Numéro :
UNIVERSITE DE KARA
F A C U L T E D E DROIT E T DES SCIENCES
POLITIQUES
- - - - - - - -
MEMOIRE
En vue de l'obtention du MASTER DE RECHERCHE
Domaine : Administration, Sciences juridiques,
et Politiques
Mention : Sciences politiques
Spécialité : Gouvernance
Internationale
LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE
DANS LE JEU POLITIQUE TOGOLAIS A
PARTIR DE 1990
Présenté et soutenu par BAKOUSSAM
Assataclouli
Structure de recherche
Laboratoire d'Études et de Recherche sur l'Etat et les
Mutations de
l'Action Publique (LEREMAP)
Directeur de Mémoire
M. KPODAR Adama, Agrégé de Droit public et de
Science politique, Professeur titulaire de Droit public, vice-président
de l'Université de Kara
Jury
Président : Professeur KPODAR
Adama
Examinateur : OURO-BODI
Ouro-Gnaou
Membre : GBEOU-KPAYILE Nadjombé
Membre : LOGO Yawo Kakaty
Année académique
I
2018-2019
« Le but naturel de toute entreprise scientifique est
de découvrir les forces sus-jacentes aux phénomènes
sociaux » H. MORGENTHAU.
I
AVERTISSEMENT
L'Université de Kara n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ;
ces opinions doivent être considérées comme propres
à leur auteur.
Dédicace
II
A ma famille, pour m?avoir tout donné.
III
Remerciements
Je témoigne toute ma gratitude à M.
KPODAR Adama, Professeur Titulaire de droit public et de
Science Politique, Vice-Président de l'Université de Kara et
Responsable Scientifique du Master Science Politique et Droit Public de
l'Université de Kara, pour m'avoir consacré une bonne partie de
son précieux temps et pour son encadrement rigoureux et exigeant.
Mes remerciements vont également à M.
COULIBALEY D. Babakane, Maitre de Conférences en droit
public, Doyen de la Faculté de Droit et Des Sciences Politiques de
l'Université de Kara et Responsable pédagogique des masters de
ladite faculté pour son implication personnelle dans l'aboutissement
heureux du présent master.
Les mêmes mots de remerciement sont adressés
à tout le corps enseignant de la Faculté de Droit et de Science
Politique en particulier M. GBEOU - KPAYILE Nadjombé,
Maitre-Assistant de droit public, Vice Doyen de la Faculté de Droit et
Des Sciences Politiques ; à M. LOGO Yawo Kakaty,
Maitre-Assistant de droit public, Chef de département de droit public de
l'Université de Kara, à M. OURO-BODI Ouro-Gnaou,
Maitre-Assistant de droit public ; à Messsieurs MAWUNOU
Zinsè, AGBENOKO D. Koffi, KEDOU Abalo, BABALE
et SAGBA Kossi Edzodzinam pour leurs conseils et
observations avérés fort utiles.
Enfin, à tous les camarades de promotion qui ont
contribué de diverses manières à la réalisation de
ce mémoire, je dis merci.
IV
RÉSUMÉ ET MOTS-CLÉS - SUMMARY AND
KEYWORDS
Titre : La communauté internationale dans le jeu
politique togolais à partir de 1990 Résumé
La décennie 1990 a été pour le Togo une
période particulièrement mouvementée, marquée par
de grands changements surtout au plan institutionnel. Après une longue
parenthèse de monopartisme, le pays va amorcer sa mue
démocratique sous le regard intéressé de la
communauté internationale. Celle-ci disons-le, semble avoir
accordé ses violons pour scander les louanges de la démocratie
libérale triomphante de la guerre froide. L'idéal
démocratique devient alors un impératif vers lequel tous les pays
doivent dorénavant tendre. Le régime togolais à l'instar
des autres régimes africains ayant évolué sous la
dictature, verra le socle même de son pouvoir ébranlé par
des pressions aussi bien endogènes qu'exogènes. Dans les deux
cas, la communauté internationale sera appelée à jouer un
rôle de premier ordre dans le nouveau Togo naissant ou mieux dans la
nouvelle configuration du jeu politique. Ainsi apparaitra-t-elle comme un enjeu
pour les entrepreneurs politiques dans la conquête et l'exercice du
pouvoir au regard du rôle qu'elle a coutume de jouer dans le
dénouement des crises politiques ainsi qu'en périodes de
consultations populaires. Mais au-delà de tout, la nature
philanthropique apparente de la communauté internationale ne doit pas
faire perdre de vue les intérêts souvent voilés qui guident
ses actions.
Mots-clés en français
Communauté internationale-jeu politique-champ
politique-discours politique
Title : The international community in the Togolese
political game Abstract
The 1990s was a particularly turbulent period for Togo, marked
by major changes, especially at the institutional level. After a long period of
monopartism, the country will begin its democratic transformation under the
interested gaze of the international community. This one, let us say it, seems
to have granted its violins to chant the praises of the triumphant liberal
democracy of the cold war. The democratic ideal becomes an imperative towards
which all countries must henceforth tend. The Togolese regime, like other
African regimes having evolved in the dictatorship, will see the very
foundation of its power shaken by endogenous as well as exogenous pressures. In
both cases, the international community will be called upon to play a leading
role in the nascent new Togo or better, in the new configuration of the
political game. Thus, it will appear as an issue for political entrepreneurs in
the conquest and exercise of power in the light of the role it is used to play
in the resolution of political crises as well as in periods of popular
consultations. But beyond all else, the apparent philanthropic nature of the
international community must not obscure the often veiled interests that guide
its actions.
Keywords
International community - political game - political
field - political speech
V
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
SIGLE Libellé
ACP Afrique Caraïbes et Pacifique
ANC Alliance Nationale pour le Changement
APD Aide Publique au Développement
BAD Banque Africaine de Développement
BM Banque Mondiale
C14 Coalition de quatorze partis de l'opposition
CAR Comité d'Action pour le Renouveau
CDPA Convention Démocratique des Peuples Africains
CEDEAO Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de
l'Ouest
CNUCED Conférence des Nations Unies sur le Commerce et
le Développement
COD Coalition de l'Opposition Démocratique
CST Collectif Sauvons le Togo
FAD Fond Africain de Développement
FAR Front des Associations pour le Renouveau
FCFA Franc de la Communauté Financière
d'Afrique
FMI Fond Monétaire International
FOD Front de l'Opposition Démocratique
FRAC Front Républicain pour l'Alternance et le
Changement
IDH Indice de Développement Humain
OCDE Organisation de la Coopération et de
Développement Economique
OI Organisation Internationale
OIF Organisation Internationale de la Francophonie
OING Organisation Internationale Non Gouvernementale
OMS Organisation Mondiale de la Santé
ONG Organisation Non Gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
OTAN Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
OUA Organisation de l'Unité Africaine
PAS Programme d'Ajustement Structurelle
PIB Produit Intérieur Brut
PNB Produit National Brut
PNP Parti National Panafricain
PNUD Programme des Nations Unies pour le
Développement
REPP Rapport d'Evaluation de Performances du Programme
RPT Rassemblement du Peuple Togolais
SIDA Syndrome d'Immunodéficience Acquise
UA Union Africaine
UC Unité de Compte
UE Union Européenne
UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africain
UFC Union des Forces du Changement
UNIR Union pour la République
UTD Union togolaise pour la Démocratie
VI
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
PARTIE I. LA DUALITÉ DES CAUSES DE L'IMPLICATION
DE LA COMMUNAUTÉ
INTERNATIONALE 11
Chapitre I. La dynamique des forces endogènes
13
Section I. L'usage des manoeuvres indirectes : les mouvements
sociaux dans une
logique contestataire manifeste 13
Section II. La Communauté internationale dans le discours
politique togolais 23
Chapitre II. Le concours des facteurs exogènes
31
Section I. Les fondements politiques de l'implication 32
Section II. Les fondements économiques de l'implication
39
PARTIE II. L'ÉMERGENCE DES ENJEUX POLARISES
46
Chapitre I. La communauté internationale : un
enjeu dans le champ politique
togolais 48
Section I. Focus sur le champ politique togolais :
théâtralisation de l'espace politique 48
Section II. Focus sur les affrontements symboliques du champ
politique togolais 55
Chapitre II. L'action internationale dans le jeu
politique togolais 62
Section I. : L'intérêt au coeur de l'action
internationale : lecture à travers le prisme du
réalisme 62
Section II. Action internationale et jeu politique au Togo : vers
une systémisation des
rapports 70
CONCLUSION 76
BIBLIOGRAPHIE 80
TABLE DES MATIÈRES 85
1
INTRODUCTION
2
Dans son ouvrage portant sur les règles du jeu
politique, F. G. Bailey invitait de façon prosaïque tout
férue de l'analyse politique à considérer la politique
comme « un jeu de compétition
»1. Cet appel, nonobstant sa
trivialité, permet de mieux appréhender la politique et d'en
saisir son fonctionnement.
La politique comme jeu de compétition a repris au Togo
au début des années 1990 avec la libéralisation de
l'espace politique consacrant ainsi le pluralisme politique. Cette ouverture de
l'espace politique au Togo - comme ce fut le cas dans la plupart des pays
africains - a été fortement impulsée par
l'atmosphère socioéconomique et politique du moment. Le triomphe
du libéralisme ainsi que la réhabilitation de la protection des
droits de l'homme rendent de facto la communauté internationale
responsable de leur sauvegarde à travers le monde et surtout dans les
pays qui ont connu un passé peu friand de la
démocratie2. Elle s'illustre ainsi dans les
processus de transition amorcée, comme arbitre du jeu
3 et gardienne des principes démocratiques
auxquels les pays sont désormais conviés bon an mal an.
En Afrique francophone, c'est le discours prononcé
à la Baule le 20 juin 1990, lors de la 16? conférence des chefs
d'Etat d'Afrique et de France par le Président français
François Mitterrand, qui sera proprement, le point de départ de
l'implication de la communauté internationale dans le fonctionnement
institutionnel des pays de cette zone à travers la
conditionnalité démocratique de l'aide publique au
développement4. Depuis lors, la
communauté internationale est devenue permanente sur la scène
politique togolaise à travers des actes multiformes mais concrets. En
effet, à la suite des violentes manifestations du 05 octobre 1990, la
communauté internationale, après avoir condamné la
répression qui en a découlé, supervisera le tout premier
accord politique5 de la démocratisation
devant déboucher sur la tenue de la Conférence Nationale. Deux
(2) ans plus tard, à la suite de la répression sanglante des
mouvements de grève générale et autres manifestations, la
Communauté Européenne suspend la coopération avec le Togo
et fait
1 F. G. BAILEY, les règles du jeu
politiques, Paris, PUF, 1971, p. 13.
2 Préambule de la Charte des Nations
Unies.
3 La communauté internationale est en
réalité arbitre et gardien du respect des valeurs
démocratiques.
4 T. KPOBIE, Action internationale en faveur
de la démocratie au Togo, mémoire de DEA,
Université
de Lomé, Togo, 2012. p. 4.
5 Il s'agit des accords de Colmar signés
le 12 juin 1990,
https://letogolais.com/article.html?nid,
consulté
le 23 décembre 2018.
3
rapatrier plusieurs de ses fonctionnaires établis au
Togo6. En 1998, l'Union Européenne
dénonce les irrégularités de l'élection
présidentielle qui sacre Gnassingbé Eyadema vainqueur au grand
dam de l'opposition incarnée par Gilchrist Olympio. Dans son rapport
intitulé « Le Règne de la terreur », Amnesty
International dénonce des exécutions extrajudiciaires imputables
au pouvoir de Lomé. A la mort d'Eyadema en 2005, l'armée en
complicité avec le parlement érige Faure Gnassingbé, fils
du Président défunt, à la tête du pays. La
réaction une fois encore de la communauté internationale ne se
fera pas attendre pour dénoncer ce qu'elle qualifie de « coup
d'Etat constitutionnel ». Le 24 avril 2005, Faure Gnassingbé est
élu à plus de 60,2 % des voix à l'issue d'un scrutin
jugé « globalement satisfaisant » par la France et
dénoncé par l'opposition togolaise. Dans la foulée des
manifestations en contestation de cette élection, Amnesty International
publie un rapport en juillet 2005 dénonçant « un scrutin
entaché d'irrégularités et de graves violences » et
reprochant les positions de la France de revêtir un caractère
ambigu. Pour venir à bout de la crise née des faits
sus-évoqués, la communauté internationale par le
truchement du Président burkinabé Blaise Compaoré
préside le dialogue inter-togolais qui débouche sur «
l'accord politique global » le 26 août
20067. Aux législatives de 2007, la
communauté internationale sera fortement représentée en
vue d'authentifier ces élections qui étaient cruciales dans
l'atmosphère délétère qui y régnait.
Après un scrutin jugé unanimement, cette fois-ci, transparent par
l'ensemble des observateurs présents, l'Union Européenne
rétablit sa coopération avec le Togo, coopération
suspendue en 1993 « en raison de l'incapacité de Lomé
à mettre en oeuvre les réformes politiques souhaitées
»8. Depuis ces épisodes
jusqu'à la crise politique née le 19 août 2017, la
communauté internationale s'est montrée au premier rang des
évènements 9 ; en témoigne l'engagement
de la CEDEAO par l'entremise des Présidents Alpha Condé et Nana
Akoufo Ado, commis par l'organisation sous régionale pour la
facilitation de ladite crise.
6 K. KOFFI, « Togo : les deux ruptures de
la coopération (1993 et 1998) » in Afrique
Contemporaine,
N° 189, 1er trimestre 1999, pp. 63-76.
7 Cet accord fixait les grandes lignes
consensuellement adoptées pour une sortie définitive de la
crise
notamment la mise en place d'un gouvernement d'union nationale
devant organiser les élections législatives, ainsi que la
réalisation des réformes constitutionnelles et
institutionnelles.
8 L'Union Européenne reprend sa
coopération avec le Togo,
www.irinnews.org/fr/actualit%C3A9enne-
reprend-sa-cooperation-avec-le-togo, consulté le 30
décembre 2018.
9 Référence ici est faite aux
différentes mesures d'accompagnement mis en place par le système
des
Nations Unies, l'Allemagne et autres partenaires pour mettre
en place les conditions optimales pour la tenue d'un scrutin transparent. Voir
à cet effet François FARBEGAT, « Élection togolaises
: falsification, rapport de forces et transition ? »,
https://blogs.mediapart.fr/François-farbegat/blog
, consulté le 11 décembre 2018.
4
1. Justification du choix du sujet
Près de trois décennies de
démocratisation après, la communauté internationale est
plus que jamais présente sur la scène politique togolaise,
adoptant des positions qui font rarement
l'unanimité10 et faisant d'elle, peu s'en
faut, un acteur à part entière du jeu politique. Au regard de
tout cela, mener une réflexion sur « la
communauté internationale dans le jeu politique togolais »
nous semble une entreprise scientifiquement pertinente dans le
contexte actuel de la vie politique au Togo et pour la science politique.
2. Définition des concepts
Dans le souci de lever tout équivoque sur les notions
fondamentales du présent travail, une clarification conceptuelle
s'avère fort utile. Ainsi choisissons-nous de mettre en lumière
les notions de communauté internationale, et
de jeu politique.
2.1. La communauté internationale
La communauté désigne selon Ferdinand
Tönnies « une forme d'organisation sociale dans laquelle les
individus sont liés entre eux par une solidarité naturelle ou
spontanée et sont animés par des objectifs communs
»11. Cela suppose un partage de
sentiments subjectifs et affectifs de la part des membres et une certaine
adhésion naturelle aux principes et valeurs cardinales qui fondent la
solidarité qui règne au sein du groupe considéré.
Transposée à l'échelle internationale, la notion de
communauté se heurte tout naturellement à une difficulté
majeure au regard de la nature même des relations internationales
d'autant plus que l'homogénéité qui caractérise la
notion de communauté, est la denrée qui manque le plus à
l'international. En effet dans une approche strictement réaliste,
l'intérêt égoïste des Etats est le seul moteur de
leurs actions sur la scène internationale et non une solidarité
spontanée12. C'est ce que soutiennent les
réalistes d'orientation volontariste, comme D. Anzilotti, ou ceux
d'orientation conservatrice, comme E. Kaufman, pour qui « ce type de
communauté n'a jamais existé et d'ailleurs qu'elle n'existera
jamais comme telle car la souveraineté des Etats constitue un
fait
10 A. KPODAR, « La communauté
internationale et le Togo : élément de réflexion sur
l'extranéité de
l'ordre constitutionnel », Revue togolaise des sciences
juridiques, 2011, pp. 38-44.
11 G. HERMET et Al., Dictionnaire de
Science politique et des institutions politiques, 8ème
édition, Armand Colin, 2015, p. 54.
12 Voir la théorie réaliste des
relations internationales in D. BATTISTELLA,
Théories des relations internationales, 5ème
éd. Paris, Les Presse de Sciences Po, 2015, p. 47.
5
antinomique à la communauté »
13. Cette vision négatrice de
l'universalisme à l'international, ne peut cependant pas occulter
l'existence d'un minimum de valeurs construites autour des idées
libérales (telles que la protection des droits fondamentaux des
individus - liberté d'expression, d'opinion, de cultes, d'association
etc....), et qui fondent la légitimité de toute action
internationale. Plus concrètement, les ensembles régionaux
à l'instar de l'Union Européenne, la CEDEAO et bien d'autres
encore, reflètent aujourd'hui une certaine
homogénéité et une véritable solidarité
entre les membres ; ce qui permet « d'envisager, dans une perspective
normative cette fois-ci, l'existence d'une communauté internationale
comme horizon kantien »14 . À cet
effet, nous choisissons subjectivement, dans le cadre du présent
travail, de nous allier à ceux qui soutiennent l'existence d'une
communauté à l'internationale considérée comme
« un ensemble très universel incluant en son sein les Etats,
les organisations internationales à vocation universelle, les
particuliers et l'opinion publique internationale
»15. Ainsi, allons-nous usiter «
communauté internationale » comme une prénotion au sens
durkheimien du terme 16 dans cette entreprise de
recherche. Quid du « jeu politique » ?
2.2. Le jeu politique.
Examinons avant tout ' jeu'' et 'politique''
séparément avant de les appréhender ensemble.
Le jeu désigne selon le Grand Robert de la langue
française, « une activité physique ou mentale, gratuite,
généralement fondé sur la fiction, qui n'a dans la
conscience de la personne qui s'y livre, d'autres fin qu'elle-même, et le
plaisir qu'elle procure ». Plus largement, il renvoie à une
activité avec des règles, exercée seul ou en groupe dans
un but de divertissement. Dans une perspective utilitariste, le jeu renvoie
à une compétition autour d'un ou plusieurs enjeux à
rentabiliser. Dans cette logique Eber dira que « le jeu est une
interaction stratégique entre acteurs, le choix de l'un
influençant la situation de l'autre
»17.
13 E. JOUANET, « La communauté
internationale vue par les juristes », Annuaire Français de
Relations Internationale AFRI, Bruxelles, Volume VI, Bruylant, p. 5.
14 D. BATTISTELLA et al. Dictionnaire des
relations internationales, Paris, 3e éd. Dalloz, 2012,
p.
15 J. SALMON, Dictionnaire de droit
international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 205.
16 Une prénotion est pour E. Durkheim une
notion forgée par la pratique et pour elle.
17 N. EBER, Théorie des jeux,
Dunod 4ème éd., Paris, 2004, p. 128.
6
'La politique'' employée comme substantif
désigne quant à elle l'espace symbolique de compétition
entre les candidats à la représentation du
peuple18. Comme adjectif, il est fait allusion
à « une activité spécialisée de
représentants ou de dirigeants d'une collectivité publique, et
tout particulièrement, de l'Etat
»19.
Le rapprochement entre 'jeu'' et
'politique'' peut sembler dénudé de tout sens
lorsqu'on sait par définition que le premier est futile alors que le
second relève de ce qu'on peut qualifier d'« affaire
sérieuse » 20. Mais ce paradoxe ne peut
résister longtemps au regard du caractère compétitif,
constituant le trait d'union entre ces deux (2) notions et qui permet de
considérer la politique comme un jeu. Le jeu politique est donc «
un vaste jeu social qui se déploie dans le champ politique »
21 qui lui, est « le lieu où s'engendrent,
dans la concurrence entre les agents qui s'y trouvent engagés, des
produits politiques, problèmes, programmes, analyses, commentaires,
concepts, évènements, entre lesquels les citoyens ordinaires
réduits au statut de `'consommateurs», doivent choisir f...]
»22.
3- Problématique et hypothèses
S'il est admis que le jeu politique « est un vaste
jeu social qui se déploie dans le champ politique
»23, il faut reconnaitre que ce jeu reste
perceptible à tous les niveaux d'organisation sociale. Ainsi, à
chaque échelon politique correspond un échiquier relativement
circonscrit. D'abord, autour des collectivités territoriales, se
déploie un jeu politique infranational qui se joue entre les acteurs
locaux ; ensuite vient le jeu politique national, qui correspond à la
compétition entre acteurs sociaux et politiques pour le contrôle
des institutions Etatiques ; et enfin l'échiquier international qui
renvoie aux rapports entre Etats. Seulement, il s'avère que depuis
l'amorce du processus de démocratisation au Togo, la communauté
internationale y est permanemment présente et s'apparente quasiment
à un acteur à part entière du jeu politique national.
Comment
18 La politique s'entend aussi comme une
activité spécialisée ou l'application de cette
activité à un objet particulier (la politique de la santé,
du logement...). Voir pour ces définitions P. Braud,
Sociologie politique, 8ème édition, LGDJ.
19 ibid
20 F.G. BAILEY, Les règles du jeu
politique, op. cit.
21 Cours de stratégie politique : le jeu
politique,
https://ecrirelaregledujeu.fr/jeu-politique/
, consulté le 22
décembre 2018.
22 P. BOURDIEU, La représentation
politique. Éléments pour une théorie du champs
politique, cité par P. FRITSCH in P.
BOURDIEU, Propos sur le champ politique, Lyon, Presses
Universitaires de Lyon, 2000, p. 15
23 Ibid.
7
comprendre alors le positionnement de la communauté
internationale sur l'échiquier politique togolais ? Voilà la
question principale qui nous servira de fil d'Ariane tout au long du
présent travail. De cette question principale, émergent
spécifiquement deux (2) interrogations non moins importantes :
Qu'est-ce qui explique l'immixtion de la communauté
internationale dans le jeu politique togolais ?
Quelles en sont les conséquences ?
Pour répondre à ces questions nous postulons
principalement que l'implication de la communauté internationale dans le
jeu politique togolais est fondée essentiellement sur les calculs
stratégiques des acteurs en présence.
La première hypothèse spécifique que nous
formulons c'est que la permanence de la communauté internationale dans
le jeu politique togolais s'explique doublement par la volonté de
celle-ci de défendre ses intérêts, mais aussi par les
sollicitations des acteurs de l'arène politique togolaise.
Deuxièmement, nous soutenons que le positionnement de
la communauté internationale sur l'échiquier politique togolais
fait émerger des enjeux stratégiques polarisés.
4- Objectifs de la recherche
La présente recherche repose sur deux (2) objectifs
fondamentaux :
Il s'agit en premier chef de comprendre les raisons
sociologiques qui expliquent la présence active de la communauté
internationale dans le jeu politique national. Ainsi, le travail ne sera pas
abordé autour des questions classiques du droit international telles la
souveraineté internationale de l'Etat, le droit d'ingérence etc.
; il sera plutôt traiter de façon pragmatique à la
lumière des éléments factuels découlant du jeu et
des stratégies des acteurs en présence. Néanmoins nous
n'excluons pas d'avoir recours quelques fois à ces concepts plus
juridiques que politistes lorsque les circonstances l'exigent.
Deuxièmement, il s'agit de dresser le bilan de
l'intervention de la communauté internationale dans la vie politique
togolaise et d'en tirer les leçons pour consolider les acquis
démocratiques et renforcer la paix au Togo.
8
5. Intérêt de la recherche
Réfléchir sur la communauté
internationale dans le jeu politique togolais revient à poser un
problème actuel du fait de la récurrence cyclique des
évènements politiques qui y ont cours. Ainsi,
l'intérêt d'un tel sujet est double et se décline aux plans
théorique et pratique.
Sur le plan théorique, il invite à
réexaminer les liens étroits entre l'international et le national
dans une perspective systémique cette fois-ci. Il se propose ainsi de
sortir des sentiers classiques forger autour des notions de souveraineté
et autres concepts longtemps discutés en droit international, pour
questionner les stratégies de lutte entre acteurs du jeu politique pour
le contrôle des institutions.
Au plan pratique, le présent travail sera une
contribution notoire pour l'affirmation de la science politique dans
l'appréhension des phénomènes politiques. Ainsi en plus de
répondre aux exigences académiques de présentation d'un
mémoire en fin de parcours master, la réflexion sur « la
communauté internationale dans le jeu politique togolais »
ambitionne d'offrir une grille de lecture plus ou moins complète de
compréhension du débat politique tel qu'il se déroule au
Togo.
6. Techniques de collecte et de traitement des
données
Les exigences de scientificité nous astreignent
à une collecte et à un traitement méthodique des
données qui entreront dans la constitution du présent
édifice intellectuel. Nous choisissons à cet effet d'utiliser la
méthode qualitative. Cette méthode a le mérite d'insister
sur la nature dynamique, construite et évolutive de la
réalité sociale. Elle insiste sur les croyances, les valeurs, les
représentations, les concepts développés par les acteurs
participant à cette réalité. Dans le cadre de notre
travail, la méthode qualitative nous permettra à travers une
approche strictement sociologique, de comprendre les motivations des actions
des uns et des autres afin de mieux structurer l'analyse des
conséquences qui en découlent.
Comme techniques de collecte de données, nous utiliserons
l'analyse documentaire.
On appelle interview un rapport oral, en
tête-à-tête entre deux personnes dont l'une transmet
à l'autre des informations sur un sujet
prédéterminé. Cette technique de collecte de
données sera donc usitée auprès des personnes ressources
notamment les hommes politiques, les fonctionnaires internationaux en fonction
ou ayant servi au Togo et autres pouvant fournir des informations de
première main fort utiles.
9
L'analyse documentaire consiste à exploiter et à
analyser la littérature existante sur le sujet, objet du présent
travail de recherche. Ainsi sera mis à contribution l'essentiel de la
documentation disponible sur notre sujet de mémoire dans toutes ses
composantes. Nous exploiterons pour ce faire, les sources primaires (les
articles de presse, les entretiens ...) ; ainsi que les sources secondaires
constituées elles, de l'ensemble des documents produits après,
sur la politique au Togo. Mettant également à contribution les
TIC, nous ferons usage de l'internet dans la collecte des données utiles
au présent édifice.
7- Cadre théorique de
référence
Du fait des exigences de scientificité, le sujet objet
de la présente recherche ne peut être saisi qu'à travers le
prisme de théorie(s) qui est « un regard construit, sachant
organiser des phénomènes à première vue
épars »24. Ainsi allons-nous
mettre à contribution deux (2) théories en science politique,
devant nous permettre de mieux mener notre entreprise de recherche. Il s'agit
de la théorie des jeux et celle du marché politique.
« La théorie des jeux est un ensemble d'outils
analytiques qui ont été développés pour faciliter
la compréhension des situations d'interaction entre des décideurs
(agents, joueurs) rationnels »25. Cette
théorie postule un certain nombre de caractères reconnus aux
joueurs dont :
? La rationalité des décideurs qui poursuivent
des objectifs exogènes et indépendants ;
? Leur prise en compte de la connaissance qu'ils ont ou des
anticipations qu'ils font du comportement des autres.
Cette théorie en rapport avec nos hypothèses
permettra de mettre en lumière et de mieux interpréter les
différente stratégies et prises de positions des acteurs en
présence.
La deuxième théorie est celle du marché
politique qui invite constamment à considérer le champ politique
comme un marché où s'affrontent l'offre (proposée par les
entrepreneurs politiques) et la demande constituée des attentes
sociales. À l'image d'un véritable marché, les producteurs
y sont les hommes politiques et les acheteurs les électeurs. Contre les
votes des seconds, les premiers échangent des promesses
électorales
24 LAVERGUAS, cité par
DÉPLETEAU, 2003, p. 131 in cours de méthodologie
en science sociale
25 M. YILDIZOGLU, Introduction à la
théorie des jeux, Col. Eco Sup, 2003, p. 17.
dans les domaines spécifiques. Jean-Jacques Rossa
défini ainsi le marché politique comme « le
marché où s'échangent des votes contre les promesses
d'intervention publique »26.
La théorie du marché politique nous servira
à démontrer comment les acteurs de la scène politique
togolaise à travers leurs discours et autres moyens oeuvrent en vue de
retenir l'attention et tirer meilleur partie du jeu.
A l'évidence, l'implication de la communauté
internationale dans le jeu politique togolais fait émerger des enjeux
polarisés (2ème partie) ; mais il convient d'abord et
avant tout, de scruter les causes profondes de cette implication
(1ère partie).
10
26 Marché Politique,
www.wikiberal.org,
consulté le 28 avril 2019.
11
PARTIE I.
LA DUALITÉ DES CAUSES DE L'IMPLICATION DE LA
COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
12
« Adulée, encensée, refuge ou dernier
rempart d'une opposition en quête de l'alternance, mais aussi incomprise
et critiquée, courtisée par le pouvoir en place à travers
des politiques de séduction, la communauté internationale jouit
d'une réelle célébrité
»27 sur la scène politique
togolaise. Cette célébrité tient en sa présence
dans le jeu politique et du rôle actif qu'elle a dorénavant
coutume de jouer dans tous les grands rendez-vous politiques du pays. En effet,
la décennie 1990 a été pour le Togo, une période
particulièrement trouble, avec des mutations majeures aux plans
politique, social, et économique. Ainsi, du fait des idéaux dont
elle est porteur, la communauté internationale va occuper une place de
choix dans la configuration des rapports de force du jeu politique. Mais il
convient de souligner qu'en plus de l'influence des conditions liées
à l'atmosphère internationale du moment (Chapitre II), les forces
endogènes vont contribuer significativement à l'implication de la
communauté internationale dans l'arène politique togolaise
(Chapitre I).
27 A. KPODAR, « La communauté
internationale et le Togo : élément de réflexion sur
l'extranéité de l'ordre constitutionnel », Op
cit.
13
CHAPITRE I.
LA DYNAMIQUE DES FORCES ENDOGÈNES
Dans l'euphorie des événements du début
de la décennie 1990 marquant la fin du communisme et le triomphe des
idées libérales, la soif de la démocratie longtemps
éprouvée par les forces politiques au Togo tapies dans l'ombre,
trouve un terreau favorable pour son assouvissement. Les
références à la communauté internationale dans la
nouvelle configuration politique se font jour et prennent des formes diverses.
Mais il faut reconnaître qu'il était devenu quasi impossible
d'avancer dans le tout nouveau processus de démocratisation ainsi
amorcée sans cette communauté internationale, bref sans compter
avec elle28. Ainsi, que ce soit directement
à travers les discours politiques (section II), ou indirectement
à travers les mouvements sociaux (section I), la communauté
internationale sera convié à prendre une part active dans la vie
politique togolaise.
SECTION I. L'USAGE DES MANOEUVRES INDIRECTES : LES
MOUVEMENTS SOCIAUX DANS UNE LOGIQUE CONTESTATAIRE MANIFESTE
Avant le coup d'envoi à la libéralisation
donné par la chute du mur de Berlin, les conditions d'implosions se
mettaient progressivement en place au sein même des pays encore sous le
joug des dictatures et ceux d'obédience
communiste29. Ainsi, si l'on peut admettre que la
transition démocratique s'est bouclée pour certains pays avec la
décennie 1990, tout porte à croire qu'elle est encore
d'actualité dans d'autres pays30. Au Togo,
ce sont des mobilisations tous azimuts en contestation du régime que
l'on a pu constater, appelant de manière à peine voilée le
soutien de la communauté internationale contre ce que certains
médias qualifient péjorativement de « curiosité dans
la sous-région ». Ainsi, des évènements tumultueux de
1990 à la crise politique qui a connu - sous réserve - son
épilogue le 20 décembre 2018, des actions multiformes se sont
multipliées dans les rangs de l'opposition politique togolaise portant
à la face du monde les luttes intestines qui ont
28 Le monde étant devenu un village
planétaire caractérisé par un foisonnement des relations
entre acteurs de la scène internationale.
29 Référence faites aux Pays de
l'Europe Centrale et Orientale (PECO) et à certains pays africains comme
le Bénin.
30 J. WEKO, Les transitions
démocratiques au Togo et au Bénin : Dynamique et
Mimétisme, mémoire en vue de l'obtention du grade de master
II Etude politique, Université Paris II Panthéon-Assas, 2018,
103p.
14
cours dans le pays. Cette internationalisation des tensions
internes (Paragraphe I) a eu pour vecteur les médias (Paragraphe II) qui
eux, se sont montrés plus expressifs dans l'invitation de la
communauté internationale dans le jeu politique togolais.
§ 1. L'INTERNATIONALISATION DES TENSIONS INTERNES
L'internationalisation renvoie aux mécanismes ou
processus d'interpellation de la communauté internationale sur des
aspects relevant originellement de l'interne. Dans le cas togolais, cette
internationalisation s'est faite aussi bien par les togolais en interne (I) et
ceux de la diaspora (II).
A. L'action in situ
« Si le discours de la Baule de juin 1990 qui posait
le principe de la conditionnalité démocratique a
été postérieur aux revendications démocratiques
dans certains pays africains (le Bénin par exemple), dans d'autres en
revanche il a servi de catalyseur » 31. En
effet dès octobre 1990 32 (le 05 pour
être précis), des centaines de togolais descendaient dans les rues
de Lomé pour dénoncer « l'absence de mode d'expression
politique et la fermeture du régime de parti unique ». Il
s'agit de la première grande manifestation jamais enregistrée
sous la dictature de GNASSINGBE Eyadema président depuis 1963. La
réaction du pouvoir face à ce qu'elle considérait comme un
acte insidieux ne se fera pas attendre. Une répression sanglante fut en
effet opposée à cet évènement inédit sous la
dictature. « Misant toujours sur la soumission et la docilité
des togolais prêt à tout encaisser sans réagir, les forces
de l'ordre se sont une fois encore opposer aux aspirations du peuple et ce fut
le chao » 33. Le bilan officiel
faisait Etat de quatre (4) morts, trente - quatre (34) blessés dont deux
(2) graves ; vingt - six (26) véhicules brûlés, six (6)
postes de commissariats incendiés ou saccagés
34.
31 J. R. HHEILBRUNN et C. M.
TOULABOR, « Une si petite démocratie pour le Togo ...
» Politique africaine, 1995, pp.85-100
32 Il s'agit en effet de la date du
procès de LOGO Dossouvi et de DOGLO Agbelenko. Les deux (2) hommes
avaient été interpelés pour avoir produit et
distribué des tracts anti régime. Malgré la
décision de leurs libérations pour apaiser la tension soutenue
par des centaines de supporteurs, il naquit la première grande
manifestation démocratique de l'histoire du Togo. Cette manifestation,
nonobstant la farouche répression dont elle a été l'objet,
ouvrait la voie d'une ère nouvelle, d'un Togo nouveau las de la
dictature du parti unique. Voir « d'un procès ... à des
émeutes sanglantes » in ATOPANI EXPRESS, premier hebdomadaire
privé togolais n° 10 du 17 octobre 1990
33 ATOPANI EXPRESS N° 10, du 17
octobre 1990.
34 ATOPANI EXPRESS, Op cit.
15
Les manifestations suivies de violentes répressions
35 vont se poursuivre dans le «nouveau»
Togo avant et après la mise en place de structures politiques formelles
d'opposition et cela, sous le regard du monde en pleine mutation. Les actions
en contestation du régime se multiplient et prennent diverses formes.
Ainsi, de la grande manifestation du 05 octobre 1990 à la
Conférence Nationale (du 08 juillet au 28 août 1992) en passant
par la grève des chauffeurs 36 du 26
novembre 1990, les togolais manifestent ouvertement leur soif de la
libéralisation de leur espace public et savent trouver en la
communauté internationale un allié sûr. Aussi sera-t-elle
présente dans la plupart des accords politique conclus entre acteurs
politique togolais si elle n'en est pas
l'initiatrice37. Mieux, on pourrait dire que la
communauté internationale manifeste toujours un intérêt
toutes les fois que survient au Togo une crise politique. En fait il ne pouvait
en être autrement car la déchéance du communisme avec la
fin de la guerre froide, a emporté celle de tout autre régime ou
système politique méconnaissant un certain nombre de principes
démocratiques tels les droits de l'homme, la liberté d'expression
et d'association, le pluralisme politique etc. Or telles sont essentiellement
ce que vont réclamer les togolais à l'entame de la
démocratisation. En effet, après la Conférence Nationale
qui a connu une forte implication de la France 38,
les chefs des diplomaties française et allemande vont atterrir au Togo
le 25 janvier 1993 pour tenter une médiation entre le pouvoir de
Lomé et son opposition à la suite de la grève
illimitée décrétée par celle-ci pour faire
infléchir Eyadema dans son obstination de l'ouverture politique à
demi-teinte. La France et l'Allemagne poursuivront les tractations avec la
classe politique togolaise et parviendront le 08 février 1993 à
Colmar, à conclure un accord entre la mouvance présidentielle et
les leaders démocratiques. Malheureusement cet accord sera violé.
Ce qui dans l'indignation totale va amener la France à rompre sa
coopération avec le Togo après l'Allemagne qui l'avait fait aux
lendemains des coups de feu de l'assaut contre le siège de la primature,
fin 1991.
35 Le 26 novembre 1990, à la suite
d'une grève suivie d'une manifestation organisée par les usagers
du transport routier, l'armée inflige une sévère
répression faisant des blessés graves et des morts. Voir
« le Togo est paralysé, l'armée frappe et tue »
in ATOPANI EXPRESS N° 15 du 29 Novembre 1990.
36 Il s'agit d'une grève
organisée par les syndicats des chauffeurs à la suite de
l'instauration du permis professionnel obligatoire et qui eut un coup sur
l'ordre. Cf.
37 ATOPANI EXPRESS, N° 15, du 7
Décembre 1990.
38 « L'ambassadeur de France a
signé son entrée spectaculaire dans le processus
démocratique en allant arracher des mains dEyadéma les
accords du 12 juin 1991 qui ont mené à la Conférence
Nationale ».
J. R. HHEILBRUNN et C. M.
TOULABOR, Une si petite démocratie pour le Togo, ibid.
Voir aussi
K. KOFFI, « Togo : les deux ruptures de ;
la coopération (1993 et 1998) », ibid.
16
Les actions indirectes sollicitant l'intervention de la
communauté internationale vont se poursuivre tant les conditions de la
mise en place d'une véritable démocratie au Togo demeuraient un
chantier encore très vaste. C'est en 2005, à la suite de ce que
nombre d'analyste ont appelé « coup d'Etat constitutionnel »
qu'on a encore vu les appels à la rescousse à peine voilés
de l'opposition ainsi que certaines organisation de la société
civile à l'endroit de la communauté internationale. En effet,
à la mort du Président Eyadema, lorsque l'armée
décide d'instituer Faure Gnassingbé son fils en succession, des
mobilisations multiformes se sont mis en place pour dénoncer ce retour
à l'ère de la dictature. Ainsi, le 27 février 2005, les
femmes de Lomé ont défilé par milliers pour
dénoncer « le coup d'Etat monarchique du clan GNASSINGBE »
39. En réaction aux actions de
contestation du pouvoir de Faure Gnassingbé, les militaires vont se
livrer à des actes de violence allant des places de manifestations
à la violation des domiciles40. Face
à cette recrudescence de violence et de violations des droits de
l'homme, la réaction de la communauté internationale
apparaît sans appel. La Communauté Economique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), L'Union Africaine, L'Union Européenne et
même les Etats-Unis d'Amérique exigent le retour à l'ordre
constitutionnel. Des sanctions allant des restrictions de déplacements,
la rupture des relations diplomatiques aux sanctions économique fusent
de partout41. Cette intervention des institutions
internationales feront fléchir le pouvoir de Lomé à
organiser des élections proprement dites qui porteront légalement
cette fois-ci Faure Gnassingbe au pouvoir.
Les dernières actions en sollicitations indirecte que
l'on a enregistrées, sont celles survenues dans la crise politique
d'août 2017. De même nature que les précédentes, les
togolais demandent la mise en oeuvre des réformes politiques permettant
l'instauration d'un système politique aux relents démocratiques.
Toutefois il faut dire que dans la parenthèse 2005- 2017, la
communauté internationale a répondu présente dans les
différentes tensions opposant le pouvoir et l'opposition togolaise. Si
en interne les actions se sont multipliées pour une intervention de la
communauté internationale dans le jeu politique du pays, les togolais
vivant à l'extérieur y ont également contribué.
39 « Dictature héréditaire
»,
www.ufctogo.com ,
consulté le 24/03/2019 à 09H07
40 Les 27, 28 février, 1er, 2 et 3
mars 2005, des militaires ont pénétré dans des maisons du
quartier Bè de Lomé et s'y sont adonnés à des
violences s'apparentant à des traitements inhumains, cruels et
dégradants : assassinats, viols, actes de torture et arrestations
arbitraires ont été recensés tout au long du mois de
février 2005, « Dictature héréditaire »
idem.
41 G. DUPONT, « Togo, la CEDEAO passe
aux sanctions », article publié le 20/02/2005 et mis à jour
le 21/02/
2005.
www.rfi.fr/actufr/articles 34190.asp consulté le
24/03/2019 à 09H50
17
B. L'action ex situ
Les actions externes en faveur de l'intervention de la
communauté internationale se résument à celles de la
diaspora togolaise et de ses soutiens. La diaspora togolaise, timide à
l'origine dans les affaires politiques de leur pays, a progressivement pris
position et démontre depuis un moment un franc engagement qui oblige
à compter dorénavant avec elle. La diaspora togolaise faut - il
le rappeler est un échantillon, une représentation ou si l'on
préfère, une image symétrique de la population togolaise
interne, projetée à l'extérieur du Togo. Ainsi peut-on
dire qu'elle est plurielle. On peut y voir celle qui est favorable au pouvoir,
lui apportant un soutien manifeste et celle qui lui est hostile. Mais les
actions à portée retentissante qui présentent une nature
ostentatoire et interpellant directement la communauté internationale
sont celle provenant de la diaspora réfractaire au pouvoir de
Lomé42.
L'une des premières situations des togolais de
l'extérieur, à forte résonnance a été les
migrations massives vers les pays du voisinage immédiat du Togo et dans
le reste du monde à la suite d'évènements politiques,
susceptibles de menacer leur quiétude. Ainsi, de la
nécessité de gérer ce flux de réfugiés et
considérant la nature transnationale des conséquences des
conflits internes43, il devient impérieux
pour les pays d'accueil pris individuellement 44 ou
au sein des organisations internationale d'apporter des réponses
pertinentes à ce phénomène. Si cette sollicitation
d'intervention de la communauté internationale est toute passive, la
diaspora togolaise, quelques fois met en oeuvre des actes plus offensifs,
indexant directement les acteurs internationaux soit en appui, soit en
contestation de leurs positions dans les différentes crises politiques
qu'a connues le Togo. En effet, en Juillet 2018 s'est tenu un « Forum de
la diaspora Togolaise d'Allemagne » pour (disent les concernés)
« que d'autres ne parlent pas en leurs nom sans leur avis, et pour
peser de leurs poids dans les décisions à venir pour la vie de
leur nation commune » 45. Ce forum a
accouché d'une « lettre ouverte à l'adresse des
facilitateurs de
42 En témoigne les différentes
dénominations que prennent ces mouvements. On y voir par exemple : le
mouvement citoyen Collectif pour la Vérité des Urnes (CVU)
etc.
43 Préambule du protocole relatif au
Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement de
Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité de
décembre 1999. Voir aussi « l'instabilité au Togo pourrait
avoir des conséquences régionale, s'inquiètent Buhari et
Ouattara » in LIBERTE, quotidien privé togolais
/N°2570 du vendredi 1er décembre 2017.
44 Selon la Mission d'Etablissement des Faits
de l'ONU dans la crise de 2005, il y a eu en plus des morts et des
blessés, 30 000 réfugiés.
45
www.27avril.com ,
consulté le 16/03/2019 à 08H13.
18
la CEDEAO pour une sortie pacifique et durable de la crise
togolaise » 46. Un autre mouvement est le
Collectif pour la Vérité des Urnes Togo - Diaspora (CVU Togo -
Diaspora). Il s'agit d'un mouvement plus acerbe au regard de ses publications.
Ainsi peut-on lire des articles comme celui d'Antoine Randolph intitulé
« le camouflet du peuple togolais à la dictature et ses soutien
extérieurs »47. Dans cet article,
l'auteur fustige sans ambage la communauté internationale pour son
rôle dans l'élection du 20 décembre 2018. «
Aujourd'hui, que vont faire les soutiens étrangers à la dictature
? S'interroge-t- il. Vont-ils reconnaitre les faux résultats que la
dictature va proclamer ? Vont-ils agir maintenant à visage
découvert ou continueront-ils à se cacher derrière la
CEDEAO, institution servile et discréditée, plongée dans
ses basses oeuvres syndicales de soutien aux tyrans en difficulté, en
perdition »48. Plus loin, le même
traitement est infligé à la CEDEAO par Yves Ekoué
Amaïzo, accusant l'institution sous régionale d'être
« restée sourde, muette et aveugle
»49 vis-à-vis des peines
vécues des togolais. Se faisant, elle s'est rendue « ennemie du
peuple togolais »50. En marge
des actions qui sont pour l'essentiel cognitives, une partie de la diaspora
togolaise a exprimé son interpellation de la communauté
internationale devant les ambassades du Togo à travers le monde. Ainsi
a-t-il été le cas en France, en Allemagne, aux Etats Unis et dans
bien d'autre pays encore, demandant soit la mise en oeuvre des réformes
politiques et institutionnelles, si ce n'est l'appui pour la démission
systématique de l'actuel Président de la République. C'est
dans la crise politique de 2017 que cette situation a été plus
patente.
L'analyse des prises de position de la diaspora amène
à présumer que dans sa majorité, elle est composée
des « antisystèmes » ou tout au moins, les réfractaires
au pouvoir de Lomé ne sont pas moins importants. Cela s'explique
fondamentalement par la masse importante de la population contrainte à
l'exil (pour des raisons - pour l'essentiel -
politiques51), ou au refuge. Pour cette diaspora,
la communauté internationale a un grand
46 Idem.
47 A. RANDOLPHE, « le camouflet du peuple
togolais à la dictature et ses soutien extérieurs »,
www.cvu-togo-diaspora.org
, consulté le 12 février 2019 à 14h20.
48 Idem.
49 Y. EKOUÉ AMAÏZO, «
Insurection et Conférence inclusive au Togo en 2019 : le recours en
dernier ressort ! »,
www.cvu-togo-diaspora.org,
consulté le 12 février 2019 à 14h40. .
50 Idem.
51 On peut citer en exemple l'ancien
militaire exilé en France, devenue avocat Me François BOKO, qui a
fait le tour de la plupart des grandes puissances pour annoncer son retour au
pays. Visiblement les sujets de discussion ne pouvaient tourner qu'autour de la
vie politique au Togo.
19
rôle à jouer dans le jeu politique togolais. Et
pour certains ténors comme Kodjo EPOU, « la CEDEAO, la
Francophonie, l'UA, l'UE, l'ONU, les amis du Togo, s'ils veulent aider »
doivent d'abord se rendre à l'évidence que « le
peuple meurtri du Togo a un agenda difficile à négocier. C'est
Faure Gnassingbé qu'ils doivent amener à la raison
»52. En stratégie politique, on
peut penser à de la surenchère visant tout simplement à
contraindre la communauté internationale à reconsidérer
son offre dans son intervention dans le jeu politique au Togo. Donc
l'hostilité, la récusation et autres actes de rejet ne sont que
des moyens pour attirer le regard de la communauté internationale sur ce
qui se passe au Togo ou mieux encore de susciter sa sympathie sur les
préoccupations des contestataires du pouvoir.
Divers acteurs sont impliqués dans ce qui peut
être considérés comme vecteurs de l'implication de la
communauté internationale dans la vie politique togolaise. Ainsi
importe-t- il de mettre en lumière le rôle joué par les
autres acteurs sociaux qui ont également pris une part active dans le
jeu politique au Togo.
§ 2. LE RÔLE DES AUTRES ACTEURS SOCIAUX
La communauté internationale a fait l'objet de
sollicitations à peine voilées dans la vie politique du Togo par
des acteurs sociaux autres que les manifestants togolais in situ ou
ex situ. Parmi ces acteurs, les médias (A) et les organisations
de défense des droits de l'homme (B), méritent un coup de
projecteur.
A. L'action des médias
« La démocratisation des Etats africains a
été, pour une part essentielle, l'oeuvre des médias. C'est
lorsque journaux et radios indépendants ont connu le
développement spectaculaire qui a été le leur que la
marche vers des sociétés ouvertes, pluraliste, a
été enclenchée : les médias ont obligé les
pouvoirs à fonctionner sous le regard et la surveillance du public, en
même temps qu'ils ont donné à entendre des voix
dissidentes, des démarches alternatives
»53.
52 K. EPOU, « Chronique de Kodjo
EPOU : des dialogues, les Togolais en ont marre I »,
www.27avril.com ,
consulté le 22/02/2019 à 16 h 20.
53 T. PERRET, « Les médias et la
«mesure» de la démocratie. Entretien avec Souleymane Bachir
Diagne », Africultures, n° 71, 2007/2, pp.30-32,
www.cairn.info/revue-africultures-2007-2-page-30.htm.
20
Ce constat implacable de Souleymane Bachir Diagne trouve
également sa justification au Togo. En effet, les médias ont
été aux avant-postes dans la lutte pour la démocratisation
du pays. S'agissant de leurs rôle dans l'implication de la
communauté internationale, ils se sont illustrés à travers
leurs « unes 54 » poignantes qui ne peuvent laisser
indifférent ; ainsi que par leurs développements quelques fois
empreints de subjectivité manifeste. S'agissant des unes, elles sont la
vitrine centrale qui donne sur les altercations politiques internes. Ainsi,
l'on se souvient du rôle des médias surtout de la presse
écrite privée dans les évènements du 05 octobre
1990, marquant de facto la rupture d'avec l'ordre ancien. Ainsi pouvait - on
lire en « une » de ATOPANI Express N° 10 du 17 octobre 1990 la
mention suivante : « d'un procès ... à des
émeutes sanglantes ». L'utilisation de l'adjectif
« Sanglant » suffit à lui tout seul pour attirer l'attention
et susciter des réactions internationales dans le contexte international
du triomphe des idées libérales avec leur corolaire de la
protection des droits de l'homme. Prenant exemple sur la guerre du Biafra
où l'emploi du mot « Génocide » par les journaux
français a permis de justifier et de légitimer l'intervention de
la France dans cette guerre, on peut présumer de la portée des
mots usités par les journalistes. Plus loin encore on pouvait lire
à la une du même journal : « le Togo est
paralysé, l'armée frappe et tue » 55
ou ailleurs encore « Demain la guerre civile
»56. Toutes ces situations
amèneront la communauté européenne à faire une
déclaration aux allures d'une réponse à l'appel des
acteurs de la vie politique togolaise. Ainsi pouvait-on lire dans les colonnes
de Atopani Express que les différentes rencontres entre les ambassadeurs
des pays membres de la communauté européenne avaient pour but
« d'exprimer l'inquiétude de la communauté face au
climat de violence et aux obstacles qui entravent le dialogue
démocratique »57.
Toutefois, il faut préciser que l'action des
médias dans la sollicitation de la communauté internationale peut
prendre une forme plus ouverte allant de la critique envers l'inaction de
celle-ci face à certaines situations frisant l'ignominie, à la
demande pure et simple de son intervention dans le jeu politique. Le traitement
de l'information au lendemain de la crise d'août 2017 offre de nombreuses
illustrations. En effet, sur la « une » du journal LE TRIANGLE
DES ENJEUX N°373 du 30 août 2017 on peut lire «
Regain de tension au
54 Entendue première page d'un
journal.
55 ATOPANI EXPRESS N° 15 du
7décembre 1990.
56 Ibid, N° 37 du 15 mai 1991
57 « Communiqué des
Représentants de la Communauté Européenne », in
ATOPANI EXPRESS N° 170 du 14 Juillet 1992
21
Togo : le Ghana indexé, Atchadam
introuvable ». Liberté
58 dira dans sa une N° 2580 du 15
décembre 2017 que « les populations lancent un cri de
coeur aux Chefs d'Etat de la CEDEAO. Le Togo est une inacceptable anomalie
politique et il convient d'y mettre fin ».
Somme toute, il faut reconnaitre que depuis l'entame de la
démocratisation au Togo, les médias ont assumé pleinement
leur rôle d'information de l'opinion et de lanceur d'alerte contre les
velléités dictatoriales du pouvoir et les reliques d'autres
pratiques déniant la démocratie au sens libéral du terme
59. Se faisant, ils ont peu ou prou mis à
contribution la communauté internationale à travers les
sollicitations ouvertes ou à travers les analyses critiques qu'ils font
des actions et inactions de cette dernière. Parallèlement aux
actions des médias en faveur de l'implication de la communauté
internationale dans le jeu politique au Togo, les organisations de la
société civile y ont oeuvré de leur côté pour
la même fin.
B. L'action des organismes de la société
civile (OSC)
Dans l'euphorie du pluralisme politique survenue avec la
démocratisation de l'espace publique et politique au Togo, nombre
d'associations et organismes militant en faveur de plus d'ouverture virent le
jour. L'une des plus importantes de l'époque fut le FAR (Front des
Association pour le Renouveau) composée de la plupart de ceux-là
qui vont animer plus tard la vie politique du Togo. Toutefois l'action du FAR
dans l'implication de la communauté internationale reste de moindre
importance.
Ce sont plutôt les actions d'organismes comme la Ligue
Togolaise des Droits de L'homme créé en 1990 qui, sans ambages,
ont adressé des sollicitations à la communauté
internationale à travers leurs rapports sur la situation des droits de
l'homme au Togo. La LTDH dans la défense des droits de l'homme est
intervenue depuis lors sur l'Etat des droits de l'homme au Togo. Dans la crise
politique née en août 2017, la ligue s'est illustrée
clairement à travers son rapport rendu public le 30 juillet 2018
où elle présente la situation des droits de l'homme dans ladite
crise et tire la sonnette d'alarme en situant les responsabilités des
différents acteurs de la vie politique incluant vraisemblablement la
58 Liberté, quotidien privé
togolais.
59 Même s'il faut reconnaitre que ces
médias ont quelques fois versé dans la déviance et dans le
manque de professionnalisme. Voir R. T. DANOUÉ «
La libéralisation des médias en Afrique : Controverses et
réalités au Togo », in Mosaïque, n°8,
Lomé, 2008, pp. 125-150.
22
communauté
internationale60. Sur cette dernière on peut
lire en substance : « A l'endroit des organisations onusiennes et de
la communauté internationale, la LTDE les prie de coordonner les actions
et activités des ONG qui conduisent des enquêtes pour
éviter la multiplicité et faire en sorte que les actions
humanitaires soient ciblées et prendre en compte les victimes
recensées [...] et d'encourager les autorités gouvernementales
à trouver des solutions durables aux problèmes récurrents
à l'origine de la crise togolaise ». Ce rapport dans son
adresse, soutient clairement qu'il est du devoir de la communauté
internationale d'intervenir au Togo au nom de la responsabilité
internationale tant la situation sociopolitique l'exigeait également.
Parallèlement à la LTDH, les actions d'Amnesty
International ont également contribué à mettre en
lumière les conséquences des crises politiques sur l'Etat des
droits de l'homme au Togo implorant par ricochet des actions de la
communauté internationale. Ainsi, dans son rapport 2017/18,
l'organisation de défense des droits de l'homme déclare en gros
titre : « Les autorités continuent de restreindre le droit
à la liberté d'expression et d'association au cours des
manifestations de masse, organisée par les groupes de l'opposition. Les
forces de sécurité font excessivement usage de la force contre
les manifestants avec au moins 11 personnes tuées dans les
manifestations. Les arrestations et détentions arbitraires, la torture
et autres maltraitances, ainsi que l'impunité face à la violation
des droits de l'homme persistent ». Disons que les rapports
antérieurs de cette organisation de la société civile ne
présentent pas eux aussi une image reluisante du Togo. Dans le rapport
de de 2011 sur les évènements survenus dans le contexte
électorale des présidentielles de 2010, Amnesty international
déclare : « les forces de sécurité ont violemment
réprimé des manifestations pacifiques organisées à
la suite de l'élection présidentielle du mois de mars. La
liberté de la presse a elle aussi été restreinte et des
journalistes ont été agressés dans l'exercice de de leur
profession. Malgré l'action menée par la Commission
Vérité, Justice et Réconciliation, l'impunité
demeurait la règle ». D'autres rapports notamment ceux de 2005
et de 1998 ont également été dans la même logique,
engageant quelques fois directement la responsabilité de la
communauté internationale. Ce qui ne peut laisser entièrement
indifférente celle-ci. En marge de la LTDH et Amnesty international,
d'autres organisations de la société civile à l'instar du
Mouvement les « Forces vives Espérance
60 22 décès, 941 blessés
dont 202 par balles et 572 arrestations à travers tout le pays. Tel est
le tableau dressé par la LTDH dans son rapport intitulé «
Togo : la répression et la torture contre le changement
démocratique. 19 Août 2017 - 20 juillet 2018 », journal
Togotribune,
www.togotribune.com ,
consulté le 24 mars 2019 à 07h05.
23
pour le Togo » du Prêtre Pierre Marie - Chanel
Affognon veillent continuellement sur la situation des droits de l'homme et des
libertés politiques au Togo.
La sollicitation de la communauté internationale dans
le jeu politique togolais n'a pas été que l'oeuvre des mouvements
et organismes de la société. Les acteurs politiques aussi dans
leur discours, en ont eu recours.
SECTION
II. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DANS LE
DISCOURS POLITIQUE TOGOLAIS
« Le discours politique renvoie à l'ensemble
des paroles tenues publiquement par les professionnelles de la politique
»61. Il s'agit donc des propos
calqués sur des prises de positions empreints de projets politiques.
Ainsi le discours politique reste intimement lié à sa
finalité, la maximisation du capital politique et partant, la
conquête du pouvoir. De fait, « les entrepreneurs politiques
sont engagés dans une bataille permanente pour imposer dans l'opinion
une image positive de leurs capacités à prendre en charge les
problèmes prioritaires des électeurs
»62. Il apparait donc que le but du
discours politique c'est de susciter la sympathie et de renflouer les soutiens
63 (l'électorat). Dans le jeu politique
togolais, l'observation et l'analyse révèle que la
communauté internationale est peinte différemment selon qu'on
soit avec la majorité ou avec l'opposition. Le discours prend ainsi
souvent la forme d'une invitation (paragraphe I) à l'adresse de cette
communauté, souvent aussi la forme d'une récusation
évidente (Paragraphe II).
§ 1. UNE INVITATION MANIFESTE : ENTRE APPELS EN APPUI
ET APPELS EN LÉGITIMATION
La communauté internationale dans nombre de situations,
est invoquée par les acteurs politiques dans leurs discours. Elle est
parfois conviée à prendre part active, à se prononcer
clairement sur les enjeux politiques togolais, tant son poids symbolique dans
les rapports de force en présence, reste déterminant. Ainsi
est-elle conviée soit en légitimation (A), ou soit en appui (B)
aux positions des acteurs dans l'arène politique.
61 « Le discours politique »,
LE POLITISTE,
https://le-politiste.com/le-discours-politique/
, consulté le 04 mai 2019 à 20 H 12.
62 M. BRUGIDOU, L'élection
présidentielle : Discours et enjeux politiques, une analyse
comparée, Paris, Harmattan, Logiques politiques, 1995, p. 7.
63 Voir D. GAXIE, P.
LEHINGUE, Enjeux municipaux : la constitution des enjeux
politiques dans une élection municipale, Paris, Presse
Universitaire de France, 1984, 287 p, notamment, le chapitre intitulé '
En jeu, Enjeux'', cité par M. BRUGIDOU op
cit.
24
A. L'opposition : l'appel en appui
Dans ces actions en contestation du régime de
Lomé, l'opposition togolaise a souvent eu recours à la
communauté internationale qu'elle sollicite de diverses manières.
Dans tous les cas, elle ne rate pas d'occasions lorsque celle-ci se
présentent, pour demander ouvertement appui à cette
dernière dans ses stratégies de conquête du pouvoir.
A la renaissance du multipartisme au Togo, l'opposition a tout
de suite su qu'elle ne peut gagner le jeu nouveau sans s'arroger le soutien de
la communauté internationale. Cela d'autant plus que cette
communauté internationale était le vecteur du pluralisme
politique, du libéralisme et partant, de la démocratie.
S'appuyant ainsi sur l'appel à la libéralisation ou à plus
de libéralisation prôné dans le discours de la Baule,
l'opposition togolaise mettra à contribution la nouvelle
atmosphère internationale dans sa lutte pour le pouvoir, but ultime de
son action. C'est la crise politique du 19 août 2017 qui offre une
meilleure vitrine sur les sollicitations en appui enregistrés dans les
rangs de l'opposition.
En effet, dans sa parution du 15 septembre 2017,
Liberté intitule un article de sa une : « L'opposition accuse
le pouvoir de Faure Gnassingbé et saisit l'ONU ». Plus loin,
ce sont les leaders de l'opposition même qui appellent ouvertement
l'intervention de la France dans la crise politique togolaise. Ainsi affirmait
le leader du PNP Tikpi ATCHADAM : « Les togolais attendent un mot de
la France. Elle a sa manière d'apprécier les situations et le
moment opportun, nous savons qu'elle va réagir
»64. Naturellement, de telles
invites à l'adresse de la communauté internationale ne peuvent
laisser celle-ci indifférente surtout lorsque cette invitation prend la
forme de son interpellation sur ce qui relève selon les sollicitants, de
sa responsabilité. Les appels de l'opposition togolaise ont ainsi eu un
écho favorable surtout en période de crises politiques. Ceci
s'illustre par la promptitude avec laquelle les partenaires internationaux du
Togo réagissent dans les tensions opposant les acteurs de la
scène politique. Il ne peut en fait en être autrement dans la
mesure où l'on estime que si l'opposition conteste le système
politique qui est de mise au Togo au point d'avoir recours à
l'internationale, c'est qu'il subsisterait des raisons sérieuses
méritant d'être suivies et traitées le cas
échéant, afin d'éviter la genèse d'un
éventuel foyer de tension supplémentaire. Or en l'espèce,
inscrivant la présente analyse dans la théorie du marché
politique, l'ambition de se faire une luisante image au sein de l'opinion
nationale et
64 Cf. Conférence de presse
accordée par Tikpi Atchadam le 20 octobre 2017 in Flambeau des
démocrates n° 517 du jeudi 26 octobre 2017.
25
internationale semble en constituer le principal mobile. En
clair, le recours permanant à la communauté internationale dans
le discours politique de l'opposition vise à procurer aux entreprises
politiques un capital politique, toujours nécessaire pour la
conquête du pouvoir.
Tout comme l'opposition, le pouvoir de Lomé dans son
discours également a quelques fois recours à la communauté
internationale mais cette fois, pour des fins de légitimation
B. Le pouvoir : l'appel en légitimation
Il est de coutume que tout gouvernement pour agir pleinement
sur la scène internationale, ait nécessairement besoin de la
reconnaissance de ses pairs. Il s'agit d'un acte de confiance adressé
audit gouvernement lui reconnaissant l'habilité à agir pleinement
dans les relations interEtatiques. A contrario, un gouvernement non reconnu par
les pairs ne peut survivre longtemps. Les exemples sont légions,
illustrant la mésaventure des gouvernements victimes du désaveu
de leurs homologues surtout en situation de crise.
Les différents gouvernements togolais fort
heureusement, n'ont jamais souffert de cet Etat de fait embarrassant.
Toutefois, on a pu noter dans le discours politique du pouvoir depuis l'amorce
de la démocratisation, des appels à l'endroit de la
communauté internationale tout aux allures d'invocations aux fins de
légitimation. En effet, dans toutes les périodes de crises
politiques connues par le Togo, le pouvoir de Lomé use subtilement du
discours politique pour s'arroger du soutien de la communauté
internationale. Les meilleures illustrations sont à retrouver dans la
récente crise politique née depuis le mois d'août 2017. En
effet, lorsque la crise a pris des proportions inédites qu'il eut fallu
la juguler impérativement, la communauté internationale a
proposé dans un premier temps le dialogue entre protagonistes de la
crise qui sont d'un côté le pouvoir et de l'autre la coalition des
quatorze partis politiques de l'opposition (C1465).
Le gouvernement a accueilli très favorablement cette proposition comme
prémices de solution de sortie de crise. Et lorsque plus tard les
facilitateurs de ladite crise ont proposé la feuille de route
66
65 Il s'agit d'une coalition de quatorze (14)
partis politiques de l'opposition en abrégé C14, former aux
lendemains de la grande manifestation du 19 Août 2017 visant à
collectiviser le combat pour l'alternance démocratique au Togo. Il se
compose des partis suivants : PNP, ANC, ADDI, CAR, CDPA, Togo autrement,
Santé du Peuple, MCD, FDR, le Parti des Togolais DSA, les
Démocrates PSR UDS Togo.
66 Il s'agit d'un plan de sortie de crise
adopté lors du 53ème sommet des Chefs d'Etats et de
gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest (CEDEAO). Il recommande principalement, l'amélioration du cadre
électoral pour permettre des législatives le 20 décembre
2018, la recomposition de la cour constitutionnelle, la limitation à
deux du mandat présidentiel, le mode de
26
devant permettre à terme, la mise en oeuvre des
réformes politiques et institutionnelles pour une sortie pacifique et
définitive de la crise, l'Etat togolais 67
s'est montré une fois encore en bon élève, observant
religieusement les recommandations faite par les facilitateurs. Ainsi a-t-on pu
entendre les hommes politiques de la majorité présidentielle
défendre ardemment la date du 20 décembre 2018 comme la
panacée proposée par la « légendaire »
communauté internationale et dont il fallait absolument se conformer.
En somme, l'on peut soutenir à bon droit que la
communauté internationale dans le discours officiel du Togo est
excipée toutes les fois que son immixtion peut donner à des
soutiens. Ainsi, que ce soit avec le sommet sur la sécurité
maritime 68 ou dans le cadre du Plan National de
Développement69 (PND), le Togo a
multiplié des opérations de charme partout dans le monde à
travers une diplomatie offensive en vue de faire venir les investisseurs
étrangers. En témoigne la tenue du sommet UE-Togo les. En clair,
que ce soit du côté de l'opposition togolaise ou de la mouvance
présidentielle, la communauté internationale est l'objet d'une
sorte d' « instrumentalisation » dans l'atteinte des objectifs
politiques des acteurs en jeu. « Il y a donc lutte permanente pour
imposer des qualifications des faits qui soient valorisante pour son propre
camp, et dévalorisante pour le camp adverse
»70. C'est dans cette logique
qu'il faut comprendre également les griefs portés contre la
communauté internationale.
§ 2. UNE RÉCUSATION ÉVIDENTE : VERS UNE
DISCORDANCE D'INTÉRÊTS
Le discours politique comme nous l'avons vu, porte toujours
une bonne dose de rationalité fondé sur le ratio
coût/bénéfice. Il en va ainsi en démocratie
où « la propagande, la communication politique et la
manipulation sont des notions qui servent à caractériser la
circulation des discours politiques entre les professionnels de la politique et
les citoyens, au moyen des médias d'information de masse et avec un
objectif de
scrutin à deux tours pour l'élection du
président de la république, la réalisation des
réformes et le vote de la diaspora. Voir
www.rfi.fr/afrique/20180801-crise-togo-cedeao-propose-feuille-route-sortie-crise
, consulté le 14/04/2019.
67 Comprendre l'Etat togolais ici comme le
gouvernement.
68 Sommet international sur la
sécurité maritime
69 Le Plan National de Développement
2018-2022 a été officiellement lancé le 04 mars 2019 et se
compose de trois (03) axes principaux :
1- Mise en place d'un hub logistique et un centre d'affaire de
premier ordre dans la sous-région ;
2- Développement de pôle de transformation
agricole, manufacturiers et d'industries extractives ;
3- Consolidation du développement social et renforcement
des mécanismes d'inclusion.
70 C. Le BART, cité par P.
BRAUD, Sociologie Politique, Paris, LGDJ,
8ème Edition, 2006.
27
persuasion et d'imposition de sens
»71. Pour cela, le stock lexical
usité obéit systématiquement à une démarche
savante, manipulant allègrement l'histoire et la conjoncture
temporelle72. Ainsi, le discours politique peut
prendre la forme de l'admiration (comme nous l'avons vu avec le discours
politique invocateur de la communauté internationale) mais aussi celle
de dénonciation. Voilà la logique dans laquelle il importe
d'inscrire les coups de boutoir assénés par l'opposition
togolaise (A), ainsi que les traits de la majorité (B) sur la
communauté internationale.
A. La communauté internationale sous les coups
de l'opposition
Dans le discours politique de l'opposition togolaise, la
communauté internationale ne porte pas une marque de confiance
permanente. La teneur du discours dépend du courant des positions de
cette dernière sur les sujets brûlants du pays. Ainsi, n'est-il
pas surprenant de voir dans l'histoire politique du Togo, un discours politique
ostentatoirement hostile. Des illustrations sont plus disponibles en
période de crises politiques.
Dans la crise politique d'août 2017 par exemple,
l'opposition togolaise a d'abord récusé la communauté
internationale avant même que celle-ci ne se saisisse de cette crise. On
peut à priori arguer d'un manque de foi en cette communauté
internationale quant à sa neutralité dans l'arbitrage de ladite
crise. D'une manière générale, on retiendra la
déclaration de l'opposition à l'égard de la mission de
l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), conduite par la
nigériane Aïchatou Mindaoudou. En effet, au cours d'une
conférence de presse tenue le mardi 10 octobre 2017, l'opposition a
clairement martelé qu'il n'était pas question de rencontrer la
délégation de l'institution francophone. Ainsi des propos de la
coordinatrice de la coalition des partis de l'opposition, on peut retenir :
« La coalition a décidé de ne pas rencontrer la mission
de l'OIF »73. De même, le
président du CAR Yawovi Agboyibo a, lors d'une conférence de
presse indexé la communauté internationale notamment l'Union
Européenne, l'accusant d'être à l'origine de l'enlisement
de la crise que traverse le Togo. Ainsi déclarait-il en substance :
« Pour avoir procédé à la levée totale des
sanctions en 2008 sans que les conditions requises soient remplies,
71 C. OLIVIER - YANIV, « Discours
politique, propagande, communication, manipulation », Mots Les
langages du politique, 2010 pp. 31 - 37.
72 C. GOBIN, « Des principales
caractéristiques du discours politique contemporain ... »,
Revue de sémio-linguistique des textes et discours, 2011, P.
169 - 186.
73 « Crise togolaise : la chef de
mission de l'OIF, Aïchatou Mindaoudou récusée par la classe
par la classe politique, Le Changent N° 568 du jeudi 12 Octobre
2017
28
l'Union Européenne a effectivement conforté
le gouvernement togolais dans son refus de mettre en oeuvre les réformes
et a contribué à la persistance de la crise sociopolitique au
Togo »74.
Les coups de l'opposition togolaise ont porté
également sur la CEDEAO qui s'est intéressée de
près à la situation sociopolitique du pays au cours de la
même période. A sa saisine du cas togolais, les premières
déclarations de l'organisation sous - régionale sont
allées dans un sens qui pouvait paraître pour du soutiens au
pouvoir selon ses pourfendeurs, tant les conditions d'un dialogue sur la crise
n'était pas encore réunies75.
« Nous trouvons que la CEDEAO est allée très loin en
incitant le gouvernement à fixer d'ores et déjà la date du
référendum alors que le peuple réclame le retour de sa
constitution de 1992 » 76 déclarait Brigitte
Adjamagbo - Johnson, présidente du CDPA et coordinatrice de la C14.
L'histoire politique du Togo à l'entame de la
démocratisation début 1990, ne tarie également pas
d'exemples pour dépeindre l'hostilité de l'opposition togolaise
à l'égard de la communauté internationale à travers
le discours politique servi. L'on peut dès lors présumer que la
récusation dans le discours politique obéit simplement à
des calculs coût/bénéfices. Dit autrement, la
communauté internationale est récusée lorsque ses prises
de positions sont en déphasage avec celle de cette opposition. C'est
donc à bon droit que l'on peut se demander si le discours politique a
une finalité autre que la satisfaction d'intérêts des
entreprises politiques. Quid alors du discours de la majorité ?
B. Les traits de la majorité sur la
communauté internationale
Ici encore, la communauté internationale n'est pas
toujours peinte en rose comme le soutiennent les détracteurs pour qui
les gouvernants ou le chef de l'Etat si l'on préfère,
appartiendrait au « syndicat des chefs d'Etat » 77
; ce qui naturellement peut lui garantir des soutiens. L'histoire
contemporaine regorge d'assez d'exemples pour infirmer ces
74 Le Changent N° 567 du jeudi 05
octobre 2017, p. 1.
75 Cf. les étapes de la facilitation
diplomatiques, in S. Tall, Cours de diplomatie et
négociation internationale.
76 Le Changent N° 568,
Ibid.
77 C'est l'expression péjorativement
employée par certains journalistes et certains hommes politiques
d'opposition bien sûr, pour qualifier le Conseil des Chef d'Etats et de
gouvernement de la CEDEAO les
accusant de cultiver une certaine solidarité corporatiste
aux dépens de l'intérêt de leurs populations.
29
allégations. Il suffit de regarder autour de soi pour
voir la communauté internationale dans les changements
(constitutionnelle ou non) des gouvernements pour se rendre à
l'évidence.
Toutefois, une confiance semble exister entre les
décideurs togolais et la communauté internationale quand on
regarde la stabilité des rapports entre ces deux (2) entités.
Dans la crise politique enclenchée depuis 2017, c'est lors de la
publication des recommandations de l'expert commis par la commission de la
CEDEAO78 qu'on a vu du côté du pouvoir
de Lomé un discours discordant à l'égard de la
communauté internationale. Dans les motifs avancés pour rejeter
la proposition de l'expert Alioune Badara Fall, certains cadres du parti au
pouvoir ont joué la carte de la souveraineté du Togo pour
exprimer la latitude qui était la leur dans la prise en compte des
propositions de la CEDEAO sur la question des réformes.
De même en 2005, dans la crise de succession du feu
Gnassingbé Eyadéma née à la suite du
décès de celui-ci, la communauté internationale
s'était aussi invitée dénonçant le coup d'Etat
constitutionnel perpétré au Togo. Cela, le pouvoir de Lomé
l'avait très mal digéré et l'avait ouvertement
manifesté. Mais finit par céder aux pressions de celle-ci.
C'est à l'entame de la démocratisation que les
prises de position de la communauté internationale ont frustrées
gravement le pouvoir en place au Togo, qui l'a fait savoir à travers sa
communication politique notamment. Cela parait tout à fait logique car
à cette époque les actions des partenaires étrangers
militaient en faveur du pluralisme politique et donc encourageaient la mise en
place des partis politiques d'opposition. Ainsi dans l'atmosphère de la
Conférence Nationale au Togo, le Président Eyadéma ne
passait pas
78 La CEDEAO en appui technique dans la
résolution de la crise politique née le 19 août 2017, a
recruté le Professeur Alioune BADARA FALL, Professeur Titulaire de droit
public, pour mener une étude aux fins de : proposer des réformes
constitutionnelles qui prennent en compte le mode de scrutin à deux (2)
tours pour l'élection du Président de la république, la
limitation à deux (2), du nombre de mandats présidentiels, la
recomposition de la cour constitutionnelle pour notamment revoir sa composition
et limiter le nombre de mandats de ses membres.
S'assurer que les décisions de la Conférence des
Chefs d'Etats et de Gouvernements de la CEDEAO le 31 juillet 2018 sont bien
intégrées dans le projet de réforme constitutionnelle ;
S'assurer de la cohérence du projet de constitution ;
S'assurer que le projet de constitution répond aux
normes régionales ; proposer un calendrier d'adoption du projet de
constitution. Voir à ce sujet le communiqué officiel de la
Conférence des Chefs
d'Etats et de Gouvernements de la CEDEAO lors du
53è Sommet de la CEDEAO le 31 juillet 2018.
30
outre mesure pour évoquer ses soupçons contre
l'ambassadeur français Bruno Delaye, l'accusant de connivence avec
l'opposition79.
L'un dans l'autre, on retiendra de cette partie que les
acteurs politiques togolais, dans leurs discours politiques, ont eu recours
à la communauté internationale toutes les fois que celle-ci avait
un rôle à jouer dans la distribution des cartes. Elle a ainsi fait
l'objet de ce que Jacques Le Bohec qualifie de « tour de passe - passe
linguistique » ou mieux « la transfiguration
méliorative de la propagande en communication » 80
entre les professionnels de la politique togolaise à travers
les années et selon les intérêts en jeu. Bien entendu,
toutes ces pratiques ont en commun ceci qu'elles invitent la communauté
internationale à s'intéresser au jeu politique togolais et
à y jouer un rôle de premier plan.
79 J. R. HEILBRUNN ET C. M. TOULABOR, «
Une si petite démocratisation pour le Togo... », Politique
africaine, 1995, pp. 85 - 100.
80 J. Le BOHEC, cité par C.
OLLIVIER - YANIV in « Discours politique, propagande,
communication, manipulation » in Mots Les langages du politique, Op
cit.
31
CHAPITRE II.
LE CONCOURS DES FACTEURS EXOGÈNES
L'immixtion de la communauté internationale dans le jeu
politique togolais a été largement favorisée par
l'atmosphère internationale de la décennie
199081. C'est l'ère des grands changements
structurels aux plans politique, social et économique. Dans ces
conditions, la chute du mur de Berlin va, avec les profondes mutations
sociopolitiques qu'elle a entrainées, sonné le glas des
régimes mono partisans et dictatoriaux présents sur le continent
africain vraisemblablement déjà moribonds. La victoire du
libéralisme sur le communisme fait tomber les murs du protectionnisme
ainsi que les mythes qui ont pendant longtemps entouré certains
pouvoirs82. De même, les barrières de
la souveraineté s'érodent sous les regards
presqu'incrédules des hommes d'Etats du continent africain,
dépossédé de leurs mainmise aussi bien sur la vie
politique et économique de leurs Etats. Ce tohu-bohu dans lequel est
plongé dorénavant le monde, va déboucher de plus en plus
sur l'imbrication de l'international et du national, au point d'un transfert de
compétences de l'un vers l'autre.
Le Togo à l'instar des autres Etats du continent, sera
soumis à ce « nouveau moyen âge
»83, avec pour corolaire une présence
fatalisée de la communauté internationale dans ce qui relevait
jadis de son pré carré de souveraineté. L'implication de
la communauté internationale dans le jeu politique togolais repose ainsi
sur un fondement politique (Section I), mais aussi sur un fondement
économique (Section II).
81 J.M. ILUNGA KATAMBA, L'implication de
la communauté internationale dans les processus de
démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun, Mémoire de
master, Université de Kinshasa.
82 L'impératif de pluraliser les
espaces politiques des Etats africain a surpris nombre de chefs d'Etats qui
exerçaient le pouvoir de la manière la plus absolue possible. On
se souvient à cet effet de la décharge émotionnelle de
Mobutu Sesse seko lors de son discours consacrant le multipartisme au
Zaïre, actuelle RDC le 24 avril 1990 avec la phrase de trois (3) mots
devenue célèbre, « comprenez mon émotion
». Cette situation est analogue dans la plupart des Etats qui ont
fait l'expérience plus ou moins longue du monopartisme dont le Togo.
Voir
www.jeuneafrique.com,
mobutu annonce les larmes aux yeux, le tournant du multipartisme.
83 Expression mise en place par A.
MINC à travers son ouvrage Le nouveau Moyen âge
parût le 04 novembre 1993. Mais c'est l'usage qu'enferra Susan
Strange dans son ouvrage intitulé Le retrait de l'Etat : la
dispersion du pouvoir dans l'économie mondiale qui nous
intéresse ici, par ce qu'elle y décrit comment l'Etat est
fortement concurrencé sur son propre territoire sur des matières
sur lesquels il a détenu pendant longtemps le monopole.
32
SECTION I. LES FONDEMENTS POLITIQUES DE
L'IMPLICATION
Depuis son accession à la souveraineté
internationale en 1960, le Togo a souscrit à des engagements qui le
lient au reste du monde ; engagements qui bien entendu, donnaient aux
co-contractants un droit de regard sur certaines matières internes du
Togo. Ce sont fondamentalement les évènements découlant de
la guerre froide (Paragraphe I) qui vont donner plus de
légitimité à la communauté internationale de
s'immixer dans les affaires internes du Togo. Ainsi, de la souveraineté
absolue, on s'oriente vers une souveraineté toute relative (Paragraphe
II).
§ 1. DU TRIOMPHE À L'UNIVERSALISATION DE LA
DÉMOCRATIE
La démocratie est un régime politique et une
forme de gouvernement fondés sur certaines valeurs cardinales qui
constituent sa sève nourricière84. Il
importe dès lors de procéder à l'exposé de ces
principes émasculés 85 pendant des
lustres et revitalisés à partir de 1990 (A) avant d'envisager les
incidences que le triomphe de cette doctrine idéologique a eu sur le jeu
politique togolais (B).
A. Les principes de la démocratie
« La démocratie désigne l'ensemble des
régimes politiques qui incarnent, à travers l'histoire, le
même idéal politique de la participation éclairée du
plus grand nombre aux affaires de la cité
»86. C'est un régime ou
si l'on préfère un système politique
87 qui fait
84 Nous nous inscrivons ici dans la logique
de Karl Popper qui définit la démocratie par opposition à
la dictature.
85 T. HOLO « Démocratie
revitalisée ou démocratie émasculée, les conditions
du renouveau démocratique dans les Etats de l'espace francophone
africain : Régimes juridiques et systèmes politiques »,
R.B.S.J.A., n° 2006, 2, pp. 17 - 41.
86 Définition inspirée du
Comparatiste R. DAHL in D. ALCAUD,
L. et Al., Dictionnaire de sciences
politiques, Sirey, 2010, 2ème éd.
87 Il importe ici de distinguer un
régime politique d'un système politique. Dans la conception
aristotélicienne (pionnier de la classification), la distinction des
régimes politiques repose sur le titulaire du pouvoir au sein de
l'organisation politique considérée. Ainsi distinguait-il la
monarchie (gouvernement d'un seul homme), l'aristocratie (gouvernement de la
minorité riche et éclairée) et la politeïa
(gouvernement de la multitude). Aristote admet dans sa modélisation des
altérations de tous ces régimes. Il opposait à cet effet
la monarchie à la tyrannie, l'aristocratie à l'oligarchie et la
politeïa à la démocratie. Mais si l'on prend appui sur la
typologisation élaborée par Montesquieu dans De l'esprit des
Lois, notamment lorsqu'il affirmait : « tout serait perdu si le
même homme ou le même corps f...I exerçait ces trois (3)
pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les
résolutions publiques et celui de juger les crimes », on verra
que les régimes politiques sont plutôt déterminés
par la nature des rapports entre les trois pouvoirs dans un système
politique. Il résulte de cette classification fondamentalement deux
régimes : le régime parlementaire et le régime
présidentiel (toutefois, la
33
une part belle à l'individu dans la cité, le
plaçant au coeur même de toutes les institutions. La
démocratie repose sur certain principes phares qu'il importe de visiter.
Il s'agit principalement de l'égalité civique, de la
séparation des pouvoirs et du pluralisme politique.
Le premier principe tire son fondement des articles premier et
deuxième de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme :
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en
dignité et en droits. [...] Chacun peut se prévaloir de tous les
droits et de toutes les libertés proclamés dans la
présente Déclaration, sans distinction aucune [...]
»88. Ce principe sous-entend la
négation de tout favoritisme fondé sur des considérations
subjectives. Ce qui distingue les citoyens en démocratie, c'est donc le
mérite. Par ailleurs, ils sont soumis aux mêmes lois et celles-ci
leurs sont également applicables.
Le deuxième principe est celui de la séparation
des pouvoirs. Théorisé par
Montesquieu89, dans son ouvrage intitulé
« De l'esprit des lois », le principe de la séparation des
pouvoirs vise à dessiner clairement les frontières entre les
trois (3) pouvoirs dans l'Etat. Ainsi disait-il : « Tout serait perdu
si le même homme ou le même corps [...] exerçait ces trois
(3) pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les
résolutions publiques et celui de juger les crimes
»90. In fine, ce principe vise
la garantie des libertés fondamentales de l'individu, une des conditions
d'existence de la démocratie.
Le troisième principe est le pluralisme politique. La
vie politique en démocratie est par essence ouverte au débat
contradictoire ; elle y est organisée de telle sorte à favoriser
l'expression de toutes les opinions à travers les partis politiques, les
syndicats, les associations et autres groupes organisés. Dans ces
conditions, le peuple s'exprime par la tenue d'élections
régulières et libres au cours desquelles il élit ses
représentants au moyen du vote au suffrage universel, égal et
secret, direct ou non.
pratique constitutionnelle a donné dans certains
systèmes politiques des régimes d'assemblée, des
régimes présidentialiste, des régimes conventionnels et
directoriaux).
88 Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme (DUDH) du 10 décembre 1948,
https://www.humanium.org>ABCannexesfr
89 Il faut reconnaitre qu'avant Montesquieu,
John Locke avait déjà théorisé sur la
séparation des pouvoirs et même Aristote avant lui. Voir sur ce
sujet
https://fr.m.wikipedia.org/separation_des_pouvoirs
90 Montesquieu, « De l'esprit des lois
», Paris, Firmin-Didot frères, fils et Cie, 1857, p. 256.
34
A la fin de la décennie 1980 et la fin de la guerre
froide aidant, toutes les valeurs démocratiques vont de facto s'imposer
au reste du monde, le Togo ne se dérobant pas.
B. De l'universalisation de la démocratie
La fin de la guerre froide a sonné le glas des
régimes d'obédience communiste et d'autres calqués sur un
déni des principes démocratiques notamment ceux dictatoriaux et
totalitaires en Europe et dans le monde. En Afrique, la chute du mur de Berlin
a eu un écho retentissant, provoquant un sursaut démocratique
encouragé et soutenu par la communauté internationale. Le point
de départ de l'implication de l'international sur les impératifs
démocratiques dans les pays d'Afrique francophone s'avère
être le discours prononcé par le Président français
François Mitterrand, lors de la séance solennelle d'ouverture de
la 16ème Conférence des Chefs d'Etats de France et
d'Afrique tenue à la Baule le 20 juin 1990. L'heure de gloire de la
démocratie avait sonné et les Etats quelques furent leurs
contextes sociopolitiques, devraient se mettre au
pas91. En effet, il s'agissait pour le
Président français de monter la voix, pour ne pas dire la seule
voix qui doit dorénavant gouverner les orientations sociales, politiques
et économiques des Etats Africains. « C'est la seule
façon de parvenir à un Etat d'équilibre au moment
où apparait la nécessité d'une plus grande liberté
»92. En somme, le
Président invitait les Etats africains à la mise en place
systématique de dispositifs constitutionnels sur fond des valeurs
suivantes : « Système représentatif, élections
libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la
magistrature, refus de la censure », 93
seules valeurs susceptibles d'impulser leur développement. Les valeurs
ainsi présentées dans ce discours ne sont ni plus ni moins celles
sur lesquelles se fonde la démocratie.
Imposer la démocratie comme forme ou mode de
gouvernement universel vers lequel l'on doit tendre n'est pas sans moyens
d'action. D'abord par ce que l'URSS qui parrainait les régimes
marxistes-léninistes a été dissoute, (ce qui rendrait
absurde toute référence au communisme par un pays africain
francophone) mais aussi et surtout du fait des économies
91 "Transposer d'un seul coup le parti unique
et décider arbitrairement le multipartisme, certains de nos peuples s'y
refuseront ou bien en connaîtront tout aussitôt les effets
délétères" ; "nous l'avons déjà fait et nous
en connaissons les inconvénients". Propos tenues par certains Chefs
d'Etats avant la conférence et repris dans le discours de la Baule par
le Président français François Mitterrand. Voir
https://nsarchive2.gwu
92 Discours de la Baule, op cit.
93 Discours de la Baule, idem.
35
fragiles, dépendantes pour l'essentiel de
l'extérieur notamment de l'aide publique au développement. En
effet, le discours de la Baule constitue le point de départ de la
désormais célèbre « conditionnalité
démocratique » de l'aide publique au développement.
Dorénavant, le bénéfice de l'aide est subordonné au
degré de libéralisation au double plan politique et
économique. Cela sous-entend un contrôle permanent des efforts de
démocratisation consentis par les Etats candidats à cette aide
par les donateurs qui peuvent être soient des Etats ou soient des
organisations internationales.
Le fronton du Togo porte encore de façon très
lisible, le reflet de la conditionnalité démocratique de l'aide
étrangère. En effet le Togo a fait l'objet par deux fois de
rupture de la coopération pour déficit
démocratique94. Pour la reprise de la
coopération à la suite des élections législatives
du 14 octobre 2007, il a fallu que les partenaires techniques et financiers du
Togo (notamment l'Union Européenne, l'Allemagne etc.) accompagnent le
processus depuis la constitution du fichier électoral à
l'observation du déroulement du scrutin. Ils ont joué un
rôle de premier plan dans ses élections en finançant une
partie de leur organisation, mais aussi en y apportant la certification de leur
régularité. Se faisant, l'on peut estimer que ces partenaires
étrangers se sont mus en véritables acteurs du jeu politique
togolais en y jouant un rôle pas des moindres, celui
d'arbitre95. Il faut dire que l'implication de la
communauté internationale pour promouvoir les vertus
démocratiques au Togo sont devenues quasi permanentes et peut se
remarquer dans nombre de domaines et à travers les années.
Aujourd'hui, la coopération allemande par exemple à travers la
GIZ96, est profondément impliquée au
moyen de son appui technique dans le processus de la décentralisation
à travers le ProDeGoL (Programme Décentralisation et Gouvernance
Locale).
Outre le triomphe et l'universalisation de la
démocratie comme justification de l'implication de la communauté
internationale dans le jeu politique togolais, le communautarisme Etatique
vient légitimer davantage cette immixtion.
94 La première en 1993 et la
deuxième en 1998. Voir à cet effet Kodjo Koffi, « Togo : les
deux ruptures de la coopération (1993 et 1998) » in Afrique
Contemporaine, N° 189, 1er trimestre 1999, pp 63-76.
95 Ce rôle est à souligner quand
on connaît l'influence et les conséquences que les missions
d'observations électorales peuvent avoir sur le devenir même d'
pays. On peut voir l'exemple de la Côte-d'Ivoire pour s'en convaincre.
96 GIZ : Gesellschaft für Internationale
Zuzammenarbeite.
36
§2. L'INFLUENCE DU COMMUNAUTARISME
Il est de coutume de voir la communauté internationale
se mobiliser dans les Etats surtout en périodes de crises politiques.
Généralement ces interventions procèdent des organisations
internationales qui paraissent les plus à même d'intervenir dans
un Etat en vertu du principe de la souveraineté (internationale) des
Etats. Afin de mieux cerner la prérogative pour les organisations
internationales d'intervenir dans les Etats sous certaines conditions, il
importe de comprendre le cadre juridique qui fonde les actions de ces
organismes (A) avant d'étudier leurs actions dans le cas togolais
(B).
A. Le cadre normatif des organisations
internationales
Les organisations internationales sont des institutions
formées essentiellement par une union des Etats autour des objectifs
communs97. Elles sont à cet effet
fondées par un acte international qui peut prendre la forme d'une charte
ou d'un traité etc. Le model type d'organisation internationale
aujourd'hui reste indéniablement l'Organisation des Nations Unies
(ONU).
L'ONU regroupe la plupart des Etats du monde ; ce qui fait
d'elle la plus grande organisation internationale à ce jour. Elle a
été mise en place au lendemain de la seconde guerre mondiale en
substitution à la Société Des Nations qui s'est
montrée inefficace pour préserver la paix dans le monde. La
préservation et la consolidation de la paix sont donc les principales
missions de l'ONU, missions clairement définies aux termes de l'article
1er de sa Charte98. Cela sous-entend que les
organisations internationales, quelques soient les mobiles présidant
leur création, visent en dernier ressort à stabiliser les
relations entre Etats99. Ceci les amène
à oeuvrer en permanence en vue de maintenir la stabilité dans
leurs
97 « L'expression «organisation
internationale» s'entend d'une organisation intergouvernementale ».
Article 2, paragraphe i de la Convention de Vienne sur le droit des
traités.
98 « Les buts des Nations Unies sont
les suivants : 1. Maintenir la paix et la sécurité
internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives
efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la
paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix,
et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux
principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le
règlement de différends ou de situations, de caractère
international, susceptibles de mener à une rupture de la paix
»
99 Considérée bien entendu dans
une perspective libérale des relations internationale qui promeuvent la
paix internationale par le droit au travers des organisations internationale.
Cette précision est opportune d'autant plus que chez les
réalistes, l'adhésion d'un Etat à une organisation
internationale se fonde sur l'utilité matérielle ou symbolique
qu'il peut tirer et l'influence qu'il pourra avoir sur les autres membres de
l'organisation. C'est là l'hypothèse émise par le
néoréaliste Joseph Grieco pour explication de l'évolution
communautaire européenne des années 1980. Voir à cet
effet, D. Battistella, Théories des relations
internationales, 5ème éd. Paris, Les Presse de
Sciences Po, 2015.
37
zones de couverture à travers des mesures prenant la
forme de résolutions ou de textes additionnelles aux chartes les
constituant. Ainsi, au nom du principe de l'effet relatif des traités en
droit international, tout Etat étant partie à un traité,
se lie à celui-ci par son
adhésion100. Autrement dit il accepte de se
subordonner aux décisions prises par l'organisation dont il est membre
parce que celles-ci seraient l'émanation de la volonté
collective, dégagée dans le cadre de la communauté. Ainsi
l'article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités dispose
: « Une partie - un Etat en l'espèce - ne peut invoquer les
dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un
traité ». C'est dire que le principe de la supra
constitutionnalité s'impose aux Etats membres de l'institution
délibérante. Apparait alors en filigrane une érosion de
l'absolue souveraineté des Etats à l'ère de la
communautarisation des relations internationales. L'Etat peut dès lors
voir -quelque fois impuissant, son espace souverain
pénétré par une organisation internationale (dont il est
membre) dans le but de lui apporter un appui en vue de faire face efficacement
à une situation qu'il traverse, lui rappeler ses engagements dans
l'organisation ou tout simplement pour lui faire respecter un certain nombre de
normes transcendantales de la personne humaine.
Le Togo depuis son indépendance est membre à
part entière101 de l'Organisation des
Nations Unies (ONU), et par la suite de l'Union Africaine et de la
Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et de
bien d'autres encore. Toutes ces institutions sont constituées sur la
base des textes qui peuvent se montrer quelque fois contraignants parce que
touchant quelques matières substantiellement constitutionnelles. Au sein
de l'ONU par exemple, en plus de la Charte qui renferme des dispositions de
régulation des relations internationales existe la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme dont l'esprit se révèle dans
nombre de constitutions des Etats membres. L'Union africaine quant à
elle dispose également d'instruments juridiques à l'instar de son
acte constitutif et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
Le dispositif juridique est plus complet au sein de la CEDEAO où en plus
de son traité, des protocoles additionnels sont pris pour renforcer le
dispositif institutionnel de ses interventions. Il s'agit notamment du
protocole N° A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance,
additionnel au Protocole relatif au mécanisme de Prévention, de
Gestion, de Règlement des
100 Article 26 de la Convention de Vienne sur le
droit des traités.
101 Il faut rappeler que depuis la fin de la
première guerre mondiale, le Togo est passé successivement sous
mandat de la SDN et tutelle de l'ONU. Ce qui le confiait un statut
différent de celui des colonies au sein de l'ONU quoiqu'il ne soit pas
encore un Etat au sens juridique du terme.
38
Conflits, de Maintien de la Paix et de la
Sécurité. Comment donc l'international à travers le
communautarisme s'incruste-t-il dans le jeu politique togolais ?
B. L'immixtion par les organisations
internationales
Dans le jeu politique togolais, la présence des
institutions internationales est perceptible par tout observateur. Cette
intervention prend plusieurs formes, allant d'un appui aux efforts de
développement, à l'assistance en matière
électorale, ou en matière de résolution des conflits
politiques dans le pays et à travers d'autres mécanismes
encore.
Les crises politiques offrent le meilleur tableau
d'intervention de la communauté internationale ou mieux des
organisations internationales sur l'échiquier politique togolais. Depuis
les crises libérienne et sieraléonnaise, la CEDEAO est prompte et
proactive dans les crises politiques qui naissent dans sa zone de couverture.
On peut percevoir cette attitude dans la crise politique née au Togo en
août 2017. En effet, l'organisation sous-régionale n'a pas attendu
trop longtemps pour mettre en place une facilitation conduite par les
présidents ghanéen et guinéen MM. Nana Akufo Ado et Alpha
Condé afin de prendre langue avec les protagonistes pour le
dénouement de ladite crise. De là, l'action de la CEDEAO sera de
plus en plus permanente. En effet, elle s'est appropriée la gestion de
cette crise en proposant les voies et moyens de sortie de crise à
travers une feuille de route constituée de mesures concrètes
devant conduire à l'apaisement et à la stabilisation du Togo.
L'intérêt manifeste de l'institution sous régionale ouest
africaine dans ladite crise s'explique non seulement par l'adhésion du
Togo à son acte constitutif, mais aussi et surtout par la
solidarité spontanée qui caractérise
généralement toute communauté telle que définit par
Ferdinand Tönnies. En clair, il s'agit d'une conséquence
liée à l'imbrication et l'interpénétration des flux
entre Etats telque mentionnée dans le préambule du Protocole
relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de
règlement des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité justifiant son adoption : «
Préoccupés par la multiplicité des conflits qui constitue
une menace à la paix et à la sécurité du continent
africain, et compromet nos efforts visant à relever le niveau de vie de
nos populations ; convaincus de la nécessité de développer
des actions efficaces visant à alléger les souffrances des
populations civiles, notamment celles des femmes et des enfants, et à
restaurer le cours normal de la vie en cas de conflit, ou de catastrophes
naturelles, et désireux de renforcer davantage les efforts dans le
domaine humanitaire f...] ».
39
La ratification des actes constitutifs entraine
également la subordination de l'Etat aux différentes instances de
l'organisation internationale considérée. Dans le cadre de la
CEDEAO, ce rapport de subordination s'est une fois encore illustré dans
l'affaire dite «des députés ANC » 102
née en 2011.
SECTION II. LES FONDEMENTS ÉCONOMIQUES DE
L'IMPLICATION
Outre les considérations politiques qui ont
milité en faveur de l'implication de la communauté internationale
dans le jeu politique togolais, les différentes mutations subies par
l'économie du pays y ont joué un rôle pas des moindres. En
effet, la libéralisation de l'espace politique s'est accompagnée
de l'impératif de libéralisation économique. Le Togo comme
tous les Etats africains partageant quasiment les mêmes pratiques en
matière de gestion des finances publiques, ont été bon
gré mal gré, soumis à l'école de la
démocratie financière. Ces réformes structurelles
profondes auxquels le pays a été soumis sont la
conséquence d'une série de conjonctures économiques aux
effets poignants (Paragraphe I) qui dans une certaine mesure ont suscité
et légitimé l'implication de l'international (Paragraphe II).
