettre à leurs enfants si un vrai travail de réconciliation ne prend pas place. En effet, comme nous avons déjà vu dans la partie III, la base de la socialisation politique de l'individu se fonde durant son enfance et adolescence, c'est ce que Durkheim a appelé la socialisation primaire. Vu que le remplacement de la socialisation politique nationale par la socialisation politique confessionnelle renforce l'extrémisme politico-religieux chez les jeunes dans chaque région libanaise (partie III, C), alors la réconciliation doit résoudre ce problème pour être effective et durable. Et cela à plusieurs niveaux ; au niveau académiques (les écoles et les universités) au niveau social institutionnel (associations, scoutisme, ONG, etc.) et au niveau social interactionnel personnel (réseaux sociaux, amis, famille, entourage). Alors c'est un ensemble de plusieurs projets qui doivent prendre place en parallèle et qui impliquent le travail de plusieurs acteurs (école, famille, enseignants, ONG, institutions, organisations, influenceurs, etc.). Mais comme c'est le cas pour les deux premières formes de réconciliation, l'acteur principal doit être l'Etat libanais qui est le seul à avoir le monopole

290 ABOU JAOUDE C., « Carmen Abou Jaoudé: Du travail de mémoire libanais inachevé », op.cit., 06:34.

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d'imposer des curriculums précis et unifiés au niveau scolaire et académique, il peut de même imposer des normes et directives à respecter au niveau institutionnel et sociétal.

Au Liban il n'existe pas une éducation civique et politique nationale, comme conséquence, si nous prenons la définition de Boehm de la conscience politique, nous pouvons déduire que la majorité des Libanais n'en n'a pas une. En effet, Boehm considère que la conscience politique est le « faite d'envisager consciemment toutes les directions qui s'offrent à nous et d'expliquer les raisons pour lesquelles celle-ci serait favorable à celle-là »291. Dans le cas libanais, l'individu n'envisage pas « toutes les directions » possibles, il est extrêmement impliqué dans la direction héritée par ses parents et son entourage sans aucune comparaison objective avec les autres points de vues. Durant les interrogations faites le jour des élections législatives de 2022, la majorité des citoyens interrogés n'avaient pas lu le programme électoral de la liste et le candidat pour lesquels ils ont votés. Leurs voix ont été données à la liste du parti politique qu'ils ont l'habitude de suivre ou bien au candidat qui a payé le plus (cleptocratie redistributive, Salamé). Par exemple :

- Une jeune libanaise qui vote pour la première fois a répondu à la question « pourquoi avez-vous voté cette année ? » par « parce que je supporte une personne qui m'a aidée à plusieurs reprises. Nous n'avons jamais demandé de l'aide sans qu'elle réponde. Moi personnellement j'ai envoyé plusieurs personnes qui avaient besoin d'aides médicales et de financement pour des opérations chirurgicales et elle leurs a aidées »292. Elle a répondu à la question « avez-vous lu son programme électoral ? » par « Non, je vote pour les personnes qui m'aident »293.

- Une femme Libanaise qui vote et travaille pour le Hezbollah a répondu à la question « pourquoi avez-vous voté pour le Hezbollah » par «si tu toques la porte des membres du Hezbollah, ils t'aident. Par exemple en hiver ils m'ont aidé à acheter du carburant à moins cher. Ils regardent les pauvres et ils les aident »294 , « il y'a la carte al-sajjad où je peux faire les courses à moins cher de leurs supermarchés »295, « il ont même fait des cartes vitales pour avoir une sécurité sociale et des cartes d'assurance pour meubler et réparer les meubles de la maison »296

Comme conséquence du clientélisme renforçant et renforcée par la socialisation politique, il n'existe pas une conscience politique au Liban. Par la suite, la vraie réconciliation doit résulter d'une éducation politique et civique des jeunes créant une conscience politique permettant à chaque libanais de voter après avoir consciemment regarder toutes les options possibles.

291 ARTUR J., « La conscience politique », ConscienceChanging, 13 Octobre 2021. [en ligne] : La Conscience Politique - Conscience ( consciencechanging.org).

292 Interrogations du dimanche électoral, « Jeune Libanaise-Premier vote », 15 Mai 2022, Zahlé, 00 :37.[en ligne]: https://drive.google.com/file/d/1CvjYdJ0_lkg_zdh8eFVKsKsYNCd6Kskm/view?usp=sharing.

293 Ibid. 00 : 02 :00.

294 Interrogations du dimanche électoral, « Libanais qui a voté pour le Hezbollah pour les aides financières», 15 Mai 2022, Ain Kafarzabad, 01 : 47 :00. [en ligne]:

https://drive.google.com/file/d/1Cwm73dFYLsz4m07ko7R0u0gv9yOwamVk/view?usp=sharing.

295 Ibid. 00 : 02 :50.

296 Ibid. 00 : 03 :45.

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L'importance de la réconciliation par l'éducation des jeunes n'est pas uniquement exprimée par les experts et politologues mais aussi par les partis politiques et la société civile. En effet, la majorité des personnes interviewées considèrent que l'éducation des enfants au niveau politique est la solution pour une vraie réconciliation lente mais efficace à long terme :

- Docteur Fayez Araji (extrême gauche) considère que « la seule vraie solution pour le Liban commence par l'éducation civique à l'école. Nos sociétés aujourd'hui sont guerrières, je vois de quoi mon fils discute avec ses collègues à l'écoles et de quoi je discute avec mes amis, ce n'est pas une société de paix », « nous devons apprendre aux enfants que l'histoire libanaise ne se limite pas à l'histoire du Mont-Liban, nous devons apprendre à nos enfants qu'ils ont la liberté politique de suivre qui ils veulent et de respecter les avis politiques des autres, cela à travers une éducation civique qui met le Liban en priorité »297.

- Monsieur Dany Fayad (Phalangiste) considère qu'il n'existe pas une éducation politique au Liban, « Nous n'avons pas une bonne éducation ni politique et ni patriotique, ça doit commencer à l'école. Dans les écoles du Hezbollah les enfants apprennent les hymnes de Khomeini avant l'hymne du Liban. Nous avons besoin d'une éducation nationale civique avant tout »298

- Madame Dima Abou Daya (indépendante candidaté sur la liste des FL) insiste que l'éducation civique nationale est la solution. « En tant que maman je peux te dire que tout dépend de ce que nous disons à nos enfants, il y'a une grande différence entre dire que « ton grand-père a été tué par les autres » et de dire « au Liban il y'avait une guerre, mais aujourd'hui nous devons créer un Liban qui nous ressemble tous en tant que LIBANAIS »299

- Monsieur Alain Mounayer (enseignant et cadre des FL) a donné un exemple de son éducation pour montrer l'importance de l'éducation des jeunes à la maison: « Mon papa me disais toujours «quand quelqu'un critique les Islams devant toi, souviens toi de la belle voix du Muezzine» même durant la guerre j'avais la réconciliation dans mon coeur malgré la forte volonté de tuer pour protéger ma maison. La réconciliation est un mode de vie, c'est une éducation à la maison et à l'école »300.

- Madame Doha (société civile et experte en résolution des conflits) a critiqué le livre d'éducation civique libanais en insistant sur le fait que nous devons apprendre nos jeunes à critiquer et à poursuivre. « le livre d'éducation civique actuel n'a pas été changé depuis mon enfance et même avant. Il n'est pas un livre intéressant. Il est vraiment inactif. nous devons transmettre aux enfants que la politique est dans la vie

297 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Docteur Fauez Araji, 23 Mai 2022, Zahlé, 01 :06 :30, p. 04. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1D57da5PNK0N8XZkCQWsl7NrETHp1WqVR/view?usp=sharing.

298 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Monsieur Dany Fayad, 19 Mai 2022, Zahlé, 00 :31 :40, p. 06. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/16nZnYaHLjcFbcHUl9FAAMxeLz28jvWIB/view?usp=sharing. 299Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Madame Dima Abou Daya, 23 Mai 2022, Zahlé, 00 :10 :10, p. 10. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/15jm8LoDxNV33Vb1CWMl5myrnR--SyEZK/view?usp=sharing. 300 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Monsieur Alain Mounayer, 27 Mai 2022, Zahlé, 00 :27 :45, p. 13. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1FqeRNEOOl3iPk-d9Iom9Xuts277aKduc/view?usp=sharing.

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quotidienne. Nous devons créer un esprit critique chez les jeunes, une volonté de poursuivre et de juger. » 301

- Le psychologue politique Ramzi Abou Ismail (société civile) a mis la lumière sur la nécessité d'avoir un livre d'histoire commun et un livre d'éducation civique commun. Il a ajouté qu'après cette étape, « le ministre de l'éducation en collaboration avec les écoles et les municipalités doivent organiser des activités populaires touchants le plus de tranches de la société »302.

- Monsieur Sami Braidy (intellectuel et un enseignant retraité) a critiqué le système éducatif libanais en considérant les écoles comme des fermes. Braidy a ajouté que nous devons sauver l'identité libanaise pour pouvoir se réconcilier, et cela se fait à travers une histoire commune enseignée à nos jeunes.303

»304

Tous ces points de vues nous mènent à conclure que l'éducation civique et politique saine et correcte des jeunes dans leurs familles, leurs écoles et leurs sociétés leurs aide à créer une conscience politique et à réconcilier tout un pays. Avoir une identité commune sur les bases d'une histoire commune et de principes civiques communs (après la réconciliation par les dialogues interreligieux et les travaux de mémoire collective) créé des générations de plus en plus reconciliées et surtout ouvertes à des différentes attitudes politiques sans tensions de post-guerre. Certaines organisations qui travaillent sur la reconstruction de la paix et la réconciliation au Liban mettent l'effort sur les jeunes d'aujourd'hui qui vont devenir les futur leaders du pays plus que les adultes déjà fortement impliqués dans la socialisation politique confessionnelle depuis des dizaines d'années. C'est ce que le directeur de l'ONG internationale « Search For Common Ground » au Liban, Monsieur Maxwell Saungweme, a confirmé durant notre entretien : « what SFCG is trying to do is work on young people who are going to become the future leaders of Lebanon. We are trying to work on developing multidimensional identities and the ability to live in confessional diversity.

Après avoir vu les trois types de réconciliation les plus convenables pour une réconciliation idéale de post-guette civil libanaise (dialogue interreligieux, travail de mémoire et éducation des jeunes), la réalité montre qu'un cercle vicieux bloque toute initiative de ce genre (B)

301 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Madame Doha Adi, 24 Mai 2022, CFCG HQ, 00 :12 :00, pp. 21-22. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1G-HVu1TwTNN9ZR_oDGNi9HnbZJr0eWtg/view?usp=sharing.

302 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Monsieur Ramzi Abou Ismail, 15 Juin 2022, Zoom, 00 :09 :31, p. 23. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1b9jh-Iv0hETYvJiRCuuPn2NMwub-cEcI/view?usp=sharing.

303 Annexe 1, «Interviews faites au Liban », Monsieur Sami Braidy, 21 Mai 2022, Zahlé, 00 :41:50, p. 27. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1G-dLA5UIO2pIEWYHP0leySWldOTI6B6c/view?usp=sharing.

304 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Monsieur Maxwell Saungweme, 24 Mai 2022, SFCG HQ, 00 :05 :40, p. 14. [en ligne] :

https://drive.google.com/file/d/1w8kx1wWWKBOc1vd7Kym2FYXZx9Bk5xci/view?usp=sharing.

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B. En pratique : un cercle vicieux freine toute initiative étatique de réconciliation

Les initiatives d'une réconciliation nationale libanaise, qu'elles soient pour un dialogue interreligieux, un travail de mémoire ou bien dans le but d'unifier les programmes éducatifs au sein des écoles privées et publiques, doivent émaner de l'Etat pour qu'elles soient effectives. Cela non uniquement pour toucher tout le peuple libanais, pour promulguer des lois imposables à tout le monde et pour initier des enquêtes légitimées partout, mais aussi pour abolir et modifier les loi et pactes qui forment la réconciliation mythique (Partie I, C) qui a bloqué la vraie réconciliation au lieu de la promouvoir. Dans son article comparatif entre 4 types de réconciliations différentes, Valérie Rosoux305 a précisé qu'il existe quatre sortes d'initiatives de réconciliation ; du bas en haut (à l'initiative des individus), du haut en bas (venant d'une décision politique), de l'extérieur (venant à l'initiative d'une organisation ou de pays tiers) et enfin, la réconciliation peut être intime (avec soi-même). Rosoux a précisé que peu importe l'acteur initiant la réconciliation, s'il n'y pas une volonté populaire et une réelle volonté politique, la réconciliation nationale ne peut avoir lieu. Nous avons vu tout au long de ce mémoire que des divers initiatives ont été prises par des organisations et des associations locales et internationales dans le but de réconcilier le peuple libanais, que ça soit par des dialogues, des évènement, des projets, des travaux académiques ou autres sans vrais résultats effectives, et cela pour une et simple raison : le manque de volonté chez les dirigeants (Partie II, B, (1) et (2)).

Effectivement, les responsables de la guerre civile libanaise devenus Hommes d'Etat trouvent leur légitimité à travers l'accord du Taëf et la loi d'amnistie qui bloquent la justice transitionnelle et la vraie réconciliation nationale (Partie I, C, (3)). Alors chaque travaille de réconciliation ne peut prendre place sans modifier ou bien abolir le Taëf et la loi d'Amnistie ce qui va mettre leurs responsabilités juridiques en oeuvre et va faire tomber leur légitimité politique. Par la suite, un vrai travail de réconciliation ne peut avoir lieux sans la nécessité d'une vraie réforme institutionnelle éliminant le partage de pouvoir sur la base du Taëf. Cette réforme institutionnelle doit émaner du pouvoir qui est lui-même en danger au cas où le partage du pouvoir selon le Taëf est éliminé. Outre cette élimination du partage du pouvoir sur la base confessionnelle, le Centre international pour la justice transitionnelle rajoute la nécessité de responsabiliser les puissances étrangères jouant un rôle dans la guerre civile Libanaise. Sachant que les puissance étrangères influencent toujours les décisions politiques nationales libanaises (Partie II, B, (3)), une décision de réconciliation nationale reste très loin d'être prise.

Face à ce danger de perdre leur légitimité et de se responsabiliser, les leaders politico-confessionnels se sont retournés vers le renforcement de la socialisation politique confessionnelle pour protéger et garder leurs rôles comme références et protecteurs de leurs confessions. Que ça soit à travers le clientélisme au niveau éducatif (Partie III, C, (3)) et socioéconomique (Partie III, C, (5)), les discours de « tirage de nerfs » au niveau psychologique (Partie III, C, (4)), ou même la religion au niveau du statut personnel (Partie III, C, (2)) et de l'identité sociopolitique (Partie III, C, (1)), les leaders politico-confessionnels ont

305 ROSOUX V., « Réconciliation post conflit: à la recherche d'une typologie », op.cit., pp. 557-577.

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renforcé leur place au coeurs du système communautaire libanais devenu dépendant de la corruption et du clientélisme. En d'autres termes, la socialisation politique confessionnelle est devenue au coeur du communautarisme libanais. Nous pouvons faire référence à l'ouvrage «Children in the Political System »306 de David Easton qui met l'accent sur le rôle important que joue la socialisation politique dans le maintien du système politique. Selon Easton, la socialisation politique peut être utilisée par le pouvoir en place pour maintenir le système et cela à travers quatre étapes : la politisation, la personnalisation, l'idéalisation et enfin l'institutionnalisation307. En analysant les étapes nous pouvons conclure que les leaders politiques libanais l'ont effectuées et ont même rajouté d'autres supplémentaires.

Face à la socialisation politique confessionnelle renforcée suite à la guerre civile libanaise (Partie III, B) qui remplace la socialisation politique nationale (Partie III, C), la peur de l'autre, le manque de confiance entre les différentes confessions libanaises et la dépendance socioéconomique du parti politico-confessionnel, poussent les Libanais a voter pour les même leaders politico-confessionnels pour assurer, selon eux, leur survie au sein du Liban. Durant l'interview avec Madame Doha Adi, elle parlait du manque de confiance entre les confessions libanaises en racontant une histoire personnelle : « j'ai demandé à mon frère de ne plus voter pour le Courant Futur mais pour les indépendants, il m'a répondu qu'il n'était pas confiant que les «autres » n'allaient pas voter pour leurs dirigeants traditionnels»308. Les paroles du frère de Madame Adi sont exactement le but que les dirigeants politico-confessionnels veulent atteindre à travers le renforcement de la socialisation politique pour la protection de leurs postes et garder leur légitimité.

Comme conséquence, chaque quatre ans les mêmes partis politiques gagnent aux élections législatives et les ex-chefs de milices restent au pouvoir. Ces derniers évidemment ne veulent toujours pas une réconciliation nationale qui ne rentre pas dans leurs intérêts personnels. Et le cercle vicieux continu (page 83).

306 EASTON D., DENNIS J., Children in the political system: Origins of Political Legitimacy, US, McGraw-Hill Inc., 1969, 458 p.

307 Le Politiste, « La Socialisation Politique », LePolitiste.com. [en ligne] : La socialisation politique: Le Politiste ( le-politiste.com).

308 Annexe 1, « Interviews faites au Liban », Madame Doha Adi, 24 Mai 2022, CFCG HQ, 00 :15 :37, p. 22. [en ligne] : https://drive.google.com/file/d/1G-HVu1TwTNN9ZR_oDGNi9HnbZJr0eWtg/view?usp=sharing.

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Conclusion :

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres »309. Cette fameuse citation d'Antonio Gramsci illustre parfaitement la situation du Liban aujourd'hui. En effet, et même si lentement, la situation libanaise change avec les nouvelles générations et mentalités qui apparaissent. Suite à de nombreuses crises et malgré la socialisation politique bloquant toute réconciliation nationale possible, de plus en plus de libanais se tournent contre leurs dirigeants politico-confessionnels vers la société civile opposante aux élites politiques. Surtout durant les dernières quatre années, une identité libanaise s'est apparue au sein d'une partie des libanais en remplaçant l'autre confessionnelle.

En parlant de la complexité de la réconciliation au Liban face à la socialisation politique confessionnelle et du cercle vicieux bloquant toute initiative de réconciliation nationale à cause de la place que le système communautaire donne aux ex-chefs de milices, la question se pose concernant des solutions émanant en dehors du système corrompu et bloquant. En d'autres termes, les questions se posent concernant la société civile libanaise. D'après Dr. Fadia Kiwan, la société civile est définie «comme l'ensemble des institutions, organisations et associations qui fonctionnent dans les différents secteurs sociaux indépendamment de l'Etat. Elle inclut aussi bien les entreprises privées, les syndicats et ordres professionnels, les fondations religieuses et de l'éducation et les ONG »310, le dictionnaire Larousse a rajouté à cette définition « les individus [..] agissant en dehors de la classe politique et du pouvoir » 311. Dans ce qui suit, la société civile est considérée comme « l'opposé de la société politique, qui représente le pouvoir »312.

Suite à la guerre civile libanaise, la société civile s'est fortement renforcée, « d'environ 250 ONG existantes dans les années 90, ce sont maintenant plusieurs milliers de structures de tailles, d'objectifs et de moyens extrêmement divers »313. En effet, durant les années 70 et avec l'émergence des milices considérées comme des entités de la société civile, le but de la majorité des acteurs de la société civile était purement communautaire et guerrier. Suivant la fin de la guerre civile et surtout l'échec des réconciliations mythiques mises en place par les autorités libanaises pro-syriennes, la vague de la société civile anti-communautariste et pro-réconciliation nationale a commencé et ne s'est toujours pas terminée. Les années de l'occupations syrienne étaient les plus contraignantes pour les OSC (Organisations de la Société Civile) libanaises, malgré cela, en 2005, suite au départ du dernier soldat syrien du territoire libanais, la société civile a montré à quel point elle était résiliente durant l'occupation et a pu rebondir. Depuis 2005 jusqu'aujourd'hui, plusieurs évènements ont contribué à

309 SAMRANI A., « Pourquoi la révolution libanaise n'a pas (encore) eu lieu », L'Orient-Le Jour, 15 Octobre 2020. [en ligne] : Pourquoi la révolution libanaise n'a pas (encore) eu lieu - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

310 KIWAN F., « La société civile au Liban : un levier pour le changement ? », Les Cahiers de l'Orient, vol. 112, no. 4, 2013, p. 49.

311 GOLDSTEIN S., « Les différents types de sociétés civiles et leurs spécificités », LegalPlace., 29 Janvier 2022. [en ligne] : Société civile : types et modalités de création - Guide ( legalplace.fr).

312 Ibid.

313GRÜNEWALD F., BACHE J., DE GEOFFROY V., BACHAWATI S., KELDANI E., Société civile et pouvoirs locaux au Liban :Principaux enjeux et dynamiques d'acteurs, Groupe URD, Rapport de Recherche, Mai 2021, 22 p.

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l'apparition de nouveaux acteurs de la société civile libanaise. Effectivement chaque période de crise a entrainé l'émergence de nouvelles OSC, que ça soit « la Guerre de Juillet » en 2006 entre le Hezbollah et Israël, les vagues de réfugiés syriens qui ont commencés à arriver en 2012, les manifestations de 2019, la double explosion du port de Beyrouth en 2020, la crise du Covid-19 et la crise économique flagrante qui n'est toujours pas résolue. Avec la cumulation de tous ces évènements, de plus en plus de projets, d'organisations et de militants influencent la population libanaise pour changer la situation sociopolitique et économique actuelle à travers le changement du pouvoir qui était à l'initiative de la plupart des crises libanaises et qui a mal géré leur totalité (I). En effet, le développement de la société civile libanaise avec le temps est un moyen pour casser le cercle vicieux bloquant toute initiative de réconciliation nationale (II).

I. Les Libanais se « révoltent » de plus en plus suite à de nombreuses
crises

Si par leurs discours de haine et de « tirage de nerfs » les leaders politico-confessionnels ont comme but de renforcer la socialisation politique confessionnelle à travers l'appui sur la mal-confiance entre les différentes confessions, les événements qui ont eu lieux au Liban ces 4 dernières années n'ont fait qu'augmenter la mal-confiance entre les libanais et leurs dirigeants. Nous pouvons faire référence ici à Annick Percheron dans « la socialisation politique »314 qui, à la différence de David Easton, considère que la socialisation politique peut conduire au rejet du système politique en place. Ce rejet a été exprimé par la société civile libanaise au niveau social sur le terrain lors des manifestations du 17 Octobre (A) et surtout suite à la double explosion du port de Beyrouth (B), et au niveau politique suite aux élections législatives de 2022 (C).

