Le modèle de Bus Rapid Transit
et l'Afrique Subsaharienne
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Crédit photo : city of Johannesburg
Camille JEAN-BAPTISTE
Master 2 Ingénierie des transports et politiques des
déplacements durables
Université Jean Moulin Lyon 3 Année 2016 - 2017
Sous la direction de Mr Emmanuel PERRIN
Tuteur de stage Mme Sylvie DUPRE
1
Sommaire
Glossaire ...P 3
Introduction .P 4
Chapitre 1 : Une année d'alternance chez SCE Lyon
P 5
1. Présentation générale de la
société SCE P 5
2. L'agence SCE LYON P 6
3. Participations aux missions transports et mobilité P
8
Chapitre 2 : Description et analyse du projet BRT
à Dakar ..P 13
1. Description du projet pilote du Bus Rapid Transit de Dakar P
13
1.1 Retour sur le projet de création de lignes BRT P
13
1.2 La philosophie du projet P 16
2. Ma participation à la révision des
études techniques P 17
2.1 Une étude de trafic P 17
2.2 Questionnements sur le projet de BRT à Dakar ...P
21
Chapitre 3 : L'émergence du modèle de BRT
en Afrique Subsaharienne P 25
1. Défis et enjeux d'un projet BRT ..P 25
1.1 Pollution de l'air P 25
1.2 Démographie et urbanisme P 28
1.3 Désorganisation du service de transport P 31
2
Exemples et analyse de modèle de BRT
..P 37
|
2.1 Un exemple fondateur, le BRT du Curitiba
|
.P 37
|
2.1.1 Caractéristiques du réseau BRT
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..P 37
|
2.1.2 Victime de son succès
|
.P 42
|
2.2 L'exemple du BRT de Johannesburg
|
..P 45
|
2.2.1 Urbanisation et déplacements
|
P 45
|
2.2.2 Quid de la mobilité en Afrique du Sud
|
..P 46
|
2.2.3 Les acteurs du transport urbain
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..P 48
|
2.2.4 Tensions autour de l'émergence d'un système
intégré
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P 49
|
2.2.5 Eléments de tension
|
P 49
|
3. Le BRT, un système de transport en vogue
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..P 52
|
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3.1 Comprendre l'engouement pour les BRT
|
P 52
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3.2 Leviers d'actions
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..P 53
|
3.2.1 Des politiques locales fortes et engagées ...P
54
3.2.2 Les subventionnements P 56
Conclusion
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...P 57
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Annexes
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P 60
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Bibliographie
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P 61
|
3
Glossaire
EPCI : établissement public de
coopération internationale
PDIE : Plan de Déplacement
Inter-Entreprises
CCI : Chambre de commerces et
d'industries
CC : Communauté de
communes
BM : banque mondiale
TRM : Transport Rapide de Masse
4
Introduction
Effectuer une année de master 2 sous le rythme de
l'alternance aura été une opportunité intéressante
d'approcher et de découvrir en profondeur les rouages
d'opérations de transports et de mobilité. A cette occasion j'ai
eu la chance de découvrir un nouveau système de transport rapide
de masse, le modèle de Bus Rapid Transit connu également sous
l'acronyme BRT. Ce dispositif de transport connait un succès fulgurant
en Amérique Latine et tend à se développer à
travers le monde. La particularité de ce modèle de transport
réside dans le fait qu'il se destine davantage à des
agglomérations en développement. Aujourd'hui un projet de BRT est
lancé dans le centre-ville de Dakar au Sénégal,
troisième projet sur le continent africain. En partant de ce constat il
m'a alors paru intéressant de comprendre quels pouvaient être les
mécanismes nécessaires à la réussite de tels
projets en Afrique Subsaharienne.
Pour traiter cette question je vais développer une
étude composée en trois grands chapitres.
Le premier s'attache à rendre compte de l'année
d'alternance que j'ai pu effectuer dans les locaux du bureau d'études
SCE de Lyon. Après avoir rappelé l'organisation de la
société je poursuivrai avec un panorama des missions auxquelles
j'ai pu participer tout au long de mon stage.
Le second chapitre fera un focus sur une mission
singulière à laquelle j'ai pu participé. Cette
dernière viendra guider le chapitre à suivre. Le projet de Bus
Rapid Transit de Dakar se veut ainsi le point de départ à une
réflexion plus large sur l'essor des projets de BRT à travers
l'Afrique subsaharienne.
Dans cette perspective le dernier volet de cette étude
sera consacré à la mise en évidence des défis et
enjeux qui entourent les projets de BRT sur le continent africain avant de
faire la lumière sur plusieurs projets BRT. Nous insisterons sur les
éléments de contexte, qui sont des éléments
déterminants à la compréhension de l'essor de ces projets.
Par la suite nous poursuivrons avec un rappel des déterminants qui
poussent aujourd'hui les collectivités à opter pour ce type de
transport pour enfin clôturer avec les leviers d'actions à
enclencher pour assurer la pérennité de ce type de projet de
transport en Afrique subsaharienne.
Chapitre 1 : Une année d'alternance chez SCE
Lyon
1. Présentation générale de la
société SCE
Au cours de cette année de master 2 en
Ingénierie des transports j'ai eu l'occasion d'effectuer mon alternance
dans la société SCE, et plus spécifiquement au sein de son
agence lyonnaise. L'entreprise SCE compose avec 3 autres sociétés
le groupe indépendant Keran qui réunit aujourd'hui près de
470 collaborateurs pour 38 millions d'euros de chiffre d'affaires. Les 3
sociétés qui participent à la structure du groupe Keran
sont Crécocéan, groupe huit et Naomis. Cette entreprise
spécialisée dans l'aménagement du territoire a pour
mission d'accompagner les collectivités locales dans leurs
différents projets d'aménagements. A ce titre SCE regroupe trois
principaux secteurs : l'urbanisme et le paysage, l'ingénierie des
infrastructures et l'environnement. Cette société
indépendante se positionne comme un bureau d'études aux
compétences diversifiées agissant autant à
l'échelle nationale qu'internationale. En effet, son réseau de 12
agences étendu sur l'ensemble du territoire métropolitain mais
aussi dans les départements d'outre-mer renforce son pouvoir d'action et
lui confère une connaissance fine de ses contextes d'intervention.
5
Figure 1 : Carte des zones d'interventions et
localisations des agences SCE, source SCE
6
Désormais, sa volonté de s'étendre
à l'international lui vaut de s'appuyer sur de nombreuses filiales et
bureaux de représentation du groupe Keran. La société
bénéficie ainsi de plus de 45 ans d'expériences et d'un
champ d'action particulièrement large puisqu'elle a été
mandaté plus d'une fois sur des projets internationaux aussi bien en
Amérique du Sud, en Afrique, en Europe du Sud-Est au Moyen Orient tout
comme en Asie1.
2. L'agence SCE Lyon
Intéressons-nous à présent à
l'agence SCE Lyon dans laquelle j'ai effectué mon stage. Je propose de
revenir dans un premier temps sur l'organisation de la société,
puis de faire un focus sur les missions auxquelles j'ai pu participer.
L'agence SCE Lyon est composée à l'heure
d'aujourd'hui d'une vingtaine de personnes réparties dans 4 pôles
distincts, sous l'autorité d'un responsable d'agence lui-même
dépendant du siège social qui se situe à Nantes.
Figure 2 : Organisation de la sociéé
Source SCE :
Lyonsce.fr
1 directeur de pôle
2 chefs de projets 1 chargé d'études
Pôle mobilité et transports
Pôle infrastructure
1 directeur de pôle Chefs de projets Chefs de projets
Stagiaires
Pôle Secrétariat
2 secrétaires
Pôle dans lequel j'ai effectué mon alternance
1 directeur de pôle Chefs de projets Chargés
d'études Stagiaires
Siège social Nantais
Directeur d'agence Lyon
Pôle Sites et sols pollués et agriculture
1 Source
SCE.FR
7
Le pôle secrétariat est actuellement
composé de deux salariées qui participent activement au bon
déroulement des démarches administratives de l'entreprise. A
l'échelle de l'entreprise ou à celle de chacun des pôles de
l'agence les secrétaires jouent un rôle primordial dans la bonne
cohésion des différents projets portés par l'agence SCE.
Pour assurer cette fonction dans l'entreprise les deux secrétaires
disposent d'un niveau BAC + 2 ou 3 avec une spécialisation en
secrétariat.
Les autres pôles d'avantages dédiés aux
projets d'aménagement du territoire d'un point de vue technique sont
tous composés d'un directeur de pôle qui vient orchestrer les
différents projets en cours ou à venir. Managers au plus proche
de leurs équipes, ils sont force de propositions et participent
activement à la stratégie commerciale de l'entreprise. Concernant
l'agence Lyon chaque directeur de pôle dispose à minima d'un BAC +
5 très souvent en lien directement avec la spécialisation de leur
pôle.
Hormis le pôle secrétariat, dans chaque
pôle on retrouve au minimum deux chefs de projets. Ces derniers ont pour
mission de piloter les projets qui ont été remporté par
l'agence. Ils assurent ainsi leur déroulement, ils sont
désignés comme les contacts référents de chaque
projet et sont en relation étroite avec les clients ils planifient et
animent chacune des réunions clients. Comme le directeur de pôle
ils disposent à minima d'un bac + 5 et disposent d'une forte
expérience professionnelle. Concernant le pôle mobilité et
transport que j'ai pu rejoindre au cours de mon alternance il y avait deux
chefs de projets et une chargée d'études.
La chargée d'étude de ce pôle sous la
responsabilité des deux chefs de projets contribuait aux nombreuses
études à réaliser. Son savoir-faire technique
associées aux compétences commerciales du chef de projets
contribuent fortement à la réussite des projets
d'aménagements. Selon les pôles le nombres de chargés
d'études varie et le niveau d'études également, toutefois
une spécialisation dans le domaine d'activité reste
nécessaire et un niveau de qualification à BAC + 3 apparaît
comme une condition sine qua none.
En intégrant l'équipe consacrée aux
projets de mobilité et de transports j'ai ainsi eu l'occasion de
percevoir la dynamique et le fonctionnement d'un bureau d'études
privé. Au fil des semaines passées en entreprise j'ai pu prendre
part aux différentes missions allouées au pôle
mobilité et découvrir en profondeur les missions variées
sur lesquelles le bureau d'études SCE Lyon était mandaté.
A ce titre je suis intervenue sur de multiples missions que je propose de
mettre en avant de façon plus détaillée dans la partie
suivante.
8
3. Participations aux missions transports et
mobilité
Lors de mon arrivée courant novembre 2016 plusieurs
projets étaient déjà en cours et la plupart d'entre eux
touchaient à leur fin. De fait il était quelque peu ardu de
prendre part à des études en phase de clôture, aussi on m'a
rapidement proposé de m'atteler à une tâche quelque peu
différente mais dont la nécessité semblait
évidente.
L'année 2017 a été synonyme d'un
renouveau important pour les collectivités territoriales. La
simplification de la carte des intercommunalités avec la fusion de
communauté d'agglomération ou de commune assignée par la
réforme de la Loi NOTRe du 7 août 2015 a pour objectif
d'améliorer l'efficacité de l'action publique et par extension de
garantir un service de meilleure qualité aux usagers. A ce titre, le
1er janvier 2017 marque le transfert de compétences pour les
transports interurbains. Ce nouveau transfert entraîne la substitution de
la région au département pour l'ensemble de ses droits et
obligations. La région se substitue au département comme membre
des régies de transports et des établissements publics et sur le
plan pratique cette substitution entraîne la nécessité pour
la région de désigner ses représentants dans les instances
des structures dont elle sera devenue membre. Aussi la région pourra
déléguer tout ou partie de sa compétence d'organisation
des transports interurbains à une autre collectivité territoriale
ou à un EPCI et c'est sur ce dernier point que la société
SCE a souhaité réagir.
En effet, cette nouvelle dynamique dans le domaine des
transports représentait une opportunité d'accompagner ces
nouveaux EPCI dans la gestion de leur nouvelle compétence en
matière de transports interurbains et ainsi de saisir de nouveaux
marchés. Pour se faire SCE a souhaité dans un premier temps se
positionner sur la région Auvergne Rhône Alpes. Une fois ce
périmètre délimité j'ai été
amené à réaliser une enquête prospective sur les
nouveaux EPCI de la région de plus de 50 000 habitants. J'ai alors
établi un tableau représentant l'ensemble de ces EPCI afin
d'aider les chefs de projets et le directeur de pôle dans leur
stratégie commerciale du début d'année 2017. Ce
récapitulatif des nouveaux EPCI avait pour ambition de proposer des
informations synthétiques et détaillées concernant : les
projets actuels et à venir des EPCI en matière de transports,
leurs compétences en transports, les personnes référentes
des EPCI, les réseaux de transports interurbains existants.
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Figure 3 : Extrait du tableau des
nouveaux EPCI de la région Auvergne Rhône-Alpes
Source : Camille Jean-Baptiste
Cette première mission avait une connotation
commerciale importante dans la mesure où j'ai participé à
l'élaboration d'un support de travail permettant d'accompagner mes
responsables dans leur stratégie de développement.