§ 1. UNE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE POIGNANTE
Le champ de la présente étude couvre la
période 1990 à aujourd'hui. Seulement pour mieux
appréhender et comprendre le contexte de l'implication de la
communauté internationale au Togo à partir des facteurs
économiques, il parait tout à fait loisible de faire une
rétrospection (A) sur la période antérieure pour analyser
la genèse des choses et comprendre les mobiles de cette implication
(B).
A. Rétrospection sur l'économique du Togo
avant 1990
Aux lendemains de son accession à
l'indépendance, le Togo a connu une économie plus ou moins
florissante favorisée essentiellement par un contexte internationale
propice à l'exportation des matières premières. En effet,
l'augmentation fulgurante sur le marché international des cours des
principaux produits d'exportation dans les années 1970, notamment le
café, le cacao, le phosphate, a permis à l'Etat togolais, qui a
le monopole de
102 Dans cette affaire, la cour
constitutionnelle du Togo avait prononcé une décision de
révocation de neuf (9) députés de leurs mandats
d'élus du peuple. Ainsi, par la décision N°
ECW/CCJ.JUD/09/11, la Cours de justice de la CEDEAO condamne l'Etat togolais et
« lui ordonne de réparer la violation des droits de l'homme des
requérants ... »
40
leur commercialisation, d'accroître sa part dans les
dépenses nationales. Les dépenses budgétaires sont ainsi
passées de 10,9% du PIB en 1970, à 28,2% en 1980, après
avoir atteint un pic de 36,7% en 1976. Le solde budgétaire de l'Etat
également va passer de 1,6% du PIB en 1970 à moins de 8,4% en
1979103. Mais cette floraison économique
sera de courte durée. En effet, après cette période de
prospérité, « des déséquilibres
économiques importants, qu'il s'agisse du budget de l'Etat, de la
balance des payements, de l'endettement extérieur ou de l'emploi, ont
commencé à apparaitre à partir du début des
années 1980 »104. Les
illustrations immédiates furent entre autre la baisse des
dépenses budgétaires qui sont ramenées à 20,8% en
1990 puis l'aggravation du déficit du compte courant, passant de 1,1% du
PIB en 1970 à 21,3%, en 1979. Plus encore, le service de la dette
extérieure devenait de plus en plus insupportable à partir de
1979. « L'encours de la dette publique extérieur
rapportée au PIB, est passée de 16% en 1970 à 82% en 1980,
alors que le service de la dette en pourcentage des exportations des biens et
services évoluait de 3,1 à 8,2 puis à 18,2% en 1970,
à 21,3 en 1980 et en 1989 respectivement
»105.
Tous ces indicateurs montrent une décadence soutenue
dans les performances économiques du Togo. Les causes profondes de cette
récession sont à rechercher prioritairement dans la gestion
patrimonialiste des affaires publiques même si le contexte international
y est aussi pour quelque chose. Profitant en effet du système de parti
unique qui avait cours à l'époque, l'Etat ou mieux encore le
parti-Etat avait le monopole sur la quasi-totalité des transactions
économiques et commerciales internationales avec le Togo. Ainsi l'on
pouvait constater à cette époque des investissements tous
azimuts, débouchant sur ce qui était communément
appelé « les éléphants blancs »
106 c'est-à-dire des réalisations
d'envergure et prestigieuses, souvent d'initiative publique, mais qui
s'avèrent plus couteuses que bénéfiques et dont
l'exploitation ou l'entretien devient un fardeau financier. Cela, doublé
de la gestion clientéliste qui était faite, ne pouvait produire
que des résultats chaotiques avec un impact social significatif.
103 T. A. GOGUE, « Impact des programmes
d'ajustement structurel sur le secteur de la santé : cas du Togo »,
Nouvelles pratiques sociales, 1997, 10, (1), pp. 163-179.
104 Idem.
105 Idem
106 Un éléphant blanc
https://fr.m.wikipedia.org
41
B. L'impact social de la conjoncture économique
d'avant 1990
Il est superfEtatoire de rappeler le lien congénital
qui existe entre l'économique et le social, l'un déterminant
l'autre et l'autre permettant d'évaluer la pertinence du premier. En
principe, c'est à partir de l'impact social d'une économie que
l'on peut jauger l'effectivité du développement d'un pays
notamment à partir de l'indice de développement humain
(IDH)107. « L'un des principaux facteurs
ayant contribué à ouvrir une fenêtre d'opportunité
à la démocratisation est la crise économique
prévalant dans la majorité des Etats africains à la fin
des années 1980. Elle a culminé dans certains cas en une
véritable banqueroute »108. La
récession économique que le Togo a traversé vers la fin de
la décennie 1970 et au cours de celle 1980 a eu un fort impact sur les
conditions de vie des togolais. Cette perte de vitesse dans la croissance
économique que le pays avait préalablement amorcée,
pouvait se ressentir dans tous les secteurs. Ainsi, que ce soit dans la
santé, les services publics, la détérioration devenait de
plus en plus patente et se faisait ressentir indiciblement. Sur le plan social,
on pouvait noter au cours de cette période une dégradation
considérable du niveau de vie des populations. En effet,
l'évidence était perceptible à travers l'évolution
de la malnutrition dans le pays. Selon le ministre du plan et des mines,
« le nombre de consultations pour malnutrition dans les centres de
santé est passé de 3726 en 1980 à 7880 et 14166 en 1983 et
en 1987, respectivement »109. Le secteur
de la santé a présenté le tableau le plus sombre de la
décadence du niveau de vie au cours de cette période. «
La fourniture des médicaments a sensiblement diminué dans les
centres de santé et les prestations de services n'ont pu se maintenir au
niveau des besoins des populations »110.
Ceci a eu pour corolaire la propagation de certaines pandémies notamment
le SIDA, entamant considérablement l'espérance de vie de la
population togolaise. En somme, cette parenthèse s'est
avérée très difficile à supporter par les
togolais,
107
|
L'indice de développement humain (IDH) est un indice
statistique composite pour évaluer le taux de développement
humain des pays du monde. L'IDH se fondait alors sur trois critères : le
PIB par habitant, l'espérance de vie à la naissance et le niveau
d'éducation des enfants de 17 ans et plus. Le concept a
été mis en place par le PNUD pour apprécier le bien
être individuel et collectif. Le concept aujourd'hui est en train de
faire progressivement place à l'IDHI, adopté depuis 2010 prenant
en ligne de compte les inégalités.
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/indice_de_d%C3%A9veloppement_humain
, consulté le 28 avril 2019 à 15h39 ; voir aussi le «
rapport du PNUD sur le développement humain au Togo », in Le
monde rural, novembre 2011.
|
108 M. GAZIBO, « La dynamique de la
démocratisation », Introduction à la politique
africaine, Montréal, Presse de l'Université de
Montréal, 2010, pp. 167-189.
109 T. A. GOGUÉ, ibid.
110 « Rapport du PNUD sur le
développement humain au Togo », in Le monde rural, novembre
2011, op cit.
42
tant tous les indicateurs étaient au rouge. L'indice de
développement humain y décrira une courbe instable traduisant
amplement les faibles performances réalisées par
l'économie togolaise.
« Pour corriger les déséquilibres
macro-économiques et permettre la croissance durable, il fallait, par
des mesures appropriées, s'attaquer aux problèmes fondamentaux de
politique économique, de gestion et d'aménagement du cadre
juridique et institutionnel du pays en difficulté
»111. Des réformes en profondeur
sur la gestion des finances publiques deviennent indispensables. Le Togo va
alors avoir recours à ses partenaires financiers pour définir des
politiques économiques et d'autres mesures nécessaires, à
même de redresser la situation socioéconomique qu'il traverse.
§2. DES POLITIQUES DE REDRESSEMENT
NÉCESSAIRES
Dans le vocable « politique de redressement »,
nous mettons l'ensemble des politiques
publiques112 adoptées au cours de cette
période en vue de faire face à la situation
délétère qui prévalait en ce moment même.
Plusieurs mesures ont été en effet prises, mais dans le cadre de
ce travail, nous nous contenterons de plancher sur les plus fondamentaux
notamment l'intervention de la communauté internationale dans le
contexte politique togolais à travers les Programmes d'Ajustement
Structurelle (PAS) (A) et les répercussions que la mise en oeuvre de ces
programmes de développement ont eu sur le jeu politique qui s'y
déploie(B).
A. Les programmes d'ajustement structurel
Les programmes d'ajustement structurel (PAS) sont un ensemble
structuré de mesures élaborées en vue de permettre aux
pays de rétablir les grands équilibres
macroéconomiques113. Ils s'articulent
fondamentalement autour des points suivants :
1. Des politiques monétaires et fiscales restrictives en
vue de maitriser la demande
globale à un niveau compatible avec l'offre globale, ainsi
que des mesures visant à rétablir l'équilibre des finances
publiques ;
111 T. A. GOGUÉ, « Impact des
programmes d'ajustement structurel sur le secteur de la santé : cas du
Togo », Op. Cit.
112 Entendu ensemble d'actions et de
décisions prise par les pouvoirs publiques afin de résoudre un
problème défini comme publique.
113 T. A. GOGUÉ, ibid.
2.
43
Des contrôles plus rigoureux des procédures
budgétaires ;
3. Des politiques visant à rétablir la
vérité des prix en vue d'améliorer l'allocation des
ressources pour rendre l'économie plus compétitive ;
4. La libéralisation des mouvements internationaux des
biens et des capitaux ;
5. La dépréciation du taux de change en vue
d'améliorer l'Etat de la balance des paiements.
Au total, le Togo a mis en oeuvre trois (3) PAS de 1988
(année d'expérimentation du premier programme) à 1999. Le
premier PAS (1988 - 1990), soutenu par la Banque mondiale et le Fond
Monétaire International (FMI) et la Banque Africaine du
Développement (BAD) à hauteur de 13,8 millions
d'UC114, « visait la stimulation de
l'initiative privée afin de générer la croissance du PIB
à 3,6 % par an, la gestion efficace de l'économie en
restructurant le secteur parapublic, en améliorant la capacité
d'absorption du pays et en réduisant les déficits interne et
externe »115. Le deuxième PAS est
intervenu pour la période 1994 - 1998 et le PAS III pour 1996 - 1998
(avant le terme du PAS II). Il faut dire aussi qu'à part les PAS,
d'autres programmes visant également à redresser les
déséquilibres économiques ont été
initiés en faveur du Togo. Il s'agit entre autre du Programme
d'Ajustement et de Relance Economique (PARE), et des financements du Fon
Africain de Développement (FAD).
A l'analyse et au regard des mesures d'austérité
qui ont accompagné les programmes d'ajustement structurels, il est clair
que c'est la souveraineté de l'Etat sur la gestion de ses affaires
internes qui se trouve affectée. Le Togo se trouve ainsi contraint de
suivre les leçons sur la gestion de ses finances publiques
définies par les institutions financières internationales
notamment la Banque Mondiale, le FMI, la Banque africaine de
développement, conformément à l'impératif de
redressement du déséquilibre micro et macroéconomique. La
situation est plus remarquable à partir du deuxième et
troisième PAS du fait du cadre temporel de leurs déploiements.
Rappelons que le début de la décennie 1990 est marqué par
des soubresauts multiformes avec à la clef une profonde mutation des
systèmes politiques et économiques en vigueur. Impulsé
fondamentalement par le discours de la Baule, le déclin du monopole de
l'Etat dans la gestion des affaires en son sein et la promotion du secteur
privé sont entre autre mesures qui sont imposées au
114 Groupe de la Banque Africaine du
Développement, « Togo, programme d'ajustement structurel I et II
», Rapport d'évaluation de performance du programme (REPP).
115 Idem.
44
Togo afin de maintenir la coopération avec les
partenaires financiers. L'envahissement somme toute, entière du champ
économique togolais n'est pas resté sans conséquence sur
la vie institutionnelle du Togo ainsi que sur le vécu quotidien des
togolais qui était déjà décrié. En clair les
PAS ont eu un impact indéniable sur le plan économique,
politique, mais aussi et surtout social.
B. L'impact sociopolitique des PAS
Les programmes d'ajustement structurels, dans leur conception,
visaient à corriger le ralentissement ou mieux la récession
économique dans laquelle certains pays du monde se sont trouvés
au gré des évènements (cf. para. A). Leur
implémentation au Togo fait suite à la stagnation puis à
la régression des performances économiques enregistrées au
début de la décennie 1970, marquées par un climat
favorable à l'exportation des matières premières. Leur
fondement réside donc dans leurs capacités à remettre
l'économie sur les rails de la croissance et la stimulation ou
l'impulsion du développement. D'un point de vue économique, il
faut reconnaitre que le tout premier PAS implémenté au Togo a
permis de réaliser des résultats encourageants même si de
façon générale, les résultats sont restés en
deçà des objectifs de départ
116. Cependant, « les problèmes
sociaux se sont aggravés »117. Le
bilan sur le plan social est en effet accablant, nonobstant «
l'absence de données statistiques fiables et le caractère
qualitatif de certains objectifs (sociaux notamment) rendant difficile
l'établissement des liens de cause à effet entre les
évolutions des variables socio-économiques constatées
pendant et après la mise en oeuvre des programmes »
118. Sur le plan de la santé par exemple,
l'accès aux soins primaires à nettement diminué,
l'espérance de vie réduite etc... malgré la mise en oeuvre
de ce PAS (cf. para. B). le PAS II a été initié pour
justement, pallier les insuffisances du PAS I comme le reconnait le rapport
d'évaluation des performances de programme de la Banque Africaine de
Développement (BAD). Cependant, de PAS en PAS, le bilan reste
très mitigé avec des conséquences sociales énormes.
Cela s'explique notamment par des défaillances dans leurs
conceptions.
116 « En effet, au terme du PAS I,
la balance commerciale est restée déficitaire, la croissance des
exportations étant restée faible par rapport à celle des
importations qui s'est accélérée ; l'objectif de
diversification des exportations n'a pas été atteint ; le
déficit global des opérations consolidées de l'Etat ainsi
que celui des opérations courantes ont certes baissé mais sans
atteindre les niveaux souhaités ; le secteur privé n'a connu
qu'une faible et lente redynamisation », Groupe de la Banque
Africaine du Développement, « Togo, programme d'ajustement
structurel I et II », Rapport d'évaluation de performance du
programme (REPP), Op cit.
117 Idem.
118 Idem.
En effet, il y avait 94 programmes à exécuter
dans le PAS II et 57 pour le PAS III, les deux exécutable en deux ans
seulement chacun. « Ce qui ne tenait pas compte du contexte
socio-politique dans le pays et des capacités réelles de
l'administration. Par ailleurs, chaque bailleur de fonds avait des
conditionnalités propres, différentes de celles des autres, ce
qui a désorienté le gouvernement et n'a pas facilité leur
réalisation » 119. En
outre, les partenaires sociaux n'ont pas été associés
à la formulation de ces PAS afin de susciter leur adhésion et une
active participation de leur part, ainsi qu'il n'eut pas tenu compte des
facteurs sociopolitiques (notamment la grève générale de
1991) et d'autres aléas climatiques, les fluctuations des cours
internationaux des produits d'exportation auxquels l'agriculture de rente est
sensible.
Si la nouvelle donne, de manière
générale, était censée constituer un coup de pouce,
une « bouffée d'oxygène » pour l'opposition politique
balbutiante, en ce qu'elle pourrait être convertie en opportunité
politique, force est de remarquer que l'implication de la communauté
internationale dans le champ économique du Togo, n'a pas eu une
incidence significative sur la distribution des cartes sur l'échiquier
politique. Toutefois les conséquences sociales de cette implication ont
tant soit peu eu une influence sur le comportement politique des
électeurs. En somme, la présence de la communauté
internationale dans le jeu politique s'est montrée déterminante
au regard des influences qu'elle exerce sur le déroulement du jeu
politique au point de constituer un véritable enjeu politique.
45
119 T. A. GOGUÉ, Op cit.
PARTIE II.
46
L'ÉMERGENCE DES ENJEUX POLARISÉS
La communauté internationale, devenue permanente sur la
scène politique togolaise depuis 1990, crée de toute
évidence des incidences sur le jeu politique qui s'y déploie.
Perçu seulement sous cet angle, l'analyse peut s'avérer
partielle. Les influences semblent aller à sens unique ; alors qu'il
n'en est pas du tout ainsi. S'il convient de considérer la
communauté internationale comme un acteur du jeu politique dans une
logique bourdieusienne120 (c'est-à-dire
produisant des effets sur le champ considéré), il importe
également de reconnaitre dans une perspective systémique, que les
acteurs politiques togolais influent sur les prises de positions de cette
dernière. A ce titre, elle apparait comme un enjeu pour les acteurs en
scène sur l'échiquier politique (Chapitre I). A l'inverse,
l'analyse démontre que les actions de la communauté
internationale ne sont pas toujours dénudées
d'intérêts multiformes (Chapitre II).
47
120 P. BOURDIEU, Propos sur le champ
politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000, p. 22.
48
CHAPITRE I.
LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE : UN ENJEU DANS LE
CHAMP POLITIQUE TOGOLAIS
La politique comme nous l'avons défini en amont (cf.
para. Intro), désigne l'espace symbolique de compétition entre
les candidats à la représentation du peuple. C'est dire qu'elle
se déroule non pas en l'air, mais sur un substrat réel,
perceptible quoique symbolique. Comme toute action, il s'agit de son cadre
d'expression, son « terrain de jeu », caractérisé par
des spécificités propres : le champ
politique121. Mais la politique, perçue
à travers le prisme d'un jeu, laisse entrevoir que comme tout jeu, elle
se déroule autour d'un ou des enjeux qui constituent les points
d'achoppement entre les joueurs en compétition. Une pareille
appréhension de la politique disons-le, permet de la mettre à nu,
afin de cerner de manière holistique, son fonctionnement. Centrée
sur le cas togolais, la présente étude ambitionne de
délimiter clairement l'espace symbolique de « la compétition
» (section I), puis de focaliser le regard sur la substance même des
« affrontements » entre les joueurs dans le champ
considéré (section II).
SECTION I. FOCUS SUR LE CHAMP POLITIQUE TOGOLAIS :
THÉÂTRALISATION DE L'ESPACE POLITIQUE
La politique au Togo comme partout ailleurs se déroule
dans un champ caractérisé par des spécificités
propres qu'il importe de délimiter afin d'appréhender
panoramiquement les différentes interactions qui s'y déroulent.
Il s'agit d'un champ symbolique, abstrait, mais réel, « un
microcosme dans le macrocosme social » 122 et qui
constitue le cadre spatial d'expression des règles du jeu politique.
Comment se délimite donc le champ politique togolais (paragraphe I) et
comment est-il animé (paragraphe II) ?
§ 1. CIRCONSCRIPTION DE L'ESPACE DE JEU
Lorsque F. G. Bailey recommandait de «
considérer la politique comme un jeu de compétition
»123, il établissait par
là même une analogie entre la politique et les jeux
121 Ce concept a été
élaboré et développé largement par Pierre Bourdieu
à travers nombre de ses ouvrages.
122 P. BOURDIEU, Propos sur le champ
politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, Op. cit.
123 F. G. BAILEY, les règles du jeu
politiques, 1971, PUF.
49
connus ordinairement c'est à dire fondé sur un
objet réel ou abstrait convoité, encadré par un
règlement clairement défini et un cadre de son déroulement
qu'on peut assimiler à un terrain. C'est ce terrain avec ses
spécificités et les interactions éventuelles qui peuvent y
exister, qui constituent ce que la sociologie politique qualifie de «
champ ». Cela dit, la politique comme jeu, se déroule
également dans un espace social avec ses propriétés qu'il
convient de qualifier de « champ politique ». Ainsi, avant d'explorer
concrètement le champ politique togolais afin de cerner ses
propriétés propres (B), nous estimons judicieux de
décliner de façon générale la notion de «
champ politique » au sens sociologique du terme (A).
A. Considérations sur la notion de champ
politique
La notion de « champ politique » est un
concept clé en sociologie politique comme en témoigne
l'intérêt qui lui est accordé et cela, parce qu'il permet
de comprendre plus aisément les luttes pour le pouvoir dans une
société. C'est un concept qui a intrigué nombre de
sociologues qui y ont consacré écrits et conférences.
Pierre Bourdieu est l'un d'eux et c'est à lui que revient le
mérite d'avoir apporté toute la lumière sur la notion de
« champ politique » et sur ses caractéristiques. Le champ
politique est en effet « le lieu où s'engendre dans la
concurrence entre les agents qui s'y trouvent engagés, des produits
politiques, problèmes, programmes, analyses, commentaires, concepts,
événements, entre lesquels les citoyens ordinaires réduits
au statut de `'consommateurs'Ç doivent choisir, avec des chances de
malentendus d'autant plus grandes qu'ils sont plus éloignés du
lieu de production »124.
Considéré comme tel, le champ politique se révèle
comme un champ de lutte, mettant aux prises des acteurs « dans un
système de `'positions'' hiérarchiquement inégales : soit
en termes de compétence juridique, soit en terme de prestige, d'argent,
de capacité économique ou de pouvoir d'influence
»125. Les conflits de pouvoirs
constituant une dimension majeure des pratiques sociales, le champ politique
apparait comme une composante du vaste champ social qui finalement prime sur
les autres champs potentiels de la société et tend à tous
les engloutir. Le champ politique est en effet « plus
spécifiquement structuré par la compétition autour du
contrôle de l'appareil d'Etat, contrôle qui implique des
possibilités d'intervention dans l'ensemble de la société
régie, aussi bien sur le plan
124 P. BOURDIEU, « La
représentation politique. Elément pour une théorie du
champ politique », Actes de la Recherche en sciences sociales,
n° 36/37, fév.-mars 1981, pp. 3-24, in P. Bourdieu,
Propos sur le champ politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon,
2000, p. 15.
125 P. BRAUD, Sociologie Politique,
Paris, LGDJ, 8ème Edition, 2006 p. 53.
50
matériel que symbolique : faire régner
l'ordre, soutenir l'économie, promouvoir des transferts sociaux [...].
Le champ politique est donc vaste ; à certains égard il englobe
ou inclut tous les autres champs dès lors que ceux-ci sont régis
par des autorités gouvernementales
»126. Le champ politique comme tous les
autres champs du social comporte en lui une pléthore d'enjeux autour
desquels se déroule la compétition. La définition de ces
enjeux obéit plus généralement aux conditions
conjoncturelles qui structurent l'espace social à un moment de la lutte
politique et qui conditionnent l'émergence, le maintien ou le
déclin des acteurs sur la scène politique. L'occupation et la
prépondérance sur l'espace de jeu dépend de l'usage ou
mieux de la 'manipulation'' qu'en font les entrepreneurs politiques
de ces enjeux. On peut dès lors affirmer avec Philipe Braud que «
les champs sont des systèmes d'enjeux qui définissent des
avantages spécifiques (à convoiter ou à conquérir),
engendrant également des logiques de situations qui conditionnent
étroitement les comportements des agents positionnés par rapport
à ces enjeux »127. C'est dire que
dans la lutte politique, un consensus réside toujours autour de ce qui
constitue l'enjeu128 de la compétition ainsi
que les règles du jeu à respecter dans la conquête de
celui-ci. Seulement, s'il est admis théoriquement que la
compétition suppose un niveau de 'qualification'' de base qui
offre à tous les joueurs une chance de gagner, les ressources dont ils
disposent constituent des leviers qui font toute la différence dans le
champ politique. Ainsi chaque acteur de l'échiquier politique peut
habilement utiliser les ressources à sa disposition pour faire basculer
la balance en sa faveur à travers une plus grande mobilisation du peuple
au soutien de sa cause. Les stratégies politiques doivent dans ces
conditions, s'arrimer impérativement à la cible dont le soutien
s'avère nécessaire. Bourdieu dira de ce fait qu'il est plus
aisé pour ceux qui détiennent une délégation au nom
des valeurs subversives de voir des gens démunis se remettre à
eux qu'à ceux qui détiennent une délégation au nom
des valeurs conservatrices129. Ceci dit, il
s'avère impérieux de voir comment se structure le champ politique
togolais et de questionner la place de la communauté internationale dans
cet espace.
126 Idem.
127 Idem.
128 L'enjeu doit être compris ici comme
l'objet même de la compétition. Dans une élection
présidentielle par exemple, il s'agira du fauteuil présidentiel.
Voir, Mathieu BRUGIDOU, L'élection présidentielle : Discours
et enjeux politiques, une analyse comparée, Paris, Harmattan,
Logiques politiques, 1995, p. 7.
129 P. BOURDIEU, Propos sur le champ
politique, Op Cit.
51
B. Présentation du champ politique togolais
Le champ politique togolais présente tous les attributs
du champ politique au sens bourdieusien du terme. Du point de vue spatial, il
faut dire qu'il se fond dans les limites de la superficie du Togo ; mais du
point de vue symbolique, ses bornes sont poussées au-delà. Un
regard sur les types d'acteurs qui structurent l'échiquier politique
togolais permet de comprendre l'étendue symbolique du champ politique
togolais. Mais d'entrée de jeu, signalons qu'il s'agit d'un champ
politique stratifié en champ politique national, marqué par les
luttes en vue du contrôle de l'appareil d'Etat ; et un champ politique
infranational, caractérisé par les compétions au niveau
locale130.
