WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La communauté internationale dans le jeu politique togolais à  partir de 1990.


par Rodolphe Assataclouli BAKOUSSAM
Université de Kara - Master en Gouvernance internationale (Sciences politiques) 2018
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CONCLUSION

77

Après la seconde guerre mondiale et les mutations qui s'en sont suivies, les relations internationales se sont mues en des relations complexes caractérisées essentiellement par une interdépendance assez complexe, reliant tous les points du globe. Le monde est devenu une communauté c'est-à-dire, une sorte de conglomération réunissant des sociétés partageant des valeurs communes ou presque. Cela est devenu d'autant plus poignant avec la fin de la guerre froide où l'impératif démocratique était devenu un idéal auquel sont convié les Etats (surtout en développement) bon gré, mal gré. On peut dès lors comprendre l'intérêt de la communauté internationale dans les affaires politiques des Etats, surtout ceux qui expérimentent la démocratie pour la premières fois ou ceux qui renouent avec ce mode de gouvernement. Mais l'implication de la communauté internationale et son positionnement dans le jeu politique togolais suscite une curiosité que la présente recherche s'est donnée d'élucider.

Le jeu politique relève de l'élaboration et de l'implémentation de stratégies par les joueurs avec en toile de fond le désir constant de remporter les joutes électorales. Conçu comme tel, le jeu politique togolais est sans contexte une affaire des togolais. Mais l'observation révèle que la communauté internationale exerce une influence réelle dans la distribution des rapports de force dans le jeu politique, faisant d'elle un acteur à part entière dans l'arène politique ou peu s'en faut. L'objectif que le présent travail de recherche s'est assigné est d'appréhender les facteurs qui expliquent la présence permanente de la communauté internationale dans le jeu politique et les enjeux que cette implication génère dans le champ politique. L'exploration du sujet nous a amené à découvrir que cette implication est favorisée par les conditions aussi bien externes qu'internes et recèle des enjeux polarisés comme le prédisaient nos hypothèses de départ.

Au plan externe, les travaux de Crawford Young montrent « comment la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc soviétique ont eu des répercussions en Afrique et pas seulement dans les pays auparavant adossés à ce bloc comme le Bénin, le Congo, l'Ethiopie »195. Le deuxième élément incitatif de l'implication de la communauté internationale dans l'espace politique togolais était la dépendance à l'aide extérieur qui, à partir de 1990 devient subordonnée à la conditionnalité démocratique. La communauté internationale va ainsi servir non seulement de référent à l'action, mais aussi comme un

195 M. GAZIBO, « La dynamique de la démocratisation », Introduction à la politique africaine (en ligne), Montréal, Presse de l'Université de Montréal, 2010, pp. 167-189.

allié pour les forces d'opposition surtout au cours de la période de la transition démocratique. L'opposition togolaise ne manquera guère d'occasion de la prendre pour témoin ou pour appui à son action. Ainsi jouera-t-elle un rôle crucial dans la tenue de la conférence nationale, conférence qui paraissait aux yeux de l'opposition de l'époque, comme la panacée aux problèmes politiques du Togo.

S'agissant des facteurs internes favorisant l'implication de la communauté internationale dans le jeu politique togolais, la longue période du monopartisme a suscité une soif aigüe de liberté, une soif qui n'attendait qu'un évènement catalyseur pour s'assouvir. Au début de la décennie 1990 en effet, le Togo connu l'une des plus grandes manifestations populaires de son histoire. Cette mobilisation de masse, galvanisée par un couvert médiatique déjà mûr, criera à la face du monde le ras-le-bol des togolais face à la fermeture du régime Eyadema et leur désir du pluralisme politique. La communauté internationale sera dès lors invoquée en appui aux différentes actions en contestation du régime Eyadéma aussi bien par les forces de l'opposition sur place que par une diaspora mobilisée pour la même cause. De même, la majorité présidentielle pour légitimer ses actions a eu également recours à la communauté internationale en conformant ses actions aux orientations de cette dernière. Ainsi, tout au long de la facilitation de la crise politique d'août 2017 par exemple, on a vu l'exécutif togolais vénérer la feuille de route définie par la CEDEAO comme le veau d'or incontesté pour la sortie de ladite crise.

Seulement la communauté internationale ne jouit pas que de bonnes grâces de la part des acteurs politiques togolais. De fait, la communauté internationale sera présentée par l'opposition comme un complice au pouvoir « autoritaire » des Gnassingbés comme le soulignait si bien Y. Agboyibor lors d'une conférence de presse : « Pour avoir procédé à la levée totale des sanctions en 2008 sans que les conditions requises soient remplies, l'Union Européenne a effectivement conforté le gouvernement togolais dans son refus de mettre en oeuvre les réformes et a contribué à la persistance de la crise sociopolitique au Togo » 196. La majorité présidentielle également ne manque pas de fouler au pied cette communauté internationale lorsque les circonstances s'y prêtent. L'attitude du gouvernement face aux recommandations de l'expert commis par la CEDEAO pour les propositions d'un schéma de réformes institutionnelles et constitutionnelles en est révélatrice. Ce qui contraste ostensiblement avec son attitude à l'adoption de la feuille de

78

196 Le Changent N° 567 du jeudi 05 octobre 2017, Op. Cit.

79

route. En conséquence, l'on peut soutenir que la communauté internationale est l'objet d'une instrumentalisation rationnelle par les acteurs politiques togolais, faisant ainsi d'elle une référence ou au contraire, un ennemi selon la concordance ou la discordance de leurs intérêts. Elle constitue à cet effet un enjeu réel dans l'espace de jeu ainsi défini.

Si la communauté internationale apparait comme un enjeu dans le champ politique togolais, il n'en demeure pas moins que le Togo lui-même soit un enjeu de l'action internationale. En effet, derrière l'homogénéité qui semble caractériser la communauté internationale, se cache une pluralité d'acteurs aux mobiles d'action divers. L'étude a permis de démontrer que les motivations des Etats, peuvent dans certaines circonstances et plus généralement différer de celles des organisations internationales constituées par eux ou diverger entre eux même sur les mêmes enjeux. Si dans la communauté internationale, l'opinion publique et les organisations internationales (dans une certaine mesure) défendent des causes universellement admises donc d'intérêt général, les Etats par contre sont fondamentalement motivés par l'intérêt qu'ils peuvent tirer d'une action même si les apparences militent en faveur du contraire. L'attitude de la France, du discours de la Baule aux actions menées ultérieurement, semble conforter la position de Jean-François Bayart lorsqu'il affirmait que « la France se doit de tenir un discours clair en matière de démocratisation durable des sociétés politiques subsaharienne »197.

En somme, il convient de retenir que si la communauté internationale était moins perçue comme un instrument d'assouvissement de désirs politiques par les acteurs politiques togolais et qu'inversement, celle-ci s'en tenait véritablement aux motivations apparentes de ses actions, le Togo serait sans doute à un niveau de maturité démocratique exemplaire.

197 J.-F. BAYART, « La problématique de la démocratie en Afrique noire : la Baule, et puis après ? », Politique africaine, 1991, pp. 5-20.

80

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon