Introduction
La seconde moitié du XXème
siècle est marquée par des changements majeurs dans les
démarches de la création artistique. Plusieurs auteurs, qu'ils
soient philosophes, sociologues, historiens ou géographes, se sont
intéressés à ces différents changements intervenus
dans le monde de la création artistique contemporaine. Mais
paradoxalement, les thématiques généralement
abordées sont celles de la crise de l'art contemporain ou soi-disant
crise et de l'artiste lui-même. Des sujets qui tournent autour de la
question `'qui est contemporain ; qui ne l'est pas'' ? `'Qui est
émergent ; qui ne l'est pas'' ? ; ce qui décline
souvent vers la reconnaissance du génie de l'un ou du destin maudit de
l'autre. Quand il est question des artistes, les débats s'orientent vers
le régime de reconnaissance et la place qui doit leur être
donné dans le panthéon artistique. Pourtant, cette question se
dessine toujours dans un esprit partisan et d'intérêts.
Les études sociologiques les plus récentes dans
le domaine de l'art en France sont celles menées par Nathalie Heinrich,
à travers plusieurs ouvrages, notamment `'L'art
contemporain exposé au rejet'' (1997), `'Le triple jeu de l'art
contemporain'' (1998), `'La sociologie de l'art'' (2004) et
`'Leparadigme de l'art contemporain'' (2014). Tous ces ouvrages
n'abordent pas explicitement le rapport entre l'émergence de l'art
contemporain et les politiques culturelles mais plutôt la question de
reconnaissance de l'artiste et de ses oeuvres, de l'orientation de la
création contemporaine, de son rapport avec l'art classique et moderne,
mais aussi de sa « crise ».
Une autre étude portant sur l'art contemporain,
entamée depuis 2013, est toujours en cours. Elle cherche à
retracer la mémoire de l'art contemporain dans la région
Auvergne-Rhône-Alpes. Ce projet d'étude, soutenu par le
ministère de la Culture est porté par des institutions comme
l'Université Jean Monnet de Saint-Etienne à travers la personne
de Pascal Valet du Laboratoire Centre Max Weber. Comme les conclusions de cette
étude ne sont pas encore disponibles, nous ne savons pas quelle est la
place accordée au rôle des politiques culturelles dans ce
processus d'émergence de l'art contemporain. Dans le département
de sociologie à l'Université Jean Monet de Saint-Etienne, le seul
mémoire de recherche que nous avons trouvé portant sur l'art
contemporain est celui de Meyret Jérémie. Soutenu en 2006, ce
mémoiren'aborde pas le sujet en termes de rapport avec les politiques
culturelles, mais plutôt sur l'art contemporain comme catégorie
à part entière et s'intéresse plutôt à
l'oscillation de ce dernier entre transgression, institutionnalisation et sa
possible démocratisation.
Le terrain est donc relativement pauvre quand il s'agit de
s'intéresser à la relation, pourtant étroite, qui existe
entre émergence d'un mouvement artistique et politiques culturelles.
Nous nous sommes intéressé au rôle des politiques
culturelles dans l'émergence de l'art contemporain dans la région
Auvergne-Rhône-Alpes. Puisqu'il y a assez d'auteurs qui
s'intéressent à la réalité, mais peu qui
s'intéressent aux facteurs qui ont conduit à cette
réalité ; notre objectif sera donc, d'en identifier les
causes et non les effets. L'accent sera mis sur les dispositifs mis en place
par les politiques culturelles dans l'émergence de l'art contemporain
dans cette région.
Avant d'aborder les éléments conceptuels de
notre travail, il faut tout de même souligner que nous avons
développé un intérêt particulier à ce sujet
de recherche. D'un côté, nous avons eu le sentiment d'apporter
quelque chose de nouveau dans ce domaine et, de l'autre, le sentiment
d'être utile à nous-même. Il est vrai qu'au moment du choix
du thème, nous étions animé par un esprit de
réticence et de crainte, du fait que nous abordons deux
thématiques (politiques culturelles et art contemporain) qui nous sont
inconnues en tant qu'étudiant étranger.