Depuis le début de la décennie 1990, la
scène politique togolaise a vu émerger de nouveaux acteurs dans
le ballet politique du pays et ceci, à la faveur de la
démocratisation dans laquelle le Togo s'est vu embarqué au regard
des mutations politiques globales intervenues dans le monde. A proprement
parler cette période constitue la renaissance d'un champ politique au
Togo entendu comme un espace concurrentiel, mettant aux prises des
entrepreneurs politiques, porteurs de l'offre devant satisfaire la demande du
peuple. Ainsi, à côté du pouvoir d'Eyadéma, ce sont
mises en place des coalitions politiques allant du FAR (Front des Associations
pour le Renouveau) au COD (Coalition de l'Opposition démocratique) en
passant par le FOD (Front de l'Opposition Démocratique), pour ne citer
que ceux-ci, afin de disputer la direction du pays. Le champ politique togolais
s'est révélé proprement comme champ concurrentiel pour la
première fois lors de la tenue de la Conférence Nationale, qui a
dressé un panorama des rapports de forces en présence. Là
s'est dressé deux (2) blocs opposant d'un côté le RPT de
Eyadéma et de l'autre, les jeunes partis de l'opposition et d'autre
organes de la société civile. A la suite de ces grands
'Etats généraux'' de la vie politique togolaise, s'est
ouvert des élections disputées qui constituait un enjeu majeur de
l'histoire du Togo, vue la longue parenthèse du monopartisme dans lequel
le pays a végété pendant plus de deux décennies. La
participation aux premières élections de l'ère
démocratique permet, au regard des alliances qui s'y sont nouées
(notamment entre le CAR et l'UTD) de penser à un champ politique
bipolaire avec un pouvoir qui a accumulé des ressources
énormes131, et une opposition
désireuse de renverser la distribution de ces ressources. Mais l'issue
de cette élection avec la nomination d'Edem
130 Il s'agit d'un champ politique plus ou
moins nouveau, qui englobe toutes les interactions à l'élection
des conseillers municipaux.
131 C. TOULABOR, Togo : Les Forces
Armées Togolaises et le Dispositif Sécuritaire de
Contrôle, Bordeaux, CEAN-Sciences Po Bordeaux, 2005.
52
Kodjo comme Premier Ministre aux dépens de Yaovi
Agboyibor qui avait recueilli plus de voix, permet de confirmer la
férocité du jeu politique. Et comme le soulignait Pierre LENAIN,
« le jeu politique n'est pas un jeu abstrait, mathématique,
comme un jeu d'échecs, c'est un jeu avec des hommes, en chair et en os,
qui ont du plaisir, qui souffrent, qui sont promis à la mort, qui sont
cruels »132. Cette structuration du champ
politique va perdurer jusqu'aux compétitions actuelles où l'on
voit naitre des alliances stratégiques non pas sur la base d'une
convergence idéologique, mais sur celle des opportunités
politiques. C'est ce qui explique par exemple, les défections
essuyées par la coalition des quatorzes (C14) au lendemain de
l'élection législative du 20 décembre 2018 et comme
d'autres coalitions avant. Le champ politique togolais à l'observation
présente, (comme tout champ politique d'ailleurs) un tableau aux
ressources très inégalement réparties et une
récurrence de 'coup politique''
133 ainsi qu'une perception différente des
enjeux de ce champ. Néanmoins, c'est un champ politique concurrentiel
qui plus est, met constamment aux coudes les acteurs à travers leurs
offres vis-à-vis des enjeux qui y émergent.
§ 2. ENJEUX ET OFFRES POLITIQUES AUX PRISES
Le champ politique est un espace essentiellement dynamique. Il
est fait de compétitions permanentes autour des enjeux globaux ou
sectoriels134, finaux ou intermédiaires
135 en vue du contrôle des institutions. Dans
cette configuration, « les entrepreneurs politiques sont
engagés dans une bataille permanente pour imposer dans l'opinion une
image positive de leur capacité à prendre en charge les
problèmes prioritaires des électeurs. Ils tentent ainsi d'obtenir
une image de crédibilité générale ou sectorielle,
gagnant sur certains thèmes, perdant sur d'autres »
136 Le champ politique togolais également
présente cette
132 P. LENAIN, Le jeu politique : la
France de demain, Economica, 1986, p. 9, cité dans le Cours de
stratégie politique : le jeu politique,
https://ecrirelaregledujeu.fr/jeu-politique/
, consulté le 07 mai 2019 à 08h23.
133 Le coup politique est l'action ou la
manoeuvre, généralement inventive et risquée, qui vise
à obtenir, dans la compétition politique, un avantage cognitif,
voire décisif sur ses adversaires. C'est aussi selon E.
TAÎEB « l'atome de la vie politique, l'occupation
principale des professionnels de la politique », voir le coup
politique,
https://ecrirelaregledujeu.fr/les-coups-politiques/
, consulté le 07 mai 2019 à 09h30.
134 Les enjeux globaux renvoient aux
questions touchant l'ordre national ; alors que ceux sectoriels portent sur des
questions circonscrites à un niveau plus local.
135 On désigne par enjeu final,
l'ultime finalité recherchée par les entreprises politiques donc,
gagner les élections. Un enjeu intermédiaire par contre, fait
partie de ces enjeux indirects dont la conjugaison concoure à l'atteinte
de l'enjeu final. Voir pour ces distinctions, Mathieu BRUGIDOU,
L'élection présidentielle : Discours et enjeux
politiques, Paris, L'Harmattan, Logiques Politiques, 1995, p. 7.
136 Idem.
53
structuration, présentant un espace avec des offres
politiques construite autour des enjeux clairement définis(B).
Seulement, on y voit prendre forme également, une offre politique
fondée sur des enjeux aux contours flous et difficilement
sériables (A).
A. De la pluralité des enjeux à une offre
politique floue
Dans un système politique où l'accession au
pouvoir se fait au moyen de procédures concurrentielles, l'espace
politique prend la forme d'un marché politique où s'affrontent
les entrepreneurs politiques, en vue de faire passer dans la conscience
collective, leur vision du monde. L'apprentissage de la démocratie a
ainsi astreint le Togo à organiser des élections disputées
en vue de désigner le Président de la république, ou les
représentants du peuple à travers des luttes codifiées.
Les moments de consultations électorales se montrent à cet effet
comme des moments privilégiés pour les acteurs politiques de
s'adonner à toute sorte d'opérations de charme devant les
électeurs, « réduits au statut de consommateur
»137 autour des enjeux, à même de faire
basculer la balance en leur faveur.
La notion d'enjeu désigne l'objet convoité dans
une compétition ou, dans une compétition, l'ensemble des facteurs
concourant à l'atteinte de l'objectif
final138. Cela suppose une certaine objectivation
des choix politiques et une claire identification des facteurs sensibles
susceptibles de faire la différence entre entrepreneurs politiques.
L'observation du vote au Togo permet malheureusement de se rendre compte que le
degré de rationalité est nettement déficitaire. Il est un
fait que le vote est motivé en démocratie par plusieurs facteurs.
Mais « si en Europe et aux Etats-Unis la religion, la catégorie
socioprofessionnelle, la situation économique, les programmes des
candidats etc., paraissent les facteurs importants qui influencent les choix
électoraux, en Afrique l'ethnie est le déterminant le plus
remarquable »139. Si au début de
la démocratisation la soif du
137 P. BOURDIEU, Exposé sur le champ
politique, Op cit.
138 Trois types d'enjeux structurent l'espace
politique :
- Un enjeu 'final'' pour les acteurs en
présence qui peuvent remporter ou perdre l'élection.
- Une série d'enjeux
'intermédiaires'' qui conditionnent pour les entrepreneurs
politiques, le gain de l'enjeu final, puisqu'il s'agit pour eux de s'assurer l'
« image de crédibilité générale » la plus
complète aux yeux de l'opinion, en gagnant sur le plus grand nombre de
thèmes possible ou, du moins, sur ceux que cette dernière juge
prioritaires.
- Des enjeux 'réels'', si l'on peut risquer
une telle expression, puisqu'il importe, à terme, de résoudre les
problèmes soulevés par la demande en mettant en oeuvre des
politiques publiques adéquates. Voir, Mathieu BRUGIDOU,
L'élection présidentielle : Discours et enjeux
politiques, ibid.
139 B. D. TCHAGBELE, Les
déterminants des choix électoraux des populations en milieu rural
au Togo : cas du village d'Aguidagbadè dans le canton de Wassarabo
(Préfecture de Tchaoudjo), mémoire de maîtrise
ès Sociologie, Université de Lomé, 2011.
54
pluralisme politique, de plus de liberté, de garanties
des droits de l'homme, et autres vertus démocratiques a motivé et
conditionné les choix électoraux, cela sera de très courte
durée. La fibre ethnique sera pendant longtemps la corde sur laquelle
vont profondément s'appuyer les challengers du jeu politique togolais.
Il apparaît tout à fait clair que l'offre du politique sur un tel
enjeu n'est rien de concret si ce n'est un discours exacerbant le tribalisme au
sein de l'Etat. Il est à ce titre difficile de délimiter
clairement l'offre du politique au tour d'un tel enjeu. Le discours politique
est en principe porteur d'une offre politique ou mieux, l'offre politique est
avant tout discours vue aussi que c'est souvent à travers lui (le
discours politique) que se cristallisent les enjeux. Le manque du concret qui
caractérise le discours politique togolais serait donc le corolaire du
flou qui entoure les enjeux.
B. L'offre politique au tour des enjeux clairs
« La lutte symbolique qui caractérise
spécifiquement le champ politique et le différencie du champ des
sciences sociales, a certes pour enjeu ? l'imposition d'une vision du monde ?
»140. C'est cela l'essence même de
la politique. Il s'agit en fait pour les acteurs politiques «
d'imposer dans l'opinion une image positive de leur capacité
à prendre en charge les problèmes prioritaires des
électeurs »141. Ainsi les actions
politiques apparaissent comme des réponses aux problèmes sociaux
ressentis ou mieux, vécus par les populations. Or ce qui
intéresse en réalité l'entrepreneur politique, c'est moins
les aspirations du peuple que l'intérêt en termes de capital
politique qu'il peut tirer d'un investissement. «
L'équité supposée de l'échange qui s'effectue
entre l'offre politique et la demande réside dans la rencontre des
intérêts des entrepreneurs politiques (gagner en
crédibilité et, à terme, remporter les élections)
avec ceux de la demande sociale (voir ses problèmes prioritaires pris en
charge et résolus) »142. Cela
sous-entend que l'offre politique jouit d'une certaine autonomie
vis-à-vis de la demande au point même de la façonner. C'est
en somme la situation qui prévaut au Togo pendant longtemps et qui
constitue - disons-le - la réalité de tous les espaces
politique.
Ce sont en effet les hommes politiques qui, à partir de
leur discours, crée les enjeux qui doivent mobiliser et guider les choix
des électeurs et qui proposent en même temps des
140 P. BOURDIEU, Exposé sur le champ
politique, Op cit.
141 M. BRUGIDOU, L'élection
présidentielle : Discours et enjeux politiques, Op cit.
142 Idem.
55
solutions à partir de leurs offres politiques tout
aussi imparfaites les unes que les autres. La fibre ethnique par exemple comme
enjeu politique, a été créée et montée de
toute pièce par les hommes politiques depuis les années 1960 et
peut-être avant encore, dans le but d'acquérir à sa cause,
le soutien de toute la base ethnique dont on est ressortissant à travers
des manoeuvres de culpabilisation et d'accusation des autres. Parti d'une
intention instrumentale, le choix électoral basé sur
l'identité ethnique est devenu le principal enjeu du jeu politique
togolais sur lequel surfent allègrement les acteurs politiques
togolais.
S'agissant de la communauté internationale comme enjeu,
sa conception et sa perception par les togolais, est le reflet de l'image que
les politiques ont forgée d'elle. Ainsi, est-elle dépeinte
tantôt comme un allié à la stabilité sociale du Togo
et tantôt comme l'? ennemi public n° 1 ? à abattre.
Présentée comme telle, la communauté internationale serait
donc dans une grande proportion responsable des heurs et malheurs des togolais.
Et c'est principalement ce que servent comme discours, les hommes politiques
surtout en cas d'intervention de la communauté internationale en
situations tendues.
En gros, les enjeux clairs dans le jeu politique togolais sont
ceux créés par les acteurs politiques eux-mêmes, enjeux
pour lesquels l'offre politiques est préparée d'avance.
SECTION II. FOCUS SUR LES AFFRONTEMENTS SYMBOLIQUES DU
CHAMP POLITIQUE TOGOLAIS
La communauté internationale se présente dans le
jeu politique au Togo comme un acteur externe à l'arène, dont la
portée des actions est grandement significative. Ainsi est-elle
présente à tous les grands rendez-vous politiques auxquels sont
conviés les acteurs. L'intervention de la communauté
internationale dans la vie politique togolaise est permanente, mais demeure
plus incisive en période électorale et en période de
crises politiques du fait de l'interdépendance entre pays et aussi
d'autres raisons mentionnées dans la première partie du
présent travail. Ainsi, la perception qu'ont les acteurs politiques de
ces interventions, ou leur réaction face à ces interventions
obéissent à des logiques différentes selon qu'on soit du
pouvoir (Paragraphe I) ou de l'opposition (Paragraphe II). Seulement, «
pour décrire le fonctionnement du champ politique, le recours
à la
56
métaphore théâtrale n'est pas des
moins usités, notamment en ce qu'elle permet de distinguer ce qui
s'expose sur la scène et ce qui se joue en coulisse
»143.
§ 1. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DANS LES
STRATÉGIES POLITIQUES DE LA MAJORITÉ
Depuis le début du processus de démocratisation
dans les années 1990, le Togo n'a pas connu d'alternance politique
144 à proprement parler. Le pouvoir est
ainsi détenu par une seule famille politique
145 même s'il a changé de mains par
concours de circonstances. On peut aisément comprendre dans ces
conditions, la logique de la majorité dans la prise en compte de la
communauté internationale dans sa stratégie politique qui en
l'espèce, a oscillé entre une stratégie réfractaire
(A) et une stratégie conciliante (B).
A. Une stratégie réfractaire
L'avènement de la démocratie a indubitablement
érodé les fondements centraux des régimes dictatoriaux et
monopartisans présents en Afrique et dans le monde. Au Togo, il est
à noter que le positionnement de la communauté internationale
comme un ?acteur» de la vie politique est antérieur à 1990.
Mais c'est à partir de cette année - les facteurs aussi bien
internes qu'externes aidants -, que l'international va peser de tout son poids
dans la configuration du jeu politique au Togo. La politique,
considérée comme jeu, n'est qu'un enchevêtrement successif
de stratégies visant toutes, à la capitalisation de l'enjeu final
qui est pour l'essentiel la victoire aux élections.
La première illustration des stratégies des
parties prenantes dans le jeu politique est à retrouver dans la
conférence nationale et les tractations qui ont conduit à sa
tenue. Notons que la concrétisation de cette conférence n'a
été rendu possible qu'avec le soutien de la communauté
internationale notamment de la France, qui était aux premières
loges des
143 B. D. TCHAGBELE, « Les
déterminants des choix électoraux des populations en milieu rural
au Togo : cas du village d'Aguidagbadè dans le canton de Wassarabo
(Préfecture de Tchaoudjo) », Op. cit.
144 L'alternance est une
échéance prévue et profitable, voire attendue, qui rythme
les régimes démocratiques et est supposée assurer leur
'respiration'' par la rotation régulière des positions
de pouvoir entre les principaux camps politiques antagoniques, voir à
cet effet P. ALDRIN, L. BARGEL, N.
BUÉ ET C. PINA (dir.), Politiques de
l'alternance. Sociologie des changements politiques, Vulaines-sur-Seine,
Edition du Croquant, Coll. « Sociopo », 2016, p. 412
145 Le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT)
puis par l'Union pour la République à la suite de la fonte du
premier le 1' avril 2012.
57
accords du 12 juin, accords ayant conduit à la
Conférence Nationale146. Ainsi, lorsque
naquit l'idée - à partir de l'exemple du Bénin voisin - de
rassembler « les forces vives » de la Nation autour d'une table pour
faire ?les Etats généraux» de la vie politique,
cela pris en très peu de temps, la forme d'une tentative de renversement
du pouvoir de Lomé, contrairement à la logique du modèle
béninois dont elle s'est inspirée
147. Eyadéma qui avait concédé
bon an mal an l'essentiel de son pouvoir à cette conférence du
fait des manoeuvres et pressions de la communauté internationale, va
décider de reprendre ?le poil de la bête» et ainsi
récuser par ricochet cette communauté internationale qui
était en quelque sorte le garant de cet évènement
inédit. Plus tard c'est dans la crise politique de 2017 qu'on voit
encore le pouvoir se montrer subtilement réfractaire à la
communauté internationale toujours dans une logique d'orientation
politique.
En effet, dans la feuille de route proposée par les
médiateurs de ladite crise, il était prévu la
réalisation des réformes constitutionnelles et institutionnelles.
Pour accompagner l'Etat togolais, la commission de la CEDEAO a commis un expert
constitutionnaliste en vue de proposer un squelette de révision qui
finalement, a été systématiquement placardé. Si la
majorité politique au Togo s'est montrée quelque rares fois en
porte à faux avec la communauté internationale, il faut
reconnaitre que dans la plupart des cas, elle a mis en oeuvre une
stratégie conciliante vis-à-vis de cette dernière.
B. Une stratégie conciliante
Le pouvoir de Lomé depuis Eyadéma à Faure
Gnassingbé, s'est plus montré conciliant et plus en harmonie avec
les orientations de la communauté internationale qu'il n'a
été réfractaire. En effet, lorsqu'à la suite des
évènements inédits du 05 octobre 1990 la crise pris de
l'ampleur, la communauté internationale s'est ruée sur la
situation pour la juguler, tant le contexte international l'exigeait dans une
certaine mesure. Ainsi dans tous les accords politiques signés entre les
protagonistes de la scène politique togolaise, la communauté
internationale a joué un rôle de prou, proposant des pistes de
solutions qui quelques fois frisent des sensibilités des parties
prenantes. A l'observation des faits et
146 J. W. HEILBRUNN, C. M.
TOULABOR, « Une si petite démocratisation pour le
Togo... » pp.85-100.
147 « La décision des groupes de
l'opposition au Togo non seulement de déclarer la souveraineté de
la conférence ensuite de dissoudre le RPT et enfin de former un
gouvernement n'incluant pas les membres du RPT est perçue par le
régime comme une trahison, une rupture de confiance par rapport aux
accords précédents ». J. WEKO, Les
transitions démocratiques au Togo et au Bénin : Dynamique et
Mimétisme, mémoire de master Etudes politiques,
Université Paris II Panthéon-Assas, 2017 - 2018.
58
décisions de la période de la
démocratisation, Eyadéma a concédé à
l'opposition togolaise nombre de demandes sous l'impulsion des
médiateurs internationaux qui ont arbitré les pourparlers. Ainsi
lorsque l'ambassadeur de France Bruno DELAYE s'est impliqué dans les
accords du 12 juin devant aboutir à la tenue de la Conférence
Nationale, le Président Eyadéma a accepté le principe de
cette assise solennelle qui portait en elle les fondements de la nouvelle
République148. Plus loin encore, on voit
même se développer une certaine complicité entre la
communauté internationale et le pouvoir en place. Dans l'accord du 11
juillet 1993 conclu à Ouagadougou par exemple, la désormais
position de force acquise par Eyadema au lendemain de la conférence
nationale lui garantira une part belle dans ledit accord. D'aucuns diront
même que cet accord « balisent les voies conduisant à
l'élection royale d'Eyadéma, puisqu'il sera chargé en
quelque sorte de l'organiser »149. Dans
la médiation de la crise politique d'août 2017, le gouvernement
togolais s'est montré très conciliant avec les propositions de la
facilitation de la CEDAO, présentant la feuille de route de sortie de
crise proposée par l'institution sous régionale comme la seule
voie à suivre puisse qu'émanant de la communauté
internationale. Ce faisant, le gouvernement chercherait tout simplement
à démontrer la légitimité que portent les
décisions de l'organisation communautaire même si au fond, c'est
que ces décisions concordaient parfaitement avec sa vision des
choses.
§ 2. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DANS LES
STRATÉGIES POLITIQUES DE L'OPPOSITION
Tout comme la mouvance présidentielle, l'opposition
togolaise est à la quête permanente de la meilleure
stratégie en vue d'en venir à bout du pouvoir qu'elle estime
aujourd'hui ?cinquantenaire ?. Il ne peut d'ailleurs pas en être
autrement vue que la mouvance présidentielle est restée la
même depuis 1967 où le Général Eyadéma a pris
le pouvoir à la suite d'un coup d'Etat. Seulement, l'observation fait
remarquer des stratégies somme toute non payantes puisque l'alternance
souhaitée de tous temps peine à se matérialiser
malgré les victoires en trompe-l'oeil et sectoriels que l'opposition
à remporter. S'agissant de la communauté internationale comme
enjeu du jeu politique 150 les stratégies de
l'opposition togolaise s'avèrent tout à la fois discontinues (A)
que désorientées (B).
148 J. W. HEILBRUNN, C. M.
TOULABOR, Op cit.
149 J. W. HEILBRUNN, C. M.
TOULABOR, Op cit.
150 La communauté internationale comme
enjeu du jeu politique togolais s'entend au regard du poids institutionnel qui
lui est reconnu surtout dans le soutien ou les désaveux du pouvoir comme
nous
59
A. Une stratégie discontinue
Depuis l'entame du processus de la démocratisation au
Togo, la prise en compte de la communauté internationale dans la
définition des stratégies politiques apparait nécessaire
au regard du pouvoir d'influence de celle-ci dans le jeu politique. Ainsi,
dès les premières heures du réapprentissage de la
démocratie, l'opposition togolaise a trouvé en cette
communauté internationale un allié majeur dans son combat pour la
conquête du pouvoir surtout compte tenu du contexte international qui
promouvait çà et là les vertus démocratiques et
donc favorable aux alternances au sommet des Etats.
Ainsi pouvait-on remarquer déjà en 1991, la
pression du COD aboutir à la Conférence nationale avec la prise
en compte de la plupart de ses exigences 151 ; et cerise sur
le gâteau, les accords du 12 juin qui consacrait l'organisation de cette
conférence stipulaient clairement que « les orientations et
décisions de la conférence nationale ne seront pas remises en
cause par le chef de l'Etat »152. Mais
très rapidement on verra cette opposition conspuer la communauté
internationale, l'accusant de connivence avec la mouvance
présidentielle. La situation est beaucoup plus patente et plus visible
dans la crise politique 2017.
En effet, lorsque la communauté internationale s'est
saisie du dossier togolais, les voies se sont levées dans une
véritable cacophonie pour étiqueter cette communauté de
tous les noms. Ainsi a-t-elle fait l'objet soit de sollicitation aux fins
d'appui à ses actions pour l'alternance, ou de contestation au motif
d'apporter du soutien à l'adversaire. On pouvait ainsi entendre de la
part de cette opposition un discours réfractaire comme en
témoigne les déclarations de Brigitte Adjamagbo-Johnson,
coordonnatrice de la C14 au sujet de l'Organisation Internationale de la
Francophonie : « La coalition a décidé de ne pas
rencontrer la mission de l'OIF 153 »,
alors que cette mission venait simplement en rescousse à la
situation d'embrasement qui avait cours. De même, l'opposition
togolaise
l'avons souligné un peu plus haut à travers la
lecture de la situation à travers le spectre du courant réaliste
des relations internationales.
151 Un débat général sur
la vie politique, économique, sociale et culturelle du pays,
sanctionné par une déclaration de politique
générale ; la mise en place de nouvelles institutions ; la
constitution d'un gouvernement de transition dirigé par un Premier
ministre issu de la C N ; la mise en place dun organe
législatif de transition et des organes de contrôle des futures
élections et l'élaboration d'un calendrier électoral.
152 Cf. (Accord du 12 juin entre le
gouvernement et le COD I), La Nouvelle Marche, n° 3544, 18
juillet 1991, p. IV; sur les principaux points de ces accords, cité par
J. R. HEILBRUNN et C. M. TOULABOR, «
Une si petite démocratie pour le Togo... », Op
cit.
153 Cf. Le Changent N° 568 du
jeudi 12 Octobre 2017, Op cit.
60
n'a pas ménagé la CEDEAO qui, de près
s'est proposée pour une issue à cette crise. Au même moment
on pouvait entendre une autre frange de cette opposition solliciter ouvertement
l'intervention de la communauté internationale, pensée quasiment
comme une panacée à la situation. Tikpi Atchadam, leader du PNP
dira sans détour au cours d'une conférence de presse que
« les togolais attendent un mot de la France. Elle a sa manière
d'apprécier les situations et le moment opportun, nous savons qu'elle va
réagir 154 ».
L'insuccès des stratégies de l'opposition togolaise peut donc
être tributaire de ces incohérences vis-à-vis du reste du
monde.
B. Une stratégie désorientée
La discontinuité observée dans la prise en
compte de la communauté internationale dans les stratégies
politiques de l'opposition entraine indubitablement chez elle une perte de
repère.
