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Médias transnationaux et représentations: le cas de la réception de RFI par les étudiants sénégalais

( Télécharger le fichier original )
par El Hadji Malick NDIAYE
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master 2 2016
  

Disponible en mode multipage

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Résumé:

L'objectif de ce mémoire est d'analyser la réception qui est faite du média transnational RFI par les étudiants sénégalais en interrogeant également les représentations culturelles et politiques de ceux-ci. En se donnant pour mission de comprendre les dynamiques de réception des médias transnationaux en cours au Sénégal, il allie démarche diachronique- historique, présentations de données empiriques et confrontations de formulations théoriques relatives à la réception des médias transnationaux mais aussi aux représentations culturelles et politiques des étudiants pour saisir ce phénomène à l'heure actuelle. Nous faisons l'hypothèse que la réception qui faite de RFI par les étudiants Sénégalais aujourd'hui est négociée par rapport aux années 1990 où elle était hégémonique. Ce travail s'inscrit totalement dans les Sciences de l'Information et de la Communication (SIC) dans la mesure où il questionne la réception et les médias transnationaux qui sont partie intégrante de notre discipline.

Mots clés : Médias transnationaux, réception, représentations

Abstract:

The objectif of this proposal is to analyse the reception made by senegalese students from transnational media: the case of RFI (France International Radio). It aims also to question cultural and political representations behind this information.

The expectation of this thesis is to understand the dynamics of reception of the transnational media in Senegal. It will combine both diachronic-historical approach, presentations of empirical data and confrontations of theoretical formulations. The study concerning the reception of transnational media and the cultural and political representations of students to grasp this phenomenon at the present time.

We are aware that the reception made of RFI by Senegalese students today is negotiated compared to the 1990s when it was hegemonic. This work falls completely within the information and communication sciences (CIS) as it questions the reception and the transnational media that are an integral part of our discipline.

Keywords : Transnational media, reception, representations

1

Déclaration anti-plagiat :

2

Remerciements :

Je tiens tout d'abord à remercier mon encadreur de mémoire Sokhna Fatou Seck SARR pour sa grande sollicitude, sa disponibilité ainsi que pour les innombrables orientations et soutien qu'elle m'a apporté tout au cours de ce travail.

Je tiens également à remercier tous les enseignants-chercheurs de la section communication qui, tout au long de mon cursus académique, m'ont accompagné.

Je remercie tous mes amis, frères et soeurs, qui, à travers leur support, m'ont permis de mener à bien ce travail.

Je remercie enfin ma famille, mon père, ma mère et mes frères

Je dédie ce mémoire à ma mère.

3

Sigles et abréviations

AEF : Audiovisuel extérieur de la France

ARTP : Autorité de Régulation des Télécommunication et Postes

BBC: British Broadcasting Corporation

CCCS: Center for Contemporary Cultural Studies

CCTV: China Central Television

CNBC: Consumer News and Business Channel

CNN : Cable Network News

CNRA : Conseil national de Régulation de l'Audiovisuel

ESPN: Entertainment Sport Programming Network Incorporated

FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Agriculture et l'Alimentation

FMI: Fonds Monétaire international

MBC: Middle East Broadcasting Center,

MCD: Monte Carlo Doualiya

NOMIC: Nouvel Ordre Mondial de l'Information et de la Communication

OPNI: Objets politiques non-identifiés

OMC: Organisation mondiale du commerce

ORTF: Office de la Radiodiffusion Télévision française

PIDC: Programme International pour le Développement de la Communication

RTS : Radiotélévision Sénégalaise

RFI : Radio France international

RSN : Réseaux socionumériques

SIDA : Syndrome de l'immunodéficience acquise

TF1 : Télévision France 1

TICs : Technologies de l'Information et de la Communication

TV5 : Télévision des cinq continents

MIT : Machassussets Institute of Techology

UPS : Union des Progressistes du Sénégal

UNESCO : Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture

4

Sommaire

Sommaire

5

Introduction :

6

Problématique

8

Partie I : Evolution du média transnational RFI et du cadre local de réception

20

Chapitre I : De l'internationalisation des médias à RFI Afrique

22

Chapitre 2 : Adaptation de RFI au numérique et mutation de la sphère médiatique nationale

34

Partie II : Les médias internationaux : d'une réception hégémonique à une réception négociée

46

Chapitre 3 : Une réception hégémonique des médias transnationaux dans les années 1990

.48

Chapitre 4 : Une réception de plus en plus « négociée »

60

Partie III : Médias transnationaux : des interculturalités aux sphères publiques renouvelées

82

Chapitre V : De l'hégémonisme au relativisme culturel

85

Chapitre VI: Espaces publics et représentations politiques : entre communautés imaginées et opinion

publique nationale 97

Conclusion générale .112

5

6

Introduction :

Les médias font partie des objets et des enjeux de recherches privilégiés des Sciences de l'Information et de la Communication. En fonction de leur stratégie d'ouverture ou de couverture, ils ne s'inscrivent pas seulement dans les frontières nationales mais adoptent des stratégies d'extension et d'internationalisation. C'est la presse écrite qui, en premier, va devenir transnationale avec des groupes comme Associated Press, lequel dès le XIXème siècle (en 1830), a déployé des stratégies pour diffuser de l'information vers d'autres territoires via des bateaux et navires intercontinentaux. Ensuite, la radio et la télévision vont bénéficier au début du XXème siècle, d'une capacité d'émission et de couverture plus large, accélérant ainsi le processus d'internationalisation de l'information avec comme facteur corrélatif le développement des moyens de transport et des réseaux, expressions d'une « hyperindustrialisation » (G. Tremblay, 2008, p.34). Ce processus d'internationalisation va conduire à la naissance de plusieurs médias transnationaux, lesquels vont diffuser l'information internationale dans toutes les régions y compris en Afrique où ils sont d'ailleurs relativement bien suivis. En effet, dans ce continent, la colonisation a engendré un fort ancrage des médias occidentaux laissant apparaitre un aménagement médiatico-linguistique (Abolou, 2010) favorable. Piliers essentiels de médiation et d'information en Afrique, les médias transnationaux sont relativement bien présents dans les sphères anglophones et francophones des pays anciennement colonisés. Ainsi, en 2016, selon le Global Audience Measure (GAM), Cable News Network (CNN) est le média transnational le plus suivi en Afrique anglophone (60%) devant la British Broadcasting Corporation (BBC) (47%)1. La BBC, enregistre par ailleurs, cent onze millions (111 000 000) de part d'audiences hebdomadaires cumulées en Afrique (TV, radio, social media, plateformes mobiles, etc.), soit 32% de ses 348 millions de son reach hebdomadaire global2. Quant à l'Afrique Francophone, le groupe France Médias Monde3, reste plébiscité par le public selon les statistiques. En 2011, sur les 40.5 millions d'auditeurs hebdomadaires estimés de la Radio France Internationale (RFI), l'Afrique en détient 33,1 millions, dont 24,5 millions dans les pays d'Afrique francophone4. Plus récemment, une étude réalisée en 2016 par Kantar TNS5, établit que plus d'un habitant sur deux (50,5%), et près de quatre cadres et dirigeants sur cinq (79%) écoutent RFI chaque semaine alors que la

1 Ipsos Affluent Survey Africa, 2016. Etude menée au Cameroun, au Ghana, au Kenya, au Maroc, au Nigeria, en Afrique du Sud et en Ouganda.

2 Global Audience Measure, 2016 (GAM)

3 Groupe de médias publics Français composé de la Radio France Internationale, de France 24 et de Monte Carlo Doualiya

4 TNS Sofrès, Médiamétrie, Intermédia / 2011 - 15 ans et +.

5 Kantar TNS-Africascope 2016 - enquêtes en face à face réalisées sur des périodes de 3 mois (d'avril à juin 2016) dans des capitales de 7 pays d'Afrique subsaharienne au Burkina Faso (Ouagadougou), au Cameroun (Douala et Yaoundé), en Côte d'Ivoire (Abidjan), au Gabon (Libreville), au Mali (Bamako), en RDC (Kinshasa) et au Sénégal (Dakar).

chaine de télévision d'information continue France 24, enregistre une audience hebdomadaire moyenne de 46,4% sur l'ensemble de la population étudiée. Une situation qui témoigne de la prépondérance des médias transnationaux occidentaux en Afrique, renouvelant ainsi le débat sur le déséquilibre des flux d'information internationale. Evoqué dans le rapport Mac Bride, l'inégalité des flux informationnels à l'échelle internationale a longtemps animé les débats au niveau des instances internationales, au sein des universitaires et des professionnels des médias. Déjà dans les années 1970 « les quatre grandes agences occidentales-Associated Press et United Press International aux Etats-Unis, Reuters au Royaume-Uni et l'agence France-Presse en France »6 concentraient à elles seules 80% de l'information internationale. Si l'on en croit Armand Matellart, les médias transnationaux seraient donc des vecteurs de hiérarchisation du monde (A. Mattelart, 1994)7. A travers les notions de « centre/périphérie », l'auteur nous explique que ce clivage est révélateur des déséquilibres notés notamment au niveau de la production de l'information (A. Mattelart, 2007). Le centre étant le pôle où se concentrent les richesses ; qui commande et bénéficie du système monde (A.Mattelart, 2007), envisagé ici comme un « système médiatique ». La périphérie désignant le concert de pays moins riches, moins avancés, moins émergents, qui subit ce « système médiatique ». C'est dans cette perspective d'ailleurs, que les débats sur les inégalités des flux informationnels avaient été agités à l'UNESCO avec le fameux Nouvel ordre mondial de l'information et de la Communication (NOMIC)8. Le rapport piloté par Sean Mac Bride est largement revenu sur les facteurs aggravants de ce déséquilibre caractérisé par la conspiration du silence, l'information tronquée et la propagande culturelle 9(F. Balle, 2013, p.658) orchestrées par le centre.

Ces questions soulevées depuis près d'un demi-siècle, restent encore au coeur des débats contemporains et se trouvent même amplifiées avec l'avènement de l'Internet. Aujourd'hui autant qu'hier, ces inégalités et déséquilibres entre le centre et la périphérie subsistent. Le clivage « inforiches »/« infopauvres » 10 renforcé par le phénomène de la « fracture numérique » impacte nécessairement, à l'heure actuelle, les circonvolutions des flux d'informations, nous dit en substance Olivier Sagna (Sagna, 2006). Dans un autre registre, Bertrand Cabedoche constate que l'information, quand elle est internationale, provient encore majoritairement des médias occidentaux, lesquels procèdent à une « construction de l'étrangéité »11 (Cabedoche,

6 Rapport MacBride, Voix multiples, un seul monde : Communication et société aujourd'hui et demain, Edition abrégée, Paris, UNESCO, 1986, p.123

7 Armand Mattelart., L'invention de la Communication, 1994, p.189

8, Armand Mattelart. Histoire de la société de l'information. La découverte, 2010.

9, Francis Balle, Médias et sociétés, 2013, p.658

10, Olivier Sagna. La lutte contre la fracture numérique en Afrique: aller au-delà de l'accès aux infrastructures. 2006, p. 15-24. 11 Bertrand Cabedoche. « La construction de l'étrangéité, enjeu du projet de chaîne française d'information internationale » 2004, p. 471

11,

12,

13,

14,

7

 
 
 
 
 
 

2007), c'est-à-dire une perception de l' « étranger » à partir de leur lanterne d'émission. Au-delà de ce déséquilibre notoire et persistant, les médias transnationaux qui nous intéressent dans le cadre de cette recherche, développent de plus en plus des stratégies d'extension avec comme cible privilégiée l'Afrique. Un processus d'internationalisation teinté voire dicté par diverses logiques économiques, culturelles, politiques et technologiques que nous allons tenter de saisir afin de mieux dégager la problématique.

Problématique

Au titre des logiques qui accompagnent ce processus d'internationalisation, nous avons en premier lieu, la dimension politique. Ainsi, si l'on en croit Tristan Mattelart, les médias transnationaux dont la majorité appartient au monde occidental, seraient en croisade contre tout régime non-démocratique. En pénétrant ces pays, les médias transnationaux contournent ceux qui s'efforcent d' « exercer un strict contrôle sur les moyens d'expression » (Mattelart, 2002). Dans la réalité contemporaine, les médias transnationaux sont soupçonnés, derrière les réseaux sociaux, d'être des catalyseurs de changements et de révolutions à l'instar du printemps Arabe12 (Lecomte, 2011). En outre, financés pour la plupart par leurs pays d'origine, ces « states sponsored flows » (Thussu, 2007) obéiraient aux lignes définies par la politique internationale de l'Etat en question. Dans le cas de la France, dépendant du Ministère des Affaires étrangères et non des ministères en charge de la culture et de la communication, la Radio France internationale (RFI) est très souvent accusée par ses détracteurs de servir les intérêts de l'Etat français dans son agenda et son traitement de l'information. Qu'ils soient soupçonnés de diffuser une idéologie politique, des manières de penser et d'action ou de défendre les intérêts d'un Etat ou d'une région, les médias transnationaux comportent donc des enjeux politiques certains. Dans ce sillage, RFI, financé par le trésor public français, se trouve nécessairement liée à des enjeux politiques.

En outre, les logiques politiques évoquées supra, empruntent des connotations culturelles laissant transparaître une sorte de colonialisme culturel 13 (Bourdon, 2008). Dominique Wolton parle même de l'autre mondialisation14 (Wolton, 2003) dans lequel, les médias transnationaux sont soupçonnés de servir d'instrument d'impérialisme culturel (Schiller, 1976). En fait, provenant pour les plus connus d'anciens pays colonisateurs, ces médias sont perçus comme des médiums qui perpétuent la domination culturelle préexistante en transformant par exemple

12 Romain Lecomte. Révolution tunisienne et Internet: le rôle des médias sociaux. L'Année du Maghreb, 2011, no VII, p. 389-418.

13 Jérôme Bourdon, « Comment écrire une histoire transnationale des médias ? L'exemple de la télévision en Europe», 2008, p.166

8

14 Dominique Wolton. L'autre mondialisation. Essais, 2003.

les Africains en « peaux noires, masques blancs »15 (Fanon, 2015). Les médias transnationaux feraient donc partie des nouveaux scapes (Appadurai, 1996) qui reconfigurent les réalités culturelles. Une influence sur les identités et les représentations, autant individuelles que collectives, débouchant sur des communautés imaginées (Anderson, 1996) et pouvant engendrer de nouvelles transversalités géographiques et politiques (Ambrosi, 1999). Les médias transnationaux sont au coeur des débats uniformisation/diversité ou encore forces centripètes/centrifuges de la culture (Mattelart, 2007). Qu'ils soient dans une logique d'hégémonie16 (Gramsci, 2009) ou de diversité culturelle (Mattelart, 2007), leur orientation culturelle reste au coeur des débats depuis maintenant plusieurs décennies. Dans cette optique, RFI serait aussi un canal de diffusion de la langue et de la culture Française. On peut d'ailleurs lire dans le rapport du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) Français de 2014, que RFI s'est acquitté de ses charges de « promotion de la langue et de la culture française »17. Cette mission qui lui est assignée par l'Etat français ne fait-elle pas de RFI un instrument de domination culturelle ? Ou plutôt, n'est-elle pas en faveur d'une construction de représentations culturelles chez les publics qui écoutent la radio RFI ?

Au-delà de l'orientation culturelle, les médias transnationaux sont aussi guidés par des logiques économiques. Au plan économique, l'information tout court, a joué un rôle capital dans l'émergence du monde des finances à l'échelle internationale. L'agence de presse Reuters par exemple, a très tôt lancé une filiale dédiée à l'information financière et boursière. Les médias transnationaux constituent des multinationales comme tant d'autres et sont relativement bien positionnés au sein des industries du contenu (Miège, 2000, p.78). Toutefois, les médias transnationaux doivent très souvent leur salut aux capacités financières de leur Etat d'origine du fait de la lourdeur des dépenses de leurs activités. Ils sont donc soit financés par le trésor public comme c'est le cas avec la radio RFI, soit issus de puissants groupes de communication à l'instar du groupe Canal+ (Vivendi). En effet, du côté, des médias transnationaux privés, le développement de la financiarisation (l'actionnariat financier) permet d'accroitre les capacités et les moyens de production mais aussi la diversification des activités de niche afin de générer des sources de revenus additionnelles (Bouquillion, 2012). Quant aux médias publics, les Etats procèdent de plus en plus à leur concentration au tour de grands groupes à l'instar de France médias monde pour rationaliser les budgets qui leur sont alloués et favoriser des synergies. A titre d'exemple, RFI fait partie intégrante du groupe France médias monde. Si l'on en croit

15, Frantz Fanon. Peau noire, masques blancs. Seuil, 2015.

16,

9

Antonio Gramsci. Hegemony, intellectuals and the state. Cultural theory and popular culture: A reader, 2009, vol. 2, p. 210-16. 17 Rapport CSA année 2014 - France Médias Monde-Décembre 2015, p.12

Philippe Bouquillion (2012), ces stratégies de financiarisation et de concentration des médias transnationaux, se justifient par le fait qu'une diffusion internationale nécessite de grands moyens financiers, humains et techniques, or les revenus générés par la publicité ne les couvrent pas entièrement. Au regard des assertions des chercheurs de l'industrie du contenu, les médias transnationaux obéissent à des logiques économiques certaines.

Enfin, la dimension technologique est tout aussi importante pour saisir les logiques qui accompagnent les médias transnationaux. Outre les innombrables avancées notées avec la multiplication des satellites régionaux et intercontinentaux, le développement de la modulation de fréquences et les technologies numériques ne cessent d'apporter des changements majeurs dans l'accessibilité de l'information. Les dispositifs et les technologies numériques rendent l'information plus rapide, plus abondante et plus accessible. Du côté de la production de l'information, un renouvellement des pratiques du journalisme à l'ère du numérique est constaté avec une réorganisation des rédactions et l'émergence de nouvelles compétences (Mercier et Pignard-Cheynel, 2014). Du point de vue de la diffusion, les innombrables innovations technologiques ainsi que les pratiques de communication médiatisées par les réseaux numériques induisent elles aussi des mutations (Proulx, 2002). Au niveau de la réception des médias, les dispositifs et les plateformes ouverts et interactifs conjugués à une pluralité de sources disponibles pour les publics ont consacré l'avènement du sacre de l'amateur (Flichy, 2010). Les médias transnationaux qui évoluent dans des environnements médiatiques fortement concurrentiels devraient saisir de manière efficiente ces évolutions technologiques pour garder intacte leur audience en Afrique et dans le monde nous dit Marie Soleil-Frère, (2016). La question est maintenant de savoir si la radio transnationale RFI, objet de cette recherche, a adopté cette nouvelle configuration technologique en modernisant sa diffusion et en stimulant sa présence sur les plateformes numérique ? La réponse à cette question, comme les questionnements soulevés par les autres logiques (culturelles, politiques, économiques) nécessite d'orienter in fine la réflexion vers la réception. En effet, s'intéresser aux médias transnationaux suppose une réelle connaissance des caractéristiques du public sachant que, de nos jours, les médias font face à des récepteurs de plus en plus instruits et par conséquent critiques. Cet état de fait, conjugué à l'« infobésité »18 (Hiltz et Turoff, 1985), aux flux ininterrompus d'informations auxquels les récepteurs en question sont exposés, pourrait avoir

10

18 « Selon Hiltz et Turoff (1985), la notion d'infobésité est à rapprocher du phénomène de surcharge informationnelle ou « information overload » qui a provoqué, avec la généralisation des TIC, un dysfonctionnement dans les organisations (Kalika Ledru, Isaac, Beyou et Josserand, 2003 ; Kalika et al., 2006). In Pratiques et usages numériques, Actes de H2PTM'13 du 16, 17 et 18 Octobre 2013, p.15

19 Charles Moumouni. « L'image de l'Afrique dans les médias occidentaux : une explication par le modèle de l'agenda-setting, » AUTOMNE 2003, p.154

20 Camille Laville. Le traitement de l'actualité internationale : avenir... et mirages de l'information planétaire, 2003, p.39

21Bertrand. Cabedoche « Télévisions transnationales et représentations de l'altérité : remarques épistémologiques et méthodologiques » Été 2007

22 Awa Ly, Le Sénégal dans la presse Française 1956-1968, Un traitement privilégié ? L'harmattan, 2003

11

des incidences sur la réception, même si les statistiques des agences de mesure révèlent un bon positionnement des médias transnationaux en Afrique.

La réception est le parent pauvre des recherches sur les médias en Afrique. Beaucoup d'études ont été menées sur les origines, l'environnement médiatique, l'organisation ou le fonctionnement des médias nationaux. A titre d'exemple, le sociologue des médias Mor Faye a travaillé sur la presse privée écrite en Afrique Francophone (2008) ; Saidou Dia, un historien des médias s'est intéressé à l'évolution historique des médias au Sénégal (2001) et Ndiaga Loum auteur de travaux sur la communication internationale, entre autres, ont analysé les flux d'information en Afrique francophone. Lofti Madani (1996) quant à lui, a convoqué l'histoire, les aspects économiques et sociopolitiques ou encore l'extraneité qui touche la sphère médiatique nationale. Seulement, il faut signaler que ces études se focalisent sur les pratiques et le fonctionnement des médias nationaux.

Quelques rares travaux se sont intéressés aux médias transnationaux. Charles Moumouni, (2003)19 a cherché à analyser l'image de l'Afrique dans les médias occidentaux. Il a ainsi tenté d'expliquer la mauvaise image de l'Afrique dans les médias occidentaux à travers les modèles de « l'agenda-setting » et l'« agenda building ». Dans le même sillage, Camille Laville (2003, p.39) 20 souligne que le manque d'équilibre de l'information internationale aurait tendance à projeter un tableau apocalyptique de la « périphérie », en sublimant les « hard news » (chaos) au détriment des «soft news» (information sur les efforts de développement et sur les éléments d'image positive de la périphérie). Une situation qui fait transparaitre des clichés, des représentations de l'altérité21 et plus encore une volonté de construire une vision du monde. Un travail essentiellement axé sur la ligne éditoriale est celui mené par Awa Ly22, l'une des pionnières en matière d'étude des médias transnationaux au Sénégal. Dans une étude menée sur la presse écrite transnationale entre 1956 et 1968, elle a procédé à une analyse d'un corpus d'articles écrits sur le Sénégal. Pour ce faire, elle a dressé une typologie d'articles publiés par trois quotidiens français idéologiquement marqués à savoir Le Monde, Le Figaro et l'Humanité. A l'issue de son analyse qui avait pour objet de connaître le traitement de l'actualité concernant le Sénégal dans ces médias, elle affirme que le Sénégal fait exception dans le traitement de l'information sur l'Afrique subsaharienne du fait qu'il reste le seul pays qui bénéficie d'une

image et d'analyses toujours positives dans les articles qui lui sont consacrés. Bien que les résultats de ses travaux apportent des éclairages sur le traitement de l'information sur l'Afrique fait par les médias outre Atlantique, ils renseignent très peu sur le cadre de réception. En fait, les études menées jusqu'à présent restent parcellaires voire embryonnaires pour rendre compte de la complexité des phénomènes de réception des médias transnationaux au Sénégal. Les études en Afrique de l'Ouest relèvent essentiellement de l'audimétrie et émanent d'agences telles que TNS Sofres ou de bureaux d'écoutes des médias transnationaux qui ne s'intéressent souvent qu'aux données chiffrées. Hormis l'étude menée par Werner au début des années 2000 qui s'est intéressée à « la consommation des telenovelas par les audiences féminines » (2006 cité par Frère, 2016)23, rares sont les travaux consacrés à la réception des contenus véhiculés par les médias étrangers.

Depuis les travaux fonctionnalistes relatifs aux effets directs et indirects des médias, la question de la réception est prise en compte dans les études des médias. Pour le cas de RFI, qui nous concerne dans le cadre de cette recherche, Marie Jo Berchoud, dans son ouvrage RFI et ses auditeurs24, s'intéresse aux courriers que les auditeurs envoient à RFI pour poser des questions d'ordre diverses afin de comprendre s'ils étaient interactifs et quelles pouvaient être les raisons et motivations de leurs réactions. L'étude s'était focalisée sur un corpus de 337 lettres dont 88% sont d'origine africaine et 6% provenant du Sénégal (soit 21 lettres). Les résultats de ses travaux ont permis déjà de savoir que les auditeurs essayent d'interagir avec RFI. Cet aspect est important pour une meilleure connaissance du public, néanmoins, l'angle d'analyse et la méthode d'analyse de discours, restent encore pour nous non-exhaustive pour rendre compte de toute la complexité de la réception. Théophile Vittin, un des rares chercheurs à travailler sur la réception des medias transnationaux au Sénégal et en Afrique de l'Ouest s'est aussi intéressé au cas de la radio RFI. A l'issue de sa recherche, il arrive à la conclusion selon laquelle RFI est la source d'information privilégiée des auditeurs qui, cependant, sont « lucides, critiques et actifs » (Vittin, 2002) à l'égard de la station Française. Pourquoi RFI reste une source d'information privilégiée ? Pourquoi les auditeurs restent « lucides, critiques et actifs » ? Est-ce une forme de résistance face aux logiques politiques ou culturelles qui entourent les médias transnationaux ?

Il est vrai que RFI, dès sa création, a occupé une place prépondérante en Afrique Francophone. Dans les années 1980, elle devient incontournable chez les jeunes instruits et les élites de

23 Sylvie Captant, Marie-Soleil Frère, « Les Afriques médiatiques. Introduction thématique », Afrique contemporaine, 2011, p.37

24 Marie Jo Berchoud. RFI et ses auditeurs: chers émetteurs. Editions L'Harmattan, 2001

12

l'Afrique Francophone du fait de la crédibilité de ses informations et de son professionnalisme. En ce moment, les sphères médiatiques nationales vivaient encore un monolithisme où seuls les médias d'Etat monopolisaient l'information (Soleil- Frère, 2000). La seule issue était les médias transnationaux qui pouvaient avoir une distanciation par rapport à l'information concernant le pays. Aujourd'hui, l'environnement médiatique national a fleuri et compte plus de 200 radios en opération (CNRA, 2014), près d'une vingtaine de chaines télévisées, et plus de 8 millions de connectés à Internet (ARTP, 30 Juin 2016). Ces mutations intervenues au niveau de la sphère nationale, avec le rôle de plus en plus déterminant que jouent l'Internet et les réseaux sociaux, ont-elles eu des incidences sur la réception de RFI ? Est-ce que RFI a su s'adapter aux changements? Si, oui, comment cette mutation s'est opérée ?

La communication-monde (Mattelart, 1992), s'est vu étudiée sous des angles diversifiés. Seulement, ces études se focalisent le plus souvent sur la production de l'information ainsi qu'à des clivages centre/périphérie. Il importe donc « de faire une histoire infranationale, et de mesurer la part de consentement local dans l'imposition de traits culturels, de tel ou tel segment des élites locales, et aussi l'adhésion du public, qui n'accepte pas aveuglement l'offre » (Bourdon, 2008, p.167).

En définitive, les constats faits précédemment autour du déséquilibre informationnel, des enjeux culturels, politiques et des mutations technologiques sont autant de facteurs à prendre en compte pour mieux appréhender les médias transnationaux. En effet, les logiques culturelles et politiques, avec en filigrane le rôle des dispositifs et plateformes numériques, sont, non seulement perceptibles chez les récepteurs, mais aussi renouvellent les problématiques autour des médias transnationaux d'où notre choix de les explorer. Nous allons donc résumer tous ces éléments de problématisation en une question de recherche centrale consistant à savoir si la réception de RFI participe à la construction des représentations culturelles et politiques des sénégalais? Nous articulons donc notre objet autour d'une des composantes essentielles des médias audiovisuels transnationaux (Clark et Werder, 2007) qu'est l'audience ou plus exactement la réception. Autrement dit, il s'agit d'étudier la manière dont les publics reçoivent les informations diffusées par la radio RFI au Sénégal ainsi que les représentations politiques et culturelles pouvant en résulter.

Cette question de recherche s'articule autour de trois postulats provisoires, servant d'hypothèses de travail. En premier lieu, nous faisons l'hypothèse que le média transnational RFI a déployé des stratégies efficaces d'adaptation aux changements qui sont intervenus dans

13

les contextes nationaux de réception et bénéficie d'une réelle présence au niveau des plateformes numériques.

En deuxième lieu, à la suite de Stuart Hall (1994), nous posons l'hypothèse que la réception qui est faite du média transnational RFI est négociée.

En troisième lieu, nous postulons que RFI participe à la construction des représentations culturelles et politiques des étudiants Sénégalais.

Objectif de la recherche :

L'objectif de cette recherche consiste à analyser et à revisiter les problématiques de l'internationalisation de la communication et de la réception d'un média transnational comme RFI, au Sénégal où il disposait, dans le passé, d'un audimat stable et inconditionnel. Il vise à cet effet, à allier conceptualisation, historicité et données empiriques recueillies pour interpréter les mutations opérées au niveau de la réception de la radio RFI. Ainsi, les variables pouvant rendre compte des phénomènes de réception seront analysées, qu'ils s'agissent des types, des modes et des modalités de réception afin de mieux appréhender la place actuelle de la radio RFI au Sénégal mais aussi sa participation dans la construction des représentations politiques et culturelles des jeunes étudiants Sénégalais. Autrement dit, il s'agira de vérifier si les récepteurs, pris individuellement ou collectivement, construisent leurs systèmes de représentations à partir des informations qu'ils reçoivent de RFI. Les représentations et les imaginaires médiatiques (Macé, 2006) qui se traduisent dans la réalité culturelle et politique des publics concernés doivent être étudiés pour voir si les publics, en recevant ces informations, construisent essentiellement leurs représentations à partir ces dernières. En d'autres termes, il est question de savoir dans quelle mesure et à quel point RFI, participe à la construction des représentations culturelles et politiques des publics sénégalais.

Positionnement théorique et conceptualisation

Les médias transnationaux convoquent diverses logiques politiques, culturelles, économiques, technologiques. Il est donc clair que pour saisir toute cette complexité, les Sciences de l'Information et de la Communication constituent un ancrage théorique pertinent. A ce niveau nous nous inscrivons dans le courant de la réception de l'école de Birmingham, les cultural studies et plus spécifiquement dans les modèles d'analyse de Stuart Hall. Ce dernier va particulièrement s'intéresser aux phénomènes de réception des médias. A partir d'études empiriques pour saisir les logiques de consommation des médias, Stuart Hall va identifier trois types de réception des médias.

14

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- Une réception hégémonique, où fait sens la concordance entre le message formulé par le média et le message démêlé par le récepteur sans aucune résistance de la part de celui-ci ;

- une réception négociée où le récepteur décode le message en fonction de ses intérêts tout en tentant d'adapter le message à ceux-ci. A ce niveau, l'acceptation ou le rejet du message dépend de la réussite ou non de l'adaptation.

- une réception où le récepteur procède à un décodage oppositionnel ; il s'approprie le message en fonction d'un code différent de celui du média. Il peut également décider de rejeter le message au sens de décodage oppositionnel

C'est à partir de cette typologie de la réception que nous analyserons les réponses et les comportements des auditeurs de la radio RFI au Sénégal. Après ce positionnement théorique dans le segment de la réception, nous allons procéder à un lestage conceptuel afin de mieux clarifier les mots-clés qui entourent notre problématique à savoir l'information internationale, les médias transnationaux et les représentations.

Information internationale et médias transnationaux

Selon Camille Laville l' « information internationale désigne l'information échangée entre deux ou plusieurs nations. (...)». (Laville, 2003, p.34). Cette information circule donc dans l'espace international, indistinctement des frontières établies. De ce point de vue, elle s'inscrit dans le système monde et peut être caractérisée par les rapports de force et déséquilibres constatés aux niveaux économique, culturel, politique, technologique etc. Distillée par les médias transnationaux, l'information internationale est aussi fustigée pour son « inégale transnationalisation » (Marchetti, 2015). Le qualificatif transnational a été introduit à partir des années 1970 par l'école réaliste pour « décrire tous les processus qui, par volonté délibérée ou par destination, se construisent dans l'espace mondial» (Badié, 1996) 25. Les médias qui nous intéressent dans le cadre notre objet de recherche, s'inscrivent effectivement dans l'espace mondial et donc peuvent être appelés médias transnationaux. Néanmoins, tout ce qui s'inscrit dans l'espace mondial, n'est pas transnational, à l'image des entreprises multinationales. Raison pour laquelle, les « concentrations des médias à l'échelle mondiale »26 sont qualifiées de « transnationales» par les institutions de Breton Woods. Une question de convenance par rapport au domaine car, si dans d'autres activités on peut parler de « firme multinationale »,

25 Bertrand Badié (1996), Mondialisation, les termes du débat, CDRom la Découverte.

26 Patrick-Yves Badillo, Serge Proulx, « Mondialisation de la communication, à la recherche du sens perdu », 2006/1 (n° 44), p. 47-54. p.52

27 S. Moscovici, Des représentations collectives aux représentations sociales, in Jodelet D., Les représentations sociales, coll. Sociologie d'aujourd'hui, P.U.F. 1989 p.65

28 P. Bourdieu. Décrire et prescrire [Note sur les conditions de possibilité et les limites de l'efficacité politique]. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 38, mai 1981. La représentation politique-2. pp. 69-73;

29 Laurence Corroy, Jacques Gonnet, Dictionnaire d'initiation à l'info-com, 2ème édition, Vuibert, 2008

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dans le champ informationnel c'est l'adjectif transnational qui est usité pour désigner les médias à vocation transfrontière.

Les représentations

Largement développée en psychologie générale, la notion de représentations désignait un terme d'explication d'un ensemble de processus réactionnels aux stimuli. Dans la branche de la psychologie cognitive la représentation est définie comme une connaissance basée sur la relation entre deux systèmes d'objets (réels ou mentaux) : l'un étant le représentant de l'autre, le représenté (Bresson, 1987). En sociologie, Serge Moscovisci attribuant la paternité du concept à Emile Durkheim bien que faisant remonter l'idée à Georges Simmel (1858-1918) et Max Weber (1864-1920), la définit comme «une vaste classe de formes mentales (sciences, religions, mythes, espace, temps), d'opinions et de savoirs sans distinction. La notion est équivalente à celle d'idée ou de système, ses caractères cognitifs n'étant pas spécifiés»27 (Moscovisci, 1989, p.65). Cette définition, traduit pleinement l'idée de représentation à notre sens, puisqu'elle met l'accent sur ses aspects cognitifs, sur ses perceptions. D'ailleurs, à propos de l'action politique, Pierre Bourdieu nous dit qu'elle « vise à produire et à imposer des représentations (mentales, verbales, graphiques ou théâtrales) du monde social qui soient capables d'agir sur le monde en agissant sur la représentation que se font les agents. »28 (Bourdieu, 1981, p.69). La représentation, traduit donc généralement, dans les Sciences de l'Homme et de la Société, l'idée de cognition et de perception. A la suite de ces auteurs, d'autres chercheurs ont essayé d'analyser les représentations dans leurs dimensions individuelles et collectives. On peut ainsi lire dans le Dictionnaire d'initiation à l'info-com que « la représentation sociale serait alors l'équivalent de la représentation individuelle, transposée au niveau collectif »29. (Corroy et Gonnet, 2008, p.292). Quant à Paul Ricoeur (1984), il fait le lien entre l'idéologie et l'utopie pour qualifier les représentations de la société. Du côté des médias, Eric Maigret et Eric Macé dans leur tentative de Penser les médiacultures, analysent les représentations sous l'angle médiatique-culturel. Leur approche nous semble pertinente pour cerner les représentations culturelles et politiques de la réception de la radio RFI. «Diabolisé, instrumentalisé, interpellé, autonomisé » (Cabedoche, 2007), le concept de représentation est aujourd'hui au coeur du triangle médias, culture, politique. Faisant intervenir des logiques culturelles et politiques, le média transnational RFI, du côté de sa réception, peut donc être analysé sous l'angle des représentations.

Démarche empirique

Pour mener à bien cette recherche, nous avons limité notre objet à la radio RFI et à un segment

de son public sénégalais mais aussi mobilisé un certain nombre d'outils.

Choix du média et des cibles

Le choix porté sur le média RFI n'est pas fortuit. La présence de RFI au Sénégal, et son statut de radio la plus écoutée en Afrique de l'Ouest (Africascope : TNS SOFRES, 2014) rend compte de son poids et de sa popularité dans cet espace sous régional. De plus, son ancrage chez les élites les plus instruites est réel. Une des caractéristiques de ce public c'est sa capacité de décrypter le contenu transmis. Parmi ce public constitué de cadres, d'élites, nous avons porté notre regard sur le segment des étudiants. Les étudiants, représentent une catégorie d'âge assez jeune mais sont aussi perçus comme une élite en devenir dans notre pays. Ils sont donc des récepteurs privilégiés des médias transnationaux et font recours à ces derniers afin de renforcer leur culture générale. Afin de savoir si la réception de la radio RFI participe à la construction de leurs représentations politiques et culturelles nous avons élaboré un certain nombre d'outils de recherche.

Outils et méthode de recherche

Dans l'objectif de vérifier nos hypothèses de travail, nous avons procédé à une triangulation des méthodes qualitative et quantitative. En d'autres termes, nous avons utilisé des outils de recherche documentaire d'un côté et des enquêtes de terrain de l'autre.

Dans un premier temps, nous avons effectué une revue documentaire dans le champ des Sciences de l'information et de la Communication en mettant l'accent sur les travaux en rapport avec les médias nationaux (Faye, Loum, Dia, Ly, Moumouni) et les médias transnationaux (Mattelart, Cabedoche, Bouquillion, Miège, Tremblay etc.). Nous avons ensuite mené des recherches sur la réception (Vittin, Hall) des médias et sur les représentations (Bourdieu, Durkheim, Moscovisci, Macé, Maigret). L'objectif étant d'explorer l'essentiel de la littérature sur la thématique de notre recherche afin d'avoir une connaissance de l'état de la recherche sur la question, mais aussi de dégager une problématique pertinente. La revue de la littérature nous a aussi permis d'avoir un positionnement théorique clairement ancré dans les SIC. Ensuite, nous avons procédé à un recueil de données empiriques à travers des entretiens et des questionnaires que nous avons effectué.

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Interviews avec les personnes ressources

Dans un premier temps, nous avons mené des entretiens avec des personnes ressources composées de chercheurs, d'observateurs des médias, de journalistes, de correspondants de médias transnationaux et de membres d'organisations non-gouvernementales s'intéressant aux médias. Ces interviews avec les personnes ressources, nous ont fourni des éléments d'élucidation historique et contextuelle. Elles nous ont permis d'avoir des informations et de connaître l'esprit d'encodage des informations ainsi que la représentation que ces interviewés ont de la présence de RFI au Sénégal. Cette démarche était nécessaire pour avoir des informations provenant de personnes qui évoluent dans la sphère médiatique nationale et compléter nos éléments conceptuels et théoriques. Au total dix (10) personnes ont été interviewées (cf. Liste en annexe)

Questionnaire administré aux étudiants

Le questionnaire administré aux étudiants a permis de recueillir l'avis des étudiants sur les questions de réception et de représentation. Composé de variables en lien avec les modes, les modalités, les types de réception entre autres, il a été administré à un échantillon représentatif de cent (100) étudiants sénégalais, indistinctement des niveaux, filières et genre. Il a été administré par voie électronique et en direct pour permettre aux étudiants de toutes les institutions de l'Enseignement supérieur d'y répondre sans contrainte spatio-temporelle. Néanmoins le ciblage s'est adressé de façon prioritaire aux deux plus grandes universités Sénégalaises que sont l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) et l'Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB). Dans un premier temps, il a été mis en ligne via Google docs, plateforme à travers laquelle 66 étudiants ont répondu. Il a été complété par des enquêtes en direct au niveau du campus de l'Université Cheikh Anta Diop vu que les étudiants de cette institution ne répondaient pas en ligne. Ainsi 34 étudiants de cette institution ont répondu en direct. Un total de 100 questionnaires a donc été recueilli entre le 19 Août 2016 et le 22 Septembre 2016.

Les résultats de ces enquêtes ont été traité directement sur Google docs pour la partie des réponses en ligne et par le logiciel Sphinx V5 pour les questionnaires administrés au niveau de l'UCAD. Par la suite, un traitement manuel a été réalisé pour faire le cumul des réponses apportées et dégager les principaux résultats. L'analyse de contenu relative aux questions ouvertes a été également réalisée de façon manuelle.

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Structuration du travail

Notre mémoire est structuré en trois parties distinctes répondant à chacune des hypothèses avancées. Ainsi la première partie s'inscrit dans une démarche diachronique. Elle revient sur l'évolution des concepts relatifs à la dimension transfrontière des médias tout en dressant un tableau des débats historiques qui consacrent les enjeux des médias transnationaux. Ensuite, toujours dans une perspective historique, un tableau des évolutions de la radio RFI, ainsi qu'un panorama des métamorphoses sociopolitiques opérées au niveau national conduisant à une « médiamorphose »30 est dressé. En fait, nous mettons en rapport les transformations de la sphère médiatique nationale avec les stratégies d'adaptation et de repositionnement de RFI pour répondre à notre première hypothèse.

La deuxième partie de notre mémoire s'intéresse aux résultats des enquêtes effectuées auprès des étudiants. En effet, après un exercice de conceptualisation autour de la réception et des publics des médias transnationaux, nous avons présenté les données recueillies sur le terrain. Des variables sur les modalités, la temporalité, les thématiques suivies, les dispositifs de réception entre autres ont été analysés afin d'apporter des conclusions provisoires concernant notre deuxième hypothèse. Rappelons que dans cette deuxième hypothèse, nous postulons que la réception qui est faite de RFI par les étudiants sénégalais est négociée (Hall, 1994).

La troisième partie est consacrée à l'analyse des représentations politiques et culturelles des étudiants Sénégalais en rapport avec leur réception du média transnational RFI. Sur la base des données empiriques, les résultats de ce travail sont assez révélateurs et offrent d'intéressantes grilles de lecture du phénomène des médias transnationaux.

30 Expression pour qualifier les métamorphoses opérées dans l'environnement médiatique. Nom d'une revue scientifique qui traite des métamorphoses médiatiques

Partie I : Evolution du média transnational

RFI et du cadre local de réception

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La première partie de ce mémoire a pour but de revisiter l'histoire et de retracer les évolutions notées dans l'environnement médiatique et politique du Sénégal mais aussi induites par l'avènement de la technologie afin de mieux saisir le positionnement de RFI.

Le premier chapitre de cette première partie est consacré à un déblayage conceptuel des termes « international », « transnational », « multinational » et « global ». En fait, les médias qui ont une portée transfrontière, sont appelés et définis de différentes manières et peuvent être accompagnés de tous ces termes ayant chacun une spécificité définitionnelle. Nous procédons à une différenciation de ceux-ci via leurs définitions et applications pour mieux saisir notre objet. Cet éclairage conceptuel s'accompagne d'un retour sur les débats qui ont été posé autour du rôle des médias transnationaux dans le cadre du Nouvel Ordre Mondial de l'Information et de la Communication (NOMIC). L'émergence de la thématique sur l'inégalité des échanges de flux informationnels au niveau mondial, ses implications, les résultats du processus entamé à l'époque à la tribune de l'UNESCO, méritent d'être revisités et analysés du point de vue de leur acuité ou non. Ceci pour nous permettre de faire un état des lieux conceptuel et contextuel autour des médias transnationaux En fait, comprendre le NOMIC, permet de mesurer toute l'importance de l'internationalisation de la communication dans le monde.

Dans le second chapitre de cette partie, un travail d'auscultation de RFI est entrepris. La présentation de la structure RFI, son architecture mais aussi et surtout son évolution face aux mutations technologiques et son positionnement dans l'environnement de réception sont étudiés. Comment RFI s'adapte au numérique et s'implante sur les réseaux sociaux ? Une question à laquelle nous tentons de répondre dans un premier temps avant de retracer les métamorphoses sociopolitiques et économiques qui sont intervenues au niveau national ayant occasionné une « médiamorphose » de la sphère nationale. Pour ce faire, nous partons d'une recherche documentaire combinant documents scientifiques et littérature grise pour effectuer ce travail d'analyse diachronique.

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Chapitre I : De l'internationalisation des médias à RFI Afrique

Ce chapitre s'inscrit dans la démarche historique-diachronique que nous adoptons dans la première partie de ce mémoire.

Dans cette optique, une archéologie de termes clés relatifs aux médias à dimension transfrontière est faite dans un premier temps. Ce travail de clarification conceptuel, s'accompagne d'une élucidation du groupe de mots « média transnational » qui est un des concepts clés de notre objet de recherche. Cette mise en lumière vise à aborder la thématique de l'information internationale dans une perspective historique, revisitant son évolution du NOMIC aux débats contemporains (I-1-2). En effet, depuis les années 1970, des débats avaient été agités au sein de l'UNESCO concernant l'inégalité des flux d'informations à l'échelle mondiale. Nous allons donc, dans cette approche diachronique camper le décor des médias transnationaux et mettre l'accent sur les enjeux de l'information internationale, dont la diffusion constitue leur principale activité. A la suite de cet exercice de rappel et d'explication, nous nous intéressons à notre cas d'étude qu'est RFI. Créée dès 1931, le Poste colonial a suivi une trajectoire bien particulière, jalonnée d'embûches telles que la seconde guerre mondiale. Du Poste colonial à France Médias Monde (I-1-3), RFI a donc connu un parcours caractérisé par plusieurs mutations et réorientations obéissant à des logiques politiques, culturelles et économiques. Nous analysons ces différentes transformations opérées par RFI, autant à travers la volonté de l'Etat Français, les chocs économiques exogènes qui ont impactés l'environnement médiatique que par des faits et évènements historiques qui, ont tous concourus au positionnement actuel de RFI qui, aujourd'hui, reste incontournable dans l'environnement médiatique ouest-africain.

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I.1 De la transnationalisation au NOMIC

I.1.1 Médias: transnationaux, internationaux, globaux ou multinationaux

Le foisonnement des termes utilisés pour désigner les logiques de mondialisation politique, économique, culturelle à travers les institutions, les entreprises, les organisations de toutes sortes rendent la compréhension de ces phénomènes fuligineuse. Dans le domaine de l'information-communication, ce flou conceptuel subsiste toujours autour des termes « international », « transnational », « global », « multinational » employés à côté du mot média. Chacun de ces termes a pourtant une signification nuancée de l'autre pour qualifier les phénomènes d'internationalisation. Dans notre champ, l'information internationale est définie étymologiquement par Camille Laville31 comme « l'information échangée entre deux ou plusieurs nations » (2003, p.34). Cette information est diffusée par des médias qui nous intéressent ici, mais auxquels une définition claire doit être accolée pour mieux les comprendre. Dans cette optique, une archéologie de chacun de ces termes cités supra s'impose afin d'en saisir les incidences et de retenir le terme qui sied à notre objet de recherche.

D'abord nous avons l' « internationalisation » tiré du vocable « international », introduit par le philosophe Jeremy Bentham à la veille de la révolution Française et qui appartient au droit des gens ou droit public international.32 (Cité Par Armand Mattelart, 2007, p.14) « International » désigne donc inter-Etats-nations ou entre les Etats-nations, suggérant donc là, une des connotations liées aux relations politico-diplomatiques entre ceux-ci. Si par la suite des réseaux sociaux et organisations à dimension transfrontière vont utiliser « internationalité » ou « internationalisme » pour désigner les extensions de leur actions ou mobilisation des sphères nationales vers une perspective globale, le concept d'«internationalisation », anglicisme apparu dans les dernières décennies du XIXème siècle33 malgré ses évolutions vers les champs socioculturels, sportifs, économiques reste proche du champ interétatique et des organisations sociales, professionnelles ou politiques dépassant les cadres nationaux. De ce point de vue, pour nous, l'internationalisation des médias couramment utilisé, en rapport avec les évolutions du concept hors du champ politique stricto sensu, devient recevable et pertinent pour désigner les médias à dimension sous régionale, régionale, intercontinental à partir du moment où ils émettent hors de leur pays d'origine. Ce qui justifie, par ailleurs, que le terme

31 Camille, LAVILLE. Le traitement de l'actualité internationale : avenir... et mirages de l'information planétaire, automne 2003, p.p. 32-41, p.34

32 Armand Mattelart, Diversité culturelle et mondialisation, éditions La découverte, Paris 2007, p.14

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33 Armand Mattelart, op.cit .2007.p.14

« internationalisation des médias » soit usuellement usité dans le champ des Sciences de l'Information et de la Communication.

En ce qui concerne la globalisation, elle est « directement issue du monde de l'économie et des finances » (Mattelart, 2007, p.15) et « nomme le projet de construction d'un espace homogène de valorisation, d'unification des normes de compétitivité et de rentabilité à l'échelle planétaire. » (Mattelart, 2007, p.15). Elle se borne à signifier le projet d'un capitalisme mondial intégré (Mattelart, 2007, p.63).34 Dans cette perspective, le Fonds Monétaire International définit la « globalization » en 2000 de la manière suivante : « A historical process, the result of human innovation and technological progress. It refers to the increasing integration of economies around the world, particularly through trade and financial flows »35. Cette acception provenant du monde économique et résultante d'une vision entérinée par les institutions de Bretton Woods36 se différencie elle, de l'internationalisation qui a une connotation politique. Cette dernière s'apparente plus à des institutions telles que la Société des Nations (SDN) et plus tard l'Organisation des Nations Unies (ONU). De prime à abord, l'internationalisation est plutôt usitée dans le domaine politique et la globalisation convoquée dans le monde de l'économie et des finances.

Les médias transnationaux, peuvent en même temps obéir à ces deux logiques politiques et économiques. D'une part, elles peuvent comporter des enjeux de rapports de forces politiques entre Etats. D'autre part, des enjeux d'intérêts économiques et financiers certains sont liés à ces médias. Dans ce registre économique, ils peuvent être considérés comme des firmes multinationales. « Une firme multinationale(ou firme transnationale) est une entreprise qui agit à l'échelle de la planète. Elle réalise des investissements directs à l'étranger (IDE) et possède des implantations dans différents pays »37. Un média qui exerce des activités commerciales de service en diffusant de la publicité ou en exerçant un modèle d'abonnement pour générer des ressources peut-être inscrit dans ce registre. Mais, là encore, dans les années 1970, la commission des nations unies chargée d'étudier les moyens d'endiguer leurs excès, propose de les appeler « transnationales ». Cette dénomination entend signifier que « les activités nationales de ces firmes sont dépendantes d'une stratégie à dimension mondiale, et que, de ce fait, cette stratégie est lourde de conflits d'intérêts potentiels avec les nations où elles s'implantent. »38.

34 Armand Mattelart, Diversité culturelle et mondialisation, éditions La découverte, Paris 2007, p.63

35 « La globalisation est un processus historique, le résultat de l'innovation humaine et du progrès technique. Elle désigne l'intégration croissante des économies du monde, notamment grâce au commerce et aux flux financiers » Issues brief Globalization : Threat or opportunity, FMI, 2000

36 Le fonds Monétaire International et la Banque mondiale sont appelés les institutions de Bretton Woods du nom des accords de leur création

37 Glossaire international- http://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/firme-multinationale-fmn.html

38 Armand Mattelart, op.cit. 2007, p.63

 
 
 
 

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41Préparé par les services du FMI, la mondialisation, faut-il s'en réjouir ou en douter, 12 avril 2000, consulté le 15/11/2016 sur le site http://www.imf.org/external/np/exr/ib/2000/fra/041200f.htm#II

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Ce changement de perspectives définitionnel préconisé s'explique par la volonté de traduire la réalité des politiques de dumping et de dé-localisation/re-localisation de ces firmes qui, en fait, dépendent de politiques savamment mûries au « centre » avant d'être déployées via des stratégies multi-nationales. Les médias ne vont pas déroger à cette règle et, de plus, vont développer des concentrations, fusions pour renforcer leurs moyens et étendre leur influence. Des méga-industries se forment résultant des « concentrations des médias à l'échelle mondiale » (Badillo et Proulx 2006) 39 .Aujourd'hui encore, le vocable « firme multinationale » est le plus utilisé pour qualifier les grandes entreprises qui sont implantées dans plusieurs pays. Néanmoins, quand il s'agit des médias ayant une dimension transfrontière, le terme transnational est le plus employé pour les qualifier.

Dans le champ des Sciences de l'Information et de la Communication, les médias transnationaux ont fait l'objet de plusieurs appréhensions et classifications par les auteurs. A ce propos, Pierre Albert et Christine Leteinturier (1999, p.58) font la différence entre les termes internationalisation, mondialisation et transnationalisation. Selon ces derniers, « les différences de sens entre les trois termes sont de l'ordre de la nuance [...]. L'internationalisation est le terme générique, le plus ancien aussi, qui désigne de façon générale l'existence de relations entre des pays différents(...) Avec la transnationalisation, l'entreprise vise la diffusion d'un produit unique à destination de plusieurs pays, voire du monde. La mondialisation désigne aussi une stratégie de présence mondiale mais reposant sur une certaine adaptation du produit en fonction des spécificités des marchés locaux ou régionaux visés» Pour eux donc, « les entreprises et les groupes médiatiques font simultanément de la transnationalisation et de la mondialisation »40. Cependant, la mondialisation désigne une réalité plus large. Dans son rapport intitulé la mondialisation, faut-il s'en réjouir ou en douter, le Fonds Monétaire International (FMI) a bien fait de signaler dans sa définition que « la mondialisation comporte enfin des dimensions culturelle, politique et environnementale plus vastes (...) »41. Ceci pour dire que la mondialisation englobe toutes les formes d'extension, d'intégration et d'interdépendance dans les domaines économico-financier, politique, informationnel, culturel, environnemental etc. Si nous suivons cette acception, il est clair que les médias transnationaux ne représentent qu'un petit fragment de cette grande structure de la mondialisation. Cette différenciation relative aux termes rend plus claire la conception de ce que nous entendons par

39 Patrick-Yves Badillo, Serge Proulx, « Mondialisation de la communication, à la recherche du sens perdu », 2006/1 (n° 44), p. 47-54. p.52 40ALBERT, Pierre et Leteinturier, Christine. Les médias dans le monde: enjeux internationaux et diversités nationales. Ellipses, 1999. pp. 5859

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un média transnational qui diffuse un produit (information) vis-à-vis d'un public large, fragmenté et international. Ces médias se déploient selon des modalités définies à l'avance au niveau central même s'ils peuvent disposer de bureaux régionaux ou de services locaux.

Des penseurs de « Internationalizing médias studies » ont eux aussi tenté une appréhension de ces médias transnationaux. Un des piliers de ce courant, Daya Kishan Thussu (2007) distingue :

- les « dominant flows » qui sont souvent attachés aux industries culturelles, créatives et de contenu de la super puissance étasunienne et ont une plus grande incidence au niveau mondial. Dans cette catégorie se trouvent les « global média » ;

- les « contra- (subalterns) flows » ont moins de puissance que les « dominants flows » et concernent les « transnational » et « géo-cultural » médias. Dans cette classification, nous trouvons Radio France international dans les médias transnationaux.42

Selon Daya Kishan THUSSU, les flux des médias transnationaux sont des « states-sponsoredflows » c'est-à-dire impulsés des médias impulsés par des Etats. Pour le cas par exemple de RFI et de TV5, ils s'adressent surtout à des publics francophones et accessoirement à travers d'autres langues tout en promouvant le français.

Seulement, les médias transnationaux ne sont pas forcément sponsorisés ou en régime de service public. Godlove Jonathan43 correspondant de BBC Afrique le fait d'ailleurs remarquer en distinguant les médias transnationaux à capitaux privés des médias transnationaux à capitaux publics. Cette différenciation fondamentale nous permet de ne pas circonscrire le phénomène transnational des médias singulièrement dans la perspective de médias d'Etat mais

42DayaKishan THUSSU, Média on the move, Global Flow and Contra Flow, , London and New York, 2007, p.12 43 Godlove Jonathan BBC Afrique, Entretien du mercredi 15/06/2016 à Dieuppeul (Eléments sonores en annexes)

aussi d'intégrer le fait que ces médias peuvent être privés. La définition de Daya Kishan Thussu est donc sans doute à nuancer car un média transnational peut être privé comme public.

Difficile à cerner du point de vue définitionnel si nous prenons en compte la démonstration que nous avons effectuée, la possibilité d'utiliser les autres termes à la place de « transnational » peut faire paraitre notre choix flou et arbitraire. Or, le terme « transnational », après les acceptions présentées des autres termes, à la suite de la définition de Thussu et de la nuance apportée à celle-ci, traduit mieux la réalité que nous voulons saisir. Englobant à la fois « internationalisation », caractère « multinational », le concept de média transnational est pourtant couramment utilisé dans la tradition de recherche d'occurrence anglo-saxonne. A la suite de toutes ces acceptions explorées, nous postulons qu'un média transnational est toute organisation publique ou privée ayant pour activité principale la production et la diffusion d'informations d'ordre international vers des publics diversifiés, plurinationaux et géographiquement distancés. Ces flux d'informations peuvent être géoculturels, régionaux, mondiaux et répondre à des logiques politiques, économiques ou culturelles. RFI répond à ces caractéristiques en ce sens qu'elle diffuse de l'information internationale, vers des publics plurinationaux. Nous la qualifions donc un média transnational.

En l'état actuel et depuis leur émergence, les médias transnationaux ayant une grande notoriété ont toujours été issus d'Etats, d'organisations ou de groupes de communication puissants financièrement et économiquement. Ce constat fait à partir de la définition du média transnational est sans doute ce qui a poussé les penseurs et délégués de l'UNESCO à se pencher sur les flux d'information autour de débats aussi houleux qu'enrichissants à partir des années 1970. Un pullulement de médias transnationaux avant et surtout à partir de la seconde guerre mondiale fit prendre conscience de leur importance. Dans un contexte de détente relative de la guerre froide, des voix vont donc s'élever pour dénoncer, souligner et tenter de combattre le déséquilibre de l'information internationale au sein de l'UNESCO. C'est la naissance du NOMIC.

I.1.2 Du NOMIC revisité aux débats contemporains :

L'information internationale distillée par des médias transnationaux à portée globale se trouve diffusée majoritairement à partir des pôles de puissance économique et politique. Définie au sens d'échanges par Camille Laville, l'information internationale se trouve en réalité trustée par quelques groupes médiatiques et industries culturelles. En fait, l'information vue comme la pierre angulaire de l'appareillage d'influence des Etats et des acteurs du monde économique, va constituer un point d'achoppement des nations à partir des années 1960 sur son déséquilibre

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à l'échelle internationale. En effet, d'après le rapport Mac Bride, « le monde reçoit en effet 80% de ses informations via Londres, New York et Paris. Les quatre grandes agences occidentales-Associated Press et United Press International aux Etats-Unis, Reuters au Royaume-Uni et l'agence France-Presse en France »44 monopoliseraient 80% de l'information mondiale. Cette concentration de ces firmes de transmission de l'information dans trois pays occidentaux va agiter des protestations des pays du tiers-monde dans les années 1970 à la tribune de l'UNESCO. La montée de cette thématique à travers des colloques et rencontres internationaux, conduira à la création d'une commission chargée d'étudier et de réfléchir sur la configuration de la communication internationale. Un ensemble d'études, de rencontres et huit sessions tenues entre décembre 1977 et Novembre 1979 par « les seize membres45 de la Commission-largement représentatifs de l'éventail idéologique, politique, économique et géographique du globe »46 vont aboutir à un rapport transmis en février 1980 au Directeur de l'UNESCO intitulé « One world multiples voices ». Ce document passera en revue l'ensemble des revendications du tiers-monde concernant l'information internationale mais aussi la vision libérale du « free flow of information» défendue par les Etats-Unis.

Pour les pays du tiers-monde, il y'aurait une « circulation à sens unique »47 de l'information creusant le déséquilibre déjà existant. A cet effet, Francis Balle identifie une triple accusation du « Sud » contre le « Nord » dans le cadre de ces controverses. La première critique porte sur la conspiration du silence qui entoure le tiers monde, le deuxième dénonce une information tronquée ou déformée sur le tiers monde, la dernière condamne la propagande culturelle des nantis, celle des pays du « Nord » à l'égard du « Sud » (Balle 2013, p. 658)48.

A l'inverse, la doctrine du « free flow of information » ratifiée en 1944 par le congrès Américain, défend la vision d'un monde ouvert et d'une diffusion de l'information non limitée. Pour le « free flow of information » les médias doivent être complètement libres des diffuser des contenus à l'endroit de tous les pays du monde. . Cette doctrine défend le principe d'un monde libre, ouvert, transparent et « village planétaire » (Mac Luhan, 1989). Cette vision fut opposée aux revendications du tiers monde, par des pays tels que les Etats-Unis et la Grande Bretagne.

44 Rapport MacBride, Voix multiples, un seul monde : Communication et société aujourd'hui et demain, Edition abrégée, Paris, UNESCO, 1986, p.123

45 Sean MacBride (Irlande) ; Elie Abel (Etats-Unis d'Amérique) ;Huert Beuve-Méry (France) ; Elebe Ma Ekonzo (Zaire) ; Gabriel Garcia Marquez (Colombie) ;Sergei Losev (URSS) ; Mochtar Lubis (Indonésie) ; Mustapha Masmoudi (Tunisie) ; Michio Nagai (Japon) ; Fred Isaac Akporuaro Omu (Nigéria) ; Bodgan Osolnik (Yougoslavie) ; Gamal El Oteifi (Egypte) ; Johannes Pieter Pronk (Pays-Bas) ; Juan Somavia (Chili) ; Boobli George Verghese (Inde) ; Betty Zimmerman (Canada)

46 Rapport MacBride, op.cit. 1986, p.17

47 Rapport MacBride, op.cit. 1986, p.122

48 Francis Balle. Médias et sociétés : Internet, presse, édition, cinéma, radio, télévision. LGDJ, 2013. p.638

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Ces tiraillements mineront les débats à l'UNESCO et la mise en oeuvre effective des conclusions et recommandations du rapport qui, déjà à sa publication et discussion à la Conférence générale de l'UNESCO (21ème session) de Belgrade (octobre-novembre 1980), voit l'expression de plusieurs réserves de la part de membres de la commission même. Ce qui fera autoriser des commentaires de participants tels que M.Sergei Losev, M.Mustapha Masmoudi et MM.Gabriel Garcia Marquez et Juan Somavia (Voir appendices du rapport) relativisant, nuançant et contredisant parfois les postures et définitions énoncées dans le document. Ce rapport annoncé, être « du consensus » (B.Cabedoche, 2001, p.73), fera finalement ressortir plusieurs divergences et engendrera « des lectures du NOMIC divergentes sur la mise en oeuvre »49. Si Laurent Dona-Fologo50, ministre de l'information de Côte d'Ivoire, pariait sur « le transfert de technologies de l'information » (cité par B. Cabedoche qui prend pour illustration, Ngouem, 2007), un autre comme « Mustapha Masmoudi se défendait de réclamer autre chose que le «free flow of information» avec le NOMIC » alors que pour des « journalistes occidentaux ouverts au relativisme, promouvoir un NOMIC signifiait échange d'expériences entre journalistes du Nord et du Sud contre l'ethnocentrisme médiatique » et que pour certains journalistes des pays du « Sud » comme Ibrahim Signaté de L'Ouest africain on appelle « au Nord comme au Sud à renforcer le professionnalisme des journalistes. »51

Le caractère sensible de l'information disqualifiera la démarche de l'UNESCO chez les stratèges des pays occidentaux qui dynamiteront la marche du NOMIC. Cela aboutira à sa «mise sous-séquestre institutionnelle » (Cabedoche, 2011, p.76) avec les départs des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Ces départs de deux grandes puissances vont considérablement entamer la légitimité des débats du fait du leur poids dans les relations internationales. En outre, ils (les départs) vont asphyxier financièrement l'UNESCO en raison de la forte contribution financière de ces pays. L'UNESCO abandonnera tacitement, lentement, progressivement le NOMIC pour revenir sur des thématiques uniquement culturels avec les montées des termes comme l' « exception », « la diversité » ou encore la « promotion de la diversité culturelle ».

De facto, « conceptuellement disqualifiée, politiquement stigmatisée, abandonnée ou désespérément revendiquée, la référence au NOMIC avait été discrètement évacuée de l'Unesco dans les années 1990. »52 soutient Bertrand Cabedoche (2011, p.76). Dissensions au niveau de sa formulation, divergences dans son application, parasitages autour de son

49 Bertrand Cabedoche op.cit. 2011, p.73

50 Ministre sous Houphouet Boigny de 1974 à 1989 puis sous Bédié de 1996 à 1999

51 Bertrand Cabedoche op.cit. 2011, p.73

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52 Bertrand Cabedoche, op.cit. 2011, p.76

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effectivité, le NOMIC, aussi intéressant soit-il, n'a pas connu le succès escompté. A contrario, il s'est soldé par un échec. Non seulement les conclusions n'étaient pas entièrement consensuelles mais les applications de ses recommandations sont restés assez timides. Si le NOMIC a connu cet échec dont nous parlons, l'information internationale elle, a continué à exister et les technologies ont évoluées. Qu'en est-il donc des problématiques qui y ont été débattu aujourd'hui ? Le fossé informationnel a-t-il été résorbé par les pays du Sud à qui est offerte l'opportunité des technologies de l'information et de la Communication ? Ou, à l'inverse, ces groupes médiatiques transnationaux perpétueraient-ils toujours cette domination sur le plan informationnel ? Les éléments factuels en vue dans la suite de cette première partie nous permettront d'en délibérer car RFI reste la radio la plus écoutée en Afrique de l'Ouest et multiplie ses initiatives vers les plateformes numériques, même si elle fait face désormais à des médias nationaux qui s'affirment de plus en plus.

I. 1.3 RFI, du Poste colonial à France Médias Monde : parcours d'un média transnational

La naissance de la Radio France Internationale (RFI) est intervenue à un moment du processus de formation et d'évolution de la radio publique Française. En effet, celle-ci a entamé sa politique d'extension à l'international dès le 6 Mai 1931 avec la création du Poste colonial en direction des colonies avec une émission bilingue (Français et Anglais) pour servir de pont entre la métropole encore sous son joug malgré des balbutiements de revendications indépendantistes. Sept années plus tard, le Poste colonial devient Paris Mondial en émettant dans 30 langues différentes. Cette émergence sera stoppée net par l'épisode de la seconde guerre mondiale avec le combat entre le Maréchal Pétain et le Général De Gaulle. C'est justement à la fin de cette guerre que reprirent les émissions vers l'étranger en ondes courtes. L'année 1969 sera une date charnière car elle consacrera une certaine centralisation de la diffusion vers l'étranger par l'Office de Radiodiffusion Télévision Française53 (ORTF). Cinq ans plus tard l'ORTF sera éclatée et la Radio France créée avec notamment la suppression des émissions de diffusion vers l'étranger. La Radio France est née en 1975, avec cette fois-ci un démembrement qui émet en Afrique, la Radio France internationale (RFI). Après avoir fait partie de l'Office de radiotélévision française (ORTF), puis de Radio France à partir de 1974, Radio France Internationale devient une société autonome de radiodiffusion en 1983, puis une société nationale de programmes indépendante en 1986. Elle bénéficie à cet effet d'un statut juridique

53 RFI, Rapport d'activité 2004-2005, p.32

sui generis inspiré de celui des sociétés anonymes. Seulement, l'actionnaire unique est l'État Français. Elle fixe donc les modalités de désignation de son président.

Les années 1980 seront le moment où l'embarcation RFI atteint sa vitesse de croisière avec une crédibilité, une confiance des auditeurs africains assez particulière. A en croire le Professeur Olivier Sagna54, au « milieu des années 90, les médias internationaux étaient la principale source d'information indépendante entre guillemets pour les Sénégalais...En 1988 quand il y'a eu les fameux troubles électoraux et en 1989 le conflit entre le Sénégal et la Mauritanie, la principale source d'information était Radio France Internationale. Ces propos sont partagés par l'ensemble des interviewés qui étaient étudiants à cette époque. Ceci pour dire que RFI se positionnait pour la totalité des interviewés comme une radio libre et crédible contrairement aux médias publics Sénégalais qui exerçaient un monopole au niveau national à l'époque.

Dans les années 2000, RFI garde le même statut et la même ossature, et cherche à convaincre au maximum son audience tout en respectant les dispositions et objectifs contenus dans son cahier de charges. Des dispositions et des contenus supervisés par le GSA qui l'ausculte annuellement par des rapports détaillés. On peut ainsi lire au chapitre 8 sur le respect des dispositions du cahier des missions et des charges du bilan annuel qui lui est consacré par le GSA de 2002 que « la société s'est convenablement acquittée en 2002 des obligations générales et particulières inscrites à son cahier des charges et notamment des missions spécifiques qui lui sont dévolues »55. Au titre de ces missions, nous avons le fait que RFI ait « assuré la promotion et la diffusion à l'étranger de la langue et de la culture françaises, tout en marquant son caractère francophone (art. 2-6-7) »56, qu'elle « sert la diffusion des cultures françaises et francophones et de leurs valeurs dans le monde entier »57 mais aussi, qu'elle s'attache « à suivre les évolutions technologiques »58 (Article 9) entre autres missions auxquelles RFI s'est bien acquittée selon le Conseil supérieur de l'Audiovisuel (GSA).

Toutefois, la fin de la première décade des années 2000 en France sera marquée par plusieurs soubresauts dans l'environnement des médias publics. Le président de la république élu en 2007, M. Nicolas Sarkozy, exprime ainsi sa volonté de mutualiser tous les services de

54 Entretien avec le Professeur Olivier SAGNA du 19/08/2016 à la Direction générale de l'Enseignement supérieur (DGES) (Ecouter éléments sonores en annexes)

55 CSA, Bilan annuel de la société nationale de programmes RFI (Radio France Internationale), année 2002, Direction des programmes, services de l'information et de la documentation publié en Octobre 2003

56 Bilans du CSA, 2002, p.91

57 Ibidem, p.91 58Ibidem, p.92

 
 
 
 

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l'audiovisuel public français59. Le 4 avril 2008, sous son impulsion, l'Etat crée la société de l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF). Ce holding vise à centraliser et coordonner toutes les activités des radios et télévisions publiques détenues par l'État français et ayant une diffusion internationale. A terme, le projet gouvernemental est de réussir cette fusion de RFI et sa filiale Monte Carlo Doualiya avec France 24 et TV5 Monde.

Si cette volonté n'était pas partagée par les travailleurs de ces entités distinctes qui tenaient chacune, garder leur identité propre, l'Etat persiste dans cette orientation. Dans le même temps, Radio France Internationale traverse une phase difficile et plane en zone de haute turbulence économique. C'est ainsi qu'en janvier 2009, la direction de la radio annonce un plan social important avec deux cent six (206) suppressions d'emploi et l'arrêt de six (06) langues à faible audience (allemand, polonais, laotien, albanais et turc)60.

Fin 2009, RFI annonce la cession de ses filiales en Bulgarie, au Portugal et en Serbie. « Pour RFI Sofia, d'obscures raisons de politique bulgare s'ajoutent aux raisons financières. »61 Ces difficultés financières, RFI s'en relèvera mais n'évitera pas la fusion sur le plan juridique. En 2012, l'AEF, France 24, RFI et sa filiale MCD fusionnent. « Le projet de fusion des rédactions initialement prévu, facteur de vives inquiétudes chez les salariés, est finalement abandonné en juillet 2012 au profit de la création d'une entité unique dotée de rédactions distinctes. Cette organisation permet la mise en place de mutualisations au sein du groupe, concentrées sur les fonctions supports transverses. »62. Cette société unique aux visions transverses est rebaptisée France Médias Monde en Juin 2013. A partir de ce moment, RFI opère des modifications sur son site Web, change son identité sonore ainsi qu'à sa signature. Le design du site web évolue, il est séparé de celui de MCD mais aussi gagne en dynamisme. En fin 2013, sa signature devient « Les Voix du Monde » et traduit sa volonté de s'affirmer comme un véritable « média monde ». Elle diffuse aujourd'hui en douze (12) autres langues en plus du Français (anglais, cambodgien, chinois, espagnol, haoussa, kiswahili, persan, portugais et brésilien, roumain, russe et vietnamien) dont deux très parlées en Afrique. ). La langue allemande est aussi disponible en podcast et en ligne. Selon un dossier de presse publié en 2014 par la direction de RFI, elle «est écoutée par 36,7 millions d'auditeurs chaque semaine, avec une présence dans plus de 150 pays sur les cinq continents et 9,5 millions d'internautes en moyenne chaque mois (avec un

59 Projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision consulté le 12/11/2016- http://www.senat.fr/rap/l08-150/l08-15038.html

60 Sénat, session ordinaire de 2009-2010, N° 102 tome VIII médias (Action audiovisuelle extérieure), Par M. Joseph KERGUERIS, (Sénateur) Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2009, p.22

61Histoire radiophoniques, RFI, anciennement : Le Poste colonial, Paris mondial, Radio France Internationale http://radios.peuleux.eu/radios/r/rfi.html

62 France médias monde, rapport d'activités 2013(2014, consulté le 20/09/2016, p.12

 
 
 
 

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record à 10,4 millions de visites enregistré en octobre 2014). »63. De plus, RFI dispose d'une filiale RFI Romania, de dix (10) bureaux d'envoyés spéciaux permanents et fait appel à un réseau de 448 correspondants dans le monde. Le dispositif technique et humain ainsi que la capacité de couverture et de pénétration de RFI nous éclaire à suffisance sur son poids et sa place dans l'antichambre de l'information internationale.

Nous l'aurons constaté, du Poste colonial à aujourd'hui, RFI a évolué au gré des conjonctures d'ordre politique ou économique dans son organisation, son fonctionnement, tout en restant fidèle à ses missions qui se résument à une mission de service public Français au sein du groupe France Médias Monde avec Monte Carlo Doualiya et France 24.

Au regard de la trajectoire suivie par RFI, il serait opportun à ce stade de la recherche de nous poser la question de savoir si elle a su s'adapter aux évolutions des technologies de l'information et de la Communication. Autrement dit, RFI s'est-elle suffisamment déployée sur Internet pour garder intacte sa notoriété ou accroitre son audience ? S'est-elle adaptée à la concurrence accrue à laquelle elle fait face dans les pays d'Afrique francophone qui connaissent une émergence de médias locaux ? Autant de questions qui méritent réflexion et réponses pour saisir véritablement les stratégies déployées par RFI, autant au plan national qu'au niveau international pour la conquête de nouveaux récepteurs mais aussi le maintien de son positionnement. Le deuxième chapitre de cette partie va s'atteler à apporter des éléments de réponse.

63 Dossier de Presse RFI, Octobre 2014, consulté le 25/09/2016

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Chapitre 2 : Adaptation de RFI au numérique et mutation de la sphère
médiatique nationale

La société post-industrielle (A.Touraine, 1969)64 encore appelée société de l'information est caractérisée par une effervescence des innovations technologiques dans une logique de course à la maitrise de la technique. Ces innovations et évolutions, fruits d'un « travail à la vitesse de la pensée » (B.Gates et Hemingway, 1999)65 progressent à une vitesse spectaculaire, favorisant le triomphe du libéralisme comme vision dominante à la fin de la guerre froide. Des reconfigurations profondes sont engrangées à partir de ces transformations, reconfigurations qui vont impacter les cadres sociopolitiques et économiques déjà en mutation à partir des années 1980 en Afrique.

L'Afrique de manière générale et l'Afrique Francophone en particulier a vu ses régimes autocratiques basculer, ses oligarchies ballotées et beaucoup de ses dictatures contrebalancées par la vox populi à partir des années 80-90. Sans doute, l'effet de la fin d'une bipolarisation du monde faisant souffler un vent de démocratisation un peu partout, un marasme et désastre économique ayant en filigrane des plans d'ajustements structurels66 difficilement vécus ainsi qu' un éveil progressif de la conscience citoyenne, constituent les composantes du cocktail déclencheur de ces agitations. Agitations surtout portées par les communautés étudiantes, une des franges la plus éveillée des populations Africaines dans les années 1990.

L'entrecroisement de ces éléments provoqua de profondes restructurations politiques dans l'espace francophone. La vague de conférences nationales67 ou de concertations déboucha sur une ouverture politique qui impacta le champ médiatique. En deux décennies, l'ouverture aux médias privés au Sénégal et un peu partout en Afrique finira par modifier la donne et donc les habitudes de consommation médiatique des Sénégalais. Ce chapitre se propose donc de voir dans un premier temps si RFI s'est bien adapté (II-1) à l'avènement de cette ère du numérique pour rester compétitive. Il s'agira dans un second lieu, d'analyser les changements politiques, économiques, sociaux opérés en l'espace de deux décennies et ayant impacté la sphère médiatique sénégalaise (II-2) au point de mener à une « médiamorphoses ».

64 TOURAINE, Alain. La société post-industrielle. Editions Denoël, 1969.

65 GATES, Bill et HEMINGWAY, C. Le travail à la vitesse de la pensée. Une vision pour le troisième millénaire. Paris: Robert Laffont, 1999.

66 Un programme d'ajustement structurel (terme dérivé de l'anglais structural adjustment) est un programme de réformes économiques que le Fonds monétaire international(FMI) ou la Banque mondiale mettent en place pour permettre aux pays touchés par de grandes difficultés économiques de sortir de leur crise économique.

67 Vague de rencontres convoquées par les pouvoirs en place en Afrique suite à des heurts, manifestations ou tout simplement des revendications de démocratisation.

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II.1 Adaptation de RFI au numérique

« Aucune compagnie et aucune économie nationale n'échappera à la révolution des moyens de Communication dont l'éclatement de la Bell est l'une des pierres d'angle. » (Toffler, 1985). Les technologies de l'Information et de la Communication (TICs) allaient devenir une réalité au coeur de tous les enjeux. C'est ce que semble dire Jean Guy-Lacroix en soulignant que « les progrès de la numérisation des signaux ont fait de la convergence entre les télécommunications, la radiodiffusion et l'informatique un thème récurrent du discours sur le développement technologique. »68 Cette convergence toujours en cours avec l'avènement du numérique, du multimédia à travers l'Internet place des perspectives et possibilités nouvelles. Dans ce sillage, le Web 2.0 qui a rendu l'Internet plus participatif et occasionné l'émergence des réseaux sociaux va rendre ce processus de convergence plus bénéfique et l'information plus accessible. Seulement, du développement des satellites à l'avènement d'Internet, un éternel travail d'anticipation et adaptation est à abattre pour toutes les entreprises, de tous les domaines, pour ne pas être dépassé. RFI en tant que média transnational ne devrait donc pas être en reste dans cet exercice d'adaptation. Ses activités de collecte, de traitement et de diffusion d'une information internationale appellent à une parfaite maîtrise des technologies et plateformes numériques. Cette maîtrise des TICs n'est pas figée mais dynamique et requiert une analyse perpétuelle des tendances et opportunités qu'offrent le numérique. Nous allons voir dans les prochaines lignes si la RFI a su s'adapter convenablement à ces mutations technologiques et s'ancrer dans le numérique. Il s'agit de passer au crible les actions menées par RFI en faveur d'une meilleure accessibilité via les dispositifs numériques pour améliorer sa réception. Il s'agit aussi de voir dans quelle mesure et à quel point elle s'investit sur l'Internet et les réseaux sociaux.

RFI, dans ses missions et objectifs de diffusion d'information internationale, a besoin des réseaux de télécommunications et des satellites pour étendre ses zones de couverture et accroitre ses capacités de pénétration. De facto, elle va débuter sa diffusion en Afrique Francophone et de manière générale en ondes courtes captables via transistor. C'est ce qu'affirme le Professeur Olivier Sagna en affirmant que : « Ces médias internationaux émettaient auparavant en ondes courtes, il fallait avoir des appareils sophistiqués et qui coutaient cher pour avoir une bonne

68 Jean Guy-Lacroix, Bernard Miège, Pierre Moeglin, Patrick Pajon et Gaetan Tremblay, La convergence des télécommunications et de l'audiovisuel : un renouvellement de perspective s'impose, 199, p.p 81-105 p,82

qualité d'écoute »69. Cet état de fait faisait que tout le monde n'écoutait pas RFI puisqu'elle était de meilleure qualité dans les localités urbaines et avec un bon transistor. Ainsi le 5 mars 2009, RFI arrête la diffusion de son programme en langues étrangères disponibles en ondes moyennes sur la région Ile-de-France. La direction de RFI, se justifie en ses termes " les ondes moyennes sont tombées en déshérence et plus personne n'écoute ce genre de fréquence"70. Toutefois les programmes en langues étrangères restent disponibles sur Internet et les téléphones mobiles. Avec le transfert de technologies opéré et le développement de la modulation de fréquence, RFI devient plus accessible et écoutée. L'avènement de la bande FM, constitue, un virage important dans le positionnement de la radio. En effet, le 08 Septembre 1991, RFI inaugure sa première station FM à Dakar pour émettre mieux en Afrique Francophone. Diffusant en même temps en ondes courtes dans les jardins d'audimats extérieurs et en ondes moyennes en Ile de France, la Radio France Internationale diversifie également son offre avec la technologie orbitale satellitaire. Aujourd'hui sa présence dans une trentaine de réseaux satellitaires témoigne d'une volonté de maillage plus large.

Satellites de RFI pour l'Afrique Francophone en 2001 en blanc et en 2011 en jaune.
Sources : Rapports d'activités de 2001 et de 2011

Cette évolution étalée sur dix années (10) permet de voir que la radio RFI a augmenté de trois satellites de diffusion dans cet horizon temporel. Un dispositif non-négligeable pour sa diffusion. Selon le rapport du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel de 2013, « Pour la diffusion de ses programmes sur les cinq continents, la radio utilise différents moyens : la FM (156

69 Entretien avec le Professeur Olivier SAGNA du 19/08/2016 à la Direction générale de l'Enseignement supérieur (Ecouter éléments sonores en annexes)

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70 Suppression des ondes moyennes en région parisienne, Article publié le 05/03/2009 Dernière mise à jour le 06/03/2009 à 13:45 TU, consulté le 10/11/2016- http://www1.rfi.fr/radiofr/articles/111/article_78961.asp

émetteurs dans 62 pays des 5 continents), l'Internet, les plateformes mobiles, le câble et le satellite et, dans une moindre mesure, les ondes moyennes et les ondes courtes ».71

Néanmoins, RFI abandonne progressivement ses contrats en courtes et moyennes ondes pour se consacrer à la modulation de fréquence et à l'Internet. Les moyennes et courtes ondes s'apparentent plus à une technologie de diffusion des ondes plus ancienne. Il s'agit de la modulation d'amplitude captable avec le poste transistor, « en modulant l'amplitude, donc la puissance, du signal porteur avec le signal audio »72. C'est ce qui expliquait que la radio RFI était difficilement accessible dans les zones rurales. La modulation de fréquence elle, « consiste à faire varier la fréquence d'une onde porteuse de part et d'autre d'une fréquence centrale de base ». Elle est moins sensible aux bruits qui entravent le signal et assure une plus grande puissance d'émission. RFI a donc progressivement abandonné l'amplitude de fréquence pour être en modulation de fréquence. Cependant, si pour Nozha Smati et Pascal Ricaud (2015, p.5) « le mode de diffusion FM n'a pas eu, a priori, d'incidence sur les motivations et l'implication des publics déjà fidélisés, depuis de nombreuses années, en revanche la présence des radios sur Internet permet de voir émerger de nouveaux publics et de nouvelles pratiques ».

Fort de cette conviction, RFI a investi l'Internet dès fin 1997 avec un site web pour diffuser également ses informations en ligne. Le site web a subi plusieurs lifting au niveau du design et du contenu. La version actuellement en ligne a été lancée le 10 février 2014 avec un nouveau visage, un nouveau design, des rubriques mieux organisées, bref dynamique et adaptée au Web 2.0. La RFI a, en outre, investi les réseaux sociaux tels que DailyMotion (4284 vidéos et 929 abonnés73) et Youtube (2483 vidéos et 22637 abonnés74) pour les téléviseurs connectés ; Facebook et Twitter tout en lançant des applications mobiles RFI, RFI Pure Radio et Apprendre le Français avec RFI.

Notre observation des pages Facebook et compte Twitter de la radio RFI et de RFI Afrique (voir tableau en annexe) montre que celle-ci s'est résolument orientée vers le numérique et ses plateformes avec surtout les possibilités d'écoute de podcast et d'interaction avec les auditeurs qui, de plus, avec des jeux comme celui concernant l'émission Archives d'Afrique, sont de plus en plus appelées à être « fans » et « followers » de RFI. Pour 2.606.203 fans le 10 Septembre 2016 et 1.014.000 followers sur Twitter à cette date nous avons aussi 231.098 fans sur RFI

71 Page 11 Rapport CSA année 2013 - France Médias Monde

72 Article sur la radiodiffusion consulté la 05/10/2016 https://fr.wikipedia.org/wiki/Radiodiffusion

73 Consulté le 14/11/2016

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74 Consulté le 14/11/2016

Afrique et 503.000 followers75. Nous avons notamment une fréquentation moyenne mensuelle de ses comptes sur les réseaux sociaux qui croit de plus de 39% mensuellement76. Toutes ces données permettent de penser que la Radio France Internationale est bien arrimée à la locomotive du numérique ainsi qu'à ses tendances actuelles. Avec plus d'une trentaine de satellites (bouquets inclus), une présence dans les réseaux sociaux et plateformes tels que Facebook, Twitter, Google +, YouTube, Dailymotion, Soundcloud et Instagram, un site Web central et ses démembrements ainsi que des applications présentes sur IOS et sur Android, RFI est véritablement entrée dans l'ère du numérique. La radio est dorénavant plurimédia dans la mesure où RFI transmet sur les ondes, en écoute continue ou en podcast sur son site Internet et ses applications. Elle propose en outre des vidéos et des articles sur les plateformes numériques.

Les technologies numériques ont aussi complètement modifié les pratiques. Du côté des contenus numériques, RFI a mis en place en 2013, une équipe chargée de la production de reportages interactifs, d'infographies interactives et de webdocumentaires, créée par la direction des nouveaux médias de RFI, en collaboration avec la direction des nouveaux médias de France Médias Monde77. En plus les correspondants mettent en ligne leurs articles sur le site de RFI. RFI peut donc être considéré comme une radio 2.0, « augmentée, qui ne réduit pas le web à un simple réseau de diffusion. Elle est multimédia et riche de contenus et services plus ou moins diversifiés, offrant de nouveaux `'cadres de fonctionnement» (dimension technique) et `'cadres d'usages `' (dimension sociale) » (Flichy, 1995, pp. 151-155).

Si RFI s'est fortement déployé vers le numérique, il reste que celui-ci est de plus en plus accessible en Afrique. Dans le cadre national, le Sénégal a vu l'émergence de médias nationaux qui ont eux aussi saisi les opportunités offertes par le numérique. Postulant à la base que RFI devrait non seulement s'adapter au numérique mais aussi aux mutations de l'environnement médiatique national pour maintenir son positionnement, nous allons essayer d'analyser les contextes de naissance et d'émergence des médias nationaux. Cette démarche fournit un tableau historique des contextes économiques, politiques et sociaux qui interfèrent sur le positionnement national du média transnational RFI.

75 Voir captures en annexes

76 Source : Etudes Comscore digital analytix 2014

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77 Rapport d'activités France médias monde 2013-2014

78 Programme International pour le Développement de la Communication. « Le PIDC est le seul forum multilatéral du système des Nations unies ayant pour objectif de mobiliser la communauté internationale pour débattre et assurer le progrès des médias dans les pays en développement. Non seulement ce Programme apporte une assistance aux projets relatifs aux médias, mais il vise également à établir les conditions favorables à l'essor de médias libres et pluralistes dans les pays en développement. » http://www.unesco.org/new/fr/communication-and-information/intergovernmental-programmes/ipdc/about-ipdc/

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II.2 Evolution de la sphère médiatique sénégalaise

Les environnements social, économique et politique sénégalais ont connu plusieurs mutations lors des trois dernières décades. Ces changements majeurs sont intervenus dans des secteurs qui s'imbriquent étroitement et impactent considérablement le champ médiatique. Sur le plan politique, des réformes et orientations d'ouverture constatées ont fait évoluer la nomenclature médiatique d'un Etat public et de flux transnationaux en un champ plus morcelé, profitant des retombées du Programme international pour le développement de la Communication (PIDC)78 et de la démocratisation. Autrement dit, l'environnement médiatique fortement dominé auparavant par les médias d'Etat et les médias étrangers, va évoluer et donner la place aux médias privés et locaux.

Sur le plan économique, une zone de haute turbulence traversée par la desserte Sénégalaise a finalement été dépassée pour une stabilité et une démultiplication des initiatives privées en faveur d'un marché fortement concurrentiel. Au plan social les conjonctures politico-économiques ainsi que de crises sectorielles multiples feront de l'information autre que celle gouvernementale une nécessité pour les franges de la population sénégalaise les plus instruites. Cet assortiment de facteurs intrinsèques à la vie d'une nation articulé à une technologie pour tous, débouchera inéluctablement vers une modification de l'architecture médiatique.

II.2.1 Un contexte politique favorable :

Ayant connu des siècles de vie politique mais sous le joug de la puissance coloniale qui ne reconnaissait qu'une partie de la population comme étant citoyenne, le Sénégal a une longue tradition de vote et de délibération qui dépasse son existence en tant qu'Etat officiel. En 1960, le Sénégal accéda à l'indépendance et c'est à cet horizon que nous situons notre succincte approche historiographique ayant abouti à une ouverture politique. En 1963 déjà, une nouvelle constitution est adoptée, instaurant un régime présidentiel et un parti unique et puissant l'Union progressiste Sénégalaise. Ceci est le résultat de la fameuse crise institutionnelle et politique de Décembre 1962 opposant le président du conseil Mamadou Dia au président de la république. Convaincu qu'une dualité du pouvoir entraverait la bonne marche des institutions et que la pluralité ne permettrait pas de construire un Etat-Nation solide, le Président Léopold Sédar

79 Moustapha Tamba, Mutations politiques au Sénégal : Bilan de cinquante ans d'indépendance (1960 - 2010), Fondation Konrad Adenauer, Avril 2011, p.9

80 Zineb Benrahhal Serghini et Céline Matuszak « Pour donner une légitimité à la sphère publique et à la validité des débats qui s'y tiennent, le public s'appuie sur l'usage public de la raison. C'est ce que recouvre la notion habermassienne de Publicité dont émane la rationalité politique. Pour le public, la Publicité permet de vérifier l'influence que celui-ci exerce sur les pouvoirs politiques, et notamment les instances législatives. Enfin, par le biais de la presse écrite, l'opinion publique s'informe et acquiert une certaine consistance. » Lire ou relire Habermas : lectures croisées du modèle de l'espace public habermassien, Revisiting Habermas's Model of the Public Sphere p. 33-49

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Senghor gardera encore pour une décennie un régime de parti unique. Seulement, les troubles sociaux des mouvements syndicaux et étudiants de 1968 et un contexte économique délétère favorisant la montée de la clandestinité politique pousseront le président Senghor à opérer un entrebâillement de l'antre politique. En 1974, la création du Parti Démocratique Sénégalais est autorisée et deux années plus tard, « une réunion constitutionnelle du 19 mars porta le nombre maximum à trois partis qui doivent représenter des courants de pensée différents : Socialiste et démocratique ; Libéral et démocratique ; Communiste ou marxiste - léniniste. »79 L'UPS devenue Parti Socialiste, le Parti Démocratique Sénégalais et le Parti Africain de l'indépendance représentent ces trois courants et seront les trois partis autorisés. C'est une décennie plus tard alors que l'ancien Premier ministre du Président Senghor lui a succédé après sa démission, plus précisément le 24 Avril 1981 que le multipartisme intégral est instauré. Cette ouverture opérée va en même temps libérer la parole des acteurs du jeu politique. Ces partis politiques ne disposeront néanmoins de moyens d'expression autorisés. Les partis autorisés et d'autres encore dans la clandestinité, n'ayant pas toujours les médias d'Etat à leur disposition vont utiliser une presse clandestine, des tracts et les médias transnationaux, quand la parole leur y est donnée, pour s'exprimer et procéder à la publicité.80 Ce fait politique va de plus en plus faire sentir la nécessité d'ouvrir à son tour la sphère médiatique nationale qui verra sa presse écrite se diversifier dès les années 1980 et préposer une pluralité médiatique.

II.2.2 Une société en métamorphose

La situation sociale du Sénégal s'est de plus en plus détériorée à partir des indépendances du fait de difficultés énormes notées au plan économique. Ces difficultés sont d'autant plus pressantes que le pays était aussi en proie à une politique agricole qui ne porta point ses fruits du fait d'une sécheresse persistante. Dans ce contexte, le mouvement étudiant sera le baromètre de la tension sociale à travers des grèves et perturbations. Par ailleurs, dans la formation des citoyens et des élites Sénégalaises, une forte extraversion faisant référence aux valeurs et culture occidentales est constatée, la culture Française en particulier.

D'un Etat providence fort et ayant le contrôle sur ses entreprises nationales, nous allons passer d'un Etat sous perfusion économique et caractérisé par la contre-performance des sociétés

publiques qui entrent en récession et en faillite une par une à partir des années du « choc pétrolier »81 provoquant plusieurs licenciements. C'est donc un état de frustration dans la plupart des ménages, autant dans les zones urbaines que rurales qui sera le terreau des manifestations et mouvements émergents.

Au niveau social, la tension existante dans les années 1980-1990, la sociabilité, le besoin d'information crédible font que les Sénégalais s'informent de plus en plus via les canaux étrangers. Un climat social de mutations et d'émergence d'une jeunesse régulièrement dissidente s'accompagne de sources d'informations et d'expressions alternatifs.

II.2.3 L'évidence d'une « médiamorphose »

Un contexte économique très difficile, une ouverture politique et dorénavant médiatique ainsi qu'une demande en information de proximité et en langues locales supérieure à l'offre du média d'Etat et des deux plus grands journaux privés créés dès les années 1980 vont pousser ceux-ci à s'intéresser à l'audiovisuel. En fait, la modicité de leurs ressources, dans un contexte économique macro délétère va avoir un effet domino. Ces médias encore à la presse écrite, se trouvent confrontés à l'analphabétisme d'une grande partie de la population. L'audiovisuel, notamment la radio, leur permettrait de tenter une diversification de leurs ressources et de toucher une plus grande audience. Sud FM et Walfadjri vont donc s'intéresser à l'audiovisuel dès le début des années 1990. Le 1er Juillet 1994, le président Abdou Diouf inaugure la première chaine de radio privée au Sénégal, Sud FM dont la fréquence a été attribuée par la RTS. Ainsi, « comme par le passé, Sud et Wal fadjri entament presque simultanément une diversification de leurs activités qui prendra parfois, sur le plan financier, la forme d'une fuite en avant : tous deux s'attaquent, au milieu des années 90, au secteur audiovisuel, enfin libéralisé. Naissent ainsi Sud Fm puis Walf Fm qui s'imposent très vite, à côté d'autres radios, comme des médias de référence en matière d'information »82 Radio Dunya et Wal Fadjri suivront dès 1995 et d'autres radios s'en suivront.

Ces radios, comme on l'a vu, naissent d'une volonté de diversification de leurs activités pour les uns afin de braver ce contexte économique défavorable. Ces premiers privés vont donc faire face à d'énormes difficultés économiques mais seront surtout encouragés par une société civile et une partie de la population Sénégalaise. L'exemple du Groupe Sud est assez frappant. En 1996, le groupe Sud Communication est traduit en justice par le puissant groupe Mimran propriétaire de la Compagnie Sucrière Sénégalaise. Il sera condamné « à une amende de 500

81 A partir de 1973 un bras de fer entre les pays Arabes producteurs de pétrole réunis majoritairement autour de l'OPEP et les pays occidentaux débouche la flambée des prix du baril provoquant ainsi une conjoncture économique internationale

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82 Thierry Perret, Le temps des journalistes. L'invention de la presse en Afrique francophone. Karthala: Paris, 2005. p.99

83Perret, op.cit. 2005, p.p 100-101

84 Norbert Muhota, le rôle de la radio communautaire dans un milieu extra coutumier, Université de Kalemie-Gradué 2012

85 Erica Guevara, radio communautaire et participation sociale. Etude comparative de la Costa-Rica et de la Colombie, mémoire inédit, 20062007, p.15

86 Yacine Diagne, Radios communautaires : outils de développement au Sénégal, DEA de Communication, Université Paris 13 (Villetaneuse), 2004-2005

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millions : l'entreprise, dont la trésorerie est toujours en péril, vacille sérieusement, et elle ne doit sa survie qu'à une forte mobilisation ».83 Cependant, avec la diversification de leurs activités, les premiers médias privés vont réussir à émerger et à fortement concurrencer RFI. Ces médias locaux privés qui constituent un premier échelon et échantillon de médias audiovisuels au Sénégal vont précéder un autre type de média plus localisé, mieux imprégné des sous-terroirs.

Les radios communautaires sont des médias qui transmettent pour des communautés bien identifiés socialement constitués ou géographiquement localisées. En Afrique, les radios communautaires prennent souvent la forme d'un organe d'information au sein d'une localité. Selon l'Association mondiale des radios communautaires (AMARC), la radio communautaire est définie comme comportant trois principaux aspects84:

- Celui d'une activité sans but lucratif ;

- contrôlée par la communauté qui en est propriétaire ;

- caractérisée par une participation massive de la communauté.85

Le premier point identifié comme caractéristique des radios communautaires se trouve entièrement consacré par la loi au Sénégal. A en croire Mme. Yacine Diagne, « L'environnement juridique ne leur permet pas de bénéficier d'une aisance financière, car elle leur interdit la publicité (cf. l'article 16 du cahier de charges applicables aux radios communautaires infra). »86 Seulement, identifiés par l'Unesco "support à l'éducation de base", les radios communautaires bénéficieront pour la plupart de financements de base d'organisations internationales ou encore de transfert de technologie provenant des projets du PIDC. Les radios communautaires sont ainsi conçus comme des « soldats du développement » au Sénégal avec leur mise à l'agenda des problématiques locales mais aussi leur engagement en faveur des femmes, de l'éducation, de la lutte contre le SIDA, de la promotion de la diversité et des langues locales entre autres. Des radios rurales, agricoles ou encore éducatives se feront des relais d'institutions telles que la FAO ou encore l'UNESCO. Elles vont aussi servir de relais dans le processus de décentralisation entamé en 1996 via le code des collectivités locales mais surtout libérer la parole de la jeunesse. Aujourd'hui, la multiplication de ces radios communautaires

87 M. L. Camara, «Attitude de proximité des radios locales», dans Entre tradition orale et nouvelles technologies : où vont les mas médias au Sénégal ? Arbeitspapier/Working papers n°47, Gutenberg Universitat 2004

88 CNRA, Rapport annuel 2014, p.46

89 Autorité de régulation des Télécommunications et des postes, statistiques du 30 Juin 2016, vu sur le site osiris.sn.

90 Source : http// www.alexa.com/topsites/countries/SN

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sur l'ensemble du territoire Sénégalais et surtout en dehors des zones urbaines font d'elles les médias de proximité les plus écoutées dans leurs localités respectives. Trente-deux (32) nouvelles stations avaient déjà été agrées en 2004 s'ajoutant ainsi aux 12 radios déjà existantes portant à 44 le nombre total de ces radios.87 En l'état actuel, les radios nationales, communautaires se sont imposées comme des médias de proximité, traitant en détail et en profondeur l'actualité la plus proche. Les radios nationales émettent en modulation de fréquence et possèdent des dispositifs modernes de transmission.

Aujourd'hui, la sphère médiatique sénégalaise est passée d'une seule chaine de télévision en 1990 à 17 chaines télévisées en opération en 2014, d'une radio en 1990 à plus de 200 radios en opération en 2014. Sur Internet, on dénombre également plus d'une dizaine de sites d'informations à l'intention des sénégalais88 selon le rapport du Conseil National de Régulation de l'Audiovisuel (CNRA) même si dans les faits on dénombre une centaine de sites et de portails. Internet est aussi devenu une réalité au Sénégal. Nous comptons ainsi 8.143.086 abonnés à internet dans notre pays pour un taux de pénétration de 57,88% selon les statistiques de l'Autorité de Régulation des Télécommunications et de Postes (ARTP)89. Cette réalité est à prendre en compte dans l'analyse des mutations de notre sphère médiatique nationale. En effet, des sites Web d'information tels que Seneweb ou Leral.net90centralisent des pagerank considérables en plus de leurs applications mobiles et informent sur toute l'actualité Sénégalaise.

Avec une information disponible, accessible, multi-média et multiforme, le secteur médiatique Sénégalais s'est considérablement modifiée. A la lumière de ces éléments nous pouvons dire que la sphère médiatique nationale mais aussi les publics récepteurs de ces messages médiatiques se sont transformés au gré des crispations politiques, économiques, sociales.

RFI, sentant la nécessité et l'obligation pour elle de s'adapter, se positionne de plus en plus sur le numérique mais insiste aussi sur son ancrage local de par la langue et l'angle de vue et de traitement de l'information, pour rester écoutée. Mais l'évolution de RFI a son corollaire qui est le recul de la langue Française. « According to Jean-Karim Fall, a journalist in RFI's Africa newsroom, this evolution is logical: «The `Francophonie' is in decline ... More and more young Africans only have a weak grasp of the French language and it follows that in order to maintain

an influence and to keep listeners tuned in, it will be necessary to talk to themin the languages that they understand (Labonté, 2012, p. 212). »91. Guillaume Thibault renchérit en ces termes : « RFI n'est plus le média le plus puissant au Sénégal et dans d'autres pays de la zone encore moins dans les pays anglophones puisque la langue coupe, je pense que le niveau de Français est en train de baisser petit à petit partout dans le monde...il est logique qu'un Sénégalais écoute un débat politique en Wolof »92.

Ce recul de la langue conjugué à une effervescence médiatique au niveau local a des incidences sur l'audimat de RFI. Les radios nationales ont plus de proximité et traitent de l'information locale. Dans le cas où elles reprennent les sources d'information internationale, elles la retransmettent aussi en langues locales. Du fait de la forte émergence de ces médias nationaux au Sénégal contrairement à d'autres pays de la sous-région, RFI y est fortement concurrencée. Elle reste encore la radio la plus écoutée dans des villes comme à Abidjan (Côte d'Ivoire), Kinshasa (République Démocratique du Congo), Libreville (Gabon), Brazzaville (République du Congo). Avec 30 à 45% des habitants qui l'écoutent chaque jour, la radio enregistre dans ces villes des audiences records. À Abidjan et Kinshasa, un phénomène de recul des audiences a impacté RFI en 2013 comme la majorité des autres médias internationaux (sans pour autant lui fait perdre sa place de numéro 1), avant de « réaliser des scores historiques en 2014, portés notamment par des délocalisations d'antenne et un renforcement de partenariats ciblés dans ces deux pays... »93. Ceci est dû au fait que les secteurs médiatiques privés restent encore à un stade de développement embryonnaire dans ces pays. Là où le secteur privé et des médias locaux de qualité se développent, ces médias transnationaux voient leurs audiences s'effriter quelque peu.

Ces constats, issus d'une démarche historique, diachronique et analytique, nous permettent d'entrevoir les dynamiques en cours par rapport au média transnational RFI et son positionnement actuel au Sénégal. Elle n'a certes plus son rayonnement d'antan mais continue d'être un média incontournable au sein de la sphère nationale. En fait il y'a une prépondérance de médias transnationaux comme RFI en période de crise à en croire Libasse Hane et Guillaume Thibault. Quand il y'a épidémie (exemple : Ebola), crise politique (Burkina), guerre civile (Côte d'Ivoire) ou des évènements majeurs tels que printemps arabes, RFI et les médias

91 Anke Fiedler & Marie-Soleil Frere «Radio France Internationale» and «Deutsche Welle» in Francophone Africa: International Broadcasters in a Time of Change, op.cit. 2016, p.75

92 Entretien du 06/09/2016 avec l'envoyé spécial permanent de la RFI au Sénégal, Guillaume Thibault

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93 Rapport d'activités France médias monde 2013-2014, p.47

transnationaux de manière générale enregistrent de forts taux d'audience du fait de leur professionnalisme et de leur présence dans tous les terrains.

Au terme de cette première partie de notre travail sur les médias transnationaux, il est apparu des éléments importants et déterminants pour la suite de notre travail. Dans un premier temps, la loupe avec laquelle nous avons élucidé des termes génériques susceptibles de qualifier les médias à vocation transfrontière nous renseigne sur toutes les dimensions, qui, encore une fois régissent ces médias. Les débats sur le NOMIC, résultant des enjeux qui entourent les médias transnationaux font prendre conscience des tiraillements qui peuvent résulter de l'information internationale mais aussi et surtout son importance. Des enjeux géopolitiques certains entourent ces médias transnationaux qui privées ou publiques obéissent à des logiques politiques, économiques et culturelles. C'est dans cette optique que s'inscrit, dans un second lieu, l'analyse du parcours de RFI qui, au gré des configurations de ces logiques, s'est transformée dans l'histoire pour devenir ce qu'elle est aujourd'hui. Ayant consenti des efforts pour son adaptation au numérique, RFI reste donc un média très présent en Afrique de l'Ouest et au Sénégal en dépit de profondes mutations intervenues dans la sphère médiatique sénégalaise. Seulement l'existence d'une multiplicité de radios, de télévisions et de sites Web d'informations dans le cadre national, donne un éventail de choix plus large aux récepteurs. En fait, ceux-ci qui ne pouvaient choisir qu'entre la RTS et les médias transnationaux dans les années 1990, ont aujourd'hui devant eux une multiplicité de médias, une multiplicité de dispositifs de réception, et une multiplicité de moyens de s'informer. Cette palette d'outils qui s'élargit pour le récepteur est-elle le signe d'une modification du rapport au média RFI ? Est-ce, au contraire, un paramètre qui n'impacte ou ne modifie aucunement la réception qui est faite de ce média ?

Cette première partie, constituant le socle de notre recherche, nous allons attaquer le noeud central de notre mémoire, en tentant de répondre à ces questions. Ce qui revient à s'intéresser à la réception qui est faite du média transnational RFI par les étudiants Sénégalais de nos jours.

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Partie II : Les médias internationaux :

d'une réception hégémonique à une

réception négociée

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La deuxième partie de notre mémoire est consacrée à la réception qui est faite du média transnational RFI. Elle s'intéresse aux théories de la réception en rapport avec les flux transnationaux d'informations et présente les résultats d'enquêtes menées auprès des étudiants. Ceci, dans le but de jauger le niveau d'agrément des publics vis-à-vis des informations reçues de RFI. Pour se faire, nous articulons ce segment de notre mémoire en deux chapitres principaux.

Le premier chapitre peut-être qualifié d'exercice d'exploration. Il s'agit de convoquer, d'expliciter et de préciser, en utilisant une méthode en entonnoir, les principales formulations théoriques du champ des sciences de l'information et de la communication qui se positionnent du côté de la réception. Cet exercice de mise en apposition de ces formulations théoriques, ouvre la porte à une meilleure compréhension des acceptions sur la réception des médias de manière générale et des médias transnationaux en particulier. Ceci est fondamental dans la perception que nous avons des audiences et de leur évolution. Justement, il s'agit aussi dans ce chapitre, de consacrer des lignes aux publics. Ceux-ci, ont été l'objet de classifications et de catégorisations, surtout quand ils sont les cibles des médias transnationaux. Leur élucidation permet d'avoir une idée claire et précise de notre cible d'enquête qui est la communauté étudiante, circonscrite dans ces publics, et assez représentative de ceux-ci.

Le second chapitre de cette partie procède à une articulation de ces formulations théoriques sur la réception, aux résultats de terrain présentés. A cet effet, nous avons choisi de nous inscrire dans la perspective des types de réception introduits par Stuart Hall de l'école des cultural studies que nous corrélons éventuellement à d'autres études qui rendent compte des phénomènes observés. Au terme de ce chapitre, les publics de RFI chez les étudiants au Sénégal seront cernés de sorte à établir si la réception qui en est faite est la même que dans le passé, précisément dans les années 1990.

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Chapitre 3 : Une réception hégémonique des médias transnationaux dans les

années 1990

Ce chapitre s'inscrit dans un exercice d'exploration et d'approfondissement d'un des termes clés de notre objet qu'est la réception. Dans le champ des SIC, plusieurs sous domaines se sont formés au gré des angles d'analyse du fait médiatique dans la société. La réception, a pendant longtemps été négligée avant de devenir un pan de recherche prometteur à partir des fonctionnalistes. Elihu Katz et Jay Blumler opéreront ce qu'on appelle un renversement épistémologique dans cette perspective pour s'intéresser pour une première fois à l'usager des médias. Après ces travaux précurseurs, un ensemble de travaux verront jour dont ceux des « cultural studies » qui s'illustreront particulièrement. Nous allons donc dans un premier temps tenter d'exposer les lignes essentielles de ce parcours du concept.

Dans une autre perspective, les récepteurs de l'information médiatique obéissent à des dynamiques multiples selon les cadres, les contextes et leurs relations avec les médias en question. La spécificité des médias que nous étudions qui sont transnationaux, exige, dans une approche comparative des années 1990 à aujourd'hui, de saisir les caractéristiques des récepteurs. Sont-ils des audiences passives ou des publics actifs ? Consomment-ils l'information médiatique de la même manière que dans le passé ? Entre autres questions qui appellent à une délimitation des paramètres intrinsèques à ces récepteurs pour voir s'il existe ou non des différences. Nous allons donc étudier les publics des médias transnationaux, selon différentes approches et classifications pour comprendre ce qu'il en est pour notre objet.

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III.1 La réception : repères conceptuels et contextuels :

III.1.1 Premières prise en compte de l'usager-récepteur :

Le terme réception a été l'un des mots clés ayant marqué les recherches en Sciences de l'Information et de la Communication. Cependant, des premiers travaux sur la psychologie et la foule, aux travaux empirico-fonctionnalistes, rarement, l'accent a été mis sur l'action du récepteur. Il a fallu que, dans le continuum du courant empirico-fonctionnaliste assuré dans une perspective proche que celle entamée par Lazarsfeld, Elihu Katz et Jay Blumler formulent la théorie des « uses and gratifications » pour faire référence à l'usager ou au consommateur du média. Dans leur ouvrage « The uses of Mass Communication » publié en 1974, ils l'expliquent comme « une tentative d'expliquer un phénomène en interrogeant un individu sur la façon dont il utilise les communications, au lieu d'autres ressources dans son environnement, afin de satisfaire ses besoins et atteindre ses objectifs ». Cette approche, bien que s'inspirant du courant empirico-fonctionnaliste, opère un renversement épistémologique certain. On ne se focalise plus sur le média et ses effets mais sur le récepteur et ses besoins. Une rupture qui dégagea des perspectives nouvelles dans les recherches medias-sociétés et marqua la naissance d'une nouvelle tradition de recherche sur les usages. Serge Proulx semble vouloir l'illustrer en ces termes : « Dans les décennies 1960 et 1970, des chercheurs désirent prendre une distance face à la pensée unitaire dominante décrivant l'action des médias trop exclusivement en termes d'effets (« ce que les médias font aux gens »). (...)Ils proposent un déplacement du programme de recherche vers les usages (« ce que font les gens avec les médias »). Ils postulent ainsi que les membres des audiences utilisent `' activement» les médias pour en retirer des satisfactions spécifiques répondant à des besoins psychologiques ou psychosociologiques. »94 En identifiant la distraction, les relations sociales, l'identification personnelle et l'information comme les formes d'usage dont le récepteur tire des gratifications des medias, Katz jette par là même, les bases d'une nouvelle sous discipline au sein des Sciences de l'Information et de la Communication et de la sociologie qui s'intéressera à l'usage des TICs ou des médias. Les études sur les usages quitteront plus tard le champ des médias stricto sensu pour s'arrimer aux innovations technologiques et à leur diffusion.

Si la tradition Française s'oriente vers les usages des TICs et des médias dans une moindre mesure, les « cultural studies » vont eux s'intéresser à la réception de l'information médiatique

94 Lise Vieira et Nathalie Pinède, Enjeux et usages des TIC : aspects sociaux et culturels, Tome 1, Presses universitaires de Bordeaux, Bordeaux, 2005, p. 7-20. p.2

95, Richard Hoggart. The uses of literacy. Transaction publishers, 1957.

96 Karima Aoudia, réception par satellite et internet des médias arabes transnationaux: intégration et transformations identitaires d'immigrants maghrébins à Montréal thèse présentée comme exigence partielle du doctorat en communication, décembre 2009. p.76

97 Brigitte Le Grignou. Retour sur les théories de la réception. In: Quaderni, n°17, Printemps 1992. Discours de l'écologie. pp.125-126.

98 Dominique Pasquier, Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) Culture populaire à l'épreuve des débats sociologiques, Hermès 42, 2005, p.62

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dans les foyers britanniques. Ce courant fortement controversé en France du fait de la prolixité des objets étudiés, a consacré une abondante réflexion sur la réception des médias. Nous allons nous intéresser à ceux-ci afin d'en élucider les fondements et les conclusions.

III.1.2 Les théories de la réception à partir des « cultural studies »

Depuis les travaux des « uses and gratifications » de l'autre côté de l'océan, les travaux sur la réception n'ont pas connu de répondant en Europe jusqu'au début des années 60 où, l'école anglo-saxonne de Birmigham spécialisée dans les études culturelles, s'intéresse à la réception des médias. Crée en 1964 par Richard Hoggart, le Center for contemporary cultural studies entretient une certaine proximité avec les cultures populaires mais aussi avec des problématiques culturelles encore inexplorées jusque-là. Déjà en 1957, la publication de l'ouvrage 95The uses of literacy, ouvrage où Richard Hoggart, analysant les cultures des milieux populaires dont il est issu en Angleterre, annonce la couleur qu'opérera ce centre. Les plaisirs immédiats, le groupe familial ainsi que l'intimité seront entre autres abordés dans les travaux de ce précurseur qu'est Hoggart. Les « `'cultural studies'', constitués en école de pensée, vont ensuite peu à peu s'intéresser à la réalité médiatique en rapport avec les cultures populaires. Ils (les Cultural Studies) soulignent ainsi la capacité critique des consommateurs, et remettent en cause le rôle central de la classe sociale en tant que facteur explicatif isolé, pour incorporer d'autres variables comme celles de l'âge, du genre, et des identités ethniques (Mattelart et Neveu, 2003). »96.Contrairement aux théoriciens de l'Ecole de Francfort qui postulaient que les médias de masse distillaient une culture de masse qui abêtissait les basses classes, les théoriciens du CCCS relativisent cette dissection culturelle pour prôner une culture hybride qui peut se trouver aussi bien chez les prolétaires que les bourgeois. En fait, la culture serait plus complexe que théorisée antérieurement par les penseurs de Francfort. Elle fait sens et fait intervenir un ensemble d'aspects. L'approche «culturaliste» consiste en une jonction, une « médiation entre structure économique, stratification sociale et «nature de la culture produite par les médias. »97.Il s'ensuit que dans The Uses of Literacy, Hoggart parle de «consommation nonchalante» ou d' « attention oblique» pour caractériser « la relation des classes populaires à la presse ou à la radio. »98. Cette « attention oblique » signifie que les individus présents devant la télévision peuvent s'y regrouper plus pour discuter ou pour dîner

que pour suivre les programmes qui y sont proposés. Le média n'influence pas, dans ce cas de figure, les individus qui l'allument mais le suivent nonchalamment.

L'approche développée ici est originale et alternative par rapport aux formulations théoriques précédentes. En effet, « Leur grande originalité vient du fait qu'elles sont le support d'une exploration des identités et des contours d'un public qui se façonne au contact des médias de masse, par le biais des activités d'amateurs et des nouvelles pratiques corporelles, s'imposant d'abord des règles de domination de type groupal (réseaux) »99. Les individus seraient donc en perpétuelle négociation avec les informations, les identités auxquelles ils sont exposés, et effectuent un travail de tri et d'adaptation. Cette description colorée des identités culturelles leur fera explorer d'autres paysages de recherche considérés comme illégitimes par une grande partie du monde scientifique en France. Nous verrons ainsi naître les « minority studies », les « queer studies », les « gays studies » comme porte étendard d'une internationalisation des cultural studies et comme répondants scientifiques à des mouvements en vogue dès les années 70-80 (Féminisme, Gay pride, écologisme etc.). Un grand penseur comme Pierre Bourdieu (Bourdieu, Wacquant, 1999) par exemple, accuse expressément les études des cultural studies de représenter les tentatives hégémoniques d' « américanisation ». Ce qui explique d'ailleurs qu'Edgar Morin ou encore Michel de Certeau, proches des pensées des « cultural studies » sur certains aspects de la réception, soient isolés pour un temps par Bourdieu et ses contemporains. Eric Maigret l'illustre en ces termes : « la minimisation active (de Bourdieu et son école) de l'influence d'Edgar Morin puis de celle de Michel de Certeau, deux auteurs inévitables si l'on veut saisir toute la complexité des industries culturelles et la dimension micropolitique des pratiques sociales, la quasi-absence de travaux sur les médias dans le courant bourdieusien, ont bloqué toute formulation de cultural studies à la française en renforçant l'illégitimité des objets communicationnels- ce qui a été confirmé par l'essor de sciences de l'information et de la communication en dehors des sciences sociales. »100. Maigret de postuler également que les études sur la réception des cultural studies souffraient de trois limites que sont : un « manque de rigueur », un « radical chic », un « manque de sérieux épistémologique »101. Lynchés pendant longtemps dans le champ de la recherche francophone, les travaux des cultural studies sont cependant convoqués et suscitent toujours l'intérêt lorsqu'il s'agit d'étudier les phénomènes de réception. Stuart Hall, successeur de Richard Hoggart à la tête du CCCS, formula à son tour une grille de lecture des modes de décodage des informations médiatiques.

99 Eric Maigret et Eric Macé, Penser les médiacultures, Nouvelles étapes et nouvelles approches de la représentation du monde. Armand Colin-INA, 2011. p.13

100 Eric Maigret et Eric Macé op.cit. p.24

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101 Eric Maigret et Eric Macé op.cit. p.21

102 Dominique Pasquier. " Dallas... The export of meaning, cross cultural readings of Dallas"(Elihu Katz et Tamar Liebes). Réseaux, 1991, p. 140-144

103 Armand Mattelart, op.cit. 2007, p.70

104 Stuart Hall, Michèle Albaret, Marie-Christine Gamberini. Codage/décodage. Les théories de la réception. 1994. pp. 27-39.

105 Stuart Hall, op.cit. p.37

106 Karima Aoudia, op.cit, décembre 2009. p.80

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Dans un cadre plus élargi, les études sur la réception des séries de télévisions telles que Dallas102 déroulées dans les 1980 ont jeté les bases de la réception de flux médiatiques transnationaux. « C'est à travers leurs études sur la réception de la fiction télévisuelle transnationale que l'influente école britannique des Cultural studies s'est internationalisée (Morley, 1992). Et c'est en essayant d'ouvrir la boîte noire de la réception que des anthropologues se sont investis dans les études sur la culture médiatique depuis les années 1980 (Dayan, 1992). »103. Hall va étudier déjà dans les années 1990 les cultures diasporiques et l'identité dans le cadre des flux médiatiques transfrontières. Mais bien avant, dans Codage/Décodage104, en partant d'une critique de la théorie de la « perception sélective » qu'il ne rejette pas entièrement pour autant, Stuart Hall tente d'établir trois positions hypothétiques à partir de la réception d'un discours télévisuel. Une position dominante-hégémonique, une position négociée et une position oppositionnelle.

Le décodage hégémonique fait sens lorsqu'il y'a correspondance entre le message formulé et le message démêlé. Entre l'information codée et l'information décodée. Hall nous dit ainsi : « Lorsqu'un spectateur intègre directement et sans restrictions le sens connoté d'informations télévisées ou d'une émission d'actualités, par exemple, et décode le message en fonction du code de référence qui a servi à le coder, on pourrait dire que ce téléspectateur opère au sein du code dominant. »105

Le décodage négocié signifie que le récepteur « négocie » son acceptation ou non en fonction de ses intérêts propres. Dans ce cadre, une appropriation ou rejet du message peut intervenir dépendamment de son adaptation. Hall donne l'exemple d'un ouvrier qui pour des questions d'intérêt public comprend le gel de son salaire mais décide d'aller en grève pour son intérêt. Dans la réception négociée l'acceptation ou le rejet du message dépendent des intérêts du récepteur et des ajustements qu'il opère à cet effet.

Le décodage oppositionnel fait jour lorsque « Le destinataire s'approprie le message mais en interprète la signification en fonction d'un code totalement différent. (...) ». C'est l'exemple de l'ouvrier qui reçoit les informations avec un code oppositionnel et qui comprend intérêt de classe à la place d'intérêt national selon l'exemple de Hall. « À travers ce mode, Hall a contribué à la formulation de la théorie de la réception active des contenus médiatiques.»106

Les trois modes de réception théorisés par Stuart Hall, trouvent un écho favorable dans le cadre de notre mémoire que nous comptons dérouler, en analysant la réception de RFI Afrique à partir de ces modes. Seulement, l'utilisation de ces notions pour qualifier la réception dans notre cas fera sens si nous circonscrivions dans une perspective actuelle, conceptuelle et contextuelle adaptée.

A la suite des études des fonctionnalistes, du renversement épistémologique opéré par les « uses and gratifications » et des modélisations théoriques de la réception faites par les « cultural studies », il est important de souligner que d'autres écoles telles que l'école de Constance ont travaillé sur la réception. La théorie herméneutique de la réception qui met l'accent sur l' « esthétique de la réception » est un modèle reconnu dans les Sciences de l'information et de la Communication même si elle ne s'inscrit pas dans notre cadre d'analyse.

De plus si l'on en croit Louis Quéré107 dans sa tentative de « reconceptualisation » de la réception, celle-ci est un « acte situé » nécessitant des compétences et des méthodes de la part du récepteur ; un « acte configurant » qui dote le texte ou l'émission d'un certain ordre, observable et descriptible par le récepteur -- ce qui lui permet d'en faire sens et d'y ajuster son comportement. Il est évident que l'étude des genres, des modes de lecture et des « frames »108 doit jouer un rôle important dans l'analyse de cet aspect de la réception ; un aspect de la réception comme « appropriation ». Ces trois aspects de la configuration actuelle de la réception postulée par Quéré définissent celle-ci comme une expérience temporelle, une expérience sociale mais aussi à un aspect pratique d'appropriation.

Nous nous inscrivons dans l'approche de la réception énoncée par Hall tout en n'excluant pas, de convoquer accessoirement, ces autres penseurs que nous avons cité supra.

Le concept de réception conceptualisé, il reste que notre cas d'étude concerne la réception des médias transnationaux qui sont des médias spécifiques. Quelle réception était faite des médias transnationaux en l'occurrence RFI, dans le passé (années 1990) ? Comment est cette réception aujourd'hui ? C'est à ces questions que seront consacrées nos prochaines lignes. Pour y répondre, nous allons ausculter comparativement les audiences du passé et les publics d'aujourd'hui afin de connaitre les profils de récepteurs de ces deux âges.

107 Louis Quéré. Faut-il abandonner l'étude de la réception ? 1996. Recherches anglaises. pp. 31-37

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108 Frames veut dire cadre en Français. Ce terme se retrouve dans les travaux de plusieurs penseurs en sciences sociales et surtout chez les anthropologues. Des penseurs tels que Erving Goffman ou encore Arjun Appadurai l'ont beaucoup utilisé

III.2 Les publics des médias transnationaux en questions :

Les médias transnationaux sont des médias bien spécifiques. Si on peut les appréhender comme des médias tout court, ils s'en démarquent par leur déploiement transfrontière mais aussi et surtout par les présupposés idéologiques et politiques qui les accompagnent. De ce point de vue, les médias transnationaux comme RFI se déployant dans des univers géoculturels prioritaires pour les gouvernements (D.K.Thussu, 2007) qui les financent selon les facteurs linguistiques et culturels (la francophonie par exemple), ont correspondu à une théorie de la modernisation visant à civiliser « l'autre » qui, aujourd'hui s'est transmuté en publics. En fait, il faut dire que « les perspectives modernes, sinon postmodernes, sur l'autonomie de l'individu, liées à l'évolution des dispositifs sociotechniques de consommation et du niveau global d'éducation à l'échelle mondiale ont, à leur tour, contribué à bousculer les points de vue traditionnellement portés jusqu'ici sur la question des publics. »109 (Frédéric Gimello-Mesplomb and Jean-Christophe Vilatte, 2015, p.2)

La question des publics médiatiques « reste un chantier de recherche dont on commence seulement à soupçonner l'étendue » (2003, p. 18) nous disent Daniel Cefaï et Dominique Pasquier. En fait, appréhender les publics et non le public, traduction de leur pluralité, nécessite de prendre en compte leur hétérogénéité malgré des traits caractéristiques généraux qu'ils peuvent partager. Hervé Glévarec, en faisant allusion aux travaux de Dominique Pasquier (1999), précise que la sociologie de la réception « tend à rappeler sinon l'existence, du moins la possibilité de «publics» au sens non plus d'une agrégation mathématique, mais d'une «communauté imaginée» » (Glévarec, 2007, p. 185). Dès lors, « il n'y a plus un public, mais des publics, une figure, mais des figures » (Mehl et Pasquier, 2004, p. 10). Ces publics auraient une dimension d'imaginaire, de représentation chez les émetteurs ou producteurs de l'information, en dépit de leur réalité qui peut y correspondre ou en diverger. « Réels et imaginaires, rêvés et observables, mobilisés ou invoqués »110 (Smati et Ricaud, 2015, p.3), les publics des médias transnationaux affichent dans un premier temps une certaine passivité tels que représentés par les occidentaux. Aujourd'hui, « auditeur, internaute, source d'information, expert, citoyen, autant de portraits possibles du public de la radio. `'L'hétérogénéité» semble, selon Jean-Pierre Esquenazi `'le trait dominant de nombreux publics» (2009, p. 3). Acteur polymorphe, plus personne n'ose aujourd'hui écrire ce mot public au singulier. »111 (Smati et

109 Frédéric Gimello-Mesplomb and Jean-Christophe Vilatte, « Les recherches sur les publics en Sciences de l'Information et de la Communication », RFSIC,2 015,

110 Nozha Smati et Pascal Ricaud, « Les nouveaux modes de relation des journalistes à leurs publics. Les usages numériques chez les journalistes de RFI », RFSIC, 2015

111 Nozha Smati et Pascal Ricaud, Op.cit. 2015, p.27

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112 Nozha Smati et Pascal Ricaud, Op.cit. 2015, p. 36

113 Nozha Smati et Pascal Ricaud, Op.cit. 2015, p. 37

114 Thomas Guignard, Le Sénégal, les Sénégalais et Internet : médias et identité, 2007.p.21

115 Mattelart Michèle et Armand, Histoire des théories de la communication, Repères-La Découverte, Paris, 2004, p. 9.

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Ricaud, 2015, p.27). Il s'agit donc, de décrire les représentations que les émetteurs du « centre » se faisaient des publics de la « périphérie » afin de comprendre l'esprit qui a guidé l'encodage de l'information dans un premier temps avant de nous intéresser aux publics des médias transnationaux tels que RFI tels qu'on les a conçus, classifiés et catégorisés actuellement. Pour ce faire, nous allons procéder à une subreptice élucidation des publics par rapport aux audiences. Bien que les deux termes puissent désigner les mêmes réalités et ne soient pas souvent disjoints. « Une audience ne se caractérise ni par un impératif de sociabilité ou de stabilité, ni par une obligation de performance (elle reste confinée dans l'espace privé), ni par une référence nécessaire à un bien commun. Son attention est réactive : elle est réponse à une offre. » (Dayan, 2000, p. 433). L'audience ne renvoie pas à des publics « réels », mais « à des agrégats statistiques qui ne peuvent renseigner sur ces goûts »112. (Smati et Ricaud, 2015, p. 36) Nous adoptons donc la notion de publics, telle que conçue par Daniel Dayan. En effet, pour cet auteur les publics sont non seulement plus positifs, à l'heure de l'interactivité on-line et de la convergence médiatique mais participent en même temps à la réalité-médiatique. « Un public constitue un milieu et se caractérise par un certain type de sociabilité. Cette sociabilité s'accompagne d'une capacité de délibération interne, renforcée aujourd'hui par des dispositifs tels que les forums (présents par exemple dans l'Atelier des Médias) ou les réseaux sociaux (twitter, Facebook) quand ils sont utilisés dans le cadre d'émissions (réactions en direct, commentaires a posteriori...). »113 (Nozha Smati et Pascal Ricaud, 2015, p.37).

III.2.1 Des médias transnationaux messianiques face à des audiences colonisées

Attribuant aux médias transnationaux un rôle civilisateur, une mission salvatrice, pour attirer les peuples arriérés vers la modernité une logique messianique a longtemps guidé les grilles d'analyse et de lecture de ces médias en Afrique. Le paradigme de la modernisation se mue en darwinisme social et « transforme cet ordre de succession chronologique en échelle dans l'ordre moral »114. Armand et Michèle Mattelart l'illustrent en ces termes : « De façon générale, beaucoup ont trouvé dans ce type de périodisation l'argumentaire qui fixe pour les peuples dits primitifs (de la périphérie), les peuples enfants, donc sous tutelle nécessaire, un horizon à leur développement futur, une trajectoire pour leur accession à l'âge adulte : seul le passage par les stades à travers lesquels ont transité les nations (du centre) qui se disent civilisées est garant d'une évolution réussie »115 Ainsi, ce serait aux médias de diffuser chez ces peuples des images de la vraie modernité pour les pousser à emprunter le chemin de la civilisation. Les peuples qui

116 Walt Whitman Rostow, et M.-J du Rouret. Les étapes de la croissance économique, 1963. Selon Rostow, les 5 étapes de la croissance économique sont les suivantes : La société traditionnelle ; Les conditions préalables au décollage ; Le décollage ; La phase de maturité ; L'âge de la consommation de masse.

117 Sa théorie majeure est celle du développement inégal différenciant les centres du capitalisme où l'appareil de production s'est développé et où le prolétariat peut accéder au statut de classe moyenne consommatrice et leurs périphéries, où sont produits ou extraites les matières premières transformées et valorisées dans les centres et où le prolétariat ne peut accéder à l'autonomie matérielle. https://fr.wikipedia.org/wiki/Samir_Amin

118 Daniel Lerner, The passing of Traditional Society. Modernising the middle East, The Free Press, 1958

119 Ithiel De Sola Pool, « Le rôle de la communication dans le processus de la modernisation et du changement technologique » in Bert F.Hoselitz et Wilbert E.Moore (dir), Industrialisation et société, Unesco, Paris, 1963

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se situent dans la « périphérie » seraient donc dépourvus de toute capacité de relativisation de ces messages venant des médias transnationaux pour ces théoriciens. Ceux-ci ne devraient que s'éblouir et imiter.

Considéré comme retardataire dans la course au « développement », ce pôle de la périphérie doit nécessairement rattraper la locomotive de la modernité. Au plan économique, les phases de développement théorisées par Rostow116 seront le chemin de fer à suivre. D'autres penseurs tels que Samir Amin117 penseront aussi l'émergence des pays du tiers monde dans la même perspective. Au plan communicationnel, la logique est la même. Dans ce sillage, Daniel Lerner qui s'intéressa à l'influence des médias transnationaux dans les pays du tiers monde abonde dans le même sens en prônant une irradiation de la périphérie par les flux médiatiques transnationaux pour permettre son développement. Il postule à cet effet que « le réseau global des mass médias permet aux populations du Tiers Monde d'imaginer comment la vie est organisée dans d'autres pays et à ce titre sert de ferment modernisateur »118. Au sein du Massachussetts Institute of technology, l'influence des médias transnationaux ne fait aucun doute ainsi que leur capacité d'amener les peuples traditionnels vers la modernité. Ithiel de Sola Pool, collègue de Lerner, est lui, plus convaincu de l'efficacité des médias transnationaux commerciaux en soulignant l'inefficacité des médias à vocation éducative119.

Cette pensée issue du MIT est largement partagée dans la communauté des chercheurs américains. Ainsi, Wilbur Schramm, dans son étude commanditée par l'UNESCO et intitulé Mass Média and National Development, ne manque pas, après avoir établi le lien consubstantiel entre les médias et la construction d'une nation, de défendre dans ses conclusions la libre circulation des flux d'informations au niveau mondial pour alimenter le cadre national.

Ce paradigme de la toute-puissance des médias transnationaux chez les peuples de la « périphérie » développé par ces penseurs, rejoint une vision libérale de la doctrine du « free flow of information ». Ils sont convaincus que les médias transnationaux peuvent modifier les systèmes de représentations des populations du Sud. A l'évidence, les audiences ne sont pas pris en compte dans ces modèles qui conçoivent ceux-ci comme passives et ouvertes à tous les messages. Ces théories qui s'apparentent à un diffusionnisme exacerbé, préconisent un champ

de la communication internationale où les médias seraient un pont entre les moins et les plus développés. La culture des pays les plus riches économiquement, primant sur celle des plus pauvres, cette « perspective diffusionniste considère les cultures et les identités comme des entités hermétiques où l'interaction et l'échange n'ont pas leur place. » (Guignard, 2007, p.21)120

Le constat est que pour ces théoriciens de la sociologie de la modernisation, les audiences qui reçoivent ces flux d'informations internationaux opèrent une réception hégémonique. En d'autres termes, le récepteur est fortement influencé et déterminé par ces flux d'informations qui émanent des médias transnationaux. Cette non prise en compte de celui-ci, renseigne sur leur croyance en une toute-puissance des médias transnationaux au service de l'influence du tiers-monde à des fins de civilisation, de développement et de modernisation. A présent intéressons-nous précisément à RFI et à ses récepteurs pour saisir véritablement la réalité des publics.

III.2.2 RFI et ses publics : d'hier à aujourd'hui ?

Dans le cadre de notre objet sur RFI, l'étude des publics s'avère plus qu'importante, d'où la nécessité d'y consacrer cette section de notre travail.

Pour clarifier la position de RFI Afrique dans cette vision civilisatrice et de développement il parait important pour nous de partir des entretiens déroulés dans le cadre de notre étude. Sur les dix personnes interviewées ayant répondu à la question sur ce que représenterait RFI, la totalité des répondants déclare avoir écouté RFI dans les années 1990 et affirme que c'était leur média favori lorsqu'ils étaient étudiants. Même si « la réception de contenus symboliques et les expériences médiatiques sont des phénomènes complexes. »121, il est clair qu'une identification à ce média transnational était effective. Si l'on observe l'environnement médiatique dans les années 1990 où tous ces interviewés ont été étudiants, RFI était une panacée face à l'information gouvernementale émanant des médias publics nationaux.

Dans cette optique, nous pensons, à la suite de Hafez (2007, p. 123), que RFI structurait l'espace national Sénégalais à travers trois fonctions qu'il identifie. « First priority is the «compensatory function» (...). Secondly, Hafez points to the «dialogue function» The third function is the «crisis intervention function.» (Hafez, 2007, p. 123)122. Les fonctions de compensation, de dialogue et d'intervention dans les crises sont effectivement assumées par RFI qui, de plus,

120 Thomas Guignard, Le Sénégal, les sénégalais et Internet : médias et identité. 2007. p.21

121 TDR du colloque international 2-3 Avril 2015 de Bruxelles, Jeunes, média et diversités, Les pratiques de la diversité : de la production à la réception

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122 Anke Fiedler et Marie Soleil-Frère « Radio France Internationale and Deutsche Welle in Francophone Africa, 2016, p.70

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participe à éveiller une conscience démocratique chez les jeunes de cette époque. La participation via des émissions comme « appels sur l'actualité » invite les jeunes africains à débattre sur des thématiques touchant leurs pays. C'est une aubaine pour les publics de ces médias de ces pays du Sud qui n'étaient pas encore démocratisés, de pouvoir s'exprimer. D'ailleurs Niepalla distingue trois types de publics de ces médias: « In view of the above it canbe assumed that international broadcasters serve mainly three types of audiences: (a) the political elites (for instance multipliers, opinion leaders, and decision makers), as well as people belonging to the better educated parts of society; (b) people in war and conflict zones and in countries deprived of free access to the média; and (c) expatriates from the countries that sponsor the international broadcasters » (Niepalla, 2007, p. 8)123. Les élites politiques, les peuples en conflits et les expatriés des pays où sont issus un média comme RFI sont ses principales cibles donc à en croire Niepalla. Ces trois cibles suivaient RFI très régulièrement avant l'avènement du pluralisme médiatique.

En cause, pour la première cible qu'est l'élite politique où nous avons aussi les leaders d'opinions dont les étudiants, seuls les médias transnationaux leurs permettaient d'avoir une information crédible. RFI faisait partie des rares moyens de contournement de l'actualité nationale telle que présentée par les médias publics nationaux qui eux, étaient au service du gouvernement. Pour les dirigeants, ces médias leurs permettaient de s'adresser aux élites nationales mais aussi d'entendre les voix de ceux-ci et de s'ajuster. Les débats et discussions à la RFI représentaient l' « agora » où se faisaient entendre des voix dissidentes et se créaient de véritables échanges. Dans cette optique, Marie Soleil Frère se demande si les débats radiophoniques participatifs tels que décrits dans l'article de Peter Mwesige ne peuvent-ils pas être considérés comme des « OPNI » (objets politiques non identifiés)? »124

Pour le cas des peuples en conflits, les sources d'information sont externes puisque la liberté de presse ou même l'existence d'une presse privée locale est quasi-inexistante. Au Sénégal, ces publics sont inexistants car ce pays n'a pas connu de graves crises ou des conflits majeurs.

En ce qui concerne les expatriés Français, RFI devient le médium le plus accessible, le plus proche pour connaitre toute l'actualité politique, économique et sociale en France et un peu partout dans le monde. C'est donc une information qui sert la diaspora Française.

Nous pouvons donc dire, à la loupe de la classification établie par Niepalla (2007) que les élites politiques (actuelles ou potentielles) constituent, avec les expatriés français, des cibles privilégiés de la RFI au Sénégal. Les étudiants sénégalais étant circonscrits dans cette élite.

123 Anke Fiedler et Marie Soleil-Frère Op.cit pp 70-71

124 Sylvie Capitant, Marie Soleil Frère, « Les Afriques médiatiques. Introduction thématique », Afrique contemporaine, 2011, p. 25-41 p.39

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On se rend bien compte que les cibles principaux du média transnational RFI évoluent tous dans un contexte qui les pousse à aller vers ce média qui devient à la fois informatif, alternatif et libérateur. Aujourd'hui, le cadre a changé car des médias locaux ont émergé. Les publics, à qui sont offerts plus d'informations, deviennent plus exigeants et critiques. Déjà en 1995, Théophile Vittin insistait sur le fait que ceux-ci sont devenus plus critiques à l'endroit des médias transnationaux. Selon Vittin (1995), dans de nombreux pays d'Afrique francophone, face à des « médias locaux discrédités », Radio France internationale était ainsi, « devenue la meilleure source d'information des auditeurs », ce qui ne les empêche pas d'être méfiants, « lucides, critiques et actifs » à l'égard de la station française125. En outre, « Les dimensions collaborative et participative avec les apports du web 2.0 font émerger de nouvelles catégories d'acteurs intermédiaires (Granjon, 2001), mais aussi un renouvellement des formes du militantisme (expression/mobilisation) à travers les médias (Cardon, Granjon, 2010) ». (Smati et Ricaud, 2015, p.35)

Ce premier chapitre nous a permis, après une élucidation conceptuelle de la réception, de nous intéresser aux publics des médias transnationaux en général et de RFI en particulier. De figures d'audiences modélisées à l'image des flux transmis par ces médias transnationaux, les récepteurs passent au statut de publics. A l'analyse des classifications des publics des médias transnationaux formulés par Hafez (2007), Niepalla (2007) et des études sur la réception de Vittin (1995), nous constatons que ces publics ont évolué surtout s'ils réagissent par courrier (M.J. Berchoud, 2001) vis-à-vis de RFI. Il est donc clair que nous analyserons la réception de publics qui font recours à des stratégies multiples dans la réception de RFI. Nous allons donc, à l'aide de nos données empiriques, tenter de comprendre et d'expliquer les phénomènes de réception actuels dans le prochain chapitre.

125 Tristan Mattelart, « Présentation », in Tristan Mattelart, La mondialisation des médias contre la censure, De Boeck Supérieur « Médias-Recherches », 2002 p. 7-16. P.9

Chapitre 4 : Une réception de plus en plus « négociée »

Dans le second chapitre de cette partie, nous valsons entre présentation, analyse, et interprétation des variables de nos résultats d'enquête ainsi qu'à une explication de ceux-ci par les modèles théoriques énoncés dans ce premier chapitre. Ceci, dans la perspective de rendre compte des phénomènes de réception et de répondre intégralement à notre deuxième hypothèse de travail. Le chapitre que nous abordons là, présente la majorité des résultats de l'enquête menée auprès des étudiants entre le 19 Aout 2016 et le 22 Septembre 2016 auprès de cent (100) étudiants. Nous tenterons donc d'établir le lien et les rapports substantiels entre ces résultats et la réception que ces étudiants font de la Radio France Internationale en partant de notre appareillage théorique convoqué dans le premier chapitre. Rappelons que nous nous inscrivons précisément dans le modèle de codage/décodage de Stuart Hall. Dans le cadre de notre recherche, nous avons fait le choix de nous inscrire dans la logique d'une enquête de terrain en inscrivant plusieurs variables complémentaires dans un questionnaire adressé à cet échantillon d'étudiants Sénégalais tous horizons confondus.

Dans l'analyse des résultats, nous partons des premières variables de notre questionnaire relatifs au mode, à la temporalité, aux thématiques suivies ainsi qu'aux dispositifs de réception des informations provenant du média transnational RFI. Le fait de connaitre les préférences des auditeurs sur les heures d'écoute, les émissions ou thématiques suivies, les objectifs suivis, les dispositifs de réception par ces auditeurs permet d'avoir un aperçu sur leurs profils et la manière dont ils reçoivent ces informations.

Ensuite, nous faisons intervenir les variables sur les émissions, la diversification des sources, sur ces sources alternatives entre autres. En fait, il s'agit d'exploiter l'ensemble des données qui peuvent intervenir dans le filtrage ou la sélection qui est faite des récepteurs sur l'information internationale transmise par RFI. A la suite de quoi, nous pourrons apporter des ébauches de réponse à notre hypothèse selon laquelle la réception de RFI est négociée (Hall, 1994).

60

61

IV.1 Le temps, les dispositifs et les thématiques dans la réception de la RFI par les étudiants sénégalais :

RFI est en effet le média transnational le plus suivi en Afrique Francophone. C'est ce que nous

dit Marie Soleil-Frère en ces termes : « This means that 72% of RFI listeners are actually living in Francophone Africa. In nine French-speaking countries where audience research was conducted, RFI ranked third in the overall radio environment according to the French regulatory body CSA themarket research institute126»127. Cette affirmation est corroborée par des données de notre enquête du tableau ci-dessous qui indique le niveau de connaissance (notoriété) des médias transnationaux auprès de notre échantillon.

IV.1.1 Les radios et les télévisions transnationales plébiscitées

Niveau de connaissance des médias transnationaux par l'échantillon

Type de média

Média

Pays d'origine

Fréquence

Radio

BBC

Grande-Bretagne

46,8%

Radio

RFI

France

100%

Radio

Radio Chine International

Chine

3,7%

Radio

Voice of Africa

USA-Africa

3,7%

Télévision

France 24

France

59,5%

Télévision

Canal+

France

25,3%

Télévision

TV5

France

21,5%

Télévision

Euronews

Europe

6,3%

Télévision

CNN

USA

15,1%

Télévision

Al Jazeera

Qatar

8,8%

Télévision

beIN Sport

Qatar

6,3%

Télévision

MTV

USA

3,7%

Télévision

Trace

USA

5%

Télévision

Africa 24

Afrique

3,7%

Télévision

BFM TV

France

3,7%

Télévision

TF1

France

7,5

Télévision

I 24

Israel

3,7%

Presse

Le monde

France

6,3%

Presse

Le monde diplomatique

France

3,7%

Presse

Jeune Afrique

Afrique

3,7%

Enquête auprès les étudiants Sénégalais du 19/08 au 22/09 2016 (Tableau complet en annexes)

Ce tableau effectué à l'aide d'un calcul manuel des réponses données par les enquêtés nous montre que les médias Français de manière générale sont plus suivis que les médias Africains.

126 TNS SOFRES, understakes regular audience surveys in senegal, Côte d'Ivoire, RDC, Cameroon, Mali and Gabon ; CSA, 2014, pp. 9, 57

127 Anke Fiedler et Marie-Soleil Frère. Op.cit. p.77

Cela est aussi valable dans la presse, la radio et la télévision. RFI est connu de tous les répondants (100%), s'en suivent France 24 (59,5%) et BBC Afrique (46,8%) qui focalisent l'attention des publics des médias transnationaux enquêtés chez les étudiants. Si RFI, France 24 et BBC Afrique sont les plus suivis, TV5 (21,5%), Canal+ (25,3%) et CNN (15,1%) sont aussi bien connus des répondants. Euronews (6,3%), Al Jazeera (8,8%), beIN sport (6,3%), Trace, Le monde (5%) et TF1 (5%) enregistrent eux aussi une certaine reconnaissance chez les répondants. Enfin, des médias comme Jeune Afrique, I 24, BFM TV, Radio Chine International, MTV, Africa 24 ont chacun tous de fréquence des réponses de 3,7% des réponses.

Le constat est que RFI est le média transnational le plus connu par les enquêtés. En outre, c'est de manière générale les médias français qui dominent en termes de notoriété suivi de ceux anglo-saxons. Dans le domaine de la musique et de la culture urbaine, des chaînes de télévision américaines exercent toujours une grande influence à savoir MTV et Trace. Côté sportif, c'est Canal+ qui est le plus suivi devant beIN Sport. Par ailleurs, les médias chinois tels que CCTV qui ont adopté une stratégie plus offensive en Afrique depuis quelques années du fait de la présence de la chine dans le continent sur le plan économique, restent eux aussi largement relégués.

In fine, nous constatons que les médias Africains comme Jeune Afrique ou encore Africa 24 ne sont pas aussi connus que les médias Français. Du côté de la presse Jeune Afrique est certes cité juste derrière Le monde, mais ceci est surprenant si l'on connaît l'acuité des thématiques qui sont traitées ainsi que leur ancrage dans l'actualité du continent. De ce point de vue, nous pensons qu'au-delà d'une certaine élite, Jeune Afrique ou même Africa 24 peuvent toucher plus de publics avec un déploiement pour une plus grande accessibilité mais aussi en menant des politiques de communication-marketing efficaces.

Ces données confirment à suffisance la prédominance des médias Français en Afrique Francophone et celle de RFI qui est par essence la plus adaptée à une Afrique, société de l'oralité où la radio a toujours servi à la « construction de la trame sociale de référence sur laquelle repose la sociabilité partagée » (Mucchielli, 2006)128. Cette sociabilité revient à une écoute collective et aux discussions qui sont menées autour du poste transistor dans un continent qui, rappelons-le, vit majoritairement en communauté. En fait, non seulement le continent est caractérisée par une tradition d'information-communication par la parole, ce que fait la radio, mais aussi la radio est le média le moins couteux et qu'on peut utiliser presque partout. Cet

128 Alex Mucchielli, Les sciences de l'information et de la communication. 4ème éd.Paris : Hachette supérieur, 2006

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ensemble de facteurs justifie qu'elle ait été de loin le média le plus suivi en Afrique. Même si nous constatons que beaucoup de télévisions transnationales ont plus de notoriété que certaines radios transnationales en attestent les références à la télévision qui sont supérieures à celles des radios, la radio reste encore incontournable.

La comparaison entre les deux médias en Afrique n'étant pas l'objet de notre recherche, nous allons néanmoins présenter les résultats des citations de ceux-ci ainsi que d'autres médias transnationaux suivis par les enquêtés. Concernant la radio, 90% des répondants suivent les radios transnationaux, 89% d'entre eux suivent les télévisions, 19% pour la presse écrite et 47% suivent la presse transnationale en ligne. Cela nous montre que la distance qu'il y'avait entre la télévision et la radio est en train de s'effriter notamment avec le fait que la télévision devient plus accessible mais aussi que la presse écrite transnationale n'est pas très lue.

19

Type de media

47

89

90

Radio Télévision Presse écrite Presse en ligne

Graphique de représentation des types de médias transnationaux suivis

Ces résultats confortent notre choix d'étudier le média RFI, qui reste leader des médias transnationaux écoutés ou suivis par les étudiants.

IV.1.2 RFI comme source d'information fiable en temps réel et de culture générale

A la suite des variables sur les médias transnationaux proprement dits nous nous intéressons à la RFI qui fait l'objet de cette étude. Ainsi, nous nous sommes intéressés aux motivations qui poussent les étudiants à suivre média RFI, le mode de suivi, la fréquence et la temporalité dans le but de mieux comprendre les dynamiques d'exposition. A ce propos, si tous les enquêtés suivent RFI, tout le monde ne déclare pas suivre RFI par volonté mais par exposition. En d'autres termes, ceux qui suivent la RFI par exposition sont des auditeurs qui n'allument pas la radio de leur gré mais qui l'écoutent involontairement. À la question de savoir « de quelle manière suivent-ils RFI », 90 étudiants déclarent suivre ce médium volontairement et 10

63

affirment le suivre plus par exposition. Par exemple quand leur voisin allume la radio ou quand elle est captée dans un environnement où ils se situent. Cela fait ressortir que tous les auditeurs ne vont pas vers la radio ou ne suivent pas RFI de leur propre gré. C'est élément est non négligeable dans la compréhension de la réception. Si seulement 10% de l'échantillon enquêté écoute passivement la radio, c'est que l'essentiel de notre échantillon a la volonté de s'informer et va vers l'information. Pour ces 10% nous pouvons dire qu'ils opèrent une réception oblique (Hoggart, 1957) qui intervient à des fins de sociabilité et de dynamique de groupe. Cette « attention oblique » ou « consommation nonchalante » (Hoggart, 1957) des informations de cette petite portion des enquêtés n'en fait pas cependant des non-récepteurs. En fait, même si cette consommation peut se trouver « nonchalante », il se trouve qu'elle est effective et peut avoir des incidences.

Tableau de résumé des réponses sur les motivations qui poussent les récepteurs à suivre la RFI

Motivations

Nombre

Information

95

Information sur l'actualité internationale et le monde

45

Information en temps réel

15

Fiabilité, crédibilité, professionnalisme,

qualité

15

Culture générale

11

Niveau de langue

1

Chez les 95 enquêtés ayant répondu à la question sur les motivations qui leurs poussent à écouter RFI, nous constatons que tous invoquent l'information comme motivation principale. 45 y adjoignent une information sur « l'actualité internationale et le monde », 15 parlent d'une information « en temps réel », 15 autres parlent de « fiabilité », de « professionnalisme », de « crédibilité » et de « qualité ». Enfin 11 répondants disent vouloir augmenter leur culture générale et 1 son niveau de langue. La question étant ouverte, les réponses sont multiples mais ces éléments relevés constituent l'essentiel des points saillants de cette variable. Par conséquent, on peut déjà supposer qu'une information, internationale, fiable et pouvant augmenter la culture

64

générale est l'une des motivations principales des récepteurs qui font donc un usage du média RFI en fonction de besoins cognitifs.

Cet état de fait sera appuyé par la question suivante cherchant à savoir à quelle fin ils écoutent RFI. Cette fois-ci, 5 variables seront proposées aux répondants. Il s'agit des variables: information, divertissement, culture générale, sociabilité et valorisation. 96 personnes ont coché sur l' « information », 17 personnes sur « divertissement », 77 personnes sur « culture générale », 6 sur « valorisation » et 19 sur « sociabilité ». Ces résultats corroborent largement les données sur les motivations des auditeurs de RFI enquêtés mais introduisent des paramètres nouveaux. 17 personnes ne sont pas intéressés par l'information stricto sensu mais plutôt par d'autres programmes de divertissement, 19 l'écoutent en groupe donc par sociabilité et 6 l'écoutent pour se conférer un certain statut social et bien paraître.

FIN D'ÉCOUTE

80 60 40 20 0

120

100

Information

Culture générale

Valorisation

Sociabilité

divertissement

Fin d'écoute

96

77

6

19

17

19 17

6

96

77

Graphique (anneau) de représentation des raisons d'écoute de RFI Afrique

IV.1. 3 Fréquence et temporalité d'écoute

La variable de la fréquence d'écoute est, à plusieurs titres, importante pour notre objet. Elle

renseigne sur le niveau d'engagement de l'auditeur par rapport au média. En réponse à la question sur la temporalité 40% personnes attestent écouter « régulièrement » RFI, 44% répondants l'écoutent « de temps en temps » et 16% répondent l'écouter «rarement ».

65

De temps en temps

Régulièrement

Rarement

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

Fréquence d'écoute

16

Fréquence d'écoute

40

44

Graphique de la fréquence d'écoute de RFI

Si 44% des répondants écoutent RFI de « temps en temps » et 16% « rarement » c'est que RFI n'a plus son lustre d'antan chez les étudiants qui l'écoutaient tous à outrance dans les années 1990 selon nos interviews avec les personnes ressources. Ces données sont assez parlantes sur le fait que 40% seulement des étudiants l'écoutent régulièrement. A cet effet, « On peut qualifier de deux façons, relative et absolue, la force du lien entre une radio et ses auditeurs : par la fidélité et par l'exclusivité. Les auditeurs fidèles (ceux dont le lien à telle radio est récurrent), et les auditeurs exclusifs (ceux dont telle radio est la station exclusive, voire simplement dominante), forment les deux auditoires dont le lien à la radio a une certaine force. »129 (Glevarec et Pinet, 2007, p.294). Dans le cadre de cette variable, nous pouvons plus parler d'auditeurs fidèles à RFI qu'exclusifs. Cette dernière dépend aussi du fait qu'ils puissent avoir recours ou non à d'autres sources.

Concernant la temporalité, 77,2% des répondants écoutent la radio le matin, 39,6% l'écoutent la journée et 58,4 l'écoutent la soirée. Cette écoute peut se faire via des dispositifs multiples.

129 Hervé Glevarec et Michel Pinet, « L'écoute de la radio en France. Hétérogénéité des pratiques et spécialisation des auditoires », 2007

66

Courbe des heures d'écoutes

60

22h-00h

50

6h-8h

40

30

20

10

0

8h 10h

12h-14h

10h-12h

14h-16h

16h-18h

18h-20h

20h-22h

Matin Journée Soirée

1ère série 2ème série 3ème série

Graphique des heures d'écoute de RFI

Même si la grande majorité des auditeurs écoute RFI la matinée soit 77,2%, on constate que les intervalles d'heure où la radio est la plus écoutée est de 22h à 00h. Ceci indépendamment des cumuls des segments (6h à 12h pour le matin, 12h à 18h pour la journée et 18 à 00 pour la soirée). Nous pouvons expliquer ce résultat par le fait que les étudiants sont en repos et se couchent en ce moment. Ils écoutent donc la radio en attendant leur sommeil pour certains mais pour d'autres écoutent les éditions du soir pour avoir un tableau synoptique des évènements de la journée.

En résumé, les étudiants écoutent RFI le plus souvent dans les intervalles suivantes : le matin de 6h à 10h, la journée de 12h à 14h et la soirée de 22h à minuit. Heures de réveil et de préparation des cours pour le matin, heure de pause pour la journée et moments de repos la nuit sont les périodes d'écoute favorites des étudiants enquêtés. A en croire Hervé Glevarec et Michel Pinet, (2003) : « comparativement à l'écoute radiophonique en général, l'écoute juvénile se présente comme une écoute de fin de matinée et de fin de journée (...) la projection de l'activité principale de "cours" (scolaires) correspond dans ses grandes lignes aux moments les plus faibles de l'écoute de la radio du matin et du début de l'après-midi. »130 (Glevarec et Pinet, 2003, p.3). Ces heures d'écoute dépendent de leurs activités, aux espaces où ils se situent. Des espaces d'écoute domestiques et délocalisés (Chez soi/extérieur/en classe/Trajets) engendrent à leur tour des formes d'écoute solitaires ou partagées (Glevarec et Pinet, 2003). Nous voyons ici que les horaires les plus écoutés le matin peuvent être à la fois domestiques (chez soi) et

130 Hervé Glevarec et Michel Pinet, « La radio : un espace d'identification pour les adolescents », 2003, pp 319-342

67

délocalisées (trajet/en classe) mais solitaires. Pour la journée, l'intervalle de 12h à 14 correspond à des heures de pause, dans des espaces délocalisés certes, mais qui offrent la possibilité d'écoute solitaire ou partagée. Quant à l'intervalle qui se situe de 22h à 00h, elle est plus domestique et solitaire. Nous nous rendons donc compte que les récepteurs préfèrent les moments où ils sont au calme pour s'exposer au média RFI et s'y informer.

En ce qui concerne le temps moyen d'écoute de RFI, 8 personnes ont répondu l'écouter entre 0 et 10 minutes, 40 personnes l'écoutent de 10 à 30 minutes, 35 l'écoutent entre 30mn et 1h de temps et 17 plus d'une heure de temps. Cela démontre que les étudiants sont assez exposés aux informations de RFI pour avoir le temps de les intérioriser car 75 enquêtés l'écoutent moyennement entre 10 minutes et 1h de temps. Si 75% des enquêtés écoutent en moyenne entre 10 minutes et 1H de temps la radio par jour, c'est qu'ils s'y exposent pour une période qui leur permet d'avoir l'essentiel des informations de RFI et de s'y familiariser. Ceci montre que nous avons globalement des publics qui accordent une attention aux messages provenant de RFI en atteste leur temps moyenne d'écoute. A la suite de nos entretiens, nous avons constaté que plus la personne est attachée au média et y collée, plus elle risque d'être dans une logique de réception hégémonique-dominante puisqu'elle partage le même code (Hall, 1994) et moins elle l'écoute tout le temps et est exposée à d'autres canaux d'information, plus elle est capable de recevoir l'information en fonction de ses intérêts donc d'opérer une réception plus « négociée ».

IV.1.4 Une écoute en direct via les dispositifs mobiles et numériques

Le fait de savoir si nos enquêtés suivent les émissions en direct ou par podcast est déjà un indicateur des dispositifs qu'ils utilisent dans la réception des programmes de RFI. C'est également un élément important pour savoir à quel point le numérique intervient et influence les pratiques et modalités d'écoute. Si les pratiques informationnelles (Gardiès, Fabre et Couzinet, 2010) se trouvent re-questionnées, c'est que les dispositifs numériques sont très souvent renouvelés. Pour cette variable, toutes les personnes qui déclarent écouter RFI par podcast utilisent soit Internet, soit l'application mobile via smartphone. Ceci va nous permettre de savoir à quel point ces dispositifs font l'objet d'une appropriation (Proulx, 2010) par les usagers pour recevoir ces informations.

68

Mode de suivi

Direct Podcast

69

Graphique de représentation des modes de suivi

Quatre-vingt-cinq (85) enquêtés les suivent en direct et 24 en podcast. Cela montre que l'appropriation qui est faite des smartphones ou de l'Internet en ce qui concerne l'information audiovisuelle reste encore timide. Ces usagers sont donc toujours « tributaires d'un horaire et d'une grille de programmation »131 (Saint Martin, S. Crozat, 2007, p.261) donc moins indépendants à l'égard des contenus du média RFI.

En ce qui concerne la question sur l'appareil d'écoute de la RFI, 7 personnes utilisent le transistor, 51 le téléphone portable, 63 le Smartphone et 27 Internet uniquement. Si nous cumulons les réponses qui citent Internet et les Smartphones, 90 personnes ont accès à ces dispositifs alors que seuls 24 d'entre eux utilisent le podcast. Ceci est révélateur de l' « adoption » de ces dispositifs mais d'une « utilisation » et « appropriation » encore insuffisantes. In fine, il apparait clairement que le téléphone portable et le smartphone, fruits d'une évolution technologique, sont aujourd'hui les appareils multifonctionnels sur lesquels les étudiants captent RFI. En outre, si 85 enquêtés suivent la radio en direct, ils dépendent certes de la grille de programmation de celle-ci pour l'écouter mais aussi, comme en attestent les horaires d'écoute, choisissent les moments auxquels ils la suivent.

En ce qui concerne la question concernant la réception de l'information par Internet, 91 personnes y ont répondu. 25 répondants déclarent la suivre sur http://www.rfi.fr/ , 18 via leur application RFI et 48 via les réseaux sociaux. Là, le constat est que les réseaux sociaux sont essentiels pour toucher les cibles. D'ailleurs, la plupart des jeux concours de RFI se font aujourd'hui via Facebook comme l'illustre le jeu de l'émission Archives d'Afrique qui se

131 Dominique Saint Martin, Stéphane Crozat, « Écouter, approfondir.... Perspectives d'usage d'une radio interactive », Distances et savoirs 2007, p. 257-273.

70

déroule simultanément par appel téléphonique et sur Facebook. Par exemple, pour le cas d'Archives d'Afrique, la question posée sur l'archive sonore à deviner à la fin de chaque émission peut être répondue en commentaire de la publication qui y est dédiée sur Facebook. Avec plus de 2.606.203 fans le 10 Septembre 2016, 1.014.000 followers (Twitter), RFI compte aujourd'hui plus que jamais sur les réseaux sociaux pour garder son statut de leader en Afrique Francophone.

Suivi par Internet

48

18

25

RFI.FR Application RFI Réseaux sociaux

Graphique de représentation du suivi de RFI via Internet

La question concernant l'information via les réseaux sociaux s'inscrit dans le même registre et cherche à savoir sur quel réseau social les internautes qui suivent RFI reçoivent le plus l'information. Nous n'avons choisi que Facebook, Twitter et Google+, un choix arbitraire mais qui est cependant bien motivé car RFI elle-même est beaucoup présente sur Facebook et Twitter. L'association de Google+ à ces deux autres a été fait dans le but de savoir si celui-ci, pas très connu des Sénégalais à priori est effectivement une plateforme où ils retrouvent RFI. 58 personnes reçoivent l'information sur Facebook, 10 sur Twitter et 5 via Google+. Facebook est largement dominant et focalise l'essentiel du suivi de RFI sur les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux engendrent de nouveaux usages sociaux de l'actualité132 en faisant « bifurquer les trajectoires d'usages des individus » (Granjon et Le Foulgoc, 2010, p.227). Déjà en introduisant un ordre de l'interaction (Coutant et Stenger, 2010), les réseaux socionumériques ont fortement enrichi la chaîne de l'information du fait que les récepteurs peuvent commenter et interagir en temps réel. Les opportunités qu'offrent ces RSN semblent être bien saisies par

132 Fabien Granjon, Aurélien Le Foulgoc, « Les usages sociaux de l'actualité. L'Expérience médiatique des publics internautes », 2010, p. 225253.

71

RFI. Les récepteurs, de plus en plus connectés, prolongent leur consommation sur ces RSN, Facebook en premier puisque c'est le réseau social le plus utilisé au monde (1,79 milliards d'utilisateurs actifs par mois en Novembre 2016133) et au Sénégal (2.300.000 utilisateurs134).

SUIVI SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

Facebook Twitter Google+

Google+

7% Twitter

14%

Facebook

79%

Graphique de représentation du suivi de la RFI sur les réseaux socionumériques

Au terme de cette partie où nous avons présenté quelques variables de notre enquête, des constats fondamentaux pour notre analyse de la réception de RFI en sont ressortis. Média transnational le plus connu au Sénégal, RFI est volontairement suivi (90%) par les étudiants qui ont comme motivation principale l'information sur l'actualité internationale. Ces étudiants qui veulent augmenter leur niveau d'information (96 citations) et de culture générale (77 citations) sur le monde à partir de ce média qu'ils écoutent, le font le plus souvent le matin de 6h à 10h, la journée de 12h à 14h et la soirée de 22h à minuit. Ces intervalles d'heures, correspondants aux heures de réveil, de pause et de repos traduisent deux facteurs : d'abord que ces étudiants, qui utilisent très peu les podcasts (24 réponses) ne se sont pas appropriés des smartphones et de l'internet par lesquels ils y accèdent; ensuite qu'ils décident d'écouter RFI à des heures où ils sont disponibles. De ce point de vue, ils n'utilisent pas souvent la fonctionnalité du podcasting, ce qui ne leur permet pas d'avoir les programmes quand ils le veulent, mais en fonction de leur propre intérêt et disponibilité. En outre, en s'exposant moyennement de 10 minutes à 1h de temps par jour, « de temps en temps » (44 réponses) et « régulièrement » (40 réponses), les récepteurs opèrent une « exposition sélective » au média puisqu'ils choisissent les contenus spécifiques auxquelles ils s'exposent en fonction de leur centre d'intérêt. In fine, pour les dispositifs, le transistor semble être dépassé au profit du téléphone portable (51 réponses) et

133 Facebook Reports Third Quarter 2016 Results

134 Internet World Stats, 30 juin 2016 vu sur osiris.sn

72

du Smartphone (63 réponses). Sur Internet, ce sont les réseaux sociaux et précisément Facebook, qui constituent le canal favori de contact entre RFI et ses publics.

Cet ensemble de données recueillies fait ressortir une consommation à des fins utilitaires du média transnational RFI par les récepteurs. Le récepteur est actif et utilise une stratégie de l'exploitation (Ravault)135 à des fins d'augmentation de culture générale et d'information aux horaires qu'il choisit. L'internet et les nouveaux dispositifs rendent la tâche des publics plus facile puisque certains d'entre eux utilisent le podcast et d'autre suivent RFI sur les réseaux sociaux. L'indépendance des enquêtés à l'égard de RFI et l'utilisation qu'ils en font, reflète une « exposition sélective » aux programmes qui sont en rapport avec leurs intérêts. Il reste que, la réception fait intervenir les intérêts des récepteurs mais aussi les ajustements et l'adaptation qu'il fait du message pour l'accepter ou le rejeter. A cet effet, nous allons tenter d'étudier, dans les prochaines lignes, ces ajustements et adaptations que font les récepteurs sous forme de filtre ou de sélection de l'information provenant de RFI.

135 Un des trois stratégies de réception du public actif identifié par Ravault. Elle consiste à une utilisation intelligente. Le récepteur peut tirer profit de son exposition aux messages culturels étrangers

IV.2 Filtre ou sélection de l'information provenant de RFI Afrique

Les récepteurs de RFI enquêtés nous ont permis d'établir certaines tendances à propos de leur fréquentation de ce média. Nous nous sommes rendus compte dans la section précédente d'un ensemble d'éléments relatifs à la réception, ses motivations, sa temporalité, sa fréquence qui nous édifie sur le caractère rationnel des récepteurs. Les résultats de notre enquête nous montrent que les étudiants, pour la majorité, ne sont pas totalement collés à RFI et prennent le temps qu'il faut pour recevoir ces informations. De ce point de vue, les récepteurs de RFI au Sénégal sont pour la majorité avertis et conscients des enjeux liés à l'information donnée par RFI et l'appréhendent par rapport à leurs intérêts propres d'où l'idée d'une « réception négociée ». Seulement, cette forme de réception suppose une utilisation utilitaire, instrumentale et plus ponctuelle que continue de RFI. Cette dernière implique nécessairement des préférences, des thématiques privilégiées mais aussi des filtres et des sources d'informations alternatives d'où l'idée d'une « perception sélective » (Lazarsfeld, 1944).

Elle ne s'inscrit cette fois-ci pas dans le cadre d'une « exposition sélective » (Lazarsfeld, 1944) au média. Cette exposition sélective qui met à jour l'exposition au média, à son information se différencie quelque peu de la « perception sélective » où le récepteur choisit quel programme percevoir ou pas. La « perception sélective », appliquée à notre objet s'intéresse beaucoup plus aux contenus programmatiques médiatiques pour savoir à quels messages le récepteur décide de s'exposer.

Nous avons, dans le cadre de notre questionnaire, tenu à intégrer ces variables afin de comprendre les besoins qui font écouter à ces auditeurs RFI mais aussi voir ce qu'ils pensent et comment ils utilisent l' information reçue.

IV.2.1 Les émissions thématiques interactives plébiscitées

La variable des émissions suivies est extrêmement importante parce qu'elle permet de savoir à quels contenus s'exposent les récepteurs et ensuite d'entrevoir si ces programmes les impactent. Pour ce faire, nous allons d'abord présenter la grille de programmes de RFI avant de dresser le tableau des résultats des émissions les plus suivies par nos enquêtés.

73

Nous allons dresser un tableau des émissions citées par nos enquêtés ci-dessous :

Emission

Thème

Nombre de citations

7 Milliards de voisins

Société, éducation,

jeunesse, emploi et
travail, tendances, mode,

religion, histoire,
environnement etc.

21

Radio foot international

Football

16

Appels sur l'actualité

Interactif, participatif,

actualité internationale

16

Archives d'Afrique

Histoire de l'Afrique

13

Géopolitique le débat

Géopolitique

8

Chronique de Mamane

Actualité

2

Priorité santé

Santé

26

RFI Matin

Information

4

Afrique midi

Information

5

Couleurs tropicales

Musique

6

Journal en Français facile

Langue

1

Autour de la question

Thématiques Multiples

3

RFI soir

Information

3

Café sport

Sport

2

Afrique presse

Revue de presse Afrique

3

Idées, ça va ça va le monde, comme un roman, en sol majeur, la marche du monde, vous en avez des nouvelles, accents du monde, atelier des médias, la marche du monde, une semaine d'actualité, grand reportage

Multiples

1 citation par émission

Emissions les plus suivies (Grille de programme de la RFI en annexes)

Les émissions les plus suivies sont « Priorité santé », « 7 milliards de voisins », « Radio foot International », « Archives d'Afrique » et « Appels sur l'actualité ». Des thématiques sur l'Afrique, le sport, la santé mais surtout des formats interactifs et participatifs caractérisent ces émissions. Nous voyons donc que les centres d'intérêts des étudiants se trouvent autour de ces thématiques mais aussi et surtout que la possibilité qui leur est donnée de prendre la parole les attire. En fait, la participation à une émission sur un média mondialement connu confère un certain prestige

Par ailleurs, nous constatons, à l'analyse de la grille de programmes de RFI, que les émissions qui sont diffusées chaque jour dans la fourchette du Lundi au Samedi tels que « appels sur l'actualité », « 7 milliards de voisins », « Priorité santé », et « Radio foot

74

internationale » sont très suivies. Quant à « Archives d'Afrique » et « Géopolitique le débat » leur richesse en informations devrait expliquer qu'elles soient aussi suivies.

En outre, la fonction de documentation de RFI qui traite de manière pointue l'histoire de l'Afrique, l'actualité internationale ou sportive mais aussi des thématiques de santé avec des spécialistes reconnus, enrichit les connaissances des étudiants. Par exemple, tous les étudiants qui étudient les Sciences de la santé enquêtés citent d'abord l'émission « priorité santé ».

IV.2.2 Des auteurs confiants mais avec un décodage critique

Connaitre le point de vue que les enquêtés ont sur le traitement de l'information internationale par RFI est déterminant pour comprendre leur perception de ce média. Ceci, pour saisir la manière dont ils reçoivent l'information et à quel point ils sont impliqués dans le processus de construction de l'effet médiatique. Sur 80 réponses données concernant leur point de vue sur l'actualité internationale, nous avons choisi de trier les mots déterminants sur leur point de vue et de faire une dissection en trois catégories selon notre approche, afin de mieux qualifier les perceptions sur cette information internationale. A cet effet, nous avons identifié la catégorie des auditeurs confiants, la catégorie des auditeurs critiques et la catégorie des décodeurs oppositionnels aux flux médiatiques.

Nous avons un total de 80 réponses à cette question. 58 enquêtés trouvent cette information « bien faite », « professionnelle », « crédible », « fiable », « documentée», « accessible », « en temps réel », « équilibrée » et « diversifiée ». Cependant, dans ces 58 répondants, 8 relativisent en même temps pour dire que celle-ci peut être parfois partiale et biaisée.3 répondants parlent d'une information globalement « satisfaisante » et 4 personnes pensent que c'est une information pas assez diversifiée et que l'agenda se focalise plus sur certains aspects ou pays plutôt que d'autres. Cette situation nous renvoie au fait que le média définit le calendrier des évènements et la hiérarchie des sujets (Lazar, 1992) à traiter. Ce phénomène dit de l' « agenda-setting » est utilisé par Moumouni pour expliquer le mauvais traitement des questions sur l'Afrique dans les médias occidentaux tout en convoquant un autre modèle : celui de l'agenda building. Ce dernier postule que « l'actualité serait plus une construction sociale qu'un fait brut dont traitent tout seuls les médias »136 et que « la nouvelle est le fruit de la collaboration entre les journalistes et les sources ». Ce mauvais traitement, selon Moumouni, serait donc en partie imputable aux Africains. D'autres répondants eux seront beaucoup plus méfiants à

136Charron, Lemieux et Sauvageau, 1991 cités par Moumouni, 2003, p.158

75

l'égard du traitement de l'information internationale faite par RFI. En effet, 13 personnes pensent que cette information est « partisane », au service de la vision et des intérêts de la France et un répondant affirme qu'elle n'est : « Pas loin de l'endoctrinement. ». Le cumul des réponses et leur analyse nous mènent aux conclusions suivantes.

Les 50 répondants qui affichent une confiance totale par rapport à leur écoute de RFI, le font souvent, comme on l'a vu supra, sur des programmes ponctuels qui sont le plus souvent des émissions pouvant augmenter leur culture générale et se déroulant sous des formats participatifs. Nous avons aussi les 3 répondants qui parlent d'une information satisfaisante qui sont classées dans cette catégorie. Ce qui fait un total de 53 auditeurs confiants de RFI.

Les 8 répondants tirés de ces confiants, peuvent être classés dans la catégorie des auditeurs critiques du fait de leur relativisme dans la confiance accordée à ce medium. S'y ajoutent les 4 répondants qui postulent que l'agenda médiatique de RFI n'est pas neutre puisqu'il se focalise plus sur certains évènements au détriment d'autres de même importance. Nous avons donc un total de 12 auditeurs qui ont une attitude plutôt critique, donc consomment cette information mais peuvent aussi la relativiser dans certains cas.

Treize (13) décodeurs oppositionnels sont répertoriés dans les réponses données. Pour ces auditeurs, beaucoup d'informations données par RFI, si elles ne rencontrent pas leurs idées préétablies, ne leurs donnent pas de connaissances nouvelles ou ne portent pas sur des faits reconnus de tout le monde, sont susceptibles d'être rejetées.

Nous avons donc 53 auditeurs confiants par rapport aux programmes qu'ils suivent, 12 auditeurs critiques et 13 auditeurs oppositionnels dans le cadre de cette variable. Les 3 autres répondants affirment ne pas avoir d'opinion sur le traitement de l'information internationale fait par RFI.

76

CLASSIFICATION AUDITEURS-POINT DE VUE SUR L'INFORMATION INTERNATIONALE DIFFUSÉE

PAR RFI

60

50

40

30

20

10

0

CONFIANTS

CRITIQUES

OPPOSITIONNELS

AUCUN

Graphique de représentation des points de vue des répondants sur l'information internationale Ce qui est à retenir c'est que la majorité (53) des répondants affirme une confiance à l'égard des programmes qu'ils suivent sur RFI, qui tournent essentiellement autour de l'actualité internationale, de l'histoire de l'Afrique, du sport, de la santé et des débats multithématiques.. Les thématiques de ces émissions montrent que les auditeurs, même confiants, suivent beaucoup plus des émissions qui appellent à leur participation ou augmentent leur culture générale.

IV.2.3 Les médias nationaux et l'Internet comme sources d'information privilégiées

Pour nous rendre compte d'à quel point les auditeurs peuvent avoir une totale confiance et se fier uniquement aux informations que peuvent lui donner RFI, nous avons posé « la question de la diversification des sources » pour comprendre la logique des auditeurs. Ainsi, moins ils diversifieront leurs sources et resteront scotchés sur RFI, plus ils seront plus réceptifs et susceptibles d'être influencés par celle-ci. Plus ils diversifieront leurs sources, plus nous pouvons penser que ce recoupement opéré est le fait d'auditeurs soucieux d'avoir la version de plusieurs médias pour trier les flux informationnels. Pour cette question, nous avons 100 réponses dont 95 personnes qui disent diversifier leurs sources et 5 qui affirment ne pas diversifier. 95% des enquêtés consultent donc d'autres médias que RFI dans « leur quête d'informations ». A la question suivante de savoir quelles sont les sources alternatives d'informations, nous avons mis 4 variables que sont : médias nationaux ; autres médias nationaux transnationaux ; recherches personnelles ; internet. 79 personnes déclarent s'informer aussi via les médias nationaux, 34 consultent les autres médias nationaux

77

transnationaux, 35 font des recherches personnelles et 68 se connectent à Internet pour avoir d'autre sources d'informations.

Le fait que 79 répondants déclarent s'informer aussi via les médias nationaux est un fait déterminant dans l'analyse de la réception de RFI. Si auparavant les auditeurs n'écoutaient pas les médias nationaux qui étaient essentiellement publics, aujourd'hui l'émergence de médias privés, relativement indépendants quant au traitement de l'information fait qu'ils se retournent de plus en plus vers ces derniers. Non seulement, une expérience de normalisation langagière par les journalistes des radios privées (Ndao, Kebe, 2010) est opérée du fait de leur diffusion langues locales (Wolof et en Français) mais aussi, un processus de déploiement dans la sous-région à travers des correspondants, est engagé par les médias qui disposent de plus de moyens. Ainsi, les évènements qui se passent en Afrique de l'Ouest sont de plus en plus couverts par ces médias nationaux même si cette couverture reste encore insuffisante et timide.

Trente-quatre (34) répondants parlent des médias transnationaux comme sources alternatives à RFI. Des médias transnationaux comme la BBC qui a délocalisé son bureau à Dakar, essaient aussi d'accroitre leurs audiences à travers diverses stratégies. Aussi, du fait de la présence d'intérêts Français dans certains pays, le traitement de l'information « par exemple en Côte d'ivoire était partial (...) beaucoup de médias transnationaux avaient des partis pris » selon Godlove Jonathan (BBC) d'où l'intérêt pour ces publics de consulter plusieurs médias transnationaux pour ensuite trier et avoir la bonne information.

Les recherches personnelles utilisées par 25 récepteurs pour recouper les informations qui proviennent de RFI relèvent de la documentation. En fait il s'agit d'informations et de mots-clés du fait que les récepteurs souhaitent connaitre et approfondir et ceci en faisant des recherches sur ces sujets.

Internet est, derrière les médias nationaux, la source alternative principale d'informations. A travers la multitude de plateformes, de sites web et de portails d'informations qui y existent, Internet est sans doute la source d'informations la plus complète et diversifiée.

78

Internet

Recherches personnelles

AUTRES SOURCES

Autres medias transnationaux

Medias nationaux

Graphique de représentation des autres sources des auditeurs de RFI

In fine, on constate que les médias nationaux sont les plus consultés comme autre source d'information avec Internet. Ensuite viennent les autres médias transnationaux et les recherches personnelles. Ceci démontre l'attachement de ces auditeurs aussi aux médias nationaux surtout concernant des questions nationales ou sous régionales puisque ceux-ci ont de plus en plus des correspondants dans la sous-région. En fait, en fonction de l'angle d'analyse où l'on se situe, on verra que les médias nationaux ou l'Internet pourraient être les sources d'informations prioritaires des récepteurs. Néanmoins, là n'est pas l'objet de notre recherche. Dans notre perspective, le fait que la quasi-totalité des auditeurs de RFI consulte et suit aussi d'autres médias est assez révélateur sur la figure de ces récepteurs de l'information médiatique. Cette démarche, combinée aux données sur les sources alternatives, prouve à suffisance que les récepteurs ne sont pas passifs, amorphes mais actifs et réfléchis.

Les résultats de notre enquête menée sur un échantillon de cent étudiants nous ont permis d'avoir un aperçu assez large sur leurs paramètres de réception du média transnational RFI. Si d'un premier angle de vue nous nous sommes rendus compte que RFI trône largement sur ses semblables, suivie de près par France 24 et BBC, le constat général est qu'à côté de la radio, c'est la télévision qui devient de plus en plus le type de média préféré en Afrique. Par ailleurs, les récepteurs de RFI l'écoutent le plus souvent pour de l'information stricto sensu, ou pour augmenter leur culture générale. Dans une logique voisine, les récepteurs écoutent RFI à des horaires où ils sont en inactivité et donc à leur convenance.

79

De plus, si la grande partie des répondants écoute encore la radio en direct, une minorité des auditeurs a tendance à aller vers une écoute en podcast lorsqu'ils sont occupés au moment de la diffusion du programme en question. L'épopée du transistor, appareil de sociabilité que l'on voyait un groupe de personnes écouter en discutant est révolue. Depuis quelques années, le téléphone portable s'est démocratisé et est devenu un outil indispensable, multifonctionnel qui intègre aussi la radio. Seulement elle est elle-même en profonde mutation et se voit de plus en plus remplacée par le smartphone. Des médias comme RFI ont donc développé des applications à cet effet. Sur Internet, les réseaux sociaux sont les plateformes les plus fréquentés par les auditeurs pour recevoir les informations de RFI et plus précisément Facebook.

Si RFI est suivi, ce ne sont pas tous les programmes de RFI qui intéressent les auditeurs. « 7 milliards de voisins », « Radio Foot international », « appels sur l'actualité », « Archives d'Afrique » et « Priorité santé » qui abordent les thématiques du sport, de l'actualité, de l'histoire, de société et de santé sont les émissions les plus suivies en plus du journal. Soit du fait de leur caractère participatif, soit du fait des connaissances qu'ils donnent aux étudiants, ces émissions s'inscrivent dans une perspective d'enrichissement de la culture générale des étudiants.

Une grande partie des enquêtés affiche une confiance par rapport au medium RFI. Nous avons aussi des auditeurs critiques et d'autres décodeurs oppositionnels aux informations diffusées par la radio en question. Cela montre que le traitement de l'information par RFI est loin de faire l'unanimité mais reste encore acceptable pour beaucoup de récepteurs. Cependant 95% des enquêtés déclarent avoir recours à des sources d'information alternatives. Parmi ces sources alternatives, les médias nationaux et internet sont les plus consultés afin de compléter ou de recouper l'information qui les intéresse.

A la lumière de ces points saillants abordés dans ce chapitre, résultats de variables contenus dans notre questionnaire adressé aux étudiants, nous considérons que les récepteurs de RFI adoptent une certaine distance en adaptant les contenus de RFI à leurs codes et intérêts dans un cadre général puisque plusieurs éléments de tri et de filtre des messages tels que le choix de programmes spécifiques à suivre ainsi que les variations des sources d'informations sont assez évocateurs.

En interrogeant aussi bien les variables relatives aux thématiques les plus écoutées, celles sur les codes, la temporalité, les modes de suivi, les sources d'informations alternatives, il apparaît clairement que les récepteurs de RFI ont la latitude d'effectuer les choix qui leur conviennent. Ils choisissent le moment auquel ils s'exposent, les thématiques auxquelles ils s'exposent, le

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contenu qu'ils écoutent et font recours à d'autres sources d'informations. Il apparait donc qu'ils n'opèrent pas au sein d'un code dominant.

Si la réception qui est faite de RFI relève de déterminants multiples, les informations reçues peuvent toujours participer à une co-construction du message médiatique. Dans cette optique, Lee Thayer, développant une théorie de la réception de l'information internationale, pense que le récepteur est actif en ce sens qu'il ne subit pas le massage informationnel mais co-construit le message médiatique en même temps que l'émetteur en faisant intervenir ses schèmes et son cadre social de référence. Thayer considère ainsi que le processus de communication n'a lieu que lorsque le récepteur prend en compte - take into account -, enregistre, et interprète le signal transmis par l'émetteur et lui donne un sens particulier. En d'autres termes, le sens n'est donc pas « transmis» par l'émetteur mais « construit» par le récepteur. Pour Thayer, la construction du sens dépend du fait que le processus de la réception des contenus médiatiques est influencé par la situation quotidienne du récepteur.137 Cette réception négociée, active procède d'une « stratégie de l'exploitation » au sens de Ravaultsien, et laisse voir une utilisation du média pour satisfaire des besoins cognitifs au sens des « uses and gratifications » incluant l'acquisition et l'approfondissement de connaissances. La réalité médiatique qui fait intervenir les sens, procède donc d'une co-construction, qui interpelle directement les représentations.

Dans la construction de ses représentations, l'individu utilise consciemment ou inconsciemment des informations ou éléments de connaissances de toutes sortes qui peuvent jouer un rôle déterminant. Les médias transnationaux auxquels il est exposé, répondant à des logiques multiples dont celles politiques et culturelles, lui transmettent ces informations ou éléments de connaissance. Dans ce sillage, pouvons-nous penser que RFI, participe à la construction des représentations culturelles et politiques des étudiants qui l'écoutent ? La réponse à cette question est l'objet de la dernière partie de ce mémoire.

137 Lee Thayer. Communication and communication systems. 1968.

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Partie III : Médias transnationaux : des

interculturalités aux sphères publiques

renouvelées

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83

La vague d'internationalisation des médias s'est accompagnée d'un flot d'idéaux, de pensées, de théories et présupposés quant à leur homogénéisation commode du monde. Etant sous tendue par des visées impérialistes pour la plupart à leur avènement, les médias transnationaux concourent à une tentative de façonnement des individus récepteurs de leurs informations vers une certaine vision occidentale du monde, d'où le terme « westernization » qui signifie «l'occidentalisation de l'autre, ces peuples supposés sans histoire, sans culture, si ce n'est folklorique.»138 (Mattelart, 2007, p.24). D'ailleurs, parlant des liens entre la culture et l'information, Armand Mattelart distingue l'approche culturelle, à savoir une stratégie recourant à des « médias lents », échanges de personnes, de livres, d'oeuvres artistiques, s'adressant aux élites et attendant un retour sur l'investissement à long terme de l'approche informationnelle, qui privilégie l'usage des « médias rapides », radio, film, presse à destination d'une audience de masse. Ce recours aux médias, qu'ils soient lents ou rapides existe toujours dans le même temps une kyrielle de moyens informationnels et culturels est déployée pour agir sur les identités et les représentations. Ces individus et groupes dotés d'identités et de représentations en perpétuelle mouvement, opèrent un perpétuel équilibrage et des négociations de toutes sortes dans leur réception. Dans le cadre de notre travail, nous cherchons à déceler les traces de fonctions des médias transnationaux dans la construction des représentations des publics. Ayant délibérément choisi de nous intéresser aux aspects culturels et politiques, nous voulons mettre à jour le rôle de ces médias transnationaux dans la construction des représentations des étudiants Sénégalais. Autrement dit, la RFI participe-t-elle à la construction de leurs représentations culturelles et politiques ?

Dans cette perspective, le premier chapitre est consacré à une réflexion autour des logiques culturelles des représentations des publics que nous étudions. En commençant d'abord par une élucidation conceptuelle du concept de représentations pour ensuite aborder les dimensions individuelles et collectives, nous posons les bases d'une analyse du rôle des médias transnationaux envisagés ici comme des « médiacultures » en rapport ces dites représentations. A cet effet, un travail de dissection et de différenciation de concept pouvant qualifier les phénomènes des représentations culturels est effectué notamment avec les termes « interculturel », « transculturel » et « multiculturel ». A la suite de cela, nous mobilisons des données recueillies sur la variable « altérité » de notre enquête de terrain pour analyser les dynamiques en cours entre RFI et les récepteurs sur le plan culturel.

138 Armand Mattelart, op.cit. 2007, p.24

Le second chapitre de cette partie, procède à une analyse des représentations politiques et du rôle que peut jouer ou non RFI dans ces dernières. A partir d'une réflexion autour de l' espace public, de l'opinion publique et des déterminants sociopolitiques qui y interviennent, nous analysons les publics, dans un premier temps, en tant que « communautés imaginées » (1996) ayant des dimensions transnationales et donc formant une « sphère publique transnationale » (Fraser, 2014). En second lieu, nous inscrivons notre analyse des représentations politiques en rapport avec l'opinion publique et l'actualité nationale. A ce niveau, l'intervention de RFI sur des questions d'actualité nationale, sera étudiée pour clarifier ses rapports avec les représentations politiques des étudiants.

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Chapitre V : De l'hégémonisme au relativisme culturel

Ce chapitre s'intéresse à un trait déterminant, consubstantiellement lié à l'être humain : la culture. La culture, liée à l'Homme aussi bien dans son individualité que dans sa vie en société est un levier sur lequel on peut appuyer pour l'influencer, le façonner et le modeler. Telle est la vision de générations entières de penseurs, politiques, missionnaires, médias, entre autres acteurs ont développé dans leur mission de civilisation des peuples de la périphérie. Justement, entretemps, la périphérie a connu maintes et moult transformations avec notamment l'avènement des TICs. Les médias transnationaux du centre, ayant été présents à la période de la colonisation et se positionnant toujours comme des médias privilégiés dans l'espace régional ouest africain, sont soupçonnés d'avoir des visées transculturels voire d' « impérialisme culturel. Si on peut lire dans le rapport du CSA que « promotion de la langue et de la culture française »139 est une des charges imputées à RFI par le gouvernement Français, il est donc clair que ce médias à un rôle culturel certain. Pour autant, malgré plusieurs de ses programmes consacrés à la culture, a-t-elle un impact dans les représentations culturelles des récepteurs ?

Pour répondre à cette question, nous allons dans un premier temps, nous intéresser aux termes clés que sont « les représentations » et les vocables trans-, inter- et multi- accolés à la culture. Ceci pour mettre en place le cadre qui accueillera les résultats de la variable sur les rapports entre le média transnational RFI et les représentations et identités culturelles des récepteurs. Dans un second lieu, c'est l' « autre » qui est abordé. A l'aide d'une variable sur « la perception de l'autre » nous analysons l'altérité telle que vécue mais aussi telle que présentée par RFI. Ceci pour savoir si, encore une fois, RFI a un rôle dans les représentations de l'altérité.

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139 Rapport CSA année 2014 - France Médias Monde-Décembre 2015, p.12

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V.1 Les représentations culturelles : entre « westernization » et interculturalité

La « westernization » qui n'est rien d'autre que l'occidentalisation des peuples dits primitifs ou sauvages, revient à mener, pour le berger occidental, le troupeau à destination. Ceci, emprunte nécessairement le sentier de l'encadrement et de la domination culturelle. Cette dernière est appelée « impérialisme culturel ». La notion d'impérialisme culturel a pourtant été introduite dans un premier temps pour désigner les tentatives hégémoniques américaines et le refus de certaines voies de l'Europe d'entériner « the american way of life ». La société de consommation, trouve un écho favorable en Europe au point que la diplomatie du vieux continent va s'en saisir et sous le leadership de la France, défendre l'idée « d'exception culturelle », de « spécifié culturelle » avant d'accoucher du terme de « diversité culturelle » consacré par l'UNESCO. Ces débats et cette dénonciation de l'hégémonie américaine se retrouveront d'ailleurs dans les négociations au sein du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT)140 devenu plus tard l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Le terme d'impérialisme culturel, ne se trouve point, à l'instar de celui de « tiers-monde », géographiquement situé. Relevant plus d'éléments factuels de « colonisation culturelle » et d'une idéologie matérialiste chez des penseurs pouvant la déceler et la dénoncer, l'impérialisme culturel s'est toujours saisi des appareils de transmissions des idéaux pour influencer les peuples de la périphérie. Elle désigne l' « ensemble des processus par lesquels une société est introduite au sein du système mondial moderne et la manière dont sa couche dirigeante est amenée, par la fascination, la pression, la force ou la corruption, à modeler les institutions sociales pour qu'elles correspondent aux valeurs et aux structures du centre dominant du système ou à s'en faire le promoteur » (Schiller141, 1976). Cette définition d'un penseur de l'économie politique de la culture et de la communication qu'est Herbert Schiller, insiste sur l'intégration d'une société donnée au système mondial mais surtout par le fait que sa couche dirigeante soit le levier d'intériorisation des rudiments de la culture dominante. Pierre Bourdieu et Loïc Wacquant, parlant de l' « américanisation » définissent cet impérialisme de la manière suivante : « comme les dominations de genre ou d'ethnie, l'impérialisme culturel est une violence symbolique qui s'appuie sur une relation de communication contrainte pour extorquer la soumission et dont la particularité consiste ici en ce qu'elle universalise les particularismes liés à une expérience historique singulière en les faisant méconnaitre comme tels et reconnaitre comme

140 En Français : accord général sur les tarifs douaniers

141 Herbert I. Schiller, Communication and cultural domination. 1976. p.9 cité par Armand Mattelart Armand Mattelart, 200,7 p.59

142 Pierre Bourdieu et Loïc Wacquant. La nouvelle vulgate planétaire. Le monde diplomatique, 2000, vol. 5, p. 1-7. p.6

143 S. Moscovici, Des représentations collectives aux représentations sociales, in Jodelet D., Les représentations sociales, coll. Sociologie d'aujourd'hui, P.U.F. 1989. p. 63

144 J. Clenet, Représentations, formation et alternance, Alternances/Développement, l'Harmattan, Paris, 1998, p. 70.

145 S. Moscovici, op.cit. , 1989, p. 81

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universels »142. Cette violence symbolique a comme outils privilégiés les médias. Ces derniers sont des « médiacultures » en ce sens qu'ils véhiculent une manière d'agir, de penser, de sentir, donc contribuent à transmettre un mode de vie. Les médias transnationaux comme RFI, perpétueraient, à leur création, une « re-colonisation » par les esprits et leur stratégie seraient empreintes de ces tentatives hégémoniques au service d'une culture. Ainsi, on peut se demander si ces tentatives hégémoniques ont porté leurs fruits ? Ou bien si elles font face à des dynamiques d'interculturalités chez les jeunes ? Les réponses à ces questions permettront de d'envisager une construction ou co-construction des représentations culturelles.

V.1.1 Focus sur les représentations individuelles et collectives

Abordées dans beaucoup de domaines des Sciences de l'Homme et de la Société tels que la psychologie sociale, la psychologie cognitive, les sciences de l'éducation, la sociologie entre autres, les représentations ont, depuis le XXème siècle, été énoncées par une myriade de travaux. Si c'est Serge Moscovisci qui l'emploie beaucoup plus dans les recherches actives à partir de 1961, le concept de « représentations » devrait permettre d'«étudier les comportements et les rapports sociaux sans les déformer ni les simplifier.»143. Jean Clenet ajoute que : « la représentation construite par une personne (ou un collectif) est son lien, son rapport le plus intime avec l'organisation et l'environnement dans lequel elle se situe»144. Ces rapports qui se traduisent par des liens cognitifs et sociaux se déclinent en trois éléments :

- la relation entre l'individu et le monde (hommes et objets),

- la relation entre l'individu et l'action (la sienne et celle des autres),

- la relation de l'individu avec lui-même.

L'apport de la psychologie, qui influencera notamment les études d'autres champs sur les représentations sera fondamentale puisqu'elle traduit, en premier, l'idée du caractère cognitif des représentations. Tout au long de l'histoire, le développement des TICs va booster et renouveler les acceptions sur les représentations. Pour S. Moscovici «la révolution provoquée par les communications de masse, la diffusion des savoirs scientifiques et techniques transforment les modes de pensée et créent des contenus nouveaux»145. Il ajoute que : « (...) La nouvelle structure est celle d'une représentation au sens strict du mot, à la fois abstraite et

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imagée, réfléchie et concrète»146. Ce renouveau s'accompagne d'une certaine innovation conceptuelle qui pousse les penseurs à parler de « représentations sociales ». Ces derniers, mettent l'accent sur la société, les interactions et rapports sociaux. Herrera cite Moscovici (1976) pour qui, « toute représentation sociale peut être considérée comme une modalité de connaissance ayant pour fonction d'orienter les comportements et de permettre la communication entre individus » (Herrera, 1996, p. 103). En outre, la définition de Denise Jodelet met l'accent sur le fait que les représentations ont pour soubassement le social en ce sens qu'elles sont : « une forme de connaissance socialement élaborée et partagée [...] concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1991 p. 51).

A cet effet, s'il existe plusieurs théories qui se sont intéressés à ces représentations, elles s'entendent au moins sur un point que nous rappelle en substance Sébastien Rouquette (1997) qui pense que, pour qu'il y ait représentation sociale, il doit nécessairement y avoir héritage et altérité. Cependant, cette conception des représentations sociales édulcore et semble dépasser les dimensions individuelle et collective des représentations. Même si Moscovici a reformulé le concept de représentation collective de Durkheim en y substituant celui de représentation sociale, pour désigner, « un instrument mieux adapté à la diversité et à la pluralité des représentations qui organisent les rapports symboliques dans les sociétés modernes (Doise, 1990). Pour Durkheim, les représentations collectives sont des structures logiques et invariantes de l'esprit humain. Dans la reformulation de Moscovici, on retrouve cette idée de logique, mais pas celle d'invariance » nous rappelle Mohamed Bernoussi et Agnès Florin (1995, p.75)147. En fait, les représentations sociales et les représentations collectives renferment pratiquement les mêmes caractéristiques, hormis la dimension de processus qui nous semble fondamentale. Par ailleurs, dans l'approche classique, suivant le concept de représentations comme produit, mais aussi comme processus, nous distinguons les représentations individuelles et les représentations collectives remplacés ici par les représentations sociales. Moscovisci l'illustre en ces termes : « Les représentations sont des créations d'un système individuel ou collectif de pensée. Elles ont une fonction médiatrice entre le "percept" et le concept. En ce sens, elles sont à la fois processus (construction des idées) et produits (idées). Elles se valident,

146 Ibidem pp. 81-82.

147 Bernoussi Mohamed, Florin Agnès. La notion de représentation : de la psychologie générale à la psychologie sociale et la psychologie du développement, 1995. pp. 71-87; p.75

148 J. Clenet, Cours D.E.A. Sciences de l'éducation, C.U.E.E.P de Lille, novembre 1999, photocopie.

149 M. Denis, Image et cognition, P.U.F., Paris 1989

150 P. Mannoni, les représentations sociales, Que sais-je, P.U.F., 1998, p.10

151 J. Clenet, op.cit., p. 41

152 S. Moscovici, op.cit., 1989, p. 64

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se construisent et se transforme dans l'interaction (...)»148. Nous envisageons donc les représentations collectives comme des représentations sociales.

VI.1.1.1 Les représentations individuelles

Quant aux représentations individuelles ce sont les constructions de perceptions mentales que l'individu intériorise. En d'autres termes des éléments de cognition que l'individu construit par l'interaction avec son environnement. Elles constituent un tout cohérent et permettent à l'individu de se situer par rapport aux autres. Pour Jean Clenet les représentations individuelles sont «ce qu'un sujet a pu intérioriser d'une situation vécue, (de) ce qui pour lui "fait sens" et donne sens à ses actions. ». La représentation individuelle, serait donc d'abord singulière, particulière et se développant dans la mentalité de chacun. On peut donc penser que cette notion est voisine de la représentation mentale149. Pierre Mannoni expose que ces représentations mentales «dans la plupart des cas, sont orientées par les préoccupations praxéologiques du sujet. Elles sont utilisées par celui-ci pour organiser et planifier son action, participent aux projets comme à leur exécution et se trouvent en permanence dirigées par une intention pragmatique»150. Quant à J. Clenet, à la suite de M. Denis, il définit les représentations individuelles «comme processus par lesquels l'esprit humain appréhende son environnement, en construit des représentations et utilise celle-ci afin de régler sa conduite»151. Durkheim lui, pense que les représentations sont «propres à chaque individu, sont variables et emportées dans un flot ininterrompu. [...] (Elles) ont pour substrat la conscience de chacun...»152. Cependant, la plupart des penseurs qui ont travaillé sur les représentations, certainement du fait qu'ils soient penseurs du social à l'instar de Durkheim et de Moscovisci, font prévaloir les représentations collectives sur celles individuelles. Pour notre part, nous pensons que la dimension individuelle est tout d'une importance capitale pour cerner la façon dont les individus dans leur singularité traitent les informations qu'ils reçoivent et se font des représentations mentales à cet effet.

V.1.1.2 Les représentations collectives

Michel Denis explique que les: « représentations comportent une spécificité individuelle mais également un noyau commun partagé par la plupart des esprits humains participant de la même

culture»153. Les représentations collectives se forment donc dans le moule social et « servent à définir des modes de pensée communs (autours de normes, de mythes, d'objectifs) qui règlent et légitiment les comportements au sein du groupe. La notion de représentations collectives insiste sur leur spécificité pour le groupe qui les élabore et les partage. »154 Dans le sens de cette acception, nous comptons, aborder les représentations collectives tendant. Nous postulons que les aspects politiques des représentations que nous voulons étudier trouveront échos dans ce cadre collectif incarné ici par les étudiants. Dans cette perspective, des traces exigus de liens diasporiques, c'est-à-dire des représentations d'étudiants sénégalais vivant en France peuvent également apparaitre et également analysés dans ces compositions collectives.

V.1.3 Médiacultures et altérité

« Les médias d'un côté, la culture de l'autre. Ce grand partage n'a qu'un siècle mais il pèse sur les représentations des médias... » nous disent Macé et Maigret à la quatrième de couverture de Penser les médiacultures. Appelant à de nouvelles pratiques et représentations du monde, cet ouvrage convoque l'essentiel des études autour de la culture et de la communication. Les représentations culturelles qui naissent via les médias, interpellent directement les récepteurs des informations qui les construisent en fonction de leur réception. Sous cet angle, les médias transnationaux, qui ont, chacun, sa ligne éditoriale, traitent une information internationale à destination de public multiples. Ces publics, reçoivent, interprètent et se construisent différemment des représentations. Dans ce sillage, la perception de l'autre, trait identitaire et facteur de représentation, nous interpelle directement. En fait, l'autre « s'affiche sous un polymorphisme déroutant, bien des fois mouvant, mutant, présent ou fuyant, attrayant ou rebutant »155 (De Buron-Brun, 2010, p.7). Des stéréotypes et présupposés sont développés à l'endroit de l' « autre » du fait de son caractère inconnu et différent. Ces stéréotypes et présupposés ont longtemps guidé, les médias transnationaux qui, eux, mettaient en jeu des représentations diabolisée, instrumentalisée, interpellée, autonomisée (Cabedoche, 2007). Ces représentations qui construisaient une étrangeité (2007) rencontrent cependant des récepteurs qui sont souvent concernés mais qui opèrent une réception négociée comme nous l'avons vu dans la deuxième partie. RFI, qui est un média d'Etat mais se représente comme « les voix du monde », à travers ses émissions présente et fait interagir différentes cultures. Cette mise en

153 M. Denis, in Sciences Humaines n° 27, op.cit.

154Dominique Aimon, travail réalisé sur la base du cours de Jean Clenet en novembre 1998 dans le cadre d'un DEA en Sciences de l'éducation

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155 Bénédicte de Buron-Brun, Altérité, identité, interculturalité, Perceptions et représentations de l'étranger en Europe et dans l'arc atlantique, Tome 1, 2010, p.7

scène des cultures a-t-elle un impact dans la perception que les publics se font de l' « autre » ? En d'autres termes, il est question de savoir si RFI participe à la construction des représentations culturelles des publics et de la conception qu'ils ont des autres cultures. A cette question, nous répondrons dans les lignes qui suivent à l'aide de formulations théoriques à cet effet mais aussi des résultats de notre enquête.

V.2 Des « médiacultures » et des récepteurs en perpétuelle négociation

Dans cette section de notre travail nous nous intéressons aux médias transnationaux et à leurs liens supposés ou réels avec les représentations des récepteurs. Pour ce faire, nous partons d'abord de la variable de notre questionnaire concernant les identités et les représentations culturelle tout en nous limitant aux représentations individuelles.

Sur les 100 répondants à la question de savoir si RFI, à travers ses programmes, participe-t-elle à la construction de leur identité culturelle, 65 enquêtés répondent « Non » et 35 répondent « Oui ». Sur les 35 étudiants qui ont répondu par « Oui », 21 ont justifié leur réponse (Kit en annexes). A cet effet, notre analyse thématique nous montre que les émissions à vocation culturelle, historique, artistique ou même certains reportages leurs permettent de s'ancrer beaucoup plus dans leur culture et de scruter d'autres réalités culturelles. Si RFI permet à ces récepteurs de mieux comprendre leur culture, il ne faudrait pas occulter qu'elle a sa manière de traduire et d'expliquer celle-ci à ces publics. Et si ce média les renseigne sur d'autres cultures c'est également à travers son angle d'analyse propre. Les récepteurs de RFI font de ce media un usage qui leur sert d'approfondissement de leurs connaissances sur leur propre culture ou sur celle des autres. Si 65 répondant déclarent ne pas construire leur identité culturelle avec le média RFI et que 35 disent intégrer RFI dans cette construction c'est que la domination ou l'hégémonie culturelle n'est pas à jour. « Les médias cessent d'être des industries plus ou moins aliénantes pour devenir de vraies médiacultures, des lieux faisant se rencontrer des mondes plus ou moins marqués par la défense ou l'abondance d'identités. »156. Néanmoins, autant les émissions à vocation culturelle sont écoutées, autant des systèmes de représentations font sens à travers cette écoute. Pour Nancy Fraser, c'est un réflexe des contre-publics subalternes de s'affirmer en édulcorant ipso facto toute idée d'ascendant des médias. Ces derniers, « utilisant et déformant les médias, dans le cadre d'une domination vécue mais contestée. » (Fraser, 2014). La thèse de l'auteure, comporte à notre sens des limites au moins sur un aspect fondamental. C'est que les récepteurs de la RFI qu'on peut voir ici comme des « contre-publics subalternes » (Fraser, 2014) ne développent pas une contestation vis-à-vis de ce média mais font une

156 Eric Maigret et Eric Macé, Penser les médiacultures, op.cit. 2011. p.34

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utilisation que l'on peut qualifier de mesurée et utilitaire. Cette influence que peut avoir un média transnational n'est donc pas refusée mais contrebalancée par des pratiques de d'appropriation et de « braconnage »157. Pour Michel de Certeau, le lecteur, l'usager, invente des manières d'exploiter le dispositif qu'il a à sa disposition, indépendamment des prescriptions d'utilisation.

Ces pratiques de braconnage sur le plan informationnel nous conduisent, non pas à des représentations culturelles directement façonnées par ces flux informationnels, ni par une répulsion à toute pénétration de ces médias dans ses schèmes individuels, mais à un aller-retour perpétuel qui n'inclut pas totalement et exclut partiellement. Il s'agit d'interculturalités où les paramètres linguistiques, cognitifs, ludiques des usages de ces médias permettent d'en intégrer les contenus mais d'en exclure celle qui menacerait les représentations préétablies. A ce propos, André Vitalis, nous dit qu'Arjun Appadurai (2001) « estime que la circulation accélérée et mondiale des informations et des images, influence profondément les croyances et les constructions identitaires. Pour cet anthropologue, l'explosion des médias rend possible un nouveau et imprévisible déploiement de l'imagination. Avec le déploiement de la population, on assiste à la naissance de « communautés imaginées transnationales, partageant les mêmes origines et les mêmes croyances, mais également à une hybridation et un bricolage des cultures (...) »158. Cette pensée d'Arjun Appadurai ne s'applique pas nécessairement au cadre des médias transnationaux qui, rappelons-le, ne sont qu'une partie de l'ensemble qu'est la mondialisation de la communication. Les « communautés imaginées transnationales » le sont pour la durée d'une émission comme « 7 Milliards de voisins » où, on peut imaginer qu'ils aient les mêmes origines et les mêmes croyances en l'humanité. C'est donc à temps partiel que les auditeurs peuvent imaginer exister dans un « village planétaire » où tout le monde est voisin. On le voit donc, les représentations culturelles de l'auditeur ne se trouvent pas téléguidées et façonnées mais relève de bricolages, s'hybrident dans des ordres temporels, d'où leur diversité.

V.3 Publics de la RFI et représentation de l' « autre »

Qui parle de représentation parle d'altérité. La multiplication de problématiques et conflits inter

et intra Etatiques observés aujourd'hui dans le monde trouve son origine dans un foisonnement, un choc des civilisations, où les identités se rejettent, s'entretuent, s'entredéchirent et s'excluent mutuellement. L'autre, étant antérieurement décrit négativement, sera au fur et à mesure pris en compte dans ce qu'il a de culturel. Toutefois, les intérêts coloniaux justifiaient toujours une

157 Michel De Certeau. Lire: un braconnage. L'invention du quotidien: 1. Arts de faire, 1990.

158 André Vitalis, Critiques de la société de l'information, op.cit.2008. p.115

information tronquée et empreinte d'ethnocentrisme. Cette perspective sera continuelle tout au long de la transmission de l'information sur les colonies. Les médias, vecteurs d'information et aujourd'hui de communication, ont joué un rôle important dans cette mouvance. D'où la pertinence de s'y intéresser. Cependant, si l'essentiel des études sur l' « autre » a été réalisé à l'aune et sous la loupe des émetteurs de l'information, nous voulons comprendre et concevoir les idées que se font les récepteurs de l' « autre » à partir de cette information internationale. Car l'autre est une composante essentielle du Soi, l'autre définit le Soi. C'est à partir de l'autre que nous nous représentons comme différent. La relation à l'autre est essentiellement intersubjective. Jean Guy Lacroix affirme que « la communication ne peut se définir que comme un échange (rapport) intersubjectif entre des locuteurs, interlocuteurs, interpeleurs. Fondamentalement, cet échange est un rapport à l'autre en tant que celui-ci est différent de moi (soi). Il relève de l'altérité »159. La communication, qu'elle soit médiatique ou interpersonnelle nous permet donc de nous définir par rapport à l'autre. Nous avons cru nécessaire de questionner cette variante des représentations d'une importance capitale pour saisir sa dimension individuelle chez nos enquêtés. Est-ce que les médias transnationaux, ici RFI, changent notre manière de voir et de percevoir l'autre ? Nous allons apporter des pistes de réponse à cette question sur la base des données empiriques à cet effet.

Sur 100 réponses enregistrées pour cette question de savoir si « oui » ou « non » les médias transnationaux modifient leur manière de percevoir l'autre, 43 étudiants ont répondu par « oui » et 57 par « non ».

RFI et perception de l'autre

RFI et perception de l'autre

60

OUI NON

50

40

30

20

10

0

159 Jean Guy-Lacroix, Critiques de la société de l'information. Op.cit. 2008, p.197

93

94

Histogramme de représentation des réponses sur la perception de l'autre à partir de l'information de

RFI

Le constat ici encore est que la majorité répond ne pas être influencé par les programmes de RFI dans sa manière de percevoir l'autre. Un constat, encore une fois, assez révélateur de la réception que ces étudiants font de ce média. Ils sont, pour la plupart, intéressés seulement par l'information sans subir d'autre détermination de la part de ce média. Mais si 43 répondants, une partie non négligeable des enquêtés a répondu par la positive, intéressons-nous à présent aux explications relevant de cette influence de la manière de percevoir l'autre pour cette minorité. Trente (35) répondants ont justifié leur affirmation selon laquelle RFI leur permet de modifier leur conception de l'autre. Notre analyse sémantique des discours sur le comment de leur modification de la perception a fait ressortir plusieurs éléments.

D'abord, le premier constat est que les répondants disent découvrir à travers ces émissions, les réalités, les cultures et les manières d'être des étrangers. C'est via ces programmes qu'ils découvrent les « cultures », les « civilisations » des autres pour mieux les comprendre. D'ailleurs près de la moitié parle d'une « acceptation » plus positive et d'une plus grande « tolérance » par rapport aux autres cultures. Un des répondants affirme que ça permet un « brassage culturel ». Trois répondants citent l'émission « 7 milliards de voisins » comme référence qui leur permet de relativiser les stéréotypes qu'ils avaient des autres. On découvre l`autre et « le dialogue devient plus facile ». Nous constatons également que certains répondants établissent le fait qu'ils peuvent avoir les mêmes réalités avec les autres même s'ils vivent dans des horizons différents. Ceci est également un indicateur de relativisme culturel qui déconstruit-reconstruit l'image qu'on se fait de l'autre. Le constat est également que les répondants n'ont pas d'a priori négatif ou de représentation négative de l'autre. Ils s'inscrivent globalement dans un relativisme culturel au sens de Claude Lévi-Straus.

Si les médias transnationaux ont séduit les publics nationaux dès leur création entre les années 1930 et les années 1990 pour la plupart, c'est bien le fait de l'extraneité qui, selon Madani160 est le fait qu'une population ne se reconnaisse plus dans le discours qui est tenu sur elle par les médias de son propre pays. Les auditeurs de RFI la préféraient aux médias nationaux parce que le discours médiatique national était uniquement gouvernemental. Cependant, aujourd'hui,

160 Lotfi Madani. Les télévisions étrangères par satellite en Algérie: formation des audiences et des usages. Revue Tiers Monde, 1996, p. 315330.

avec le pluralisme médiatique au niveau national, RFI semble se positionner comme un médium qui permet de s'informer sur la réalité étrangère et les mouvements en cours chez les autres.

En outre, une certaine étrangeité fait sens avec le média transnational RFI en rapport avec les représentations du jeune Sénégalais instruit qu'est l'étudiant. « L'étrangéité désigne ainsi la rencontre entre les stratégies de présentation de l'Autre par un média transnational et les imaginaires d'événementalisation, d'espace, de temps que `'l'instance cible» est censée partager et que `'l'instance médiatique» tente de reproduire par hypothèse, dans des versions socialement acceptables (Charaudeau). »161. Nous voyons ainsi que l'étrangeité relevant d'une co-construction, dépend autant des formulations des médias que du système de représentations des étudiants. La réalité médiatique ne se construit donc pas seulement dans le cadre d'émission mais aussi dans la sphère de réception. Nous en arrivons à postuler que les représentations individuelles chez les récepteurs, au contact des flux informationnels internationaux, relèvent d'interculturalités, de dialogue et d'échanges.

Il existe également des liens diasporiques qu'il serait important d'étudier. Dans le cadre de notre étude, nous avons répertorié trois Sénégalais étudiants en France qui ont répondu à notre questionnaire. Leurs réponses laissent transparaitre des liens diasporiques qui existent mais ne révèlent pas de grande différence quant à la perception qu'ils ont des flux transnationaux qui, par ailleurs, leurs permettent eux aussi de s'informer sur ce qui se passe dans leur continent et leur pays. Ceci est dû au fait qu'RFI est le médium d'information français le plus focalisé sur l'Afrique. De plus, la diaspora est une composante essentielle à étudier et à comprendre du point de vue des représentations. Les réponses de ces derniers ne se différencient pas des réponses des étudiants inscrits dans les universités sénégalaises. On peut donc postuler que ces représentations diasporiques se métissent au pays d'accueil mais restent ancrées et enracinées dans les cultures locales. Nous affirmons que le changement de territoire ne modifie pas nécessairement la perception de l'autre via les médias transnationaux.

Au terme de ce chapitre où nous avons croisé les données de nos résultats d'enquête à des formulations théoriques pour étudier les représentations des étudiants, nous avons constaté que ces derniers, loin d'être déterminés par ces programmes, s'en servent pour approfondir leurs connaissances sur leur culture et les autres cultures. Les émissions leurs permettent donc de conforter la dynamique d'interculturalité en cours. Les médias transnationaux auxquels s'identifiaient, en raison de l'extraneité, les étudiants Sénégalais dans les années 1990, sont plutôt aujourd'hui des outils non hégémoniques. Si nous avons choisi l'angle de vue individuel

161Bertrand Cabedoche, op.cit.2005, p.271

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pour analyser les dynamiques des représentations culturelles, c'est pour pouvoir, en raison de la complexité du fait culturel, l'inscrire dans une relativité et dans la subjectivité de chaque individu.

Ce premier chapitre, nous a permis de d'analyser les représentations culturelles que les publics se font à partir des flux d'informations internationales provenant de la radio RFI. Au final, il apparait que non seulement l' « impérialisme culturel » via les médias n'est plus d'actualité mais aussi que les représentations culturelles des auditeurs, dans leur majorité, dépendent certainement d'autres facteurs culturels même si les médias transnationaux peuvent les enrichir ou les renforcer. Il y'aurait plutôt un dialogue, des échanges des interconnexions, donc une interculturalité qui existe via la radio RFI laquelle se présente plutôt comme un cadre d'interactivité entre les cultures.

Nous allons voir dans le prochain chapitre de cette troisième partie les aspects politiques pouvant entrer en jeu dans la construction des représentations en nous interrogeant, en filigrane, sur les dynamiques de l'espace public contemporain (Miège, 2010).

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Chapitre VI: Espaces publics et représentations politiques : entre communautés
imaginées
et opinion publique nationale

Les médias ont été appréhendés dès leur émergence avec la presse écrite, comme de puissants catalyseurs d'une société plus juste, plus informée et mieux organisée. Les études de Gabriel Tarde et d'Alexis de Tocqueville sur le rôle de la presse dans la construction des démocraties sont des indicateurs du préposé d'impact qualitatif de la presse chez les citoyens. De plus, pour des penseurs de l'Espace public tels que Jurgen Habermas, le principe de publicité se voit d'abord assuré par la presse écrite. Cet à priori positif de l'apport des médias dans les régimes de toutes sortes a amené J.M Sandmann à procéder à une classification des médias selon les types de régimes162. A en croire Sandmann163, dans les régimes démocratiques ce sont les lecteurs et les médias qui décident de ce que font ou ne font pas les médias. Dans ces régimes les médias sont quelque peu indépendants des pouvoirs de Montesquieu qui n'interviennent qu'en cas de dérapage notoire. C'est d'ailleurs ce qui fait penser à l'existence d'un quatrième pouvoir à côté des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. On parle de « médiacratie » pour désigner « leur statut et, partant, le rôle qu'ils jouent sur la formation et l'expression de l'opinion publique, dépendent des garanties apportées à la liberté d'expression et de l'indépendance vis-à-vis des pouvoirs qui traversent la société et qui impriment leur marque sur elle. »164. Moyens symboliques d'expression, de lexis et de praxis dans l'espace public démocratique, les médias sont devenus incontournables dans la structuration des espaces publics nationaux. Aujourd'hui, nous constatons que ce ne sont pas seulement les médias géographiquement localisés dans la sphère nationale qui y émettent et qui transmettent de l'information. Nous avons aussi des médias transnationaux qui bénéficient le plus souvent d'une certaine crédibilité de la part des publics nationaux, et accrochent à leur agenda des faits politiques saillants nationaux, lors des périodes de crises ou de forte effervescence politique. De ce point de vue, pouvons-nous penser les médias transnationaux jouent un rôle dans la structuration des représentations politiques et la configuration de l'espace public ?

162 Selon cette classification de SANDMANN nous avons cinq types de régimes qui façonne le type de médias qui y évoluent. Ces cinq régimes sont le régime totalitaire, le régime autoritaire, le régime technocratique, le régime libéral et le régime démocratique .

163 J.M Sandmann, Presse-actualité numéro 127, p.60,

164 Lexique d'information et de Communication, Dalloz 1ère édition 2006 sous la direction de Francis Balle, p.253

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VI.1 RFI : Des publics nationaux aux communautés imaginées transnationales

VI.1.1 RFI et les enjeux géopolitiques mondiaux :

Un média transnational a d'abord pour vocation, qu'il soit juridiquement publique, privé ou mixte, à orientation politique ou culturelle, qu'il soit généraliste ou thématique, de véhiculer de l'information internationale. D'ailleurs, c'est dans cette perspective que sont nés les médias à portée transfrontière. Le développement de TICs favorisant cette dynamique, une logique offensive des grands groupes de communication et des industries culturelles vers des publics diversifiés s'est accentuée tout au long du 20ème siècle. C'est d'ailleurs ce que nous dit Michel Sénécal : « les réseaux et les flux communicationnels, dont la croissance a été stimulée par le développement fulgurant des techniques médiatiques et par l'accélération de l'informatisation ont de plus en plus réduits les distances et rendu poreuses les frontières des Etats165. Les médias transnationaux devraient donc éclairer la lanterne de leurs publics locaux sur des enjeux et thématiques d'ordre internationaux d'autant plus que ceux-ci sont à la quête des échos d'ailleurs et surtout d'évènements en cours dans les foyers de tension dans le monde, lesquels sont couverts par un média comme RFI ; les moyens des médias nationaux étant encore trop limités pour se déployer dans d'autres cadres. Cet entrelacement entre les actualités nationales et internationales qui peuvent avoir des liens directs et impacter les espaces publics nationaux nous poussent à nous poser des questions en rapport avec l'interculturalité précitée. De la même façon qu'un métissage culturel fait sens dans la construction des représentations, un décloisonnement et une déterritorialisation pourraient exister quant aux conceptions des opinions et les sphères publiques peuvent transcender les cadres nationaux. Peut-on en ce sens parler de sphère publique transnationale pour reprendre Nancy Fraser et faire évoluer la pensée Habermasienne ? Nous allons nous appuyer sur les données de terrain notamment les réponses à la variable concernant la géopolitique internationale et essayer de les combiner avec les concepts de sphères publiques transnationales de Nancy Fraser et de logiques transnationales des publics d'Arjun Appadurai.

De prime abord, nous interrogeons les données empiriques afin de jauger le niveau d'attachement des publics à l'actualité internationale. Le niveau d'intéressement des auditeurs à l'actualité internationale, leur affirmation ou infirmation des éclairages apportés par RFI sur les faits, conflits et enjeux internationaux ainsi que leur justification, constituent des indicateurs

165Michel Sénécal, Critiques de la société de l'information, op.cit. p.50

essentiels de notre analyse. Ils permettent de mesurer la performance de la radio RFI mais aussi de comprendre la formation d'opinions publiques à l'échelle transnationale.

Ainsi à la question de savoir si RFI les éclaire sur les « enjeux géopolitiques mondiaux » (conflits, menaces, opportunités), 91 enquêtés répondent par « Oui » et 9 par « Non ». Ce pourcentage (91%) de réponses positives est déjà évocateur. Les étudiants, veulent être au courant de ce qui se passe à l'échelle internationale et se font des idées et des opinions à partir des informations reçues notamment à travers les « reportages », « dossiers », « émissions de débats » et « des analyses approfondies des experts sur les thématiques internationales ». D'autres évoquent plus la diversité sur les évènements mondiaux, à des faits se déroulant en Afrique de l'Ouest ou un peu partout dans le monde. Une grande partie évoque les enjeux géopolitiques et les éclairages des experts ou de reportages sur ceux-ci. Certains répondants, mettent l'accent sur la « précision », l' « approfondissement », la « fiabilité et la vérifiabilité » des informations. Cependant, trois (3) répondants reviennent toujours sur le caractère partial du traitement de certaines actualités internationales par RFI.

Le constat à faire ici est que tous les répondants s'intéressent aux actualités d'ailleurs, se font des idées, développent des opinions sur les conflits et les évènements mondiaux et se forgent des représentations. Dans le même temps, les auditeurs effectuent des recoupements avec d'autres sources-médias ou via des recherches personnelles. Il est un usager-acteur qui écoute, participe aux débats et vérifie souvent les informations. Si de Dakar à Abidjan, les auditeurs de RFI s'intéressent aux relations internationales, à l'actualité internationale de manière exponentielle, il peut arriver qu'ils aient des opinions similaires ou différentes et des positions communes ou contraires. Dans le même temps, les auditeurs provenant de divers pays partagent les mêmes thématiques ils en débattent, échangent et forment des opinions voire même un « espace public transnational ».

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VI.1.2 De l'espace public Habermassien à la « sphère publique transnationale »

Le siècle des lumières est le moment de développement d'idéaux, de pensées et d'une conscience plus libre, plus ouverte, plus livresque et critique un peu partout en Europe. Cette dynamique des lumières aura le vent en poupe notamment en France, en Angleterre et en Allemagne. Il s'agit en fait, pour Habermas, de la formation d'un espace entre la société civile et l'Etat, formé par les bourgeois qui ont une capacité d'analyse critique des politiques publiques. Ces derniers se rencontrent dans des sphères privées tels que les cafés pour discuter, échanger, déformer puis former ce que devrait être l'orientation étatique. Cette définition de l'espace public comme un espace élitiste éclairé et dont la publicité servirait comme pan d'éclosion et d'expression des idées, se trouve cependant restrictive et en contradiction avec les principes mêmes d'universalisme et d'égalité des lumières. Si les médias, appareils symboliques de publicité des débats publics politiques servaient de médiatisation de ces débats, il reste aujourd'hui que la dimension commerciale semble avoir dévoyé la conception qu'en avait Habermas. D'abord, les médias sont devenus commerciaux et servent à manipuler ; ensuite, ces médias deviennent de plus en plus banalisés car étant à la disposition de tous. Cette pensée de Habermas, traduit clairement son ancrage dans les axiomes des théories critiques de l'école de Francfort, mais également la dimension iconoclaste de sa pensée. Pour Peter Dahlgren, « si les médias constituent le trait majeur de l'espace public, il s'en suit normativement qu'ils devraient rester techniquement, économiquement, culturellement et linguistiquement à la portée des membres de la société : l'exclusion a priori d'un segment quelconque de la population entre en contradiction avec la prétention de la démocratie à l'universalisme [...]»166.Dans le cercle des penseurs s'inscrivant dans les théories critiques Habermasiennes, nous constatons également, que s'est développé un regard critique et nostalgique à l'égard de la publicité. A propos de la publicité, Jean Mouchon nous dit d'ailleurs que : « (...) Traduction dans le passé de la transparence des débats publics propres à la démocratie, ce principe est maintenant réduit pour ces auteurs à une fonction adjuvante dans la compétition commerciale. »167. Cette dimension élitiste, restreignant et condescendante de la théorie Habermasienne sera critiquée à bien des égards. Si sa théorie reste originale et précurseur, elle reste cependant idéale et non tangible dans la réalité. Peter Dahlgren de souligner que : « l'idéal d'un espace public bourgeois avec ses salons et ses publications littéraires, sert de modèle, bien que ses manifestations historiques fussent en fait relativement modestes. ». Et Dahlgren d'ajouter qu' : « Habermas ne dit rien de l'existence de sphères

166Peter Dahlgren, et, Marc Relieu. L'espace public et l'internet. Structure, espace et communication. 2000, p. 157-186. p. 163.

167 Mouchon Jean, « Les nouvelles formes du débat public, prémices d'une reconfiguration de l'espace public démocratique ? 2005, p. 10.

publiques alternatives, plébéiennes, populaires, informelles ou oppositionnelles. »168. La multiplicité des critiques formulées à son encontre fera certes évoluer la pensée Habermasienne qui intègre le « monde vécu »169 dans les années 1990 mais garde la substance de son analyse dans sa dimension spatiale. La théorie Habermasienne, nous interpelle particulièrement dans le cadre de notre objet. En effet, Nancy Fraser, dans ses écrits et notamment dans son fameux article « Transnationalizing the public sphere »170, pose, par rapport au « locus classicus de toutes discussions », deux niveaux de soubassement de la théorie habermasienne. Dans un premier temps nous avons « un niveau empirique, historique, institutionnel » ; dans un second lieu, « un niveau idéologique-critique/normatif-idéal ». Ces niveaux s'enchevêtrent pour former « six conditions préalables au minimum » qu'Habermas « associait tacitement à la sphère publique ». Parmi les six conditions, deux semblent être en rapport direct avec notre objet de recherche

? ... une langue nationale constituant le moyen de communication publique,

? ... une infrastructure de communication westphalienne-nationale: une presse westphalienne-nationale puis, plus tard, des médias de radio transmettant les informations westphaliennes-nationales. »171

Dans une perspective critique de « repenser la sphère publique »172 qu'elle explore aussi dans un article voisin, Nancy Fraser va à la suite d'une élucidation de ces six points qui s'imbriquent étroitement pour former le fondement de l'espace public Habermasien, procéder à leur déconstruction à l'aune du monde contemporain. Six contre-arguments corollaires seront donc développés.

? La langue nationale elle, dans un contexte Africain où la plupart des ex-colonies ont adopté comme langue officielle celles de leurs anciens colonisateurs et que des langues universelles telles que l'anglais ou le Français sont les plus homogénéisant, la langue nationale est souvent transnationale et peut couvrir toute une région (au sens des

168 Peter Dahlgren et al. « L'Espace public et les médias. Une nouvelle ère ? », p. 243-262, pp. 246-247

169 Le concept du monde vécu de Habermas naît de ses deux perspectives, et se développe en fonction de l'idée de l'agir communicationnel. Habermas a reformulé le concept de monde vécu de Husserl « à partir d'une perspective pragmatique et langagière » : « alors que Husserl réduit le monde vécu aux conditions de possibilité de l'expérience du sujet individuel, Habermas tentera pour sa part de thématiser le monde vécu à partir du langage » (Sheppard, 1997, pp. 63-65). Husserl oppose le monde vécu subjectif au monde des sciences objectives; Habermas, quant à lui, opère une distinction entre le monde vécu intersubjectif (dont parle Schütz) et le système social. http://com3109.pbworks.com/w/page/8622951/J%C3%BCrgen%%A0Habermas-%%A0Monde%%A0v%C3%A9cu

170 FRASER, Nancy. Transnationalizing the public sphere. John Wiley & Sons, 2014.

171, Nancy Fraser. Transnationalizing the public sphere. Op.cit

172 Nancy Fraser: Rethinking the Public Sphere: A Contribution to a Critique of Actually Existing Democracy. Londres, pp. 109-142

 
 
 
 
 

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relations internationales). « Le problème réside bien plus également dans le fait que des États existants sont en réalité multilingues tandis que des groupes linguistiques s'avèrent éparpillés sur des territoires et qu'un nombre croissant de personnes sont multilingues ». Entre diversité et uniformité linguistique, bien des Etats se placent sous une lanterne internationale avec les « lingua-franca ».

? L'infrastructure de communication westphalienne-nationale se voit donc supplantée quelquefois et complétée souvent par des médias transnationaux. « Le "où" de la communication, qui était autrefois conceptualisé comme territoire westphalien-national, s'avère désormais être un cyperespace déterritorialisé. ». Et « dans ce contexte, il ne s'agirait que de prendre en compte la croissance du nombre de média de niches qui peuvent être tout aussi sub-nationaux que transnationaux(...) ». Nous voyons donc que cette infrastructure valse entre la national et le transnational ou le mondial.

Au vu de cette remise en cause apportée par Nancy Fraser, nous constatons, que ni le contexte et l'espace de conceptualisation de l'espace public, ni les aspects temporels qui la déterminaient ne sont les mêmes présentement. Il est en effet, concevable de penser à une ébauche d'opinion publique transnationale qui se forme ponctuellement sur des thématiques et évènements internationaux précis. Au regard des avancées technologiques, l'existence d'un espace public transnational, régional qui exerce ses discussions lors d'émissions participatives, sur les réseaux sociaux et à travers différents réseaux est probante pour nous. Si elle est ponctuelle et s'active d'ailleurs souvent sur le terrain lors de crises ou à travers des mouvements sociaux, cet espace public transnational est souvent une « communauté imaginée » (Anderson, 1996173). Les médias transnationaux comme RFI jouant un rôle important dans leur formation en informant dans un premier temps, puis en étant les « agoras » symboliques d'expression de ces citoyens sur des questions d'envergures nationale et sous régionale, occasionnant des solidarités et des actions collaboratives. De ce point de vue, nous pouvons penser à une opinion publique ouest-africaine dans le cadre des affrontements au Nord-Mali ou des évènements en Côte d'Ivoire. Seulement, il faudrait aussi souligner que le courant d'opinion dominant souvent confondu avec l'opinion publique cohabite avec d'autres courants. D'ailleurs c'est l'espace qu'offrent ces médias transnationaux qui permettent à ces courants de s'affronter. Les résultats de ces affrontements ne débouchent pas forcément à la constitution d'une opinion puisque ces publics actifs approfondissent souvent et recoupent l'information pour se faire une opinion comme en

173 Benedict Anderson et Pierre Emmanuel Dauzat. L'imaginaire national: réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme, 1996.

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témoignent les données de notre enquête. Cette donne peut nous inviter à relativiser les représentations collectives circonscrites dans le cadre uniquement national puisqu'on voit que des « inter nations » des publics existent. Alain Ambrosi nous invitait d'ailleurs à cette réflexion dès la fin du XXème siècle. Il nous dit en ces termes que « la question de la multiplicité des appartenances et des identités autant que des lieux d'implication et d'action politique doit être reposée en des termes qui tiennent compte des nouvelles transversalités géographiques et politiques et qui, en créant des nouveaux ``lieux» et de nouvelles ``situations» déterritorialisées, questionnent la notion de communauté et dépassent l'enfermement dans le local ou le national. Le nouveau contexte sociotechnique créé par les NTIC et le fonctionnement en réseaux forcent donc à une redéfinition du concept d' ``espace public» et de sa relation avec ``l'espace politique» et nous obligent à considérer la pluralité de l'un et de l'autre, et leurs multiples modes d'articulations [...]. »174

Nous pouvons considérer que les publics de la radio RFI peuvent former des variantes d'espaces publics à un échelon transfrontière dans des limites temporelles ponctuelles et convenir avec Jean Tardiff qu' « en s'affranchissant du nationalisme méthodologique, on peut identifier des aires d'interaction humaine à fondement linguistique et/ou culturel qui traduisent les multiples possibilités d'appartenance, d'identités composites, d'alliances et de choix qui forment les aires géoculturelles en constante évolution. »175. L'éclatement et le morcellement des espaces ainsi que l'apparition de nouvelles modalités d'exercice des interactions sociales176 (Miège, 2010, p.172) avec comme corollaire la fragmentation, la parcellisation et la diversification de l'espace public. Cependant, il faut noter que même quand l'espace public se détache des barrières et des bornes des frontières traditionnelles, l'asymétrie et l'inégalité de participation aux espaces publics elles, sont toujours à jour. La fragmentation de l'espace public, qu'il soit national ou transnational demeure l'un des principaux écueils.

174 Ambrosi Alain, « Difficile émergence des réseaux de communication démocratique dans l'espace politique global » 1999, p.119.

175 Jean Tardiff, Mondialisation et culture : un nouvel écosystème symbolique .2008. p.214.

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176 Bernard Miège, L'espace public contemporain, 2010

VI.2 Information nationale politique traitée par RFI

Les configurations transnationales qui prennent forme et se structurent n'édulcorent cependant en rien la dimension nationale de l'espace public. En fait, si les six conditions de l'espace public national-westphalien sont remises en cause, elles ne suffisent pas à remettre en cause l'idée d'une nation au sens subjectif, basée sur une histoire commune partagée et des aspirations collectives. Cette idée de nation, même si par ailleurs des Etats sans nation et des nations sans Etats peuvent exister, est véritablement une réalité au Sénégal. Malgré la diversité ethnique, linguistique, culturelle, la croyance en l'existence d'une destinée commune est majoritairement admise au Sénégal. Au sein d'une nation, se constitue une « opinion publique » à partir des échanges au sein d'« espaces publics » aujourd'hui via des médias privés comme publics qui deviennent le terrain privilégié de la lexis. Au Sénégal, bien que les médias locaux aient un ancrage certain, de proximité et de profondeur par rapport aux actualités nationales, les médias transnationaux jouent également leur partition en traitant des évènements nationaux qui peuvent avoir une teneur internationale et en abordant des sujets que les médias nationaux peuvent occulter. Guillaume Thibault l'exprime en ces termes : « Moi au Sénégal je vais traiter de gros sujets et d'autres sujets que je considère comme importants et qui ne vont pas être traités sur les médias locaux (...) je peux par exemple m'intéresser aux parcelles assainies, à un groupe qui fait de l'agriculture raisonnée depuis vingt ans...est ce que ça fonctionne ? Est-ce qu'elles sont indépendantes financièrement ?etc.» Cette logique de niche qu'embrasse un correspondant de RFI qui, en dehors des actualités « brulantes » adopte une posture originale pour pénétrer la société, fait de ce média une radio qui fonctionne autant par ses orientations globales que par son ancrage local. Il appert donc que RFI, au même titre que les médias nationaux, a un rôle déterminant dans les débats au sein de l'espace public Sénégalais, structurant l'opinion et de ce pas les représentations collectives. Dans les deux dernières variables de notre questionnaire, nous nous sommes intéressés à la réception du média transnational RFI sur l'actualité nationale ainsi qu'aux débats qui peuvent résulter de cette réception. Si l'opinion publique accorde une certaine importance et crédibilité à ces médias, il va de soi que ceux-ci pourraient influencer l'espace public et les représentations des enquêtés. Le cas contraire produisant l'effet contraire, une relation de causalité se construit. De ce point de vue, « l'espace public apparaît comme un lieu propice pour observer les tensions entre républicanisme et communautarisme, entre unité et diversité, entre intégration et exclusion. » selon Thomas Guignard (2007). Pour se faire, intéressons-nous d'abord à l'opinion publique qui est une constante des représentations collectives dans leur dimension politique.

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VI.2.1 L'opinion publique dans l'espace public

Historiquement et étymologiquement, l'opinion publique c'est la «doxa». Epistémologiquement, « l'opinion » s'oppose à la science et est cataloguée comme relevant du sens commun différent ou contraire à la rigueur des vérités scientifiques. D'ailleurs des philosophes comme Gaston Bachelard établissent que «l'opinion ne pense pas ». L'opinion est ainsi classée, avec la foule, comme déraisonnable. Pourtant, avec l'avènement de l'espace public dans le siècle des lumières les conceptions antérieures sur l'opinion publique fluctuent et se voient rénovées au fur et à mesure. Rémy Rieffel, dans sa pensée sur l'opinion publique au sein de l'espace public, procède à une différenciation de celle-ci par rapport à l'opinion populaire. « Elle [l'opinion publique] est stable et fondée sur la raison et en ce sens s'oppose à l'opinion populaire hétérogène et versatile. Elle s'incarne dans un espace autonome et ouvert, qu'on appellera ultérieurement espace public.»177 Cette différenciation des caractéristiques de l'opinion publique et de l'opinion populaire et la délimitation de la première dans les bornes de l'espace public ouvert et démocratique différente de celle Habermasienne, fait de l'opinion publique un élément incontournable dans les sociétés démocratiques. Elle devient ainsi l'alpha et l'oméga de la phonétique plébéienne moderne. A ce propos, Rémy Rieffel ajoute trois caractéristiques à la notion « d'opinion » pour préciser les paramètres le constituant :

- « Elle est d'abord le produit d'un auditoire particulier (un public tel que l'électorat) ;

- elle est ensuite une opinion partagée par un grand nombre d'individus, une opinion commune; - elle est enfin une opinion portée à la connaissance de tous et soumise au jugement de tous ; elle est rendue publique »178.

Ces caractéristiques annexées à l'opinion ont surtout pour but d'exclure les théories d'une opinion qui pourrait être secrète, gardée, intériorisée et non-exprimée. Les théories de la « spirale du silence » d'Elisabeth Noelle Neumann179, postulaient en effet l'existence d'une opinion chez une portion des populations qui préfère la taire face aux courants dominants. Il semble que cette acceptation de l'opinion soit inopérante dans l'analyse que nous comptons faire de l'opinion publique car c'est justement l'extériorisation de cette opinion à travers les médias et/ou les sondages, qui permettent de percevoir celle-ci. Nous pensons donc que la « spirale du silence » ne traduit pas une opinion publique active, exprimée et consacrée comme telle mais une opinion passive et enfouie chez les personnes. Il ne s'agit pas là une opinion publique, qui se veut collective, publique donc touchant aux représentations collectives.

177 Rémy Rieffel, Que sont les médias ? Pratiques, identités, influence, op.cit. p.237.

178 Rémy Rieffel, Sociologie des médias, op.cit. p. 41.

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179 Elisabeth Noelle-Neumann, The spiral of silence: Public opinion, our social skin. 1993.

180 Georges Burdeau, « L'opinion publique », Encyclopédie Universalis, Tome V, Paris, 2000, p. 356.

181 Dominique Wolton. La communication politique: construction d'un modèle. Hermès, La Revue, 1989, p. 27-42.

182 Peter Dahlgren, « L'espace public et l'internet : structure, espace et communication », op.cit., p. 159.

183 Thomas Guignard. Le Sénégal, les Sénégalais et Internet: médias et identité. PhD Université Charles de Gaulle Lille, 2007, vol. 3. p.92

184 Rieffel Rémy, Que sont les médias ? Pratiques, identités, influence, op.cit., p. 206

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Georges Burdeau, grand penseur du droit public définissait d'ailleurs l'opinion publique comme « une force sociale résultant de la similitude de jugements portés sur certains sujets par une pluralité d'individus et qui s'extériorise dans la mesure où elle prend conscience d'elle-même»180. Cette définition est assez édifiante et épouse parfaitement celle d'une opinion publique qui s'exprime au sein de l'espace par l'entremise symbolique des médias. Si Dominique Wolton, dans sa définition assez restrictive et réductrice de la communication politique181 identifiait les hommes politiques, les médias (journalistes) et les sondages comme acteurs de l'arène politique, il est clair pour nous que non seulement plusieurs autres acteurs interviennent dans cette arène mais aussi que les sondages d'opinion ne sont pas partout importants. Il appert que notre cadre local d'analyse n'intègre pas les sondages dans son espace public. Les médias sont quant à eux incontournables. « Rendant visible le politique (et la société), diffusant des informations et des analyses, proposant des forums de débats, les médias alimentent la culture civique commune et participent incontestablement de l'espace public » nous dit Peter Dahlgren182.