A. Les manifestations du 17 Octobre 2019

« Si la 1re fête du 22 novembre 1943 célébrait l'indépendance vis-à-vis de la mainmise étrangère, cette 2e fête du 17 octobre 2019 célébrera l'indépendance vis-à-vis de la mainmise de la classe dirigeante corrompue et le souhait pour la formation d'un gouvernement de gens cultivés et instruits, intègres, compétents et expérimentés qui saura effacer les séquelles de 4 décennies d'un pouvoir corrompu et abject. »315 - Jacques Moufarege

Trente ans après la fin de la guerre civile libanaise, la société civile libanaise a prouvé que la socialisation politique nationale n'était pas à 100% remplacée par l'autre confessionnelle. Suite à 3 décennies de corruption, de mensonges, de promesses vides, de chutes économiques progressives et de mal gestion de crises, le 17 octobre 2019, des dizaines de milliers316 de Libanais se sont trouvés dans les rues tenant uniquement le drapeau libanais et chantant l'hymne national libanais. Cela suite à de nombreux compagnes sur les réseaux sociaux contre la mal gestion de la crise économique par les dirigeants libanais et surtout contre

314 PERCHERON A., La socialisation politique, op.cit.

315 MOUFAREGE J.M., « Révolution du 17 octobre 2019 : être libanais par défaut ne suffit pas ! », L'Orient Le-Jour, 27 Novembre 2019. [en ligne] : Révolution du 17 octobre 2019 : être libanais par défaut ne suffit plus ! - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

316 AMNESTY INTERNATIONAL, « Manifestations et répression », Amnesty International, 18 Septembre 2020. [en ligne] : Tout savoir sur les manifestations au Liban - Amnesty International.

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les taxes imposées par ces-derniers sur le peuple. Après 13 jours de manifestations tout au long des 10 452 km2 et de blocages des rues principales du pays, le Gouvernement de Saad Hariri annonce sa démission317, interprétée comme la deuxième victoire de la société civile libanaise, tandis que la première était de créer la peur chez les chefs politico-confessionnels. Cette peur a été exprimée par plusieurs moyens différents, par exemple les FL et les phalangistes ont essayé d' «adopter» la révolution en la considérant comme leur affaire et mission, tandis que le CPL a considéré que cette révolution répondait aux aspirations du fondateur du parti aujourd'hui Président de la République, juste avant de re-adopter la position de leur allié chiite dont la réaction était la plus impactante. En effet, le Secrétaire général du parti pro-iranien Hezbollah, Hassan Nasrallah, a fait plusieurs discours télévisés accusant les manifestants d'être financés par des ambassades étrangères au Liban318, il les a même menacés s'ils insistent sur leurs demandes et revendications en évoquant le danger d'une deuxième guerre civile au cas de vide politique (utilisant le manque de réconciliation comme arme pour rester au pouvoir), il les a même demandés de rentrer chez eux. Des militants du Hezbollah et d'Amal (le couple chiite) descendaient dans les rues libanaises de temps à autres319, surtout suite aux discours de leurs dirigeants, tenant les drapeaux de leurs partis politico-confessionnels pour attaquer les manifestants, bruler leurs tentes et infliger la peur chez les familles, parents et jeunes libanais320. Toutes ces réactions de la part des dirigeants montrent une certaine peur face à la menace de perdre leur pouvoir, certains d'entre eux ont trouvé la solution dans des tentatives d'intégrer la révolution, tandis que d'autres ont adopté les solutions « traditionnelles » privilégiées par le système communautaire libanais : utiliser l'absence de réconciliation nationale en rappelant le risque d'une guerre civile pour renforcer la peur entre les confessions et réveiller l'instinct de survie communautaire.

Ces manifestations sont considérées par certains comme une révolution (Thawrat 17 Techrin) et par d'autre comme un soulèvement qui n'a pas abouti à une vraie révolution à cause du manque d'organisation et d'orientation communes entre les manifestants. Dans son article auprès de L'Orient-Le Jour321, Anthony Samrani a expliqué pourquoi les manifestations de 2019 ne sont pas considérées comme une révolution, cela pour 5 raisons: les contradictions entre les manifestants (les libanais sont d'accord sur ce qu'ils ne veulent pas mais pas sur ce qu'ils veulent), la société civile est largement divisée et n'arrive pas à accepter son incapacité de représenter la totalité des opposants, le manque d'accord entre les manifestants sur les

317 EL KHOURY Y., « Le Liban à l'heure de la « révolution » d'octobre : bilan d'étape et interrogations pour l'avenir », Les Clés du Moyen-Orient, 31 Octobre 2019. [en ligne] : Le Liban à l'heure de la « révolution » d'octobre : bilan d'étape et interrogations pour l'avenir ( lesclesdumoyenorient.com)

318 Discours de Hassan Nasrallah le 9ème jour des manifestations. Le cri des peuples, « Manifestations au Liban : Nasrallah dénonce les manipulations politiques et l'ingérence étrangère », Lecridespeuples, 31 Octobre 2019. [en ligne] : Manifestations au Liban : Nasrallah dénonce les manipulations politiques et l'ingérence étrangère - Le Cri des Peuples.

319 Vidéo montrant des militants du couples chiite attaquant les manifestants en portant les drapeaux de leurs partis politiques, et l'armée libanaise au milieu ne réagissant pas. Euronews, « äíÑåÇÙÊãáÇ äæãÌÇåí áã ÉßÑÍæ Çááå ÈÒÍ æÑÕÇäã ÊæÑíÈ í », YouTube, 25 Novembre 2019. [en ligne] : ÊæÑíÈ í äíÑåÇÙÊãáÇ äæãÌÇåí áã ÉßÑÍæ Çááå ÈÒÍ æÑÕÇäã - YouTube.

320 ABOU RAHAL L., « Liban : le Hezbollah appelle ses partisans à la retenue », La Presse, 25 Octobre 2019. [en ligne] : Liban : le Hezbollah appelle ses partisans à la retenue | La Presse.

321 SAMRANI A., « Pourquoi la révolution libanaise n'a pas (encore) eu lieu », op.cit.

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priorités des manifestations322, la résilience de la classe politique actuelle et la place qu'occupe le Hezbollah comme le coeur du pouvoir décisionnel étatique. A la différence de Samrani, beaucoup d'autres auteurs, comme Jacques Moufarrege323, considèrent les manifestations de 2019 comme une vraie révolution contre une classe politique corrompue. Mais une chose est commune entre ces deux courants de pensées, le fait que les manifestations couvraient tout le Liban en dépassant les barrières confessionnelles, sociales et générationnelles, visant à faire tomber une classe corrompue, un système communautaire clientéliste et à réparer l'argent volé.

Au niveau politique, les manifestations du 17 Octobre 2019 n'ont pas changé grand-chose, les même dirigeants sont restés au pouvoir, le système communautaire est toujours en place et la crise économique n'a fait qu'empirer. Outre les 5 limites d'une vraie révolution expliquées par Samrani, les manifestants ont petit à petit baissé les bras pour des raisons économiques (ils avaient besoin de travailler pour vivre), pour des raisons sanitaires (la crise du Covid-19) et enfin pour des raisons d'immigration dans des pays tiers (surtout les jeunes et suite à la double explosion du port de Beyrouth (2)). Ce baissement de bras sur le terrain ne signifie pas que les manifestations ont échouées et cela pour plusieurs raisons. D'abord les manifestations du 17 Octobre ont montrées, pour la première fois depuis 30 ans, que plus de 10%324 des libanais voulaient effectivement changer tout un système et étaient prêts à bloquer tout un pays pour changer leurs vies. Ensuite, ces manifestations ont fait évoluer la société civile libanaise tout en commençant une nouvelle histoire avec une base populaire plus grande et une « révolution » sans précédent. D'après le rapport du groupe URD sur le sujet de la société civile libanaise, de nouvelles formes d'OSC se sont apparues suite aux manifestations, « il s'agit des « groupes informels de réflexion et de pression » (Li Hakki, MNFID, etc.) »325. Enfin, le média et les réseaux sociaux326ont joué un très grand rôle pour influencer le reste de la population libanaise ne participant pas aux manifestations, ce qui a augmenté le nombre des supporteurs de la société civile libanaise et des opposants au pouvoir actuel. Même au niveau international, les réseaux sociaux ont touché la diaspora libanaise qui elle aussi s'est manifestée en ligne et dans les rues des pays accueillants327.

322 Une partie des manifestants considère que la priorité est de régler la crise économique résultante de la mal gestion des flux de réfugiés syriens depuis 2011, tandis que l'autre partie pense que la priorité est de changer le système politique communautaire pour arrêter le clientélisme et sauver la situation économique.

323 MOUFAREGE J.M., « Révolution du 17 octobre 2019 : être libanais par défaut ne suffit pas ! », L'Orient Le-Jour, 27 Novembre 2019. [en ligne] : Révolution du 17 octobre 2019 : être libanais par défaut ne suffit plus ! - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

324 Ibid.

325 Rapport Groupe URD, op.cit., p. 07.

326 Nous pouvons prendre l'exemple de AL-Jadeed TV, Lebanese_revolution_19 (Instagramme), Political.pen (Instagramme), Thouwar 17 Techrin (Facebook), Wassef El Haraki (influenceur et activiste politique), Pierre El Hachach (influenceur et activiste politique), etc.

327 Pour plus de détails sur les manifestations de la diaspora libanaise partout dans le monde: OLJ, « De Paris à Washington, la diaspora libanaise mobilisée », L'Orient-Le Jour, 20 0ctobre 2019. [en ligne] : De Paris à Washington, la diaspora libanaise mobilisée - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

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B. La double explosion du port de Beyrouth

« Il n'y a pas un membre de la classe politique qui puisse dire qu'il n'est pas responsable de ce désastre »328 - représentant d'une Organisation de la Société civile Libanaise

Le manque de confiance entre une partie du peuple libanais et la classe dirigeante qui s'est exprimé durant les manifestations de 2019 a continué à augmenter et a atteint un point très élevé suite à la non-réaction du gouvernement libanais face au double explosion du port. Dans les faits, le 4 août 2020, une double explosion a eu lieu au port de Beyrouth dont l'origine était un mal-stockage d'à peu près 3000 tonnes de nitrate d'ammonium laissant derrière elle environ 200 morts, 6 500 blessés et 300 000 personnes sans abri329. Plusieurs rumeurs sont sorties concernant l'événement déclencheur de cette tragédie (accusations de stockages d'armes, long durée de stockage de produits très dangereux, bombardements israéliens des stocks du Hezbollah, etc.) sans aucune réaction, réponse, ni explication de la part de la classe dirigeante libanaise, ce qui a reclenché les manifestations dans les rues. Le résultat de cette nouvelle pression populaire était la démission du deuxième gouvernement depuis le début des manifestations en 2019330, le gouvernement de Hassane Diab.

Deux années suivant la tragédie, aucun dirigeant politique n'a accepté d'être auditionné et la classe politique fait de son mieux pour effacer les traces restantes du drame. L'enquête sur les causes de la double explosion est suspendue depuis des mois pour des raisons de blocages politiques et le gouvernement libanais, depuis avril 2022331, essaie de démolir les silos du port devenues le symbole de ce drame. Cette décision d'effacer les traces du crime a été suspendue en raison de l'opposition faite par les familles et proches des victimes du 04 août qui veulent transformer les silos en mémorial332. Cette promotion de l'oubli et de l'impunité par les autorités libanaise nous rappelle de leur exacte réaction suivant la guerre civile libanaise.

 

Figure 1 : Dessin représentant les familles des victimes de la double explosion du port de Beyrouth entrains de supporter les silos à grains pour éviter leur démolition par le gouvernement libanais.

Source : Publié par le député Elias Hankach sur Facebook le jour ou une partie des silos s'est effondrée (le 31/07/2022).

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328 Rapport Groupe URD, op.cit., p. 09.

329 AMNESTY INTERNATIONAL, « Manifestations et répression », Amnesty International, 18 Septembre 2020. [en ligne] : Tout savoir sur les manifestations au Liban - Amnesty International.

330 AFP, « Liban : le gouvernement démissionne six jours après le drame », LaCroix, 10 Août 2020. [en ligne] : Liban: le gouvernement démissionne six jours après le drame ( la-croix.com).

331 LE FIGARO, AFP, « Le Liban ordonne la démolition des silos du port de Beyrouth », Le Figaro, 14 Avril 2022.[en ligne] : Le Liban ordonne la démolition des silos du port de Beyrouth ( lefigaro.fr).

332 AFP, « Port de Beyrouth : une partie des silos à grains s'est effondré », La Voix Du Nord, 31 Juillet 2022. [en ligne] : Port de Beyrouth : une partie des silos à grains s'est effondrée - La Voix du Nord

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« On vit dans un pays où le gouvernement a le monopole d'une justice sélective, qui varie en fonction des personnes concernées et des priorités de ceux qui nous gouvernent. Les chefs de guerre font tout pour ralentir et stopper l'enquête. C'est une honte, mais c'est comme ça, on vit dans un pays de non-droit où l'injustice fait loi. »333, les paroles de Paul Najjar, un père libanais qui a perdu sa fille de 3 ans et demi dans l'explosion, sont le résultats de plusieurs comportements de la part des autorités libanaises pour bloquer les enquêtes sur le sujet. Par exemple, le couple chiite Amal et Hezbollah a fait un recours pour suspicion légitime contre l'ancien juge Fadi Sawan qui a été remplacé en février 2021 par le juge Tarek Bitar. Ce dernier est de même le sujet de plusieurs menaces de la part des partis politiques, comme par exemple le Hezbollah qui à plusieurs reprises lui a envoyé des messages menaçant sa personne et ses proches.334 Avec son allié chiite, le Hezbollah a même bloqué les réunions du gouvernement à plusieurs reprises pour arrêter le travail de Bitar (Partie II, B., (2)) dans le but de protéger leurs personnels. Outre la promotion de l'impunité et le masquage de la vérité, la flamme armée des tensions interconfessionnelles s'est réanimée par les chefs politico-confessionnels avec la nomination du juge Bitar. En effet, le 14 octobre 2021, 6 personnes335 ont été tuées et une trentaine blessée durant un affrontement entre le Hezbollah et les FL suite à une manifestation du Hezbollah demandant la démission de Bitar336. « Le fait que l'enquête se rapproche de certains responsables politiques induit ce type de comportement avec potentiellement des dérives graves »337, a analysé un journaliste de la revue Orients Stratégiques. Ces violences « rappellent de très mauvais souvenirs »338, des souvenirs de la guerre civile libanaise.

Les résultats de cette explosion nous rappellent de ceux de la guerre civile libanaise au niveau social, juridique et politique. Les grands titres des conséquences de cette explosion sont les suivants: impunité, oppression, tensions interconfessionnelles et manifestations pour la vérité et la justice. Au Liban, l'impunité et l'absence du droits à la vérité, à la justice et à la réparation sont devenus une routine pour protéger des Hommes d'Etat situés au centre du système politique. Comme conséquences à cette tragédie, la société civile s'est renforcée encore plus et de nouvelles organisations se sont apparues. Les masses arrivées dans les quartiers de Beyrouth les plus touchés suite à l'explosion ont été mobilisées par des mouvements politiques mais aussi par des ONG libanaises comme Offre Joie, Amel, Lebanese Scout Association, Lebanese Red Cross et autres. D'autres masses ont été mobilisées par les

333 GIBON C., « Deux ans après, l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth piétine », La Vie, 25 Juillet 2022. [en ligne] : Deux ans après, l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth piétine ( lavie.fr).

334 Qui lui a écrit le message suivant : « Nous pourrions te déboulonner... ». COLLY A., « Explosion dans le port de Beyrouth : le juge chargé de l'enquête cible de menaces et de pressions », Franceinfo, 23 Octobre 2021. [en ligne] : Explosion dans le port de Beyrouth : le juge chargé de l'enquête cible de menaces et de pressions ( francetvinfo.fr).

335 FRANCEINFO, « Six morts après une manifestation au Liban « Cela rappelle de très mauvais souvenirs », estime un chercheur », Franceinfo, 14 Octobre 2021. [en ligne] : Six morts après une manifestation au Liban : "Cela rappelle de très mauvais souvenirs", estime un chercheur ( francetvinfo.fr).

336 REUTERS, AFP, LE MONDE, « Au Liban, le Hezbollah met en garde les Forces libanaises contre une escalade de la violence », Le Monde, 18 Octobre 2021.[en ligne] : Au Liban, le Hezbollah met en garde les Forces libanaises contre une escalade de la violence ( lemonde.fr).

337 FRANCEINFO, « Six morts après une manifestation au Liban « Cela rappelle de très mauvais souvenirs »op.cit.

338 Ibid.

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réseaux sociaux et se sont structurées en des Organisations de la société civile. De leur part, les familles des victimes de la double explosion se sont organisées en des OSC (par exemple l'Association des familles des victimes de l'explosion du port de Beyrouth) pour organiser des manifestations mensuelles devant le port de Beyrouth339, des manifestations devant le palais de Justice340, le parlement libanaise, les maisons des dirigeants341 et dans les rues libanaises en demandant la vérité derrière la mort de leurs proches et la justice pour ces derniers. Le 15 septembre 2021, 140 ONG locales et internationales se sont mobilisées pour demander à l'ONU de lancer une enquête internationale vu que le parlement libanais refuse de lever l'immunité des ex-ministres342. Mireille Khoury, la maman d'une victime de l'explosion du port ayant 15 ans, nous a rappelé de plusieurs mamans des victimes de la guerre civile libanaise à travers ses mots : « Cela fait vraiment très mal d'être ici et de devoir mendier la justice. Au lieu d'être avec mes proches dans ma maison à faire mon deuil en paix, je dois supplier les ministres et députés de ne pas faire obstacle à l'enquête. »343

344

Figure 2: «Samia Eido Dohan takes part in a road block with a photo of her husband, Mohamed Nour Doughan, who was killed in the Beirut blast». Source: Mehdi Chebil.

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339 LIBNANEWS, « Les parents des victimes de l'explosion du port de Beyrouth reppellent que l'immunité des parlementaires est levée », Libnanews, 04 Janvier 2022. [en ligne] : Les parents des victimes de l'explosion du port de Beyrouth rappellent que l'immunité des parlementaires est levée | Newsdesk Libnanews.

340 HOUSSARI N., « Les familles des victimes de l'explosion de Beyrouth manifestent devant le palais de Justice », ArabNews, 18 Janvier 2022. [en ligne] : Les familles des victimes de l'explosion de Beyrouth manifestent devant le palais de Justice | Arabnews fr.

341 GIBON C., « Deux ans après, l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth piétine », op.cit.

342 TOUSSAY J., « l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth suspendue, colère des familles des victimes », HuffPost, 27 Septembre 2021. [en ligne] : L'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth suspendue, colère des familles des victimes ( huffingtonpost.fr).

343 GIBON C., « Deux ans après, l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth piétine », op.cit.

344 CHEBIL M., « Two months after Beirut Blast, families accuse govt of `killing the dead a second time'», France24, 05 Octobre 2020. [en ligne]: Two months after Beirut blast, families accuse govt of `killing the dead a second time' ( france24.com).

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Le nombre des opposants aux chefs politico-confessionnels et à leur système s'est augmenté suite aux répressions des manifestations du 17 octobre 2019345 (par l'armée et les forces de sécurité libanaises), à la non-réaction de la classe politique suivant la double explosion du port de Beyrouth, à la promotion de l'impunité et au recours à la violence346 face aux familles des victimes du 4 août (figures 3 et 4) de la part de la classe politique. Les résidents libanais comme la diaspora libanaise attendaient les résultats des élections législatives de 2022 pour voir le vrai impact du renforcement de la société civile au niveau populaire (C.).

Figures 3-4 : Moments d'arrestation de William Noun, le frère d'une des victimes de la double explosion du port de Beyrouth Joe Noun, durant sa participation aux manifestations devant la maison du Premier ministre Najib Mikati en août 2021.

Source : Nabilismail.photojournalist (Instagram).

C. Les élections législatives de 2022

« C'est facile, si on prend les noms de famille de la classe politique actuelle, la moitié est là depuis l'indépendance du Liban, soit 1943. L'autre moitié est là depuis la fin de la guerre civile, soit 1990 »347, « le Liban mérite mieux que cette politique héréditaire, où le fils du chef est un chef, le fils du politicien est un politicien ». Paroles de Wadih Al-Asmar, un travailleur pour la première coalition électorale au niveau nationale de la société civile libanaise « Koulouna Watani » qui a proposé des listes dans toutes les circonscription électorales libanaises de 2018.

Le travail de la société civile libanaise n'est pas limité à influencer le peuple libanais victime d'une socialisation politique confessionnelle à travers des campagnes sur les réseaux sociaux, des travaux académiques et des évènements publics et privés contre le système clientéliste corrompu. Mais aussi, la société civile a comme but de traduire cet influence politico-sociale dans la vie politique à travers les élections législatives libanaises qui forment un moyen pour le peuple de s'exprimer et de choisir ses représentants, c'est à travers ce

345 AMNESTY INTERNATIONAL, «Liban. Il faut une enquête sur le recours à la force excessive, notamment sur l'usage de balles réelles pour disperser les manifestations », Amnesty International, 1 Novembre 2019. [en ligne] : Liban. Il faut une enquête sur le recours à la force excessvive, notamment sur l'usage de balles réelles pour disperser les manifestations ( amnesty.org).

346 HENNEQUIN L., « Premières législatives en neuf ans au Liban, la société civile tente de faire entendre sa voix », Huffpost, 06 Mai 2018. [en ligne] : Premières législatives en neuf ans au Liban, la société civile tente de faire entendre sa voix ( huffingtonpost.fr).

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processus que le vrai progrès des OSC libanaises apparaisse et s'évalue. Suite aux quatre dernières années de manifestations et de montée de l'influence de la société civile Libanaise, tous les regards locaux et internationaux étaient dirigés vers les élections législatives de 2022, pour voir officiellement la puissance de la société civile libanaise.

L'effort de la société civile au niveau électoral a commencé par la lutte pour le changement du système majoritaire en un autre proportionnel348. En effet, le système électoral majoritaire a été remplacé en 2017 par un autre proportionnel et la société civile a joué un rôle important dans l'instauration de cette nouvelle loi, elle a même organisé un « vote symbolique »349 comme moyen de forcing pour une loi axée sur la proportionnelle. En 2010, le politiste libanais Abdo Saad s'est exprimé sur l'ancien système électoral majoritaire en considérant que « C'est une véritable hérésie que de continuer à s'accrocher à un système aussi désuet, qui ne fait que perpétuer le confessionnalisme exacerbé, en consacrant le monopole du pouvoir par les leaders communautaires »350. Suite à la loi électorale de 2017, le premier scrutin proportionnel libanais a eu lieu le 6 mai 2018 et pour la première fois, la diaspora libanaise a pu voter, ce qui a augmenté les chances pour la société civile libanaise de gagner des sièges parlementaires. Les résultats de ces élections ont introduit, pour la première fois, un visage de la société civile au sein du Parlement libanais avec la députée Paula Yacoubian. Outre la coalition « Koulouna Watani » et le succès de la société civile à avoir un siège au parlement libanais, la société civile a même, à travers des ONG, réussit à veiller sur la neutralité de l'Etat lors des élections de 2018 et à défendre la démocratie. C'est par exemple le cas de l'ONG « LADE » qui a déployé 1200 bénévoles observateurs sur le long du territoire libanais le jours des élections351.

Entre les élections législatives de 2018 et celles de 2022, la situation au Liban n'a fait qu'empirer au niveau économique, social et politique, ce qui a renforcé la société civile encore plus et a augmenté ses chances de réussite dans les prochaines élections législatives. Si avant 2019 la priorité d'une partie du peuple était de demander une justice post-guerre civile et l'arrêt du clientélisme et de la corruption, avec la mal-gestion des flux de réfugiés syriens352, la double explosion du port de Beyrouth et l'évolution de la crise économique (Manifestations, Covid-19, explosion), la totalité du peuple aujourd'hui se trouve affectée financièrement et psychologiquement et demande une vie digne. Ce n'est plus un cri contre une classe politique

348 Voir annexe 3 pour plus de détails sur « L'évolution des processus électoraux au Liban et ses effets sur la démocratie représentative depuis la fin de la guerre civile libanaise jusqu'aux préparations de l'élection législative de 2022 ». HADDAD N., papier de recherche rendu à Madame Miléna Dieckhoff en matière « Démocratie et Processus électoraux », 23 Novembre 2021., 1er semestre de M2RI.

349 ABI AKL Y., « Faute de nouvelle loi électorale, la société civile organise un « vote symbolique », L'Orient-Le Jour, 22 Mai 2017. [en ligne] : Faute de nouvelle loi électorale, la société civile organise un « vote symbolique » - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

350 JALKH J., « Abdo Saad :« le système majoritaire plurinominal est une véritable hérésie » », L'Orient-Le Jour, 16 Avril 2010. [en ligne] : Abdo Saad : « Le système majoritaire plurinominal est une véritable hérésie » - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

351 DAOU M., « Législatives au Liban : le combat d'une ONG pour défendre une démocratie malmenée », France24, 05 Mai 2018. [en ligne] : Législatives au Liban : le combat d'une ONG pour défendre une démocratie malmenée ( france24.com).

352 Depuis 2011 jusqu'aujourd'hui, 1.5 million de déplacés syriens sont venus sur le territoire libanais. RUCH N., « La situation des réfugiés syriens au Liban », Les Clés du Moyen-Orient, 21 Janvier 2021. [en ligne] : La situation des réfugiés syriens au Liban ( lesclesdumoyenorient.com).

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corrompue, c'est plutôt un cri de faim et de froid. Cela a été exprimé par la spécialiste May Hazaz ; « Ici on manque de tout, on préserve l'essence pour les déplacements urgents. Les pénuries qui se font chaque jour plus inquiétantes pourraient me désespérer mais j'ai connu 17 années de guerre civile, j'ai vu les bombes exploser devant moi. Je sais que ma vie ne m'appartient pas. Je prie, je suis en paix pour moi-même mais j'ai peur pour l'avenir du Liban » 353. Dans ces paroles nous pouvons remarquer que même la crise socioéconomique d'aujourd'hui rappelle les libanais de la guerre civile libanaise, d'où la complexité de l'état du citoyen libanais actuellement (exaspération et la révolte sont plus grandes). Ce dernier n'est pas réconcilié après la guerre civile, il ne se sent pas en sécurité chez lui (peur de l'autre libanais) et il est pauvre et désespéré face à une classe politique responsable de son état. Comme conséquence, beaucoup de libanais surtout jeunes ont quitté le Liban ces dernières années, précisément entre le début de la révolution libanaise en 2019 et décembre 2021, 1 million de libanais (1/6 de la population) ont quitté le Liban354, majoritairement des étudiants et des cadres supérieurs (médecins, infirmiers, ingénieurs, enseignants). Il existe même des citoyens qui risquent leurs vies dans la mer pour s'échapper de la situation désastreuse au Liban, cela a causé la mort de plusieurs355 qui ont préféré le « voyage de la mort » sur la vie au Liban. C'est ce que Khaled Daaboul, un Libanais de Tripoli a confirmé : « Enfant, nous étions pauvres, mais nous n'avions jamais ressenti la nécessité de risquer nos vies en quête d'une vie meilleure. En 2020, risquer ma vie et celles de ma femme et de nos enfants est devenu inévitable pour vivre pas seulement pour avoir une vie meilleur »356. Suite à tout cela, les regards étaient tournés vers les élections législatives de 2022 pour voir comment le peuple déprimé va s'exprimé face à un pouvoir déprimant en place depuis 32 ans.

Comme chaque élection législative, quelques mois avant le dimanche électoral, les campagnes électoraux au Liban commencent. Sauf que cette fois-ci (2022), les campagnes n'étaient pas limitées à la médiatisation et les propagandes des simples visages et paroles des candidats, mais la situation socio-économique a été utilisée par tous les camps pour influencer le peuple. De la part de la société civile, des sujets sensibles résultants des 4 dernières années ont été utilisées pour motiver le peuple à changer la situation à travers le changement des dirigeants (affiches et vidéos visant les émigrés libanais et leurs familles, les proches des victimes de l'explosion du 4 août, le peuple libanais qui n'a plus accès à son compte bancaire, la pauvreté de familles libanaises, etc.). Même des campagnes sur les réseaux sociaux ont touché la diaspora libanaise avant les jours de leurs élections (6-8 mai 2022). Face à la société civile, les partis traditionnels ont utilisé leur arme traditionnelle :l'appuie sur la socialisation politique confessionnelle libanaise au niveau psychologique (Partie III, C., (4)) et au niveau socio-économique (Partie III, C., (5)). Malgré la situation socio-économique tragique au Liban,

353 FAYN M.G., « Liban #1 : le pouvoir d'agir de la société civile contre l'effondrement », Selfpower Community, Entretien avec May Hazaz, 01 Septembre 2021. [en ligne] : Liban #1 : le pouvoir d'agir de la société civile contre l'effondrement - Selfpower community ( selfpower-community.com).

354 FRANK S., « Les Libanais très nombreux à vouloir quitter leur pays », RFI, 03 décembre 2021. [en ligne] : Les Libanais très nombreux à vouloir quitter leur pays | SACER ( sacer-infos.com).

355 AFP, « Naufrage au large au Liban : au moins six migrants sont morts noyés », AFP, 24 Avril 2022. [en ligne] : Naufrage au large du Liban : au moins six migrants sont morts noyés ( msn.com).

356 CHAMSEDDINE A., « « le voyage de la mort » : des Libanais risquent leur vie en Méditerranée pour échapper à l'enfer sur terre », Middle East Eye, 22 Septembre 2020. [en ligne] : « Le voyage de la mort » : des Libanais risquent leur vie en Méditerranée pour échapper à l'enfer sur terre | Middle East Eye édition française.

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les traditions de « tirage de nerfs confessionnels» et de clientélisme économique par les chefs politico-confessionnels ont affecté la majorité des électeurs. Une jeune qui a voté pour la société civile a confirmé que beaucoup de ses connaissances faisaient partie des manifestations contre le pouvoir ces 4 dernières années, mais au final ils ont revoté pour les chefs de leurs confessions : « les propagandes confessionnelles des chefs politiques ont sans doute affecté beaucoup de libanais qui étaient pour la révolution libanaise, moi personnellement je connais beaucoup de gens qui étaient présents avec moi dans les rues de la révolution mais qui au final ont voté pour les forces libanaises sous le motif de ne pas perdre leurs voix, mais moi personnellement ça ne m'a pas trop affecté, au début je voulais instinctivement voter pour les FL, mais maintenant je suis de nouveau pro-société civile »357. Tandis que Rabih, un activiste de la société civile, a commenté sur le sujet de la stratégie des partis traditionnels par ce qui suit: « je trouve que personne n'est en danger au Liban , en tant que peuple nous vivons ensemble, c'est juste avant les élections législatives suite aux discours de tirage de nerfs confessionnels que les tensions commencent, nos régions sont mixtes et il existe beaucoup d'Islam mariés à des Chrétiens et vis-versa. Si nous continuons à réfléchir confessionnellement nous n'aurons jamais un Etat »358.

Pour la première fois au Liban, et malgré la multiplicité de nombre de listes de la société civile dans chaque circonscription359, 16 candidats indépendants ont pu gagner des sièges au sein du parlement libanais. Ces candidats pourront jouer le rôle d'arbitraire entre deux grands camps traditionnels (Couple chiite/CPL et alliés, FL et alliés) et pourrons porter la voix de la société civile libanaise même s'ils ne forment pas une majorité parlementaire ou bien l'1/3 bloquant. Il est très important de prendre en compte l'effet de la forte abstention des résidents libanais sur les résultats des élections. En effet, le taux de participation des résidents était 41%360 (en baisse de 6 points par rapport à 2018) ce qui a desservi les listes de la société civile qui est elle-même divisée en plusieurs courants. Une partie des abstenues n'a pas voté parce qu'elle ne croyait pas qu'une société civile aussi divisée pourra faire grand-chose dans un pays aussi corrompu. Nous pouvons prendre l'exemple de Georgio Ajamian, un jeune libanais au début de ses trentaines qui a refusé d'aller voter parce qu'il a perdu l'espoir dans le changement du Liban. Pour lui les décisions politiques sont toutes prises en privé selon les intérêts des Etats tiers et des partis politiques libanais, alors les élections ne sont que des formalités, elles ne servent à rien parce que les décisions sont externes. Quand nous l'avons demandé pourquoi il n'a pas voté, Georgio a ajouté que « la société civile est extrêmement divisée au Liban, à Zahlé par exemple, quatre listes de la société civile se sont présentées, ce qui signifie qu'il n'y a pas une vraie société civile au Liban mais chacun fait ce qu'il veut sous le nom de société civile. Cela disperse les voix et ne sert à rien »361, « Nous faisons rien pour le Liban, nous croyons

357 Interrogations du dimanche électoral, « Jeune fille de la société civile», 15 Mai 2022, Zahlé, 00 :00 :55. [en ligne]: https://drive.google.com/file/d/1EQeQ9L90Ug5NZ-xKrrzMbX9AtMCo-H7A/view?usp=sharing.

358 Interrogations du dimanche électoral, « Rabih Sassine- Société civile», 15 Mai 2022, Zahlé, 00 :01 :39. [en ligne]: https://drive.google.com/file/d/1EaHfqxO0fzNdLPz_BZlYWVVq4fENXjjL/view?usp=sharing.

359 Par exemple, dans la Circonscription Bekaa I, 8 listes se sont présentées dont 3 de la part des partis traditionnels et 5 de la société civile.

360 KHALIFEH P., « Elections législatives au Liban : 41% de participation, le comptage est en cours », RFI, 16 Mai 2022. [en ligne] : Élections législatives au Liban: 41% de participation, le comptage est en cours ( rfi.fr).

361 Interrogations du dimanche électoral, « Georgio Ajamian, abstenu de voter», 15 Mai 2022, Zahlé, 00 :01 :47. [en ligne]: https://drive.google.com/file/d/1ECxPgdNIHqAlzNQF0ZMdtNJf9wGMOnro/view?usp=sharing.

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toujours que le chef politico-confessionnel peut nous aider tandis qu'il ne fait rien lui non-plus»362. Concernant la diaspora libanaise, trois fois plus d'expatriés libanais se sont inscrit sur les listes électorales de 2022 que celles de 2018363 et le taux de participation à l'étranger était 60% dont une grande partie n'était pas affecté par les « tirages de nerfs confessionnels » des dirigeants.

L'évolution de la société civile libanaise n'est pas uniquement exprimée au niveau national parlementaire par la victoire de 16 candidats indépendants, mais aussi à un niveau plus restreint, comme par exemple le niveau syndical à travers l'arrivée de plusieurs candidats indépendants à la présidence des Ordres de Beyrouth, comme Melhem Khalaf élu bâtonnier de l'Ordre des avocats et Aref Yassine élu bâtonnier de l'Ordre des ingénieurs, ou bien au niveau des élections estudiantines dans les universités libanaises. Sur ce sujet, Dr. Ziad Abdel Samad a confirmé que les partis politiques «ont perdu la confiance des étudiants »364. Tandis que Dr. Talal Nizameddin a expliqué ce changement par le fait qu'« Il y'a un changement majeur dans la mentalité des étudiants et les problèmes qu'ils jugent urgents ne sont plus les mêmes. Ils ont une rancoeur contre le système qui gouverne leur pays »365.

II. Le renforcement de la société civile : une échappatoire du cercle

vicieux bloquant la réconciliation nationale Libanaise

Face à une société coincée dans un cercle vicieux tournant depuis plus que 3 décennies, la seule solution pour en sortir réside dans la volonté du peuple de changer cette situation. Le système communautaire libanais repose sur une base populaire victime d'une socialisation politique confessionnelle renforcée par le manque de réconciliation post guerre civile. Si cette base populaire tourne contre les dirigeants situés au coeur du système politique, alors le système communautaire perd sa pierre angulaire sur laquelle il se repose et trouve sa légitimité. Les ex-chefs de milices de la guerre civile devenus les dirigeants du pays à travers le Taëf et la loi d'Amnistie sont au courant de l'importance du support populaire pour rester au pouvoir, d'où le renforcement de la socialisation politique confessionnelle pour éviter la réconciliation entre le peuple qui va tourner contre eux le jour où cette réconciliation aura lieu.

Avec la chute libre socioéconomique des dernières années, le peuple libanais retrouve son identité libanaise sur la base d'une souffrance commune entre toute les confessions. En d'autres termes, malgré la tragédie de la situation socioéconomique actuelle, elle a rapproché les citoyens qui souffrent ensemble. En effet, depuis 2019 jusqu'aujourd'hui, le Libanais se rend compte de plus en plus que le peuple de sa confession n'est pas le seul faisant partie du drame, c'est une crise au niveau national. Le Maronite tout comme le Chiite et le Druze est en difficultés financières et n'arrive pas à acheter les produits en pénuries. Durant ces dernières années, les libanais ont partagé non uniquement les difficultés de la situation économique et sociale mais aussi des sentiments de deuil pour les victimes des manifestations de 2019 et de

362Ibid., 00 :01 :37.

363 BRAIDY N., HIJAZI S., « Cartographie du vote de la diaspora libanaise », L'Orient Le Jour, 21 Novembre 2021. [en ligne] : Cartographie du vote de la diaspora libanaise - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

364 HOUSSARI N., « Les indépendants remportent les élections universitaires libanaises », Arabnews, 16 Novembre 2020. [en ligne] : Les indépendants remportent les élections universitaires libanaises | Arabnews fr.

365 Ibid.

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la double explosion du port, des sentiments de fatigue et de déception contre les dirigeants politiques et même des sentiments de détresse. Il est vrai que la vraie réconciliation nationale doit émaner du pouvoir pour être la plus efficace au niveau juridique, social et politique, mais ne pouvons-nous pas considérer le chagrin commun entre les Libanais comme un début d'une réconciliation nationale ?.

« Notre détresse est la même, que le disparu se prénomme Georges ou Ali, Mohammad ou Joseph »366. Ces paroles d'une femme libanaise dont le père a été enlevé durant la guerre civile montre que le peuple libanais a toujours été uni sur les sujets sensibles et douloureux. Les disparitions et les crimes de genre durant la guerre civile ont touché des individus de toutes les confessions sans exceptions, pareil pour l'explosion du port de Beyrouth. Les OSC des parents et proches de ces victimes ne sont pas divisées en confessions, mais elles sont mixtes sans même s'informer sur la confession de chaque membre. Aujourd'hui, la crise socioéconomique flagrante dans laquelle passe le pays rend tout le peuple victime et par la suite de plus en plus uni, d'où le renforcement de la société civile libanaise. Cette dernière travaille sur l'idée de montrer aux libanais qu'ils sont tous dans la même détresse socio-économique et cela à cause des dirigeants politico-confessionnels. D'après la Banque Mondiale367 les dirigeants libanais n'arrivent pas à sortir de la crise économique mais ils l'alimentent encore plus, alors le Libanais perd de plus en plus de confiance en son chef politico-confessionnel, d'une part parce qu'il observe que ce dernier n'arrive pas à régler la situation et d'autre part parce que la société civile le guide à se rendre compte de cela à travers des campagnes de sensibilisation (émissions télévisées, podcasts, films, événements, conférences, rapports, publications, musique, dessins, etc.)

« En tant que société civile, je rêve d'un Liban sans drapeaux politico-confessionnels, je rêve d'un seul et unique drapeau libanais au-dessus des têtes des libanais »368, ce rêve de l'activiste de la société civile Rabih Sassine vise directement la fin de la socialisation politique confessionnelle et l'instauration de la seule socialisation politique nationale. Mais ce projet nécessite une réconciliation nationale pour instaurer des directives claires de la socialisation politique nationale au niveau éducatif, juridique et social. Effectivement, chaque libanais qui s'oppose à son dirigeant politico-confessionnel traditionnel prend un pas en avant vers une réconciliation nationale et cela pour plusieurs raisons. D'abord au niveau social, il s'oppose aux habitus (Bourdieu) traditionnels de sa socialisation politique confessionnelle en les transformant en des habitus d'une socialisation politique nationale, ce qui appauvri la socialisation politique confessionnelle au profit de l'autre nationale et cela va influencer son entourage et surtout le « fond de carte » (Percheron) de ses enfants. Ensuite, au niveau décisionnel et politique, il s'oppose à ses dirigeants politico-confessionnels, signifiant qu'il va voter aux candidats indépendants de la société civile durant les élections législatives, ce qui va

366 G.D, S.A.S., « Les familles des disparus appellent à l'application de la loi 105 », L'Orient-Le Jour, 30 Août 2019. [en ligne] : Les familles des disparus appellent à l'application de la loi 105 - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

367 BOHINEUST A., « Les dirigeants du Liban alimentent son naufrage économique », Le Figaro, 01 Juin 2021. [en ligne] : Les dirigeants du Liban alimentent son naufrage économique ( lefigaro.fr).

368 Interrogations du dimanche électoral, « Rabih Sassine- Société civile», 15 Mai 2022, Zahlé, 00 :02 :24. [en ligne]: https://drive.google.com/file/d/1EaHfqxO0fzNdLPz_BZlYWVVq4fENXjjL/view?usp=sharing.

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donner plus de pouvoir aux opposants à la classe politique traditionnelle pour prendre des décisions étatiques. A travers ces décisions, une vraie réconciliation nationale peut avoir lieux avec toutes ses formes théoriques (Partie IV, A.) sans qu'elle soit freinée par un cercle vicieux (Partie IV,B.).

En d'autres termes, face aux crises actuelles et à l'évolution progressive de la société civile libanaise, deux travaux se font en parallèle qui peuvent briser le cercle vicieux bloquant toute initiative de réconciliation nationale, d'une part la socialisation politique confessionnelle se remplace par une autre nationale à travers l'influence que transmet chaque citoyen opposé au système communautaire clientéliste dans son entourage, et d'une autre part le vote pour les candidats indépendants qui, suite à chaque scrutin, va de plus en plus affaiblir le pouvoir décisionnel des chefs politiques traditionnels vers une vraie réconciliation nationale institutionnalisée (en parallèle aux petites initiatives faites par les OSC).

« Lorsque j'étais enfant, les balles et les mortiers tuaient en une fraction de seconde. Aujourd'hui, en temps de paix, on meurt plusieurs fois par jour ». Cette douleur de Khaled Daaboul nous mène à comprendre qu'aujourd'hui les chefs politico-confessionnels sont plus que jamais en danger de perdre leurs places. En 2018, la souffrance n'était pas aussi flagrante qu'aujourd'hui, alors un seul candidat hors le système a pu gagner aux élections législatives. Tandis qu'en 2022 la situation est plus difficile, malgré la division et la fragilité de la société civile libanaise face aux partis traditionnels, 16 candidats indépendants ont pu avoir des sièges au sein du Parlement libanais. Concernant les élections prochaines, plusieurs hypothèses différentes peuvent avoir lieu. En étant optimistes, nous pouvons considérer qu'avec les efforts de développement de la société civile vers une meilleure plus unie, accompagnés par ses campagnes d'influence et la dégradation de la situation sociale, plus d'indépendants vont occuper des sièges au sein du Parlement libanais. Tandis que si nous adoptons une position pessimiste, nous pouvons considérer qu'une société civile autant dispersée, mal organisée et jeune (comparée aux partis politiques traditionnels) ne pourra pas avancer dans les conditions contraignantes de clientélisme et de communautarisme dans lesquelles se trouve le Liban.

Cette sortie du cercle vicieux libanais n'est pas sûre et est extrêmement conditionnée. Au niveau temporel le changement a besoin de plusieurs scrutins législatives si la société civile arrive plus à s'organiser et à s'unifier face aux partis politico-confessionnels maitrisant les modalités de fonctionnement de la vie politique libanaise, et si elle continue à influencer le peuple correctement sans être affectée et fragilisée par les tentatives des partis politico-confessionnels de l'affaiblir. Georgio Ajamian a confirmé que la société civile libanaise doit impressionner les libanais pour qu'ils ne s'abstiennent pas de voter lors des élections à venir : « Si un nombre de représentants de la société civile arrive au parlement, cela ne signifie pas que c'est le début du changement au Liban. Le début du changement commence quand ces députés prouvent qu'ils sont sur le bon chemin. Une fois cela est fait, je vote en 2026. « they need to impress us »»369.

