Paragraphe 1 : Revue de littérature
Il s'agit ici de présenter les concepts de
l'étude. Ensuite, il est question de présenter la revue
théorique et empirique relative à cette étude
organisée par thématique.
1. Clarification des concepts 1.1. Services financiers
mobiles
Les services financiers mobiles sont des services financiers
fournis via des téléphones mobiles, des ordinateurs personnels,
Internet ou des cartes liées à un système de paiement
numérique fiable (Ozili, 2018). Selon Gomber et al., (2017), les
services financiers mobiles englobent une
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Services financiers mobiles, inclusion financière
et croissance des dépôts bancaires dans
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multitude de nouveaux produits financiers, activités
financières, logiciels liés à la finance, ainsi que de
nouvelles formes de communication et d'interaction client fournies par les
sociétés de technologie financière et les fournisseurs de
services financiers innovants. Bien qu'il n'existe pas de définition
standard des services financiers mobiles, il existe un consensus sur le fait
que les services financiers mobiles comprennent tous les produits, services,
technologies et infrastructures permettant aux particuliers et aux entreprises
d'avoir accès à des moyens de paiement, d'épargne et de
crédit via Internet sans avoir besoin de visiter une agence bancaire ou
sans traiter directement avec le prestataire de services financiers.
1.2. Inclusion financière
L'inclusion financière définit la
possibilité pour les individus et les entreprises d'accéder
à moindre coût à toute une gamme de produits et de services
financiers utiles et adaptés à leurs besoins (transactions,
paiements, épargnes, crédit et assurance...) proposés par
des prestataires fiables et responsables (world Bank, 2012). Klapper &
Singer (2014) définissent l'inclusion financière comme
l'accès et l'utilisation de services financiers appropriés,
accessibles et abordables. Elle peut être également définie
comme l'utilisation de services financiers formels par les pauvres (Beck,
Demirguèc-Kunt & Levine, 2007; Bruhn & Love, 2014). L'inclusion
financière implique donc l'augmentation du nombre d'individus
(principalement pauvres) ayant accès à des services financiers
formels, principalement par le biais de comptes bancaires formels, ce qui
contribue à la réduction de la pauvreté et à la
croissance économique (Beck et al., 2007; Bruhn & Love, 2014).
1.3. Dépôts bancaires
Selon la BCEAO (2010), les dépôts bancaires sont
une somme reçue de la clientèle par une banque, avec ou sans
stipulation d'intérêt, et le droit pour la banque d'en disposer
pour les besoins de son activité, mais sous la charge d'assurer au
déposant un service de caisse. Les dépôts peuvent
êtres des dépôts à vue (comptes chèques,
comptes courants, et les comptes sur livrets d'épargne) dont le
propriétaire a la libre disposition à tout moment, ou des
dépôts à terme (compte à terme, bon de caisse, etc.)
que le client ne peut réclamer avant un certain délai. Diamond et
Dybvig (1983) donnent une définition plus nuancée et
considère que les dépôts bancaires constituent des fonds
reçus du public par une banque sous forme de dépôts avec le
droit de disposer pour son propre compte mais à charge de restituer.
Pour ces auteurs, les dépôts constituent le principal engagement
de la banque.
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2. Eléments de littérature sur le lien
ente finance mobile et inclusion financière
La théorie relative à la technologie
numérique et à l'inclusion financière commence par le fait
que la plupart des exclus financiers ont au moins un téléphone
portable comme atout et que la fourniture de services financiers par cette
technologie pourrait accélérer l'inclusion financière des
pauvres (Banque mondiale, 2014b). En effet, Ozili (2018) a montré que la
finance numérique a un impact sur l'inclusion financière
grâce à l'accès des communautés vulnérables
aux services financiers ainsi qu'à la rentabilité des banques en
raison des avantages tirés de la non-installation de nouvelles agences.
