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La communauté internationale dans le jeu politique togolais à  partir de 1990.


par Rodolphe Assataclouli BAKOUSSAM
Université de Kara - Master en Gouvernance internationale (Sciences politiques) 2018
  

Disponible en mode multipage

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Numéro :

UNIVERSITE DE KARA

F A C U L T E D E DROIT E T DES SCIENCES POLITIQUES

- - - - - - - -

MEMOIRE

En vue de l'obtention du MASTER DE RECHERCHE

Domaine : Administration, Sciences juridiques, et Politiques

Mention : Sciences politiques

Spécialité : Gouvernance Internationale

LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE

DANS LE JEU POLITIQUE TOGOLAIS A

PARTIR DE 1990

Présenté et soutenu par BAKOUSSAM Assataclouli

Structure de recherche

Laboratoire d'Études et de Recherche sur l'Etat et les Mutations de

l'Action Publique (LEREMAP)

Directeur de Mémoire

M. KPODAR Adama, Agrégé de Droit public et de Science politique, Professeur titulaire de Droit public, vice-président de l'Université de Kara

Jury

Président : Professeur KPODAR Adama

Examinateur : OURO-BODI Ouro-Gnaou

Membre : GBEOU-KPAYILE Nadjombé

Membre : LOGO Yawo Kakaty

Année académique

I

2018-2019

« Le but naturel de toute entreprise scientifique est de découvrir les forces sus-jacentes aux phénomènes sociaux » H. MORGENTHAU.

I

AVERTISSEMENT

L'Université de Kara n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

Dédicace

II

A ma famille, pour m?avoir tout donné.

III

Remerciements

Je témoigne toute ma gratitude à M. KPODAR Adama, Professeur Titulaire de droit public et de Science Politique, Vice-Président de l'Université de Kara et Responsable Scientifique du Master Science Politique et Droit Public de l'Université de Kara, pour m'avoir consacré une bonne partie de son précieux temps et pour son encadrement rigoureux et exigeant.

Mes remerciements vont également à M. COULIBALEY D. Babakane, Maitre de Conférences en droit public, Doyen de la Faculté de Droit et Des Sciences Politiques de l'Université de Kara et Responsable pédagogique des masters de ladite faculté pour son implication personnelle dans l'aboutissement heureux du présent master.

Les mêmes mots de remerciement sont adressés à tout le corps enseignant de la Faculté de Droit et de Science Politique en particulier M. GBEOU - KPAYILE Nadjombé, Maitre-Assistant de droit public, Vice Doyen de la Faculté de Droit et Des Sciences Politiques ; à M. LOGO Yawo Kakaty, Maitre-Assistant de droit public, Chef de département de droit public de l'Université de Kara, à M. OURO-BODI Ouro-Gnaou, Maitre-Assistant de droit public ; à Messsieurs MAWUNOU Zinsè, AGBENOKO D. Koffi, KEDOU Abalo, BABALE et SAGBA Kossi Edzodzinam pour leurs conseils et observations avérés fort utiles.

Enfin, à tous les camarades de promotion qui ont contribué de diverses manières à la réalisation de ce mémoire, je dis merci.

IV

RÉSUMÉ ET MOTS-CLÉS - SUMMARY AND KEYWORDS

Titre : La communauté internationale dans le jeu politique togolais à partir de 1990 Résumé

La décennie 1990 a été pour le Togo une période particulièrement mouvementée, marquée par de grands changements surtout au plan institutionnel. Après une longue parenthèse de monopartisme, le pays va amorcer sa mue démocratique sous le regard intéressé de la communauté internationale. Celle-ci disons-le, semble avoir accordé ses violons pour scander les louanges de la démocratie libérale triomphante de la guerre froide. L'idéal démocratique devient alors un impératif vers lequel tous les pays doivent dorénavant tendre. Le régime togolais à l'instar des autres régimes africains ayant évolué sous la dictature, verra le socle même de son pouvoir ébranlé par des pressions aussi bien endogènes qu'exogènes. Dans les deux cas, la communauté internationale sera appelée à jouer un rôle de premier ordre dans le nouveau Togo naissant ou mieux dans la nouvelle configuration du jeu politique. Ainsi apparaitra-t-elle comme un enjeu pour les entrepreneurs politiques dans la conquête et l'exercice du pouvoir au regard du rôle qu'elle a coutume de jouer dans le dénouement des crises politiques ainsi qu'en périodes de consultations populaires. Mais au-delà de tout, la nature philanthropique apparente de la communauté internationale ne doit pas faire perdre de vue les intérêts souvent voilés qui guident ses actions.

Mots-clés en français

Communauté internationale-jeu politique-champ politique-discours politique

Title : The international community in the Togolese political game Abstract

The 1990s was a particularly turbulent period for Togo, marked by major changes, especially at the institutional level. After a long period of monopartism, the country will begin its democratic transformation under the interested gaze of the international community. This one, let us say it, seems to have granted its violins to chant the praises of the triumphant liberal democracy of the cold war. The democratic ideal becomes an imperative towards which all countries must henceforth tend. The Togolese regime, like other African regimes having evolved in the dictatorship, will see the very foundation of its power shaken by endogenous as well as exogenous pressures. In both cases, the international community will be called upon to play a leading role in the nascent new Togo or better, in the new configuration of the political game. Thus, it will appear as an issue for political entrepreneurs in the conquest and exercise of power in the light of the role it is used to play in the resolution of political crises as well as in periods of popular consultations. But beyond all else, the apparent philanthropic nature of the international community must not obscure the often veiled interests that guide its actions.

Keywords

International community - political game - political field - political speech

V

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

SIGLE Libellé

ACP Afrique Caraïbes et Pacifique

ANC Alliance Nationale pour le Changement

APD Aide Publique au Développement

BAD Banque Africaine de Développement

BM Banque Mondiale

C14 Coalition de quatorze partis de l'opposition

CAR Comité d'Action pour le Renouveau

CDPA Convention Démocratique des Peuples Africains

CEDEAO Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CNUCED Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement

COD Coalition de l'Opposition Démocratique

CST Collectif Sauvons le Togo

FAD Fond Africain de Développement

FAR Front des Associations pour le Renouveau

FCFA Franc de la Communauté Financière d'Afrique

FMI Fond Monétaire International

FOD Front de l'Opposition Démocratique

FRAC Front Républicain pour l'Alternance et le Changement

IDH Indice de Développement Humain

OCDE Organisation de la Coopération et de Développement Economique

OI Organisation Internationale

OIF Organisation Internationale de la Francophonie

OING Organisation Internationale Non Gouvernementale

OMS Organisation Mondiale de la Santé

ONG Organisation Non Gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

OTAN Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

OUA Organisation de l'Unité Africaine

PAS Programme d'Ajustement Structurelle

PIB Produit Intérieur Brut

PNB Produit National Brut

PNP Parti National Panafricain

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

REPP Rapport d'Evaluation de Performances du Programme

RPT Rassemblement du Peuple Togolais

SIDA Syndrome d'Immunodéficience Acquise

UA Union Africaine

UC Unité de Compte

UE Union Européenne

UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africain

UFC Union des Forces du Changement

UNIR Union pour la République

UTD Union togolaise pour la Démocratie

VI

SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

PARTIE I. LA DUALITÉ DES CAUSES DE L'IMPLICATION DE LA COMMUNAUTÉ

INTERNATIONALE 11

Chapitre I. La dynamique des forces endogènes 13

Section I. L'usage des manoeuvres indirectes : les mouvements sociaux dans une

logique contestataire manifeste 13

Section II. La Communauté internationale dans le discours politique togolais 23

Chapitre II. Le concours des facteurs exogènes 31

Section I. Les fondements politiques de l'implication 32

Section II. Les fondements économiques de l'implication 39

PARTIE II. L'ÉMERGENCE DES ENJEUX POLARISES 46

Chapitre I. La communauté internationale : un enjeu dans le champ politique

togolais 48

Section I. Focus sur le champ politique togolais : théâtralisation de l'espace politique 48

Section II. Focus sur les affrontements symboliques du champ politique togolais 55

Chapitre II. L'action internationale dans le jeu politique togolais 62

Section I. : L'intérêt au coeur de l'action internationale : lecture à travers le prisme du

réalisme 62

Section II. Action internationale et jeu politique au Togo : vers une systémisation des

rapports 70

CONCLUSION 76

BIBLIOGRAPHIE 80

TABLE DES MATIÈRES 85

1

INTRODUCTION

2

Dans son ouvrage portant sur les règles du jeu politique, F. G. Bailey invitait de façon prosaïque tout férue de l'analyse politique à considérer la politique comme « un jeu de compétition »1. Cet appel, nonobstant sa trivialité, permet de mieux appréhender la politique et d'en saisir son fonctionnement.

La politique comme jeu de compétition a repris au Togo au début des années 1990 avec la libéralisation de l'espace politique consacrant ainsi le pluralisme politique. Cette ouverture de l'espace politique au Togo - comme ce fut le cas dans la plupart des pays africains - a été fortement impulsée par l'atmosphère socioéconomique et politique du moment. Le triomphe du libéralisme ainsi que la réhabilitation de la protection des droits de l'homme rendent de facto la communauté internationale responsable de leur sauvegarde à travers le monde et surtout dans les pays qui ont connu un passé peu friand de la démocratie2. Elle s'illustre ainsi dans les processus de transition amorcée, comme arbitre du jeu 3 et gardienne des principes démocratiques auxquels les pays sont désormais conviés bon an mal an.

En Afrique francophone, c'est le discours prononcé à la Baule le 20 juin 1990, lors de la 16? conférence des chefs d'Etat d'Afrique et de France par le Président français François Mitterrand, qui sera proprement, le point de départ de l'implication de la communauté internationale dans le fonctionnement institutionnel des pays de cette zone à travers la conditionnalité démocratique de l'aide publique au développement4. Depuis lors, la communauté internationale est devenue permanente sur la scène politique togolaise à travers des actes multiformes mais concrets. En effet, à la suite des violentes manifestations du 05 octobre 1990, la communauté internationale, après avoir condamné la répression qui en a découlé, supervisera le tout premier accord politique5 de la démocratisation devant déboucher sur la tenue de la Conférence Nationale. Deux (2) ans plus tard, à la suite de la répression sanglante des mouvements de grève générale et autres manifestations, la Communauté Européenne suspend la coopération avec le Togo et fait

1 F. G. BAILEY, les règles du jeu politiques, Paris, PUF, 1971, p. 13.

2 Préambule de la Charte des Nations Unies.

3 La communauté internationale est en réalité arbitre et gardien du respect des valeurs démocratiques.

4 T. KPOBIE, Action internationale en faveur de la démocratie au Togo, mémoire de DEA, Université

de Lomé, Togo, 2012. p. 4.

5 Il s'agit des accords de Colmar signés le 12 juin 1990, https://letogolais.com/article.html?nid, consulté

le 23 décembre 2018.

3

rapatrier plusieurs de ses fonctionnaires établis au Togo6. En 1998, l'Union Européenne dénonce les irrégularités de l'élection présidentielle qui sacre Gnassingbé Eyadema vainqueur au grand dam de l'opposition incarnée par Gilchrist Olympio. Dans son rapport intitulé « Le Règne de la terreur », Amnesty International dénonce des exécutions extrajudiciaires imputables au pouvoir de Lomé. A la mort d'Eyadema en 2005, l'armée en complicité avec le parlement érige Faure Gnassingbé, fils du Président défunt, à la tête du pays. La réaction une fois encore de la communauté internationale ne se fera pas attendre pour dénoncer ce qu'elle qualifie de « coup d'Etat constitutionnel ». Le 24 avril 2005, Faure Gnassingbé est élu à plus de 60,2 % des voix à l'issue d'un scrutin jugé « globalement satisfaisant » par la France et dénoncé par l'opposition togolaise. Dans la foulée des manifestations en contestation de cette élection, Amnesty International publie un rapport en juillet 2005 dénonçant « un scrutin entaché d'irrégularités et de graves violences » et reprochant les positions de la France de revêtir un caractère ambigu. Pour venir à bout de la crise née des faits sus-évoqués, la communauté internationale par le truchement du Président burkinabé Blaise Compaoré préside le dialogue inter-togolais qui débouche sur « l'accord politique global » le 26 août 20067. Aux législatives de 2007, la communauté internationale sera fortement représentée en vue d'authentifier ces élections qui étaient cruciales dans l'atmosphère délétère qui y régnait. Après un scrutin jugé unanimement, cette fois-ci, transparent par l'ensemble des observateurs présents, l'Union Européenne rétablit sa coopération avec le Togo, coopération suspendue en 1993 « en raison de l'incapacité de Lomé à mettre en oeuvre les réformes politiques souhaitées »8. Depuis ces épisodes jusqu'à la crise politique née le 19 août 2017, la communauté internationale s'est montrée au premier rang des évènements 9 ; en témoigne l'engagement de la CEDEAO par l'entremise des Présidents Alpha Condé et Nana Akoufo Ado, commis par l'organisation sous régionale pour la facilitation de ladite crise.

6 K. KOFFI, « Togo : les deux ruptures de la coopération (1993 et 1998) » in Afrique Contemporaine,

N° 189, 1er trimestre 1999, pp. 63-76.

7 Cet accord fixait les grandes lignes consensuellement adoptées pour une sortie définitive de la crise

notamment la mise en place d'un gouvernement d'union nationale devant organiser les élections législatives, ainsi que la réalisation des réformes constitutionnelles et institutionnelles.

8 L'Union Européenne reprend sa coopération avec le Togo, www.irinnews.org/fr/actualit%C3A9enne-

reprend-sa-cooperation-avec-le-togo, consulté le 30 décembre 2018.

9 Référence ici est faite aux différentes mesures d'accompagnement mis en place par le système des

Nations Unies, l'Allemagne et autres partenaires pour mettre en place les conditions optimales pour la tenue d'un scrutin transparent. Voir à cet effet François FARBEGAT, « Élection togolaises : falsification, rapport de forces et transition ? », https://blogs.mediapart.fr/François-farbegat/blog , consulté le 11 décembre 2018.

4

1. Justification du choix du sujet

Près de trois décennies de démocratisation après, la communauté internationale est plus que jamais présente sur la scène politique togolaise, adoptant des positions qui font rarement l'unanimité10 et faisant d'elle, peu s'en faut, un acteur à part entière du jeu politique. Au regard de tout cela, mener une réflexion sur « la communauté internationale dans le jeu politique togolais » nous semble une entreprise scientifiquement pertinente dans le contexte actuel de la vie politique au Togo et pour la science politique.

2. Définition des concepts

Dans le souci de lever tout équivoque sur les notions fondamentales du présent travail, une clarification conceptuelle s'avère fort utile. Ainsi choisissons-nous de mettre en lumière les notions de communauté internationale, et de jeu politique.

2.1. La communauté internationale

La communauté désigne selon Ferdinand Tönnies « une forme d'organisation sociale dans laquelle les individus sont liés entre eux par une solidarité naturelle ou spontanée et sont animés par des objectifs communs »11. Cela suppose un partage de sentiments subjectifs et affectifs de la part des membres et une certaine adhésion naturelle aux principes et valeurs cardinales qui fondent la solidarité qui règne au sein du groupe considéré. Transposée à l'échelle internationale, la notion de communauté se heurte tout naturellement à une difficulté majeure au regard de la nature même des relations internationales d'autant plus que l'homogénéité qui caractérise la notion de communauté, est la denrée qui manque le plus à l'international. En effet dans une approche strictement réaliste, l'intérêt égoïste des Etats est le seul moteur de leurs actions sur la scène internationale et non une solidarité spontanée12. C'est ce que soutiennent les réalistes d'orientation volontariste, comme D. Anzilotti, ou ceux d'orientation conservatrice, comme E. Kaufman, pour qui « ce type de communauté n'a jamais existé et d'ailleurs qu'elle n'existera jamais comme telle car la souveraineté des Etats constitue un fait

10 A. KPODAR, « La communauté internationale et le Togo : élément de réflexion sur l'extranéité de

l'ordre constitutionnel », Revue togolaise des sciences juridiques, 2011, pp. 38-44.

11 G. HERMET et Al., Dictionnaire de Science politique et des institutions politiques, 8ème édition, Armand Colin, 2015, p. 54.

12 Voir la théorie réaliste des relations internationales in D. BATTISTELLA, Théories des relations internationales, 5ème éd. Paris, Les Presse de Sciences Po, 2015, p. 47.

5

antinomique à la communauté » 13. Cette vision négatrice de l'universalisme à l'international, ne peut cependant pas occulter l'existence d'un minimum de valeurs construites autour des idées libérales (telles que la protection des droits fondamentaux des individus - liberté d'expression, d'opinion, de cultes, d'association etc....), et qui fondent la légitimité de toute action internationale. Plus concrètement, les ensembles régionaux à l'instar de l'Union Européenne, la CEDEAO et bien d'autres encore, reflètent aujourd'hui une certaine homogénéité et une véritable solidarité entre les membres ; ce qui permet « d'envisager, dans une perspective normative cette fois-ci, l'existence d'une communauté internationale comme horizon kantien »14 . À cet effet, nous choisissons subjectivement, dans le cadre du présent travail, de nous allier à ceux qui soutiennent l'existence d'une communauté à l'internationale considérée comme « un ensemble très universel incluant en son sein les Etats, les organisations internationales à vocation universelle, les particuliers et l'opinion publique internationale »15. Ainsi, allons-nous usiter « communauté internationale » comme une prénotion au sens durkheimien du terme 16 dans cette entreprise de recherche. Quid du « jeu politique » ?

2.2. Le jeu politique.

Examinons avant tout ' jeu'' et 'politique'' séparément avant de les appréhender ensemble.

Le jeu désigne selon le Grand Robert de la langue française, « une activité physique ou mentale, gratuite, généralement fondé sur la fiction, qui n'a dans la conscience de la personne qui s'y livre, d'autres fin qu'elle-même, et le plaisir qu'elle procure ». Plus largement, il renvoie à une activité avec des règles, exercée seul ou en groupe dans un but de divertissement. Dans une perspective utilitariste, le jeu renvoie à une compétition autour d'un ou plusieurs enjeux à rentabiliser. Dans cette logique Eber dira que « le jeu est une interaction stratégique entre acteurs, le choix de l'un influençant la situation de l'autre »17.

13 E. JOUANET, « La communauté internationale vue par les juristes », Annuaire Français de Relations Internationale AFRI, Bruxelles, Volume VI, Bruylant, p. 5.

14 D. BATTISTELLA et al. Dictionnaire des relations internationales, Paris, 3e éd. Dalloz, 2012, p.

15 J. SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 205.

16 Une prénotion est pour E. Durkheim une notion forgée par la pratique et pour elle.

17 N. EBER, Théorie des jeux, Dunod 4ème éd., Paris, 2004, p. 128.

6

'La politique'' employée comme substantif désigne quant à elle l'espace symbolique de compétition entre les candidats à la représentation du peuple18. Comme adjectif, il est fait allusion à « une activité spécialisée de représentants ou de dirigeants d'une collectivité publique, et tout particulièrement, de l'Etat »19.

Le rapprochement entre 'jeu'' et 'politique'' peut sembler dénudé de tout sens lorsqu'on sait par définition que le premier est futile alors que le second relève de ce qu'on peut qualifier d'« affaire sérieuse » 20. Mais ce paradoxe ne peut résister longtemps au regard du caractère compétitif, constituant le trait d'union entre ces deux (2) notions et qui permet de considérer la politique comme un jeu. Le jeu politique est donc « un vaste jeu social qui se déploie dans le champ politique » 21 qui lui, est « le lieu où s'engendrent, dans la concurrence entre les agents qui s'y trouvent engagés, des produits politiques, problèmes, programmes, analyses, commentaires, concepts, évènements, entre lesquels les citoyens ordinaires réduits au statut de `'consommateurs», doivent choisir f...] »22.

3- Problématique et hypothèses

S'il est admis que le jeu politique « est un vaste jeu social qui se déploie dans le champ politique »23, il faut reconnaitre que ce jeu reste perceptible à tous les niveaux d'organisation sociale. Ainsi, à chaque échelon politique correspond un échiquier relativement circonscrit. D'abord, autour des collectivités territoriales, se déploie un jeu politique infranational qui se joue entre les acteurs locaux ; ensuite vient le jeu politique national, qui correspond à la compétition entre acteurs sociaux et politiques pour le contrôle des institutions Etatiques ; et enfin l'échiquier international qui renvoie aux rapports entre Etats. Seulement, il s'avère que depuis l'amorce du processus de démocratisation au Togo, la communauté internationale y est permanemment présente et s'apparente quasiment à un acteur à part entière du jeu politique national. Comment

18 La politique s'entend aussi comme une activité spécialisée ou l'application de cette activité à un objet particulier (la politique de la santé, du logement...). Voir pour ces définitions P. Braud, Sociologie politique, 8ème édition, LGDJ.

19 ibid

20 F.G. BAILEY, Les règles du jeu politique, op. cit.

21 Cours de stratégie politique : le jeu politique, https://ecrirelaregledujeu.fr/jeu-politique/ , consulté le 22

décembre 2018.

22 P. BOURDIEU, La représentation politique. Éléments pour une théorie du champs politique, cité par P. FRITSCH in P. BOURDIEU, Propos sur le champ politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000, p. 15

23 Ibid.

7

comprendre alors le positionnement de la communauté internationale sur l'échiquier politique togolais ? Voilà la question principale qui nous servira de fil d'Ariane tout au long du présent travail. De cette question principale, émergent spécifiquement deux (2) interrogations non moins importantes :

Qu'est-ce qui explique l'immixtion de la communauté internationale dans le jeu politique togolais ?

Quelles en sont les conséquences ?

Pour répondre à ces questions nous postulons principalement que l'implication de la communauté internationale dans le jeu politique togolais est fondée essentiellement sur les calculs stratégiques des acteurs en présence.

La première hypothèse spécifique que nous formulons c'est que la permanence de la communauté internationale dans le jeu politique togolais s'explique doublement par la volonté de celle-ci de défendre ses intérêts, mais aussi par les sollicitations des acteurs de l'arène politique togolaise.