Les médias apparaissent ainsi simultanément comme « des lieux d'expression de l'opinion publique et donc des lieux d'identification collective tout en influençant la construction identitaire des individus. »183. La construction des représentations collectives s'effectue donc nécessairement à travers l'opinion publique. Les représentations collectives pourraient donc être formées par, et s'exprimer par les médias. La formation de l'opinion publique doit passer, s'il l'on en croit Rémy Rieffel, par quatre phases que sont : « l'exposition aux médias, la discussion autour des messages reçus, la formation des opinions en public et la participation à la délibération politique.»184. Cette opinion publique se trouve donc, d'une manière ou d'une autre, liée aux médias qui, du seul fait qu'ils informent, sont des agents déterminants dans la perception des évènements. Ainsi Rieffel parle de trois dimensions de l'influence des médias. Ces trois dimensions sont les suivantes :

- Favoriser l'agenda de nos priorités (fonction d'agenda) ,
·

- Orienter certaines de nos perceptions (effet de cadrage) ,
·

- Changer nos préférences politiques (effet d'amorçage).

Justement, les priorités, les perceptions et les préférences font référence aux représentations. Même si elles peuvent se trouver mouvantes, les représentations collectives que nous étudions

sont imbriquées aux médias. Aussi nous avons cherché à savoir dans quelle mesure les médias transnationaux comme RFI peuvent jouer un rôle dans la formation de l'opinion publique sénégalaise et par conséquent des représentations politiques des citoyens ? Pour le savoir, intéressons-nous d'abord aux variables de nos données empiriques relatives à l'opinion publique.

VI.2.2 RFI et opinion publique nationale

« Les publics sont d'abord et avant tout des acteurs sociaux munis de mémoire et de capacités critiques auxquels il faut accorder la liberté de choix, et non des récepteurs passifs dans un système qui s'imposerait à eux. »185 nous dit Eric Maigret (2003, p.15). Tout au long de ce travail, nous nous rendons compte que les récepteurs de ces médias transnationaux sont des publics. Si ces publics peuvent préférer ou non les médias nationaux sur des questions d'actualité nationale, il est toujours clair qu'ils ont une liberté de choix. Il est donc nécessaire de s'intéresser à leur réception des médias transnationaux sur des problématiques locales. Les liens entre les médias transnationaux et l'opinion publique nationale sont importants à étudier pour percevoir les relations qui existent entre leurs informations sur l'actualité nationale et les représentations qui se forment. Pour cela, nous avons posé la question suivante : Ecoutez-vous prioritairement RFI Afrique sur des questions d'actualité nationale ?

Sur 100 réponses, 27 répondants coché sur le « Oui », 32 disent « Non » et 41 disent l'écouter « dès fois » sur des questions d'actualité nationale.

40

50

30

20

10

0

OUI NON DÈS FOIS

RFI et actualité nationale

RFI et actualité nationale

RFI et

actualité

nationale

Histogramme de représentation de l'écoute de RFI sur l'actualité nationale

185Eric Maigret, Sociologie de la communication et des médias, op.cit., 2003, p. 15.

107

Sur les 100 répondants à la question sur l'écoute de RFI sur l'actualité nationale, 75 se sont justifiés en donnant les raisons de leur choix.

D'abord nous avons les répondants du « Oui » et des « Dès fois » qui développent trois arguments principaux qui les poussent à écouter RFI sur des questions d'actualité nationale. Dans un premier temps la plupart des répondants affirment que nos dirigeants et hommes politiques y font leurs déclarations importantes, s'expriment sur les ondes de RFI notamment en période de crise. Pour ces répondants, il est donc plus bénéfique d'écouter directement RFI puisque les déclarations des politiques se font là-bas. La deuxième explication fournie par ces répondants est le fait de leur « neutralité », « distanciation », « précision » et « crédibilité » par rapport aux informations concernant le pays. La troisième forme d'explication rejoint le fait de connaitre le point de vue étranger, l'angle d'analyse d'un média extérieur mais aussi de recouper les informations. Le constat principal étant que les autorités font leurs grandes déclarations sur RFI et que RFI devient une radio très écoutée en période de crise et/ou d'effervescence politique au plan national.

Nous avons ensuite les répondants du « Non » qui disent presque tous que les médias nationaux sont « les mieux indiqués » pour traiter l'actualité nationale. En outre, ils mettent en avant le caractère local et de proximité des médias nationaux. Nous pouvons donc dire qu'une majorité des répondants suit RFI sur des questions d'actualité nationale mais la plus grande partie (répondants «dès fois ») la suivent ponctuellement. Nous faisons le constat suivant la majorité des publics ne suit RFI que sur des questions qui concernent l'actualité nationale que lorsque les hommes politiques y font des déclarations ou y tiennent des interviews dans des situations de crise.

C'est donc dire que le capital de confiance et de crédibilité dont dispose RFI en tant que média transnational fait qu'elle devient très écoutée lorsque l'espace public national est agité sur le plan politique.

En plus de la variable sur l'écoute de RFI concernant l'actualité nationale, nous avons cherché à savoir si l'écoute de RFI suscite des débats entre étudiants. La question suivante leur a été posée en ce sens : « Les émissions de la RFI suscitent-elles des débats entre étudiants ? ». Pour cette question, 75 répondants déclarent que des débats naissent à partir des émissions de RFI et 25 affirment ne pas en débattre. Cette majorité de réponses pour le « Oui » montre à suffisance que RFI a bien un rôle dans la construction des représentations collectives puisque celles-ci naissent des débats et des échanges. De là, nait aussi une opinion publique nationale. Les

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répondants ont, en outre, indiqué plusieurs thèmes qu'ils abordent en débat à la suite de leur écoute de ces émissions.

Soixante-huit (68) répondants ont parlé des domaines sur lesquels ils débattent après leur écoute des programmes de RFI. Parmi ces répondants, 47 répondants s'intéressent au domaine « politique » avec des variantes comme les « conflits », la « géopolitique internationale », les questions « nationales », « sous régionales », la « sécurité », les « guerres », les « relations internationales ». Ces variantes qui accompagnent le terme « politique » dans les réponses données par nos enquêtés renseignent sur le fait que les questions sous régionales et internationales sont aussi débattues.

Smartart de représentations des questions politiques débattues par les publics de la RFI
(réponses en annexes)

Après la « politique », le domaine le plus évoqué est le « sport » (11 citations) sans doute parce que les émissions de sport sont elles-mêmes des débats mais aussi parce que les jeunes sont passionnés de sport. Ensuite, viennent respectivement l'« économie » (8 citations), « l'éducation », « la formation », « l'enseignement supérieur » (7 citations) et la « santé » (6 citations). La « culture », les questions relatives à « l'immigration », « le traitement de l'information par la RFI » entres autres font aussi l'objet de débats mais ont été rarement cités.

Le postulat selon lequel les questions d'ordre politique, qu'elles soient d'une dimension internationale ou nationale sont débattues par la majorité des personnes qui discutent suite aux informations fournies ou émissions de RFI est donc vérifié. Ce constat nous pousse à penser effectivement que les représentations politiques peuvent être construites à partir des flux

109

110

informationnels diffusés par RFI. Rémy Rieffel nous dit à ce propos que l': «interaction continuelle entre différents éléments participe à la construction des opinions politiques des individus. Ce sont des expériences personnelles, les solidarités ressenties dans la vie quotidienne, le flux d'informations contradictoires qui sont à la source des identités politiques.»186 (Rieffel, 2005, p.211). Les représentations politiques naissent en effet, non pas d'opinions homogènes et partagés mais d'une certaine conception des affaires politiques et de la participation citoyenne. Ici, les représentations regroupent les modes d'expression, d'action collective ainsi que le niveau de conscience démocratique. Cette dernière implique d'être informé sur l'actualité nationale. Si beaucoup de citoyens s'informent aussi via un média transnational comme RFI, il est clair que celui-ci, est à la fois vecteur d'informations et traduction d'une vision du monde. C'est une vision d'un monde libre, ouvert, avec des valeurs démocratiques et républicaines promues et que les auditeurs intériorisent au fur et à mesure. L'espace public Sénégalais est fait de débats entre citoyens, dans les places publiques, dans les chambres d'étudiants, via les médias lesquels deviennent les cadres symboliques de son expression. Dans une perspective plus élargie, cet espace public est même transposé sur les ondes de RFI à travers des émissions comme « Appels sur l'actualité » qui peuvent porter sur des thématiques de politique nationale.

L'espace public national est configuré suivant plusieurs facteurs. Un média transnational comme RFI y joue un rôle important puisqu'il est consulté quand ça devient vraiment important. RFI est très écouté dans les périodes de crise. Ceci est en effet grandement dû au fait que les hommes politiques préfèrent s'y exprimer. Rappelons également que près de quatre cadres et dirigeants sur cinq (79%) écoutent la RFI187. S'agit-il d'une manie délurée des politiques pour atteindre un plus grand public et donner une plus grande portée à leurs affirmations ? S'agit-il d'un complexe ou encore est-ce la résultante d'un manque de professionnalisme d'une partie de la presse locale souvent dénoncée ? Le constat est que les médias transnationaux restent toujours privilégiés de ce point de vue même si la presse nationale gagne de plus en plus de terrain. Il est clair donc que ces médias transnationaux pénètrent et participent à la construction des représentations. Les représentations collectives des Sénégalais se construisent concomitamment à partir de plusieurs facteurs qui peuvent être médiatiques et dont les médias transnationaux sont partie intégrante.

186 Rémy Rieffel, Que sont les médias ? Pratiques, identités, influence, op.cit., p.211 187Kantar TNS-Africascope 2016

Tout au long de cette partie, nous avons examiné à la loupe les incidences des flux médiatiques transnationaux sur les publics. Il en est ressorti que la réalité n'est plus à l'impérialisme culturel, la réalité d'aujourd'hui nous dicte un mélange, une fugacité et une multiplicité des représentations culturelles qui, gardent leur ancrage local malgré l'exposition des étudiants aux médias transnationaux. Les représentations collectives elles, analysées sous l'angle politique, nous mènent à un caractère transnational ponctuel de l'espace public et des publics dans les situations d'évènements ou de crises à dimension sous régionale, régionale ou même mondiale. Des espaces publics géoculturels, pour ainsi dire, se créent et s'effritent lorsque des questions cruciales d'ordres sécuritaires, sanitaires, économiques et politiques surviennent et concernent un ou plusieurs pays. Dans une autre perspective, nous nous rendons compte que circonscrits sur le plan national, les publics aussi actifs soient-ils, sont quelque peu orientés par les médias transnationaux lesquels sont privilégiés par les hommes politiques nationaux lorsqu'il s'agit de faire des déclarations sur la situation nationale. Cependant, cette démarche, ne relève pas de l'endoctrinement mais de la prise en conscience de certains enjeux et de certaines informations concernant les faits politiques. Avoir une meilleure appréhension des informations avec une vision civilisationnelle de démocratie athénienne promue par les occidentaux, la France ici en particulier, concoure à la construction de représentations politiques à partir de cette vision du monde. L'exemple de la promotion et de la focale mise par RFI sur des mouvements sociaux tels que « Y'en a marre » illustre cet état de fait. In fine, nous retenons les représentations peuvent se trouver déterritorialisés, régionalisés voire internationalisés.

111

112

Conclusion générale

Au terme de ce travail de recherche qui a porté sur la réception des médias transnationaux chez les étudiants sénégalais et ayant également pour projet de voir si les représentations culturelles et politiques de ces étudiants étaient impactées par RFI, nous avons repéré des éléments de réponse à notre problématique. Cette dernière, donnant naissance à trois hypothèses qui ont rythmé les parties de notre mémoire, conduit aux conclusions suivantes :

Dans un premier temps, nous nous sommes intéressé, à travers une démarche diachronique-analytique, aux mutations du numérique, de l'environnement médiatique national ainsi qu'à l'adaptation de RFI à ces mutations. Nous sommes arrivés au constat que RFI est devenue une webradio 2.0 ou radio 2.0. « Il s'agit d'une radio interactive qui se caractérise par le partage (grâce aux blogs, aux réseaux sociaux...) et par la participation de ses utilisateurs. Elle est multimédia et riche de contenus et services plus ou moins diversifiés, offrant de nouveaux `'cadres de fonctionnement» (dimension technique) et `'cadres d'usages» (dimension sociale) (Flichy, 1995, p. 151-155) »188 (Smathi et Ricaud, 2015, p.35). Ce constat est le fruit d'efforts consentis par ce média de plus en plus présent et accessible via les plateformes numériques. En même temps, la croissance et l'effervescence d'une sphère médiatique nationale a profondément modifié les rapports des récepteurs aux médias. Cependant, même ballotée par des médias nationaux qui sont caractérisés par leur proximité, RFI reste un média très suivie. Elle reste d'ailleurs, de loin, le média transnational le plus suivi et la radio la plus écoutée en période de crise. La RFI s'est donc bel et bien adaptée aux mutations du cadre national et aux évolutions technologiques.

Notre deuxième hypothèse postulait dans le prolongement de la première que la réception du média transnational RFI n'était plus hégémonique chez les étudiants comme c'était le cas dans les années 1990 mais négociée. A l'examen de toutes les variables des données empiriques consultées, il s'est trouvé que cette hypothèse est confirmée. Cette réception est non seulement négociée mais détournée. Des pratiques de braconnage peuvent être perçues même s'il s'agit ici de l'information. La majorité des étudiants ont un usage utilitaire de ce média et ne sont plus liés par des représentations affectives vis-à-vis de RFI comme c'était le cas dans les années 1990. Aujourd'hui, les audiences relevant de l'audimétrie sont devenues plus actives, complexes et connectés. A cet effet, C'est à travers le renforcement de ces interactions entre le web et la radio que se redessine le lien avec les publics, dont les potentiels d'accès à

188 Nozha Smati et Pascal Ricaud, « Les nouveaux modes de relation des journalistes à leurs publics. Les usages numériques chez les journalistes de RFI » RFSIC, 2015, p.35

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l'information, d'appropriation et de contribution à la production de contenus n'ont jamais été aussi importants. »189 (Smathi et Ricaud, 2015 p.55). Ces possibilités augmentées des publics, font qu'ils recoupent, l'information, utilisent chaque information par rapport à un besoin spécifique et font primer leurs intérêts dans le décodage qu'ils font de l'information provenant de RFI que ce soit sur les ondes ou en ligne. Nous en sommes donc arrivés à établir que la réception qui est faite du média transnational RFI au Sénégal est négociée. En outre, une stratégie de l'exploitation (Ravault, 1996) est utilisée par les récepteurs actifs pour filtrer l'information et s'en servir à des fins d'augmentation de leur culture générale. Cette information est d'ailleurs souvent recoupée via d'autres canaux par ces récepteurs.

Dans notre dernière partie, nous avons tenté de mettre en rapport les éléments relatifs à la réception et aux représentations pouvant en résulter. Nous faisions l'hypothèse que les médias transnationaux, influenceraient les représentations individuelles sur le plan culturel et collectives sur le plan politique. Tout au cours de notre travail d'analyse, nous nous sommes rendu compte de la complexité des représentations individuelles. Si « l'histoire internationale peut donc assez naturellement se trouver portée vers une problématique du colonialisme culturel»190 (Bourdon, 2008, p.166), celle-ci devient inopérante dans notre cadre. Il faudrait donc parler de l'information donnée par les médias transnationaux comme composante de l'ensemble des éléments qui se rencontrent chez l'individu qui, négocie, mélange et s'hybride et opère une interculturalité via ces médias. A ce niveau, les représentations culturelles sont modifiées par d'autres facteurs externes aux médias transnationaux. RFI informe sur l' « autre » mais n'influence pas nécessairement la perception que l'on avait de lui. Ce constat corrobore l'existence de dynamiques d'interculturalités et en lieu et place de transculturalités.

Au plan collectif et politique, le passage obligé par le pont de « l'espace public » et sur le check point de l' « opinion publique » nous a permis de nous rendre compte de l'existence transnationale de représentations politiques, lesquelles, elles aussi, se font et se défont en fonction des évènements. En outre, au plan national, aussi bien l'information médiatique que la communication interpersonnelle participent à la formation de ces représentations politiques. Dans l'espace public national, interviennent les médias transnationaux encore préférés par une grande partie des élites dirigeantes, qui les représentent sans doute comme meilleurs canaux d'information et de communication.

189 Nozha Smati et Pascal Ricaud, op.cit. 2015, p.55

190 Jérôme Bourdon, « Comment écrire une histoire transnationale des médias ? L'exemple de la télévision en Europe », Le Temps des médias 2008/2 (n° 11), p. 164-181. p.166

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Notre troisième hypothèse se voit donc partiellement confirmée. Concernant les représentations culturelles, elles se construisent indépendamment des médias transnationaux même si ceux-ci peuvent être des cadres de dialogue. Les interculturalités ne dépendant pas des médias transnationaux mais s'y expriment. Quant aux représentations politiques, du fait des débats qui se créent par et à travers RFI, de la formation d'espaces publics transnationales ponctuels et de la préférence affichée par les élites politiques nationales pour les médias transnationaux, elles se construisent à l'aide des médias transnationaux.

En résumé, nous disons que le centre n'alimente plus entièrement la périphérie. Celle-ci s'alimente et tend à se développer en dehors de ses bornes nationales. Nous pensons, à la suite de Sonia Livingstone, que : « participant à une large évolution historique concernée par la mondialisation et la régionalisation, les organisations médiatiques et communicationnelles, ainsi que les produits, publics et politiques qui s'y rattachent, doivent de plus en plus être saisis dans leur dimension internationale, voire transnationale »191(Livingstone, 2003, p.32), nous relativisons aussi en jetant comme perspective l'étude des médias au niveau sous régional et régional. De plus en plus, en Afrique, des médias à envergure sous régionale fleurissent en ayant l'ambition de toucher de larges publics. Cette thématique reste encore peu étudiée en Afrique où les flux médiatiques transnationales, même quand elles sont sous régionales, connaissent un grand vide du point de vue de la recherche en Sciences de l'Information et de la Communication. En outre, notre exercice de réflexion sur les représentations en rapport avec les médias, nous a interpellés sur les liens entre médias transnationaux et mouvements sociaux. Il y'a là « la nécessité d'investir des terrains de recherche encore insuffisamment explorés : effets de la dépendance accrue des mouvements sociaux envers des médias extérieurs ; évaluation fine et différenciée des contenus et réceptions de modes de couverture qui peuvent aller de la stigmatisation à une vision «compréhensive » et bienveillante. »192 nous dit Erik Neveu (1999).

Du reste, une problématique majeure de communication publique et politique est l'expression de nos hommes politiques qui préfèrent discourir via les médias transnationaux. Des études plus approfondies et une analyse mieux détaillée à cet effet nous permettrait d'en cerner les implications.

Dans une autre perspective, nous avons pu constater que les études menées sur la réception des médias transnationales ne font pas souvent la différence entre les types de média et les types de réception selon les thématiques ou contenus. Fait-on la même réception de la radio et de la

191 Sonia, Livingstone. « Les enjeux de la recherche comparative internationale sur les médias », 2003, mis en, consulté le 16 février 2016. p.32

192 Erik Neveu, Médias, mouvements sociaux, espaces publics., 1999. Médias et mouvements sociaux. pp. 17-85

télévision transnationale ? Reçoit-on de la même manière des télénovelas et une émission de géopolitique ? Ces questions méritent d'être visitées et approfondies dans d'autres recherches. En outre, nous pensons que les tendances qui sont ressortis dans une enquête pour 100 étudiants mériteraient-ils d'être élargies à d'autres parties de la population, à une échelle plus large. Dans une optique voisine, pourrait-on envisager une étude comparative des médias transnationaux anglophones et francophones puisqu'au regard des résultats, la BBC est aussi très écoutée ? L'étude de l'agenda-building et du rôle des médias transnationaux dans la communication et le marketing territorial d'un pays comme le Sénégal reste elle aussi vierge et inexplorée.

Entre autres questions qui dressent des perspectives d'approfondissement et de recherche concernant les médias transnationaux et qui mériteraient d'être explorées.

Au final, l'étude des médias transnationaux et de leur réception que nous avons entreprise aura répondu à des questions mais ouvre aussi des perspectives dans des sous-domaines des SIC tels que la communication internationale et interculturelle, la communication politique et publique, la communication territoriale ou encore les théories de l'espace public qui, elles, sont en perpétuel renouvellement. Comme tout travail scientifique, nous avons voulu apporter des réponses à des questions qui, elles aussi, appellent à d'autres questionnements pour l'enrichissement de notre champ de recherche.

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ARTICLE sur la radiodiffusion consulté la 05/10/2016 https://fr.wikipedia.org/wiki/Radiodiffusion

ARTICLE intitulé suppression des ondes moyennes en région parisienne, publié le 05/03/2009 Dernière mise à jour le 06/03/2009 à 13:45 TU, consulté le 10/11/2016- http://www1.rfi.fr/radiofr/articles/111/article_78961.asp ASSEMBLEE GENERALE DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES, aux termes de sa Résolution 56/183 (21 décembre 2001), a approuvé la tenue du Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) en deux phases, dont la première a eu lieu à Genève (Suisse), du 10 au 12 décembre 2003 et la seconde à Tunis (Tunisie) du 16 au 18 novembre 2005. http://www.itu.int/net/wsis/basic/about-fr.html

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Ajustement_structurel: Un programme d'ajustement structurel (terme dérivé de l'anglais structural adjustment) est un programme de réformes économiques que le Fonds monétaire international(FMI) ou la Banque mondiale mettent en place pour permettre aux pays touchés par de grandes difficultés économiques de sortir de leur crise économique.

Il s'agit d'un ensemble de dispositions dont certaines agissent sur la conjoncture et d'autres sur les structures et qui résultent d'une négociation entre un pays endetté et le Fonds monétaire international (FMI) pour modifier le fonctionnement économique du pays (le FMI conditionnant son aide à la mise en place de réformes qu'il considère pérennes).Ces plans d'ajustements structurels sous forme de politiques d'austérité ont conduit à une grande privatisation de l'économie Sénégalaise ainsi qu'à terme, la dévaluation du Franc CFA de 50% le 11 Janvier 1994

http://www.unesco.org/new/fr/communication-and-information/intergovernmental-programmes/ipdc/about-

ipdc/: Programme International pour le Développement de la Communication. « Le PIDC est le seul forum multilatéral du système des Nations unies ayant pour objectif de mobiliser la communauté internationale pour débattre et assurer le progrès des médias dans les pays en développement. Non seulement ce Programme apporte une assistance aux projets relatifs aux médias, mais il vise également à établir les conditions favorables à l'essor de médias libres et pluralistes dans les pays en développement. »

http://www.memoireonline.com/07/06/187/m communication-medias-reseaux2.html « Lazarfeld nous dit que l'individu possède des outils de référence et des filtres, et utilise trois niveaux de sélectivité : 1. l'exposition sélective, l'attention portée à tel ou tel message dépend de la relation personnelle que l'individu entretient avec cette information; 2. la perception sélective; 3. la mémorisation sélective, en fonction du cadre de pensée, des préférences culturelles et de la vision du monde de l'individu concerné, nous ne nous souvenons que de manière imparfaite de la partie des messages que nous avons perçue. » Par Marie-Josèphe Couturas, Université Paris 1 Sorbonne-DEA Sciences Politiques, 2000 Communication via les medias à base de réseaux

https://fr.wikipedia.org/wiki/Samir_Amin Penseur, Economiste, Théoricien de l'économie politique du développement. Sa théorie majeure est celle du développement inégal différenciant les centres du capitalisme où l'appareil de production s'est développé et où le prolétariat peut accéder au statut de classe moyenne consommatrice et leurs périphéries, où sont produits ou extraites les matières premières transformées et valorisées dans les centres et où le prolétariat ne peut accéder à l'autonomie matérielle.

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INTERNET WORLD STATS, 30 juin 2016 vu sur osiris.sn

KANTAR TNS-AFRICASCOPE 2016 - enquêtes en face à face réalisées sur des périodes de 3 mois (d'avril à juin 2016) dans des capitales de 7 pays d'Afrique subsaharienne au Burkina Faso (Ouagadougou), au Cameroun (Douala et Yaoundé), en Côte d'Ivoire (Abidjan), au Gabon (Libreville), au Mali (Bamako), en RDC (Kinshasa) et au Sénégal (Dakar). Echantillons représentatifs de la population âgée de 15 ans et plus (méthode des quotas) NOELLE-NEUMANN, Elisabeth The spiral of silence: Public opinion, our social skin. 1993.

N° 102 SÉNAT, SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010, TOME VIII MÉDIAS (Action audiovisuelle extérieure), Par M. Joseph KERGUERIS, (Sénateur) Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2009, p.22

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124

ANNEXES :

Annexe 1 : Prénom (s) :

Nom :

Profession/poste :

- Perception de la présence des medias transnationaux au Sénégal

Quelle perception avez-vous de la présence des medias transnationaux au Sénégal ? Que représentent ces medias pour vous ?

- Agenda médiatique des medias transnationaux

Comment trouvez-vous l'Agenda médiatique de ces medias transnationaux ? - Effets des medias transnationaux chez les jeunes Sénégalais

Pour vous, quels effets ont les medias transnationaux dans les pays du Sud ? Quel effet à RFI chez les étudiants Sénégalais ?

- Réception des medias transnationaux par les étudiants Sénégalais

Quelle réception en fait les jeunes étudiants Sénégalais aujourd'hui ? Cette réception est-elle différente de celle qui en était faite dans le passé (années 1990) ?

- Numérique et réception des medias transnationaux

Nous avons constaté un changement par rapport au dispositif de réception de ces medias...Aujourd'hui, notre cible qui est jeune écoute la radio plutôt à partir des téléphones portables ou par application via les smartphones...pour vous quel changement est apporté par ces nouveaux dispositifs par rapport au transistor ?

- Medias transnationaux et représentations

Dans quelle mesure ces medias impactent la construction de l'identité de l'étudiant Sénégalais ? Quel rôle jouent-ils dans le façonnement de l'identité collective Sénégalais ?

- Medias transnationaux et structuration de l'espace public

Quel rôle joue RFI dans la structuration de l'espace public au Sénégal ?

125

Annexe 2 : Prénom (s) :

Noms :

Niveau d'étude :

Sexe :

Parcours :

Université :

Région d'origine :

- Medias transnationaux

Quels sont les medias transnationaux que vous connaissez ?

Quel type de media transnational suivez-vous ? (radio, TV, Presse écrite)

Les écoutez ou les suivez-vous par exposition ou volontairement ?

Quelles sont les raisons qui vous poussent à suivre ces medias transnationaux ?

Quel(les) radio(s) transnationale (s) suivez-vous ?

A quelle fin écoutez-vous RFI ? (information-culture générale-divertissement)

- Temporalité de réception

A quelle intensité écoutez-vous Radio France Internationale (Tout le temps-de temps en temps-Rarement)?

A quel moment exactement ? (matinée, journée, soirée)

Quelles sont les intervalles d'heure auxquelles vous les écoutez ? (matinée :6h-8h, 8h-10h, 10h-12h ; journée :12h-14h, 14h-16h, 16h-18h ; soirée :18h-20h, 20h-22h, 22h-00h)

Quel est votre temps moyen d'écoute continue? (0-10 minutes, 10-30 minutes, 30mn-1h, 1h et plus)

- Eléments de suivi

Quelle (s) émission (s) suivez-vous prioritairement sur RFI ? Comment suivez-vous ces émissions ? (direct-podcast)

126

- Dispositif de réception

Sur quel appareil écoutez-vous RFI ? (transistor-téléphone portable (simple)-Smartphone-via Internet)

Via Internet, par quel biais recevez-vous les informations de RFI ? (Site, portail Web de RFI-application-réseaux sociaux)

Si c'est par les réseaux sociaux dites lequel ? (Facebook-Twitter-Google+- Autres...précisez) - Réception de l'information internationale

Quel est votre point de vue sur le traitement de l'information internationale par RFI ? Diversifiez-vous vos sources d'information internationale à part RFI ?

Quels sont vos sources alternatives ? (Autres medias-recherches perso-blogs)

- Medias transnationaux et identité

RFI, à travers ses programmes, connaissances ou informations fournies, vous sert-il dans la construction de vos conceptions politiques ?

RFI, à travers ses programmes, connaissances ou informations fournies, vous sert-il dans la construction de votre identité culturelle ? De la manière dont vous percevez l'autre ?

RFI, à travers ses programmes, connaissances ou informations fournies, vous sert-il dans la construction de vos convictions religieuses ?

- RFI et opinion publique nationale

Ecoutez-vous prioritairement RFI sur des questions d'actualité nationale ? Débattez-vous entre étudiants à partir des émissions ou éditions d'RFI ? Sur quel domaine prioritairement ?

127

Annexe 3 :

128

Annexe 4 :

Type de média

Média

Pays d'origine

Fréquence

Radio

BBC

Grande-Bretagne

46,8%

Radio

RFI

France

100%

Radio

Radio Chine International

Chine

3,7%

Radio

Voice of Africa

USA-Africa

3,7%

Télévision

France 24

France

59,5%

Télévision

Canal+

France

25,3%

Télévision

CCTV

Chine

1,2%

Télévision

TV5

France

21,5%

Télévision

Euronews

Europe

6,3%

Télévision

CNN

USA

15,1%

Télévision

Al Jazeera

Qatar

8,8%

Télévision

beIN Sport

Qatar

6,3%

Télévision

MTV

USA

3,7%

Télévision

Trace

USA

5%

Télévision

Syfy

USA

1,2%

Télévision

Africa 24

Afrique

3,7%

Télévision

National geographic

USA

1,2%

Télévision

BFM TV

France

3,7%

Télévision

TF1

France

7,5

Télévision

I 24

Israel

3,7%

Télévision

Fox news

USA

1,2%

Télévision

Africable

Mali-Afrique

1,2%

Télévision

Arte

France

1,2%

Télévision

Nollywood

France-siège social

Londres

1,2%

Presse

Huffington Post

USA

1,2%

Presse

Le monde

France

6,3%

Presse

Le monde diplomatique

France

3,7%

Presse

Le Figaro

France

1,2%

Presse

The guardian

Grande Bretagne

1,2%

Presse

Jeune Afrique

Afrique

3,7%

Presse

L'Observateur

France

1,2%

129

Annexe 5 :

130

Annexe 6 :

131

Annexe 7

René Massiga DIOUF :

Le journaliste René Massiga Diouf, agent de la Rts depuis 2007, auteur d'un ouvrage de 127 pages sur la diplomatie sénégalaise titré : «la diplomatie sénégalaise, de Senghor à nos jours : entre rationalité et errance». Il est Docteur en Science politique

Hawa BA :

Hawa Ba dirige le programme Sénégal d'OSIWA depuis 2009. Avant OSIWA, elle a dirigé le programme Religion et Pluralisme en Afrique de la fondation TrustAfrica. Elle a fait une formation en journalisme et en sociologie.

http://www.osiwa.org/fr/osiwa member/awa-ba/ Olivier SAGNA :

Professeur titulaire à l'Ecole des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (Ebad) de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Olivier Sagna est très connu dans l'espace technologique sénégalais. Directeur des études et de la coopération au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche sénégalais.

Mamadou NDIAYE :

Spécialiste en usage des Tic et multimédia et enseignant au Cesti Saliou TRAORE :

Correspondant et représentant de l'agence Espagnole EFE en Afrique de l'Ouest et président de l'APES

Tidiane KASSE :

Journaliste Editeur, consultant media et com, formateur en journalisme-CESTI Godlove JONATHAN :

Journaliste à BBC Afrique

Libasse HANE :

Chargé des projets Gouvernance à l'Institut PANOS Afrique de l'Ouest

Ibrahima Lissa FAYE :

Journaliste, directeur de media d'information en ligne Press afrik

Guillaume THIBAULT

Journaliste, Envoyé spécial permanent de la RFI au Sénégal

132

Table des matières

Résumé : 1

Declaration anti-plagiat 2

Remerciements : 3

Sigles et abréviations 4

Sommaire 5

Introduction : 6

Partie I : Evolution du média transnational RFI et du cadre local de réception 20

Chapitre I : De l'internationalisation des médias à RFI Afrique 22

I.1 De la transnationalisation au NOMIC 23

Chapitre 2 : Adaptation de RFI au numérique et mutation de la sphère médiatique nationale 34

II.1 Adaptation de RFI au numérique 35

II.2 Evolution de la sphère médiatique sénégalaise 39

Partie II : Les médias internationaux : d'une réception hégémonique à une réception négociée 46

Chapitre 3 : Une réception hégémonique des médias transnationaux dans les années 1990 48

III.1 La réception : repères conceptuels et contextuels : 49

III.2 Les publics des médias transnationaux en questions : 54

Chapitre 4 : Une réception de plus en plus « négociée » 60

IV.1 Le temps, les dispositifs et les thématiques dans la réception de la RFI par les étudiants

sénégalais : 61

IV.2 Filtre ou sélection de l'information provenant de RFI Afrique 73

Partie III : Médias transnationaux : des interculturalités aux sphères publiques renouvelées 82

Chapitre V : De l'hégémonisme au relativisme culturel 85

V.1 Les représentations culturelles : entre « westernization » et interculturalité 86

V.2 Des « médiacultures » et des récepteurs en perpétuelle négociation 91

V.3 Publics de la RFI et représentation de l' « autre » 92

Chapitre VI: Espaces publics et représentations politiques : entre communautés imaginées et

opinion publique nationale 97

VI.1 RFI : Des publics nationaux aux communautés imaginées transnationales 98

VI.2 Information nationale politique traitée par RFI 104

Conclusion générale 112

Bibliographie et Webographie 116

ANNEXES : 125

133

Annexe 1 : 125

Annexe 2 : 126

Annexe 3 : 128

Annexe 4 : 129

Annexe 5 : 130

Annexe 6 : 131

Annexe 7: 132

134






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