Résumé:
L'objectif de ce mémoire est d'analyser la
réception qui est faite du média transnational RFI par les
étudiants sénégalais en interrogeant également les
représentations culturelles et politiques de ceux-ci. En se donnant pour
mission de comprendre les dynamiques de réception des médias
transnationaux en cours au Sénégal, il allie démarche
diachronique- historique, présentations de données empiriques et
confrontations de formulations théoriques relatives à la
réception des médias transnationaux mais aussi aux
représentations culturelles et politiques des étudiants pour
saisir ce phénomène à l'heure actuelle. Nous faisons
l'hypothèse que la réception qui faite de RFI par les
étudiants Sénégalais aujourd'hui est
négociée par rapport aux années 1990 où elle
était hégémonique. Ce travail s'inscrit totalement dans
les Sciences de l'Information et de la Communication (SIC) dans la mesure
où il questionne la réception et les médias transnationaux
qui sont partie intégrante de notre discipline.
Mots clés : Médias transnationaux,
réception, représentations
Abstract:
The objectif of this proposal is to analyse the reception made
by senegalese students from transnational media: the case of RFI (France
International Radio). It aims also to question cultural and political
representations behind this information.
The expectation of this thesis is to understand the dynamics
of reception of the transnational media in Senegal. It will combine both
diachronic-historical approach, presentations of empirical data and
confrontations of theoretical formulations. The study concerning the reception
of transnational media and the cultural and political representations of
students to grasp this phenomenon at the present time.
We are aware that the reception made of RFI by Senegalese
students today is negotiated compared to the 1990s when it was hegemonic. This
work falls completely within the information and communication sciences (CIS)
as it questions the reception and the transnational media that are an integral
part of our discipline.
Keywords : Transnational media, reception,
representations
1
Déclaration anti-plagiat :
2
Remerciements :
Je tiens tout d'abord à remercier mon encadreur de
mémoire Sokhna Fatou Seck SARR pour sa grande sollicitude, sa
disponibilité ainsi que pour les innombrables orientations et soutien
qu'elle m'a apporté tout au cours de ce travail.
Je tiens également à remercier tous les
enseignants-chercheurs de la section communication qui, tout au long de mon
cursus académique, m'ont accompagné.
Je remercie tous mes amis, frères et soeurs, qui, à
travers leur support, m'ont permis de mener à bien ce travail.
Je remercie enfin ma famille, mon père, ma mère et
mes frères
Je dédie ce mémoire à ma mère.
3
Sigles et abréviations
AEF : Audiovisuel extérieur de la
France
ARTP : Autorité de Régulation
des Télécommunication et Postes
BBC: British Broadcasting Corporation
CCCS: Center for Contemporary Cultural
Studies
CCTV: China Central Television
CNBC: Consumer News and Business Channel
CNN : Cable Network News
CNRA : Conseil national de Régulation de
l'Audiovisuel
ESPN: Entertainment Sport Programming Network
Incorporated
FAO : Organisation des Nations Unies pour
l'Agriculture et l'Alimentation
FMI: Fonds Monétaire international
MBC: Middle East Broadcasting Center,
MCD: Monte Carlo Doualiya
NOMIC: Nouvel Ordre Mondial de l'Information
et de la Communication
OPNI: Objets politiques
non-identifiés
OMC: Organisation mondiale du commerce
ORTF: Office de la Radiodiffusion
Télévision française
PIDC: Programme International pour le
Développement de la Communication
RTS : Radiotélévision
Sénégalaise
RFI : Radio France international
RSN : Réseaux
socionumériques
SIDA : Syndrome de l'immunodéficience
acquise
TF1 : Télévision France 1
TICs : Technologies de l'Information et de la
Communication
TV5 : Télévision des cinq
continents
MIT : Machassussets Institute of Techology
UPS : Union des Progressistes du
Sénégal
UNESCO : Organisation des Nations unies pour
l'éducation, la science et la culture
4
Sommaire
Sommaire
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5
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Introduction :
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6
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Problématique
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8
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Partie I : Evolution du média transnational RFI et du
cadre local de réception
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20
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Chapitre I : De l'internationalisation des médias à
RFI Afrique
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22
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Chapitre 2 : Adaptation de RFI au numérique et mutation de
la sphère médiatique nationale
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34
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Partie II : Les médias internationaux : d'une
réception hégémonique à une réception
négociée
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46
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Chapitre 3 : Une réception hégémonique des
médias transnationaux dans les années 1990
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.48
|
Chapitre 4 : Une réception de plus en plus «
négociée »
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60
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Partie III : Médias transnationaux : des
interculturalités aux sphères publiques renouvelées
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82
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Chapitre V : De l'hégémonisme au relativisme
culturel
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85
|
Chapitre VI: Espaces publics et représentations politiques
: entre communautés imaginées et opinion
publique nationale 97
Conclusion générale .112
5
6
Introduction :
Les médias font partie des objets et des enjeux de
recherches privilégiés des Sciences de l'Information et de la
Communication. En fonction de leur stratégie d'ouverture ou de
couverture, ils ne s'inscrivent pas seulement dans les frontières
nationales mais adoptent des stratégies d'extension et
d'internationalisation. C'est la presse écrite qui, en premier, va
devenir transnationale avec des groupes comme Associated Press, lequel
dès le XIXème siècle (en 1830), a déployé
des stratégies pour diffuser de l'information vers d'autres territoires
via des bateaux et navires intercontinentaux. Ensuite, la radio et la
télévision vont bénéficier au début du
XXème siècle, d'une capacité d'émission et de
couverture plus large, accélérant ainsi le processus
d'internationalisation de l'information avec comme facteur corrélatif le
développement des moyens de transport et des réseaux, expressions
d'une « hyperindustrialisation » (G. Tremblay, 2008, p.34). Ce
processus d'internationalisation va conduire à la naissance de plusieurs
médias transnationaux, lesquels vont diffuser l'information
internationale dans toutes les régions y compris en Afrique où
ils sont d'ailleurs relativement bien suivis. En effet, dans ce continent, la
colonisation a engendré un fort ancrage des médias occidentaux
laissant apparaitre un aménagement médiatico-linguistique
(Abolou, 2010) favorable. Piliers essentiels de médiation et
d'information en Afrique, les médias transnationaux sont relativement
bien présents dans les sphères anglophones et francophones des
pays anciennement colonisés. Ainsi, en 2016, selon le Global Audience
Measure (GAM), Cable News Network (CNN) est le média
transnational le plus suivi en Afrique anglophone (60%) devant la British
Broadcasting Corporation (BBC) (47%)1. La BBC,
enregistre par ailleurs, cent onze millions (111 000 000) de part d'audiences
hebdomadaires cumulées en Afrique (TV, radio, social media, plateformes
mobiles, etc.), soit 32% de ses 348 millions de son reach hebdomadaire
global2. Quant à l'Afrique Francophone, le groupe France
Médias Monde3, reste plébiscité par le
public selon les statistiques. En 2011, sur les 40.5 millions d'auditeurs
hebdomadaires estimés de la Radio France Internationale (RFI),
l'Afrique en détient 33,1 millions, dont 24,5 millions dans les pays
d'Afrique francophone4. Plus récemment, une étude
réalisée en 2016 par Kantar TNS5,
établit que plus d'un habitant sur deux (50,5%), et près de
quatre cadres et dirigeants sur cinq (79%) écoutent RFI chaque
semaine alors que la
1 Ipsos Affluent Survey Africa, 2016.
Etude menée au Cameroun, au Ghana, au
Kenya, au Maroc, au Nigeria,
en Afrique du Sud et en Ouganda.
2 Global Audience Measure, 2016 (GAM)
3 Groupe de médias publics Français
composé de la Radio France Internationale, de France 24
et de Monte Carlo Doualiya
4 TNS Sofrès, Médiamétrie,
Intermédia / 2011 - 15 ans et +.
5 Kantar TNS-Africascope 2016 - enquêtes en
face à face réalisées sur des périodes de 3 mois
(d'avril à juin 2016) dans des capitales de 7 pays d'Afrique
subsaharienne au Burkina Faso (Ouagadougou), au Cameroun (Douala et
Yaoundé), en Côte d'Ivoire (Abidjan), au Gabon (Libreville), au
Mali (Bamako), en RDC (Kinshasa) et au Sénégal (Dakar).
chaine de télévision d'information continue
France 24, enregistre une audience hebdomadaire moyenne de 46,4% sur
l'ensemble de la population étudiée. Une situation qui
témoigne de la prépondérance des médias
transnationaux occidentaux en Afrique, renouvelant ainsi le débat sur le
déséquilibre des flux d'information internationale. Evoqué
dans le rapport Mac Bride, l'inégalité des flux informationnels
à l'échelle internationale a longtemps animé les
débats au niveau des instances internationales, au sein des
universitaires et des professionnels des médias. Déjà dans
les années 1970 « les quatre grandes agences
occidentales-Associated Press et United Press International aux Etats-Unis,
Reuters au Royaume-Uni et l'agence France-Presse en France
»6 concentraient à elles seules 80% de
l'information internationale. Si l'on en croit Armand Matellart, les
médias transnationaux seraient donc des vecteurs de
hiérarchisation du monde (A. Mattelart, 1994)7. A
travers les notions de « centre/périphérie »,
l'auteur nous explique que ce clivage est révélateur des
déséquilibres notés notamment au niveau de la production
de l'information (A. Mattelart, 2007). Le centre étant le pôle
où se concentrent les richesses ; qui commande et
bénéficie du système monde (A.Mattelart, 2007),
envisagé ici comme un « système médiatique ». La
périphérie désignant le concert de pays moins riches,
moins avancés, moins émergents, qui subit ce «
système médiatique ». C'est dans cette perspective
d'ailleurs, que les débats sur les inégalités des flux
informationnels avaient été agités à l'UNESCO avec
le fameux Nouvel ordre mondial de l'information et de la Communication
(NOMIC)8. Le rapport piloté par Sean Mac Bride est
largement revenu sur les facteurs aggravants de ce déséquilibre
caractérisé par la conspiration du silence, l'information
tronquée et la propagande culturelle 9(F. Balle, 2013, p.658)
orchestrées par le centre.
Ces questions soulevées depuis près d'un
demi-siècle, restent encore au coeur des débats contemporains et
se trouvent même amplifiées avec l'avènement de l'Internet.
Aujourd'hui autant qu'hier, ces inégalités et
déséquilibres entre le centre et la périphérie
subsistent. Le clivage « inforiches »/«
infopauvres » 10 renforcé par le phénomène de la
« fracture numérique » impacte nécessairement,
à l'heure actuelle, les circonvolutions des flux d'informations, nous
dit en substance Olivier Sagna (Sagna, 2006). Dans un autre registre, Bertrand
Cabedoche constate que l'information, quand elle est internationale, provient
encore majoritairement des médias occidentaux, lesquels procèdent
à une « construction de l'étrangéité
»11 (Cabedoche,
6 Rapport MacBride, Voix multiples, un seul monde :
Communication et société aujourd'hui et demain, Edition
abrégée, Paris, UNESCO, 1986, p.123
7 Armand Mattelart., L'invention de la Communication,
1994, p.189
8, Armand Mattelart. Histoire de la société de
l'information. La découverte, 2010.
9, Francis Balle, Médias et sociétés, 2013,
p.658
10, Olivier Sagna. La lutte contre la fracture numérique
en Afrique: aller au-delà de l'accès aux infrastructures. 2006,
p. 15-24. 11 Bertrand Cabedoche. « La construction de
l'étrangéité, enjeu du projet de chaîne
française d'information internationale » 2004, p. 471
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11,
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7
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2007), c'est-à-dire une perception de l' «
étranger » à partir de leur lanterne d'émission.
Au-delà de ce déséquilibre notoire et persistant, les
médias transnationaux qui nous intéressent dans le cadre de cette
recherche, développent de plus en plus des stratégies d'extension
avec comme cible privilégiée l'Afrique. Un processus
d'internationalisation teinté voire dicté par diverses logiques
économiques, culturelles, politiques et technologiques que nous allons
tenter de saisir afin de mieux dégager la problématique.
Problématique
Au titre des logiques qui accompagnent ce processus
d'internationalisation, nous avons en premier lieu, la dimension politique.
Ainsi, si l'on en croit Tristan Mattelart, les médias transnationaux
dont la majorité appartient au monde occidental, seraient en croisade
contre tout régime non-démocratique. En pénétrant
ces pays, les médias transnationaux contournent ceux qui s'efforcent d'
« exercer un strict contrôle sur les moyens d'expression »
(Mattelart, 2002). Dans la réalité contemporaine, les
médias transnationaux sont soupçonnés, derrière les
réseaux sociaux, d'être des catalyseurs de changements et de
révolutions à l'instar du printemps Arabe12 (Lecomte,
2011). En outre, financés pour la plupart par leurs pays d'origine, ces
« states sponsored flows » (Thussu, 2007) obéiraient
aux lignes définies par la politique internationale de l'Etat en
question. Dans le cas de la France, dépendant du Ministère des
Affaires étrangères et non des ministères en charge de la
culture et de la communication, la Radio France internationale (RFI)
est très souvent accusée par ses détracteurs de
servir les intérêts de l'Etat français dans son agenda et
son traitement de l'information. Qu'ils soient soupçonnés de
diffuser une idéologie politique, des manières de penser et
d'action ou de défendre les intérêts d'un Etat ou d'une
région, les médias transnationaux comportent donc des enjeux
politiques certains. Dans ce sillage, RFI, financé par le
trésor public français, se trouve nécessairement
liée à des enjeux politiques.
En outre, les logiques politiques évoquées
supra, empruntent des connotations culturelles laissant
transparaître une sorte de colonialisme culturel 13
(Bourdon, 2008). Dominique Wolton parle même de l'autre
mondialisation14 (Wolton, 2003) dans lequel, les médias
transnationaux sont soupçonnés de servir d'instrument
d'impérialisme culturel (Schiller, 1976). En fait, provenant
pour les plus connus d'anciens pays colonisateurs, ces médias sont
perçus comme des médiums qui perpétuent la domination
culturelle préexistante en transformant par exemple
12 Romain Lecomte. Révolution tunisienne et
Internet: le rôle des médias sociaux. L'Année du Maghreb,
2011, no VII, p. 389-418.
13 Jérôme Bourdon, « Comment
écrire une histoire transnationale des médias ? L'exemple de la
télévision en Europe», 2008, p.166
8
14 Dominique Wolton. L'autre mondialisation. Essais,
2003.
les Africains en « peaux noires, masques blancs
»15 (Fanon, 2015). Les médias transnationaux
feraient donc partie des nouveaux scapes (Appadurai, 1996) qui
reconfigurent les réalités culturelles. Une influence sur les
identités et les représentations, autant individuelles que
collectives, débouchant sur des communautés imaginées
(Anderson, 1996) et pouvant engendrer de nouvelles
transversalités géographiques et politiques (Ambrosi, 1999).
Les médias transnationaux sont au coeur des débats
uniformisation/diversité ou encore forces centripètes/centrifuges
de la culture (Mattelart, 2007). Qu'ils soient dans une logique
d'hégémonie16 (Gramsci, 2009) ou de
diversité culturelle (Mattelart, 2007), leur orientation
culturelle reste au coeur des débats depuis maintenant plusieurs
décennies. Dans cette optique, RFI serait aussi un canal de
diffusion de la langue et de la culture Française. On peut d'ailleurs
lire dans le rapport du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA)
Français de 2014, que RFI s'est acquitté de ses charges
de « promotion de la langue et de la culture française
»17. Cette mission qui lui est assignée par l'Etat
français ne fait-elle pas de RFI un instrument de domination
culturelle ? Ou plutôt, n'est-elle pas en faveur d'une construction de
représentations culturelles chez les publics qui écoutent la
radio RFI ?
Au-delà de l'orientation culturelle, les médias
transnationaux sont aussi guidés par des logiques économiques. Au
plan économique, l'information tout court, a joué un rôle
capital dans l'émergence du monde des finances à l'échelle
internationale. L'agence de presse Reuters par exemple, a très
tôt lancé une filiale dédiée à l'information
financière et boursière. Les médias transnationaux
constituent des multinationales comme tant d'autres et sont relativement bien
positionnés au sein des industries du contenu (Miège, 2000,
p.78). Toutefois, les médias transnationaux doivent très souvent
leur salut aux capacités financières de leur Etat d'origine du
fait de la lourdeur des dépenses de leurs activités. Ils sont
donc soit financés par le trésor public comme c'est le cas avec
la radio RFI, soit issus de puissants groupes de communication
à l'instar du groupe Canal+ (Vivendi). En effet, du
côté, des médias transnationaux privés, le
développement de la financiarisation (l'actionnariat financier) permet
d'accroitre les capacités et les moyens de production mais aussi la
diversification des activités de niche afin de générer des
sources de revenus additionnelles (Bouquillion, 2012). Quant aux médias
publics, les Etats procèdent de plus en plus à leur concentration
au tour de grands groupes à l'instar de France médias monde
pour rationaliser les budgets qui leur sont alloués et favoriser
des synergies. A titre d'exemple, RFI fait partie intégrante du
groupe France médias monde. Si l'on en croit
15, Frantz Fanon. Peau noire, masques blancs. Seuil,
2015.
16,
9
Antonio Gramsci. Hegemony, intellectuals and the state.
Cultural theory and popular culture: A reader, 2009, vol. 2, p. 210-16.
17 Rapport CSA année 2014 - France Médias
Monde-Décembre 2015, p.12
Philippe Bouquillion (2012), ces stratégies de
financiarisation et de concentration des médias transnationaux, se
justifient par le fait qu'une diffusion internationale nécessite de
grands moyens financiers, humains et techniques, or les revenus
générés par la publicité ne les couvrent pas
entièrement. Au regard des assertions des chercheurs de l'industrie du
contenu, les médias transnationaux obéissent à des
logiques économiques certaines.
Enfin, la dimension technologique est tout aussi importante
pour saisir les logiques qui accompagnent les médias transnationaux.
Outre les innombrables avancées notées avec la multiplication des
satellites régionaux et intercontinentaux, le développement de la
modulation de fréquences et les technologies numériques ne
cessent d'apporter des changements majeurs dans l'accessibilité de
l'information. Les dispositifs et les technologies numériques rendent
l'information plus rapide, plus abondante et plus accessible. Du
côté de la production de l'information, un renouvellement des
pratiques du journalisme à l'ère du numérique est
constaté avec une réorganisation des rédactions et
l'émergence de nouvelles compétences (Mercier et Pignard-Cheynel,
2014). Du point de vue de la diffusion, les innombrables innovations
technologiques ainsi que les pratiques de communication
médiatisées par les réseaux numériques induisent
elles aussi des mutations (Proulx, 2002). Au niveau de la réception des
médias, les dispositifs et les plateformes ouverts et interactifs
conjugués à une pluralité de sources disponibles pour les
publics ont consacré l'avènement du sacre de l'amateur (Flichy,
2010). Les médias transnationaux qui évoluent dans des
environnements médiatiques fortement concurrentiels devraient saisir de
manière efficiente ces évolutions technologiques pour garder
intacte leur audience en Afrique et dans le monde nous dit Marie
Soleil-Frère, (2016). La question est maintenant de savoir si la radio
transnationale RFI, objet de cette recherche, a adopté cette
nouvelle configuration technologique en modernisant sa diffusion et en
stimulant sa présence sur les plateformes numérique ? La
réponse à cette question, comme les questionnements
soulevés par les autres logiques (culturelles, politiques,
économiques) nécessite d'orienter in fine la
réflexion vers la réception. En effet, s'intéresser aux
médias transnationaux suppose une réelle connaissance des
caractéristiques du public sachant que, de nos jours, les médias
font face à des récepteurs de plus en plus instruits et par
conséquent critiques. Cet état de fait, conjugué à
l'« infobésité »18 (Hiltz et
Turoff, 1985), aux flux ininterrompus d'informations auxquels les
récepteurs en question sont exposés, pourrait avoir
10
18 « Selon Hiltz et Turoff (1985), la notion
d'infobésité est à rapprocher du phénomène
de surcharge informationnelle ou « information overload » qui a
provoqué, avec la généralisation des TIC, un
dysfonctionnement dans les organisations (Kalika Ledru, Isaac, Beyou et
Josserand, 2003 ; Kalika et al., 2006). In Pratiques et usages
numériques, Actes de H2PTM'13 du 16, 17 et 18 Octobre 2013, p.15
19 Charles Moumouni. « L'image de l'Afrique
dans les médias occidentaux : une explication par le modèle de
l'agenda-setting, » AUTOMNE 2003, p.154
20 Camille Laville. Le traitement de
l'actualité internationale : avenir... et mirages de l'information
planétaire, 2003, p.39
21Bertrand. Cabedoche «
Télévisions transnationales et représentations de
l'altérité : remarques épistémologiques et
méthodologiques » Été 2007
22 Awa Ly, Le Sénégal dans la presse
Française 1956-1968, Un traitement privilégié ?
L'harmattan, 2003
11
des incidences sur la réception, même si les
statistiques des agences de mesure révèlent un bon positionnement
des médias transnationaux en Afrique.
La réception est le parent pauvre des recherches sur
les médias en Afrique. Beaucoup d'études ont été
menées sur les origines, l'environnement médiatique,
l'organisation ou le fonctionnement des médias nationaux. A titre
d'exemple, le sociologue des médias Mor Faye a travaillé sur la
presse privée écrite en Afrique Francophone (2008) ; Saidou Dia,
un historien des médias s'est intéressé à
l'évolution historique des médias au Sénégal (2001)
et Ndiaga Loum auteur de travaux sur la communication internationale, entre
autres, ont analysé les flux d'information en Afrique francophone. Lofti
Madani (1996) quant à lui, a convoqué l'histoire, les aspects
économiques et sociopolitiques ou encore l'extraneité qui touche
la sphère médiatique nationale. Seulement, il faut signaler que
ces études se focalisent sur les pratiques et le fonctionnement des
médias nationaux.
Quelques rares travaux se sont intéressés aux
médias transnationaux. Charles Moumouni, (2003)19 a
cherché à analyser l'image de l'Afrique dans les médias
occidentaux. Il a ainsi tenté d'expliquer la mauvaise image de l'Afrique
dans les médias occidentaux à travers les modèles de
« l'agenda-setting » et l'« agenda building
». Dans le même sillage, Camille Laville (2003, p.39)
20 souligne que le manque d'équilibre de l'information
internationale aurait tendance à projeter un tableau apocalyptique de la
« périphérie », en sublimant les «
hard news » (chaos) au détriment des «soft
news» (information sur les efforts de développement et sur les
éléments d'image positive de la périphérie). Une
situation qui fait transparaitre des clichés, des représentations
de l'altérité21 et plus encore une volonté de
construire une vision du monde. Un travail essentiellement axé sur la
ligne éditoriale est celui mené par Awa Ly22, l'une
des pionnières en matière d'étude des médias
transnationaux au Sénégal. Dans une étude menée sur
la presse écrite transnationale entre 1956 et 1968, elle a
procédé à une analyse d'un corpus d'articles écrits
sur le Sénégal. Pour ce faire, elle a dressé une typologie
d'articles publiés par trois quotidiens français
idéologiquement marqués à savoir Le Monde, Le
Figaro et l'Humanité. A l'issue de son analyse qui
avait pour objet de connaître le traitement de l'actualité
concernant le Sénégal dans ces médias, elle affirme que le
Sénégal fait exception dans le traitement de l'information sur
l'Afrique subsaharienne du fait qu'il reste le seul pays qui
bénéficie d'une
image et d'analyses toujours positives dans les articles qui
lui sont consacrés. Bien que les résultats de ses travaux
apportent des éclairages sur le traitement de l'information sur
l'Afrique fait par les médias outre Atlantique, ils renseignent
très peu sur le cadre de réception. En fait, les études
menées jusqu'à présent restent parcellaires voire
embryonnaires pour rendre compte de la complexité des
phénomènes de réception des médias transnationaux
au Sénégal. Les études en Afrique de l'Ouest
relèvent essentiellement de l'audimétrie et émanent
d'agences telles que TNS Sofres ou de bureaux d'écoutes des
médias transnationaux qui ne s'intéressent souvent qu'aux
données chiffrées. Hormis l'étude menée par Werner
au début des années 2000 qui s'est intéressée
à « la consommation des telenovelas par les audiences
féminines » (2006 cité par Frère,
2016)23, rares sont les travaux consacrés à la
réception des contenus véhiculés par les médias
étrangers.
Depuis les travaux fonctionnalistes relatifs aux effets
directs et indirects des médias, la question de la réception est
prise en compte dans les études des médias. Pour le cas de
RFI, qui nous concerne dans le cadre de cette recherche, Marie Jo
Berchoud, dans son ouvrage RFI et ses auditeurs24,
s'intéresse aux courriers que les auditeurs envoient à RFI
pour poser des questions d'ordre diverses afin de comprendre s'ils
étaient interactifs et quelles pouvaient être les raisons et
motivations de leurs réactions. L'étude s'était
focalisée sur un corpus de 337 lettres dont 88% sont d'origine africaine
et 6% provenant du Sénégal (soit 21 lettres). Les
résultats de ses travaux ont permis déjà de savoir que les
auditeurs essayent d'interagir avec RFI. Cet aspect est important pour
une meilleure connaissance du public, néanmoins, l'angle d'analyse et la
méthode d'analyse de discours, restent encore pour nous non-exhaustive
pour rendre compte de toute la complexité de la réception.
Théophile Vittin, un des rares chercheurs à travailler sur la
réception des medias transnationaux au Sénégal et en
Afrique de l'Ouest s'est aussi intéressé au cas de la radio
RFI. A l'issue de sa recherche, il arrive à la conclusion selon
laquelle RFI est la source d'information privilégiée des
auditeurs qui, cependant, sont « lucides, critiques et actifs »
(Vittin, 2002) à l'égard de la station Française.
Pourquoi RFI reste une source d'information privilégiée
? Pourquoi les auditeurs restent « lucides, critiques et actifs » ?
Est-ce une forme de résistance face aux logiques politiques ou
culturelles qui entourent les médias transnationaux ?
Il est vrai que RFI, dès sa création, a
occupé une place prépondérante en Afrique Francophone.
Dans les années 1980, elle devient incontournable chez les jeunes
instruits et les élites de
23 Sylvie Captant, Marie-Soleil Frère, «
Les Afriques médiatiques. Introduction thématique », Afrique
contemporaine, 2011, p.37
24 Marie Jo Berchoud. RFI et ses auditeurs: chers
émetteurs. Editions L'Harmattan, 2001
12
l'Afrique Francophone du fait de la crédibilité
de ses informations et de son professionnalisme. En ce moment, les
sphères médiatiques nationales vivaient encore un monolithisme
où seuls les médias d'Etat monopolisaient l'information (Soleil-
Frère, 2000). La seule issue était les médias
transnationaux qui pouvaient avoir une distanciation par rapport à
l'information concernant le pays. Aujourd'hui, l'environnement
médiatique national a fleuri et compte plus de 200 radios en
opération (CNRA, 2014), près d'une vingtaine de chaines
télévisées, et plus de 8 millions de connectés
à Internet (ARTP, 30 Juin 2016). Ces mutations intervenues au niveau de
la sphère nationale, avec le rôle de plus en plus
déterminant que jouent l'Internet et les réseaux sociaux,
ont-elles eu des incidences sur la réception de RFI ? Est-ce
que RFI a su s'adapter aux changements? Si, oui, comment cette
mutation s'est opérée ?
La communication-monde (Mattelart, 1992), s'est vu
étudiée sous des angles diversifiés. Seulement, ces
études se focalisent le plus souvent sur la production de l'information
ainsi qu'à des clivages centre/périphérie. Il
importe donc « de faire une histoire infranationale, et de mesurer la
part de consentement local dans l'imposition de traits culturels, de tel ou tel
segment des élites locales, et aussi l'adhésion du public, qui
n'accepte pas aveuglement l'offre » (Bourdon, 2008, p.167).
En définitive, les constats faits
précédemment autour du déséquilibre informationnel,
des enjeux culturels, politiques et des mutations technologiques sont autant de
facteurs à prendre en compte pour mieux appréhender les
médias transnationaux. En effet, les logiques culturelles et politiques,
avec en filigrane le rôle des dispositifs et plateformes
numériques, sont, non seulement perceptibles chez les récepteurs,
mais aussi renouvellent les problématiques autour des médias
transnationaux d'où notre choix de les explorer. Nous allons donc
résumer tous ces éléments de problématisation en
une question de recherche centrale consistant à savoir si la
réception de RFI participe à la construction des
représentations culturelles et politiques des sénégalais?
Nous articulons donc notre objet autour d'une des composantes essentielles des
médias audiovisuels transnationaux (Clark et Werder, 2007) qu'est
l'audience ou plus exactement la réception. Autrement dit, il s'agit
d'étudier la manière dont les publics reçoivent les
informations diffusées par la radio RFI au
Sénégal ainsi que les représentations politiques et
culturelles pouvant en résulter.
Cette question de recherche s'articule autour de trois
postulats provisoires, servant d'hypothèses de travail. En premier lieu,
nous faisons l'hypothèse que le média transnational RFI
a déployé des stratégies efficaces d'adaptation aux
changements qui sont intervenus dans
13
les contextes nationaux de réception et
bénéficie d'une réelle présence au niveau des
plateformes numériques.
En deuxième lieu, à la suite de Stuart Hall
(1994), nous posons l'hypothèse que la réception qui est faite du
média transnational RFI est négociée.
En troisième lieu, nous postulons que RFI
participe à la construction des représentations culturelles
et politiques des étudiants Sénégalais.
Objectif de la recherche :
L'objectif de cette recherche consiste à analyser et
à revisiter les problématiques de l'internationalisation de la
communication et de la réception d'un média transnational comme
RFI, au Sénégal où il disposait, dans le
passé, d'un audimat stable et inconditionnel. Il vise à cet
effet, à allier conceptualisation, historicité et données
empiriques recueillies pour interpréter les mutations
opérées au niveau de la réception de la radio
RFI. Ainsi, les variables pouvant rendre compte des
phénomènes de réception seront analysées, qu'ils
s'agissent des types, des modes et des modalités de réception
afin de mieux appréhender la place actuelle de la radio RFI au
Sénégal mais aussi sa participation dans la construction des
représentations politiques et culturelles des jeunes étudiants
Sénégalais. Autrement dit, il s'agira de vérifier si les
récepteurs, pris individuellement ou collectivement, construisent leurs
systèmes de représentations à partir des informations
qu'ils reçoivent de RFI. Les représentations et les
imaginaires médiatiques (Macé, 2006) qui se traduisent
dans la réalité culturelle et politique des publics
concernés doivent être étudiés pour voir si les
publics, en recevant ces informations, construisent essentiellement leurs
représentations à partir ces dernières. En d'autres
termes, il est question de savoir dans quelle mesure et à quel point
RFI, participe à la construction des représentations
culturelles et politiques des publics sénégalais.
Positionnement théorique et
conceptualisation
Les médias transnationaux convoquent diverses logiques
politiques, culturelles, économiques, technologiques. Il est donc clair
que pour saisir toute cette complexité, les Sciences de l'Information et
de la Communication constituent un ancrage théorique pertinent. A ce
niveau nous nous inscrivons dans le courant de la réception de
l'école de Birmingham, les cultural studies et plus
spécifiquement dans les modèles d'analyse de Stuart Hall. Ce
dernier va particulièrement s'intéresser aux
phénomènes de réception des médias. A partir
d'études empiriques pour saisir les logiques de consommation des
médias, Stuart Hall va identifier trois types de réception des
médias.
14
15
- Une réception hégémonique,
où fait sens la concordance entre le message formulé par le
média et le message démêlé par le récepteur
sans aucune résistance de la part de celui-ci ;
- une réception négociée
où le récepteur décode le message en fonction de ses
intérêts tout en tentant d'adapter le message à ceux-ci. A
ce niveau, l'acceptation ou le rejet du message dépend de la
réussite ou non de l'adaptation.
- une réception où le récepteur
procède à un décodage oppositionnel ; il s'approprie le
message en fonction d'un code différent de celui du média. Il
peut également décider de rejeter le message au sens de
décodage oppositionnel
C'est à partir de cette typologie de la
réception que nous analyserons les réponses et les comportements
des auditeurs de la radio RFI au Sénégal. Après
ce positionnement théorique dans le segment de la réception, nous
allons procéder à un lestage conceptuel afin de mieux clarifier
les mots-clés qui entourent notre problématique à savoir
l'information internationale, les médias transnationaux et les
représentations.
Information internationale et médias transnationaux
Selon Camille Laville l' « information internationale
désigne l'information échangée entre deux ou plusieurs
nations. (...)». (Laville, 2003, p.34). Cette information circule
donc dans l'espace international, indistinctement des frontières
établies. De ce point de vue, elle s'inscrit dans le système
monde et peut être caractérisée par les rapports de
force et déséquilibres constatés aux niveaux
économique, culturel, politique, technologique etc. Distillée par
les médias transnationaux, l'information internationale est aussi
fustigée pour son « inégale transnationalisation
» (Marchetti, 2015). Le qualificatif transnational a
été introduit à partir des années 1970 par
l'école réaliste pour « décrire tous les
processus qui, par volonté délibérée ou par
destination, se construisent dans l'espace mondial» (Badié,
1996) 25. Les médias qui nous intéressent dans le
cadre notre objet de recherche, s'inscrivent effectivement dans l'espace
mondial et donc peuvent être appelés médias transnationaux.
Néanmoins, tout ce qui s'inscrit dans l'espace mondial, n'est pas
transnational, à l'image des entreprises multinationales. Raison pour
laquelle, les « concentrations des médias à
l'échelle mondiale »26 sont qualifiées de
« transnationales» par les institutions de Breton Woods. Une question
de convenance par rapport au domaine car, si dans d'autres activités on
peut parler de « firme multinationale »,
25 Bertrand Badié (1996), Mondialisation,
les termes du débat, CDRom la Découverte.
26 Patrick-Yves Badillo, Serge Proulx, «
Mondialisation de la communication, à la recherche du sens perdu »,
2006/1 (n° 44), p. 47-54. p.52
27 S. Moscovici, Des représentations
collectives aux représentations sociales, in Jodelet D., Les
représentations sociales, coll. Sociologie d'aujourd'hui, P.U.F. 1989
p.65
28 P. Bourdieu. Décrire et prescrire [Note
sur les conditions de possibilité et les limites de l'efficacité
politique]. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 38, mai 1981.
La représentation politique-2. pp. 69-73;
29 Laurence Corroy, Jacques Gonnet, Dictionnaire
d'initiation à l'info-com, 2ème édition,
Vuibert, 2008
16
dans le champ informationnel c'est l'adjectif transnational
qui est usité pour désigner les médias à vocation
transfrontière.
Les représentations
Largement développée en psychologie
générale, la notion de représentations désignait un
terme d'explication d'un ensemble de processus réactionnels aux stimuli.
Dans la branche de la psychologie cognitive la représentation est
définie comme une connaissance basée sur la relation entre deux
systèmes d'objets (réels ou mentaux) : l'un étant le
représentant de l'autre, le représenté (Bresson, 1987). En
sociologie, Serge Moscovisci attribuant la paternité du concept à
Emile Durkheim bien que faisant remonter l'idée à Georges Simmel
(1858-1918) et Max Weber (1864-1920), la définit comme «une
vaste classe de formes mentales (sciences, religions, mythes, espace, temps),
d'opinions et de savoirs sans distinction. La notion est équivalente
à celle d'idée ou de système, ses caractères
cognitifs n'étant pas spécifiés»27
(Moscovisci, 1989, p.65). Cette définition, traduit pleinement
l'idée de représentation à notre sens, puisqu'elle met
l'accent sur ses aspects cognitifs, sur ses perceptions. D'ailleurs, à
propos de l'action politique, Pierre Bourdieu nous dit qu'elle « vise
à produire et à imposer des représentations (mentales,
verbales, graphiques ou théâtrales) du monde social qui soient
capables d'agir sur le monde en agissant sur la représentation que se
font les agents. »28 (Bourdieu, 1981, p.69). La
représentation, traduit donc généralement, dans les
Sciences de l'Homme et de la Société, l'idée de cognition
et de perception. A la suite de ces auteurs, d'autres chercheurs ont
essayé d'analyser les représentations dans leurs dimensions
individuelles et collectives. On peut ainsi lire dans le Dictionnaire
d'initiation à l'info-com que « la représentation
sociale serait alors l'équivalent de la représentation
individuelle, transposée au niveau collectif »29.
(Corroy et Gonnet, 2008, p.292). Quant à Paul Ricoeur (1984), il fait le
lien entre l'idéologie et l'utopie pour qualifier les
représentations de la société. Du côté des
médias, Eric Maigret et Eric Macé dans leur tentative de
Penser les médiacultures, analysent les représentations
sous l'angle médiatique-culturel. Leur approche nous semble pertinente
pour cerner les représentations culturelles et politiques de la
réception de la radio RFI. «Diabolisé,
instrumentalisé, interpellé, autonomisé »
(Cabedoche, 2007), le concept de représentation est
aujourd'hui au coeur du triangle médias, culture, politique. Faisant
intervenir des logiques culturelles et politiques, le média
transnational RFI, du côté de sa réception, peut
donc être analysé sous l'angle des représentations.
Démarche empirique
Pour mener à bien cette recherche, nous avons
limité notre objet à la radio RFI et à un
segment
de son public sénégalais mais aussi mobilisé
un certain nombre d'outils.
Choix du média et des cibles
Le choix porté sur le média RFI n'est
pas fortuit. La présence de RFI au Sénégal, et
son statut de radio la plus écoutée en Afrique de l'Ouest
(Africascope : TNS SOFRES, 2014) rend compte de son poids et de sa
popularité dans cet espace sous régional. De plus, son ancrage
chez les élites les plus instruites est réel. Une des
caractéristiques de ce public c'est sa capacité de
décrypter le contenu transmis. Parmi ce public constitué de
cadres, d'élites, nous avons porté notre regard sur le segment
des étudiants. Les étudiants, représentent une
catégorie d'âge assez jeune mais sont aussi perçus comme
une élite en devenir dans notre pays. Ils sont donc des
récepteurs privilégiés des médias transnationaux et
font recours à ces derniers afin de renforcer leur culture
générale. Afin de savoir si la réception de la radio
RFI participe à la construction de leurs représentations
politiques et culturelles nous avons élaboré un certain nombre
d'outils de recherche.
Outils et méthode de recherche
Dans l'objectif de vérifier nos hypothèses de
travail, nous avons procédé à une triangulation des
méthodes qualitative et quantitative. En d'autres termes, nous avons
utilisé des outils de recherche documentaire d'un côté et
des enquêtes de terrain de l'autre.
Dans un premier temps, nous avons effectué une revue
documentaire dans le champ des Sciences de l'information et de la Communication
en mettant l'accent sur les travaux en rapport avec les médias nationaux
(Faye, Loum, Dia, Ly, Moumouni) et les médias transnationaux (Mattelart,
Cabedoche, Bouquillion, Miège, Tremblay etc.). Nous avons ensuite
mené des recherches sur la réception (Vittin, Hall) des
médias et sur les représentations (Bourdieu, Durkheim,
Moscovisci, Macé, Maigret). L'objectif étant d'explorer
l'essentiel de la littérature sur la thématique de notre
recherche afin d'avoir une connaissance de l'état de la recherche sur la
question, mais aussi de dégager une problématique pertinente. La
revue de la littérature nous a aussi permis d'avoir un positionnement
théorique clairement ancré dans les SIC. Ensuite, nous avons
procédé à un recueil de données empiriques à
travers des entretiens et des questionnaires que nous avons effectué.
17
Interviews avec les personnes ressources
Dans un premier temps, nous avons mené des entretiens
avec des personnes ressources composées de chercheurs, d'observateurs
des médias, de journalistes, de correspondants de médias
transnationaux et de membres d'organisations non-gouvernementales
s'intéressant aux médias. Ces interviews avec les personnes
ressources, nous ont fourni des éléments d'élucidation
historique et contextuelle. Elles nous ont permis d'avoir des informations et
de connaître l'esprit d'encodage des informations ainsi que la
représentation que ces interviewés ont de la présence de
RFI au Sénégal. Cette démarche était
nécessaire pour avoir des informations provenant de personnes qui
évoluent dans la sphère médiatique nationale et
compléter nos éléments conceptuels et théoriques.
Au total dix (10) personnes ont été interviewées (cf.
Liste en annexe)
Questionnaire administré aux étudiants
Le questionnaire administré aux étudiants a
permis de recueillir l'avis des étudiants sur les questions de
réception et de représentation. Composé de variables en
lien avec les modes, les modalités, les types de réception entre
autres, il a été administré à un échantillon
représentatif de cent (100) étudiants sénégalais,
indistinctement des niveaux, filières et genre. Il a été
administré par voie électronique et en direct pour permettre aux
étudiants de toutes les institutions de l'Enseignement supérieur
d'y répondre sans contrainte spatio-temporelle. Néanmoins le
ciblage s'est adressé de façon prioritaire aux deux plus grandes
universités Sénégalaises que sont l'Université
Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) et l'Université Gaston Berger de
Saint-Louis (UGB). Dans un premier temps, il a été mis en
ligne via Google docs, plateforme à travers laquelle 66
étudiants ont répondu. Il a été
complété par des enquêtes en direct au niveau du campus de
l'Université Cheikh Anta Diop vu que les étudiants de cette
institution ne répondaient pas en ligne. Ainsi 34 étudiants de
cette institution ont répondu en direct. Un total de 100 questionnaires
a donc été recueilli entre le 19 Août 2016 et le 22
Septembre 2016.
Les résultats de ces enquêtes ont
été traité directement sur Google docs pour la partie des
réponses en ligne et par le logiciel Sphinx V5 pour les questionnaires
administrés au niveau de l'UCAD. Par la suite, un traitement manuel a
été réalisé pour faire le cumul des réponses
apportées et dégager les principaux résultats. L'analyse
de contenu relative aux questions ouvertes a été également
réalisée de façon manuelle.
18
19
Structuration du travail
Notre mémoire est structuré en trois parties
distinctes répondant à chacune des hypothèses
avancées. Ainsi la première partie s'inscrit dans une
démarche diachronique. Elle revient sur l'évolution des concepts
relatifs à la dimension transfrontière des médias tout en
dressant un tableau des débats historiques qui consacrent les enjeux des
médias transnationaux. Ensuite, toujours dans une perspective
historique, un tableau des évolutions de la radio RFI, ainsi
qu'un panorama des métamorphoses sociopolitiques opérées
au niveau national conduisant à une « médiamorphose
»30 est dressé. En fait, nous mettons en rapport les
transformations de la sphère médiatique nationale avec les
stratégies d'adaptation et de repositionnement de RFI pour
répondre à notre première hypothèse.
La deuxième partie de notre mémoire
s'intéresse aux résultats des enquêtes effectuées
auprès des étudiants. En effet, après un exercice de
conceptualisation autour de la réception et des publics des
médias transnationaux, nous avons présenté les
données recueillies sur le terrain. Des variables sur les
modalités, la temporalité, les thématiques suivies, les
dispositifs de réception entre autres ont été
analysés afin d'apporter des conclusions provisoires concernant notre
deuxième hypothèse. Rappelons que dans cette deuxième
hypothèse, nous postulons que la réception qui est faite de
RFI par les étudiants sénégalais est
négociée (Hall, 1994).
La troisième partie est consacrée à
l'analyse des représentations politiques et culturelles des
étudiants Sénégalais en rapport avec leur réception
du média transnational RFI. Sur la base des données
empiriques, les résultats de ce travail sont assez
révélateurs et offrent d'intéressantes grilles de lecture
du phénomène des médias transnationaux.
30 Expression pour qualifier les
métamorphoses opérées dans l'environnement
médiatique. Nom d'une revue scientifique qui traite des
métamorphoses médiatiques
Partie I : Evolution du média transnational
RFI et du cadre local de réception
20
La première partie de ce mémoire a pour but de
revisiter l'histoire et de retracer les évolutions notées dans
l'environnement médiatique et politique du Sénégal mais
aussi induites par l'avènement de la technologie afin de mieux saisir le
positionnement de RFI.
Le premier chapitre de cette première partie est
consacré à un déblayage conceptuel des termes «
international », « transnational », « multinational »
et « global ». En fait, les médias qui ont une
portée transfrontière, sont appelés et définis de
différentes manières et peuvent être accompagnés de
tous ces termes ayant chacun une spécificité
définitionnelle. Nous procédons à une
différenciation de ceux-ci via leurs définitions et applications
pour mieux saisir notre objet. Cet éclairage conceptuel s'accompagne
d'un retour sur les débats qui ont été posé autour
du rôle des médias transnationaux dans le cadre du Nouvel
Ordre Mondial de l'Information et de la Communication (NOMIC).
L'émergence de la thématique sur l'inégalité des
échanges de flux informationnels au niveau mondial, ses implications,
les résultats du processus entamé à l'époque
à la tribune de l'UNESCO, méritent d'être
revisités et analysés du point de vue de leur acuité ou
non. Ceci pour nous permettre de faire un état des lieux conceptuel et
contextuel autour des médias transnationaux En fait, comprendre le
NOMIC, permet de mesurer toute l'importance de l'internationalisation
de la communication dans le monde.
Dans le second chapitre de cette partie, un travail
d'auscultation de RFI est entrepris. La présentation de la
structure RFI, son architecture mais aussi et surtout son
évolution face aux mutations technologiques et son positionnement dans
l'environnement de réception sont étudiés. Comment RFI
s'adapte au numérique et s'implante sur les réseaux sociaux
? Une question à laquelle nous tentons de répondre dans un
premier temps avant de retracer les métamorphoses sociopolitiques et
économiques qui sont intervenues au niveau national ayant
occasionné une « médiamorphose » de la sphère
nationale. Pour ce faire, nous partons d'une recherche documentaire combinant
documents scientifiques et littérature grise pour effectuer ce travail
d'analyse diachronique.
21
Chapitre I : De l'internationalisation des médias
à RFI Afrique
Ce chapitre s'inscrit dans la démarche
historique-diachronique que nous adoptons dans la première partie de ce
mémoire.
Dans cette optique, une archéologie de termes
clés relatifs aux médias à dimension transfrontière
est faite dans un premier temps. Ce travail de clarification conceptuel,
s'accompagne d'une élucidation du groupe de mots « média
transnational » qui est un des concepts clés de notre objet de
recherche. Cette mise en lumière vise à aborder la
thématique de l'information internationale dans une perspective
historique, revisitant son évolution du NOMIC aux débats
contemporains (I-1-2). En effet, depuis les années 1970, des
débats avaient été agités au sein de l'UNESCO
concernant l'inégalité des flux d'informations à
l'échelle mondiale. Nous allons donc, dans cette approche diachronique
camper le décor des médias transnationaux et mettre l'accent sur
les enjeux de l'information internationale, dont la diffusion constitue leur
principale activité. A la suite de cet exercice de rappel et
d'explication, nous nous intéressons à notre cas d'étude
qu'est RFI. Créée dès 1931, le Poste colonial
a suivi une trajectoire bien particulière, jalonnée
d'embûches telles que la seconde guerre mondiale. Du Poste colonial
à France Médias Monde (I-1-3), RFI a donc connu un
parcours caractérisé par plusieurs mutations et
réorientations obéissant à des logiques politiques,
culturelles et économiques. Nous analysons ces différentes
transformations opérées par RFI, autant à travers
la volonté de l'Etat Français, les chocs économiques
exogènes qui ont impactés l'environnement médiatique que
par des faits et évènements historiques qui, ont tous concourus
au positionnement actuel de RFI qui, aujourd'hui, reste incontournable
dans l'environnement médiatique ouest-africain.
22
I.1 De la transnationalisation au NOMIC
I.1.1 Médias: transnationaux, internationaux, globaux
ou multinationaux
Le foisonnement des termes utilisés pour
désigner les logiques de mondialisation politique, économique,
culturelle à travers les institutions, les entreprises, les
organisations de toutes sortes rendent la compréhension de ces
phénomènes fuligineuse. Dans le domaine de
l'information-communication, ce flou conceptuel subsiste toujours autour des
termes « international », « transnational », « global
», « multinational » employés à côté
du mot média. Chacun de ces termes a pourtant une signification
nuancée de l'autre pour qualifier les phénomènes
d'internationalisation. Dans notre champ, l'information internationale est
définie étymologiquement par Camille Laville31 comme
« l'information échangée entre deux ou plusieurs nations
» (2003, p.34). Cette information est diffusée par des
médias qui nous intéressent ici, mais auxquels une
définition claire doit être accolée pour mieux les
comprendre. Dans cette optique, une archéologie de chacun de ces termes
cités supra s'impose afin d'en saisir les incidences et de
retenir le terme qui sied à notre objet de recherche.
D'abord nous avons l' « internationalisation »
tiré du vocable « international », introduit par le
philosophe Jeremy Bentham à la veille de la révolution
Française et qui appartient au droit des gens ou droit public
international.32 (Cité Par Armand Mattelart, 2007, p.14)
« International » désigne donc inter-Etats-nations ou entre
les Etats-nations, suggérant donc là, une des connotations
liées aux relations politico-diplomatiques entre ceux-ci. Si par la
suite des réseaux sociaux et organisations à dimension
transfrontière vont utiliser « internationalité » ou
« internationalisme » pour désigner les extensions de leur
actions ou mobilisation des sphères nationales vers une perspective
globale, le concept d'«internationalisation », anglicisme apparu dans
les dernières décennies du XIXème
siècle33 malgré ses évolutions vers les champs
socioculturels, sportifs, économiques reste proche du champ
interétatique et des organisations sociales, professionnelles ou
politiques dépassant les cadres nationaux. De ce point de vue, pour
nous, l'internationalisation des médias couramment utilisé, en
rapport avec les évolutions du concept hors du champ politique stricto
sensu, devient recevable et pertinent pour désigner les médias
à dimension sous régionale, régionale, intercontinental
à partir du moment où ils émettent hors de leur pays
d'origine. Ce qui justifie, par ailleurs, que le terme
31 Camille, LAVILLE. Le traitement de
l'actualité internationale : avenir... et mirages de l'information
planétaire, automne 2003, p.p. 32-41, p.34
32 Armand Mattelart, Diversité culturelle et
mondialisation, éditions La découverte, Paris 2007, p.14
23
33 Armand Mattelart, op.cit .2007.p.14
« internationalisation des médias » soit
usuellement usité dans le champ des Sciences de l'Information et de la
Communication.
En ce qui concerne la globalisation, elle est «
directement issue du monde de l'économie et des finances »
(Mattelart, 2007, p.15) et « nomme le projet de construction d'un
espace homogène de valorisation, d'unification des normes de
compétitivité et de rentabilité à l'échelle
planétaire. » (Mattelart, 2007, p.15). Elle se borne à
signifier le projet d'un capitalisme mondial intégré (Mattelart,
2007, p.63).34 Dans cette perspective, le Fonds Monétaire
International définit la « globalization » en
2000 de la manière suivante : « A historical process, the
result of human innovation and technological progress. It refers to the
increasing integration of economies around the world, particularly through
trade and financial flows »35. Cette acception provenant
du monde économique et résultante d'une vision
entérinée par les institutions de Bretton Woods36 se
différencie elle, de l'internationalisation qui a une connotation
politique. Cette dernière s'apparente plus à des institutions
telles que la Société des Nations (SDN) et plus tard
l'Organisation des Nations Unies (ONU). De prime à abord,
l'internationalisation est plutôt usitée dans le domaine politique
et la globalisation convoquée dans le monde de l'économie et des
finances.
Les médias transnationaux, peuvent en même temps
obéir à ces deux logiques politiques et économiques. D'une
part, elles peuvent comporter des enjeux de rapports de forces politiques entre
Etats. D'autre part, des enjeux d'intérêts économiques et
financiers certains sont liés à ces médias. Dans ce
registre économique, ils peuvent être considérés
comme des firmes multinationales. « Une firme multinationale(ou firme
transnationale) est une entreprise qui agit à l'échelle de la
planète. Elle réalise des investissements directs à
l'étranger (IDE) et possède des implantations dans
différents pays »37. Un média qui exerce des
activités commerciales de service en diffusant de la publicité ou
en exerçant un modèle d'abonnement pour générer des
ressources peut-être inscrit dans ce registre. Mais, là encore,
dans les années 1970, la commission des nations unies chargée
d'étudier les moyens d'endiguer leurs excès, propose de les
appeler « transnationales ». Cette dénomination entend
signifier que « les activités nationales de ces firmes sont
dépendantes d'une stratégie à dimension mondiale, et que,
de ce fait, cette stratégie est lourde de conflits
d'intérêts potentiels avec les nations où elles
s'implantent. »38.
34 Armand Mattelart, Diversité culturelle et
mondialisation, éditions La découverte, Paris 2007, p.63
35 « La globalisation est un processus historique, le
résultat de l'innovation humaine et du progrès technique. Elle
désigne l'intégration croissante des économies du monde,
notamment grâce au commerce et aux flux financiers » Issues brief
Globalization : Threat or opportunity, FMI, 2000
36 Le fonds Monétaire International et la
Banque mondiale sont appelés les institutions de Bretton Woods du nom
des accords de leur création
37 Glossaire international-
http://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/firme-multinationale-fmn.html
38 Armand Mattelart, op.cit. 2007, p.63
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24
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41Préparé par les services du FMI,
la mondialisation, faut-il s'en réjouir ou en douter, 12 avril
2000, consulté le 15/11/2016 sur le site
http://www.imf.org/external/np/exr/ib/2000/fra/041200f.htm#II
25
Ce changement de perspectives définitionnel
préconisé s'explique par la volonté de traduire la
réalité des politiques de dumping et de
dé-localisation/re-localisation de ces firmes qui, en fait,
dépendent de politiques savamment mûries au « centre
» avant d'être déployées via des
stratégies multi-nationales. Les médias ne vont pas
déroger à cette règle et, de plus, vont développer
des concentrations, fusions pour renforcer leurs moyens et étendre leur
influence. Des méga-industries se forment résultant des
« concentrations des médias à l'échelle mondiale
» (Badillo et Proulx 2006) 39 .Aujourd'hui
encore, le vocable « firme multinationale » est le plus
utilisé pour qualifier les grandes entreprises qui sont
implantées dans plusieurs pays. Néanmoins, quand il s'agit des
médias ayant une dimension transfrontière, le terme transnational
est le plus employé pour les qualifier.
Dans le champ des Sciences de l'Information et de la
Communication, les médias transnationaux ont fait l'objet de plusieurs
appréhensions et classifications par les auteurs. A ce propos, Pierre
Albert et Christine Leteinturier (1999, p.58) font la différence entre
les termes internationalisation, mondialisation et transnationalisation. Selon
ces derniers, « les différences de sens entre les trois termes
sont de l'ordre de la nuance [...]. L'internationalisation est le terme
générique, le plus ancien aussi, qui désigne de
façon générale l'existence de relations entre des pays
différents(...) Avec la transnationalisation, l'entreprise vise la
diffusion d'un produit unique à destination de plusieurs pays, voire du
monde. La mondialisation désigne aussi une stratégie de
présence mondiale mais reposant sur une certaine adaptation du produit
en fonction des spécificités des marchés locaux ou
régionaux visés» Pour eux donc, « les
entreprises et les groupes médiatiques font simultanément de la
transnationalisation et de la mondialisation »40.
Cependant, la mondialisation désigne une réalité plus
large. Dans son rapport intitulé la mondialisation, faut-il s'en
réjouir ou en douter, le Fonds Monétaire International
(FMI) a bien fait de signaler dans sa définition que « la
mondialisation comporte enfin des dimensions culturelle, politique et
environnementale plus vastes (...) »41. Ceci pour dire que
la mondialisation englobe toutes les formes d'extension, d'intégration
et d'interdépendance dans les domaines économico-financier,
politique, informationnel, culturel, environnemental etc. Si nous suivons cette
acception, il est clair que les médias transnationaux ne
représentent qu'un petit fragment de cette grande structure de la
mondialisation. Cette différenciation relative aux termes rend plus
claire la conception de ce que nous entendons par
39 Patrick-Yves Badillo, Serge Proulx, «
Mondialisation de la communication, à la recherche du sens perdu »,
2006/1 (n° 44), p. 47-54. p.52 40ALBERT, Pierre et
Leteinturier, Christine. Les médias dans le monde: enjeux internationaux
et diversités nationales. Ellipses, 1999. pp. 5859
26
un média transnational qui diffuse un produit
(information) vis-à-vis d'un public large, fragmenté et
international. Ces médias se déploient selon des modalités
définies à l'avance au niveau central même s'ils peuvent
disposer de bureaux régionaux ou de services locaux.
Des penseurs de « Internationalizing médias
studies » ont eux aussi tenté une appréhension de ces
médias transnationaux. Un des piliers de ce courant, Daya Kishan Thussu
(2007) distingue :
- les « dominant flows » qui sont souvent
attachés aux industries culturelles, créatives et de contenu de
la super puissance étasunienne et ont une plus grande incidence au
niveau mondial. Dans cette catégorie se trouvent les « global
média » ;
- les « contra- (subalterns) flows » ont
moins de puissance que les « dominants flows » et concernent les
« transnational » et « géo-cultural » médias.
Dans cette classification, nous trouvons Radio France international
dans les médias transnationaux.42
Selon Daya Kishan THUSSU, les flux des médias
transnationaux sont des « states-sponsoredflows »
c'est-à-dire impulsés des médias impulsés par des
Etats. Pour le cas par exemple de RFI et de TV5, ils
s'adressent surtout à des publics francophones et accessoirement
à travers d'autres langues tout en promouvant le français.
Seulement, les médias transnationaux ne sont pas
forcément sponsorisés ou en régime de service public.
Godlove Jonathan43 correspondant de BBC Afrique le fait
d'ailleurs remarquer en distinguant les médias transnationaux à
capitaux privés des médias transnationaux à capitaux
publics. Cette différenciation fondamentale nous permet de ne pas
circonscrire le phénomène transnational des médias
singulièrement dans la perspective de médias d'Etat mais
42DayaKishan THUSSU, Média on the move,
Global Flow and Contra Flow, , London and New York, 2007, p.12 43
Godlove Jonathan BBC Afrique, Entretien du mercredi 15/06/2016 à
Dieuppeul (Eléments sonores en annexes)
aussi d'intégrer le fait que ces médias peuvent
être privés. La définition de Daya Kishan Thussu est donc
sans doute à nuancer car un média transnational peut être
privé comme public.
Difficile à cerner du point de vue définitionnel
si nous prenons en compte la démonstration que nous avons
effectuée, la possibilité d'utiliser les autres termes à
la place de « transnational » peut faire paraitre notre choix flou et
arbitraire. Or, le terme « transnational », après les
acceptions présentées des autres termes, à la suite de la
définition de Thussu et de la nuance apportée à celle-ci,
traduit mieux la réalité que nous voulons saisir. Englobant
à la fois « internationalisation », caractère «
multinational », le concept de média transnational est pourtant
couramment utilisé dans la tradition de recherche d'occurrence
anglo-saxonne. A la suite de toutes ces acceptions explorées, nous
postulons qu'un média transnational est toute organisation publique ou
privée ayant pour activité principale la production et la
diffusion d'informations d'ordre international vers des publics
diversifiés, plurinationaux et géographiquement distancés.
Ces flux d'informations peuvent être géoculturels,
régionaux, mondiaux et répondre à des logiques politiques,
économiques ou culturelles. RFI répond à ces
caractéristiques en ce sens qu'elle diffuse de l'information
internationale, vers des publics plurinationaux. Nous la qualifions donc un
média transnational.
En l'état actuel et depuis leur émergence, les
médias transnationaux ayant une grande notoriété ont
toujours été issus d'Etats, d'organisations ou de groupes de
communication puissants financièrement et économiquement. Ce
constat fait à partir de la définition du média
transnational est sans doute ce qui a poussé les penseurs et
délégués de l'UNESCO à se pencher sur les
flux d'information autour de débats aussi houleux qu'enrichissants
à partir des années 1970. Un pullulement de médias
transnationaux avant et surtout à partir de la seconde guerre mondiale
fit prendre conscience de leur importance. Dans un contexte de détente
relative de la guerre froide, des voix vont donc s'élever pour
dénoncer, souligner et tenter de combattre le déséquilibre
de l'information internationale au sein de l'UNESCO. C'est la
naissance du NOMIC.
I.1.2 Du NOMIC revisité aux débats
contemporains :
L'information internationale distillée par des
médias transnationaux à portée globale se trouve
diffusée majoritairement à partir des pôles de puissance
économique et politique. Définie au sens d'échanges par
Camille Laville, l'information internationale se trouve en
réalité trustée par quelques groupes médiatiques et
industries culturelles. En fait, l'information vue comme la pierre angulaire de
l'appareillage d'influence des Etats et des acteurs du monde économique,
va constituer un point d'achoppement des nations à partir des
années 1960 sur son déséquilibre
27
à l'échelle internationale. En effet,
d'après le rapport Mac Bride, « le monde reçoit en effet
80% de ses informations via Londres, New York et Paris. Les quatre grandes
agences occidentales-Associated Press et United Press International aux
Etats-Unis, Reuters au Royaume-Uni et l'agence France-Presse en France
»44 monopoliseraient 80% de l'information mondiale. Cette
concentration de ces firmes de transmission de l'information dans trois pays
occidentaux va agiter des protestations des pays du tiers-monde dans les
années 1970 à la tribune de l'UNESCO. La montée
de cette thématique à travers des colloques et rencontres
internationaux, conduira à la création d'une commission
chargée d'étudier et de réfléchir sur la
configuration de la communication internationale. Un ensemble d'études,
de rencontres et huit sessions tenues entre décembre 1977 et Novembre
1979 par « les seize membres45 de la Commission-largement
représentatifs de l'éventail idéologique, politique,
économique et géographique du globe »46 vont aboutir
à un rapport transmis en février 1980 au Directeur de
l'UNESCO intitulé « One world multiples voices
». Ce document passera en revue l'ensemble des revendications du
tiers-monde concernant l'information internationale mais aussi la vision
libérale du « free flow of information»
défendue par les Etats-Unis.
Pour les pays du tiers-monde, il y'aurait une «
circulation à sens unique »47 de l'information
creusant le déséquilibre déjà existant. A cet
effet, Francis Balle identifie une triple accusation du « Sud »
contre le « Nord » dans le cadre de ces controverses.
La première critique porte sur la conspiration du silence qui entoure le
tiers monde, le deuxième dénonce une information tronquée
ou déformée sur le tiers monde, la dernière condamne la
propagande culturelle des nantis, celle des pays du « Nord »
à l'égard du « Sud » (Balle 2013, p.
658)48.
A l'inverse, la doctrine du « free flow of
information » ratifiée en 1944 par le congrès
Américain, défend la vision d'un monde ouvert et d'une diffusion
de l'information non limitée. Pour le « free flow of information
» les médias doivent être complètement libres des
diffuser des contenus à l'endroit de tous les pays du monde. . Cette
doctrine défend le principe d'un monde libre, ouvert, transparent et
« village planétaire » (Mac Luhan, 1989). Cette
vision fut opposée aux revendications du tiers monde, par des pays tels
que les Etats-Unis et la Grande Bretagne.
44 Rapport MacBride, Voix multiples, un seul monde
: Communication et société aujourd'hui et demain, Edition
abrégée, Paris, UNESCO, 1986, p.123
45 Sean MacBride (Irlande) ; Elie Abel (Etats-Unis
d'Amérique) ;Huert Beuve-Méry (France) ; Elebe Ma Ekonzo (Zaire)
; Gabriel Garcia Marquez (Colombie) ;Sergei Losev (URSS) ; Mochtar Lubis
(Indonésie) ; Mustapha Masmoudi (Tunisie) ; Michio Nagai (Japon) ; Fred
Isaac Akporuaro Omu (Nigéria) ; Bodgan Osolnik (Yougoslavie) ; Gamal El
Oteifi (Egypte) ; Johannes Pieter Pronk (Pays-Bas) ; Juan Somavia (Chili) ;
Boobli George Verghese (Inde) ; Betty Zimmerman (Canada)
46 Rapport MacBride, op.cit. 1986, p.17
47 Rapport MacBride, op.cit. 1986, p.122
48 Francis Balle. Médias et
sociétés : Internet, presse, édition, cinéma,
radio, télévision. LGDJ, 2013. p.638
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Ces tiraillements mineront les débats à
l'UNESCO et la mise en oeuvre effective des conclusions et
recommandations du rapport qui, déjà à sa publication et
discussion à la Conférence générale de l'UNESCO
(21ème session) de Belgrade (octobre-novembre 1980),
voit l'expression de plusieurs réserves de la part de membres de la
commission même. Ce qui fera autoriser des commentaires de participants
tels que M.Sergei Losev, M.Mustapha Masmoudi et MM.Gabriel Garcia Marquez et
Juan Somavia (Voir appendices du rapport) relativisant, nuançant et
contredisant parfois les postures et définitions énoncées
dans le document. Ce rapport annoncé, être « du consensus
» (B.Cabedoche, 2001, p.73), fera finalement ressortir plusieurs
divergences et engendrera « des lectures du NOMIC divergentes sur la
mise en oeuvre »49. Si Laurent Dona-Fologo50,
ministre de l'information de Côte d'Ivoire, pariait sur « le
transfert de technologies de l'information » (cité par B.
Cabedoche qui prend pour illustration, Ngouem, 2007), un autre comme «
Mustapha Masmoudi se défendait de réclamer autre chose que le
«free flow of information» avec le NOMIC » alors que pour
des « journalistes occidentaux ouverts au relativisme, promouvoir un
NOMIC signifiait échange d'expériences entre journalistes du Nord
et du Sud contre l'ethnocentrisme médiatique » et que pour
certains journalistes des pays du « Sud » comme Ibrahim
Signaté de L'Ouest africain on appelle « au Nord comme au Sud
à renforcer le professionnalisme des journalistes. »51
Le caractère sensible de l'information disqualifiera la
démarche de l'UNESCO chez les stratèges des pays
occidentaux qui dynamiteront la marche du NOMIC. Cela aboutira
à sa «mise sous-séquestre institutionnelle »
(Cabedoche, 2011, p.76) avec les départs des Etats-Unis et de la
Grande-Bretagne. Ces départs de deux grandes puissances vont
considérablement entamer la légitimité des débats
du fait du leur poids dans les relations internationales. En outre, ils (les
départs) vont asphyxier financièrement l'UNESCO en
raison de la forte contribution financière de ces pays. L'UNESCO
abandonnera tacitement, lentement, progressivement le NOMIC pour
revenir sur des thématiques uniquement culturels avec les montées
des termes comme l' « exception », « la diversité
» ou encore la « promotion de la diversité culturelle
».
De facto, « conceptuellement disqualifiée,
politiquement stigmatisée, abandonnée ou
désespérément revendiquée, la
référence au NOMIC avait été discrètement
évacuée de l'Unesco dans les années 1990.
»52 soutient Bertrand Cabedoche (2011, p.76). Dissensions
au niveau de sa formulation, divergences dans son application, parasitages
autour de son
49 Bertrand Cabedoche op.cit. 2011, p.73
50 Ministre sous Houphouet Boigny de 1974 à
1989 puis sous Bédié de 1996 à 1999
51 Bertrand Cabedoche op.cit. 2011, p.73
29
52 Bertrand Cabedoche, op.cit. 2011, p.76
30
effectivité, le NOMIC, aussi
intéressant soit-il, n'a pas connu le succès escompté. A
contrario, il s'est soldé par un échec. Non seulement les
conclusions n'étaient pas entièrement consensuelles mais les
applications de ses recommandations sont restés assez timides. Si le
NOMIC a connu cet échec dont nous parlons, l'information
internationale elle, a continué à exister et les technologies ont
évoluées. Qu'en est-il donc des problématiques qui y ont
été débattu aujourd'hui ? Le fossé informationnel
a-t-il été résorbé par les pays du Sud à qui
est offerte l'opportunité des technologies de l'information et de la
Communication ? Ou, à l'inverse, ces groupes médiatiques
transnationaux perpétueraient-ils toujours cette domination sur le plan
informationnel ? Les éléments factuels en vue dans la suite de
cette première partie nous permettront d'en délibérer car
RFI reste la radio la plus écoutée en Afrique de l'Ouest
et multiplie ses initiatives vers les plateformes numériques, même
si elle fait face désormais à des médias nationaux qui
s'affirment de plus en plus.
I. 1.3 RFI, du Poste colonial à
France Médias Monde : parcours d'un média
transnational
La naissance de la Radio France Internationale (RFI)
est intervenue à un moment du processus de formation et
d'évolution de la radio publique Française. En effet, celle-ci a
entamé sa politique d'extension à l'international dès le 6
Mai 1931 avec la création du Poste colonial en direction des
colonies avec une émission bilingue (Français et Anglais) pour
servir de pont entre la métropole encore sous son joug malgré des
balbutiements de revendications indépendantistes. Sept années
plus tard, le Poste colonial devient Paris Mondial en
émettant dans 30 langues différentes. Cette émergence sera
stoppée net par l'épisode de la seconde guerre mondiale avec le
combat entre le Maréchal Pétain et le Général De
Gaulle. C'est justement à la fin de cette guerre que reprirent les
émissions vers l'étranger en ondes courtes. L'année 1969
sera une date charnière car elle consacrera une certaine centralisation
de la diffusion vers l'étranger par l'Office de Radiodiffusion
Télévision Française53 (ORTF). Cinq ans
plus tard l'ORTF sera éclatée et la Radio France
créée avec notamment la suppression des émissions de
diffusion vers l'étranger. La Radio France est née en
1975, avec cette fois-ci un démembrement qui émet en Afrique, la
Radio France internationale (RFI). Après avoir fait partie de
l'Office de radiotélévision française (ORTF),
puis de Radio France à partir de 1974, Radio France
Internationale devient une société autonome de
radiodiffusion en 1983, puis une société nationale de programmes
indépendante en 1986. Elle bénéficie à cet effet
d'un statut juridique
53 RFI, Rapport d'activité 2004-2005, p.32
sui generis inspiré de celui des
sociétés anonymes. Seulement, l'actionnaire unique est
l'État Français. Elle fixe donc les modalités de
désignation de son président.
Les années 1980 seront le moment où
l'embarcation RFI atteint sa vitesse de croisière avec une
crédibilité, une confiance des auditeurs africains assez
particulière. A en croire le Professeur Olivier Sagna54, au
« milieu des années 90, les médias internationaux
étaient la principale source d'information indépendante entre
guillemets pour les Sénégalais...En 1988 quand il y'a eu les
fameux troubles électoraux et en 1989 le conflit entre le
Sénégal et la Mauritanie, la principale source d'information
était Radio France Internationale. Ces propos sont partagés
par l'ensemble des interviewés qui étaient étudiants
à cette époque. Ceci pour dire que RFI se positionnait
pour la totalité des interviewés comme une radio libre et
crédible contrairement aux médias publics
Sénégalais qui exerçaient un monopole au niveau national
à l'époque.
Dans les années 2000, RFI garde le même
statut et la même ossature, et cherche à convaincre au maximum son
audience tout en respectant les dispositions et objectifs contenus dans son
cahier de charges. Des dispositions et des contenus supervisés par
le GSA qui l'ausculte annuellement par des rapports
détaillés. On peut ainsi lire au chapitre 8 sur le respect des
dispositions du cahier des missions et des charges du bilan annuel qui lui est
consacré par le GSA de 2002 que « la
société s'est convenablement acquittée en 2002 des
obligations générales et particulières inscrites à
son cahier des charges et notamment des missions spécifiques qui lui
sont dévolues »55. Au titre de ces missions, nous
avons le fait que RFI ait « assuré la promotion et la
diffusion à l'étranger de la langue et de la culture
françaises, tout en marquant son caractère francophone (art.
2-6-7) »56, qu'elle « sert la diffusion des
cultures françaises et francophones et de leurs valeurs dans le monde
entier »57 mais aussi, qu'elle s'attache «
à suivre les évolutions technologiques »58
(Article 9) entre autres missions auxquelles RFI s'est bien
acquittée selon le Conseil supérieur de l'Audiovisuel
(GSA).
Toutefois, la fin de la première décade des
années 2000 en France sera marquée par plusieurs soubresauts dans
l'environnement des médias publics. Le président de la
république élu en 2007, M. Nicolas Sarkozy, exprime ainsi sa
volonté de mutualiser tous les services de
54 Entretien avec le Professeur Olivier SAGNA du
19/08/2016 à la Direction générale de l'Enseignement
supérieur (DGES) (Ecouter éléments sonores en annexes)
55 CSA, Bilan annuel de la société
nationale de programmes RFI (Radio France Internationale), année 2002,
Direction des programmes, services de l'information et de la documentation
publié en Octobre 2003
56 Bilans du CSA, 2002, p.91
57 Ibidem, p.91 58Ibidem, p.92
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l'audiovisuel public français59. Le 4 avril
2008, sous son impulsion, l'Etat crée la société de
l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF). Ce holding vise
à centraliser et coordonner toutes les activités des radios et
télévisions publiques détenues par l'État
français et ayant une diffusion internationale. A terme, le projet
gouvernemental est de réussir cette fusion de RFI et sa filiale
Monte Carlo Doualiya avec France 24 et TV5 Monde.
Si cette volonté n'était pas partagée par
les travailleurs de ces entités distinctes qui tenaient chacune, garder
leur identité propre, l'Etat persiste dans cette orientation. Dans le
même temps, Radio France Internationale traverse une phase
difficile et plane en zone de haute turbulence économique. C'est ainsi
qu'en janvier 2009, la direction de la radio annonce un plan social important
avec deux cent six (206) suppressions d'emploi et l'arrêt de six (06)
langues à faible audience (allemand, polonais, laotien, albanais et
turc)60.
Fin 2009, RFI annonce la cession de ses filiales en
Bulgarie, au Portugal et en Serbie. « Pour RFI Sofia, d'obscures
raisons de politique bulgare s'ajoutent aux raisons financières.
»61 Ces difficultés financières, RFI
s'en relèvera mais n'évitera pas la fusion sur le plan
juridique. En 2012, l'AEF, France 24, RFI et sa
filiale MCD fusionnent. « Le projet de fusion des
rédactions initialement prévu, facteur de vives
inquiétudes chez les salariés, est finalement abandonné en
juillet 2012 au profit de la création d'une entité unique
dotée de rédactions distinctes. Cette organisation permet la mise
en place de mutualisations au sein du groupe, concentrées sur les
fonctions supports transverses. »62. Cette
société unique aux visions transverses est rebaptisée
France Médias Monde en Juin 2013. A partir de ce moment,
RFI opère des modifications sur son site Web, change son
identité sonore ainsi qu'à sa signature. Le design du site web
évolue, il est séparé de celui de MCD mais aussi
gagne en dynamisme. En fin 2013, sa signature devient « Les Voix du
Monde » et traduit sa volonté de s'affirmer comme un
véritable « média monde ». Elle diffuse aujourd'hui en
douze (12) autres langues en plus du Français (anglais, cambodgien,
chinois, espagnol, haoussa, kiswahili, persan, portugais et brésilien,
roumain, russe et vietnamien) dont deux très parlées en Afrique.
). La langue allemande est aussi disponible en podcast et en ligne. Selon un
dossier de presse publié en 2014 par la direction de RFI, elle
«est écoutée par 36,7 millions d'auditeurs chaque
semaine, avec une présence dans plus de 150 pays sur les cinq continents
et 9,5 millions d'internautes en moyenne chaque mois (avec un
59 Projet de loi relatif à la communication
audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
consulté le 12/11/2016-
http://www.senat.fr/rap/l08-150/l08-15038.html
60 Sénat, session ordinaire
de 2009-2010, N° 102 tome VIII médias (Action audiovisuelle
extérieure), Par M. Joseph KERGUERIS, (Sénateur)
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre
2009, p.22
61Histoire radiophoniques, RFI, anciennement : Le
Poste colonial, Paris mondial, Radio France Internationale
http://radios.peuleux.eu/radios/r/rfi.html
62 France médias monde, rapport
d'activités 2013(2014, consulté le 20/09/2016, p.12
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record à 10,4 millions de visites enregistré
en octobre 2014). »63. De plus, RFI dispose d'une
filiale RFI Romania, de dix (10) bureaux d'envoyés
spéciaux permanents et fait appel à un réseau de 448
correspondants dans le monde. Le dispositif technique et humain ainsi que la
capacité de couverture et de pénétration de RFI
nous éclaire à suffisance sur son poids et sa place dans
l'antichambre de l'information internationale.
Nous l'aurons constaté, du Poste colonial
à aujourd'hui, RFI a évolué au gré
des conjonctures d'ordre politique ou économique dans son organisation,
son fonctionnement, tout en restant fidèle à ses missions qui se
résument à une mission de service public Français au sein
du groupe France Médias Monde avec Monte Carlo Doualiya
et France 24.
Au regard de la trajectoire suivie par RFI, il serait
opportun à ce stade de la recherche de nous poser la question de savoir
si elle a su s'adapter aux évolutions des technologies de l'information
et de la Communication. Autrement dit, RFI s'est-elle suffisamment
déployée sur Internet pour garder intacte sa
notoriété ou accroitre son audience ? S'est-elle adaptée
à la concurrence accrue à laquelle elle fait face dans les pays
d'Afrique francophone qui connaissent une émergence de médias
locaux ? Autant de questions qui méritent réflexion et
réponses pour saisir véritablement les stratégies
déployées par RFI, autant au plan national qu'au niveau
international pour la conquête de nouveaux récepteurs mais aussi
le maintien de son positionnement. Le deuxième chapitre de cette partie
va s'atteler à apporter des éléments de réponse.
63 Dossier de Presse RFI, Octobre 2014,
consulté le 25/09/2016
33
34
Chapitre 2 : Adaptation de RFI au numérique et mutation
de la sphère médiatique nationale
La société post-industrielle
(A.Touraine, 1969)64 encore appelée
société de l'information est caractérisée par une
effervescence des innovations technologiques dans une logique de course
à la maitrise de la technique. Ces innovations et évolutions,
fruits d'un « travail à la vitesse de la pensée »
(B.Gates et Hemingway, 1999)65 progressent à une vitesse
spectaculaire, favorisant le triomphe du libéralisme comme vision
dominante à la fin de la guerre froide. Des reconfigurations profondes
sont engrangées à partir de ces transformations, reconfigurations
qui vont impacter les cadres sociopolitiques et économiques
déjà en mutation à partir des années 1980 en
Afrique.
L'Afrique de manière générale et
l'Afrique Francophone en particulier a vu ses régimes autocratiques
basculer, ses oligarchies ballotées et beaucoup de ses dictatures
contrebalancées par la vox populi à partir des années
80-90. Sans doute, l'effet de la fin d'une bipolarisation du monde faisant
souffler un vent de démocratisation un peu partout, un marasme et
désastre économique ayant en filigrane des plans d'ajustements
structurels66 difficilement vécus ainsi qu' un éveil
progressif de la conscience citoyenne, constituent les composantes du cocktail
déclencheur de ces agitations. Agitations surtout portées par les
communautés étudiantes, une des franges la plus
éveillée des populations Africaines dans les années
1990.
L'entrecroisement de ces éléments provoqua de
profondes restructurations politiques dans l'espace francophone. La vague de
conférences nationales67 ou de concertations déboucha
sur une ouverture politique qui impacta le champ médiatique. En deux
décennies, l'ouverture aux médias privés au
Sénégal et un peu partout en Afrique finira par modifier la donne
et donc les habitudes de consommation médiatique des
Sénégalais. Ce chapitre se propose donc de voir dans un premier
temps si RFI s'est bien adapté (II-1) à
l'avènement de cette ère du numérique pour rester
compétitive. Il s'agira dans un second lieu, d'analyser les changements
politiques, économiques, sociaux opérés en l'espace de
deux décennies et ayant impacté la sphère
médiatique sénégalaise (II-2) au point de mener à
une « médiamorphoses ».
64 TOURAINE, Alain. La société
post-industrielle. Editions Denoël, 1969.
65 GATES, Bill et HEMINGWAY, C. Le travail à la
vitesse de la pensée. Une vision pour le troisième
millénaire. Paris: Robert Laffont, 1999.
66 Un programme d'ajustement structurel (terme
dérivé de l'anglais structural adjustment) est un programme de
réformes économiques que le Fonds monétaire
international(FMI) ou la Banque mondiale mettent en place pour permettre aux
pays touchés par de grandes difficultés économiques de
sortir de leur crise économique.
67 Vague de rencontres convoquées par les
pouvoirs en place en Afrique suite à des heurts, manifestations ou tout
simplement des revendications de démocratisation.
35
II.1 Adaptation de RFI au numérique
« Aucune compagnie et aucune économie
nationale n'échappera à la révolution des moyens de
Communication dont l'éclatement de la Bell est l'une des pierres
d'angle. » (Toffler, 1985). Les technologies de l'Information et de
la Communication (TICs) allaient devenir une réalité au coeur de
tous les enjeux. C'est ce que semble dire Jean Guy-Lacroix en soulignant que
« les progrès de la numérisation des signaux ont fait de
la convergence entre les télécommunications, la radiodiffusion et
l'informatique un thème récurrent du discours sur le
développement technologique. »68 Cette convergence
toujours en cours avec l'avènement du numérique, du
multimédia à travers l'Internet place des perspectives et
possibilités nouvelles. Dans ce sillage, le Web 2.0 qui a rendu
l'Internet plus participatif et occasionné l'émergence des
réseaux sociaux va rendre ce processus de convergence plus
bénéfique et l'information plus accessible. Seulement, du
développement des satellites à l'avènement d'Internet, un
éternel travail d'anticipation et adaptation est à abattre pour
toutes les entreprises, de tous les domaines, pour ne pas être
dépassé. RFI en tant que média transnational ne
devrait donc pas être en reste dans cet exercice d'adaptation. Ses
activités de collecte, de traitement et de diffusion d'une information
internationale appellent à une parfaite maîtrise des technologies
et plateformes numériques. Cette maîtrise des TICs n'est
pas figée mais dynamique et requiert une analyse perpétuelle des
tendances et opportunités qu'offrent le numérique. Nous allons
voir dans les prochaines lignes si la RFI a su s'adapter
convenablement à ces mutations technologiques et s'ancrer dans le
numérique. Il s'agit de passer au crible les actions menées par
RFI en faveur d'une meilleure accessibilité via les
dispositifs numériques pour améliorer sa réception. Il
s'agit aussi de voir dans quelle mesure et à quel point elle s'investit
sur l'Internet et les réseaux sociaux.
RFI, dans ses missions et objectifs de diffusion
d'information internationale, a besoin des réseaux de
télécommunications et des satellites pour étendre ses
zones de couverture et accroitre ses capacités de
pénétration. De facto, elle va débuter sa diffusion en
Afrique Francophone et de manière générale en ondes
courtes captables via transistor. C'est ce qu'affirme le Professeur Olivier
Sagna en affirmant que : « Ces médias internationaux
émettaient auparavant en ondes courtes, il fallait avoir des appareils
sophistiqués et qui coutaient cher pour avoir une bonne
68 Jean Guy-Lacroix, Bernard Miège, Pierre
Moeglin, Patrick Pajon et Gaetan Tremblay, La convergence des
télécommunications et de l'audiovisuel : un renouvellement de
perspective s'impose, 199, p.p 81-105 p,82
qualité d'écoute »69.
Cet état de fait faisait que tout le monde n'écoutait pas RFI
puisqu'elle était de meilleure qualité dans les
localités urbaines et avec un bon transistor. Ainsi le 5 mars 2009,
RFI arrête la diffusion de son programme en langues
étrangères disponibles en ondes moyennes sur la région
Ile-de-France. La direction de RFI, se justifie en ses termes "
les ondes moyennes sont tombées en déshérence et plus
personne n'écoute ce genre de fréquence"70.
Toutefois les programmes en langues étrangères restent
disponibles sur Internet et les téléphones mobiles. Avec le
transfert de technologies opéré et le développement de la
modulation de fréquence, RFI devient plus accessible et
écoutée. L'avènement de la bande FM, constitue, un virage
important dans le positionnement de la radio. En effet, le 08 Septembre 1991,
RFI inaugure sa première station FM à Dakar pour
émettre mieux en Afrique Francophone. Diffusant en même temps en
ondes courtes dans les jardins d'audimats extérieurs et en ondes
moyennes en Ile de France, la Radio France Internationale diversifie
également son offre avec la technologie orbitale satellitaire.
Aujourd'hui sa présence dans une trentaine de réseaux
satellitaires témoigne d'une volonté de maillage plus large.
Satellites de RFI pour l'Afrique Francophone en 2001 en
blanc et en 2011 en jaune. Sources : Rapports d'activités de 2001 et
de 2011
Cette évolution étalée sur dix
années (10) permet de voir que la radio RFI a augmenté
de trois satellites de diffusion dans cet horizon temporel. Un dispositif
non-négligeable pour sa diffusion. Selon le rapport du Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel de 2013, « Pour la diffusion de ses
programmes sur les cinq continents, la radio utilise différents moyens :
la FM (156
69 Entretien avec le Professeur Olivier SAGNA du
19/08/2016 à la Direction générale de l'Enseignement
supérieur (Ecouter éléments sonores en annexes)
36
70 Suppression des ondes moyennes en région
parisienne, Article publié le 05/03/2009 Dernière mise à
jour le 06/03/2009 à 13:45 TU, consulté le 10/11/2016-
http://www1.rfi.fr/radiofr/articles/111/article_78961.asp
émetteurs dans 62 pays des 5 continents),
l'Internet, les plateformes mobiles, le câble et le satellite et, dans
une moindre mesure, les ondes moyennes et les ondes courtes
».71
Néanmoins, RFI abandonne progressivement ses
contrats en courtes et moyennes ondes pour se consacrer à la modulation
de fréquence et à l'Internet. Les moyennes et courtes ondes
s'apparentent plus à une technologie de diffusion des ondes plus
ancienne. Il s'agit de la modulation d'amplitude captable avec le poste
transistor, « en modulant l'amplitude, donc la puissance, du signal
porteur avec le signal audio »72. C'est ce qui expliquait
que la radio RFI était difficilement accessible dans les zones
rurales. La modulation de fréquence elle, « consiste à
faire varier la fréquence d'une onde porteuse de part et d'autre d'une
fréquence centrale de base ». Elle est moins sensible aux
bruits qui entravent le signal et assure une plus grande puissance
d'émission. RFI a donc progressivement abandonné
l'amplitude de fréquence pour être en modulation de
fréquence. Cependant, si pour Nozha Smati et Pascal Ricaud (2015, p.5)
« le mode de diffusion FM n'a pas eu, a priori, d'incidence sur les
motivations et l'implication des publics déjà
fidélisés, depuis de nombreuses années, en revanche la
présence des radios sur Internet permet de voir émerger de
nouveaux publics et de nouvelles pratiques ».
Fort de cette conviction, RFI a investi l'Internet
dès fin 1997 avec un site web pour diffuser également ses
informations en ligne. Le site web a subi plusieurs lifting au niveau
du design et du contenu. La version actuellement en ligne a été
lancée le 10 février 2014 avec un nouveau visage, un nouveau
design, des rubriques mieux organisées, bref dynamique et adaptée
au Web 2.0. La RFI a, en outre, investi les réseaux sociaux
tels que DailyMotion (4284 vidéos et 929 abonnés73) et
Youtube (2483 vidéos et 22637 abonnés74) pour les
téléviseurs connectés ; Facebook et Twitter tout en
lançant des applications mobiles RFI, RFI Pure Radio
et Apprendre le Français avec RFI.
Notre observation des pages Facebook et compte Twitter de la
radio RFI et de RFI Afrique (voir tableau en annexe) montre
que celle-ci s'est résolument orientée vers le numérique
et ses plateformes avec surtout les possibilités d'écoute de
podcast et d'interaction avec les auditeurs qui, de plus, avec des jeux comme
celui concernant l'émission Archives d'Afrique, sont de plus en plus
appelées à être « fans » et « followers
» de RFI. Pour 2.606.203 fans le 10 Septembre 2016 et 1.014.000
followers sur Twitter à cette date nous avons aussi 231.098 fans sur
RFI
71 Page 11 Rapport CSA année 2013 - France
Médias Monde
72 Article sur la radiodiffusion consulté la
05/10/2016
https://fr.wikipedia.org/wiki/Radiodiffusion
73 Consulté le 14/11/2016
37
74 Consulté le 14/11/2016
Afrique et 503.000 followers75. Nous avons
notamment une fréquentation moyenne mensuelle de ses comptes sur les
réseaux sociaux qui croit de plus de 39% mensuellement76.
Toutes ces données permettent de penser que la Radio France
Internationale est bien arrimée à la locomotive du
numérique ainsi qu'à ses tendances actuelles. Avec plus d'une
trentaine de satellites (bouquets inclus), une présence dans les
réseaux sociaux et plateformes tels que Facebook, Twitter, Google +,
YouTube, Dailymotion, Soundcloud et Instagram, un site Web central et ses
démembrements ainsi que des applications présentes sur IOS et sur
Android, RFI est véritablement entrée dans l'ère
du numérique. La radio est dorénavant plurimédia
dans la mesure où RFI transmet sur les ondes, en
écoute continue ou en podcast sur son site Internet et ses
applications. Elle propose en outre des vidéos et des articles sur les
plateformes numériques.
Les technologies numériques ont aussi
complètement modifié les pratiques. Du côté des
contenus numériques, RFI a mis en place en 2013, une
équipe chargée de la production de reportages interactifs,
d'infographies interactives et de webdocumentaires, créée par la
direction des nouveaux médias de RFI, en collaboration avec la
direction des nouveaux médias de France Médias
Monde77. En plus les correspondants mettent en ligne leurs articles
sur le site de RFI. RFI peut donc être
considéré comme une radio 2.0, « augmentée, qui
ne réduit pas le web à un simple réseau de diffusion. Elle
est multimédia et riche de contenus et services plus ou moins
diversifiés, offrant de nouveaux `'cadres de fonctionnement»
(dimension technique) et `'cadres d'usages `' (dimension sociale) »
(Flichy, 1995, pp. 151-155).
Si RFI s'est fortement déployé vers le
numérique, il reste que celui-ci est de plus en plus accessible en
Afrique. Dans le cadre national, le Sénégal a vu
l'émergence de médias nationaux qui ont eux aussi saisi les
opportunités offertes par le numérique. Postulant à la
base que RFI devrait non seulement s'adapter au numérique mais
aussi aux mutations de l'environnement médiatique national pour
maintenir son positionnement, nous allons essayer d'analyser les contextes de
naissance et d'émergence des médias nationaux. Cette
démarche fournit un tableau historique des contextes économiques,
politiques et sociaux qui interfèrent sur le positionnement national du
média transnational RFI.
75 Voir captures en annexes
76 Source : Etudes Comscore digital analytix 2014
38
77 Rapport d'activités France médias
monde 2013-2014
78 Programme International pour le
Développement de la Communication. « Le PIDC est le seul forum
multilatéral du système des Nations unies ayant pour objectif de
mobiliser la communauté internationale pour débattre et assurer
le progrès des médias dans les pays en développement. Non
seulement ce Programme apporte une assistance aux projets relatifs aux
médias, mais il vise également à établir les
conditions favorables à l'essor de médias libres et pluralistes
dans les pays en développement. »
http://www.unesco.org/new/fr/communication-and-information/intergovernmental-programmes/ipdc/about-ipdc/
39
II.2 Evolution de la sphère médiatique
sénégalaise
Les environnements social, économique et politique
sénégalais ont connu plusieurs mutations lors des trois
dernières décades. Ces changements majeurs sont intervenus dans
des secteurs qui s'imbriquent étroitement et impactent
considérablement le champ médiatique. Sur le plan politique, des
réformes et orientations d'ouverture constatées ont fait
évoluer la nomenclature médiatique d'un Etat public et de flux
transnationaux en un champ plus morcelé, profitant des retombées
du Programme international pour le développement de la Communication
(PIDC)78 et de la démocratisation. Autrement dit,
l'environnement médiatique fortement dominé auparavant par les
médias d'Etat et les médias étrangers, va évoluer
et donner la place aux médias privés et locaux.
Sur le plan économique, une zone de haute turbulence
traversée par la desserte Sénégalaise a finalement
été dépassée pour une stabilité et une
démultiplication des initiatives privées en faveur d'un
marché fortement concurrentiel. Au plan social les conjonctures
politico-économiques ainsi que de crises sectorielles multiples feront
de l'information autre que celle gouvernementale une nécessité
pour les franges de la population sénégalaise les plus
instruites. Cet assortiment de facteurs intrinsèques à la vie
d'une nation articulé à une technologie pour tous,
débouchera inéluctablement vers une modification de
l'architecture médiatique.
II.2.1 Un contexte politique favorable :
Ayant connu des siècles de vie politique mais sous le
joug de la puissance coloniale qui ne reconnaissait qu'une partie de la
population comme étant citoyenne, le Sénégal a une longue
tradition de vote et de délibération qui dépasse son
existence en tant qu'Etat officiel. En 1960, le Sénégal
accéda à l'indépendance et c'est à cet horizon que
nous situons notre succincte approche historiographique ayant abouti à
une ouverture politique. En 1963 déjà, une nouvelle constitution
est adoptée, instaurant un régime présidentiel et un parti
unique et puissant l'Union progressiste Sénégalaise. Ceci est le
résultat de la fameuse crise institutionnelle et politique de
Décembre 1962 opposant le président du conseil Mamadou Dia au
président de la république. Convaincu qu'une dualité du
pouvoir entraverait la bonne marche des institutions et que la pluralité
ne permettrait pas de construire un Etat-Nation solide, le Président
Léopold Sédar
79 Moustapha Tamba, Mutations politiques au
Sénégal : Bilan de cinquante ans d'indépendance (1960 -
2010), Fondation Konrad Adenauer, Avril 2011, p.9
80 Zineb Benrahhal Serghini et Céline
Matuszak « Pour donner une légitimité à la
sphère publique et à la validité des débats qui s'y
tiennent, le public s'appuie sur l'usage public de la raison. C'est ce que
recouvre la notion habermassienne de Publicité dont émane la
rationalité politique. Pour le public, la Publicité permet de
vérifier l'influence que celui-ci exerce sur les pouvoirs politiques, et
notamment les instances législatives. Enfin, par le biais de la presse
écrite, l'opinion publique s'informe et acquiert une certaine
consistance. » Lire ou relire Habermas : lectures croisées du
modèle de l'espace public habermassien, Revisiting Habermas's Model
of the Public Sphere p. 33-49
40
Senghor gardera encore pour une décennie un
régime de parti unique. Seulement, les troubles sociaux des mouvements
syndicaux et étudiants de 1968 et un contexte économique
délétère favorisant la montée de la
clandestinité politique pousseront le président Senghor à
opérer un entrebâillement de l'antre politique. En 1974, la
création du Parti Démocratique Sénégalais est
autorisée et deux années plus tard, « une réunion
constitutionnelle du 19 mars porta le nombre maximum à trois partis qui
doivent représenter des courants de pensée différents :
Socialiste et démocratique ; Libéral et démocratique ;
Communiste ou marxiste - léniniste. »79 L'UPS
devenue Parti Socialiste, le Parti Démocratique
Sénégalais et le Parti Africain de l'indépendance
représentent ces trois courants et seront les trois partis
autorisés. C'est une décennie plus tard alors que l'ancien
Premier ministre du Président Senghor lui a succédé
après sa démission, plus précisément le 24 Avril
1981 que le multipartisme intégral est instauré. Cette ouverture
opérée va en même temps libérer la parole des
acteurs du jeu politique. Ces partis politiques ne disposeront néanmoins
de moyens d'expression autorisés. Les partis autorisés et
d'autres encore dans la clandestinité, n'ayant pas toujours les
médias d'Etat à leur disposition vont utiliser une presse
clandestine, des tracts et les médias transnationaux, quand la parole
leur y est donnée, pour s'exprimer et procéder à la
publicité.80 Ce fait politique va de plus en plus faire
sentir la nécessité d'ouvrir à son tour la sphère
médiatique nationale qui verra sa presse écrite se diversifier
dès les années 1980 et préposer une pluralité
médiatique.
II.2.2 Une société en métamorphose
La situation sociale du Sénégal s'est de plus en
plus détériorée à partir des indépendances
du fait de difficultés énormes notées au plan
économique. Ces difficultés sont d'autant plus pressantes que le
pays était aussi en proie à une politique agricole qui ne porta
point ses fruits du fait d'une sécheresse persistante. Dans ce contexte,
le mouvement étudiant sera le baromètre de la tension sociale
à travers des grèves et perturbations. Par ailleurs, dans la
formation des citoyens et des élites Sénégalaises, une
forte extraversion faisant référence aux valeurs et culture
occidentales est constatée, la culture Française en
particulier.
D'un Etat providence fort et ayant le contrôle sur ses
entreprises nationales, nous allons passer d'un Etat sous perfusion
économique et caractérisé par la contre-performance des
sociétés
publiques qui entrent en récession et en faillite une
par une à partir des années du « choc pétrolier
»81 provoquant plusieurs licenciements. C'est donc un
état de frustration dans la plupart des ménages, autant dans les
zones urbaines que rurales qui sera le terreau des manifestations et mouvements
émergents.
Au niveau social, la tension existante dans les années
1980-1990, la sociabilité, le besoin d'information crédible font
que les Sénégalais s'informent de plus en plus via les canaux
étrangers. Un climat social de mutations et d'émergence d'une
jeunesse régulièrement dissidente s'accompagne de sources
d'informations et d'expressions alternatifs.
II.2.3 L'évidence d'une « médiamorphose
»
Un contexte économique très difficile, une
ouverture politique et dorénavant médiatique ainsi qu'une demande
en information de proximité et en langues locales supérieure
à l'offre du média d'Etat et des deux plus grands journaux
privés créés dès les années 1980 vont
pousser ceux-ci à s'intéresser à l'audiovisuel. En fait,
la modicité de leurs ressources, dans un contexte économique
macro délétère va avoir un effet domino. Ces médias
encore à la presse écrite, se trouvent confrontés à
l'analphabétisme d'une grande partie de la population. L'audiovisuel,
notamment la radio, leur permettrait de tenter une diversification de leurs
ressources et de toucher une plus grande audience. Sud FM et
Walfadjri vont donc s'intéresser à l'audiovisuel
dès le début des années 1990. Le 1er Juillet
1994, le président Abdou Diouf inaugure la première chaine de
radio privée au Sénégal, Sud FM dont la
fréquence a été attribuée par la RTS.
Ainsi, « comme par le passé, Sud et Wal fadjri entament presque
simultanément une diversification de leurs activités qui prendra
parfois, sur le plan financier, la forme d'une fuite en avant : tous deux
s'attaquent, au milieu des années 90, au secteur audiovisuel, enfin
libéralisé. Naissent ainsi Sud Fm puis Walf Fm qui s'imposent
très vite, à côté d'autres radios, comme des
médias de référence en matière d'information
»82 Radio Dunya et Wal Fadjri suivront dès
1995 et d'autres radios s'en suivront.
Ces radios, comme on l'a vu, naissent d'une volonté de
diversification de leurs activités pour les uns afin de braver ce
contexte économique défavorable. Ces premiers privés vont
donc faire face à d'énormes difficultés économiques
mais seront surtout encouragés par une société civile et
une partie de la population Sénégalaise. L'exemple du Groupe
Sud est assez frappant. En 1996, le groupe Sud Communication est
traduit en justice par le puissant groupe Mimran propriétaire de la
Compagnie Sucrière Sénégalaise. Il sera
condamné « à une amende de 500
81 A partir de 1973 un bras de fer entre les pays
Arabes producteurs de pétrole réunis majoritairement autour de
l'OPEP et les pays occidentaux débouche la flambée des prix du
baril provoquant ainsi une conjoncture économique internationale
41
82 Thierry Perret, Le temps des journalistes.
L'invention de la presse en Afrique francophone. Karthala: Paris, 2005. p.99
83Perret, op.cit. 2005, p.p 100-101
84 Norbert Muhota, le rôle de la radio
communautaire dans un milieu extra coutumier, Université de
Kalemie-Gradué 2012
85 Erica Guevara, radio communautaire et
participation sociale. Etude comparative de la Costa-Rica et de la Colombie,
mémoire inédit, 20062007, p.15
86 Yacine Diagne, Radios communautaires : outils de
développement au Sénégal, DEA de Communication,
Université Paris 13 (Villetaneuse), 2004-2005
42
millions : l'entreprise, dont la trésorerie est
toujours en péril, vacille sérieusement, et elle ne doit sa
survie qu'à une forte mobilisation ».83 Cependant,
avec la diversification de leurs activités, les premiers médias
privés vont réussir à émerger et à fortement
concurrencer RFI. Ces médias locaux privés qui
constituent un premier échelon et échantillon de médias
audiovisuels au Sénégal vont précéder un autre type
de média plus localisé, mieux imprégné des
sous-terroirs.
Les radios communautaires sont des médias qui
transmettent pour des communautés bien identifiés socialement
constitués ou géographiquement localisées. En Afrique, les
radios communautaires prennent souvent la forme d'un organe d'information au
sein d'une localité. Selon l'Association mondiale des radios
communautaires (AMARC), la radio communautaire est définie comme
comportant trois principaux aspects84:
- Celui d'une activité sans but lucratif ;
- contrôlée par la communauté qui en est
propriétaire ;
- caractérisée par une participation massive de
la communauté.85
Le premier point identifié comme caractéristique
des radios communautaires se trouve entièrement consacré par la
loi au Sénégal. A en croire Mme. Yacine Diagne, «
L'environnement juridique ne leur permet pas de bénéficier
d'une aisance financière, car elle leur interdit la publicité
(cf. l'article 16 du cahier de charges applicables aux radios communautaires
infra). »86 Seulement, identifiés par l'Unesco
"support à l'éducation de base", les radios communautaires
bénéficieront pour la plupart de financements de base
d'organisations internationales ou encore de transfert de technologie provenant
des projets du PIDC. Les radios communautaires sont ainsi
conçus comme des « soldats du développement » au
Sénégal avec leur mise à l'agenda des
problématiques locales mais aussi leur engagement en faveur des femmes,
de l'éducation, de la lutte contre le SIDA, de la promotion de
la diversité et des langues locales entre autres. Des radios rurales,
agricoles ou encore éducatives se feront des relais d'institutions
telles que la FAO ou encore l'UNESCO. Elles vont aussi servir
de relais dans le processus de décentralisation entamé en 1996
via le code des collectivités locales mais surtout libérer la
parole de la jeunesse. Aujourd'hui, la multiplication de ces radios
communautaires
87 M. L. Camara, «Attitude de proximité
des radios locales», dans Entre tradition orale et nouvelles technologies
: où vont les mas médias au Sénégal ?
Arbeitspapier/Working papers n°47, Gutenberg Universitat 2004
88 CNRA, Rapport annuel 2014, p.46
89 Autorité de régulation des
Télécommunications et des postes, statistiques du 30 Juin 2016,
vu sur le site
osiris.sn.
90 Source : http//
www.alexa.com/topsites/countries/SN
43
sur l'ensemble du territoire Sénégalais et
surtout en dehors des zones urbaines font d'elles les médias de
proximité les plus écoutées dans leurs localités
respectives. Trente-deux (32) nouvelles stations avaient déjà
été agrées en 2004 s'ajoutant ainsi aux 12 radios
déjà existantes portant à 44 le nombre total de ces
radios.87 En l'état actuel, les radios nationales,
communautaires se sont imposées comme des médias de
proximité, traitant en détail et en profondeur l'actualité
la plus proche. Les radios nationales émettent en modulation de
fréquence et possèdent des dispositifs modernes de
transmission.
Aujourd'hui, la sphère médiatique
sénégalaise est passée d'une seule chaine de
télévision en 1990 à 17 chaines
télévisées en opération en 2014, d'une radio en
1990 à plus de 200 radios en opération en 2014. Sur Internet, on
dénombre également plus d'une dizaine de sites d'informations
à l'intention des sénégalais88 selon le rapport
du Conseil National de Régulation de l'Audiovisuel (CNRA)
même si dans les faits on dénombre une centaine de sites et
de portails. Internet est aussi devenu une réalité au
Sénégal. Nous comptons ainsi 8.143.086 abonnés à
internet dans notre pays pour un taux de pénétration de 57,88%
selon les statistiques de l'Autorité de Régulation des
Télécommunications et de Postes (ARTP)89.
Cette réalité est à prendre en compte dans l'analyse des
mutations de notre sphère médiatique nationale. En effet, des
sites Web d'information tels que Seneweb ou
Leral.net90centralisent des pagerank considérables en
plus de leurs applications mobiles et informent sur toute l'actualité
Sénégalaise.
Avec une information disponible, accessible,
multi-média et multiforme, le secteur médiatique
Sénégalais s'est considérablement modifiée. A la
lumière de ces éléments nous pouvons dire que la
sphère médiatique nationale mais aussi les publics
récepteurs de ces messages médiatiques se sont transformés
au gré des crispations politiques, économiques, sociales.
RFI, sentant la nécessité et
l'obligation pour elle de s'adapter, se positionne de plus en plus sur le
numérique mais insiste aussi sur son ancrage local de par la langue et
l'angle de vue et de traitement de l'information, pour rester
écoutée. Mais l'évolution de RFI a son corollaire
qui est le recul de la langue Française. « According to
Jean-Karim Fall, a journalist in RFI's Africa newsroom, this evolution is
logical: «The `Francophonie' is in decline ... More and more young
Africans only have a weak grasp of the French language and it follows that in
order to maintain
an influence and to keep listeners tuned in, it will be
necessary to talk to themin the languages that they understand
(Labonté, 2012, p. 212). »91. Guillaume Thibault
renchérit en ces termes : « RFI n'est plus le média le
plus puissant au Sénégal et dans d'autres pays de la zone encore
moins dans les pays anglophones puisque la langue coupe, je pense que le niveau
de Français est en train de baisser petit à petit partout dans le
monde...il est logique qu'un Sénégalais écoute un
débat politique en Wolof »92.
Ce recul de la langue conjugué à une
effervescence médiatique au niveau local a des incidences sur l'audimat
de RFI. Les radios nationales ont plus de proximité et traitent
de l'information locale. Dans le cas où elles reprennent les sources
d'information internationale, elles la retransmettent aussi en langues locales.
Du fait de la forte émergence de ces médias nationaux au
Sénégal contrairement à d'autres pays de la
sous-région, RFI y est fortement concurrencée. Elle
reste encore la radio la plus écoutée dans des villes comme
à Abidjan (Côte d'Ivoire), Kinshasa (République
Démocratique du Congo), Libreville (Gabon), Brazzaville
(République du Congo). Avec 30 à 45% des habitants qui
l'écoutent chaque jour, la radio enregistre dans ces villes des
audiences records. À Abidjan et Kinshasa, un phénomène de
recul des audiences a impacté RFI en 2013 comme la
majorité des autres médias internationaux (sans pour autant lui
fait perdre sa place de numéro 1), avant de « réaliser
des scores historiques en 2014, portés notamment par des
délocalisations d'antenne et un renforcement de partenariats
ciblés dans ces deux pays... »93. Ceci est dû
au fait que les secteurs médiatiques privés restent encore
à un stade de développement embryonnaire dans ces pays. Là
où le secteur privé et des médias locaux de qualité
se développent, ces médias transnationaux voient leurs audiences
s'effriter quelque peu.
Ces constats, issus d'une démarche historique,
diachronique et analytique, nous permettent d'entrevoir les dynamiques en cours
par rapport au média transnational RFI et son positionnement
actuel au Sénégal. Elle n'a certes plus son rayonnement d'antan
mais continue d'être un média incontournable au sein de la
sphère nationale. En fait il y'a une prépondérance de
médias transnationaux comme RFI en période de crise
à en croire Libasse Hane et Guillaume Thibault. Quand il y'a
épidémie (exemple : Ebola), crise politique (Burkina), guerre
civile (Côte d'Ivoire) ou des évènements majeurs tels que
printemps arabes, RFI et les médias
91 Anke Fiedler & Marie-Soleil Frere
«Radio France Internationale» and «Deutsche Welle» in
Francophone Africa: International Broadcasters in a Time of Change, op.cit.
2016, p.75
92 Entretien du 06/09/2016 avec l'envoyé
spécial permanent de la RFI au Sénégal, Guillaume
Thibault
44
93 Rapport d'activités France médias
monde 2013-2014, p.47
transnationaux de manière générale
enregistrent de forts taux d'audience du fait de leur professionnalisme et de
leur présence dans tous les terrains.
Au terme de cette première partie de notre travail sur
les médias transnationaux, il est apparu des éléments
importants et déterminants pour la suite de notre travail. Dans un
premier temps, la loupe avec laquelle nous avons élucidé des
termes génériques susceptibles de qualifier les médias
à vocation transfrontière nous renseigne sur toutes les
dimensions, qui, encore une fois régissent ces médias. Les
débats sur le NOMIC, résultant des enjeux qui entourent
les médias transnationaux font prendre conscience des tiraillements qui
peuvent résulter de l'information internationale mais aussi et surtout
son importance. Des enjeux géopolitiques certains entourent ces
médias transnationaux qui privées ou publiques obéissent
à des logiques politiques, économiques et culturelles. C'est dans
cette optique que s'inscrit, dans un second lieu, l'analyse du parcours de
RFI qui, au gré des configurations de ces logiques, s'est
transformée dans l'histoire pour devenir ce qu'elle est aujourd'hui.
Ayant consenti des efforts pour son adaptation au numérique, RFI
reste donc un média très présent en Afrique de
l'Ouest et au Sénégal en dépit de profondes mutations
intervenues dans la sphère médiatique sénégalaise.
Seulement l'existence d'une multiplicité de radios, de
télévisions et de sites Web d'informations dans le cadre
national, donne un éventail de choix plus large aux récepteurs.
En fait, ceux-ci qui ne pouvaient choisir qu'entre la RTS et les
médias transnationaux dans les années 1990, ont aujourd'hui
devant eux une multiplicité de médias, une multiplicité de
dispositifs de réception, et une multiplicité de moyens de
s'informer. Cette palette d'outils qui s'élargit pour le
récepteur est-elle le signe d'une modification du rapport au
média RFI ? Est-ce, au contraire, un paramètre qui
n'impacte ou ne modifie aucunement la réception qui est faite de ce
média ?
Cette première partie, constituant le socle de notre
recherche, nous allons attaquer le noeud central de notre mémoire, en
tentant de répondre à ces questions. Ce qui revient à
s'intéresser à la réception qui est faite du média
transnational RFI par les étudiants Sénégalais de
nos jours.
45
Partie II : Les médias internationaux :
d'une réception hégémonique à
une
réception négociée
46
La deuxième partie de notre mémoire est
consacrée à la réception qui est faite du média
transnational RFI. Elle s'intéresse aux théories de la
réception en rapport avec les flux transnationaux d'informations et
présente les résultats d'enquêtes menées
auprès des étudiants. Ceci, dans le but de jauger le niveau
d'agrément des publics vis-à-vis des informations reçues
de RFI. Pour se faire, nous articulons ce segment de notre
mémoire en deux chapitres principaux.
Le premier chapitre peut-être qualifié d'exercice
d'exploration. Il s'agit de convoquer, d'expliciter et de préciser, en
utilisant une méthode en entonnoir, les principales formulations
théoriques du champ des sciences de l'information et de la communication
qui se positionnent du côté de la réception. Cet exercice
de mise en apposition de ces formulations théoriques, ouvre la porte
à une meilleure compréhension des acceptions sur la
réception des médias de manière générale et
des médias transnationaux en particulier. Ceci est fondamental dans la
perception que nous avons des audiences et de leur évolution. Justement,
il s'agit aussi dans ce chapitre, de consacrer des lignes aux publics. Ceux-ci,
ont été l'objet de classifications et de catégorisations,
surtout quand ils sont les cibles des médias transnationaux. Leur
élucidation permet d'avoir une idée claire et précise de
notre cible d'enquête qui est la communauté étudiante,
circonscrite dans ces publics, et assez représentative de ceux-ci.
Le second chapitre de cette partie procède à une
articulation de ces formulations théoriques sur la réception, aux
résultats de terrain présentés. A cet effet, nous avons
choisi de nous inscrire dans la perspective des types de réception
introduits par Stuart Hall de l'école des cultural studies que nous
corrélons éventuellement à d'autres études qui
rendent compte des phénomènes observés. Au terme de ce
chapitre, les publics de RFI chez les étudiants au
Sénégal seront cernés de sorte à établir si
la réception qui en est faite est la même que dans le
passé, précisément dans les années 1990.
47
Chapitre 3 : Une réception
hégémonique des médias transnationaux dans les
années 1990
Ce chapitre s'inscrit dans un exercice d'exploration et
d'approfondissement d'un des termes clés de notre objet qu'est la
réception. Dans le champ des SIC, plusieurs sous domaines se sont
formés au gré des angles d'analyse du fait médiatique dans
la société. La réception, a pendant longtemps
été négligée avant de devenir un pan de recherche
prometteur à partir des fonctionnalistes. Elihu Katz et Jay Blumler
opéreront ce qu'on appelle un renversement épistémologique
dans cette perspective pour s'intéresser pour une première fois
à l'usager des médias. Après ces travaux
précurseurs, un ensemble de travaux verront jour dont ceux des «
cultural studies » qui s'illustreront particulièrement. Nous allons
donc dans un premier temps tenter d'exposer les lignes essentielles de ce
parcours du concept.
Dans une autre perspective, les récepteurs de
l'information médiatique obéissent à des dynamiques
multiples selon les cadres, les contextes et leurs relations avec les
médias en question. La spécificité des médias que
nous étudions qui sont transnationaux, exige, dans une approche
comparative des années 1990 à aujourd'hui, de saisir les
caractéristiques des récepteurs. Sont-ils des audiences passives
ou des publics actifs ? Consomment-ils l'information médiatique de la
même manière que dans le passé ? Entre autres questions qui
appellent à une délimitation des paramètres
intrinsèques à ces récepteurs pour voir s'il existe ou non
des différences. Nous allons donc étudier les publics des
médias transnationaux, selon différentes approches et
classifications pour comprendre ce qu'il en est pour notre objet.
48
49
III.1 La réception : repères conceptuels et
contextuels :
III.1.1 Premières prise en compte de
l'usager-récepteur :
Le terme réception a été l'un des mots
clés ayant marqué les recherches en Sciences de l'Information et
de la Communication. Cependant, des premiers travaux sur la psychologie et la
foule, aux travaux empirico-fonctionnalistes, rarement, l'accent a
été mis sur l'action du récepteur. Il a fallu que, dans le
continuum du courant empirico-fonctionnaliste assuré dans une
perspective proche que celle entamée par Lazarsfeld, Elihu Katz et Jay
Blumler formulent la théorie des « uses and gratifications »
pour faire référence à l'usager ou au consommateur du
média. Dans leur ouvrage « The uses of Mass Communication
» publié en 1974, ils l'expliquent comme « une
tentative d'expliquer un phénomène en interrogeant un individu
sur la façon dont il utilise les communications, au lieu d'autres
ressources dans son environnement, afin de satisfaire ses besoins et atteindre
ses objectifs ». Cette approche, bien que s'inspirant du courant
empirico-fonctionnaliste, opère un renversement
épistémologique certain. On ne se focalise plus sur le
média et ses effets mais sur le récepteur et ses besoins. Une
rupture qui dégagea des perspectives nouvelles dans les recherches
medias-sociétés et marqua la naissance d'une nouvelle tradition
de recherche sur les usages. Serge Proulx semble vouloir l'illustrer en ces
termes : « Dans les décennies 1960 et 1970, des chercheurs
désirent prendre une distance face à la pensée unitaire
dominante décrivant l'action des médias trop exclusivement en
termes d'effets (« ce que les médias font aux gens »).
(...)Ils proposent un déplacement du programme de recherche vers les
usages (« ce que font les gens avec les médias »). Ils
postulent ainsi que les membres des audiences utilisent `' activement» les
médias pour en retirer des satisfactions spécifiques
répondant à des besoins psychologiques ou psychosociologiques.
»94 En identifiant la distraction, les relations sociales,
l'identification personnelle et l'information comme les formes d'usage dont le
récepteur tire des gratifications des medias, Katz jette par là
même, les bases d'une nouvelle sous discipline au sein des Sciences de
l'Information et de la Communication et de la sociologie qui
s'intéressera à l'usage des TICs ou des médias. Les
études sur les usages quitteront plus tard le champ des médias
stricto sensu pour s'arrimer aux innovations technologiques et à leur
diffusion.
Si la tradition Française s'oriente vers les usages des
TICs et des médias dans une moindre mesure, les « cultural studies
» vont eux s'intéresser à la réception de
l'information médiatique
94 Lise Vieira et Nathalie Pinède, Enjeux et
usages des TIC : aspects sociaux et culturels, Tome 1, Presses universitaires
de Bordeaux, Bordeaux, 2005, p. 7-20. p.2
95, Richard Hoggart. The uses of literacy.
Transaction publishers, 1957.
96 Karima Aoudia, réception par satellite et
internet des médias arabes transnationaux: intégration et
transformations identitaires d'immigrants maghrébins à
Montréal thèse présentée comme exigence partielle
du doctorat en communication, décembre 2009. p.76
97 Brigitte Le Grignou. Retour sur les théories
de la réception. In: Quaderni, n°17, Printemps 1992. Discours de
l'écologie. pp.125-126.
98 Dominique Pasquier, Ecole des hautes
études en sciences sociales (EHESS) Culture populaire à
l'épreuve des débats sociologiques, Hermès 42, 2005,
p.62
50
dans les foyers britanniques. Ce courant fortement
controversé en France du fait de la prolixité des objets
étudiés, a consacré une abondante réflexion sur la
réception des médias. Nous allons nous intéresser à
ceux-ci afin d'en élucider les fondements et les conclusions.
III.1.2 Les théories de la réception à
partir des « cultural studies »
Depuis les travaux des « uses and gratifications
» de l'autre côté de l'océan, les travaux sur la
réception n'ont pas connu de répondant en Europe jusqu'au
début des années 60 où, l'école anglo-saxonne de
Birmigham spécialisée dans les études culturelles,
s'intéresse à la réception des médias. Crée
en 1964 par Richard Hoggart, le Center for contemporary cultural studies
entretient une certaine proximité avec les cultures populaires mais
aussi avec des problématiques culturelles encore inexplorées
jusque-là. Déjà en 1957, la publication de l'ouvrage
95The uses of literacy, ouvrage où Richard Hoggart,
analysant les cultures des milieux populaires dont il est issu en Angleterre,
annonce la couleur qu'opérera ce centre. Les plaisirs immédiats,
le groupe familial ainsi que l'intimité seront entre autres
abordés dans les travaux de ce précurseur qu'est Hoggart. Les
« `'cultural studies'', constitués en école de
pensée, vont ensuite peu à peu s'intéresser à la
réalité médiatique en rapport avec les cultures
populaires. Ils (les Cultural Studies) soulignent ainsi la capacité
critique des consommateurs, et remettent en cause le rôle central de la
classe sociale en tant que facteur explicatif isolé, pour incorporer
d'autres variables comme celles de l'âge, du genre, et des
identités ethniques (Mattelart et Neveu, 2003).
»96.Contrairement aux théoriciens de l'Ecole de
Francfort qui postulaient que les médias de masse distillaient une
culture de masse qui abêtissait les basses classes, les
théoriciens du CCCS relativisent cette dissection culturelle pour
prôner une culture hybride qui peut se trouver aussi bien chez les
prolétaires que les bourgeois. En fait, la culture serait plus complexe
que théorisée antérieurement par les penseurs de
Francfort. Elle fait sens et fait intervenir un ensemble d'aspects. L'approche
«culturaliste» consiste en une jonction, une « médiation
entre structure économique, stratification sociale et «nature
de la culture produite par les médias. »97.Il
s'ensuit que dans The Uses of Literacy, Hoggart parle de
«consommation nonchalante» ou d' « attention
oblique» pour caractériser « la relation des classes
populaires à la presse ou à la radio. »98.
Cette « attention oblique » signifie que les individus
présents devant la télévision peuvent s'y regrouper plus
pour discuter ou pour dîner
que pour suivre les programmes qui y sont proposés. Le
média n'influence pas, dans ce cas de figure, les individus qui
l'allument mais le suivent nonchalamment.
L'approche développée ici est originale et
alternative par rapport aux formulations théoriques
précédentes. En effet, « Leur grande originalité
vient du fait qu'elles sont le support d'une exploration des identités
et des contours d'un public qui se façonne au contact des médias
de masse, par le biais des activités d'amateurs et des nouvelles
pratiques corporelles, s'imposant d'abord des règles de domination de
type groupal (réseaux) »99. Les individus seraient
donc en perpétuelle négociation avec les informations, les
identités auxquelles ils sont exposés, et effectuent un travail
de tri et d'adaptation. Cette description colorée des identités
culturelles leur fera explorer d'autres paysages de recherche
considérés comme illégitimes par une grande partie du
monde scientifique en France. Nous verrons ainsi naître les «
minority studies », les « queer studies », les « gays
studies » comme porte étendard d'une internationalisation des
cultural studies et comme répondants scientifiques à des
mouvements en vogue dès les années 70-80 (Féminisme, Gay
pride, écologisme etc.). Un grand penseur comme Pierre Bourdieu
(Bourdieu, Wacquant, 1999) par exemple, accuse expressément les
études des cultural studies de représenter les tentatives
hégémoniques d' « américanisation ». Ce qui
explique d'ailleurs qu'Edgar Morin ou encore Michel de Certeau, proches des
pensées des « cultural studies » sur certains aspects de la
réception, soient isolés pour un temps par Bourdieu et ses
contemporains. Eric Maigret l'illustre en ces termes : « la
minimisation active (de Bourdieu et son école) de l'influence d'Edgar
Morin puis de celle de Michel de Certeau, deux auteurs inévitables si
l'on veut saisir toute la complexité des industries culturelles et la
dimension micropolitique des pratiques sociales, la quasi-absence de travaux
sur les médias dans le courant bourdieusien, ont bloqué toute
formulation de cultural studies à la française en
renforçant l'illégitimité des objets communicationnels- ce
qui a été confirmé par l'essor de sciences de
l'information et de la communication en dehors des sciences sociales.
»100. Maigret de postuler également que les
études sur la réception des cultural studies souffraient de trois
limites que sont : un « manque de rigueur », un «
radical chic », un « manque de sérieux
épistémologique »101. Lynchés pendant
longtemps dans le champ de la recherche francophone, les travaux des cultural
studies sont cependant convoqués et suscitent toujours
l'intérêt lorsqu'il s'agit d'étudier les
phénomènes de réception. Stuart Hall, successeur de
Richard Hoggart à la tête du CCCS, formula à son tour une
grille de lecture des modes de décodage des informations
médiatiques.
99 Eric Maigret et Eric Macé, Penser les
médiacultures, Nouvelles étapes et nouvelles approches de la
représentation du monde. Armand Colin-INA, 2011. p.13
100 Eric Maigret et Eric Macé op.cit. p.24
51
101 Eric Maigret et Eric Macé op.cit. p.21
102 Dominique Pasquier. " Dallas... The export of meaning,
cross cultural readings of Dallas"(Elihu Katz et Tamar Liebes).
Réseaux, 1991, p. 140-144
103 Armand Mattelart, op.cit. 2007, p.70
104 Stuart Hall, Michèle Albaret, Marie-Christine
Gamberini. Codage/décodage. Les théories de la réception.
1994. pp. 27-39.
105 Stuart Hall, op.cit. p.37
106 Karima Aoudia, op.cit, décembre 2009. p.80
52
Dans un cadre plus élargi, les études sur la
réception des séries de télévisions telles que
Dallas102 déroulées dans les 1980 ont jeté les
bases de la réception de flux médiatiques transnationaux.
« C'est à travers leurs études sur la réception
de la fiction télévisuelle transnationale que l'influente
école britannique des Cultural studies s'est internationalisée
(Morley, 1992). Et c'est en essayant d'ouvrir la boîte noire de la
réception que des anthropologues se sont investis dans les études
sur la culture médiatique depuis les années 1980 (Dayan, 1992).
»103. Hall va étudier déjà dans les
années 1990 les cultures diasporiques et l'identité dans le cadre
des flux médiatiques transfrontières. Mais bien avant, dans
Codage/Décodage104, en partant d'une critique de la
théorie de la « perception sélective » qu'il
ne rejette pas entièrement pour autant, Stuart Hall tente
d'établir trois positions hypothétiques à partir de la
réception d'un discours télévisuel. Une position
dominante-hégémonique, une position négociée et une
position oppositionnelle.
Le décodage hégémonique fait sens
lorsqu'il y'a correspondance entre le message formulé et le message
démêlé. Entre l'information codée et l'information
décodée. Hall nous dit ainsi : « Lorsqu'un spectateur
intègre directement et sans restrictions le sens connoté
d'informations télévisées ou d'une émission
d'actualités, par exemple, et décode le message en fonction du
code de référence qui a servi à le coder, on pourrait dire
que ce téléspectateur opère au sein du code dominant.
»105
Le décodage négocié signifie que le
récepteur « négocie » son acceptation ou non
en fonction de ses intérêts propres. Dans ce cadre, une
appropriation ou rejet du message peut intervenir dépendamment de son
adaptation. Hall donne l'exemple d'un ouvrier qui pour des questions
d'intérêt public comprend le gel de son salaire mais décide
d'aller en grève pour son intérêt. Dans la réception
négociée l'acceptation ou le rejet du message dépendent
des intérêts du récepteur et des ajustements qu'il
opère à cet effet.
Le décodage oppositionnel fait jour lorsque «
Le destinataire s'approprie le message mais en interprète la
signification en fonction d'un code totalement différent. (...) ».
C'est l'exemple de l'ouvrier qui reçoit les informations avec un
code oppositionnel et qui comprend intérêt de classe à la
place d'intérêt national selon l'exemple de Hall. «
À travers ce mode, Hall a contribué à la formulation de la
théorie de la réception active des contenus
médiatiques.»106
Les trois modes de réception théorisés
par Stuart Hall, trouvent un écho favorable dans le cadre de notre
mémoire que nous comptons dérouler, en analysant la
réception de RFI Afrique à partir de ces modes.
Seulement, l'utilisation de ces notions pour qualifier la réception dans
notre cas fera sens si nous circonscrivions dans une perspective actuelle,
conceptuelle et contextuelle adaptée.
A la suite des études des fonctionnalistes, du
renversement épistémologique opéré par les «
uses and gratifications » et des modélisations théoriques de
la réception faites par les « cultural studies », il est
important de souligner que d'autres écoles telles que l'école de
Constance ont travaillé sur la réception. La théorie
herméneutique de la réception qui met l'accent sur l' «
esthétique de la réception » est un modèle reconnu
dans les Sciences de l'information et de la Communication même si elle ne
s'inscrit pas dans notre cadre d'analyse.
De plus si l'on en croit Louis
Quéré107 dans sa tentative de «
reconceptualisation » de la réception, celle-ci est un « acte
situé » nécessitant des compétences et des
méthodes de la part du récepteur ; un « acte configurant
» qui dote le texte ou l'émission d'un certain ordre, observable et
descriptible par le récepteur -- ce qui lui permet d'en faire sens et
d'y ajuster son comportement. Il est évident que l'étude des
genres, des modes de lecture et des « frames »108 doit jouer un
rôle important dans l'analyse de cet aspect de la réception ; un
aspect de la réception comme « appropriation ». Ces trois
aspects de la configuration actuelle de la réception postulée par
Quéré définissent celle-ci comme une expérience
temporelle, une expérience sociale mais aussi à un aspect
pratique d'appropriation.
Nous nous inscrivons dans l'approche de la réception
énoncée par Hall tout en n'excluant pas, de convoquer
accessoirement, ces autres penseurs que nous avons cité supra.
Le concept de réception conceptualisé, il reste
que notre cas d'étude concerne la réception des médias
transnationaux qui sont des médias spécifiques. Quelle
réception était faite des médias transnationaux en
l'occurrence RFI, dans le passé (années 1990) ? Comment est cette
réception aujourd'hui ? C'est à ces questions que seront
consacrées nos prochaines lignes. Pour y répondre, nous allons
ausculter comparativement les audiences du passé et les publics
d'aujourd'hui afin de connaitre les profils de récepteurs de ces deux
âges.
107 Louis Quéré. Faut-il abandonner l'étude
de la réception ? 1996. Recherches anglaises. pp. 31-37
53
108 Frames veut dire cadre en Français. Ce terme se
retrouve dans les travaux de plusieurs penseurs en sciences sociales et surtout
chez les anthropologues. Des penseurs tels que Erving Goffman ou encore Arjun
Appadurai l'ont beaucoup utilisé
III.2 Les publics des médias transnationaux en
questions :
Les médias transnationaux sont des médias bien
spécifiques. Si on peut les appréhender comme des médias
tout court, ils s'en démarquent par leur déploiement
transfrontière mais aussi et surtout par les présupposés
idéologiques et politiques qui les accompagnent. De ce point de vue, les
médias transnationaux comme RFI se déployant dans des
univers géoculturels prioritaires pour les gouvernements (D.K.Thussu,
2007) qui les financent selon les facteurs linguistiques et culturels (la
francophonie par exemple), ont correspondu à une théorie de la
modernisation visant à civiliser « l'autre » qui, aujourd'hui
s'est transmuté en publics. En fait, il faut dire que « les
perspectives modernes, sinon postmodernes, sur l'autonomie de l'individu,
liées à l'évolution des dispositifs sociotechniques de
consommation et du niveau global d'éducation à l'échelle
mondiale ont, à leur tour, contribué à bousculer les
points de vue traditionnellement portés jusqu'ici sur la question des
publics. »109 (Frédéric Gimello-Mesplomb and
Jean-Christophe Vilatte, 2015, p.2)
La question des publics médiatiques « reste un
chantier de recherche dont on commence seulement à soupçonner
l'étendue » (2003, p. 18) nous disent Daniel Cefaï et
Dominique Pasquier. En fait, appréhender les publics et non le public,
traduction de leur pluralité, nécessite de prendre en compte leur
hétérogénéité malgré des traits
caractéristiques généraux qu'ils peuvent partager.
Hervé Glévarec, en faisant allusion aux travaux de Dominique
Pasquier (1999), précise que la sociologie de la réception «
tend à rappeler sinon l'existence, du moins la possibilité de
«publics» au sens non plus d'une agrégation
mathématique, mais d'une «communauté imaginée»
» (Glévarec, 2007, p. 185). Dès lors, « il n'y a plus
un public, mais des publics, une figure, mais des figures » (Mehl et
Pasquier, 2004, p. 10). Ces publics auraient une dimension d'imaginaire, de
représentation chez les émetteurs ou producteurs de
l'information, en dépit de leur réalité qui peut y
correspondre ou en diverger. « Réels et imaginaires,
rêvés et observables, mobilisés ou invoqués
»110 (Smati et Ricaud, 2015, p.3), les publics des
médias transnationaux affichent dans un premier temps une certaine
passivité tels que représentés par les occidentaux.
Aujourd'hui, « auditeur, internaute, source d'information, expert,
citoyen, autant de portraits possibles du public de la radio.
`'L'hétérogénéité» semble, selon
Jean-Pierre Esquenazi `'le trait dominant de nombreux publics» (2009, p.
3). Acteur polymorphe, plus personne n'ose aujourd'hui écrire ce mot
public au singulier. »111 (Smati et
109 Frédéric Gimello-Mesplomb and
Jean-Christophe Vilatte, « Les recherches sur les publics en Sciences de
l'Information et de la Communication », RFSIC,2 015,
110 Nozha Smati et Pascal Ricaud, « Les nouveaux modes de
relation des journalistes à leurs publics. Les usages numériques
chez les journalistes de RFI », RFSIC, 2015
111 Nozha Smati et Pascal Ricaud, Op.cit. 2015, p.27
|
54
|
112 Nozha Smati et Pascal Ricaud, Op.cit. 2015, p. 36
113 Nozha Smati et Pascal Ricaud, Op.cit. 2015, p. 37
114 Thomas Guignard, Le Sénégal, les
Sénégalais et Internet : médias et identité,
2007.p.21
115 Mattelart Michèle et Armand, Histoire des
théories de la communication, Repères-La Découverte,
Paris, 2004, p. 9.
55
Ricaud, 2015, p.27). Il s'agit donc, de décrire les
représentations que les émetteurs du « centre »
se faisaient des publics de la « périphérie »
afin de comprendre l'esprit qui a guidé l'encodage de l'information
dans un premier temps avant de nous intéresser aux publics des
médias transnationaux tels que RFI tels qu'on les a
conçus, classifiés et catégorisés actuellement.
Pour ce faire, nous allons procéder à une subreptice
élucidation des publics par rapport aux audiences. Bien que les deux
termes puissent désigner les mêmes réalités et ne
soient pas souvent disjoints. « Une audience ne se caractérise ni
par un impératif de sociabilité ou de stabilité, ni par
une obligation de performance (elle reste confinée dans l'espace
privé), ni par une référence nécessaire à un
bien commun. Son attention est réactive : elle est réponse
à une offre. » (Dayan, 2000, p. 433). L'audience ne renvoie pas
à des publics « réels », mais « à des
agrégats statistiques qui ne peuvent renseigner sur ces goûts
»112. (Smati et Ricaud, 2015, p. 36) Nous adoptons donc la
notion de publics, telle que conçue par Daniel Dayan. En effet, pour cet
auteur les publics sont non seulement plus positifs, à l'heure de
l'interactivité on-line et de la convergence médiatique mais
participent en même temps à la
réalité-médiatique. « Un public constitue un
milieu et se caractérise par un certain type de sociabilité.
Cette sociabilité s'accompagne d'une capacité de
délibération interne, renforcée aujourd'hui par des
dispositifs tels que les forums (présents par exemple dans l'Atelier des
Médias) ou les réseaux sociaux (twitter, Facebook) quand ils sont
utilisés dans le cadre d'émissions (réactions en direct,
commentaires a posteriori...). »113 (Nozha Smati et Pascal
Ricaud, 2015, p.37).
III.2.1 Des médias transnationaux messianiques face
à des audiences colonisées
Attribuant aux médias transnationaux un rôle
civilisateur, une mission salvatrice, pour attirer les peuples
arriérés vers la modernité une logique messianique a
longtemps guidé les grilles d'analyse et de lecture de ces médias
en Afrique. Le paradigme de la modernisation se mue en darwinisme social et
« transforme cet ordre de succession chronologique en échelle
dans l'ordre moral »114. Armand et Michèle
Mattelart l'illustrent en ces termes : « De façon
générale, beaucoup ont trouvé dans ce type de
périodisation l'argumentaire qui fixe pour les peuples dits primitifs
(de la périphérie), les peuples enfants, donc sous tutelle
nécessaire, un horizon à leur développement futur, une
trajectoire pour leur accession à l'âge adulte : seul le passage
par les stades à travers lesquels ont transité les nations (du
centre) qui se disent civilisées est garant d'une évolution
réussie »115 Ainsi, ce serait aux médias de
diffuser chez ces peuples des images de la vraie modernité pour les
pousser à emprunter le chemin de la civilisation. Les peuples qui
116 Walt Whitman Rostow, et M.-J du Rouret. Les
étapes de la croissance économique, 1963. Selon Rostow, les
5 étapes de la croissance économique sont les suivantes : La
société traditionnelle ; Les conditions préalables au
décollage ; Le décollage ; La phase de maturité ;
L'âge de la consommation de masse.
117 Sa théorie majeure est celle du
développement inégal différenciant les centres du
capitalisme où l'appareil de production s'est développé et
où le prolétariat peut accéder au statut de classe moyenne
consommatrice et leurs périphéries, où sont produits ou
extraites les matières premières transformées et
valorisées dans les centres et où le prolétariat ne peut
accéder à l'autonomie matérielle.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Samir_Amin
118 Daniel Lerner, The passing of Traditional Society.
Modernising the middle East, The Free Press, 1958
119 Ithiel De Sola Pool, « Le rôle de la
communication dans le processus de la modernisation et du changement
technologique » in Bert F.Hoselitz et Wilbert E.Moore (dir),
Industrialisation et société, Unesco, Paris, 1963
56
se situent dans la « périphérie »
seraient donc dépourvus de toute capacité de relativisation
de ces messages venant des médias transnationaux pour ces
théoriciens. Ceux-ci ne devraient que s'éblouir et imiter.
Considéré comme retardataire dans la course au
« développement », ce pôle de la
périphérie doit nécessairement rattraper la
locomotive de la modernité. Au plan économique, les phases de
développement théorisées par Rostow116 seront
le chemin de fer à suivre. D'autres penseurs tels que Samir
Amin117 penseront aussi l'émergence des pays du tiers monde
dans la même perspective. Au plan communicationnel, la logique est la
même. Dans ce sillage, Daniel Lerner qui s'intéressa à
l'influence des médias transnationaux dans les pays du tiers monde
abonde dans le même sens en prônant une irradiation de la
périphérie par les flux médiatiques transnationaux pour
permettre son développement. Il postule à cet effet que
« le réseau global des mass médias permet aux
populations du Tiers Monde d'imaginer comment la vie est organisée dans
d'autres pays et à ce titre sert de ferment modernisateur
»118. Au sein du Massachussetts Institute of
technology, l'influence des médias transnationaux ne fait aucun
doute ainsi que leur capacité d'amener les peuples traditionnels vers la
modernité. Ithiel de Sola Pool, collègue de Lerner, est lui, plus
convaincu de l'efficacité des médias transnationaux commerciaux
en soulignant l'inefficacité des médias à vocation
éducative119.
Cette pensée issue du MIT est largement partagée
dans la communauté des chercheurs américains. Ainsi, Wilbur
Schramm, dans son étude commanditée par l'UNESCO et
intitulé Mass Média and National Development, ne manque
pas, après avoir établi le lien consubstantiel entre les
médias et la construction d'une nation, de défendre dans ses
conclusions la libre circulation des flux d'informations au niveau mondial pour
alimenter le cadre national.
Ce paradigme de la toute-puissance des médias
transnationaux chez les peuples de la « périphérie
» développé par ces penseurs, rejoint une vision
libérale de la doctrine du « free flow of information
». Ils sont convaincus que les médias transnationaux peuvent
modifier les systèmes de représentations des populations du Sud.
A l'évidence, les audiences ne sont pas pris en compte dans ces
modèles qui conçoivent ceux-ci comme passives et ouvertes
à tous les messages. Ces théories qui s'apparentent à un
diffusionnisme exacerbé, préconisent un champ
de la communication internationale où les médias
seraient un pont entre les moins et les plus développés. La
culture des pays les plus riches économiquement, primant sur celle des
plus pauvres, cette « perspective diffusionniste considère les
cultures et les identités comme des entités hermétiques
où l'interaction et l'échange n'ont pas leur place. »
(Guignard, 2007, p.21)120
Le constat est que pour ces théoriciens de la
sociologie de la modernisation, les audiences qui reçoivent ces flux
d'informations internationaux opèrent une réception
hégémonique. En d'autres termes, le récepteur est
fortement influencé et déterminé par ces flux
d'informations qui émanent des médias transnationaux. Cette non
prise en compte de celui-ci, renseigne sur leur croyance en une toute-puissance
des médias transnationaux au service de l'influence du tiers-monde
à des fins de civilisation, de développement et de modernisation.
A présent intéressons-nous précisément à RFI
et à ses récepteurs pour saisir véritablement la
réalité des publics.
III.2.2 RFI et ses publics : d'hier à aujourd'hui ?
Dans le cadre de notre objet sur RFI, l'étude
des publics s'avère plus qu'importante, d'où la
nécessité d'y consacrer cette section de notre travail.
Pour clarifier la position de RFI Afrique dans cette
vision civilisatrice et de développement il parait important pour nous
de partir des entretiens déroulés dans le cadre de notre
étude. Sur les dix personnes interviewées ayant répondu
à la question sur ce que représenterait RFI, la
totalité des répondants déclare avoir écouté
RFI dans les années 1990 et affirme que c'était leur
média favori lorsqu'ils étaient étudiants. Même si
« la réception de contenus symboliques et les
expériences médiatiques sont des phénomènes
complexes. »121, il est clair qu'une identification
à ce média transnational était effective. Si l'on observe
l'environnement médiatique dans les années 1990 où tous
ces interviewés ont été étudiants, RFI
était une panacée face à l'information
gouvernementale émanant des médias publics nationaux.
Dans cette optique, nous pensons, à la suite de Hafez
(2007, p. 123), que RFI structurait l'espace national
Sénégalais à travers trois fonctions qu'il identifie.
« First priority is the «compensatory function» (...).
Secondly, Hafez points to the «dialogue function» The third function
is the «crisis intervention function.» (Hafez, 2007, p.
123)122. Les fonctions de compensation, de dialogue et
d'intervention dans les crises sont effectivement assumées par RFI
qui, de plus,
120 Thomas Guignard, Le Sénégal, les
sénégalais et Internet : médias et identité. 2007.
p.21
121 TDR du colloque international 2-3 Avril 2015 de Bruxelles,
Jeunes, média et diversités, Les pratiques de la diversité
: de la production à la réception
57
122 Anke Fiedler et Marie Soleil-Frère « Radio France
Internationale and Deutsche Welle in Francophone Africa, 2016, p.70
58
participe à éveiller une conscience
démocratique chez les jeunes de cette époque. La participation
via des émissions comme « appels sur l'actualité »
invite les jeunes africains à débattre sur des
thématiques touchant leurs pays. C'est une aubaine pour les publics de
ces médias de ces pays du Sud qui n'étaient pas encore
démocratisés, de pouvoir s'exprimer. D'ailleurs Niepalla
distingue trois types de publics de ces médias: « In view of
the above it canbe assumed that international broadcasters serve mainly three
types of audiences: (a) the political elites (for instance multipliers, opinion
leaders, and decision makers), as well as people belonging to the better
educated parts of society; (b) people in war and conflict zones and in
countries deprived of free access to the média; and (c) expatriates from
the countries that sponsor the international broadcasters »
(Niepalla, 2007, p. 8)123. Les élites politiques, les
peuples en conflits et les expatriés des pays où sont issus un
média comme RFI sont ses principales cibles donc à en
croire Niepalla. Ces trois cibles suivaient RFI très
régulièrement avant l'avènement du pluralisme
médiatique.
En cause, pour la première cible qu'est l'élite
politique où nous avons aussi les leaders d'opinions dont les
étudiants, seuls les médias transnationaux leurs permettaient
d'avoir une information crédible. RFI faisait partie des rares
moyens de contournement de l'actualité nationale telle que
présentée par les médias publics nationaux qui eux,
étaient au service du gouvernement. Pour les dirigeants, ces
médias leurs permettaient de s'adresser aux élites nationales
mais aussi d'entendre les voix de ceux-ci et de s'ajuster. Les débats et
discussions à la RFI représentaient l' « agora »
où se faisaient entendre des voix dissidentes et se créaient de
véritables échanges. Dans cette optique, Marie Soleil
Frère se demande si les débats radiophoniques participatifs tels
que décrits dans l'article de Peter Mwesige ne peuvent-ils pas
être considérés comme des « OPNI » (objets
politiques non identifiés)? »124
Pour le cas des peuples en conflits, les sources d'information
sont externes puisque la liberté de presse ou même l'existence
d'une presse privée locale est quasi-inexistante. Au
Sénégal, ces publics sont inexistants car ce pays n'a pas connu
de graves crises ou des conflits majeurs.
En ce qui concerne les expatriés Français,
RFI devient le médium le plus accessible, le plus proche pour
connaitre toute l'actualité politique, économique et sociale en
France et un peu partout dans le monde. C'est donc une information qui sert la
diaspora Française.
Nous pouvons donc dire, à la loupe de la classification
établie par Niepalla (2007) que les élites politiques (actuelles
ou potentielles) constituent, avec les expatriés français, des
cibles privilégiés de la RFI au Sénégal.
Les étudiants sénégalais étant circonscrits dans
cette élite.
