L'héritage industriel dans le renouveau du quartier
« Grandclément gare » aux horizons 2026
Photo Camille Jean-Baptiste et Steeve Saxemard, villeurbanne,
juin 2016
Camille JEAN-BAPTISTE
Master 1 Géographie et aménagement
Université Jean Moulin Lyon 3
Année 2015-2016
Sous la direction de Mr Bernard Gauthiez
Tuteur de stage
Mr Vincent Veschambre
1
Index
Introduction p.6
Partie 1 : Le quartier Grandclément : histoire et
description p.8
1. Le plan
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..p.8
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2. La ville dans ses formes à travers les siècles
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p.11
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2.1 L'époque préindustrielle
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p.11
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2.2 L'époque industrielle
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..p.13
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2.2.1 L'industrialisation de la ville
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..p.13
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2.2.2 Les industries
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..p.14
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2.2.3 Le contexte social
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...p.16
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2.2.4 Les formes urbaines
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p.17
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2.3 L'époque postindustrielle
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...p.24
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2.3.1 Le contexte social
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p.25
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2.3.2 Les formes urbaines
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p.26
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Partie 2 : Lecture d'un projet de
réaménagement
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..p.29
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I- Informations sur le projet
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..p.29
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1. Aux origines du projet
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p.29
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2. Les orientations du projet
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..p.30
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2.1 La nature en ville
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..p.30
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2.2 L'accessibilité
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..p.32
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2.3 La mixité habitat-économie
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..p.32
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II- Comment l'équipe ANMA appréhende-t-elle
l'identité industrielle du secteur..p.36
1. La construction d'un patrimoine p.36
1.1 L'image véhiculée dans les médias
p.36
1.2 Le recensement des pépites ........p.37
1.3 La réutilisation du patrimoine industriel pour le
renouveau du quartier..p.39
2
III- Remise en question de la concertation habitante
.p.42
1. Pourquoi mettre en place cette concertation ? p.43
2. Quel jeu d'acteurs ? p.46
3. La concertation en est-elle bien une ? p.47
Partie 3 : Quel patrimoine industriel pour les habitants
du quartier ?
I- Retour sur la notion de patrimoine
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p.50 p.50
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1. Le gros mot patrimoine
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p.50
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2. Qu'est-ce que le patrimoine ?
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p.53
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II- Interroger les habitants sur leur patrimoine
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...p.54
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1. Observations lors des réunions de concertation
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..p.54
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2. Les dispositifs mis en place
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p.56
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2.1 Les cartes mentales
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.p.57
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2.2 L'arbre à idées
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p.60
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2.3 Les entretiens
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..p.61
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2.4 Explorations urbaines avec une école primaire
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...p.63
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3. Quels résultats ?
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p.64
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3.1 Le patrimoine une thématique délaissée
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p.64
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3.2 Le patrimoine social valorisé
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..p.65
|
Conclusion
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...p.66
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Annexes
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...p.68
|
Bibliographie
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p.82
|
3
4
« Le projet de réaménagement urbain
prévu pour le quartier « Grandclément gare » nous offre
l'occasion d'interroger le renouvellement d'un ancien quartier industriel de
Villeurbanne. L'analyse des espaces sociaux et des formes urbaines
associées nous permet de mieux comprendre la construction de
l'identité ouvrière du quartier ainsi que son évolution au
fil du temps. Les orientations privilégiées par le cabinet
d'architectes pour le projet donnent à réfléchir à
l'identité proposée pour ce futur quartier tout comme elles
incitent à réinterroger la légitimité de la place
des professionnels de l'urbanisme dans la reconstruction de la ville. Un
travail avec les riverains de tous les âges a été
mené questionnant le recours à la participation habitante dans
les opérations d'urbanisme. »
5
6
Le quartier Grandclément de Villeurbanne a
été depuis la fin du 19ème siècle et jusqu'au
milieu du 20ème siècle un territoire à forte dominante
industrielle. Le déclin progressif des industries dès les
années 60 a laissé place à un quartier
dévitalisé, et comme figé dans son temps. De nombreuses
friches industrielles sont encore à l'abandon laissant
transparaître les derniers vestiges d'une époque industrielle
révolue. Aujourd'hui au centre des préoccupations de la ville, le
quartier fait l'objet d'un grand projet de rénovation. Le cabinet
d'architectes urbanistes Michelin (ANMA) associé à la
métropole de Lyon a d'ores et déjà commencé
l'élaboration d'un plan guide venant définir les axes
structurants du projet urbain nommé « Grandclément gare
» pour les dix prochaines années. Les grandes orientations sont
tracées et ce ne sont pas moins de 45 hectares qui vont passer entre les
mains d'experts urbanistes et architectes pour façonner le paysage
urbain de demain. La volonté apparente de conserver d'anciens
bâtiments industriels en souvenir d'un quartier ouvrier offre une
excellente occasion d'interroger le réinvestissement des traces du
passé dans les projets de réaménagement urbain.
Conserver, démolir, réhabiliter sont les
maîtres mots pour des opérations d'aménagement de ce genre,
toutefois au-delà de simples orientations urbaines c'est un tout un
rapport à l'identité d'un territoire qui est questionné.
Dans le cas présent, la reconnaissance et la gestion d'un patrimoine
industriel au sein du quartier « Grandclément gare » de la
part de l'agence ANMA interpelle et donne à réfléchir aux
éléments constitutifs de ce patrimoine. Qui sont ceux ou celles
qui définissent le patrimoine de ce quartier et quelle place prend-t-il
dans le projet de renouvellement ? C'est donc à partir du projet de
rénovation que mes premières investigations se sont tout
naturellement portées cependant au fil de mes découvertes une
question plus générale s'est imposée, les experts en
matière d'aménagement des territoires sont-ils les seuls
légitimes à définir ce qu'est le patrimoine qu'en est-il
des savoirs vernaculaires ? La question de l'implication des riverains dans ce
projet d'urbanisme est alors posée.
Pour répondre à ces premières questions,
je cherche d'abord à accéder à une meilleure
compréhension du quartier par une étude de son histoire. Avec
l'aide de photographies, de comptes rendus municipaux, de plans cadastraux je
me replonge dans le passé du quartier pour comprendre ses
bâtiments et ses habitants. A cette occasion je cherche à mettre
en évidence les différentes unités morphologiques
présentent dans le secteur tout en les rapprochant de leur contexte
social.
A partir d'une analyse approfondie du programme de
rénovation, je m'attache par ailleurs à saisir les principaux
enjeux du projet. Dans cette perspective, je m'appuierai sur le
7
programme du cabinet urbaniste en charge du projet, l'analyse
du Plan Local d'Urbanisme, sur des entretiens avec les responsables urbanistes
et des observations de terrains afin d'appréhender l'atmosphère
ambiante et découvrir l'ensemble des facettes du capital bâti
à venir.
Enfin, une dernière partie de mon travail porte sur la
dimension patrimoniale du projet à travers une perspective humaine. Un
recueil de témoignages intergénérationnels émanant
des plus anciens habitants jusqu'aux plus jeunes permettra de mettre en
lumière ce qui fait patrimoine à leurs yeux et ce qu'ils
voudraient voir conserver dans leur paysage de demain. Cette dernière
partie est véritablement au coeur de la recherche puisqu'elle va lier
les Hommes et leurs mémoires, l'espace et l'histoire, permettant ainsi
d'aborder le lien entre histoire sociale histoire mentale et l'espace
concret.
8
Partie 1 : Le quartier Grandclément : histoire et
description
I- La ville dans ses espaces et ses
formes
1. Le plan
Le quartier au coeur de notre étude est le quartier
nommé « Grandclément gare ». La mise en guillemet est
volontaire puisque cette appellation n'est utilisée que par les acteurs
du projet urbain. Ce secteur d'une surface de 45 hectares est
délimité à l'Est par l'avenue du Général
Leclerc à l'Ouest par la rue Emile Decorps, au sud avec la route de
Genas et au Nord avec la rue Léon Blum.
9
Analyser le quartier Grandclément c'est avant tout
comprendre l'organisation de la ville dans laquelle il s'insère, c'est
à dire la ville de Villeurbanne. L'outil le plus adapté pour
cette tâche reste indubitablement le plan. Première expression de
la ville, le plan est le support structurel du tissu urbain, formé
progressivement il porte la marque du site reflète l'histoire de la
ville et exprime sa personnalité. Bien qu'en évolution permanente
c'est l'élément le plus stable de la forme urbaine qui nous
livrera de nombreuses informations quant à la structuration de la forme
de l'agglomération.
Pour bien comprendre la dynamique structurelle de
l'agglomération de Villeurbanne nous rapprocherons plusieurs plans
d'époques variées allant du XVIIème siècle à
nos jours.
Une première représentation de Villeurbanne de
la fin du XVIIème siècle nous est offerte avec la peinture
d'Henri Verdier. Encore loin de l'image du plan avec ses codes et ses normes
cette peinture réalisée en 1697 nous apporte néanmoins des
éléments d'informations tout à fait
intéressants.
10
A l'emplacement de l'actuelle Villeurbanne le peintre peint un
paysage tout entier de campagnes où se dessinent à travers champs
les voiries majeures de l'époque qui réussissent encore à
marquer le territoire actuel1.
On observe très peu de routes intérieures,
seules de grandes artères sont tracées on retrouve notamment la
route de Genas et la route de Crémieu (aujourd'hui rue Léon
Blum). Cette peinture, préfigure du plan nous offre ici une traduction
spatiale de la fonction de base de la ville, l'échange. Ces rues
centrales qui portent le nom des villes de destinations indiquent l'influence
de cette logique très ancienne. Par ailleurs, si on s'intéresse
au maillage de détail c'est-à-dire à l'échelle du
morceau de ville (Alain p83) on observe une multitude de parcelles
cultivées étroitement imbriquées les unes dans les autres
les couleurs utilisées par le peintre nous renseignent sur la grande
diversité de production agricole vignes, blés... A la fin du
XVIIème siècle Villeurbanne est donc une ville à large
dominante agricole, elle est rattachée à Lyon et d'autres
agglomérations proches par plusieurs axes majeurs permettant une
facilité d'échanges au nord comme au sud. Le faible taux de
population2 explique également le peu de voiries. Un plan de
1702 représentant Lyon et ses abords dauphinois en 1702 nous confirme la
faible urbanisation de la ville. On retrouve quelques maisons
préfigurant la future place Grandclément ainsi que deux routes
majeures que sont la route de Crémieu et le chemin de Genas.
Avançons dans le temps, cette fois-ci avec un plan de
18433. Le maillage général qui fait apparaitre les
grandes lignes de la structuration de la ville se transforme progressivement,
le tissu urbain s'est développé autour des grands axes
historiques. Quelques voies intérieures commencent à voir le jour
timidement. Toutefois en ce qui concerne notre quartier d'étude le
périmètre est dessiné avec une dominance d'habitats autour
de la route de Crémieu (rue Léon Blum) il faudra attendre 1910
pour que l'intégralité des voies soient tracées. Le
réseau viaire de 19104 est très proche du
réseau viaire actuel, seuls quelques prolongements et création de
rues sont à noter.
Si on s'attarde sur le maillage général une
différence notable est à noter avec les plans plus anciens. En
très peu de temps la ville s'est transformée, délaissant
ses parcelles agricoles au profit d'un large réseau de voies de
transport.
Le Nord-ouest de la ville suit la logique d'un plan volontaire
quadrillé orthogonal. En effet on observe la volonté d'une trame
urbaine avec des quadrillages simples et réguliers. Le quartier
1 Annexe 1
2 Annexe 2
3 Annexe 3
4 Annexe 4
11
Bonneterre s'inscrit également dans cette logique. On
remarque que ce type de maillage se trouve dans des secteurs voisins de la
ville de Lyon. En revanche quand on s'attarde au reste de la structure de la
ville on a du mal à identifier une logique dominante. Quelques grosses
artères relient l'Est à l'Ouest de la ville, aucun axe majeur
reliant le nord au sud n'est à compter. Pour comprendre l'organisation
de la ville il faut s'arrêter sur chaque quartier. Finalement chaque
quartier se développe autour de deux axes majeurs, l'un au sud l'autre
nord eux même reliés par quelques axes importants Nord-Sud. La
ville n'a donc pas une identité singulière mais plutôt
plusieurs identités qui prennent naissance dans les différents
quartiers qui la composent.
2 : La ville dans ses formes à travers les
siècles
2.1 Epoque préindustrielle
Comme nous avons pu le comprendre précédemment
Villeurbanne a été pendant de nombreux siècles un
territoire à large dominante agricole. Là où aujourd'hui
fleurissent de nombreux projets immobiliers il y avait jadis un grand nombre de
parcelles cultivées. Des cultures de toutes sortes couvraient le
territoire villeurbannais. C'est suite à la lecture de plans et de
cartes anciennes que ces informations nous parviennent.
Comme les représentations imagées sont peu
nombreuses pour l'époque nous débuterons notre analyse à
l'aide de ces cartes pour tenter de comprendre les logiques urbaines du moment.
Toutefois, ce n'est pas la seule information que la carte nous livre. En effet,
l'intérêt de ces cartes repose également dans la finesse de
sa réalisation. Jusqu'au milieu du 18ème siècle
les plans sont réalisés en perspective nous offrant ainsi une
grande richesse d'informations quant à la morphologie urbaine des
villes. De fait le plan de 17025 représentant une portion de
Villeurbanne nous apporte quelques précisions sur le style architectural
de l'époque.
Bien qu'il faille prendre avec un peu de recul l'exactitude de
cette carte on peut toutefois observer avec précision le type de
bâti dominants en ce début du
18èmesiècle.
La faible densité d'habitants facilement
repérable par le peu de bâtiments, ainsi que la
prédominance des champs confirment le caractère agricole de la
ville. Si l'on s'intéresse plus
5 Annexe 5
12
spécifiquement aux différentes constructions
présentes sur la carte on remarque une certaine similitude entre
celles-ci. En effet, la majorité des représentations de
bâti s'apparentent à des sortes de grosses bâtisses proches
de la ferme. Après réflexion il semblerait assez évident
qu'il puisse s'agir de fermes dans la mesure où tout autour on constate
la présence de champs dont leur présence est signifiée par
les zones dotées de tracés horizontaux et verticaux rappelant les
sillons des cultures. En terme de technique de construction bien que ces
informations ne soient pas disponibles à la simple lecture de la carte
on peut aisément supposer que ces fermes étaient construites avec
du pisé. Cette technique basée sur l'utilisation de terre crue
comprimée à l'aide de coffrages en planches de bois
appelées les banches était particulièrement
présente en Dauphiné aux 18ème et
19ème siècles. A la pierre, ce matériau
coûteux et éloigné, était privilégié
la terre dont la disponibilité était immédiate et
gratuite. Après la construction de fondation en cailloux et mortier la
terre coulée dans les banches sont enlevées, posées
par-dessus pour monter le mur d'une hauteur supplémentaire, et ainsi de
suite (Le Rize+ ). Un toit en tuile, des portes et fenêtres en bois,
éventuellement un escalier de pierre, viendront compléter le
tout. On retrouve par ailleurs la couleur rouge des toits dans la peinture
d'Henri Verdier pouvant ainsi rappeler l'utilisation de tuiles pour les
toitures.
Aujourd'hui il ne reste guère de traces du passé
rural de Villeurbanne, simple village jusqu'à l'arrivée de
l'aventure industrielle sur ses terres à partir de 1850. Au gré
des opportunités foncières, ces vastes espaces disponibles,
maraîchers notamment ont été ainsi tous
démembrés en parcelles pour laisser la place à une usine,
un lotissement ou des immeubles. Quand elles n'ont pas été
détruites, la plupart des anciennes fermes ont été
réaménagées, leur taille imposante permettant souvent un
découpage lucratif en plusieurs logements.
Finalement Villeurbanne n'aurait pas connu l'essor d'une ville
médiévale. En retrait face à l'urbanisation galopante de
la sa voisine la ville de Lyon, Villeurbanne a suivi une transformation urbaine
très lente, conservant son caractère rural pendant de nombreux
siècles. L'évolution du nombre d'habitants à travers le
temps est un indicateur nous confirmant le caractère largement rural de
la ville. La notion de village, au sens de groupement d'habitations dont
l'ensemble de la population est engagé dans le secteur
agricole6 était celle qui caractérisait selon toute
vraisemblance le mieux cette localité. C'est donc le passage à
l'époque industrielle qui va transformer massivement et durablement le
paysage urbain du site.
6 Lexique de la géographie
13
2.2 L'époque industrielle
2.2.1 L'industrialisation de la ville
L'entrée dans la période industrielle marque
véritablement la fin d'une période rurale pour Villeurbanne. Les
quelques fermes présentes auparavant disparaissent petit à petit.
Les propriétés rurales ont le plus souvent été
grignotées par l'urbanisation. Le nombre d'habitants évolue
à grande vitesse passant de 11 176 habitants en 1881 à 56 110 en
1921. Le manque d'espaces disponibles à Lyon pour installer de nouvelles
activités industrielles poussent les entrepreneurs à s'installer
à Villeurbanne. De 1860 à 1900 les industries s'implantent
massivement sur le territoire, les activités artisanales se
développent transformant en très peu de temps le territoire
Villeurbannais. Le caractère rural de la ville disparait en 40 ans,
laissant place à un véritable paysage urbain à forte
dominante industrielle. De nouveaux quartiers commencent à
émerger sous l'effet conjugué de la pression lyonnaise, de la
maîtrise des crues du Rhône mais aussi de la croissance
démographique de la commune. Le développement urbain de
Villeurbanne reste cependant timide. Il faudra attendre la deuxième
moitié du 19ème siècle pour que la croissance
industrielle et démographique de Villeurbanne soit de plus en plus
marquée principalement en raison de la forte pression lyonnaise.
En effet certaines activités artisanales et celles
liées aux textile quittent le quartier de la Croix Rousse et du
sixième arrondissement pour venir s'installer dans les nouveaux
quartiers de Villeurbanne. Le sud de la ville, dans notre quartier
d'étude va connaître un large développement à la
même période. A partir de 1860, de grandes opérations
urbaines vont marquer le territoire lui conférant sa physionomie
actuelle. On retrouve entre autre la création du boulevard Laurent
Bonnevay, le canal de Jonage en 1899 et l'usine hydroélectrique de
Cusset aussi appelée la « fée électricité
» qui permit l'installation massive d'usines dans le secteur. En effet
l'importance de la maîtrise de la « houille blanche »
hydroélectricité dessine une nouvelle géographie de la
ville. L'activité industrielle moins dépendante des sources
d'énergie, avec l'interconnexion des réseaux et le transport de
l'électricité sous haute tension à grande distance, et la
généralisation de l'emploi des hydrocarbures, l'industrie se
disperse dans les territoires de la ville. La liaison
industrialisation-urbanisation jusque-là limitée à
quelques grandes régions minières et aux agglomérations
principales devient générale. Pour des raisons de coûts
fonciers et salariaux, le processus rejette « naturellement »
à la périphérie du système urbain les secteurs
économiques les plus communs, mangeurs d'espaces,
14
parcimonieux en plus-values, et consommateurs de main-d'oeuvre
médiocrement qualifiée : usines, entrepôts, infrastructures
de transport indispensable à la redistribution des produits.
Par ailleurs les travaux de canalisation opéré
sur la rivière de la Rize encouragèrent le développement
d'activités de blanchissage et de teinture. En quelques décennies
des zones autrefois agricoles se couvrent d'un enchevêtrement de
chevalets de mines, de terrils, de cheminées d'usines,
d'agglomérats disparates d'habitat ouvrier (corons, maisons de rapport,
cités patronales) entrecoupés des demeures cossues des «
capitaines d'industrie ». Comme une traînée de poudre,
l'urbanisation industrielle se répand aux rythmes de la
modernité, des histoires politiques nationales et de ses
diversités régionales.
Toutefois, qu'en est-il exactement du caractère
industriel de notre quartier ?
C'est pendant la première moitié du
19ème siècle entre 1812 et 1860 que va se mettre en
place la première phase de développement du quartier. Cette
urbanisation progressive s'appuie sur celle de Lyon. En 1835, la mairie
anciennement située à Cusset quitte son implantation historique
pour la place du Plâtre (actuelle place Grandclement) alors située
en pleine campagne dynamisant complètement cette partie de Villeurbanne.
L'implantation, sur le site, de la grande industrie commence dès la
deuxième moitié du XIXème siècle.(Le Rize+)
2.2.2 Les industries
Suite à la construction et la mise en marche de la gare
de Villeurbanne en 1881, au coeur même de notre site, on assiste à
la fin du 19ème siècle à l'implantation de
nombreuses usines dans le secteur. En effet grâce aux possibilités
de transport de marchandises à la fois en direction de Lyon (part Dieu)
et de l'Est du Lyonnais, les usines trouvent un intérêt à
s'installer à proximité afin de profiter de ce service de
transport de marchandises essentiellement. De nombreux transports de pierres et
de ciment ont alimenté cette ligne. Des ramifications ferroviaires sont
mises en place à partir de cette gare afin de relier directement les
usines. La fin du 19ème siècle représente donc
la mise en place des structures industrielles du quartier. Ainsi, le site
poursuit sa transformation en cité industrielle, abritant de nombreuses
usines. Une carte des industries de Villeurbanne nous permet d'avoir un
panorama assez complet de la composante industrielle du quartier. On y observe
la présence majoritaire d'industries métallurgiques et
d'industries chimiques de bois, de cuir, et de
15
bâtiment, d'alimentation avec les grandes minoteries
Lyonnaises aujourd'hui devenu le pôle pixel et quelques industries de
textile et de papier.
Le développement du quartier a connu une
évolution qui lui est propre. En effet, dans la délimitation de
notre territoire il ne figure pas de sites industriels de taille très
importantes. Le plus gros site était celui de Dell Alstom une rue
à côté et les usines Gillet un peu plus au nord. Notre
quartier est d'avantage marqué par une multitude de petits sites
industriels ou d'activités artisanales. Le plan cadastral couplé
à la carte des industries de la ville qui s'apparente à la
période 1931-1934 nous apportent des données pertinentes pour
saisir l'activité industrielle du quartier7. Un recensement
de l'ensemble des activités industrielles présentes sur le
territoire à différentes époques, par exemple fin du
19ème, début 20ème et seconde
moitié du 20ème nous serait d'une grande
utilité pour comprendre l'évolution du caractère
industrielle de la ville. J'avais pensé réalisé ce travail
mais cela m'aurait demandé beaucoup trop de temps, chercher les
documents correspondants à chaque entreprise sur un si large territoire
mériterai une étude à part entière. J'ai toutefois
souhaité en apprendre plus sur ces différentes activités,
je me suis donc mise à chercher des informations sur les entreprises
dont j'ai entendu parler quand j'interrogeais des habitants où des
membres du Rize sur le passé industriel de la ville. En terme d'usine
métallurgique on retrouve notamment l'usine Guillotte manufacture de
ressort de 1815 à 1970 qui d'ailleurs donna son nom à la rue dans
laquelle elle se trouvait. Guillotte ne représente pas une usine majeure
de l'histoire de Villeurbanne, ou de sa vie économique mais elle n'en
est pas moins une trace et un excellent exemple. D'après l'étude
d'un fascicule publicitaire conservés aux archives de Villeurbanne on
comprend que l'usine s'étend sur 6000 m2, elle dispose d'un personnel
« spécialisé » et de machines performantes et modernes
: « à la pointe ». Les produits crées sont très
spécialisés et destinés à appartenir à des
mécanismes complets, des produits finis variés des « cordes
de piano » aux ressorts de pince, d'appareil photo...
On retrouve également la verrerie située sur la
rue Paul Krüger qui comptait beaucoup d'ouvriers et d'employés
divers jusqu'en 1935. Elle a largement rythmé l'avenue. Le nord du
quartier était également bien doté en entreprises en
soieries et en industries du bois mais aussi en combustible avec l'usine
à gaz qui deviendra par la suite la compagnie du Gaz de Lyon.
7 Annexe 6 et 7
16
2.2.3 Le contexte social
En parallèle Villeurbanne et le quartier
étudié se dote d'une population ouvrière que l'on observe
aisément après étude du recensement. Une étudiante
en histoire Aliénor Wagnès-Coubès a étudié
la rue de la Gare actuelle avenue du général Leclerc en 2016
mettant ainsi en lumière de nombreuses informations sur la situation
socio-économique de la rue au 19ème et
20ème siècle. La rédaction de cette partie
s'appuie donc essentiellement sur ses travaux. En s'appuyant sur les
données du recensement de 18918 on découvre que les
métiers mentionnés par les interrogés sont en lien
étroit avec l'activité industrielle du secteur. Par exemple on
retrouve des « tireuses d'or » dans le recensement de la rue de la
Gare. Ce métier consiste en l'affinage et la constitution de «
portions » d'or ou autres métaux précieux sous
différentes formes, dont le fil. De façon générale
on observe des métiers bien plus apparentés à
l'activité artisanale dans le recensement ancien : vannier,
ébéniste, menuisier, tripier...Dans les deux recensements, on
retrouve les métiers liés à la gare (tout à fait
logique étant donné la proximité), on trouve en 1891 trois
employés des chemins de fer, un aiguilleur et une garde barrière,
en en 1936 un poseur, une garde barrière, un chef de gare et chef de
service tous employés par la compagnie des chemins de fer de l'Est
lyonnais. De plus dans le casier sanitaire de la rue de la Gare, un plan datant
de 1920 nous apprend que la compagnie de chemin de fer de l'Est a construit une
maison pour ses employés. Celle-ci se trouve entre les voies et la rue
Paul Krüger et bénéficie de confort moderne, fosse, cave,
laverie, cuisine et salle à manger et trois chambres. Elle a donc
vocation à abriter une famille. Sur le plan de construction, on ne
trouve pas le numéro de la rue à laquelle cette maison
correspond, cependant en croisant avec le plan cadastral on peut supposer qu'il
s'agit du numéro 56 ou 53.
Par ailleurs, les métiers trouvés dans le
recensement du 20ème siècle sont bien plus
orientés vers l'industrie : employé, ouvrier, manoeuvre,
magasinier... Cependant on note aussi une augmentation des métiers
liés au commerce comme épicier, cafetier, marchand de cycle,
débitant. Egalement les métiers de services se
développent, comme coiffeur, mécanicien ou entrepreneur. Ce sont
des catégories professionnelles qui travaillent « à leur
compte » ainsi on peut imaginer que la vie sociale, mais aussi
économique et de proximité était assurée dans ce
quartier.
En ce qui concerne la partie sociale, on observe que dans les
deux recensements il s'agit d'une population relativement modeste,
constituée d'individus ayant de « petits » métiers, les
gens
8 Annexe 8
17
habitent dans des immeubles collectifs, peu de famille
occupent « un » numéro. Enfin, la population
étrangère recensée dans la rue augmente sensiblement, elle
passe de 3% (environ) en 1891 à 8% en 1936. A travers ces exemples, et
malgré leur échelle réduite, on peut percevoir une
évolution entre la société et la ville à la fin du
19ème et du 20ème : augmentation de la
population, mutations urbaines et modernisation, mutation du tissu
professionnel plus tourné vers l'industrie au
20ème.
2.2.4 Les formes urbaines
Les entreprises ont donc une forte emprise spatiale toutefois
il ne faut pas oublier les logements qu'elles ont amenés avec elles. Le
personnel des usines avait tendance à être logé à
proximité des usines. En ces temps initiaux, le prolétariat
naissant n'est jamais très loin de l'atelier, et du patronat. Les
ouvriers constituent une force de travail qu'il faut autant exploiter que
surveiller. Pour cette raison on voit fleurir à proximité des
usines nombre de logement ouvriers. On observe ce phénomène dans
la rue Poizat, où se trouvait l'usine Guillotte. En effet d'après
l'analyse des recensements de 1936 et 1931 des rues avoisinantes peu d'ouvriers
dont l'employer était Guillotte ont été trouvés.
Cependant dans la rue Poizat, on y retrouve quelques mentions. Une large part
des ouvriers se déclare domiciliés avec leurs familles au
numéro 38 ce qui correspond à l'emplacement de l'usine (50% des
ouvriers de Guillotte recensés rue Poizat en 1931 et 80% de 1936.
Je propose à présent, d'effectuer une petite
analyse architecturale de quelques bâtis remarquables de la
période industrielle. Pour commencer nous nous intéresserons
à l'immeuble situé au 34 rue Poizat à Villeurbanne.
D'après l'étude des plans disponibles dans les casiers
sanitaires9 l'immeuble aurait été construit en 1911. .
Il s'agit ici un bâtiment horizontal, avec une toiture en « V »
à 2 pans. En terme de masse, il ne s'agit que d'un seul bâtiment
dont la surface au sol est de 96,72 m2 avec une longueur de 10,4
mètres une largeur de 9,3 mètres et une hauteur de 17,5
mètres. On compte 3 étages et un rez-de-chaussée donc un
R+3
Le plan qui nous donne à voir les dimensions et la
distribution interne nous informe que le deuxième étage est
composé de 3 logements. Deux sont identiques avec une chambre, une
alcôve et une cuisine d'une superficie totale de 33 m2. Le
troisième logement est une loge de concierge composée d'une seule
pièce avec une cuisine et une baignoire de 13 m2. Les
9 Annexe 9
toilettes sont sur le palier. L'immeuble à 3
façades dont une sur rue. En terme de matériaux de construction
on peut supposer l'utilisation du pisé de mâchefer, la
présence de trous alignés sur une des façades confirme la
technique du coffrage10. L'analyse de la façade sur rue nous
apprend qu'il pourrait s'agir d'une construction à destination de la
petite bourgeoisie. En effet, la façade principale bien que relativement
sobre est dotée d'un soucis esthétique apparent. Les linteaux des
fenêtres sont d'avantage proches de frontons en saillie
soulignant les ouvertures de l'immeuble. Par ailleurs le
rez-de-chaussée est particulièrement
riche. On retrouve la création d'une ligne horizontale
creusée sur le parement du mur. Cette
ligne de refend habille ainsi la devanture de l'immeuble.
L'entrée principale surmontée d'une
clé de voûte en saillie va également dans
ce sens, tout comme les soubassements délimités par
un bandeau filant.
18
10 Annexe 10
19
Dans la même rue on trouve également des
logements bien plus simple d'un point de vue architectural. C'est le cas au 20
rue Poizat.
Les documents d'archives relatifs à l'immeuble sont
très peu nombreux. On sait néanmoins qu'il a été
construit entre 1812 et 191211. Il s'agit ici d'un immeuble de type
R+2 avec une activité commerciale en rez-de-chaussée toujours en
fonction aujourd'hui. Cette forme urbaine témoigne d'une période
où habitat et lieu de travail n'était pas sectorisé.
D'après le témoignage d'une riveraine, le café existait
déjà avant sa naissance donc avant 1917. N'ayant aucuns plans
attenants à la construction, l'étude du bâtiment se base
essentiellement sur ses façades. Il s'agit donc d'une seule construction
de type R+2. Aucun élément décoratif n'est à
signaler si ce n'est un encadrement des fenêtres. Vu le contexte
industriel du quartier on peut aisément supposer qu'il devait s'agir
d'un bâtiment largement occupé par des ouvriers. On retrouve ce
même type de construction dans l'ensemble de la rue.
On trouve également un autre type de logement
héritage de cette période industrielle. Construit par des
ouvriers et gens modestes attirés par le faible loyer du sol consentant
à bâtir et à démolir à la fin du bail. On
trouve des maisons sans étage ou avec un étage
prédominent. Construites souvent par les occupants avec des
matériaux précaires ou en pisé, elles ont permis aux
ouvriers ou aux travailleurs du bâtiment non seulement de « se
mettre chez eux »
11 Casier sanitaire 5J311
20
mais aussi, compte tenu de leurs faibles ressources, de
construire à leur convenance. Ce qui prévaut, c'est la petite
maison avec jardinet ou cour, potager, et tonnelle. Les jeux de boules, les
cafés ont proliféré, ainsi que les ateliers. Il s'agit
d'une structure villageoise et de maisons reflétant des origines
rurales. Or les occupants s'ils appartiennent à toutes les professions
sont en majorité des ouvriers, des usines plus ou moins grande des
environs. Ainsi le modèle adopté par les ouvriers, à leur
initiative reste-t-il traditionnel, mais aussi très ouvert à
toutes les catégories de travailleurs. (Bonneville)
Finalement, ces types de bâtiments s'inscrivent dans la
même unité morphologique. En effet, on retrouve en nombre
conséquent un petit tissu ouvrier en marge du secteur se concentrant
dans quelques zones bien définies. Il s'agit d'un tissu de banlieue
ouvrière, dominé par des petits collectifs mais ponctué
par de l'habitat individuel et de l'activité industrielle et artisanale
qui y introduisent de la discontinuité. Ce tissu se développe
essentiellement autour des tracés nord-sud qui sont l'héritage du
développement industriel du secteur. Les immeubles collectifs sont bas
(R+1, R+2), de facture modeste. Les villas sont de qualité variable,
allant de la maison ouvrière modeste à la villa
d'ingénieur, plus richement décorée. L'activité
industrielle et artisanale y est encore présente. Ce tissu est cependant
de plus en plus fragilisé car il concentre une grande partie du
potentiel de mutabilité du secteur et subit l'impact des constructions
contemporaines. Il ne possède pas une grande richesse patrimoniale, mais
appartient à l'histoire industrielle. On retrouve cette unité
morphologique dans les rues suivantes : Berthelot, Ducroize, et dans la rue
Guillotte.
21
D'autres types de bâti sont à relever dans le
secteur. On retrouve en minorité une unité morphologique
constituée d'un tissu de faubourgs anciens le long des grands
tracés du secteur. Il s'agit d'un tissu parfois ancien, du début
du XIXème implanté à l'alignement de la rue Léon
Blum sur un parcellaire étroit et assez profond. On y trouve des
immeubles collectifs bas avec de légères variations dans les
hauteurs en moyenne de R+1, mais pouvant varier à R+3 au maximum. Des
boutiques sont installées en rez-de-chaussée créant des
alignements commerciaux. Toute la dynamique de la ville était
liée à cette organisation spatiale. La
décoration des immeubles est quant à elle de
qualité variable, avec des immeubles modestes de faubourg aux
façades très simples, et des immeubles de rapports bourgeois,
moins nombreux et plus richement décorés. Les coeurs
d'îlots sont occupés par de l'activité de type artisanale
ou industrielle.
22
Par ailleurs, une autre morphologique identifiable et cette
fois qui se distingue des autres unités observées auparavant. Le
début de la rue Léon Blum possède une morphologie
23
d'avantage connu dans la ville de Lyon. On retrouve quelques
immeubles réalisés pour la plupart dans la deuxième
moitié du XIXème et au début du XXème qui ont une
architecture très élaborée et leurs façades sont
richement décorées. Ces dernières sont moulurées,
avec souvent un traitement en bossage, on trouve des ferronneries
ouvragées pour balcons et gardes corps. Le registre décoratif est
variable selon l'époque. On note également parfois le maintien de
vitraux. Les niveaux de soubassement des immeubles de rapport bourgeois ont une
spécialisation commerciale.
Qui dit quartier industriel, dit industries. Voyons à
présent les différents sites industriels qui ont
émergés au cours du XXème siècle. Comme
nous avons pu l'évoquer précédemment il n'existait pas
réellement d'usines avec une grande emprise foncière dans le
secteur, il s'agit davantage de nombreuses entreprises de petites tailles. On
ne peut pas facilement parler d'unité morphologique tant les
activités étaient diverses je choisis donc de prendre l'exemple
de quelques sites remarquables principalement du fait de leur présence
actuelle et des informations disponibles. On remarque par exemple au 38 rue
Poizat des hangars industriels
24
avec deux halles industrielles du XIXème
siècle avec lanterneaux et une charpente métallique de type
Eiffel. On y trouve adjoint également un bâtiment à sheds
dans le prolongement des deux halles côté ouest.
Finalement, sur l'ensemble du site on trouve la
présence de nombreux hangars et de très nombreuses toitures en
shed. Presque sur chaque site que j'ai pu visiter et explorer la
présence de ces toits d'usine si distinctifs sont présents. Les
morphologies des usines, confirment donc le caractère industriel du
quartier.
2.3 Période post-industrielle
A partir de 1975, les effets de la crise économique des
années 70 accélèrent les restructurations des sites de
production sidérurgiques régionaux. Ils entraînent des
licenciements massifs et des fermetures de site. C'est le cas à
Villeurbanne. Cette évolution constitue un processus de
désindustrialisation c'est-à-dire le recul de l'industrie dans la
part de l'emploi total. La majeure partie des activités industrielles
souvent issues de l'industrialisation mise en place depuis la fin du
19ème siècle disparaissent sans être
remplacées par des activités équivalentes, notamment en
nombre d'emplois. Les conséquences ne sont donc pas limitées au
domaine économique. Elles ont une dimension sociale et culturelle voire
politique (Pascal Raggi).
Le départ des unités de production a pour effet
une désorganisation du tissu urbain, entraînant celle du tissu
social. Les rapports entre les salariés et l'entreprise, voire leur
direction, étant modifiés, les rapports de la ville et de
l'espace productif le sont aussi. On assiste alors à une modification de
la géographie urbaine de ces villes industrielles et d'entreprises, de
l'espace urbain. La fragmentation du tissu urbain résultant de la
désertion des activités industrielles bouleverse durablement le
paysage d'une part mais aussi l'urbanité de ces villes entraînant
avec ceux les représentations qu'en ont les habitants, leur
appropriation, leurs images. (Luxembourg). Ce sont les concentrations
industrielles soudain vieillies qui posent alors problème : espaces
dévalorisés, friches urbaines, reconversion économique
multiples, jusqu'à l'inversion des vocations.
La désindustrialisation intéresse doublement la
politique immobilière. Tout d'abord les parcelles industrielles
fournissent le support le plus important à la promotion
immobilière, mais ensuite la diminution de l'emploi industriel à
Villeurbanne détermine un renouvellement
25
du contenu résidentiel de la commune. Toutefois la
désindustrialisation et son utilisation à des fins de
rénovations immobilière dépend de l'emplacement de ces
zones industrielles. En effet, les zones les plus éloignées du
centre comme l'est le quartier de Grandclément sont touchées par
une moindre pression foncière et la meilleure situation
économique des entreprises peuvent l'expliquer. La
désindustrialisation opère donc de façon sélective,
selon le contexte économique, la structure et l'importance des
entreprises, l'emplacement des implantations. Cependant ses effets
intéressent particulièrement la politique immobilière de
la commune ; de même la recherche des terrains contribue à
accélérer le processus de départ de l'industrie. Un autre
effet important de la désindustrialisation réside dans le
renouvellement de la population de Villeurbanne. Dans le cas de suppression
d'usines ou de leur transfert, on peut envisager que la dissociation de
l'emploi et de la résidence, très souvent associés
jusqu'ici dans la ville, conduira à terme au départ de la main
d'oeuvre vers l'Est Lyonnais. Certains emplois ont été
créés dans des branches en expansion : bâtiment et travaux
publics, services, distribution, transport mais il s'agit très souvent
de salariés peu qualifiés, ces salariés peuvent donc
difficilement prétendre à la résidence au centre de
Villeurbanne. Les nouveaux immeubles ne leur sont que rarement accessibles, ce
qui a été possible de 1930 à 1954 essentiellement lors des
grandes réalisations sociales, ne l'est plus aujourd'hui. La
désindustrialisation déterminera « le choix » du
contenu social du renouveau immobilier, en modifiant le profil de la
clientèle communale. (Bonneville)
2.3.1 Contexte social
Pour Villeurbanne la désindustrialisation a
été marquée majoritairement par le transfert dans la
proche agglomération (souvent en zone industrielle) et par la fermeture
d'une industrie.12 La condition des ouvriers qui continuent de
résider à Villeurbanne mais qui font les trajets pour rejoindre
leur entreprise délocalisée dans une ville proche se modifie. En
effet, on assiste à la fin d'un genre de vie, celui de l'ouvrier
habitant à l'ombre de l'usine imposant sa présence hors du temps
de travail comme dans le travail. A terme les ouvriers choisiront de partir,
même au prix de l'abandon d'un cadre de vie apprécié. La
désindustrialisation contribue ainsi au renouvellement
inéluctable de la population et renforce les effets de la politique du
logement. Pour les années 60-70, on ne dispose pas de renseignements
complets sur l'ensemble des résidents qui habitent les nouveaux
immeubles à Villeurbanne. Du seul point de vue des occupants on sait que
la clientèle des locataires est souvent très semblable
à
12 Marc Bonneville, désindustrialisation p105
26
celle des propriétaires-occupant. Les seuls
renseignements disponibles concernant les caractéristiques des logements
et leurs condition de commercialisation sont fournis en particulier par le
CECIM13. Ils permettent de connaître les types de programmes
en cours, leurs caractéristiques de prix et de financement, le rythme de
leur commercialisation. De ce fait, on a une image de la clientèle des
acquéreurs et indirectement de celle des résidents. Au final,
bien que Villeurbanne proposait des prix avantageux par rapport aux
arrondissements lyonnais on constate14 que les logements
étaient loin d'être accessibles au plus grand nombre de
Villeurbannais. La clientèle solvable pour l'achat ou pour la location
était restreinte aux catégories sociales aisées et
même les cadres moyens risquaient d'en être écartés.
La situation centrale de Villeurbanne comme les sites des collines de l'ouest
constitue à l'évidence un facteur de hausse des prix du terrain
et des constructions.
En définitive, l'essor immobilier a
considérablement augmenté les densités
démographiques de la commune et la rénovation urbaine puisqu'elle
domine largement le processus immobilier a aussi assuré le
renouvellement de la population en place. (Bonneville)
2.3.2 Les formes urbaines
En ce qui concerne notre quartier c'est à partir des
années 1950 que son identité industrielle est mise en mal. Le
paysage du quartier encore largement industriel va se transformer
progressivement. D'après les travaux de Marc Bonneville et de sa carte
sur les réalisations immobilières à Villeurbanne entre
1968 et 1974 très peu de projets immobiliers sont entrepris dans notre
secteur. On retrouve des opérations sur la route de Genas et à
proximité de la rue Léon Blum. Ces principaux points ne sont
d'ailleurs pas le fruit du hasard leur proximité avec la ville de Lyon,
l'accès facilité aux grands axes de circulation en transports en
commun ainsi qu'un bon équipement commercial ont favorisés leurs
implantations. Pour la route de Genas ce sont trois constructions notables de
50 à 100 logements qu'on observe principalement. Le paysage, globalement
homogène, de l'avenue du Général Leclerc et de la rue
Guillotte est affecté par l'installation de barres d'immeubles
collectifs des années 50-60.
La désindustrialisation a également
marqué son territoire par la création de nombreuses friches
industrielles ces « espaces inemployés et non
entretenus15. En effet, l'unité
13 Le CECIM (Centre d'études de conjoncture
immobilière) qui regroupe les promoteurs constructeurs de
l'agglomération lyonnais publie des informations sur les programmes
immobiliers de ses adhérents
14 Index : p 116 du livre de bonneville sur les prix de
logements
15 Friches urbaines, p 76 lexique de la ville, jean-philippe
antoni
27
morphologique qui prédomine dans le nord du secteur est
sans nul doute celle des sites industriels en cours de reconversion. Les
surfaces représentées par ce tissu sont considérables, en
particulier quand on sait que la désindustrialisation a
déjà amputé le quartier de certaines de ses anciennes
industries. Ici on trouve à la fois des « terrains vagues »,
espaces essentiellement vides délimités par d'anciens murs
délabrés mais aussi certains vestiges architecturaux d'anciennes
usines qui tombent lentement en ruine. La plus grande zone vide d'une
superficie16 plus ou moins égale à 24 556
m2 est située sur l'ancien site de l'usine à
gaz17 de la ville dont il ne reste absolument rien. On trouve
également des vestiges presque intacts de la période
industrielle. En effet cette fois-ci d'avantage dans le sud de la zone on
remarque d'anciens sites industriels d'une taille non négligeable.
Derniers témoin d'une époque révolue ils marquent le
quartier par leur silencieuse présence.
Enfin, la dernière unité morphologique à
noter représente un tissu récent. On distingue sur le site
plusieurs types de tissus récents. Des immeubles implantés
à l'alignement (d'époques diverses) affectent le tissu de
façon diffuse et ont un impact sur le paysage que l'on perçoit.
On les retrouve particulièrement le long des grands axes, de hauteur
généralement importante à R+8, ces immeubles proposent
également des grands linéaires de façade. Ce
caractère diffus n'empêche pas la mutation complète de
certains secteurs.
16 Calcul d'après Géoportail, annexe 11
17 Plan archives
28
Ce type de construction s'inscrit inévitablement dans
la tendance urbaine du début du 20ème siècle et
qui se poursuit encore aujourd'hui, l'intensification du sol urbain. En effet,
l'augmentation démographique dans la ville y est pour beaucoup. Devant
la demande croissante de logements les agglomérations investissent aussi
bien dans des tours que dans des barres résidentielles. Les secteurs de
l'habitat et du travail sont désormais largement sectorisés et on
le constate aisément dans le quartier.
29
Partie 2 : Lecture d'un projet de
réaménagement
I- Informations sur le projet
Le quartier Grandclément de Villeurbanne fait
aujourd'hui l'objet d'un large projet d'aménagement. Plus
précisément c'est le secteur « GrandClément gare
»18 qui devrait connaitre à l'horizon 2030 de profondes
modifications. La municipalité villeurbannaise et la métropole de
Lyon se sont accordés pour redonner un nouveau souffle à ce
territoire. Suite à un appel d'offre c'est un cabinet d'architectes et
d'urbanistes de la région parisienne l'agence ANMA qui s'est saisie du
dossier et a tracé les grandes orientations du projet. Un premier projet
urbain a été défini sous la forme d'un plan guide sur un
secteur de 45 hectares. Afin de mieux comprendre les rouages de cette
opération de renouvellement urbain il est alors apparu pertinent
d'analyser à la fois le plan guide en lui-même et d'interroger son
réalisateur Mr Nicolas Michelin. Cette partie sera donc consacrée
à l'étude approfondie du plan guide.
1. Aux origines du projet
Au début des années 2000 une étude du
secteur Grandclément et de ses alentours a été
réalisées par une agence d'urbanisme. Le nom de l'agence ne m'a
pas été communiquée. L'objectif de cette étude
était à la fois de comprendre quelles étaient les
particularités urbaines du secteur mais surtout de saisir qu'elles
pourraient être les différentes évolutions du quartier. Le
diagnostic est posé et ce n'est qu'en 2013 que le projet «
GrandClément gare » émerge.
D'après les informations obtenues par le cabinet ANMA
et les représentants de la métropole de Lyon, il apparaît
que ce projet de réaménagement fait l'objet d'une concertation
commune depuis 2013et c'est en juillet de la même année que la
phase de planification se met en place. Il est alors question de repenser une
partie du périmètre opérationnel du territoire de
Grandclément. Ce périmètre d'environ 120 hectares (7,4% du
territoire villeurbannais) est inscrit majoritairement en zone UI du plan local
d'urbanisme. Il accueille environ 6000 habitants (4% de la population
villeurbannaise) et 4000 emplois (8% de l'emploi à Villeurbanne). Au
sein de ce large périmètre, a été défini un
périmètre opérationnel plus restreint de 45 hectares,
dénommé « Grandclément gare ». Ce quartier
connait des pressions foncières importantes, du fait de la mise en
service de la ligne T3 du tramway, du projet de
18 Extrait du registre des délibérations du
conseil, conseil du 2 novembre 2015
30
mise en site propre de la ligne de bus C3, d'une
activité industrielle déclinante sur certains tènements.
Il se trouve ainsi en tension entre le secteur de la Part-Dieu à l'ouest
et le secteur du Carré de Soie à l'est.
La métropole de Lyon et la ville de Villeurbanne ont
travaillé conjointement a l'élaboration d'un diagnostic
partagé afin de définir avec précision les objectifs
urbains à atteindre pour ce quartier.
2. Les orientations du projet
Les orientations retenues en matière
d'aménagement peuvent se regrouper en quatre thématiques. On
retrouve d'une part la volonté d'introduire une trame verte,
améliorer l'accessibilité du quartier, conserver les
spécificités du tissu urbain et introduire une mixité
économique-habitat en coeur de quartier.19C'est donc à
partir de ces directives que la métropole de Lyon a mis en place un
appel d'offres destiné aux agences d'urbanisme pour la
réalisation d'un plan guide du territoire en question. En 2014 le
cabinet ANMA est sélectionné et commence à se saisir du
dossier. En parallèle, afin d'enrichir ces études la ville de
Villeurbanne a choisi d'associer les habitants à cette réflexion
par le biais d'une concertation citoyenne, sur laquelle nous reviendrons un peu
plus tard. Aujourd'hui le plan guide a été remis aux
collectivités et la concertation habitante s'est terminée avec la
restitution auprès de la municipalité et de l'agence ANMA, des
propositions des habitants à la mi-janvier 2016.
D'après les documents qui me sont parvenus, je pense
notamment à une présentation réalisée l'agence ANMA
on y trouve à la fois une étude approfondie sur le secteur de
Grandclément mais aussi sur les grandes orientations du plan guide.
C'est principalement à l'aide de ce document que mon étude se
base. Les quatre thématiques du plan guide en parfaite adéquation
avec les objectifs de la métropole sont ici approfondies avec
précision.
2.1 La nature en ville :
Suite à une demande insistante de la
municipalité pour introduire « la nature en ville » ANMA se
lance ainsi dans la réflexion d'une continuité écologique
au sein du quartier Grandclément. Le constat actuel indique des espaces
isolés et un projet à compléter au niveau de la ligne de
tramway T3. Il est vrai que si l'on porte notre attention sur les espaces verts
c'est à dire ces espaces urbains plantés d'arbres, de pelouses,
ou d'autres arrangements végétaux pour
19 Ibid
31
l'agrément des riverains ou des
visiteurs20on constate la présence de quelques arbres
à l'alignement, « le parc de la gare » au centre et un peu
plus au sud le parc Dormoy de taille peu conséquente en comparaison avec
la superficie du quartier.21 L'idée retenue a donc
été de créer un nouveau parc au coeur du quartier
accompagnée d'une promenade nord-sud afin d'ancrer la trame verte. La
volonté apparente d'introduire de la végétation en ville
s'inscrit dans la tendance urbaine actuelle. En effet des dernières
obligations suite à la signature d'accords environnementaux jusqu'aux
revendications riveraines l'introduction de végétation en ville
est désormais au coeur des débats. Longtemps
considérée comme un élément du décor, la
nature est devenue un élément central des territoires urbains.
Comme nous pouvons le constater à travers cet exemple, élus
urbanistes et aménageurs admettent l'urgence de stopper
l'artificialisation des sols. Ce constat marquant de la fascination des
collectivités et des praticiens de l'urbain pour de nouvelles formes de
nature dans la ville interroge. Effet de mode, alibi, tendance lourde et
durable, la question reste posée.
Autre point intéressant, l'intérêt
croissant pour l'environnement végétal dans l'aménagement
du territoire est l'occasion d'approcher la conception occidentale de la ville.
Ville et nature seraient d'une part deux entités ne pouvant cohabiter. A
ce titre l'aménagement du territoire a pendant longtemps fait la
dissociation de l'objet nature et de l'objet ville. Tout comme dans le cas
présent la création d'un objectif nommé « introduire
la nature en ville » souligne le caractère dissociatif de ces deux
entités. La ville serait donc par essence un espace
dépossédé de toute caractéristique naturelle
symbole de l'artificialisation totale d'un territoire.
Toutefois, on assiste en parallèle à la
volonté croissante de penser la ville dans une approche plus large
où la nature y trouve complètement sa place. Bien que mise en
évidence pour des raisons de santé publique et de bien-être
la nature tente de se réconcilier (peut-être maladroitement) avec
le paysage urbain devenant ainsi un élément à part
entière dans toute opération d'aménagement. Les espaces
verts et la végétation en général
s'intègrent progressivement dans le paysage urbain d'aujourd'hui
devenant un des paramètres des opérations urbaines et c'est bien
là le problème. En la pensant comme un élément
à part entière on revient toujours à cette logique de
séparation ville/nature.
Quoi qu'il en soit l'objectif de la métropole de Lyon
est donc de mettre en place « un poumon vert » afin d'augmenter le
bien-être des riverains et requalifier l'image du quartier. La
présence d'une étendue végétale nord-sud est
l'occasion de créer une certaine connectivité au sein du
quartier.
20 Lexique de la ville, p 66
21 Annexe 12
32
2.2 L'accessibilité
Une étude des lieux a été
réalisé afin de mieux saisir les particularités du
réseau viaire. En définitive il apparaît un réseau
viaire peu structuré avec de grands îlots imperméables, une
ligne de tramway infranchissable. Les voies majoritairement routières
devraient faire l'objet de requalifications et l'accessibilité en
transport en commun est renforcée à l'aide de la mise en site
propre du bus C3. Toutefois un déficit en transport est à noter
pour la partie ouest du secteur. A partir de ce premier constat les
propositions avancées sont au nombre de quatre. D'une part la mise en
place de deux mails plantés nord-sud sur des axes pacifiés, une
trame viaire renforcée par le prolongement des voies existantes, une
trame piétonne secondaire à travers un réseau de cours et
de passages mais aussi de nouvelles dessertes de transport en commun pour le
pôle pixel ou la requalification d'une ligne de bus sur la partie Est du
quartier.
Finalement, la modification des tracés des transports
en commun dans la ville impacte durablement l'accessibilité du quartier.
La réduction du trafic automobile sur les axes importants comme la rue
Léon Blum impacte de manière conséquente les
déplacements dans le quartier. La mobilité via les transports en
commun semble donc une approche privilégiée pour ce secteur. Pour
l'instant les changements ne sont pas encore effectifs mais ne sauraient
tarder, la rue Léon Blum commence à peine ses travaux. Le report
de circulation sur d'autres axes routiers du secteur est actuellement en cours,
interrogeant les nouveaux modes de déplacement dans le secteur. Le
renforcement d'une mobilité « douce » via l'usage du
vélo, et de la marche à pied permet également de
s'interroger sur l'acceptation d'un tel projet par l'ensemble des riverains. La
proximité évidente avec le périphérique et la
facilité d'accès de rejoindre le quartier en automobile peut
éventuellement impacter la composition sociale du quartier.
2.3 La mixité habitat-économique
Une autre thématique importante dans ce projet est
celle de la mixité habitat et activité économique. En
effet en se basant sur l'état des lieux réalisé par
l'agence ANMA on remarque plusieurs secteurs définis dans
différentes zones géographiques du quartier. En effet, fort est
de constater un secteur habitat tourné vers l'ouest et les axes
historiques (Rue Léon Blum et route de Genas), une dominante
d'activités située d'avantage à l'est du quartier
33
sur des secteurs spécifiques. On remarque
également deux secteurs identifiables en cours de constitution dans le
tertiaire avec les grands comptes monofonctionnels ainsi que des pôles de
formation. Enfin une zone intermédiaire instable se dessine. Cette
dernière est constituée d'habitat et d'activités mais
aussi en grande part de locaux vacants et/ou dégradés et de
terrains en friche. En partant de ce constat et suite aux objectifs retenus par
la métropole de Lyon l'idée est d'introduire une mixité
mêlant activité économique et logement. L'idée de
sectoriser le quartier est délaissé au profit d'une
véritable complémentarité. Pour l'heure les
recommandations seraient de conforter les activités sur les secteurs
spécifiques. Pour se faire l'extension du pôle Pixel par la
spécialisation des parcs d'activités est mise en avant tout comme
le maintien du pôle Artisans. En ce qui concerne le secteur
intermédiaire, l'idée est de favoriser les polarités
à dominante économique composant avec l'habitat en
développant une offre de petits locaux tertiaires (unités
inférieures à 3000m2), artisanaux, de lieux de
formation. L'étude la répartition programmatique donne
également à voir la dynamique économique future du
quartier.
34
35
Extrait d'un document de l'agence ANMA
36
II - Comment l'équipe ANMA
appréhende-t-elle l'identité industrielle du secteur ?
1. La construction d'un patrimoine
Enfin le dernier élément essentiel de cette
opération est la réflexion autour des éléments
industriels du quartier. En effet, la métropole avait envisagé
une étude sur la conservation du patrimoine industriel et de faubourg du
quartier dans la conception du projet. Ce dernier point s'inscrit finalement
dans une démarche de marketing territorial. La volonté apparente
est en fait de promouvoir un territoire riche d'une histoire singulière
afin d'attirer des entreprises tout comme de nouveaux habitants. Pour ce
dernier point nous allons à la fois porter notre attention sur l'image
du projet véhiculée au public par les acteurs du projet, tout
comme nous allons essayer de comprendre sous quel(s) angle(s) le patrimoine
industriel a été appréhendé.
1.1 L'image véhiculée dans les
médias
En parcourant les différents articles disponibles sur
le quartier « Grandclément gare » on constate aisément
cette volonté de mettre en évidence un quartier riche d'une
identité singulière. La première publication, faisant
référence à l'opération urbaine va parfaitement en
ce sens en rappelant les objectifs de cette opération « à la
clé le respect de l'esprit du quartier ».22 Les extraits
de citations de l'architecte en chef viennent également appuyer cette
notion d'identité, on retiendra des propos tels que « l'enjeu
préserver l'esprit du lieu » ou encore « une richesse du
patrimoine à mettre en valeur ». Cette première
présentation du projet s'inscrit donc parfaitement dans cette dynamique
de mise en valeur d'un territoire. Le choix de présenter le quartier
avec une histoire et une identité peut largement influencer les
représentations des nouveaux habitants par exemple. Dans chacune des
publications attenantes à l'avancement du projet, c'est-à-dire
entre septembre 2015 jusqu'en février 2016 il est toujours question du
passé industriel du quartier et de sa mise en valeur. Par exemple le
maxi viva qui expose l'ensemble des opérations urbaines à venir
dans l'ensemble de la ville interpelle ses lecteurs lorsqu'il affirme pour
l'opération Grandclément « qu'il ne s'agit pas de renier le
passé : une partie des anciens bâtiments industriels sera
rénovée et l'écriture architecturale du quartier des
futurs immeubles cherchera à rappeler l'histoire du quartier ».
C'est donc à travers l'information aux habitants via le magazine de la
ville que la singularité du secteur est mise en avant. Un accent est
porté sur le passé industriel de ce quartier
22 Viva septembre 2015
37
principalement au regard des éléments
bâtis du quartier. Hangars, bâtiments industriels sont
mentionnés avec très peu de détails. Les notions «
d'esprit du lieu » ou « d'esprit du quartier » sont donc
employés afin d'asseoir ce patrimoine.
Dans le même registre il n'existe aucune
représentation visuelle de ce patrimoine industrielle dans les
différentes publications. En effet il est intéressant de
remarquer que pour le premier article la photo qui illustre le projet urbain
représente une photo de la place Grandclément alors qu'elle ne
pas du tout incluse dans le secteur de rénovation. Pour un autre article
c'est la gare de Villeurbanne vue de haut qui est choisi pour rappeler le
projet en cours. On est cette fois-ci bien plus dans le secteur dans la mesure
où la gare est l'épicentre du quartier. On observe
également en arrière-plan les nouvelles constructions du
quartier. Des immeubles de logement répondant aux critères de
standardisation urbaine du logement actuel, aucune trace de bâtiments
industriels à valoriser. On peut nuancer un peu ces propos si on part du
fait que la gare a fait l'objet d'une rénovation dans les années
2000 dans le cadre de la mise en place de la ligne de tramway T3. Enfin dans le
dernier article concernant l'opération urbaine à venir on
retrouve une photo de l'actuelle promenade de la gare et la même image
commentée précédemment. Une fois encore un décalage
entre l'image et l'écrit est à noter. Comment interpréter
ces photos ? Celles-ci interrogent sur le regard porté au territoire, on
a l'impression que les choses ne sont pas claires, le projet
Grandclément concerne-t-il la place Grandclément ? La gare ?
Jusqu'où s'étend-t-il ? Certes des indications sont
précisées dans le texte mais aucun élément visuel
ne penche véritablement en ce sens.
Il en va de même en ce qui concerne l'identité du
quartier. Les photographies utilisées ne viennent pas en appui de la
soit disant unité du quartier.
En définitive, c'est l'image d'un quartier industriel,
avec sa richesse de bâtiments qui est mise en évidence. A la
lecture de ces articles le lecteur peut facilement se représenter un
quartier avec une forte identité industrielle à l'image du
quartier de Croix Rousse dans la ville de Lyon. La stratégie de
marketing territoriale commence donc ici et joue son rôle de
manière plutôt efficace.
1.2 Le recensement des pépites
La question de la spécificité urbaine du quartier
soulevée par la métropole de Lyon a été approfondie
par la société ANMA. A l'origine il s'agissait principalement de
faire le point sur le bâti général du quartier avec
à terme une réflexion sur le réaménagement de cette
zone. C'est avec une analyse fine du territoire que le renouveau du quartier
pouvait être envisagé.
38
C'est donc le cabinet de l'architecte Michelin qui s'est
emparé du sujet et qui a analysé avec précision les
spécificités du tissu urbain.
A l'aide d'une présentation du plan guide, on observe
comment le quartier a été appréhendé. Un point sur
les formes urbaines du quartier a été mis en évidence.
L'équipe d'architecte a procédé à un état
des lieux en se rendant sur le quartier Grandclément gare. Ce qui est
intéressant dans la restitution de leurs observations c'est la
manière dont est perçu ce territoire. En effet les architectes
remarquent les nombreux éléments à consonances
industrielles présents dans les rues du quartier tel que les hangars,
les tissus de faubourgs typiques mais ce qui interpelle c'est surtout la
représentation qu'ils en ont. La singularité de ces
différents bâtis est d'une part mise en avant mais surtout elle
est valorisée. L'état des lieux réalisé va en ce
sens dans la mesure où chaque catégorie de bâtiment est
soit « à valoriser, à sauvegarder ou encore à
préserver. »23 La singularité du bâti du
quartier est donc une priorité pour l'équipe d'architectes. Le
responsable Mr Michelin me confiait à ce sujet que pour lui il
était important qu'une opération de réaménagement
s'inscrive dans l'histoire d'un site Reconstruire pour lui ce n'est pas
éliminer toutes traces du passé, mais construire avec lui.
24. Pour cette raison il s'appuie essentiellement sur les
particularités architecturales du territoire en question. Il pousse
même son engouement pour la préservation en définissant une
dizaine de sites qu'il estime comme « éléments marquants de
l'identité du quartier Grandclément » qu'il appelle
pépites. Cette appellation interpelle et c'est le but. Ces
pépites sont pour lui des éléments représentatifs
du quartier qu'il ne faut pas faire disparaître. Il est surprenant de
remarquer que contrairement au PLU qui ne contient que deux
éléments à conserver Michelin souhaite lui en conserver
une dizaine de plus.
J'ai souhaité dans ce deuxième temps m'attarder
sur les bâtiments sélectionnés par l'agence ANMA afin de
mettre à jour les spécificités de ces bâtis.
L'inventaire patrimoine réalisé
par l'agence ANMA nous aide beaucoup pour comprendre l'intérêt
porté à ces bâtiments. Dans ce dernier « a
été recensé les éléments bâtis et
paysagers incarnant le génie du lieu et méritant une certaine
forme de préservation ou d'accompagnement dans leur évolution.
»25 Nous comprenons ainsi que l'identité industrielle du
quartier est ici pensée uniquement d'un point de vue du bâti et du
paysage. A chaque
23 Extrait plan guide
24 Extrait d'entretien Mr Nicolas Michelin
25 Extrait inventaire
39
bâtiment sélectionné une description est
faite et accompagnée d'une description et de renseignements sur les
enjeux de ces bâtiments26. Les pépites sont
séparées en plusieurs catégories, on en compte quatre :
Les ensembles identitaires à valeurs patrimoniale à
préserver, les ensembles bâtis inscrits au PLU opposable, les
ensembles porteurs de qualités à préserver au PLU-H et
pour finir un repérage d'éléments à
préserver exclusivement des usines.
Après étude de cet inventaire on note une grande
diversité de bâtiments, on y retrouve des tissus de faubourgs, des
locaux d'activités, des usines, des immeubles de faubourgs, des maisons
bourgeoises, des sites industriels et des hangars industriels. Les
particularités architecturales sont attestées pour certains
bâtiments mais pour d'autres en revanche l'intérêt ne repose
pas sur cet aspect.
On compte au final 11 « pépites » se
rattachant au logement qu'il soit caractéristique de l'immeuble ouvrier
ou de la maison bourgeoise, et 13 bâtiments à caractère
industriel de par leur fonction comme les hangars, les sites industriels et les
usines. Le choix de ces pépites s'inscrit en adéquation avec le
caractère industriel du quartier. On retrouve un ensemble de
bâtiments représentatifs de cette période qui permettent de
saisir l'identité passée du quartier. Par ailleurs, j'ai
souhaité obtenir des informations complémentaires sur chacun des
bâtiments à l'aide de recherches auprès des archives de la
ville et du département. Cependant, je n'ai pas pu mener de recherches
complètes sur les bâtiments en raison de la réception
tardive du document d'inventaire de l'agence. De plus, les informations
disponibles n'apportaient pas de précisions véritablement
pertinentes à l'étude.
1.3 La réutilisation du patrimoine industriel
pour le renouveau du quartier
La réalisation d'un plan guide par une équipe
intéressée par les spécificités d'un quartier est
un atout pour les questions de conservation ou de réhabilitation
d'éléments urbains. Le plan guide est un document dont vont se
saisir les promoteurs et les bureaux d'études spécialisés
pour réaliser leurs plans d'exécution. Ainsi, chaque
élément du plan guide permet d'orienter durablement les
constructions, réhabilitation et conservation de bâtiments. Il
impose des directives et permet véritablement d'influencer
l'évolution urbaine d'un site. Pour le quartier Grandclément
c'est une agence d'urbanistes et d'architectes sensibles aux
particularités de chaque quartier qui s'est imposé pour la
réalisation du plan guide. Préoccupé par «
l'âme de chaque quartier » qu'ils sont amenés à
étudier, ils ont cherché à saisir les
particularités du
26 Annexe 13
40
quartier Grandclément. Pour l'agence ANMA, la
singularité du quartier se lit dans les nombreux toits d'usines en sheds
rappelant la dimension industrielle du quartier. A partir de leurs observations
ils ont donc voulu mettre en valeur ce territoire et leurs impacts sur le PLU
est une véritable force. Le plan guide a ainsi le pouvoir de modifier le
PLU. Les différentes propositions pour rajouter des
éléments observés dans le quartier dans certaines
catégories du PLU est alors l'assurance d'une prise en compte de
bâtiments industriels dans le renouveau du quartier. Le plan guide est
ainsi un document important permettant de dessiner l'avenir urbain du quartier.
Toute proposition en terme de patrimoine pour pouvoir être reconnue
à l'avenir se doit donc de figurer dans le plan guide si elle
espère être prise en considération.
Intéressons-nous à présent au devenir des
éléments du patrimoine industriel relevés par l'agence
ANMA.
Une partie des pépites n'est pas soumise à des
transformations particulières, on est davantage dans une conservation
telle quelle des bâtiments. Il s'agit principalement de logements de type
immeuble et des maisons individuelles qui sont touchés par ce
phénomène. Les bâtiments d'activités industrielles
comme les hangars et sites industriels n'ont en revanche pas tout à fait
la même finalité. Mr Michelin me disait à ce sujet que
l'ensemble du bâtiment n'était pas essentiel ce ne sont que
certaines parties qui sont intéressantes parfois pour des raisons
architecturales, comme le rappelle la structure métallique d'une
ancienne usine rue Poizat27 ou parfois en raison de leur superficie.
L'agence a également développé une approche sur la
réhabilitation des bâtiments pour le moins intéressante.
Afin de rappeler le passé industriel du lieu, les urbanistes imaginent
une démolition partielle des hangars afin de proposer par exemple «
un hangar de grande dimension et construire perpendiculairement des immeubles
de 11 mètres de larges destiné à du logement et le hangar
serait divisé en 3 parties rattachée chacune à un
promoteur différent avec chacun un hall d'entrée qui passe par un
grand hangar » (Michelin). L'exemple ci-dessous est
particulièrement représentatif de cette idée.
27 Annexe 14
41
La conservation des toitures est également un objectif
qui revient très souvent. L'idée est celle de reconstruire ou de
construire des immeubles d'habitation avec ce type de toiture afin de donner
l'impression qu'ils ont toujours été là. On renouvelle le
quartier tout en gardant sa singularité.
42
C'est une vraie prise en compte du territoire industriel qui
est à l'oeuvre renforcée également par l'approche
historique qui a été menée par l'agence ANMA. La
conservation et la réhabilitation de certains bâtis de cette
ancienne zone industrielle devient un véritable levier pour créer
une ambiance centre-ville nécessaire à la fabrication d'un
morceau de ville et à la modernisation de l'espace urbain.
III- Remise en question de la concertation
habitante
En plus de la réalisation du plan guide pour le
quartier en devenir « Grandclément gare » une concertation
avec les riverains a été envisagée et mise en place
dès novembre 2015. La mairie de Villeurbanne a en effet souhaité
mettre en place une concertation avec les riverains sur le projet de
réaménagement « Grandclément gare ». Pour se
faire elle est passé par le service de démocratie locale du
quartier qui n'est autre que le conseil de quartier Grand Clément/ la
Perralière.
Né en 2013 le conseil de quartier est associé
aux deux quartiers frontaliers celui de Grandclément et celui de la
Perralière d'où son nom. Composé d'un adjoint de quartier
Alain Brissard, de référents de conseil de quartier Jocelyne
Maubert-Michaud et Alain Bassier le conseil il dispose de locaux au 74 rue
Léon Blum en plein coeur du quartier Grandclément. Le conseil
s'occupe à la fois des préoccupations quotidiennes des riverains
en mettant en place différentes commissions mais il est également
en charge de la diffusion de l'information de la ville. Son influence dans la
création d'évènements festifs, de rencontres est aussi
à souligner. C'est à sa commission « urbanisme - cadre de
vie » que nous allons nous intéresser. C'est par le biais de cette
commission bimensuelle qu'a été mobilisé la concertation
habitante pour le projet de réaménagement en question. En effet
c'est suite à une volonté de la mairie d'impliquer ses habitants
dans ses projets que le conseil de quartier a organisé un temps fort
autour du réaménagement futur de son quartier.
Au terme d'un accord en septembre 2015 avec l'adjoint au
développement urbain et métropole de la Ville, Richard Llung la
perspective d'une mobilisation habitante sur le plan guide du projet de
renouvellement urbain est lancée. L'objectif recherché est alors
de construire et fournir à l'aide des usagers de la ville un avis sur
les orientations du plan guide afin de le remettre à la ville en janvier
2016. Pour mener à bien ce projet le conseil est accompagné par
l'agence elc2. Agence de communication crée en 1998 siégeant
à Lyon celle-ci est spécialisée « dans
l'accompagnement des politiques publiques et les stratégies de
43
participation citoyenne » (site elc2.coop). Son
activité ici aura été la conception et l'animation d'une
démarche participative. Ainsi accompagné le conseil de quartier a
mis en place plusieurs réunions d'échanges et ballades urbaines
dans le quartier pour mieux saisir la réalité à venir.
Annoncée à l'aide du magazine de la ville Viva,
cette concertation apparait comme une invitation afin de « participer
à la mise en oeuvre progressive de la transformation »28
du quartier. En y ayant assisté à plusieurs reprises tout d'abord
pour observer comment la question du patrimoine était
appréhendée je me suis rapidement rendue compte que le dispositif
en lui-même méritait un approfondissement. La concertation
habitante dans cette opération d'urbanisme est une démarche qui
interroge. Qui est à l'origine de cette initiative ? Pour quelles
raisons a-t-elle été mise en place ? Était-ce un choix ou
une obligation ? Quelles sont les thématiques abordées ? Mais
surtout comment est-elle intégrée au projet urbain ? C'est
à l'ensemble de ces questions que cette partie tente de
répondre.
1. Pourquoi mettre en place cette concertation ?
A l'origine, ce projet de concertation est à
l'initiative de la municipalité villeurbannaise. Richard Llung adjoint
au maire de Villeurbanne et vice-président de la métropole de
Lyon chargé de l'urbanisme réglementaire et de la planification
est l'investigateur de cette concertation. D'après les retours que j'ai
eu de la part de la Métropole de Lyon Mr Lllung était très
engagé pour la mise en place de ce dispositif et c'est encore une fois
avec la revue mensuelle de la ville que son implication et plus largement le
souhait de la municipalité d'oeuvrer pour des actions participatives est
mis en avant. En décembre une double page se consacre à la
concertation en cours à Grandclément. L'article intitulé
Grandclément : la grande concertation s'attache
à la fois à rappeler les grandes lignes du projet urbain mais
insiste sur le caractère participatif du projet. L'adjoint au
développement, Mr Llung s'exprime à ce sujet et rappelle que
« la ville du 21ème siècle doit se construire
avec les habitants qui se saisissent des projets, en partagent les grandes
orientations et les enrichissent de leurs propositions ». Son engagement
pour la mise en place de dispositifs participatifs s'inscrit ainsi dans l'une
des tendances actuelles de l'urbanisme, la participation citoyenne. En effet
depuis l'émergence dans les années 60 de mouvements urbains qui
se développent dans différentes parties du monde porteurs d'une
critique sociale (Castells) l'implication du public en matière
28 Viva, novembre 2015 p5
44
de planification spatiale et d'urbanisme n'a cessé de
se développer. En passant par les ateliers publics mobilisant habitants
et professionnels pour la l'élaboration de contre-projets29,
l'élaboration de diagnostic partagés, jusqu'à la naissance
de système de co-gestion, les approches collaboratives investissent
pleinement le champs de l'urbanisme. En parallèle la question de la
durabilité des villes et des métropoles est de plus en plus
étroitement associées à l'intervention urbaine. Les
concepts du nouvel urbanisme et de croissance intelligente sont
présentés comme des réponses à cet impératif
du développement urbain durable qui impose de nouvelles formes de
pensée et d'action (Bacqué Marie-Hélène, Gauthier
Mario ) Ainsi, selon Berke 30 le concept de développement
urbain durable offre une opportunité de renouvellement des pratiques
participatives en matière d'urbanisme, dans la mesure où le
concept de durabilité pourrait être un cadre capable de
dépasser les intérêts particuliers afin d'adopter une
perspective inclusive et globale. Dans ce contexte, la participation publique
est aussi envisagée comme un instrument de mise en oeuvre du
développement urbain durable (Gariépy
M., Gauthier M.) en opposition au modèle de
planification rationnelle global. Les approches collaboratives
conçoivent ainsi la planification comme un processus interactif et
politique.
Les différents retours d'expériences en
matière de planification poussent également les professionnels de
l'urbanisme à reconnaître eux-mêmes les limites du
modèle de la planification rationnelle globale et cherchent de nouvelles
voies pour intégrer les préoccupations des citoyens dans leurs
pratiques planificatrices (Bacqué Marie-Hélène, Gauthier
Mario ) Les échecs d'opérations urbaines suite à
l'inadéquation des travaux réalisés avec la
réalité sociale et économique de certains territoires a
conduit les experts techniques de l'urbain à reconsidérer leurs
pratiques. L'implication des riverains dans les opérations urbaines voir
même dans la réalisation de documents urbains (PLU, PLU-H par
exemple) tend à se répandre sur l'ensemble du territoire.
La création d'une concertation sur un projet de
rénovation est également l'occasion d'engager les habitants
à réfléchir et à s'impliquer dans la gestion de
leur quartier. Par l'intermédiaire du conseil de quartier, les riverains
sont ici invités à échanger et se mobiliser pour
s'approprier le projet, se projeter mais surtout ont l'occasion de questionner
le projet et de faire des propositions pour le devenir de leur quartier. A ce
titre l'adjoint en charge des quartiers
29 Exemple la rénovation du quartier de Kruzberg à
Berlin
30 Berke P.-R., « Does sustainaibale development offer a new
direction for planning ? Challenges for the twenty-first century »,
Journal of Planning Literature, 17 (1), 2002, p. 21-36
45
Ferrandière/Maisons neuves et
Perralière/Grandclément s'exprime « Ce temps long de la
concertation est essentiel : les habitants s'impliquent de manière
très constructive »31
Aussi ne faut-il pas oublier que ce type de démarche
peut cacher des motivations politiques. La participation peut être
mobilisée pour répondre à la distance politique plus ou
moins importante entre élus et citoyens. Les riverains appelés
à réfléchir et à s'exprimer directement
auprès des élus ont alors le sentiment d'être
écouté et donc d'être valorisé. La mise en place
d'un dispositif à destination des citoyens est alors perçu comme
la preuve d'une sincère volonté de s'impliquer dans les
préoccupations des habitants. Ce n'est pas les riverains qui viennent
à la mairie mais la maire qui vient à eux. Ainsi, le
département aménagement urbain de la ville est difficilement
attaquable. La ville s'inscrit comme partenaire des habitants, redore son
blason et en profite pour mener une opération communication
réussie.
Il est intéressant de mettre en parallèle le
caractère non conflictuel du projet Grandclément gare. En effet,
il n'existe aucun élément du projet faisant l'objet d'un
désaccord profond entre les riverains et la collectivité. Le seul
point enclin au conflit est le marché forain et alimentaire de
Grandclément. Toutefois comme ces deux marchés n'appartiennent
pas directement au projet et qu'ils feront l'objet d'une concertation
spécifique ultérieurement, très peu de situations
conflictuelles ont été relevés. Ainsi aucune opposition
n'a été capable d'entacher le bon déroulement de la
concertation. On peut alors rapprocher ce constat avec les réflexions de
Bernard Jouve pour qui « les pratiques participatives dans les
métropoles ne permettent pas une réelle transformation de l'ordre
politique, mais tendent plutôt à renforcer les traits
préexistants des différents systèmes politiques en
consacrant le rôle central des élus ».32
Ou alors, on peut se laisser à imaginer que cette
mobilisation des riverains était l'occasion de mettre en place une
stratégie politique d'anticipation et de régulation. En passant
par une institutionnalisation de la négociation (Duran et Thoening) avec
la recherche d'une conciliation par la mise en oeuvre des outils de la
concertation citoyenne la mairie se prémunit contre toutes situations
conflictuelles à venir. En ce sens, on peut supposer que le choix de
mettre en place une concertation avec le conseil de quartier n'était pas
anodin.
31 Viva, décembre 2015-janvier 2016
32 Jouve B., « La démocratie en métropole.
Gouvernance, participation et démocratie », Revue française
de science politique, 55 (2), 2005, P 336
46
La stratégie de marketing territorial à l'oeuvre
pour le quartier et mentionnée auparavant trouve avec la
réalisation d'une concertation l'occasion de s'affirmer une nouvelle
fois. On pourrait presque aller jusqu'à imaginer le nouveau titre de
l'opération urbaine : Grandclément gare un projet respectueux de
l'identité industrielle et à l'écoute de ses habitants.
Fort déjà d'un premier objet de valorisation avec la
reconnaissance de vestiges de l'époque industrielle le dispositif de
concertation est alors le deuxième élément de valorisation
du territoire. L'apparente volonté de construire ensemble aide à
la création d'une image positive du quartier en devenir. Le quartier
profite donc d'une belle promotion avec en toile de fond l'idée qu'il
est le résultat d'une implication de riverains forte. C'est un argument
qui peut tout à fait jouer en la faveur du quartier.
2. Quel jeu d'acteurs ?
Dans cette concertation on remarque l'implication de plusieurs
acteurs, la métropole de Lyon, l'agence ANMA, la municipalité
Villeurbannaise, les membres du conseil de quartier et les habitants du
quartier. Le projet urbain de GrandClément est à l'origine d'une
certaine forme de proximité entre les acteurs. Les échanges
favorisés par les différentes étapes de la concertation
sont à l'origine d'une relation assez étroite entre les acteurs.
La concertation a permis de rapprocher différentes catégories de
personnes qui n'ont pas l'habitude de se côtoyer et encore moins de
travailler ensemble. Toutefois, ce dispositif a été
également l'opportunité pour chacune des parties de
réaffirmer son pouvoir. Intéressons-nous par exemple au conseil
de quartier.
Les membres constitutifs du conseil de quartier de La
perallière/ Grandclément ont été contacté
par la mairie afin qu'ils puissent construire une réflexion
participative suite à la découverte du plan guide.
Accompagnée par une agence de communication spécialisée
dans la démocratie participative l'agence ECL2, les membres constitutifs
se sont largement investi dans ce projet toutefois ils ont facilement
évincé les propositions extérieures. En effet, la plupart
des propositions concernant le plan guide provenant de personnes non
impliquées dans le conseil de quartier ont été mises de
côté. Une petite rivalité entre le conseil de quartier et
l'association patrimoine et cadre de vie de Villeurbanne est attestée,
les propositions mises en avant par le représentant de l'association qui
est également le représentant des
47
commerçants ont été quelques peu
étouffés.33Cet exemple nous montre que le conseil de
quartier valorisé par la municipalité dans cette opération
est l'occasion pour lui (dans une moindre mesure) de réaffirmer sa
position de leader en matière de démocratie citoyenne. Ce
paramètre est d'autant plus renforcé quand on remarque qu'aucune
autre association de la ville, n'a été contacté par la
mairie pour se saisir de la question.
La municipalité à l'issue de cette concertation
a également pu réaffirmer son pouvoir auprès des
riverains. En effet, cela était particulièrement visible lors de
la dernière séance de concertation, où les habitants et le
conseil de quartier ont remis leurs recommandations à l'élu Mr
Richard Llung. Cette ultime séance normalement dédiée aux
habitants et à l'équipe du conseil de quartier a
été largement mené par l'élu. Bien que son
intervention paraissait légitime pour cadrer à certains moments
la séance notamment lors de l'irruption de quelques conflits autour de
la question du marché par exemple il a largement dominé la
séance faisant passer l'équipe du conseil de quartier pour des
invités dans leurs propres locaux.
Par ailleurs, Mr Llung a donné à voir le
renouveau du quartier Grandclément comme un élément d'un
projet urbain bien plus large. Les remarques ou questions des habitants se sont
habilement retrouvées plonger dans un discours politique sans aucun lien
direct avec les questionnements initiaux. La réflexion entreprise sur le
renouveau du quartier prenait ainsi une toute autre dimension, qui a
été par moment bien difficile à comprendre pour les
habitants présents à cette réunion. Le charisme de
l'élu et ses propos ont largement contribué au peu
d'échanges entre les différents protagonistes présents.
3. La concertation en est-elle bien une ?
La mise en place de cette concertation interroge
également sur un dernier point, celui de sa véritable vocation
à la participation. J'aborderai ce point sous deux angles, d'une part au
regard des différents participants et d'autre part en essayant de
replacer dans un cadre plus théorique le principe de cette
concertation.
La concertation s'est déroulée en plusieurs
temps depuis la mi-septembre jusqu'à la mi-janvier. Un premier appel
à la participation des citoyens a eu lieu en novembre 2015 via le
magazine de la ville. L'article interpelle ne serait-ce que par son vocabulaire
employé, il n'est précisé nulle part qu'il s'agit d'une
concertation en partenariat avec la métropole de Lyon et
33 Extrait d'entretien Mr Pellerin
48
de la municipalité. Il est seulement mentionné
que « le conseil de quartier de Grandclément invite les habitants
[...] à une réunion dans leurs locaux. »
Pour tout habitant non habitué aux conseils de quartiers il est
difficile de comprendre quel sont les enjeux de cette réunion. Ce qui
est surprenant également, le projet de concertation est annoncé
et présenté en décembre une fois que l'ensemble des
réunions ont été effectué...
Aucune parole d'habitants n'est retranscrite seule quelques
propos de l'un des représentants du conseil de quartier sont repris. La
communication autour de la concertation interpelle et interroge.
Par ailleurs, les habitants présents ne sont pas
véritablement représentatifs de la population villeurbannaise et
encore moins du quartier GrandClément d'un point de vue
socioprofessionnel et d'âges. Ayant assisté à de nombreuses
réunions j'ai remarqué que les participants véritablement
impliqués étaient en majorité des
retraités34 vivant dans le quartier depuis de nombreuses
années. Des personnes d'une quarantaine d'années étaient
également présentes souvent commerçants ou récents
propriétaires. Je n'ai pas de chiffres qui me permettraient de confirmer
mes propos puisque le conseil de quartier n'a lui-même pas ces
informations à disposition et je n'ai pas réalisé de
questionnaires à transmettre aux participants. En effet, j'ai
assisté à ces réunions avant même d'avoir un axe de
réflexion bien défini, j'y ai assisté essentiellement pour
obtenir des renseignements sur l'avancement du projet GrandClément.
Afin d'évaluer également le principe de
concertation habitante il me semblait alors pertinent de le mettre en
résonnance avec l'échelle de participation citoyenne de Sherry R.
Arnstein.35Le dispositif de concertation mis en place pour le
devenir du quartier Grandclément gare pourrait éventuellement se
rapprocher du stade 4 de la catégorie du tokenisme. Arnstein appelle le
stade 4 le stade de consultation puisque des enquêtes ou des «
réunions publiques permettent aux habitants d'exprimer leur opinion sur
les changements prévus toutefois on ne tient aucunement compte de leurs
avis ». Comment pouvons-nous rapprocher ce stade de consultation de la
concertation actuelle ? La réalisation du plan guide est notre premier
élément de réponse. Nous pouvons confirmer le
caractère consultatif de la concertation puisque les habitants
étaient invités à réagir sur un document
déjà définitif. Les
34 Annexe 15
35 The Ladder of Citizen Participation, Sherry R. Arnstein
», Journal of the American Planning Association, Vol. 35, No. 4, July
1969, pp. 216-224
49
riverains ont en effet commenté le plan guide et non
aucunement participé à sa réalisation ce qui est
intriguant dans la mesure où la suite des opérations s'appuiera
sur le plan guide en lui-même. On peut alors largement s'interroger sur
la prise en compte des avis émis par les habitants.
Finalement, les éléments constitutifs de cette
concertation sont donc à remettre en question tant d'un point de vue des
participants, de la communication autour du dispositif que sur le principe
même de la concertation. Le plan guide réalisé par l'agence
ANMA est terminé, la première étape du projet urbain
également, et il n'existe à l'heure actuelle aucune certitude
quant à l'implication de l'agence pour la suite du projet ce qui
interroge d'autant plus la prise en compte des avis et réflexions des
habitants par les équipes qui reprendront le dossier à
l'avenir.
50
Partie 3 : Quel patrimoine industriel pour les
habitants du quartier ?
Dans ce volet de ma recherche il me semblait important
d'interroger les habitants du quartier Grandclément sur le patrimoine
bâti de leur quartier. La question de la gestion du patrimoine d'une
ville est une question qui n'est presque jamais soumises aux habitants ce qui
peut paraitre paradoxale au moins en partie dans la mesure où les
riverains peuvent se prétendre d'une certaine manière experts de
leur ville car il la côtoie au quotidien et la connaissent presque dans
ses moindre recoins. Ils développent avec le temps de nombreuses
connaissances à son sujet et sont capables de nous livrer des anecdotes
insoupçonnées que les professionnels de l'urbanisme sont loin de
disposer. En partant de cette idée il me paraissait alors
nécessaire d'aller interroger ces habitants pour essayer de
définir avec eux et de comprendre quels pouvaient être les
éléments du paysage urbain qui avaient du sens pour eux et qu'ils
aimeraient voir conserver, réhabiliter, ou voir même
démolis. Je voulais en les interrogeant sur ce sujet les faire
réagir sur leur potentiel d'implication dans les projets de
réaménagement urbain.
I- Retour sur la notion de patrimoine
1. Le « gros mot » patrimoine
Pour mettre à bien cette partie de mon étude, la
première question que je me suis posée a été :
Comment parler de patrimoine ?
Lors des premiers contacts avec les habitants je me suis
rapidement rendue compte de la difficulté pour les interrogés
à se représenter et à définir le mot patrimoine. Il
apparaît finalement comme une notion mal connue, qui impressionne et qui
ne permet pas d'engager une conversation facilement. J'ai souvent
été dans des situations où lorsque j'abordais le terme
patrimoine voire même d'héritage industriel s'en suivait un
blocage j'étais de fait confronté à une profonde
incompréhension de la part de mes interlocuteurs. Bien qu'essayant de
débloquer la situation en tentant de remanier le mot patrimoine avec le
plus d'habileté possible dans l'espoir de faire comprendre mon intention
de discuter sur les représentations personnelles du quartier en
questionnant les souvenirs de chacun, cette tentative restait vaine. Peu de
choses ressortaient et l'échange prenait fin très rapidement.
51
A d'autres moments, les personnes interrogés m'ont fait
part de leur difficulté à répondre à cette question
puisqu'ils m'expliquent ne pas se sentir spécialiste en la
matière. Le patrimoine est en fait très souvent rattaché
à la notion de conservation de bâtiment et dans l'imaginaire
collectif des personnes avec qui j'ai pu m'entretenir ce qui se conserve c'est
ce qui a une valeur architecturale importante, que de fait des « non
experts » comme eux sont incapables à détecter, d'où
la difficulté pour eux d'investir cette question de patrimoine.
De ces exemples il ressorts plusieurs éléments
importants. Tout d'abord le questionnement autour du patrimoine apparait d'une
part comme un thème difficile à appréhender pour les
habitants non connaisseurs en matière de patrimoine de manière
générale. Une sphère d'experts du patrimoine
(principalement architectural) se devrait de se consacrer entièrement
à cette question. Les habitants s'excluent instinctivement de cette
question. Un autre exemple peut renforcer cette hypothèse. Une
démarche d'inventaire participatif est actuellement en cours au Rize et
celle-ci concerne en grande partie le quartier Grandclément. Cet atelier
invite l'ensemble des habitants de la ville à participer à la
« connaissance et à l'appropriation du territoire par des habitants
» pour reprendre les mots du directeur du Rize Vincent Veschambre.
Malgré une communication du projet par l'intermédiaire du
magazine de la ville très peu de personnes se sont investies dans cet
atelier. La plupart des présents étaient soient des
passionnés d'histoire, des curieux ou des personnes largement
impliquées dans la vie de quartier et ayant des relations avec le
Rize36. Ce faible investissement de la part des riverains pourrait
donc être interprété comme un
désintérêt pour les questions patrimoniales ce qui est tout
à fait probable. Toutefois on peut encore aller plus loin dans le
raisonnement en rapprochant cette attitude d'une certaine forme d'autocensure.
Les riverains s'interdisent de se prononcer sur le sujet et renvois la
responsabilité de cette question à des professionnels.
Je pense que ce phénomène est à mettre en
relation avec le fait qu'il n'existe aucun enjeu conflictuel pour le renouveau
du quartier du point de vue patrimonial. Il n'y a pas de lutte ou de
revendication sur les constructions au sein du quartier du moins à
l'heure actuelle. Auquel cas les habitants se seraient certainement d'avantage
saisie de la question patrimoniale comme ça a été le cas
dans d'autres villes (Zanetti)
D'autre part, cette autocensure rappelle la volonté du
monde de l'aménagement de créer deux mondes distincts, avec d'un
côté les professionnels de l'aménagement et de l'autre les
riverains. Bien que cette démarche tende à disparaitre avec le
renouveau de l'urbanisme, ces
36 Informations obtenues lors d'une participation à cette
réunion
52
réponses rappellent quand même la force de ce
dispositif dans la mesure où les habitants l'ont pleinement
intégré. Même si on peut nuancer ce propos quand on
remarque l'implication de certaines associations en charge de la question
patrimoniale de la ville qui sont très engagées dans ce que les
bâtiments de la ville peuvent raconter, on remarque rapidement que
lorsque leur implication dans un projet urbain est suggérée ils
ne s'en saisissent pas. En effet, lors des différentes réunions
de concertation, étaient présents Mr Patrick Pellerin
président de l'association patrimoine et cadre de vie ainsi que
quelques-uns de ses membres. Lors des discussions autour des pépites du
quartier aucun des propos des membres de l'association ne s'est
distingués du discours d'autres habitants. La question de la valeur
patrimoniale des pépites mais aussi de tout autre élément
bâti du quartier n'a suscité aucune réaction
particulière. Cette association pourtant très impliquée
dans la récolte de souvenirs propres aux différents quartiers de
Villeurbanne avait ici l'occasion de s'exprimer et de mettre en avant les
informations dont elle disposait ou qu'elle pouvait éventuellement
obtenir, il n'en fut rien.
J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Mr Pellerin sur les
différentes activités de l'association et son impact dans les
processus d'aménagement urbain. Autant sa participation active dans
l'histoire de la ville est effective autant le constat n'est pas le même
lorsqu'on évoque sa potentielle contribution dans les projets de
renouvellement urbain. Le président de l'association m'a très
clairement fait comprendre que son association avait pour unique rôle de
récolter et transmettre à l'occasion, des informations sur le
passé de la ville mais qu'elle n'était aucunement
impliquée dans les décisions d'aménagements37.
La volonté ou non de s'engager dans cette démarche n'est pas ici
la raison retenue, en fait il s'avère que cette démarche ne fait
absolument pas sens pour cette association. Les différents
témoignages récoltés sur bâtiments concernant leurs
richesses sociales et leur intérêt en termes de traces de vie n'a
pas vocation à perdurer dans l'espace urbain de demain par
l'intermédiaire de conservations ou de réhabilitations. Le
récit de vie est une donnée à conserver dans des cartons,
à ressortir lors de petites expositions pour faire ressortir les
données cumulées avec le temps mais pas à
réutiliser lors d'un projet urbain. Le matériel patrimonial
à exploiter dans les projets d'aménagement apparaît
être l'exclusivité des professionnels de l'urbanisme.
Le terme patrimoine en plus de lier les témoignages
entre le bâtiment et son aspect social, renvoi également à
la question de l'intime. Il m'a été donné quelques fois
lors de
37 Extrait entretien : « Ce n'est pas à nous de
dire ce qu'il faut faire ou pas on est là juste pour raconter l'histoire
et se rappeler des bâtiments qui étaient là avant »
53
conversations bien engagées avec des habitants de
découvrir quelques morceaux de leur vie. Les souvenirs
évoqués, la manière de raconter, les différentes
émotions qui émergent de leurs récits interpellent.
Raconter sa ville, son quartier et ses bâtis c'est aussi se raconter,
c'est donc une entrée dans l'intime. Parler patrimoine n'est pas
toujours un acte anodin qui nécessite la création d'une relation
de confiance.
2. Qu'est-ce que le patrimoine ?
Ces quelques cas de figure ont permis d'interroger le principe
même de patrimoine. D'après les cas que j'ai rencontré le
patrimoine reste quelque chose d'assez vague, tantôt utilisé pour
parler des spécificités architecturales, tantôt pour
appréhender une richesse sociale, et parfois employé pour
justifier une conservation de bâti. Le patrimoine revêt de toute
évidence des aspects pluriels mais pour plus de précision
revenons à présent sur sa définition.
Trouver une définition simple du mot patrimoine n'est
pas chose aisée. Si on s'en tient à celle fournit par le
dictionnaire Larousse on apprend que le patrimoine c'est « ce qui est
considéré comme l'héritage commun d'un groupe » cette
première définition permet une première approche en la
matière mais manque encore de précisions. Pour mieux comprendre
le terme de patrimoine il est en fait nécessaire de se replonger dans
l'histoire de ce mot.
Le mot patrimoine fait une entrée remarquée
dès le 18ème siècle dans l'histoire des
nations. Les autorités locales souvent par soucis patriotique commence
à créer des inventaires patrimoniaux censés
représenter les spécificités de leur pays. Les
singularités paysagères sont ainsi mises en avant, et les sites
bâtis témoignages d'une puissance révolue commence à
constituer les premiers éléments patrimoniaux.
C'est au début des années 80 que le mot
patrimoine a commencé à se détacher
progressivement du monde de l'Histoire. Il s'élargit et semble avoir
vocation à désigner l'ensemble des formes culturelles produite
par les sociétés, au fur et à mesure de leur
déconnexion de la sphère productive (Veschambre). Il
apparaît clairement que le « patrimoine n'existe pas a priori »
(Leniaud) et que cette reconnaissance est initiée et portée par
certains groupes sociaux, qui expriment des normes, des intérêts,
développent des stratégies, voire provoquent des conflits
(Gravari-Barbas, Veschambre). Les objets du patrimoine sont le reflet d'une
parfaite construction sociale, ils sont immatériels comme
matériel, de supports variés et
54
ils constituent « ce qui est censé mériter
d'être transmis du passé, pour trouver une valeur dans les
présent » (Jacques Lévy et Michel Lussault)38
Bien que, le patrimoine semble pouvoir être l'apanage de
tous la réalité est quelque peu différente. L'article L
110 du code de l'urbanisme affirme que Le territoire français est le
patrimoine commun de la Nation intégrant ainsi dans le droit la notion
élargie de patrimoine. Malgré, cet article de loi seuls quelques
autorités sont légitimes à statuer de manière
durables sur le caractère patrimonial d'un objet. Statuer sur ce qui
fait patrimoine s'inscrit presque toujours dans une approche top down. Les
quelques exemples bottom up sont toujours le fruit d'une situation
conflictuelle autour d'enjeux identitaires. Ce rappel sur les
singularités du terme patrimoine rappelle qu'il reste encore un outil
largement dominé par les institutions classiques et que toute personne
non impliquée dans une de ces institutions ne peut que difficilement
imposer ses idées sur ce qui doit faire patrimoine ou non.
II- Interroger les habitants sur leur patrimoine
Parmi les orientations préconisées pour le
renouveau du quartier, un point est largement accordé à la
conservation d'éléments du paysage urbain. L'équipe
d'architectes et d'aménageurs se sont largement penchés sur la
question et ont cherchés à déterminer des bâtiments
remarquables qu'ils ont appelés des pépites. En partant de ce
constat je me suis alors demandée si la préoccupation pour la
conservation d'un patrimoine industriel faisait également partie des
préoccupations des habitants. Existe-t-il pour les riverains un
quelconque enjeu patrimonial autour du renouveau du quartier ?
1. Observations pendant les réunions de
concertation
En cherchant à comprendre comment le patrimoine pouvait
être perçu par les habitants j'ai tout d'abord porté mon
attention sur les propos qui avaient pu être tenus lors des
différentes réunions de la concertation. Cette invitation
à la concertation destinée à l'ensemble des riverains du
quartier a été mon premier terrain d'investigation. En effet, en
y ayant assisté d'abord par curiosité pour essayer de cadrer un
peu plus mon sujet ces réunions ont constitué le point de
départ de mes questionnements sur le patrimoine des habitants.
38 Lévy, J, et Lussault, M. (2013) Dictionnaire de la
géographie et de l'espace des sociétés.
55
Parmi les réunions mises en place l'une d'entre elle
prenait la forme d'une ballade urbaine. Les habitants étaient alors
invités à suivre les membres du conseil de quartier à
travers la partie Nord du quartier afin de prendre connaissances des
transformations à venir mais aussi afin d'exprimer leur point de vue.