Deuxièmement, nous soutenons que le positionnement de la communauté internationale sur l'échiquier politique togolais fait émerger des enjeux stratégiques polarisés.

4- Objectifs de la recherche

La présente recherche repose sur deux (2) objectifs fondamentaux :

Il s'agit en premier chef de comprendre les raisons sociologiques qui expliquent la présence active de la communauté internationale dans le jeu politique national. Ainsi, le travail ne sera pas abordé autour des questions classiques du droit international telles la souveraineté internationale de l'Etat, le droit d'ingérence etc. ; il sera plutôt traiter de façon pragmatique à la lumière des éléments factuels découlant du jeu et des stratégies des acteurs en présence. Néanmoins nous n'excluons pas d'avoir recours quelques fois à ces concepts plus juridiques que politistes lorsque les circonstances l'exigent.

Deuxièmement, il s'agit de dresser le bilan de l'intervention de la communauté internationale dans la vie politique togolaise et d'en tirer les leçons pour consolider les acquis démocratiques et renforcer la paix au Togo.

8

5. Intérêt de la recherche

Réfléchir sur la communauté internationale dans le jeu politique togolais revient à poser un problème actuel du fait de la récurrence cyclique des évènements politiques qui y ont cours. Ainsi, l'intérêt d'un tel sujet est double et se décline aux plans théorique et pratique.

Sur le plan théorique, il invite à réexaminer les liens étroits entre l'international et le national dans une perspective systémique cette fois-ci. Il se propose ainsi de sortir des sentiers classiques forger autour des notions de souveraineté et autres concepts longtemps discutés en droit international, pour questionner les stratégies de lutte entre acteurs du jeu politique pour le contrôle des institutions.

Au plan pratique, le présent travail sera une contribution notoire pour l'affirmation de la science politique dans l'appréhension des phénomènes politiques. Ainsi en plus de répondre aux exigences académiques de présentation d'un mémoire en fin de parcours master, la réflexion sur « la communauté internationale dans le jeu politique togolais » ambitionne d'offrir une grille de lecture plus ou moins complète de compréhension du débat politique tel qu'il se déroule au Togo.

6. Techniques de collecte et de traitement des données

Les exigences de scientificité nous astreignent à une collecte et à un traitement méthodique des données qui entreront dans la constitution du présent édifice intellectuel. Nous choisissons à cet effet d'utiliser la méthode qualitative. Cette méthode a le mérite d'insister sur la nature dynamique, construite et évolutive de la réalité sociale. Elle insiste sur les croyances, les valeurs, les représentations, les concepts développés par les acteurs participant à cette réalité. Dans le cadre de notre travail, la méthode qualitative nous permettra à travers une approche strictement sociologique, de comprendre les motivations des actions des uns et des autres afin de mieux structurer l'analyse des conséquences qui en découlent.

Comme techniques de collecte de données, nous utiliserons l'analyse documentaire.

On appelle interview un rapport oral, en tête-à-tête entre deux personnes dont l'une transmet à l'autre des informations sur un sujet prédéterminé. Cette technique de collecte de données sera donc usitée auprès des personnes ressources notamment les hommes politiques, les fonctionnaires internationaux en fonction ou ayant servi au Togo et autres pouvant fournir des informations de première main fort utiles.

9

L'analyse documentaire consiste à exploiter et à analyser la littérature existante sur le sujet, objet du présent travail de recherche. Ainsi sera mis à contribution l'essentiel de la documentation disponible sur notre sujet de mémoire dans toutes ses composantes. Nous exploiterons pour ce faire, les sources primaires (les articles de presse, les entretiens ...) ; ainsi que les sources secondaires constituées elles, de l'ensemble des documents produits après, sur la politique au Togo. Mettant également à contribution les TIC, nous ferons usage de l'internet dans la collecte des données utiles au présent édifice.

7- Cadre théorique de référence

Du fait des exigences de scientificité, le sujet objet de la présente recherche ne peut être saisi qu'à travers le prisme de théorie(s) qui est « un regard construit, sachant organiser des phénomènes à première vue épars »24. Ainsi allons-nous mettre à contribution deux (2) théories en science politique, devant nous permettre de mieux mener notre entreprise de recherche. Il s'agit de la théorie des jeux et celle du marché politique.

« La théorie des jeux est un ensemble d'outils analytiques qui ont été développés pour faciliter la compréhension des situations d'interaction entre des décideurs (agents, joueurs) rationnels »25. Cette théorie postule un certain nombre de caractères reconnus aux joueurs dont :

? La rationalité des décideurs qui poursuivent des objectifs exogènes et indépendants ;

? Leur prise en compte de la connaissance qu'ils ont ou des anticipations qu'ils font du comportement des autres.

Cette théorie en rapport avec nos hypothèses permettra de mettre en lumière et de mieux interpréter les différente stratégies et prises de positions des acteurs en présence.

La deuxième théorie est celle du marché politique qui invite constamment à considérer le champ politique comme un marché où s'affrontent l'offre (proposée par les entrepreneurs politiques) et la demande constituée des attentes sociales. À l'image d'un véritable marché, les producteurs y sont les hommes politiques et les acheteurs les électeurs. Contre les votes des seconds, les premiers échangent des promesses électorales

24 LAVERGUAS, cité par DÉPLETEAU, 2003, p. 131 in cours de méthodologie en science sociale

25 M. YILDIZOGLU, Introduction à la théorie des jeux, Col. Eco Sup, 2003, p. 17.

dans les domaines spécifiques. Jean-Jacques Rossa défini ainsi le marché politique comme « le marché où s'échangent des votes contre les promesses d'intervention publique »26.

La théorie du marché politique nous servira à démontrer comment les acteurs de la scène politique togolaise à travers leurs discours et autres moyens oeuvrent en vue de retenir l'attention et tirer meilleur partie du jeu.

A l'évidence, l'implication de la communauté internationale dans le jeu politique togolais fait émerger des enjeux polarisés (2ème partie) ; mais il convient d'abord et avant tout, de scruter les causes profondes de cette implication (1ère partie).

10

26 Marché Politique, www.wikiberal.org, consulté le 28 avril 2019.

11

PARTIE I.

LA DUALITÉ DES CAUSES DE L'IMPLICATION DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

12

« Adulée, encensée, refuge ou dernier rempart d'une opposition en quête de l'alternance, mais aussi incomprise et critiquée, courtisée par le pouvoir en place à travers des politiques de séduction, la communauté internationale jouit d'une réelle célébrité »27 sur la scène politique togolaise. Cette célébrité tient en sa présence dans le jeu politique et du rôle actif qu'elle a dorénavant coutume de jouer dans tous les grands rendez-vous politiques du pays. En effet, la décennie 1990 a été pour le Togo, une période particulièrement trouble, avec des mutations majeures aux plans politique, social, et économique. Ainsi, du fait des idéaux dont elle est porteur, la communauté internationale va occuper une place de choix dans la configuration des rapports de force du jeu politique. Mais il convient de souligner qu'en plus de l'influence des conditions liées à l'atmosphère internationale du moment (Chapitre II), les forces endogènes vont contribuer significativement à l'implication de la communauté internationale dans l'arène politique togolaise (Chapitre I).

27 A. KPODAR, « La communauté internationale et le Togo : élément de réflexion sur l'extranéité de l'ordre constitutionnel », Op cit.

13

CHAPITRE I.

LA DYNAMIQUE DES FORCES ENDOGÈNES

Dans l'euphorie des événements du début de la décennie 1990 marquant la fin du communisme et le triomphe des idées libérales, la soif de la démocratie longtemps éprouvée par les forces politiques au Togo tapies dans l'ombre, trouve un terreau favorable pour son assouvissement. Les références à la communauté internationale dans la nouvelle configuration politique se font jour et prennent des formes diverses. Mais il faut reconnaître qu'il était devenu quasi impossible d'avancer dans le tout nouveau processus de démocratisation ainsi amorcée sans cette communauté internationale, bref sans compter avec elle28. Ainsi, que ce soit directement à travers les discours politiques (section II), ou indirectement à travers les mouvements sociaux (section I), la communauté internationale sera convié à prendre une part active dans la vie politique togolaise.

SECTION I. L'USAGE DES MANOEUVRES INDIRECTES : LES MOUVEMENTS SOCIAUX DANS UNE LOGIQUE CONTESTATAIRE MANIFESTE

Avant le coup d'envoi à la libéralisation donné par la chute du mur de Berlin, les conditions d'implosions se mettaient progressivement en place au sein même des pays encore sous le joug des dictatures et ceux d'obédience communiste29. Ainsi, si l'on peut admettre que la transition démocratique s'est bouclée pour certains pays avec la décennie 1990, tout porte à croire qu'elle est encore d'actualité dans d'autres pays30. Au Togo, ce sont des mobilisations tous azimuts en contestation du régime que l'on a pu constater, appelant de manière à peine voilée le soutien de la communauté internationale contre ce que certains médias qualifient péjorativement de « curiosité dans la sous-région ». Ainsi, des évènements tumultueux de 1990 à la crise politique qui a connu - sous réserve - son épilogue le 20 décembre 2018, des actions multiformes se sont multipliées dans les rangs de l'opposition politique togolaise portant à la face du monde les luttes intestines qui ont

28 Le monde étant devenu un village planétaire caractérisé par un foisonnement des relations entre acteurs de la scène internationale.

29 Référence faites aux Pays de l'Europe Centrale et Orientale (PECO) et à certains pays africains comme le Bénin.

30 J. WEKO, Les transitions démocratiques au Togo et au Bénin : Dynamique et Mimétisme, mémoire en vue de l'obtention du grade de master II Etude politique, Université Paris II Panthéon-Assas, 2018, 103p.

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cours dans le pays. Cette internationalisation des tensions internes (Paragraphe I) a eu pour vecteur les médias (Paragraphe II) qui eux, se sont montrés plus expressifs dans l'invitation de la communauté internationale dans le jeu politique togolais.

§ 1. L'INTERNATIONALISATION DES TENSIONS INTERNES

L'internationalisation renvoie aux mécanismes ou processus d'interpellation de la communauté internationale sur des aspects relevant originellement de l'interne. Dans le cas togolais, cette internationalisation s'est faite aussi bien par les togolais en interne (I) et ceux de la diaspora (II).

A. L'action in situ

« Si le discours de la Baule de juin 1990 qui posait le principe de la conditionnalité démocratique a été postérieur aux revendications démocratiques dans certains pays africains (le Bénin par exemple), dans d'autres en revanche il a servi de catalyseur » 31. En effet dès octobre 1990 32 (le 05 pour être précis), des centaines de togolais descendaient dans les rues de Lomé pour dénoncer « l'absence de mode d'expression politique et la fermeture du régime de parti unique ». Il s'agit de la première grande manifestation jamais enregistrée sous la dictature de GNASSINGBE Eyadema président depuis 1963. La réaction du pouvoir face à ce qu'elle considérait comme un acte insidieux ne se fera pas attendre. Une répression sanglante fut en effet opposée à cet évènement inédit sous la dictature. « Misant toujours sur la soumission et la docilité des togolais prêt à tout encaisser sans réagir, les forces de l'ordre se sont une fois encore opposer aux aspirations du peuple et ce fut le chao » 33. Le bilan officiel faisait Etat de quatre (4) morts, trente - quatre (34) blessés dont deux (2) graves ; vingt - six (26) véhicules brûlés, six (6) postes de commissariats incendiés ou saccagés 34.

31 J. R. HHEILBRUNN et C. M. TOULABOR, « Une si petite démocratie pour le Togo ... » Politique africaine, 1995, pp.85-100

32 Il s'agit en effet de la date du procès de LOGO Dossouvi et de DOGLO Agbelenko. Les deux (2) hommes avaient été interpelés pour avoir produit et distribué des tracts anti régime. Malgré la décision de leurs libérations pour apaiser la tension soutenue par des centaines de supporteurs, il naquit la première grande manifestation démocratique de l'histoire du Togo. Cette manifestation, nonobstant la farouche répression dont elle a été l'objet, ouvrait la voie d'une ère nouvelle, d'un Togo nouveau las de la dictature du parti unique. Voir « d'un procès ... à des émeutes sanglantes » in ATOPANI EXPRESS, premier hebdomadaire privé togolais n° 10 du 17 octobre 1990

33 ATOPANI EXPRESS N° 10, du 17 octobre 1990.

34 ATOPANI EXPRESS, Op cit.

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Les manifestations suivies de violentes répressions 35 vont se poursuivre dans le «nouveau» Togo avant et après la mise en place de structures politiques formelles d'opposition et cela, sous le regard du monde en pleine mutation. Les actions en contestation du régime se multiplient et prennent diverses formes. Ainsi, de la grande manifestation du 05 octobre 1990 à la Conférence Nationale (du 08 juillet au 28 août 1992) en passant par la grève des chauffeurs 36 du 26 novembre 1990, les togolais manifestent ouvertement leur soif de la libéralisation de leur espace public et savent trouver en la communauté internationale un allié sûr. Aussi sera-t-elle présente dans la plupart des accords politique conclus entre acteurs politique togolais si elle n'en est pas l'initiatrice37. Mieux, on pourrait dire que la communauté internationale manifeste toujours un intérêt toutes les fois que survient au Togo une crise politique. En fait il ne pouvait en être autrement car la déchéance du communisme avec la fin de la guerre froide, a emporté celle de tout autre régime ou système politique méconnaissant un certain nombre de principes démocratiques tels les droits de l'homme, la liberté d'expression et d'association, le pluralisme politique etc. Or telles sont essentiellement ce que vont réclamer les togolais à l'entame de la démocratisation. En effet, après la Conférence Nationale qui a connu une forte implication de la France 38, les chefs des diplomaties française et allemande vont atterrir au Togo le 25 janvier 1993 pour tenter une médiation entre le pouvoir de Lomé et son opposition à la suite de la grève illimitée décrétée par celle-ci pour faire infléchir Eyadema dans son obstination de l'ouverture politique à demi-teinte. La France et l'Allemagne poursuivront les tractations avec la classe politique togolaise et parviendront le 08 février 1993 à Colmar, à conclure un accord entre la mouvance présidentielle et les leaders démocratiques. Malheureusement cet accord sera violé. Ce qui dans l'indignation totale va amener la France à rompre sa coopération avec le Togo après l'Allemagne qui l'avait fait aux lendemains des coups de feu de l'assaut contre le siège de la primature, fin 1991.

35 Le 26 novembre 1990, à la suite d'une grève suivie d'une manifestation organisée par les usagers du transport routier, l'armée inflige une sévère répression faisant des blessés graves et des morts. Voir « le Togo est paralysé, l'armée frappe et tue » in ATOPANI EXPRESS N° 15 du 29 Novembre 1990.

36 Il s'agit d'une grève organisée par les syndicats des chauffeurs à la suite de l'instauration du permis professionnel obligatoire et qui eut un coup sur l'ordre. Cf.

37 ATOPANI EXPRESS, N° 15, du 7 Décembre 1990.

38 « L'ambassadeur de France a signé son entrée spectaculaire dans le processus démocratique en allant arracher des mains dEyadéma les accords du 12 juin 1991 qui ont mené à la Conférence Nationale ».

J. R. HHEILBRUNN et C. M. TOULABOR, Une si petite démocratie pour le Togo, ibid. Voir aussi

K. KOFFI, « Togo : les deux ruptures de ; la coopération (1993 et 1998) », ibid.

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Les actions indirectes sollicitant l'intervention de la communauté internationale vont se poursuivre tant les conditions de la mise en place d'une véritable démocratie au Togo demeuraient un chantier encore très vaste. C'est en 2005, à la suite de ce que nombre d'analyste ont appelé « coup d'Etat constitutionnel » qu'on a encore vu les appels à la rescousse à peine voilés de l'opposition ainsi que certaines organisation de la société civile à l'endroit de la communauté internationale. En effet, à la mort du Président Eyadema, lorsque l'armée décide d'instituer Faure Gnassingbé son fils en succession, des mobilisations multiformes se sont mis en place pour dénoncer ce retour à l'ère de la dictature. Ainsi, le 27 février 2005, les femmes de Lomé ont défilé par milliers pour dénoncer « le coup d'Etat monarchique du clan GNASSINGBE » 39. En réaction aux actions de contestation du pouvoir de Faure Gnassingbé, les militaires vont se livrer à des actes de violence allant des places de manifestations à la violation des domiciles40. Face à cette recrudescence de violence et de violations des droits de l'homme, la réaction de la communauté internationale apparaît sans appel. La Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), L'Union Africaine, L'Union Européenne et même les Etats-Unis d'Amérique exigent le retour à l'ordre constitutionnel. Des sanctions allant des restrictions de déplacements, la rupture des relations diplomatiques aux sanctions économique fusent de partout41. Cette intervention des institutions internationales feront fléchir le pouvoir de Lomé à organiser des élections proprement dites qui porteront légalement cette fois-ci Faure Gnassingbe au pouvoir.

Les dernières actions en sollicitations indirecte que l'on a enregistrées, sont celles survenues dans la crise politique d'août 2017. De même nature que les précédentes, les togolais demandent la mise en oeuvre des réformes politiques permettant l'instauration d'un système politique aux relents démocratiques. Toutefois il faut dire que dans la parenthèse 2005- 2017, la communauté internationale a répondu présente dans les différentes tensions opposant le pouvoir et l'opposition togolaise. Si en interne les actions se sont multipliées pour une intervention de la communauté internationale dans le jeu politique du pays, les togolais vivant à l'extérieur y ont également contribué.

39 « Dictature héréditaire », www.ufctogo.com , consulté le 24/03/2019 à 09H07

40 Les 27, 28 février, 1er, 2 et 3 mars 2005, des militaires ont pénétré dans des maisons du quartier Bè de Lomé et s'y sont adonnés à des violences s'apparentant à des traitements inhumains, cruels et dégradants : assassinats, viols, actes de torture et arrestations arbitraires ont été recensés tout au long du mois de février 2005, « Dictature héréditaire » idem.

41 G. DUPONT, « Togo, la CEDEAO passe aux sanctions », article publié le 20/02/2005 et mis à jour le 21/02/ 2005. www.rfi.fr/actufr/articles 34190.asp consulté le 24/03/2019 à 09H50

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B. L'action ex situ

Les actions externes en faveur de l'intervention de la communauté internationale se résument à celles de la diaspora togolaise et de ses soutiens. La diaspora togolaise, timide à l'origine dans les affaires politiques de leur pays, a progressivement pris position et démontre depuis un moment un franc engagement qui oblige à compter dorénavant avec elle. La diaspora togolaise faut - il le rappeler est un échantillon, une représentation ou si l'on préfère, une image symétrique de la population togolaise interne, projetée à l'extérieur du Togo. Ainsi peut-on dire qu'elle est plurielle. On peut y voir celle qui est favorable au pouvoir, lui apportant un soutien manifeste et celle qui lui est hostile. Mais les actions à portée retentissante qui présentent une nature ostentatoire et interpellant directement la communauté internationale sont celle provenant de la diaspora réfractaire au pouvoir de Lomé42.

L'une des premières situations des togolais de l'extérieur, à forte résonnance a été les migrations massives vers les pays du voisinage immédiat du Togo et dans le reste du monde à la suite d'évènements politiques, susceptibles de menacer leur quiétude. Ainsi, de la nécessité de gérer ce flux de réfugiés et considérant la nature transnationale des conséquences des conflits internes43, il devient impérieux pour les pays d'accueil pris individuellement 44 ou au sein des organisations internationale d'apporter des réponses pertinentes à ce phénomène. Si cette sollicitation d'intervention de la communauté internationale est toute passive, la diaspora togolaise, quelques fois met en oeuvre des actes plus offensifs, indexant directement les acteurs internationaux soit en appui, soit en contestation de leurs positions dans les différentes crises politiques qu'a connues le Togo. En effet, en Juillet 2018 s'est tenu un « Forum de la diaspora Togolaise d'Allemagne » pour (disent les concernés) « que d'autres ne parlent pas en leurs nom sans leur avis, et pour peser de leurs poids dans les décisions à venir pour la vie de leur nation commune » 45. Ce forum a accouché d'une « lettre ouverte à l'adresse des facilitateurs de

42 En témoigne les différentes dénominations que prennent ces mouvements. On y voir par exemple : le mouvement citoyen Collectif pour la Vérité des Urnes (CVU) etc.

43 Préambule du protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement de Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité de décembre 1999. Voir aussi « l'instabilité au Togo pourrait avoir des conséquences régionale, s'inquiètent Buhari et Ouattara » in LIBERTE, quotidien privé togolais /N°2570 du vendredi 1er décembre 2017.

44 Selon la Mission d'Etablissement des Faits de l'ONU dans la crise de 2005, il y a eu en plus des morts et des blessés, 30 000 réfugiés.

45 www.27avril.com , consulté le 16/03/2019 à 08H13.

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la CEDEAO pour une sortie pacifique et durable de la crise togolaise » 46. Un autre mouvement est le Collectif pour la Vérité des Urnes Togo - Diaspora (CVU Togo - Diaspora). Il s'agit d'un mouvement plus acerbe au regard de ses publications. Ainsi peut-on lire des articles comme celui d'Antoine Randolph intitulé « le camouflet du peuple togolais à la dictature et ses soutien extérieurs »47. Dans cet article, l'auteur fustige sans ambage la communauté internationale pour son rôle dans l'élection du 20 décembre 2018. « Aujourd'hui, que vont faire les soutiens étrangers à la dictature ? S'interroge-t- il. Vont-ils reconnaitre les faux résultats que la dictature va proclamer ? Vont-ils agir maintenant à visage découvert ou continueront-ils à se cacher derrière la CEDEAO, institution servile et discréditée, plongée dans ses basses oeuvres syndicales de soutien aux tyrans en difficulté, en perdition »48. Plus loin, le même traitement est infligé à la CEDEAO par Yves Ekoué Amaïzo, accusant l'institution sous régionale d'être « restée sourde, muette et aveugle »49 vis-à-vis des peines vécues des togolais. Se faisant, elle s'est rendue « ennemie du peuple togolais »50. En marge des actions qui sont pour l'essentiel cognitives, une partie de la diaspora togolaise a exprimé son interpellation de la communauté internationale devant les ambassades du Togo à travers le monde. Ainsi a-t-il été le cas en France, en Allemagne, aux Etats Unis et dans bien d'autre pays encore, demandant soit la mise en oeuvre des réformes politiques et institutionnelles, si ce n'est l'appui pour la démission systématique de l'actuel Président de la République. C'est dans la crise politique de 2017 que cette situation a été plus patente.