123 Anke Fiedler et Marie Soleil-Frère Op.cit pp 70-71
124 Sylvie Capitant, Marie Soleil Frère, « Les
Afriques médiatiques. Introduction thématique », Afrique
contemporaine, 2011, p. 25-41 p.39
59
On se rend bien compte que les cibles principaux du
média transnational RFI évoluent tous dans un contexte
qui les pousse à aller vers ce média qui devient à la fois
informatif, alternatif et libérateur. Aujourd'hui, le cadre a
changé car des médias locaux ont émergé. Les
publics, à qui sont offerts plus d'informations, deviennent plus
exigeants et critiques. Déjà en 1995, Théophile Vittin
insistait sur le fait que ceux-ci sont devenus plus critiques à
l'endroit des médias transnationaux. Selon Vittin (1995), dans de
nombreux pays d'Afrique francophone, face à des « médias
locaux discrédités », Radio France internationale
était ainsi, « devenue la meilleure source d'information
des auditeurs », ce qui ne les empêche pas d'être
méfiants, « lucides, critiques et actifs » à
l'égard de la station française125. En outre,
« Les dimensions collaborative et participative avec les apports du
web 2.0 font émerger de nouvelles catégories d'acteurs
intermédiaires (Granjon, 2001), mais aussi un renouvellement des formes
du militantisme (expression/mobilisation) à travers les médias
(Cardon, Granjon, 2010) ». (Smati et Ricaud, 2015, p.35)
Ce premier chapitre nous a permis, après une
élucidation conceptuelle de la réception, de nous
intéresser aux publics des médias transnationaux en
général et de RFI en particulier. De figures d'audiences
modélisées à l'image des flux transmis par ces
médias transnationaux, les récepteurs passent au statut de
publics. A l'analyse des classifications des publics des médias
transnationaux formulés par Hafez (2007), Niepalla (2007) et des
études sur la réception de Vittin (1995), nous constatons que ces
publics ont évolué surtout s'ils réagissent par courrier
(M.J. Berchoud, 2001) vis-à-vis de RFI. Il est donc clair que
nous analyserons la réception de publics qui font recours à des
stratégies multiples dans la réception de RFI. Nous
allons donc, à l'aide de nos données empiriques, tenter de
comprendre et d'expliquer les phénomènes de réception
actuels dans le prochain chapitre.
125 Tristan Mattelart, « Présentation », in
Tristan Mattelart, La mondialisation des médias contre la censure, De
Boeck Supérieur « Médias-Recherches », 2002 p. 7-16.
P.9
Chapitre 4 : Une réception de plus en plus
« négociée »
Dans le second chapitre de cette partie, nous valsons entre
présentation, analyse, et interprétation des variables de nos
résultats d'enquête ainsi qu'à une explication de ceux-ci
par les modèles théoriques énoncés dans ce premier
chapitre. Ceci, dans la perspective de rendre compte des
phénomènes de réception et de répondre
intégralement à notre deuxième hypothèse de
travail. Le chapitre que nous abordons là, présente la
majorité des résultats de l'enquête menée
auprès des étudiants entre le 19 Aout 2016 et le 22 Septembre
2016 auprès de cent (100) étudiants. Nous tenterons donc
d'établir le lien et les rapports substantiels entre ces
résultats et la réception que ces étudiants font de la
Radio France Internationale en partant de notre appareillage
théorique convoqué dans le premier chapitre. Rappelons que nous
nous inscrivons précisément dans le modèle de
codage/décodage de Stuart Hall. Dans le cadre de notre recherche, nous
avons fait le choix de nous inscrire dans la logique d'une enquête de
terrain en inscrivant plusieurs variables complémentaires dans un
questionnaire adressé à cet échantillon d'étudiants
Sénégalais tous horizons confondus.
Dans l'analyse des résultats, nous partons des
premières variables de notre questionnaire relatifs au mode, à la
temporalité, aux thématiques suivies ainsi qu'aux dispositifs de
réception des informations provenant du média transnational
RFI. Le fait de connaitre les préférences des auditeurs
sur les heures d'écoute, les émissions ou thématiques
suivies, les objectifs suivis, les dispositifs de réception par ces
auditeurs permet d'avoir un aperçu sur leurs profils et la
manière dont ils reçoivent ces informations.
Ensuite, nous faisons intervenir les variables sur les
émissions, la diversification des sources, sur ces sources alternatives
entre autres. En fait, il s'agit d'exploiter l'ensemble des données qui
peuvent intervenir dans le filtrage ou la sélection qui est faite des
récepteurs sur l'information internationale transmise par RFI.
A la suite de quoi, nous pourrons apporter des ébauches de
réponse à notre hypothèse selon laquelle la
réception de RFI est négociée (Hall, 1994).
60
61
IV.1 Le temps, les dispositifs et les thématiques
dans la réception de la RFI par les étudiants
sénégalais :
RFI est en effet le média transnational le plus
suivi en Afrique Francophone. C'est ce que nous
dit Marie Soleil-Frère en ces termes : « This
means that 72% of RFI listeners are actually living in Francophone Africa. In
nine French-speaking countries where audience research was conducted, RFI
ranked third in the overall radio environment according to the French
regulatory body CSA themarket research
institute126»127. Cette affirmation est
corroborée par des données de notre enquête du tableau
ci-dessous qui indique le niveau de connaissance (notoriété) des
médias transnationaux auprès de notre échantillon.
IV.1.1 Les radios et les télévisions
transnationales plébiscitées
Niveau de connaissance des médias transnationaux par
l'échantillon
Type de média
|
Média
|
Pays d'origine
|
Fréquence
|
Radio
|
BBC
|
Grande-Bretagne
|
46,8%
|
Radio
|
RFI
|
France
|
100%
|
Radio
|
Radio Chine International
|
Chine
|
3,7%
|
Radio
|
Voice of Africa
|
USA-Africa
|
3,7%
|
Télévision
|
France 24
|
France
|
59,5%
|
Télévision
|
Canal+
|
France
|
25,3%
|
Télévision
|
TV5
|
France
|
21,5%
|
Télévision
|
Euronews
|
Europe
|
6,3%
|
Télévision
|
CNN
|
USA
|
15,1%
|
Télévision
|
Al Jazeera
|
Qatar
|
8,8%
|
Télévision
|
beIN Sport
|
Qatar
|
6,3%
|
Télévision
|
MTV
|
USA
|
3,7%
|
Télévision
|
Trace
|
USA
|
5%
|
Télévision
|
Africa 24
|
Afrique
|
3,7%
|
Télévision
|
BFM TV
|
France
|
3,7%
|
Télévision
|
TF1
|
France
|
7,5
|
Télévision
|
I 24
|
Israel
|
3,7%
|
Presse
|
Le monde
|
France
|
6,3%
|
Presse
|
Le monde diplomatique
|
France
|
3,7%
|
Presse
|
Jeune Afrique
|
Afrique
|
3,7%
|
Enquête auprès les étudiants
Sénégalais du 19/08 au 22/09 2016 (Tableau complet en
annexes)
Ce tableau effectué à l'aide d'un calcul manuel
des réponses données par les enquêtés nous montre
que les médias Français de manière générale
sont plus suivis que les médias Africains.
126 TNS SOFRES, understakes regular audience surveys in senegal,
Côte d'Ivoire, RDC, Cameroon, Mali and Gabon ; CSA, 2014, pp. 9, 57
127 Anke Fiedler et Marie-Soleil Frère. Op.cit. p.77
Cela est aussi valable dans la presse, la radio et la
télévision. RFI est connu de tous les répondants
(100%), s'en suivent France 24 (59,5%) et BBC Afrique (46,8%)
qui focalisent l'attention des publics des médias transnationaux
enquêtés chez les étudiants. Si RFI, France 24
et BBC Afrique sont les plus suivis, TV5 (21,5%),
Canal+ (25,3%) et CNN (15,1%) sont aussi bien connus des
répondants. Euronews (6,3%), Al Jazeera (8,8%),
beIN sport (6,3%), Trace, Le monde (5%) et TF1
(5%) enregistrent eux aussi une certaine reconnaissance chez les
répondants. Enfin, des médias comme Jeune Afrique, I
24, BFM TV, Radio Chine International, MTV,
Africa 24 ont chacun tous de fréquence des réponses de
3,7% des réponses.
Le constat est que RFI est le média
transnational le plus connu par les enquêtés. En outre, c'est de
manière générale les médias français qui
dominent en termes de notoriété suivi de ceux anglo-saxons. Dans
le domaine de la musique et de la culture urbaine, des chaînes de
télévision américaines exercent toujours une grande
influence à savoir MTV et Trace. Côté
sportif, c'est Canal+ qui est le plus suivi devant beIN
Sport. Par ailleurs, les médias chinois tels que CCTV qui
ont adopté une stratégie plus offensive en Afrique depuis
quelques années du fait de la présence de la chine dans le
continent sur le plan économique, restent eux aussi largement
relégués.
In fine, nous constatons que les médias Africains comme
Jeune Afrique ou encore Africa 24 ne sont pas aussi connus
que les médias Français. Du côté de la presse
Jeune Afrique est certes cité juste derrière Le
monde, mais ceci est surprenant si l'on connaît l'acuité des
thématiques qui sont traitées ainsi que leur ancrage dans
l'actualité du continent. De ce point de vue, nous pensons
qu'au-delà d'une certaine élite, Jeune Afrique ou
même Africa 24 peuvent toucher plus de publics avec un
déploiement pour une plus grande accessibilité mais aussi en
menant des politiques de communication-marketing efficaces.
Ces données confirment à suffisance la
prédominance des médias Français en Afrique Francophone et
celle de RFI qui est par essence la plus adaptée à une
Afrique, société de l'oralité où la radio a
toujours servi à la « construction de la trame sociale de
référence sur laquelle repose la sociabilité
partagée » (Mucchielli, 2006)128. Cette
sociabilité revient à une écoute collective et aux
discussions qui sont menées autour du poste transistor dans un continent
qui, rappelons-le, vit majoritairement en communauté. En fait, non
seulement le continent est caractérisée par une tradition
d'information-communication par la parole, ce que fait la radio, mais aussi la
radio est le média le moins couteux et qu'on peut utiliser presque
partout. Cet
128 Alex Mucchielli, Les sciences de l'information et de la
communication. 4ème éd.Paris : Hachette
supérieur, 2006
62
ensemble de facteurs justifie qu'elle ait été de
loin le média le plus suivi en Afrique. Même si nous constatons
que beaucoup de télévisions transnationales ont plus de
notoriété que certaines radios transnationales en attestent les
références à la télévision qui sont
supérieures à celles des radios, la radio reste encore
incontournable.
La comparaison entre les deux médias en Afrique
n'étant pas l'objet de notre recherche, nous allons néanmoins
présenter les résultats des citations de ceux-ci ainsi que
d'autres médias transnationaux suivis par les enquêtés.
Concernant la radio, 90% des répondants suivent les radios
transnationaux, 89% d'entre eux suivent les télévisions, 19% pour
la presse écrite et 47% suivent la presse transnationale en ligne. Cela
nous montre que la distance qu'il y'avait entre la télévision et
la radio est en train de s'effriter notamment avec le fait que la
télévision devient plus accessible mais aussi que la presse
écrite transnationale n'est pas très lue.
19
Type de media
47
89
90
Radio Télévision Presse écrite
Presse en ligne
Graphique de représentation des types de
médias transnationaux suivis
Ces résultats confortent notre choix d'étudier
le média RFI, qui reste leader des médias transnationaux
écoutés ou suivis par les étudiants.
IV.1.2 RFI comme source d'information fiable en temps réel
et de culture générale
A la suite des variables sur les médias transnationaux
proprement dits nous nous intéressons à la RFI qui fait
l'objet de cette étude. Ainsi, nous nous sommes intéressés
aux motivations qui poussent les étudiants à suivre média
RFI, le mode de suivi, la fréquence et la temporalité
dans le but de mieux comprendre les dynamiques d'exposition. A ce propos, si
tous les enquêtés suivent RFI, tout le monde ne
déclare pas suivre RFI par volonté mais par exposition.
En d'autres termes, ceux qui suivent la RFI par exposition sont des
auditeurs qui n'allument pas la radio de leur gré mais qui
l'écoutent involontairement. À la question de savoir «
de quelle manière suivent-ils RFI », 90 étudiants
déclarent suivre ce médium volontairement et 10
63
affirment le suivre plus par exposition. Par exemple quand
leur voisin allume la radio ou quand elle est captée dans un
environnement où ils se situent. Cela fait ressortir que tous les
auditeurs ne vont pas vers la radio ou ne suivent pas RFI de leur
propre gré. C'est élément est non négligeable dans
la compréhension de la réception. Si seulement 10% de
l'échantillon enquêté écoute passivement la radio,
c'est que l'essentiel de notre échantillon a la volonté de
s'informer et va vers l'information. Pour ces 10% nous pouvons dire qu'ils
opèrent une réception oblique (Hoggart, 1957) qui
intervient à des fins de sociabilité et de dynamique de groupe.
Cette « attention oblique » ou « consommation
nonchalante » (Hoggart, 1957) des informations de cette petite
portion des enquêtés n'en fait pas cependant des
non-récepteurs. En fait, même si cette consommation peut se
trouver « nonchalante », il se trouve qu'elle est effective et peut
avoir des incidences.
Tableau de résumé des réponses sur les
motivations qui poussent les récepteurs à suivre la
RFI
Motivations
|
Nombre
|
Information
|
95
|
Information sur l'actualité internationale et le
monde
|
45
|
Information en temps réel
|
15
|
Fiabilité, crédibilité,
professionnalisme,
qualité
|
15
|
Culture générale
|
11
|
Niveau de langue
|
1
|
Chez les 95 enquêtés ayant répondu
à la question sur les motivations qui leurs poussent à
écouter RFI, nous constatons que tous invoquent l'information
comme motivation principale. 45 y adjoignent une information sur «
l'actualité internationale et le monde », 15 parlent d'une
information « en temps réel », 15 autres parlent de
« fiabilité », de « professionnalisme
», de « crédibilité » et de
« qualité ». Enfin 11 répondants disent
vouloir augmenter leur culture générale et 1 son niveau de
langue. La question étant ouverte, les réponses sont multiples
mais ces éléments relevés constituent l'essentiel des
points saillants de cette variable. Par conséquent, on peut
déjà supposer qu'une information, internationale, fiable et
pouvant augmenter la culture
64
générale est l'une des motivations principales
des récepteurs qui font donc un usage du média RFI en
fonction de besoins cognitifs.
Cet état de fait sera appuyé par la question
suivante cherchant à savoir à quelle fin ils écoutent
RFI. Cette fois-ci, 5 variables seront proposées aux
répondants. Il s'agit des variables: information, divertissement,
culture générale, sociabilité et valorisation. 96
personnes ont coché sur l' « information », 17
personnes sur « divertissement », 77 personnes sur
« culture générale », 6 sur «
valorisation » et 19 sur « sociabilité ».
Ces résultats corroborent largement les données sur les
motivations des auditeurs de RFI enquêtés mais
introduisent des paramètres nouveaux. 17 personnes ne sont pas
intéressés par l'information stricto sensu mais plutôt par
d'autres programmes de divertissement, 19 l'écoutent en groupe donc par
sociabilité et 6 l'écoutent pour se conférer un certain
statut social et bien paraître.
FIN D'ÉCOUTE
80 60 40 20 0
120
100
Information
Culture générale
Valorisation
Sociabilité
divertissement
Fin d'écoute
|
96
|
77
|
6
|
19
|
17
|
19 17
6
96
77
Graphique (anneau) de représentation des raisons
d'écoute de RFI Afrique
IV.1. 3 Fréquence et temporalité d'écoute
La variable de la fréquence d'écoute est, à
plusieurs titres, importante pour notre objet. Elle
renseigne sur le niveau d'engagement de l'auditeur par rapport
au média. En réponse à la question sur la
temporalité 40% personnes attestent écouter «
régulièrement » RFI, 44% répondants
l'écoutent « de temps en temps » et 16%
répondent l'écouter «rarement ».
65
De temps en temps
Régulièrement
Rarement
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Fréquence d'écoute
16
Fréquence d'écoute
40
44
Graphique de la fréquence d'écoute de
RFI
Si 44% des répondants écoutent RFI de
« temps en temps » et 16% « rarement »
c'est que RFI n'a plus son lustre d'antan chez les
étudiants qui l'écoutaient tous à outrance dans les
années 1990 selon nos interviews avec les personnes ressources. Ces
données sont assez parlantes sur le fait que 40% seulement des
étudiants l'écoutent régulièrement. A cet effet,
« On peut qualifier de deux façons, relative et absolue, la
force du lien entre une radio et ses auditeurs : par la fidélité
et par l'exclusivité. Les auditeurs fidèles (ceux dont le lien
à telle radio est récurrent), et les auditeurs exclusifs (ceux
dont telle radio est la station exclusive, voire simplement dominante), forment
les deux auditoires dont le lien à la radio a une certaine force.
»129 (Glevarec et Pinet, 2007, p.294). Dans le cadre de cette
variable, nous pouvons plus parler d'auditeurs fidèles à RFI
qu'exclusifs. Cette dernière dépend aussi du fait qu'ils
puissent avoir recours ou non à d'autres sources.
Concernant la temporalité, 77,2% des répondants
écoutent la radio le matin, 39,6% l'écoutent la journée et
58,4 l'écoutent la soirée. Cette écoute peut se faire via
des dispositifs multiples.
129 Hervé Glevarec et Michel Pinet, « L'écoute
de la radio en France. Hétérogénéité des
pratiques et spécialisation des auditoires », 2007
66
Courbe des heures d'écoutes
60
22h-00h
50
6h-8h
40
30
20
10
0
8h 10h
12h-14h
10h-12h
14h-16h
16h-18h
18h-20h
20h-22h
Matin Journée Soirée
1ère série 2ème série 3ème
série
Graphique des heures d'écoute de RFI
Même si la grande majorité des auditeurs
écoute RFI la matinée soit 77,2%, on constate que les
intervalles d'heure où la radio est la plus écoutée est de
22h à 00h. Ceci indépendamment des cumuls des segments (6h
à 12h pour le matin, 12h à 18h pour la journée et 18
à 00 pour la soirée). Nous pouvons expliquer ce résultat
par le fait que les étudiants sont en repos et se couchent en ce moment.
Ils écoutent donc la radio en attendant leur sommeil pour certains mais
pour d'autres écoutent les éditions du soir pour avoir un tableau
synoptique des évènements de la journée.
En résumé, les étudiants écoutent
RFI le plus souvent dans les intervalles suivantes : le matin de 6h
à 10h, la journée de 12h à 14h et la soirée de 22h
à minuit. Heures de réveil et de préparation des cours
pour le matin, heure de pause pour la journée et moments de repos la
nuit sont les périodes d'écoute favorites des étudiants
enquêtés. A en croire Hervé Glevarec et Michel Pinet,
(2003) : « comparativement à l'écoute radiophonique en
général, l'écoute juvénile se présente comme
une écoute de fin de matinée et de fin de journée (...) la
projection de l'activité principale de "cours" (scolaires) correspond
dans ses grandes lignes aux moments les plus faibles de l'écoute de la
radio du matin et du début de l'après-midi.
»130 (Glevarec et Pinet, 2003, p.3). Ces heures
d'écoute dépendent de leurs activités, aux espaces
où ils se situent. Des espaces d'écoute domestiques et
délocalisés (Chez soi/extérieur/en classe/Trajets)
engendrent à leur tour des formes d'écoute solitaires ou
partagées (Glevarec et Pinet, 2003). Nous voyons ici que les horaires
les plus écoutés le matin peuvent être à la fois
domestiques (chez soi) et
130 Hervé Glevarec et Michel Pinet, « La radio : un
espace d'identification pour les adolescents », 2003, pp 319-342
67
délocalisées (trajet/en classe) mais solitaires.
Pour la journée, l'intervalle de 12h à 14 correspond à des
heures de pause, dans des espaces délocalisés certes, mais qui
offrent la possibilité d'écoute solitaire ou partagée.
Quant à l'intervalle qui se situe de 22h à 00h, elle est plus
domestique et solitaire. Nous nous rendons donc compte que les
récepteurs préfèrent les moments où ils sont au
calme pour s'exposer au média RFI et s'y informer.
En ce qui concerne le temps moyen d'écoute de
RFI, 8 personnes ont répondu l'écouter entre 0 et 10
minutes, 40 personnes l'écoutent de 10 à 30 minutes, 35
l'écoutent entre 30mn et 1h de temps et 17 plus d'une heure de temps.
Cela démontre que les étudiants sont assez exposés aux
informations de RFI pour avoir le temps de les intérioriser car
75 enquêtés l'écoutent moyennement entre 10 minutes et 1h
de temps. Si 75% des enquêtés écoutent en moyenne entre 10
minutes et 1H de temps la radio par jour, c'est qu'ils s'y exposent pour une
période qui leur permet d'avoir l'essentiel des informations de RFI
et de s'y familiariser. Ceci montre que nous avons globalement des publics
qui accordent une attention aux messages provenant de RFI en atteste
leur temps moyenne d'écoute. A la suite de nos entretiens, nous avons
constaté que plus la personne est attachée au média et y
collée, plus elle risque d'être dans une logique de
réception hégémonique-dominante puisqu'elle
partage le même code (Hall, 1994) et moins elle l'écoute tout le
temps et est exposée à d'autres canaux d'information, plus elle
est capable de recevoir l'information en fonction de ses intérêts
donc d'opérer une réception plus «
négociée ».
IV.1.4 Une écoute en direct via les dispositifs
mobiles et numériques
Le fait de savoir si nos enquêtés suivent les
émissions en direct ou par podcast est déjà un indicateur
des dispositifs qu'ils utilisent dans la réception des programmes de
RFI. C'est également un élément important pour
savoir à quel point le numérique intervient et influence les
pratiques et modalités d'écoute. Si les pratiques
informationnelles (Gardiès, Fabre et Couzinet, 2010) se trouvent
re-questionnées, c'est que les dispositifs numériques sont
très souvent renouvelés. Pour cette variable, toutes les
personnes qui déclarent écouter RFI par podcast
utilisent soit Internet, soit l'application mobile via smartphone. Ceci va
nous permettre de savoir à quel point ces dispositifs font l'objet d'une
appropriation (Proulx, 2010) par les usagers pour recevoir ces
informations.
68
Mode de suivi
Direct Podcast
69
Graphique de représentation des modes de suivi
Quatre-vingt-cinq (85) enquêtés les suivent en
direct et 24 en podcast. Cela montre que l'appropriation qui est faite des
smartphones ou de l'Internet en ce qui concerne l'information audiovisuelle
reste encore timide. Ces usagers sont donc toujours « tributaires d'un
horaire et d'une grille de programmation »131 (Saint
Martin, S. Crozat, 2007, p.261) donc moins indépendants à
l'égard des contenus du média RFI.
En ce qui concerne la question sur l'appareil d'écoute
de la RFI, 7 personnes utilisent le transistor, 51 le
téléphone portable, 63 le Smartphone et 27 Internet uniquement.
Si nous cumulons les réponses qui citent Internet et les Smartphones, 90
personnes ont accès à ces dispositifs alors que seuls 24 d'entre
eux utilisent le podcast. Ceci est révélateur de l'
« adoption » de ces dispositifs mais d'une «
utilisation » et « appropriation » encore
insuffisantes. In fine, il apparait clairement que le téléphone
portable et le smartphone, fruits d'une évolution technologique, sont
aujourd'hui les appareils multifonctionnels sur lesquels les étudiants
captent RFI. En outre, si 85 enquêtés suivent la radio en
direct, ils dépendent certes de la grille de programmation de celle-ci
pour l'écouter mais aussi, comme en attestent les horaires
d'écoute, choisissent les moments auxquels ils la suivent.
En ce qui concerne la question concernant la réception
de l'information par Internet, 91 personnes y ont répondu. 25
répondants déclarent la suivre sur http://www.rfi.fr/ , 18
via leur application RFI et 48 via les réseaux
sociaux. Là, le constat est que les réseaux sociaux sont
essentiels pour toucher les cibles. D'ailleurs, la plupart des jeux concours de
RFI se font aujourd'hui via Facebook comme l'illustre le jeu de
l'émission Archives d'Afrique qui se
131 Dominique Saint Martin, Stéphane Crozat, «
Écouter, approfondir.... Perspectives d'usage d'une radio interactive
», Distances et savoirs 2007, p. 257-273.
70
déroule simultanément par appel
téléphonique et sur Facebook. Par exemple, pour le cas
d'Archives d'Afrique, la question posée sur l'archive sonore
à deviner à la fin de chaque émission peut être
répondue en commentaire de la publication qui y est dédiée
sur Facebook. Avec plus de 2.606.203 fans le 10 Septembre 2016,
1.014.000 followers (Twitter), RFI compte aujourd'hui plus que
jamais sur les réseaux sociaux pour garder son statut de leader en
Afrique Francophone.
Suivi par Internet
48
18
25
RFI.FR Application RFI Réseaux
sociaux
Graphique de représentation du suivi de RFI
via Internet
La question concernant l'information via les
réseaux sociaux s'inscrit dans le même registre et cherche
à savoir sur quel réseau social les internautes qui suivent
RFI reçoivent le plus l'information. Nous n'avons choisi que
Facebook, Twitter et Google+, un choix arbitraire mais qui est
cependant bien motivé car RFI elle-même est beaucoup
présente sur Facebook et Twitter. L'association de
Google+ à ces deux autres a été fait dans le but de savoir
si celui-ci, pas très connu des Sénégalais à priori
est effectivement une plateforme où ils retrouvent RFI. 58
personnes reçoivent l'information sur Facebook, 10 sur
Twitter et 5 via Google+. Facebook est largement
dominant et focalise l'essentiel du suivi de RFI sur les
réseaux sociaux. Les réseaux sociaux engendrent de nouveaux
usages sociaux de l'actualité132 en faisant «
bifurquer les trajectoires d'usages des individus » (Granjon et Le
Foulgoc, 2010, p.227). Déjà en introduisant un ordre de
l'interaction (Coutant et Stenger, 2010), les réseaux
socionumériques ont fortement enrichi la chaîne de l'information
du fait que les récepteurs peuvent commenter et interagir en temps
réel. Les opportunités qu'offrent ces RSN semblent être
bien saisies par
132 Fabien Granjon, Aurélien Le Foulgoc, « Les
usages sociaux de l'actualité. L'Expérience médiatique des
publics internautes », 2010, p. 225253.
71
RFI. Les récepteurs, de plus en plus
connectés, prolongent leur consommation sur ces RSN, Facebook
en premier puisque c'est le réseau social le plus utilisé au
monde (1,79 milliards d'utilisateurs actifs par mois en Novembre
2016133) et au Sénégal (2.300.000
utilisateurs134).
SUIVI SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX
Facebook Twitter Google+
Google+
7% Twitter
14%
Facebook
79%
Graphique de représentation du suivi de la RFI
sur les réseaux socionumériques
Au terme de cette partie où nous avons
présenté quelques variables de notre enquête, des constats
fondamentaux pour notre analyse de la réception de RFI en sont
ressortis. Média transnational le plus connu au Sénégal,
RFI est volontairement suivi (90%) par les étudiants qui ont
comme motivation principale l'information sur l'actualité
internationale. Ces étudiants qui veulent augmenter leur niveau
d'information (96 citations) et de culture générale (77
citations) sur le monde à partir de ce média qu'ils
écoutent, le font le plus souvent le matin de 6h à 10h, la
journée de 12h à 14h et la soirée de 22h à minuit.
Ces intervalles d'heures, correspondants aux heures de réveil, de pause
et de repos traduisent deux facteurs : d'abord que ces étudiants, qui
utilisent très peu les podcasts (24 réponses) ne se sont pas
appropriés des smartphones et de l'internet par lesquels ils y
accèdent; ensuite qu'ils décident d'écouter RFI
à des heures où ils sont disponibles. De ce point de vue,
ils n'utilisent pas souvent la fonctionnalité du podcasting, ce qui ne
leur permet pas d'avoir les programmes quand ils le veulent, mais en fonction
de leur propre intérêt et disponibilité. En outre, en
s'exposant moyennement de 10 minutes à 1h de temps par jour, «
de temps en temps » (44 réponses) et «
régulièrement » (40 réponses), les
récepteurs opèrent une « exposition sélective
» au média puisqu'ils choisissent les contenus
spécifiques auxquelles ils s'exposent en fonction de leur centre
d'intérêt. In fine, pour les dispositifs, le
transistor semble être dépassé au profit du
téléphone portable (51 réponses) et
133 Facebook Reports Third Quarter 2016 Results
134 Internet World Stats, 30 juin 2016 vu sur
osiris.sn
72
du Smartphone (63 réponses). Sur Internet, ce
sont les réseaux sociaux et précisément Facebook, qui
constituent le canal favori de contact entre RFI et ses publics.
Cet ensemble de données recueillies fait ressortir une
consommation à des fins utilitaires du média transnational
RFI par les récepteurs. Le récepteur est actif et
utilise une stratégie de l'exploitation (Ravault)135
à des fins d'augmentation de culture générale et
d'information aux horaires qu'il choisit. L'internet et les nouveaux
dispositifs rendent la tâche des publics plus facile puisque certains
d'entre eux utilisent le podcast et d'autre suivent RFI sur les
réseaux sociaux. L'indépendance des enquêtés
à l'égard de RFI et l'utilisation qu'ils en font,
reflète une « exposition sélective » aux
programmes qui sont en rapport avec leurs intérêts. Il reste que,
la réception fait intervenir les intérêts des
récepteurs mais aussi les ajustements et l'adaptation qu'il fait du
message pour l'accepter ou le rejeter. A cet effet, nous allons tenter
d'étudier, dans les prochaines lignes, ces ajustements et adaptations
que font les récepteurs sous forme de filtre ou de sélection de
l'information provenant de RFI.
135 Un des trois stratégies de réception du
public actif identifié par Ravault. Elle consiste à une
utilisation intelligente. Le récepteur peut tirer profit de son
exposition aux messages culturels étrangers
IV.2 Filtre ou sélection de l'information
provenant de RFI Afrique
Les récepteurs de RFI enquêtés
nous ont permis d'établir certaines tendances à propos de leur
fréquentation de ce média. Nous nous sommes rendus compte dans la
section précédente d'un ensemble d'éléments
relatifs à la réception, ses motivations, sa temporalité,
sa fréquence qui nous édifie sur le caractère rationnel
des récepteurs. Les résultats de notre enquête nous
montrent que les étudiants, pour la majorité, ne sont pas
totalement collés à RFI et prennent le temps qu'il faut
pour recevoir ces informations. De ce point de vue, les récepteurs de
RFI au Sénégal sont pour la majorité avertis et
conscients des enjeux liés à l'information donnée par
RFI et l'appréhendent par rapport à leurs
intérêts propres d'où l'idée d'une «
réception négociée ». Seulement, cette forme de
réception suppose une utilisation utilitaire, instrumentale et plus
ponctuelle que continue de RFI. Cette dernière implique
nécessairement des préférences, des thématiques
privilégiées mais aussi des filtres et des sources d'informations
alternatives d'où l'idée d'une « perception
sélective » (Lazarsfeld, 1944).
Elle ne s'inscrit cette fois-ci pas dans le cadre d'une
« exposition sélective » (Lazarsfeld, 1944) au
média. Cette exposition sélective qui met à jour
l'exposition au média, à son information se différencie
quelque peu de la « perception sélective » où
le récepteur choisit quel programme percevoir ou pas. La «
perception sélective », appliquée à notre objet
s'intéresse beaucoup plus aux contenus programmatiques
médiatiques pour savoir à quels messages le récepteur
décide de s'exposer.
Nous avons, dans le cadre de notre questionnaire, tenu
à intégrer ces variables afin de comprendre les besoins qui font
écouter à ces auditeurs RFI mais aussi voir ce qu'ils
pensent et comment ils utilisent l' information reçue.
IV.2.1 Les émissions thématiques interactives
plébiscitées
La variable des émissions suivies est extrêmement
importante parce qu'elle permet de savoir à quels contenus s'exposent
les récepteurs et ensuite d'entrevoir si ces programmes les impactent.
Pour ce faire, nous allons d'abord présenter la grille de programmes de
RFI avant de dresser le tableau des résultats des
émissions les plus suivies par nos enquêtés.
73
Nous allons dresser un tableau des émissions citées
par nos enquêtés ci-dessous :
Emission
|
Thème
|
Nombre de citations
|
7 Milliards de voisins
|
Société, éducation,
jeunesse, emploi et travail, tendances, mode,
religion, histoire, environnement etc.
|
21
|
Radio foot international
|
Football
|
16
|
Appels sur l'actualité
|
Interactif, participatif,
actualité internationale
|
16
|
Archives d'Afrique
|
Histoire de l'Afrique
|
13
|
Géopolitique le débat
|
Géopolitique
|
8
|
Chronique de Mamane
|
Actualité
|
2
|
Priorité santé
|
Santé
|
26
|
RFI Matin
|
Information
|
4
|
Afrique midi
|
Information
|
5
|
Couleurs tropicales
|
Musique
|
6
|
Journal en Français facile
|
Langue
|
1
|
Autour de la question
|
Thématiques Multiples
|
3
|
RFI soir
|
Information
|
3
|
Café sport
|
Sport
|
2
|
Afrique presse
|
Revue de presse Afrique
|
3
|
Idées, ça va ça va le monde, comme un
roman, en sol majeur, la marche du monde, vous en avez des nouvelles, accents
du monde, atelier des médias, la marche du monde, une semaine
d'actualité, grand reportage
|
Multiples
|
1 citation par émission
|
Emissions les plus suivies (Grille de programme de la RFI en
annexes)
Les émissions les plus suivies sont «
Priorité santé », « 7 milliards de voisins
», « Radio foot International », «
Archives d'Afrique » et « Appels sur l'actualité
». Des thématiques sur l'Afrique, le sport, la santé
mais surtout des formats interactifs et participatifs caractérisent ces
émissions. Nous voyons donc que les centres d'intérêts des
étudiants se trouvent autour de ces thématiques mais aussi et
surtout que la possibilité qui leur est donnée de prendre la
parole les attire. En fait, la participation à une émission sur
un média mondialement connu confère un certain prestige
Par ailleurs, nous constatons, à l'analyse de la grille
de programmes de RFI, que les émissions qui sont
diffusées chaque jour dans la fourchette du Lundi au Samedi tels que
« appels sur l'actualité », « 7 milliards de
voisins », « Priorité santé », et
« Radio foot
74
internationale » sont très suivies. Quant
à « Archives d'Afrique » et «
Géopolitique le débat » leur richesse en informations
devrait expliquer qu'elles soient aussi suivies.
En outre, la fonction de documentation de RFI qui
traite de manière pointue l'histoire de l'Afrique, l'actualité
internationale ou sportive mais aussi des thématiques de santé
avec des spécialistes reconnus, enrichit les connaissances des
étudiants. Par exemple, tous les étudiants qui étudient
les Sciences de la santé enquêtés citent d'abord
l'émission « priorité santé ».
IV.2.2 Des auteurs confiants mais avec un décodage
critique
Connaitre le point de vue que les enquêtés ont
sur le traitement de l'information internationale par RFI est
déterminant pour comprendre leur perception de ce média. Ceci,
pour saisir la manière dont ils reçoivent l'information et
à quel point ils sont impliqués dans le processus de construction
de l'effet médiatique. Sur 80 réponses données concernant
leur point de vue sur l'actualité internationale, nous avons choisi de
trier les mots déterminants sur leur point de vue et de faire une
dissection en trois catégories selon notre approche, afin de mieux
qualifier les perceptions sur cette information internationale. A cet effet,
nous avons identifié la catégorie des auditeurs confiants, la
catégorie des auditeurs critiques et la catégorie des
décodeurs oppositionnels aux flux médiatiques.
