Mémoire de Master 2 Tourisme Innovation Transition
2018-19
MELANIE FAYARD | SOUS LA DIRECTION DE NICOLAS SENIL ET PHILIPPE
BOURDEAU
Enjeux de transition du tourisme aérien
QUEL AVENIR POUR LES VOYAGES EN AVION FACE AU DEFI CLIMATIQUE
?
Déclaration sur l'honneur de
non-plagiat
Je soussignée Mélanie FAYARD déclare sur
l'honneur :
- être pleinement conscient(e) que le plagiat de
documents ou d'une partie d'un document publiés sur toutes formes de
support, y compris l'Internet, constitue une violation des droits d'auteur et
un délit de contrefaçon, sanctionné, d'une part, par
l'article L335-2 du Code de la Propriété intellectuelle et,
d'autre part, par l'université ;
- que ce mémoire est inédit et de ma
composition, hormis les éléments utilisés pour illustrer
mon propos (courtes citations, photographies, illustrations, etc...) pour
lesquels je m'engage à citer la source ;
- que mon texte ne viole aucun droit d'auteur, ni celui
d'aucune personne et qu'il ne contient aucun propos diffamatoire ;
- que les analyses et les conclusions de ce mémoire
n'engagent pas la responsabilité de mon université de soutenance
;
Fait à :
Le :
Signature de l'auteur du mémoire :
Remerciements
Je tiens à remercier en premier lieu M. Philippe
Bourdeau pour la qualité du master TIT mis en place à l'Institut
de Géographie Alpine. Merci d'accompagner les étudiants à
mettre les choses en perspective et pousser plus loin leurs réflexions.
Quelle richesse que de telles formations universitaires existent et quelle joie
d'avoir pu y prendre part. Je tiens à remercier l'ensemble des
intervenants et tout particulièrement Nicolas Senil.
Je remercie aussi mes collègues de promotion pour leur
soutien, leur ouverture d'esprit et leur énergie. Charlotte, Marion,
Valentine, Pauline et Lucie vous qui savez concrétiser de belles
idées.
Merci également à l'agence Allibert trekking et
au service des Alpes du Nord de m'avoir accueillie pour ces 6 mois de stage.
Merci aux filles à Chamonix Lucie, Julie et Martine pour leur accueil
chaleureux. Merci ensuite au service Alpes de Chapareillan, Olivier pour la
confiance qu'il est capable d'accorder, Nina pour sa patience ainsi que les
autres membres du bureau.
Merci aux personnes qui m'ont accordé du temps pour les
entretiens et ont bien voulu répondre à mes questions.
Enfin, merci tout particulièrement pour leur soutien
sans faille et leur joie de vivre communicative à Tim et Clara. Et un
grand merci à ma famille.
Résumé
Nous vivons à une époque où acheter un
billet d'avion ressemble bien souvent à s'offrir un ticket vers un
bonheur assuré. Le voyage de manière générale, est
largement associé à ce moyen de transport qui a permis, en moins
d'un siècle à des millions de personnes de découvrir des
territoires lointains, situés à plusieurs jours de voyage au
siècle dernier.
Avant d'en arriver là, il a fallu rendre possible un
des plus vieux rêves de l'homme : voler. Voler toujours plus loin, plus
vite, plus nombreux, plus en sécurité ... Le développement
du trafic aérien à profondément bouleversé le
21ème siècle, au niveau du commerce mais aussi au
niveau touristique.
Aujourd'hui les constats alarmants du réchauffement
climatique, de l'érosion de la biodiversité viennent remettre en
question de nombreuses activités associées à la
mondialisation. On dénonce de toutes parts, dans la rue comme dans les
médias, l'inaction des gouvernements et le maintien d'un modèle
économique de croissance infinie dans un monde fini. C'est ainsi assez
logiquement que l'avion, objet de fascination, se retrouve propulsé en
symbole d'un modèle du « toujours plus ». La pollution
générée par le trafic aérien et les
prévisions de croissance de ce dernier ont provoqué une
réaction radicale chez certains, et fait naitre le mouvement Flyqskam :
la honte de prendre l'avion. Ce mouvement a même conduit à une
première : la baisse du trafic aérien en Suède. Alors
qu'en est-il aujourd'hui, va-ton assister à un boycott du transport
aérien ? Une telle institution peut-elle être
ébranlée ?
Le travail suivant s'interroge sur ce sujet d'actualité
qui prend racines en Suède et commence à se diffuser en Europe.
Comment voyagent ceux qui ont dit non à l'avion ?
Dans ce contexte, les enjeux pour le transport aérien
semblent lourds. L'amélioration des appareils et la compensation carbone
sont pour le moment, les seules réponses concrètes
apportées par le secteur. Comment ce dernier peut-il envisager sa
transition sans remettre profondément en cause ses activités ? Ce
mémoire donne des pistes pour y répondre.
Abstract
Nowadays, buying a plane ticket often looks like buying a
ticket to happiness. Travel in general is widely associated with this mean of
transport which has been, during this last century, enabling millions of people
to discover distant territories, which were, until then, reachable in several
days.
Before that, one of the oldest human dream became true :
Flying . Flying always farther, faster,safer and ever more numerous. The
development of air traffic deeply upsets the 21st Century in terms of trade as
of tourism.
But today, alarming reports about global warming and
biodiversity's erosion are challenging many activities associated to
globalization. The inaction of governments and the maintenance of an economic
model based on infinite growth in a finite world are denounced by people
protesting and by media.
It is thus, quite obvious that the place, as an object of
fascination, finds itself propelled as a symbol of « always more
».
Pollution generated by air traffic and forecasts of growth has
raised a radical reaction for some, and thus gave rise to the « Flyqskam
movement » : the shame of flying. This movement has even led to a first :
the decline in air traffic in Sweden.
So what about today, would we attend an air transport boycott ?
Could the institution be shaken ?
The following work looks at a current media topic of this
summer 2019. It provides to have a closer look to the Flygskam movement,
recently born in Sweden and starting to spread throughout Europe, and study how
people said «no flights »?
In this context, air transport issues seem going heavier. For
now, equipment improvements and carbon
offsetting are the only concrete answers provided by the
sector. How can the latter consider its transition without seriously wonder
about its activities ? The following report tries to answer the matter.
Table des matières
Introduction 1
I. Contextualisation 4
A. La conquête du ciel 4
1. Voler ou le rêve d'Icare : approche symbolique 4
2. Historique de la conquête du ciel 5
3. Développement du trafic aérien et des
aménagement associés 9
a) Le fret aérien 9
b) Les voyageurs 11
c) Les aménagements : les aéroports 12
4. Organisation générale 14
a) L'espace Aérien 14
b) Les compagnies aériennes 16
c) Les taxes 16
B. Le voyage en avion 18
1. L'avion comme véhicule vers l'exotisme 18
2. Les destinations touristiques redéfinies par l'avion
20
3. L'évolution du trafic aérien et
l'avènement du low-cost 23
a) Fonctionnement du low-cost 23
b) Une réelle démocratisation ? 25
4. Les impacts des voyages en avion 26
a) Les impacts environnementaux 26
b) Les impacts sociaux 27
II. Une remise en question 29
A. Limiter l'impact de l'avion 29
1. Les perspectives techniques et économiques 29
III.
|
|
a) Les moteurs propres
b) Les bio carburants
c) La compensation carbone
29
|
30
32
|
|
2.
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La voix des pouvoirs publics
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34
|
B.
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Ne plus voler
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37
|
|
1.
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Idéologie
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37
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|
2.
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Diffusion du mouvement
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38
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a) La communauté scientifique
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38
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b) Les sports de nature
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39
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c) Les jeunes générations
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40
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|
d) Les mouvements citoyens
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40
|
C.
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Exemples concrets : ceux qui le font déjà
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44
|
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1.
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La presse spécialisée
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44
|
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2.
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Les voyageurs
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45
|
D.
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Analyse
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46
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|
Etude de cas Agence Allibert :
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49
|
A.
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|
Présentation générale d'Allibert trekking
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49
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|
1.
|
L'entreprise : histoire et activités
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49
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|
2.
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Clientèle
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50
|
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3.
|
Le label ATR
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52
|
|
4.
|
La compensation carbone volontaire
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53
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B.
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|
Le tourisme aérien en question
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54
|
|
1.
|
Note méthodologique :
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54
|
|
2.
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Positionnement du groupe Voyageurs du Monde
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55
|
|
|
3.
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Constat
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57
|
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a) Des voyages au long court
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57
|
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|
b) La destination avant tout
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57
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|
c) Tourisme responsable
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57
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|
4. Perception des changements 59
a) Au sein d'ATR 59
b) Sur les réseaux sociaux 59
c) En interne 60
5. Perspectives et propositions 61
a) Des voyages plus longs 61
b) Limiter les préacheminements 61
c) Renforcer l'offre locale 62
d) Se passer de l'avion : enjeux 63
C. Prospective 64
IV. Bibliographie 68
V. Table des illustrations 70
VI. Webographie 71
VII. Annexes 75
1
Introduction
Le travail suivant est consacré aux enjeux de
transition du tourisme aérien. Deux domaines, deux
activités humaines qui auraient pu ne jamais se mêler et qui, une
fois combinées ont redessiné les contours sociaux et
économiques de nombreux pays.
Le tourisme est un phénomène
social assez récent à l'échelle de l'histoire. C'est en
effet au 18ème siècle que l'aristocratie britannique
lance la mode du « grand tour » qui veut envoyer la jeunesse
(principalement masculine) en quête d'expérience et de
connaissance du monde dans un objectif de pure oisiveté. L'objectif est
à cette époque, de se démarquer de la bourgeoisie qui
travaille, en consacrant son temps à des activités qui n'ont pas
de rentabilité économique. Cette jeunesse dorée d'alors,
parcours ainsi l'Europe. C'est de cette manière que vont émerger
les premières « stations touristiques » dans les lieux
fréquentés par ces voyageurs puisque les itinéraires sont
bien souvent similaires. Les Alpes sont ainsi un lieu très
visité. Autour de ces voyageurs d'un nouveau genre, vont se
déployer progressivement les activités servant à leur
accueil c'est-à-dire les hébergements, les restaurants, les
transports etc ... Cette pratique reste toutefois tout à fait
confidentielle puisque réservée à l'élite et pas
forcément prisée du reste de la population. A cette époque
« voyager » n'est pas forcément un but comme ce peut
être le cas aujourd'hui. Le tourisme est ainsi inventé par ses
pratiquants.
Deux siècles plus tard, le tourisme a radicalement
changé de visage, il est devenu une industrie. Les distances parcourues
par les voyageurs pour leurs vacances ont littéralement explosé
et on revendique le droit aux vacances pour tous.
Si l'on veut parler à présent du
tourisme aérien, il est dès les années
1920 une véritable révolution. En effet, l'avion redessine la
carte du monde. Des territoires jusqu'alors lointains et exotiques deviennent
accessibles en quelques heures. Une réelle fascination pour le voyage en
avion nait alors, ce qui explique son succès grandissant années
après années. Et l'on sait bien également, que voler a
toujours été le rêve de l'homme, du mythe d'Icare aux
machines de Léonard de Vinci, c'est au sein du 20ème
siècle que le ciel va enfin être conquit. Et
quelle conquête ! En 2017 on dénombre 36,8 millions de vols dans
l'année. Ce sont ainsi de nombreux territoires et pays qui sont
bouleversés par le tourisme qui devient massif. On
pense à la Thaïlande, à Bali, aux Baléares ... ces
endroits où les conséquences sociales et environnementales du
tourisme de masse sont majeures. L'avion est donc l'étendard d'une
certaine forme de tourisme, ou au moins en phase de le devenir.
2
Dans un contexte mondial de prise de conscience de l'urgence
climatique, notamment des jeunes générations on dénonce de
toutes parts les aberrations environnementales. Le trafic aérien
fait partie des pratiques les plus polluantes. En effet, il connait
une croissance exponentielle depuis les années 60 et il est responsable
de diverses pollutions comme l'émission de gaz carbonique, d'oxydes
d'azote, de monoxyde de carbone ou encore de particules fines. Au-delà
de la production de gaz à effet de serre, le transport aérien a
d'autres conséquences comme la pollution sonore ou les
aménagements terrestres importants.
Longtemps associé aux paysages de rêves, à
l'exotisme et aux vacances de manière générale l'avion est
l'élément indispensable d'un beau voyage (voir DU voyage). Et
pourtant, face aux enjeux climatiques cette pratique semble être remise
en question. On voit émerger, notamment en Suède des mouvements
qui veulent dire non à l'avion. Nommé «
Flygskam » littéralement honte de voler ces mouvements semblent
s'amplifier. La presse est en plein boom sur ce sujet et cette tendance se
diffuse en France également. Quelques compagnies aériennes font
faillite, le trafic aérien semble ralentir en Suède. Serions-nous
à l'aube d'un changement de comportement, comment le tourisme
aérien peut-il aborder la transition écologique ?
Lorsqu'on regarde la presse, les témoignages sont
nombreux et le phénomène semble s'intensifier. Parti de
Suède, pays qui a introduit il y a un an une taxe sur le trafic
aérien, l'idée de ne plus prendre l'avion par conscience
écologique se heurte vite à la réalité : pour des
voyages intra-européens, voyager en train est plus long mais surtout
plus cher que l'avion.
Face à ce constat, les opérateurs
touristiques ont certainement du souci à se faire puisqu'ils
vivent du voyage en avion. Comment peuvent-ils aborder ce virage ? De
nombreuses questions sont à poser afin de comprendre comment un
opérateur touristique peut se saisir de cette mouvance ? Comment
même, dans un esprit d'innovation peut-il imaginer l'accompagner ? En
effet, pour le moment certains Tour Operator comme Allibert trekking compensent
les émissions carbones des clients, mais comment fonctionnent exactement
ces compensations ? Elles ne semblent pas faire l'unanimité.
En s'appuyant sur une étude de cas au sein de
l'entreprise Allibert trekking, je souhaite comprendre comment peut être
abordée cette transition. Cette étude de cas
devra permettre de saisir quelles sont aujourd'hui les alternatives à
l'avion, comment elles sont organisées et rendues accessibles aux
clients.
La question du voyage en avion est au coeur de
l'actualité. Depuis le début de cette étude en avril 2019
le nombre d'articles de presse, d'émissions de radio ou de reportages
sur le sujet a littéralement explosé. Au-delà d'un simple
moyen de transport l'avion semble se positionner en symbole d'un
3
modèle qui pour certains conduit le monde vers
l'effondrement. Réimaginer le temps des vacances, questionner son lieu
et sa durée, reviendrait à questionner profondément notre
rapport au temps « vacant » et par conséquent aussi notre
rapport au temps qui n'est pas vacant, à savoir celui du travail.
Ce mémoire est organisé en trois grandes parties
:
· Une première de contextualisation afin de
cerner les enjeux du tourisme aérien, qu'ils soient symboliques,
économiques ou sociaux. Cette première partie s'appuie surtout
sur des données chiffrées, des études scientifiques et des
articles parus dans des revues spécialisées.
· La seconde partie est une analyse d'un corpus
d'articles de presse sur le sujet, qui n'est pas exhaustif étant
donné la masse considérable d'articles parus ces derniers mois.
En termes de méthodologie, j'ai lu une grande quantité d'articles
pour ne garder que les plus intéressants. Je les ai ensuite
regroupés par thématiques afin de les analyser. La plupart de ces
articles ont été consultés en ligne, sur les sites des
médias en question. L'ensemble des sources se trouvent en fin de
mémoire, en bibliographie et webographie.
· Enfin la dernière partie est consacrée
à l'étude de cas de l'agence Allibert Trekking dans laquelle j'ai
effectué mon stage.
I. Contextualisation
A. La conquête du ciel
Afin de mesurer toutes les dimensions des voyages en avion il
est important de prendre du recul et de reconsidérer le fait même
de voler. Se déplacer dans les airs est très longtemps
resté pour l'homme, un rêve inaccessible. Fantasmée dans
les imaginaires puis réalisée grâce à
l'ingéniosité des inventeurs, la conquête du ciel prend ses
racines dans les mythologies les plus anciennes avant d'aboutir à
l'avènement des avions le siècle dernier, revenons sur cette
fabuleuse histoire.
1. Voler ou le rêve d'Icare : approche symbolique
On dit souvent que voler est le plus vieux rêve de
l'homme. On retrouve cette fascination au travers de nombreux mythes,
personnages imaginés ou constructions. Commençons par en
évoquer certaines.
· Dans la mythologie grecque, l'histoire d'Icare
évoque déjà la fascination pour le vol. « Icare
et son père Dédale, voulaient s'échapper de l'île
où le roi Minos les avait emprisonnés. Dédale fabriqua des
ailes avec des plumes et de la cire. L'ingénieux mécanisme
fonctionna, Icare et Dédale s'envolèrent. Avant de s'enfuir,
Dédale recommanda à son fils de ne pas voler trop haut, afin que
les ailes ne se détachent pas, la colle fondant sous l'effet du soleil.
Mais Icare, grisé par le fait de pouvoir voler, oubliant les
recommandations de son père, s'éleva de plus en plus haut, au
point que les rayons du soleil firent fondre ses ailes, il tomba dans la mer et
périt. »1
Dans ce mythe la voix des airs est une échappatoire,
la seule solution face à une situation inextricable,
matérialisée par le labyrinthe. La quête de liberté
est interrompue brutalement par la chaleur du soleil qui brise les ailes
d'Icare pourtant mis en garde par son père. Sa fascination pour le
soleil aura eu raison de lui.
· Dans diverses religions on retrouve des
créatures ou divinités qui peuvent voler. De manière
générale le ciel est bien souvent le domaine des Dieux : ceux de
l'Olympe chez les grecs, Asgard dans les religions slaves, le paradis dans la
religion chrétienne. Les créatures ailées sont des liens
entre le monde des hommes et celui des dieux. Odin est figuré par un
corbeau, les anges
4
1
https://culture.tv5monde.com/livres/la-mythologie-grecque-en-video/le-mythe-de-dedale-et-icare
et archanges de la chrétienté portent des
attributs d'oiseaux. Le ciel, parce qu'inaccessible à l'homme est un
espace sacré et vénéré.
· Le cerf-volant est vraisemblablement un des premiers
objets volants. Il nait en Asie il y a environ 2500 ans. Il a un aspect
esthétique, religieux et récréatif, mais surtout relie aux
esprits. Il arrivera en occident au retour d'Asie de grands explorateurs comme
Marco Polo. Le cerf-volant a pu avoir des applications militaires mais surtout,
en étant l'un des premiers objets volants il a inspiré chercheurs
et inventeurs dans la conquête du ciel.
Nous avons évoqué ici en guise de
contextualisation symbolique, quelques un des très nombreux aspects du
ciel, du vent et du désir de l'homme d'être capable de voler.
Voler symbole de liberté, de légèreté voire de
plénitude. A Saint Clément en Ardèche, il existe
même une école ou l'on peut apprendre à voler, il s'agit de
L'école du vent2, espace poétique ou le
visiteur est invité à laisser vagabonder son esprit au
grès du vent, entre imaginaire et réalité.
De manière plus terre à terre, l'homme a
finalement réussi ce pari fou : voler dans les airs. Pas exactement
comme un oiseau au temps des premiers rêves mais grâce à la
fabuleuse aventure technique de l'aviation. Revenons à présent
sur cette odyssée des temps modernes.
2. Historique de la conquête du ciel
La conquête technique du ciel est une histoire en
elle-même avec ses héros, ses rebondissements, ses échecs,
ses surprises et ses réussites. Cette histoire, ou plutôt cette
épopée peut se résumer en 6 temps forts, comme le
décrit Jean Hubert dans son ouvrage Chroniques de la navigation
aérienne (HUBERT, 1987).
· Le temps des rêves
Voler comme un oiseau est un rêve universel. C'est
ainsi assez logiquement que dans l'objectif de voler, l'homme tente dans un
premier temps d'imiter les oiseaux. Au 14ème siècle les machines
imaginées par Léonard De Vinci sont conçues sur le concept
des ailes battantes. Mais comme on le sait, elles ne parviendront jamais
à voler. Ce n'est qu'en 1665 que le mathématicien physicien
anglais Robert Hooke établit que le vol humain sans moteur est
impossible.
5
2
http://www.ecole-du-vent.com/accueil-actualites/
· 6
Les premiers vols
En France, au XVIIème siècle, deux
ardéchois vont révolutionner la conquête des airs : les
frères Montgolfier. Ils sont à l'origine, des bourgeois oeuvrant
dans la papeterie à Annonay. En 1783, inspirés par des morceaux
de papier s'envolant en brulant dans un feu, ils conçoivent un premier
aérostat qui, rempli d'air chaud s'élève majestueusement
dans le ciel Ardéchois. L'année suivante un ballon survole Paris
avec à son bord des animaux (mouton, coq et canard) qui reviendront
sains et saufs de leur voyage : c'est le premier voyage aérien
d'êtres vivants. En 1784 la première ordonnance de police
française relative à la réglementation aéronautique
est rédigée. S'ensuivent des vols transportant des personnes et
l'expansion en Europe puis en Amérique du concept : la
montgolfière est née. L'histoire raconte qu'en 1791, en pleine
révolution française la déclaration des droits de l'homme
et du citoyen est déclamée dans un ballon à 12 000 pieds
du sol et des exemplaires papier sont jetés depuis la nacelle, c'est la
première diffusion de publicité aérienne.
L'intérêt militaire des choses aériennes fait vite son
apparition, à des fins de surveillance comme de déplacements
stratégiques. La première école nationale de
l'aérostation voit le jour à Meudon en 1794.
Sous le second empire, les dirigeables s'améliorent et
l'on voit également apparaitre des prototypes plus lourds que l'air (qui
ne volent pas encore). La première revue dédiée à
l'aviation « l'Aéronaute » voit le jour. Les applications
militaires des aéronefs se multiplient avec la guerre de 1870, la
filière se construit et s'organise.
Une fois la paix revenue, la troisième
république va connaître l'essor de la navigation aérienne.
On réalisera à ce moment le premier vol en dirigeable avec retour
au point de départ. Ces dirigeables sont équipés de
moteurs. Clément Ader, un industriel français construit des
prototypes inspirés de la morphologie des chauves-souris et
équipés de moteurs à vapeur qu'il baptisera avions, le mot
est né. Vers 1900 apparaissent des engins tentant de pratiquer le vol
plané avec plus ou moins de succès et plus ou moins de casse. En
1905 en France comme aux Etats-Unis les premiers avions équipés
de moteurs (Peugeot pour la France) parviennent doucement à
décoller et à voler. D'innombrables tentatives, d'innombrables
courageux...
En 1908 la radioélectricité rejoint
l'aéronautique : une première liaison radio est établie
entre un appareil et le sol. En 1909 Blériot réalise la
première traversée de la Manche. C'est aussi en 1909 que les
premières excursions en transport aérien sont proposées
par la compagnie générale Transaérienne. Des cartes
aériennes font aussi leur apparition. S'ensuivent les premiers meetings
aériens, les premières liaisons radio, c'est une véritable
aventure nationale et tout, autour de l'aéronautique se
développe.
·
7
La première guerre mondiale
Elle éclate en 1914 lorsque l'Allemagne déclare
la guerre à la Russie puis à la France. Ensuite l'Angleterre s'en
mêle et c'est toute l'Europe qui s'embrase. L'Allemagne utilise des
zeppelins pour bombarder des villes comme Liège en 1914. De
manière générale les avions, hydravions et dirigeables
sont utilisés à des fins militaires et énormément
améliorés. De nombreux avions sont construits, de nombreux
pilotes sont formés et au sortir de la guerre en 1918 l'armée met
en place les premières lignes postales. En 1919 la Compagnie des
messageries aériennes est créée. Les avions sont
également utilisés pour ravitailler les villes bombardées,
c'est la naissance du fret aérien. Des vols de transport de passagers
apparaissent entre Paris et Londres, Paris et Bruxelles. Ils transportent alors
une dizaine de personnes. L'aéroport du Bourget fait son apparition en
1919.
· L'entre-deux guerres
Raymond Poincaré, président de la
république française crée en 1919, l'Organisme de
Coordination Générale de l'Aéronautique (OGCA) dans
l'idée que la navigation aérienne s'organise dorénavant au
service de la paix. Les aérodromes se multiplient, les liaisons
s'allongent, les compagnies aériennes se développent et
l'Atlantique est traversée. La filière se structure, s'organise
et se normalise tandis que les avancées technologiques s'enchainent,
notamment avec la TSF (télégraphie sans fil) qui se perfectionne.
Comme on peut le voir dans le tableau suivant, entre 1920 et 1930 le nombre de
passagers transportés est multiplié par 20, le fret (la poste
uniquement à l'époque) est lui multiplié par 50 en termes
de KG transportés. Les lignes régulières se
déploient dans les colonies françaises avec par exemple dans les
années 30 un départ pour Saïgon tous les 15 jours.
Figure 1 Statistiques du trafic aérien 1930,
tiré de Jean Hubert, Chronique de la navigation aérienne.
· 8
La seconde guerre mondiale
En 1939 alors que la seconde guerre mondiale éclate,
la flotte d'Air-France et son personnel passent au service des armées.
Les avions, produits en masse et les technologies radiographiques sont
largement utilisés à des fins militaires. Le monde de
l'aéronautique est à l'image de la France : divisé par le
régime de Vichy. Le 7 décembre 1941 c'est Pearl Harbor :
bombardement aérien massif des forces armées japonaises sur une
base américaine et le monde entier bascule dans la guerre. En France, la
résistance s'organise également dans le milieu de l'aviation
puisqu'il a été quasiment intégralement militarisé.
Cela reste encore bien visible par la suite, les pilotes et commandants de bord
sont toujours rattachés à l'armée et en uniforme. A la
libération en 1944 de nombreux progrès technologiques ont
été réalisés du fait de la guerre. En revanche les
infrastructures terrestres sont ravagées.
· L'aviation moderne
Au sortir de la guerre, l'aviation mondiale veut se
structurer et établit la convention internationale de l'aviation civile
à Chicago en décembre 1944. A travers le monde, les installations
détruites par la guerre sont rebâties et de nouveaux
aéroports sont construits. L'objectif est à présent de
gagner en efficacité. Le temps des grands raids et des explorations est
révolu, le temps est à l'augmentation des capacités et des
distances parcourues sans escale. Le personnel se professionnalise
également et la formation est normalisée. En 1948 les
premières promotions de l'école nationale de l'aviation civile
gagnent les salles de classes à Orly dans des baraquements provisoires.
C'est l'effervescence des aérodromes qui se multiplient sur tout le
territoire. La filière industrielle n'est pas en reste :
améliorations des appareils, apparition de la VHF (Very High Frequency),
puis des radars, des tours de contrôle, des systèmes de guidages
et des améliorations des prévisions météo. Tout
s'automatise, tout s'accélère et les écrans apparaissent
dans les années 70. En 1975 c'est l'ouverture de l'aéroport de
Lyon Satolas qui remplace le vieux Bron. A partir des années 80,
l'aviation civile va prendre un essor incroyable et mondialisé.
Grâce aux écrans, les pilotes sont largement plus assistés
et ont en permanence accès à de très nombreuses
informations. Les avions de ligne sont à présents capables de
transporter plusieurs centaines de passagers et ont une autonomie de plus de 10
000 km. Boeing et Airbus apparaissent comme les deux fabricants principaux
à l'échelle mondiale.
Le nombre de voyageurs transportés passe de 310 000 000
en 1970 à près de 4 milliards en 20173.
3
https://donnees.banquemondiale.org/indicator/IS.AIR.PSGR?end=2017&start=1970&view=chart
9
Les avions sont de plus en plus performants, et le prix de
revient est de moins en moins élevé, ce qui va multiplier le
nombre de voyageurs, mais nous en reparlerons.
3. Développement du trafic aérien et des
aménagement associés
L'avion est devenu un moyen de transport de premier plan. Il
permet de transporter des voyageurs mais aussi des marchandises. Ce trafic est
rendu possible par les avions en eux-mêmes mais également par les
aménagements indispensables à l'organisation de ce moyen de
transport international.
a) Le fret aérien
Nous l'avons vu dans l'historique, l'aéropostale a
très vite utilisé le transport aérien. En effet, il
s'agissait là d'un moyen efficace de transmettre une lettre ou un colis
vite et loin. Depuis les années 1980 le transport aérien de
marchandises a connu une croissance exponentielle. Selon les statistiques
mondiales de l'aviation civile de l'Organisation de l'aviation civile et
internationale (OACI), le fret aérien, mesuré en
tonnes-kilomètres parcourus est passé de 15 570 tonnes
kilomètres en 1973 à 213 590 tonnes kilomètres en 2017
(soit multiplié par 14).
Figure 2 Fret aérien en millions de
tonnes-kilomètres, données de la banque mondiale, 2017.
10
Jusqu'au début des années 1990 l'augmentation du
fret aérien concerne principalement l'occident avec un
développement important en Europe ou aux Etats-Unis. Par la suite, comme
on le voit sur la carte ci-dessus4 représentant
l'augmentation annuelle du fret aérien en millions de
tonnes-kilomètres, on voit apparaître un important fret
aérien depuis la Chine. Cela s'explique par la nature des biens
transportés. Il s'agit surtout de bien liés aux nouvelles
technologies, achetés le plus souvent en ligne.
Dans un rapport du groupement High Level Group (regroupant
l'IATA International Air Transport Association, l'ICAO International Civil
Aviation Organisation l'ACI Aeroport Council International, CANSO Civil Air
Navigation Service Organisation et l'ICCAIA International Coordinating Council
of Aviation Industries Associations) intitulé Aviation Benefits (IHLG,
2017) (que nous citerons à de nombreuses reprises dans la suite de
travail) et datant de 2017, on apprend que le fret aérien est un vecteur
indissociable du e-commerce. En effet l'avion permet des livraisons ultra
rapides. Les biens transportés en avion sont plutôt des biens
ayant une forte valeur commerciale puisqu'ils représentent 35% du volume
en termes de valeur marchande pour 0,5% du volume physique. Selon le rapport,
la croissance du volume du fret aérien entraîne de meilleures
industries de productions et des consommateurs plus confiants.
Également, le fret aérien permet à des petites et moyennes
entreprises de développer exponentiellement leurs marchés en
allant chercher des clients sur la planète entière, et
potentiellement devenir des firmes multinationales. Le fret aérien
permet également l'acheminement de produits ultra frais, «
exotiques » comme des fleurs ou des animaux vivants. Le fret aérien
transporte 82 % du flux B2C (Businnes to consumer) du e-commerce (achats en
ligne) surtout dans le domaine du high-tech et de
l'électronique5. L'augmentation estimée de ce volume
pour 2025 est de 91%. Le transport aérien de marchandises semble ainsi
promis à un bel avenir.
Dans leur Memorandum of Understanding l'UNECE
(United Nations Economic Comission for Europe)6 et l'IATA souhaitent
mettre en évidence l'intérêt économique du fret
aérien. A leurs yeux il est facteur de croissance et de richesse. Il
permet des échanges de biens plus rapides et plus nombreux,
répondant ainsi à la demande du consommateur. La charte
signée en 2015 par les deux organisations veut promouvoir un transport
aérien mondialisé comme une belle opportunité pour les
pays émergents de
4
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/IS.AIR.GOOD.MT.K1?end=2018&start=1960&view
=chart
5
https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/Continued-passenger-traffic-growth-and-robust-air-cargo-demand-in-2017.aspx
6
https://www.unece.org/fileadmin/DAM/cefact/mou/MEMORANDUM
OF UNDERSTANDING IATA UNECEFinal.pdf
11
développer l'économie, créer de la
croissance et des emplois. De nos jours environ 1/3 du commerce mondial par la
valeur est transporté par voie aérienne. Cela laisse les 2/3
restant potentiellement transportables plus rapidement et plus loin.
Dans un rapport de 20097 l'IATA expose des
données sur le Fret aérien et le décrit comme un
indicateur fiable et précis du marché mondial des biens.
L'organisme va même plus loin en exposant que le fret aérien
permet de sentir avec quelques mois d'avance les fluctuations du marché
mondial. En effet le transport aérien est plus coûteux que les
autres modes de transport, il est aussi plus rapide. Pendant une
récession, les firmes ne vont pas choisir ce mode de transport. En
revanche lorsque celui repart c'est signe qu'une période croissance
globale est enclenchée.
b) Les voyageurs
En 1987 on dépassait la barre symbolique d'1 milliard
annuel de passagers en avion. Sur l'année 2017, ce nombre a atteint 4,1
milliards. Ce chiffre est en hausse de 7,1 % par rapport à
l'année 2016. (IATA, 2018) L'augmentation du trafic aérien est
considérée par certains comme contribuant aux objectifs de
développement durable du programme 2030 des Nations Unies. Selon la
secrétaire générale de l'OACI, Mme Fang Liu en
20188 (IATA, 2018) le trafic aérien offre la
possibilité de « tirer toute une génération de la
pauvreté ».
En 2017, la moitié des 1,2 milliards de touristes
ayant franchi une frontière internationale l'a fait par avion. On
constate que la croissance des voyages va de pair avec la croissance mondiale
et que l'augmentation du nombre annuel de voyages est corrélée
avec les fluctuations du PIB. En 2016 et 2017 les tarifs aériens plus
bas ont stimulés le secteur. Les statistiques permettant
d'évaluer le trafic aérien sont mesurées en PKP
(Kilomètre Payant par Passager). La carte suivante est tirée de
l'OACI qui est une Institution spécialisée des Nations Unies,
créée en 1944 pour promouvoir le développement sûr
et ordonné de l'aviation civile internationale dans le monde. Cette
carte présente le pourcentage de croissance en PKP sur la planète
en 2017. La croissance mondiale est de 8 % de PKP c'est-à-dire
très forte. La plus forte croissance revient à l'Amérique
latine et centrale. Les Etats-Unis
7
https://www.iata.org/publications/economic-briefings/Air
freight and world trade.pdf (PEARCE, 2009)
8
https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/Continued-passenger-traffic-growth-and-robust-air-
cargo-demand-in-2017.aspx
ont une croissance moins élevée car leur nombre
de voyageurs est déjà important. Les compagnies à faibles
coûts (LLC) ont une croissance encore plus rapide et représentent
30% du trafic aérien mondial (35% d'entre elles sont
Européennes).
Figure 5 Croissance globale du nombre de passagers en PKP en
2017
Selon le site Planetoscope9 « En 2017,
l'Agence de Sureté Nationale a enregistré 36,8 millions de vols,
l'équivalent de 1,16 vol chaque seconde (compteur)
réalisés par quelque 27.000 avions de ligne. C'est la
première fois qu'on dépasse le nombre de 4 milliards de passagers
transportés par l'aviation civile dans le monde : autrement dit, 127
passagers prennent l'avion chaque seconde dans un aéroport.
»
Le site internet Flightradar24 recense en direct tous les
avions commerciaux en vol et nous apprend le 29 juin 2018 que le record absolu
de 200 000 avions sur une même journée a été
franchi.
Ce record devrait devenir monnaie courante à l'avenir
quand on sait que le trafic aérien devrait doubler d'ici 2040 pour
atteindre 8 milliards de passagers annuels.
c) Les aménagements : les aéroports
L'augmentation du nombre de passagers et du nombre de vols
ainsi qu'un secteur toujours en croissance implique forcément des
aménagements conséquents. En effet les aéroports doivent
être en mesure de recevoir et diffuser ces flux.
12
9
https://www.planetoscope.com/Avion/109-vols-d-avions-dans-le-monde.html
13
Au sein des infrastructures aéroportuaires cela
implique un nombre suffisant de pistes, de terminaux, de personnel
qualifié, d'infrastructures d'accueil, de ravitaillement mais
également de voix d'accès. Les aéroports doivent ainsi
être en mesure de gérer des flux de voyageurs de plus en plus
importants. Comme on peut le voir sur le graphique suivant tiré d'un
article de février 2016 publié sur le site Transport et
distribution10, la capacité de certains grands
aéroports est parfois atteinte voir dépassée. De nombreux
projets de construction ou d'agrandissement sont en cours : 3 supers projets
à Pekin, Istanbul et Dubaï avec des aéroports
imaginés pour accueillir entre 100 et 160 millions de passagers par an.
L'aéroport de Bali a une capacité de 20 millions de passagers par
an (pour une population de 4 millions d'habitants).
Figure 8 La capacité d'accueil des aéroports
face au trafic aérien
Au-delà d'un simple aménagement
l'aéroport « excite l'imaginaire tout en incarnant
symboliquement une ville et son pouvoir, effectif ou prétendu »
nous dit Catherine Cochard dans le journal suisse Le Temps en
février 201711. C'est un peu la course au gigantisme puisque
la première impression de ces voyageurs venus de l'autre bout du monde
est un enjeu capital. L'aéroport est un lieu idéalisé,
l'endroit d'où on imagine l'aventure commence, le temps des vacances et
du plaisir.
10
http://transport.sia-partners.com/face-la-croissance-du-trafic-aerien-les-grands-projets-dinfrastructures-des-aeroports
11
https://www.letemps.ch/lifestyle/aeroports-cites-nuages
14
4. Organisation générale
a) L'espace Aérien
Chaque pays est souverain de son espace aérien selon
la convention de Chicago de 1944. Ainsi en France la direction des services de
la Navigation aérienne (DSNA), (qui dépend du ministère de
la Transition écologique et solidaire) est le prestataire civil de
services de navigation aérienne. Le rôle de ce service public est
de coordonner l'espace aérien français. Les clients de la DSNA
sont directement les compagnies aériennes françaises et
étrangères. Depuis les années 90 en Europe,
différentes procédures de libéralisation du ciel ont
été mises en oeuvre.
A l'échelle Européenne on peut citer le FABEC :
dispositif européen souhaitant regrouper les services de navigation
aérienne de plusieurs pays afin d'homogénéiser les
pratiques et développer le secteur. Il regroupe pour le moment 6
états et constitue l'espace aérien le plus
fréquenté au monde. On peut également évoquer les
accords bilatéraux « Open Skies » signés en 2008 et
permettant d'établir des liaisons entre Etats-Unis et Europe dans une
logique de libéralisation.
De nombreux autres accords du même ordre ont
été conclus par les Etats-Unis avec l'Argentine, le Ghana ou
encore Dubaï.
Comme le disait Nadine CATTAN dans son article Le monde au
prisme des réseaux aériens « l'observation de la
dynamique du trafic aérien sur les vingt dernières années
montre une certaine augmentation de la polarisation du trafic renforçant
le poids de l'anneau d'or qui ceinture la planète dans son
hémisphère Nord » (CATTAN, 2004).
Comme on le voit sur la carte suivante issue de l'ouvrage La
mondialisation : Genèse, acteurs et enjeux de Laurent
Carroué (CARROUE, 2009), la majorité des flux aériens est
concentrée sur l'hémisphère Nord. On voit également
émerger des Hubs, c'est-à-dire des pôles qui concentrent le
trafic aérien, que les flux de passagers et de marchandises. Ces hubs
sont des grandes capitales politiques (Londres, ou Tokyo) ou encore des centres
majeurs de la finance et des affaires (Francfort ou Hong-kong). Cette
polarisation s'est renforcée entre 1980 et 2000 comme le déclare
Nadine CATTAN en 2004 « Il y a 20 ans, les structurations du
réseau aérien mondial renvoient à des organisations plus
multipolaires du système que ne le fait la situation actuelle.
» (CATTAN, 2004)
15
Figure 11 Un système très polarisé de
hubs et de flux
Nous ne sommes pas dans une logique de maillage du
réseau mais bien de développement en étoiles autour de
centres. Cette organisation a des conséquences en matière
d'aménagement du territoire mais aussi en matière de
répartition des flux. Ces concentrations humaines en des points
donnés ont également des répercutions sociales.
L'ouverture d'un nouvel aéroport ou l'augmentation de la capacité
d'un aéroport existant a des conséquences énormes sur le
territoire où il est implanté. On évoquera plus loin
l'exemple des Maldives.
Attention toutefois à ne pas penser que l'ensemble des
flux aériens est concentré dans l'hémisphère Nord.
Cette vision un peu occidentalo-centrée pourrait induire de fausses
représentations. Selon Nadine CATTAN, si l'on considère les
pôles en termes de flux (position dans le réseaux mondial,
pôle recevant les flux d'autres pôles) et non en termes de volume,
on identifie 23 pôles au niveau mondial comprenant Mexico ou Abu-Dhabi au
même titre que Paris ou New-york. (CATTAN, 2004)
16
b) Les compagnies aériennes
Le paysage formé par les compagnies aériennes
est multiple et complexe. Chacune d'elles est rattachée à un pays
mais peut être possédée par plusieurs pays ou un pays
différent de celui auquel elle est rattachée, ou également
par des acteurs privés. De plus, une compagnie aérienne peut
posséder directement ses avions mais aussi les louer, tout comme elle
peut sous-traiter l'intégralité des services inhérents
à son activité, du ménage des cabines à l'entretien
technique des appareils.
On peut quand même affirmer que les entreprises
aériennes sont toujours des sociétés importantes par
l'investissement nécessaire pour l'achat du capital. La plupart des pays
du monde ont une compagnie qui leur est historiquement ou symboliquement
rattachée. Air France dans notre pays, KLM aux Pays-bas ou encore
Lufthansa en Allemagne. Si ces compagnies ont été à
l'origine ou dans leur histoire possédée par leur pays d'origine,
on ne peut plus dire que ce soit encore la règle aujourd'hui. Sans
entrer dans le détail de cet univers très complexe, on peut
parler rapidement d'Air France, possédée à 94% par l'Etat
Français en 1994 elle est aujourd'hui aux mains de divers investisseurs
français et étrangers. Pourtant, comme le décrit
Jean-Jacques LECAT dans son article La propriété et le
contrôle des compagnies aériennes, le cas d'air France
(LECAT) la valeur symbolique et la charge émotionnelles de cette
compagnie « pavillon » est très importante dans le
paysage politique car on l'envisage toujours comme attachée à
l'Etat. L'environnement des compagnies aériennes est pourtant ultra
libéralisé, ouvert à la concurrence et
mondialisé.
Les compagnies aériennes constituent un domaine
rentable, comme le décrivent les chiffres de l'ICAO « le
transport aérien termine l'année 2017 avec un autre
bénéfice d'exploitation record, soit 60 milliards USD et une
marge d'exploitation de 8 %. Le bénéfice net des compagnies
devrait s'établir à quelque 36 milliards USD, dont près de
45 % devraient provenir des transporteurs de l'Amérique du Nord.
»12
c) Les taxes
Il existe différentes taxes dans le domaine du
transport aérien. Tout d'abord nous évoquerons la convention de
Chicago de 1944 qui pose les bases de l'organisation actuelle. Nous
évoquerons ensuite la TVA appliquée au secteur, la taxe sur les
billets d'avions en France dite taxe Chirac puis enfin la toute récente
taxe mise en place par le gouvernement Macron.
12
https://www.icao.int/Newsroom/NewsDoc2018fix/COM.01.18.FR.pdf
·
17
La convention de Chicago définit le
premier cadre du trafic aérien mondial et est ratifiée le 7
décembre 1944, à la sortie de la seconde guerre mondiale. Ce
contexte bien particulier donne le ton des premiers mots du texte «
The future development of international civil aviation can greatly help to
create and preserve friendship and understanding among the nations and people
of the world, yes its abuse can become a threat to general security »
(Convention on International Civil Aviation, 1944)
C'est ce texte, toujours en vigueur aujourd'hui qui
définit la taxation du carburant des avions dans l'Article 24 :
« Fuel, lubricating oils, spare parts, regular equiment and aircraft
stores (...) shall be exempt from customs duty, inspection fees or similar
national or local duties and charges » (Convention on International
Civil Aviation, 1944) En résumé, pas de taxe sur le fioul lourd
des cargos et le kérosène des avions puisque l'on veut favoriser
l'expansion du secteur. Cette décision a été prise par les
191 états membres de l'OACI et seul un vote unanime de ces mêmes
états pourrait remettre en cause cette clause. Cette convention ne vaut
que pour les vols internationaux, comme le rappelle Claudia Cohen dans son
article de novembre 2018 (COHEN, 2018).
· En France le taux de TVA pour l'achat
des billets tous moyens de transport confondu est de 10%. Ce taux est le
même pour les billets de bus, de train ou d'avion mais uniquement pour
les vols domestiques c'est-à-dire en France. Pour les vols
internationaux et intra-européens le taux de TVA est de 0. Cette
situation trouve son origine dans une directive européenne de 1977
prévue à l'origine pour être provisoire. Cette exemption de
TVA signifie que les compagnies peuvent être remboursées de la TVA
pour achat de biens et service liés à l'activité. Selon le
rapport « Les aides au transport aérien » publié en
2015 par Réseau Action climat ce taux de TVA à 0
représente un manque à gagner de 10 millions d'Euros par an.
· La taxe sur les billets d'avions dite «
taxe Chirac » a été mise en place en France
en 2006. L'objectif est de constituer un fond pour « rendre accessible
les soins aux plus défavorisés de la planète, et lutter
contre le sida, le paludisme, la tuberculose » comme nous le
décrit cet article de l'Obs (l'Obs, 2013). A son lancement en 2006,
Jacques Chirac souhaitait que l'initiative soit suivie par d'autres pays.
Finalement la France reste le premier contributeur et les réalisations
ne sont pas nombreuses. Cette taxe ne fait pas l'unanimité et n'est pas
considérée comme une grande réussite.
· Très récemment, en juillet 2019
une nouvelle écotaxe a été décidée
en France. Elle concernera dès 2020 tous les billets d'avions vendus
pour des vols au départ de la France. Cette mesure sera
intégrée au projet de lois finances de 2020. Le montant de la
taxe sera compris entre 1,5 et 18 euros par billet, et devrait rapporter 180
millions d'euros par an
destinés à financer des infrastructures de
transport plus écologiques comme le train. Cette taxe a
été assez mal perçue de la part des compagnies
aériennes, notamment Air France comme le décrit un article du
Monde de juillet 2019 (AFP, 2019). La compagnie s'inquiète en effet que
cette taxe aille à contre-sens de la transition écologique en
empêchant notamment la compagnie de renouveler sa flotte.
B. Le voyage en avion
Le voyage en avion a ouvert les portes à de nouvelles
possibilités : des voyages plus rapides, plus lointains, plus faciles.
Nous avons évoqué la symbolique de l'aéroport comme un
lieu idéalisé, une porte d'entrée vers un monde parfait :
celui des vacances ! Et quel véhicule mieux approprié pour
accéder le plus rapidement possible à cet Eden que l'avion ?
C'est en tous cas l'image qui lui a été associée par les
divers voyagistes vantant plages de rêve ou jungle paradisiaque à
portée de main, loin du quotidien grisonnant du temps occupé par
le travail.