Par ailleurs, j'ai eu la possibilité d'apporter ma
contribution pour des projets de transports diversifiés. Je cite en
premier lieu mes missions de terrain pour des enquêtes stationnement. La
ville de Bourgoin Jailleu et la ville de Saint Marcellin situées dans le
département de l'Isère avait sélectionné l'agence
SCE pour les aider à redéfinir leur stratégie en
matière de stationnement. Dans ces deux cas de figure je me suis rendue
sur place accompagnée de la chargée d'études du pôle
mobilité pour faire du repérage et des comptages sur les sections
définies. Les enquêtes stationnements comportaient une partie
destinée à établir le taux d'occupation et une autre
partie d'avantage axée sur la typologie des places de stationnement et
leur quantité. A l'issue de ces journées de terrain
j'élaborais des cartes synthétiques récapitulatives des
phénomènes que nous avions pu observer ce qui permettait de
proposer un état des lieux riche aux collectivités à
l'origine de cette initiative.
10
Figure 4 : Exemple de carte de
stationnement
Source : Camille Jean-Baptiste
En matière de terrain, j'ai également
était mobilisé pour réaliser une enquête de trafic
dans la ville d'Avignon. Cette fois-ci il ne s'agissait pas d'un projet
porté par l'agence de Lyon mais par l'agence centrale à Nantes.
En fonction de la proximité des sites d'intervention et des charges de
travail des salariés des agences partenaires il arrive parfois que
l'agence de Lyon soit sollicitée pour intervenir sur des projets
portés par une autre agence. Ce fut le cas pour le projet d'Avignon. En
effet, l'arrivée prochaine d'un réseau de tramway va venir
modifier en profondeur le réseau routier de la ville et la
fluidité du trafic. Pour mesurer et prévenir les
externalités négatives du projet tramway l'agence SCE Nantes a
été mandaté pour réaliser une étude trafic
en vue d'apporter des préconisations à la maitrise d'ouvrage
porteuse du projet. Ainsi, à l'aide d'une caméra embarquée
j'ai parcouru plusieurs sections routières sujettes à la
congestion à différents moments de la journée afin d'avoir
une image précise des mouvements domicile-travail. Un travail de tri a
ensuite été effectué et j'ai réalisé via une
carte synthétique
11
les spécificités de la circulation
observées. Aussi, ont été relevé les vitesses
enregistrées, le temps de parcours, la longueur des remontées de
files.
Le bureau d'études SCE porte également une
attention particulière aux demandes des collectivités en termes
de concertation citoyenne. Engagée pour une approche collective
replaçant les citoyens au coeur du processus de réflexion,
l'agence de Lyon a mis en place un large atelier de concertation avec les
habitants de la ville de Lezoux en Auvergne à l'occasion du nouveau plan
de circulation de la ville. Afin de réaliser cet atelier
réunissant techniciens de la ville et résidents j'ai pris part
à la réflexion amont nécessaire pour préparer
l'atelier. En partenariat avec le chef de projets et la chargée
d'études nous avons réfléchis conjointement aux types
d'activités à proposer, leur organisation et leur
déroulement. Suite à cette phase de réflexion s'en est
suivie une phase pratique, à savoir l'organisation de la journée
de concertation. Pour mener à bien cet atelier j'ai donc assisté
le chef de projet pour préparer la salle, accompagner et animer les
groupes de travail. Par le biais de cette activité j'ai pu mieux
appréhender les qualités d'animation essentielles pour
réussir une telle mission.
Une part non négligeable des tâches qui incombent
aux chefs de projets reste la réponse aux appels d'offres. A l'affut des
nouveaux contrats à remporter avec des collectivités, les chefs
de projets en collaboration avec le directeur de pôle choisissent et
élaborent des réponses en vue d'étendre leur
activité. Afin de mieux comprendre cette spécificité du
poste de chef de projet j'ai eu participé à plusieurs reprises
à l'élaboration de ces réponses. J'avais notamment en
charge la partie contexte qui permet de resituer la collectivité en
question et les principaux enjeux qu'elle rencontre. Cette phase de prospection
est une étape incontournable dans les réponses d'appels
d'offres.
En plus de participer aux aspects prospectifs des dossiers du
pôle transports et mobilité de l'agence SCE Lyon j'ai pu apporter
ma contribution pour les projets en cours où une analyse du territoire
était nécessaire. Sur ce point j'ai pris part, à plusieurs
occasions, à la rédaction de rapports, ou de création de
support de présentation de réunion (Power point analytique).
12
En outre, j'ai développé mes compétences
cartographiques lors d'un projet de PDIE pour un ensemble d'entreprises
situées sur un site industriel en région iséroise. En
2016, la CCI nord Isère, INSPIRA et la CC du pays roussillonnais
travaillent ensemble pour proposer des alternatives de déplacements
autre que la voiture personnelle aux salariés de la zone industrielle de
salaise sur Sanne. Ainsi, la commande stipulait d'établir une
géolocalisation de plus de 2.000 salariés répartis sur
plusieurs départements de la région Auvergne Rhône-Alpes.
J'ai donc trié, nettoyé et converti des adresses postales en
coordonnées GPS pour ensuite les réemployées via un
logiciel SIG afin de les géolocaliser. Une fois cette première
tâche accomplie je me devais d'établir des cartes de graduation
permettant de comptabiliser et de synthétiser le nombre de
salariés vivant dans un périmètre établi,
tantôt à l'échelle de chacune des entreprises, tantôt
à l'échelle de l'ensemble des entreprises réunies
participant au projet de PDIE. La réalisation de ces cartes
représentait une étape décisive pour la suite du projet.
Ces dernières constituaient un matériau significatif pour d'une
part avoir une image de la teneur des déplacements domicile-travail et
d'autre part pour engager des pistes réflexions afin de
développer des mobilités plus respectueuses de
l'environnement.
En définitive, tout au long de cette période
d'alternance j'ai pu découvrir des projets attenants à la
problématique des transports riches et diversifiés. En
m'impliquant dans l'ensemble des missions du pôle mobilité et
transports j'ai pu investir et développer mon savoir-faire à de
nombreuses occasions. Pour en revenir à l'agence en elle-même,
à l'heure actuelle celle-ci est d'avantage engagée dans des
opérations d'aménagements tournées vers la nouvelle
région Auvergne - Rhône-Alpes. Son excellente connaissance du
territoire apparait comme un atout certain et assure le déploiement de
son activité. En plus de 15 ans d'existence, SCE Lyon a su mettre en
avant sa force et son pouvoir d'action aussi bien sur des projets d'envergure
tels que des PDU que sur des missions plus courantes telles que des
enquêtes stationnement ou de trafic. Régulièrement l'agence
SCE Nantes, siège social de l'entreprise SCE fait appel à
l'agence de Lyon pour l'aider à mener à bien certains de leurs
contrats. En avril 2016, les agences de Nantes et de Paris ont fait appel
à la collaboration de l'agence de Lyon pour les aider à accomplir
une mission de terrain à dimension internationale. Aussi, pour suivre un
large projet de transport dans le centre-ville de Dakar, une enquête de
terrain à laquelle j'ai pu participer a été mise en place.
Mission atypique de mon alternance, je souhaite à présent
étayer plus en détails ce dossier et proposer par la suite une
réflexion plus large sur les projets de transports de masse en Afrique
Subsaharienne.
13
Chapitre 2 : Description et analyse du projet BRT
à Dakar
Un temps fort de mon alternance dans les locaux de SCE Lyon
aura été ma participation à la révision des
études techniques du BRT (Bus Rapid Transit) de Dakar au
Sénégal. Ce projet en collaboration avec les différentes
agences SCE dont celle de Nantes et celle de Paris, a été
l'occasion d'appréhender un nouveau système de transport
collectif. Pour répondre à de nouvelles exigences du projet BRT,
une mission de terrain a été organisée au printemps 2017
dans l'objectif de reprendre et préciser plusieurs données
établies au préalable. Cette première expérience
à l'étranger en plus de rappeler la dimension internationale de
la société SCE m'aura permis de découvrir les
réalités locales attenantes au système et la gestion des
transports collectifs dans un pays d'Afrique de l'ouest. Ce nouveau chapitre
s'attache à mettre en lumière les spécificités du
projet de Bus Rapid Transit dans l'agglomération de Dakar tout en temps
se saisissant des différents questionnements que peuvent soulever une
telle opération.
1. Description du projet pilote du Bus Rapid Transit de
Dakar
1.1 Retour sur le projet de création de lignes
BRT
La République du Sénégal et le Conseil
Exécutif des Transports Urbains de Dakar (CETUD) ont engagé la
réalisation d'un réseau de Transport sur Voie
Réservée dans l'agglomération de Dakar au début des
années 2010. A la recherche de partenaires financiers pour rendre viable
ce nouveau projet de transport, c'est auprès de la Banque Mondiale que
le pays a trouvé un soutien. Ces différents acteurs ont par la
suite lancé un marché dont l'objectif était la
réalisation d'un projet pilote à Dakar allant de la planification
d'un réseau cible à la conception de la première ligne
prioritaire de bus sur voie réservée (BRT : Bus Rapid Transit).
Après sélection, ce fut le regroupement des
sociétés SCE et SAFEGE qui a été retenu et qui a
réalisé une première étude technique en 2013
traçant les grandes orientations du projet.
Ainsi en 2013, la première étude a
été découpée en trois phases :
Phase 1 : Diagnostic et enquête sur
l'utilisation des transports en commun
Partie 2 : Elaboration d'un schéma
directeur du réseau de transports en commun en site propre en proposant
un tracé prioritaire
14
Phase 3 : Etude détaillée du
schéma directeur choisi : avant-projet et dossier
A l'issue de cette première étude, le projet de
BRT dans le centre-ville de Dakar commence à prendre forme. Ainsi, le
projet prioritaire de ligne de BRT retenu à ce moment-là
s'étend sur une distance d'environ 19 km de la Place des Tirailleurs
à Dakar au sud jusqu'à la Mairie de Guédiawaye au
nord-est. Le tracé dessert au total 23 stations fermées à
quai central, pour des bus à plancher haut (quai hauteur 95cm).
Figure 5 : Plan de la ligne BRT, centre-ville de
Dakar Sénégal
Source : SCE
Après lecture du premier rendu d'analyse, le Cetud et
les services de la Banque Mondiale ont souhaité réadapter le
projet pour en améliorer sa rentabilité. Le Cetud a ainsi
missionné le bureau d'études SCE dans une nouvelle phase de
Révision des études techniques. Cette dernière se compose
des étapes suivantes :
n
15
Une étude préliminaire
n Un avant-Projet Détaillé
n Un dossier d'Appel d'Offres
Cette nouvelle phase d'étude a également
été accompagné de nouvelles directives pour la ligne BRT.
En effet, bien que les directives principales du projet aient été
tracé des ajustements restaient encore à faire. Aussi, des
missions complémentaires attenantes au projet BRT ont été
demandé à SCE. Les nouvelles commandes sont au nombre de quatre
parmi elles :
- L'assainissement sur le tracé du BRT au niveau des
limites du projet
- Un ouvrage d'art
- Le dévoiement du réseau - Une étude de
circulation.
En conséquence, pour répondre à cette
nouvelle demande, en avril 2017 la révision des études techniques
est lancée. A cette occasion, la rentabilité du système
BRT et l'exploitation du BRT le long du tracé a été revu.
Désormais il est envisagé davantage de BRT en circulation (144
bus articulés) pour assurer un service en adéquation avec de
nouvelles hypothèses de demande. Différents types de lignes de
BRT circuleront sur le tracé avec la possibilité pour les BRT de
se doubler en station :
n La ligne omnibus avec arrêts à toutes les
stations
n La ligne semi express avec arrêts dans certaines
stations
n La ligne express avec arrêts dans les stations les plus
importantes
Trois pôles d'échanges sont prévus le long
du parcours :
n le pôle d'échanges de Guédiawaye,
situé devant la mosquée de Guédiawaye,
n le pôle d'échanges de Grand Médine,
à proximité de la route de l'aéroport
n 16
le pôle d'échanges de Gare Petersen, à
proximité de la Place Cabral
Ces trois pôles d'échange proposent un terminus
de BRT, un terminus des lignes de rabattement et un départ de taxis.
Concernant les aménagements le tracé est
désormais divisé en 11 séquences. Ce découpage en
séquences se base sur une combinaison de différents
critères, comme la largeur des profils, l'ambiance de la rue, la
végétation existante, le type de tissu urbain
(résidentiel, commercial...)
1.2 La philosophie du projet
Le programme BRT de Dakar s'intègre dans un projet
urbain global, qui constitue une opportunité pour valoriser le
territoire, repenser les espaces publics, encourager les modes doux, et
restructurer le réseau de transport en commun dans son ensemble. Les
différentes études menées jusqu'à présent
font état de 3 grandes séquences à l'échelle de
l'agglomération. Le diagnostic distinguait en effet la ville «
structurée » qui représente la partie planifiée et
organisée de la ville. Il présentait ensuite, la ville
consolidée qui correspond aux zones urbanisées de façon
spontanée, puis « consolidées ». Enfin, la partie
« en devenir », très à l'écart de la zone de
projet, qui correspond à un secteur actuellement rural mais où
les projets se développent rapidement.
A une échelle plus fine, on peut préciser ce
diagnostic. Le BRT traverse en effet différentes portions du territoire
aux degrés « d'urbanité » variés. Ainsi,
certaines de ces portions sont déjà structurées et
organisées. L'insertion du BRT dans ces secteurs devient un
élément de mobilité. Son insertion peut être
qualifiée de « douce », elle respecte l'esprit du lieu. A
l'inverse, certaines portions sont désorganisées, et ont besoin
d'être structurées. Elles n'ont jamais eu de gestes urbains forts
et sont la résultante des aménagements alentours. Dans ces cas,
l'insertion du BRT est dite « active ». Il devient un
élément de transformation de la ville, d'unification et structure
l'espace public.