Pour l'occasion l'agence de communication EL spécialisé dans les
projets de concertation citoyenne accompagnait les habitants afin de
retranscrire leurs paroles et de proposer une synthèse finale.
Le parcours de cette visite en ville était
centré sur une partie intéressante du quartier où toutes
les composantes du tissu industriel s'y trouvaient : du logement ouvrier, aux
usines en activité, aux friches industrielles, jusqu'aux rares commerces
survivants. Lors de cette ballade je n'avais alors pas encore commencé
mon stage au Rize, et n'en était qu'au prémisses de ma
réflexion, je n'avais donc pas particulièrement
préparée mon intervention, je cherchais surtout à observer
qui étaient les personnes présentes et les réactions des
habitants en fonction des thématiques abordées. Cette visite du
quartier été donc l'occasion d'observer comment le quartier
était perçu et ressenti à l'aube de ses futures
transformations. Avec un peu de recul j'ai réexaminé cette
excursion urbaine et cherché à mettre en évidence le
traitement de la question du patrimoine. C'est en allant au contact des «
pépites » et de tous les éléments bâtis du
quartier que les participants étaient invités à
s'exprimer. Cette action en elle-même est particulièrement
intéressante puisqu'elle permet à tout un chacun de faire
émerger les souvenirs et les commentaires très facilement, c'est
une forme d'immersion où tous les sens son éveil. En terme
d'éléments constitutifs du patrimoine les habitants ont
cherché à retrouver les pépites mentionnées par
l'agence ANMA et ont aussi fait quelques propositions.
Qu'en ressort-il finalement ?
Tout d'abord l'apparente identité industrielle du
quartier, le « génie du lieu » que constatait l'agence ANMA
n'est de toute évidence perçu que par elle seule. Les rappels de
l'époque industrielle ont presque été inexistants et
lorsqu'ils l'étaient c'était surtout pour pointer du doigt
l'aspect délabré des usines. Les friches industrielles totales ou
partielles sont perçues négativement. Ces espaces
délaissés et non productifs apparaissent comme des vecteurs de
mauvaise image du quartier. Les logements représentatifs de cette
période industrielle notamment les petits immeubles de 2 à 3
niveaux n'intéressent pas, seules les petites maisons bourgeoises
attirent l'oeil et les remarques. Leurs conservations paraient essentielle, la
beauté générale de la bâtisse suffit pour les
classer au rang de pépites. Les commentaires sur les pépites
découvertes par Mr Michelin n'ont pas fait l'objet de remarques
particulières, parfois
56
quelques incompréhensions émergeaient mais
aucune réaction particulière. Les perspectives de
démolitions sont très bien accueillies, les
réhabilitations proposées piquent la curiosité des
riverains plus qu'autre chose et l'intérêt se positionne surtout
sur les hauteurs des constructions d'immeubles à venir39.
En définitive la question patrimoniale est
complètement délaissée d'une part parce que le quartier
n'offre pas de matière à la réflexion (selon les
habitants) et d'autre part parce que les habitants ne sont pas du tout
sensibles à ce paramètre, où alors quand ils le sont,
c'est pour mettre en avant des bâtiments de types riches ou bourgeois.
Cette spontanéité apparente de vouloir conserver ce type de
bâtis rappelle que « la conservation du passé n'est pas
innocente et impartiale, mais bien sélective et essentiellement
idéologique » (Bougarel) et on peut y rajouter parfaitement
intégrée. En effet spontanément les riverains ont
décidé que ce qui devait faire partie des pépites
c'était des bâtiments à connotation bourgeoise. Cet exemple
rentre parfaitement dans le schéma de « domination
idéologique » du traitement du patrimoine dressé par Brian
Graham dans Geography of heritage. En empruntant le concept de «
domination idéologique » à Pierre Bourdieu il met en
évidence que seul le patrimoine de quelques-uns - des plus riches la
plupart du temps - s'impose comme point de vue dominant. Pour le quartier
Grandclément, les rares traces de la bourgeoisie sont ainsi mises en
avant et se positionnent rapidement comme seules traces du passé
méritant d'être élevés au grade de patrimoine.
Toutefois, ce constat est à prendre avec précaution dans la
mesure où il représente la façon de penser d'un type de
personnes en particulier, à savoir les habitants du quartier
participants à la concertation par l'intermédiaire du conseil de
quartier. Il s'agit donc de personnes particulièrement impliquée
dans la vie du quartier de manière générale. En partant de
ce constat il m'est alors apparu nécessaire d'aller à la
rencontre d'autres habitants, ceux qui ne viennent pas donner leurs avis
spontanément et qu'on ne retrouve jamais dans ce type de dispositif afin
d'avoir une vision plus large de ce qui peut être perçu comme
patrimoine du quartier.
2. Les dispositifs mis en place
Ainsi pour aborder cette question j'ai cherché à
mettre en place différents dispositifs pour interroger le rapport au
patrimoine que pouvait entretenir les habitants avec leur quartier.
39 Extrait doc conseil de quartier
57
Toutefois avant de réfléchir aux dispositifs que
j'allais mettre en place il m'a d'abord fallu réinterroger le mot
habitant. Avec quel type de personnes allais-je m'entretenir ? Pour cela, les
paramètres que je pouvais prendre en compte étaient nombreux,
l'âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle, l'appartenance
religieuse ... L'âge est le seul critère sur lequel je me suis
attardée. Ce paramètre me semblait intéressant puisqu'il
permettait à travers le recueil de points de vue allant des plus anciens
habitants du quartier aux plus jeunes générations de faire le
lien avec l'évolution du caractère industriel du quartier. A
travers les propos des personnes j'avais l'occasion d'interroger le lien entre
l'identité perçue du quartier et les éléments
constitutifs de son patrimoine. L'idée principale était surtout
d'aller à la rencontre des habitants et de comprendre quelles
étaient leur(s) représentation(s) du quartier pour ainsi
comprendre ce qui pouvaient faire sens pour eux en terme de patrimoine
bâti.
2.1 : Les cartes mentales
Après avoir défini le type d'habitants que je
souhaitais interroger il me fallait alors réfléchir à
comment aller à leur rencontre. En explorant le quartier, j'ai
remarqué qu'il y avait plusieurs zones de rencontres et une
fréquence de passage très différentes selon les rues du
quartier. En partant de ce constat j'ai alors cherché à me
rapprocher des zones des rencontres délaissant dans un premier temps les
zones de forts passages.
J'ai ainsi porté mon attention sur le café Le st
Romain de la Rue Poizat. Ce café situé dans un lieu à la
fois excentré et proche de la place principale du quartier, la place
Grandclément était particulièrement intéressant
puisqu'ici se réunissent très souvent des habitués vivants
dans le quartier ou y travaillant depuis plus ou moins longtemps. Aller dans
les lieux que fréquentent les habitants est un moyen pertinent pour
déclencher la parole. En effet, le café est le lieu où on
a ses repères, où l'on se détend, où on se retrouve
où l'on discute de sujet plus ou moins importants donc un lieu propice
à la conversation sur ce qui touche au quartier.
Ainsi aider d'une habitante pleinement impliquée dans
la vie du quartier Rachel Echinger nous avons mis en place un atelier de
représentations urbaines où les riverains étaient
conviés à s'exprimer mais surtout à imaginer le quartier
selon leurs envies. Nous avions imaginé le dispositif suivant : sur une
carte où seuls les tracés des rues étaient indiqués
les habitants devaient répondre à la question suivante : Vous
êtes en charge du réaménagement du quartier, vous avez
carte blanche, comment réaménageriez-vous le quartier ? Pour
aider les participants dans cette tâche nous avions mis à
disposition des accessoires en mousse censés représenter les
bâtiments, les espaces verts, les zones aquatiques... Pour accompagner
ces petits
58
accessoires nous avions également réalisé
des petites étiquettes avec l'ensemble des thématiques qui
pouvaient être abordés telles que : l'éducation, la
santé, les transports...Le choix a été de ne pas
introduire directement la thématique du patrimoine, nous voulions
observer si cette notion émergeait d'elle-même.
Dans les faits, suite à l'énoncé du sujet
les habitants devaient alors utiliser les accessoires et les stylos à
leur disposition afin de compléter la carte à leur guise.
L'intérêt de cette démarche est double,
d'une part elle permet d'observer la capacité des habitants à
construire la ville, et d'autre part elle permet d'observer
l'intérêt des habitants pour les éléments
bâtis du quartier et donc d'aborder la question du patrimoine. Nous
avions avec la gérante du café convenu d'une date et avions
laissé un flyer qui expliquait notre activité et en donnait
l'heure et la date. La gérante de son côté à fait de
la communication sur notre événement auprès de ses clients
afin qu'ils viennent y prendre part.
Cette première tentative inspirée du
système de carte mentale ne s'est pas avéré aussi
réussie que je l'avais imaginé. En effet, deux personnes se sont
déplacées spécialement pour l'activité et les 5
autres personnes présentes étaient présentes purement par
hasard puisqu'elles se trouvaient là pour commander une collation. Une
fois notre matériel installé nous avons été face
à une personne particulièrement remontée par notre
présence nous prenant pour responsable de « la mort » du
quartier. Cette personne a trouvé à travers cette activité
l'occasion d'exprimer son point de vue en ne craignant pas de créer une
situation conflictuelle. Cette dernière n'a absolument pas voulu tenir
compte des consignes et des informations sur notre statut que nous avions
pourtant bien précisées. Il ne s'agissait aucunement d'une
conversation encore moins d'un échange c'était l'expression
parfaite d'un monologue emplit de frustrations. La véhémence de
ses propos a également fait partir les personnes plus discrètes
présentes et qui paraissaient très intéressé par
notre activité. Face à ce phénomène assez inattendu
nous avons dû revoir notre activité et nous adapter rapidement.
Nous avons alors choisi de poursuivre cette conversation en posant des
questions à l'intéressé dans l'espoir de développer
certaines thématiques ce qui ne fut pas chose aisée. Par la suite
l'individu s'est calmé et nous a laissé poursuivre avec les 4
participants restants.
La dynamique du début n'y était plus et les
réactions attendues sur les cartes mentales n'ont pas progressé
il a alors fallu guider les habitants et poser de nombreuses questions pour
59
susciter leurs réactions et essayer d'aboutir à
des informations concrètes sur la question du renouveau du quartier et
de son patrimoine.
Pour faire un point sur les 5 personnes présentes, on
pouvait noter la présence de personnes d'un âge compris entre 50
et 60 ans, de 4 hommes et d'une femme, de milieu apparemment ouvrier des
informations quant à leur profession ont été
mentionnées pendant la discussion.
En résumé, les habitants présents ont eu
beaucoup de mal à se saisir de cette question de renouvellement urbain.
Créer un projet de toute pièce s'est avéré
être une activité particulièrement complexe, lorsque nous
les avons questionnés sur les éléments participants
à l'identité industrielle du quartier les réponses sont
restées très évasives et le patrimoine bâti a
été abordé de manière indirecte. En effet, la
personne très remontée a été la seule à nous
livrer des informations plus exploitables à ce sujet. Pour elle, la
question de patrimoine se posait surtout en terme de patrimoine social. Les
constructions actuelles d'immeubles en hauteurs avec de nombreux logements les
« blockhaus » comme il les appelaient ont eu raison de la vie de
quartier d'autrefois. Les contacts et la convivialité qui
façonnait le quartier ont disparu à cause de ces constructions
dépourvues de toute humanité. Pour lui réfléchir
à la question de ce qu'il faut conserver ou non n'avait pas de sens et
venait bien trop tard puisque « le mal était déjà
fait et que de toute manière c'est pas près de s'arranger
».
Forte de cette première expérience plutôt
mitigé nous avons retenté l'expérience cette fois-ci dans
les locaux du Rize. Un soir de semaine nous avions proposé le même
dispositif, une communication avait été diffusé via la
liste de diffusion du Rize et de la pose d'affiches au sein de
l'établissement bien en amont. Cette fois-ci deux personnes se sont
présentées pensant obtenir de l'information sur la transformation
de la place Grandclément. Il me semblait pourtant que ma communication
était claire, qu'il n'était aucunement question de transmettre
des informations et encore moins sur la place Grandclément pourtant le
message est passé autrement. Une fois que j'ai eu
réexpliqué le principe de l'atelier les personnes ne voulaient
plus vraiment s'investir alors que quelques instants auparavant elles avaient
énormément de questions et de propositions... Cet
événement nous raconte plusieurs choses. Premièrement que
ce genre de dispositif où on invite les habitants à s'exprimer
librement et à construire une réflexion commune n'est pas du tout
courant, les personnes sont quelque peu déroutées par ce
dispositif et ne savent pas vraiment comment se positionner. D'autre part, au
moment où j'ai fait la communication de l'évènement
à venir en allant à la rencontre d'habitants sur la place
60
du marché par exemple ou aux arrêts de bus ils
semblaient très intéressés par la démarche en
revanche lorsqu'il a fallu se mobiliser et de se déplacer dans un lieu
propice à cette réflexion leur implication est largement remise
en question.
Un dernier atelier a été mené avec un
groupe d'assistantes maternelles dans le relais d'assistantes
maternelle40 situé en plein coeur du quartier près de
la gare de Villeurbanne. Ce sont 7 femmes de 30 à 45 ans travaillant
dans l'ensemble du quartier de rénovation qui se sont tout à fait
« prises au jeu » et qui ont fourni nombres d'informations
pertinentes. Il ne leur a pas fallu beaucoup d'aide pour comprendre les
consignes et s'investir pleinement dans l'activité. De nombreuses
thématiques ont été abordé, la
sécurité, les aires de jeux, la nature en ville...
Les habitants cette fois-ci très à l'aise
s'expriment massivement. Beaucoup d'informations sur les disfonctionnements du
quartier émergent, mais aussi sur leurs attentes pour le quartier de
demain. Toutefois la question du patrimoine via une approche par la
conservation ou la réhabilitation ne sont toujours pas des
thématiques qui viennent spontanément. J'ai tout de même
introduit cette thématique en
proposant plusieurs photos de bâtiments du quartier, des
petites maisons bourgeoises, des
petits immeubles de types ouvrier et leur ai demandé si
elles aimeraient les voir dans leur
paysage urbain de demain. Les réponses étaient
mitigées mais certaines des participantes
m'ont affirmées qu'il était important de ne pas
toutes les démolir puisqu'elles contribuaient à
créer l'ambiance du quartier. Pour la première
fois le caractère industriel a été mentionné et
s'est imposé comme vecteur de la création d'une
identité propre au quartier.
2.2 l'Arbre à idées
Suite à l'atelier de carte mentale mené dans le
café le St Romain, j'ai souhaité compléter cette approche
avec la mise en place d'un petit arbre en bois à compléter
à l'aide de deux questions. Le concept est proche de l'arbre à
souhaits. Des photos de diverses constructions étaient
présentées, des friches industrielles, des maisons individuelles,
des logements collectifs, des
40 Annexe 16
61
aires de repos, soit un ensemble d'éléments
visibles dans le quartier. En plus des photos nous avions mis à
disposition des petites feuilles blanches destinées à recueillir
des informations complémentaires.41 Les questions
posées étaient les suivantes :
- Qu'est-ce que ces lieux vous évoquent ?
- Quels sont les bâtiments ou zones du quartier qui
vous interpellent ?
Le choix a été de ne pas mentionner le mot
patrimoine
mais de le suggérer. L'idée était de
susciter la parole, de
laisser les clients s'exprimer anonymement et quand ils
le souhaitaient. L'idée de base était de laisser
les gens prendre des photos et de me les transmettre accompagné de leurs
commentaires mais c'était une tâche beaucoup trop
compliquée étant donné la difficulté à
mobiliser des personnes sur le court terme. Pour en revenir au dispositif de
l'arbre à idées cette fois-ci je n'avais pas d'informations quant
à l'âge des personnes mais suite aux différentes visites
que j'ai pu faire dans le café il s'agit globalement de personnes d'un
âge compris entre 40 et 60 ans.
La première question a remporté beaucoup plus de
succès que la deuxième, les photos que j'avais proposé ont
presque toutes fait l'objet de commentaires plus ou moins sérieux. Les
thèmes que j'ai pu dégager sont les suivants : l'aspect
délabré du quartier, les maisons bourgeoises liées
à l'âme du quartier, des nouvelles constructions dépourvues
d'humanité, la mixité culturelle, le manque de valorisation de la
nature. La deuxième question en revanche n'a pas du tout était
traité. Encore une fois il a fallu guider les habitants pour qu'ils
s'expriment sur les particularités de leur quartier et quand bien
même la question du patrimoine est suggérée elle n'est pas
développée ou de façon minimaliste.