Figure 12 Publicité Air France 1930
1. L'avion comme véhicule vers l'exotisme
Aux prémices de l'expansion du tourisme aérien,
l'avion est un véhicule vers l'exotisme. La France et l'Europe dans les
années 1930 ont encore des colonies. Ces espaces sont
idéalisés et symbole d'exotisme. Leur image est souvent
véhiculée via des clichés reprenant les traits les plus
marquants d'une culture ou d'un pays. Les compagnies aériennes vont
très vite se saisir de ces symboles pour leurs campagnes publicitaires.
Comme on le voit sur les publicités d'Air France dans les années
193013. L'avion devient symbole de liberté permettant
d'accéder à contrées lointaines fantasmées dans la
littérature ou réservées aux pionniers et aux
explorateurs. Un voyage historiquement long et éprouvant est ainsi
à la portée de tous.
Cette image d'exotisme évolue au fil du siècle
et les publicités des compagnies aériennes vont aujourd'hui
être plus orientées vers
18
13
https://www.laboiteverte.fr/anciennes-affiches-air-france/
19
l'offre spécifique de la compagnie. Etant donné
l'offre aérienne variée tant en termes de prix que de
destinations, la publicité choisit ses cibles.
Des compagnies longs courriers vont continuer de
véhiculer une image d'exotisme, en utilisant des symboles mais en
spécifiant une image de luxe par exemple (si c'est le créneau de
communication de la compagnie). On le voit dans cette récente campagne
publicitaire d'Air France14, l'image du Mexique est
symbolisée par une femme vêtue d'une robe colorée et de
bijoux voyants, une image presque folklorique mais avec un côté
moderne. Ici, la publicité vante les voyages au Mexique et utilise la
figure d'une personnalité emblématique du pays : Frida Kahlo.
Dans tous les cas, le monde atteignable grâce à l'avion est plus
beau que celui du quotidien.
Figure 13 Campagne publicitaire Mexique, Air France
2019
Autre exemple avec la compagnie Hop ! filiale d'Air France
spécialisée sur les vols intérieurs qui va miser sur la
rapidité de ses trajets. L'idée de ces
publicités15 est de montrer que l'avion peut modifier la
géographie en rendant accessible rapidement des destinations. Cette
idée peut même évoquer la notion physique (et fictionnelle)
de trou de ver. Le « wormhole » est un objet hypothétique qui
serait un raccourci à travers l'espace-temps et permettrait de
rapprocher deux feuillets distincts du temps. L'avion permet des
déplacements si rapides qu'il peut parfois être envisagé
sous un angle futuriste, de fiction devenue réalité.
14
https://www.airfrance.fr/FR/fr/common/transverse/footer/visuels-campagne-air-france.htm
15
http://www.ohlalair.com/archives/2018/05/17/36411875.html
20
Figure 14 Campagne publicitaire Hop! 2019
2. Les destinations touristiques redéfinies par
l'avion
Comme l'illustre bien cette dernière publicité,
la carte du monde a été redessinée par l'avion. Certains
pays lointains ont longtemps été réservés aux
grands explorateurs, aux pionniers, voir aux conquérants. Avec l'avion
cela est complétement bouleversé. Ces deux cartes isochroniques
du monde (pages suivantes) illustrent ce phénomène en mettant en
avant les temps de trajets nécessaires pour atteindre une partie du
monde depuis Londres. On constate qu'entre 1930 et 2000 les destinations sont
redéfinies par l'avion. A l'image du développement du
réseau aérien en hub, on voit des ilots aujourd'hui
rapprochés de Londres en termes de temps de voyage : le rose de la carte
isochrone ne s'étend pas linéairement mais progresse par
tâches.
On constate qu'en 2016, on trouve des zones roses (les plus
proches de Londres en temps de trajet) et des zones bleues (les plus
lointaines) très proches les unes des autres. Cela s'explique par
l'implantation d'aéroports dans des zones isolées. On peut citer
par exemple l'aéroport de Kangerlussuaq qui met Londres à 5h du
Groënland alors qu'il fallait en 1914 entre 10 et 20 jours de voyage entre
ces deux villes. Au-delà du simple aspect pratique, on peut se demander
si ce n'est pas aussi la notion même d'exotisme qui est modelée
par les possibilités offertes.
Figure 15 Carte Isochrone 1930
21
Figure 16 Carte Isochrone 2016
22
23
3. L'évolution du trafic aérien et
l'avènement du low-cost
a) Fonctionnement du low-cost
Si techniquement l'avion permet de voyager facilement, encore
faut-il que les billets soient accessibles financièrement pour les
voyageurs. Le rapport Aviation Benefits (IHLG, 2017) nous présente
l'évolution du coût des voyages en avion. Ce dernier n'a
cessé de diminuer depuis les années 1950. Cette baisse continue a
été rythmée par différents événements
mondiaux majeurs comme la dérégulation du trafic aérien
aux Etats-Unis à partir de 1979 ou encore la libéralisation du
trafic aérien en Europe dans les années 1990.
Figure 17 Evolution du prix moyen des voyages en avion de
1950 à nos jours
Le prix des billets d'avion a lui aussi diminué. Ce
même rapport (IHLG, 2017) nous expose qu'un Paris-Milan aurait
couté 400 euros en 1992 et seulement 15 euros en 2017. Au-delà de
la baisse des coûts, ce qui a permis une telle réduction des prix
des billets c'est l'avénement du low-cost.
L'offre de billets d'avion à bas coûts est
proposeé par les compagnies LCC (low cost carrier). Ces compagnies sont
capables de minimiser leurs dépenses, notamment en réalisant des
économies de densité qui sont plus efficaces que les
économies d'echelle. Les avions volent plus longtemps, la main d'oeuvre
recrutée est plus flexible en temps et en tâche. Comme le
décrit Frédéric DOBRUSKES, ces compagnies livrent à
une « chasse systématique aux coûts : réduction ou
suppression des services gratuits (repas, journaux...), réservations par
téléphone ou internet évitant les agences de voyages et
leurs commissions, utilisation d'aéroports secondaires moins gourmands
en taxe, absences de billets imprimés, refus de vendre des vols avec
correspondance. » (DOBRUSZKES, 2005)
24
Le business model du low-cost est en résumé :
· Basé sur des courts-courriers qui lui
permettent de ne posséder qu'un seul type d'avion (le Boeing 737 par
exemple).
· Limité sur les choix des trajets, l'objectif
n'est pas de développer l'offre mais d'utiliser des aéroports peu
encombrés pour accélerer toutes les manoeuvres au sol.
· Limité sur les services (repas, bagages,
perosnnel d'accueil etc).
· La sous-traitance des prestations aux entreprises les
moins coûteuses. Par exemple, comme le décrivent Michel Santi et
Véronique Nguyen dans leur article Le business model du low-cost
(NGUYEN, 2012) Easyjet fait appel à six fournisseurs sur ses vols
londoniens (gestion des bagages, prestataire pour la gestion des horaires de
vol, fournisseurs pour les boissons et encas vendus, prestataire pour la
maintenance de la flotte etc ...).
· La non-affectation des sièges et le sur-booking
(vente de plus de billets que de sièges disponibles).
· Le Yield management (c'est-à-dire la
tarification en temps réel, non pas basée sur le prix de revient
mais sur la demande du consommateur) .
Cette optimisation des coûts est
réfléchie en fonction des attributs de la Valeur d'Utilité
Percue par le Client ou VUPC. En résumé les compagnies vont jouer
sur un fil entre minimiser les coûts et ne pas boulverser les clients
pour qu'ils continuent d'acheter des billets. Pour cela la technique de
l'escamotage est souvent utilisée : par exemple supprimer les agents
d'accueil à l'aéroport ou en agence et demander aux clients de
choisir eux-même leur billet en l'achetant sur internet. Egalement en
demandant au client d'enregistrer lui-même son bagage : baisse du
coût pour la compagnie (moins de personnel) mais pas de baisse de la
VUPC. Comme le décrivent Michel Santi et Véronique Nguyen cette
habile manipulation amène au paradoxe suivant « le client
réalise une partie de la prestation qu'il achetait
précédement et il s'en trouve entièrement satisfait.
» (NGUYEN, 2012)
Arrêtons-nous enfin sur une autre pratique du low-cost,
l'utilisation d'aéroports secondaires. Les compagnies LCC les
préfèrent pour plusieurs raisons : le temps perdu au sol est
diminué, les taxes sont moins importantes, il est plus facile de
négocier les termes de leur utilisation (parfois exclusive) car ils sont
souvent sous-exploités. Ainsi de nombreux aéroports secondaires
vivent uniquement grâce au low-cost. C'est le cas de Brussels South
Charleroi, Paris Beauvais ou encore Rome Ciampino comme l'explique Frederic
Dobruskes. (DOBRUSZKES, 2005)
25
b) Une réelle démocratisation ?
Malgré l'avènement du low-cost, voyager en
avion reste réservé à une faible partie de la population
mondiale. Selon un rapport (DGAC, 2017) publié par la Direction
Générale de l'Aviation Civile, les profils types des voyageurs
aériens (pour la France) sont les suivants : une majorité
d'actifs 74 % et une petite majorité d'hommes 53%. Cette étude a
été menée dans 12 aéroports français, sur un
échantillon de 40 000 passagers environ. Il en ressort que 27 % de ces
passagers sont cadres supérieurs, chef d'entreprise ou de profession
libérale. De plus, 57 % des voyageurs interrogés n'ont aucun
enfant à charge. On peut en déduire que ceux qui prennent le plus
l'avion sont issus de CSP + voir ++ et que l'avion, malgré une certaine
démocratisation des prix grâce au low-cost, reste un moyen de
transport coûteux et peu accessible aux familles. En termes d'âges
les 15-54 ans représentent 80 % des voyageurs interrogés, l'avion
n'est pas non plus le moyen de transport privilégié par les
séniors. Il faut également préciser que 29 % des personnes
interrogées se déplaçaient pour des raisons
professionnelles, ce qui explique en partie la faible représentation des
séniors.
Au niveau mondial, l'égalité
géographique n'est pas de mise quant aux voyages aériens, ainsi
un article d'Alternative Economiques (GRIMAULT, 3 juin 2019) nous apprend
que « En 2017, il (le continent asiatique) ne pesait encore que 32 %
des kilomètres parcourus en avion dans le monde, alors qu'il
représente 60 % de la population mondiale. A l'inverse,
l'Amérique du Nord réalise 28 % des kilomètres parcourus
en avion pour 5 % de la population mondiale, et les Européens, 25 % du
trafic mondial pour 10 % de la population. » Le Worlwatch Institute
nous apprend en 2008 (ASSADOURIAN, 2007-2008) que 95% des habitants de la
planète n'ont jamais pris l'avion. Une autre étude de
Réseau Action Climat (annexe 1) nous apprend que 10% de
la population mondiale prend l'avion chaque année.
Alors oui on peut affirmer que le trafic aérien
s'étend et se développe à une grande vitesse, en revanche
il serait inexact de dire qu'il se démocratise. Dans les pays
occidentaux ou dans les milieux sociaux aisés l'avion est
régulièrement utilisé mais pour l'immense majorité
de la population mondiale ce n'est pas un moyen de transport envisageable.
26
4. Les impacts des voyages en avion
a) Les impacts environnementaux
L'impact principal du trafic aérien en termes
de pollution est bien sur l'émission de dioxyde de carbone
résultant de la combustion du kérosène. Ces
émissions de CO2 augmentant au niveau mondial accroissent l'effet de
serre et donc le réchauffement climatique. On estime
généralement que le trafic aérien est responsable de 2
à 3 % de ces émissions. Cela peut paraitre peu, pourtant si l'on
compare l'avion à d'autres modes de transport on apprend qu'en termes de
CO2 émis par voyageur au kilomètre l'avion est 45 fois plus
polluant que le TGV, comme le décrit Aurélien BIGOT dans son
article dans The conversation en 201916.
L'avion est donc un mode de transport émettant
en moyenne 128gr de CO2 par kilomètre et par passager. On constate que
la voiture individuelle est un mode de transport également très
émetteur. Il est toutefois délicat de comparer trajet en voiture
et trajet en avion, en effet le désir des voyageurs est bien
différent. Ainsi, comme le montre Aurélien BIGOT dans son
article, si l'on ramène ces chiffres à l'heure de transport
l'avion est 13 fois plus polluant que la voiture.
De plus au-delà du CO2, les avions ont
d'autres impacts environnementaux. Toujours dans l'émission de gaz
à effets de serre les avions émettent des oxydes d'azote qui
entrainent la production de méthane, mais également de l'ozone.
Ces deux gaz sont à effet de serre. Les trainées blanches (vapeur
d'eau) émises par les avions entrainent l'augmentation du nombre de
cirrus qui ont eux aussi un effet réchauffant.
Réseau action climat affirme dans son rapport
Co2 is in the air (RAC, 2015) qu'en prenant en compte l'ensemble des gaz, le
transport aérien mondial est à l'origine de 4,9% du
réchauffement climatique mondial.
Dans son rapport (GIEC, 2015) couramment
appelé rapport 1,5, le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur
l'Evolution du Climat) tire la sonnette d'alarme face au réchauffement
climatique mondial et l'érosion de la biodiversité. Ce rapport
appelle à de nombreuses actions éco responsables et notamment
« repenser nos modes de déplacements » (GIEC, 2015)
afin de maintenir le réchauffement climatique global en dessous des
1,5°C. Pourtant, on sait que le secteur aérien est en plein
développement et les perspectives d'avenir sont en faveur d'une
croissance importante du
16
https://theconversation.com/impact-du-transport-aerien-sur-le-climat-pourquoi-il-faut-refaire-les-calculs-116534
nombre de voyageurs, des aménagements, des liaisons et
des avions. Un article récent (26 juin 2019) du média
engagé Usbek et Rica rapporte ainsi les propos de Laurent
Castaignède (ingénieur centralien et fondateur du bureau
d'études BCO2 ingénierie) « Si on ne réduit pas,
dans trente ans, environ la moitié de l'énergie mondiale ne
servira qu'à des touristes qui partent en avion I »17
b) Les impacts sociaux
Le tourisme aérien a ses défenseurs et ses
détracteurs. Nous présenterons ici un bref résumé
de deux discours qui s'opposent en termes d'impacts sociaux du tourisme
aérien.
Selon l'IATA (IHLG, 2017) le voyage en avion à plusieurs
effets positifs :
· Il permet l'accès à des marchandises
produites loin.
· Il crée des opportunités d'échange
sociaux et culturels.
· Il est une réponse efficace en cas de crise
humanitaire ou climatique (catastrophe) pour un apport conséquent et
rapide d'aide humaine, médicale ou alimentaire.
· Le marché du tourisme grandit grâce
à l'avion et crée de nombreux emplois : en 2017, 62,7 millions
d'emplois liés directement ou indirectement à l'aviation, 9,9
millions d'emplois liés directement. Le secteur prévoit de
générer 99 millions d'emplois en 2034.
· L'avion permet d'aller étudier facilement dans
un autre pays, de développer des opportunités de carrière
et d'accéder à une meilleure qualité d'enseignement pour
les étudiants des pays en développement.
Face à ce discours d'autres dénoncent les abus
du surtourisme qui sont accélérés par l'avion. On peut
citer par exemple les Baléares mis en tourisme très vite et d'une
manière désastreuse pour l'environnement et les populations
locales. On peut également penser aux Maldives : cet archipel au
décor paradisiaque, de culture musulmane a été totalement
bouleversé par le tourisme. Dans son article (Magnan, Avril 2008)
publié dans études caribéennes, Alexandre Magnan
décrit le développement des îles hôtels. L'archipel
des Maldives était en 2000 habité à seulement 38% (des
terres émergées). L'ouverture et le développement de
l'aéroport international d'Hulhulé a permis le
développement massif du tourisme et la création d'îles
hôtel d'où les touristes ne sortent pas et ou les populations
locales ne viennent pas ou parfois pour travailler. Comme le décrit
Alexandre Magnan « Un tel contexte bouleverse les repères
identitaires et sociaux des travailleurs locaux et génère
des
27
17
https://usbeketrica.com/article/climat-faut-il-taxer-ou-boycotter-l-avion
28
comportements déviants (homosexualité,
consommation de drogue et d'alcool...) par rapport aux normes sociétales
maldiviennes. » (Magnan, Avril 2008)
De manière plus large, le surtourisme parait être
cristallisé par l'image de l'avion. Comme nous l'avons vu avec la carte
isochrone, au-delà de bouleverser les temps de trajets, l'avion
bouleverse également les rapports sociaux. L'avion semble alors se
placer comme symbole de rapidité, de modernité mais aussi
peut-être de facilité ou de croissance aveugle. Aboutissement
d'une longue quête, au départ imaginaire et onirique, par la suite
technique et même industrielle, l'avion n'est pas un simple moyen de
déplacement, il agite les imaginaires et fait rêver les foules. En
dépit des constats scientifiques de la pollution qu'il
génère, tout le monde n'est pas prêt à l'abandonner
et ceux qui défendent cette idée sont perçus comme
extrémistes. Entre croissance et décroissance l'avion devient
l'étendard d'une lutte plus profonde. Voyons à présent
comment et pourquoi le transport aérien est remis en question.
29
II. Une remise en question
Depuis une dizaine d'années, des voix commencent
à dénoncer l'avènement d'un moyen de transport aussi
polluant que l'avion face au changement climatique. En effet comme nous l'avons
vu précédemment, les impacts négatifs de l'avion sur
l'environnement ont été prouvés par de nombreuses
études scientifiques. Face à ces faits, les fabricants d'avions
tentent de proposer des alternatives moins polluantes, les lobbys
aériens prennent également le problème en
considération. Pourtant certains restent convaincus que le seul moyen de
lutter contre cette pollution est simplement de diminuer voir de stopper les
voyages en avion. Penchons-nous à présent sur ces
différentes tendances.
A. Limiter l'impact de l'avion
1. Les perspectives techniques et économiques
a) Les moteurs propres
Comme dans le domaine automobile qui prévoit la
disparition des véhicules diesel ou tout au moins l'arrêt de leur
fabrication, le secteur aérien souhaite diminuer le recours aux
énergies fossiles, c'est à dire au kérosène. Dans
ce but, plusieurs alternatives sont étudiées. Le constructeur
français Airbus souhaite créer des avions qui pourraient voler
sans polluer. Pour cela, Guillaume Faury, président d'Airbus affirme en
mai 2019 dans le journal Frankfurt Allgemeine18 qu'il souhaite
introduire des moteurs électriques dans tous les appareils d'ici 10 ans.
Toulouse et son « Aerospace Valley » sont un pôle mondial pour
la recherche et la fabrication des avions, dynamique impulsée par la
présence d'Airbus. Le groupe Safran Electrical & power, lui aussi
basé à Blagnac dévoilait en 2018 un moteur
électrique révolutionnaire qui pourrait à l'avenir
équiper les appareils Airbus. De son côté pourtant, Airbus
a abandonné définitivement en 2015 les recherches sur un appareil
entièrement électrique (le E-fan). Des partenariats existent
entre Airbus et Siemens ou encore Rolls-Royce qui travaillent sur des moteurs
hybrides19. Chaque nouvelle génération d'appareils
permet déjà une consommation de carburant 15 à 20%
inférieur à la génération précédente.
Selon le rapport Aviation Benefit20 (IHLG,
18
https://www.faz.net/aktuell/wirtschaft/unternehmen/airbus-chef-faury-will-emissionsfreies-fliegen-16148800.html
19
https://actu.fr/occitanie/toulouse
31555/toulouse-face-honte-prendre-avion-airbus-imagine-voler-sans-polluer
23280504.html
20
https://aviationbenefits.org/environmental-efficiency/climate-action/efficient-technology/
30
2017), un siège produit 80% moins de CO2 aujourd'hui
qu'en 1950. De plus le secteur de l'aviation est à la pointe en termes
d'innovation et de recherche. Il existe de très nombreux projets
d'avions futuristes comme des avions à deux fuselages21, des
ailes volantes, des carlingues transparentes, des cabines à air enrichi
en vitamines ou encore des espaces de réalité
augmentée.
b) Les bio carburants
Une autre piste étudiée est celle des
agro-carburants, qui limiteraient le recours au kérosène. Des
avions capables d'utiliser un mélange de biocarburant sont
déjà en circulation. Ce dernier est fabriqué à base
de sucre (betterave), de déchets forestiers ou agricoles (paille,
copeaux de bois) et mélangé au kérosène à
hauteur de 10% maximum22. L'avantage de cette alternative est que
les moteurs actuels peuvent s'adapter à ce type de mélange, il ne
serait donc pas nécessaire de renouveler les flottes. De plus les
biocarburants n'émettent peu ou pas de CO2. On estime qu'en 2025, 2% des
besoins globaux du secteur pourront être couverts. Ces carburants sont
d'autant plus intéressants pour les compagnies que le prix du baril de
pétrole n'est pas stable et risque à l'avenir d'augmenter avec la
raréfaction de la matière première. Il existe même
des projets d'algo-carburant23, avec lequel Airbus a fait
décoller un avion en 2010. Il faudrait 100 kg d'algues pour produire 21
litres de biocarburant. De plus la culture des algues absorbe du CO2 (182 kg de
CO2 absorbés pour 00 kg d'algues cultivés) une combinaison «
win-win », à suivre.
La filière se mobilise pour trouver des
alternatives24 mais celles-ci ne semblent pas arriver assez
rapidement. Les objectifs fixés ne sont pas atteints et le
progrès technique ne parvient pas à suivre la croissance
exponentielle du trafic. Des accords sont pourtant signés avec une
volonté affichée d'aller vers une aviation propre. Ainsi l'IATA
affirme que le secteur souhaite réduire son empreinte environnementale
à court, moyen et long terme. Pour le court terme, l'objectif principal
est de faire en sorte de diminuer la consommation de kérosène de
1,5% par an. Cela se traduit par des investissements financiers importants dans
la recherche pour l'électrique ou les biocarburants comme
évoqué précédemment. A moyen terme l'objectif est
de stabiliser les émissions de C02 d'ici 2020 et d'aller vers une
croissance carbone neutre en 2050. Ces objectifs s'entendent sur les vols mais
aussi les aménagements (aéroports). Le rapport Aviation Benefits
(IHLG, 2017) nous décrit par exemple le
21
https://www.futura-sciences.com/sciences/photos/univers-top-17-avions-futur-688/univers-avion-northrop-grumman-ailes-hautes-deux-fuselages-4635/
22
https://www.lemondedelenergie.com/biocarburant-avions/2018/04/18/
23
https://www.transportshaker-wavestone.com/le-biocarburant-dans-le-secteur-aerien-vers-des-vols-plus-verts/
24
https://aviationbenefits.org/environmental-efficiency/climate-action
31
projet « Nuestra huerta » à Quito en
équateur : les 400 employés de l'aéroport sont nourris par
seize familles de producteurs locaux installés autour de
l'aéroport. L'aéroport se veut ici ambassadeur du local.
Les objectifs fixés à moyen et long terme ont
débouché en 2016 sur la signature des accords CORSIA25
régime de compensation et de réduction de carbone pour l'aviation
internationale. Ces accords internationaux précisent la mise en oeuvre
de la compensation carbone pour le secteur de l'aviation effective à
partir de 2021. L'IATA se félicite de cet accord en déclarant
« l'aviation demeure à l'avant-garde des
industries qui combattent les changements climatiques », Alexandre de
Juniac, directeur général et chef de la direction de
l'IATA.26
Un classement des compagnies les moins polluantes a
été établi par le professeur Simon Dietz dans le cadre du
rapport de la Transition Pathway initiative27. Ce rapport (DIETZ,
Mars 2019) a pour ambition de mesurer l'investissement des compagnies pour
s'aligner sur les objectifs des accords de Paris.
Figure 18 Classement des performances carbone des compagnies
aériennes
25
https://www.aerobuzz.fr/breves-transport-aerien/le-corsia-adopte-par-loaci/
26
https://www.air-journal.fr/2016-10-07-transport-aerien-accord-historique-pour-une-croissance-neutre-en-carbone-5170667.html
27
http://www.lse.ac.uk/GranthamInstitute/tpi/wp-content/uploads/2019/03/Management-quality-and-carbon-performance-of-airlines-040319-1730.pdf
Parmi les compagnies meilleures élèves on peut
citer Lufthansa ou encore ANA group (compagnie japonaise). En termes
d'émissions de CO2, comme on le voit sur le tableau, les compagnies
n'atteignent pas les mêmes objectifs. Ces émissions sont
mesurées en grammes de CO2 par passager au kilomètre. Les
facteurs de variation de ces taux d'émissions sont principalement
l'âge de la flotte, la densité de remplissage des avions, le fret
(la mesure ne le prend pas en compte) et le temps passé au sol (qui est
très émetteur de CO2). De plus, les émissions de carbone
« compensées » par l'achat de crédits carbone sont
déduites des émissions réelles. Cela veut dire que le taux
d'émissions des compagnies peut être biaisé par cette
solution, c'est le concept que nous allons développer dans le paragraphe
suivant.
Dans toutes les perspectives envisagées pour
réduire l'empreinte carbone du secteur, la croissance du nombre de vols
n'est jamais remise en cause, les enjeux financiers étant colossaux. La
principale solution adoptée est celle de la compensation carbone.
c) La compensation carbone
Il existe deux choses différentes en termes de
compensation carbone :
1) Les quotas carbone mis en place par l'Union
Européenne
2) La compensation carbone volontaire des entreprises.
1 : Depuis 2005, dans l'objectif de limiter les
émissions de gaz à effet de serre, l'Union Européenne a
mis en place le marché de quotas carbone. Un plafond annuel
d'émissions est défini pour une certaine durée par le
conseil européen, ensuite en fonction des activités des
entreprises elles se voient attribuer gratuitement (ou partiellement
gratuitement) un certain nombre quotas carbone. Ces quotas correspondent en
quelque sorte à la pollution maximale que l'entreprise peut produire. Si
elle en produit moins, il est possible pour l'entreprise de revendre les quotas
non utilisés. L'objectif de cette mesure est d'inciter les entreprises
à limiter leurs émissions et de prévoir de les
réduire sur le moyen terme. En effet le nombre de quotas va
progressivement diminuer et leur prix augmenter et il sera plus rentable pour
les entreprises de mettre en oeuvre des mesures pour limiter leurs
émissions plutôt que d'acheter plus de quotas. En place depuis
presque 15 ans, il est parfois reproché à cette mesure
d'être trop lente et de ne pas avoir un effet assez rapide face à
l'urgence climatique28.
32
28
http://www.transition-europe.eu/fr/news/carbon-markets-will-not-make-our-planet-great-again
33
Le marché carbone n'existe pas seulement en Europe,
décidé lors de la cop21 en 2015 les quotas sont implantés
ou en cours d'implantation dans certains Etats américains, au Japon, en
Islande ou en Afrique du sud par exemple.29
L'argent généré par ces marchés
est investi dans des compensations carbone comme la plantation d'arbres ou le
financement d'installations durables (fours solaires par exemple). Avec ce
principe l'idée est de compenser les émissions carbones des
industries polluantes. Pour le domaine du transport aérien, ces quotas
ne sont appliqués qu'aux compagnies basées dans des pays
appliquant ces mesures et uniquement pour les vols internes à
l'Europe
2 : La compensation carbone est un acte volontaire de la part
des entreprises qui consiste à investir dans des projets vertueux pour
la planète afin de compenser leurs activités polluantes. Ces
projets sont portés par de très nombreuses
fondations/associations qui les proposent aux entreprises. L'idée est de
contrebalancer les émissions de C02 avec notamment des campagnes de
reforestation, puisque les arbres vont absorber du CO2. Ces compensations sont
mises en place proportionnellement aux émissions produites, qui sont
donc calculées dans un premier temps. Pour les entreprises ils existent
beaucoup d'organismes auprès de qui organiser cette compensation on peut
citer Goodplanet 30 qui propose des projets de restauration de la
biodiversité, d'écoles bioclimatiques, ou encore de valorisation
des ordures ménagères. Il y a aussi Ecoacts31 qui agit
dans le même domaine mais aussi des fondations plus
spécialisées dans la reforestation comme
Reforestaction32 qui met en place des projets de plantation d'arbres
en Europe mais aussi dans le reste du monde.
La compensation carbone peut aussi entrer dans les quotas
carbones puisque par ces actions une entreprise va réduire son empreinte
carbone et ainsi pouvoir revendre ses quotas.
Ces procédés de compensation carbone sont
parfois remis en question. En effet leur efficacité réelle est
assez floue et le lien direct entre émissions et compensations n'est
parfois pas très factuel. Bien souvent les émissions proviennent
des pays occidentaux et les programme de compensation sont mis en place dans
les pays en voie de développement. Certains, comme Juliette RENAUD,
chargée de campagne pour l'association les amis de la terre33
déclarent « Des centaines de milliers de personnes sont
expulsées de leurs terres ou de leurs forêts parce que des
entreprises, sous prétexte d'économie verte, prennent le
contrôle de ces espaces. Le problème de fond est la
surconsommation croissante de
29
http://www.cop21paris.org/images/downloads/Climate
Action Infographic Carbon Finance.pdf
30
https://www.goodplanet.org/fr/agir-a-nos-cotes/compensation-carbone/
31
https://eco-act.com/fr/our-people/
32
https://www.reforestaction.com/nos-projets-de-reforestation
33
http://www.amisdelaterre.org/L-histoire-de-REDD-une-reelle-solution-a-la-deforestation-446
34
ressources naturelles et la compensation de ces
excès ne fait que déplacer le problème ailleurs, là
où les gens n'ont aucun moyen de s'opposer. »
Enfin, pour revenir à notre sujet du tourisme
aérien, face aux impacts environnementaux de l'avion, certains usagers
croient en la compensation carbone à titre personnel et souhaite la
mettre en oeuvre afin de prendre l'avion sans avoir une emprunte carbone
importante. C'est ce que décrit par exemple Aurélie Delmas dans
son article paru dans Libération le 6 juillet
201934 « Aujourd'hui, ce sont même les
compagnies aériennes qui sollicitent directement les voyageurs afin de
compenser. Par exemple Ryanair propose de cocher une case en achetant son
billet pour « faire un don pour compenser l'empreinte carbone de mon vol
et contribuer à d'autres initiatives environnementales ».
Au sein de l'agence Allibert Trekking, la compensation est
automatiquement prise en compte dans le prix de vente et
l'intégralité des émissions carbone des clients sont
compensées depuis 2017. Nous reparlerons plus loin du cas de l'agence
Allibert.
2. La voix des pouvoirs publics
Du côté des institutions, le premier pas a
été celui des accords de Paris. Signés en 2015, suite
à la Cop21, ces accords sont les premiers mettant en place des mesures
d'urgence face au réchauffement climatique. L'aviation n'a que peu
été évoquée dans ces accords qui n'ont un impact
sur cette dernière que dans le cadre des quotas carbone. Cette absence a
été justifiée d'un côté par la dimension
internationale de l'avion comme le décrit Fabrice Gliszczynski dans son
article35 de la Tribune en décembre 2015 «
le caractère international de son activité rend quasiment
impossible le calcul d'objectifs de réduction des gaz à effets de
serre par pays comme cherchent à la définir les Etats lors de
cette 21e conférence sur le climat qui se tient jusqu'au 11
décembre à Paris. » D'un autre
côté, cette absence a été largement
dénoncée par de nombreuses ONG comme Réseau Action Climat
par exemple.36 La force des lobbys du secteur (comme l'IATA) a
été évoquée. Certains médias sont même
allés plus loin en déclarant que cet oubli était
délibéré comme dans Bastamag37 du 11
décembre 2015
34
https://www.liberation.fr/france/2019/07/06/la-compensation-volontaire-alibi-pour-continuer-de-prendre-l-avion
1738216 35
https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/pourquoi-la-cop21-n-est-pas-decisive-pour-l-aviation-532070.html
36
https://www.bfmtv.com/planete/cop21-le-transport-aerien-grand-absent-de-l-accord-sur-le-climat-968865.html
37
https://www.bastamag.net/Accord-a-la-COP21-meme-sur-une-planete-morte-le-commerce-international-devra-se
35
qui titre « Accords à la Cop21 : même
sur une planète morte, le commerce international devra se poursuivre
sans entraves. »
Les mesures liées à l'aviation face aux enjeux
climatiques ont donc été abordées au sein des
organisations privées liées au domaine et ont
débouché sur les accords CORSIA que nous avons déjà
abordés.
Au niveau politique en France, certains proposent une taxation
du transport aérien puisqu'ils jugent l'absence de taxes sur le
kérosène comme une injustice. Mais l'argument de la
préservation de la compétitivité des compagnies
française est mis en avant et bloque le processus comme le décrit
Claudia Cohen dans son article38 paru dans le Figaro en mars
2019.
Les lignes semblent pourtant bouger et les pays scandinaves
sont précurseurs en la matière. En avril 2018 la Suède a
introduit une taxe sur le transport aérien pour tous les vols au
départ du pays. D'un montant compris entre 60 et 400 couronnes (5,8
à 38,8 euros) par billet. La majorité des Suédois y
était favorable, comme le décrit un autre article du Figaro en
avril 201839.
Les débats autour du transport aérien arrivent
peu à peu sur le devant de la scène médiatique et sont
pris en compte par les politiques. En France en juin dernier des
députés de l'opposition (François Ruffin et Delphine
Batho) proposent d'interdire les vols nationaux si une alternative en train
existe au nom de l'urgence climatique. Les propositions de loi ne sont pas tout
à fait identiques mais l'idée est la même. Comme nous
l'expliquent Maxime Vaudano et Adrien Sénécat dans leur article
du Monde en juin 201940 si une telle loi était mise en oeuvre
« une majorité des vols intérieurs français
pourraient être remplacés par des trajets en train sans grande
difficulté. » Selon l'article du Monde et comme on
38
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/11/16/20002-20181116ARTFIG00206-carburants-pourquoi-les-avions-et-les-bateaux-echappent-aux-taxes.php
39
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/04/01/97002-20180401FILWWW00038-la-suede-introduit-une-taxe-sur-le-transport-aerien.php
40
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/06/07/la-majorite-des-vols-interieurs-pourrait-se-faire-en-train-et-ce-serait-bon-pour-l-environnement
5472992 4355770.html
36
le voit sur les cartes suivantes, sur les 26,8 millions de
passagers en 2018 (incluant la Corse mais pas l'outre-mer) 13,8 millions sont
remplaçables par moins de 5 heures de train.
Figure 19 Trajets en avions remis en cause par les
propositions de lois
Face à cette proposition, le ministre de la transition
écologique du moment François de Rugy (qui avait pris ses
fonctions à la suite de la démission de Nicolas Hulot
rappelons-le) a fortement réagi en déclarant que cette
proposition « n'était pas sérieuse
»41. Il affirmait en effet que « si on interdit
tous les vols là où il y a un train qui met moins de 5h,
ça veut dire qu'on ne peut plus utiliser l'avion en France »
Comme montré précédemment cette affirmation du
ministre de l'écologie est inexacte.
La taxe Chirac de 2006 a été revue42
en juillet 2019, ses recettes devraient dorénavant être
allouées à des initiatives pour le climat, affaire à
suivre.
En France enfin, le projet de loi mobilité est toujours
en cours de discussion et comme le déclare le site du ministère
de la transition écologique43 « l'examen le 10
juillet, en commission mixte paritaire (CMP) n'a pas permis de trouver un
accord entre sénateurs et députés. Le gouvernement et la
majorité sont
41
https://www.marianne.net/politique/de-rugy-sur-l-interdiction-de-vols-interieurs-bienvenue-sur-air-infox
42
https://www.capital.fr/economie-politique/la-taxe-chirac-reliftee-par-les-deputes-1339388
43
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/projet-loi-mobilites
déterminés à aboutir à une
adoption rapide du texte, qui sera examiné en nouvelle lecture à
la rentrée. » A voir donc, si les propositions de lois autour
des vols internes sont adoptées et comment.
Face au monde professionnel de l'aviation qui semble ne pas
réagir assez rapidement, voir ne pas faire suffisamment d'efforts ; face
au monde politique qui ne parvient pas à mettre en place des mesures
efficaces ; certains font un choix radical : ne plus prendre l'avion. C'est
l'idée du mouvement Flygskam littéralement honte de prendre
l'avion qui prend racine dans les pays scandinaves, ceux-là même
qui ont les premiers, imposé une taxe sur le transport aérien.
Intéressons-nous maintenant de plus près à ce mouvement et
ses partisans.
B. Ne plus voler
Le secteur professionnel de l'aviation tente de
démontrer sa prise en compte des enjeux environnementaux via divers
projets mais visiblement cela ne convainc pas tout le monde. L'enjeu social est
important car du côté des usagers, le nombre de voix
considérant le transport aérien comme une aberration ne cesse de
croître et fini par amener ces questionnements sur le devant de la
scène médiatique. Le mouvement Flyless, ou Flygskam
littéralement « voler moins > ou « avoir honte de prendre
l'avion » semble faire de plus en plus d'adeptes.
1. Idéologie
Né il y a une dizaine d'années dans les pays
scandinaves, ce mouvement est constitué de citoyens sensibles à
l'écologie et qui essaient au quotidien de réduire leur empreinte
carbone. Adeptes du tri sélectif, essayant de réduire leurs
déchets on peut dire que les partisans du Flygskam sont des
écolos. Ils croient en l'idée que nous disposons d'un
crédit carbone mondial qui correspond à la quantité
d'émissions de cO2 que nous pouvons nous permettre de produire. Des
associations comme le WWF partagent cette idée et proposent de calculer
notre empreinte carbone personnelle. Certaines entreprises calculent
également leur empreinte pour tenter de la limiter. Dans cette optique,
il est certain qu'un seul voyage en avion est une source colossale
d'émissions de carbone. Pour le mouvement Flygskam les voyages en avion
ultra polluants ne sont plus admissibles et il faut tout bonnement y mettre
fin. De plus, dans le concept de « crédit carbone > et par leurs
émissions de carbone cumulées par le passé, les pays
industrialisés se devraient d'émettre encore moins aujourd'hui et
à l'avenir. En effet, comme le décrit Javier Caletrio dans son
article Le mouvement Fly less44, « la
37
44
http://fr.forumviesmobiles.org/2018/07/10/mouvement-fly-less-12515
38
notion de budget carbone redéfinit le changement
climatique comme un jeu à somme nulle. Plus on émet de carbone,
moins on laisse les autres en produire. Ce concept renvoi à
l'idée que l'humanité partage une même planète qui
est ainsi un bien commun. » (CALETRIO, 2019)
On peut résumer les piliers idéologiques du
mouvement ainsi :
· Les petites minorités pacifiques ont un
rôle à jouer et une réelle portée sur l'opinion
publique. L'image du « grand voyageur » (CALETRIO, 2019) en
est un bel exemple. La voix de celui qui fait rêver va avoir une
influence importante. De nos jours, cette portée est élargie par
les réseaux sociaux. On ne compte plus les bloggeurs et instagrammers
qui donnent la tendance en termes de tourisme. Convier telle ou telle
personnalité influente est bien souvent la meilleure publicité
pour un territoire. Ces influenceurs comme on les nomme, s'ils deviennent
ambassadeurs du Flyless peuvent avoir un écho énorme.
· L'opinion publique peut très vite basculer : il
n'est pas nécessaire qu'une majorité de la population soit
convaincue pour que les dynamiques d'opinion soient modifiées et
entrainent ainsi des décisions politiques.
· En appliquant ses choix à soi-même on
influence forcément les autres. L'idée est toute simple : sans
prêcher ni chercher à convaincre, par l'acte seul de ne plus
prendre l'avion, on enclenche dans certains esprits autour de soi une
réflexion similaire.
· C'est en appliquant ces trois piliers que les
politiques publiques suivront. En réduisant la demande en vols, l'argent
public sera réinvesti dans le train par exemple. Le consentement public
peut rendre possible et réel des politiques novatrices.
L'idée est aussi de dire que moins prendre l'avion ne
revient pas à se priver de quelque chose mais au contraire de s'ouvrir
à d'autres choses.
2. Diffusion du mouvement
a) La communauté scientifique
Ce mouvement est porté par des figures
emblématiques comme Rob Hopkins, fondateur du mouvement Villes en
transition. Également par la chanteuse d'opéra Malena Emman qui
est la mère de Greta Thunberg. On peut citer aussi les climatologues
Alice Larkin et Kevin Anderson aux Etats-Unis ou encore Peter Kalmus au
Royaume-Uni.
39
La communauté scientifique, pleinement concernée
par l'étude du changement climatique se mobilise dans ce mouvement. En
effet dans le domaine de la recherche les déplacements en avion sont
très nombreux dans le cadre professionnel. Pourtant les chercheurs
souhaitant alerter sur le changement climatique se retrouvent face à un
cas de conscience, comment alarmer sur le réchauffement et continuer
d'utiliser l'avion ? En devoir de montrer l'exemple sous peine de perdre leur
crédibilité, certains scientifiques tentent de limiter leurs
déplacements. En France par exemple le collectif Labos 1 point 5
regroupe les chercheurs souhaitant oeuvrer pour « transformer la
recherche collectivement face à l'urgence climatique ». Leur
texte fondateur45 évoque des soucis de cohérence entre
publications et actes personnels. Ce texte appel également à une
« rupture avec le modèle actuel » et « une
nouvelle éthique de recherche » pour un « effet
incitatif ». Il appelle à « favoriser
l'émergence de modes de travail sobres » comme une «
priorité de la communauté académique française
».
b) Les sports de nature
Dans le milieu de la montagne, pleinement impacté par
le réchauffement climatique avec des effondrements de plus en plus
nombreux46 (record absolu de 70 éboulements sur le massif du
Mont Blanc entre janvier et aout 2019), nombreux sont les usagers qui veulent
faire leur part pour lutter contre le réchauffement climatique.
L'association Mountain Wilderness47 prône un usage respectueux
de l'espace montagnard afin de « veiller au maintien des
équilibres naturels, de remettre en cause les pratiques
déraisonnables, proposer des approches douces de la montagne et soutenir
une économie montagnarde diversifiée ». Forte de ces
objectifs, elles proposent des défis comme la campagne Changez
d'approche48. Lancée dès 2007 son objectif est de
mettre en avant les mobilités douces pour accéder à la
montagne. L'idée est d'accéder à la montagne en transports
en commun, sans voiture et bien sûr sans avion. Une sélection
d'itinéraires est proposée. L'idée derrière ce
concept est aussi celle des micro-aventures c'est-à-dire partir à
l'aventure mais près de chez soi. Cela passe par l'utilisation de moyens
de locomotion inhabituels, d'un hébergement ou de pratiques qui sortent
de l'ordinaire.
Quatre sympathisants de Mountain wilderness font un retour
sur leur expérience à travers l'Europe pour la pratique de leur
activité sportive dans leur article Raid + ski nordique en Laponie.
Démonstration par l'exemple49, du 17 mai 2010. À la
suite de plusieurs voyages à vélo, ils prennent conscience que
leurs acheminements à destination par avion son très gourmands en
énergie. Ils
45
https://labos1point5.org/texte-fondateur/
46
https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/chamonix/montagne-est-train-tomber-au-mont-blanc-temperatures-record-font-grimper-nombre-eboulements-1708420.html
47 https://www.mountainwilderness.fr/
48 https://www.changerdapproche.org/
49
https://www.mountainwilderness.fr/se-tenir-informe/actualites/rail-ski-nordique-en-laponie.html
40
décrivent alors une réelle prise de conscience
personnelle et affirment « Dès lors, je ne vois plus ma
planète comme terrain de jeu... mais comme terrain de vie ».
Avides de grands espaces mais refusant de prendre l'avion ils choisissent
la Laponie pour leurs vacances de 15 jours. « Au départ ma
motivation première était complétement basée sur
mes convictions écologiques. Tout cela a bien évolué
aujourd'hui ». Au-delà d'un voyage propre, ces quatre jeunes
montagnards nous relatent une expérience forte : « le train a
constitué un véritable voyage dans le voyage » «
le voyage retour nous a permis de réattérir en douceur dans
le quotidien, de se retracer le voyage, d'en imaginer d'autres »
qu'ils ont aujourd'hui envie de promouvoir et de diffuser via leurs
métiers d'accompagnateurs en montagne.
c) Les jeunes générations
Il existe de nombreuses initiatives portées par les
jeunes générations (collégiens/lycéens) qui se
veulent défenseurs du climat. La figure emblématique de ce
mouvement est Greta Thunberg. Au-delà de cette jeune fille très
médiatisée, il existe par exemple le mouvement «
NoflyclimateSCI ». Une initiative citoyenne qui recueille des signatures
pour une pétition proposant la taxation du kérosène.
L'idée de ce collectif50 est simple : les avions sont une
source importante de consommation d'énergie fossile, le
kérosène doit être taxé et ne pas être
favorisé. Ce mouvement regroupe environ 600 universités sous la
bannière « Flyingless » comme l'université de
Neuchâtel en Suisse, le Council of the American Association of
Geographers aux Etats-Unis, l'Université Concordia de Montréal,
l'Institut des sciences et technologies de Barcelone en Espagne ... Le
mouvement Flyless se diffuse largement dans les milieux universitaires.
d) Les mouvements citoyens
Le mouvement Staygrounded51 regroupe 120
collectifs qui s'opposent au fait de prendre l'avion et/ou aux
aménagements liés à l'avion. Concernant les
aménagements, en France on pense à la ZAD de Notre Dame des
Landes qui s'est constituée pour dire non au nouvel aéroport de
Nantes et a obtenu gain de cause. Mais ce cas est loin d'être unique, il
existe de nombreux lieux à travers le monde où des citoyens
s'opposent à des projets liés à l'avion ou
dénoncent ce qu'ils considèrent comme des aberrations
écologiques dont le trafic aérien est responsable. On peut citer
par exemple le cas de l'aéroport Ciudad Real52 en Espagne :
ouvert en 2009, fermé en 2011 car les compagnies aériennes
(low-cost
50
https://noflyclimatesci.org/biographies/jake-woburn
51 https://stay-grounded.org/
52
https://ejatlas.org/conflict/ciudad-real-airport-spain
41
principalement) ont fait le choix de ne plus programmer de
vols depuis cet aéroport. Il est à présent en friche.
Le mouvement StayGrounded a aussi pour ambition, en
regroupant les personnes sensibles à la cause et en gagnant en
visibilité, de faire évoluer les politiques publiques en
matière de mobilité. L'objectif est rendre visible une demande de
transports sans aérien afin que le développement des
infrastructures en soit influencé. Ce collectif a organisé cet
été 2019 son premier grand évènement à
Barcelone. La conférence « Degrowth of aviation » s'est tenue
le 14 juillet dernier. Barcelone avait été choisi car symbole
fort du surtourisme. 200 personnes se sont réunies pour échanger
sur comment ne plus prendre l'avion.