17
2. Ma participation à la révision des
études techniques
2.1 Une étude de trafic
Comme précisé ci-dessus, au printemps 2017 une
révision des études techniques est lancée et un volet
d'étude sur la circulation le long du tracé de l'axe de BRT est
engagé. En 2015, une première étude de circulation avait
déjà été réalisée par une entreprise
locale mettant ainsi en évidence les particularités du trafic sur
l'ensemble du tracé des futures lignes de BRT. Toutefois, cette
étude montrait quelques points d'incohérence, aussi pour obtenir
une vision plus claire du trafic une seconde étude a été
demandée et réalisée par SCE en avril 2017.
J'ai ainsi accompagné les équipes nantaises et
parisiennes de SCE au Sénégal pour les aider à
réaliser cette nouvelle étude trafic.
Du fait de la réalisation d'un premier terrain en
amont, de nombreuses informations étaient disponibles, nous donnant des
éléments précieux de compréhension pour la
réalisation de notre étude. A ce titre, nous nous sommes
largement basés sur les rapports d'études réalisés
par les experts en aménagement de la Banque Mondiale pour identifier et
concentrer nos efforts sur les zones de circulations
pré-identifiées comme secteur à enjeux. Pour appuyer le
caractère prioritaire de certaines portions du tracé des lignes
de BRT la Banque Mondiale s'est notamment basée sur un
phénomène bien précis.
Effectivement, si on regarde un peu plus dans le détail
les propositions des tracés des lignes BRT un point dur est rapidement
détectable, il s'agit du mouvement de « tourner à gauche
» pour les véhicules non concernés par le site propre. Les
véhicules vont venir couper les voies de BRT et ainsi ralentir voire
paralyser les lignes BRT sur leur tracé pendant un laps de temps plus ou
moins cours. Ce mouvement viendra impacter négativement la vitesse
commerciale des lignes. A ce phénomène s'ajoute des
remontées de files possiblement importantes et par extension la
création de nouvelles zones de congestion
Figure 6 : Mouvement de tourner à gauche
problématique
Voirie accessible aux autres véhicules
18
Source : Camille Jean-Baptiste
De fait, pour faire face à l'épineuse question
des « tourner à gauche » la Banque Mondiale a alors
émis des solutions alternatives dont la première consiste
à créer un itinéraire secondaire afin d'éviter ce
mouvement. Ainsi, a été imaginé sur certaines
intersections des mouvements de « demi-tours » en vue de rendre moins
complexe la traversée des voies de BRT.
Figure 7 : Proposition de la banque mondiale
pour éviter les « tourner à gauche »
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Voirie accessible aux
autres véhicules
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Voie réservée BRT
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Source : Camille Jean-Baptiste
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Ainsi, c'est en nous basant sur le constat et les
propositions de la Banque Mondiale que nous avons réalisé notre
étude de circulation. Nous avons organisé cette mission en deux
temps.
Après avoir pris connaissance du tracé des
lignes de BRT nous avons dans un premier temps tenter d'identifier
et vérifier la viabilité de l'ensemble des itinéraires
secondaires que la Banque Mondiale avait imaginé. Cette
tâche ne fut pas des plus évidentes dans la mesure où les
données disponibles n'étaient pas géolocalisées
précisément. En effet, le système de
référencement des rues dans le centre-ville de Dakar n'est pas
monnaie courante et le meilleur moyen de se situer dans la ville reste encore
l'usage de points de repères, or ceux-ci n'étaient pas
mentionnés dans les comptes rendus disponibles. Fréquemment les
rues parallèles sont très proches et il est difficile de
distinguer celles proposées par la Banque Mondiale.
Figure 8 : Extrait de carte du centre-ville de
Dakar, Sénégal
19
Après identification et vérification des
itinéraires secondaires nous sommes arrivés à la
conclusion que l'expertise faite par la Banque Mondiale n'avait
vraisemblablement pas fait l'objet d'un travail de terrain approfondi. Force a
été de constater que de nombreux itinéraires
20
étaient difficilement empruntables par un ensemble de
véhicules motorisés. En cause, la voirie défectueuse et la
durée de réalisation des itinéraires beaucoup trop
importante.
L'état de la voirie dans le centre de Dakar est
relativement bon sur les axes principaux, toutefois en dehors, la voirie est
très souvent constituée de pistes de sable rendant la circulation
pour nombre de véhicules particulièrement difficile. Pourtant
parmi les propositions de la Banque Mondiale près de 80 % des
itinéraires de déviation étaient proposés sur ce
type de voies.
Figure 9 : Exemple de pistes de sable
Source google maps
Si de prime abord cette solution ne parait pas viable, dans
l'éventualité où celle-ci viendrait à se
concrétiser elle nécessiterait l'emploi de moyens financiers
très importants. Ajoutée à la qualité
médiocre des itinéraires, le temps de parcours pour effectuer ces
itinéraires peut également poser problème. En effet, nous
avons chronométré pour chacun des parcours le temps de trajet et
fréquemment les itinéraires de déviation atteignent
souvent les 10 minutes. Ce dernier point vient rappeler la difficile
acceptation par les automobilistes d'une telle contrainte et par extension
l'acceptation du projet BRT.
21
Par ailleurs, il arrive que les déviations soient
proposées à l'intérieur de quartiers d'habitation pour
l'heure tout à fait dépourvus de trafic routier. La pertinence de
ce schéma interroge. Les lignes de BRT ont pour objectif
d'améliorer la mobilité des individus et non pas de venir
compromettre durablement leurs lieux de vie.
Un deuxième temps de notre étude aura
été la réalisation de comptages routiers. Nous nous sommes
ainsi positionnés autour de chaque intersection que nous jugions
déterminante soit en termes de trafic soit parce que les changements de
direction des véhicules semblaient importants. Sur un laps de temps
déterminé nous avons ainsi compter les mouvements tournants des
véhicules. Cette tâche nous occupa pendant plusieurs jours dans la
mesure où devions nous positionner sur un grand nombre d'intersection
sur un axe long de19 km.
Pour clôturer ce temps d'étude nous avons par la
suite fait part de nos observations auprès de notre client, le CETUD. A
cette occasion j'ai participé à la vérification et
à l'agencement des données que nous avions
récoltées. Cette réunion de restitution a permis
d'appréhender sous un nouveau jour les comptages réalisés
auparavant en comparaison avec les comptages que nous venions de
réalisés. Les données issues des comptages ont
également permis de faire des propositions de phasage de feux en vue du
passage des lignes de BRT.
2.3 Questionnements sur le projet de BRT à
Dakar
Lors de la mission de terrain à Dakar j'ai pu
m'entretenir avec différentes personnes impliquées dans
l'étude du projet. Après plusieurs échanges, certains
points du dossier m'ont interpellé. Dans cette dernière partie je
souhaite mettre en évidence les singularités du projet qui
soulèvent aujourd'hui certaines questions tant d'un point de vue de la
méthode que des aspirations finales du projet BRT.
Tout d'abord, j'ai été frappée de
constater le manque de cohésion entre les acteurs du projet BRT de
Dakar, et ce d'autant plus dès les premières phases du projet. En
effet, après entretien avec le chef de projet SCE Fabrice Grasset j'ai
appris qu'une phase d'échanges et de discussion avait manqué lors
de la restitution de la première étude en 2013, entre, la banque
mondiale, le CETUD et SCE. Ce moment pourtant déterminant pour l'avenir
du projet n'a pas
22
eu lieu et a ainsi complexifié l'avancement du projet.
Malgré, la restitution de l'étude auprès des clients il
est nécessaire d'avoir un temps de retour sur le dossier afin de
proposer, et surtout, de s'entendre sur les directives à tenir.
Aujourd'hui par exemple, la question de la pertinence du projet est
posée notamment à la vue du tracé de la ligne BRT
En définitive, une mauvaise cohésion entre les
acteurs peut mener à mal la gestion d'un projet de transport dans la
mesure où si les objectifs sont mal définis l'avancement du
projet en pâti.
Par ailleurs, la Banque Mondiale a
préféré mettre de côté le projet de BRT
proposé par SCE au profit d'un modèle de BRT d'avantage
inspiré des modèles sud-américains. En effet, le bureau
d'études avait souhaité mettre en place un projet de BRT
intégré avec le paysage urbain de la ville en tenant compte des
particularités locales alors que la banque mondiale a souhaité
valider une ligne de BRT qui vient opérer une certaine fracture dans la
ville, du fait du tracé de la ligne et de la cadence des bus qui vont y
passer. Même s'il n'existe pas de modèle idéal et sans
vouloir faire preuve d'anthropocentrisme, une intégration du
réseau de transports plus discrète peut avoir de nombreuses
externalités positives esthétiques, bien-être...
Toutefois au-delà de simples préoccupations
esthétiques, le projet de BRT de la banque mondiale interroge surtout
par sa non prise en compte des modes doux pourtant omniprésents dans la
capitale. S'il n'était pas la conséquence de fortes
disparités socio-spatiales, le recours massif aux modes de
déplacement doux (marche) ou collectifs (bus, train, minibus) dans les
villes subsahariennes constituerait en soi un élément de
durabilité et de progrès. La marche est un mode de
déplacement particulièrement important dans la ville de Dakar si
bien que les largeurs de trottoirs ne suffisent plus à absorber ce flux
de piétons les obligeant à emprunter les voies de circulation.
Pourtant, parmi les orientations du projet rien n'est imaginé pour un
maillage piéton autour des lignes de BRT.
23
Figure 10 : La marche un mode de
déplacement majeur dans la ville de Dakar
Source : Seneplus
L'accessibilité piétonne est relayée au
dernier rang des préoccupations en témoigne les hauteurs de quais
prévues pour les lignes de BRT. Ce sont des bus à plancher haut
qui sont imaginés comme matériel roulant, qui de fait
nécessitent une hauteur de quai d'environ 95 cm. La question de
l'accessibilité PMR est posée par la même occasion.
Par ailleurs, la Banque Mondiale donne l'impression de
n'être intéressée que par la rentabilité du projet.
Le manque de concertation avec les autres acteurs du projet, et les nouvelles
demandes dont elle fait part au bureau d'étude tendent à
confirmer cette impression. La nouvelle étude de circulation a
été l'occasion pour elle de confirmer la capacité maximale
de bus qui pourrait circuler et par extension d'avoir des estimations plus
précises sur la rentabilité du projet de BRT. Son refus d'un
projet de transport d'avantage intégré au paysage urbain de la
ville interpelle également. Nous ne pouvons faire que des suppositions,
toutefois il pourrait être vraisemblable que la banque ait
préféré renoncer à ce projet puisqu'elle disposait
déjà d'un modèle de transport de masse qui a su faire ses
preuves et qui continue de s'étendre largement à travers le
monde. Dans cette perspective il pourrait paraitre surprenant de vouloir
modifier un système qui fonctionne déjà très bien.
On a ainsi l'impression qu'elle transpose le modèle de BRT de villes en
villes et de pays en pays. La Banque Mondiale propose et impose
24
le modèle de BRT sud-américain comme unique
modèle de référence. Par ailleurs il est à noter
qu'en tant que financeur majoritaire du projet elle peut d'avantage imposer ses
choix.
A travers, le projet BRT de Dakar j'ai pu
entrapercevoir (puisque la mission n'en était qu'à son
commencement) les différentes composantes à l'oeuvre au cours
d'une étude de circulation dans un contexte hors Europe, et ainsi
prendre connaissance des différents jeux d'acteurs qui pouvaient
entourer une telle mission. La question de la planification de réseau de
transports de grande ampleur a suscité mon intérêt et j'ai
souhaité poursuivre mes recherches en ce sens. En partant du projet de
transport de Dakar, je me suis alors questionnée sur l'émergence
de projet BRT en Afrique et plus spécifiquement en Afrique
subsaharienne. La suite de ce mémoire s'attachera donc à fournir
des éléments de compréhension à l'essor des projets
BRT tout en mettant en perspective les singularités territoriales qui
accompagnent ces nouveaux réseaux de transports.
25
Chapitre 3 : L'émergence du modèle BRT en
Afrique Subsaharienne
Entre similarités et dissemblances les projets de Bus
Rapid Transit (BRT) constituent depuis le début des années 2000
un renouveau dans la politique des transports pour de nombreux pays en
développement. Le projet pilote de BRT dans l'agglomération de
Dakar en est le parfait exemple. Aussi, en partant de ma première
expérience en contexte africain et face aux réalités de
terrain auxquelles j'ai pu être confronté j'ai souhaité
consacrer ce dernier ce chapitre à une réflexion sur
l'émergence de ce nouveau concept de transport. Ainsi, je m'attache
à mettre en parallèle les particularités du système
de transport africain avec certains éléments constitutifs d'un
projet de BRT en Afrique du Sud. Ce nouveau volet a ainsi pour ambition de
mettre en lumière les particularités territoriales dans
lesquelles peuvent s'insérer les projets BRT.