Nous avons un total de 80 réponses à cette
question. 58 enquêtés trouvent cette information « bien
faite », « professionnelle », «
crédible », « fiable », «
documentée», « accessible », « en
temps réel », « équilibrée »
et « diversifiée ». Cependant, dans ces 58
répondants, 8 relativisent en même temps pour dire que celle-ci
peut être parfois partiale et biaisée.3 répondants parlent
d'une information globalement « satisfaisante » et 4
personnes pensent que c'est une information pas assez diversifiée et que
l'agenda se focalise plus sur certains aspects ou pays plutôt que
d'autres. Cette situation nous renvoie au fait que le média
définit le calendrier des évènements et la
hiérarchie des sujets (Lazar, 1992) à traiter. Ce
phénomène dit de l' « agenda-setting » est
utilisé par Moumouni pour expliquer le mauvais traitement des questions
sur l'Afrique dans les médias occidentaux tout en convoquant un autre
modèle : celui de l'agenda building. Ce dernier postule que
« l'actualité serait plus une construction sociale qu'un fait
brut dont traitent tout seuls les médias »136 et
que « la nouvelle est le fruit de la collaboration entre les
journalistes et les sources ». Ce mauvais traitement, selon Moumouni,
serait donc en partie imputable aux Africains. D'autres répondants eux
seront beaucoup plus méfiants à
136Charron, Lemieux et Sauvageau, 1991 cités
par Moumouni, 2003, p.158
75
l'égard du traitement de l'information internationale
faite par RFI. En effet, 13 personnes pensent que cette information
est « partisane », au service de la vision et des
intérêts de la France et un répondant affirme qu'elle n'est
: « Pas loin de l'endoctrinement. ». Le cumul des
réponses et leur analyse nous mènent aux conclusions
suivantes.
Les 50 répondants qui affichent une confiance totale
par rapport à leur écoute de RFI, le font souvent, comme
on l'a vu supra, sur des programmes ponctuels qui sont le plus souvent
des émissions pouvant augmenter leur culture générale et
se déroulant sous des formats participatifs. Nous avons aussi les 3
répondants qui parlent d'une information satisfaisante qui sont
classées dans cette catégorie. Ce qui fait un total de 53
auditeurs confiants de RFI.
Les 8 répondants tirés de ces confiants, peuvent
être classés dans la catégorie des auditeurs critiques du
fait de leur relativisme dans la confiance accordée à ce medium.
S'y ajoutent les 4 répondants qui postulent que l'agenda
médiatique de RFI n'est pas neutre puisqu'il se focalise plus
sur certains évènements au détriment d'autres de
même importance. Nous avons donc un total de 12 auditeurs qui ont une
attitude plutôt critique, donc consomment cette information mais peuvent
aussi la relativiser dans certains cas.
Treize (13) décodeurs oppositionnels sont
répertoriés dans les réponses données. Pour ces
auditeurs, beaucoup d'informations données par RFI, si elles ne
rencontrent pas leurs idées préétablies, ne leurs donnent
pas de connaissances nouvelles ou ne portent pas sur des faits reconnus de tout
le monde, sont susceptibles d'être rejetées.
Nous avons donc 53 auditeurs confiants par rapport aux
programmes qu'ils suivent, 12 auditeurs critiques et 13 auditeurs
oppositionnels dans le cadre de cette variable. Les 3 autres répondants
affirment ne pas avoir d'opinion sur le traitement de l'information
internationale fait par RFI.
76
CLASSIFICATION AUDITEURS-POINT DE VUE SUR L'INFORMATION
INTERNATIONALE DIFFUSÉE
PAR RFI
60
50
40
30
20
10
0
CONFIANTS
CRITIQUES
OPPOSITIONNELS
AUCUN
Graphique de représentation des points de vue des
répondants sur l'information internationale Ce qui est à
retenir c'est que la majorité (53) des répondants affirme une
confiance à l'égard des programmes qu'ils suivent sur
RFI, qui tournent essentiellement autour de l'actualité
internationale, de l'histoire de l'Afrique, du sport, de la santé et des
débats multithématiques.. Les thématiques de ces
émissions montrent que les auditeurs, même confiants, suivent
beaucoup plus des émissions qui appellent à leur participation ou
augmentent leur culture générale.
IV.2.3 Les médias nationaux et l'Internet comme sources
d'information privilégiées
Pour nous rendre compte d'à quel point les auditeurs
peuvent avoir une totale confiance et se fier uniquement aux informations que
peuvent lui donner RFI, nous avons posé « la question
de la diversification des sources » pour comprendre la logique des
auditeurs. Ainsi, moins ils diversifieront leurs sources et resteront
scotchés sur RFI, plus ils seront plus réceptifs et
susceptibles d'être influencés par celle-ci. Plus ils
diversifieront leurs sources, plus nous pouvons penser que ce recoupement
opéré est le fait d'auditeurs soucieux d'avoir la version de
plusieurs médias pour trier les flux informationnels. Pour cette
question, nous avons 100 réponses dont 95 personnes qui disent
diversifier leurs sources et 5 qui affirment ne pas diversifier. 95% des
enquêtés consultent donc d'autres médias que RFI
dans « leur quête d'informations ». A la question
suivante de savoir quelles sont les sources alternatives d'informations, nous
avons mis 4 variables que sont : médias nationaux ; autres
médias nationaux transnationaux ; recherches personnelles
; internet. 79 personnes déclarent s'informer aussi via
les médias nationaux, 34 consultent les autres
médias nationaux
77
transnationaux, 35 font des recherches
personnelles et 68 se connectent à Internet pour avoir
d'autre sources d'informations.
Le fait que 79 répondants déclarent s'informer
aussi via les médias nationaux est un fait déterminant dans
l'analyse de la réception de RFI. Si auparavant les auditeurs
n'écoutaient pas les médias nationaux qui étaient
essentiellement publics, aujourd'hui l'émergence de médias
privés, relativement indépendants quant au traitement de
l'information fait qu'ils se retournent de plus en plus vers ces derniers. Non
seulement, une expérience de normalisation langagière par les
journalistes des radios privées (Ndao, Kebe, 2010) est
opérée du fait de leur diffusion langues locales (Wolof et en
Français) mais aussi, un processus de déploiement dans la
sous-région à travers des correspondants, est engagé par
les médias qui disposent de plus de moyens. Ainsi, les
évènements qui se passent en Afrique de l'Ouest sont de plus en
plus couverts par ces médias nationaux même si cette couverture
reste encore insuffisante et timide.
Trente-quatre (34) répondants parlent des médias
transnationaux comme sources alternatives à RFI. Des
médias transnationaux comme la BBC qui a
délocalisé son bureau à Dakar, essaient aussi d'accroitre
leurs audiences à travers diverses stratégies. Aussi, du fait de
la présence d'intérêts Français dans certains pays,
le traitement de l'information « par exemple en Côte d'ivoire
était partial (...) beaucoup de médias transnationaux avaient des
partis pris » selon Godlove Jonathan (BBC) d'où
l'intérêt pour ces publics de consulter plusieurs médias
transnationaux pour ensuite trier et avoir la bonne information.
Les recherches personnelles utilisées par 25
récepteurs pour recouper les informations qui proviennent de RFI
relèvent de la documentation. En fait il s'agit d'informations et
de mots-clés du fait que les récepteurs souhaitent connaitre et
approfondir et ceci en faisant des recherches sur ces sujets.
Internet est, derrière les médias nationaux, la
source alternative principale d'informations. A travers la multitude de
plateformes, de sites web et de portails d'informations qui y existent,
Internet est sans doute la source d'informations la plus complète et
diversifiée.
78
Internet
Recherches personnelles
AUTRES SOURCES
Autres medias transnationaux
Medias nationaux
Graphique de représentation des autres sources des
auditeurs de RFI
In fine, on constate que les médias nationaux
sont les plus consultés comme autre source d'information avec Internet.
Ensuite viennent les autres médias transnationaux et les recherches
personnelles. Ceci démontre l'attachement de ces auditeurs aussi aux
médias nationaux surtout concernant des questions nationales ou sous
régionales puisque ceux-ci ont de plus en plus des correspondants dans
la sous-région. En fait, en fonction de l'angle d'analyse où l'on
se situe, on verra que les médias nationaux ou l'Internet pourraient
être les sources d'informations prioritaires des récepteurs.
Néanmoins, là n'est pas l'objet de notre recherche. Dans notre
perspective, le fait que la quasi-totalité des auditeurs de RFI
consulte et suit aussi d'autres médias est assez
révélateur sur la figure de ces récepteurs de
l'information médiatique. Cette démarche, combinée aux
données sur les sources alternatives, prouve à suffisance que les
récepteurs ne sont pas passifs, amorphes mais actifs et
réfléchis.
Les résultats de notre enquête menée sur
un échantillon de cent étudiants nous ont permis d'avoir un
aperçu assez large sur leurs paramètres de réception du
média transnational RFI. Si d'un premier angle de vue nous nous
sommes rendus compte que RFI trône largement sur ses semblables,
suivie de près par France 24 et BBC, le constat
général est qu'à côté de la radio, c'est la
télévision qui devient de plus en plus le type de média
préféré en Afrique. Par ailleurs, les récepteurs de
RFI l'écoutent le plus souvent pour de l'information stricto
sensu, ou pour augmenter leur culture générale. Dans une logique
voisine, les récepteurs écoutent RFI à des horaires
où ils sont en inactivité et donc à leur convenance.
79
De plus, si la grande partie des répondants
écoute encore la radio en direct, une minorité des auditeurs a
tendance à aller vers une écoute en podcast lorsqu'ils sont
occupés au moment de la diffusion du programme en question.
L'épopée du transistor, appareil de sociabilité que l'on
voyait un groupe de personnes écouter en discutant est révolue.
Depuis quelques années, le téléphone portable s'est
démocratisé et est devenu un outil indispensable,
multifonctionnel qui intègre aussi la radio. Seulement elle est
elle-même en profonde mutation et se voit de plus en plus
remplacée par le smartphone. Des médias comme RFI ont
donc développé des applications à cet effet. Sur Internet,
les réseaux sociaux sont les plateformes les plus
fréquentés par les auditeurs pour recevoir les informations de
RFI et plus précisément Facebook.
Si RFI est suivi, ce ne sont pas tous les programmes
de RFI qui intéressent les auditeurs. « 7 milliards de
voisins », « Radio Foot international »,
« appels sur l'actualité », « Archives
d'Afrique » et « Priorité santé »
qui abordent les thématiques du sport, de l'actualité, de
l'histoire, de société et de santé sont les
émissions les plus suivies en plus du journal. Soit du fait de leur
caractère participatif, soit du fait des connaissances qu'ils donnent
aux étudiants, ces émissions s'inscrivent dans une perspective
d'enrichissement de la culture générale des étudiants.
Une grande partie des enquêtés affiche une
confiance par rapport au medium RFI. Nous avons aussi des auditeurs
critiques et d'autres décodeurs oppositionnels aux informations
diffusées par la radio en question. Cela montre que le traitement de
l'information par RFI est loin de faire l'unanimité mais reste
encore acceptable pour beaucoup de récepteurs. Cependant 95% des
enquêtés déclarent avoir recours à des sources
d'information alternatives. Parmi ces sources alternatives, les médias
nationaux et internet sont les plus consultés afin de compléter
ou de recouper l'information qui les intéresse.
A la lumière de ces points saillants abordés
dans ce chapitre, résultats de variables contenus dans notre
questionnaire adressé aux étudiants, nous considérons que
les récepteurs de RFI adoptent une certaine distance en
adaptant les contenus de RFI à leurs codes et
intérêts dans un cadre général puisque plusieurs
éléments de tri et de filtre des messages tels que le choix de
programmes spécifiques à suivre ainsi que les variations des
sources d'informations sont assez évocateurs.
En interrogeant aussi bien les variables relatives aux
thématiques les plus écoutées, celles sur les codes, la
temporalité, les modes de suivi, les sources d'informations
alternatives, il apparaît clairement que les récepteurs de RFI
ont la latitude d'effectuer les choix qui leur conviennent. Ils
choisissent le moment auquel ils s'exposent, les thématiques auxquelles
ils s'exposent, le
80
contenu qu'ils écoutent et font recours à
d'autres sources d'informations. Il apparait donc qu'ils n'opèrent pas
au sein d'un code dominant.
Si la réception qui est faite de RFI
relève de déterminants multiples, les informations
reçues peuvent toujours participer à une co-construction du
message médiatique. Dans cette optique, Lee Thayer, développant
une théorie de la réception de l'information internationale,
pense que le récepteur est actif en ce sens qu'il ne subit pas le
massage informationnel mais co-construit le message médiatique en
même temps que l'émetteur en faisant intervenir ses schèmes
et son cadre social de référence. Thayer considère ainsi
que le processus de communication n'a lieu que lorsque le récepteur
prend en compte - take into account -, enregistre, et
interprète le signal transmis par l'émetteur et lui donne un sens
particulier. En d'autres termes, le sens n'est donc pas « transmis»
par l'émetteur mais « construit» par le récepteur. Pour
Thayer, la construction du sens dépend du fait que le processus de la
réception des contenus médiatiques est influencé par la
situation quotidienne du récepteur.137 Cette réception
négociée, active procède d'une « stratégie
de l'exploitation » au sens de Ravaultsien, et laisse voir une
utilisation du média pour satisfaire des besoins cognitifs au sens des
« uses and gratifications » incluant l'acquisition et
l'approfondissement de connaissances. La réalité
médiatique qui fait intervenir les sens, procède donc d'une
co-construction, qui interpelle directement les représentations.
Dans la construction de ses représentations, l'individu
utilise consciemment ou inconsciemment des informations ou
éléments de connaissances de toutes sortes qui peuvent jouer un
rôle déterminant. Les médias transnationaux auxquels il est
exposé, répondant à des logiques multiples dont celles
politiques et culturelles, lui transmettent ces informations ou
éléments de connaissance. Dans ce sillage, pouvons-nous penser
que RFI, participe à la construction des représentations
culturelles et politiques des étudiants qui l'écoutent ? La
réponse à cette question est l'objet de la dernière partie
de ce mémoire.
137 Lee Thayer. Communication and communication systems. 1968.
81
Partie III : Médias transnationaux : des
interculturalités aux sphères publiques
renouvelées
82
83
La vague d'internationalisation des médias s'est
accompagnée d'un flot d'idéaux, de pensées, de
théories et présupposés quant à leur
homogénéisation commode du monde. Etant sous tendue par des
visées impérialistes pour la plupart à leur
avènement, les médias transnationaux concourent à une
tentative de façonnement des individus récepteurs de leurs
informations vers une certaine vision occidentale du monde, d'où le
terme « westernization » qui signifie
«l'occidentalisation de l'autre, ces peuples supposés sans
histoire, sans culture, si ce n'est folklorique.»138
(Mattelart, 2007, p.24). D'ailleurs, parlant des liens entre la culture et
l'information, Armand Mattelart distingue l'approche culturelle,
à savoir une stratégie recourant à des «
médias lents », échanges de personnes, de livres, d'oeuvres
artistiques, s'adressant aux élites et attendant un retour sur
l'investissement à long terme de l'approche informationnelle, qui
privilégie l'usage des « médias rapides », radio,
film, presse à destination d'une audience de masse. Ce recours aux
médias, qu'ils soient lents ou rapides existe toujours dans le
même temps une kyrielle de moyens informationnels et culturels est
déployée pour agir sur les identités et les
représentations. Ces individus et groupes dotés
d'identités et de représentations en perpétuelle
mouvement, opèrent un perpétuel équilibrage et des
négociations de toutes sortes dans leur réception. Dans le cadre
de notre travail, nous cherchons à déceler les traces de
fonctions des médias transnationaux dans la construction des
représentations des publics. Ayant délibérément
choisi de nous intéresser aux aspects culturels et politiques, nous
voulons mettre à jour le rôle de ces médias transnationaux
dans la construction des représentations des étudiants
Sénégalais. Autrement dit, la RFI participe-t-elle
à la construction de leurs représentations culturelles et
politiques ?
Dans cette perspective, le premier chapitre est
consacré à une réflexion autour des logiques culturelles
des représentations des publics que nous étudions. En
commençant d'abord par une élucidation conceptuelle du concept de
représentations pour ensuite aborder les dimensions individuelles et
collectives, nous posons les bases d'une analyse du rôle des
médias transnationaux envisagés ici comme des «
médiacultures » en rapport ces dites représentations. A
cet effet, un travail de dissection et de différenciation de concept
pouvant qualifier les phénomènes des représentations
culturels est effectué notamment avec les termes « interculturel
», « transculturel » et « multiculturel ». A la suite
de cela, nous mobilisons des données recueillies sur la variable «
altérité » de notre enquête de terrain pour analyser
les dynamiques en cours entre RFI et les récepteurs sur le plan
culturel.
138 Armand Mattelart, op.cit. 2007, p.24
Le second chapitre de cette partie, procède à
une analyse des représentations politiques et du rôle que peut
jouer ou non RFI dans ces dernières. A partir d'une
réflexion autour de l' espace public, de l'opinion publique et
des déterminants sociopolitiques qui y interviennent, nous analysons les
publics, dans un premier temps, en tant que « communautés
imaginées » (1996) ayant des dimensions transnationales et
donc formant une « sphère publique transnationale »
(Fraser, 2014). En second lieu, nous inscrivons notre analyse des
représentations politiques en rapport avec l'opinion publique
et l'actualité nationale. A ce niveau, l'intervention de RFI
sur des questions d'actualité nationale, sera étudiée
pour clarifier ses rapports avec les représentations politiques des
étudiants.
84
Chapitre V : De l'hégémonisme au
relativisme culturel
Ce chapitre s'intéresse à un trait
déterminant, consubstantiellement lié à l'être
humain : la culture. La culture, liée à l'Homme aussi bien dans
son individualité que dans sa vie en société est un levier
sur lequel on peut appuyer pour l'influencer, le façonner et le modeler.
Telle est la vision de générations entières de penseurs,
politiques, missionnaires, médias, entre autres acteurs ont
développé dans leur mission de civilisation des peuples de la
périphérie. Justement, entretemps, la périphérie a
connu maintes et moult transformations avec notamment l'avènement des
TICs. Les médias transnationaux du centre, ayant été
présents à la période de la colonisation et se
positionnant toujours comme des médias privilégiés dans
l'espace régional ouest africain, sont soupçonnés d'avoir
des visées transculturels voire d' « impérialisme culturel.
Si on peut lire dans le rapport du CSA que « promotion de la langue et de
la culture française »139 est une des charges
imputées à RFI par le gouvernement Français, il est donc
clair que ce médias à un rôle culturel certain. Pour
autant, malgré plusieurs de ses programmes consacrés à la
culture, a-t-elle un impact dans les représentations culturelles des
récepteurs ?
Pour répondre à cette question, nous allons dans
un premier temps, nous intéresser aux termes clés que sont «
les représentations » et les vocables trans-, inter- et multi-
accolés à la culture. Ceci pour mettre en place le cadre qui
accueillera les résultats de la variable sur les rapports entre le
média transnational RFI et les représentations et
identités culturelles des récepteurs. Dans un second lieu, c'est
l' « autre » qui est abordé. A l'aide d'une variable sur
« la perception de l'autre » nous analysons
l'altérité telle que vécue mais aussi telle que
présentée par RFI. Ceci pour savoir si, encore une fois, RFI a un
rôle dans les représentations de l'altérité.
85
139 Rapport CSA année 2014 - France Médias
Monde-Décembre 2015, p.12
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V.1 Les représentations culturelles : entre «
westernization » et interculturalité
La « westernization » qui n'est rien
d'autre que l'occidentalisation des peuples dits primitifs ou sauvages, revient
à mener, pour le berger occidental, le troupeau à destination.
Ceci, emprunte nécessairement le sentier de l'encadrement et de la
domination culturelle. Cette dernière est appelée «
impérialisme culturel ». La notion d'impérialisme
culturel a pourtant été introduite dans un premier temps pour
désigner les tentatives hégémoniques américaines et
le refus de certaines voies de l'Europe d'entériner « the
american way of life ». La société de consommation,
trouve un écho favorable en Europe au point que la diplomatie du vieux
continent va s'en saisir et sous le leadership de la France, défendre
l'idée « d'exception culturelle », de «
spécifié culturelle » avant d'accoucher du terme de
« diversité culturelle » consacré par
l'UNESCO. Ces débats et cette dénonciation de
l'hégémonie américaine se retrouveront d'ailleurs dans les
négociations au sein du General Agreement on Tariffs and Trade
(GATT)140 devenu plus tard l'Organisation mondiale du
commerce (OMC). Le terme d'impérialisme culturel, ne se trouve
point, à l'instar de celui de « tiers-monde »,
géographiquement situé. Relevant plus
d'éléments factuels de « colonisation culturelle »
et d'une idéologie matérialiste chez des penseurs pouvant la
déceler et la dénoncer, l'impérialisme culturel s'est
toujours saisi des appareils de transmissions des idéaux pour influencer
les peuples de la périphérie. Elle désigne l'
« ensemble des processus par lesquels une société est
introduite au sein du système mondial moderne et la manière dont
sa couche dirigeante est amenée, par la fascination, la pression, la
force ou la corruption, à modeler les institutions sociales pour
qu'elles correspondent aux valeurs et aux structures du centre dominant du
système ou à s'en faire le promoteur »
(Schiller141, 1976). Cette définition d'un penseur de
l'économie politique de la culture et de la communication qu'est Herbert
Schiller, insiste sur l'intégration d'une société
donnée au système mondial mais surtout par le fait que sa couche
dirigeante soit le levier d'intériorisation des rudiments de la culture
dominante. Pierre Bourdieu et Loïc Wacquant, parlant de l' «
américanisation » définissent cet impérialisme
de la manière suivante : « comme les dominations de genre ou
d'ethnie, l'impérialisme culturel est une violence symbolique qui
s'appuie sur une relation de communication contrainte pour extorquer la
soumission et dont la particularité consiste ici en ce qu'elle
universalise les particularismes liés à une expérience
historique singulière en les faisant méconnaitre comme tels et
reconnaitre comme
140 En Français : accord général sur les
tarifs douaniers
141 Herbert I. Schiller, Communication and cultural domination.
1976. p.9 cité par Armand Mattelart Armand Mattelart, 200,7 p.59
142 Pierre Bourdieu et Loïc Wacquant. La nouvelle vulgate
planétaire. Le monde diplomatique, 2000, vol. 5, p. 1-7. p.6
143 S. Moscovici, Des représentations collectives
aux représentations sociales, in Jodelet D., Les
représentations sociales, coll. Sociologie d'aujourd'hui, P.U.F.
1989. p. 63
144 J. Clenet, Représentations, formation et
alternance, Alternances/Développement, l'Harmattan, Paris, 1998, p.
70.
145 S. Moscovici, op.cit. , 1989, p. 81
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universels »142. Cette violence
symbolique a comme outils privilégiés les médias. Ces
derniers sont des « médiacultures » en ce sens qu'ils
véhiculent une manière d'agir, de penser, de sentir, donc
contribuent à transmettre un mode de vie. Les médias
transnationaux comme RFI, perpétueraient, à leur
création, une « re-colonisation » par les esprits et
leur stratégie seraient empreintes de ces tentatives
hégémoniques au service d'une culture. Ainsi, on peut se demander
si ces tentatives hégémoniques ont porté leurs fruits ? Ou
bien si elles font face à des dynamiques d'interculturalités chez
les jeunes ? Les réponses à ces questions permettront de
d'envisager une construction ou co-construction des représentations
culturelles.
V.1.1 Focus sur les représentations individuelles et
collectives
Abordées dans beaucoup de domaines des Sciences de
l'Homme et de la Société tels que la psychologie sociale, la
psychologie cognitive, les sciences de l'éducation, la sociologie entre
autres, les représentations ont, depuis le XXème siècle,
été énoncées par une myriade de travaux. Si c'est
Serge Moscovisci qui l'emploie beaucoup plus dans les recherches actives
à partir de 1961, le concept de « représentations »
devrait permettre d'«étudier les comportements et les rapports
sociaux sans les déformer ni les simplifier.»143.
Jean Clenet ajoute que : « la représentation construite par une
personne (ou un collectif) est son lien, son rapport le plus intime avec
l'organisation et l'environnement dans lequel elle se
situe»144. Ces rapports qui se traduisent par des liens
cognitifs et sociaux se déclinent en trois éléments :
- la relation entre l'individu et le monde (hommes et
objets),
- la relation entre l'individu et l'action (la sienne et celle
des autres),
- la relation de l'individu avec lui-même.
L'apport de la psychologie, qui influencera notamment les
études d'autres champs sur les représentations sera fondamentale
puisqu'elle traduit, en premier, l'idée du caractère cognitif des
représentations. Tout au long de l'histoire, le développement des
TICs va booster et renouveler les acceptions sur les représentations.
Pour S. Moscovici «la révolution provoquée par les
communications de masse, la diffusion des savoirs scientifiques et techniques
transforment les modes de pensée et créent des contenus
nouveaux»145. Il ajoute que : « (...) La nouvelle
structure est celle d'une représentation au sens strict du mot, à
la fois abstraite et
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imagée, réfléchie et
concrète»146. Ce renouveau s'accompagne d'une
certaine innovation conceptuelle qui pousse les penseurs à parler de
« représentations sociales ». Ces derniers, mettent l'accent
sur la société, les interactions et rapports sociaux. Herrera
cite Moscovici (1976) pour qui, « toute représentation sociale
peut être considérée comme une modalité de
connaissance ayant pour fonction d'orienter les comportements et de permettre
la communication entre individus » (Herrera, 1996, p. 103). En outre,
la définition de Denise Jodelet met l'accent sur le fait que les
représentations ont pour soubassement le social en ce sens qu'elles sont
: « une forme de connaissance socialement élaborée et
partagée [...] concourant à la construction d'une
réalité commune à un ensemble social » (Jodelet,
1991 p. 51).
A cet effet, s'il existe plusieurs théories qui se sont
intéressés à ces représentations, elles s'entendent
au moins sur un point que nous rappelle en substance Sébastien Rouquette
(1997) qui pense que, pour qu'il y ait représentation sociale, il doit
nécessairement y avoir héritage et altérité.
Cependant, cette conception des représentations sociales édulcore
et semble dépasser les dimensions individuelle et collective des
représentations. Même si Moscovici a reformulé le concept
de représentation collective de Durkheim en y substituant celui de
représentation sociale, pour désigner, « un instrument
mieux adapté à la diversité et à la
pluralité des représentations qui organisent les rapports
symboliques dans les sociétés modernes (Doise, 1990). Pour
Durkheim, les représentations collectives sont des structures
logiques et invariantes de l'esprit humain. Dans la reformulation de
Moscovici, on retrouve cette idée de logique, mais pas celle
d'invariance » nous rappelle Mohamed Bernoussi et Agnès Florin
(1995, p.75)147. En fait, les représentations
sociales et les représentations collectives renferment pratiquement les
mêmes caractéristiques, hormis la dimension de processus qui nous
semble fondamentale. Par ailleurs, dans l'approche classique, suivant le
concept de représentations comme produit, mais aussi comme processus,
nous distinguons les représentations individuelles et les
représentations collectives remplacés ici par les
représentations sociales. Moscovisci l'illustre en ces termes :
« Les représentations sont des créations d'un
système individuel ou collectif de pensée. Elles ont une fonction
médiatrice entre le "percept" et le concept. En ce sens, elles sont
à la fois processus (construction des idées) et produits
(idées). Elles se valident,
146 Ibidem pp. 81-82.
147 Bernoussi Mohamed, Florin Agnès. La notion de
représentation : de la psychologie générale à la
psychologie sociale et la psychologie du développement, 1995. pp. 71-87;
p.75
148 J. Clenet, Cours D.E.A. Sciences de l'éducation,
C.U.E.E.P de Lille, novembre 1999, photocopie.
149 M. Denis, Image et cognition, P.U.F., Paris 1989
150 P. Mannoni, les représentations sociales, Que
sais-je, P.U.F., 1998, p.10
151 J. Clenet, op.cit., p. 41
152 S. Moscovici, op.cit., 1989, p. 64
89
se construisent et se transforme dans l'interaction
(...)»148. Nous envisageons donc les
représentations collectives comme des représentations
sociales.
VI.1.1.1 Les représentations individuelles
Quant aux représentations individuelles ce sont les
constructions de perceptions mentales que l'individu intériorise. En
d'autres termes des éléments de cognition que l'individu
construit par l'interaction avec son environnement. Elles constituent un tout
cohérent et permettent à l'individu de se situer par rapport aux
autres. Pour Jean Clenet les représentations individuelles sont
«ce qu'un sujet a pu intérioriser d'une situation vécue,
(de) ce qui pour lui "fait sens" et donne sens à ses actions. ».
La représentation individuelle, serait donc d'abord
singulière, particulière et se développant dans la
mentalité de chacun. On peut donc penser que cette notion est voisine de
la représentation mentale149. Pierre Mannoni expose que ces
représentations mentales «dans la plupart des cas, sont
orientées par les préoccupations praxéologiques du sujet.
Elles sont utilisées par celui-ci pour organiser et planifier son
action, participent aux projets comme à leur exécution et se
trouvent en permanence dirigées par une intention
pragmatique»150. Quant à J. Clenet, à la
suite de M. Denis, il définit les représentations individuelles
«comme processus par lesquels l'esprit humain appréhende son
environnement, en construit des représentations et utilise celle-ci afin
de régler sa conduite»151. Durkheim lui, pense que
les représentations sont «propres à chaque individu,
sont variables et emportées dans un flot ininterrompu. [...] (Elles) ont
pour substrat la conscience de chacun...»152. Cependant,
la plupart des penseurs qui ont travaillé sur les
représentations, certainement du fait qu'ils soient penseurs du social
à l'instar de Durkheim et de Moscovisci, font prévaloir les
représentations collectives sur celles individuelles. Pour notre part,
nous pensons que la dimension individuelle est tout d'une importance capitale
pour cerner la façon dont les individus dans leur singularité
traitent les informations qu'ils reçoivent et se font des
représentations mentales à cet effet.
V.1.1.2 Les représentations collectives
Michel Denis explique que les: «
représentations comportent une spécificité individuelle
mais également un noyau commun partagé par la plupart des esprits
humains participant de la même
culture»153. Les
représentations collectives se forment donc dans le moule social et
« servent à définir des modes de pensée communs
(autours de normes, de mythes, d'objectifs) qui règlent et
légitiment les comportements au sein du groupe. La notion de
représentations collectives insiste sur leur spécificité
pour le groupe qui les élabore et les partage. »154
Dans le sens de cette acception, nous comptons, aborder les
représentations collectives tendant. Nous postulons que les aspects
politiques des représentations que nous voulons étudier
trouveront échos dans ce cadre collectif incarné ici par les
étudiants. Dans cette perspective, des traces exigus de liens
diasporiques, c'est-à-dire des représentations d'étudiants
sénégalais vivant en France peuvent également apparaitre
et également analysés dans ces compositions collectives.
V.1.3 Médiacultures et altérité
« Les médias d'un côté, la
culture de l'autre. Ce grand partage n'a qu'un siècle mais il
pèse sur les représentations des médias... »
nous disent Macé et Maigret à la quatrième de
couverture de Penser les médiacultures. Appelant à de
nouvelles pratiques et représentations du monde, cet ouvrage
convoque l'essentiel des études autour de la culture et de la
communication. Les représentations culturelles qui naissent via les
médias, interpellent directement les récepteurs des informations
qui les construisent en fonction de leur réception. Sous cet angle, les
médias transnationaux, qui ont, chacun, sa ligne éditoriale,
traitent une information internationale à destination de public
multiples. Ces publics, reçoivent, interprètent et se
construisent différemment des représentations. Dans ce sillage,
la perception de l'autre, trait identitaire et facteur de
représentation, nous interpelle directement. En fait, l'autre «
s'affiche sous un polymorphisme déroutant, bien des fois mouvant,
mutant, présent ou fuyant, attrayant ou rebutant
»155 (De Buron-Brun, 2010, p.7). Des
stéréotypes et présupposés sont
développés à l'endroit de l' « autre »
du fait de son caractère inconnu et différent. Ces
stéréotypes et présupposés ont longtemps
guidé, les médias transnationaux qui, eux, mettaient en jeu des
représentations diabolisée,
instrumentalisée, interpellée,
autonomisée (Cabedoche, 2007). Ces représentations qui
construisaient une étrangeité (2007) rencontrent
cependant des récepteurs qui sont souvent concernés mais qui
opèrent une réception négociée comme nous l'avons
vu dans la deuxième partie. RFI, qui est un média d'Etat
mais se représente comme « les voix du monde »,
à travers ses émissions présente et fait interagir
différentes cultures. Cette mise en
153 M. Denis, in Sciences Humaines n° 27,
op.cit.
154Dominique Aimon, travail réalisé sur
la base du cours de Jean Clenet en novembre 1998 dans le cadre d'un DEA en
Sciences de l'éducation
90
155 Bénédicte de Buron-Brun,
Altérité, identité, interculturalité, Perceptions
et représentations de l'étranger en Europe et dans l'arc
atlantique, Tome 1, 2010, p.7
scène des cultures a-t-elle un impact dans la
perception que les publics se font de l' « autre » ? En d'autres
termes, il est question de savoir si RFI participe à la
construction des représentations culturelles des publics et de la
conception qu'ils ont des autres cultures. A cette question, nous
répondrons dans les lignes qui suivent à l'aide de formulations
théoriques à cet effet mais aussi des résultats de notre
enquête.
V.2 Des « médiacultures » et des
récepteurs en perpétuelle négociation
Dans cette section de notre travail nous nous
intéressons aux médias transnationaux et à leurs liens
supposés ou réels avec les représentations des
récepteurs. Pour ce faire, nous partons d'abord de la variable de notre
questionnaire concernant les identités et les représentations
culturelle tout en nous limitant aux représentations individuelles.
Sur les 100 répondants à la question de savoir
si RFI, à travers ses programmes, participe-t-elle à la
construction de leur identité culturelle, 65 enquêtés
répondent « Non » et 35 répondent «
Oui ». Sur les 35 étudiants qui ont répondu par «
Oui », 21 ont justifié leur réponse (Kit en annexes). A cet
effet, notre analyse thématique nous montre que les émissions
à vocation culturelle, historique, artistique ou même certains
reportages leurs permettent de s'ancrer beaucoup plus dans leur culture et de
scruter d'autres réalités culturelles. Si RFI permet
à ces récepteurs de mieux comprendre leur culture, il ne faudrait
pas occulter qu'elle a sa manière de traduire et d'expliquer celle-ci
à ces publics. Et si ce média les renseigne sur d'autres cultures
c'est également à travers son angle d'analyse propre. Les
récepteurs de RFI font de ce media un usage qui leur sert
d'approfondissement de leurs connaissances sur leur propre culture ou sur celle
des autres. Si 65 répondant déclarent ne pas construire leur
identité culturelle avec le média RFI et que 35 disent
intégrer RFI dans cette construction c'est que la domination ou
l'hégémonie culturelle n'est pas à jour. « Les
médias cessent d'être des industries plus ou moins
aliénantes pour devenir de vraies médiacultures, des lieux
faisant se rencontrer des mondes plus ou moins marqués par la
défense ou l'abondance d'identités. »156.
Néanmoins, autant les émissions à vocation culturelle sont
écoutées, autant des systèmes de représentations
font sens à travers cette écoute. Pour Nancy Fraser, c'est un
réflexe des contre-publics subalternes de s'affirmer en
édulcorant ipso facto toute idée d'ascendant des
médias. Ces derniers, « utilisant et déformant les
médias, dans le cadre d'une domination vécue mais
contestée. » (Fraser, 2014). La thèse de l'auteure,
comporte à notre sens des limites au moins sur un aspect fondamental.
C'est que les récepteurs de la RFI qu'on peut voir ici comme
des « contre-publics subalternes » (Fraser, 2014) ne
développent pas une contestation vis-à-vis de ce média
mais font une
156 Eric Maigret et Eric Macé, Penser les
médiacultures, op.cit. 2011. p.34
91
92
utilisation que l'on peut qualifier de mesurée et
utilitaire. Cette influence que peut avoir un média transnational n'est
donc pas refusée mais contrebalancée par des pratiques de
d'appropriation et de « braconnage »157. Pour Michel de
Certeau, le lecteur, l'usager, invente des manières d'exploiter le
dispositif qu'il a à sa disposition, indépendamment des
prescriptions d'utilisation.