Figure 20 Action des militants de Staygrounded à
l'aéroport de Barcelone, juillet 2019
Une action symbolique a également été
mise en place à l'aéroport de Barcelone Prats53. Des
militants en combinaisons rouges rappelant les braqueurs de banque de la
série « Casa de papel » ont formé un cordon humain
symbolique pour dire non à l'agrandissement de l'aéroport.
Le train est très souvent cité comme
alternative à l'avion. Il permet de parcourir des distances importantes
dans un confort proche à celui de l'avion. En France on peut citer le
collectif « Oui aux trains de nuit »54 qui se fait
entendre depuis près de deux ans pour encourager les gens à
prendre le train mais surtout pour défendre le maintien des lignes.
53
https://www.europapress.es/epagro/noticia-cambio-climatico-veintena-activistas-concentran-aeropuerto-barcelona-pedir-no-amplie-20190714125852.html
54
http://lourdesactu.fr/oui-au-train-de-nuit/
Au niveau européen le réseau « Back on
Track 55» défend le maintien ou la remise en place des
trains de nuit internationaux qui permettent de traverser l'Europe sans prendre
l'avion. Ce collectif prévoit un événement en octobre 2019
à Hambourg afin d'évoquer l'évolution européenne du
transport ferroviaire lors de nombreuses conférences. Le réseau
souhaite donner des conseils aux voyageurs afin de les informer et de faciliter
la réservation des trajets en trains à travers l'Europe. Dans
cette même idée on peut évoquer deux jeunes plateformes
:
· Loco256 (Comme locomotion mais aussi
lowCO2) permet de réserver billets de train et de bus en Europe. Cette
plateforme anglaise créée en 2012 défend le train avec 3
arguments principaux : il est plus écologique car moins émetteur
de CO2, il est d'un bon rapport qualité/prix et voyager en train est
confortable, enfin c'est parfois plus rapide que l'avion quand on
considère le temps passé à l'aéroport. Il existe
également une application dédiée sur smartphone. Cette
société florissante a été rachetée par
voyages SNCF en juillet 2017.
· Autre plateforme de réservation
dédiée au train, « The Man in Seat 6157 »
ressemble à Loco2 mais opère sur une zone plus étendue et
propose des options en ferry. Ce site fondé par l'anglais Mark Smith
fait face à une demande croissante. Il ne ponctionne pas de commissions
sur les billets pour autant et vit grâce à la vente de goodies
à l'image du site et à des financements publics et privés.
Il a reçu de nombreuses récompenses dans le domaine du tourisme
responsable et fait couler de l'encre dans la presse. Dès 2001 le
Guardian l'évoque comme un « Website of the week ». Dans un
article du Telegraph58 en 2018, le récit d'un périple
du Royaume-Uni vers la Chine en train a certainement fait rêver de
nombreux voyageurs.
42
55 https://back-on-track.eu/
56
https://loco2.com/fr
57 https://www.seat61.com/
58
https://www.telegraph.co.uk/travel/rail-journeys/flight-free-holidays-train-europe-africa/
43
A l'échelle Européenne, il semblerait que chaque
pays a vu naitre un ou plusieurs collectifs liés au mouvement Flyless.
En Grande Bretagne il s'appelle Flightfree UK59 et propose à
ses militants de s'afficher sur les réseaux sociaux avec un panneau
téléchargeable en ligne, comme sur cette image.
Figure 21 Campagne du mouvement anglais Flight free
En France le collectif Stay on the Ground60 a
rédigé une charte pour ceux qui choisissent de ne plus prendre
l'avion. Cette dernière (en annexe 2) a recueilli
environ 2000 signatures.
Enfin, en termes de force des mouvements citoyens, il faut
bien sur parler du cas de la Suède puisque le mouvement Flygskam est
parvenu à faire basculer la tendance : le nombre de vols à
diminué cette dernière année. On découvre ainsi
dans un article de Sophie Amsili, publié le 20 avril 2019 dans les
Echos61 que « En février, l'opérateur
Swedavia AB, qui gère dix aéroports dans le pays, dont les deux
principaux situés à Stockholm et Göteborg, a ainsi fait
état pour la première fois en une décennie d'une baisse de
son trafic passager. Un recul plus marqué sur les vols intérieurs
(- 6 % sur un an) que sur les vols internationaux (- 2 %). » Comme le
décrit un article du 4 avril 2019 dans Courrier
International62, cette baisse du nombre de voyageurs en avion a
poussé le gouvernement qui va débloquer un budget de 5 millions
d'Euros en 2020 pour financer les trains de nuit vers plusieurs grandes villes
européennes. Ainsi en Suède mais aussi dans les milieux
écolos sensibles au sujet prendre le train devient un marqueur social
fort et une véritable fierté comme le décrit
Frédéric Faux sur France Inter en avril 201963 .
59 https://www.flightfree.co.uk/
60
http://stayontheground.org/#manifeste
61
https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/en-suede-la-honte-de-prendre-lavion-plombe-deja-le-trafic-aerien-1013012
62
https://www.courrierinternational.com/article/voyage-en-suede-la-honte-de-prendre-lavion-fait-le-bonheur-du-train
63
https://www.franceinter.fr/societe/en-suede-la-honte-de-prendre-l-avion-face-a-la-fierte-de-voyager-en-train
44
C. Exemples concrets : ceux qui le font
déjà
Face à cette idéologie, certains voyageurs ont
d'ores et déjà mis en pratique le concept en choisissant de ne
plus prendre l'avion, sans pour autant renoncer à leurs vacances. C'est
ce que faisait déjà les partisans du mouvement Staycation, mais
pas uniquement dans l'optique de ne pas utiliser l'avion.
1. La presse spécialisée
Pour répondre à la demande de ces voyageurs
d'un nouveau genre, on constate que la presse de voyage fournit de plus en plus
de propositions locales. Le journal anglais The Times dans son
supplément de Juin 2019 titrait « All abroad ! Cut your carbon this
summer. Europe's most beautiful train trip ». D'après Associated
Press64 Le journal Danois Politiken « La rubrique voyage
couvrira des destinations facilement accessibles par les transports collectifs
». En France, Le Monde consacre cet été 2019 sa
chronique matinale65 à des voyages propres. L'idée est
résumée ainsi : « Cet été, La Matinale
vous propose de faire rimer dépaysement avec respect de l'environnement.
» Les voyages proposés sont par exemple « Cinq
escapades à cheval, à dos d'ânes, en roulotte...
» ou encore « Cinq virées à vélo en
Europe66 ». On met également en parallèle
des lieux proches (par exemple les Gorges d'Odessa en Espagne) avec des lieux
mythiques du tourisme mais lointains (le Grand Canyon) invitant ainsi les
voyageurs à découvrir des destinations plus
proches67.
Le magazine français Grands Reportages, explorez le
monde consacre son numéro du mois d'Aout 2019 à la France
Sauvage68 . Son rédacteur en chef Anthony Nicolazzi commente
ainsi « Choisir la France ? Passons sur le choix récurrent
I...] pour nous intéresser un instant aux « repentis ».
Autrement dit tous ceux qui ont beaucoup voyagé, au point, à
l'heure du changement climatique, d'en éprouver une forme de
culpabilité. « Je ne prends pas l'avion cette année »
ai-je ainsi entendu pas plus tard que cette semaine. Et même un « Je
ne prends plus l'avion », ce printemps, (...) L'avion, et avec lui le
voyage lointain ou trop récurrent, arrive clairement dans le collimateur
de tous ceux qui s'alarment du changement climatique et surtout de l'inaction
de la société et des pouvoirs publics. Et, cruelle mais
64
https://www.apnews.com/b31a0e98d1134f8b94ae8db5f5d0d2b8
65
https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/08/04/on-se-met-au-vert-cinq-escapades-a-cheval-a-dos-d-ane-en-roulotte
5496348 4497319.html 66
https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/08/11/on-se-met-au-vert-cinq-virees-a-velo-en-europe54984494497319.html
67
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/08/03/les-gorges-d-ordesa-un-grand-canyon-espagnol54963224500055.html
68
https://www.grands-reportages.com/mag-465-aout-2019
45
logique ironie -- on n'est pas à un
paradoxe près, ce sont bien souvent les plus grands voyageurs qui
s'alarment le plus des conséquences de leur comportement boulimique. Au
point de lever le pied et, pourquoi pas après tout, de passer
l'été dans l'Hexagone. »
En résumé on peut penser qu'il existe une
réelle tendance d'une culture du voyage émergente, celle du
voyage moins lointain. De nombreux articles de la presse
spécialisée nous rapportent les expériences des voyageurs
qui ont dit stop à l'avion, intéressons-nous à
présent à leurs récits.
2. Les voyageurs
Dans une enquête en ligne du Figaro
réalisée en avril 201969, sur 38 000 votants, 59%
déclarent qu'ils sont prêts à «
préférer le train à l'avion pour des raisons
écologiques ». Bien sûr, « être
prêts à » ne veut pas dire faire, pourtant c'est le Figaro
à nouveau dans un article de Guillaume Poingt paru le 13 avril
201970 qui nous rapporte les témoignages de personnes ayant
arrêté d'utiliser l'avion. Il y a par exemple Benedicte, 30 ans
qui déclare « Le voyage en France, en train ou en
voiture, offre d'incroyables possibilités de voyages moins polluants. Je
pars moins souvent, mais plus longtemps. Exit les week-ends en avion dans des
capitales européennes. » Ou encore Ingrid, 32 ans qui
utilise exclusivement le train « Dans ces cas-là, le
trajet fait vraiment partie du voyage. Il permet d'éprouver la distance,
de prendre le temps qu'on n'a pas dans la vie de tous les jours pour lire,
préparer son séjour. » Les différents
interviewés regrettent en revanche que le train soit bien souvent plus
cher que l'avion.
Dans un autre article, paru sur ConsoGlobe en mars 2019 et
intitulé Voyager sans avion, la nouvelle tendance de
l'écotourisme71, la journaliste Pauline Petit nous
décrit des voyageurs souhaitant aller jusqu'au bout de leurs
idées, par souci de cohérence. Encore une fois, l'idée de
temps de trajet plus long ressort mais sous l'aspect d'un temps pour soi, qui
permet de profiter pleinement du voyage. Elle évoque également
l'idée de perte d'exotisme dans un certain type de tourisme «
quel exotisme trouve l'Allemand en week-end à Ibiza, qui
écoute un DJ de son pays entouré de centaines de ses comparses ?
». Voyager sans avion est à l'opposé de ce
type de tourisme.
Dans un autre article paru sur LCI le 3 juin
201972, la journaliste Justine Faure recueille les
témoignages de deux personnes ayant complétement
arrêté d'utiliser l'avion. Elle évoque encore une fois des
soucis
69
http://www.lefigaro.fr/international/2019/04/07/01003-20190407QCMWWW00032-comme-en-scandinavie-etes-vous-pret-a-preferer-le-train-a-l-avion-pour-des-raisons-ecologiques.php
70
http://www.lefigaro.fr/conso/ces-francais-qui-ne-prennent-plus-l-avion-pour-preserver-la-planete-20190413
71
https://www.consoglobe.com/voyager-sans-avion-ecotourisme-cg
72
https://www.lci.fr/population/ma-vie-apres-avoir-dit-comme-greta-thunberg-stop-aux-voyages-en-avion-proposition-de-loi-ruffin-train-vols-interieurs-2118243.html
de cohérence, des personnes sensibles à la
cause climatique, qui essaient de faire des efforts au quotidien, de consommer
local ou qui s'investissent dans des mouvements comme Youth for Climate et pour
qui prendre l'avion devient alors éthiquement inenvisageable. L'une des
interviewée s'appelle Lena, elle a 20 ans et vient de réaliser un
tour d'Europe d'un an en train. Son prochain projet de voyage est le Japon,
elle a déjà prévu son itinéraire en train via
Moscou puis le transsibérien pour terminer en ferry. Elle prévoit
10 à 15 jours de trajet et commente « Nous sommes dans une
société où il est difficile de vivre de manière
écologique. Quand vous avez seulement cinq semaines de congés
payés par an, si vous voulez aller au Japon, prendre 15 jours juste pour
le trajet, c'est compliqué. Mais je pense qu'aller aux Etats-Unis ou en
Asie du Sud-est devrait être des choses extrêmement rares et
précieuses. C'est normal de prendre du temps. D'un point de vue
philosophique je serai pour la suppression des vols long-courriers.
»
Voyager en avion semble être le moyen le plus simple et
le plus rapide de se rendre d'un point A à un point B. En revanche,
voyager sans avion semble remettre en cause l'intérêt de cette
rapidité, en transformant le trajet en voyage. Cette question rejoint en
fait notre rapport au temps. Le temps « vacant », le temps des
vacances, qu'il faut rentabiliser pour profiter au maximum. Visiblement les
partisans du « Flyless » ne l'entendent pas de cette façon.
C'est également ce que résume Jérémy, sur son blog
Roadcall dans un article intitulé Voyager sans prendre l'avion : mission
impossible ? Peut-être pas ! Voici les alternatives73 «
Oui il est possible de voyager et même de s'éclater en voyage
sans prendre l'avion. Simplement, il faut changer son rapport au temps.
C'est-à-dire ne plus vouloir absolument aller quelque part, ne plus
faire de la destination le but ultime, mais plutôt chercher à
apprécier le voyage, le mouvement en tant que tel. »
Les voyageurs ayant dit non à l'avion nous relatent
des voyages heureux, des voyages où l'on prend le temps de
découvrir les lieux traversés, et dans lesquels le chemin est
aussi important que la destination. Dans cette logique, c'est le rapport entier
au voyage qui est différent et pas seulement le moyen de transport.
L'avion, dans cette idéologie, est presque perçu comme le symbole
absolu de ce qui est rejeté, le symbole d'une certaine vision du monde.
Bien loin de la fascination du début du siècle, de
l'épopée des premiers vols et de la créativité des
inventeurs.
D. Analyse
Nous sommes face à un paradoxe : le voyage en avion
permet d'un côté de s'ouvrir au monde, de découvrir de
nouvelles cultures et offre une solution facile à la curiosité
humaine, aux envies
46
73
https://www.roadcalls.fr/a-propos/
d'ailleurs et d'exotisme. Pourtant, utiliser un tel moyen de
transport est plein de contradictions quand on sait l'impact des
émissions carbone et autres polluants. Pour l'anecdote, on peut citer
Yann Arthus Bertrand, (écologiste spécialiste de la photographie
aérienne) qui dans l'émission Regardez Voir sur France inter,
présentée par Brigitte Patient le 10/08, interrogé sur le
fait d'avoir pris souvent l'avion pour son film Women répond : «
en même temps on ne va pas arrêter l'avion, l'avion ça
permet de se rencontrer les uns les autres. Mais on devrait c'est vrai, on
devrait tous arrêter de prendre l'avion » (BERTRAND, 2019) Cela
résume bien l'état d'esprit ambiant face à des
questionnements pour lesquels il est difficile de trancher.
Pour répondre à ce tiraillement intellectuel
voir à cette aporie, certains décident tout simplement de ne pas
en tenir compte, et de continuer leurs pratiques sans se sentir
concernés.
D'autres vont croire en l'avenir technique et penser que des
avions propres vont voir le jour et permettront de continuer à voyager
sans polluer. Les appareils sont déjà beaucoup plus performants
et moins polluants qu'il y a 50 ans. Pour Yves Crozet, auteur de l'ouvrage
Hypermobilité et politiques publiques (CROZET, 2016), imposer des taxes
sur le transport aérien ou interdire les vols internes entrerait dans
une logique d'écologie punitive. A ses yeux c'est en proposant des
alternatives viables à l'avion que celui-ci diminuera. Selon lui «
on n'est pas sur un problème de critiquer l'avion, on est sur un
problème d'équité fiscale »74
D'autres encore, et c'est le sujet principal de cette
étude, vont bouleverser totalement leurs habitudes et arrêter de
voyager en avion. Comme nous l'avons vu précédemment, les
personnes sensibles à cette idée sont plutôt issues de
catégories socio-professionnelles +, ou des universitaires issus de
milieux intellectuels. Les jeunes générations semblent
également touchées par ces préoccupations, parce que
soucieuses du réchauffement climatique global.
Mais alors, ce mouvement Flyless, est-il en fait
réservé à ceux qui ont déjà voyagé en
avion par le passé ? A ceux qui ont largement profité des
possibilités offertes et qui se disent aujourd'hui que cela n'a plus
d'intérêt ? On peut facilement imaginer que ceux qui ne prennent
pas encore l'avion rêve d'y accéder. Les populations des pays
émergents comme l'Inde ou la Chine devraient-elles s'interdire ce
rêve car les pays occidentaux en ont profité et abusé
à leur place ?
Les partisans du Flyless évoquent les voyages
près de chez soi comme de véritables aventures et l'occasion de
profiter de la beauté simple des choses. Ce privilège n'est-il
pas dans un sens, réservé à
47
74
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01328814/document
48
ceux qui ont déjà pu s'émerveiller, voir
être déçus dans les lieux mythiques du tourisme, les lieux
de la Bucket list (lieux à voir dans sa vie). La maxime dit
« Qui a voyagé partout, voyage partout » Faut-il en
déduire que c'est ayant fait des heures de file d'attente pour le Machu
Pichu, pour prendre une photo devant le Taj Mahal ou encore pour entrer sur le
site d'Angkor Wat que l'on relativise sur la beauté du monde et que l'on
est capable de s'émerveiller près de chez soi... Difficile de
donner une réponse mais c'est ce qu'évoquent les auditeurs de
l'émission Hashtag sur France Culture du 21 juin 201975.
(Auditeurs, 2019). Une chose est certaine en revanche : l'avion est le symbole
absolu du voyage, certains lui vouent un véritable culte allant
jusqu'à se faire tatouer son dessin sur la peau et afficher cet
engouement sur les réseaux sociaux (voir annexe 3), non
pas en affichant un engouement pour l'avion, mais bien pour le voyage. Le
constat est donc simple, avion=voyage et voyage=avion. Comme l'ont
décrit de très nombreux auteurs (Franck Michel dans Désirs
d'ailleurs par exemple) (MICHEL, 2000) le voyage fascine et l'ailleurs est
idéalisé. Le coeur de la réflexion face à cette
question pourrait alors se recentrer non pas sur les alternatives mais sur les
motivations des voyageurs. Dans une société de
l'hypermobilité l'avion est une d'apothéose, un moyen
redoutablement efficace de s'échapper de son lieu de vie/travail qui
n'est pas toujours, voir pas souvent un lieu de loisirs et de plaisir. Comme le
disait André Gorz 76 en évoquant l'utilisation de la
voiture, c'est un rapport différent à nos lieux de vie qui
pourraient remodeler nos vacances : « Les usagers, écrit
Illich, briseront les chaînes du transport surpuissant lorsqu'ils se
remettront à aimer comme un territoire leur îlot de circulation,
et à redouter de s'en éloigner trop souvent. »
Mais, précisément, pour pouvoir aimer « son territoire
», il faudra d'abord qu'il soit rendu habitable et non pas circulable :
que le quartier ou la commune redevienne le microcosme modelé par et
pour toutes les activités humaines, où les gens travaillent,
habitent, se détendent, s'instruisent, communiquent, s'ébrouent
et gèrent en commun le milieu de leur vie commune. » (GORZ,
Septembre-Octobre 1973)
C'est encore une fois un rapprochement avec
l'idéologie du mouvement Staycation qui prône l'idée de
rester chez soi pendant ses vacances. Le mouvement Flyless peut être
abordé comme le symptôme d'une remise en cause plus globale de nos
manières de voyager, par extension de nos manières de travailler
et d'une organisation globale de nos sociétés. Les valeurs
prônées par le slow-tourisme77 peuvent être
étendues à une vision quotidienne des rapports humains.
75
https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/etes-vous-prets-a-renoncer-a-lavion-pour-des-raisons-ecologiques
76
http://carfree.fr/index.php/2008/02/02/lideologie-sociale-de-la-bagnole-1973/
77
https://blog.oney.fr/feedbacks/179355-slow-tourisme-retour-authenticite-voyages?fbclid=IwAR3vdElwpFso2ZPniKH7hYID5DCj9O5TeO3FaHH5mJAPojimVnWEM4N7WW4
49
III. Etude de cas Agence Allibert :
Les agences de voyage et les compagnies aériennes sont
des entreprises qui vivent totalement ou en partie grâce au tourisme
aérien. Comme nous l'avons vu, le mouvement Flyless s'étend ou
tout au moins fait parler de lui dans la presse. Ce mouvement peut-il
inquiéter les opérateurs touristiques, est-il perçu comme
une menace ? J'ai passé six mois au sein de l'agence Allibert Trekking
et pu interroger cette entreprise sur sa vision de l'avenir du tourisme
aérien. Afin de comprendre le contexte de l'agence de tourisme
d'aventure Iséroise, nous commencerons par présenter
l'entreprise, sa clientèle et les actions qu'elle met en place dans un
souci d'écologie. Nous verrons ensuite quel est son positionnement sur
l'avenir des voyages en avion. Enfin nous essaierons de tracer les grandes
lignes des différents scénarios envisageables pour Allibert
à l'avenir, face à la question de l'aérien.
A. Présentation générale
d'Allibert trekking
1. L'entreprise : histoire et activités
Allibert trekking est un acteur français majeur du
tourisme d'aventure. L'entreprise propose des circuits de randonnée et
d'alpinisme partout sur la planète. Le siège social est
situé à Chapareaillan en Isère. Il existe cinq autres
agences distantes en France et une au Canada. L'entreprise emploie près
de 150 salariés.
Allibert trekking nait en 1975 en Isère sous
l'initiative de trois amis guides et passionnés de montagnes et de
voyage. Proposer des randonnées guidées à des groupes est
alors assez novateur. Les destinations des circuits sont principalement les
Alpes mais aussi des sommets mythiques comme le Kilimandjaro ou des volcans
lointains comme l'Erta Ale en Ethiopie. L'entreprise va vite se
développer et étoffer son offre de voyages. Depuis les
fondements, l'idée est de proposer un tourisme vertueux qui rend hommage
aux beautés de la planète. Les fondateurs sont des
fascinés de nature. Dans les années 1995-2005, Allibert devient
une référence en matière de voyages dans le désert
(l'entreprise s'appelle encore à ce moment, Allibert Montagnes et
Déserts).
En 2004, une nouvelle formule de voyage est proposée
pour répondre à la demande du marché : les voyages
liberté qui correspondent à des produits touristiques vendus sans
guide, les clients détenant toutes les informations nécessaires
dans un road-book (carnet de route) personnalisé. Ce type de voyage
connait un développement très important depuis sa
création. Aujourd'hui c'est un client Allibert sur quatre.
50
Les années 2000 marquent le moment auquel l'entreprise
comprend l'enjeu à communiquer sur la démarche responsable, mise
en place depuis les premiers circuits. En 2008 Allibert s'investit dans le
label ATR (Agir pour un Tourisme Responsable) et participe à
l'élaboration du cahier des charges du label. Celui-ci donne des
garanties aux clients. Nous reviendrons plus en détail sur cette
démarche par la suite.