Pour se faire, j'essaierai tout d'abord de comprendre quels
sont les enjeux auxquels se confrontent les projets BRT en Afrique
subsaharienne. Après avoir rappelé le succès du 1er
modèle de BRT à Curitiba qui a inspiré de nombreux projets
à travers le monde et spécialement en Afrique subsaharienne je
continuerai avec l'exemples du BRT de Johanesburg en Afrique du Sud, l'occasion
de rappeler le caractère singulier de chacun des projets BRT. Enfin, je
viendrai clôturer cette thématique en rappelant quelles sont les
principales difficultés que peuvent rencontrer des opérations de
transports d'une telle ampleur et quels sont les leviers d'actions
envisageables pour l'Afrique subsaharienne.
1. Défis et enjeux d'un projet BRT
1.1 Pollution de l'air
Chaque jour des milliers d'habitants des métropoles
africaines se confrontent à l'air particulièrement pollué
de leur agglomération. En effet, une étude publiée par
l'Organisation de coopération et de développement
économique (OCDE) en octobre 2016 rapporte que le continent africain de
façon globale est désormais gagné par le problème
de la pollution de l'air
Figure 11 : Pays africains et pollution de
l'air (Crédits photo : Betty Lafon)
26
extérieur. En près de 25 ans, le nombre de
décès prématurés en lien avec la pollution de l'air
par les particules ambiantes a connu une progression spectaculaire de 36 %. En
tenant compte de la fragilité de la collecte de données sur le
continent, il apparaît à présent que la pollution de l'air
extérieur égale le problème de malnutrition des enfants
parmi les principales causes de décès
prématurés.2
La pollution urbaine en Afrique est singulière et se
différencie de celles que peuvent connaître les pays occidentaux.
Si par exemple pour Londres le secteur des transports constitue la principale
source de pollution dans la ville de Lagos au Nigéria la situation est
plus complexe. En effet, de nombreux paramètres sont aujourd'hui
responsables de la pollution de la ville. A ce titre on retiendra, la
combustion des déchets, l'utilisation de matériel de cuisson
défectueux, l'utilisation de générateurs au gasoil,
l'emplacement d'usines en plein coeur de villes et surtout les très
nombreux véhicules disposant de pots catalyques.
Toutefois, même si le secteur des transports ne
constitue pas forcément le facteur premier de la pollution de l'air il
n'en reste pas moins un élément constitutif important.
Au-delà du nombre de véhicules en circulation dans les villes
africaines c'est aussi et surtout la qualité des véhicules qui
interroge. Qu'il s'agisse de transports en commun, de poids lourd, de deux
roues ou de véhicules légers le constat est le même, ils
sont tous en partie responsable de la dégradation de la qualité
de l'air. La disparition progressive des entreprises structurées de
transport collectif en Afrique subsaharienne dans les années 90 a peu
à peu laissé la place à de très nombreuses
structures informelles de transports. Selon les pays les motos-taxis ou les
taxi minibus se sont ainsi largement imposés dans le paysage urbain,
remplaçant ou complétant avec efficacité les
réseaux de transports publics quand ceux-ci existent encore.
2 Le Monde, 2016
27
Pour se développer, ces entreprises artisanales se
dotent de véhicules obsolètes qu'elles rafistolent dans le temps.
L'essor du marché de l'importation de véhicules anciens a
drastiquement accéléré le vieillissement du parc de
véhicules avec dans la majorité des cas des moteurs fonctionnant
au diesel (58 % des minibus à Dakar sont âgés de plus de 20
ans ; à Ouagadougou, l'âge moyen des véhicules particuliers
est passé de 14 à 17 ans entre 1999 et 2003, pendant que celui
des camions passait de 18 à plus de 20 ans sur la même
période).
Figure 12 : Minibus dans la
ville de Dakar (crédit photo: Camille Jean-Baptiste) Figure 13 :
Mototaxi au Cameroun (crédit photo : africatime)
En bref, ces différents éléments, dont
notamment l'accroissement du parc de véhicules par l'importation de
véhicules d'occasion âgés augmentent les émissions
de polluants et développent une toxicité plus importante de ces
émissions, notamment pour le parc diesel (en 1998, 90 % du parc de cars
rapides à Dakar fonctionnent au diesel, 96 % pour les camions). La
concentration de polluants nocifs atteint des seuils importants dans plusieurs
capitales africaines. A titre d'exemples à Cotonou, les enquêtes
effectuées et les campagnes de mesures réalisées afin de
définir le niveau global de la pollution de l'air montrent : -- une
forte concentration en CO2 atteignant 18 mg, soit presque le double de la norme
admissible ; -- une forte concentration des hydrocarbures volatils
dépassant à certains endroits 2.000 ug/Nm3 ; -- une
émission journalière d'environ 83 tonnes de CO2, dont 59 %
générés par les deux-roues et de 36 tonnes d'hydrocarbures
volatils (HC), provenant essentiellement des deux-roues ; -- une concentration
élevée en plomb (Pb) avec un maximum de 13 ug/Nm3 (soit plus de
six fois la
28
norme admise)3. Les impacts de ces polluants sur la
santé des populations sont indéniables. En rappel l'essor
fulgurant de maladies respiratoires, d'allergies, de maladies de la peau, et de
cancers.
En définitive, l'ensemble du système de
déplacements, qu'il s'agisse de transports en communs ou non, tel qu'il
fonctionne aujourd'hui génère d'importantes externalités
négatives : accroissement de la congestion du trafic urbain, niveau
important d'accidents, mais surtout la montée de la pollution
atmosphérique. Quelques études de cas (Dakar, Abidjan,
Ouagadougou et Cotonou) sur les coûts de dysfonctionnement du
système de transports urbains et la qualité de l'air dans les
villes africaines confirment que la pollution atmosphérique et l'effet
de serre associé représentent l'un des principaux enjeux
environnementaux pour le continent.
1.2 Démographie et urbanisme
L'alliance démographie, urbanisme et transport reste
encore un équilibre fragile pour l'Afrique subsaharienne. « En un
siècle de 1950 à 2050 la population africaine aura
été multipliée par près de 11, quand celle de
l'Amérique latine (la plus forte progression après l'Afrique)
aura été multipliée par 4,6, la moyenne mondiale se
situant à 3,9. Actuellement, la population africaine croît de 2,5%
par an pour une moyenne mondiale de 1,2%. Il y a une spécificité
africaine, ou plutôt de l'Afrique subsaharienne puisque l'Afrique du Nord
(et la République d'Afrique du Sud) a suivi un parcours beaucoup plus
proche de la moyenne mondiale »4. Dans certains pays, les
perspectives sont vertigineuses. Le Niger pourrait voir sa population
dépasser 70 millions en 2050 contre 20 millions aujourd'hui. Cette
situation résulte du maintien d'une forte fécondité mais
aussi d'une baisse de la mortalité. L'espérance de vie même
si encore assez éloignée de la moyenne mondiale (70,5 ans en
2016) a gagné plus de vingt depuis 1950, passant de 36 à 57
ans.
3 La problématique des transports urbains et
la réduction de la pollution de l'air due aux transports motorises en
Afrique subsaharienne. Disponible sur
Research.com
4 Pour la science, 2015
29
Figure 14 : Evolution et estimation de la
population africaine entre 1950 et 2050
A cette forte croissance démographique s'associe le
phénomène massif de transition urbaine. La ville joue
désormais un rôle déterminant dans la reproduction des
sociétés subsahariennes. Depuis 1960 le taux d'accroissement de
la population urbaine est le plus élevé du monde avec plus de 5 %
par an. De petites villes au sortir de la guerre, des capitales sont devenues
des métropoles5. La ville de Lagos au Nigéria par
exemple comptait 280 000 habitants en 1950 contre plus de 7 millions
aujourd'hui ou encore Kinshasa au Congo démocratique dénombrait
165 000 habitants en 19650 et aujourd'hui sa population frôle les 5
millions d'habitants.6
Si l'urbanisation semble être un
phénomène bien lancé, la réflexion autour de
l'organisation spatiale qui entoure le développement de ces nouvelles
villes est parfois défaillante, créant au sein même des
agglomérations de fortes disparités.
5 Annexe 1
6 Le mouvement social, 2003 disponible sur
http://www.cairn.info
30
En effet, en Afrique subsaharienne il existe un
véritable problème d'autorité locale. Les
collectivités locales selon les pays, peuvent avoir un pouvoir de
décision et d'action moindre sur la question de la gestion des sols.
Même si elles disposent d'une autorité définie
théoriquement, dans la pratique il en est parfois tout à fait
autrement. Le manque de moyens financiers peut venir entacher le bon
fonctionnement des collectivités et donc limiter leurs
possibilités d'actions pour encadrer et contrôler ce
phénomène d'expansion urbaine. Des constructions illégales
fleurissent à toute vitesse et leur démantèlement peut
susciter de vives contestations et venir complexifier les relations politiques.
De fait les villes s'épandent de manière « sauvage »
sans concertation préalable avec les autorités locales - permis
de construire, titre de propriété -.
Lorsque ce ne sont pas les autorités qui sont
dépassées par le phénomène d'expansion urbaine il
peut également s'agir d'une absence d'accompagnement de l'urbanisation
qui va de pair avec l'absence de politiques et d'actions en matière
d'usage des sols. Ceci a ainsi a pour conséquence un étalement
urbain considérable, la création de bidonvilles, l'absence de
création de voiries dans certains quartiers... La forte croissance
démographique des villes africaines associées aux coûts
respectifs des terrains dans le centre et la périphérie ainsi
qu'au pouvoir d'achat restreint de la population fait que l'expansion urbaine
est fortement consommatrice d'espace.
Ce qui nous amène rapidement à la question des
transports puisque le demande de déplacement est une demande
dérivée. Les besoins de déplacements naissent des besoins
d'échanges des individus dans la ville et de la dispersion des lieux
d'activités à travers la ville. Si la structure urbaine change,
la demande de déplacement est modifiée. Aussi, l'étalement
urbain massif entraîne un accroissement considérable des trajets
quotidiens. Il en résulte par extension une forte demande de transports
collectifs souvent difficilement satisfaite et un rôle important des
transports informels. En effet, le manque de cohésion entre les
politiques d'usage des sols et les politiques de transports viennent
complexifier la mobilité des individus. Les offres de transports sont
réparties inégalement ce qui tend à exclure une partie de
la population et renforcer les inégalités sociales.
31
En bref, depuis la deuxième moitié du
XXème siècle l'Afrique subsaharienne connaît une croissance
démographique importante couplée à une forte transition
urbaine. Ces deux paramètres viennent jouer un rôle
déterminant dans la question de la mobilité des individus. Le
nouveau défi des transports va être finalement de planifier un
réseau viable, efficace et accessible à toutes ces nouvelles
populations. La question qui se pose aujourd'hui est donc d'organiser d'une
part, un réseau en cohérence avec la densité urbaine
présente actuellement mais d'autre part de proposer des solutions de
mobilité pour une population qui ne va cesser de
croître.
1.3 Désorganisation du service de transport
L'histoire du développement des transports publics en
Afrique subsaharienne varie généralement d'un pays à
l'autre. Toutefois, à ce jour, nous pouvons affirmer qu'il s'agit d'un
secteur qui reste peu organisé à l'échelle du continent.
Nombre d'entreprises ont été créées dans
différents pays, et parfois à plusieurs reprises, mais la grande
majorité d'entre elles ont fait faillite ce qui a largement compromis la
réussite d'un système de transport efficace.
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En effet, une profonde mutation du secteur des transports
urbains a eu lieu en Afrique subsaharienne au cours des années 90. La
fin du XXème siècle a été marqué par la
disparition progressive des grandes entreprises structurées de transport
collectif, les petites structures artisanales (ou informelles) ayant peu
à peu occupé l'espace laissé vacant. « Si à
Abidjan et à Nairobi, le secteur structuré maintient encore une
place non négligeable (à Abidjan la société de
transport a cependant vu sa part de marché passer de plus de 50 %
à environ 25 % entre 1988 et 1998), à Bamako, l'offre de
transports collectifs urbains est entièrement assurée par le
secteur artisanal, tandis qu'à Harare, les minibus, qui ne
représentaient qu'à peine 3 % de l'offre de
32
transport public en 1993, sont passés à plus de
90 % en 1999. »7 La « prise de pouvoir » des petites
entreprises du secteur artisanal s'effectue dans des conditions
précaires où, pour survivre, ces entreprises opèrent
souvent en marge de la légalité. Il s'agit d'un secteur
très atomisé reposant sur une multitude de petites entreprises
(dans les quatre villes, Abidjan, Bamako, Harare et Nairobi, environ 80 % des
propriétaires ne possèdent qu'un seul véhicule). Il s'agit
également d'un secteur dominé par des minibus de petites
capacités (à Abidjan par exemple, le parc des minibus est
constitué à 92,6 % de véhicules de 14 à 22 places,
63 % si l'on ne tient compte que des véhicules de 18 places). 8
Par ailleurs, la question de la maintenance technique
représente une part importante des difficultés des entreprises de
transport public et l'une des principales sources de leur échec.
Généralement, les opérateurs de transports publics sont
confrontés à de nombreux problèmes, l'un des plus
importants étant l'insuffisance et l'inadéquation des
infrastructures de transport. Dans un tel contexte, le résultat est une
lutte pour la survie en raison principalement de frais à supporter afin
de maintenir l'activité de transport. La difficulté à
obtenir des pièces détachées, combinée à des
pannes récurrentes, conduisent souvent les opérateurs à
procéder à des modifications structurelles aux
véhicules.