L'analyse des prises de position de la diaspora amène à présumer que dans sa majorité, elle est composée des « antisystèmes » ou tout au moins, les réfractaires au pouvoir de Lomé ne sont pas moins importants. Cela s'explique fondamentalement par la masse importante de la population contrainte à l'exil (pour des raisons - pour l'essentiel - politiques51), ou au refuge. Pour cette diaspora, la communauté internationale a un grand

46 Idem.

47 A. RANDOLPHE, « le camouflet du peuple togolais à la dictature et ses soutien extérieurs »,

www.cvu-togo-diaspora.org , consulté le 12 février 2019 à 14h20.

48 Idem.

49 Y. EKOUÉ AMAÏZO, « Insurection et Conférence inclusive au Togo en 2019 : le recours en dernier ressort ! », www.cvu-togo-diaspora.org, consulté le 12 février 2019 à 14h40. .

50 Idem.

51 On peut citer en exemple l'ancien militaire exilé en France, devenue avocat Me François BOKO, qui a fait le tour de la plupart des grandes puissances pour annoncer son retour au pays. Visiblement les sujets de discussion ne pouvaient tourner qu'autour de la vie politique au Togo.

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rôle à jouer dans le jeu politique togolais. Et pour certains ténors comme Kodjo EPOU, « la CEDEAO, la Francophonie, l'UA, l'UE, l'ONU, les amis du Togo, s'ils veulent aider » doivent d'abord se rendre à l'évidence que « le peuple meurtri du Togo a un agenda difficile à négocier. C'est Faure Gnassingbé qu'ils doivent amener à la raison »52. En stratégie politique, on peut penser à de la surenchère visant tout simplement à contraindre la communauté internationale à reconsidérer son offre dans son intervention dans le jeu politique au Togo. Donc l'hostilité, la récusation et autres actes de rejet ne sont que des moyens pour attirer le regard de la communauté internationale sur ce qui se passe au Togo ou mieux encore de susciter sa sympathie sur les préoccupations des contestataires du pouvoir.

Divers acteurs sont impliqués dans ce qui peut être considérés comme vecteurs de l'implication de la communauté internationale dans la vie politique togolaise. Ainsi importe-t- il de mettre en lumière le rôle joué par les autres acteurs sociaux qui ont également pris une part active dans le jeu politique au Togo.

§ 2. LE RÔLE DES AUTRES ACTEURS SOCIAUX

La communauté internationale a fait l'objet de sollicitations à peine voilées dans la vie politique du Togo par des acteurs sociaux autres que les manifestants togolais in situ ou ex situ. Parmi ces acteurs, les médias (A) et les organisations de défense des droits de l'homme (B), méritent un coup de projecteur.

A. L'action des médias

« La démocratisation des Etats africains a été, pour une part essentielle, l'oeuvre des médias. C'est lorsque journaux et radios indépendants ont connu le développement spectaculaire qui a été le leur que la marche vers des sociétés ouvertes, pluraliste, a été enclenchée : les médias ont obligé les pouvoirs à fonctionner sous le regard et la surveillance du public, en même temps qu'ils ont donné à entendre des voix dissidentes, des démarches alternatives »53.

52 K. EPOU, « Chronique de Kodjo EPOU : des dialogues, les Togolais en ont marre I », www.27avril.com , consulté le 22/02/2019 à 16 h 20.

53 T. PERRET, « Les médias et la «mesure» de la démocratie. Entretien avec Souleymane Bachir Diagne », Africultures, n° 71, 2007/2, pp.30-32, www.cairn.info/revue-africultures-2007-2-page-30.htm.

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Ce constat implacable de Souleymane Bachir Diagne trouve également sa justification au Togo. En effet, les médias ont été aux avant-postes dans la lutte pour la démocratisation du pays. S'agissant de leurs rôle dans l'implication de la communauté internationale, ils se sont illustrés à travers leurs « unes 54 » poignantes qui ne peuvent laisser indifférent ; ainsi que par leurs développements quelques fois empreints de subjectivité manifeste. S'agissant des unes, elles sont la vitrine centrale qui donne sur les altercations politiques internes. Ainsi, l'on se souvient du rôle des médias surtout de la presse écrite privée dans les évènements du 05 octobre 1990, marquant de facto la rupture d'avec l'ordre ancien. Ainsi pouvait - on lire en « une » de ATOPANI Express N° 10 du 17 octobre 1990 la mention suivante : « d'un procès ... à des émeutes sanglantes ». L'utilisation de l'adjectif « Sanglant » suffit à lui tout seul pour attirer l'attention et susciter des réactions internationales dans le contexte international du triomphe des idées libérales avec leur corolaire de la protection des droits de l'homme. Prenant exemple sur la guerre du Biafra où l'emploi du mot « Génocide » par les journaux français a permis de justifier et de légitimer l'intervention de la France dans cette guerre, on peut présumer de la portée des mots usités par les journalistes. Plus loin encore on pouvait lire à la une du même journal : « le Togo est paralysé, l'armée frappe et tue » 55 ou ailleurs encore « Demain la guerre civile »56. Toutes ces situations amèneront la communauté européenne à faire une déclaration aux allures d'une réponse à l'appel des acteurs de la vie politique togolaise. Ainsi pouvait-on lire dans les colonnes de Atopani Express que les différentes rencontres entre les ambassadeurs des pays membres de la communauté européenne avaient pour but « d'exprimer l'inquiétude de la communauté face au climat de violence et aux obstacles qui entravent le dialogue démocratique »57.

Toutefois, il faut préciser que l'action des médias dans la sollicitation de la communauté internationale peut prendre une forme plus ouverte allant de la critique envers l'inaction de celle-ci face à certaines situations frisant l'ignominie, à la demande pure et simple de son intervention dans le jeu politique. Le traitement de l'information au lendemain de la crise d'août 2017 offre de nombreuses illustrations. En effet, sur la « une » du journal LE TRIANGLE DES ENJEUX N°373 du 30 août 2017 on peut lire « Regain de tension au

54 Entendue première page d'un journal.

55 ATOPANI EXPRESS N° 15 du 7décembre 1990.

56 Ibid, N° 37 du 15 mai 1991

57 « Communiqué des Représentants de la Communauté Européenne », in ATOPANI EXPRESS N° 170 du 14 Juillet 1992

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Togo : le Ghana indexé, Atchadam introuvable ». Liberté 58 dira dans sa une N° 2580 du 15 décembre 2017 que « les populations lancent un cri de coeur aux Chefs d'Etat de la CEDEAO. Le Togo est une inacceptable anomalie politique et il convient d'y mettre fin ».

Somme toute, il faut reconnaitre que depuis l'entame de la démocratisation au Togo, les médias ont assumé pleinement leur rôle d'information de l'opinion et de lanceur d'alerte contre les velléités dictatoriales du pouvoir et les reliques d'autres pratiques déniant la démocratie au sens libéral du terme 59. Se faisant, ils ont peu ou prou mis à contribution la communauté internationale à travers les sollicitations ouvertes ou à travers les analyses critiques qu'ils font des actions et inactions de cette dernière. Parallèlement aux actions des médias en faveur de l'implication de la communauté internationale dans le jeu politique au Togo, les organisations de la société civile y ont oeuvré de leur côté pour la même fin.

B. L'action des organismes de la société civile (OSC)

Dans l'euphorie du pluralisme politique survenue avec la démocratisation de l'espace publique et politique au Togo, nombre d'associations et organismes militant en faveur de plus d'ouverture virent le jour. L'une des plus importantes de l'époque fut le FAR (Front des Association pour le Renouveau) composée de la plupart de ceux-là qui vont animer plus tard la vie politique du Togo. Toutefois l'action du FAR dans l'implication de la communauté internationale reste de moindre importance.

Ce sont plutôt les actions d'organismes comme la Ligue Togolaise des Droits de L'homme créé en 1990 qui, sans ambages, ont adressé des sollicitations à la communauté internationale à travers leurs rapports sur la situation des droits de l'homme au Togo. La LTDH dans la défense des droits de l'homme est intervenue depuis lors sur l'Etat des droits de l'homme au Togo. Dans la crise politique née en août 2017, la ligue s'est illustrée clairement à travers son rapport rendu public le 30 juillet 2018 où elle présente la situation des droits de l'homme dans ladite crise et tire la sonnette d'alarme en situant les responsabilités des différents acteurs de la vie politique incluant vraisemblablement la

58 Liberté, quotidien privé togolais.

59 Même s'il faut reconnaitre que ces médias ont quelques fois versé dans la déviance et dans le manque de professionnalisme. Voir R. T. DANOUÉ « La libéralisation des médias en Afrique : Controverses et réalités au Togo », in Mosaïque, n°8, Lomé, 2008, pp. 125-150.

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communauté internationale60. Sur cette dernière on peut lire en substance : « A l'endroit des organisations onusiennes et de la communauté internationale, la LTDE les prie de coordonner les actions et activités des ONG qui conduisent des enquêtes pour éviter la multiplicité et faire en sorte que les actions humanitaires soient ciblées et prendre en compte les victimes recensées [...] et d'encourager les autorités gouvernementales à trouver des solutions durables aux problèmes récurrents à l'origine de la crise togolaise ». Ce rapport dans son adresse, soutient clairement qu'il est du devoir de la communauté internationale d'intervenir au Togo au nom de la responsabilité internationale tant la situation sociopolitique l'exigeait également.

Parallèlement à la LTDH, les actions d'Amnesty International ont également contribué à mettre en lumière les conséquences des crises politiques sur l'Etat des droits de l'homme au Togo implorant par ricochet des actions de la communauté internationale. Ainsi, dans son rapport 2017/18, l'organisation de défense des droits de l'homme déclare en gros titre : « Les autorités continuent de restreindre le droit à la liberté d'expression et d'association au cours des manifestations de masse, organisée par les groupes de l'opposition. Les forces de sécurité font excessivement usage de la force contre les manifestants avec au moins 11 personnes tuées dans les manifestations. Les arrestations et détentions arbitraires, la torture et autres maltraitances, ainsi que l'impunité face à la violation des droits de l'homme persistent ». Disons que les rapports antérieurs de cette organisation de la société civile ne présentent pas eux aussi une image reluisante du Togo. Dans le rapport de de 2011 sur les évènements survenus dans le contexte électorale des présidentielles de 2010, Amnesty international déclare : « les forces de sécurité ont violemment réprimé des manifestations pacifiques organisées à la suite de l'élection présidentielle du mois de mars. La liberté de la presse a elle aussi été restreinte et des journalistes ont été agressés dans l'exercice de de leur profession. Malgré l'action menée par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, l'impunité demeurait la règle ». D'autres rapports notamment ceux de 2005 et de 1998 ont également été dans la même logique, engageant quelques fois directement la responsabilité de la communauté internationale. Ce qui ne peut laisser entièrement indifférente celle-ci. En marge de la LTDH et Amnesty international, d'autres organisations de la société civile à l'instar du Mouvement les « Forces vives Espérance

60 22 décès, 941 blessés dont 202 par balles et 572 arrestations à travers tout le pays. Tel est le tableau dressé par la LTDH dans son rapport intitulé « Togo : la répression et la torture contre le changement démocratique. 19 Août 2017 - 20 juillet 2018 », journal Togotribune, www.togotribune.com , consulté le 24 mars 2019 à 07h05.

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pour le Togo » du Prêtre Pierre Marie - Chanel Affognon veillent continuellement sur la situation des droits de l'homme et des libertés politiques au Togo.

La sollicitation de la communauté internationale dans le jeu politique togolais n'a pas été que l'oeuvre des mouvements et organismes de la société. Les acteurs politiques aussi dans leur discours, en ont eu recours.

SECTION II. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DANS LE DISCOURS POLITIQUE TOGOLAIS

« Le discours politique renvoie à l'ensemble des paroles tenues publiquement par les professionnelles de la politique »61. Il s'agit donc des propos calqués sur des prises de positions empreints de projets politiques. Ainsi le discours politique reste intimement lié à sa finalité, la maximisation du capital politique et partant, la conquête du pouvoir. De fait, « les entrepreneurs politiques sont engagés dans une bataille permanente pour imposer dans l'opinion une image positive de leurs capacités à prendre en charge les problèmes prioritaires des électeurs »62. Il apparait donc que le but du discours politique c'est de susciter la sympathie et de renflouer les soutiens 63 (l'électorat). Dans le jeu politique togolais, l'observation et l'analyse révèle que la communauté internationale est peinte différemment selon qu'on soit avec la majorité ou avec l'opposition. Le discours prend ainsi souvent la forme d'une invitation (paragraphe I) à l'adresse de cette communauté, souvent aussi la forme d'une récusation évidente (Paragraphe II).

§ 1. UNE INVITATION MANIFESTE : ENTRE APPELS EN APPUI ET APPELS EN LÉGITIMATION

La communauté internationale dans nombre de situations, est invoquée par les acteurs politiques dans leurs discours. Elle est parfois conviée à prendre part active, à se prononcer clairement sur les enjeux politiques togolais, tant son poids symbolique dans les rapports de force en présence, reste déterminant. Ainsi est-elle conviée soit en légitimation (A), ou soit en appui (B) aux positions des acteurs dans l'arène politique.

61 « Le discours politique », LE POLITISTE, https://le-politiste.com/le-discours-politique/ , consulté le 04 mai 2019 à 20 H 12.

62 M. BRUGIDOU, L'élection présidentielle : Discours et enjeux politiques, une analyse comparée, Paris, Harmattan, Logiques politiques, 1995, p. 7.

63 Voir D. GAXIE, P. LEHINGUE, Enjeux municipaux : la constitution des enjeux politiques dans une élection municipale, Paris, Presse Universitaire de France, 1984, 287 p, notamment, le chapitre intitulé ' En jeu, Enjeux'', cité par M. BRUGIDOU op cit.

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A. L'opposition : l'appel en appui

Dans ces actions en contestation du régime de Lomé, l'opposition togolaise a souvent eu recours à la communauté internationale qu'elle sollicite de diverses manières. Dans tous les cas, elle ne rate pas d'occasions lorsque celle-ci se présentent, pour demander ouvertement appui à cette dernière dans ses stratégies de conquête du pouvoir.

A la renaissance du multipartisme au Togo, l'opposition a tout de suite su qu'elle ne peut gagner le jeu nouveau sans s'arroger le soutien de la communauté internationale. Cela d'autant plus que cette communauté internationale était le vecteur du pluralisme politique, du libéralisme et partant, de la démocratie. S'appuyant ainsi sur l'appel à la libéralisation ou à plus de libéralisation prôné dans le discours de la Baule, l'opposition togolaise mettra à contribution la nouvelle atmosphère internationale dans sa lutte pour le pouvoir, but ultime de son action. C'est la crise politique du 19 août 2017 qui offre une meilleure vitrine sur les sollicitations en appui enregistrés dans les rangs de l'opposition.

En effet, dans sa parution du 15 septembre 2017, Liberté intitule un article de sa une : « L'opposition accuse le pouvoir de Faure Gnassingbé et saisit l'ONU ». Plus loin, ce sont les leaders de l'opposition même qui appellent ouvertement l'intervention de la France dans la crise politique togolaise. Ainsi affirmait le leader du PNP Tikpi ATCHADAM : « Les togolais attendent un mot de la France. Elle a sa manière d'apprécier les situations et le moment opportun, nous savons qu'elle va réagir »64. Naturellement, de telles invites à l'adresse de la communauté internationale ne peuvent laisser celle-ci indifférente surtout lorsque cette invitation prend la forme de son interpellation sur ce qui relève selon les sollicitants, de sa responsabilité. Les appels de l'opposition togolaise ont ainsi eu un écho favorable surtout en période de crises politiques. Ceci s'illustre par la promptitude avec laquelle les partenaires internationaux du Togo réagissent dans les tensions opposant les acteurs de la scène politique. Il ne peut en fait en être autrement dans la mesure où l'on estime que si l'opposition conteste le système politique qui est de mise au Togo au point d'avoir recours à l'internationale, c'est qu'il subsisterait des raisons sérieuses méritant d'être suivies et traitées le cas échéant, afin d'éviter la genèse d'un éventuel foyer de tension supplémentaire. Or en l'espèce, inscrivant la présente analyse dans la théorie du marché politique, l'ambition de se faire une luisante image au sein de l'opinion nationale et

64 Cf. Conférence de presse accordée par Tikpi Atchadam le 20 octobre 2017 in Flambeau des démocrates n° 517 du jeudi 26 octobre 2017.

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internationale semble en constituer le principal mobile. En clair, le recours permanant à la communauté internationale dans le discours politique de l'opposition vise à procurer aux entreprises politiques un capital politique, toujours nécessaire pour la conquête du pouvoir.

Tout comme l'opposition, le pouvoir de Lomé dans son discours également a quelques fois recours à la communauté internationale mais cette fois, pour des fins de légitimation

B. Le pouvoir : l'appel en légitimation

Il est de coutume que tout gouvernement pour agir pleinement sur la scène internationale, ait nécessairement besoin de la reconnaissance de ses pairs. Il s'agit d'un acte de confiance adressé audit gouvernement lui reconnaissant l'habilité à agir pleinement dans les relations interEtatiques. A contrario, un gouvernement non reconnu par les pairs ne peut survivre longtemps. Les exemples sont légions, illustrant la mésaventure des gouvernements victimes du désaveu de leurs homologues surtout en situation de crise.

Les différents gouvernements togolais fort heureusement, n'ont jamais souffert de cet Etat de fait embarrassant. Toutefois, on a pu noter dans le discours politique du pouvoir depuis l'amorce de la démocratisation, des appels à l'endroit de la communauté internationale tout aux allures d'invocations aux fins de légitimation. En effet, dans toutes les périodes de crises politiques connues par le Togo, le pouvoir de Lomé use subtilement du discours politique pour s'arroger du soutien de la communauté internationale. Les meilleures illustrations sont à retrouver dans la récente crise politique née depuis le mois d'août 2017. En effet, lorsque la crise a pris des proportions inédites qu'il eut fallu la juguler impérativement, la communauté internationale a proposé dans un premier temps le dialogue entre protagonistes de la crise qui sont d'un côté le pouvoir et de l'autre la coalition des quatorze partis politiques de l'opposition (C1465). Le gouvernement a accueilli très favorablement cette proposition comme prémices de solution de sortie de crise. Et lorsque plus tard les facilitateurs de ladite crise ont proposé la feuille de route 66

65 Il s'agit d'une coalition de quatorze (14) partis politiques de l'opposition en abrégé C14, former aux lendemains de la grande manifestation du 19 Août 2017 visant à collectiviser le combat pour l'alternance démocratique au Togo. Il se compose des partis suivants : PNP, ANC, ADDI, CAR, CDPA, Togo autrement, Santé du Peuple, MCD, FDR, le Parti des Togolais DSA, les Démocrates PSR UDS Togo.

66 Il s'agit d'un plan de sortie de crise adopté lors du 53ème sommet des Chefs d'Etats et de gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Il recommande principalement, l'amélioration du cadre électoral pour permettre des législatives le 20 décembre 2018, la recomposition de la cour constitutionnelle, la limitation à deux du mandat présidentiel, le mode de

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devant permettre à terme, la mise en oeuvre des réformes politiques et institutionnelles pour une sortie pacifique et définitive de la crise, l'Etat togolais 67 s'est montré une fois encore en bon élève, observant religieusement les recommandations faite par les facilitateurs. Ainsi a-t-on pu entendre les hommes politiques de la majorité présidentielle défendre ardemment la date du 20 décembre 2018 comme la panacée proposée par la « légendaire » communauté internationale et dont il fallait absolument se conformer.

En somme, l'on peut soutenir à bon droit que la communauté internationale dans le discours officiel du Togo est excipée toutes les fois que son immixtion peut donner à des soutiens. Ainsi, que ce soit avec le sommet sur la sécurité maritime 68 ou dans le cadre du Plan National de Développement69 (PND), le Togo a multiplié des opérations de charme partout dans le monde à travers une diplomatie offensive en vue de faire venir les investisseurs étrangers. En témoigne la tenue du sommet UE-Togo les. En clair, que ce soit du côté de l'opposition togolaise ou de la mouvance présidentielle, la communauté internationale est l'objet d'une sorte d' « instrumentalisation » dans l'atteinte des objectifs politiques des acteurs en jeu. « Il y a donc lutte permanente pour imposer des qualifications des faits qui soient valorisante pour son propre camp, et dévalorisante pour le camp adverse »70. C'est dans cette logique qu'il faut comprendre également les griefs portés contre la communauté internationale.

§ 2. UNE RÉCUSATION ÉVIDENTE : VERS UNE DISCORDANCE D'INTÉRÊTS

Le discours politique comme nous l'avons vu, porte toujours une bonne dose de rationalité fondé sur le ratio coût/bénéfice. Il en va ainsi en démocratie où « la propagande, la communication politique et la manipulation sont des notions qui servent à caractériser la circulation des discours politiques entre les professionnels de la politique et les citoyens, au moyen des médias d'information de masse et avec un objectif de

scrutin à deux tours pour l'élection du président de la république, la réalisation des réformes et le vote de la diaspora. Voir www.rfi.fr/afrique/20180801-crise-togo-cedeao-propose-feuille-route-sortie-crise , consulté le 14/04/2019.

67 Comprendre l'Etat togolais ici comme le gouvernement.

68 Sommet international sur la sécurité maritime

69 Le Plan National de Développement 2018-2022 a été officiellement lancé le 04 mars 2019 et se compose de trois (03) axes principaux :

1- Mise en place d'un hub logistique et un centre d'affaire de premier ordre dans la sous-région ;

2- Développement de pôle de transformation agricole, manufacturiers et d'industries extractives ;

3- Consolidation du développement social et renforcement des mécanismes d'inclusion.

70 C. Le BART, cité par P. BRAUD, Sociologie Politique, Paris, LGDJ, 8ème Edition, 2006.

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persuasion et d'imposition de sens »71. Pour cela, le stock lexical usité obéit systématiquement à une démarche savante, manipulant allègrement l'histoire et la conjoncture temporelle72. Ainsi, le discours politique peut prendre la forme de l'admiration (comme nous l'avons vu avec le discours politique invocateur de la communauté internationale) mais aussi celle de dénonciation. Voilà la logique dans laquelle il importe d'inscrire les coups de boutoir assénés par l'opposition togolaise (A), ainsi que les traits de la majorité (B) sur la communauté internationale.

A. La communauté internationale sous les coups de l'opposition

Dans le discours politique de l'opposition togolaise, la communauté internationale ne porte pas une marque de confiance permanente. La teneur du discours dépend du courant des positions de cette dernière sur les sujets brûlants du pays. Ainsi, n'est-il pas surprenant de voir dans l'histoire politique du Togo, un discours politique ostentatoirement hostile. Des illustrations sont plus disponibles en période de crises politiques.

Dans la crise politique d'août 2017 par exemple, l'opposition togolaise a d'abord récusé la communauté internationale avant même que celle-ci ne se saisisse de cette crise. On peut à priori arguer d'un manque de foi en cette communauté internationale quant à sa neutralité dans l'arbitrage de ladite crise. D'une manière générale, on retiendra la déclaration de l'opposition à l'égard de la mission de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), conduite par la nigériane Aïchatou Mindaoudou. En effet, au cours d'une conférence de presse tenue le mardi 10 octobre 2017, l'opposition a clairement martelé qu'il n'était pas question de rencontrer la délégation de l'institution francophone. Ainsi des propos de la coordinatrice de la coalition des partis de l'opposition, on peut retenir : « La coalition a décidé de ne pas rencontrer la mission de l'OIF »73. De même, le président du CAR Yawovi Agboyibo a, lors d'une conférence de presse indexé la communauté internationale notamment l'Union Européenne, l'accusant d'être à l'origine de l'enlisement de la crise que traverse le Togo. Ainsi déclarait-il en substance : « Pour avoir procédé à la levée totale des sanctions en 2008 sans que les conditions requises soient remplies,

71 C. OLIVIER - YANIV, « Discours politique, propagande, communication, manipulation », Mots Les langages du politique, 2010 pp. 31 - 37.

72 C. GOBIN, « Des principales caractéristiques du discours politique contemporain ... », Revue de sémio-linguistique des textes et discours, 2011, P. 169 - 186.

73 « Crise togolaise : la chef de mission de l'OIF, Aïchatou Mindaoudou récusée par la classe par la classe politique, Le Changent N° 568 du jeudi 12 Octobre 2017

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l'Union Européenne a effectivement conforté le gouvernement togolais dans son refus de mettre en oeuvre les réformes et a contribué à la persistance de la crise sociopolitique au Togo »74.

Les coups de l'opposition togolaise ont porté également sur la CEDEAO qui s'est intéressée de près à la situation sociopolitique du pays au cours de la même période. A sa saisine du cas togolais, les premières déclarations de l'organisation sous - régionale sont allées dans un sens qui pouvait paraître pour du soutiens au pouvoir selon ses pourfendeurs, tant les conditions d'un dialogue sur la crise n'était pas encore réunies75. « Nous trouvons que la CEDEAO est allée très loin en incitant le gouvernement à fixer d'ores et déjà la date du référendum alors que le peuple réclame le retour de sa constitution de 1992 » 76 déclarait Brigitte Adjamagbo - Johnson, présidente du CDPA et coordinatrice de la C14.

L'histoire politique du Togo à l'entame de la démocratisation début 1990, ne tarie également pas d'exemples pour dépeindre l'hostilité de l'opposition togolaise à l'égard de la communauté internationale à travers le discours politique servi. L'on peut dès lors présumer que la récusation dans le discours politique obéit simplement à des calculs coût/bénéfices. Dit autrement, la communauté internationale est récusée lorsque ses prises de positions sont en déphasage avec celle de cette opposition. C'est donc à bon droit que l'on peut se demander si le discours politique a une finalité autre que la satisfaction d'intérêts des entreprises politiques. Quid alors du discours de la majorité ?

B. Les traits de la majorité sur la communauté internationale

Ici encore, la communauté internationale n'est pas toujours peinte en rose comme le soutiennent les détracteurs pour qui les gouvernants ou le chef de l'Etat si l'on préfère, appartiendrait au « syndicat des chefs d'Etat » 77 ; ce qui naturellement peut lui garantir des soutiens. L'histoire contemporaine regorge d'assez d'exemples pour infirmer ces

74 Le Changent N° 567 du jeudi 05 octobre 2017, p. 1.

75 Cf. les étapes de la facilitation diplomatiques, in S. Tall, Cours de diplomatie et négociation internationale.

76 Le Changent N° 568, Ibid.

77 C'est l'expression péjorativement employée par certains journalistes et certains hommes politiques d'opposition bien sûr, pour qualifier le Conseil des Chef d'Etats et de gouvernement de la CEDEAO les

accusant de cultiver une certaine solidarité corporatiste aux dépens de l'intérêt de leurs populations.

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allégations. Il suffit de regarder autour de soi pour voir la communauté internationale dans les changements (constitutionnelle ou non) des gouvernements pour se rendre à l'évidence.

Toutefois, une confiance semble exister entre les décideurs togolais et la communauté internationale quand on regarde la stabilité des rapports entre ces deux (2) entités. Dans la crise politique enclenchée depuis 2017, c'est lors de la publication des recommandations de l'expert commis par la commission de la CEDEAO78 qu'on a vu du côté du pouvoir de Lomé un discours discordant à l'égard de la communauté internationale. Dans les motifs avancés pour rejeter la proposition de l'expert Alioune Badara Fall, certains cadres du parti au pouvoir ont joué la carte de la souveraineté du Togo pour exprimer la latitude qui était la leur dans la prise en compte des propositions de la CEDEAO sur la question des réformes.

De même en 2005, dans la crise de succession du feu Gnassingbé Eyadéma née à la suite du décès de celui-ci, la communauté internationale s'était aussi invitée dénonçant le coup d'Etat constitutionnel perpétré au Togo. Cela, le pouvoir de Lomé l'avait très mal digéré et l'avait ouvertement manifesté. Mais finit par céder aux pressions de celle-ci.

C'est à l'entame de la démocratisation que les prises de position de la communauté internationale ont frustrées gravement le pouvoir en place au Togo, qui l'a fait savoir à travers sa communication politique notamment. Cela parait tout à fait logique car à cette époque les actions des partenaires étrangers militaient en faveur du pluralisme politique et donc encourageaient la mise en place des partis politiques d'opposition. Ainsi dans l'atmosphère de la Conférence Nationale au Togo, le Président Eyadéma ne passait pas

78 La CEDEAO en appui technique dans la résolution de la crise politique née le 19 août 2017, a recruté le Professeur Alioune BADARA FALL, Professeur Titulaire de droit public, pour mener une étude aux fins de : proposer des réformes constitutionnelles qui prennent en compte le mode de scrutin à deux (2) tours pour l'élection du Président de la république, la limitation à deux (2), du nombre de mandats présidentiels, la recomposition de la cour constitutionnelle pour notamment revoir sa composition et limiter le nombre de mandats de ses membres.

S'assurer que les décisions de la Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernements de la CEDEAO le 31 juillet 2018 sont bien intégrées dans le projet de réforme constitutionnelle ;

S'assurer de la cohérence du projet de constitution ;

S'assurer que le projet de constitution répond aux normes régionales ; proposer un calendrier d'adoption du projet de constitution. Voir à ce sujet le communiqué officiel de la Conférence des Chefs

d'Etats et de Gouvernements de la CEDEAO lors du 53è Sommet de la CEDEAO le 31 juillet 2018.

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outre mesure pour évoquer ses soupçons contre l'ambassadeur français Bruno Delaye, l'accusant de connivence avec l'opposition79.

L'un dans l'autre, on retiendra de cette partie que les acteurs politiques togolais, dans leurs discours politiques, ont eu recours à la communauté internationale toutes les fois que celle-ci avait un rôle à jouer dans la distribution des cartes. Elle a ainsi fait l'objet de ce que Jacques Le Bohec qualifie de « tour de passe - passe linguistique » ou mieux « la transfiguration méliorative de la propagande en communication » 80 entre les professionnels de la politique togolaise à travers les années et selon les intérêts en jeu. Bien entendu, toutes ces pratiques ont en commun ceci qu'elles invitent la communauté internationale à s'intéresser au jeu politique togolais et à y jouer un rôle de premier plan.

79 J. R. HEILBRUNN ET C. M. TOULABOR, « Une si petite démocratisation pour le Togo... », Politique africaine, 1995, pp. 85 - 100.

80 J. Le BOHEC, cité par C. OLLIVIER - YANIV in « Discours politique, propagande, communication, manipulation » in Mots Les langages du politique, Op cit.

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CHAPITRE II.

LE CONCOURS DES FACTEURS EXOGÈNES

L'immixtion de la communauté internationale dans le jeu politique togolais a été largement favorisée par l'atmosphère internationale de la décennie 199081. C'est l'ère des grands changements structurels aux plans politique, social et économique. Dans ces conditions, la chute du mur de Berlin va, avec les profondes mutations sociopolitiques qu'elle a entrainées, sonné le glas des régimes mono partisans et dictatoriaux présents sur le continent africain vraisemblablement déjà moribonds. La victoire du libéralisme sur le communisme fait tomber les murs du protectionnisme ainsi que les mythes qui ont pendant longtemps entouré certains pouvoirs82. De même, les barrières de la souveraineté s'érodent sous les regards presqu'incrédules des hommes d'Etats du continent africain, dépossédé de leurs mainmise aussi bien sur la vie politique et économique de leurs Etats. Ce tohu-bohu dans lequel est plongé dorénavant le monde, va déboucher de plus en plus sur l'imbrication de l'international et du national, au point d'un transfert de compétences de l'un vers l'autre.

Le Togo à l'instar des autres Etats du continent, sera soumis à ce « nouveau moyen âge »83, avec pour corolaire une présence fatalisée de la communauté internationale dans ce qui relevait jadis de son pré carré de souveraineté. L'implication de la communauté internationale dans le jeu politique togolais repose ainsi sur un fondement politique (Section I), mais aussi sur un fondement économique (Section II).

81 J.M. ILUNGA KATAMBA, L'implication de la communauté internationale dans les processus de démocratisation en Afrique. Le cas du Cameroun, Mémoire de master, Université de Kinshasa.

82 L'impératif de pluraliser les espaces politiques des Etats africain a surpris nombre de chefs d'Etats qui exerçaient le pouvoir de la manière la plus absolue possible. On se souvient à cet effet de la décharge émotionnelle de Mobutu Sesse seko lors de son discours consacrant le multipartisme au Zaïre, actuelle RDC le 24 avril 1990 avec la phrase de trois (3) mots devenue célèbre, « comprenez mon émotion ». Cette situation est analogue dans la plupart des Etats qui ont fait l'expérience plus ou moins longue du monopartisme dont le Togo. Voir www.jeuneafrique.com, mobutu annonce les larmes aux yeux, le tournant du multipartisme.

83 Expression mise en place par A. MINC à travers son ouvrage Le nouveau Moyen âge parût le 04 novembre 1993. Mais c'est l'usage qu'enferra Susan Strange dans son ouvrage intitulé Le retrait de l'Etat : la dispersion du pouvoir dans l'économie mondiale qui nous intéresse ici, par ce qu'elle y décrit comment l'Etat est fortement concurrencé sur son propre territoire sur des matières sur lesquels il a détenu pendant longtemps le monopole.

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SECTION I. LES FONDEMENTS POLITIQUES DE L'IMPLICATION

Depuis son accession à la souveraineté internationale en 1960, le Togo a souscrit à des engagements qui le lient au reste du monde ; engagements qui bien entendu, donnaient aux co-contractants un droit de regard sur certaines matières internes du Togo. Ce sont fondamentalement les évènements découlant de la guerre froide (Paragraphe I) qui vont donner plus de légitimité à la communauté internationale de s'immixer dans les affaires internes du Togo. Ainsi, de la souveraineté absolue, on s'oriente vers une souveraineté toute relative (Paragraphe II).

§ 1. DU TRIOMPHE À L'UNIVERSALISATION DE LA DÉMOCRATIE

La démocratie est un régime politique et une forme de gouvernement fondés sur certaines valeurs cardinales qui constituent sa sève nourricière84. Il importe dès lors de procéder à l'exposé de ces principes émasculés 85 pendant des lustres et revitalisés à partir de 1990 (A) avant d'envisager les incidences que le triomphe de cette doctrine idéologique a eu sur le jeu politique togolais (B).

A. Les principes de la démocratie

« La démocratie désigne l'ensemble des régimes politiques qui incarnent, à travers l'histoire, le même idéal politique de la participation éclairée du plus grand nombre aux affaires de la cité »86. C'est un régime ou si l'on préfère un système politique 87 qui fait

84 Nous nous inscrivons ici dans la logique de Karl Popper qui définit la démocratie par opposition à la dictature.

85 T. HOLO « Démocratie revitalisée ou démocratie émasculée, les conditions du renouveau démocratique dans les Etats de l'espace francophone africain : Régimes juridiques et systèmes politiques », R.B.S.J.A., n° 2006, 2, pp. 17 - 41.

86 Définition inspirée du Comparatiste R. DAHL in D. ALCAUD, L. et Al., Dictionnaire de sciences politiques, Sirey, 2010, 2ème éd.

87 Il importe ici de distinguer un régime politique d'un système politique. Dans la conception aristotélicienne (pionnier de la classification), la distinction des régimes politiques repose sur le titulaire du pouvoir au sein de l'organisation politique considérée. Ainsi distinguait-il la monarchie (gouvernement d'un seul homme), l'aristocratie (gouvernement de la minorité riche et éclairée) et la politeïa (gouvernement de la multitude). Aristote admet dans sa modélisation des altérations de tous ces régimes. Il opposait à cet effet la monarchie à la tyrannie, l'aristocratie à l'oligarchie et la politeïa à la démocratie. Mais si l'on prend appui sur la typologisation élaborée par Montesquieu dans De l'esprit des Lois, notamment lorsqu'il affirmait : « tout serait perdu si le même homme ou le même corps f...I exerçait ces trois (3) pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes », on verra que les régimes politiques sont plutôt déterminés par la nature des rapports entre les trois pouvoirs dans un système politique. Il résulte de cette classification fondamentalement deux régimes : le régime parlementaire et le régime présidentiel (toutefois, la

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une part belle à l'individu dans la cité, le plaçant au coeur même de toutes les institutions. La démocratie repose sur certain principes phares qu'il importe de visiter. Il s'agit principalement de l'égalité civique, de la séparation des pouvoirs et du pluralisme politique.

Le premier principe tire son fondement des articles premier et deuxième de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. [...] Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune [...] »88. Ce principe sous-entend la négation de tout favoritisme fondé sur des considérations subjectives. Ce qui distingue les citoyens en démocratie, c'est donc le mérite. Par ailleurs, ils sont soumis aux mêmes lois et celles-ci leurs sont également applicables.

Le deuxième principe est celui de la séparation des pouvoirs. Théorisé par Montesquieu89, dans son ouvrage intitulé « De l'esprit des lois », le principe de la séparation des pouvoirs vise à dessiner clairement les frontières entre les trois (3) pouvoirs dans l'Etat. Ainsi disait-il : « Tout serait perdu si le même homme ou le même corps [...] exerçait ces trois (3) pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes »90. In fine, ce principe vise la garantie des libertés fondamentales de l'individu, une des conditions d'existence de la démocratie.

Le troisième principe est le pluralisme politique. La vie politique en démocratie est par essence ouverte au débat contradictoire ; elle y est organisée de telle sorte à favoriser l'expression de toutes les opinions à travers les partis politiques, les syndicats, les associations et autres groupes organisés. Dans ces conditions, le peuple s'exprime par la tenue d'élections régulières et libres au cours desquelles il élit ses représentants au moyen du vote au suffrage universel, égal et secret, direct ou non.

pratique constitutionnelle a donné dans certains systèmes politiques des régimes d'assemblée, des régimes présidentialiste, des régimes conventionnels et directoriaux).

88 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) du 10 décembre 1948, https://www.humanium.org>ABCannexesfr

89 Il faut reconnaitre qu'avant Montesquieu, John Locke avait déjà théorisé sur la séparation des pouvoirs et même Aristote avant lui. Voir sur ce sujet https://fr.m.wikipedia.org/separation_des_pouvoirs

90 Montesquieu, « De l'esprit des lois », Paris, Firmin-Didot frères, fils et Cie, 1857, p. 256.

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A la fin de la décennie 1980 et la fin de la guerre froide aidant, toutes les valeurs démocratiques vont de facto s'imposer au reste du monde, le Togo ne se dérobant pas.

B. De l'universalisation de la démocratie

La fin de la guerre froide a sonné le glas des régimes d'obédience communiste et d'autres calqués sur un déni des principes démocratiques notamment ceux dictatoriaux et totalitaires en Europe et dans le monde. En Afrique, la chute du mur de Berlin a eu un écho retentissant, provoquant un sursaut démocratique encouragé et soutenu par la communauté internationale. Le point de départ de l'implication de l'international sur les impératifs démocratiques dans les pays d'Afrique francophone s'avère être le discours prononcé par le Président français François Mitterrand, lors de la séance solennelle d'ouverture de la 16ème Conférence des Chefs d'Etats de France et d'Afrique tenue à la Baule le 20 juin 1990. L'heure de gloire de la démocratie avait sonné et les Etats quelques furent leurs contextes sociopolitiques, devraient se mettre au pas91. En effet, il s'agissait pour le Président français de monter la voix, pour ne pas dire la seule voix qui doit dorénavant gouverner les orientations sociales, politiques et économiques des Etats Africains. « C'est la seule façon de parvenir à un Etat d'équilibre au moment où apparait la nécessité d'une plus grande liberté »92. En somme, le Président invitait les Etats africains à la mise en place systématique de dispositifs constitutionnels sur fond des valeurs suivantes : « Système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure », 93 seules valeurs susceptibles d'impulser leur développement. Les valeurs ainsi présentées dans ce discours ne sont ni plus ni moins celles sur lesquelles se fonde la démocratie.

Imposer la démocratie comme forme ou mode de gouvernement universel vers lequel l'on doit tendre n'est pas sans moyens d'action. D'abord par ce que l'URSS qui parrainait les régimes marxistes-léninistes a été dissoute, (ce qui rendrait absurde toute référence au communisme par un pays africain francophone) mais aussi et surtout du fait des économies

91 "Transposer d'un seul coup le parti unique et décider arbitrairement le multipartisme, certains de nos peuples s'y refuseront ou bien en connaîtront tout aussitôt les effets délétères" ; "nous l'avons déjà fait et nous en connaissons les inconvénients". Propos tenues par certains Chefs d'Etats avant la conférence et repris dans le discours de la Baule par le Président français François Mitterrand. Voir https://nsarchive2.gwu

92 Discours de la Baule, op cit.

93 Discours de la Baule, idem.

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fragiles, dépendantes pour l'essentiel de l'extérieur notamment de l'aide publique au développement. En effet, le discours de la Baule constitue le point de départ de la désormais célèbre « conditionnalité démocratique » de l'aide publique au développement. Dorénavant, le bénéfice de l'aide est subordonné au degré de libéralisation au double plan politique et économique. Cela sous-entend un contrôle permanent des efforts de démocratisation consentis par les Etats candidats à cette aide par les donateurs qui peuvent être soient des Etats ou soient des organisations internationales.

Le fronton du Togo porte encore de façon très lisible, le reflet de la conditionnalité démocratique de l'aide étrangère. En effet le Togo a fait l'objet par deux fois de rupture de la coopération pour déficit démocratique94. Pour la reprise de la coopération à la suite des élections législatives du 14 octobre 2007, il a fallu que les partenaires techniques et financiers du Togo (notamment l'Union Européenne, l'Allemagne etc.) accompagnent le processus depuis la constitution du fichier électoral à l'observation du déroulement du scrutin. Ils ont joué un rôle de premier plan dans ses élections en finançant une partie de leur organisation, mais aussi en y apportant la certification de leur régularité. Se faisant, l'on peut estimer que ces partenaires étrangers se sont mus en véritables acteurs du jeu politique togolais en y jouant un rôle pas des moindres, celui d'arbitre95. Il faut dire que l'implication de la communauté internationale pour promouvoir les vertus démocratiques au Togo sont devenues quasi permanentes et peut se remarquer dans nombre de domaines et à travers les années. Aujourd'hui, la coopération allemande par exemple à travers la GIZ96, est profondément impliquée au moyen de son appui technique dans le processus de la décentralisation à travers le ProDeGoL (Programme Décentralisation et Gouvernance Locale).

Outre le triomphe et l'universalisation de la démocratie comme justification de l'implication de la communauté internationale dans le jeu politique togolais, le communautarisme Etatique vient légitimer davantage cette immixtion.

94 La première en 1993 et la deuxième en 1998. Voir à cet effet Kodjo Koffi, « Togo : les deux ruptures de la coopération (1993 et 1998) » in Afrique Contemporaine, N° 189, 1er trimestre 1999, pp 63-76.

95 Ce rôle est à souligner quand on connaît l'influence et les conséquences que les missions d'observations électorales peuvent avoir sur le devenir même d' pays. On peut voir l'exemple de la Côte-d'Ivoire pour s'en convaincre.

96 GIZ : Gesellschaft für Internationale Zuzammenarbeite.

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§2. L'INFLUENCE DU COMMUNAUTARISME

Il est de coutume de voir la communauté internationale se mobiliser dans les Etats surtout en périodes de crises politiques. Généralement ces interventions procèdent des organisations internationales qui paraissent les plus à même d'intervenir dans un Etat en vertu du principe de la souveraineté (internationale) des Etats. Afin de mieux cerner la prérogative pour les organisations internationales d'intervenir dans les Etats sous certaines conditions, il importe de comprendre le cadre juridique qui fonde les actions de ces organismes (A) avant d'étudier leurs actions dans le cas togolais (B).