En 2013, Allibert trekking rejoint le groupe « Voyageurs
du Monde" dirigé par Jean-François Rial, un géant
français du tourisme avec 465,9 millions d'euros de chiffre d'affaire en
2017. Le concurrent direct d'Allibert trekking, l'agence Terres d'Aventures
fait également partie de ce groupe ce qui lui offre un quasi-monopole
dans cette branche du tourisme en France.
Allibert trekking est aujourd'hui une entreprise dynamique,
cotée en bourse et qui se porte bien. Les objectifs internes sont une
amélioration de la satisfaction clients qui est déjà
très bonne, cela afin d'assurer une durabilité économique
solide. Frederic Giroir, PDG d'Allibert déclarait en mai 2019 lors d'une
réunion pleinière de l'entreprise « Une excellente
satisfaction client et une offre de services de qualité peuvent
justifier des marges plus élevées. Des marges plus
élevées garantissent un meilleur niveau de croissance pour
l'entreprise et assurent donc sa stabilité. »
Allibert commence à se déployer sur les
marchés internationaux en travaillant avec des agences
étrangères mais aussi en direct avec des clients. Ce
marché, surtout anglophone, représente un important potentiel de
développement.
2. Clientèle
L'entreprise Allibert Trekking mène des études
afin de connaitre ses clients, leurs attentes et leurs exigences. La
responsable du service communication nous présente la clientèle
Allibert comme suit78 :
Pour les clients, les motivations principales au voyage
d'aventure sont le bénéfice physique et moral, couplé
à la découverte d'une destination ; l'approche orientée
«nature» offerte par les produits touristiques proposés ; la
découverte de terres peu explorées et le voyage respectueux des
populations locales. A l'inverse, les freins principaux sont l'absence de
liberté et de personnalisation, le groupe, la crainte de l'effort
physique et/ou du caractère secondaire de l'approche culturelle et le
prix.
78 Ces informations ont été
recueillies lors de la journée d'accueil des nouveaux salariés
à laquelle j'ai participé en mai dernier au siège social
de l'entreprise à Chapareillan (38)
51
Allibert recense entre 26 000 et 27 000 clients par an. 55%
d'entre eux ont entre 45 et 65 ans. Seulement 12% d'entre eux ont moins de 35
ans. L'âge moyen des participants est de 53 ans avec 55% de femmes et 45%
d'hommes. En termes de provenance géographique, 25% de la
clientèle vient de Rhône-Alpes.
La clientèle d'Allibert Trekking appartient à
des catégories socio-professionnelles + à ++, comme des cadres,
professions libérales, enseignants ou retraités aisés.
Concernant l'étude qui a été menée
sur les profils de clientèle, il en ressort :
Les inconditionnels des Tour-Opérateurs, hyper
voyageurs : Ils représentent 50% de la clientèle. Ils aiment
et ont l'habitude de consommer des produits touristiques packagés par
une agence de voyage. Ils partent une à deux fois par an par ce
biais.
Les sportifs : Ils sont jeunes, compétiteurs,
exigeants et valorisent la figure de l'accompagnateur en montagne ou du guide
de haute montagne. Ce type de clientèle est particulièrement
intéressé par les séjours demandant une certaine
capacité physique et maitrise de la montagne (alpinisme). Nous pouvons
retrouver un très net intérêt de ce type de clients pour
les sommets renommés dans l'univers de la montagne.
Les ponctuels pragmatiques : Il s'agit d'un type de
clientèle qualifié «d'opportuniste», car ils sont
à la recherche de la «bonne affaire». Par conséquent,
il s'agit d'un profil difficile à fidéliser et susceptible de
choisir un produit concurrent si le rapport qualité/prix y est
jugé plus intéressant. Ce type de client choisira le voyage
d'aventure car le choix de leur destination s'y prête
particulièrement.
Les découvreurs multi activités en
famille : Ce segment de clientèle s'intéresse tout
particulièrement aux circuits «multi activités»
développés par Allibert Trekking. Il s'agit de découvrir
la nature avec des activités respectant l'environnement et
adaptées aux enfants. Ce type de clients représente environ 10%
de la clientèle.
Les produits proposés par Allibert sont ainsi
organisés en fonction de la demande des clients et clients potentiels.
On constate que le souci écologique est présent, plutôt
orienté vers le respect des populations sur place. Les
préoccupations de pollution carbone ne font, à l'heure actuelle,
pas partie des attentes.
52
3. Le label ATR
Afin de répondre aux préoccupations des
clients, mais aussi de s'assurer de travailler d'une façon
éthique chère à ses fondateurs, l'entreprise est
labélisée AIR c'est-à-dire Agir pour un Tourisme
Responsable. ATR est une association dont Allibert est un membre fondateur et
qui regroupe les principaux acteurs français du tourisme d'aventure (Le
groupe Voyageurs du monde, Terre d'aventure, Atalante, Chamina, Grand Angle, La
Balaguère etc ...) Les termes du label sont fixés par les membres
de cette association, le label est ensuite accordé par Ecocert, à
la suite d'un audit indépendant mené sous le contrôle
d'Afnor. Les engagements fondateurs d'AIR sont au nombre de cinq :
· Impliquer et respecter les populations locales dans le
développement.
· Minimiser l'impact de ses activités sur
l'environnement.
· Être respectueux de sa clientèle.
· Appliquer à soi ce que l'on préconise aux
autres.
· Promouvoir et faire connaître ATR et le Tourisme
Responsable.79
ATR propose aux voyageurs une charte du voyageur
éthique, rappelant les principes d'un voyage responsable. Ces principes
s'appliquent avant le voyage, lors de la préparation en
s'intéressant à la destination. Pendant le voyage en respectant
aussi bien la nature que les populations. Mais aussi après le voyage en
favorisant le dialogue entre les cultures pour permettre un tourisme facteur de
paix80.
Pour ce qui est des impacts environnementaux liés au
tourisme, le label ATR défend la position suivante « Les
voyages, mêmes lointains, peuvent être « climato-compatibles
»81 Pour cela, ATR défend la compensation carbone.
Sur la question du changement climatique et plus
précisément du transport aérien, les professionnels du
tourisme adhérents d'AIR ont décidé, lors d'une rencontre
en juin 2019 de mettre en oeuvre un certain nombre de mesures afin d'aller
au-devant des exigences législatives. La décision est la suivante
: « Les émissions liées au transport des voyageurs
devront être compensées par les entreprises titulaires du label
ATR, à hauteur de 50% à partir de 2023, puis à 100%
à partir de 2025.82 » Comme le décrit ce
communiqué « Le tourisme est victime des effets du changement
climatique sur l'attractivité
79
https://www.tourisme-responsable.org/agir-tourisme-responsable/lassociation-atr/charte-de-lassociation/
80
https://www.tourisme-responsable.org/voyager-responsable/charte-ethique-voyageur/
81
https://www.tourisme-responsable.org/voyager-responsable/agir-maintenant/agir-voyages-climato-compatibles/
82
https://www.tourisme-responsable.org/actualites/evenement/professionnels-voyage-lutter-contre-changement-climatique/
53
des destinations, mais il représente aussi
près de 10% des émissions globales de CO2* (dont près de
la moitié sont liées aux déplacements en avion). Cette
controverse, ATR l'a traitée de front depuis plusieurs années, en
concentrant son énergie sur les solutions concrètes et les moyens
d'agir » ajoute Julien Buot, directeur d'AIR.
L'association semble bien consciente des impacts du tourisme
mais souhaite imaginer un tourisme autrement car elle croit en ses vertus
d'ouverture d'esprit et de facteur de paix. Elle est également
convaincue que les gens n'arrêteront jamais de voyager.
4. La compensation carbone volontaire
L'association AIR dont fait partie Allibert Irekking et
d'autres acteurs majeurs du tourisme d'aventure, invite ses clients à
calculer l'empreinte carbone de leurs voyages afin de la compenser. Pour cela,
ATR met en avant 3 propositions :
· Pur Project, qui propose de financer la plantation
d'arbres, en échange de certificats de crédits carbone.
· Microsol, qui propose de financer des cuiseurs
à bois économes auprès des populations les plus
vulnérables au changement climatique en Amérique Latine, en
échange de certificats de crédits carbones
· Ecoact, qui accompagne les professionnels dans leurs
actions de lutte contre le changement climatique, et propose des projets de
compensation carbone volontaire.
Le choix d'Allibert au niveau de la compensation carbone est
plus engagé encore puisque depuis le 1er janvier 2018, Allibert compense
100% des émissions de CO2 émises par ses clients. Cela
représente un budget d'1,2 millions d'Euros pour l'entreprise. Ce
programme est exclusivement mené auprès de la fondation Insolites
bâtisseurs, Philippe Romero, qui développe des projets
responsables suivants 3 axes principaux : la lutte contre le
réchauffement climatique avec la reforestation principalement, l'aide
aux migrants et le mécénat. L'argent ainsi investi est mis au
service de projets comme la plantation de mangrove dans le delta des Sundrabans
en Inde, la restauration de la mangrove indonésienne à Sumatra,
le projet Gorgée d'eau mené au Maroc et qui finance
l'amélioration des conditions de scolarisation des enfants ou encore le
programme Women Rockin Pamirs qui veut aider les femmes à se former au
métier de guide au Tadjikistan.
L'entreprise Allibert semble bien consciente des
problèmes éthiques et environnementaux que peuvent amener le
tourisme. Elle semble également décidée à lutter
contre ses dérives en proposant un tourisme engagé et
responsable. La priorité est donnée à l'aide aux
populations locales par
54
l'accompagnement financier offert via la fondation Insolites
Bâtisseurs. Ces démarches ne remettent pas en cause le tourisme en
lui-même mais veulent être des garanties de reconnaissance et de
visibilité de pratiques éthiques.
On peut voir dans la démarche de l'association ATR et
le mouvement « Flyless » certains points communs : les deux
prônent un voyage plus « humain », respectueux des personnes.
Les deux prônent une ouverture aux autres. Pourtant un problème
majeur se pose : les activités d'une agence de voyage sont basées
sur l'avion et la recherche d'exotisme. Est-il alors possible de combiner ces
deux aspects ou sont-ils antagonistes ? La finalité du mouvement Flyless
est de limiter le réchauffement climatique, celle d'une agence de voyage
est de faire du profit, comme toute entreprise. Ces deux objectifs peuvent-ils
se combiner pour ce qui est du transport aérien et comment ? Nous allons
tenter d'éclaircir ces questionnements au travers une série
d'entretien menés au sein de l'agence Allibert.
B. Le tourisme aérien en question
À la suite des entretiens réalisés avec
des membres de l'agence Allibert, il en ressort certaines grandes lignes quant
à la perception de l'avenir du tourisme aérien. Il y a tout
d'abord le positionnement du groupe Voyageurs du monde,
représenté par Jean-François Rial. N'ayant pu rencontrer
directement Monsieur Rial, je résumerai sa pensée en utilisant
des interviews qu'il a donné dans la presse. Nous verrons ensuite qu'au
sein de l'agence la question du tourisme aérien fait réagir et
fait débat. Ensuite nous aborderons l'idée de limiter le recours
à l'aérien en se demandant quelles en seraient les
conséquences. Nous verrons ensuite quelles seraient les autres pistes
pour terminer sur une image prospective.
1. Note méthodologique :
Afin de recueillir les informations développées
dans la suite de ce travail j'ai réalisé six entretiens au sein
de l'agence en choisissant des personnes ressources.
· Tout d'abord le directeur général
puisque c'est lui qui insuffle et décide les grandes orientations de
l'entreprise.
· La responsable du service qualité et du label
AIR.
· Un membre du service communication chargé des
réseaux sociaux.
· Un Chef de produits au service des Alpes qui par son
passé professionnel, se sent pleinement concerné par ces
questions.
·
55
La responsable du service communication qui a une vision
précise des clients Allibert et de leurs attentes
· La responsable du service aérien
Je remercie chacune de ces personnes de m'avoir
accordé un peu de temps. Les entretiens ont été
menés avec une grille unique (en annexe 5) ;
enregistrés puis retranscris afin d'être cités et
analysés. Un des entretiens a été réalisé
par écrit, faute de temps pour se rencontrer. Pour ces échanges,
j'ai utilisé l'entretien semi-directif avec seulement six questions
posées. Cette méthode m'a paru la plus appropriée pour
aborder un sujet mêlant considérations professionnelles
liées à l'entreprise et convictions personnelles. L'entretien
semi-directif permet de cadrer le discours autour de la thématique
choisie, tout en laissant l'espace à l'interlocuteur de partager ses
doutes, ses propres questionnements et ainsi d'ouvrir plus largement
l'échange.
2. Positionnement du groupe Voyageurs du Monde
Ce résumé est tiré de deux interviews
radio de Jean-François Rial, Président Directeur
général du groupe Voyageurs du Monde depuis 1996. Ces interviews
ont été données entre mai et juillet 2019 sur
RMC83 et France info84.
Interroger le PDG d'une grande entreprise touristique sur
l'aérien revient à mettre en évidence des paradoxes. Le
mouvement Flygscam fait encore une fois parler de lui et c'est une certaine
culpabilité du voyage qui est mise en avant par le journaliste de RMC,
Olivier Truchot. Face à ces questionnements, le positionnement de
Jean-François Rial est très clair. Il est convaincu de la
nécessité de la transition et se définit lui-même
comme un écologiste. Il évoque des désastres
environnementaux à prendre en compte rapidement comme la destruction des
sols agricoles, l'érosion de la biodiversité ou le
réchauffement climatique. Mais Jean-François Rial se dit
être un écologiste libéral, et dénonce la
pensée des altermondialistes. Il est convaincu de la possibilité
d'une croissance verte et vertueuse. Selon lui, l'idée de ne plus
voyager en avion est absolument irréaliste voir même dangereuse.
Le voyage constitue selon lui un facteur majeur de tolérance,
d'ouverture d'esprit et de paix entre les peuples. Il fait également le
constat qu'on ne peut pas empêcher les gens de voyager « c'est
complétement irréaliste85 », et qu'ils en
auront toujours envie. Se retrouvant face à un tel paradoxe et en tant
que
83
https://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/video/le-grand-oral-de-jean-francois-rial-pdg-du-groupe-voyageurs-du-monde-0407-1173080.html
84
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/jean-francois-rial-pdg-de-voyageurs-du-monde-veut-faire-planter-des-milliards-darbres-contre-la-pollution-des-avions3403059.html
56
chef d'une entreprise qui fonctionne grâce à
l'aérien, il propose la solution suivante : planter des arbres. Selon
ses dires il est possible de compenser intégralement les
émissions de C02 des avions en plantant environ 4 à 5 milliards
d'arbres par an. Derrière cette proposition, on peut faire deux constats
: le premier est que la compensation serait la seule voie «
réaliste » étant donné qu'on ne saura pas fabriquer
des avions propres d'ici trente ans. M. Rial ne souhaite donc pas se lancer
dans un discours trop optimiste sur un transport aérien d'avenir qui ne
serait pas polluant. La deuxième chose derrière sa proposition
est qua dans son idée, le transport aérien n'est nullement remis
en question. Il est un indispensable dont on ne peut se passer et qu'on ne peut
(et veut) pas réduire. L'avion représente environ 5 % des
émissions de CO2 de la planète, dans l'idée de Monsieur
Rial si des arbres sont plantés c'est pour compenser ces 5% là.
Quant à la place nécessaire pour ces arbres, M. Rial cite une
étude Suisse86 qui estime qu'il y a suffisamment de surface
sur notre planète pour planter encore 1200 milliards d'arbres sans
toucher aux activités humaines. Ces 1200 milliards d'arbres,
représentent 10 ans d'émissions de CO2 actuelles
planétaires. L'argument de Jean-François Rial devant cette
idée est donc « il suffirait de prendre 3,6 milliards
d'arbres [pour compenser les émissions des avions] c'est colossal mais
Voyageurs du monde le fait à lui tout seul. C'est-à-dire que
notre entreprise sur ses 300 000 clients par an, sur l'ensemble de ses marges
et de ses activités, réussit à être en carbone
neutre en plantant plus de 4000 arbres par jour. Donc si nous on le fait,
pourquoi les autres ne pourraient pas le faire ?
»87 Jean-François Rial prône
également l'économie d'avion, c'est-à-dire ne prendre
l'avion que quand c'est nécessaire. Cette notion de «
nécessité », est toutefois propre à chaque individu.
Enfin, le PDG de Voyageurs du monde, propose en mai 2019 une taxe qu'il appelle
« contribution planète » d'une
vingtaine d'euros par tonne de CO2 émise et par personne, payés
par le consommateur pour compenser mais aussi pour financer la transition
écologique gérée non pas par l'Etat mais par un organisme
sanitaire indépendant.
En résumé, M. Rial est convaincu de la
pertinence des solutions de compensation carbone pour répondre aux
problématiques liées à l'avion, inhérentes à
son domaine d'activité. Toutefois, face aux constats scientifiques, les
autres pollutions causées par l'aérien ne sont pas
compensées par la reforestation. Cette dernière semble être
une réponse incomplète au problème. En revanche,
l'idée d'un arrêt total du trafic aérien semble elle aussi
totalement irréaliste. La proposition de M. Rial navigue donc entre ces
deux bornes de réflexion, au sein du paradoxe.
86
https://science.sciencemag.org/content/365/6448/76.abstract
87
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/jean-francois-rial-pdg-de-voyageurs-du-monde-veut-faire-planter-des-milliards-darbres-contre-la-pollution-des-avions
3403059.html
57
Voyons à présent la perception de ces enjeux au
sein de l'entreprise Allibert trekking, qui est rappelons-le une entreprise du
groupe Voyageurs du Monde depuis 2013.
3. Constat
Voyons tout d'abord comment se positionne l'agence Allibert mais
surtout sa clientèle face au tourisme aérien et en quoi les
activités du groupe sont liées à l'avion.
a) Des voyages au long court
De toute évidence, l'image de l'agence Allibert
trekking est fortement liée voir indissociable de l'avion. Bien
qu'initiée dans les Alpes, la marque de fabrique Allibert est celle des
sommets du monde. Ainsi, les clients qui choisissent de voyager avec cette
agence viennent chercher des destinations lointaines, pour lesquelles l'avion
est une évidence. « L'histoire d'Allibert c'est le voyage
aérien : Pérou, Népal etc... On dépend du voyage
aérien car les clients ne sont pas prêts à passer beaucoup
de temps dans les transports, quand on passe par une agence on veut que les
choses soient organisées » (Allibert, 2019)
De plus, en termes économiques, seuls 10 % des clients
Allibert n'utilisent pas l'avion. En 2018, l'avion représente les trois
quarts du chiffre d'affaire et 20 000 clients.
b) La destination avant tout
Ce qui prime pour les clients c'est la destination. Des
destinations qui font rêver, qui évoquent l'exotisme ou des terres
vierges. Les clients ne se posent pas forcément la question de comment
ils rejoignent une destination, ce qui est important c'est le but du voyage.
L'objectif est de rejoindre un « point », un endroit fameux comme le
désert du Namibe par exemple. S'il faut prendre un vol interne pour le
rejoindre ce n'est qu'une formalité. « L'aspect aérien
n'est qu'un second lieu, ce qui prime c'est la destination, la façon de
voyager et ce qu'ils (les clients Allibert) vont pouvoir y découvrir.
» (Allibert, 2019)
c) Tourisme responsable
Il apparait également que les clients sont sensibles
à l'écologie, mais sous certains aspects. Tout ce qui est visible
va être très important pour les voyageurs. En lien avec la charte
éthique du voyageur responsable proposée par ATR (voir annexe 4).
Le volet social avec le respect des populations par exemple, apparait comme
primordial. « L'aspect social est surtout très important. Les
bonnes
58
conditions de traitements des guides ou des chameliers par
exemple, sont une question de qualité de la prestation qui va être
délivrée et tout simplement dans les valeurs humaines car on
n'est pas dans une exploitation Nord/sud » (Allibert, 2019)
Dans l'idée d'écologie encore, mais sous
l'aspect de la protection de l'environnement, les clients Allibert sont en
quête de beaux paysages et d'une nature peu explorée. «
Les clients Allibert sont sensibles à l'écologie dans le sens
où ils veulent voyager dans une nature intacte, revenir
émerveillés. Si la nature est dégradée ça ne
marche pas. Dans le désert par exemple si on met des papiers gras par
terre, ce n'est plus l'image bonifiée donc on doit prendre soin de cet
environnement. » (Allibert, 2019) On peut également dire que
les clients appliquent des gestes éco citoyens comme le tri
sélectif ou encore économiser l'eau. Ils reproduisent pendant
leurs voyages les gestes de leur vie quotidienne et c'est important à
leurs yeux que le maximum soit fait dans ce domaine au sein des
destinations.
« Les clients Allibert ont envie de voyager en
faisant quelque chose bien » (Allibert, 2019) Le label ATR vient
répondre à cette demande des clients. Il semblerait que
réduire les déplacements en avion ne soit pas quelque chose qui
fait partie de la sensibilité écologique des clients Allibert. En
effet comme nous l'avons évoqué, ces clients sont avant tout des
voyageurs en quête d'une destination. L'avion leur permet de l'atteindre.
De plus, avec la compensation carbone mise en place, les clients savent qu'ils
versent une somme d'argent pour que leurs émissions soient
absorbées. On donne « bonne conscience » aux
voyageurs en compensant leurs émissions de CO2 et c'est une vraie valeur
d'utilité perçue par le client (VUPC).
Les clients ne semblent donc pas manifester le souhait de
moins recourir l'avion. Peut-être est-ce une question de
génération car comme nous l'avons vu, ils sont en majorité
des retraités. « Je pense que refuser de prendre l'avion est un
courant qui monte chez les jeunes, la génération des 20-25 ans
qui a une conscience écologique plus aigüe et qui se dit on va
à la catastrophe. Les clients d'Allibert ont 5055 ans et ne sont pas
à ce point dans la réflexion » (Allibert, 2019)
Il est intéressant de noter que les vols directs
(moins polluants que les trajets avec escales) sont souvent
préférés mais ce n'est pas par souci d'écologie,
plutôt par confort.
En résumé, on peut dire que la remise en
question, la honte de prendre l'avion ne touche pas encore les clients Allibert
mais il parait important de se poser la question car elle pourrait arriver.
59
4. Perception des changements
Voyons à présent si des remises en question du
tourisme aérien sont tout de même perceptibles au sein de
l'entreprise et à quels niveaux. Il semblerait que les questions
liées à la honte de prendre l'avion soient abordées en
interne, au sein du label AIR mais aussi sur les réseaux sociaux.
a) Au sein d'ATR
Lors de la dernière assemblée
générale de l'association Agir Pour un Tourisme Responsable, le
mouvement du Flyqskam a été évoqué. En effet, il y
a une volonté de l'association d'aller plus loin : c'est-à-dire
mettre en place une compensation totale en 2025 de tous les membres de AIR
(environ 40 marques). AIR est en train de sélectionner des
opérateurs chargés des process de compensation. Pour les Iour
Operator la compensation carbone semble être la seule voix envisageable
car elle permet de continuer les activités de l'entreprise tout en
prenant en considération les problèmes de pollution liés
au trafic aérien.
De plus, le fait de se dire que les scandinaves aient
réduit leurs achats de billets d'avion est pris au sérieux par
les Iour Operator, du moins dans le discours « le monde du tourisme
est en train de comprendre que l'enjeu des compensations des émissions
liées aux vols est un vrai enjeu » (Allibert, 2019)
Les agences pensent également qu'elles ont
intérêt à devancer les exigences des clients afin
d'être en mesure de leur proposer des solutions acceptables au lieu
d'attendre et de subir des sanctions financières. « Il vaut
mieux que les acteurs du tourisme s'emparent du sujet plutôt que de
laisser les gouvernements mettre des taxes » (Allibert, 2019)
b) Sur les réseaux sociaux
Allibert est présent sur Facebook à travers sa
page principale mais aussi via des groupes thématiques par destinations.