Afin d'illustrer les particularités des réseaux
de transports africains je propose de prendre l'exemple des transports publics
Camerounais. A travers cet exemple nous aurons ainsi l'occasion de mieux cerner
la régulation du transport public ainsi que les différents
opérateurs de transports à l'oeuvre dans le pays. L'ensemble de
cet exemple s'inspire de l'étude réalisée par Trans
Africa.9
7 Compte rendu de coloc : problématique des transports
urbains et la réduction de la pollution de l'air due aux transports
motorisés en Afrique subsaharienne, disponible sur
research
gate.com
8 ibid
9 Trans Africa, 2009 disponible sur
mypsup.org
33
Les transports publics au Cameroun
Figure 16 : Localisation du Cameroun, source
reflectim
En 1973, en réponse à la fulgurante croissance
urbaine et au manque d'offres en transport public, l'Etat Camerounais
décide de créer la société anonyme SOTUC
(Société des Transports Urbains du Cameroun) qui appartient
autant au gouvernement central qu'aux municipalités de Douala et de
Yaoundé. Pendant près de 25 ans cette nouvelle
société disposera du monopole d'exploitation de service de
transport urbain dans ces deux villes. Toutefois, La SOTUC après une
période de prospérité s'enlisa doucement une crise
importante pour
diverses raisons, on retiendra notamment sa mauvaise gestion
qui l'a très certainement conduite
à la faillite. Après sa liquidation en 1995 le
gouvernement Camerounais décida de libéraliser
les services de transports publics à Douala et
Yaoundé dans l'espoir que la concurrence entre
les opérateurs conduirait à un système
de transport public urbain auto-efficient ne nécessitant
pas de subventions des pouvoirs publics.
Depuis ce jour, les taxis, minibus et les taxis-motos ont
envahi l'espace urbain ne réussissent pas pour autant à
satisfaire efficacement la demande de transport.
« Concernant la régulation du transport public il
faut avoir à l'idée que le transport public est administré
par le ministère des transports. Il comprend une direction des
Transports Terrestres impliquée dans les questions de transports urbain
et interurbain. Elle est notamment chargée de l'élaboration et de
la mise en oeuvre de la politique gouvernementale en matière de
transport terrestre, ainsi que de la coordination, la conception et
l'application de la régulation afférente. »10
10 ibid
34
Le ministère des Transports et des Finances est lui
chargé de fixer les prix des courses des autobus, minibus et des taxis
collectifs. Comme indiqué précédemment les transporteurs
publics sont au nombre de trois. On retiendra les bus de grande
capacité, les taxi-motos et les taxis-informels.
Les bus de grande capacité
:
Figure 17 : Modèle de bus, source
tripafrique
Plusieurs réformes ont vu le jour après la
faillite de SOTUC. L'état Camerounais a procédé à
un appel d'offres dans le but de choisir une compagnie d'autobus qui puisse
assurer la desserte des lignes de la ville de Douala. Une nouvelle
société nommée SOCATUR (Société camerounaise
de transport urbains) voit le jour en
2001 désormais détenue par des investisseurs
privés camerounais. Cette dernière opère dans le
cadre d'une convention de concession qui lui a accordé
le monopole du service public de
transport à Douala pour une période de 5 ans.
Actuellement la société fonctionnerait avec de
nombreux bus âgés en moyenne de 10 à 15
ans qui assuraient 10% des déplacements quotidiens
à Douala.
La SOCATUR ne dispose par ailleurs d'aucune subvention
gouvernementale et le mauvais état des routes de Douala semble
être un obstacle majeur au développement et à l'expansion
de cette société.
35
Les taxis informels :
Figure 18 : Taxis africains, source
africapress
« Compris entre 9.000 et 10.000 les taxis informels de 4
à 5 places de couleur jaunes
sont des véhicules d'occasion, majoritairement
importés d'Europe très souvent en mauvais état
»11. La structure du marché est très
fragmentée : très peu de propriétaires ont plus d'un
véhicule. Les taxis
opèrent principalement selon deux formules de prix
appelée « dépôts » et « course ». Les
tarifs
« dépôts » sont fixés par accord
entre les syndicats et le gouvernement alors que les tarifs des
« courses » sont la plupart du temps librement
négociés entre les utilisateurs et les conducteurs
au cas par cas.
Les taxis-motos :
Figure 19 : Mototaxi africaine, source
africatime
|
Ces dernières années la croissance de
l'activité des taxis s'est accompagnée d'une croissance
spectaculaire de l'utilisation des taxis-motos. Très populaire elles
représenteraient pas loin de 30% du marché total des transports
collectifs de la ville de Douala. Les tarifs étant
négociés entre les parties.
|
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11 ibid
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|
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Bien qu'il existe des cas de figure
différents, le cas du Cameroun n'en reste pas moins un exemple
constitutif de la réalité du secteur des transports publics en
Afrique Subsaharienne. La presque totalité des compagnies de transports
n'ont aucun contrat avec les autorités de régulation des
transports. A l'exception de quelques pays, les transports publics en Afrique
sont presque toujours placés sous le contrôle direct des
ministères en charge du transport. L'administration est parfois du fait
des collectivités territoriales ce qui ne permet pas en
général un suivi et une gestion assez rationnelle de
l'activité. Par ailleurs, les textes régissant les transports
publics sont très souvent dépassés (ils datent des
premières périodes post-coloniales autour des années 1970)
ce qui pose un problème d'inadaptation des législations en
vigueur face aux réalités de développement actuelles.
D'autant plus, qu'il arrive que les textes existants se chevauchent ou qu'il y
ait des conflits de compétences dans les attributions des
différents démembrements étatiques (Directions des
transports, collectivités territoriales, ect...) Il est donc
nécessaire aujourd'hui d'avoir recours à des réformes
institutionnelles complètes des systèmes de transports en vue
d'un développement durable de cette industrie.
|
|
36
Croissance démographique, transition urbaine, manque de
planification de l'usage des sols, pollution de l'air, désorganisation
du système de transport constituent l'ensemble des défis auxquels
se confrontent l'ensemble du continent africain et plus particulièrement
encore l'Afrique subsaharienne. Petit à petit l'idée d'un
système de transport efficient apparaît comme une solution
pertinente pour répondre à ces différents enjeux et le
modèle de BRT commence à se positionner comme une
véritable solution. Une prise de conscience émerge et porte avec
elle des réflexions inédites quant au développement de
nouveaux réseaux de transport. En s'inspirant d'expériences outre
atlantique quelques pays africains se lancent désormais dans le pari du
Bus Rapid Transit aussi connu sous l'acronyme BRT. Ce dernier porte avec lui
l'espoir d'un réseau de transport ou rapidité et
fonctionnalité seront les maitres mots. La partie à suivre
s'attachera à mettre en évidence les différents
modèles de BRT qui viennent aujourd'hui donner un nouveau souffle au
secteur des transports publics en Afrique subsaharienne.
37
2.Exemples et analyse de modèle de BRT
Dans cette nouvelle partie je propose de mettre en
évidence plusieurs modèles de BRT. L'idée principale
étant de rendre compte des singularités de ce modèle tout
en mettant en évidence les contextes régionaux dans lesquels ils
se développent. Pour se faire, il me semblait nécessaire de
revenir sur le cas du BRT de Curitiba au Brésil. Celui-ci, en plus
d'avoir été le premier système de Bus Rapid Transit
à voir le jour est également le modèle qui a su inspirer
nombres de pays à travers le monde. L'analyse détaillée du
BRT de Curitiba sera l'occasion de souligner les spécificités
d'un système de BRT. J'aurais souhaité ensuite poursuivre avec
l'exemple du 1er BRT d'Afrique à Lagos au Nigéria
néanmoins la documention à son sujet reste très partielle
et ne me permet pas de proposer une étude approfondie. Je ferai ainsi
état du BRT d'Afrique du Sud dans la ville de Johannesburg. Chacun de
ces exemples se voulant l'opportunité, de mieux saisir la philosophie de
chaque projet tout en soulevant des questions éminemment politiques.
2.1. Un exemple fondateur, le BRT du Curitiba
2.1.1 Caractéristiques du réseau BRT
Figure 20 : Localisation de Curitiba, au
Brésil (Etat du Paranà)
38
L'histoire du BRT de Curitiba commence en 1974 avec la
construction de 20 premiers kilomètres de réseau de bus. Ces
premiers kilomètres de bus illustrent une politique globale de la
municipalité qui est de construire une ville « faite pour les gens,
pas pour la voiture »12. Alors que les années 1970 sont
marquées par une démocratisation mondiale de l'automobile,
Curitiba décide de limiter l'usage de l'automobile sur son territoire en
développant un réseau de transport collectif axé
exclusivement sur le BRT.
Au regard des articles et rapport au sujet du BRT à
Curitiba, tous s'accordent sur le fait que le contexte financier délicat
de la municipalité en 1970 est le principal moteur de ce
développement de réseau de bus. En effet, le BRT est apparu comme
la solution pour développer un système de transport collectif
dont la performance se rapproche le plus possible de celle du métro ou
tramway mais pour des coûts bien moindres (Urbanités, 2014). Le
développement d'un tel système de bus est donc abordable
économiquement tout en étant innovant, puisqu'il s'agissait
à l'époque d'une première mondiale.
En 1974, le réseau de bus était de 20
kilomètres. Aujourd'hui, la municipalité dispose de 1 100
kilomètres de réseau BRT, dont 72 kilomètres en site
propre, pour 221 stations en forme de tube13. Le coût total de
l'opération s'élève à plus de 265 millions d'euros
(CARFREE, 2008). A l'image de la France, le service de bus de Curitiba est
géré pas des acteurs publics. De nombreux auteurs identifient le
BRT comme un « métro de surface » où «
métro-bus ». Il existe plusieurs types de lignes de BRT afin de
desservir l'ensemble du territoire :
n lignes express ;
n Lignes principales ;
n Lignes inter-districtis.
D'après l'article publié par la revue
Tendances, les 1 100 kilomètres de réseau permettraient de
couvrir la quasi-totalité de la ville : « 90% de la superficie de
la ville est desservie par le bus, et tous les habitants sont à moins de
500 mètres d'un arrêt »14. Une station BRT est
donc présente
12 URBANITES. 2014. « Curitiba, la chute d'un
modèle ». Article publié par quatre urbanistes
diplômés de l'Institut d'Urbanisme de Paris dans le cadre d'une
mission en Amérique du Sud intitulée « La Via del Sur
». Juin 2014. 7p. Disponible sur:
http://www.revue-urbanites.fr/chroniques-curitiba-la-chute-dun-modele/
13 CARFREE. 2008. « Curitiba : une ville pour
les gens, pas pour les voitures ». 29 sept. Disponible sur
http://carfree.fr/index.php/2008/09/29/curitiba-une-ville-pour-les-gens-pas-pour-les-voitures/
14 TENDANCES (Aménagement, Services &
Immobilier). 2013. « Des villes à vivre ». févr, p10.
Disponible sur :
http://www.scet.fr/files/lettres/tendances-n2.pdf
39
à une distance maximum de 500 mètres du domicile
de la population. En plus d'être confortables et sécurisantes pour
les voyageurs, ces stations sont aménagées afin de permettre une
montée et descente rapide des voyageurs : quai au niveau du bus,
multiples portes coulissantes, accessibilité PMR. Les stations sont par
ailleurs le lieu de vente et de validation des titres de transport.
Figure 21 : Arrêts de bus en forme de tube,
Curitiba
La quasi-totalité des 72 kilomètres de voie en
site propre est répartie sur les trois axes principaux de la ville :
Nord-Sud, Est-Ouest et Boqueirão15. Sur ces artères
majeures où le développement urbain à proximité est
important, le BRT occupe une place centrale dans l'espace public, l'automobile
est reléguée sur des voies parallèles de part et d'autre
du BRT (PL Alouche, 2014). Trois quarts de l'espace est réservé
au BRT (Voie en site propre et station en forme de tube), contre seulement un
quart en faveur des déplacements automobiles.
Figure 22 : Séparation des voies de
circulation sur les principaux axes de Curitiba
Le reste du réseau n'est pas en site propre, mais des
aménagements ont été réalisés afin de donner
la priorité aux BRT :
15 Précisions fournies par PL. ALOUCHE dans le
cadre d'un rapport réalisé pour le CODATU. Etudes de cas :
Curutiba, rapport final. Avr, 61p. Disponible sur :
http://www.codatu.org/wp-content/uploads/Etude_CURITIBA.pdf
n
40
Couloirs d'approches aux carrefours ;
n Carrefours à feux donnant la priorité au bus
;
n Voies larges facilitant sa circulation.
Globalement, la vitesse moyenne des BRT sur l'ensemble de la
ville s'élevait à 25 km/h au début des années 2000
(E. Blanco, K. Zheng, 2014). Cette vitesse de circulation permettait au BRT
d'être régulier et plus rapide que la voiture.
Concernant le matériel roulant, différents types
de bus apparaissent sur le territoire (PL Alouche, 2014). La capacité
minimale est de 30 voyageurs pour les plus petits bus, contre 270 pour les plus
grands. Le type de matériel roulant varie selon les différentes
lignes du réseau. Par exemple, pour les lignes de bus circulant dans le
centre, le bus est de petite taille (capacité de 30 voyageurs). A
l'inverse, pour les lignes express, ce sont des bus doublement articulés
qui circulent, d'une capacité de 270 voyageurs. Par
l'intermédiaire de ces différents types de matériel
roulant, Curitiba propose un maillage fin de son territoire grâce
à son BRT.