A. Le cadre normatif des organisations internationales

Les organisations internationales sont des institutions formées essentiellement par une union des Etats autour des objectifs communs97. Elles sont à cet effet fondées par un acte international qui peut prendre la forme d'une charte ou d'un traité etc. Le model type d'organisation internationale aujourd'hui reste indéniablement l'Organisation des Nations Unies (ONU).

L'ONU regroupe la plupart des Etats du monde ; ce qui fait d'elle la plus grande organisation internationale à ce jour. Elle a été mise en place au lendemain de la seconde guerre mondiale en substitution à la Société Des Nations qui s'est montrée inefficace pour préserver la paix dans le monde. La préservation et la consolidation de la paix sont donc les principales missions de l'ONU, missions clairement définies aux termes de l'article 1er de sa Charte98. Cela sous-entend que les organisations internationales, quelques soient les mobiles présidant leur création, visent en dernier ressort à stabiliser les relations entre Etats99. Ceci les amène à oeuvrer en permanence en vue de maintenir la stabilité dans leurs

97 « L'expression «organisation internationale» s'entend d'une organisation intergouvernementale ». Article 2, paragraphe i de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

98 « Les buts des Nations Unies sont les suivants : 1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix »

99 Considérée bien entendu dans une perspective libérale des relations internationale qui promeuvent la paix internationale par le droit au travers des organisations internationale. Cette précision est opportune d'autant plus que chez les réalistes, l'adhésion d'un Etat à une organisation internationale se fonde sur l'utilité matérielle ou symbolique qu'il peut tirer et l'influence qu'il pourra avoir sur les autres membres de l'organisation. C'est là l'hypothèse émise par le néoréaliste Joseph Grieco pour explication de l'évolution communautaire européenne des années 1980. Voir à cet effet, D. Battistella, Théories des relations internationales, 5ème éd. Paris, Les Presse de Sciences Po, 2015.

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zones de couverture à travers des mesures prenant la forme de résolutions ou de textes additionnelles aux chartes les constituant. Ainsi, au nom du principe de l'effet relatif des traités en droit international, tout Etat étant partie à un traité, se lie à celui-ci par son adhésion100. Autrement dit il accepte de se subordonner aux décisions prises par l'organisation dont il est membre parce que celles-ci seraient l'émanation de la volonté collective, dégagée dans le cadre de la communauté. Ainsi l'article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités dispose : « Une partie - un Etat en l'espèce - ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité ». C'est dire que le principe de la supra constitutionnalité s'impose aux Etats membres de l'institution délibérante. Apparait alors en filigrane une érosion de l'absolue souveraineté des Etats à l'ère de la communautarisation des relations internationales. L'Etat peut dès lors voir -quelque fois impuissant, son espace souverain pénétré par une organisation internationale (dont il est membre) dans le but de lui apporter un appui en vue de faire face efficacement à une situation qu'il traverse, lui rappeler ses engagements dans l'organisation ou tout simplement pour lui faire respecter un certain nombre de normes transcendantales de la personne humaine.

Le Togo depuis son indépendance est membre à part entière101 de l'Organisation des Nations Unies (ONU), et par la suite de l'Union Africaine et de la Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et de bien d'autres encore. Toutes ces institutions sont constituées sur la base des textes qui peuvent se montrer quelque fois contraignants parce que touchant quelques matières substantiellement constitutionnelles. Au sein de l'ONU par exemple, en plus de la Charte qui renferme des dispositions de régulation des relations internationales existe la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dont l'esprit se révèle dans nombre de constitutions des Etats membres. L'Union africaine quant à elle dispose également d'instruments juridiques à l'instar de son acte constitutif et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Le dispositif juridique est plus complet au sein de la CEDEAO où en plus de son traité, des protocoles additionnels sont pris pour renforcer le dispositif institutionnel de ses interventions. Il s'agit notamment du protocole N° A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au Protocole relatif au mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des

100 Article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

101 Il faut rappeler que depuis la fin de la première guerre mondiale, le Togo est passé successivement sous mandat de la SDN et tutelle de l'ONU. Ce qui le confiait un statut différent de celui des colonies au sein de l'ONU quoiqu'il ne soit pas encore un Etat au sens juridique du terme.

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Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité. Comment donc l'international à travers le communautarisme s'incruste-t-il dans le jeu politique togolais ?

B. L'immixtion par les organisations internationales

Dans le jeu politique togolais, la présence des institutions internationales est perceptible par tout observateur. Cette intervention prend plusieurs formes, allant d'un appui aux efforts de développement, à l'assistance en matière électorale, ou en matière de résolution des conflits politiques dans le pays et à travers d'autres mécanismes encore.

Les crises politiques offrent le meilleur tableau d'intervention de la communauté internationale ou mieux des organisations internationales sur l'échiquier politique togolais. Depuis les crises libérienne et sieraléonnaise, la CEDEAO est prompte et proactive dans les crises politiques qui naissent dans sa zone de couverture. On peut percevoir cette attitude dans la crise politique née au Togo en août 2017. En effet, l'organisation sous-régionale n'a pas attendu trop longtemps pour mettre en place une facilitation conduite par les présidents ghanéen et guinéen MM. Nana Akufo Ado et Alpha Condé afin de prendre langue avec les protagonistes pour le dénouement de ladite crise. De là, l'action de la CEDEAO sera de plus en plus permanente. En effet, elle s'est appropriée la gestion de cette crise en proposant les voies et moyens de sortie de crise à travers une feuille de route constituée de mesures concrètes devant conduire à l'apaisement et à la stabilisation du Togo. L'intérêt manifeste de l'institution sous régionale ouest africaine dans ladite crise s'explique non seulement par l'adhésion du Togo à son acte constitutif, mais aussi et surtout par la solidarité spontanée qui caractérise généralement toute communauté telle que définit par Ferdinand Tönnies. En clair, il s'agit d'une conséquence liée à l'imbrication et l'interpénétration des flux entre Etats telque mentionnée dans le préambule du Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité justifiant son adoption : « Préoccupés par la multiplicité des conflits qui constitue une menace à la paix et à la sécurité du continent africain, et compromet nos efforts visant à relever le niveau de vie de nos populations ; convaincus de la nécessité de développer des actions efficaces visant à alléger les souffrances des populations civiles, notamment celles des femmes et des enfants, et à restaurer le cours normal de la vie en cas de conflit, ou de catastrophes naturelles, et désireux de renforcer davantage les efforts dans le domaine humanitaire f...] ».

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La ratification des actes constitutifs entraine également la subordination de l'Etat aux différentes instances de l'organisation internationale considérée. Dans le cadre de la CEDEAO, ce rapport de subordination s'est une fois encore illustré dans l'affaire dite «des députés ANC » 102 née en 2011.

SECTION II. LES FONDEMENTS ÉCONOMIQUES DE L'IMPLICATION

Outre les considérations politiques qui ont milité en faveur de l'implication de la communauté internationale dans le jeu politique togolais, les différentes mutations subies par l'économie du pays y ont joué un rôle pas des moindres. En effet, la libéralisation de l'espace politique s'est accompagnée de l'impératif de libéralisation économique. Le Togo comme tous les Etats africains partageant quasiment les mêmes pratiques en matière de gestion des finances publiques, ont été bon gré mal gré, soumis à l'école de la démocratie financière. Ces réformes structurelles profondes auxquels le pays a été soumis sont la conséquence d'une série de conjonctures économiques aux effets poignants (Paragraphe I) qui dans une certaine mesure ont suscité et légitimé l'implication de l'international (Paragraphe II).

§ 1. UNE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE POIGNANTE

Le champ de la présente étude couvre la période 1990 à aujourd'hui. Seulement pour mieux appréhender et comprendre le contexte de l'implication de la communauté internationale au Togo à partir des facteurs économiques, il parait tout à fait loisible de faire une rétrospection (A) sur la période antérieure pour analyser la genèse des choses et comprendre les mobiles de cette implication (B).

A. Rétrospection sur l'économique du Togo avant 1990

Aux lendemains de son accession à l'indépendance, le Togo a connu une économie plus ou moins florissante favorisée essentiellement par un contexte internationale propice à l'exportation des matières premières. En effet, l'augmentation fulgurante sur le marché international des cours des principaux produits d'exportation dans les années 1970, notamment le café, le cacao, le phosphate, a permis à l'Etat togolais, qui a le monopole de

102 Dans cette affaire, la cour constitutionnelle du Togo avait prononcé une décision de révocation de neuf (9) députés de leurs mandats d'élus du peuple. Ainsi, par la décision N° ECW/CCJ.JUD/09/11, la Cours de justice de la CEDEAO condamne l'Etat togolais et « lui ordonne de réparer la violation des droits de l'homme des requérants ... »

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leur commercialisation, d'accroître sa part dans les dépenses nationales. Les dépenses budgétaires sont ainsi passées de 10,9% du PIB en 1970, à 28,2% en 1980, après avoir atteint un pic de 36,7% en 1976. Le solde budgétaire de l'Etat également va passer de 1,6% du PIB en 1970 à moins de 8,4% en 1979103. Mais cette floraison économique sera de courte durée. En effet, après cette période de prospérité, « des déséquilibres économiques importants, qu'il s'agisse du budget de l'Etat, de la balance des payements, de l'endettement extérieur ou de l'emploi, ont commencé à apparaitre à partir du début des années 1980 »104. Les illustrations immédiates furent entre autre la baisse des dépenses budgétaires qui sont ramenées à 20,8% en 1990 puis l'aggravation du déficit du compte courant, passant de 1,1% du PIB en 1970 à 21,3%, en 1979. Plus encore, le service de la dette extérieure devenait de plus en plus insupportable à partir de 1979. « L'encours de la dette publique extérieur rapportée au PIB, est passée de 16% en 1970 à 82% en 1980, alors que le service de la dette en pourcentage des exportations des biens et services évoluait de 3,1 à 8,2 puis à 18,2% en 1970, à 21,3 en 1980 et en 1989 respectivement »105.

Tous ces indicateurs montrent une décadence soutenue dans les performances économiques du Togo. Les causes profondes de cette récession sont à rechercher prioritairement dans la gestion patrimonialiste des affaires publiques même si le contexte international y est aussi pour quelque chose. Profitant en effet du système de parti unique qui avait cours à l'époque, l'Etat ou mieux encore le parti-Etat avait le monopole sur la quasi-totalité des transactions économiques et commerciales internationales avec le Togo. Ainsi l'on pouvait constater à cette époque des investissements tous azimuts, débouchant sur ce qui était communément appelé « les éléphants blancs » 106 c'est-à-dire des réalisations d'envergure et prestigieuses, souvent d'initiative publique, mais qui s'avèrent plus couteuses que bénéfiques et dont l'exploitation ou l'entretien devient un fardeau financier. Cela, doublé de la gestion clientéliste qui était faite, ne pouvait produire que des résultats chaotiques avec un impact social significatif.

103 T. A. GOGUE, « Impact des programmes d'ajustement structurel sur le secteur de la santé : cas du Togo », Nouvelles pratiques sociales, 1997, 10, (1), pp. 163-179.

104 Idem.

105 Idem

106 Un éléphant blanc https://fr.m.wikipedia.org

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B. L'impact social de la conjoncture économique d'avant 1990

Il est superfEtatoire de rappeler le lien congénital qui existe entre l'économique et le social, l'un déterminant l'autre et l'autre permettant d'évaluer la pertinence du premier. En principe, c'est à partir de l'impact social d'une économie que l'on peut jauger l'effectivité du développement d'un pays notamment à partir de l'indice de développement humain (IDH)107. « L'un des principaux facteurs ayant contribué à ouvrir une fenêtre d'opportunité à la démocratisation est la crise économique prévalant dans la majorité des Etats africains à la fin des années 1980. Elle a culminé dans certains cas en une véritable banqueroute »108. La récession économique que le Togo a traversé vers la fin de la décennie 1970 et au cours de celle 1980 a eu un fort impact sur les conditions de vie des togolais. Cette perte de vitesse dans la croissance économique que le pays avait préalablement amorcée, pouvait se ressentir dans tous les secteurs. Ainsi, que ce soit dans la santé, les services publics, la détérioration devenait de plus en plus patente et se faisait ressentir indiciblement. Sur le plan social, on pouvait noter au cours de cette période une dégradation considérable du niveau de vie des populations. En effet, l'évidence était perceptible à travers l'évolution de la malnutrition dans le pays. Selon le ministre du plan et des mines, « le nombre de consultations pour malnutrition dans les centres de santé est passé de 3726 en 1980 à 7880 et 14166 en 1983 et en 1987, respectivement »109. Le secteur de la santé a présenté le tableau le plus sombre de la décadence du niveau de vie au cours de cette période. « La fourniture des médicaments a sensiblement diminué dans les centres de santé et les prestations de services n'ont pu se maintenir au niveau des besoins des populations »110. Ceci a eu pour corolaire la propagation de certaines pandémies notamment le SIDA, entamant considérablement l'espérance de vie de la population togolaise. En somme, cette parenthèse s'est avérée très difficile à supporter par les togolais,

107

L'indice de développement humain (IDH) est un indice statistique composite pour évaluer le taux de développement humain des pays du monde. L'IDH se fondait alors sur trois critères : le PIB par habitant, l'espérance de vie à la naissance et le niveau d'éducation des enfants de 17 ans et plus. Le concept a été mis en place par le PNUD pour apprécier le bien être individuel et collectif. Le concept aujourd'hui est en train de faire progressivement place à l'IDHI, adopté depuis 2010 prenant en ligne de compte les inégalités. https://fr.m.wikipedia.org/wiki/indice_de_d%C3%A9veloppement_humain , consulté le 28 avril 2019 à 15h39 ; voir aussi le « rapport du PNUD sur le développement humain au Togo », in Le monde rural, novembre 2011.

108 M. GAZIBO, « La dynamique de la démocratisation », Introduction à la politique africaine, Montréal, Presse de l'Université de Montréal, 2010, pp. 167-189.

109 T. A. GOGUÉ, ibid.

110 « Rapport du PNUD sur le développement humain au Togo », in Le monde rural, novembre 2011, op cit.

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tant tous les indicateurs étaient au rouge. L'indice de développement humain y décrira une courbe instable traduisant amplement les faibles performances réalisées par l'économie togolaise.

« Pour corriger les déséquilibres macro-économiques et permettre la croissance durable, il fallait, par des mesures appropriées, s'attaquer aux problèmes fondamentaux de politique économique, de gestion et d'aménagement du cadre juridique et institutionnel du pays en difficulté »111. Des réformes en profondeur sur la gestion des finances publiques deviennent indispensables. Le Togo va alors avoir recours à ses partenaires financiers pour définir des politiques économiques et d'autres mesures nécessaires, à même de redresser la situation socioéconomique qu'il traverse.

§2. DES POLITIQUES DE REDRESSEMENT NÉCESSAIRES

Dans le vocable « politique de redressement », nous mettons l'ensemble des politiques publiques112 adoptées au cours de cette période en vue de faire face à la situation délétère qui prévalait en ce moment même. Plusieurs mesures ont été en effet prises, mais dans le cadre de ce travail, nous nous contenterons de plancher sur les plus fondamentaux notamment l'intervention de la communauté internationale dans le contexte politique togolais à travers les Programmes d'Ajustement Structurelle (PAS) (A) et les répercussions que la mise en oeuvre de ces programmes de développement ont eu sur le jeu politique qui s'y déploie(B).

A. Les programmes d'ajustement structurel

Les programmes d'ajustement structurel (PAS) sont un ensemble structuré de mesures élaborées en vue de permettre aux pays de rétablir les grands équilibres macroéconomiques113. Ils s'articulent fondamentalement autour des points suivants :

1. Des politiques monétaires et fiscales restrictives en vue de maitriser la demande

globale à un niveau compatible avec l'offre globale, ainsi que des mesures visant à rétablir l'équilibre des finances publiques ;

111 T. A. GOGUÉ, « Impact des programmes d'ajustement structurel sur le secteur de la santé : cas du Togo », Op. Cit.

112 Entendu ensemble d'actions et de décisions prise par les pouvoirs publiques afin de résoudre un problème défini comme publique.

113 T. A. GOGUÉ, ibid.

2.

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Des contrôles plus rigoureux des procédures budgétaires ;

3. Des politiques visant à rétablir la vérité des prix en vue d'améliorer l'allocation des ressources pour rendre l'économie plus compétitive ;

4. La libéralisation des mouvements internationaux des biens et des capitaux ;

5. La dépréciation du taux de change en vue d'améliorer l'Etat de la balance des paiements.

Au total, le Togo a mis en oeuvre trois (3) PAS de 1988 (année d'expérimentation du premier programme) à 1999. Le premier PAS (1988 - 1990), soutenu par la Banque mondiale et le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Africaine du Développement (BAD) à hauteur de 13,8 millions d'UC114, « visait la stimulation de l'initiative privée afin de générer la croissance du PIB à 3,6 % par an, la gestion efficace de l'économie en restructurant le secteur parapublic, en améliorant la capacité d'absorption du pays et en réduisant les déficits interne et externe »115. Le deuxième PAS est intervenu pour la période 1994 - 1998 et le PAS III pour 1996 - 1998 (avant le terme du PAS II). Il faut dire aussi qu'à part les PAS, d'autres programmes visant également à redresser les déséquilibres économiques ont été initiés en faveur du Togo. Il s'agit entre autre du Programme d'Ajustement et de Relance Economique (PARE), et des financements du Fon Africain de Développement (FAD).

A l'analyse et au regard des mesures d'austérité qui ont accompagné les programmes d'ajustement structurels, il est clair que c'est la souveraineté de l'Etat sur la gestion de ses affaires internes qui se trouve affectée. Le Togo se trouve ainsi contraint de suivre les leçons sur la gestion de ses finances publiques définies par les institutions financières internationales notamment la Banque Mondiale, le FMI, la Banque africaine de développement, conformément à l'impératif de redressement du déséquilibre micro et macroéconomique. La situation est plus remarquable à partir du deuxième et troisième PAS du fait du cadre temporel de leurs déploiements. Rappelons que le début de la décennie 1990 est marqué par des soubresauts multiformes avec à la clef une profonde mutation des systèmes politiques et économiques en vigueur. Impulsé fondamentalement par le discours de la Baule, le déclin du monopole de l'Etat dans la gestion des affaires en son sein et la promotion du secteur privé sont entre autre mesures qui sont imposées au

114 Groupe de la Banque Africaine du Développement, « Togo, programme d'ajustement structurel I et II », Rapport d'évaluation de performance du programme (REPP).

115 Idem.

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Togo afin de maintenir la coopération avec les partenaires financiers. L'envahissement somme toute, entière du champ économique togolais n'est pas resté sans conséquence sur la vie institutionnelle du Togo ainsi que sur le vécu quotidien des togolais qui était déjà décrié. En clair les PAS ont eu un impact indéniable sur le plan économique, politique, mais aussi et surtout social.

B. L'impact sociopolitique des PAS

Les programmes d'ajustement structurels, dans leur conception, visaient à corriger le ralentissement ou mieux la récession économique dans laquelle certains pays du monde se sont trouvés au gré des évènements (cf. para. A). Leur implémentation au Togo fait suite à la stagnation puis à la régression des performances économiques enregistrées au début de la décennie 1970, marquées par un climat favorable à l'exportation des matières premières. Leur fondement réside donc dans leurs capacités à remettre l'économie sur les rails de la croissance et la stimulation ou l'impulsion du développement. D'un point de vue économique, il faut reconnaitre que le tout premier PAS implémenté au Togo a permis de réaliser des résultats encourageants même si de façon générale, les résultats sont restés en deçà des objectifs de départ 116. Cependant, « les problèmes sociaux se sont aggravés »117. Le bilan sur le plan social est en effet accablant, nonobstant « l'absence de données statistiques fiables et le caractère qualitatif de certains objectifs (sociaux notamment) rendant difficile l'établissement des liens de cause à effet entre les évolutions des variables socio-économiques constatées pendant et après la mise en oeuvre des programmes » 118. Sur le plan de la santé par exemple, l'accès aux soins primaires à nettement diminué, l'espérance de vie réduite etc... malgré la mise en oeuvre de ce PAS (cf. para. B). le PAS II a été initié pour justement, pallier les insuffisances du PAS I comme le reconnait le rapport d'évaluation des performances de programme de la Banque Africaine de Développement (BAD). Cependant, de PAS en PAS, le bilan reste très mitigé avec des conséquences sociales énormes. Cela s'explique notamment par des défaillances dans leurs conceptions.

116 « En effet, au terme du PAS I, la balance commerciale est restée déficitaire, la croissance des exportations étant restée faible par rapport à celle des importations qui s'est accélérée ; l'objectif de diversification des exportations n'a pas été atteint ; le déficit global des opérations consolidées de l'Etat ainsi que celui des opérations courantes ont certes baissé mais sans atteindre les niveaux souhaités ; le secteur privé n'a connu qu'une faible et lente redynamisation », Groupe de la Banque Africaine du Développement, « Togo, programme d'ajustement structurel I et II », Rapport d'évaluation de performance du programme (REPP), Op cit.

117 Idem.

118 Idem.

En effet, il y avait 94 programmes à exécuter dans le PAS II et 57 pour le PAS III, les deux exécutable en deux ans seulement chacun. « Ce qui ne tenait pas compte du contexte socio-politique dans le pays et des capacités réelles de l'administration. Par ailleurs, chaque bailleur de fonds avait des conditionnalités propres, différentes de celles des autres, ce qui a désorienté le gouvernement et n'a pas facilité leur réalisation » 119. En outre, les partenaires sociaux n'ont pas été associés à la formulation de ces PAS afin de susciter leur adhésion et une active participation de leur part, ainsi qu'il n'eut pas tenu compte des facteurs sociopolitiques (notamment la grève générale de 1991) et d'autres aléas climatiques, les fluctuations des cours internationaux des produits d'exportation auxquels l'agriculture de rente est sensible.