De même, Chu (2018) considère que la technologie mobile est un
tremplin pour l'inclusion financière numérique. En effet, il
montre que les facteurs clés de la prolifération des technologies
mobiles, tels que l'accessibilité, la disponibilité et le
caractère abordable d'un écosystème financier ouvert, sont
également les facteurs déterminants d'une inclusion
financière numérique forte et durable (Chu, 2018). La technologie
mobile est donc apparue comme une meilleure alternative pour corriger les
imperfections de la finance formelle (Alexandre & Eisenhart, 2013). Par
exemple, le Partenariat mondial pour l'inclusion financière a mis
l'accent sur le développement et la pénétration rapide
d'innovations numériques dans le secteur financier afin
d'accélérer la fourniture de services financiers. De même,
en analysant l'impact des envois de fonds sur l'inclusion financière en
El Salvador sur 937 ménages à l'aide d'une technologie à
variable instrumentale, Anzoategui, Demirguc-kunt et Periåla (2014) ont
découvert un impact positif des envois de fonds sur l'inclusion
financière en termes d'augmentation des dépôts des
ménages, effet malheureusement non significatif et robuste sur les
crédits. Pour ces auteurs, une forte inclusion financière par le
biais de la technologie numérique peut réduire les coûts
d'envoi et de réception des transferts, ce qui pourrait davantage
motiver les migrants à envoyer et les ménages à recevoir
des envois de fonds. Dans le même esprit, Ravi et Gakhar (2015) montrent
que l'avantage comparatif en termes d'infrastructure et de réseau de
clients permet aux technologies numériques d'accélérer
l'accès aux services financiers. De plus, Björkegren et Grissen
(2015) estiment que l'accès au crédit via les technologies
numériques est une promesse d'inclusion financière. Ainsi,
utiliser le téléphone mobile pour obtenir du crédit peut
aider à prévoir les paiements de crédit des ménages
et à éviter les défauts de paiement. De même, Sinha
et Highet (2017) soutiennent que la technologie mobile dans les pays en
développement favorise une pénétration effective du
système de financement auprès des populations mal desservies. Par
exemple, avant l'introduction de MPESA au Kenya, seuls 26,4% des adultes
avaient accès à des services financiers formels en 2006. Ce taux
était passé à 66,7% en 2013 (Muthiora, 2015).
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Cependant, au-delà de l'adoption de la technologie
numérique, une inclusion numérique complète d'une
économie nécessite l'extension des services de
télécommunication aux pauvres des zones rurales, ce qui est
très important pour la création d'une plate-forme de
communication numérique entre les clients et les agents d'argent mobile
en zones rurales. Cette inclusion numérique appelle dès lors la
mise en place d'un système de paiement sur la base de ces services de
télécommunication établis et contrôlés par la
réglementation, afin de clarifier les exigences relatives à la
connaissance du client et au statut juridique des agents d'argent mobile (AFI,
2018). Et enfin, l'accès des pauvres à tous leurs besoins
financiers et non financiers en ligne (Koh, Phoon et Ha, 2018). Les auteurs
font également valoir que les effets positifs de la finance
numérique sur le bien-être sont perçus par l'accès
aux comptes d'épargne, l'inclusion sociale et institutionnelle et
l'accès à une gamme diversifiée et améliorée
de services financiers tels que les paiements, l'épargne et le
microcrédit. En ce qui concerne le volet institutionnel, Djankov et al.,
(2005) ont enquêté sur le crédit privé dans 129 pays
et ont découvert que les droits de protection des créanciers et
la disponibilité des institutions diffusion l'information ont
favorisé une croissance financière inclusive. Ensuite, en tenant
en compte l'aspect institutionnel, Demirguç-Kunt et al., (2013)
affirment que pour stimuler l'inclusion financière, il y a un besoin de
réduire les défaillances du marché et favoriser la
transparence dans la circulation de l'information. Le NEPAD et l'OCDE (2009)
ont souligné que l'intermédiation financière a
progressé dans les pays dotés d'institutions juridiques solides
alors qu'elle demeure embryonnaire dans les autres malgré les
réformes substantielles qui ont été accomplies dans le
sens d'une plus grande libéralisation.
Cependant, compte tenu du développement rapide de la
technologie mobile dans les pays en développement, de nombreuses
études ont mis en évidence le rôle croissant de la
technologie mobile dans l'inclusion financière et le
développement inclusif en Afrique (Adrianaivo & Kpodar, 2012; Beck,
Senbet et Simbanegavi, 2014; Cull, Gine , Harten, Heitmann et Rusu, 2018). En
effet, Adrianaivo et Kpodar (2012) ont étudié l'impact de la
téléphonie mobile sur la croissance économique de 44 pays
africains entre 1988 et 2007. Ils ont découvert, à l'aide d'un
système GMM, que l'expansion rapide de la téléphonie
mobile avait un impact positif et significatif sur la croissance
économique grâce à l'inclusion financière. De
même, Senou et al., (2019) ont évaluer le rôle croissant des
technologies numériques utilisant le taux de pénétration
du téléphone mobile et l'utilisation d'Internet comme indicateurs
généraux de la dynamique de l'inclusion financière dans
l'UEMOA entre 2006 et 2017. Ils ont trouvé, à l'aide d'un
système GMM, qu'outre les effets spécifiques de la
pénétration du téléphone mobile et de
l'utilisation
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d'Internet, l'utilisation conjointe de ces deux technologies
est essentielle à l'inclusion financière dans les pays de
l'UEMOA. Beck et al. (2014), dans une étude sur le comportement
financier des ménages kényans, ont révélé
que la possession d'un téléphone mobile augmentait les
probabilités d'accéder à des services financiers au Kenya.