Si l'on scrute minutieusement les évènements
politiques au Togo depuis 1990, on a l'impression qu'ils se ressemblent, de
même que leurs manifestations. L'opposition togolaise donne toujours
l'impression d'être harmonieuse et unie au tour des grands enjeux de la
vie politique. Mais il s'agit toujours des édifices à base
argileuse qui s'effondrent sous le poids des moindres intempéries en
venant à secouer les alliances précaires toujours
constituées. En effet, depuis la conférence nationale,
l'opposition ne cesse de multiplier des moments de ? quasi victoire ?
sur le pouvoir et comme dans « Le Mythe de Sisyphe »
155, elle recommence à chaque fois dans la
même logique. Disons que la première expérience
d'organisation ou mieux de structuration de l'opposition s'est faite au tour du
Front des Associations pour le Renouveau (FAR), une coalition des formations
politiques en gestation, mue par une volonté commune : le renouveau. Le
FAR deviendra plus tard le Collectif de l'Opposition Démocratique (COD),
mouvement qui conduira les actions jusqu'aux accords du 12 juin qui ont
donné sur la tenue de la Conférence Nationale. D'autres unions
verront également le jour toujours en vue de faire front commun contre
le pouvoir en place. Il s'agit par exemple de la coalition CAR - UTD
154 Cf. Conférence de presse
accordée par Tikpi Atchadam le 20 octobre 2017 in Flambeau des
démocrates, n° 516 du vendredi 20 octobre 2017.
155 « Le Mythe de Sisyphe »
énoncé par A. CAMUS, décrit l'histoire
d'un homme presque condamné à pousser un rocher jusqu'au sommet
d'une montagne et à chaque fois qu'il y arrivait, le rocher
dévalait la pente pour se retrouver au pied de la montagne. Sisyphe
redescendait toujours pour recommencer. Tellement il croyait qu'un jour il
arriverait à fixer son rocher sur la cime de la montagne qu'à
chaque fois, il redescendait et recommençait.
dirigé respectivement par Me Y. Agboyibor et E. Kodjo
lors des élections législatives de 1994, coalition qui remportera
effectivement ces élections mais qui s'effondrera aussitôt
après.
Plus récemment, l'opposition togolaise va prouver aux
yeux du monde qu'elle maitrise peu les stratégies politiques
nécessaires en vue d'atteindre leurs objectifs politiques. En effet,
dans la facilitation de la crise politique d'août 2017, l'opposition qui
a fédéré dans la coalition des 14 (C 14), n'a pas attendu
trop longtemps pour éclater en lambeaux. Tout ceci amènera la
rédaction de Togo Tribune 156 à
affirmer que « depuis octobre 1990, début des revendications
démocratiques à nos jours, c'est pratiquement le même
schéma qu'offre l'opposition togolaise dans sa lutte, dans ses ligues et
dans ses front, une forme de cocktail molotov prêt à s'exploser
aussitôt que l'on faisait passer dans les environs une bûchette
d'allumette »157. L'ambassadeur de France
au Togo durant la période de transition démocratique relevait
déjà en son temps que l'opposition togolaise est somme toute
« irresponsable, peu crédible, trop divisée et sans
stratégie »158. Cela
l'amène dans la plupart des cas à accuser les autres comme
étant la cause de tous les échecs qu'elle n'a de cesse
essuyés.
61
156 Média togolais d'information en
ligne, accessible au
www.togotribune.com
157 Togotribune N° 76 du 9 mars
2019, Idem.
158 J. R. HHEILBRUNN et C. M.
TOULABOR, « Une si petite démocratie pour le Togo ...
», Op. cit.
62
CHAPITRE II.
L'ACTION INTERNATIONALE DANS LE JEU POLITIQUE
TOGOLAIS
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, Les mutations
subies par les relations internationales démontrent qu'il est
dorénavant impossible ou presque pour un Etat d'évoluer en vase
clos. Les défis sécuritaires, économiques et actuellement
migratoires, astreignent les Etats à fédérer les efforts
dans une synergie d'action, afin d'y répondre efficacement. La formation
des blocs régionaux, l'établissement des alliances
bilatérales ou multilatérales souvent même « contre
nature » entre Etats justifient la nécessité de
collaboration qui s'impose aujourd'hui à nos Etats face à
l'importance des enjeux mondiaux. L'international est devenu une
communauté159, pourrait-on dire ! Seulement
à y regarder de près, cette apparente unicité des nations
ne serait que l'arbre qui cache la forêt d'intérêts qui
déterminent et guident l'action de tout acteur des relations
internationales. L'intérêt serait la négation de toute
idée de philanthropie sur la scène internationale et la pierre
d'achoppement de toute action engagée dans ce champ politique. Les
actions de la communauté internationale dans le jeu politique togolais
seraient à ce titre empreintes de la poursuite d'intérêts
matériels ou immatériels souvent voilés (section I).
Cependant, la poursuite des intérêts de la communauté
internationale ne peut oblitérer l'impérative symbiose qui doit
caractériser les interactions (section II).
SECTION I. : L'INTÉRÊT AU COEUR DE
L'ACTION INTERNATIONALE : LECTURE À TRAVERS LE PRISME DU
RÉALISME
La présence de la communauté internationale dans
le jeu politique est perceptible à la simple observation. Ce qui l'est
moins, c'est savoir si sa position sur le terrain du jeu politique togolais
répond à l'impératif de neutralité
recommandé par les bonnes moeurs internationales. Dans une perspective
strictement réaliste, la réponse est négative. Ainsi sous
l'auspice de cette grille de lecture, nous analyserons tour à tour
l'action de la communauté internationale comme une unité
(Paragraphe I) puis comme un conglomérat d'acteurs aux volontés
spécifiques (Paragraphe II).
159 Référence ici est faite
à la conception de F. TÖNNIES de la notion de
communauté. Elle est selon lui « une forme d'organisation
sociale dans laquelle les individus sont liés entre eux par une
solidarité naturelle ou spontanée et sont animés par des
objectifs communs ». D. ALCAUD et Al.
Dictionnaire de sciences politiques, 2ème éd.
Sirey, 2010.
63
§ 1. UNE COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE UNITAIRE
Dans ses différentes interventions dans les affaires
politiques togolaises (du moins sur la période
considérée), la communauté internationale fait montre
d'une certaine unanimité sur les sujets concernés. Du point de
vue politique, on peut analyser son intervention à travers la promotion
de la démocratie (A) et la coordination des actions en matière de
gestion de crise (B).
A. Les vertus démocratiques promues
Le point de départ des exigences démocratiques
dans les Etats d'Afrique francophone est comme nous l'avons montré, le
désormais célèbre discours de la Baule, prononcé le
20 juin 1990 par l'ancien Président français François
Mitterrand160. Dans ce discours, le
Président français annonce à la face du monde que la
France « liera tout son effort de contribution financière aux
efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté
»161. La promotion de la
démocratie va apparaitre dans ces conditions comme un moyen de pression
à l'encontre des pays africains dont le Togo, pour espérer
continuer la jouissance de l'aide publique au développement. Sur cette
question, il s'est créé une certaine unanimité entre tous
les partenaires au développement du Togo. Ainsi, l'Union
Européenne (UE), la Banque Mondiale, le FMI, et d'autres vont imposer au
Togo la conditionnalité démocratique comme conditions sine
qua non du maintien des relations de coopération. L'UE, suivie ou
quelques fois précédée de l'Allemagne, va rompre sa
coopération avec le Togo à deux (2) reprises pour déficit
démocratique162. Le ministre allemand de la
coopération dira à cet effet lors de la Conférence de
Vienne de 1993 qu' « il est maintenant fondé de dire que la
démocratie et la défense des droits de l'homme d'une part, et le
développement économique d'autre part, se renforcent mutuellement
»163.
Avant le triomphe universel de la démocratie
libérale à la fin de la décennie 1980, la Charte des
Nations Unies ainsi que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
faisaient une part belle aux principes démocratiques, fixant ainsi un
cadre de légitimation
160 T. KPOBIE, Action internationale en
faveur de la démocratie au Togo, mémoire de DEA, 2012,
Université de Lomé, Togo.
161 Discours de la Baule,
https://nsarchive2.gwu,
consulté le 02 avril 2019 à 16H04.
162 K. KOFFI, « Togo : les deux
ruptures de la coopération (1993 et 1998) » in Afrique
Contemporaine, N° 189, 1er trimestre 1999, pp 63-76.
163 Y. KPEDU, « Essai sur le principe de
légitimité démocratique en droit international et sa mise
en oeuvre dans les accords d'aide au développement », Thèse,
droit public, 2007, p.258.
64
de toute action de nature internationale en faveur de ce mode
de gouvernement. De même, l'Organisation de l'Unité Africaine
(OUA) va adopter en 1986, la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples, un instrument devant permettre à l'organisation continentale
« d'afficher ouvertement sa préférence au régime
démocratique »164. Par la
suite, d'autres textes 165 de promotion de la
démocratie verront le jour renforçant ainsi la
légitimité des décisions des organisations internationales
dont est membre le Togo. Au plan sous régional également existe
un corps de règles de promotion des principes démocratiques qui
sont à bien des titres opposable au Togo. C'est dans cette logique qu'il
faut comprendre la décision de la Cour de justice de la CEDEAO dans
l'affaire dite des « neufs députés ANC», qui a
condamné la décision d'exclusion prise par le parlement et
entérinée par la cours constitutionnelle à l'encontre de
de neuf (9) députés mis en
cause166.
En somme, il est clair que lorsqu'il s'agit de la protection
des droits de l'homme ou plus globalement, des principes démocratiques,
aucune voie dissidente ne s'élève dans l'ensemble de la
communauté internationale. Il en va de même lorsqu'elle intervient
pour juguler une crise politique.
B. Des interventions coordonnées
L'immixtion de la communauté internationale en
situation de crise trouve en premier lieu son fondement dans le chapitre VII de
la Charte des Nations Unies qui porte sur « l'action en cas de menace
contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression
»167.
164 T. KPOBIE, Op. cit.
165 Déclaration de Lomé du
10 juillet 2000 ; art. 4 et 30 de l'Acte constitutif de l'Union Africaine
adoptée le 11 juillet 2000. Op. cit.
166 T. KPOBIE, Op. cit.
167 Il s'agit notamment des articles 40, 41
et 42 de la Charte des Nations Unies qui disposent : art. 40 « Afin
d'empêcher la situation de s'aggraver, le Conseil de
sécurité, avant de faire les recommandations ou de décider
des mesures à prendre conformément à l'article 39, peut
inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures
provisoires qu'il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures
provisoires ne préjugent en rien les droits, les prétentions ou
la position des parties intéressées. En cas de
non-exécution de ces mesures provisoires, le Conseil de
sécurité tient dûment compte de cette défaillance
» ; art. 41 « Le Conseil de sécurité peut
décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force
armée doivent être prises pour donner effet à ses
décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à
appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption
complète ou partielle des relations économiques et des
communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales,
télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de
communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques » et
l'art. 42 « Si le Conseil de sécurité estime que les
mesures prévues à l'article 41 seraient inadéquates ou
qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au
moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il
juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de
la sécurité internationales. Cette action
65
Ce chapitre fixe les conditions et les formes possibles que
peut prendre l'intervention dans un Etat en situation de crise. Au plan
régional ou sous régional, les organisations internationales ont
mis en place un ensemble de dispositifs permettant la prévention ou
l'intervention aux fins de dénouement de crises le cas
échéant. A cet effet, la CEDEAO va adopter le 10 décembre
1999 « le Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de
Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la
Sécurité », puis le « Protocole A/SP1/12/01 sur la
Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au protocole relatif au
mécanisme de prévention, de Gestion, de règlement des
conflits, de maintien de la Paix et de la Sécurité » le 21
décembre 2001. Le fondement sociologique de ces deux (2) textes sous
régionaux se trouve dans ce que Barry Buzan qualifie de «
complexe de sécurité » défini comme «
un groupe d'Etats dont les soucis primordiaux de sécurité sont si
étroitement liés que la sécurité d'aucun d'entre
eux ne saurait être séparée de celle des autres
»168. Au regard du foisonnement
des relations internationales aujourd'hui, un incident intervenu en un point A
peut avoir tout de suite des répercussions en un point B, situé
à l'autre bout du monde169. Ainsi peut-on
observer une adhésion logique de la part de tous les acteurs
internationaux, lorsqu'il s'agit d'intervenir pour juguler les crises survenant
dans un pays. Il en est de même au Togo depuis l'amorce du processus de
démocratisation en début de la décennie 1990. En effet, de
Colmar, à la facilitation dans la crise politique d'août 2017 en
passant par l'Accord Politique Global et bien d'autres accords politiques
intermédiaires, Etats et organisations internationales ont
conjugué les efforts pour des dénouement pacifiques des crises
pour l'essentiel, politiques au Togo.
De plus, la position géographique du Togo fait de lui
un espace particulièrement intéressant dans la
géopolitique dont il convient de maintenir la stabilité. En
effet, le Togo est le seul pays de l'Afrique de l'ouest à disposer d'un
port en eau profonde, capable
peut comprendre des démonstrations, des mesures de
blocus et d'autres opérations exécutées par des forces
aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies
».
168 B. BUZAN, cite par D.
BATTISTELLA, Théories des relations internationales,
5ème éd. Paris, Les Presse de Sciences Po, 2015, 507
p.
169 Voir à cet effet le cobweb model
(le model de la toile d'araignée) développé par John
Burton in J. BURTON, World Society,
Cambridge, Cambridge University Press, 1968, p. 28-29, cité par
D. BATTISTELLA, Idem, 507 p. Ce modèle repose
sur deux (2) postulats :
- D'un côté, la fin de la séparation
étanche entre interne et externe.
- De l'autre, l'impact l'impact potentiel qu'a tout
évènement se produisant en un endroit du monde en tout autre
endroit du monde : 'l'interdépendance accrue [...] conduit
à des changements partout lorsqu'il y a un changement quelque part''.
66
d'accueillir les navires de dernière
génération. Ainsi, le port de Lomé est le principal dans
la desserte des pays de l'hinterland ouest africain. Une instabilité du
pays aura inéluctablement des répercussions retentissantes sur
l'économie non seulement des pays africains dépendants de son
port, mais aussi de tous ceux dont les produits transitent par ce port. Le Togo
apparait de ce fait comme un enjeu économique assez important pour la
communauté internationale qui suscite tout l'intérêt.
Si la communauté internationale est unanime (ou presque
toujours du moins), sur la nécessité des interventions en
situation de crises, elle ne s'accorde pas toujours sur les formes et
modalités de ces interventions. Ce qui laisse penser à une
appréhension différente des situations de crise, ou de
manière plus poussée, une divergence d'intérêt dans
le pays considéré.
§ 2. UNE COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
PLURIELLE
Du point de vue composition, la communauté
internationale est un fourre-tout dans lequel sont rassemblés des
acteurs disparates agissant dans la sphère internationale. On y retrouve
à cet effet la société civile internationale
(composée d'OING, les groupes de pressions ...), les Etats, les
organisations internationales et bien d'autres dont l'opinion ou l'action peut
influer sur le cours des relations internationales. Mais disons-le, dans sa
première acception, la notion de communauté internationale
désigne l'ensemble des Etats ou les regroupements de ses Etats, donc les
organisations internationales170. C'est sur cette
composition que nous focaliserons l'attention tant c'est en somme, la partie
agissante de la communauté internationale. Ainsi sera abordée
l'action des organisations internationales (B), après avoir
exploré celle des Etats (A).
A. L'action des Etats
Les Etats sont cruciaux dans l'action de la communauté
internationale s'ils ne sont pas les seuls
acteurs171. En effet les Etats entretiennent entre
eux une myriade de relations
170 « Si dans sa première
acception, l'expression désigne `'l'ensemble des Etats des Etats pris
dans leurs universalité'', elle peut également s'appliquer, sous
une deuxième acception, à `'l'ensemble plus vaste incluant,
à côté des Etats, les organisations internationales
à vocation universelle, les particuliers et l'opinion publique
internationale ». J. SALMON, Dictionnaire de
droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p.205.
171 Comprendre cette position toujours dans
le spectre réaliste des relations internationales pour lequel les
organisations internationale n'expriment in fine que la volonté des
Etats qui les composent et mieux encore celle des plus grands. C'est une
position qui peut leur être concéder au regard des faits marquants
de l'histoire contemporaine des relations internationales.
67
bilatérales et sont de ce fait en permanent contact les
uns avec les autres. Ceci les conduit à développer des relations
privilégiées, ou au contraire des relations tendues qui
reflètent clairement l'existence d'accords et/ou de désaccords
profonds ou de différence de points de vue sur des sujets donnés.
C'est précisément sur cette base que se créent, se
renforcent ou s'altèrent, des alliances ou des solidarités
réciproques entre Etats, vu que le fondement de toute action de la
politique étrangère d'un Etat, c'est d'abord et avant tout la
recherche, la poursuite et la satisfaction de son
intérêt172. Raymond Aron dira à
cet effet qu'en politique étrangère, un Etat ne connaît qu'
« un seul impératif catégorique, un seul principe
d'action : l'intérêt national
»173. Ainsi, « les hommes
d'Etats pensent et agissent en terme d'intérêt défini comme
puissance. [...] ils distingueront entre le devoir officiel qui est de penser
et d'agir en termes d'intérêt national et leur désir
personnel qui est de voir triompher leurs propres valeurs morales et les
principes politiques réalisés partout dans le monde
»174. Et c'est là que les
relations internationales dévoilent le timbre de l'anarchie que lui
collent les réalistes.
Au Togo, l'analogie aux préceptes susmentionnés,
peut être faite à partir des prises de positions de certains Etats
ou si l'on préfère, de certains Chefs d'Etat. A la suite de
l'élection présidentielle de 1998 par exemple, consacrant la
réélection de Gnassingbé Eyadema, l'ancien
Président français J. Chirac n'a pas tari d'éloges pour
féliciter son homologue togolais pour des élections
décriées par nombre d'observateurs à l'instar d'Amnesty
International pour violations graves des droits de l'homme. Et dans nombre de
situations, le Président français n'a eu de cesse de surligner
l'intimité des relations qu'il partage avec Eyadema, le Président
togolais. Dans ces conditions, on ne peut s'étonner du soutien de la
France à Eyadéma qui savait si bien s'en référer.
De même avant Chirac, F. Mitterand dans son l'allocution au palais de
Chaillot, insistait moins sur la conditionnalité démocratique
martelée à La Baule que sur les modalités et le rythme qui
conviennent à chaque pays africain pour conduire (en toute
indépendance) sa mue
démocratique175.
172 Terme phare dans le courant
réaliste des relations internationales, l'intérêt national
est « ce qui importe le plus à un Etat, ce qui constitue
l'enjeu par excellence, et il guide donc l'action politique extérieur
d'un Etat ». Cf. D. BATTISTELLA, et
Al., Dictionnaire des relations internationales, Op
cit.
173 «We assume that statemen think
and act in terms of interests defined as power». H. Morgenthau,
Politics among Nations. New York, Knopf, 1948.
174 H. MORGENTHAU, cité par Institut
Numérique,
www.institut-numérique.org
175 J. R. HEILBRUNN et C. M.
TOULABOR, « Une si petite démocratie pour le Togo ...
», Op cit.
68
Hormis le cas togolais, l'histoire contemporaine du continent
africain permet de mettre en lumière la pluralité de la
communauté internationale sur des enjeux surtout géopolitiques
mondiaux. En effet, si l'on considère les conditions de l'intervention
de l'OTAN dans la crise libyenne qui a emporté le 'Guide''
Mouammar Kadhafi, on peut se rendre compte des alliances
d'intérêts qui peuvent caractériser cette «
communauté internationale ». Si non, comment expliquer cette
intervention malgré, la non implication des autres Etats du monde
notamment la Chine et de la Russie, tous deux (2) membres permanent du Conseil
de Sécurité des Nations Unies ? A l'évidence, cette
intervention reposait entièrement sur la volonté de la France et
de ses alliés d'en découdre avec Kadhafi qui devenait
gênant vis-à-vis de leurs
intérêts176.
B. L'action des organisations internationales
On appelle organisations internationales « des
acteurs internationaux, dotés d'un appareil administratif durable et de
finalités précises et affichées, et qui regroupent soit
des représentants mandatés de plusieurs Etats, soit des individus
relevant de nationalités différentes concourant [...j à la
promotion de causes internationales
»177. On distinguera ici les
organisations internationales gouvernementales (OIG) et les organisations
internationales non-gouvernementales (OING), les premières étant
« une association d'Etats » 178 et les
secondes, une union « des individus relevant de nationalités
différentes » 179 imbus d'objectifs
internationaux communs. Ce qui est intéressant dans le cadre du
présent travail c'est l'action des organisations internationales
gouvernementales puisque plus légitimes à agir internationalement
et plus représentative de la communauté internationale.
Les organisations internationales naissent de la
volonté des Etats. Elles tirent de ce fait la légitimité
de leurs actions dans l'assentiment originel des Etats à travers les
chartes ou les traités qui les constituent. L'organisation
internationale par excellence aujourd'hui reste l'ONU, qui a pour mission
principale le maintien de la paix dans le monde. A ce titre, elle est
habilitée à pendre des résolutions au moyen de son «
bras armé » qu'est le Conseil de
176 C. MBAMBI, « l'intervention de
l'OTAN en Libye au regard du droit international »,
https://memoireonline.com
177 G. HERMET et Al., Dictionnaire de
Science politique et des institutions politiques, Op cit.
178 J-J. ROCHE, Relations
internationales, Paris, Lextenso, LGDJ, 6ème éd.,
2006, p.169.
179 G. HERMET et Al. Dictionnaire de
Science politique et des institutions politiques, pp. 216 - 217, op
cit.
69
Sécurité en vue de pacifier tout coin du monde
où la paix et/ou la stabilité en venait à être
menacée. Elle est donc le rempart à 'l'anachrophilie»
180 des Etats sur la scène
internationale en ce sens qu'elle définit le cadre normatif dans lequel
ces relations se déroulent ou du moins, sont censées se
dérouler. Seulement on note à l'observation et comme nous l'avons
relevé un peu plus haut, des désaccords profonds dans l'adoption
de certaines résolutions au Conseil de Sécurité ; ce qui
laisse penser ni plus ni moins non pas à une communauté, mais
à une société internationale
181 composée d'Etats rationnels, poursuivant
et défendant des intérêts quelques fois antagoniques. Les
exemples sont légion sur les rivalités au sein du Conseil de
Sécurité. On peut énumérer le cas des débats
sur la crise en Syrie ; l'annexion par la Russie de la Crimée et
l'intervention de l'OTAN en Libye. Dans tous ces cas, l'action ou l'inaction de
l'ONU s'explique dans une grande proportion par la concordance ou l'antagonisme
des intérêts des cinq (5) membres permanents. Il existe
également d'autres situations sur lesquelles il se dessine
carrément comme une divergence d'opinion entre les organisations
internationales. Illustration ici est faite à l'intervention
armée de l'OTAN en Libye, intervention pour laquelle l'Union Africaine
ne s'est pas montrée favorable.
Dans le cas togolais, il faut reconnaître qu'il ne s'est
jamais produit (ou du moins officiellement) une situation qui eut à
opposer acteurs de la scène internationale que ce soit du
côté des Etats ou du côté des organisations
internationales. Ce tour d'horizon nous permet néanmoins de comprendre
que selon l'orientation des intérêts, la communauté
internationale peut se montrer très impliquée dans l'ordre
interne et influencer la distribution des cartes dans le jeu
politique182. Cela reste malheureusement valable
pour les organisations internationales qui, in fine, traduisent les
rapports de forces entre Etats intéressés.
180 L'anachrophilie est amour de l'anarchie.
Ce mot est emprunté à Y. S. KAKPO enseignent du
cours de Relations internationales à l'université de Kara, pour
désigner la propension de certains Etats à fouler aux pieds les
normes internationalement édictées.
181 La société désigne
dans la sociologie de F. TÖNNIES, une collectivisation
d'acteurs rationnels, fondée sur l'utilité. Voir aussi à
ce sujet G. HERMET, B. BADIE, P. BIRNBAUM, P. BRAUD,
Dictionnaire de Science politique et des institutions politiques, p.
54 op cit.
182 Il relève désormais de
l'évidence, le rôle joué par les puissances coloniales dans
les changements de gouvernement dans leurs ex-colonies d'Afrique.
70
SECTION II. ACTION INTERNATIONALE ET JEU POLITIQUE AU
TOGO : VERS UNE SYSTÉMISATION DES RAPPORTS
La présence de la communauté internationale sur
l'échiquier politique togolais crée indéniablement des
conséquences sur le jeu politique lui-même affectant les positions
et stratégies des joueurs. Mais dans une perspective systémique,
l'on peut estimer à bon droit que si influence il y a, la
réciprocité ne peut y échapper. En clair, si nous
admettons que le jeu politique togolais est conditionné par l'action de
la communauté internationale (Paragraphe II), c'est que la
communauté internationale elle-même reste influencée de
quelque manière que ce soit par les stratégies politiques des
joueurs du champ politique togolais (Paragraphe I).
