La paradiplomatie dans les relations internationales contemporaines. Contraintes et opportunités.par Jackson CABENE GANZA Université de Lubumbashi - Licence en relations internationales 2013 |
Section 2. La paradiplomatie en Belgique : la Flandre en perspectiveLa nature hybride des entités fédérées belges -qui découle de l'étendue des pouvoirs dont elles disposent- explique la difficulté à les nommer dans la sphère internationale autrement qu'à l'aide d'une forme contractée. Aussi, des documents issus de la plume de dirigeants de la communauté française de Belgique et de la région wallonne utilisent une expression quelque peu inhabituelle et ambiguë pour identifier les composantes de l'Etat belge. Elles sont qualifiées non pas de sujet de droit international mais d'«acteurs de droit international», une formule à bien des égards équivoque qui ne manque pas cependant de mettre en évidence l'essence particulière de ces nouveaux intervenants sur la scène internationale que sont les composantes de l'Etats belges.44 §1. PrologueSelon la réforme constitutionnelle de 1993, adoptée en 1944 et entrée en vigueur le 1 janvier 1955, la Belgique est devenu un Etat fédéral constitué de trois régions économiquement autonomes (la région flamande, la région wallonne et la région Bruxelles-capitale) et de trois communautés linguistiques (la communauté française, la communauté flamande et la communauté germanophone). La Belgique est donc à la fois un Etat fédéral régional et communautaire.45 Chacune des régions avec son propre gouvernement et parlement, pour la communauté flamande, ceux-ci ont toutefois été réunis en parlement flamand et un gouvernement flamand.46 En d'autres termes, la communauté flamande a absorbée la région du même nom. Les deux entités demeurent séparées selon la constitution mais il y a sur terrain, une unité institutionnelle. Ainsi la cohésion est plus grande car il n'y a qu'un seul exécutif (réforme de 1980). De plus, dans la réforme de 1993, à l'article 167 de la constitution belge, elle reconnait la coopération internationale au gouvernement fédéral, aux régions et aux communautés chacune dans les limites de ses compétences respectives, y compris 44 Bernard Fournier et Min Reuchamps (dir), op cit, p174. 45 L'Etat belge, situation géopolitique, une fédération des régions et des communautés, Dernière mise à jour: 26 janv. 2013. 46 La structure étatique de Belgique et de la Flandre. 47 http://www.flandre.be, Réseau international de représentants des pouvoirs publics flamands, avril 2013. 48 Stéphane Paquin, op cit, p 123. Page | 42 conclusion des traités. Raison pour laquelle les Etats fédérés belge disposent d'une personnalité juridique internationale et peuvent en pratique conclure des traités avec les membres reconnus de la société internationale. Avec la signature des accords de Lambermont en juin 2001, le commerce extérieur est également une compétence régionale. Ainsi les entités fédérées belges (dont la Flandre) peuvent également intervenir au niveau international pour leur propre compte dans le champ de leur compétence. Elles sont actives dans les forums internationaux et Européens, et peuvent conclure des traités. Ce droit conventionnel est unique au monde. Aucun autre pays ne reconnait constitutionnellement en vertu du principe « in foro interno, in foro externo » que chaque niveau administratif peut mener sa propre politique à l'étranger en ce qui concerne les compétences intérieures.47 Les représentations sont, en d'autres termes une conséquence directe des compétences des pouvoirs publics flamands et ce, tant pour les domaines internationaux (commerce extérieur, tourisme, etc.) que pour les aspects internationaux des domaines politiques généraux (innovation, infrastructure portuaires et voiries "voies navigables" enseignement, environnement etc.). Les entités fédérées belges sont souveraines dans leurs champs de compétence et cela s'applique également aux relations internationales. En Belgique on note une absence hiérarchique entre les différents paliers de gouvernements en matière de relations internationales,48 donc la Flandre a aussi une propre politique étrangère. Elle joue un rôle important dans la présidence belge de l'Union Européenne. L'histoire nous révèle que la Flandre a fait l'objet de certaines discriminations en Belgique. Vers les années 1970 les régions flamande et wallonne s'inscrivent dans un fédéralisme de confrontation. Dans ce contexte, les relations internationales sont un domaine parmi d'autres, où la conflictualité des rapports communautaires s'expose. Dans ces rapports de confrontation, la communauté flamande est la plus revendicatrice. Ses revendications ont un trait à la question de promotion et de protection des caractéristiques linguistiques des belges néerlandophones. Au cours des années suivant la création du royaume de Belgique en 1830, les flamands ont été la cible d'une stratégie de dévalorisation systématique de leur langue vernaculaire. L'élite politique et administrative bruxelloise, l'élite catholique et conservatrice flamande et Page | 43 l'élite bourgeoise libérale se sont alliées pour imposer le français en tant que creuset de l'identité nationale belge, au détriment des dialectes issus du néerlandais et des idiomes wallons issus du latin. Au cours de la seconde moitié du 19ième siècle, alors que le flamand s'uniformisait progressivement avec les néerlandais, la communauté flamande a toutefois acquis plusieurs droits linguistiques, ce qui
déboucha en 1894, sur la Ce processus de reconnaissance de néerlandais en Belgique a notamment bénéficié depuis les années 1930, de la coopération internationale entre la Flandre et le Pays-Bas, par l'intermédiaire de l'organisme "Nerlandse Taalunie". Les motivations de l'action internationale flamande s'inscrivent dans le mouvement d'internationalisation de l'économie de la Flandre. Ici, il faut souligner que la Flandre était une des régions d'Europe à l'avant-garde en matière de commerce international depuis le XVème siècle et incidemment, une des régions les plus riches continent ; son économie excelle dans le domaine de transport maritime (Anvers étant le quatrième port mondial) et du cabotage par route. Elle enregistre ainsi le plus haut taux d'exportation au monde et monopolise, plus de 75 % des exportations de la Belgique après 1945. Ainsi la part de la Flandre dans la production intérieur brute de la Belgique est passe de 43% en 1955 à 53 % alors que celle de la Wallonie passait de 30 % à 22 % et de Bruxelles était stable de 20 %.49 En Wallonie, l'influence externe dans le domaine linguistique et l'internationalisation de l'économie sont également des facteurs qui motivent l'action internationale de la communauté française de Belgique et de la région Wallonne. La Wallonie profite notamment comme la région flamande, du transfert de compétence réalisé à son profit en 2001 en matière de commerce extérieur. La Flandre mobilise plus des ressources financières et symboliques pour agir dans le contexte international. Elle opte pour une présence visible dans les pays avec lesquels elle entretient des liens étroits et partage plusieurs dossiers. 49 Institut des comptes nationaux, cité par le centre de la recherche sur l'économie wallonne. Page | 44 |
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