Figure 23 : Types de matériel roulant,
Curitiba
41
Alors qu'il avait été imaginé au
départ pour transporter en moyenne 55 000 voyageurs chaque jour, selon
la revue Urbanité, le réseau de bus de Curitiba en transporterait
en moyenne plus de 2,4 millions en 2014 (Urbanités, 2014). En 40 ans, la
fréquentation du réseau de bus a donc connu une augmentation
considérable de sa fréquentation. Ainsi, selon
l'IPPUC16, près de la moitié des
déplacements de la ville s'effectuaient en transport en commun, contre
seulement 22% en véhicule particulier. Il convient
également de noter la part importante (25%) des déplacements en
modes doux (marche et vélo).
Figure 24 : Répartition modale des
déplacements à Curitiba en 2002
Cette augmentation significative de la fréquentation
des lignes de BRT est étroitement liée à la croissance
démographique accélérée de la ville. Elle
témoigne néanmoins du succès du BRT auprès de la
population locale. Ce succès a été confirmé par la
CARFREE qui a mené une enquête de satisfaction auprès des
voyageurs en 2006. Il s'est avéré que près de 90% des
voyageurs étaient satisfaits du service. Ce succès s'illustre
également par la récompense du « prix de la cité la
plus innovante du monde » en 1996 lors du sommet mondial des maires et
urbanistes d'Istanbul. Le réseau de BRT aurait contribué à
la diminution des embouteillages de Curitiba, de la consommation de carburant
tout en améliorant la qualité de vie de la population (TENDANCES,
2013).
16 IPPUC : Instituto de Pesquisa Planejamento Urbano
de Curitiba
42
2.1.2 Victime de son succès
Alors que le BRT de Curitiba a longtemps été
présenté par les scientifiques, élus et professionnels de
l'aménagement comme le modèle du BRT, le système montre
depuis peu de nombreux signes d'essoufflements (Urbanité, 2014).
Figure 25 : File d'attente en station en heure de
pointe
En effet, le réseau de BRT est saturé en heure
de pointe, comme le témoigne le temps d'attente des voyageurs aux
arrêts, pouvant atteindre 45 minutes17. En plus d'un temps
d'attente important, la vitesse de circulation des BRT n'est plus performante
depuis quelques années. A titre d'exemple, elle s'élevait
à 17 km/h en 2013 alors qu'elle devrait être théoriquement
de 25 km/h (E. Blanco, K. Zheng, 2014). La vitesse de circulation et la
régularité des lignes BRT
ont longtemps constitués des atouts en faveur du bus
dans sa concurrence avec l'automobile, or ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Cette tendance a été confirmée par un professeur
d'économie
à l'Université fédérale du
Paramà, interrogé par le journal Le Monde, estimant que «
même les couloirs réservés aux bus sont embouteillés
aux heures de pointes » (Le Monde, 2014). Cette congestion sur les voies
en site propre résulte de la fréquence soutenue des bus, qui est
d'un véhicule toutes les minutes en heure de pointe.
Outre une saturation globale du réseau, le prix des
titres de transports est trop élevé aux yeux de la population
locale. Il s'élève à 2,70 reais, soit 0,82 centimes
d'euros (PL Alouche, 2014). Or compte tenu du niveau de vie de la population
locale, dont le revenu moyen mensuel des actifs de la ville s'élevait
à 660 euros en 2010 d'après l'IBGE, les tarifs actuels ne sont
pas accessibles à toutes les catégories sociales. Ces prix
élevés ont entrainé des manifestations de la population
pour demander une baisse des tarifs, Curitiba ayant le prix des titres de
transports collectifs les plus élevés du pays (Le Monde,
2014).
17 Le Monde en 2014. « Au Brésil,
Curitiba, l'ex-ville modèle d'Amérique latine, peine à se
réinventer ». Thomas Diego Badia.. Disponible sur :
http://mondeacplanete.blog.lemonde.fr/2014/03/27/au-bresil-curitiba-lex-ville-modele-damerique-latine-peine-ase-reinventer/
Bien que de nombreuses actions apparaissent afin
d'étendre son système et d'améliorer son efficacité
(aménagement de nouvelles priorités des bus aux carrefours
à feux, fréquences des bus pouvant aller jusqu'à un bus
par minute, matériel roulant doublement articulé pouvant
transporter 270 voyageurs), le système semble montrer ses limites. Au
regard de l'article publié par le revue Urbanités, le BRT
n'apparait plus efficace comme il pouvait l'être auparavant, conduisant
de nombreux usagers à utiliser quotidiennement l'automobile. Par
conséquent, le nombre de véhicules particuliers ne cesse
d'augmenter ces dernières années sur le territoire, entrainant
des problèmes de congestions routières. A titre d'exemple,
d'après le journal Le Monde, le nombre de voitures par habitant
croît chaque année. En 2013, un habitant possédait en
moyenne 1,3 automobile, soit la ville du pays possédant le plus de
voiture par habitant. Outre un taux de motorisation élevé chez
les habitants, les problèmes de congestions routières sont de
plus en plus nombreux dans la ville.
Le BRT ne semblant plus pouvoir répondre à la
demande de déplacement de la population, la municipalité a par
conséquent décidé de se tourner vers la mise en service
d'un métro. La première ligne était prévue pour
2015, aujourd'hui le projet n'a toujours pas vu le jour pour cause de
financement18 toutefois dans un avenir proche cette nouvelle ligne
(Urbanité, 2014), devrait s'implanter en dessous de l'axe Nord-Sud de la
principale ligne du BRT sur une longueur de 15 kilomètres. L'objectif de
cette ligne étant d'absorber une partie des utilisateurs du BRT, qui
transporterait d'après PL Alouche plus de 25 000 voyageurs par heure,
contre seulement 18 000 pour le BRT. Pour un même trajet, le métro
transporterait donc plus de voyageurs que le BRT. Au regard de la revue
Urbanités, aux yeux de la population et de certains élus locaux,
l'arrivée du métro revient à reconnaitre
l'échec du système de BRT. En plus du
développement du métro, près de 300 kilomètres de
pistes cyclable seront créés, afin d'offrir au total plus de 400
kilomètre de voies cycles sur l'ensemble de la ville (E. Blanco, K.
Zheng, 2014).
Figure 26 : Projet de métro à
Curitiba
44
La volonté de Curitiba est toujours de limiter
l'utilisation de l'automobile, en revanche la stratégie est
différente depuis quelques années : elle s'axe désormais
autour du développement du métro et des modes de
déplacements doux. A terme, il est probable que le réseau du BRT
diminue au fil des années, au profit du métro qui semble plus
adaptée à la demande actuelle de déplacement du
territoire, surtout si la démographie continue à croitre.
Devant l'augmentation de la population et la demande
grandissante en déplacement, le système BRT à Curitiba a
été en perpétuel évolution durant de nombreuses
années afin de s'adapter aux enjeux du territoire. Toutefois, le
coût élevé des titres de transports associé à
une qualité de service dégradée (temps de parcours
élevés, irrégularité des lignes, confort
médiocre) causée en partie par la surcharge du réseau
entrainent un report modal du BRT vers l'automobile.
Le BRT montre actuellement ses limites et n'apparait
plus adapté aux enjeux du territoire en termes de déplacement. La
construction d'un métro est par conséquent devenue
inévitable.
En conclusion, l'exemple du BRT de Curitiba met en
lumières les limites du BRT : lorsque la demande en déplacement
est trop grande, le BRT ne peut pas assurer le transport de voyageurs dans de
bonnes conditions. Toutefois, Curitiba semble être l'une des rares villes
au monde à avoir réussi à démocratiser
l'utilisation des bus. L'utilisation des BRT au quotidien pour des
déplacements pendulaires est devenue peu à peu un «
réflexe » pour la population locale, à tel point que le
réseau de bus ne suffise plus à répondre à la
demande de déplacement de la population.
45
1.5 L'exemple du BRT de Johannesburg
Si dans l'exemple précédent nous avons pu mettre
en évidence les particularités techniques des lignes de BRT et
leur fonctionnement à travers le temps, je propose dans ce nouvel
exemple de s'attacher d'avantage au contexte politique qui accompagne
l'émergence de projet de transport d'une telle influence. Nombre de pays
d'Afrique subsaharienne restent encore aujourd'hui marqués par la
période coloniale qui a dicté leur organisation gouvernementale
pendant de très nombreuses décennies. Le secteur des transports
en Afrique du Sud en a été particulièrement marqué
et la mise en place d'un tout nouveau réseau de transport par
l'intermédiaire d'une création de ligne de BRT, a rappelé,
et interrogé cet héritage colonialiste. La période
d'apartheid qui a su diviser la population sud-africaine l'a effectivement
séparé à de nombreux niveaux et la construction des
réseaux de transport est directement liée à cette
période de l'histoire du pays. Si aujourd'hui ce temps est révolu
dans les faits, dans le monde des transports la réalité est
encore tout autre.
Afin d'appréhender efficacement les questions
politiques liées à la gestion des réseaux de transports en
Afrique du sud il parait important de rappeler tout d'abord les logiques
d'urbanisation qui ont accompagné le développement du pays. Ces
premières informations offriront des éléments de
compréhension aux logiques de déplacements ainsi qu'à
l'organisation des transports urbains qui sera traitée dans la partie
suivante. Enfin après avoir évoqué les nouvelles
directives de l'action publique en matière de mobilité nous
mettrons en évidence les tensions autour de l'émergence d'un
système intégré.
1.5.1 Urbanisation et déplacements
En Afrique Australe l'accessibilité pose souvent
problème à l'intérieur de la ville en raison à la
fois de l'apartheid mais également en raison de l'absence de
coordination entre planification des transport et planification des
établissements humains. La période de l'apartheid a laissé
sa trace dans la morphologie urbaine avec la présence de faible
densité que la période post-apartheid a su renforcer en
développant des aires suburbaines riches le plus souvent
protégées. En parallèle les anciennes zones tampons ont
à plusieurs reprises connu des installations informelles ou alors du
fait de leur faible attractivité en raison de leur proximité avec
des industries, ou de quartiers jugés malfamés sont
restées vacantes
46
En conséquence, le phénomène
d'urbanisation a pris de l'ampleur du côté des littoraux,
éloignés des anciens townships et des
agglomérations. Par ailleurs la disponibilité et le prix des
terrains, le relogement des habitants des campements informels s'effectue
depuis une dizaine d'années essentiellement dans les zones
périphériques particulièrement mal reliées aux
infrastructures et aux bassins d'activité.19
2.2.2 Quid de la mobilité en Afrique du
Sud
La part de l'automobile s'accroît petit à petit
dans le partage modal des quartiers périphériques. Cette tendance
est à rapprocher du développement des infrastructures de types
parkings, centres commerciaux et voies rapides, de la périurbanisation
ainsi que de l'apparition de nouveaux modes de vie pour les classes moyennes et
supérieures. D'autant plus, que pour les populations concernées,
les transports en commun sont associés dans leur imaginaire à la
violence et à la promiscuité avec des groupes dont les ressources
financières sont moindres.
Si on fait le point sur les modes de déplacements des
citadins nous constatons une forte disparité des pratiques. Par exemple
l'usage de l'automobile est relativement répandu auprès des
classes aisées et suis l'étalement d'agglomération
très vastes20 alors que la majorité des habitants ne
disposent que d'une mobilité limitée qui repose essentiellement
sur la marche et les transports collectifs. Une enquête nationale
(Department of Transports RSA, 2005) faisait apparaître que les trois
quarts des Sud-Africains n'avaient pas accès au train, ce chiffre
s'abaissant à 38 % pour les bus.
Figure 27 : Accessibilité par la marche
à la station de transport en commun la plus proche.
Johannesburg
19 VERMEULIN, S. (2006) Centralités métropolitaines
et disparités socio-spatiales. Le cas de Durban (Afrique du Sud)
20 1 643 Km2 pour la municipalité de
Johannesbourg, 2 292 Km2 pour Durban, 2 455 Km2 pour Cape
Town
47
Des études menées depuis plusieurs années
s'accordent à dire que pauvreté et mobilité sont
liées. Dans le cas présent plus les habitants sont pauvres moins
ils se déplaces, toutefois plus leurs déplacements leur
coûtent par rapport à leurs revenus. La part des ressources d'un
ménage peut ainsi atteindre 50 % pour le seul accès aux
transports notamment pour ceux dont les revenus sont inférieurs à
800 rands.21La mobilité est donc bel et bien un facteur de
différenciation sociale en Afrique du Sud encore peut-être
davantage qu'ailleurs.
Concernant les quartiers les plus défavorisés
tels que certaines zones des townships, les campements informels ou
encore les secteurs ruraux la mobilité repose principalement sur les
modes doux dont la marche. Ce sont ensuite les transports de passagers
terrestres dont l'image et l'efficience ne sont pas toujours en phase avec les
attentes des usagers. Les lignes de train existante à destination des
périphéries sont largement sous utilisées (6 à 7%
des navettes à Durban en 2004) en raison de
l'insécurité et de la vétusté des installations.
Figure 28 : Utilisation d'un mode de transport
motorisé par les habitants des métropoles
sud-africaines
Les bus et surtout les taxis-minibus constituent donc, avec la
marche, le véritable socle de la mobilité de la majorité
des Sud-Africains. La tendance actuelle montre une progression de la voiture
personnelle dans le partage modal pour les années à venir. La
mobilité en Afrique du Sud est principalement l'affaire de moyens de
transports privés (individuels ou collectifs) dont les objectifs
s'articulent d'avantages autour de la rentabilité et de l'optimisation
du rapport coût-distance-temps plutôt qu'autour du
développement durable.