§ 1. UNE COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
INFLUENCÉE
Depuis l'amorce de la démocratisation au Togo, la
communauté internationale s'est montrée présente dans tous
les temps forts de la politique, prenant des positions quelques fois
discutables pour tout observateur avisé. Dans tous les cas où
elle a été amenée à intervenir, elle a fait l'objet
de vives critiques fusant de part et d'autre des différents camps
politiques. Ces récusations et contestations peuvent évidemment
être rangées sous la bannière des calculs politiques et
ainsi, dénudées de toute objectivité. Seulement, dans une
perspective systémique, il s'avère impossible que les influences
des éléments d'un système aillent en sens unique. A cet
effet, la communauté internationale dans le jeu politique togolais est
soumise à des influences aussi bien incertaines (A) que certaines
(B).
A. Une influence incertaine
Les différentes interventions de la communauté
internationale dans les différentes crises et rendez-vous politiques au
Togo ont été majoritairement sollicitées comme nous
l'avons longuement démontré dans la première partie de ce
travail. Ainsi que ce soit de manière ostentatoire ou à travers
des manoeuvres à peine voilées, les acteurs politiques dans la
sollicitation ont leurs positions qu'ils défendent, positions qui
s'avèrent généralement antagoniques. De ce fait, chaque
partie exhibe en ce qui la concerne ses vues, points de vue et perceptions de
la situation de sorte à incriminer et à faire endosser à
l'autre toute la responsabilité de la situation tendue dans le but de
susciter auprès du médiateur une certaine empathie. La
neutralité est en principe le maitre mot des actions de la
communauté internationale. A ce titre, on peut supposer
théoriquement une certaine insensibilité sentimentale
vis-à-vis des acteurs en conflit et une prédominance de la
rationalité dans les
71
solutions à proposer. Seulement, soutenir une
rationalité absolue et une entière neutralité, c'est
ignorer ou feindre d'ignorer que la communauté internationale, c'est
d'abord et avant tout les Etats, et ces Etats sont dirigés par des
hommes, donc enclins à toutes sortes de susceptibilités. Les
hommes sont émotifs ; ils développent selon les accointances des
sentiments les uns envers les autres et agissent en tenant compte de ces
relations privilégiés ou non qu'ils ont développé
réciproquement. Ainsi, quoique l'on puisse dire, la communauté
internationale, animée par les individus charismatiques incarnant leurs
Etats, peut rarement démontrer une neutralité infaillible.
En plus des facteurs de susceptibilité qui
caractérisent les acteurs de la communauté internationale,
celle-ci reçoit également des influences de la part de l'opinion
publique internationale. L'opinion publique doit-on le rappeler est «
pensée en relations internationale comme l'émanation d'un
débat internationale en gestation. Elle est saisie à travers ses
manifestations [...] Elle désigne également les arènes de
débat où se rencontrent des acteurs contestataires de plus en
plus nombreux183 ». Pour Bertrand Badie,
l'opinion publique internationale « est au centre des bouleversements
profonds ; elle est un moment fort de l'agonie de la puissance
»184. Cela sous-entend que les actions de
la communauté internationale sont en permanence scrutées par les
faiseurs de cette opinion, et soumises constamment à leur influence. Les
crises politiques au Togo gravitent généralement autour de la
contestation des violations des droits fondamentaux de l'homme ; et dans ce
domaine le poids de l'opinion publique est incommensurable. De ce fait, il
apparait tout à fait certain que même si la pression n'est pas
toujours exercée sur l'action des Etats ou des organisations
internationales comme acteurs principaux de la communauté
internationale, les actions de celle-ci s'y réfèrent toujours.
B. Une influence certaine
Si l'influence que subit la communauté internationale
dans le débat politique au Togo est quelque fois imperceptible tout de
suite, il est des situations où cette influence se révèle
flagrante. Théoriquement d'abord, il faut valider la présomption
de l'existence d'une influence venant des forces endogènes sur
l'international, acteur agissant au Togo.
183 M. DEBOS et A. GOHENEIX,
« les ONG et la fabrique de l' ?opinion publique internationale »,
Raisons Politiques, N° 19, 2005, pp. 63 - 80.
184 B. BADIE, l'impuissance de la
puissance. Essai sur les nouvelles relations internationales, Paris,
Fayard, 2004, p. 246, cité par M. DEBOS et A. GOHENEIX,
Idem.
72
Lorsque Bruno Delaye fut désigné ambassadeur de
France au Togo en février 1991, François Mitterand lui confiait
implicitement la mission de pousser le Général Eyadema à
réformer institutionnellement son pays en faveur du
libéralisme185. Les difficultés
permanentes auxquelles sera confronté le jeune diplomate quelques
années plus tard seront essentiellement liées aux acoquinements
que le Président Eyadema a su entretenir avec l'Elysée. Ainsi
pouvait-on observer des incohérences entre les injonctions de
démocratisation lancées à la Baule deux années
plutôt et la politique étrangère de la France dans ses
anciennes colonies. « De La Baule (juin 1990) à Biarritz
(novembre 1994) en passant par Libreville (octobre 1992) ou Chaillot (novembre
1991), on note un remarquable infléchissement de la
conditionnalité démocratique ramenée à une question
de protection militaro-sécuritaire des pouvoirs africains dont le
dossier est confié à... Eyadéma »
186. Tout cela amènera la France dans un
balbutiement notoire dans le dossier togolais de l'époque ; ce qui
conduira Volker Berresheim, alors conseiller à l'ambassade d'Allemagne
à Paris à souligner l'incapacité coupable de la France
à se prononcer clairement dans la crise et dénoncer ses
manoeuvres tendant à « instrumentaliser la bonne image
supposée ? neutre ? de l'Allemagne dans son ancienne colonie afin
d'impressionner, d'influencer Eyadéma et lui donner un signal clair pour
qu'il accepte le changement » 187.
L'influence du jeu politique togolais (ou mieux de Eyadema)
sur la France s'est aussi faite sentir lorsque celle-ci opposa une fin de
non-recevoir le 28 novembre 1991 à la demande du Premier Ministre de la
transition Joseph Kokou Koffigoh sollicitant au nom des accords de
coopération liant les deux pays, un appui militaire pour libérer
la primature assiégée 188.
Dans la crise politique récente, l'influence des
acteurs politiques togolais a fusée des deux côtés des
protagonistes. Le fait pour l'opposition de récuser par avance la
facilitation de la communauté internationale pour déficit de
neutralité, a indéniablement contraint celle-ci à prendre
au sérieux les revendications de cette opposition dans les pourparlers.
De
185 Propos confiés par F. Delaye
lui-même à C. Toulabor lors d'un entretien à la cellule
africaine de 1'Elysée le 25 janvier 1994, in J. R. HHEILBRUNN
et C. M. TOULABOR, « Une si petite
démocratie pour le Togo ... » Op cit.
186 Idem.
187 Idem.
188 Idem.
73
même, la mouvance présidentielle n'y était
pas du reste dans les tentatives d'attirer la sympathie de la communauté
internationale. Mais quoiqu'on dise, la communauté internationale, du
fait de sa quasi permanence dans le jeu politique togolais, y laisse des traces
indélébiles.
§ 2. UN JEU POLITIQUE CONDITIONNÉ
L'espace politique togolais subit de toute évidence des
influences qui laissent des effets sur le jeu politique qui s'y déploie.
Il ne pouvait d'ailleurs pas en être autrement vu que les relations
internationales sont entrées dans ce que John Burton qualifie de ?
Cobweb ? 189 c'est-à-dire « toile
d'araignée », c'est-à-dire un conglomérat de
relations complexes et interdépendantes reliant tous les points du
globe. De ce fait, le jeu politique subit de plein fouet les mutations
profondes qui affectent l'ordre mondial. Plus exactement, le jeu politique
togolais ne peut plus non seulement se soustraire du poids de la
société monde (A) mais aussi se trouve contraint de compter avec
l'international comme acteur à part entière (B).
A. Le poids de la société-monde
Dans le jeu politique au Togo comme partout ailleurs, se
développent chaque jour des groupes de pression organisés ou
parfois non organisés, mais qui ont une véritable influence sur
les Policy makers. Il s'agit généralement des groupes
constitués à l'intérieur des Etats, défendant les
principes démocratiques à l'instar de la protection des droits de
l'homme, d'alternance au sommet des Etats etc. On peut ranger dans cette
catégorie à titre d'exemple le Mouvement Y'en a marre,
né au Sénégal et qui s'étend progressivement dans
les pays environnants. On peut dès lors arguer de la constitution d'une
société civile internationale traitant des questions
transversales qui intéressent l'humanité. La notion de «
la société monde » va au-delà d'une
émanation d'une société civile internationale et elle ne
se confond nullement pas en elle ; elle est plutôt « le
résultat de l'ouverture des sociétés interne à
l'extérieur. Celle-ci (ouverture) fut favorisée par l'essor des
moyens de communication puis par le développement des instruments
d'information. L'Etat fut associé à cette évolution en
fournissant l'infrastructure logistique indispensable à la
189 J. BURTON in World Society
propose de remplacer le modèle des Boule de billards centré
sur les Etats par celui de la toile d'araignée. Voir, D.
BATTISTELLA, Théories des relations internationales,
5ème éd. Paris, Les Presses de Sciences Po, 2015.
74
recherche [...] puis en offrant à la
société civile les moyens d'utiliser à son profit ces
nouvelles technologies »190.
L'imbrication des sociétés entraine aujourd'hui une mutualisation
des valeurs et une universalisation des croyances. Le monde, derrière
l'écran de la diversité des peuples, tend de plus en plus
à se centrer autour de l'individu considéré comme le
baromètre de l'humanité. On est bien en présence - ou peu
s'en faut - du « dernier homme »191
décris par Francis Fukuyama quand on songe à l'ampleur qu'ont
aujourd'hui les principes démocratiques sur la conduite des affaires
publiques. L'individu est bien la mesure de toute chose dans la nouvelle
configuration du jeu politique intra étatique. Ainsi, les gouvernants ne
peuvent plus gouverner dans l'arbitraire sans heurter la hargne d'une
société civile prête à en découdre à
tout moment. C'est généralement elle qui fait inscrire sur
l'agenda de la communauté internationale des sujets qu'elle estime
pertinents, nécessitant une intervention.
L'action de la société monde sur le jeu
politique se trouve également renforcée par le
développement des moyens de communication et l'accès de plus en
plus facile à l'information. En effet, les médias constituent un
véritable vecteur des idéos et d'information permettant
d'interconnecter plusieurs points du globe en même temps. La gouvernance
est dans ces conditions passée au crible par ce «
4ème » pouvoir, ce qui induit de la retenue des
gouvernants car chacune de leurs actions est scrutée à la
loupe.
Si la société monde exerce une influence
réelle sur le jeu politique togolais, il convient mieux de dire que
c'est le camp présidentiel qui se trouve le plus visé parce que
détenant l'appareil d'Etat. Néanmoins, étant donné
que le pouvoir est supposé changé de titulaire
périodiquement par le jeu de l'alternance, les mutations
impulsées par la société monde affecte aussi bien ceux qui
exercent le pouvoir que ceux qui sont appelés à le faire un
jour.
B. Un nouvel acteur du jeu politique
Dans son entretien avec Philippe Fritsch le 11 février
1999, Pierre Bourdieu avait été amené à se
prononcer sur la raison pour laquelle il intégrait dans le champ
politique des agents qui n'étaient pas forcément politiques. Sa
réponse était « physicaliste : on peut dire d'une
institution, d'une personne, d'un agent qu'ils existent dans un champ quand ils
y
190 J.J. ROCHE, Relations
internationales, Paris, Lextenso, LGDJ, 6ème éd.,
2006, p. 358
191 Cf. F. FUKUYAMA, in
la fin de l'histoire et le dernier homme. Dans ce livre, l'auteur expose
sa perception de la fin de la guerre froide. Pour lui, le triomphe du
libéralisme parachève les différentes luttes et
oppositions qui ont marqué l'histoire de l'humanité. Fini donc
les antagonismes et place à l'homme ? universel ?.
75
produisent des effets
»192. Une telle acception du champ,
permet de déterminer (avec plus ou moins de précision) les
acteurs l'animant et d'en délimiter les contours. On peut ainsi par
analogie dire d'un acteur qu'il est du champ politique (celui-ci étant
selon les termes de Bourdieu lui-même, un microcosme dans le macrocosme
social) lorsque d'une manière ou d'une autre il y est présent et
agit ; et lorsque ses actions affectent de quelque manière que ce soit
le fonctionnement du mécanisme de ce champ.
Le statut d'agent d'un champ est parfois confirmé et
légitimé par une sorte de reconnaissance implicite à
travers l'action des médias. « [...] un des facteurs
déterminants de l'existence dans le champ politique, c'est la
reconnaissance par les journalistes. Les journalistes [...] sont
déterminants dans la détermination de l'importance politique
»193. Ils sont ce que les Anglo-Saxons
appellent les « gatekeepers », les gardiens de la porte
c'est-à-dire ceux qui contrôlent l'entrée dans le champ
politique. Dans le champ politique togolais, la communauté
internationale était présente depuis longtemps, bien avant la
libéralisation de l'espace politique et l'impératif
démocratique exigé des dirigeants du pays. Mais c'est plus
à partir de 1990, après le discours de la Baule et après
l'implosion au Togo sur fond des revendications populaires de démocratie
que l'international s'est véritablement mu en acteur à part
entière du jeu politique. Ceci reste d'autant plus clair à partir
de certains exemples implacables notamment son rôle dans les
différents accords politiques connus par le
Togo,194 la tenue de la Conférence
nationale, son arbitrage dans les joutes électorales à partir des
missions d'observation, son accompagnement technique et financier dans le
développement etc. Aujourd'hui, il n'y a plus un aspect, un domaine de
la vie politique togolaise dans lequel ne subsiste la présence de la
communauté internationale. C'est en somme un acteur confirmé du
jeu politique au regard de son pouvoir d'influence quoique ne disposant pas des
mêmes attributs que les joueurs eux-mêmes.
192 P. BOURDIEU, Propos sur le champ
politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000, p. 38.
193 Idem.
194 On peut à ce niveau soutenir sans
conteste qu'il ne s'est produit un accord entre les forces politique togolaises
sans l'initiative et l'accompagnement de la communauté
internationale.
76
CONCLUSION
77
Après la seconde guerre mondiale et les mutations qui
s'en sont suivies, les relations internationales se sont mues en des relations
complexes caractérisées essentiellement par une
interdépendance assez complexe, reliant tous les points du globe. Le
monde est devenu une communauté c'est-à-dire, une sorte de
conglomération réunissant des sociétés partageant
des valeurs communes ou presque. Cela est devenu d'autant plus poignant avec la
fin de la guerre froide où l'impératif démocratique
était devenu un idéal auquel sont convié les Etats
(surtout en développement) bon gré, mal gré. On peut
dès lors comprendre l'intérêt de la communauté
internationale dans les affaires politiques des Etats, surtout ceux qui
expérimentent la démocratie pour la premières fois ou ceux
qui renouent avec ce mode de gouvernement. Mais l'implication de la
communauté internationale et son positionnement dans le jeu politique
togolais suscite une curiosité que la présente recherche s'est
donnée d'élucider.
Le jeu politique relève de l'élaboration et de
l'implémentation de stratégies par les joueurs avec en toile de
fond le désir constant de remporter les joutes électorales.
Conçu comme tel, le jeu politique togolais est sans contexte une affaire
des togolais. Mais l'observation révèle que la communauté
internationale exerce une influence réelle dans la distribution des
rapports de force dans le jeu politique, faisant d'elle un acteur à part
entière dans l'arène politique ou peu s'en faut. L'objectif que
le présent travail de recherche s'est assigné est
d'appréhender les facteurs qui expliquent la présence permanente
de la communauté internationale dans le jeu politique et les enjeux que
cette implication génère dans le champ politique. L'exploration
du sujet nous a amené à découvrir que cette implication
est favorisée par les conditions aussi bien externes qu'internes et
recèle des enjeux polarisés comme le prédisaient nos
hypothèses de départ.
Au plan externe, les travaux de Crawford Young montrent «
comment la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc
soviétique ont eu des répercussions en Afrique et pas seulement
dans les pays auparavant adossés à ce bloc comme le Bénin,
le Congo, l'Ethiopie »195. Le
deuxième élément incitatif de l'implication de la
communauté internationale dans l'espace politique togolais était
la dépendance à l'aide extérieur qui, à partir de
1990 devient subordonnée à la conditionnalité
démocratique. La communauté internationale va ainsi servir non
seulement de référent à l'action, mais aussi comme un
195 M. GAZIBO, « La dynamique de la
démocratisation », Introduction à la politique africaine
(en ligne), Montréal, Presse de l'Université de
Montréal, 2010, pp. 167-189.
allié pour les forces d'opposition surtout au cours de
la période de la transition démocratique. L'opposition togolaise
ne manquera guère d'occasion de la prendre pour témoin ou pour
appui à son action. Ainsi jouera-t-elle un rôle crucial dans la
tenue de la conférence nationale, conférence qui paraissait aux
yeux de l'opposition de l'époque, comme la panacée aux
problèmes politiques du Togo.
S'agissant des facteurs internes favorisant l'implication de
la communauté internationale dans le jeu politique togolais, la longue
période du monopartisme a suscité une soif aigüe de
liberté, une soif qui n'attendait qu'un évènement
catalyseur pour s'assouvir. Au début de la décennie 1990 en
effet, le Togo connu l'une des plus grandes manifestations populaires de son
histoire. Cette mobilisation de masse, galvanisée par un couvert
médiatique déjà mûr, criera à la face du
monde le ras-le-bol des togolais face à la fermeture du régime
Eyadema et leur désir du pluralisme politique. La communauté
internationale sera dès lors invoquée en appui aux
différentes actions en contestation du régime Eyadéma
aussi bien par les forces de l'opposition sur place que par une diaspora
mobilisée pour la même cause. De même, la majorité
présidentielle pour légitimer ses actions a eu également
recours à la communauté internationale en conformant ses actions
aux orientations de cette dernière. Ainsi, tout au long de la
facilitation de la crise politique d'août 2017 par exemple, on a vu
l'exécutif togolais vénérer la feuille de route
définie par la CEDEAO comme le veau d'or incontesté pour la
sortie de ladite crise.
Seulement la communauté internationale ne jouit pas que
de bonnes grâces de la part des acteurs politiques togolais. De fait, la
communauté internationale sera présentée par l'opposition
comme un complice au pouvoir « autoritaire » des Gnassingbés
comme le soulignait si bien Y. Agboyibor lors d'une conférence de presse
: « Pour avoir procédé à la levée totale
des sanctions en 2008 sans que les conditions requises soient remplies, l'Union
Européenne a effectivement conforté le gouvernement togolais dans
son refus de mettre en oeuvre les réformes et a contribué
à la persistance de la crise sociopolitique au Togo »
196. La majorité présidentielle
également ne manque pas de fouler au pied cette communauté
internationale lorsque les circonstances s'y prêtent. L'attitude du
gouvernement face aux recommandations de l'expert commis par la CEDEAO pour les
propositions d'un schéma de réformes institutionnelles et
constitutionnelles en est révélatrice. Ce qui contraste
ostensiblement avec son attitude à l'adoption de la feuille de
78
196 Le Changent N° 567 du jeudi 05
octobre 2017, Op. Cit.
79
route. En conséquence, l'on peut soutenir que la
communauté internationale est l'objet d'une instrumentalisation
rationnelle par les acteurs politiques togolais, faisant ainsi d'elle une
référence ou au contraire, un ennemi selon la concordance ou la
discordance de leurs intérêts. Elle constitue à cet effet
un enjeu réel dans l'espace de jeu ainsi défini.
Si la communauté internationale apparait comme un enjeu
dans le champ politique togolais, il n'en demeure pas moins que le Togo
lui-même soit un enjeu de l'action internationale. En effet,
derrière l'homogénéité qui semble
caractériser la communauté internationale, se cache une
pluralité d'acteurs aux mobiles d'action divers. L'étude a permis
de démontrer que les motivations des Etats, peuvent dans certaines
circonstances et plus généralement différer de celles des
organisations internationales constituées par eux ou diverger entre eux
même sur les mêmes enjeux. Si dans la communauté
internationale, l'opinion publique et les organisations internationales (dans
une certaine mesure) défendent des causes universellement admises donc
d'intérêt général, les Etats par contre sont
fondamentalement motivés par l'intérêt qu'ils peuvent tirer
d'une action même si les apparences militent en faveur du contraire.
L'attitude de la France, du discours de la Baule aux actions menées
ultérieurement, semble conforter la position de Jean-François
Bayart lorsqu'il affirmait que « la France se doit de tenir un
discours clair en matière de démocratisation durable des
sociétés politiques subsaharienne
»197.
En somme, il convient de retenir que si la communauté
internationale était moins perçue comme un instrument
d'assouvissement de désirs politiques par les acteurs politiques
togolais et qu'inversement, celle-ci s'en tenait véritablement aux
motivations apparentes de ses actions, le Togo serait sans doute à un
niveau de maturité démocratique exemplaire.
197 J.-F. BAYART, « La problématique
de la démocratie en Afrique noire : la Baule, et puis après ?
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· HERMET Guy, BADIE Bertrand, BIRNBAUM Pierre, BRAUD
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VII. TEXTES NATIONAUX ET INTERNATIONAUX
· Acte constitutif de l'Union Africaine
·
84
Charte des Nations Unies
· Constitution togolaise de la IV République,
octobre 1992.
· Déclaration universelle des droits de l?Homme,
1948.
· Protocole relatif au mécanisme de
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www.institut-numérique.org
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https://nsarchive2.gwu
85
TABLE DES MATIÈRES
86
Résumé et mots-clés - Summary and keywords
IV
Sommaire I
Liste des sigles et abréviations V
INTRODUCTION 1
PARTIE I. LA DUALITÉ DES CAUSES DE L'IMPLICATION
DE LA COMMUNAUTÉ
INTERNATIONALE 11
Chapitre I. La dynamique des forces endogènes
13
Section I. L'usage des manoeuvres indirectes : les mouvements
sociaux dans une
logique contestataire manifeste 13
§ 1. L'internationalisation des tensions internes 14
A. L'action in situ 14
B. L'action ex situ 17
§ 2. Le rôle des autres acteurs sociaux 19
A. L'action des médias 19
B. L'action des organismes de la société civile
(OSC) 21
Section II. La Communauté internationale dans le discours
politique togolais 23
§ 1. Une invitation manifeste : entre appels en appui et
appels en légitimation 23
A. L'opposition : l'appel en appui 24
B. Le pouvoir : l'appel en légitimation 25
§ 2. Une récusation évidente : vers une
discordance d'intérêts 26
A. La communauté internationale sous les coups de
l'opposition 27
B. Les traits de la majorité sur la communauté
internationale 28
Chapitre II. Le concours des facteurs exogènes
31
Section I. Les fondements politiques de l'implication 32
§ 1. Du triomphe à l'universalisation de la
démocratie 32
A. Les principes de la démocratie 32
B. De l'universalisation de la démocratie 34
§2. l'influence du communautarisme 36
A. Le cadre normatif des organisations internationales 36
B. L'immixtion par les organisations internationales 38
Section II. Les fondements économiques de l'implication
39
§ 1. Une conjoncture économique poignante 39
A. Rétrospection sur l'économique du Togo avant
1990 39
B. L'impact social de la conjoncture économique d'avant
1990 41
§2. Des politiques de redressement nécessaires 42
A. Les programmes d'ajustement structurel 42
B. L'impact sociopolitique des PAS 44
PARTIE II. L'ÉMERGENCE DES ENJEUX POLARISES
46
Chapitre I. La communauté internationale : un
enjeu dans le champ politique
togolais 48
Section I. Focus sur le champ politique togolais :
théâtralisation de l'espace politique 48
§ 1. Circonscription de l'espace de jeu 48
A. Considérations sur la notion de champ politique 49
B. Présentation du champ politique togolais 51
§ 2. Enjeux et offres politiques aux prises 52
A. De la pluralité des enjeux à une offre
politique floue 53
B. L'offre politique au tour des enjeux clairs 54
Section II. Focus sur les affrontements symboliques du champ
politique togolais 55
87
§ 1. La communauté internationale dans les
stratégies politiques de la majorité 56
A. Une stratégie réfractaire 56
B. Une stratégie conciliante 57
§ 2. La communauté internationale dans les
stratégies politiques de l'opposition 58
A. Une stratégie discontinue 59
B. Une stratégie désorientée 60
Chapitre II. L'action internationale dans le jeu
politique togolais 62
Section I. : L'intérêt au coeur de l'action
internationale : lecture à travers le prisme du
réalisme 62
§ 1. Une communauté internationale unitaire 63
A. Les vertus démocratiques promues 63
B. Des interventions coordonnées 64
§ 2. Une communauté internationale plurielle 66
A. L'action des Etats 66
B. L'action des organisations internationales 68
Section II. Action internationale et jeu politique au Togo : vers
une systémisation des
rapports 70
§ 1. Une communauté internationale influencée
70
A. Une influence incertaine 70
B. Une influence certaine 71
§ 2. Un jeu politique conditionné 73
A. Le poids de la société-monde 73
B. Un nouvel acteur du jeu politique 74
CONCLUSION 76
BIBLIOGRAPHIE 80
TABLE DES MATIÈRES 85
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