Ces pratiques de braconnage sur le plan informationnel nous
conduisent, non pas à des représentations culturelles directement
façonnées par ces flux informationnels, ni par une
répulsion à toute pénétration de ces médias
dans ses schèmes individuels, mais à un aller-retour
perpétuel qui n'inclut pas totalement et exclut partiellement. Il s'agit
d'interculturalités où les paramètres linguistiques,
cognitifs, ludiques des usages de ces médias permettent d'en
intégrer les contenus mais d'en exclure celle qui menacerait les
représentations préétablies. A ce propos, André
Vitalis, nous dit qu'Arjun Appadurai (2001) « estime que la
circulation accélérée et mondiale des informations et des
images, influence profondément les croyances et les constructions
identitaires. Pour cet anthropologue, l'explosion des médias rend
possible un nouveau et imprévisible déploiement de l'imagination.
Avec le déploiement de la population, on assiste à la naissance
de « communautés imaginées transnationales, partageant
les mêmes origines et les mêmes croyances, mais également
à une hybridation et un bricolage des cultures (...)
»158. Cette pensée d'Arjun Appadurai ne
s'applique pas nécessairement au cadre des médias transnationaux
qui, rappelons-le, ne sont qu'une partie de l'ensemble qu'est la mondialisation
de la communication. Les « communautés imaginées
transnationales » le sont pour la durée d'une émission
comme « 7 Milliards de voisins » où, on peut imaginer
qu'ils aient les mêmes origines et les mêmes croyances en
l'humanité. C'est donc à temps partiel que les auditeurs peuvent
imaginer exister dans un « village planétaire » où tout
le monde est voisin. On le voit donc, les représentations culturelles de
l'auditeur ne se trouvent pas téléguidées et
façonnées mais relève de bricolages, s'hybrident dans des
ordres temporels, d'où leur diversité.
V.3 Publics de la RFI et représentation de l' « autre
»
Qui parle de représentation parle
d'altérité. La multiplication de problématiques et
conflits inter
et intra Etatiques observés aujourd'hui dans le monde
trouve son origine dans un foisonnement, un choc des civilisations, où
les identités se rejettent, s'entretuent, s'entredéchirent et
s'excluent mutuellement. L'autre, étant antérieurement
décrit négativement, sera au fur et à mesure pris en
compte dans ce qu'il a de culturel. Toutefois, les intérêts
coloniaux justifiaient toujours une
157 Michel De Certeau. Lire: un braconnage. L'invention du
quotidien: 1. Arts de faire, 1990.
158 André Vitalis, Critiques de la société
de l'information, op.cit.2008. p.115
information tronquée et empreinte d'ethnocentrisme.
Cette perspective sera continuelle tout au long de la transmission de
l'information sur les colonies. Les médias, vecteurs d'information et
aujourd'hui de communication, ont joué un rôle important dans
cette mouvance. D'où la pertinence de s'y intéresser. Cependant,
si l'essentiel des études sur l' « autre » a été
réalisé à l'aune et sous la loupe des émetteurs de
l'information, nous voulons comprendre et concevoir les idées que se
font les récepteurs de l' « autre » à partir de cette
information internationale. Car l'autre est une composante essentielle du Soi,
l'autre définit le Soi. C'est à partir de l'autre que nous nous
représentons comme différent. La relation à l'autre est
essentiellement intersubjective. Jean Guy Lacroix affirme que « la
communication ne peut se définir que comme un échange (rapport)
intersubjectif entre des locuteurs, interlocuteurs, interpeleurs.
Fondamentalement, cet échange est un rapport à l'autre en tant
que celui-ci est différent de moi (soi). Il relève de
l'altérité »159. La communication, qu'elle
soit médiatique ou interpersonnelle nous permet donc de nous
définir par rapport à l'autre. Nous avons cru nécessaire
de questionner cette variante des représentations d'une importance
capitale pour saisir sa dimension individuelle chez nos enquêtés.
Est-ce que les médias transnationaux, ici RFI, changent notre
manière de voir et de percevoir l'autre ? Nous allons apporter des
pistes de réponse à cette question sur la base des données
empiriques à cet effet.
Sur 100 réponses enregistrées pour cette
question de savoir si « oui » ou « non »
les médias transnationaux modifient leur manière de
percevoir l'autre, 43 étudiants ont répondu par « oui
» et 57 par « non ».
RFI et perception de l'autre
RFI et perception de l'autre
60
OUI NON
50
40
30
20
10
0
159 Jean Guy-Lacroix, Critiques de la société de
l'information. Op.cit. 2008, p.197
93
94
Histogramme de représentation des réponses sur
la perception de l'autre à partir de l'information de
RFI
Le constat ici encore est que la majorité répond
ne pas être influencé par les programmes de RFI dans sa
manière de percevoir l'autre. Un constat, encore une fois, assez
révélateur de la réception que ces étudiants font
de ce média. Ils sont, pour la plupart, intéressés
seulement par l'information sans subir d'autre détermination de la part
de ce média. Mais si 43 répondants, une partie non
négligeable des enquêtés a répondu par la positive,
intéressons-nous à présent aux explications relevant de
cette influence de la manière de percevoir l'autre pour cette
minorité. Trente (35) répondants ont justifié leur
affirmation selon laquelle RFI leur permet de modifier leur conception
de l'autre. Notre analyse sémantique des discours sur le comment
de leur modification de la perception a fait ressortir plusieurs
éléments.
D'abord, le premier constat est que les répondants
disent découvrir à travers ces émissions, les
réalités, les cultures et les manières d'être des
étrangers. C'est via ces programmes qu'ils découvrent les
« cultures », les « civilisations » des
autres pour mieux les comprendre. D'ailleurs près de la moitié
parle d'une « acceptation » plus positive et d'une plus
grande « tolérance » par rapport aux autres cultures.
Un des répondants affirme que ça permet un « brassage
culturel ». Trois répondants citent l'émission
« 7 milliards de voisins » comme référence qui
leur permet de relativiser les stéréotypes qu'ils avaient des
autres. On découvre l`autre et « le dialogue devient plus
facile ». Nous constatons également que certains
répondants établissent le fait qu'ils peuvent avoir les
mêmes réalités avec les autres même s'ils vivent dans
des horizons différents. Ceci est également un indicateur de
relativisme culturel qui déconstruit-reconstruit l'image qu'on se fait
de l'autre. Le constat est également que les répondants n'ont pas
d'a priori négatif ou de représentation négative
de l'autre. Ils s'inscrivent globalement dans un relativisme culturel
au sens de Claude Lévi-Straus.
Si les médias transnationaux ont séduit les
publics nationaux dès leur création entre les années 1930
et les années 1990 pour la plupart, c'est bien le fait de
l'extraneité qui, selon Madani160 est le fait qu'une
population ne se reconnaisse plus dans le discours qui est tenu sur elle par
les médias de son propre pays. Les auditeurs de RFI la
préféraient aux médias nationaux parce que le discours
médiatique national était uniquement gouvernemental. Cependant,
aujourd'hui,
160 Lotfi Madani. Les télévisions
étrangères par satellite en Algérie: formation des
audiences et des usages. Revue Tiers Monde, 1996, p. 315330.
avec le pluralisme médiatique au niveau national,
RFI semble se positionner comme un médium qui permet de
s'informer sur la réalité étrangère et les
mouvements en cours chez les autres.
En outre, une certaine étrangeité fait
sens avec le média transnational RFI en rapport avec les
représentations du jeune Sénégalais instruit qu'est
l'étudiant. « L'étrangéité désigne
ainsi la rencontre entre les stratégies de présentation de
l'Autre par un média transnational et les imaginaires
d'événementalisation, d'espace, de temps que `'l'instance
cible» est censée partager et que `'l'instance
médiatique» tente de reproduire par hypothèse, dans des
versions socialement acceptables (Charaudeau). »161. Nous
voyons ainsi que l'étrangeité relevant d'une
co-construction, dépend autant des formulations des médias que du
système de représentations des étudiants. La
réalité médiatique ne se construit donc pas seulement dans
le cadre d'émission mais aussi dans la sphère de
réception. Nous en arrivons à postuler que les
représentations individuelles chez les récepteurs, au contact des
flux informationnels internationaux, relèvent
d'interculturalités, de dialogue et d'échanges.
Il existe également des liens diasporiques qu'il serait
important d'étudier. Dans le cadre de notre étude, nous avons
répertorié trois Sénégalais étudiants en
France qui ont répondu à notre questionnaire. Leurs
réponses laissent transparaitre des liens diasporiques qui existent mais
ne révèlent pas de grande différence quant à la
perception qu'ils ont des flux transnationaux qui, par ailleurs, leurs
permettent eux aussi de s'informer sur ce qui se passe dans leur continent et
leur pays. Ceci est dû au fait qu'RFI est le médium
d'information français le plus focalisé sur l'Afrique. De plus,
la diaspora est une composante essentielle à étudier et à
comprendre du point de vue des représentations. Les réponses de
ces derniers ne se différencient pas des réponses des
étudiants inscrits dans les universités
sénégalaises. On peut donc postuler que ces
représentations diasporiques se métissent au pays d'accueil mais
restent ancrées et enracinées dans les cultures locales. Nous
affirmons que le changement de territoire ne modifie pas nécessairement
la perception de l'autre via les médias transnationaux.
Au terme de ce chapitre où nous avons croisé les
données de nos résultats d'enquête à des
formulations théoriques pour étudier les représentations
des étudiants, nous avons constaté que ces derniers, loin
d'être déterminés par ces programmes, s'en servent pour
approfondir leurs connaissances sur leur culture et les autres cultures. Les
émissions leurs permettent donc de conforter la dynamique
d'interculturalité en cours. Les médias transnationaux auxquels
s'identifiaient, en raison de l'extraneité, les
étudiants Sénégalais dans les années 1990, sont
plutôt aujourd'hui des outils non hégémoniques. Si nous
avons choisi l'angle de vue individuel
161Bertrand Cabedoche, op.cit.2005, p.271
95
pour analyser les dynamiques des représentations
culturelles, c'est pour pouvoir, en raison de la complexité du fait
culturel, l'inscrire dans une relativité et dans la subjectivité
de chaque individu.
Ce premier chapitre, nous a permis de d'analyser les
représentations culturelles que les publics se font à partir des
flux d'informations internationales provenant de la radio RFI. Au
final, il apparait que non seulement l' « impérialisme culturel
» via les médias n'est plus d'actualité mais aussi que les
représentations culturelles des auditeurs, dans leur majorité,
dépendent certainement d'autres facteurs culturels même si les
médias transnationaux peuvent les enrichir ou les renforcer. Il y'aurait
plutôt un dialogue, des échanges des interconnexions, donc une
interculturalité qui existe via la radio RFI laquelle se
présente plutôt comme un cadre d'interactivité entre les
cultures.
Nous allons voir dans le prochain chapitre de cette
troisième partie les aspects politiques pouvant entrer en jeu dans la
construction des représentations en nous interrogeant, en filigrane, sur
les dynamiques de l'espace public contemporain (Miège,
2010).
96
97
Chapitre VI: Espaces publics et représentations
politiques : entre communautés imaginées et opinion
publique nationale
Les médias ont été
appréhendés dès leur émergence avec la presse
écrite, comme de puissants catalyseurs d'une société plus
juste, plus informée et mieux organisée. Les études de
Gabriel Tarde et d'Alexis de Tocqueville sur le rôle de la presse dans la
construction des démocraties sont des indicateurs du
préposé d'impact qualitatif de la presse chez les citoyens. De
plus, pour des penseurs de l'Espace public tels que Jurgen Habermas,
le principe de publicité se voit d'abord assuré par la presse
écrite. Cet à priori positif de l'apport des
médias dans les régimes de toutes sortes a amené J.M
Sandmann à procéder à une classification des médias
selon les types de régimes162. A en croire
Sandmann163, dans les régimes démocratiques ce sont
les lecteurs et les médias qui décident de ce que font ou ne font
pas les médias. Dans ces régimes les médias sont quelque
peu indépendants des pouvoirs de Montesquieu qui n'interviennent qu'en
cas de dérapage notoire. C'est d'ailleurs ce qui fait penser à
l'existence d'un quatrième pouvoir à côté des
pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. On parle de
« médiacratie » pour désigner « leur
statut et, partant, le rôle qu'ils jouent sur la formation et
l'expression de l'opinion publique, dépendent des garanties
apportées à la liberté d'expression et de
l'indépendance vis-à-vis des pouvoirs qui traversent la
société et qui impriment leur marque sur elle.
»164. Moyens symboliques d'expression, de lexis et de
praxis dans l'espace public démocratique, les médias sont devenus
incontournables dans la structuration des espaces publics nationaux.
Aujourd'hui, nous constatons que ce ne sont pas seulement les médias
géographiquement localisés dans la sphère nationale qui y
émettent et qui transmettent de l'information. Nous avons aussi des
médias transnationaux qui bénéficient le plus souvent
d'une certaine crédibilité de la part des publics nationaux, et
accrochent à leur agenda des faits politiques saillants nationaux, lors
des périodes de crises ou de forte effervescence politique. De ce point
de vue, pouvons-nous penser les médias transnationaux jouent un
rôle dans la structuration des représentations politiques et la
configuration de l'espace public ?
162 Selon cette classification de SANDMANN nous avons cinq
types de régimes qui façonne le type de médias qui y
évoluent. Ces cinq régimes sont le régime totalitaire, le
régime autoritaire, le régime technocratique, le régime
libéral et le régime démocratique .
163 J.M Sandmann, Presse-actualité numéro 127,
p.60,
164 Lexique d'information et de Communication, Dalloz
1ère édition 2006 sous la direction de Francis Balle,
p.253
98
VI.1 RFI : Des publics nationaux aux communautés
imaginées transnationales
VI.1.1 RFI et les enjeux géopolitiques mondiaux :
Un média transnational a d'abord pour vocation, qu'il
soit juridiquement publique, privé ou mixte, à orientation
politique ou culturelle, qu'il soit généraliste ou
thématique, de véhiculer de l'information internationale.
D'ailleurs, c'est dans cette perspective que sont nés les médias
à portée transfrontière. Le développement de TICs
favorisant cette dynamique, une logique offensive des grands groupes de
communication et des industries culturelles vers des publics diversifiés
s'est accentuée tout au long du 20ème siècle.
C'est d'ailleurs ce que nous dit Michel Sénécal : « les
réseaux et les flux communicationnels, dont la croissance a
été stimulée par le développement fulgurant des
techniques médiatiques et par l'accélération de
l'informatisation ont de plus en plus réduits les distances et rendu
poreuses les frontières des Etats165. Les médias
transnationaux devraient donc éclairer la lanterne de leurs publics
locaux sur des enjeux et thématiques d'ordre internationaux d'autant
plus que ceux-ci sont à la quête des échos d'ailleurs
et surtout d'évènements en cours dans les foyers de tension
dans le monde, lesquels sont couverts par un média comme RFI ;
les moyens des médias nationaux étant encore trop limités
pour se déployer dans d'autres cadres. Cet entrelacement entre les
actualités nationales et internationales qui peuvent avoir des liens
directs et impacter les espaces publics nationaux nous poussent à nous
poser des questions en rapport avec l'interculturalité
précitée. De la même façon qu'un métissage
culturel fait sens dans la construction des représentations, un
décloisonnement et une déterritorialisation pourraient exister
quant aux conceptions des opinions et les sphères publiques peuvent
transcender les cadres nationaux. Peut-on en ce sens parler de
sphère publique transnationale pour reprendre Nancy Fraser et
faire évoluer la pensée Habermasienne ? Nous allons nous appuyer
sur les données de terrain notamment les réponses à la
variable concernant la géopolitique internationale et essayer de les
combiner avec les concepts de sphères publiques transnationales
de Nancy Fraser et de logiques transnationales des publics
d'Arjun Appadurai.
De prime abord, nous interrogeons les données
empiriques afin de jauger le niveau d'attachement des publics à
l'actualité internationale. Le niveau d'intéressement des
auditeurs à l'actualité internationale, leur affirmation ou
infirmation des éclairages apportés par RFI sur les
faits, conflits et enjeux internationaux ainsi que leur justification,
constituent des indicateurs
165Michel Sénécal, Critiques de la
société de l'information, op.cit. p.50
essentiels de notre analyse. Ils permettent de mesurer la
performance de la radio RFI mais aussi de comprendre la formation
d'opinions publiques à l'échelle transnationale.
Ainsi à la question de savoir si RFI les
éclaire sur les « enjeux géopolitiques mondiaux »
(conflits, menaces, opportunités), 91 enquêtés
répondent par « Oui » et 9 par « Non
». Ce pourcentage (91%) de réponses positives est
déjà évocateur. Les étudiants, veulent être
au courant de ce qui se passe à l'échelle internationale et se
font des idées et des opinions à partir des informations
reçues notamment à travers les « reportages »,
« dossiers », « émissions de débats » et
« des analyses approfondies des experts sur les thématiques
internationales ». D'autres évoquent plus la diversité
sur les évènements mondiaux, à des faits se
déroulant en Afrique de l'Ouest ou un peu partout dans le monde. Une
grande partie évoque les enjeux géopolitiques et les
éclairages des experts ou de reportages sur ceux-ci. Certains
répondants, mettent l'accent sur la « précision
», l' « approfondissement », la «
fiabilité et la vérifiabilité » des
informations. Cependant, trois (3) répondants reviennent toujours sur le
caractère partial du traitement de certaines actualités
internationales par RFI.
Le constat à faire ici est que tous les
répondants s'intéressent aux actualités d'ailleurs, se
font des idées, développent des opinions sur les conflits et les
évènements mondiaux et se forgent des représentations.
Dans le même temps, les auditeurs effectuent des recoupements avec
d'autres sources-médias ou via des recherches personnelles. Il
est un usager-acteur qui écoute, participe aux débats et
vérifie souvent les informations. Si de Dakar à Abidjan, les
auditeurs de RFI s'intéressent aux relations internationales,
à l'actualité internationale de manière exponentielle, il
peut arriver qu'ils aient des opinions similaires ou différentes et des
positions communes ou contraires. Dans le même temps, les auditeurs
provenant de divers pays partagent les mêmes thématiques ils en
débattent, échangent et forment des opinions voire même un
« espace public transnational ».
99
100
VI.1.2 De l'espace public Habermassien à la «
sphère publique transnationale »
Le siècle des lumières est le moment de
développement d'idéaux, de pensées et d'une conscience
plus libre, plus ouverte, plus livresque et critique un peu partout en Europe.
Cette dynamique des lumières aura le vent en poupe notamment en France,
en Angleterre et en Allemagne. Il s'agit en fait, pour Habermas, de la
formation d'un espace entre la société civile et l'Etat,
formé par les bourgeois qui ont une capacité d'analyse critique
des politiques publiques. Ces derniers se rencontrent dans des sphères
privées tels que les cafés pour discuter, échanger,
déformer puis former ce que devrait être l'orientation
étatique. Cette définition de l'espace public comme un espace
élitiste éclairé et dont la publicité servirait
comme pan d'éclosion et d'expression des idées, se trouve
cependant restrictive et en contradiction avec les principes mêmes
d'universalisme et d'égalité des lumières. Si les
médias, appareils symboliques de publicité des débats
publics politiques servaient de médiatisation de ces débats, il
reste aujourd'hui que la dimension commerciale semble avoir
dévoyé la conception qu'en avait Habermas. D'abord, les
médias sont devenus commerciaux et servent à manipuler ; ensuite,
ces médias deviennent de plus en plus banalisés car étant
à la disposition de tous. Cette pensée de Habermas, traduit
clairement son ancrage dans les axiomes des théories critiques de
l'école de Francfort, mais également la dimension iconoclaste de
sa pensée. Pour Peter Dahlgren, « si les médias
constituent le trait majeur de l'espace public, il s'en suit normativement
qu'ils devraient rester techniquement, économiquement, culturellement et
linguistiquement à la portée des membres de la
société : l'exclusion a priori d'un segment quelconque de la
population entre en contradiction avec la prétention de la
démocratie à l'universalisme [...]»166.Dans
le cercle des penseurs s'inscrivant dans les théories critiques
Habermasiennes, nous constatons également, que s'est
développé un regard critique et nostalgique à
l'égard de la publicité. A propos de la publicité, Jean
Mouchon nous dit d'ailleurs que : « (...) Traduction dans le
passé de la transparence des débats publics propres à la
démocratie, ce principe est maintenant réduit pour ces auteurs
à une fonction adjuvante dans la compétition commerciale.
»167. Cette dimension élitiste, restreignant et
condescendante de la théorie Habermasienne sera critiquée
à bien des égards. Si sa théorie reste originale et
précurseur, elle reste cependant idéale et non tangible dans la
réalité. Peter Dahlgren de souligner que : «
l'idéal d'un espace public bourgeois avec ses salons et ses publications
littéraires, sert de modèle, bien que ses manifestations
historiques fussent en fait relativement modestes. ». Et Dahlgren
d'ajouter qu' : « Habermas ne dit rien de l'existence de
sphères
166Peter Dahlgren, et, Marc Relieu. L'espace public et
l'internet. Structure, espace et communication. 2000, p. 157-186. p. 163.
167 Mouchon Jean, « Les nouvelles formes du débat
public, prémices d'une reconfiguration de l'espace public
démocratique ? 2005, p. 10.
publiques alternatives, plébéiennes,
populaires, informelles ou oppositionnelles. »168. La
multiplicité des critiques formulées à son encontre fera
certes évoluer la pensée Habermasienne qui intègre le
« monde vécu »169 dans les années
1990 mais garde la substance de son analyse dans sa dimension spatiale. La
théorie Habermasienne, nous interpelle particulièrement dans le
cadre de notre objet. En effet, Nancy Fraser, dans ses écrits et
notamment dans son fameux article « Transnationalizing the public
sphere »170, pose, par rapport au « locus
classicus de toutes discussions », deux niveaux de soubassement de la
théorie habermasienne. Dans un premier temps nous avons « un
niveau empirique, historique, institutionnel » ; dans un second lieu,
« un niveau idéologique-critique/normatif-idéal
». Ces niveaux s'enchevêtrent pour former « six
conditions préalables au minimum » qu'Habermas «
associait tacitement à la sphère publique ». Parmi les
six conditions, deux semblent être en rapport direct avec notre objet de
recherche
? ... une langue nationale constituant le moyen de
communication publique,
? ... une infrastructure de communication
westphalienne-nationale: une presse westphalienne-nationale puis, plus tard,
des médias de radio transmettant les informations
westphaliennes-nationales. »171
Dans une perspective critique de « repenser la
sphère publique »172 qu'elle explore aussi dans un
article voisin, Nancy Fraser va à la suite d'une élucidation de
ces six points qui s'imbriquent étroitement pour former le fondement de
l'espace public Habermasien, procéder à leur
déconstruction à l'aune du monde contemporain. Six
contre-arguments corollaires seront donc développés.
? La langue nationale elle, dans un contexte Africain
où la plupart des ex-colonies ont adopté comme langue officielle
celles de leurs anciens colonisateurs et que des langues universelles telles
que l'anglais ou le Français sont les plus homogénéisant,
la langue nationale est souvent transnationale et peut couvrir toute une
région (au sens des
168 Peter Dahlgren et al. « L'Espace public et les
médias. Une nouvelle ère ? », p. 243-262, pp. 246-247
169 Le concept du monde vécu de Habermas naît de
ses deux perspectives, et se développe en fonction de l'idée
de l'agir communicationnel. Habermas a reformulé le concept de
monde vécu de Husserl « à partir d'une perspective
pragmatique et langagière » : « alors que Husserl
réduit le monde vécu aux conditions de possibilité de
l'expérience du sujet individuel, Habermas tentera pour sa part de
thématiser le monde vécu à partir du langage »
(Sheppard, 1997, pp. 63-65). Husserl oppose le monde vécu
subjectif au monde des sciences objectives; Habermas, quant à lui,
opère une distinction entre le monde vécu intersubjectif (dont
parle Schütz) et le système social.
http://com3109.pbworks.com/w/page/8622951/J%C3%BCrgen%%A0Habermas-%%A0Monde%%A0v%C3%A9cu
170 FRASER, Nancy. Transnationalizing the public sphere.
John Wiley & Sons, 2014.
171, Nancy Fraser. Transnationalizing the public sphere.
Op.cit
172 Nancy Fraser: Rethinking the Public Sphere: A Contribution to
a Critique of Actually Existing Democracy. Londres, pp. 109-142
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101
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relations internationales). « Le problème
réside bien plus également dans le fait que des États
existants sont en réalité multilingues tandis que des groupes
linguistiques s'avèrent éparpillés sur des territoires et
qu'un nombre croissant de personnes sont multilingues ». Entre
diversité et uniformité linguistique, bien des Etats se placent
sous une lanterne internationale avec les « lingua-franca ».
? L'infrastructure de communication
westphalienne-nationale se voit donc supplantée quelquefois et
complétée souvent par des médias transnationaux.
« Le "où" de la communication, qui était autrefois
conceptualisé comme territoire westphalien-national, s'avère
désormais être un cyperespace déterritorialisé.
». Et « dans ce contexte, il ne s'agirait que de prendre en
compte la croissance du nombre de média de niches qui peuvent être
tout aussi sub-nationaux que transnationaux(...) ». Nous voyons donc
que cette infrastructure valse entre la national et le transnational ou le
mondial.
Au vu de cette remise en cause apportée par Nancy
Fraser, nous constatons, que ni le contexte et l'espace de conceptualisation de
l'espace public, ni les aspects temporels qui la déterminaient ne sont
les mêmes présentement. Il est en effet, concevable de penser
à une ébauche d'opinion publique transnationale qui se forme
ponctuellement sur des thématiques et évènements
internationaux précis. Au regard des avancées technologiques,
l'existence d'un espace public transnational, régional qui
exerce ses discussions lors d'émissions participatives, sur les
réseaux sociaux et à travers différents réseaux est
probante pour nous. Si elle est ponctuelle et s'active d'ailleurs souvent sur
le terrain lors de crises ou à travers des mouvements sociaux, cet
espace public transnational est souvent une « communauté
imaginée » (Anderson, 1996173). Les médias
transnationaux comme RFI jouant un rôle important dans leur
formation en informant dans un premier temps, puis en étant les «
agoras » symboliques d'expression de ces citoyens sur des questions
d'envergures nationale et sous régionale, occasionnant des
solidarités et des actions collaboratives. De ce point de vue, nous
pouvons penser à une opinion publique ouest-africaine dans le cadre des
affrontements au Nord-Mali ou des évènements en Côte
d'Ivoire. Seulement, il faudrait aussi souligner que le courant d'opinion
dominant souvent confondu avec l'opinion publique cohabite avec d'autres
courants. D'ailleurs c'est l'espace qu'offrent ces médias transnationaux
qui permettent à ces courants de s'affronter. Les résultats de
ces affrontements ne débouchent pas forcément à la
constitution d'une opinion puisque ces publics actifs approfondissent souvent
et recoupent l'information pour se faire une opinion comme en
173 Benedict Anderson et Pierre Emmanuel Dauzat. L'imaginaire
national: réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme, 1996.
102
témoignent les données de notre enquête.
Cette donne peut nous inviter à relativiser les représentations
collectives circonscrites dans le cadre uniquement national puisqu'on voit que
des « inter nations » des publics existent. Alain Ambrosi nous
invitait d'ailleurs à cette réflexion dès la fin du
XXème siècle. Il nous dit en ces termes que « la
question de la multiplicité des appartenances et des identités
autant que des lieux d'implication et d'action politique doit être
reposée en des termes qui tiennent compte des nouvelles
transversalités géographiques et politiques et qui, en
créant des nouveaux ``lieux» et de nouvelles ``situations»
déterritorialisées, questionnent la notion de communauté
et dépassent l'enfermement dans le local ou le national. Le nouveau
contexte sociotechnique créé par les NTIC et le fonctionnement en
réseaux forcent donc à une redéfinition du concept d'
``espace public» et de sa relation avec ``l'espace politique» et nous
obligent à considérer la pluralité de l'un et de l'autre,
et leurs multiples modes d'articulations [...]. »174
Nous pouvons considérer que les publics de la radio
RFI peuvent former des variantes d'espaces publics à un
échelon transfrontière dans des limites temporelles ponctuelles
et convenir avec Jean Tardiff qu' « en s'affranchissant du
nationalisme méthodologique, on peut identifier des aires d'interaction
humaine à fondement linguistique et/ou culturel qui traduisent les
multiples possibilités d'appartenance, d'identités composites,
d'alliances et de choix qui forment les aires géoculturelles en
constante évolution. »175. L'éclatement
et le morcellement des espaces ainsi que l'apparition de nouvelles
modalités d'exercice des interactions sociales176
(Miège, 2010, p.172) avec comme corollaire la fragmentation, la
parcellisation et la diversification de l'espace public. Cependant, il faut
noter que même quand l'espace public se détache des
barrières et des bornes des frontières traditionnelles,
l'asymétrie et l'inégalité de participation aux
espaces publics elles, sont toujours à jour. La fragmentation de
l'espace public, qu'il soit national ou transnational demeure l'un des
principaux écueils.
174 Ambrosi Alain, « Difficile émergence des
réseaux de communication démocratique dans l'espace politique
global » 1999, p.119.
175 Jean Tardiff, Mondialisation et culture : un nouvel
écosystème symbolique .2008. p.214.
103
176 Bernard Miège, L'espace public contemporain, 2010
VI.2 Information nationale politique traitée par
RFI
Les configurations transnationales qui prennent forme et se
structurent n'édulcorent cependant en rien la dimension nationale de
l'espace public. En fait, si les six conditions de l'espace public
national-westphalien sont remises en cause, elles ne suffisent pas à
remettre en cause l'idée d'une nation au sens subjectif, basée
sur une histoire commune partagée et des aspirations collectives. Cette
idée de nation, même si par ailleurs des Etats sans nation et des
nations sans Etats peuvent exister, est véritablement une
réalité au Sénégal. Malgré la
diversité ethnique, linguistique, culturelle, la croyance en l'existence
d'une destinée commune est majoritairement admise au
Sénégal. Au sein d'une nation, se constitue une «
opinion publique » à partir des échanges au sein
d'« espaces publics » aujourd'hui via des médias
privés comme publics qui deviennent le terrain privilégié
de la lexis. Au Sénégal, bien que les médias locaux aient
un ancrage certain, de proximité et de profondeur par rapport aux
actualités nationales, les médias transnationaux jouent
également leur partition en traitant des évènements
nationaux qui peuvent avoir une teneur internationale et en abordant des sujets
que les médias nationaux peuvent occulter. Guillaume Thibault l'exprime
en ces termes : « Moi au Sénégal je vais traiter de gros
sujets et d'autres sujets que je considère comme importants et qui ne
vont pas être traités sur les médias locaux (...) je peux
par exemple m'intéresser aux parcelles assainies, à un groupe qui
fait de l'agriculture raisonnée depuis vingt ans...est ce que ça
fonctionne ? Est-ce qu'elles sont indépendantes financièrement
?etc.» Cette logique de niche qu'embrasse un correspondant de RFI
qui, en dehors des actualités « brulantes » adopte une
posture originale pour pénétrer la société, fait de
ce média une radio qui fonctionne autant par ses orientations globales
que par son ancrage local. Il appert donc que RFI, au même titre
que les médias nationaux, a un rôle déterminant dans les
débats au sein de l'espace public Sénégalais, structurant
l'opinion et de ce pas les représentations collectives. Dans les deux
dernières variables de notre questionnaire, nous nous sommes
intéressés à la réception du média
transnational RFI sur l'actualité nationale ainsi qu'aux
débats qui peuvent résulter de cette réception. Si
l'opinion publique accorde une certaine importance et crédibilité
à ces médias, il va de soi que ceux-ci pourraient influencer
l'espace public et les représentations des enquêtés. Le cas
contraire produisant l'effet contraire, une relation de causalité se
construit. De ce point de vue, « l'espace public apparaît comme
un lieu propice pour observer les tensions entre républicanisme et
communautarisme, entre unité et diversité, entre
intégration et exclusion. » selon Thomas Guignard (2007). Pour
se faire, intéressons-nous d'abord à l'opinion publique qui est
une constante des représentations collectives dans leur dimension
politique.
104
VI.2.1 L'opinion publique dans l'espace public
Historiquement et étymologiquement, l'opinion publique
c'est la «doxa». Epistémologiquement, «
l'opinion » s'oppose à la science et est cataloguée
comme relevant du sens commun différent ou contraire à la rigueur
des vérités scientifiques. D'ailleurs des philosophes comme
Gaston Bachelard établissent que «l'opinion ne pense pas
». L'opinion est ainsi classée, avec la foule, comme
déraisonnable. Pourtant, avec l'avènement de l'espace public dans
le siècle des lumières les conceptions antérieures sur
l'opinion publique fluctuent et se voient rénovées au fur et
à mesure. Rémy Rieffel, dans sa pensée sur l'opinion
publique au sein de l'espace public, procède à une
différenciation de celle-ci par rapport à l'opinion populaire.
« Elle [l'opinion publique] est stable et fondée sur la raison
et en ce sens s'oppose à l'opinion populaire
hétérogène et versatile. Elle s'incarne dans un espace
autonome et ouvert, qu'on appellera ultérieurement espace
public.»177 Cette différenciation des
caractéristiques de l'opinion publique et de l'opinion populaire et la
délimitation de la première dans les bornes de l'espace public
ouvert et démocratique différente de celle Habermasienne, fait de
l'opinion publique un élément incontournable dans les
sociétés démocratiques. Elle devient ainsi l'alpha et
l'oméga de la phonétique plébéienne moderne. A ce
propos, Rémy Rieffel ajoute trois caractéristiques à la
notion « d'opinion » pour préciser les paramètres le
constituant :
- « Elle est d'abord le produit d'un auditoire
particulier (un public tel que l'électorat) ;
- elle est ensuite une opinion partagée par un
grand nombre d'individus, une opinion commune; - elle est enfin une opinion
portée à la connaissance de tous et soumise au jugement de tous ;
elle est rendue publique »178.
Ces caractéristiques annexées à l'opinion
ont surtout pour but d'exclure les théories d'une opinion qui pourrait
être secrète, gardée, intériorisée et
non-exprimée. Les théories de la « spirale du silence
» d'Elisabeth Noelle Neumann179, postulaient en effet
l'existence d'une opinion chez une portion des populations qui
préfère la taire face aux courants dominants. Il semble que cette
acceptation de l'opinion soit inopérante dans l'analyse que nous
comptons faire de l'opinion publique car c'est justement
l'extériorisation de cette opinion à travers les médias
et/ou les sondages, qui permettent de percevoir celle-ci. Nous pensons donc que
la « spirale du silence » ne traduit pas une opinion
publique active, exprimée et consacrée comme telle mais une
opinion passive et enfouie chez les personnes. Il ne s'agit pas là une
opinion publique, qui se veut collective, publique donc touchant aux
représentations collectives.
177 Rémy Rieffel, Que sont les médias ? Pratiques,
identités, influence, op.cit. p.237.
178 Rémy Rieffel, Sociologie des médias, op.cit. p.
41.
105
179 Elisabeth Noelle-Neumann, The spiral of silence: Public
opinion, our social skin. 1993.
180 Georges Burdeau, « L'opinion publique »,
Encyclopédie Universalis, Tome V, Paris, 2000, p. 356.
181 Dominique Wolton. La communication politique: construction
d'un modèle. Hermès, La Revue, 1989, p. 27-42.
182 Peter Dahlgren, « L'espace public et l'internet :
structure, espace et communication », op.cit., p. 159.
183 Thomas Guignard. Le Sénégal, les
Sénégalais et Internet: médias et identité. PhD
Université Charles de Gaulle Lille, 2007, vol. 3. p.92
184 Rieffel Rémy, Que sont les médias ? Pratiques,
identités, influence, op.cit., p. 206
106
Georges Burdeau, grand penseur du droit public
définissait d'ailleurs l'opinion publique comme « une force
sociale résultant de la similitude de jugements portés sur
certains sujets par une pluralité d'individus et qui
s'extériorise dans la mesure où elle prend conscience
d'elle-même»180. Cette définition est assez
édifiante et épouse parfaitement celle d'une opinion publique qui
s'exprime au sein de l'espace par l'entremise symbolique des médias. Si
Dominique Wolton, dans sa définition assez restrictive et
réductrice de la communication politique181 identifiait les
hommes politiques, les médias (journalistes) et les sondages comme
acteurs de l'arène politique, il est clair pour nous que non seulement
plusieurs autres acteurs interviennent dans cette arène mais aussi que
les sondages d'opinion ne sont pas partout importants. Il appert que notre
cadre local d'analyse n'intègre pas les sondages dans son espace public.