Si la nouvelle donne, de manière générale, était censée constituer un coup de pouce, une « bouffée d'oxygène » pour l'opposition politique balbutiante, en ce qu'elle pourrait être convertie en opportunité politique, force est de remarquer que l'implication de la communauté internationale dans le champ économique du Togo, n'a pas eu une incidence significative sur la distribution des cartes sur l'échiquier politique. Toutefois les conséquences sociales de cette implication ont tant soit peu eu une influence sur le comportement politique des électeurs. En somme, la présence de la communauté internationale dans le jeu politique s'est montrée déterminante au regard des influences qu'elle exerce sur le déroulement du jeu politique au point de constituer un véritable enjeu politique.

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119 T. A. GOGUÉ, Op cit.

PARTIE II.

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L'ÉMERGENCE DES ENJEUX POLARISÉS

La communauté internationale, devenue permanente sur la scène politique togolaise depuis 1990, crée de toute évidence des incidences sur le jeu politique qui s'y déploie. Perçu seulement sous cet angle, l'analyse peut s'avérer partielle. Les influences semblent aller à sens unique ; alors qu'il n'en est pas du tout ainsi. S'il convient de considérer la communauté internationale comme un acteur du jeu politique dans une logique bourdieusienne120 (c'est-à-dire produisant des effets sur le champ considéré), il importe également de reconnaitre dans une perspective systémique, que les acteurs politiques togolais influent sur les prises de positions de cette dernière. A ce titre, elle apparait comme un enjeu pour les acteurs en scène sur l'échiquier politique (Chapitre I). A l'inverse, l'analyse démontre que les actions de la communauté internationale ne sont pas toujours dénudées d'intérêts multiformes (Chapitre II).

47

120 P. BOURDIEU, Propos sur le champ politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000, p. 22.

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CHAPITRE I.

LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE : UN ENJEU DANS LE CHAMP
POLITIQUE TOGOLAIS

La politique comme nous l'avons défini en amont (cf. para. Intro), désigne l'espace symbolique de compétition entre les candidats à la représentation du peuple. C'est dire qu'elle se déroule non pas en l'air, mais sur un substrat réel, perceptible quoique symbolique. Comme toute action, il s'agit de son cadre d'expression, son « terrain de jeu », caractérisé par des spécificités propres : le champ politique121. Mais la politique, perçue à travers le prisme d'un jeu, laisse entrevoir que comme tout jeu, elle se déroule autour d'un ou des enjeux qui constituent les points d'achoppement entre les joueurs en compétition. Une pareille appréhension de la politique disons-le, permet de la mettre à nu, afin de cerner de manière holistique, son fonctionnement. Centrée sur le cas togolais, la présente étude ambitionne de délimiter clairement l'espace symbolique de « la compétition » (section I), puis de focaliser le regard sur la substance même des « affrontements » entre les joueurs dans le champ considéré (section II).

SECTION I. FOCUS SUR LE CHAMP POLITIQUE TOGOLAIS : THÉÂTRALISATION DE L'ESPACE POLITIQUE

La politique au Togo comme partout ailleurs se déroule dans un champ caractérisé par des spécificités propres qu'il importe de délimiter afin d'appréhender panoramiquement les différentes interactions qui s'y déroulent. Il s'agit d'un champ symbolique, abstrait, mais réel, « un microcosme dans le macrocosme social » 122 et qui constitue le cadre spatial d'expression des règles du jeu politique. Comment se délimite donc le champ politique togolais (paragraphe I) et comment est-il animé (paragraphe II) ?

§ 1. CIRCONSCRIPTION DE L'ESPACE DE JEU

Lorsque F. G. Bailey recommandait de « considérer la politique comme un jeu de compétition »123, il établissait par là même une analogie entre la politique et les jeux

121 Ce concept a été élaboré et développé largement par Pierre Bourdieu à travers nombre de ses ouvrages.

122 P. BOURDIEU, Propos sur le champ politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, Op. cit.

123 F. G. BAILEY, les règles du jeu politiques, 1971, PUF.

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connus ordinairement c'est à dire fondé sur un objet réel ou abstrait convoité, encadré par un règlement clairement défini et un cadre de son déroulement qu'on peut assimiler à un terrain. C'est ce terrain avec ses spécificités et les interactions éventuelles qui peuvent y exister, qui constituent ce que la sociologie politique qualifie de « champ ». Cela dit, la politique comme jeu, se déroule également dans un espace social avec ses propriétés qu'il convient de qualifier de « champ politique ». Ainsi, avant d'explorer concrètement le champ politique togolais afin de cerner ses propriétés propres (B), nous estimons judicieux de décliner de façon générale la notion de « champ politique » au sens sociologique du terme (A).

A. Considérations sur la notion de champ politique

La notion de « champ politique » est un concept clé en sociologie politique comme en témoigne l'intérêt qui lui est accordé et cela, parce qu'il permet de comprendre plus aisément les luttes pour le pouvoir dans une société. C'est un concept qui a intrigué nombre de sociologues qui y ont consacré écrits et conférences. Pierre Bourdieu est l'un d'eux et c'est à lui que revient le mérite d'avoir apporté toute la lumière sur la notion de « champ politique » et sur ses caractéristiques. Le champ politique est en effet « le lieu où s'engendre dans la concurrence entre les agents qui s'y trouvent engagés, des produits politiques, problèmes, programmes, analyses, commentaires, concepts, événements, entre lesquels les citoyens ordinaires réduits au statut de `'consommateurs'Ç doivent choisir, avec des chances de malentendus d'autant plus grandes qu'ils sont plus éloignés du lieu de production »124. Considéré comme tel, le champ politique se révèle comme un champ de lutte, mettant aux prises des acteurs « dans un système de `'positions'' hiérarchiquement inégales : soit en termes de compétence juridique, soit en terme de prestige, d'argent, de capacité économique ou de pouvoir d'influence »125. Les conflits de pouvoirs constituant une dimension majeure des pratiques sociales, le champ politique apparait comme une composante du vaste champ social qui finalement prime sur les autres champs potentiels de la société et tend à tous les engloutir. Le champ politique est en effet « plus spécifiquement structuré par la compétition autour du contrôle de l'appareil d'Etat, contrôle qui implique des possibilités d'intervention dans l'ensemble de la société régie, aussi bien sur le plan

124 P. BOURDIEU, « La représentation politique. Elément pour une théorie du champ politique », Actes de la Recherche en sciences sociales, n° 36/37, fév.-mars 1981, pp. 3-24, in P. Bourdieu, Propos sur le champ politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000, p. 15.

125 P. BRAUD, Sociologie Politique, Paris, LGDJ, 8ème Edition, 2006 p. 53.

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matériel que symbolique : faire régner l'ordre, soutenir l'économie, promouvoir des transferts sociaux [...]. Le champ politique est donc vaste ; à certains égard il englobe ou inclut tous les autres champs dès lors que ceux-ci sont régis par des autorités gouvernementales »126. Le champ politique comme tous les autres champs du social comporte en lui une pléthore d'enjeux autour desquels se déroule la compétition. La définition de ces enjeux obéit plus généralement aux conditions conjoncturelles qui structurent l'espace social à un moment de la lutte politique et qui conditionnent l'émergence, le maintien ou le déclin des acteurs sur la scène politique. L'occupation et la prépondérance sur l'espace de jeu dépend de l'usage ou mieux de la 'manipulation'' qu'en font les entrepreneurs politiques de ces enjeux. On peut dès lors affirmer avec Philipe Braud que « les champs sont des systèmes d'enjeux qui définissent des avantages spécifiques (à convoiter ou à conquérir), engendrant également des logiques de situations qui conditionnent étroitement les comportements des agents positionnés par rapport à ces enjeux »127. C'est dire que dans la lutte politique, un consensus réside toujours autour de ce qui constitue l'enjeu128 de la compétition ainsi que les règles du jeu à respecter dans la conquête de celui-ci. Seulement, s'il est admis théoriquement que la compétition suppose un niveau de 'qualification'' de base qui offre à tous les joueurs une chance de gagner, les ressources dont ils disposent constituent des leviers qui font toute la différence dans le champ politique. Ainsi chaque acteur de l'échiquier politique peut habilement utiliser les ressources à sa disposition pour faire basculer la balance en sa faveur à travers une plus grande mobilisation du peuple au soutien de sa cause. Les stratégies politiques doivent dans ces conditions, s'arrimer impérativement à la cible dont le soutien s'avère nécessaire. Bourdieu dira de ce fait qu'il est plus aisé pour ceux qui détiennent une délégation au nom des valeurs subversives de voir des gens démunis se remettre à eux qu'à ceux qui détiennent une délégation au nom des valeurs conservatrices129. Ceci dit, il s'avère impérieux de voir comment se structure le champ politique togolais et de questionner la place de la communauté internationale dans cet espace.

126 Idem.

127 Idem.

128 L'enjeu doit être compris ici comme l'objet même de la compétition. Dans une élection présidentielle par exemple, il s'agira du fauteuil présidentiel. Voir, Mathieu BRUGIDOU, L'élection présidentielle : Discours et enjeux politiques, une analyse comparée, Paris, Harmattan, Logiques politiques, 1995, p. 7.

129 P. BOURDIEU, Propos sur le champ politique, Op Cit.

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B. Présentation du champ politique togolais

Le champ politique togolais présente tous les attributs du champ politique au sens bourdieusien du terme. Du point de vue spatial, il faut dire qu'il se fond dans les limites de la superficie du Togo ; mais du point de vue symbolique, ses bornes sont poussées au-delà. Un regard sur les types d'acteurs qui structurent l'échiquier politique togolais permet de comprendre l'étendue symbolique du champ politique togolais. Mais d'entrée de jeu, signalons qu'il s'agit d'un champ politique stratifié en champ politique national, marqué par les luttes en vue du contrôle de l'appareil d'Etat ; et un champ politique infranational, caractérisé par les compétions au niveau locale130.

Depuis le début de la décennie 1990, la scène politique togolaise a vu émerger de nouveaux acteurs dans le ballet politique du pays et ceci, à la faveur de la démocratisation dans laquelle le Togo s'est vu embarqué au regard des mutations politiques globales intervenues dans le monde. A proprement parler cette période constitue la renaissance d'un champ politique au Togo entendu comme un espace concurrentiel, mettant aux prises des entrepreneurs politiques, porteurs de l'offre devant satisfaire la demande du peuple. Ainsi, à côté du pouvoir d'Eyadéma, ce sont mises en place des coalitions politiques allant du FAR (Front des Associations pour le Renouveau) au COD (Coalition de l'Opposition démocratique) en passant par le FOD (Front de l'Opposition Démocratique), pour ne citer que ceux-ci, afin de disputer la direction du pays. Le champ politique togolais s'est révélé proprement comme champ concurrentiel pour la première fois lors de la tenue de la Conférence Nationale, qui a dressé un panorama des rapports de forces en présence. Là s'est dressé deux (2) blocs opposant d'un côté le RPT de Eyadéma et de l'autre, les jeunes partis de l'opposition et d'autre organes de la société civile. A la suite de ces grands 'Etats généraux'' de la vie politique togolaise, s'est ouvert des élections disputées qui constituait un enjeu majeur de l'histoire du Togo, vue la longue parenthèse du monopartisme dans lequel le pays a végété pendant plus de deux décennies. La participation aux premières élections de l'ère démocratique permet, au regard des alliances qui s'y sont nouées (notamment entre le CAR et l'UTD) de penser à un champ politique bipolaire avec un pouvoir qui a accumulé des ressources énormes131, et une opposition désireuse de renverser la distribution de ces ressources. Mais l'issue de cette élection avec la nomination d'Edem

130 Il s'agit d'un champ politique plus ou moins nouveau, qui englobe toutes les interactions à l'élection des conseillers municipaux.

131 C. TOULABOR, Togo : Les Forces Armées Togolaises et le Dispositif Sécuritaire de Contrôle, Bordeaux, CEAN-Sciences Po Bordeaux, 2005.

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Kodjo comme Premier Ministre aux dépens de Yaovi Agboyibor qui avait recueilli plus de voix, permet de confirmer la férocité du jeu politique. Et comme le soulignait Pierre LENAIN, « le jeu politique n'est pas un jeu abstrait, mathématique, comme un jeu d'échecs, c'est un jeu avec des hommes, en chair et en os, qui ont du plaisir, qui souffrent, qui sont promis à la mort, qui sont cruels »132. Cette structuration du champ politique va perdurer jusqu'aux compétitions actuelles où l'on voit naitre des alliances stratégiques non pas sur la base d'une convergence idéologique, mais sur celle des opportunités politiques. C'est ce qui explique par exemple, les défections essuyées par la coalition des quatorzes (C14) au lendemain de l'élection législative du 20 décembre 2018 et comme d'autres coalitions avant. Le champ politique togolais à l'observation présente, (comme tout champ politique d'ailleurs) un tableau aux ressources très inégalement réparties et une récurrence de 'coup politique'' 133 ainsi qu'une perception différente des enjeux de ce champ. Néanmoins, c'est un champ politique concurrentiel qui plus est, met constamment aux coudes les acteurs à travers leurs offres vis-à-vis des enjeux qui y émergent.

§ 2. ENJEUX ET OFFRES POLITIQUES AUX PRISES

Le champ politique est un espace essentiellement dynamique. Il est fait de compétitions permanentes autour des enjeux globaux ou sectoriels134, finaux ou intermédiaires 135 en vue du contrôle des institutions. Dans cette configuration, « les entrepreneurs politiques sont engagés dans une bataille permanente pour imposer dans l'opinion une image positive de leur capacité à prendre en charge les problèmes prioritaires des électeurs. Ils tentent ainsi d'obtenir une image de crédibilité générale ou sectorielle, gagnant sur certains thèmes, perdant sur d'autres » 136 Le champ politique togolais également présente cette

132 P. LENAIN, Le jeu politique : la France de demain, Economica, 1986, p. 9, cité dans le Cours de stratégie politique : le jeu politique, https://ecrirelaregledujeu.fr/jeu-politique/ , consulté le 07 mai 2019 à 08h23.

133 Le coup politique est l'action ou la manoeuvre, généralement inventive et risquée, qui vise à obtenir, dans la compétition politique, un avantage cognitif, voire décisif sur ses adversaires. C'est aussi selon E. TAÎEB « l'atome de la vie politique, l'occupation principale des professionnels de la politique », voir le coup politique, https://ecrirelaregledujeu.fr/les-coups-politiques/ , consulté le 07 mai 2019 à 09h30.

134 Les enjeux globaux renvoient aux questions touchant l'ordre national ; alors que ceux sectoriels portent sur des questions circonscrites à un niveau plus local.

135 On désigne par enjeu final, l'ultime finalité recherchée par les entreprises politiques donc, gagner les élections. Un enjeu intermédiaire par contre, fait partie de ces enjeux indirects dont la conjugaison concoure à l'atteinte de l'enjeu final. Voir pour ces distinctions, Mathieu BRUGIDOU, L'élection présidentielle : Discours et enjeux politiques, Paris, L'Harmattan, Logiques Politiques, 1995, p. 7.

136 Idem.

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structuration, présentant un espace avec des offres politiques construite autour des enjeux clairement définis(B). Seulement, on y voit prendre forme également, une offre politique fondée sur des enjeux aux contours flous et difficilement sériables (A).

A. De la pluralité des enjeux à une offre politique floue

Dans un système politique où l'accession au pouvoir se fait au moyen de procédures concurrentielles, l'espace politique prend la forme d'un marché politique où s'affrontent les entrepreneurs politiques, en vue de faire passer dans la conscience collective, leur vision du monde. L'apprentissage de la démocratie a ainsi astreint le Togo à organiser des élections disputées en vue de désigner le Président de la république, ou les représentants du peuple à travers des luttes codifiées. Les moments de consultations électorales se montrent à cet effet comme des moments privilégiés pour les acteurs politiques de s'adonner à toute sorte d'opérations de charme devant les électeurs, « réduits au statut de consommateur »137 autour des enjeux, à même de faire basculer la balance en leur faveur.

La notion d'enjeu désigne l'objet convoité dans une compétition ou, dans une compétition, l'ensemble des facteurs concourant à l'atteinte de l'objectif final138. Cela suppose une certaine objectivation des choix politiques et une claire identification des facteurs sensibles susceptibles de faire la différence entre entrepreneurs politiques. L'observation du vote au Togo permet malheureusement de se rendre compte que le degré de rationalité est nettement déficitaire. Il est un fait que le vote est motivé en démocratie par plusieurs facteurs. Mais « si en Europe et aux Etats-Unis la religion, la catégorie socioprofessionnelle, la situation économique, les programmes des candidats etc., paraissent les facteurs importants qui influencent les choix électoraux, en Afrique l'ethnie est le déterminant le plus remarquable »139. Si au début de la démocratisation la soif du

137 P. BOURDIEU, Exposé sur le champ politique, Op cit.

138 Trois types d'enjeux structurent l'espace politique :

- Un enjeu 'final'' pour les acteurs en présence qui peuvent remporter ou perdre l'élection.

- Une série d'enjeux 'intermédiaires'' qui conditionnent pour les entrepreneurs politiques, le gain de l'enjeu final, puisqu'il s'agit pour eux de s'assurer l' « image de crédibilité générale » la plus complète aux yeux de l'opinion, en gagnant sur le plus grand nombre de thèmes possible ou, du moins, sur ceux que cette dernière juge prioritaires.

- Des enjeux 'réels'', si l'on peut risquer une telle expression, puisqu'il importe, à terme, de résoudre les problèmes soulevés par la demande en mettant en oeuvre des politiques publiques adéquates. Voir, Mathieu BRUGIDOU, L'élection présidentielle : Discours et enjeux politiques, ibid.

139 B. D. TCHAGBELE, Les déterminants des choix électoraux des populations en milieu rural au Togo : cas du village d'Aguidagbadè dans le canton de Wassarabo (Préfecture de Tchaoudjo), mémoire de maîtrise ès Sociologie, Université de Lomé, 2011.

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pluralisme politique, de plus de liberté, de garanties des droits de l'homme, et autres vertus démocratiques a motivé et conditionné les choix électoraux, cela sera de très courte durée. La fibre ethnique sera pendant longtemps la corde sur laquelle vont profondément s'appuyer les challengers du jeu politique togolais. Il apparaît tout à fait clair que l'offre du politique sur un tel enjeu n'est rien de concret si ce n'est un discours exacerbant le tribalisme au sein de l'Etat. Il est à ce titre difficile de délimiter clairement l'offre du politique au tour d'un tel enjeu. Le discours politique est en principe porteur d'une offre politique ou mieux, l'offre politique est avant tout discours vue aussi que c'est souvent à travers lui (le discours politique) que se cristallisent les enjeux. Le manque du concret qui caractérise le discours politique togolais serait donc le corolaire du flou qui entoure les enjeux.

B. L'offre politique au tour des enjeux clairs

« La lutte symbolique qui caractérise spécifiquement le champ politique et le différencie du champ des sciences sociales, a certes pour enjeu ? l'imposition d'une vision du monde ? »140. C'est cela l'essence même de la politique. Il s'agit en fait pour les acteurs politiques « d'imposer dans l'opinion une image positive de leur capacité à prendre en charge les problèmes prioritaires des électeurs »141. Ainsi les actions politiques apparaissent comme des réponses aux problèmes sociaux ressentis ou mieux, vécus par les populations. Or ce qui intéresse en réalité l'entrepreneur politique, c'est moins les aspirations du peuple que l'intérêt en termes de capital politique qu'il peut tirer d'un investissement. « L'équité supposée de l'échange qui s'effectue entre l'offre politique et la demande réside dans la rencontre des intérêts des entrepreneurs politiques (gagner en crédibilité et, à terme, remporter les élections) avec ceux de la demande sociale (voir ses problèmes prioritaires pris en charge et résolus) »142. Cela sous-entend que l'offre politique jouit d'une certaine autonomie vis-à-vis de la demande au point même de la façonner. C'est en somme la situation qui prévaut au Togo pendant longtemps et qui constitue - disons-le - la réalité de tous les espaces politique.

Ce sont en effet les hommes politiques qui, à partir de leur discours, crée les enjeux qui doivent mobiliser et guider les choix des électeurs et qui proposent en même temps des

140 P. BOURDIEU, Exposé sur le champ politique, Op cit.

141 M. BRUGIDOU, L'élection présidentielle : Discours et enjeux politiques, Op cit.

142 Idem.

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solutions à partir de leurs offres politiques tout aussi imparfaites les unes que les autres. La fibre ethnique par exemple comme enjeu politique, a été créée et montée de toute pièce par les hommes politiques depuis les années 1960 et peut-être avant encore, dans le but d'acquérir à sa cause, le soutien de toute la base ethnique dont on est ressortissant à travers des manoeuvres de culpabilisation et d'accusation des autres. Parti d'une intention instrumentale, le choix électoral basé sur l'identité ethnique est devenu le principal enjeu du jeu politique togolais sur lequel surfent allègrement les acteurs politiques togolais.

S'agissant de la communauté internationale comme enjeu, sa conception et sa perception par les togolais, est le reflet de l'image que les politiques ont forgée d'elle. Ainsi, est-elle dépeinte tantôt comme un allié à la stabilité sociale du Togo et tantôt comme l'? ennemi public n° 1 ? à abattre. Présentée comme telle, la communauté internationale serait donc dans une grande proportion responsable des heurs et malheurs des togolais. Et c'est principalement ce que servent comme discours, les hommes politiques surtout en cas d'intervention de la communauté internationale en situations tendues.

En gros, les enjeux clairs dans le jeu politique togolais sont ceux créés par les acteurs politiques eux-mêmes, enjeux pour lesquels l'offre politiques est préparée d'avance.

SECTION II. FOCUS SUR LES AFFRONTEMENTS SYMBOLIQUES DU CHAMP POLITIQUE TOGOLAIS

La communauté internationale se présente dans le jeu politique au Togo comme un acteur externe à l'arène, dont la portée des actions est grandement significative. Ainsi est-elle présente à tous les grands rendez-vous politiques auxquels sont conviés les acteurs. L'intervention de la communauté internationale dans la vie politique togolaise est permanente, mais demeure plus incisive en période électorale et en période de crises politiques du fait de l'interdépendance entre pays et aussi d'autres raisons mentionnées dans la première partie du présent travail. Ainsi, la perception qu'ont les acteurs politiques de ces interventions, ou leur réaction face à ces interventions obéissent à des logiques différentes selon qu'on soit du pouvoir (Paragraphe I) ou de l'opposition (Paragraphe II). Seulement, « pour décrire le fonctionnement du champ politique, le recours à la

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métaphore théâtrale n'est pas des moins usités, notamment en ce qu'elle permet de distinguer ce qui s'expose sur la scène et ce qui se joue en coulisse »143.