369 Interrogations du dimanche électoral, « Georgio Ajamian, abstenu de voter», 15 Mai 2022, Zahlé, 00 :07:09. [en ligne]: https://drive.google.com/file/d/1ECxPgdNIHqAlzNQF0ZMdtNJf9wGMOnro/view?usp=sharing.

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Vidéo en ligne :

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SALAME G., « Chaos au Liban: l'analyse de Ghassan Salamé », Figaro Live, 07 Février 2022, [en ligne] : Chaos au Liban: l'analyse de Ghassan Salamé ( lefigaro.fr)

Film :

ARACTINGI P. (réalisateur), 2006, Sous Les Bombes, CAPA cinéma

DOUEIRI Z. (réalisateur), 2017, L'insulte, Tessalit Productions, Ezkiel Film Production, Rouge International

DOUEIRI Z. (réalisateur), West Beirut, 1998, 3B productions

LABAKI N. (réalisatrice), Et Maintenant On Va Où?, 2011, Les Films des Tournelles

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Interviews faites au Liban :

Professeur Charbel Nahas : Etait ministre des télécommunications en 2009 et ministre du travail en 2011. Fondateur du mouvement gauche Citoyens et citoyennes dans un Etat qui a participé aux manifestations de 2019. Il est aussi professeur à l'Université Libanaise et a un doctorat en anthropologie sociale.

Charbel Nahas - Wikipedia

Le 06/06/2022, Achrafieh à 08h30.

1. Le Liban est-il en état de paix ou bien de guerre ?

4 Le Liban aujourd'hui est en état de paix. Mais dans la situation actuelle, la probabilité d'un déclanchement d'une guerre civile est beaucoup plus élevée que celle des années 70.

2. Après 32 ans, qu'en pensez-vous de la réconciliation au Liban ?

4 La réconciliation n'est pas une obligation ni quelque chose de naturelle. Ce n'est pas faux de ne pas avoir une réconciliation

4 La réconciliation concerne uniquement le niveau politique et si nous regardons aujourd'hui les responsables, nous remarquons qu'ils se sont réconciliés entre eux. Chaque parti politique considère le pays comme parfait. La définition de la réconciliation est le fait d'organiser une nouvelle situation politique ( Tartib Wade3 Siyasi Jadid)

4 Le Taëf n'est qu'une formalité. C'est un arrangement formel fait pas

des Etats externes pour mettre en place une équipe existante jusqu'à nos jours. « Organisation externe des chefs apparents ». Le Taëf a mis 10 ans d'organisation consolatoire (tartib tafawoudi), de 1983 jusqu'à 1992 (Genève, Laurraine etc.) avec des blocages de partis politiques comme le courant national libre. Effectivement en 1992, l'équipe a été créée et non pas le Taëf.

4 La guerre civile libanaise n'est pas fini par un vainqueur direct, mais les arrangements qui ont eu lieu postérieurement (al Sin Sin) et autres sont le résultat des travaux de l'Arabie Saoudite et de la Syrie (Etats-tiers).

3. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs de milices en des Hommes d'Etat

4 Les chefs des milices du début de la GC ne sont pas les même de la fin de la guerre. Au début de la guerre civile on ne connait pas les responsables politiques actuels. Ce n'est qu'avec le temps qu'il se sont apparus. Exemple : au début on avait Kamal Jomblat et Pierre Gemayel tandis qu'à la fin Walid Jomblat et Bachir Gemayel.

4. Concernant le peuple, la réconciliation ne le concerne pas ?

4 La guerre civile libanaise est devenue un mode de vie. Les partis s'organisaient entre eux pour savoir quand est-ce qu'on attaquait ou pas. Evidemment il y'avait tout le temps des explosions de voitures et d'enlèvements . Mais le peuple menait une vie quasi-normale. On travaillait dans la journée et tuait les adversaires dans la nuit .

4 Dr. Nahas a insisté que les partis de la guerre entre eux n'étaient pas d'accord et n'étaient pas organisés. C'était le bordel total.

4 Dr Nahas a dessiné une image globale pour bien comprendre la situation sociale durant la guerre :

I. La guerre a duré 15 ans avec un financement externe continu

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

II. Au bout de 15 ans, les gens ont vraiment marre. Ils veulent juste que la guerre finisse en acceptant n'importe quoi pour finir les voitures explosives et les kidnappes.

III. Concernant la mémoire, il existe deux types :

A. La mémoire individuelle (makmou3a), opprimée. Dont les gens ne sont pas fières

B. La mémoire collective ou selon prof. Nahas « institutionnelle ». C'est au pouvoir de la créer et ça dépend de la formation du pouvoir (actualités + Mythes)

5. Pourquoi le pouvoir aujourd'hui n'est-il pas proche selon vous de faire un travail de mémoire pour avoir une mémoire collective commune et une histoire regroupant tous les points de vues ? 4 íáAáÇ ãáÓáÇ + ÉíÞÇËíã

4 Après la guerre civile il y'a eu une scarification du concept de la paix civile et de l'accord entre tous. Dans tous les discours on entend ces expressions sans autant les avoir. Ce sont des légitimités considérées comme une priorité sur l'Etat. « Char3iyat Ka2ima Kabl Al Dawla ». tant que ça rentre dans les intérêts des partis politiques ces slogans sont sacrés. Quand ce n'est pas le cas, il existe un droit coutumier à l'opposition. Un droit au Veto.

4 Selon Prof. Nahas, la légitimité politique libanaise existe à l'extérieure de l'Etat libanais. (suite à la guerre civile c'était la volonté des syriens).

4 L'histoire pour prof Nahas est la réflexion de tout ce qui se passe. Déjà chaque communauté enseigne son histoire chez elle.

4 Concernant le pouvoir, la réconciliation est déjà faite. La coutume des élections au sein du parlement même prouve cela. Le droit au Veto prouve cela aussi. La coutume est plus importante que la constitution au sein du pvr.

4 Toutes les négociations sont bloquées parce que le droit au veto existe (7ak Al Naked). Quand les négociations sont bloquées, les décisions sont au final prises par 6 ou 7 députés.

4 Blocage -> la capacité exécutive diminue -> la légitimité du pouvoir diminue

4 Aujourd'hui on n'est ni en guerre ni capable de rendre des décisions. On est en crise à cause de tout cela

6. Qu'en pensez-vous du pouvoir de la Société Civile aujourd'hui au Liban ?

4 Les plus fortes organisations de la société civile aujourd'hui sont les confessions.

4 On a besoin d'un Etat Actif. On a besoin de la légitimité d'un pouvoir civil et non pas de la

société civile.

íäÏãáÇ ÚãÊÌãáÇ Óíáæ ÉíäÏãáÇ ÉØáÓáÇ ÉíÚÑÔ

Cela se fait par la coopération avec les confessions

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Docteur Fayez Mohamed Araji : Professeur à l'Université Libanaise depuis 2013 et à l'Université Américaine de Beyrouth (AUB) de 2010 jusqu'à 2020. Il est politiquement actif d'extrême gauche.

Lien de l'entretien :

https://drive.google.com/file/d/1D57da5PNK0N8XZkCQWsl7NrETHp1WqVR/view?usp=sharing.

Le 23/05/2022, Zahlé à 15h00

1. Le Liban est-il en guerre ou bien en paix ?

4 Le Liban n'a jamais été en paix depuis sa naissance. Mais il

n'est quand même pas en guerre. On est en trêve « ÉäÏA ».

4 Selon Dr. Araji, depuis la naissance du Liban en 1920
jusqu'aujourd'hui, c'est la majorité confessionnelle qui gère le pays. Il existe toujours une domination confessionnelle. Même avant sa création, au mont Liban quand les druzes étaient majoritaires il étaient dominants, après les maronites sont devenus démographiquement majoritaires, surtout après la création du Grand Liban. Aujourd'hui c'est la domination chiite. Le problème réside ici. Le Liban a été créé sur une entité (Kayan) confessionnelle et non pas civile

4 Le problème réside dans la création même du pays. Le Liban a été créé confessionnellement. C'était la France qui a créé le Liban avec une entité maronite (domination chrétienne). La domination n'est pas démographique mais confessionnelle.

4 Il a précisé que la Guerre civile libanaise n'est pas internationale mais purement interne. Elle est causée pour des raison économiques et sociales (en relation avec la démographie). C'est la fragilité de la société qui a causé la guerre civile libanaise.

4 Le Liban n'a pas connu plus que 15 ans de trêve.

2. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs de milices en des Hommes d'Etat ?

4 C'est la même chose depuis 100 ans jusqu'aujourd'hui. Ils sont les mêmes qui font les guerres et gèrent le pays

4 Les participants à la guerre ne sont pas uniquement les milices. Des autres ont participés financièrement et économiquement.

4 Durant la guerre civile ce ne sont pas uniquement les Hommes d'Etat qui ont participé mais aussi les composants du « Deep State ». En effet le pouvoir est dans les mains de l'Etat Profond et non pas de l'Etat effectif apparent et choisi par le peuple.

3. Qui sont les composants du Deep State ?

4 Selon Dr. Araji, la décision effective est menée par les composants de la Deep State : Les Hommes religieux, les Banques, les Hommes de sécurité (Rijal Al Amen), le média.

4 L'Etat profond prend son pouvoir des Etats tiers. Sans support externe le deep state ne tient pas 4 C'est normal dans un pays aussi petit que le Liban d'être trop influencé par des pays tiers.

Surtout par la Syrie un grand pays voisin. Mais le problème au Liban est que l'influence des

pays tiers n'est pas limité à la politique mais affecte les détails socio-économiques.

4. Quelle sont les solutions économiques et sociales ?

4 Depuis la création du Grand Liban nous avons le même système économique. Il est temps de basculer vers un système communiste

4 Nous devons aussi basculer vers une démocratie directe. Le référendum est une solution.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

4 Ce système est un échec total. Nous devons aller vers l'extrême opposé

5. Les minorités sont-elles en danger ?

4 Vu l'entité selon laquelle le pays a été créé (Marouniye siyesiye), la division est faite selon les pourcentages démographiques. Durant l'accord tu Taëf, il y'avait 50% Chrétiens et 50% musulmans au Liban. Alors la division était 50% des députés chrétiens et 50% musulmans. Aujourd'hui la minorité est chrétienne, les musulmans ont le droit de changer la division pour augmenter leur pouvoir représentatif. => lacune dès la création !

4 Le plus grand danger est qu'il y'a quasiment plus de Chrétiens autour du Liban. Ils diminuent énormément. Les Chrétiens au Liban sont vraiment en danger. Les Chrétiens Libanais ont une chance aujourd'hui de ne pas faire les mêmes erreurs des Chrétiens autour. Aujourd'hui les Chrétiens doivent utiliser le droit de Veto pour changer le pouvoir vers un autre civil pour se protéger en tant que minorité.

6. Quelle est la procédure pour protéger les Chrétiens?

4 Faire des projets de lois et aller jusqu'au bout. Ne plus entendre les responsables religieux.

4 Les Chrétiens sont tellement une minorité que sans la collaboration avec les Musulmans ils n'auraient eu aucun député.

7. Les élections législatives ne forment-elles pas une solution à la crise actuelle ?

4 Non. 55% du peuple n'a pas voté.

4 L'éducation politique dans ce cas n'a rien à voir. C'est claire que l'existence chrétienne au

Liban est menacée. Même les gens qui n'ont pas eu une éducation peuvent sentir le danger

4 Il n'est pas demandé que les gens aient une éducation politique

8. Est-ce que la société civile peut changer le pays ?

4 Dr. Araji considère que la société civile au Liban est un bloc hétérogène. Sur beaucoup de questions notamment celui de l'accord avec Israël.

4 Il considère que la Société civile forme plutôt une entité oppositaire et non pas une opposition parce qu'ils ne sont pas d'accord entre eux. Pareil pour les manifestations du 17 Octobre. « åáÊß ÉÖÑÇÚã ÉáÊß Óíáæ ÉíÖÇÑÊÚÅ »

4 Uniquement 10 députés sont vraiment des deep state. exemple Jamil Al Sayyed, Nabih Berri et Walid Jomblat.

9. Où est-ce que la vraie solution commence ?

4 Par l'éducation civique à l'école. On doit apprendre aux enfants que l'histoire libanaise n'est pas uniquement l'histoire du mont Liban.

4 On doit se mettre d'accord sur une histoire commune. La guerre s'est arrêtée parce que le financement s'est arrêté. Des bourses ont été données aux jeunes pour les tirer du terrain et les armes se sont arrêtées d'être fournies. Alors les trois éléments qui forment la guerre n'existent plus.

4 Personne n'a gagné la guerre ce qui est bien! comme ça le vainqueur n'écrit pas uniquement l'histoire

4 La mémoire collective est très importante pour la réconciliation. Au Liban tout le monde est sorti en considérant qu'il n'a pas tort. Le concept de martyre est confessionnel . Nous devons trouver justice, nous devons identifier qui est coupable.

4 Le peuple libanais est un peuple schizophrène. (auteur français)

4 Il existe une cumulation historique cédée aux générations selon la région libanaise. La solution est de parler ! nous avons une société de guerre

4 La réconciliation se fait par 3 étapes : 1. Identifier les raisons de la guerre, 2. Identifier les coupables, 3. Justice et dialogue

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

4 La solution aussi est de recréer des groupes laïques et non pas « civils ».

4 La dernière solution selon Dr. Araji est la démocratie directe, le référendum. Comme ça le peuple sera responsable des décisions.

Mr. Dany Fayad : Assistant du Secrétaire général des affaires provinciales de la Bekaa au sein des Phalanges Libanaises « Kataëb ».

Les Phalanges Libanaises sont un parti politique essentiellement chrétien qui a été fondé par Cheikh Pierre Gemayel, Najib Acouri, Georges Naccache, Charles Hélou, Hamid Frangié et Chafik Nassif en 1936. Il a lutté pour l'indépendance du Liban en 1943, s'est militarisé en 1975, et fait partie du pouvoir d'aujourd'hui sous la direction de son président Cheikh Sami Gemayel.

Lien de l'entretien :

https://drive.google.com/file/d/16nZnYaHLjcFbcHUl9FAAMxeLz28jvWIB/view?usp=sharing.

Le 19/05/2022, Zahlé à 18h00

1. Le Liban est-il en guerre ou bien en paix ?

4 D'un point de vue militaire nous ne sommes pas en guerre.
Mais nous n'avons pas une situation stable. D'un point de vue économique et sociale les facteurs déclencheurs de la guerre sont présents. C'est similaire à la situation des années 1970. Nous sommes en situation de paix apparente et fragile.

2. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs des milices en des Hommes d'Etat ?

4 Les princes de la guerre « Oumaraa Al Hareb » ont mis à part
leurs vêtements de milices et les ont remplacés par des chemises et des

cravates. Ce sont les mêmes qui ont signé le Taëf et la nouvelle constitution du Liban. Même

la distribution des chaises après les dernières élections montre les mêmes visages.

3. Vu que les chefs des milices sont au pouvoir aujourd'hui, alors ils ont été voté par le peuple. Est-ce que le pouvoir libanais représente l'opinion publique ?

4 Ça dépend des communautés. Par exemple pour les Chiites ils étaient obligés de voter pour le couple chiite pour des raisons financières et religieuses (les Fatwas).

4 Chez les Chrétiens il y'a eu plusieurs questions concernant les résultats. On a vu une tricherie dans les additions des nombres de votes.

4. Pensez-vous que la réconciliation est possible entre les anciens ennemies de la guerre après 32 ans de la fin de la guerre civile ?

4 « J'ai peur de dire non ». avant les élections il y'a eu des compromis entre ces différents partis et ont reparti les « portions du fromages » entre les secteurs. Malgré la réussite de quelques délégués de la révolution du 17 Octobre, il y'avait quand même un compromis entre les grands joueurs (Hezbullah, Amal, les Forces Libanaises, le Courant National Libre, le Courant Futur, etc.)

5. Concernant la réconciliation entre le peuple ?

4 Après 32 ans de paix, le temps a dépassé cela. Surtout avec l'existence des mêmes chefs au pouvoir.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

6. Votre parti a participé à la guerre civile et se trouve aujourd'hui au pouvoir, il est même actif politiquement et socialement. En critiquant cette « division du fromage », je n'ai pas pu m'empêcher de demander comment vous critiquez quelque chose dont vous en faites partie ?

4 « nous avons participé à la guerre civile et nous étions les premiers à le faire pour se défendre et non pas pour attaquer. C'est une légitime défense face aux Palestiniens et les Syriens avec des autres nations qui ont essayé de nous jeter à la mer. C'était dit par Kamal Joumblatt « badna nkeb el masihiye bel baher» « ÑÍÈáÇÈ ííÍíÓãáÇ Èßä ÇäÏÈ ».

4 « Nous n'avons attaqué personne, nous ne sommes pas partis en Palestine pour envahir Jérusalem, ni en Syrie pour envahir Damas. Nous étions là, ce sont eux qui sont venus. On a défendu notre terre et en plus c'est notre civilisation et notre mode de vie »

7. Ensuite vous avez transformé cette lutte armée en lutte électorale ?

4 C'est un parti libanais qui a participé et a contribué à mettre des lois et des établissements dans l'Etat. Par exemple la caisse nationale sociale, la loi protégeant les enfants et les femmes etc.

4 Nous ne sommes ni droit ni gauche. Les phalanges sont fait pour rapprocher les points de vues des deux constituants des pays. Avec le temps nous ne sommes transformés en parti politique et social.

4 Nos députés sont élus par le vote des partisans. Nous ne sommes pas sur la même liste que les autres

8. Vous vous considérés comme une partie de la Société civile libanaise ? 4 Il y'a des groupes qui ont notre même langage politique et vision socioéconomique. Comme par exemple la question des armes illégales existantes sur notre territoire.

9. Vous êtes avec la paix avec Israël ?

4 Pour le moment ils sont les ennemies. Pour l'avenir Mr. Fayad est avec la paix

10. Pensez-vous que l'éducation politique existe au Liban ?

4 Non. Dans les écoles du Hezbollah il apprennent les hymnes du Khomeini avant l'hymne du Liban. Nous avons besoin d'une éducation nationale civique avant tout

11. Concernant le traumatisme de la guerre transmis aux jeunes, devons-nous parler de la guerre ou bien oublier ?

4 Nous ne devons pas oublier la guerre ni parler trop de détails. Nous devons dégager des conclusions. L'esprit de la vengeance contre les responsables de la mort des membres de la famille est là. Nous devons savoir que le Liban ne se remettra pas debout si nous ne sommes pas unis

12. Quelle est la procédure pour cette unification ?

4 Une table ronde. Pour discuter la base d'un Etat moderne avec une nouvelle constitution. Nous devons mettre à part les armés, c'est l'égalité qui va être le facteur essentiel d'une phase transitoire du Liban qui souffre maintenant.

4 C'est un cercle vicieux. Les partis selon Mr. Dany ne vont pas mettre à part leurs intérêts.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Mr. Walid Fahd Zeitouny : Général de brigade retraité de l'armée libanaise qui a participé à la guerre civile. Ayant un diplôme d'études approfondies en sociologie politique de l'Université Libanaise, il enseigne la géopolitiques et la géostratégie à l'Université même. Il est membre du Parti Social nationaliste syrien (PSNS) et a occupé plusieurs positions cadres notamment Doyen de la Défense et vice-président.

Le PSNS est un mouvement politique libanais et syrien fondé au Liban par l'intellectuel Antoun Saadé à partir des années 1930. Ce parti crée sa milice et participe à la Guerre civile libanaise et Syrienne. Après la guerre civile libanaise en 1990, ce parti envoi quelques députés au parlement et intègre le gouvernement libanais. Il est considéré comme néofasciste par de nombreux politologues et analystes.

Lien de l'entretien :

https://drive.google.com/file/d/1Bln7ga1OKgiaXjqD n0DIn8TDiQuItU/view?usp=sharing.

Le 20/05/2022, Mreijat à 10h00

1. Le Liban aujourd'hui est en état de guerre ou bien en état de paix ?

4 Le système politique libanais est fondé sur « ÉíÆÇØáÇ åíÞÇæÊáÇ » « le compris confessionnel ». Pratiquement, au premier différend, il y'aura une guerre. Exemple 1943, 1952, 1975 et en 2008 il y'avait un début d'une guerre. La guerre au Liban est quasiment toujours existante

4 Le problème est que toutes les confessions libanaises sont liées à des pays tiers. Et la guerre s'arrête selon les intérêts des partis confessionnels et de leurs supports externes.

4 La laïcité positive est la solution ( la séparation entre l'Etat et la religion). On doit créer un Etat. Le Liban n'est pas un Etat mais une entité. C'est au peuple de créer l'Etat du Liban.

4 L'opposant est considéré comme ennemie. C'est un autre problème

2. Comment la guerre a commencé ?

4 Comme déjà mentionné, nos partis politiques servent les intérêts des autres Etats au Liban. Ghassan Toueini considère que c'est la guerre des autres sur notre terrain, Dr. Zeitouny considère que c'est la guerre des autres et la nôtre sur notre terre. Les libanais aussi ont fait la guerre et y ont participés.

4 Même la question palestinienne et syrienne est une question confessionnelle. La guerre civile a commencé parce que chaque confession ne voulait pas que l'autre augmente démographiquement. Les Chiites ont profité de ce conflit pour se renforcer (Moussa al Sader)

4 Israël est rentrée sur demande de la Résistance libanaise (les partis chrétiens) 4 Après le Taëf, les sunnites sont sortis comme vainqueurs.

3. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs des milices en des Hommes d'Etat ?

4 Les administrations miliciennes sont transformées en administrations étatiques. Pour Mr. Zeitouny il n'existe pas de partis politiques au Liban parce que les partis politiques doivent avoir comme priorité le citoyen et non pas la confession.

4 Nous n'avons pas des Hommes d'Etat mais des Hommes de milices qui sont rémunérés par l'Etat pour la guerre et se comportent au sein de l'Etat toujours comme des miliciens sans exception. « même nous »

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

4. Est-ce que vous trouviez que la réconciliation peut se faire après 32 ans ?

4 Selon Mr. Zeitouny, la vraie question est de savoir si la réconciliation est un résultat ou bien une base.

4 Pour lui le Liban n'a jamais été une nation. A cause des tensions confessionnelles existantes même durant l'occupation ottomane. Pour régler les tensions, les grands Etats ont toujours réglés les problèmes par des solutions plus confessionnelles. Ce qui a mené à un manque de structure sociale

4 Le Liban ne peut avoir une réconciliation à cause du manque de structure sociale dans le pays du à son histoire et interventions externes.