Ces groupes engendrent de très nombreux échanges entre voyageurs
Allibert mais aussi avec d'autres personnes, simplement membres de cette
communauté virtuelle. Depuis relativement peu de temps, environ un an,
il semblerait que des commentaires liés aux critiques du trafic
aérien fasse leur apparition. « Sur les réseaux sociaux,
depuis que Greta Thunberg est médiatisée, on est trollé
sur le côté écologique avec des commentaires. Par exemple
sur un post parlant d'un voyage en Finlande : Je n'adore pas l'idée que
trop de touristes y rentrent et détruisent tout. Le Grand Nord est en
outre en train d'agoniser à cause du réchauffement climatique et
les voyageurs en avion y contribuent » (Allibert, 2019)
60
Ce genre de commentaires n'existaient pas il y a plus d'un an,
aujourd'hui ils sont plus fréquents. Allibert envoie également
des Newsletter à ses adhérents et récemment « Des
clients ont répondus aux newsletters : je ne prends plus l'avion
arrêtez de m'envoyer des Newsletters. C'est anecdotique on en a eu deux
et dans les 6 derniers mois »
Il semblerait donc qu'au sein de la communauté
virtuelle Allibert les remises en question liées au Flygskam commencent
à se faire sentir mais dans une moindre mesure. Ces personnes
constituent une micro-niche.
c) En interne
Questionner les salariés d'Allibert quant au tourisme
aérien c'est soulever un gros paradoxe, et soulever un paradoxe c'est
toucher à des sujets sensibles. La direction prise par l'agence Allibert
est celle du groupe Voyageurs du Monde, représenté par JF Rial
qui a largement exposé ses idées et défendu la
compensation carbone dans la presse. « La réflexion au sein
d'Allibert a commencé depuis longtemps c'est pour ça que nous
avons choisi de compenser 100% des émissions de nos clients. »
(Allibert, 2019)
Au-delà du positionnement du groupe, les questions
liées au transport aérien font débat en interne depuis de
nombreuses années, et même avant l'apparition dans les
médias du mouvement Flyqskam. En effet, les équipes de
salariés Allibert sont constituées dans la grande majorité
de passionnés de montagne, de grands espaces et de nature intacte. Ces
personnes sont doublement confrontées au paradoxe :
· Dans le cadre de leurs activités personnelles
car ce sont bien souvent des passionnés de voyages pour qui explorer le
monde et ses sommets est un indispensable, mais ce sont aussi des personnes
sensibles à l'écologie, qui font de nombreux gestes
éco-citoyens ou qui utilisent le vélo dans leurs
déplacements quotidiens.
· De plus, ces personnes se retrouvent une seconde fois
face au paradoxe dans le cadre de leur travail qui reste de faire voyager des
gens sur la planète avec tout ce que cela implique. Ce sujet est donc
très sensible et personne ne semble parfaitement d'accord avec
lui-même quant à la conduite à adopter. Ainsi lors des
entretiens, les personnes rencontrées, bien conscientes de ce
problème disent « être prêts à vivre et
travailler avec ce paradoxe » (Allibert, 2019) ou encore «
l'axe officiel de l'entreprise, c'est la seule vision acceptable pour pouvoir
dormir la nuit et se regarder dans le miroir et continuer ce
business-là. » (Allibert, 2019)
En effet, comme beaucoup de clients, les salariés
rencontrés sont convaincus des dangers que représentent le repli
sur soi et que voyager est un facteur d'ouverture sur le monde.
61
5. Perspectives et propositions
Les questionnements liés au transport aérien
sont présents au sein de l'entreprise Allibert mais ne sont pas une
priorité. En effet le boycott de l'avion ne concerne pas leur coeur de
cible et n'est pas considéré comme une menace de baisse du
chiffre d'affaire. L'agence ne souhaite donc pas mettre en pratique demain des
actions permettant de diminuer le recours à l'avion. Cependant, diverses
propositions paraissent tout à fait réalistes, essayons de les
analyser de plus près.
a) Des voyages plus longs
Si on imagine des voyages qui dureraient plus longtemps, il y
aura forcément moins de voyages. Proposer des produits plus longs
qu'actuellement pourrait être un acte symbolique de la part de l'agence
dans une logique responsable. Actuellement les voyages proposés durent
entre 4 et 21 jours. On pourrait imaginer des voyages allant jusqu'à 4
voire 5 semaines. Cette idée a déjà été
évoquée dans le passé, pourtant cette option n'a jamais
été choisie « Faire des voyages plus longs ce serait un
moyen de limiter les déplacements mais quand on regarde les tendances de
consommation c'est le contraire : plus souvent plus court et plus près.
Ce qui n'est pas très bon pour la planète. » (Allibert,
2019)
En effet, la tendance actuelle du marché est de partir
plus souvent et moins longtemps. Ce phénomène est facilité
par les billets d'avion low-cost qui permettent de partir pour un week-end dans
une capitale Européenne par exemple. La tendance est donc de multiplier
les courts séjours dans l'année « A cause des
contraintes professionnelles les gens ont plus de mal à partir trois
semaines et arrivent plus facilement à placer des petits voyages (...)
Les voyages en Europe des européens sont en train d'exploser »
(Allibert, 2019)
De plus, proposer des voyages plus longs s'inscrirait dans
une démarche responsable socialement parlant. On peut imaginer que lors
d'un long séjour on a l'opportunité de prendre le temps, aller
rencontrer les populations et les comprendre. Un voyage plus long ne se fait
pas seulement en accumulant le maximum de choses à voir, il pourrait
permettre de ralentir et c'est aussi ce que recherchent les gens lors de leurs
vacances.
b) Limiter les préacheminements
Autre piste pour diminuer le recours à l'avion, la
question des préacheminements. Lorsque les clients partent en voyage,
ils doivent rejoindre un aéroport important (Hub) afin de gagner ensuite
leur destination finale avec ou sans escales supplémentaires. Pour la
France, le hub principal est Paris. Allibert a depuis de nombreuses
années fait le choix de proposer également des départs de
Province
62
avec une première liaison depuis les grandes villes
françaises (Toulouse, Lyon, Marseille, Nantes ...) vers Paris mais aussi
vers d'autres hubs proches comme Francfort ou Madrid. Cette première
étape du voyage est appelée préacheminement et est
réalisée en avion.
Pour limiter le recours à l'avion l'agence pourrait
faire le choix de proposer des préacheminements en train. Cela voudrait
dire proposer aux clients une solution en train et une en avion peut-être
; mais en tous cas, faire cette proposition serait déjà un
message fort envoyé aux clients. Encore faut-il que les clients soient
d'accord pour préférer le train, rien n'est moins certain.
Également au niveau pratique lorsqu'un billet d'avion Toulouse - Bangkok
est acheté à une compagnie par exemple, s'il y a un retard dans
le premier vol entre Toulouse et Francfort imaginons, c'est la compagnie
aérienne qui est responsable et doit assurer la suite du trajet. Avec
l'achat d'un préacheminement en train, réservé par
l'agence à la SNCF la continuité du trajet devrait être
assurée par l'agence, ce qui pose quelques problèmes. «
On pourrait décider de limiter les préacheminements en avion et
les proposer en train, je pense que c'est possible par contre ce serait un peu
une révolution pour nos clients. Cela pose des questions assez
techniques : acheter des billets de train pour eux, assez lourd à mettre
en place pour un service transport. (...) On accroit un peu
l'insécurité. » (Allibert, 2019)
En résumé, on peut dire que l'idée de
limiter les préacheminements en avion et proposer des alternatives en
train parait réaliste pour l'agence en réorganisant bien sur
quelques aspects techniques. Les clients ne sont peut-être pas tous
disposés à sacrifier un peu de confort et de temps au nom de
limiter leurs émissions carbones, mais l'alternative pourrait toutefois
en intéresser certains et irait dans le sens du tourisme responsable,
sans remettre en cause les activités de l'agence.
c) Renforcer l'offre locale
Limiter le recours à l'avion peut aussi vouloir dire
renforcer l'offre locale de voyage. De ce côté l'offre Allibert
est très conséquente puisque les destinations France et Europe
représentent une part importante des produits. Ainsi, si on imagine une
réduction future des voyages long-courriers, Allibert aurait moins de
souci à se faire qu'une agence qui serait spécialisée dans
ce domaine. « Le maillage géographique des destinations
Allibert en fait un système plus récessif que des agences
spécialisées dans le long courrier et les destinations lointaines
» (Allibert, 2019)
Allibert souhaite continuer de proposer des voyages locaux,
pas forcément dans une logique de limiter l'avion, mais parce que c'est
une tendance de la clientèle que de voyager en Europe.
Pour ces destinations plus proches, notamment pour les Alpes,
les points de rendez-vous sont très souvent donnés dans les gares
et cela dans le but d'inciter les clients à arriver en train. Pour aller
plus
loin, « on pourrait imaginer des gestes commerciaux
pour les gens qui viennent en train. » (Allibert, 2019)
Également, dans une logique de tourisme responsable et
de limiter les émissions carbone, Allibert déclare «
Pour tous nos voyages dans les Alpes nous souhaitons dès l'année
prochaine indiquer des modes alternatifs d'accès. Favoriser le train,
favoriser le co-voiturage. » (Allibert, 2019) Cela passera par
exemple par le projet intitulé Salle d'embarquement et qui sera mis en
oeuvre cet hiver. L'idée est de mettre en lien les clients avant leur
voyage et de leur proposer des outils facilitant l'organisation de leur
co-voiturage.
Au sein de l'agence, certains croient en l'idée
d'imaginer de nouvelles destinations en Europe et de les mettre plus en avant
en proposant d'y aller en train (Dolomites, Suède par exemple).
Créer de nouveaux produits au départ de la France vers la Croatie
ou la Scandinavie avec un voyage totalement en train, avec pourquoi pas une
nuit supplémentaire en cours de voyage pour découvrir une
capitale européenne. Ce genre de développement pourrait
s'appliquer aux voyages liberté. L'application mon road-book (carnet de
route sur smartphone) serait alors tout à fait pertinente pour guider
les clients dans leurs voyages (correspondances, train, gares etc...) mais
aussi pour passer quelques heures entre deux trains dans une ville d'Europe,
voir une nuit dans un hébergement.
Enfin, il faut évoquer la mouvance des mirco-aventures
près de chez soi. L'idée est de proposer des circuits assez
courts sur un week-end par exemple au départ direct des grandes villes.
Dans cette logique, Allibert est en partenariat avec l'entreprise
Helloways88 et organisera prochainement un évènement
à Grenoble au départ de la Bastille puis deux heures de train,
balade et un buffet. Le concept est de développer des communautés
de randonneurs dans les grandes villes d'Europe, et leur proposer une aventure
au départ du centre-ville en transports en communs (ce qui rappelle le
projet Changer d'approche de Mountain Wilderness). Allibert est en ce moment
très sollicité par des entreprises de micro-aventure (une fois
par semaine environ).
d) Se passer de l'avion : enjeux
Nous l'avons vu, même si de forts questionnements
agitent l'agence et les membres du label AIR, la tendance n'est pas pour le
moment à réduire les voyages en avion qui sont le coeur de
l'activité économique des Tours Operators. Cette tendance semble
pourtant pointer et l'anticiper parait tout de même important. Au sein
d'Alibert, les avis quant à l'avenir du mouvement Fkyqskam divergent
quelque peu. Certains pensent qu'il va grandir et amener les TO à se
remettre en question. « Il y a des
63
88 https://www.helloways.com/
64
clients à aller chercher dans ce
mouvement-là. Pour nous ça peut être un moyen d'aller
chercher autre chose et de se renouveler. Et je pense aussi qu'il y a des
clients fidèles chez nous qui a un moment nous demanderons un autre type
de voyage (...) qui voudront un tourisme propre dans le sens moins de trajets
et qui diront la compensation carbone ça ne suffit pas. »
(Allibert, 2019)
Toutefois cette tendance n'est pas considérée
comme un mouvement important « il va falloir que nous trouvions des
idées pour proposer autre chose à nos clients mais avec toujours
cette méfiance de se dire qu'en trouvant une idée pour une niche
au milieu d'une niche, même si elle rejoint nos convictions, on tue notre
business principal. » (Allibert, 2019) Le mouvement Flygskam reste
pour le moment, un mouvement de niche, voire de micro-niche, il ne concerne que
peu de gens et voyager en avion reste un rêve pour la majorité de
la population. « C'est dans les pays où l'on a
déjà profité de tout ça, des possibilités
offertes par l'avion qu'on voit émerger ces mouvements de honte de
prendre l'avion. C'est seulement quand on a fait 50 voyages dans sa vie qu'on
arrive à être lassés. Quand c'est le premier voyage de sa
vie, qu'on est issu de classe moyenne on ne réfléchit pas de
cette manière » (Allibert, 2019)
Ainsi, bien que dans une démarche de tourisme
responsable, il apparait finalement que l'avion ne fasse pas pour l'instant
partie des choses à limiter. « On est dans la démarche
de limiter notre impact en étant dans la démarche ATR mais
limiter l'avion ne fait pas partie du négociable. Le business continue
tant que les gens sont d'accord pour vivre avec ce paradoxe »
(Allibert, 2019)
C. Prospective
En guise de conclusion de cette partie consacrée
à l'étude de cas de l'agence Allibert, j'ai trouvé
intéressant de me pencher sur la vision prospective du secteur
aérien des personnes rencontrées en entretiens. Cette vision est
bien sur propre à chacun mais elle s'appuie sur une expérience
professionnelle quotidienne du tourisme d'aventure et donc sur une expertise
importante.
· L'espoir d'appareils plus propres et de flotte
d'avions de meilleures performances pourrait redessiner les contours du
tourisme aérien. Avec de telles avancées technologiques, le
problème de la pollution ne se poserait plus et le tourisme
aérien pourrait continuer sa croissance.
· Également, si d'autres moyens de transports
propres et aussi confortables que l'avion faisaient leur apparition, ou si le
train était aussi rapide et confortable que l'avion, cela pourrait
changer la donne « Aujourd'hui le temps qualitatif n'est pas celui du
transport. Ce qui pourrait changer les choses à terme c'est qu'il le
devienne. Ce qui est complexe c'est l'attente d'optimisation de temps, qui est
une constante dans la demande aujourd'hui. » (Allibert, 2019)
·
65
Que ce soit à cause de l'augmentation du prix du
pétrole ou du renouvellement des avions, les prix des billets pourraient
augmenter considérablement. Cette augmentation des prix pourrait faire
que les voyageurs ne prennent plus l'avion et partent en vacances plus proche
de chez eux. « On va un jour avoir un vrai problème sur le
pétrole et c'est ça qui fera baisser le tourisme aérien.
Pour moi dans 30 ans, 80 % du trafic aérien sera resitué
localement. » (Allibert, 2019)
· Grâce aux outils informatiques et la
facilitation de l'échange d'informations, les voyageurs pourraient avoir
de moins en moins besoin de faire appel aux Tour Operators « le
transport aérien est en profonde mutation, à l'avenir les clients
feront de moins en moins appel à des TO car ils sont de plus en plus
autonomes » (Allibert, 2019) Dans cette idée les pratiquants
réinventeront le tourisme et la mutation ne viendra pas de agences mais
des pratiquants, comme à l'invention du tourisme au début du
siècle.
L'avenir de l'agence Allibert trekking parait donc incertain
si l'on considère une augmentation des prix des billets, un
bouleversement des destinations ou même une forte autonomisation des
voyageurs. Pourtant, en ayant une offre locale élargie et en proposant
des voyages en liberté, elle a su assurer des perspectives de croissance
fiables et se trouve globalement dans une situation favorable.
66
Conclusion
Nous l'avons vu au fil de ce mémoire, le secteur
aérien a de nos jours, une énorme influence sur l'organisation du
commerce mondial, tant en termes de transport de personnes que de transport de
marchandises. Il est un élément indispensable de
développement des marchés mondiaux et d'accroissement du PIB.
L'avion est devenu un moyen de transport très utilisé mais
seulement par une faible proportion de la population mondiale. Est-ce une
activité élitiste que de partir en vacances à l'autre bout
du monde ? A l'échelle planétaire on peut affirmer que oui.
Pourtant, c'est bien à l'échelle
planétaire que le trafic aérien à des conséquences,
et la pollution qu'il génère a des répercussions
importantes. Les rapports scientifiques sont clairs : le réchauffement
climatique est là, et a des conséquences désastreuses. Le
trafic aérien n'est responsable que d'une faible part des
émissions mondiales de C02, 3% environ. Mais ces perspectives de
croissance en font tout de même une réelle menace pour
l'avenir.
C'est dans ce constat que nait le mouvement Flygskam. Prendre
l'avion serait une absurdité écologique. En effet, les
études scientifiques vont dans ce sens. Pourtant il n'est pas si facile
de trancher et d'abandonner purement et simplement les déplacements en
avion.
L'avion n'est pas qu'un moyen de transport. Il est une
victoire, une révolution technique, une fierté de
l'humanité. L'avion a élevé l'homme au propre comme au
figuré. Il a permis de rapprocher des contrées lointaines et de
parcourir le monde facilement. Il a aussi ouvert la voie à la
possibilité de vacances inoubliables et exceptionnelles en permettant
d'accéder aux plus beaux endroits de la planète.
Pour les vacances, l'avion c'est surtout ça : un moyen
d'accéder à ... Alors à l'heure de la bucket list, des 100
lieux qu'il faut avoir vu dans sa vie, l'avion est un outil indispensable pour
cocher toutes les cases. Car ce que l'on veut quand on voyage ce n'est pas
aller se balader au hasard pour flâner, ce que l'on cherche c'est une
destination, c'est le Grand Canyon, Venise, la Grande Muraille de Chine, le Taj
Mahal ... C'est aussi depuis l'avènement des réseaux sociaux des
lieux « Instagrammables » c'est-à-dire des lieux
photogéniques dont la côte de popularité a explosé
très rapidement et qui n'étaient jusqu'alors que peu
fréquenté . La destination est visualisée,
véhiculée par des images vues dans les médias et souvent
idéalisée et 80 % des touristes sont concentrés sur 3% de
la planète. Serions-nous en manque d'inspiration ?
67
Face à de tels constats, faut-il encourager une baisse
du trafic aérien, mais quelle forme prendra-t-elle ? L'avion doit-il
être taxé ? Comme le dit Jean-Pierre Mas dans le Monde en mai
201989 « Afin de réduire les émissions
liées au transport aérien, une des solutions pourrait s'inscrire
dans une démarche de décélération : plus cher du
fait d'une taxation dissuasive, le transport aérien deviendrait moins
accessible. Moins de passagers, c'est moins de vols, donc moins de CO2. Les
voyageurs les moins aisés, plus sensibles au prix, seraient alors les
premiers concernés ». Le risque d'une taxe serait que l'avion ne
devienne encore plus élitiste qu'il ne l'est déjà. A moins
qu'il soit simplement boycotté. Est-il réaliste de croire que
l'avion sera boudé, car trop polluant ? L'idée fait de plus en
plus d'adeptes en tous cas. Ainsi, d'autres modes de déplacement, plus
propres reviennent sur le devant de la scène. C'est avant tout le cas du
train. Les projets de réhabilitation des trains de nuit se multiplient
en France et en Europe, et comme le dit Juliette Labaronne dans
Libération le 13 aout 2019 « On nous a pris pour des
hurluberlus à vouloir garder nos trains de nuit. Aujourd'hui, on sait
que c'est le mode de transport le plus écolo
»90 Les mobilités sont visiblement en
pleine mutation.
Pour clore ce travail, je souhaite citer Bertrand Picard. Ce
« savanturier » comme on le nomme s'est fait connaître en
faisant le tour du monde à bord d'un avion électrique. Il est un
véritable passionné d'aviation. Interrogé sur le mouvement
Flygskam il déclare dans le Parisien en aout
201991 « L'avion est un mode de transport
extraordinaire. S'acharner sur une cause du réchauffement climatique est
souvent la meilleure façon de se donner bonne conscience sur tout le
reste. Ce pauvre avion n'a rien fait. Ce sont les voyageurs qui ont perdu le
sens du raisonnable quand ils s'envolent pour faire du shopping le temps d'un
week-end. Ce sont nos modes de vie qui deviennent fous. »
89
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/21/qu-adviendrait-il-du-droit-aux-vacances-pour-tous-en-
rendant-moins-accessible-le-transport-aerien 5464996
3232.html 90
https://www.liberation.fr/france/2019/08/13/et-si-le-train-de-nuit-revoyait-le-jour1744976?utmmedium=Social&utmsource=Facebook&fbclid=IwAR3IreaDaDDxuBPdIw9CWSMH90iXGulz
aoRI0KFmnxaId7xEltybs8El9mQ#Echobox=1565706538
91
http://www.leparisien.fr/societe/honte-de-prendre-l-avion-ce-sont-les-voyageurs-qui-ont-perdu-le-sens-du-raisonnable-02-08-2019-8127495.php
68
IV. Bibliographie
OUVRAGES
CARROUE, L. (2009). La mondialisation: Genèse,
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CROZET, Y. (2016). Hypermobilité et politiques
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HUBERT, J. (1987). Chronique de la navigation
aérienne. Toulouse: Ecole Nationale de l'Aviation civile. MICHEL,
F. (2000). Désirs d'ailleurs. Paris: Armand Colin.
ARTICLES DE PRESSE (la plupart des articles du corpus
sont référencés dans la webographie)
AFP, L. M. (2019, Juillet 10). Le gouvernement met en place une
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Monde.
COHEN, C. (2018, Novembre 16). Carburants: pourquoi les
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GORZ, A. (Septembre-Octobre 1973). L'idéologie sociale de
la bagnole. Le Sauvage.
GRIMAULT, V. (3 juin 2019). TRANSPORTS: Faut-il arrêter
de prendre l'avion ? Alternatives Economiques.
ARTICLES SCIENTIFIQUES
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vies mobiles Point de vue.
DOBRUSZKES, F. (2005). Compagnies Low Cost Européennes
et aéroports secondaires: quelles dépendances pour quel
developpement régional ? Les cahiers scientifiques du transport
N°47, pp. 39-59.
DIETZ, R. B. (Mars 2019). Management quality and carbon
performances of airlines. Transition Pathway Initiative.
LECAT, J.-J. (s.d.). La propriété et le
contrôle des compagnies aériennes. Le cas d'Air France. Revue
internationale de droit comparé Volume 54 N°2, pp. 415-440.
69
Magnan, A. (Avril 2008). Le développement des
îles hôtel aux Maldives d'hier à demain. Etudes
Caribéennes.
NGUYEN, M. S. (2012). Le business model du low-cost.
Eyrolles.
RAPPORTS
ASSADOURIAN, E. (2007-2008). Vitals Signs The trends that
are shaping our futur. World watch
Institute.
CATTAN, N. (2004). Le monde au prisme des réseaux
aériens. Flux volume 58, no 4, pp. 32-43. (1944).
Convention on International Civil Aviation. Chicago.
DGAC, D. G. (2017). Enquête nationale auprès
des passagers aériens. France: Ministère de la transition
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retenir pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.