2.3 : Les entretiens
Afin de comprendre quelle était la dynamique de ce
quartier industriel s'entretenir avec les personnes ayant vécu à
cette période me semblait être une démarche essentielle. En
récoltant leur mémoire, leurs souvenirs je pouvais ainsi
établir un lien avec les bâtiments encore présents. Lier
ces témoignages constitue un élément majeur dans la
construction patrimoniale,
41 Annexe 17
62
même si certains lieux n'ont pas d'intérêts
architecturaux il n'en reste pas moins un intérêt de vie
évident symbole d'une richesse sociale. J'ai ainsi eu l'occasion de
m'entretenir avec 3 femmes de 85 ans à 99 ans ayant vécu ou
vivant encore dans le quartier ce qui m'a permis de retracer l'histoire du
quartier depuis 1917. Lorsque j'ai interrogé ces personnes sur les
particularités industrielles du quartier ma question restait toujours en
suspens. Décrire le quartier industriel n'avait pas de sens, pour ces
dames raconter leur quartier ce n'était pas raconter la période
industrielle alors que pourtant nombreuses de petites usines ou
d'activités artisanales fleurissaient dans le quartier. Une d'entre-elle
m'a même dit en ces mots « c'était pas un quartier
industriel, non bon bien sûr la clientèle du café
c'était quasiment tous des ouvriers mais non ce n'était pas un
quartier industriel ». Dans l'entretien avec Mme Agnès Violette
j'ai très clairement pu identifier les zones du quartier qui avaient du
sens pour elle pendant son enfance : le parc de la pouponnière, les
rails du chemin de fer, la rue Paul Krüger emblème par excellence
des activités industrielles de l'époque, les cafés. Ce
sont ces lieux bien précis qui restent dans la mémoire de cette
personne et leur disparition partielle ou complètes semblent lui
être difficile. Les bâtiments de manière plus
générale ne l'intéressent pas spécialement et ne
sont que très peu mentionnés, il en va de même pour les
usines ou tout autre atelier.
Une autre personne Mme Roux née dans le quartier en
1917 et y vivant toujours aujourd'hui me racontait avec beaucoup d'aisance les
souvenirs qu'elle avait de cette époque révolue. Les souvenirs
spécifiques qui ressortent s'articulent essentiellement autour de la vie
de quartier. Les chaises que les femmes sortaient sur les trottoirs pour
s'asseoir, discuter et tricoter en fin de journée, les cafés
où les familles se retrouvaient le dimanche, l'amabilité des
habitants, le climat de confiance et de convivialité qui régnait
dans le quartier dominent. Lorsque je l'ai interrogé sur la conservation
de certaines parties du quartier, pour elle une fois encore cela n'a pas de
sens, j'ai essayé de retourner la question dans tous les sens possibles
mais rien n'y faisait cette question reste sans réponse. Pour Mme Roux,
le seul patrimoine du quartier industriel est un patrimoine social.
Enfin, l'entretien mené avec Mme Excler en partie chez
elle42 et en partie en extérieur43 au-delà
de me faire découvrir l'historique des commerces du quartier n'a pas
permis de faire ressortir la thématique du patrimoine.
42 Annexe 18
43 Annexe 19
63
2.4 Explorations urbaine avec une école
primaire
Enfin pour interroger les plus jeunes sur les
particularités du quartier, j'ai travaillé avec l'école
primaire Jules Guesde plus précisément avec la classe de CE2 -
CM1 -CM2 de Mme Alexandra Letellier. En travaillant avec les plus jeunes je
souhaitais découvrir comment ils se représentaient le quartier,
quels étaient les éléments du paysage urbain qui
attiraient leur attention et comment à partir de leurs points de vue on
pouvait tracer des pistes de réflexion pour repenser le terme
patrimoine. Pour se faire j'ai procédé en plusieurs étapes
: 2 visites dans le quartier, un temps en classe et un autre temps aux archives
de la ville. Les enfants bien que très proches géographiquement
du quartier Grandclément ne connaissaient pas forcement tous les recoins
du secteur pour cela j'ai procédé à une première
exploration du quartier. J'avais alors divisé la classe en groupes de 5
avec pour chaque groupe une partie du quartier délimitée à
explorer. Pour cette exploration j'avais constitué un carnet de
l'explorateur afin de guider les élèves dans la découverte
de leur zone attribuée44 L'idée était de les
inciter à observer leur environnement en développant
également une approche sensible du territoire. Les enfants
étaient invités à examiner les modes de transports, les
particularités des bâtiments, l'atmosphère présentes
dans les rues. Après ce premier temps une séance a eu lieu en
salle informatique où ils avaient pour objectif de répertorier
sur une carte tous les éléments marquant qu'ils avaient pu
observer. Pour cette tâche ils se sont aidé de l'outil Google maps
qui leur permettait de voyager à nouveau dans les rues de leur quartier.
L'objectif de cette activité était de pouvoir recenser les
éléments marquants et les comparer avec les propos des autres
habitants avec lesquels j'avais pu m'entretenir.
Par la suite une deuxième visite dans le quartier a eu
lieu cette fois-ci, l'objectif était de photographier le quartier. Les
élèves devaient aller dans la zone qui leur était
attribuée et photographier pour chaque rue l'élément
urbain qui permettait de définir la rue et l'élément
qu'ils préféraient. Je voulais ainsi voir si les choses prises en
photos étaient en lien avec des vestiges de l'époque
industrielle. Est-ce que l'identité industrielle du quartier est-elle
perçue, qu'est-ce que les jeunes générations sont capables
de saisir d'eux-mêmes de cette période.
44 Annexe 20
64
En définitive, les éléments retenus sont
très divers selon les groupes, on retrouve toute la diversité du
quartier en terme de bâtiments et de végétation. Les
espaces de loisirs sont aussi largement retenus. Les nouvelles constructions
leurs plaisent aussi énormément mais les bâtiments plus
anciens ne les interpellent que par leur vétusté. Les toits en
sheds, les terrains vagues, les usines à l'abandon passent apparemment
inaperçus et ne sont jamais mentionnés. L'activité
industrielle même si elle a laissé des traces n'est plus
perceptible, l'atmosphère si chaleureuse du quartier a elle aussi
complètement disparue. A travers les écrits, les paroles et les
photos des enfants c'est un tout autre quartier qui se dessine. Un quartier
sale, bruyant, sans la moindre connotation industrielle.
La dernière séance s'est déroulée
aux archives où j'ai pu présenter l'ensemble des documents que
j'avais pu trouver sur le quartier. Plans, photos cartes postales, extrait
d'entretiens couvrant une période compris entre 1890 et aux environs des
1950 étaient exposés. Les élèves très
intéressés par l'histoire du quartier se sont posés de
nombreuses questions sur les modes de vie de l'époque, les
activités qu'on y trouvaient ... Autant ils n'ont eu aucun mal à
constater les différences visibles dans le quartier en comparant les les
photos qu'ils avaient prises et les clichés proposés autant
élaborer une réflexion sur le devenir de ces bâtiments a
été une tâche bien plus difficile. Après les avoir
aider à mettre en forme leurs idées ils trouvent tout de
même intéressant de garder des bâtiments en guise de
témoignage du passé. Ils m'ont également rappelé la
nécessité de mettre une explication sur le bâtiment en
question « parce que sinon on ne sait pas ce que c'est et on s'en rend
même pas compte ».
3. Quels résultats ?
3.1 Le patrimoine une thématique
délaissée
Quelque que soit le dispositif mis en place pour interroger le
rapport à l'espace des Villeurbannais j'ai la plupart du temps
était confronté à l'absence quasi-totale d'une
volonté de conservation de bâtiment ou de réhabilitation
que ce soit par exemple pour des raisons architecturales ou pour des raisons
plus personnelles, la démolition n'est pas non plus mal vécue.
Parler de la transformation du quartier c'est surtout quelque chose qui
interroge puisqu'elle implique le renouveau et donc l'inconnu. Toutefois
s'intéresser à ce qui va disparaître ne fait pas partie des
préoccupations des habitants interrogés et ce constat est valable
même pour les plus anciens. Ces personnes sont heureuses de pouvoir
raconter leur
65
quartier leurs souvenirs mais de là à les
mobiliser pour reconstruire le quartier c'est bien plus difficile.
Par ailleurs, parler de patrimoine n'apparait absolument pas
comme quelque chose de « naturel », comme quelque chose de
spontané. Il est toujours nécessaire que ce soit une personne
extérieure, une personne préoccupée par ce
paramètre pour qu'il puisse faire l'objet d'une discussion. Dans chacune
des activités que j'ai proposé la question le patrimoine
était suggérée, proposée ou tout à fait
annoncé mais elle n'aboutissait pas à des prises de position
fermes. La perspective de créer un projet patrimonial avec les habitants
est une tâche assez difficile.
3.2 Le patrimoine social valorisé
Le mot patrimoine social me paraissait le plus
approprié pour parler des résultats obtenus. Très souvent
les interrogés m'ont fait part des moments agréables vécus
dans le quartier d'autrefois. La convivialité et l'ambiance
agréable de la rue et du quartier en général ressort
très fréquemment. En revanche ces mêmes souvenirs sont
très rarement rattachés à des éléments
bâtis, à des logements, à des usines ou toute autre
construction du quartier alors que leur lien est attesté. En effet,
l'une des marques de l'industrialisation de la ville réside dans les
différentes constructions de cette époque, les lieux de vie et
les lieux de travail étaient étroitement liés, on
travaillait là où on vivait, les connexions entre les habitants
étaient donc facilitées. Même s'il est parfois
mentionné le lien entre l'aménagement et la potentielle richesse
sociale qu'il peut apporter n'est que rarement mis en évidence et
aucunement mis en avant pour la reconstruction du quartier.
Interroger les habitants sur le patrimoine de leur quartier
dans le cadre d'un processus de rénovation urbaine est une
activité délicate, qui nécessite une approche
diversifiée, et un vocabulaire adapté. Le caractère
industriel du quartier Grandclément n'est plus, à la fois dans
les activités économiques du secteur ni dans les
représentations de ses habitants. Réinvestir, réutiliser
ce caractère industriel apparait ici non pas comme un non-sens mais
disons comme une nouveauté. Les habitants ne se sentent globalement pas
intéressés spontanément par ce paramètre-là,
il faut une fois encore que cette question soit soulevée par des «
experts » du patrimoine du moins pour ce quartier-là et avec cet
échantillon de personnes.
66
Finalement, le projet de rénovation urbaine à
l'oeuvre dans le quartier « GrandClément gare » aura
été l'occasion de saisir les multiples enjeux que peut
revêtir une telle opération. Construire ou reconstruire sur une
ville avec un passé marqué, dans le cas présent un
passé industriel implique une nécessaire réflexion autour
de son héritage. Les experts en aménagement du territoire en
charge d'un tel projet ont alors plusieurs possibilités pour traiter la
question. Leur action n'est pas neutre et impacte durablement ce que nous
pourrions qualifier comme l'identité du territoire. Selon les personnes
en charge du projet les orientations peuvent varier considérablement,
pour le quartier GrandClément c'est une agence d'urbanistes et
d'architectes préoccupée par la spécificité du
quartier qui s'est chargée de questionner son renouveau. Un
véritable travail de recherche sur les spécificités de ce
quartier a été mené par l'équipe et le patrimoine
industriel est alors apparu sous ses formes matérielles et
architecturales. Les orientations qu'ils vont tracer vont s'avérer
être les seules décisives dans la restructuration du quartier.
Cependant, aujourd'hui on s'interroge sur la légitimité de ces
acteurs pour réaliser les différentes étapes des
opérations d'urbanisme. La place des habitants est de plus en plus mise
en avant et la concertation habitante mise en place pour ce projet en est la
preuve. La concertation avec les habitants reste néanmoins superficielle
et ne trouve pour l'instant pas de véritables finalité. Elle
intervient trop tard et ne s'adresse pas encore dans les faits à
l'ensemble des riverains. La concertation offre malgré tout un bon
terrain d'enquête pour observer comment les habitants se saisissent de
certaines thématiques du projet urbain, dans le cas présent c'est
la question du patrimoine industriel qui a été soulevé.
Il apparait en définitive que cette thématique
ne fait pas sens pour les habitants, certes une fois qu'elle est
mentionnée mise en forme et définit par des experts en la
matière le sujet apparait beaucoup plus simple mais élaborer une
réflexion poussée sur le patrimoine du quartier et plus
précisément sur son patrimoine industriel s'avère
être une tâche bien plus complexe. Les riverains ont beaucoup de
mal à faire le lien entre le patrimoine social fruit des interactions
entre les individus et le patrimoine bâti. Finalement, la mémoire
ouvrière ne passe pas nécessairement par le biais de traces ou
par leur réinvestissement. Malgré les démolitions et les
friches industrielles la mémoire individuelle reste prégnante et
peut être réactivée par de simples conversations
informelles voire même par la consultation de photos (Veschambre).
Toutefois, ce constat n'est valable que pour les derniers survivants
67
de cette époque industrielle qu'en sera-t-il une fois
qu'ils ne seront plus là ? On pose ici la question de la transmission de
cet héritage.
Les aménageurs apparaissent dans ce cas de figure comme
les seuls en mesure d'interroger l'héritage d'un quartier et à
pouvoir véritablement impacter leur devenir dans les projets de
renouvellements urbains. Tant que le site ne fait pas l'objet de revendications
particulières, il peut voir son identité complètement
remodelée. Ce constat interpelle, la question de l'héritage d'un
quartier n'est vraiment discuté qu'en cas de situations conflictuelle,
comment la potentielle disparition des sites industriels doit-elle
abordée ? Mais plus largement, les institutions et professionnels de la
mémoire doivent-ils transmettre leurs connaissances aux habitants ? Si
c'était le cas quels seraient les apports de cette démarche et
quelles seraient ses conséquences sur les propositions
d'aménagement du territoire ?
68
Annexes
Tous les clichés ont été
réalisés par Camille Jean-Baptiste et/ou Steeve Saxemard à
Villeurbanne entre mars 2016 et juin 2016.
Annexe 1 : 1697 : Lyon et ses abords
peints par Henri Verdier archives municipales, Ouvrage Alain Belmont
69
Annexe 2 : Recensement de la population
Villeurbannaise de 1881 à 1936, archive de la ville
Annexe 3 : Plan de Villeurbanne en 1843, archives de la
ville
70
Annexe 4 : Plan de Villeurbanne en 1902
et 1910, archives de la ville
71
Annexe 5 : Plan de Villeurbanne en 1702,
archives municipales
Annexe 6 : Plan cadastral 1931-1934, archives de la
ville
Annexe 7: La carte industrielle de
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S'ao.,nimgue (vu.)
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" ·S[rrrrflJenrv,lmrrvni rir. ri
Annexe 8 : Extrait de recensement de
1891, archives de la ville
Annexe 9 : Plan de l'immeuble 34 rue
Poizat, Casier sanitaire, archives de la ville
74
Annexe 10 : photo de l'immeuble rue
Poizat, Villeurbanne
Annexe 11 : Superficie des espaces en friches
Annexe 12 : Superficie du Parc Marx
Dormoy
Annexe 13 : Extrait inventaire des sites
répertoriés (Michelin)
76
Annexe 14 : Structure Eiffel rue Poizat,
Villeurbanne
Annexe 15 : Photos des concertations, Villeurbanne
77
Annexe 16 : Carte mentale avec les
assistantes maternelles
78
Annexe 18 : Photos d'entretien avec Mme
Excler
79
Annexe 17: Arbre à idées
80
Annexe 19 : Photos d'entretien avec Mme
Excler
Annexe 20 : Extrait du guide de l'explorateur
81
82
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mai 2016 à Villeurbanne
Mme Agnès Violette, réalisée par Camille
Jean-Baptiste par téléphone 24 mai 2016 à
Villeurbanne
Mme Simone Excler, réalisée par Camille
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Photos données par Mme Violette Agnès
83
Cartes et plans
6 Fi 1 : Plan de 1702
6 Fi 5 : Plan de 1843
F Fi13 : Plan de 1902
6 Fi 14 Nouveaux plans topographiques de la commune de
Villeurbanne, Monin, 1910
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Inventaire patrimoine.pdf
Présentation inventaire des sites
répertoriés : Pres ANMA COPIL Gcl avec annexe.pdf
Présentation plan guide : Ppcopil 16 03 15.pdf
Articles
« Grandclément et la grande concertation » p 3
Viva magazine décembre-janvier 2016 « Grandclément gare : un
nouveau quartier à vivre » p 10 Maxi viva, Février 2016
« Grandclément : le conseil de quartier invite les
habitants » p 3 Viva magazine octobre 2015 « Grandclément le
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Entretiens
Mr Nicolas Michelin, réalisé par Camille
Jean-Baptiste le 15 avril 2016
Mme Alice Comte Jansen, par téléphone,
réalisé par Camille Jean-Baptiste le 6 juin 2016
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