§ 1. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DANS LES STRATÉGIES POLITIQUES DE LA MAJORITÉ

Depuis le début du processus de démocratisation dans les années 1990, le Togo n'a pas connu d'alternance politique 144 à proprement parler. Le pouvoir est ainsi détenu par une seule famille politique 145 même s'il a changé de mains par concours de circonstances. On peut aisément comprendre dans ces conditions, la logique de la majorité dans la prise en compte de la communauté internationale dans sa stratégie politique qui en l'espèce, a oscillé entre une stratégie réfractaire (A) et une stratégie conciliante (B).

A. Une stratégie réfractaire

L'avènement de la démocratie a indubitablement érodé les fondements centraux des régimes dictatoriaux et monopartisans présents en Afrique et dans le monde. Au Togo, il est à noter que le positionnement de la communauté internationale comme un ?acteur» de la vie politique est antérieur à 1990. Mais c'est à partir de cette année - les facteurs aussi bien internes qu'externes aidants -, que l'international va peser de tout son poids dans la configuration du jeu politique au Togo. La politique, considérée comme jeu, n'est qu'un enchevêtrement successif de stratégies visant toutes, à la capitalisation de l'enjeu final qui est pour l'essentiel la victoire aux élections.

La première illustration des stratégies des parties prenantes dans le jeu politique est à retrouver dans la conférence nationale et les tractations qui ont conduit à sa tenue. Notons que la concrétisation de cette conférence n'a été rendu possible qu'avec le soutien de la communauté internationale notamment de la France, qui était aux premières loges des

143 B. D. TCHAGBELE, « Les déterminants des choix électoraux des populations en milieu rural au Togo : cas du village d'Aguidagbadè dans le canton de Wassarabo (Préfecture de Tchaoudjo) », Op. cit.

144 L'alternance est une échéance prévue et profitable, voire attendue, qui rythme les régimes démocratiques et est supposée assurer leur 'respiration'' par la rotation régulière des positions de pouvoir entre les principaux camps politiques antagoniques, voir à cet effet P. ALDRIN, L. BARGEL, N. BUÉ ET C. PINA (dir.), Politiques de l'alternance. Sociologie des changements politiques, Vulaines-sur-Seine, Edition du Croquant, Coll. « Sociopo », 2016, p. 412

145 Le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) puis par l'Union pour la République à la suite de la fonte du premier le 1' avril 2012.

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accords du 12 juin, accords ayant conduit à la Conférence Nationale146. Ainsi, lorsque naquit l'idée - à partir de l'exemple du Bénin voisin - de rassembler « les forces vives » de la Nation autour d'une table pour faire ?les Etats généraux» de la vie politique, cela pris en très peu de temps, la forme d'une tentative de renversement du pouvoir de Lomé, contrairement à la logique du modèle béninois dont elle s'est inspirée 147. Eyadéma qui avait concédé bon an mal an l'essentiel de son pouvoir à cette conférence du fait des manoeuvres et pressions de la communauté internationale, va décider de reprendre ?le poil de la bête» et ainsi récuser par ricochet cette communauté internationale qui était en quelque sorte le garant de cet évènement inédit. Plus tard c'est dans la crise politique de 2017 qu'on voit encore le pouvoir se montrer subtilement réfractaire à la communauté internationale toujours dans une logique d'orientation politique.

En effet, dans la feuille de route proposée par les médiateurs de ladite crise, il était prévu la réalisation des réformes constitutionnelles et institutionnelles. Pour accompagner l'Etat togolais, la commission de la CEDEAO a commis un expert constitutionnaliste en vue de proposer un squelette de révision qui finalement, a été systématiquement placardé. Si la majorité politique au Togo s'est montrée quelque rares fois en porte à faux avec la communauté internationale, il faut reconnaitre que dans la plupart des cas, elle a mis en oeuvre une stratégie conciliante vis-à-vis de cette dernière.

B. Une stratégie conciliante

Le pouvoir de Lomé depuis Eyadéma à Faure Gnassingbé, s'est plus montré conciliant et plus en harmonie avec les orientations de la communauté internationale qu'il n'a été réfractaire. En effet, lorsqu'à la suite des évènements inédits du 05 octobre 1990 la crise pris de l'ampleur, la communauté internationale s'est ruée sur la situation pour la juguler, tant le contexte international l'exigeait dans une certaine mesure. Ainsi dans tous les accords politiques signés entre les protagonistes de la scène politique togolaise, la communauté internationale a joué un rôle de prou, proposant des pistes de solutions qui quelques fois frisent des sensibilités des parties prenantes. A l'observation des faits et

146 J. W. HEILBRUNN, C. M. TOULABOR, « Une si petite démocratisation pour le Togo... » pp.85-100.

147 « La décision des groupes de l'opposition au Togo non seulement de déclarer la souveraineté de la conférence ensuite de dissoudre le RPT et enfin de former un gouvernement n'incluant pas les membres du RPT est perçue par le régime comme une trahison, une rupture de confiance par rapport aux accords précédents ». J. WEKO, Les transitions démocratiques au Togo et au Bénin : Dynamique et Mimétisme, mémoire de master Etudes politiques, Université Paris II Panthéon-Assas, 2017 - 2018.

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décisions de la période de la démocratisation, Eyadéma a concédé à l'opposition togolaise nombre de demandes sous l'impulsion des médiateurs internationaux qui ont arbitré les pourparlers. Ainsi lorsque l'ambassadeur de France Bruno DELAYE s'est impliqué dans les accords du 12 juin devant aboutir à la tenue de la Conférence Nationale, le Président Eyadéma a accepté le principe de cette assise solennelle qui portait en elle les fondements de la nouvelle République148. Plus loin encore, on voit même se développer une certaine complicité entre la communauté internationale et le pouvoir en place. Dans l'accord du 11 juillet 1993 conclu à Ouagadougou par exemple, la désormais position de force acquise par Eyadema au lendemain de la conférence nationale lui garantira une part belle dans ledit accord. D'aucuns diront même que cet accord « balisent les voies conduisant à l'élection royale d'Eyadéma, puisqu'il sera chargé en quelque sorte de l'organiser »149. Dans la médiation de la crise politique d'août 2017, le gouvernement togolais s'est montré très conciliant avec les propositions de la facilitation de la CEDAO, présentant la feuille de route de sortie de crise proposée par l'institution sous régionale comme la seule voie à suivre puisse qu'émanant de la communauté internationale. Ce faisant, le gouvernement chercherait tout simplement à démontrer la légitimité que portent les décisions de l'organisation communautaire même si au fond, c'est que ces décisions concordaient parfaitement avec sa vision des choses.

§ 2. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DANS LES STRATÉGIES POLITIQUES DE L'OPPOSITION

Tout comme la mouvance présidentielle, l'opposition togolaise est à la quête permanente de la meilleure stratégie en vue d'en venir à bout du pouvoir qu'elle estime aujourd'hui ?cinquantenaire ?. Il ne peut d'ailleurs pas en être autrement vue que la mouvance présidentielle est restée la même depuis 1967 où le Général Eyadéma a pris le pouvoir à la suite d'un coup d'Etat. Seulement, l'observation fait remarquer des stratégies somme toute non payantes puisque l'alternance souhaitée de tous temps peine à se matérialiser malgré les victoires en trompe-l'oeil et sectoriels que l'opposition à remporter. S'agissant de la communauté internationale comme enjeu du jeu politique 150 les stratégies de l'opposition togolaise s'avèrent tout à la fois discontinues (A) que désorientées (B).

148 J. W. HEILBRUNN, C. M. TOULABOR, Op cit.

149 J. W. HEILBRUNN, C. M. TOULABOR, Op cit.

150 La communauté internationale comme enjeu du jeu politique togolais s'entend au regard du poids institutionnel qui lui est reconnu surtout dans le soutien ou les désaveux du pouvoir comme nous

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A. Une stratégie discontinue

Depuis l'entame du processus de la démocratisation au Togo, la prise en compte de la communauté internationale dans la définition des stratégies politiques apparait nécessaire au regard du pouvoir d'influence de celle-ci dans le jeu politique. Ainsi, dès les premières heures du réapprentissage de la démocratie, l'opposition togolaise a trouvé en cette communauté internationale un allié majeur dans son combat pour la conquête du pouvoir surtout compte tenu du contexte international qui promouvait çà et là les vertus démocratiques et donc favorable aux alternances au sommet des Etats.

Ainsi pouvait-on remarquer déjà en 1991, la pression du COD aboutir à la Conférence nationale avec la prise en compte de la plupart de ses exigences 151 ; et cerise sur le gâteau, les accords du 12 juin qui consacrait l'organisation de cette conférence stipulaient clairement que « les orientations et décisions de la conférence nationale ne seront pas remises en cause par le chef de l'Etat »152. Mais très rapidement on verra cette opposition conspuer la communauté internationale, l'accusant de connivence avec la mouvance présidentielle. La situation est beaucoup plus patente et plus visible dans la crise politique 2017.

En effet, lorsque la communauté internationale s'est saisie du dossier togolais, les voies se sont levées dans une véritable cacophonie pour étiqueter cette communauté de tous les noms. Ainsi a-t-elle fait l'objet soit de sollicitation aux fins d'appui à ses actions pour l'alternance, ou de contestation au motif d'apporter du soutien à l'adversaire. On pouvait ainsi entendre de la part de cette opposition un discours réfractaire comme en témoigne les déclarations de Brigitte Adjamagbo-Johnson, coordonnatrice de la C14 au sujet de l'Organisation Internationale de la Francophonie : « La coalition a décidé de ne pas rencontrer la mission de l'OIF 153 », alors que cette mission venait simplement en rescousse à la situation d'embrasement qui avait cours. De même, l'opposition togolaise

l'avons souligné un peu plus haut à travers la lecture de la situation à travers le spectre du courant réaliste des relations internationales.

151 Un débat général sur la vie politique, économique, sociale et culturelle du pays, sanctionné par une déclaration de politique générale ; la mise en place de nouvelles institutions ; la constitution d'un gouvernement de transition dirigé par un Premier ministre issu de la C N ; la mise en place dun organe législatif de transition et des organes de contrôle des futures élections et l'élaboration d'un calendrier électoral.

152 Cf. (Accord du 12 juin entre le gouvernement et le COD I), La Nouvelle Marche, n° 3544, 18 juillet 1991, p. IV; sur les principaux points de ces accords, cité par J. R. HEILBRUNN et C. M. TOULABOR, « Une si petite démocratie pour le Togo... », Op cit.

153 Cf. Le Changent N° 568 du jeudi 12 Octobre 2017, Op cit.

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n'a pas ménagé la CEDEAO qui, de près s'est proposée pour une issue à cette crise. Au même moment on pouvait entendre une autre frange de cette opposition solliciter ouvertement l'intervention de la communauté internationale, pensée quasiment comme une panacée à la situation. Tikpi Atchadam, leader du PNP dira sans détour au cours d'une conférence de presse que « les togolais attendent un mot de la France. Elle a sa manière d'apprécier les situations et le moment opportun, nous savons qu'elle va réagir 154 ». L'insuccès des stratégies de l'opposition togolaise peut donc être tributaire de ces incohérences vis-à-vis du reste du monde.

B. Une stratégie désorientée

La discontinuité observée dans la prise en compte de la communauté internationale dans les stratégies politiques de l'opposition entraine indubitablement chez elle une perte de repère.

Si l'on scrute minutieusement les évènements politiques au Togo depuis 1990, on a l'impression qu'ils se ressemblent, de même que leurs manifestations. L'opposition togolaise donne toujours l'impression d'être harmonieuse et unie au tour des grands enjeux de la vie politique. Mais il s'agit toujours des édifices à base argileuse qui s'effondrent sous le poids des moindres intempéries en venant à secouer les alliances précaires toujours constituées. En effet, depuis la conférence nationale, l'opposition ne cesse de multiplier des moments de ? quasi victoire ? sur le pouvoir et comme dans « Le Mythe de Sisyphe » 155, elle recommence à chaque fois dans la même logique. Disons que la première expérience d'organisation ou mieux de structuration de l'opposition s'est faite au tour du Front des Associations pour le Renouveau (FAR), une coalition des formations politiques en gestation, mue par une volonté commune : le renouveau. Le FAR deviendra plus tard le Collectif de l'Opposition Démocratique (COD), mouvement qui conduira les actions jusqu'aux accords du 12 juin qui ont donné sur la tenue de la Conférence Nationale. D'autres unions verront également le jour toujours en vue de faire front commun contre le pouvoir en place. Il s'agit par exemple de la coalition CAR - UTD

154 Cf. Conférence de presse accordée par Tikpi Atchadam le 20 octobre 2017 in Flambeau des démocrates, n° 516 du vendredi 20 octobre 2017.

155 « Le Mythe de Sisyphe » énoncé par A. CAMUS, décrit l'histoire d'un homme presque condamné à pousser un rocher jusqu'au sommet d'une montagne et à chaque fois qu'il y arrivait, le rocher dévalait la pente pour se retrouver au pied de la montagne. Sisyphe redescendait toujours pour recommencer. Tellement il croyait qu'un jour il arriverait à fixer son rocher sur la cime de la montagne qu'à chaque fois, il redescendait et recommençait.

dirigé respectivement par Me Y. Agboyibor et E. Kodjo lors des élections législatives de 1994, coalition qui remportera effectivement ces élections mais qui s'effondrera aussitôt après.

Plus récemment, l'opposition togolaise va prouver aux yeux du monde qu'elle maitrise peu les stratégies politiques nécessaires en vue d'atteindre leurs objectifs politiques. En effet, dans la facilitation de la crise politique d'août 2017, l'opposition qui a fédéré dans la coalition des 14 (C 14), n'a pas attendu trop longtemps pour éclater en lambeaux. Tout ceci amènera la rédaction de Togo Tribune 156 à affirmer que « depuis octobre 1990, début des revendications démocratiques à nos jours, c'est pratiquement le même schéma qu'offre l'opposition togolaise dans sa lutte, dans ses ligues et dans ses front, une forme de cocktail molotov prêt à s'exploser aussitôt que l'on faisait passer dans les environs une bûchette d'allumette »157. L'ambassadeur de France au Togo durant la période de transition démocratique relevait déjà en son temps que l'opposition togolaise est somme toute « irresponsable, peu crédible, trop divisée et sans stratégie »158. Cela l'amène dans la plupart des cas à accuser les autres comme étant la cause de tous les échecs qu'elle n'a de cesse essuyés.

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156 Média togolais d'information en ligne, accessible au www.togotribune.com

157 Togotribune N° 76 du 9 mars 2019, Idem.

158 J. R. HHEILBRUNN et C. M. TOULABOR, « Une si petite démocratie pour le Togo ... », Op. cit.

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CHAPITRE II.

L'ACTION INTERNATIONALE DANS LE JEU POLITIQUE TOGOLAIS

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, Les mutations subies par les relations internationales démontrent qu'il est dorénavant impossible ou presque pour un Etat d'évoluer en vase clos. Les défis sécuritaires, économiques et actuellement migratoires, astreignent les Etats à fédérer les efforts dans une synergie d'action, afin d'y répondre efficacement. La formation des blocs régionaux, l'établissement des alliances bilatérales ou multilatérales souvent même « contre nature » entre Etats justifient la nécessité de collaboration qui s'impose aujourd'hui à nos Etats face à l'importance des enjeux mondiaux. L'international est devenu une communauté159, pourrait-on dire ! Seulement à y regarder de près, cette apparente unicité des nations ne serait que l'arbre qui cache la forêt d'intérêts qui déterminent et guident l'action de tout acteur des relations internationales. L'intérêt serait la négation de toute idée de philanthropie sur la scène internationale et la pierre d'achoppement de toute action engagée dans ce champ politique. Les actions de la communauté internationale dans le jeu politique togolais seraient à ce titre empreintes de la poursuite d'intérêts matériels ou immatériels souvent voilés (section I). Cependant, la poursuite des intérêts de la communauté internationale ne peut oblitérer l'impérative symbiose qui doit caractériser les interactions (section II).

SECTION I. : L'INTÉRÊT AU COEUR DE L'ACTION INTERNATIONALE : LECTURE À TRAVERS LE PRISME DU RÉALISME

La présence de la communauté internationale dans le jeu politique est perceptible à la simple observation. Ce qui l'est moins, c'est savoir si sa position sur le terrain du jeu politique togolais répond à l'impératif de neutralité recommandé par les bonnes moeurs internationales. Dans une perspective strictement réaliste, la réponse est négative. Ainsi sous l'auspice de cette grille de lecture, nous analyserons tour à tour l'action de la communauté internationale comme une unité (Paragraphe I) puis comme un conglomérat d'acteurs aux volontés spécifiques (Paragraphe II).

159 Référence ici est faite à la conception de F. TÖNNIES de la notion de communauté. Elle est selon lui « une forme d'organisation sociale dans laquelle les individus sont liés entre eux par une solidarité naturelle ou spontanée et sont animés par des objectifs communs ». D. ALCAUD et Al. Dictionnaire de sciences politiques, 2ème éd. Sirey, 2010.

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§ 1. UNE COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE UNITAIRE

Dans ses différentes interventions dans les affaires politiques togolaises (du moins sur la période considérée), la communauté internationale fait montre d'une certaine unanimité sur les sujets concernés. Du point de vue politique, on peut analyser son intervention à travers la promotion de la démocratie (A) et la coordination des actions en matière de gestion de crise (B).

A. Les vertus démocratiques promues

Le point de départ des exigences démocratiques dans les Etats d'Afrique francophone est comme nous l'avons montré, le désormais célèbre discours de la Baule, prononcé le 20 juin 1990 par l'ancien Président français François Mitterrand160. Dans ce discours, le Président français annonce à la face du monde que la France « liera tout son effort de contribution financière aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté »161. La promotion de la démocratie va apparaitre dans ces conditions comme un moyen de pression à l'encontre des pays africains dont le Togo, pour espérer continuer la jouissance de l'aide publique au développement. Sur cette question, il s'est créé une certaine unanimité entre tous les partenaires au développement du Togo. Ainsi, l'Union Européenne (UE), la Banque Mondiale, le FMI, et d'autres vont imposer au Togo la conditionnalité démocratique comme conditions sine qua non du maintien des relations de coopération. L'UE, suivie ou quelques fois précédée de l'Allemagne, va rompre sa coopération avec le Togo à deux (2) reprises pour déficit démocratique162. Le ministre allemand de la coopération dira à cet effet lors de la Conférence de Vienne de 1993 qu' « il est maintenant fondé de dire que la démocratie et la défense des droits de l'homme d'une part, et le développement économique d'autre part, se renforcent mutuellement »163.

Avant le triomphe universel de la démocratie libérale à la fin de la décennie 1980, la Charte des Nations Unies ainsi que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme faisaient une part belle aux principes démocratiques, fixant ainsi un cadre de légitimation

160 T. KPOBIE, Action internationale en faveur de la démocratie au Togo, mémoire de DEA, 2012, Université de Lomé, Togo.

161 Discours de la Baule, https://nsarchive2.gwu, consulté le 02 avril 2019 à 16H04.

162 K. KOFFI, « Togo : les deux ruptures de la coopération (1993 et 1998) » in Afrique Contemporaine, N° 189, 1er trimestre 1999, pp 63-76.

163 Y. KPEDU, « Essai sur le principe de légitimité démocratique en droit international et sa mise en oeuvre dans les accords d'aide au développement », Thèse, droit public, 2007, p.258.

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de toute action de nature internationale en faveur de ce mode de gouvernement. De même, l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) va adopter en 1986, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, un instrument devant permettre à l'organisation continentale « d'afficher ouvertement sa préférence au régime démocratique »164. Par la suite, d'autres textes 165 de promotion de la démocratie verront le jour renforçant ainsi la légitimité des décisions des organisations internationales dont est membre le Togo. Au plan sous régional également existe un corps de règles de promotion des principes démocratiques qui sont à bien des titres opposable au Togo. C'est dans cette logique qu'il faut comprendre la décision de la Cour de justice de la CEDEAO dans l'affaire dite des « neufs députés ANC», qui a condamné la décision d'exclusion prise par le parlement et entérinée par la cours constitutionnelle à l'encontre de de neuf (9) députés mis en cause166.

En somme, il est clair que lorsqu'il s'agit de la protection des droits de l'homme ou plus globalement, des principes démocratiques, aucune voie dissidente ne s'élève dans l'ensemble de la communauté internationale. Il en va de même lorsqu'elle intervient pour juguler une crise politique.

B. Des interventions coordonnées

L'immixtion de la communauté internationale en situation de crise trouve en premier lieu son fondement dans le chapitre VII de la Charte des Nations Unies qui porte sur « l'action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression »167.

164 T. KPOBIE, Op. cit.

165 Déclaration de Lomé du 10 juillet 2000 ; art. 4 et 30 de l'Acte constitutif de l'Union Africaine adoptée le 11 juillet 2000. Op. cit.