21 Vermeulin et Sultan Khan, mobilité urbaines
et durabilité dans les villes sud-africaines
48
2.2.3 Les acteurs du transport urbain
Le transport urbain sud-africain est un secteur tumultueux. Ce
caractère bouillonnant, est en partie lié au passé du pays
mais aussi à la complexité des jeux d'acteurs qui s'y
déroulent. « Pendant la période de l'apartheid,
l'organisation des transports publics servait avant tout les objectifs
ségrégationnistes du pouvoir blanc et les intérêts
économiques. Les liaisons domicile-travail des employés noirs
s'articulaient de façon à éviter les quartiers blancs
alors que les compagnies municipales de bus organisaient le transport des
populations blanches essentiellement à l'intérieure des aires
centrales et péricentrales. Il en résulte un réseau radial
d'où émerge le centre-ville comme seule véritable
plate-forme multimodale, imposant souvent aux usagers une ou plusieurs
correspondance(s). Aussi face aux carences des transports publics mis en place
au niveau local, une multitude d'opérateurs privés de bus et de
taxis-minibus est apparue dans les townships et a développé
depuis plusieurs décennies une industrie très concurrentielle.
22» A l'origine, ces petits opérateurs privés ne
disposaient que d'un ou deux véhicules et n'exploitaient qu'une ligne.
Très vite, leur nombre a connu une extraordinaire croissance et leur
réseau s'est étendu à de nombreux nouveaux quartiers. Le
succès de ce réseau de transport informel représente
« une des plus belles réussites de l'entrepreneuriat noir et la
réussite d'un système marginalisé durant l'apartheid
»23 A la chute du régime de l'apartheid, ce secteur
artisanal s'était déjà étendu à l'ensemble
des métropoles sud-africaines. Aussi l'African National Congress (ANC)
alors arrivé au pouvoir en 1994 ne pouvait que reconnaître leur
rôle essentiel dans le transport urbain de passagers remettant à
plus tard le dossier sensible que constitue la régulation de ce
secteur.
Il faut avoir à l'esprit également, que
contrairement à de nombreux pays occidentaux, le transport collectif en
Afrique du Sud n'est pas perçu comme un service public permettant
à chaque citadin d'accéder à la mobilité, mais
comme un secteur géré en majorité par des
opérateurs privés et ne concernant au final, que les
ménages n'ayant pas suffisamment de ressources pour disposer d'une
voiture.24 En conséquence c'est une logique de profit ou
d'optimisation matérialisée par le délaissement des
trajets et des horaires les moins rentables qui domine. Toutefois pour
contrebalancer cette tendance les municipalités ont opté
récemment pour la création d'autorités locales de
régulation. En 2003, la municipalité de Thekwini à
22 Stephane Vermeulin et Sultan Khan «
Mobilités urbaines et durabilité dans les villes sud-africaines
» 2010
23 ibid
24 Ibid
49
Durban a été la première à
développer une Transport Authority, organe qui, bien
qu'indépendant, est placé sous la tutelle du gouvernement local
dont les élus forment l'ossature du conseil d'administration. La
municipalité devient alors un « arbitre » du secteur des
transports urbains et, en tant que tel, doit céder sa propre compagnie
de bus.25
2.2.4 Tensions autour de l'émergence d'un
système intégré
Les éléments de contexte mentionnés
jusqu'à présent vont désormais nous permettre de mieux
comprendre les tensions qui ont entouré l'émergence de la
1ère ligne de BRT du pays. La réforme du
système de transport urbain entre actuellement dans une nouvelle
ère en Afrique du Sud. Relevant le défi de l'amélioration
de la qualité du service, d'une baisse de la congestion, de
l'intermodalité et d'une modification du partage modal, cette
réforme vient renforcer les actions menées en faveur du
développement durable26. A ce titre un premier projet de BRT
nommé Rea Vaya littéralement : « we are going in » a
été imaginé dans la ville de Johannesburg. Ainsi sur plus
de 59 km un corridor réservé aux bus a été mis en
place en juin 2009 reliant Johannesburg CBD, Braamfontein et Soweto.
2.2.5 Eléments de tension
Ce projet s'inscrit pour la collectivité dans la
volonté de développer un transport efficace, sûr, abordable
(entre 3 et 8 rands selon le trajet), moderne et au service des 2/3 de la
population qui ne disposerait pas de véhicule personnel. Toutefois,
avant même la mise en service de la ligne de nombreux points de blocage
ont fait surface.
Le premier et principal point de discorde reposait sur
l'intégration des opérateurs privés dans ce
nouveau système de transport. En apparence les pouvoirs publics
envisageaient, du moins laissaient à entendre que les opérateurs
de bus et de taxis-minibus s'associeraient afin de créer de nouvelles
associations à même d'exploiter les lignes BRT au nom de la
municipalité dans le cadre d'un contrat à long terme. Si
l'idée parait pertinente de prime abord, cette dernière
nécessite une entente sur la répartition des parts de chacun
des
25 Bellangère et al., 2004
26 ibid
50
associés dans les futures compagnies et qu'ils
respectent le cahier des charges imposé par la municipalité.
Encore, selon la municipalité de Johannesburg la modification de
l'industrie des transports devrait se faire sans perte ni création
d'emplois par le redéploiement d'une partie des chauffeurs de
taxis-minibus. La question attenante à la gestion des ressources
humaines restait épineuse, comment recenser les employés et leurs
compétences dans un secteur informel ? Un autre sujet matière
à questionnement restait l'attribution des lignes et surtout à
qui reviendrait les lignes les plus lucratives ?
Un deuxième point de désaccord, le BRT de
Johannesburg a été perçu comme un modèle
imposé sans alternative. En effet, le projet a
entièrement été pensé et développé
par le gouvernement local qui l'a par la suite présenté aux
opérateurs. Très vite ils l'ont perçu comme une
volonté d'imposer une réforme venant nuire à leur
business. La période de concertation a été mise en place
très tardivement ce qui a insufflé un vent de rancoeur et de
contestations important chez les opérateurs privés. D'autant plus
que tout taxi-minibus qui refusait de faire partie du projet se retrouvait face
à une très grande concurrence. Ne pouvant
bénéficier de la ligne de la voie de circulation de la ligne BRT
ils se retrouvent dans la congestion quotidienne de la métropole et
doivent modifier le tracé de leur ligne devant des compléments
informels à la ligne de BRT. Les relations entre les instances
gouvernementales et les opérateurs de taxis-minibus sont complexes. Pour
les premiers, « les taxis-minibus représentent à la fois une
des plus belles réussites de l'entrepreneuriat noir, mais aussi l'un des
secteurs les plus dangereux, incontrôlables et imprévisibles.
Depuis la fin des années 1990, le gouvernement a ainsi souhaité
mieux encadrer et organiser cette activité. Dans le cadre de l'action
qu'il a menée pour offrir aux personnes « historiquement
défavorisées » une meilleure intégration dans la
sphère économique, notamment par le biais du très
controversé Black Economic Empowerment (BEE), l'État
sud-africain tente de faire émerger des cadres et des dirigeants noirs,
indiens ou métis. De fait, les opérateurs de taxis-minibus
s'affichent comme des entreprises respectant en tous points les principes du
BEE. Ces opérateurs, de leur côté, sont aussi conscients de
représenter le mode de transport le plus utilisé en milieu urbain
et souhaitent, à ce titre, être consultés au cours du
processus de transformation de ce secteur.27
Ainsi, pendant la période de réflexion du projet
BRT mais également à la suite de la mise en exploitation de la
ligne de nombreuses grèves, des manifestations et des actions parfois
27 Vermelun et S khan
51
d'une grande violence ont secoué la ville. Pour
exemple, deux bus de Rea Vaya ont été pris pour cible à
Soweto en septembre 2009 à peine un mois après la mise en service
de la ligne, une fusillade ayant entraîné plusieurs blessés
et nécessitant l'intervention des forces de l'ordre pour accompagner les
nouveaux véhicules pendant leur trajets quelques jours après.
« Une quinzaine d'années après la chute de l'apartheid, les
arguments en faveur de la justice sociale ou de la
déségrégation n'ont visiblement plus le même
écho et ne semblent plus à même de supplanter les logiques
économiques d'un côté, préserver une activité
lucrative pour les entreprises symboles du BEE (Black Economy Empowerment) et
de l'autre, doter l'économie locale d'un système de transport
plus efficace. » Stéphane Vermeulin et Sultan Khan.
Finalement, la première décennie après
l'apartheid comprise entre 1994 et 2004 n'a pas fait l'objet de projet de
réforme des politiques de transports. Ce n'est qu'en 2007 que le
département national du transport déploie une large enquête
nationale sur ce sujet, ses résultats permettant de définir une
stratégie à l'échelle nationale avec des
déclinaisons locales. Ainsi entre 2007 et 2020 une stratégie
censée fonder un système de transport cohérent, efficace
et durable en Afrique du Sud est mise en place.28 «
L'affirmation de l'économie de marché et l'avènement de la
démocratie en Afrique du Sud ont amené les pouvoirs locaux, dont
les compétences ont été renforcées, à
organiser la mise en place de nouvelles compagnies de bus rapides en site
propre. Celles-ci s'inspirent souvent des expériences
étrangères (Curitiba notamment) et prennent
généralement la forme de consortiums incorporant une partie des
transports artisanaux actuels. »29
Les mobilités étant guidées par des
pratiques idéologiques ou culturelles pour l'Afrique du Sud l'ascension
sociale s'accompagne dans la plupart des cas par une mutation de la nature et
de la fréquence des déplacements. Le recours à la voiture
et la mobilité individuelle motorisée font encore figure
d'idéale dans une société où les groupes
aisés ne partagent que rarement l'espace public avec les autres groupes
de population.
Toutefois, « l'Afrique du Sud s'est lancée dans
une vaste refonte de son système de transport urbain avec pour objectifs
la durabilité et la régulation par une intégration des
taxis-minibus
28 Pillay, 2008
29 Vermullin, 2006
52
dans un système reposant sur le développement de
noeuds intermodaux ».30 Le système bus rapid transit
(BRT), par le développement de l'efficacité et le
développement d'un réseau de bus modernes à un coût
maîtrisé apparaît comme un modèle d'avenir, notamment
dans les métropoles des pays émergents où les
mobilités et le développement durable sont des enjeux majeurs.
Néanmoins, ce nouveau modèle nécessite une concertation
avec l'ensemble des acteurs concernés et ne doit pas ignorer ou
sous-estimer le rôle que jouent les transports dans la réduction
de la pauvreté.
3.Le BRT, un système de transport en vogue
3.1. Comprendre l'engouement pour les BRT
Le premier élément qui explique
l'intérêt pour la technologie BRT est son faible coût.
Doté d'infrastructures légères ces dernières
permettent de réduire drastiquement le coût total d'investissement
en comparaison à un métro lourd. « L'investissement initial
total dans le processus de planification, la construction des infrastructures,
les équipements technologiques et le matériel roulant pour
construire un système BRT est compris entre 1 et 10 millions US$ par
kilomètre alors que pour un métro il se situe entre 55 et 220
millions US$ par kilomètre »31. En conséquence,
pour un investissement équivalent, le système BRT peut desservir
jusqu'à 100 fois l'aire urbaine couverte par un métro. (Wright,
Fjellstrom, 2003). Concernant le coût opérationnel,
il s'agit de la même chose. Le système de BRT
apparaît ainsi comme un choix pertinent pour les collectivités qui
disposent de ressources limitées.
Un deuxième élément qui vient expliquer
l'engouement pour le projets BRT n'est autre que la rapidité de sa
construction. En effet, les infrastructures nécessaires pour soutenir un
tel système de transport sont relativement simples à mettre en
place et par conséquent relativement rapide à construire. Cette
composante temps a une dimension politique non négligeable dans la
mesure où les représentants des collectivités disposent
ainsi de suffisamment de temps pour
30 ibid
31 Lefevre Giraud, 2006
53
lancer le projet BRT et pour assister à son lancement.
Cette particularité des projets BRT est donc un formidable moyen e
booster une carrière politique.
Par ailleurs, la mise en place d'un système de BRT
c'est également l'assurance de satisfaire un flux passager important,
comparable à ceux drainés par les métros. Pour cela la
technologie qui viendra accompagner le réseau BRT doit être en
mesure d'apporter des méthodes efficaces lors de la montée et de
la descente des voyageurs sans oublier la rapidité du processus d'achat
de titre de transports.
Enfin, un système de BRT c'est également
l'assurance d'une première solution pour la protection de
l'environnement et pour la lutte contre la pauvreté et par extension
pour la réduction des inégalités sociales. En effet, un
système de BRT s'engage à fournir une offre de transport de
qualité. La couverture de son réseau étant
considérable, un projet BRT offre ainsi aux populations modestes vivant
en périphérie de la ville et dépendantes des transports
publics l'opportunité d'accéder à de nouveaux bassins
d'emplois et de services. La restriction de voirie qu'occasionne la voie
réservée au passage de bus vient complexifier le trafic des
véhicules motorisés.