4 Le grand Liban de 1920 est le résultat de Sykes-Picot, c'est le résultat de personnes et non pas d'une nation.

4 La mémoire collective ne peut se faire parce que déjà ça fait longtemps que la guerre est fini. Le langage des gens aujourd'hui est beaucoup plus raciste et sévère qu'avant.

5. Quelle est la solution ?

4 La solution est l'éducation. Les élèves doivent apprendre les valeurs et leur identité effective.

4 Identité ? Il existe 5 lectures concernant l'identité libanaise. (lecture islamique (le Liban fait partie des Etats islamiques), la lecture Arabe proche de la lecture islamique, kira2a kayaniya lecture d'entité (qui ont accepté la division de la France et des anglais), la 5eme lecture est celle du PSNS, définition objective et non pas subjective).

4 La définition de la nation n'est pas acquise au Liban

4 Le changement doit être organisé ! la société civile aujourd'hui n'est pas du tout organisée et ses actions s'opposent à ses idées.

4 Nous devons contrôler le media et unifier les programmes scolaires. Les écoles sont devenues confessionnelles.

6. Devons-nous se souvenir de la guerre ou bien l'oublier ?

4 Nous devons en parler pour le bien de l'Etat, les citoyens doivent eux même détester la guerre et écouter ce qui s'est passé pour éviter de la répéter

7. En tant qu'Ex-combattant est-ce que vous êtes reconcilié avec vous-même et votre entourage ?

4 « quand j'ai combattu j'étais convaincu, jusqu'aujourd'hui je suis convaincu ». j'ai protégé ma ville. Je suis druze et j'ai protégé ma ville maronite de tout coeur. C'est l'éducation civique que mon parti politique m'a appris et dans les écoles nous devons faire apprendre aux élèves d'oublier la socialisation politique de leurs régions.

8. Par quelle initiative devons-nous atteindre la réconciliation ?

4 «al mousala7a bilebnen hiye to7dir la 7arb jdide», « la réconciliation au Liban est la préparation d'une nouvelle guerre ».

Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Mme. Dima Abou Daya : Candidate indépendante pour les élections législatives de 2022. Dima est la première femme chiite qui candidate pour le siège du député chiite représentant la Bekaa en faisant partie d'une liste électorale d'un parti d'extrême droite chrétien (Les Forces Libanaises).

Les Forces Libanaises est un mouvement créé durant la guerre sous forme de milice chrétienne pour unifier les partis combattants contre l'existence palestinienne au Liban. Il a joué un rôle majeur durant la guerre civile. Quand cette dernière fu terminée, ce mouvement s'est transformé en parti politique. Ce mouvement est officiellement laïc mais effectivement sa composition a toujours été majoritairement chrétienne et surtout maronite.

Lien de l'entretien : https://drive.google.com/file/d/15jm8LoDxNV33Vb1CWMl5myrnR--

SyEZK/view?usp=sharing.

Le 23/05/2022, Zahlé à 10h30

1. Pourquoi en tant que Chiite avez-vous candidaté aux élections

législatives dans la liste des Forces Libanaises ex-milice chrétienne de la Guerre civile ?

4 « Le système électoral confessionnel non démocratique au Liban oblige que tu sois dans une liste même si tu es indépendante. Alors j'ai cherché la liste la plus proche de mes pensées et de mon idéologie, et je me suis candidatée comme indépendante sur cette liste »

4 Pour dima, les FL avaient un programme sauveur du Liban dans cette crise actuelle. Dima a trouvé le programme des Forces Libanaises très convenable pour le futur du pays.

4 Nous nous sommes rencontrés avec les FL sur le concept de la souveraineté

2. Le Liban est-il en paix ou bien en guerre ?

4 Nous sommes en blocus économique et en guerre non déclarée. La guerre aujourd'hui est contre l'oppression existante et sur l'opinion publique kidnappée et pour l'identité libanaise perdue

3. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs de milices en des hommes d'Etat aujourd'hui ?

4 Le sujet de la Guerre civile est vraiment sensible pour moi parce que ma famille a été obligée d'immigrer 3 fois. C'est un sujet tellement pénible.

4 Si nous cherchons dans l'histoire nous perdons la géographie du pays. La page de la guerre doit tourner.

4 Les chefs aujourd'hui sont venus comme résultat de la volonté populaire. Si aujourd'hui nous ne sommes pas satisfaits, nous devons savoir exactement de quoi avons-nous besoin et de changer.

4. Pour savoir de quoi nous avons besoin nous devons éduquer le peuple politiquement non ? 4 Dima a répondu qu'elle a deux enfants, le plus petit a commencé à apprendre dans un livre

d'éducation civique. Mais son petit mémorise sans apprendre. Dima trouve que nous devons

changer la façon dont on enseigne cette matière.

4 Dans les universités nous devons avoir des formations de jeunes pour planifier le futur.

4 Dima va créer une NGO pour développer les pensées des jeunes d'une manière souple pour rentrer dans les cerveaux et coeurs des jeunes pour accepter les autres.

9

5. Sans réconciliation peut-on planifier comme vous venez de dire ?

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

4 Ma réconciliation c'est le fait d'avouer que vous avez commis des crimes, comme ça on réouvre des blessures. Nous devons nous mettre d'accord sur le fait que nous sommes tous libanais sans remettre nos enfants dans ces douleurs. Nous avons tous dans nos maisons des photos de martyrs et des personnes cicatrisées comme son papa.

4 « Que devons-nous écrire ? que nous nous sommes entretués pour des raisons confessionnelles ? écrivons les leçons tirées de la Guerre civile sans rentrer dans les détails »

6. Concernant le traumatisme cédé d'une génération à une autre, par la discussion peut-on régler cela ?

4 C'est une culture et une éducation civique. Tout dépend de ce qu'on dise à nos enfants. Il y'a une différence entre le fait de dire à mon enfant « ton grand-père a été tué par les autres » et de dire « au Liban il y'avait une guerre, mais aujourd'hui nous devons créer un Liban qui nous ressemble tous en tant que LIBANAIS »

4 Le système confessionnel a intérêt de garder cette mentalité confessionnelle approfondie pour protéger les partis

4 Pour Dima le Taëf est très bien mais il n'est pas appliqué. Nous devons appliquer la loi.

4 Pour Dima nous devons appliquer le Taëf pour après changer ce système. En d'autres termes nous devons nous mettre tous à pied d'égalité pour surpasser tout cela.

7. En tant que femme libanaise qui révolte contre sa société chiite régionale, avez vu connu beaucoup de harcèlement ? est-ce que tout cela a été une motivation ou bien une démotivation ?

4 J'ai connu toute forme de harcèlement. Sur les médias, j'ai été suivie par des voitures la nuit, ma grande famille m'a reniée, j'ai été menacée plusieurs fois. Mais tout cela m'a motivée encore plus. Evidemment dans des certains temps j'avais peur parce que j'ai des enfants.

4 Mais « quand ton discours est national et non pas confessionnel la mission est difficile, quand ton discours n'appartient à aucun parti politique, la mission est beaucoup plus difficile ».

4 Ma grande famille a déclaré que je ne faisais plus partie de cette famille. c'était la première réaction. Après sur les réseaux sociaux j'ai reçu des messages et j'ai même lu des postes qui montrent qu'une femme ne doit pas gouverner ou guider politiquement. Même les voix préférentielles sont plutôt orientées vers les hommes parce que notre société a plus de confiance en les hommes que les femmes.

4 Même mes enfants à l'école ont connu le harcèlement.

8. Est-ce que vous avez un nouvel espoir après les élections législatives ?

4 J'étais extrêmement satisfaite des résultats. Aujourd'hui au parlement la majorité n'est plus rattachée

9. Parlons de la socialisation politique. Vous venez d'un entourage chiite ?

4 Oui. Malheureusement nous n'avons pas le choix au Liban de choisir. Je suis née dans un entourage chiite mais heureusement mes parents étaient laïques. Ils croyaient en Dieux, mais la religion doit rester dans la maison et non pas à l'extérieur.

10. Quel est votre conseil aux jeunes libanais aujourd'hui face à la pression sociale ? 4 « révoltez et confrontez ».

11. Après le changement, est-ce que les partis politiques qui étaient des milices doivent rester au pouvoir ?

4 Les FL ont lâché leurs armes. Leur leader Samir Geagea s'est excusé et s'est emprisonné.
4 A long terme Hezbollah doit faire pareil. On ne peut pas parler si un des deux tient l'arme.

4 Dima est contre l'annulation ou l'abolition. La démocratie est que tout le monde soit représenté.

Tout le monde doit participé au dialogue et en discuter.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Mr. Alain Mounayer : Elu comme candidat du comité de direction du syndicat des professeurs au secteur privé, trésorier du syndicat représentant les Forces Libanaises, consultant du responsable des Forces Libanaises dans la Bekaa, Monsieur Alain, un enseignant en mathématiques depuis plus que 30 ans à l'école complémentaire et secondaire des Soeurs des Saints-Coeurs Zahlé. Il était bénévole à la Croix Rouge durant la guerre civile tandis que son frère combattait avec les Forces Libanaises. Il a perdu des martyrs de la famille notamment ses deux cousins proches.

Lien de l'entretien :

https://drive.google.com/file/d/1FqeRNEOOl3iPkd9Iom9Xuts277aKduc/view?usp=sharing.

 

Le 27/05/2022, Zahlé à 10h30

1. Le Liban se trouve-t-il en état de paix ou bien de guerre ?

4 Le Liban est en état de guerre. A cause du manque de stabilité

sociale et politique et à cause des armes illégales partout.

2. Qu'en pensez-vous de la transformation des milices de la guerre civile libanaise en des partis politiques ?

4 Il fallait avoir des reformes avant cette transformation. On ne
peut pas les laisser en dehors de la vie politique. La lacune réside dans la façon dont ces milices ont été intégrées. Ils ont envahi les institutions étatiques et l'ont transformées pour servir leurs propres

intérêts miliciennes.

 

3. Les Forces Libanaises, dont vous êtes responsable, était une milice durant la Guerre Civile. Ne pensez-vous pas qu'ils font partie de ces milices qui ont transformé les institutions étatiques pour servir leurs intérêts ?

4 Non au contraire, les Forces Libanaises n'en font pas partie de ces partis qui ont corrompu les institutions étatiques. La preuve réside dans le fait que nous étions persécutés pour 15 ans jusqu'en 2005 (thawrat al arez), la Révolution des Cèdres.

4 Peut-être que si on a pu intégrer les institutions juste après la guerre comme les autres milices, on aurait pu le faire d'une autre façon non corrompue.

4. Ces partis politiques gagnent chaque 4 ans, ce qui montre que c'est la volonté du peuple non ?

4 La loi électorale n'est pas totalement démocratique mais beaucoup mieux que la loi d'avant (Kanoun Al 60) où les responsables des milices pouvaient faire gagner qui ils voulaient. C'est la minorité chrétienne qui était le plus en danger avec la loi précédente.

5. Est-ce que la réconciliation est toujours probable après 32 ans depuis la fin de la guerre civile ?

4 Bien sûr. La réconciliation ne se fait que par un congrès (conférence) national. Au lieu d'avoir « folkloriquement » une table ronde, nous devons avoir un vrai débat national.

4 Sachant que les FL sont la seule partie participante à la guerre qui s'est publiquement excusée. 4 Nous devons sortir de la société et revenir à soi-même pour décortiquer l'extrémisme confessionnel.

6. Est-ce que vous êtes vraiment laïcs en tant que parti politique ?

4 Pratiquement, quand monsieur Alain représentait les FL au sein du syndicat des enseignants, il n'a jamais remarqué que les FL différenciaient entre les confessions et leur parti. Il n'a jamais reçu des ordre des responsables à « Maarab ».

4 Mais il a insisté que pratiquement ils sont des Chrétiens.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

4 Zahlé est une ville des FL parce que ses principes et valeurs ressemblent à celles de ce parti. N'oubliez pas que les jeunes de Zahlé ont arrêté leurs études pour défendre leurs familles et leur ville. (SOCIALISATION POLITIQUE).

4 « Vous ne pouvez pas demander aux forces libanaises de laisser tomber leur volet chrétien quand il n'existe pas un vrai pouvoir juridique au Liban. Aujourd'hui nous ne pouvons pas avoir une réconciliation si le pouvoir juridique n'arrive pas à sauver le pays »

7. Les jeunes des Forces Libanaises considèrent que l'idéologie de votre parti est d'avoir une supériorité chrétienne au Liban, est-ce que c'est dû à un manque d'éducation politique au sein de vos jeunes ?

4 Nous ne sommes plus dans une époque d'idéologies mais de valeurs. Aujourd'hui nous n'avons plus besoin d'idéologies.

8. Est-ce que le Hezbollah est du terrorisme ?

4 Oui. Parce que le financement de ce parti est de l'extérieur. Et il utilise son pouvoir pour causer l'horreur chez les gens.

9. Vous étiez considérés comme des terroristes durant la Guerre Civile, c'est pour cette raison

que votre fondateur Bachir Gemayel n'est pas mentionné dans aucun article international.

4 C'est vrai. Parce que à l'époque la communauté internationale empathisait avec les palestiniens. Cette cause a échoué après l'opération Ain Taba et Munich jusqu'à les années 2000 quand une photo d'un militaire israélien tapait la main d'un enfant palestinien qui tenait une pierre.

4 C'est cette photo qui a redéclanché la cause palestinienne.

4 « nous n'étions jamais la cause de la guerre mais toujours en Etat de défense »

4 « Notre cause n'a pas fini mais elle vient de commencer dans le but d'avoir 3 choses : plus d'armée illégale, impartialité et pouvoir juridique indépendant ».

10. Comment pouvez-vous prouver que le Hezbollah est du terrorisme si son allié est maronite ?

4 Nous devons prouver son illégitimité. Nous sommes la force du peuple sur le terrain « Nabad Al Chare3 ». Je parle des Chrétiens parce que j'en suis un mais nous représentons tout le monde. 4 Ce sont les gens qui jugent.

11. Comment vous gérez entre votre poste d'enseignant et votre poste de responsable politique ?

4 Toute ma vie durant mes cours je n'ai jamais montré une appartenance politique à un parti.

4 Même si j'ai un seul élève qui est contre mes croyances politiques, je n'exercerai jamais le harcèlement à son égard

12. En tant que papa, as-tu affecté les avis politiques de tes enfants ?

4 Monsieur Alain a expliqué que Jad son fils travaillait avec les indépendants à l'université. Il a mené une bataille électorale très sévère au nom de la société civile et des indépendants. Ceci lui a rendu très fière

13. Avez- vous des martyrs dans la famille ? avez-vous participé à la guerre ?

4 Oui. J'ai deux cousins qui se sont assassinés.

J'étais bénévole à la croix rouge durant la guerre mais par contre mes frères y ont participé.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

14. Est-ce que vous êtes réconciliés ? est-ce que vous avez transmis quelques traces de la guerre à vos enfants ?

4 Les FL ont initié une réconciliation. Notre leader Samir Geagea s'est publiquement excusé pour les horreurs de la guerre

4 « quand la personne est éduquée sur les valeurs et le concept de la réconciliation, tout cela n'est que du passé »

4 Mon papa me disait toujours «quand quelqu'un critique les Islams devant toi, souviens toi de la belle voix du Muezzine» « même durant la guerre j'avais la réconciliation dans mon coeur malgré la forte volonté de tuer pour protéger ma maison ». « la réconciliation est un mode de vie, c'est une éducation à la maison et à l'école ».

4 « Quand j'étais responsable de la télécommunication à la croix rouge, durant la guerre, j'ai reçu un appel d'une dame de Saadnayel (région musulmane) qui nous suppliait de prendre sa fille à l'hôpital à cause d'une méningite. Elle est arrivée chez nous en nous suppliant, j'ai appelé le responsable et il m'a défendu de prendre la fille. Malgré tout j'ai pris la fille et sa maman à l'hôpital », « j'ai été suspendu après cela mais avec fierté ».

15. Nous savons qu'au Liban nous n'avons pas cette mentalité ni cette éducation, nous n'avons pas d'histoire commune, alors chaque enfant connait la version de ses parents. Comment pouvons-nous traiter cette forte socialisation politique ?

4 Le problème de l'histoire commune est que nous devons écrire l'histoire avec objectivité. Nous devons l'écrire avec les faits et non pas les conclusions et les interprétations.

16. Sommes-nous dans un cercle vicieux ?

4 Le jour où il y'aura une conférence nationale, en décidant l'impartialité du Liban, c'est le jour ou la réconciliation commence.

4 Aujourd'hui nous ne pouvons pas initier cette conférence sans avoir des vraies institutions juridiques et policières

17. Est-ce que c'est une guerre asymétrique entre l'opposition et le Hezbollah ?

4 Je ne considère pas cette guerre comme asymétrique mais comme une guerre entre celui qui a raison et le fautif. Par la suite c'est nous qui sommes les plus forts même si il y'a l'Iran derrière le Hezbollah.

4 La décentralisation administrative est le but actuel des Forces Libanaises. Nous sommes avec la fédéralisation du Liban. La fédéralisation ne signifie pas renforcement des partis droits. Au contraire, c'est une cohabitation. La première étape est d'éliminer l'arme illégale du Hezbollah.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Mr. Maxwell Saungweme : Originally from Zimbabwe, Maxwell is a country Director in Lebanon and Syria for in international NGO called Search For Common Ground. He has served this NGO for 26 years and has been in Lebanon for 2 years. Maxwell has vast experience in the following program thematic sectors: social justice, peacebuilding, conflict transformation; prevention and transforming violent extremism and many others.

Lien de l'entretien:

https://drive.google.com/file/d/1w8kx1wWWKBOc1vd7Kym2FYXZx9Bk5xci/view?usp=sharing.

Le 24/05/2022, Siège de Search For Common Ground- Beyrouth à 15h00

1. According to you, is Lebanon presently at peace or at war?

4 We can say that Lebanon is at peace with the absence of war
and violence. To some extent it's at peace

4 But looking at the difficulties and unsolved issues, we can also
say that Lebanon isn't at Peace, so we could describe it as negative peace.

4 Despite of the economic and social crisis there haven't been
any violence and conflicts, which shows that Lebanon is very resilient and that interests Mr. Maxwell.

2. Since 1975 until today, Lebanon has seen a lot of tension and conflicts. Due to lack of reconciliation, children are more affected by this war than their parents. Why do you think that reconciliation initiatives have failed?

4 The problem in the Lebanese system is that people are divided. But there are encouraging events outside of these tensions you just mentioned. Every time Lebanese protested against social and economic issues, they are doing It regardless of their religious identities, which means that young Lebanese are developing identical identities instead of moving away from the whole divided lives and identities.

4 It is very important that young people are developing dimensional identities. That is very important. They aren't considering their ethnic or religious groups but are only focusing on the common problem.

4 Developing multidimensional identities is something very positive and important in the middle east especially in Irak and Lebanon. And that is a goal of SFCG's many goals. Developing multidimensional identities means that people are not looking at things just from their narrow identities.

3. What's Search For Common Ground's plan facing all these complexities towards peace building and reconciliation?

4 what SFCG is trying to do is work on young people who are going to become the future leaders of Lebanon. We are trying to work on developing multidimensional identities and the ability to live in diversity.

4 There are different approaches and we use one of them and it is «common ground approach», how the diversity is a point of strength to unity and leading towards each other rather than dividing.

4 When trying to address identities in a group, we figure out a lot of things in common. So what SFCG is trying to do is to use the common identified as entry points to find common grounds and to address it deeper and serious issues that we live in Lebanese societies

4. We all know that in Lebanon we don't have a common story, how are we able to achieve reconciliation if we don't agree on a common story to teach our kids at school? We usually know that the winner writes the story, in Lebanon we don't have a winner

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

4 One of Search's philosophies is that it is possible for everyone to win. Our approach is «no one should lose in order for someone to win»

4 So we can always use the «win-win» solutions. We believe that that is possible in the case of Lebanon. We have to invest in the memoire and in the memorialisation problems where people find their history and people tell their stories. Maxwell thinks that «if there is an open and serious memorialisation program, where people can say out their minds, people can actually realize that it's possible for all Lebanese to win and no one has to lose»

5. What type of reconciliation do you think suits best the situation in Lebanon?

4 What is needed depends on the Lebanese. What is needed is to create a platform where all stakeholders come and agree. In the end people need to emphasise empathy and to understand why different groups prefer different ways to reconciliation and then find a common ground.

4 There's always a possibility of finding a common ground if a proper facilitator facilitate this. No one said that only one way of reconciliation should be used in Lebanon. We just have to find a common ground between all groups.

6. The reconciliation initiatives should be taken by whom? The Lebanese themselves? External NGOs or other countries?

4 The process relies on a credible convenance to begin with. It should be someone respected by all parties and someone who is able to understand.

4 But for any reconciliation process to succeed, it should be driven by the Lebanese and the locals not by foreigners. As much as foreigners and international NGOs can play in that field, they can only support and facilitate, but for the process to really work we need the Lebanese's will.

7. As an international peace building NGO in a corrupted country, people take you for granted. What are the challenges you face ?

4 In terms of peace building, as SFCG we manage to achieve small successes while working with communities. We've also tried to work with the government like the ministry of justice, the internal security forces and others. There are a lot of challenges but Samwell sees all that as appetite and demand within communities and within the government.

4 «While working with the government we saw government agents criticising the government, this showed me that people really want to change». Lebanon isn't the worst in terms of challenges. The Challenges in Lebanon are around the things they say and transparency, our resources, whether you side the memorials in the government, whether the commitment is maintained. The fast change in the state institutions is also a challenge. One day you meet a responsible the next day he has changed.

8. Do you prefer working from the bottom up or the top down?

4 This approach is used by SFCG. We basically work bottom up and we have realised that for us to succeed we have to work with decision makers.

9. How long have you been working in Lebanon? What's your evaluation to the development of reconciliation and of your work? Have you seen some positive results or is it blocked?