En outre, le Mobile Money Global Event (2017) organisé par la GSMA en
Tanzanie confirme ces résultats et montre que les progrès de
l'adoption et de l'utilisation efficace de l'argent mobile au cours des
dernières décennies sont une promesse pour les décennies
à venir (GSMA, 2017).
La technologie numérique est d'autant plus importante
qu'elle accélère les opérations de transfert international
en termes de coût et de délai de livraison. À cette fin,
une étude réalisée par la Banque mondiale en 2016 a
montré que le système de transfert traditionnel facturait
près de 10% de frais de transfert pour un délai de livraison
minimal d'un jour, tandis que le Bit Pesa en Afrique orientale et le Rebit aux
Philippines facturaient moins 3% de frais de transfert pour une livraison
immédiate (Banque mondiale, 2016). Par exemple, l'expéditeur au
Royaume-Uni achète et envoie des bitcoins qui sont immédiatement
transformés en shilling kenyan lors d'une réception au Kenya par
le destinataire (Sapovadia, 2018). De même, Alampay et al., (2017), dans
une revue systématique de 2 758 études empiriques sur l'impact
des services financiers mobiles dans les pays à revenus moyens et
faibles, ont révélé que les utilisateurs de services
financiers mobiles recevaient un montant de transfert plus élevé
que celui des non-utilisateurs. De plus, ils constatent que l'argent mobile
induit une augmentation de l'épargne. Dans le même esprit, Jack et
Suri (2014) montrent que le MPESA est utilisé de plus en plus pour
épargner. Ils notent également que les transferts via MPESA sont
rapides, instantanés et moins chers. Ainsi, lors d'un
événement malheureux, les individus bénéficient de
certains transferts de leurs proches via l'argent mobile (Jack & Suri,
2014). L'argent mobile a également réduit les pratiques
d'épargne informelle consistant à économiser de l'argent
sous des matelas ou à participer à des systèmes de
tontines, ce qui a entraîné une demande accrue de services
bancaires (Jack & Suri, 2014; Osafo-Kwaako al., 2018). Dans le même
sens, Shem et al., (2017) ont étudié le rôle des services
financiers mobiles dans le développement de l'inclusion
financière et la promotion de l'épargne dans certains pays
d'Afrique subsaharienne à partir de données provenant du Kenya,
de l'Ouganda, du Malawi et de la Zambie. Les résultats ont montré
que la disponibilité et l'utilisation de téléphones
mobiles pour fournir des services financiers augmentent les probabilités
d'épargne au niveau des ménages. En examinant l'impact de
l'argent mobile sur le transfert de ménage en Ouganda, Munyegera et
Matsumoto (2014) ont constaté que les utilisateurs de MPESA, en
particulier les personnes travaillant dans les villes et ayant des
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parents dans les villages, effectuent plus de transferts que
les non-utilisateurs de MPESA. De même, Ghosh (2012) montre que les
Ougandais utilisent leur porte-monnaie électronique pour
économiser de l'argent. Au Bangladesh, un guide préparé
par Sinha et Highet (2017) sur l'inclusion financière des femmes par le
biais des technologies mobile montre que l'utilisation de ces technologies a
augmenté les transferts, l'épargne des femmes et même
l'accès au crédit; ce qui crée de nombreuses
opportunités pour l'autonomisation de ces femmes. De plus, les paiements
en ligne deviennent de plus en plus importants. Ceci est conforme au rapport de
2015 de la Banque mondiale intitulé «Mécanismes innovants de
paiement numérique prenant en charge l'inclusion
financière», qui montre que l'argent mobile n'est pas seulement un
outil de transfert, mais induit également une économie, un
accès au microcrédit et des transferts internationaux accrus
(Gas, 2017).
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