3.2 Leviers d'actions
A travers l'exemple du BRT de Johannesburg et de la
singularité des systèmes de transport africains nous comprenons
que la réussite d'un système de BRT en Afrique n'est pas chose
facile. L'ensemble des spécificités locales ; cadre
institutionnel des transports publics, habitudes de vies, contexte historique
... sont autant de paramètres à prendre en compte pour s'assurer
de la réussite d'un tel projet de transport. Néanmoins, plusieurs
leviers d'actions sont identifiables. Mon expérience de terrain
associée à l'étude des modèles de BRT
présentés précédemment ont permis de mettre en
évidence plusieurs moyens d'actions en faveur du développement de
système de BRT.
54
3.2.1 Des politiques locales fortes et
engagées
En premier lieu nous retiendrons la nécessité de
politiques locales fortes et engagées en faveur du développement
de l'offre de transport. En effet la crise du transport urbain en Afrique est
due à la faiblesse et à la fragmentation des structures de
gouvernance. Les différents modes de transports en commun sont
fragmentés et non coordonnées, dominés par le secteur
informel avec des véhicules de faible capacité, vieux, polluant
et dont l'efficacité soulève encore des questions. Ces derniers
fonctionnent sans un cadre institutionnel et réglementaire clair. La
congestion et la pollution dans les zones urbaines est le résultat de
cette désorganisation. Un facteur clé de succès pour la
mise en oeuvre et le développement du BRT en Afrique réside donc
dans une forte volonté politique qui accorde la priorité au
transport public. La création réfléchie d'autorité
organisatrice de la mobilité distinctes en fonction des contextes semble
être un point de départ nécessaire. Une répartition
mesurée des compétences des acteurs apparaît aussi comme un
levier d'action prioritaire.
Par ailleurs, les politiques de transports recouvrent un
ensemble de mesures pratiques allant de l'amélioration des
véhicules à l'offre de moyens de transport collectifs peu
polluants, rapides, confortables et toutefois bon marché, en passant par
des instruments économiques agissant sur les prix en
général destinés à soutenir et à
compléter les autres mesures, fondées sur la
réglementation et l'offre d'infrastructures.
Aussi, une meilleure efficience des BRT rime avec un
système de transport public intégré et efficace. Celui-ci
contribue à l'amélioration de la qualité de vie urbaine et
constitue un déclencheur pour l'accessibilité aux
possibilités d'emploi, à la formation et au perfectionnement des
compétences, aux services essentiels et réduit l'exclusion
sociale.
En parallèle, l'accentuation ou la
réorganisation des politiques locales est aussi à envisager en
cohérence avec la planification spatiale. Le développement du BRT
doit être intégré à une stratégie
d'utilisation des terres. En effet, le bénéfice à long
terme le plus important d'un transport rapide de masse de type BRT est sans
aucun doute son effet de concentration du
développement urbain dans des corridors
d'accessibilité. Il offre ainsi les conditions pour résister
à un étalement urbain diffus. Toutefois cette opportunité
ne peut devenir réalité que si la mise en place d'un BRT
s'accompagne de politiques d'usage des sols et de transports adéquate.
En effet la construction d'un Transport Rapide de Masse (TRM) augmente la
mobilité ce qui se traduit généralement par une
augmentation de l'aire urbaine. Il est donc nécessaire d'encadre la
construction d'un BRT par une politique d'usage des sols.
Ceci défend une planification intégrant
explicitement les effets de localisation et relocalisation dus aux
infrastructures de transport, c'est-à-dire intégrant
l'interaction entre le transport et l'utilisation des sols. Parce que ces
interactions sont particulièrement complexes, une façon
d'évaluer les impacts des politiques intégrées transport
et usages des sols, est d'utiliser les modèles de simulations dynamiques
urbaines, basés sur une compréhension approfondie des
mécanismes de choix de localisation et de transports. Ces modèles
sont complexes et exigent au minimum un système d'information
géographique (SIG) bien renseigné de la ville. Pour cette raison,
ils sont encore peu utilisés en Afrique subsaharienne. Même s'il
reste encore beaucoup à faire pour comprendre les interactions entre
urbanisme et politique de transport, il est possible, sur la base de nombreuses
expériences de tracer les grandes lignes des combinaisons politiques de
transport et politiques d'usage des sols qui sont requises pour
infléchir significativement les tendances inquiétantes des
évolutions en cours. Elles sont résumées dans la figure
ci-dessous qui décrit la « tenaille » des politiques
complémentaires susceptibles de maitriser les émissions du
transport dans les villes émergentes.32
Figure 29 : La tenaille des politiques de
réduction des émissions des transports urbains (source : Giraud -
Lefevre)
55
32 Les défis énergétiques de la
croissance urbaine au sud, Pierre-Noël Giraud, Benoit Lefèvre
56
3.2.2 Les subventionnements
A l'heure actuelle, développer un modèle de BRT
fait partie des solutions de transport de masse les moins onéreuses.
Toutefois, même si son prix est attractif la mise en place d'un tel
système repose sur la nécessité pour les
collectivités de disposer de fonds suffisamment important. Or le propre
de beaucoup de pays d'Afrique Subsaharienne est de justement de ne disposer de
très peu de ressources. Ainsi, le problème financier est
posé et peu contraindre le développement de ce modèle de
transport. Les enjeux de financements d'un système intégré
de transport montrent de grandes différences de normes de
réglementation du secteur entre l'Afrique subsaharienne et la France par
exemple. Rappelons-nous le cas des transports publics au Cameroun, ces derniers
ne peuvent bénéficier de financement public. L'unique solution
pour les municipalités est alors de créer des systèmes
rentables, toutefois pour atteindre cet équilibre il faut souvent
sacrifier la qualité du service offerte aux usagers. La loi ne facilite
donc pas le développement d'un service de qualité. On en revient
alors à la nécessité de recourir à des subventions.
Il parait déterminant d'adapter le réseau au territoire et ne pas
sacrifier la qualité du service (sécurité,
commodités et insertion urbaine) à la rentabilité
financière du système en surchargeant les unités ou en
surévaluant la vitesse commerciale sur un axe, au risque de créer
une fracture dans la ville.
En définitive, pour qu'un système de BRT voit le
jour dans des conditions optimales il convient de fournir des subventions aux
collectivités afin qu'elles puissent s'engager dans le lancement d'un
nouveau dispositif de transport fiable.
57
Finalement cette dernière partie aura pu nous
éclairer sur les différents facteurs d'engouement du
modèle de BRT en Afrique. Peu couteux, rapidité de construction,
capacité importante de voyageurs, solution contre la pauvreté et
la préservation de l'environnement le modèle BRT semble
être une opportunité de transport intéressante pour les
pays africains en voie de développement. Toutefois, pour s'assurer du
succès d'une telle opération de profondes réflexions et
mutations doivent être engagé au niveau des politiques d'urbanisme
et de transports. La question du financement reste aussi déterminante
dans la réussite d'un projet de BRT.
Conclusion
Les transports publics en Afrique subsaharienne entrent
désormais dans une nouvelle aire. Une prise de conscience commence
à s'opérer quant à la nécessité de proposer
un réseau de transports urbains fiable et plus respectueux de
l'environnement. A l'instar des grandes agglomérations d'Amérique
Latine, le continent Africain se laisse désormais séduire par un
modèle de transport de masse, le Bus Rapid Transit. Initié par le
Brésil au cours des années 70 ce modèle s'est largement
propagé jusqu'à atteindre les côtes du continent africain.
Fasciné par le succès d'un tel réseau le Nigéria
est le premier pays du continent à se lancer dans la mise en place de ce
modèle. Les particularités urbaines du pays et plus
précisément de la ville de Lagos dans lequel le BRT est
implanté diffèrent considérablement des
phénomènes urbains d'Amérique Latine. Le système de
transport de la ville s'organise désormais en conséquence et
propose une alternative de transport plutôt fiable capable de drainer
plus de 180.000 passagers par jour. Sa rapidité, sa sureté et sa
fiabilité ont ouvert la voie à d'autres projets BRT. L'Afrique du
Sud s'engage elle aussi dans ce nouveau modèle à la fin des
années 2000 et désormais c'est le Sénégal qui se
lance dans un projet de BRT.
Si le Bus Rapid Transit apparaît aux yeux des
états comme une solution idéale la réalité de sa
mise en place est souvent plus complexe qu'il n'y parait. En effet, parfois,
lorsque le
58
projet ne fait partie d'une démarche de concertation
appuyée avec les différents opérateurs de transports de la
ville, comme ce fut le cas en Afrique du Sud, de vifs conflits peuvent avoir
lieux. Au-delà de simples revendications, le lancement de projet de
transport de telles envergures vient parfois rappeler le caractère
historique de l'organisation de la nation. Les conflits entre les taxis et la
municipalité de Johannesburg ont par exemple soulevés des
questions sociétales extrêmement fortes.
Dans cette même lignée l'organisation complexe du
système de transports en Afrique subsaharienne est étroitement
liée à la période post-coloniale. Au sortir des
périodes d'indépendances dans les années 60, les nations
ont dû réorganiser tous les domaines du gouvernement. Ainsi, le
secteur des transports n'a pas toujours fait l'objet d'attentions
particulières et si pendant plusieurs décennies des
systèmes de transports publics se sont développés le
manque d'organisation à l'échelle des collectivités a eu
raison de ces premières organisations de transports publics. La
croissance démographique et la transition urbaine fortes,
associées à la vétusté des matériels
roulants ont sonné le glas pour les transports publics. Les
collectivités dépassées par le phénomène ont
alors promulgué la libération du secteur des transports dans
l'espoir de trouver un équilibre autonome entre l'offre et la demande.
Cet équilibre espéré n'a jamais eu lieu et n'a fait que
complexifier l'industrie des transports en multipliant le nombre d'acteurs de
l'industrie des transports.
Toutefois, les projets de BRT sur le continent s'inscrivent
dans une volonté profonde de changement, pour une meilleure efficience
des transports publics. Accessibles, sûrs, pratiques, efficaces, les BRT
constituent une solution en matière de déplacement tout à
fait pertinente pour ses pays déjà accoutumés au
réseau de bus et dont les finances ne sont pas excessivement
élevées. Néanmoins bien que les conditions d'exploitations
soient favorables à l'essor de ce modèle en Afrique
subsaharienne, le cadre institutionnel du secteur des transports reste encore
soumis à quelques révisions. Le succès de tels projets est
étroitement lié à une bonne organisation des politiques de
transports et d'usage des sols. La question des financements est
également à appréhender en profondeur.
59
Si la révolution des transports publics commence
à s'opérer en Afrique, cette transformation ne se fait pas
uniquement avec les acteurs locaux. Partenaires financiers et
spécialistes de l'aménagement travaillent ensemble pour offrir un
cadre solide à l'industrie de transport africaine en pleine mutation.
Cependant l'équilibre de ces coopérations parfois fragile
interpelle. Rentabilité économique, modèle de BRT «
à la chaîne », non considérations des
particularités locales, accompagnent aussi les projets de BRT
appauvrissant le potentiel des futures lignes de transports. Le principe de BRT
ne doit de fait pas être pensé comme la seule solution de
transport. Le véritable pouvoir d'action pour des projets BRT en
cohérence avec l'environnement social, urbain et économique du
pays dans lequel il s'implante n'en reste pas moins, des politiques locales
fortes et engagées pour un renouveau de l'organisation des transports
collectifs. Dans des métropoles marquées par de profondes
disparités socio-spatiales et des rapports à la mobilité
très contrastés, la réforme du système de transport
urbain semble devenir une nécessité.
Ce dernier point, c'est-à-dire la nécessaire
implication locale en faveur d'une évolution positive des politiques de
transport aura retenu mon attention tout au long de mon alternance. En effet,
à travers le suivi de dossiers relatifs à des projets de
transports qu'il s'agisse de plans de circulation, de projet PDIE et ici
à travers l'exemple des projets BRT j'ai développé une
certaine sensibilité à la question de la planification des
projets de mobilité. Plus que l'exploitation des réseaux de
transport c'est toute la partie amont, d'organisation et de réflexion
autour d'un projet de transport qui attise désormais mon
intérêt. A mon sens, le premier pas nécessaire à la
réussite d'un projet de mobilité trouve racine dans la
réflexion qui aura encadré et nourrit ce projet. Aujourd'hui
cette expérience professionnelle en bureau d'étude m'a
apporté la confirmation de vouloir poursuivre dans une carrière
où j'aurais la possibilité de participer à la mise en
forme des logiques de transports d'une commune ou d'une région. Ma
découverte des projets de transport de masse en Afrique subsaharienne
par l'intermédiaire du système de Bus Rapid Transit me pousse
également à me tourner vers l'international. A l'heure de la
révolution environnementale, la réorganisation en faveur de
politiques de transports capable de répondre aux besoins de
déplacements des populations notamment dans les pays dits « du Sud
» représente l'un des défis majeurs du XXIème
siècle. A ce titre j'aimerais vivement pouvoir apporter ma contribution
dans la réflexion autour de projet BRT mais aussi dans le
déploiement d'un réseau de transport maillé et
multimodal.
60
Annexes
Annexe 1 : Indicateurs de l'urbanisation par pays, 1960
- 2010
Source : Les nouveaux territoires urbains d'Afrique de l'Est,
dominique Harre, Hervé Gazel et François Moriconi-Ebrard
disponible sur
tem.revues.org
61
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Entretiens :
Fabrice GRASSET, chef de projet Transports Urbains et
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65
Bernard BARADEL, directeur de projets Transports, SCE le
17/07/2017
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