4 For Search since 1996 and in Lebanon 2 years.

4 Before 2020 I could point to some progress, but these two years in Lebanon have shown a very difficult time in terms of the economy and the covid-19. So it have been very difficult to the government to deal with it and it was very difficult for us to measure progress

4 If we look at some of the things, on a very local level we made some progress.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Mr. Hussein Chokr : « Hussein is a Beirut-based conflict analyst on Lebanon and Syria at Search for Common Ground. He was previously a Governance Researcher at the United Nations Economic and Social Commission for Western Asia, and Research Fellow at the Institute for Near and Middle East Studies at the Ludwig Maximilian University of Munich. His interests include the political economy of Syria and Lebanon, with a focus on governance and public policy»1

Lien de l'entretien:

https://drive.google.com/file/d/1FgHvoSunbKmezZR2nNBZEGixxvr43Jwb/view?usp=sharing.

Le 24/05/2022, Siège de Search For Common Ground- Beyrouth à 15h30

1. Hussein vous étiez pleinement actif dans la société civile libanaise, pourquoi vous en êtes plus ?

4 « Je n'ai plus trouvé une ressemblance avec les groupes de la
société civile libanaise
».

4 « je risquais de mettre mon effort dans le mauvais chemin et
avec la mauvaise personne
».

4 Je ne vais pas m'investir dans un projet qui ne me ressemble
pas

2. Est-ce que vous pensez que le Liban est en état de guerre ou bien en état de paix ?

4 C'est un argument qui nous oblige d'aller vers la littérature du conflit et du post-conflit. Quand l'ONU a mis les critères définissants le conflit et le post-conflit, ils ont proposés des indicateurs. Selon Hussein, ces critères sont fragiles et peuvent ne pas être tous présents. Alors s'il existe des critères et d'autres non, sommes-nous en guerre ou pas ?

4 Oui au Liban on a signé un arrangement national, les émigrés sont rentrées. Alors selon la définition des NU nous sommes dans une situation de post-conflit mais effectivement nous ne sommes pas dans le post-conflit mais dans le conflit même. C'est un conflit non guerrier.

3. Qu'en pensez-vous de la transformation des milices en des partis politiques ?

4 Je trouve que la société civile aujourd'hui est une partie d'une fabrication politique. Ce n'est pas vrai qu'ils ne font pas partie du pouvoir

4 Dans la plupart des pays qui ont eu des conflits internes, les vainqueurs sont devenus partie du pouvoir. Au Liban vu qu'il n'y a pas eu un vainqueur déclaré, dans la plupart des pays dans une telle situation on fait pareil pour renforcer leurs pouvoirs

4 Hussein ne voit pas que cette transformation est exceptionnelle. Il trouve le problème dans l'incapacité de la société civile de confronter cela.

4. Trouvez-vous que les élections législatives d'aujourd'hui sont un début vers un changement ? 4 Ça peut-être. En tout cas la loi électorale donne la chance à tout le monde de gagner sauf les trop petits.

4 Tout le monde se considère comme gagnant aujourd'hui parce que leurs calculs des résultats étaient corrects

4 La loi électorale s'est montrée comme démocratique. Parce que personne des existants ne s'est opposée aux résultats. Il est démocratique mais pas juste. Il n'est pas représentative.

4 Quand on parle de la démocratie on a besoin de demander aux citoyens (c'est fait), mais il n'est pas à 100% représentative. Mais il est à 100% représentative plus que celui d'avant.

1 CHOKR H., «Lebanese `Reconciliation' and the Historical Roots of Deferred Violence», The London School of Economics and Political Science, 20 Décembre 2021. [en ligne]: Lebanese 'Reconciliation' and the Historical Roots of Deferred Violence | Middle East Centre ( lse.ac.uk).

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

5. Est-ce que vous êtes avec une démocratie libérale au Liban ?

4 Le système n'est pas convenable pour cela ni le peuple.

4 La SC considère qu'elle est la seule éduquée dans le pays. Mais ce n'est pas vrai ! toutes les partis politiques ont des gens extrêmement éduqués. Le peuple est éduqué et compréhensive. 4 Il existe une différence entre les élites politiques et l'éducation politique.

4 « La démocratie c'est la réflexion de la société et de la population telles qu'elles sur l'actualité politique ». la démocratie n'oblige pas d'avoir une éducation politique

4 Alors pour Hussein le Liban est un pays démocratique vu que toute la population est représentée au parlement avec des lacunes. « La société s'alimente d'éléments historiques précis, cela impacte le système politique, et après le système reflète cela sur la société. Cercle Vicieux »

6. Qu'en pensez-vous de la réconciliation au Liban ?

4 Au Liban nous n'avons pas des initiatives de réconciliation. Au niveau micro si bien sûr. Mais

ce ne sont pas considérées comme des vraies initiatives.

4 Les composantes de la réconciliation sont : Truth, Justice and réparation

4 Les petites initiatives ne sont pas suffisantes.

7. Quelle est la forme idéale de la réconciliation au Liban aujourd'hui ?

4 L'accord du Taëf théoriquement est un accord de réconciliation. Mais en effet c'est un accord de division du pouvoir

4 Pour savoir le type de réconciliation idéale au Liban, nous devons se transformer en des « scenario analysists ». La situation est extrêmement sensible. Nous avons beaucoup de menaces historiques.

4 Si au Liban nous allons faire une réconciliation selon l'histoire, nous serons obligés d'annuler beaucoup de composantes du système politique libanais actuel

4 Je suis contre l'abolition (kellon ye3ne kellon), => vide. Mais je suis avec le suivi juridique de tous. Tous sont responsables et tous doivent être jugés.

4 Nos partis politiques sont des réflexions de nos sociétés. Peut-être que le parti politique va partir. Mais la mentalité et la société qu'il représente restent

4 Nous voulons changer le parti en tant que parti ou bien la mentalité qui entoure le parti? 4 Nous devons changer le mot «éducation politique » vers « éducation nationale ».

4 La vraie réconciliation ne peut se faire qu'à travers l'Etat. Pour être vrai et général. Ce sont les institutions qui doivent les initier.

4 Hussein est convaincu que les institutions existent. Mais il n'est pas convaincu par leur fonctionnement. Et il n'est pas convaincu par le système politique

8. Qu'elle est la forme de réconciliation idéale pour le Liban ?

4 La réconciliation qui n'est pas idéale mais qui ne verse pas du sang, est l'accord entre les pouvoirs politiques existantes qui viennent d'avoir une forme de réconciliation générale à travers les institutions.

4 Si je parle de réconciliation en dehors de la forme proposée maintenant, je menace la paix nationale. parce qu'après la guerre civile, il y'a eu un attachement entre le système politique et les institutions étatiques.

4 En dehors de cela, je vais supprimer un des partis politiques, en faisant cela et vu que ce parti a la main vraiment profondément dans les institutions, je mets un danger effective.

4 « vicious loop », unless we have an international intervention

9. Qu'en pensez-vous de l'intervention internationale au Liban ?

4 Depuis la création du Liban, on a toujours été gouverné par l'extérieur

4 Nous ne pouvons pas parler du Liban sans parler de la politique internationale et régionale. C'est toujours parallèle

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

4 « le Liban est créé parce qu'il a été gouverné par l'extérieur, après on a eu des volets intérieurs adoptés par les volets extérieurs, ce qui a créé des tensions qui ont mené à la guerre civile. La guerre civile n'est pas uniquement le résultat des oppositions entre les volets internes mais aussi parce que les volets externes ont eu d'autres intérêts que le Liban, ceux de l'intérieur n'ont pas su quoi faire. Après la guerre on a eu un accord externe qui a fait rentrer l'Arabie Saoudite et les syriens pour 15 ans. Après 15 ans quand ce système a échoué on n'a plus eu de volets externes et c'est pour cette raison qu'on a des hauts et des bas »

10. Vous ne considérez pas que l'Iran est un volet extérieur ?

4 Non, le volet extérieur doit avoir la capacité de gérer la politique comme elle veut. En ce moment il n'y a aucun Etat qui arrive à faire cela.

4 L'Iran ne contrôle pas au Liban aujourd'hui.

4 Les interventions internationales ont toujours été la cause de notre histoire et actualité. Récemment la situation a commencé à changer. Le problème est devenu plus local parce qu'ils nous ont laissé seuls (proportionnellement). Leurs outils ont changé. Les syriens étaient littéralement dans les rues de Beirut.

11. Le Hezbollah est-il légitime ? vous êtes avec ses armes illégales ?

4 Le réalisme : le plus fort gagne.

4 Le Hezbollah était une opposition pour remplir le vide de l'Etat au sud. Aujourd'hui si nous voulons renforcer l'Etat, le Hezbollah doit remettre ses armes.

Cercle vicieux, le Liban n'est pas sur la voie correcte.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Mr. Ali Sandeed: Project Manager at Search For Common Ground. «Skillful in Project Management with a demonstrated history of working in the non-profit organization management industry. Experienced in Training, Communication, Conflict Resolution, Interventions, and Facilitation. Strong professional with a Master's degree focused in Masters in Philosophy of Human Rights and Non-violence»2. Ali est un syro-palestinien résidant au Liban, il a 34 ans, il travaille dans le domaine de la construction de la paix au Liban depuis 2012.

Lien de l'entretien :

https://drive.google.com/file/d/1FtjVOXQ5IAbquq6eNyleYzn8RQYOEXIx/view?usp=sharing.

Le 24/05/2022, Siège de Search For Common Ground- Beyrouth à 16h30

1. En tant que palestinien au Liban, quelle est votre version de l'histoire de la guerre civile ?

4 Il existe beaucoup de scenarios, mais pour Ali, il y'avait déjà
des préparations longtemps avant la Guerre civile. Le fait déclencheur était l'attaque sur le bus des palestiniens à Ain al Ramadi. Mais c'était qu'en fait déclencheur de préparations déjà existantes dans le but de garder le Liban faible et fragile

4 Les interventions externes (Syrie, Palestine, Israel) sont la
raison principale

4 Le but des chefs de milices de dominer économiquement pour
pouvoir contrôler le peuple et renforcer leurs fortunes est la motivation pour qu'ils continuent la guerre

4 Selon Ali, les leaders des milices exécutaient les ordres externes au sein du pays.

4 Ces leaders ont joué sur la sensibilité religieuse qui est le point fragile chez les libanais. C'est la peur de l'autre qui a motivé les gens à intégrer les milices de leurs confessions.

2. En écoutant votre analyse de la période de la guerre civile, je l'ai comparée avec la situation actuelle au Liban. Il existe une certaine similitude ne pensez-vous pas ?

4 Il y'a deux moyens que les leaders dominent aujourd'hui. Le premier étant à travers la politique

(la façon difficile), et le deuxième étant la violence (la façon simple). Comme ça les leaders

politiques ont dominé le pays. Du coup ils ont transformé la deuxième façon en la première. 4 Avoir un support politique aujourd'hui au Liban rend le citoyen plus sûr.

3. A votre avis, le Liban se trouve en état de guerre ou bien de paix ?

4 En état de guerre très violente. Pour Ali la paix c'est le fait d'être confortable et tranquille chez soi, personne au Liban n'est tranquille. Même les dirigeants.

4 Nous sommes en guerre économique uniquement.

4. En regardant la transformation des chefs de milices en des Hommes politiques, Ali tu te trouves aujourd'hui plus tendant vers ces partis ou bien vers la société civile ?

4 Personnellement je regarde les nouveaux, mais « they cannot be trusted yet » ils doivent s'organiser ! aujourd'hui il existe des milices pacifiques.

5. On a vu durant les élections beaucoup de jeunes qui étaient avec la société civile et qui ont participés aux manifestations de 2019 se retourner vers leurs identités politico-confessionnelles et vers leurs sociétés politiques et ont votés pour leurs leaders traditionnels. Quelle est la solution face à cette socialisation politique ?

2 Compte LinkedIn de Monsieur Ali Sandeed : Ali Sandeed | LinkedIn

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

4 Cette socialisation politique a pris beaucoup de temps. Le fait d'en sortir va prendre aussi beaucoup de temps.

4 Les partis politiques ont montrés aux gens que c'est la révolution qui a causé la crise économique actuelle pour les rerecruter.

4 Ali est optimiste qu'aujourd'hui il existe des jeunes vraiment loins de cette idéologie traditionnelle de leurs sociétés

6. Comment peut-on avoir une réconciliation sans histoire commune ?

4 Dans n'importe quel pays après des conflits chaque partie parle de sa version

4 En Palestine on ne parle pas des religions et des confessions. En Palestine c'est uniquement Israël le problème. Tandis qu'au Liban ça diffère entre les confessions. Mais leur point commun est la crise d'aujourd'hui et la peine d'aujourd'hui. Ça prend du temps.

7. L'initiative de la réconciliation au Liban doit être prise par qui ?

4 Tout ce qui émane de l'extérieur n'est pas vraiment et fortement effectif

4 Nous avons besoin d'un changement du système même pour la vraie réconciliation.

4 Nous devons travailler avec toutes les sociétés et avec les jeunes à l'école. Dans les écoles francophones il y'a une appartenance automatique à la France, AUB aux USA. Nous devons travailler sur une identité commune sachant que cette multi-confessionnalité est une richesse

8. En tant que palestinien résidant au Liban, vous n'avez pas de droits. Vous allez rester jusqu'à quand ?

4 Les palestiniens au Liban ne veulent pas rester. Ils n'ont pas une dignité au Liban. Ils veulent uniquement partir.

4 Il existe des milices qui sont créées aujourd'hui dans les camps palestiniens juste parce qu'ils en ont marre et n'ont pas le choix. Ou bien ils meurent de faim ou bien ils s'intègrent aux milices.

9. Qu'en pensez-vous de la légitimation de l'existence de la milice Hezbollah sur le territoire libanais sous le motif de libérer la Palestine ?

4 Pour Ali, le Hezbollah est protectorat d'Israël et non pas Palestine. S'il voulait vraiment libérer

Palestine il aurait pu être la bas aujourd'hui. Il peut faire la guerre en Palestine contre Israël. 4 Le Hezbollah est comme n'importe quel autre parti, son existence endommage le pays. Et son

financement et son support est externe

4 L'armée libanaise doit avoir le monopole militaire

10. Vous êtes avec ou contre avoir des bonnes relations avec Israël ?

4 Personnellement, Ali est contre. Mais il est convaincu qu'il s'exerce sur le Liban une stratégie d'affamassions pour ne plus avoir d'autres choix que de signer des accords avec Israël

4 Même la vision est différente entre les religions. Pour Ali Israël ne va pas s'arrêter en Palestine. Leur carte est du Nil au Fourrat.

4 «the more you divide a population the easier it gets to control it», pour Ali c'est ce que Israel est en train de faire.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Ms. Doha Adi : Une jeune activiste Libanaise de 28 ans, diplômée en journalisme et travaille en tant que directrice de projet chez Search For Common Ground dans le domaine de la reconstruction de la paix et la coalition sociale. Doha avait un grand espoir durant la révolution Libanaise de 2019. Elle croyait vraiment que c'était le début d'un changement quand les élections législatives de 2022 l'ont démotivées.

Le 24/05/2022, Siège de Search For Common Ground- Beyrouth à 17h00

Lien de l'entretien:

https://drive.google.com/file/d/1GHVu1TwTNN9ZR oDGNi9HnbZJr0eWtg/view?usp=sharing.

1. Le Liban est-il en paix ou bien en guerre ?

4 Logistiquement le Liban n'est pas en guerre. On est en paix négative parce que les émotions et les sentiments entre les différentes parties de la guerre persistent toujours

2. Croyez-vous qu'il existe une forte socialisation politique au Liban aujourd'hui à cause du manque de réconciliation ?

4 Personnellement je viens d'une région sunnite de la Bekaa. En grandissant, comme beaucoup d'autres groupes de jeunes dans d'autres régions, à cause du manque de réconciliation il y'a eu une grande distance entre les communautés. Ce qui a causé une isolation entre différents groupes au sein du pays même. On parle de l'accès aux informations et aux postes de travail et même financièrement.

3. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs de milices en des hommes d'Etat ?

4 C'est quelque chose surréelle. Ça montre combien en tant que communautés libanaises on peut être affecté simplement par le leader confessionnel et justifier ses actes.

4 Doha affirme que ce n'est pas logique pour elle comment la mémoire collective des gens peut simplement être effacée pour des raisons de protection confessionnelle de la part de leurs leaders communautaires contre les autres.

4. Devons-nous oublier ou bien se souvenir de la guerre pour se réconcilier ?

4 Nous devons parler pour conclure que tout le monde est responsable et coupable. Nous devons savoir ce qui s'est passé et se mettre d'accord que nous avons tous commis des erreurs et que nous devons habiter ensemble dans un même pays avec une seule identité

5. Quelle est la procédure ?

4 Nous devons avoir un partage d'informations. Le media a le potentiel de faire cela. Nous devons montrer des histoires de toutes les parties de la guerre.

4 Nous devons montrer à tout le monde que c'est vrai que vous êtes des victimes mais aussi l'autre est une victime de vos actes

6. Les résultats des élections sont-ils un début pour un vrai changement ?

4 au début je pleurais de joie. Mais après en regardant l'émission de « sar el waet » j'ai eu peur que ces jeunes députés se transforment en des hommes d'états corrompus comme ceux d'avant

7. devons-nous trouver une justice ? n'avez-vous pas peur que ça déclenche une nouvelle guerre civile ?

4 « dans ce cas nous méritons une deuxième guerre civile ».

8. Qu'en pensez-vous du système éducatif (politiquement) et quelle est la solution s'il existe un problème ?

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

4 Le livre d'éducation civique est le même depuis mon enfance jusqu'aujourd'hui. Ce n'est pas un livre intéressant. Il est vraiment immobile. nous devons transmettre aux enfants que la politique est dans la vie quotidienne. Nous devons créer un esprit critique chez les jeunes, une volonté de poursuivre et de juger.

9. On a vu durant les élections beaucoup de jeunes qui étaient avec la société civile et qui ont participés aux manifestations de 2019 se retourner vers leurs identités politico-confessionnelles et vers leurs sociétés politiques et ont voté pour leurs leaders traditionnels. Quelle est la solution face à cette socialisation politique ?

4 Le problème est qu'il n y a pas de confiance. « j'ai demandé à mon frère de ne plus voter pour le courant futur mais pour les indépendants, il m'a répondu qu'il n'était pas confiant que les autres n'allaient pas voter pour leurs dirigeants traditionnels »

4 Pour Doha nous devons travailler avec les tout petits parce que ceux de notre âge et plus grand sont déjà dans le cercle vicieux. C'est un jeux sur la psychologie des jeunes.

10. Pour travailler sur les enfants d'aujourd'hui, nous avons besoin d'un changement du système éducatif, à travers le parlement. Qu'en pensez-vous ?

4 « je fais partie de la même communité, j'ai les même accès et j'ai reçu les mêmes informations. Mais j'ai pu changer parce que j'ai eu la chance de parler avec des autres personnes ayant d'autres mentalités et pensées. Je suis sortie de ma « confort zone » avec des personnes comme moi des autres communautés. Et on a créé notre histoire commune et mémoire partagée ensemble. Nous pouvons lâcher les valeurs traditionnelles des communautés traditionnelles ».

4 Doha croit en la culture alternative. Avec sa soeur elle travaille sur cela et ça marche.

4 Doha ne croit pas qu'il existe beaucoup de Libanais comme elle. Elle travaille dans son cercle limité. Elle ne trouve pas qu'elle est capable de faire plus.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Ramzi Abou Ismaïl : «I am a political psychologist and a quantitative researcher with a background in Law, Political and Social Psychology. My interest in the field emerged following the 2018 elections in Lebanon. While my original interest was focused on why people prefer maintaining the status quo, after joining Kent my interest shifted towards Intergroup conflict and collective violence. My research focuses now on explaining collective behaviours: from normative collective action to collective violence»3. Ramzi is a political social media influencer, he has an Instagram page with the username «The Political Psychologist».

Lien de l'entretien: https://drive.google.com/file/d/1b9jh-Iv0hETYvJiRCuuPn2NMwub cEcI/view?usp=sharing.

Le 15/06/2022, à distance via Zoom à 14h00

1. Est-ce que vous considérez le Liban aujourd'hui en état de

Paix ou bien en guerre ?

4 La guerre selon Ramzi est « une forme de conflit. Le conflit est
l'état de manque d'accord entre des groupes différents. Ces différents groupes ont des différentes observations des choses. Cette différence de division, d'intérêts, de valeurs et de futur mène à voir l'autre en étant un adversaire
. » alors « nous sommes en guerre de qui va imposer sa vision et ses valeurs sur l'autre ».

4 Le développement des groupes au Liban a mené à changer les
dynamiques de communications entre ces groupes. L'ennemie d'hier est l'allié d'aujourd'hui et l'alliée d'hier est l'ennemie d'aujourd'hui.

4 Les actions militaires sont finis. Militairement il n'y a plus de guerre avec l'accord du Taëf. Mais les raisons de la guerres ne sont pas réglées. Exemple le dossier des disparus n'est toujours pas traité, il n'y a pas eu une conférence nationale pour la réconciliation, les coupables ne sont pas identifiés, il n'y a pas eu de procès juridiques, des gens ont perdu leurs familles, etc.

4 D'un point de vue sociale, les raisons de la guerre n'ont pas été discutées et traitées. Une partie considérait que le palestinien occupait le Liban, une autre partie considérait que le palestinien était un réfugié. Et le palestinien a choisi une partie et la guerre a commencé.

4 Cette culture se projette sur n'importe quel conflit aujourd'hui parce que la situation n'a pas été traitée, nous n'avons toujours pas des valeurs communes.

2. Quelle est la procédure pour régler ces problèmes non résolus ?

4 L'Etat doit mettre des plans d'intervention dans les écoles et universités. Il doit imposer des camps. Tout cela après avoir fait une conférence nationale générale dans laquelle nous devons partager nos peurs, limites et autres. Cette conférence aura pour but de baser l'identité commune du Liban.

4 Pour Ramzi le Liban n'a jamais eu une identité commune. Il y'avait toujours une autre personne en face considérant que son Liban n'est pas ton Liban.

4 Pour pouvoir faire cela nous avons besoin d'un Livre d'histoire commun et d'un livre d'éducation civique commun. Après tout cela, le ministre de l'éducation en collaboration avec les écoles et les municipalités doivent organiser des activités populaires touchants le plus de tranches de la société.