Il est important pour nous d'aborder, dans cette partie
introductive, ce que nous appelons politiques culturelles et émergence
de l'art contemporain. Car ce sont des expressions qui englobent
énormément de choses et qui suscitent assez de débats.
Nous avons choisi délibérément de ne pas
revenir sur les discours qui tournent autour de ces deux expressions, mais
plutôt d'aborder directement notre propre conception qui sera
probablement partagée par certains auteurs.
D'entrée de jeu, nous lions le terme
« politique » essentiellement à l'idée de
l'Etat ou du pouvoir en place et non pas une manière de mener une action
par une structure quelle qu'elle soit, par exemple,les collectivités
locales ou des associations. Analyséesous angle, la politique culturelle
serait l'ensemble des dispositifs mis en place et des mesures concrètes
entreprises par l'Etat pour atteindre des objectifs précis dans le
secteur culturel.
Nous associons la politique culturelle à une
intervention de l'Etat à travers le ministère de la Culture et
des ministères annexes.Nous nous inscrivons dans cette logique pour
définir les politiques culturelles comme étant l'ensemble des
actions, des mesures d'allocation des ressources de l'Etat et des dispositifs
orientés vers les publics d'art contemporain pour atteindre des
objectifs clairement identifiés.
Concernant l'expression `' émergence de l'art
contemporain'', certains auteurs la considèrent comme étant une
expression provocatrice et nulle, et d'autres, comme une expression non
opérationnelle. Mais l'essentiel pour nousc'est d'en donner notre propre
conception dans le cadre notre recherche.
Il ne faut surtout pas comprendre l'émergence de l'art
contemporain d'un point de vue temporel ou l'analyser d'un point de vue
chronologique, mais plutôt la comprendre dans une pratique de rupture.
Rupture par rapport à l'art classique et moderne, par rapport à
l'apparition de nouveaux comportements, l'élargissement des modes
d'expression et l'utilisation de nouvelles techniques.
Il est évident que certains artistes, après la
Seconde Guerre mondiale, mais surtout à partir des années 60, 70
et 80, ont absolument fait évoluer leurs pratiques et leurs approches
théoriques. Les transformations ne sont pas limitées au seul
domaine de la création artistique ; elles ont également
touché les rapports entre l'art et sonmilieu.
La série de questions qu'il faut alors se poser
concerne la justification de cette nouvelle orientation de la création
artistique. D'où notre question centrale de recherche : Quel
rôle les politiques culturelles ont elles joué dans
l'émergence de l'art contemporain ? Et plus spécifiquement,
quelle influence les structures étatiques, mais aussi les structures
associatives et commerciales soutenues ou subventionnées par les
politiques culturelles ontelles eu ? Quelle est l'influence des politiques
culturelles dans la multiplication des lieux consacrés à l'art
contemporain dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Avant d'annoncer la structure du mémoire, il est
important de préciser que ce travail de recherche consistera à
mettre l'accent sur les arts plastiques. Ce choix a été fait non
seulement pour répondre à ceux-là qui vont croire que le
sujet est vaste et imprécis, mais également pour circonscrire le
plus précisément que possible le travail. Nous sommes conscient
que nous travaillons sur des thématiques qui prêtent à
confusion, puisque les interprétations sont nombreuses et
variées. Mais, nous userons de nos moyens méthodologiques pour
mieux produire les résultats escomptés.
Cela dit, le présent travail de recherche est
articulé autour de six chapitres. Le premier chapitre donne les
orientations de la recherche notamment la définition conceptuelle de
l'expression « art contemporain », les objectifs de la
recherche, les hypothèses et la démarche méthodologique.
Les deuxième et troisième chapitresretracent le processus
historique des politiques culturelles en général et, en
particulier, son lien avec l'art contemporain. Le quatrième chapitre
fait une présentation de la zone de l'étude. Le cinquième
chapitre présente les résultats obtenus. Le sixième
chapitre, présente l'analyse et l'interprétation des
résultats. Une conclusion vient mettre fin à ce travail de
recherche. A la fin de ce mémoire figurent une bibliographie et des
annexes.
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