Les médias sont quant à eux incontournables. « Rendant
visible le politique (et la société), diffusant des informations
et des analyses, proposant des forums de débats, les médias
alimentent la culture civique commune et participent incontestablement de
l'espace public » nous dit Peter Dahlgren182.
Les médias apparaissent ainsi simultanément
comme « des lieux d'expression de l'opinion publique et donc des lieux
d'identification collective tout en influençant la construction
identitaire des individus. »183. La construction des
représentations collectives s'effectue donc nécessairement
à travers l'opinion publique. Les représentations collectives
pourraient donc être formées par, et s'exprimer par les
médias. La formation de l'opinion publique doit passer, s'il l'on en
croit Rémy Rieffel, par quatre phases que sont : « l'exposition
aux médias, la discussion autour des messages reçus, la formation
des opinions en public et la participation à la
délibération politique.»184. Cette opinion
publique se trouve donc, d'une manière ou d'une autre, liée aux
médias qui, du seul fait qu'ils informent, sont des agents
déterminants dans la perception des évènements. Ainsi
Rieffel parle de trois dimensions de l'influence des médias. Ces trois
dimensions sont les suivantes :
- Favoriser l'agenda de nos priorités (fonction
d'agenda) , ·
- Orienter certaines de nos perceptions (effet de cadrage)
, ·
- Changer nos préférences politiques (effet
d'amorçage).
Justement, les priorités, les perceptions et les
préférences font référence aux
représentations. Même si elles peuvent se trouver mouvantes, les
représentations collectives que nous étudions
sont imbriquées aux médias. Aussi nous avons
cherché à savoir dans quelle mesure les médias
transnationaux comme RFI peuvent jouer un rôle dans la formation
de l'opinion publique sénégalaise et par conséquent des
représentations politiques des citoyens ? Pour le savoir,
intéressons-nous d'abord aux variables de nos données empiriques
relatives à l'opinion publique.
VI.2.2 RFI et opinion publique nationale
« Les publics sont d'abord et avant tout des acteurs
sociaux munis de mémoire et de capacités critiques auxquels il
faut accorder la liberté de choix, et non des récepteurs passifs
dans un système qui s'imposerait à eux. »185
nous dit Eric Maigret (2003, p.15). Tout au long de ce travail, nous nous
rendons compte que les récepteurs de ces médias transnationaux
sont des publics. Si ces publics peuvent préférer ou non les
médias nationaux sur des questions d'actualité nationale, il est
toujours clair qu'ils ont une liberté de choix. Il est donc
nécessaire de s'intéresser à leur réception des
médias transnationaux sur des problématiques locales. Les liens
entre les médias transnationaux et l'opinion publique nationale sont
importants à étudier pour percevoir les relations qui existent
entre leurs informations sur l'actualité nationale et les
représentations qui se forment. Pour cela, nous avons posé la
question suivante : Ecoutez-vous prioritairement RFI Afrique sur des
questions d'actualité nationale ?
Sur 100 réponses, 27 répondants coché sur
le « Oui », 32 disent « Non » et 41
disent l'écouter « dès fois » sur des
questions d'actualité nationale.
40
50
30
20
10
0
OUI NON DÈS FOIS
RFI et actualité nationale
RFI et actualité nationale
RFI et
actualité
nationale
Histogramme de représentation de l'écoute de
RFI sur l'actualité nationale
185Eric Maigret, Sociologie de la communication et des
médias, op.cit., 2003, p. 15.
107
Sur les 100 répondants à la question sur
l'écoute de RFI sur l'actualité nationale, 75 se sont
justifiés en donnant les raisons de leur choix.
D'abord nous avons les répondants du « Oui
» et des « Dès fois » qui
développent trois arguments principaux qui les poussent à
écouter RFI sur des questions d'actualité nationale.
Dans un premier temps la plupart des répondants affirment que nos
dirigeants et hommes politiques y font leurs déclarations importantes,
s'expriment sur les ondes de RFI notamment en période de crise.
Pour ces répondants, il est donc plus bénéfique
d'écouter directement RFI puisque les déclarations des
politiques se font là-bas. La deuxième explication fournie par
ces répondants est le fait de leur « neutralité
», « distanciation », « précision
» et « crédibilité » par rapport aux
informations concernant le pays. La troisième forme d'explication
rejoint le fait de connaitre le point de vue étranger, l'angle d'analyse
d'un média extérieur mais aussi de recouper les informations. Le
constat principal étant que les autorités font leurs grandes
déclarations sur RFI et que RFI devient une radio
très écoutée en période de crise et/ou
d'effervescence politique au plan national.
Nous avons ensuite les répondants du « Non
» qui disent presque tous que les médias nationaux sont «
les mieux indiqués » pour traiter l'actualité
nationale. En outre, ils mettent en avant le caractère local et de
proximité des médias nationaux. Nous pouvons donc dire qu'une
majorité des répondants suit RFI sur des questions
d'actualité nationale mais la plus grande partie (répondants
«dès fois ») la suivent ponctuellement. Nous faisons le
constat suivant la majorité des publics ne suit RFI que sur des
questions qui concernent l'actualité nationale que lorsque les hommes
politiques y font des déclarations ou y tiennent des interviews dans des
situations de crise.
C'est donc dire que le capital de confiance et de
crédibilité dont dispose RFI en tant que média
transnational fait qu'elle devient très écoutée lorsque
l'espace public national est agité sur le plan politique.
En plus de la variable sur l'écoute de RFI
concernant l'actualité nationale, nous avons cherché
à savoir si l'écoute de RFI suscite des débats
entre étudiants. La question suivante leur a été
posée en ce sens : « Les émissions de la RFI
suscitent-elles des débats entre étudiants ? ». Pour
cette question, 75 répondants déclarent que des débats
naissent à partir des émissions de RFI et 25 affirment
ne pas en débattre. Cette majorité de réponses pour le
« Oui » montre à suffisance que RFI a bien
un rôle dans la construction des représentations collectives
puisque celles-ci naissent des débats et des échanges. De
là, nait aussi une opinion publique nationale. Les
108
répondants ont, en outre, indiqué plusieurs
thèmes qu'ils abordent en débat à la suite de leur
écoute de ces émissions.
Soixante-huit (68) répondants ont parlé des
domaines sur lesquels ils débattent après leur écoute des
programmes de RFI. Parmi ces répondants, 47 répondants
s'intéressent au domaine « politique » avec des
variantes comme les « conflits », la «
géopolitique internationale », les questions «
nationales », « sous régionales », la
« sécurité », les « guerres
», les « relations internationales ». Ces
variantes qui accompagnent le terme « politique » dans les
réponses données par nos enquêtés renseignent sur le
fait que les questions sous régionales et internationales sont aussi
débattues.
Smartart de représentations des questions politiques
débattues par les publics de la RFI (réponses en annexes)
Après la « politique », le domaine
le plus évoqué est le « sport » (11 citations)
sans doute parce que les émissions de sport sont elles-mêmes des
débats mais aussi parce que les jeunes sont passionnés de sport.
Ensuite, viennent respectivement l'« économie » (8
citations), « l'éducation », « la formation
», « l'enseignement supérieur » (7
citations) et la « santé » (6 citations). La
« culture », les questions relatives à «
l'immigration », « le traitement de l'information par la RFI
» entres autres font aussi l'objet de débats mais ont
été rarement cités.
Le postulat selon lequel les questions d'ordre politique,
qu'elles soient d'une dimension internationale ou nationale sont
débattues par la majorité des personnes qui discutent suite aux
informations fournies ou émissions de RFI est donc
vérifié. Ce constat nous pousse à penser effectivement que
les représentations politiques peuvent être construites à
partir des flux
109
110
informationnels diffusés par RFI. Rémy
Rieffel nous dit à ce propos que l': «interaction continuelle
entre différents éléments participe à la
construction des opinions politiques des individus. Ce sont des
expériences personnelles, les solidarités ressenties dans la vie
quotidienne, le flux d'informations contradictoires qui sont à la source
des identités politiques.»186 (Rieffel, 2005,
p.211). Les représentations politiques naissent en effet, non pas
d'opinions homogènes et partagés mais d'une certaine conception
des affaires politiques et de la participation citoyenne. Ici, les
représentations regroupent les modes d'expression, d'action collective
ainsi que le niveau de conscience démocratique. Cette dernière
implique d'être informé sur l'actualité nationale. Si
beaucoup de citoyens s'informent aussi via un média
transnational comme RFI, il est clair que celui-ci, est à la
fois vecteur d'informations et traduction d'une vision du monde. C'est une
vision d'un monde libre, ouvert, avec des valeurs démocratiques et
républicaines promues et que les auditeurs intériorisent au fur
et à mesure. L'espace public Sénégalais est fait de
débats entre citoyens, dans les places publiques, dans les chambres
d'étudiants, via les médias lesquels deviennent les
cadres symboliques de son expression. Dans une perspective plus élargie,
cet espace public est même transposé sur les ondes de RFI
à travers des émissions comme « Appels sur
l'actualité » qui peuvent porter sur des thématiques de
politique nationale.
L'espace public national est configuré suivant
plusieurs facteurs. Un média transnational comme RFI y joue un
rôle important puisqu'il est consulté quand ça devient
vraiment important. RFI est très écouté dans les
périodes de crise. Ceci est en effet grandement dû au fait que les
hommes politiques préfèrent s'y exprimer. Rappelons
également que près de quatre cadres et dirigeants sur cinq
(79%) écoutent la RFI187. S'agit-il d'une manie
délurée des politiques pour atteindre un plus grand public et
donner une plus grande portée à leurs affirmations ? S'agit-il
d'un complexe ou encore est-ce la résultante d'un manque de
professionnalisme d'une partie de la presse locale souvent
dénoncée ? Le constat est que les médias transnationaux
restent toujours privilégiés de ce point de vue même si la
presse nationale gagne de plus en plus de terrain. Il est clair donc que ces
médias transnationaux pénètrent et participent à la
construction des représentations. Les représentations collectives
des Sénégalais se construisent concomitamment à partir de
plusieurs facteurs qui peuvent être médiatiques et dont les
médias transnationaux sont partie intégrante.
186 Rémy Rieffel, Que sont les médias ? Pratiques,
identités, influence, op.cit., p.211 187Kantar
TNS-Africascope 2016
Tout au long de cette partie, nous avons examiné
à la loupe les incidences des flux médiatiques transnationaux sur
les publics. Il en est ressorti que la réalité n'est plus
à l'impérialisme culturel, la réalité d'aujourd'hui
nous dicte un mélange, une fugacité et une multiplicité
des représentations culturelles qui, gardent leur ancrage local
malgré l'exposition des étudiants aux médias
transnationaux. Les représentations collectives elles, analysées
sous l'angle politique, nous mènent à un caractère
transnational ponctuel de l'espace public et des publics dans les situations
d'évènements ou de crises à dimension sous
régionale, régionale ou même mondiale. Des espaces publics
géoculturels, pour ainsi dire, se créent et s'effritent lorsque
des questions cruciales d'ordres sécuritaires, sanitaires,
économiques et politiques surviennent et concernent un ou plusieurs
pays. Dans une autre perspective, nous nous rendons compte que circonscrits sur
le plan national, les publics aussi actifs soient-ils, sont quelque peu
orientés par les médias transnationaux lesquels sont
privilégiés par les hommes politiques nationaux lorsqu'il s'agit
de faire des déclarations sur la situation nationale. Cependant, cette
démarche, ne relève pas de l'endoctrinement mais de la prise en
conscience de certains enjeux et de certaines informations concernant les faits
politiques. Avoir une meilleure appréhension des informations avec une
vision civilisationnelle de démocratie athénienne promue par les
occidentaux, la France ici en particulier, concoure à la construction de
représentations politiques à partir de cette vision du monde.
L'exemple de la promotion et de la focale mise par RFI sur des
mouvements sociaux tels que « Y'en a marre » illustre cet
état de fait. In fine, nous retenons les représentations
peuvent se trouver déterritorialisés, régionalisés
voire internationalisés.
111
112
Conclusion générale
Au terme de ce travail de recherche qui a porté sur la
réception des médias transnationaux chez les étudiants
sénégalais et ayant également pour projet de voir si les
représentations culturelles et politiques de ces étudiants
étaient impactées par RFI, nous avons
repéré des éléments de réponse à
notre problématique. Cette dernière, donnant naissance à
trois hypothèses qui ont rythmé les parties de notre
mémoire, conduit aux conclusions suivantes :
Dans un premier temps, nous nous sommes
intéressé, à travers une démarche
diachronique-analytique, aux mutations du numérique, de l'environnement
médiatique national ainsi qu'à l'adaptation de RFI
à ces mutations. Nous sommes arrivés au constat que RFI
est devenue une webradio 2.0 ou radio 2.0. « Il s'agit d'une
radio interactive qui se caractérise par le partage (grâce aux
blogs, aux réseaux sociaux...) et par la participation de ses
utilisateurs. Elle est multimédia et riche de contenus et services plus
ou moins diversifiés, offrant de nouveaux `'cadres de
fonctionnement» (dimension technique) et `'cadres d'usages»
(dimension sociale) (Flichy, 1995, p. 151-155) »188
(Smathi et Ricaud, 2015, p.35). Ce constat est le fruit d'efforts consentis par
ce média de plus en plus présent et accessible via les
plateformes numériques. En même temps, la croissance et
l'effervescence d'une sphère médiatique nationale a
profondément modifié les rapports des récepteurs aux
médias. Cependant, même ballotée par des médias
nationaux qui sont caractérisés par leur proximité,
RFI reste un média très suivie. Elle reste d'ailleurs,
de loin, le média transnational le plus suivi et la radio la plus
écoutée en période de crise. La RFI s'est donc
bel et bien adaptée aux mutations du cadre national et aux
évolutions technologiques.
Notre deuxième hypothèse postulait dans le
prolongement de la première que la réception du média
transnational RFI n'était plus hégémonique chez
les étudiants comme c'était le cas dans les années 1990
mais négociée. A l'examen de toutes les variables des
données empiriques consultées, il s'est trouvé que cette
hypothèse est confirmée. Cette réception est non seulement
négociée mais détournée. Des pratiques de
braconnage peuvent être perçues même s'il s'agit ici de
l'information. La majorité des étudiants ont un usage utilitaire
de ce média et ne sont plus liés par des représentations
affectives vis-à-vis de RFI comme c'était le cas dans
les années 1990. Aujourd'hui, les audiences relevant de
l'audimétrie sont devenues plus actives, complexes et connectés.
A cet effet, C'est à travers le renforcement de ces interactions
entre le web et la radio que se redessine le lien avec les publics, dont les
potentiels d'accès à
188 Nozha Smati et Pascal Ricaud, « Les nouveaux modes de
relation des journalistes à leurs publics. Les usages numériques
chez les journalistes de RFI » RFSIC, 2015, p.35
113
l'information, d'appropriation et de contribution à
la production de contenus n'ont jamais été aussi importants.
»189 (Smathi et Ricaud, 2015 p.55). Ces
possibilités augmentées des publics, font qu'ils recoupent,
l'information, utilisent chaque information par rapport à un besoin
spécifique et font primer leurs intérêts dans le
décodage qu'ils font de l'information provenant de RFI que ce
soit sur les ondes ou en ligne. Nous en sommes donc arrivés à
établir que la réception qui est faite du média
transnational RFI au Sénégal est négociée.
En outre, une stratégie de l'exploitation (Ravault, 1996) est
utilisée par les récepteurs actifs pour filtrer l'information et
s'en servir à des fins d'augmentation de leur culture
générale. Cette information est d'ailleurs souvent
recoupée via d'autres canaux par ces récepteurs.
Dans notre dernière partie, nous avons tenté de
mettre en rapport les éléments relatifs à la
réception et aux représentations pouvant en résulter. Nous
faisions l'hypothèse que les médias transnationaux,
influenceraient les représentations individuelles sur le plan culturel
et collectives sur le plan politique. Tout au cours de notre travail d'analyse,
nous nous sommes rendu compte de la complexité des
représentations individuelles. Si « l'histoire internationale
peut donc assez naturellement se trouver portée vers une
problématique du colonialisme culturel»190
(Bourdon, 2008, p.166), celle-ci devient inopérante dans notre cadre. Il
faudrait donc parler de l'information donnée par les médias
transnationaux comme composante de l'ensemble des éléments qui se
rencontrent chez l'individu qui, négocie, mélange et s'hybride et
opère une interculturalité via ces médias. A ce
niveau, les représentations culturelles sont modifiées par
d'autres facteurs externes aux médias transnationaux. RFI
informe sur l' « autre » mais n'influence pas
nécessairement la perception que l'on avait de lui. Ce constat corrobore
l'existence de dynamiques d'interculturalités et en lieu et place de
transculturalités.
Au plan collectif et politique, le passage obligé par
le pont de « l'espace public » et sur le check point de l' «
opinion publique » nous a permis de nous rendre compte de l'existence
transnationale de représentations politiques, lesquelles, elles aussi,
se font et se défont en fonction des évènements. En outre,
au plan national, aussi bien l'information médiatique que la
communication interpersonnelle participent à la formation de ces
représentations politiques. Dans l'espace public national, interviennent
les médias transnationaux encore préférés par une
grande partie des élites dirigeantes, qui les représentent sans
doute comme meilleurs canaux d'information et de communication.
189 Nozha Smati et Pascal Ricaud, op.cit. 2015, p.55
190 Jérôme Bourdon, « Comment écrire
une histoire transnationale des médias ? L'exemple de la
télévision en Europe », Le Temps des médias
2008/2 (n° 11), p. 164-181. p.166
114
Notre troisième hypothèse se voit donc
partiellement confirmée. Concernant les représentations
culturelles, elles se construisent indépendamment des médias
transnationaux même si ceux-ci peuvent être des cadres de dialogue.
Les interculturalités ne dépendant pas des médias
transnationaux mais s'y expriment. Quant aux représentations politiques,
du fait des débats qui se créent par et à travers
RFI, de la formation d'espaces publics transnationales ponctuels et de
la préférence affichée par les élites politiques
nationales pour les médias transnationaux, elles se construisent
à l'aide des médias transnationaux.
En résumé, nous disons que le centre
n'alimente plus entièrement la périphérie.
Celle-ci s'alimente et tend à se développer en dehors de ses
bornes nationales. Nous pensons, à la suite de Sonia Livingstone, que :
« participant à une large évolution historique
concernée par la mondialisation et la régionalisation, les
organisations médiatiques et communicationnelles, ainsi que les
produits, publics et politiques qui s'y rattachent, doivent de plus en plus
être saisis dans leur dimension internationale, voire transnationale
»191(Livingstone, 2003, p.32), nous relativisons aussi en
jetant comme perspective l'étude des médias au niveau sous
régional et régional. De plus en plus, en Afrique, des
médias à envergure sous régionale fleurissent en ayant
l'ambition de toucher de larges publics. Cette thématique reste encore
peu étudiée en Afrique où les flux médiatiques
transnationales, même quand elles sont sous régionales,
connaissent un grand vide du point de vue de la recherche en Sciences de
l'Information et de la Communication. En outre, notre exercice de
réflexion sur les représentations en rapport avec les
médias, nous a interpellés sur les liens entre médias
transnationaux et mouvements sociaux. Il y'a là « la
nécessité d'investir des terrains de recherche encore
insuffisamment explorés : effets de la dépendance accrue des
mouvements sociaux envers des médias extérieurs ;
évaluation fine et différenciée des contenus et
réceptions de modes de couverture qui peuvent aller de la stigmatisation
à une vision «compréhensive » et bienveillante.
»192 nous dit Erik Neveu (1999).
Du reste, une problématique majeure de communication
publique et politique est l'expression de nos hommes politiques qui
préfèrent discourir via les médias
transnationaux. Des études plus approfondies et une analyse mieux
détaillée à cet effet nous permettrait d'en cerner les
implications.
Dans une autre perspective, nous avons pu constater que les
études menées sur la réception des médias
transnationales ne font pas souvent la différence entre les types de
média et les types de réception selon les thématiques ou
contenus. Fait-on la même réception de la radio et de la
191 Sonia, Livingstone. « Les enjeux de la recherche
comparative internationale sur les médias », 2003, mis en,
consulté le 16 février 2016. p.32
192 Erik Neveu, Médias, mouvements sociaux, espaces
publics., 1999. Médias et mouvements sociaux. pp. 17-85
télévision transnationale ? Reçoit-on de
la même manière des télénovelas et une
émission de géopolitique ? Ces questions méritent
d'être visitées et approfondies dans d'autres recherches. En
outre, nous pensons que les tendances qui sont ressortis dans une enquête
pour 100 étudiants mériteraient-ils d'être élargies
à d'autres parties de la population, à une échelle plus
large. Dans une optique voisine, pourrait-on envisager une étude
comparative des médias transnationaux anglophones et francophones
puisqu'au regard des résultats, la BBC est aussi très
écoutée ? L'étude de l'agenda-building et du rôle
des médias transnationaux dans la communication et le marketing
territorial d'un pays comme le Sénégal reste elle aussi vierge et
inexplorée.
Entre autres questions qui dressent des perspectives
d'approfondissement et de recherche concernant les médias transnationaux
et qui mériteraient d'être explorées.
Au final, l'étude des médias transnationaux et
de leur réception que nous avons entreprise aura répondu à
des questions mais ouvre aussi des perspectives dans des sous-domaines des SIC
tels que la communication internationale et interculturelle, la communication
politique et publique, la communication territoriale ou encore les
théories de l'espace public qui, elles, sont en perpétuel
renouvellement. Comme tout travail scientifique, nous avons voulu apporter des
réponses à des questions qui, elles aussi, appellent à
d'autres questionnements pour l'enrichissement de notre champ de recherche.
115
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Un programme d'ajustement structurel (terme dérivé de l'anglais
structural adjustment) est un programme de réformes
économiques que le Fonds monétaire international(FMI)
ou la Banque mondiale mettent en place pour permettre aux pays
touchés par de grandes difficultés économiques de sortir
de leur crise économique.
Il s'agit d'un ensemble de dispositions dont certaines
agissent sur la conjoncture et d'autres sur les structures et qui
résultent d'une négociation entre un pays endetté et le
Fonds monétaire international (FMI) pour modifier le fonctionnement
économique du pays (le FMI conditionnant son aide à la mise en
place de réformes qu'il considère pérennes).Ces plans
d'ajustements structurels sous forme de politiques d'austérité
ont conduit à une grande privatisation de l'économie
Sénégalaise ainsi qu'à terme, la dévaluation du
Franc CFA de 50% le 11 Janvier 1994
http://www.unesco.org/new/fr/communication-and-information/intergovernmental-programmes/ipdc/about-
ipdc/: Programme International pour le
Développement de la Communication. « Le PIDC est le seul forum
multilatéral du système des Nations unies ayant pour objectif de
mobiliser la communauté internationale pour débattre et assurer
le progrès des médias dans les pays en développement. Non
seulement ce Programme apporte une assistance aux projets relatifs aux
médias, mais il vise également à établir les
conditions favorables à l'essor de médias libres et pluralistes
dans les pays en développement. »
http://www.memoireonline.com/07/06/187/m
communication-medias-reseaux2.html « Lazarfeld nous dit que l'individu
possède des outils de référence et des filtres, et utilise
trois niveaux de sélectivité : 1. l'exposition sélective,
l'attention portée à tel ou tel message dépend de la
relation personnelle que l'individu entretient avec cette information; 2. la
perception sélective; 3. la mémorisation sélective, en
fonction du cadre de pensée, des préférences culturelles
et de la vision du monde de l'individu concerné, nous ne nous souvenons
que de manière imparfaite de la partie des messages que nous avons
perçue. » Par Marie-Josèphe Couturas, Université
Paris 1 Sorbonne-DEA Sciences Politiques, 2000 Communication via les medias
à base de réseaux
https://fr.wikipedia.org/wiki/Samir_Amin
Penseur, Economiste, Théoricien de l'économie politique du
développement. Sa théorie majeure est celle du
développement inégal différenciant les centres du
capitalisme où l'appareil de production s'est
développé et où le prolétariat peut
accéder au statut de classe moyenne consommatrice et leurs
périphéries, où sont produits ou extraites les
matières premières transformées et valorisées
dans les centres et où le prolétariat ne peut accéder
à l'autonomie matérielle.
http://www.imf.org/external/np/exr/ib/2000/fra/041200f.htm#II
Préparé par les services du FMI, la mondialisation, faut-il
s'en réjouir ou en douter, 12 avril 2000, consulté le
15/11/2016
INTERNET WORLD STATS, 30 juin 2016 vu sur
osiris.sn
KANTAR TNS-AFRICASCOPE 2016 - enquêtes en face à
face réalisées sur des périodes de 3 mois (d'avril
à juin 2016) dans des capitales de 7 pays d'Afrique subsaharienne au
Burkina Faso (Ouagadougou), au Cameroun (Douala et Yaoundé), en
Côte d'Ivoire (Abidjan), au Gabon (Libreville), au Mali (Bamako), en RDC
(Kinshasa) et au Sénégal (Dakar). Echantillons
représentatifs de la population âgée de 15 ans et plus
(méthode des quotas) NOELLE-NEUMANN, Elisabeth The spiral of silence:
Public opinion, our social skin. 1993.
N° 102 SÉNAT, SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010, TOME
VIII MÉDIAS (Action audiovisuelle extérieure), Par M. Joseph
KERGUERIS, (Sénateur) Enregistré à la Présidence du
Sénat le 19 novembre 2009, p.22
123
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TNS SOFRES understakes regular audience surveys in Senegal,
Côte d'Ivoire, RDC, Camerroon, Mali and Gabon; CSA, 2014, pp.9, 57,
124
ANNEXES :
Annexe 1 : Prénom (s) :
Nom :
Profession/poste :
- Perception de la présence des medias transnationaux au
Sénégal
Quelle perception avez-vous de la présence des medias
transnationaux au Sénégal ? Que représentent ces medias
pour vous ?
- Agenda médiatique des medias transnationaux
Comment trouvez-vous l'Agenda médiatique de ces medias
transnationaux ? - Effets des medias transnationaux chez les jeunes
Sénégalais
Pour vous, quels effets ont les medias transnationaux dans les
pays du Sud ? Quel effet à RFI chez les étudiants
Sénégalais ?
- Réception des medias transnationaux par les
étudiants Sénégalais
Quelle réception en fait les jeunes étudiants
Sénégalais aujourd'hui ? Cette réception est-elle
différente de celle qui en était faite dans le passé
(années 1990) ?
- Numérique et réception des medias
transnationaux
Nous avons constaté un changement par rapport au
dispositif de réception de ces medias...Aujourd'hui, notre cible qui est
jeune écoute la radio plutôt à partir des
téléphones portables ou par application via les
smartphones...pour vous quel changement est apporté par ces nouveaux
dispositifs par rapport au transistor ?
- Medias transnationaux et représentations
Dans quelle mesure ces medias impactent la construction de
l'identité de l'étudiant Sénégalais ? Quel
rôle jouent-ils dans le façonnement de l'identité
collective Sénégalais ?
- Medias transnationaux et structuration de l'espace public
Quel rôle joue RFI dans la structuration de l'espace public
au Sénégal ?
125
Annexe 2 : Prénom (s) :
Noms :
Niveau d'étude :
Sexe :
Parcours :
Université :
Région d'origine :
- Medias transnationaux
Quels sont les medias transnationaux que vous connaissez ?
Quel type de media transnational suivez-vous ? (radio, TV, Presse
écrite)
Les écoutez ou les suivez-vous par exposition ou
volontairement ?
Quelles sont les raisons qui vous poussent à suivre ces
medias transnationaux ?
Quel(les) radio(s) transnationale (s) suivez-vous ?
A quelle fin écoutez-vous RFI ? (information-culture
générale-divertissement)
- Temporalité de réception
A quelle intensité écoutez-vous Radio France
Internationale (Tout le temps-de temps en temps-Rarement)?
A quel moment exactement ? (matinée, journée,
soirée)
Quelles sont les intervalles d'heure auxquelles vous les
écoutez ? (matinée :6h-8h, 8h-10h, 10h-12h ; journée
:12h-14h, 14h-16h, 16h-18h ; soirée :18h-20h, 20h-22h, 22h-00h)
Quel est votre temps moyen d'écoute continue? (0-10
minutes, 10-30 minutes, 30mn-1h, 1h et plus)
- Eléments de suivi
Quelle (s) émission (s) suivez-vous prioritairement sur
RFI ? Comment suivez-vous ces émissions ? (direct-podcast)
126
- Dispositif de réception
Sur quel appareil écoutez-vous RFI ?
(transistor-téléphone portable (simple)-Smartphone-via
Internet)
Via Internet, par quel biais recevez-vous les informations de RFI
? (Site, portail Web de RFI-application-réseaux sociaux)
Si c'est par les réseaux sociaux dites lequel ?
(Facebook-Twitter-Google+- Autres...précisez) - Réception de
l'information internationale
Quel est votre point de vue sur le traitement de l'information
internationale par RFI ? Diversifiez-vous vos sources d'information
internationale à part RFI ?
Quels sont vos sources alternatives ? (Autres medias-recherches
perso-blogs)
- Medias transnationaux et identité
RFI, à travers ses programmes, connaissances ou
informations fournies, vous sert-il dans la construction de vos conceptions
politiques ?
RFI, à travers ses programmes, connaissances ou
informations fournies, vous sert-il dans la construction de votre
identité culturelle ? De la manière dont vous percevez l'autre
?
RFI, à travers ses programmes, connaissances ou
informations fournies, vous sert-il dans la construction de vos convictions
religieuses ?
- RFI et opinion publique nationale
Ecoutez-vous prioritairement RFI sur des questions
d'actualité nationale ? Débattez-vous entre étudiants
à partir des émissions ou éditions d'RFI ? Sur quel
domaine prioritairement ?
127
Annexe 3 :
128
Annexe 4 :
Type de média
|
Média
|
Pays d'origine
|
Fréquence
|
Radio
|
BBC
|
Grande-Bretagne
|
46,8%
|
Radio
|
RFI
|
France
|
100%
|
Radio
|
Radio Chine International
|
Chine
|
3,7%
|
Radio
|
Voice of Africa
|
USA-Africa
|
3,7%
|
Télévision
|
France 24
|
France
|
59,5%
|
Télévision
|
Canal+
|
France
|
25,3%
|
Télévision
|
CCTV
|
Chine
|
1,2%
|
Télévision
|
TV5
|
France
|
21,5%
|
Télévision
|
Euronews
|
Europe
|
6,3%
|
Télévision
|
CNN
|
USA
|
15,1%
|
Télévision
|
Al Jazeera
|
Qatar
|
8,8%
|
Télévision
|
beIN Sport
|
Qatar
|
6,3%
|
Télévision
|
MTV
|
USA
|
3,7%
|
Télévision
|
Trace
|
USA
|
5%
|
Télévision
|
Syfy
|
USA
|
1,2%
|
Télévision
|
Africa 24
|
Afrique
|
3,7%
|
Télévision
|
National geographic
|
USA
|
1,2%
|
Télévision
|
BFM TV
|
France
|
3,7%
|
Télévision
|
TF1
|
France
|
7,5
|
Télévision
|
I 24
|
Israel
|
3,7%
|
Télévision
|
Fox news
|
USA
|
1,2%
|
Télévision
|
Africable
|
Mali-Afrique
|
1,2%
|
Télévision
|
Arte
|
France
|
1,2%
|
Télévision
|
Nollywood
|
France-siège social
Londres
|
1,2%
|
Presse
|
Huffington Post
|
USA
|
1,2%
|
Presse
|
Le monde
|
France
|
6,3%
|
Presse
|
Le monde diplomatique
|
France
|
3,7%
|
Presse
|
Le Figaro
|
France
|
1,2%
|
Presse
|
The guardian
|
Grande Bretagne
|
1,2%
|
Presse
|
Jeune Afrique
|
Afrique
|
3,7%
|
Presse
|
L'Observateur
|
France
|
1,2%
|
129
Annexe 5 :
130
Annexe 6 :
131
Annexe 7
René Massiga DIOUF :
Le journaliste René Massiga Diouf, agent de la Rts depuis
2007, auteur d'un ouvrage de 127 pages sur la diplomatie
sénégalaise titré : «la diplomatie
sénégalaise, de Senghor à nos jours : entre
rationalité et errance». Il est Docteur en Science politique
Hawa BA :
Hawa Ba dirige le programme Sénégal d'OSIWA
depuis 2009. Avant OSIWA, elle a dirigé le programme Religion et
Pluralisme en Afrique de la fondation TrustAfrica. Elle a fait une formation en
journalisme et en sociologie.
http://www.osiwa.org/fr/osiwa
member/awa-ba/ Olivier SAGNA :
Professeur titulaire à l'Ecole des bibliothécaires,
archivistes et documentalistes (Ebad) de l'Université Cheikh Anta Diop
de Dakar, Olivier Sagna est très connu dans l'espace technologique
sénégalais. Directeur des études et de la
coopération au ministère de l'Enseignement supérieur et de
la Recherche sénégalais.
Mamadou NDIAYE :
Spécialiste en usage des Tic et multimédia et
enseignant au Cesti Saliou TRAORE :
Correspondant et représentant de l'agence Espagnole EFE en
Afrique de l'Ouest et président de l'APES
Tidiane KASSE :
Journaliste Editeur, consultant media et com, formateur en
journalisme-CESTI Godlove JONATHAN :
Journaliste à BBC Afrique
Libasse HANE :
Chargé des projets Gouvernance à l'Institut PANOS
Afrique de l'Ouest
Ibrahima Lissa FAYE :
Journaliste, directeur de media d'information en ligne Press
afrik
Guillaume THIBAULT
Journaliste, Envoyé spécial permanent de la RFI au
Sénégal
132
Table des matières
Résumé : 1
Declaration anti-plagiat 2
Remerciements : 3
Sigles et abréviations 4
Sommaire 5
Introduction : 6
Partie I : Evolution du média transnational RFI et du
cadre local de réception 20
Chapitre I : De l'internationalisation des médias à
RFI Afrique 22
I.1 De la transnationalisation au NOMIC 23
Chapitre 2 : Adaptation de RFI au numérique et mutation de
la sphère médiatique nationale 34
II.1 Adaptation de RFI au numérique 35
II.2 Evolution de la sphère médiatique
sénégalaise 39
Partie II : Les médias internationaux : d'une
réception hégémonique à une réception
négociée 46
Chapitre 3 : Une réception hégémonique des
médias transnationaux dans les années 1990 48
III.1 La réception : repères conceptuels et
contextuels : 49
III.2 Les publics des médias transnationaux en questions :
54
Chapitre 4 : Une réception de plus en plus «
négociée » 60
IV.1 Le temps, les dispositifs et les thématiques dans la
réception de la RFI par les étudiants
sénégalais : 61
IV.2 Filtre ou sélection de l'information provenant de
RFI Afrique 73
Partie III : Médias transnationaux : des
interculturalités aux sphères publiques renouvelées 82
Chapitre V : De l'hégémonisme au relativisme
culturel 85
V.1 Les représentations culturelles : entre «
westernization » et interculturalité 86
V.2 Des « médiacultures » et des
récepteurs en perpétuelle négociation 91
V.3 Publics de la RFI et représentation de l' « autre
» 92
Chapitre VI: Espaces publics et représentations politiques
: entre communautés imaginées et
opinion publique nationale 97
VI.1 RFI : Des publics nationaux aux communautés
imaginées transnationales 98
VI.2 Information nationale politique traitée par RFI
104
Conclusion générale 112
Bibliographie et Webographie 116
ANNEXES : 125
133
Annexe 1 : 125
Annexe 2 : 126
Annexe 3 : 128
Annexe 4 : 129
Annexe 5 : 130
Annexe 6 : 131
Annexe 7: 132
134
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