4 D'après l'expérience de Ramzi, il y'a des gens qui considèrent que nous avons dépassé la guerre, d'autres considèrent que nous sommes tous laïcs au Liban, d'autres considèrent que ce plan est impossible sans expliquer pourquoi.

3 Compte LinkedIn de Monsieur Ramzi Abou Ismail: Ramzi Abou Ismail | LinkedIn.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

3. Vous ne considérez pas que ce projet peut causer une nouvelle guerre civile ?

4 C'est un discours qui n'est pas scientifique. Si nous avons un travail cadré « framework » il n'y aura pas une agressivité.

4 Bien sûr les deux parties peuvent se blesser mutuellement en parlant de la guerre, mais ils sont toutes les deux là pour avoir une réconciliation. Et bien sûr nous devons avoir des professionnels gérant et facilitant ces projets. Pour cela, un responsable politique actuel ne peut planifier ce Framework. Nous avons besoin d'un travail académique.

4 Si nous faisons ça comme c'est fait dans la rue, bien sûr nous finirons dans une guerre civile. 4 Les professionnels doivent gérer le discours pour faire sortir les émotions sans forcément toucher aux sujets qui causent des conflits.

4 Dans un cadre sein et correct nous pouvons avoir un dialogue.

4. Vous considérez que ce dialogue doit regrouper uniquement des libanais ?

4 Ramzi trouve qu'en priorité les libanais doivent participer. Nous devons nous mettre d'accord sur la forme de la crise

4 Après la cause de la crise « les Palestiniens » doivent participer et après les Syriens.

4 Nous ne devons pas oublier qu'à cause de la peur des libanais face aux palestiniens, ils les gardent dans des camps sans faire attention qu'au sein de ses camp il existe et se développe des bombes temporaires.

5. Relation libano-palestinienne ?

4 Il existe une très grande gap entre les Libanais et les Palestiniens.

4 Il existe des palestiniens qui croient qu'il vont retourner en Palestine. C'est une crise d'idéologie très grave. «ce faux espoir créé des générations incapables de cohabiter et de s'intégrer ».

6. L'initiative de ce projet de réconciliation doit être prise par l'Etat ?

4 L'Etat est capable mais la société civile aussi. A travers la collaboration entre la société civile, les universités et les écoles, nous pouvons avoir ce projet.

4 La croix rouge est une ONG qui travaille à la place de l'Etat. Nous avons des entités privés financées parfois par l'Etat pour exécuter un travail étatique.

4 Dans l'absence du pouvoir aujourd'hui, nous pouvons avoir un pouvoir externe pour le faire. 4 Il existe des organisations avec des universités qui peuvent commencer par ce plan qui peut se transformer vers une initiative des NU

4 Ce plan a besoin d'un planificateur, d'un ingénieur. S'il existe une « advocacy » suffisante sur cette idée nous pouvons travailler tous ensemble même si on n'est pas d'accord sur tous les points.

4 Le financement est un problème. Ramzi personnellement avait un projet mais le financement l'a bloqué parce qu'il existe une préférence de mettre l'argent dans les élections.

4 Aujourd'hui le pouvoir n'est pas prêt à faire tout cela. Selon Ramzi les 16 députés indépendants ont échoué déjà.

4 Ramzi croit toujours que les institutions de la société civile sont beaucoup mieux que le pouvoir. 4 Le plus grand problème aujourd'hui est que chaque parti politique a des problèmes selon sa taille et non pas la taille du pays.

7. Entre les responsables vous pensez qu'il y'a eu une réconciliation ?

4 Ramzi est convaincu que les responsables aujourd'hui s'entendent bien. Le Taëf a divisé les intérêts entre ces dirigeants. Ils s'entendent très bien

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

8. Concernant l'histoire commune ?

4 L'histoire commune doit se baser sur des faits et non pas des interprétations.

4 Le problème n'est pas dans les réactions (légitime défense), le problème est dans le manque d'interprétation des réactions. La légitime défense est normale, mais le fait de violer des femmes c'est pas du tout normal.

Il n'existe pas un vrai regret. Tous les partis disent pareil : « si vous allez refaire nous allons refaire ».

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Maire Nazih Chaanine : Monsieur Chaanine est le maire de la Moualaka depuis 25 ans. Il était un combattant tout au long de la guerre civile libanaise auprès de la Résistance Libanaise.

Lien de l'entretien :

https://drive.google.com/file/d/1CGWQCoi5SPifUjMxJLyvh08OMrubSnJ/view?usp=sharing.

Le 07/06/2021, Moualaka à 15h00

1. Est-ce que vous considérez que le Liban aujourd'hui est en état de
guerre ou bien de paix ?

4 Le Liban n'est ni en paix ni en guerre parce qu'on a pas de stabilité

2. Avez-vous participé à la guerre civile Libanaise ? racontez-nous un
peu votre expérience

4 Oui j'ai participé à la guerre comme la plupart des jeunes de mon âge
à l'époque.

4 En 1976, on a remarqué une existence armée dans la région et des

formations militaires de la part de groupes extrémistes. Il y'a eu des kidnappes

sur l'identité. La raison principale de la guerre est l'existence palestinienne avec « mounazzame sa3ika souriyé » qui ont commencé à se militariser et à payer aux libanais pour les rejoindre. Il y'a eu une division confessionnelle des habitants. Les Palestiniens et les Syriens ont commencé à militariser les Musulmans libanais tandis que les Chrétiens n'étaient ni formés, ni prêts. Du coup chaque Chrétien a acheté de son propre argent des armes. Et on a commencé les formations. Les Chrétiens n'ont pas combattu pour envahir des régions mais pour se défendre.

4 J'avais entre 25 et 30 ans. J'ai participé depuis le début jusqu'à la fin

3. Est-ce que vous considérez que vous êtes réconcilié post-guerre civile ?

4 Déjà durant la guerre je n'avais pas de la haine contre l'autre. J'avais des amis musulmans et on était toujours en contact.

4 Personnellement j'ai sauvé des gens de l'autre partie. Et ils m'ont sauvé plusieurs fois

4. Vous trouvez que cette participation à la guerre a affecté vos enfants ? 4 Non pas du tout. Même moi je n'ai pas eu de problèmes

5. Vous pensez que la réconciliation est possible après 32 ans ?

4 Non, il est trop tard. 30 ans de destruction ne peuvent pas être rebattus dans 10 et 15 ans.

6. Dans la région dont vous être maire habitent des gens de toutes les confessions, vous trouvez que la cohabitation est réussite ?

4 Elle est réussite parce qu'ils sont obligés de vivre ensemble et non pas parce qu'il en ont envie. Mais le jour où il y'a des élections, chaque groupe penche vers sa communauté

7. Vous trouvez que la loi électorale est juste ?

4 Non. Parce que si le Libanais veut une personne il ne peut pas la choisir seule, il sera obligé de mettre toute la liste.

8. Quelle est la solution de la socialisation politique ?

4 nous avons besoin d'une conscientisation à long terme et non pas un mois avant les élections comme c'est le cas au Liban

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

4 dans les écoles nous devons avoir un livre d'histoire et d'éducation civique uniques. Chaque école enseigne ce qu'elle veut. Des écoles enseignent l'histoire de Bonaparte et d'autres de Al Fakih

9. Vous pensez que les Libanais doivent parler de la guerre ?

4 nous devons écrire une histoire commune objective et avec le temps les gens oublient.

10. Est-ce que vous étiez des terroristes à un moment durant la guerre ?

4 Non jamais. La communauté internationale était sensible sur la question des palestiniens parce qu'ils étaient dans l'injustice. Mais les palestiniens au Liban sont injustes. Ils voulaient transformer le Liban en Palestine et ils ont écrit « tarik al kodes tamorr fi jounieh » « la route de Jérusalem passe par Jounié ».

4 Il y'avait pas un média qui montre Bachir Gemayel comme un média qui montre les palestiniens comme victimes.

4 Le Liban a besoin d'un Bachir Gemayel aujourd'hui

11. Vous avez des amis du Hezbollah et vous passez des camps ensemble, existe -t-il des tensions entre vous ?

4 « il n'existe pas de tensions mais de mensonges, je sais qu'ils mentent et ils savent que je mens, quand on a deux visages et deux langues, la réconciliation est impossible. »

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Monsieur Sami Braidy : Un intellectuel socio-politique et un enseignant scolaire retraité. Monsieur Braidy a enseigné au sein des écoles publiques libanaises pour plus que 40 ans.

Lien de l'entretien :

https://drive.google.com/file/d/1GdLA5UIO2pIEWYHP0leySWldOTI6B6c/view?usp=sharing.

 

21/05/2022, Zahlé à 15h00

4 Pour avoir un rôle dans la politique libanaise, il faut consacrer

3 approches : la confession, la famille et l'argent

4 Le Liban n'a pas de patrimoine ni d'histoire

4 La socialisation historique au Liban est basée sur l'intérêt individuel et sur le confessionnalisme

1. Est-ce que la réconciliation est possible aujourd'hui ?

4 Elle est possible et obligatoire. La réconciliation commence avec la fin du confessionnalisme. 4 Fouad Chehab était capable de faire cela, mais l'armée l'a bloqué pour renforcer le camp religieux

4 En effet « ÉíÓÇíÓáÇ ÉíäæÑÇãáÇ » est la cause du désastre Libanais. Aujourd'hui elle se trouve représentée par les partis politiques chrétiens. Et la « ÉíÓÇíÓáÇ ÉÚíÔáÇ » représentée par le couple chiite

4 La pensée gauche est la solution pour le Liban (contre le confessionnalisme). Nous devons

avoir la paix comme grand titre dans le pays. Un pouvoir humain est la solution. « íäÇÓäÅ ãßÍ » 4 Bichope Gregwar Haddad et Imam Moussa Al Sader travaillaient sur cela mais tous les deux

ont été éloignés.

2. Existe-t-il des partis politiques aujourd'hui vraiment avec cette laïcité ?

4 Uniquement les partis gauches

4 Les députés de la société civile qui ont pu gagner montrent vraiment un premier pas vers le mieux. Mais il reste beaucoup de temps et d'effort à mettre. Le danger est si ces députés restent et refusent de céder leurs places après. ( le danger est qu'ils se transforment comme les anciens)

4 Aujourd'hui il existe une confrontation chrétienne-chrétienne, sunnite-sunnite, chiite-chiite et druze-druze

4 Selon Mr. Braidy le problème au Liban a été créé par les Français et les Anglais

4 «la khalass illa bl dawle al madaniye» «ÉíäÏãáÇ åáæÏáÇÈ áÇÅ ÕáÇÎ áÇ», «pas de sauvetage qu'à travers l'Etat laïc»

3. Qui doit prendre l'initiative de cette transformation ?

4 Les responsables existants aujourd'hui font partie du problème. Ils ne peuvent pas le résoudre. Ils doivent céder leurs places à des nouveaux visages pour avoir un changement

4 « nous ne pouvons construire un Etat sans des représentants jeunes »

4. Le Liban aujourd'hui est-il en guerre ou bien en paix ?

4 Le Liban est en état de guerre froide très forte.

4 Pour Monsieur Braidy la paix c'est le fait d'avoir du travail, croissance, culture et prospérité. Actuellement aucun de ces éléments n'est présent au Liban.

5. Qu'en pensez-vous de la transformation des chefs de milices en des Hommes d'Etat ?

4 Le Liban a fortement besoin de partis politiques loin des milices guerrières. « On ne peut pas tenir des armes et des livres. Ou l'une ou l'autre. »

6. Aujourd'hui ces milices gagnent pas les élections, Est-ce que c'est démocratique ?

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

4 Le Hezbollah doit se transformer comme les Forces Libanaises en un Parti politique. Les FL se sont éloignées de l'identité de milice. Si le Hezbollah arrive à faire cela la compétition qu'on a vu durant les élections de 2022 disparaisse.

4 La réalité aujourd'hui est un combat politique entre deux extrêmes.

4 La loi électorale n'est pas du tout démocratique. Elle est nulle.

7. L'éducation politique commence où ?

4 Dans les écoles. Nous devons changer tout le système éducatif et le curriculum. Les écoles aujourd'hui sont comme des fermes.

8. La réconciliation se fait par l'oubli ou bien en parlant et en trouvant une histoire commune ? 4 Effectivement, pour pouvoir créer une identité nous devons créer une histoire commune et la critiquer positivement.

4 Les Chiites ont l'histoire de Jabal Amer, les Chrétiens Jabal Loubnan, etc. Nous devons parler des erreurs.

4 Monsieur Braidy ne pense pas que nous pouvons faire cela. Il a un espoir, mais pas durant sa « vie de vieux ». Il a un espoir avec les jeunes.

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Annexe 1, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Un ancien général militaire palestinien au sein de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) :

L'OLP est une organisation palestinienne politique et militaire composée de plusieurs petites organisations palestiniennes pour libérer la Palestine. Cette organisation a commencé à mener des raids du Liban vers Israël en 1968 et a fait partie du Mouvement National Libanais durant la guerre civile Libanaise.

Le 28/05/2022, Saida à 18h00

1. En tant qu'ex-combattant au sein de l'OLP, comment expliquez-vous le début de la guerre civile libanaise de votre point de vue?

4 La Multiconfessionnalité est la cause principale de la guerre civile Libanaise.

4 Effectivement cette guerre de 15 ans est le résultat d'une crise politique causée par les Etats-Unis et l'Angleterre. Cette crise a commencé suite à une décision américaine face à un Liban faible qui n'a pas pu s'empêcher de tomber dans les conflits.

4 Avec l'arrivée progressive des Palestiniens et leur renforcement jusqu'en 1971 (surtout suite à leur sortie de la Jordanie) les libanais se sont divisés entre Chrétiens contre les Palestiniens et les Gauches+ Musulmans propalestiniens.

4 Les Chrétiens avaient un excès de droits à l'époque ce qui a bloqué la possibilité pour les Palestiniens de lutter pour leurs droits

4 « En effet, si Yasser Arafat a voulu que le Liban se transforme en Palestine, il aurait pu le faire », d'après Kissinger, les Palestiniens étaient beaucoup plus forts que les Chrétiens Libanais.

4 « Nous ne voulons pas envahir le Liban, nous sommes là parce qu'on ne peut plus rentrer chez nous », « La nationalité nous a été proposée mais la majorité l'avait refusée, sauf les riches qui l'ont acceptée pour des raisons économiques ».

4 « Je trouve que même sans les Syriens et les Palestiniens, le Liban n'aurait jamais pu se rétablir ». Les Partis chrétiens sont partis beaucoup trop loin dans leurs négociations avec les Israéliens.

4 Avec le temps, la guerre civile libanaise n'était plus une guerre de dominance mais de génocides

2. Est-ce que vous considérez qu'une réconciliation est possible après 32 ans ? si oui comment ? 4 Vu la situation actuelle libanaise, une réconciliation n'est pas possible. Nous sommes toujours dans la même mentalité et avons les mêmes responsables politiques

4 Il existe un manque de conscience politique au Liban. Que ça soit du côté palestinien ou bien libanais, nous devons comprendre que la guerre est derrière nous et que les palestiniens ne veulent jamais remplacer le Liban par la Palestine.

4 Nous avons commis des erreurs dans le passé, nous le savons. Un dialogue doit avoir lieu pour exprimer notre culpabilité et s'excuser d'une part, et pour accepter les excuses des autres partis de l'autre part.

3. Qu'est-ce qui empêche la réconciliation effective alors ?

4 D'un point de vue palestinien, le manque d'éducation politique chez nos jeunes leur fait rentrer dans l'islamisme profond et extrême. En d'autres termes, les jeunes palestiniens font recours à l'islamisme pour se protéger.

4 La réconciliation doit se faire à travers l'éducation des jeunes (écoles, établissements éducatifs, etc.), les médias, et une conférence nationale pour la réconciliation entre toutes les parties de la guerre.

Annexe 2, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Photos du terrain :

Interviews formelles :

De gauche à droite : Mme. Doha Adi (interviewée), Mme. Nisrine Haddad (intervieweuse), Mr. Hussein Chokr (interviewé) et Mr. Ali Sandeed (interviewé).

SFCG HQ, Achrafieh-Liban.

SFCG HQ, Achrafieh-Liban.

SFCG HQ, Achrafieh-Liban.

Durant l'entretien avec Monsieur Ali Sandeed.

1

Avec le Directeur Général de « Search For Common

Ground » au Liban, Monsieur Maxwell Saungweme.

Annexe 2, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Maison Kataëb, Zahlé-Liban.

Maison Kataëb, Zahlé-Liban.

De gauche à droite : Mr. Anthony Mouakkar, Mme. Nisrine Haddad (intervieweuse), Mr. Dany Fayad (Interviewé) et Mr. Elias Fayad.

Maison Kataëb, Zahlé Liban.

Durant l'entretien avec Monsieur Dany Fayad.

Avec l'Assistant du Secrétaire général des affaires provinciales de la Bekaa au sein des Phalanges Libanaises, Monsieur Dany Fayad.

Maison Kataëb, Zahlé-Liban.

Durant l'entretien avec Monsieur Dany Fayad.

2

3

Annexe 2, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Zahlé-Liban

Durant l'entretien avec l'intellectuel politique et enseignant retraité,

Zahlé-Liban

Monsieur Sami Braidy.

Mreijat- Liban

Avec Monsieur Walid Fahd Zeitouny, enseignant à l'Université

Avec la candidate chiite indépendante à Zahlé, Madame Dima

Abou Daya.

Libanaise et membre cadre du Parti Social Nationaliste Syrien.

Durant le questionnement d'une jeune Libanaise qui vote pour la première fois.

4

Annexe 2, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Enquête du dimanche électoral à la Bekaa-Liban :

Durant le questionnement d'un

militant actif de la Société Civile Libanaise à Zahlé, Monsieur Rabih Sassine.

Avec un militant du Courant

Durant le questionnement d'un

militant du Hezbollah.

Patriotique Libre (interrogé).

Annexe 2, Mémoire 2021-2022
HADDAD Nisrine, M2RI

Avec une militante du Hezbollah (interrogée).

Avec un militant Phalangiste (interrogé). Avec une jeune militante de la société civile

libanaise (interrogée).

5

Avec un militant des FL (interrogé). Avec mon accompagnant, Monsieur Rami

Haddad.

Devant une voiture illégale décorée par les drapeaux du Hezbollah.

11/23/2021

Démocratie et

Processus électoraux

Sujet: L'évolution des processus électoraux au Liban et ses effets sur la démocratie représentative depuis la fin de la guerre civile libanaise jusqu'aux préparations de l'élection législative de 2022

HADDAD Nisrine

Master 2, Relations Internationales

1

HADDAD Nisrine Démocratie et processus électoraux

M2RI Le 23/11/2021

Suite aux horreurs d'une guerre civile qui a duré 15 ans, le Liban a ratifié en novembre 1989 le « Document d'entente nationale », appelé l'accord de Taëf, qui est au fondement de la Deuxième République libanaise, et qui affirme le caractère multiconfessionnel du Liban. Cet accord est un compromis islamo-chrétien qui consiste à diviser les 128 sièges du Parlement libanais équitablement entre les chrétiens et les musulmans1, et précise un partage du pouvoir politique entre les trois présidences de la république2. Il symbolise le retour de l'état de droit au Liban en présentant ce dernier comme étant une « République démocratique parlementaire fondée sur le principe du respect des libertés publiques et en premier lieux de la liberté d'opinion et de croyance ». En réalité, le Taëf qui a été perçu comme la solution idéale pour une coexistence réussite entre les 18 confessions libanaises a prouvé, avec le temps, d'être une des raisons principales des conflits politiques flagrants au Liban jusqu'à présent.

Suite au Taëf, le type des élections législatives n'a pas changé, le scrutin est resté majoritaire, d'où le vote se fait par sièges parlementaires dans les circonscriptions électorales. Les lois électorales ratifiées entre 1992 et 20083 ont uniquement modifié la taille de la circonscription électorale, toujours vers une taille plus grande dans le but de réduire les facteurs non politiques, comme le confessionnalisme, et de mener vers des collaborations entre les différentes confessions4. Tout cela a été fait sans prendre en considération que le fait d'élargir les circonscriptions limite les droits politiques et sociaux des minorités. Ce qui rend ce système majoritaire simple mais injuste. En 2017, une nouvelle loi électorale a été ratifiée changeant le système électoral législatif d'un scrutin majoritaire à un scrutin proportionnel avec équilibre entre les différentes confessions. Depuis la fin de la guerre civile, 6 élections législatives ont eu lieu avec 5 scrutins majoritaires et un proportionnel. Aujourd'hui, la deuxième élection proportionnelle législative libanaise est en cours de préparation et aura lieu fin mars de l'année 2022.

La démocratie représentative libanaise est traduite par la participation des citoyens aux élections législatives du Parlement, qui a un mandat de 4 ans. Entre chaque mandat, la question de la loi électorale se pose, et des tensions entre les différentes confessions, qui ont toujours persistées même après la guerre civile, recommencent. C'est une routine qu'une partie du

1 64 sièges pour chaque religion.

2 Chrétien Maronite de l'Etat, Musulman Chiite du Parlement et Musulman Sunnite du Gouvernement.

3 Les 5 lois électorales de 1992, 1996, 2000, 2005 et 2008.

4 Sachant que le déséquilibre démographique entre les communautés confessionnelles libanaises demeure, depuis la guerre civile, un sujet très sensible.

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HADDAD Nisrine Démocratie et processus électoraux

M2RI Le 23/11/2021

peuple libanais a très bien compris et acceptée, tandis qu'une autre partie essaye toujours de lutter pour un Etat véritablement laïque, non seulement dans sa constitution qui a été contredite par le Taëf, mais aussi dans son système électoral et au sein de ses pouvoirs exécutif et législatif. Une troisième partie du peuple libanais se trouve indifférente face à cette routine, ou bien elle n'a pas bien compris le processus électoral, ou bien elle a perdue l'espoir que le Liban peut changer après des décennies de corruptions et de transmissions familiales du pouvoir.

Depuis la fin de la guerre civile libanaise jusqu'aux préparations actuelles des élections de 2022, beaucoup de changements politiques, économiques et sociaux ont eu lieu au Liban. Ces derniers ont affectés, à la fois positivement et négativement, les processus électoraux et les résultats des élections législatives libanaises, ce qui rend intéressante l'analyse de l'état de la démocratie représentative au Liban suite à tous ces facteurs.

La définition de la démocratie qui va être adoptée dans cette étude est celle de Guy Hermet qui considère que « la démocratie désigne un mode d'organisation du pouvoir politique dont la légitimité requiert qu'il reconnaisse pleinement le primat de la souveraineté populaire et qu'il s'assigne pour objectif son renforcement effectif, mais dont l'agencement réel se fonde toujours pour l'essentiel sur une délégation de pouvoir à un personnel spécialisé par le biais d'élections régulières, concurrentielles et sans exclusive trop marquées vis-à-vis de certains secteurs, dans lequel aussi la volonté majoritaire ne s'exerce pas au point d'écraser les minorités ou les groupes d'intérêts de toutes espèces »5

Suite à ce qui précède, une chronologie historique guidera le plan; dans un premier temps (1989-2017), nous verrons les lacunes du système électoral majoritaire et les raisons menant à son remplacement par un autre proportionnel (I), puis dans un second temps (20182021), nous verrons les lacunes de la nouvelle loi électorale et ses effets sur la crise actuelle libanaise (II)

5 HERMET Guy, Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Armand Colin, Paris, 2015, 8e édition.

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HADDAD Nisrine Démocratie et processus électoraux

M2RI Le 23/11/2021

I. D'un scrutin majoritaire considéré « non-démocratique » à un autre
proportionnel

« C'est une véritable hérésie que de continuer à s'accrocher à un système aussi désuet, qui ne fait que perpétuer le confessionnalisme exacerbé, en consacrant le monopole du pouvoir par les leaders communautaires »6 Abdo Saad. Le scrutin majoritaire a été considéré par plusieurs politistes et universitaires Libanais comme étant une limite à la démocratie ou même non-démocratique pour des raisons variées (A), alors en 2017 une nouvelle loi électorale a instauré un système proportionnel (B)

A. La momification du système majoritaire menant à l'instabilité politique et sociale du Liban

Comme déjà mentionné, les seules modifications faites au système électoral libanais post guerre civile concernent la taille et nombre des circonscriptions électorales. Les autorités libanaises ont mis 20 ans pour comprendre qu'un système majoritaire plurinominal, dans un pays multiconfessionnel, dont la croissance démographique des communautés est inégale, ne mène pas à avoir un parlement conforme au Taëf, et qui représente la totalité du peuple. La représentation concerne uniquement des parties dominantes géographiquement, ou non, dans chaque circonscription, mais pas la totalité du peuple libanais. Pour illustrer l'injustice de ce système, prenons l'exemple des résultats des élections de 2005 dans la seconde circonscription du Nord, où tous les sièges de la circonscription ont été remportés à la liste qui a eu 57.5%7 des votes, tandis que la liste ayant uniquement 15% de votes en moins n'a obtenu aucun siège8. Par conséquence, premièrement, même si les sièges du législatif sont répartis conformément au Taëf, ils ne représentent pas la totalité du peuple libanais, alors la démocratie représentative est mise en question. Deuxièmement, les tensions politico-confessionnelles s'intensifient post-élections législatives. Cela est due à la réaction des partis non-gagnants et par la suite non-représentés au sein du parlement pour les 4 prochaines années. Troisièmement, ça incite les « opprimés » à ne plus participer aux élections législatives. En d'autres termes, au boycott.

6 JALKH J., « Abdo Saad :« le système majoritaire plurinominal est une véritable hérésie » », L'orient-Le Jour, 16 Avril 2010. [en ligne] : Abdo Saad : « Le système majoritaire plurinominal est une véritable hérésie » - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

7 SAAD A., « Le Système Electoral Majoritaire Freine l'avancée démocratique », Confluence Méditerranée, vol.56, no.1, 2006, p. 111.

8 Dans cette même circonscription, en 2000, une liste a obtenue 89% des sièges avec uniquement 43% des votes, alors les autres 57% des autres listes ont été réparties sur 11% des sièges de cette circonscription.

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Le taux de participation des citoyens dans les 5 élections législatives suivant la fin de la guerre civile libanaise était toujours inférieur à 55%, vue les abstentions du peuple libanais pour des différentes raisons. Pour les élections de 1992, la communauté chrétienne a boycotté les élections en considérant qu'elles sont contraires au principe de l'égalité9 et qu'il n'y aura pas une représentation équitable entre les musulmans et les chrétiens vue le découpage injuste des circonscriptions. Pour les élections de 1996, il y'a eu 44.11%10 de participation et 32% en 2000. Ces deux élections ont été boycottées par les opposants au régime syrien au Liban, mais qui ont quand même mené à deux mandat de parlements pro-syriens. Ce qui met la souveraineté de l'Etat libanais en question, et par la suite, sa démocratie représentative. En effet, après la guerre civile libanaise, la Syrie a occupé le Liban, il y'avait même une forte présence syrienne militaire et policière sur le territoire libanais11. Et entre les années 1996 et 2005, la dominance syrienne était même encrée dans le parlement libanais, ce qui a mené à considérer que la démocratie représentative au Liban était presque inexistante, parce que le Liban, en tant qu'Etat, n'était pas souverain12, et parce que le taux de participation aux élections était faible vue que les opposants au régime syrien ont boycotté et par la suite ne sont pas représentés. En ce qui concerne les élections de 2005, le taux de participation était de 46.47%, la majorité absolue au Parlement a été obtenue par l'opposition anti-syrienne avec 72/12813 élus. En Avril 2005, le dernier soldat syrien a quitté le territoire libanais14, ce qui rend les élections législatives de 2009 plus souveraines et démocratiques que ceux d'avant. Mais ça n'empêche pas la persistance des défauts du système majoritaire quant à la représentation de tout le peuple libanais et la limitation de la démocratie représentative. La participation dans cette dernière élection majoritaire libanaise était de 53.98% du nombre d'électeurs inscrits, ce qui montre les lacunes du système majoritaire et la volonté d'une grande partie du peuple libanais de le changer.

9 LARCHE J., FAUCHON P., JOLIBOIS C., RUFIN M., MATHEAS J., Quel Avenir Pour le Liban ?, Commission des lois, rapport 111, 1996/1997. [en ligne] : Quel avenir pour le Liban ? ( senat.fr).

10 LIBAN Majlis AL-Nuwwab (Assemblée Nationale), Archive des résultats des élections parlementaires, 1996. [En ligne] : LIBAN : élections parlementaires en Majlis Al-Nuwwab, 1996 ( ipu.org).

11 PICARD E., « Elections libanaises : un peu d'air à circuler... », Critique internationale, vol.n°.10, no.1, 2001, p. 22.

12 Juste pour illustrer un peu l'intention du régime syrien concernant le Liban, l'ancien président de la république Syrienne Hafez Al Assad considérait que « Le Liban est une erreur du Général Gouraud. Il n'a jamais existé. C'est une partie de la Syrie ».

13 Universalis, « 2-30 juin 2005, Liban. Elections Législatives et Assassinats Politiques », Universalis.fr. [en ligne] : 2-30 juin 2005 - Liban. Élections législatives et assassinats politiques - Événement - Encyclopædia Universalis.

14 GARDAZ S., « Retrait du Liban : Fin de l'ingérence syrienne », Le Temps, 27 Avril 2005. [En ligne] : Retrait du Liban: fin de l'ingérence syrienne? - Le Temps.

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B. L'adoption d'un nouveau système proportionnel et ses avantages démocratiques comparés à l'ancien majoritaire

Près d'une décennie suivant les élections de 2009, en 2017, une nouvelle loi électorale a été adoptée suivant trois auto-renouvellements du mandat parlementaire15. Et le 6 mai 2018, le premier scrutin proportionnel libanais a eu lieu en conservant un équilibre entre les différentes confessions. Les nouveautés de ce système électoral sont nombreuses, mais les plus importantes quant à la démocratie représentative au Liban sont expliquées dans ce qui suit.

Figure 1 montrant la division des circonscriptions, le nombre de sièges dans chacune et la répartition des confessions sur les sièges.

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Cette nouvelle loi électorale diminue le nombre de circonscriptions de 26 à 15. Il y'a des circonscriptions plus grandes que les autres et le nombre de sièges varie d'après leurs tailles. Selon le poids démographique de chaque circonscription, les sièges sont répartis entre les confessions.

Le changement est même visible au niveau des bureaux de vote, où les bulletins de vote sont pré-imprimés et présentant les listes, les noms complets des candidats, leurs communautés et la circonscription dans laquelle ils se présentent. Le panachage n'est plus possible comme c'était le cas avec le système majoritaire. L'électeur doit simplement cocher la liste pour laquelle il vote en choisissant un seul candidat de cette liste à qui il donne sa « voix préférentielle ». Avec ce système de bulletins pré-imprimés et tamponnés par le ministère de l'Intérieur, les partis politiques ne peuvent plus distribuer des bulletins déjà prêts avec des listes panachées à la porte des bureaux de vote pour s'assurer que les citoyens, à qui ils ont payés, vont voter pour eux. Ce qui limite les achats de votes.

15 Sous motif de la préparation d'une nouvelle loi électorale et de la recherche d'un consensus entre les partis politiques.

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Pour la première fois au Liban, la diaspora libanaise a pu voter. En effet, le Liban a connu des vagues multiples d'immigrations, il existe des millions de Libanais dans le monde entier. Pour les élections de 2018, 8200016 libanais hors le Liban se sont inscrits pour voter et 59% d'entre eux ont votés en choisissant des listes se représentants dans leur circonscription d'origine. Même si le taux de participation est bas, cette possibilité d'implication de la diaspora n'existait pas avant. En effet, la loi électorale de 2017 donne la possibilité pour la diaspora libanaise de présenter des candidats pour les élections législatives dès les deuxièmes élections. Alors, six sièges seront attribués à eux, en addition aux 128 sièges, pour les élections de 202217.

Le plus grand résultat démocratique de ce système proportionnel est la possibilité pour les outsiders de faire finalement partie au parlement Libanais. Pour la première fois au Liban, une coalition appelée « Koulouna Watani », présentant des listes des candidats de la société civile18 dans tout le pays, a pu avoir un siège au parlement Libanais suite aux élections de 2018. En effet, la société civile au Liban a joué un rôle primordial dans l'instauration de cette loi électorale19, et durant les élections même à travers des ONG, qui ont essayé de veiller sur la neutralité des élections de 2018 et à défendre la démocratie. C'est par exemple le cas de l'ONG « LADE » qui a déployé 1200 bénévoles observateurs sur le long du territoire libanais le jour des élections, le dimanche 6 mai20.

16 HOUEIX R., « Législatives au Liban : proportionnelle, équilibre confessionnel... un système électoral complexe », France 24, 04 Mai 2018. [En ligne]: Législatives au Liban : proportionnelle, équilibre confessionnel... un système électoral complexe ( france24.com)

17 IRADA K., « Législatives 2022 : la représentation de la diaspora ne peut être cantonnée à 6 sièges », L'orient-Le Jour, 11 septembre 2021.

18 Jürgen Habermas : « La société civile se compose de ces associations, organisations et mouvements qui à la fois accueillent, condensent et répercutent en les amplifiant dans l'espace public politique, la résonance que les problèmes sociaux trouvent dans la sphère de la vie privée ».

19Elle a même organisé un « vote symbolique » comme moyen de forcing pour une loi axée sur la proportionnelle quand le parlement a renouveler son mandat pour la deuxième fois dans le but de trouver un consensus entre les partis politiques pour un système électoral

20 DAOU M., « Législatives au Liban : le combat d'une ONG pour défendre une démocratie malmenée », France24, 05 Mai 2018. [En ligne] : Législatives au Liban : le combat d'une ONG pour défendre une démocratie malmenée ( france24.com)

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II. Les défauts des élections législatives de 2018 et le renforcement de la

société civile suite à de nombreux événements

Le système proportionnel n'est pas parfait, mais quand même, il reste moins problématique que le système majoritaire et représente plus le peuple libanais au sein du parlement. Cela montre une amélioration de la démocratie représentative entre les élections de 2009 et celle de 2018. Dans la première partie (A) nous verrons les défauts des élections de 2018, tandis que dans la deuxième partie (B) nous verrons les effets des derniers événements sur le pouvoir de la société civile et comment ça donne espoir pour les élections de 2022.

A. Les critiques des élections législatives de 2018

La faible participation du peuple libanais aux élections de 2018, malgré les campagnes organisées par les candidats sur les réseaux sociaux et le terrain, a été le sujet de nombreuses critiques. En effet, 49.2%21 du peuple libanais a participé. C'est principalement dû à la complexité du système électorale qui n'a pas été compris par le grand public et par la suite, n'a pas motivé les électeurs à participer. Le peuple libanais n'a pas été bien formé politiquement avant le jour des élections, et par la suite, n'a pas énormément participé. Si le système proportionnel a été bien expliqué, les citoyens qui ont perdus l'espoir à un changement véritable de la classe politique, pourront comprendre qu'en effet, ce scrutin peut aboutir à une vraie démocratie représentative s'ils participent. Pour illustrer la complexité de ce système, il suffit de savoir que même avant d'adopter la loi de 2017, les gouvernants ne savaient pas comment l'expliquer aux citoyens. « Personne ne sait comment on va expliquer cette loi aux citoyens »22, paroles de l'ancien ministre de l'éducation nationale Marwan Hamadé.

Suite à tout cela, peut-on mettre en cause la légitimité des gouvernants ? D'après la logique de Dominique Reynié, la réponde sera oui. « l'abstention et le vote populiste réduisent la base électorale des gouvernants et leur légitimité (...) »23.

21 OLJ, « Législatives: taux de participation de 49.2%, résultats définitifs dans les prochaines heures », L'Orient-Le Jour, 06 mai 2018. [en ligne] : Législatives : taux de participation de 49,2 %, résultats définitifs dans les prochaines heures - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

22 OLJ, « Loi électorale : début du Conseil des Ministres », L'Orient Le-Jour, 14 Juin 2017. [en ligne] : Loi électorale : début du Conseil des ministres - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com).

23 REYNIE D.,(dir.), Où va la démocratie ? Une enquête internationale de la Fondation pour l'innovation politique, Paris, Plon, Fondation pour l'innovation politique, 2017, p.15

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Le vote préférentiel a été aussi un sujet de nombreuses critiques. Notamment celle de Nawaf Salam24 qui considère que cette « limitation du vote préférentiel à un seul choix aboutissant à intensifier la compétition au sein d'une même liste, et cela au détriment de la vraie compétition entre listes politiquement opposées et distinctes quant à leur programme »25.

La troisième critique concerne l'absence de quota réservé à la femme, même si la loi électorale de 2017 donne une place importante aux femmes politiques libanaises, elle ne précise pas un quota. Le parlement Libanais élu en 2018 compte 6 femmes26 uniquement et 122 Hommes. Et ça a été le sujet de nombreuses critiques de la part de la communauté féministe au Liban, notamment des influenceurs et influenceuses sur les réseaux sociaux.

Enfin, la loi de 2017 ne limite pas les dépenses électorales pour les candidats, ce qui créé des compétitions électorales déséquilibrées. En plus, plusieurs partis politiques, suite à la fermeture des bureaux de vote, ont déclaré avoir vu des agents appartenant aux autres partis politiques achetant les voix préférentielles des citoyens. Ce qui est due aussi au manque de limitation des dépenses électorales.

B. La révolution, l'explosion du Port de Beyrouth et la crise économique: des événements tragiques menant au renforcement de la société civile

Un an et demi suivant les élections législatives de 2018, 1 million libanais se sont trouvés dans les rues en demandant la démission de toute la classe politique, sans exceptions. Cela est suite à de nombreuses campagnes dirigées par la société civile sur les réseaux sociaux contre les taxes imposées par le gouvernement au peuple. Durant cette révolution, les demandes étaient claires; le changement des dirigeants politiques du pays en remplaçant leurs « visages de guerre » par des jeunes visages plus laïques, l'abolition du Taëf et du confessionnalisme pour avoir un Etat laïque et l'organisation d'élections qui ne sont pas fondées sur « l'équilibre confessionnel » mais plutôt sur les compétences des représentants du peuple. Même si la révolution libanaise n'a pas abouti à tout cela, elle a montré le nombre des libanais ayant la

24 Juriste, politiste, diplomate et universitaire libanais qui a été élu en 2017 juge à la Cour Internationale de Justice pour la période 2018-2027.

25 CHAOUL M., « La réforme du système électoral : étude comparative », L'Orient Littéraire, 03 Juin 2021. [En ligne] : La réforme du système électoral : étude comparative - L'Orient-Le Jour ( lorientlejour.com)

26 A-C.D, AFP, « Liban: six femmes au nouveau Parlement », Le Parisien, 08 Mai 2018. [en ligne] : Liban : six femmes au nouveau Parlement - Le Parisien.

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volonté de changer le pays vers le mieux. Elle a en parallèle montré qu'il existe aussi un grand nombre de libanais qui suivent toujours leurs dirigeants de guerre27. La révolution a même montré à quel point le gouvernement libanais est capable d'aller pour protéger les intérêts personnels des corrompus du pouvoir. Notamment une force excessive a été usée par l'armée libanaise face aux manifestants et des balles réelles ont été utilisées pour les disperser28.

Le 4 Août 2020, une double explosion a eu lieu au port de Beirut dont l'origine était un stock de 3000 tonnes de nitrate d'ammonium. Jusqu'aujourd'hui, aucun dirigeant politique n'a accepté d'être auditionné, ce qui a reclencher les manifestations dans les rues. En février 2021, un nouveau juge a été chargé de l'enquête, le juge Tarek Bitar. Ce dernier a été plusieurs fois menacé par des Partis politiques libanais, plus récemment pas le Hezbollah qui lui a écrit le message suivant :"Nous pourrions te déboulonner..."29. Mais quand même il continue à convoquer des personnages politiques pour être auditionnés. Le 14 Octobre 2021, 6 personnes30

ont été tuées durant une manifestation du Hezbollah demandant la démission du juge Bitar. "Le

fait que l'enquête se rapproche de certains responsables politiques induit ce type de comportement avec potentiellement des dérives graves"31, a analysé un journaliste de la revue Orients Stratégiques. Le fait que cette explosion a causé 214 morts, 6500 blessés et 35000 sans

27 Cela a été exprimé par la violence et le harcèlement des manifestants de la part des autres Libanais.

28 Amnesty International, «Liban. Il faut une enquête sur le recours à la force excessive, notamment sur l'usage de balles réelles pour disperser les manifestations », Amnesty International, 1 Novembre 2019. [En ligne] : Liban. Il faut une enquête sur le recours à la force excessive, notamment sur l'usage de balles réelles pour disperser les manifestations ( amnesty.org)

29 COLLY Aurélien, « Explosion dans le port de Beyrouth : le juge chargé de l'enquête cible de menaces et de pressions », Franceinfo, 23 Octobre 2021. [En ligne] : Explosion dans le port de Beyrouth : le juge chargé de l'enquête cible de menaces et de pressions ( francetvinfo.fr).

30 Franceinfo, « Six morts après une manifestation au Liban « Cela rappelle de très mauvais souvenirs », estime un chercheur », Franceinfo, 14 Octobre 2021. [En ligne] : Six morts après une manifestation au Liban : "Cela rappelle de très mauvais souvenirs", estime un chercheur ( francetvinfo.fr).

31 Ibid.

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logements, et que les dirigeants politiques libanais bloquent les enquêtes sur ce sujet, le peuple libanais et surtout les familles des victimes se révoltent encore plus contre la classe politique dirigeante.

Figures 5 et 6 : le frère d'une victime de l'explosion du Port de Beyrouth réprimé par les forces étatiques libanaises

Suite à la révolution Libanaise, l'explosion du port et la crise du Covid-19, le Liban se trouve aujourd'hui dans une des pires crises économiques et politiques au monde32. Le silence des gouvernants face à cette crise, mène une plus grande partie du peuple libanais affamé, qui a perdu des membres de sa famille et une partie de sa capitale, a vraiment vouloir le changement. Ce qui a résulté au renforcement de la société civile libanaise qui tout au long de ce mandat n'a pas arrêté d'inviter le peuple libanais à participer aux événements organisés par des ONG, des associations et même des personnels. Et petit à petit, l'engagement du peuple libanais se fortifie au sein de ces initiatives, ce qui donne espoir pour les prochaines élections de 2022.

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32 AFP, « Le Liban traverse la pire crise économique du monde », Le Point International, 01 Juin 2021. [en ligne] : Le Liban traverse la pire crise économique du monde - Le Point

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CONCLUSION :

Certes le système électoral Libanais a connu des grands changements entre la fin de la guerre civile jusqu'à nos jours. Peut-être qu'en sortant d'une guerre confessionnelle violente, la solution idéale, à l'époque, était d'adopter l'accord du Taëf entre toutes les confessions pour trouver un compromis au niveau du pouvoir étatique. Mais le fait de respecter cet accord, jusqu'à nos jours, limite la démocratie représentative au Liban parce que les sièges doivent toujours être divisés selon les confessions, et le vote se fait selon la confession de l'électeur. Surement, le système proportionnel est plus démocratique que le système majoritaire, mais il comprend tout de même des lacunes. Les lacunes liées à sa nouveauté33 sont aujourd'hui en cours de traitement par le gouvernement et la société civile active. Au contraire, les lacunes liées au vote préférentiel, les circonscriptions et la représentation égale de tous les citoyens, ne peuvent être réglées qu'en abolissant le Taëf, installant un Etat laïque et des élections qui n'ont rien à voir avec les communautés confessionnelles. Cela va réduire les tensions quotidiennes entre les citoyens, les conflits pré et post- élections et les corruptions des élections vue que l'on ne se bat plus pour la « survie de la confession et l'élimination de l'autre ». La situation actuelle au Liban, même si tragique, montre une volonté toujours plus grande du peuple libanais de changer le pays et d'élire plus de représentants de la société civile. Les élections de 2022 vont tout révéler. Déjà les campagnes pour que la diaspora libanaise participe aux élections ont commencées sur les réseaux sociaux, des vidéos instructives sur le système électoral sont postées par des ONG sur Facebook et Instagram, et des Hashtags motivant le peuple au changement du Liban par le vote sont lancés. Dans l'espoir que le pluralisme, qui caractérise la démocratie, n'aurait plus du mal à s'imposer au Liban.

33 Le quota de femmes au Parlement, l'explication de la proportionnelle au peuple libanais et la faible culture politique.

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