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croître et la demande de fret aérien a été forte
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2017. Montréal: IATA.
IHLG, I. H. (2017). Aviation Benefits.
PEARCE, B. (2009). IATA Economic briefing Air freight timely
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RAC, R. A. (2015). CO2 is in the air, Cinq mythes sur le
rôle du transport aérien dans les changements climatiques.
Montreuil.
UNECE, I. (2015). MEMORANDUM OF UNDERSTANDING. Geneve.
EMISSIONS DE RADIO
BERTRAND, Y.-A. (2019, Aout 10). France Inter, Regardez Voir.
(B. PATIENT, Intervieweur)
FAYOLLE, MAxime (2019, Aout 21). France Culture, Hashtag
ENTRETIENS
Allibert, T. (2019, Aout). Echanges sur l'avenir du tourisme
aérien. (M. Fayard, Intervieweur)
70
V. Table des illustrations
Figure 1 Statistiques du trafic aérien 1930,
tiré de Jean Hubert, Chronique de la navigation aérienne.
7
Figure 2 Fret aérien en millions de
tonnes-kilomètres, données de la banque mondiale, 2017. 9
Figure 3 Croissance globale du nombre de passagers en PKP en
2017Figure 4 Fret aérien en millions de
tonnes-kilomètres, données de la banque
mondiale, 2017 9
Figure 5 Croissance globale du nombre de passagers en PKP en
2017 12
Figure 6 La capacité d'accueil des aéroports
face au trafic aérienFigure 7 Croissance globale du nombre
de passagers en PKP en 2017 12
Figure 8 La capacité d'accueil des aéroports
face au trafic aérien 13
Figure 9 Un système très polarisé de
hubs et de fluxFigure 10 La capacité d'accueil des aéroports
face
au trafic aérien 13
Figure 11 Un système très polarisé de
hubs et de flux 15
Figure 12 Publicité Air France 1930 18
Figure 13 Campagne publicitaire Mexique, Air France 2019
19
Figure 14 Campagne publicitaire Hop! 2019 20
Figure 15 Carte Isochrone 1930 21
Figure 16 Carte Isochrone 2016 22
Figure 17 Evolution du prix moyen des voyages en avion de
1950 à nos jours 23
Figure 18 Classement des performances carbone des compagnies
aériennes 31
Figure 19 Trajets en avions remis en cause par les
propositions de lois 36
Figure 20 Action des militants de Staygrounded à
l'aéroport de Barcelone, juillet 2019 41
Figure 21 Campagne du mouvement anglais Flight free 43
71
VI. Webographie
Les numéros correspondent aux notes de bas de page
1
https://culture.tv5monde.com/livres/la-mythologie-grecque-en-video/le-mythe-de-dedale-et-icare
2
http://www.ecole-du-vent.com/accueil-actualites/
3
https://donnees.banquemondiale.org/indicator/IS.AIR.PSGR?end=2017&start=1970&view=chart
4
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/IS.AIR.GOOD.MT.K1?end=2018&start=1960&view
=chart
5
https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/Continued-passenger-traffic-growth-and-robust-air-cargo-demand-in-2017.aspx
6
https://www.unece.org/fileadmin/DAM/cefact/mou/MEMORANDUM
OF UNDERSTANDING IATA UNECE Final.pdf
7
https://www.iata.org/publications/economic-briefings/Air
freight and world trade.pdf
8
https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/Continued-passenger-traffic-growth-and-robust-air-cargo-demand-in-2017.aspx
9
https://www.planetoscope.com/Avion/109-vols-d-avions-dans-le-monde.html
10
http://transport.sia-partners.com/face-la-croissance-du-trafic-aerien-les-grands-projets-dinfrastructures-des-aeroports
11
https://www.letemps.ch/lifestyle/aeroports-cites-nuages
12
https://www.icao.int/Newsroom/NewsDoc2018fix/COM.01.18.FR.pdf
13
https://www.laboiteverte.fr/anciennes-affiches-air-france/
14
https://www.airfrance.fr/FR/fr/common/transverse/footer/visuels-campagne-air-france.htm
15
http://www.ohlalair.com/archives/2018/05/17/36411875.html
16
https://theconversation.com/impact-du-transport-aerien-sur-le-climat-pourquoi-il-faut-refaire-les-calculs-116534
17
https://usbeketrica.com/article/climat-faut-il-taxer-ou-boycotter-l-avion
18
https://www.faz.net/aktuell/wirtschaft/unternehmen/airbus-chef-faury-will-emissionsfreies-fliegen-16148800.html
19
https://actu.fr/occitanie/toulouse31555/toulouse-face-honte-prendre-avion-airbus-imagine-voler-sans-polluer23280504.html
20
https://aviationbenefits.org/environmental-efficiency/climate-action/efficient-technology/
21
https://www.futura-sciences.com/sciences/photos/univers-top-17-avions-futur-688/univers-avion-northrop-grumman-ailes-hautes-deux-fuselages-4635/
22
https://www.lemondedelenergie.com/biocarburant-avions/2018/04/18/
72
23
https://www.transportshaker-wavestone.com/le-biocarburant-dans-le-secteur-aerien-vers-des-vols-plus-verts/
24
https://aviationbenefits.org/environmental-efficiency/climate-action
25
https://www.aerobuzz.fr/breves-transport-aerien/le-corsia-adopte-par-loaci/
26
https://www.air-journal.fr/2016-10-07-transport-aerien-accord-historique-pour-une-croissance-neutre-en-carbone-5170667.html
27
http://www.lse.ac.uk/GranthamInstitute/tpi/wp-content/uploads/2019/03/Management-quality-and-carbon-performance-of-airlines-040319-1730.pdf
28
http://www.transition-europe.eu/fr/news/carbon-markets-will-not-make-our-planet-great-again
29
http://www.cop21paris.org/images/downloads/ClimateActionInfographicCarbonFinance.pdf
30
https://www.goodplanet.org/fr/agir-a-nos-cotes/compensation-carbone/
31
https://eco-act.com/fr/our-people/
32
https://www.reforestaction.com/nos-projets-de-reforestation
33
http://www.amisdelaterre.org/L-histoire-de-REDD-une-reelle-solution-a-la-deforestation-446
34
https://www.liberation.fr/france/2019/07/06/la-compensation-volontaire-alibi-pour-continuer-de-prendre-l-avion
1738216
35
https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/pourquoi-la-cop21-n-est-pas-decisive-pour-l-aviation-532070.html
36
https://www.bfmtv.com/planete/cop21-le-transport-aerien-grand-absent-de-l-accord-sur-le-climat-968865.html
37
https://www.bastamag.net/Accord-a-la-COP21-meme-sur-une-planete-morte-le-commerce-international-devra-se
38
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/11/16/20002-20181116ARTFIG00206-carburants-pourquoi-les-avions-et-les-bateaux-echappent-aux-taxes.php
39
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/04/01/97002-20180401FILWWW00038-la-suede-introduit-une-taxe-sur-le-transport-aerien.php
40
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/06/07/la-majorite-des-vols-interieurs-pourrait-se-faire-en-train-et-ce-serait-bon-pour-l-environnement
5472992 4355770.html
41
https://www.marianne.net/politique/de-rugy-sur-l-interdiction-de-vols-interieurs-bienvenue-sur-air-infox
42
https://www.capital.fr/economie-politique/la-taxe-chirac-reliftee-par-les-deputes-1339388
43
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/projet-loi-mobilites
44
http://fr.forumviesmobiles.org/2018/07/10/mouvement-fly-less-12515
45
https://labos1point5.org/texte-fondateur/
46
https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/chamonix/montagne-
73
est-train-tomber-au-mont-blanc-temperatures-record-font-grimper-nombre-eboulements-1708420.html
47 https://www.mountainwilderness.fr/
48 https://www.changerdapproche.org/
49
https://www.mountainwilderness.fr/se-tenir-informe/actualites/rail-ski-nordique-en-laponie.html
50
https://noflyclimatesci.org/biographies/jake-woburn
51 https://stay-grounded.org/
52
https://ejatlas.org/conflict/ciudad-real-airport-spain
53
https://www.europapress.es/epagro/noticia-cambio-climatico-veintena-activistas-concentran-aeropuerto-barcelona-pedir-no-amplie-20190714125852.html
54
http://lourdesactu.fr/oui-au-train-de-nuit/
55 https://back-on-track.eu/
56
https://loco2.com/fr
57 https://www.seat61.com/
58
https://www.telegraph.co.uk/travel/rail-journeys/flight-free-holidays-train-europe-africa/
59
http://stayontheground.org/#manifeste
60
https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/en-suede-la-honte-de-prendre-lavion-plombe-deja-le-trafic-aerien-1013012
61
https://www.courrierinternational.com/article/voyage-en-suede-la-honte-de-prendre-lavion-fait-le-bonheur-du-train
62
https://www.franceinter.fr/societe/en-suede-la-honte-de-prendre-l-avion-face-a-la-fierte-de-voyager-en-train
63 https://www.flightfree.co.uk/
64
https://www.apnews.com/b31a0e98d1134f8b94ae8db5f5d0d2b8
65
https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/08/04/on-se-met-au-vert-cinq-escapades-a-cheval-a-dos-d-ane-en-roulotte54963484497319.html
66
https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/08/11/on-se-met-au-vert-cinq-virees-a-velo-en-europe
5498449 4497319.html
67
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/08/03/les-gorges-d-ordesa-un-grand-canyon-espagnol
5496322 4500055.html
68
https://www.grands-reportages.com/mag-465-aout-2019
69
http://www.lefigaro.fr/international/2019/04/07/01003-20190407QCMWWW00032-comme-en-scandinavie-etes-vous-pret-a-preferer-le-train-a-l-avion-pour-des-raisons-ecologiques.php
70
http://www.lefigaro.fr/conso/ces-francais-qui-ne-prennent-plus-l-avion-pour-preserver-la-planete-20190413
74
71
https://www.consoglobe.com/voyager-sans-avion-ecotourisme-cg
72
https://www.lci.fr/population/ma-vie-apres-avoir-dit-comme-greta-thunberg-stop-aux-voyages-en-avion-proposition-de-loi-ruffin-train-vols-interieurs-2118243.html
73
https://www.roadcalls.fr/a-propos/
74
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01328814/document
75
https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/etes-vous-prets-a-renoncer-a-lavion-pour-des-raisons-ecologiques
76
http://carfree.fr/index.php/2008/02/02/lideologie-sociale-de-la-bagnole-1973/
77
https://blog.oney.fr/feedbacks/179355-slow-tourisme-retour-authenticite-voyages?fbclid=IwAR3vdElwpFso2ZPniKH7hYID5DCj9O5TeO3FaHH5mJAPojimVnWEM4N7WW4
79
https://www.tourisme-responsable.org/agir-tourisme-responsable/lassociation-atr/charte-de-lassociation/
80
https://www.tourisme-responsable.org/voyager-responsable/charte-ethique-voyageur/
81
https://www.tourisme-responsable.org/voyager-responsable/agir-maintenant/agir-voyages-climato-compatibles/
82
https://www.tourisme-responsable.org/actualites/evenement/professionnels-voyage-lutter-contre-changement-climatique/
83
https://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/video/le-grand-oral-de-jean-francois-rial-pdg-du-groupe-voyageurs-du-monde-0407-1173080.html
84
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/jean-francois-rial-pdg-de-voyageurs-du-monde-veut-faire-planter-des-milliards-darbres-contre-la-pollution-des-avions3403059.html
85
https://science.sciencemag.org/content/365/6448/76.abstract
87
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/jean-francois-rial-pdg-de-voyageurs-du-monde-veut-faire-planter-des-milliards-darbres-contre-la-pollution-des-avions3403059.html
88 https://www.helloways.com/
89
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/21/qu-adviendrait-il-du-droit-aux-vacances-pour-tous-en-rendant-moins-accessible-le-transport-aerien
5464996 3232.html 90
https://www.liberation.fr/france/2019/08/13/et-si-le-train-de-nuit-revoyait-le-jour
1744976?utm medium=Social&utm
source=Facebook&fbclid=IwAR3IreaDaDDxuBPdIw9CWSM
H90iXGulzaoRI0KFmnxaId7xEltybs8El9mQ#Echobox=1565706538
91
http://www.leparisien.fr/societe/honte-de-prendre-l-avion-ce-sont-les-voyageurs-qui-ont-perdu-le-sens-du-raisonnable-02-08-2019-8127495.php
75
VII. Annexes
Annexe 1 : Réseau Action climat, 6 idées
reçues sur la taxation de l'aérien
Annexe 2 : Manifeste du mouvement Stay on the ground,
nous ne prendrons plus l'avion
Annexe 3 : Captures d'écrans page Facebook We are
Backpackeuses
Annexe 4 : Charte éthique du voyageur responsable
AIR
Annexe 5 : Personnes rencontrées lors des entretiens
et Grille d'entretien
76
Annexe 1 : Réseau Action climat, 6 idées
reçues sur la taxation de l'aérien
77
Annexe 2 : Manifeste du mouvement Stay on the ground, nous ne
prendrons plus l'avion
23148/2019 Stay on the ground - Nous ne prendrons plus
l'avion
Chaque français émet 5 tonnes de CO2 par an. Un
A/R Paris- New York en émet 2,5 t par passager. Autrement dit : entre
une année de vie en France (déplacements quotidiens pour
allertravailler, chauffage, consommation électrique, alimentation...) et
une semaine de vacances à Bali, mon impact sur le réchauffement
du climat est strictement le même.
Ne plus prendre l'avion, c'est supprimer un coût
énorme pour le climat.
O POUR ÊTRE COHÉRENTS
Nous faisons chaque jour des efforts pour limiter notre impact
environnemental et réduire notre empreinte carbone. Nous pratiquons le
covoiturage, nous baissons notre chauffage, nous isolons nos habitations, nous
remplaçons nos voitures par des vélos électriques quand
nous le pouvons.
Tous les efforts que nous faisons au cours d'une année
entière sont ruinés dès lors que nous montons dans un
avion pour un vol long courrier.
Si nous consommons local parce qu'un kiwi de
Nouvelle-Zélande vendu en France nous parait fou, ne gâchons pas
tout en prenant l'avion pour partir en vacances. Ne plus prendre l'avion, c'est
lier nos actes à nos discours.
c POUR INAUGURER UNE NOUVELLE ÈRE
Les yeux grands ouverts, nous déclarons aujourd'hui que
se téléporter en quelques heures à quelques milliers de
kilomètres est un rêve du passé. Demain, ce sera
irresponsable.
Nous proposons de repenser notre rapportà l'ailleursetau
voyage. L'avion a aboli les distances ? Restaurons-les. Au culte de la vitesse
nous opposons l'éloge de la lenteur.
L'époque où l'on changeait de continent le temps
d'un congé est révolue. La technologie et l'offre commerciale le
permettent encore, mais la raison nous l'interdit désormais. Voyageons
près de chez nous, ici est un ailleurs comme un autre. Et si nous
voulons aller plus loin, prenons le temps d'y aller lentement, à
vélo, en voilier ou à pied.
Ne plus prendre l'avion, c'est être visionnaire.
JE M'ENGAGE, JE SIGNE r
78
stayontheg round org/#rnanifeste 2/3
We are
backpackeusesI
· Groupe terme
À propos
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Évènemenls
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Fichiers
Re comm a n dalions
Chercher dans groupe
Flacon urci s
't Centre Charles Marc... y 'faute Plaisance
CD Animation Offre d'em.._ -
Chamonix location... ·2- co Liaisons ahematiae...
}2L` n Le Montagne qui Chant..
We are bac oaciceuses
Annexe 3 : Captures d'écrans page Facebook We
are Backpackeuses
We are backpackeuses
alk
: phéfie Rodrigues
Quand l'as le voyage dans la peau -g
|
|
We are
backpackeuses1
· Groupe fermé
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Chercher dans groupe Li. Raccourcis
Centre Charles Marc... Yale Plaisance
Q Animation Offre d'eni 3 4 Chamonix location... -20
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ha '5 J'aime Répondre 55 min
·
79
411, Nos Gillenlan ?Magnifique !.Cs J'aime Répondre 54
min
Louise Bouchet Judith Roche
J'aime Répondre 50 min
Vic Bar
01) s
Jaime Répondre 35 min
Ophélie Rodrigues Vic Bar j'ai d'autres petits tattoos
discrets comme celui ci. J'adore ! Simple et sentimental !
J'aime Répondre 24 min
Kix Lou Céline Cé a
J'aime · Répondre I min
40
80
Annexe 4 : Charte éthique du Voyageur responsable ATR
4
AGIR POUR UN TOURISME
CHARTE ÉTHIQUE
DU VOYAGEUR
Chacun de nous peut contribuer à
âtre un voyageur responsable, attentif au monde et à ses
habitants, en suivant quelques conseils, avant, pendant et après le
voyage.
Avant le voyage :
Préparer son voyage, c'est d'abord
s'intéresser â la destination.
Q Bien s'informer sur les habitants et leur mode de vie,
le patrimoine, la religion, l'environnement, l'économie, et
apprendre quelques mots dans la langue de la destination.
® Choisir des professionnels impliqués
dans le tourisme responsable : agences de voyage,
tour-opérateurs, compagnies aériennes, guides, activités
sur place, hébergements, restaurants.
Q N'emporter que l'essentiel, et garder de la
place dans la valise pour ramener des souvenirs fabriqués localement. Se
renseigner sur la pratique et les limites du marchandage des prix et sur les
pourboires laissés aux professionnels : restaurants,
hébergements, guides, artisans, commerçants, sans s'obstiner
à vouloir obtenir des privilèges.
Q Pour partir l'esprit léger, garder l'esprit
critique. S'interroger sur la réalité des risques de la
destination, et se renseigner auprès des organismes compétents,
sans se laisser trop influencer par certains médias.
Le voyage permet la rencontre, la rencontre permet la
connaissance, la connaissance permet la confiance.
Proverbe bambara
81
Pendant le voyage :
Respecter aussi bien la nature que les hommes et leur
culture.
8 Se mettre au diapason des us et coutumes de la
destination, sans imposer ses habitudes ni son style de vie, en
portant attention à la manière de s'habiller notamment dans les
lieux de culte, mais aussi aux signes de richesse qui peuvent contraster avec
le niveau de vie local. Goûter la cuisine locale, et être curieux
des modes d'hébergements authentiques.
I® Avant de photographier une personne, prendre le
temps de lui demander l'autorisation et profiter de l'occasion pour
nouer le dialogue. Pour les enfants, demander l'accord des parents.
® Comme chez soi, trier les déchets lorsque
cela est possible, économiser l'eau et l'énergie.
Respecter aussi les règles affichées dans les espaces
naturels, afin de préserver l'équilibre des lieux, de même
que dans les musées, les villes, ou sur les plages.
® Veiller à ne pas prélever de
souvenirs dans les sites naturels et archéologiques, et
à ne pas favoriser le vol et les dégradations en achetant des
objets sacrés ou des produits issus d'espèces
protégées. Préférer le don aux associations
compétentes, aux écoles, aux chefs de villages, plutôt que
de favoriser la mendicité, notamment celle des enfants. Dénoncer
l'exploitation sexuelle des enfants. Dans plusieurs pays dont la France, des
lois poursuivent les délits sexuels commis à
l'étranger.
Nous n'héritons pas de fa terre de
nos
ancêtres, nous l'empruntons à nos
enfants.
Maxime amérindienne reprise par Antoine de Saint-Sxupe
y
Après le voyage :
Favoriser le dialogue entre les cultures pour permettre
un tourisme Facteur de paix.
® Honorer ses engagements avec les personnes
rencontrées pendant le voyage, l'envoi de photos par exemple.
Si vous avez remarqué des situations graves et intolérables, les
signaler à l'agence qui vous a vendu le voyage ou aux autorités
compétentes.
® Compenser tout ou partie des émissions
liées à son voyage, et notamment les déplacements
en avion, en contribuant à des projets de solidarité climatique.
Soutenir des initiatives locales en donnant à des associations de
développement, en s'engageant au sein d'ONG, ou en achetant des produits
du commerce équitable.
(10 Partager son expérience de voyageur,
en famille, avec ses amis, ou sur les réseaux sociaux pour
témoigner des richesses et des fragilités de notre
planète, et faire bénéficier aux autres de conseils pour
voyager mieux.
® Préparer son prochain voyage, proche ou
lointain, en prenant conscience des nombreuses vertus du tourisme, non
seulement économiques et sociales mais aussi culturelles et
environnementales. Le tourisme donne de la valeur au patrimoine et encourage sa
protection.
Seule l'empreinte de nos pas doit rester
derrière nous, laissons le meilleur des souvenirs à nos
hôtes.
Citation issue de fa première charte éthique du
voyageur écrite en 7995
Pour de plus amples informations sur le tourisme responsable AGIR
POUR UN
et profiter d'autres conseils pour voyager mieux
TOURISME
www.tourisme-responsable.org
RESPONSABLE
82
Annexe 5 : Méthodologie + Grille entretiens
Dans le cadre de ce travail de recherche les entretiens ont
été réalisé au sein de l'agence Allibert Trekking
basée à Chapareillan. Dans un souci de discrétion et de
respect leurs noms ne sont pas cités dans l'analyse des entretiens,
c'est pourquoi les citations ne sont pas identifiées. L'ensemble des
entretiens a eu lieu en journée, pendant les horaires de travail, dans
les locaux de l'entreprise à Chapareillan en Isère.
Les personnes rencontrées sont :
· Frédéric GIROIR, directeur
général de l'entreprise. Rencontré en entretien le 6 aout
2019.
· Aurélie MANSIOT, responsable du service
communication. Rencontrée en entretien le 20 aout 2019.
· Olivier LEVASSEUR, chef de produits Alpes du Nord.
Rencontré en entretien le 2O aout 2019.
· Nicolas MANGER, membre du service communication et
chargé des réseaux sociaux. Rencontré en entretien le 6
aout 2019.
· Marie-Laure ROTA, responsable du service aérien.
Entretien envoyé par mail, réponse par écrit le 17 aout
2019.
· Isabelle CAYRE, responsable du service qualité.
Rencontrée en entretien le 8 aout 2019.
Entretien N°
Date et lieu
Personne interrogée :
Rôle chez Allibert:
Introduction : Bonjour, je suis
Mélanie, actuellement en stage au service des Alpes et étudiante
en Master de Géographie Tourisme Innovation et Transition à
l'institut de géographie Alpine de Grenoble. J'ai choisi de consacrer
mon mémoire à la question de l'avenir du tourisme aérien
(sans lien direct avec mon stage aux Alpes) mais notamment face aux mouvements
émergents qui dénoncent ce mode de transport polluant. J'aimerai
vous poser quelques questions afin de connaitre votre avis ainsi que celui
d'Allibert trekking sur le sujet.
A quel point les activités d'Allibert sont-elles
liées aux déplacements aériens ? Historiquement et
actuellement.
|
A vos yeux les clients d'Allibert sont-ils sensibles
à l'écologie ? Pourraient-ils émettre des réserves
à utiliser l'avion ?
Des remises en cause sont-elles perceptibles ? Si oui
à quel niveau ? Si non pourquoi selon vous ?
Pensez-vous que le mouvement "Flyless" honte de prendre
l'avion puisse prendre de l'ampleur ? Pourquoi ?
|
Y a-t-il à vos yeux des clients à aller
chercher dans son mouvement ? Sont-ils atteignables par un TO ? Comment
?
Comment imaginez-vous le secteur en 2050 ?
83
Autre sujet que vous souhaitez aborder
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