166 T. KPOBIE, Op. cit.

167 Il s'agit notamment des articles 40, 41 et 42 de la Charte des Nations Unies qui disposent : art. 40 « Afin d'empêcher la situation de s'aggraver, le Conseil de sécurité, avant de faire les recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l'article 39, peut inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu'il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures provisoires ne préjugent en rien les droits, les prétentions ou la position des parties intéressées. En cas de non-exécution de ces mesures provisoires, le Conseil de sécurité tient dûment compte de cette défaillance » ; art. 41 « Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques » et l'art. 42 « Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l'article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action

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Ce chapitre fixe les conditions et les formes possibles que peut prendre l'intervention dans un Etat en situation de crise. Au plan régional ou sous régional, les organisations internationales ont mis en place un ensemble de dispositifs permettant la prévention ou l'intervention aux fins de dénouement de crises le cas échéant. A cet effet, la CEDEAO va adopter le 10 décembre 1999 « le Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité », puis le « Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de Gestion, de règlement des conflits, de maintien de la Paix et de la Sécurité » le 21 décembre 2001. Le fondement sociologique de ces deux (2) textes sous régionaux se trouve dans ce que Barry Buzan qualifie de « complexe de sécurité » défini comme « un groupe d'Etats dont les soucis primordiaux de sécurité sont si étroitement liés que la sécurité d'aucun d'entre eux ne saurait être séparée de celle des autres »168. Au regard du foisonnement des relations internationales aujourd'hui, un incident intervenu en un point A peut avoir tout de suite des répercussions en un point B, situé à l'autre bout du monde169. Ainsi peut-on observer une adhésion logique de la part de tous les acteurs internationaux, lorsqu'il s'agit d'intervenir pour juguler les crises survenant dans un pays. Il en est de même au Togo depuis l'amorce du processus de démocratisation en début de la décennie 1990. En effet, de Colmar, à la facilitation dans la crise politique d'août 2017 en passant par l'Accord Politique Global et bien d'autres accords politiques intermédiaires, Etats et organisations internationales ont conjugué les efforts pour des dénouement pacifiques des crises pour l'essentiel, politiques au Togo.

De plus, la position géographique du Togo fait de lui un espace particulièrement intéressant dans la géopolitique dont il convient de maintenir la stabilité. En effet, le Togo est le seul pays de l'Afrique de l'ouest à disposer d'un port en eau profonde, capable

peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies ».

168 B. BUZAN, cite par D. BATTISTELLA, Théories des relations internationales, 5ème éd. Paris, Les Presse de Sciences Po, 2015, 507 p.

169 Voir à cet effet le cobweb model (le model de la toile d'araignée) développé par John Burton in J. BURTON, World Society, Cambridge, Cambridge University Press, 1968, p. 28-29, cité par D. BATTISTELLA, Idem, 507 p. Ce modèle repose sur deux (2) postulats :

- D'un côté, la fin de la séparation étanche entre interne et externe.

- De l'autre, l'impact l'impact potentiel qu'a tout évènement se produisant en un endroit du monde en tout autre endroit du monde : 'l'interdépendance accrue [...] conduit à des changements partout lorsqu'il y a un changement quelque part''.

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d'accueillir les navires de dernière génération. Ainsi, le port de Lomé est le principal dans la desserte des pays de l'hinterland ouest africain. Une instabilité du pays aura inéluctablement des répercussions retentissantes sur l'économie non seulement des pays africains dépendants de son port, mais aussi de tous ceux dont les produits transitent par ce port. Le Togo apparait de ce fait comme un enjeu économique assez important pour la communauté internationale qui suscite tout l'intérêt.

Si la communauté internationale est unanime (ou presque toujours du moins), sur la nécessité des interventions en situation de crises, elle ne s'accorde pas toujours sur les formes et modalités de ces interventions. Ce qui laisse penser à une appréhension différente des situations de crise, ou de manière plus poussée, une divergence d'intérêt dans le pays considéré.

§ 2. UNE COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE PLURIELLE

Du point de vue composition, la communauté internationale est un fourre-tout dans lequel sont rassemblés des acteurs disparates agissant dans la sphère internationale. On y retrouve à cet effet la société civile internationale (composée d'OING, les groupes de pressions ...), les Etats, les organisations internationales et bien d'autres dont l'opinion ou l'action peut influer sur le cours des relations internationales. Mais disons-le, dans sa première acception, la notion de communauté internationale désigne l'ensemble des Etats ou les regroupements de ses Etats, donc les organisations internationales170. C'est sur cette composition que nous focaliserons l'attention tant c'est en somme, la partie agissante de la communauté internationale. Ainsi sera abordée l'action des organisations internationales (B), après avoir exploré celle des Etats (A).

A. L'action des Etats

Les Etats sont cruciaux dans l'action de la communauté internationale s'ils ne sont pas les seuls acteurs171. En effet les Etats entretiennent entre eux une myriade de relations

170 « Si dans sa première acception, l'expression désigne `'l'ensemble des Etats des Etats pris dans leurs universalité'', elle peut également s'appliquer, sous une deuxième acception, à `'l'ensemble plus vaste incluant, à côté des Etats, les organisations internationales à vocation universelle, les particuliers et l'opinion publique internationale ». J. SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p.205.

171 Comprendre cette position toujours dans le spectre réaliste des relations internationales pour lequel les organisations internationale n'expriment in fine que la volonté des Etats qui les composent et mieux encore celle des plus grands. C'est une position qui peut leur être concéder au regard des faits marquants de l'histoire contemporaine des relations internationales.

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bilatérales et sont de ce fait en permanent contact les uns avec les autres. Ceci les conduit à développer des relations privilégiées, ou au contraire des relations tendues qui reflètent clairement l'existence d'accords et/ou de désaccords profonds ou de différence de points de vue sur des sujets donnés. C'est précisément sur cette base que se créent, se renforcent ou s'altèrent, des alliances ou des solidarités réciproques entre Etats, vu que le fondement de toute action de la politique étrangère d'un Etat, c'est d'abord et avant tout la recherche, la poursuite et la satisfaction de son intérêt172. Raymond Aron dira à cet effet qu'en politique étrangère, un Etat ne connaît qu' « un seul impératif catégorique, un seul principe d'action : l'intérêt national »173. Ainsi, « les hommes d'Etats pensent et agissent en terme d'intérêt défini comme puissance. [...] ils distingueront entre le devoir officiel qui est de penser et d'agir en termes d'intérêt national et leur désir personnel qui est de voir triompher leurs propres valeurs morales et les principes politiques réalisés partout dans le monde »174. Et c'est là que les relations internationales dévoilent le timbre de l'anarchie que lui collent les réalistes.

Au Togo, l'analogie aux préceptes susmentionnés, peut être faite à partir des prises de positions de certains Etats ou si l'on préfère, de certains Chefs d'Etat. A la suite de l'élection présidentielle de 1998 par exemple, consacrant la réélection de Gnassingbé Eyadema, l'ancien Président français J. Chirac n'a pas tari d'éloges pour féliciter son homologue togolais pour des élections décriées par nombre d'observateurs à l'instar d'Amnesty International pour violations graves des droits de l'homme. Et dans nombre de situations, le Président français n'a eu de cesse de surligner l'intimité des relations qu'il partage avec Eyadema, le Président togolais. Dans ces conditions, on ne peut s'étonner du soutien de la France à Eyadéma qui savait si bien s'en référer. De même avant Chirac, F. Mitterand dans son l'allocution au palais de Chaillot, insistait moins sur la conditionnalité démocratique martelée à La Baule que sur les modalités et le rythme qui conviennent à chaque pays africain pour conduire (en toute indépendance) sa mue démocratique175.

172 Terme phare dans le courant réaliste des relations internationales, l'intérêt national est « ce qui importe le plus à un Etat, ce qui constitue l'enjeu par excellence, et il guide donc l'action politique extérieur d'un Etat ». Cf. D. BATTISTELLA, et Al., Dictionnaire des relations internationales, Op cit.

173 «We assume that statemen think and act in terms of interests defined as power». H. Morgenthau, Politics among Nations. New York, Knopf, 1948.

174 H. MORGENTHAU, cité par Institut Numérique, www.institut-numérique.org

175 J. R. HEILBRUNN et C. M. TOULABOR, « Une si petite démocratie pour le Togo ... », Op cit.

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Hormis le cas togolais, l'histoire contemporaine du continent africain permet de mettre en lumière la pluralité de la communauté internationale sur des enjeux surtout géopolitiques mondiaux. En effet, si l'on considère les conditions de l'intervention de l'OTAN dans la crise libyenne qui a emporté le 'Guide'' Mouammar Kadhafi, on peut se rendre compte des alliances d'intérêts qui peuvent caractériser cette « communauté internationale ». Si non, comment expliquer cette intervention malgré, la non implication des autres Etats du monde notamment la Chine et de la Russie, tous deux (2) membres permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies ? A l'évidence, cette intervention reposait entièrement sur la volonté de la France et de ses alliés d'en découdre avec Kadhafi qui devenait gênant vis-à-vis de leurs intérêts176.

B. L'action des organisations internationales

On appelle organisations internationales « des acteurs internationaux, dotés d'un appareil administratif durable et de finalités précises et affichées, et qui regroupent soit des représentants mandatés de plusieurs Etats, soit des individus relevant de nationalités différentes concourant [...j à la promotion de causes internationales »177. On distinguera ici les organisations internationales gouvernementales (OIG) et les organisations internationales non-gouvernementales (OING), les premières étant « une association d'Etats » 178 et les secondes, une union « des individus relevant de nationalités différentes » 179 imbus d'objectifs internationaux communs. Ce qui est intéressant dans le cadre du présent travail c'est l'action des organisations internationales gouvernementales puisque plus légitimes à agir internationalement et plus représentative de la communauté internationale.

Les organisations internationales naissent de la volonté des Etats. Elles tirent de ce fait la légitimité de leurs actions dans l'assentiment originel des Etats à travers les chartes ou les traités qui les constituent. L'organisation internationale par excellence aujourd'hui reste l'ONU, qui a pour mission principale le maintien de la paix dans le monde. A ce titre, elle est habilitée à pendre des résolutions au moyen de son « bras armé » qu'est le Conseil de

176 C. MBAMBI, « l'intervention de l'OTAN en Libye au regard du droit international », https://memoireonline.com

177 G. HERMET et Al., Dictionnaire de Science politique et des institutions politiques, Op cit.

178 J-J. ROCHE, Relations internationales, Paris, Lextenso, LGDJ, 6ème éd., 2006, p.169.

179 G. HERMET et Al. Dictionnaire de Science politique et des institutions politiques, pp. 216 - 217, op cit.

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Sécurité en vue de pacifier tout coin du monde où la paix et/ou la stabilité en venait à être menacée. Elle est donc le rempart à 'l'anachrophilie» 180 des Etats sur la scène internationale en ce sens qu'elle définit le cadre normatif dans lequel ces relations se déroulent ou du moins, sont censées se dérouler. Seulement on note à l'observation et comme nous l'avons relevé un peu plus haut, des désaccords profonds dans l'adoption de certaines résolutions au Conseil de Sécurité ; ce qui laisse penser ni plus ni moins non pas à une communauté, mais à une société internationale 181 composée d'Etats rationnels, poursuivant et défendant des intérêts quelques fois antagoniques. Les exemples sont légion sur les rivalités au sein du Conseil de Sécurité. On peut énumérer le cas des débats sur la crise en Syrie ; l'annexion par la Russie de la Crimée et l'intervention de l'OTAN en Libye. Dans tous ces cas, l'action ou l'inaction de l'ONU s'explique dans une grande proportion par la concordance ou l'antagonisme des intérêts des cinq (5) membres permanents. Il existe également d'autres situations sur lesquelles il se dessine carrément comme une divergence d'opinion entre les organisations internationales. Illustration ici est faite à l'intervention armée de l'OTAN en Libye, intervention pour laquelle l'Union Africaine ne s'est pas montrée favorable.

Dans le cas togolais, il faut reconnaître qu'il ne s'est jamais produit (ou du moins officiellement) une situation qui eut à opposer acteurs de la scène internationale que ce soit du côté des Etats ou du côté des organisations internationales. Ce tour d'horizon nous permet néanmoins de comprendre que selon l'orientation des intérêts, la communauté internationale peut se montrer très impliquée dans l'ordre interne et influencer la distribution des cartes dans le jeu politique182. Cela reste malheureusement valable pour les organisations internationales qui, in fine, traduisent les rapports de forces entre Etats intéressés.

180 L'anachrophilie est amour de l'anarchie. Ce mot est emprunté à Y. S. KAKPO enseignent du cours de Relations internationales à l'université de Kara, pour désigner la propension de certains Etats à fouler aux pieds les normes internationalement édictées.

181 La société désigne dans la sociologie de F. TÖNNIES, une collectivisation d'acteurs rationnels, fondée sur l'utilité. Voir aussi à ce sujet G. HERMET, B. BADIE, P. BIRNBAUM, P. BRAUD, Dictionnaire de Science politique et des institutions politiques, p. 54 op cit.

182 Il relève désormais de l'évidence, le rôle joué par les puissances coloniales dans les changements de gouvernement dans leurs ex-colonies d'Afrique.

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SECTION II. ACTION INTERNATIONALE ET JEU POLITIQUE AU TOGO : VERS UNE SYSTÉMISATION DES RAPPORTS

La présence de la communauté internationale sur l'échiquier politique togolais crée indéniablement des conséquences sur le jeu politique lui-même affectant les positions et stratégies des joueurs. Mais dans une perspective systémique, l'on peut estimer à bon droit que si influence il y a, la réciprocité ne peut y échapper. En clair, si nous admettons que le jeu politique togolais est conditionné par l'action de la communauté internationale (Paragraphe II), c'est que la communauté internationale elle-même reste influencée de quelque manière que ce soit par les stratégies politiques des joueurs du champ politique togolais (Paragraphe I).

§ 1. UNE COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE INFLUENCÉE

Depuis l'amorce de la démocratisation au Togo, la communauté internationale s'est montrée présente dans tous les temps forts de la politique, prenant des positions quelques fois discutables pour tout observateur avisé. Dans tous les cas où elle a été amenée à intervenir, elle a fait l'objet de vives critiques fusant de part et d'autre des différents camps politiques. Ces récusations et contestations peuvent évidemment être rangées sous la bannière des calculs politiques et ainsi, dénudées de toute objectivité. Seulement, dans une perspective systémique, il s'avère impossible que les influences des éléments d'un système aillent en sens unique. A cet effet, la communauté internationale dans le jeu politique togolais est soumise à des influences aussi bien incertaines (A) que certaines (B).

A. Une influence incertaine

Les différentes interventions de la communauté internationale dans les différentes crises et rendez-vous politiques au Togo ont été majoritairement sollicitées comme nous l'avons longuement démontré dans la première partie de ce travail. Ainsi que ce soit de manière ostentatoire ou à travers des manoeuvres à peine voilées, les acteurs politiques dans la sollicitation ont leurs positions qu'ils défendent, positions qui s'avèrent généralement antagoniques. De ce fait, chaque partie exhibe en ce qui la concerne ses vues, points de vue et perceptions de la situation de sorte à incriminer et à faire endosser à l'autre toute la responsabilité de la situation tendue dans le but de susciter auprès du médiateur une certaine empathie. La neutralité est en principe le maitre mot des actions de la communauté internationale. A ce titre, on peut supposer théoriquement une certaine insensibilité sentimentale vis-à-vis des acteurs en conflit et une prédominance de la rationalité dans les

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solutions à proposer. Seulement, soutenir une rationalité absolue et une entière neutralité, c'est ignorer ou feindre d'ignorer que la communauté internationale, c'est d'abord et avant tout les Etats, et ces Etats sont dirigés par des hommes, donc enclins à toutes sortes de susceptibilités. Les hommes sont émotifs ; ils développent selon les accointances des sentiments les uns envers les autres et agissent en tenant compte de ces relations privilégiés ou non qu'ils ont développé réciproquement. Ainsi, quoique l'on puisse dire, la communauté internationale, animée par les individus charismatiques incarnant leurs Etats, peut rarement démontrer une neutralité infaillible.

En plus des facteurs de susceptibilité qui caractérisent les acteurs de la communauté internationale, celle-ci reçoit également des influences de la part de l'opinion publique internationale. L'opinion publique doit-on le rappeler est « pensée en relations internationale comme l'émanation d'un débat internationale en gestation. Elle est saisie à travers ses manifestations [...] Elle désigne également les arènes de débat où se rencontrent des acteurs contestataires de plus en plus nombreux183 ». Pour Bertrand Badie, l'opinion publique internationale « est au centre des bouleversements profonds ; elle est un moment fort de l'agonie de la puissance »184. Cela sous-entend que les actions de la communauté internationale sont en permanence scrutées par les faiseurs de cette opinion, et soumises constamment à leur influence. Les crises politiques au Togo gravitent généralement autour de la contestation des violations des droits fondamentaux de l'homme ; et dans ce domaine le poids de l'opinion publique est incommensurable. De ce fait, il apparait tout à fait certain que même si la pression n'est pas toujours exercée sur l'action des Etats ou des organisations internationales comme acteurs principaux de la communauté internationale, les actions de celle-ci s'y réfèrent toujours.

B. Une influence certaine

Si l'influence que subit la communauté internationale dans le débat politique au Togo est quelque fois imperceptible tout de suite, il est des situations où cette influence se révèle flagrante. Théoriquement d'abord, il faut valider la présomption de l'existence d'une influence venant des forces endogènes sur l'international, acteur agissant au Togo.

183 M. DEBOS et A. GOHENEIX, « les ONG et la fabrique de l' ?opinion publique internationale », Raisons Politiques, N° 19, 2005, pp. 63 - 80.

184 B. BADIE, l'impuissance de la puissance. Essai sur les nouvelles relations internationales, Paris, Fayard, 2004, p. 246, cité par M. DEBOS et A. GOHENEIX, Idem.

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Lorsque Bruno Delaye fut désigné ambassadeur de France au Togo en février 1991, François Mitterand lui confiait implicitement la mission de pousser le Général Eyadema à réformer institutionnellement son pays en faveur du libéralisme185. Les difficultés permanentes auxquelles sera confronté le jeune diplomate quelques années plus tard seront essentiellement liées aux acoquinements que le Président Eyadema a su entretenir avec l'Elysée. Ainsi pouvait-on observer des incohérences entre les injonctions de démocratisation lancées à la Baule deux années plutôt et la politique étrangère de la France dans ses anciennes colonies. « De La Baule (juin 1990) à Biarritz (novembre 1994) en passant par Libreville (octobre 1992) ou Chaillot (novembre 1991), on note un remarquable infléchissement de la conditionnalité démocratique ramenée à une question de protection militaro-sécuritaire des pouvoirs africains dont le dossier est confié à... Eyadéma » 186. Tout cela amènera la France dans un balbutiement notoire dans le dossier togolais de l'époque ; ce qui conduira Volker Berresheim, alors conseiller à l'ambassade d'Allemagne à Paris à souligner l'incapacité coupable de la France à se prononcer clairement dans la crise et dénoncer ses manoeuvres tendant à « instrumentaliser la bonne image supposée ? neutre ? de l'Allemagne dans son ancienne colonie afin d'impressionner, d'influencer Eyadéma et lui donner un signal clair pour qu'il accepte le changement » 187.

L'influence du jeu politique togolais (ou mieux de Eyadema) sur la France s'est aussi faite sentir lorsque celle-ci opposa une fin de non-recevoir le 28 novembre 1991 à la demande du Premier Ministre de la transition Joseph Kokou Koffigoh sollicitant au nom des accords de coopération liant les deux pays, un appui militaire pour libérer la primature assiégée 188.

Dans la crise politique récente, l'influence des acteurs politiques togolais a fusée des deux côtés des protagonistes. Le fait pour l'opposition de récuser par avance la facilitation de la communauté internationale pour déficit de neutralité, a indéniablement contraint celle-ci à prendre au sérieux les revendications de cette opposition dans les pourparlers. De

185 Propos confiés par F. Delaye lui-même à C. Toulabor lors d'un entretien à la cellule africaine de 1'Elysée le 25 janvier 1994, in J. R. HHEILBRUNN et C. M. TOULABOR, « Une si petite démocratie pour le Togo ... » Op cit.

186 Idem.

187 Idem.

188 Idem.

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même, la mouvance présidentielle n'y était pas du reste dans les tentatives d'attirer la sympathie de la communauté internationale. Mais quoiqu'on dise, la communauté internationale, du fait de sa quasi permanence dans le jeu politique togolais, y laisse des traces indélébiles.

§ 2. UN JEU POLITIQUE CONDITIONNÉ

L'espace politique togolais subit de toute évidence des influences qui laissent des effets sur le jeu politique qui s'y déploie. Il ne pouvait d'ailleurs pas en être autrement vu que les relations internationales sont entrées dans ce que John Burton qualifie de ? Cobweb ? 189 c'est-à-dire « toile d'araignée », c'est-à-dire un conglomérat de relations complexes et interdépendantes reliant tous les points du globe. De ce fait, le jeu politique subit de plein fouet les mutations profondes qui affectent l'ordre mondial. Plus exactement, le jeu politique togolais ne peut plus non seulement se soustraire du poids de la société monde (A) mais aussi se trouve contraint de compter avec l'international comme acteur à part entière (B).

A. Le poids de la société-monde

Dans le jeu politique au Togo comme partout ailleurs, se développent chaque jour des groupes de pression organisés ou parfois non organisés, mais qui ont une véritable influence sur les Policy makers. Il s'agit généralement des groupes constitués à l'intérieur des Etats, défendant les principes démocratiques à l'instar de la protection des droits de l'homme, d'alternance au sommet des Etats etc. On peut ranger dans cette catégorie à titre d'exemple le Mouvement Y'en a marre, né au Sénégal et qui s'étend progressivement dans les pays environnants. On peut dès lors arguer de la constitution d'une société civile internationale traitant des questions transversales qui intéressent l'humanité. La notion de « la société monde » va au-delà d'une émanation d'une société civile internationale et elle ne se confond nullement pas en elle ; elle est plutôt « le résultat de l'ouverture des sociétés interne à l'extérieur. Celle-ci (ouverture) fut favorisée par l'essor des moyens de communication puis par le développement des instruments d'information. L'Etat fut associé à cette évolution en fournissant l'infrastructure logistique indispensable à la

189 J. BURTON in World Society propose de remplacer le modèle des Boule de billards centré sur les Etats par celui de la toile d'araignée. Voir, D. BATTISTELLA, Théories des relations internationales, 5ème éd. Paris, Les Presses de Sciences Po, 2015.

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recherche [...] puis en offrant à la société civile les moyens d'utiliser à son profit ces nouvelles technologies »190. L'imbrication des sociétés entraine aujourd'hui une mutualisation des valeurs et une universalisation des croyances. Le monde, derrière l'écran de la diversité des peuples, tend de plus en plus à se centrer autour de l'individu considéré comme le baromètre de l'humanité. On est bien en présence - ou peu s'en faut - du « dernier homme »191 décris par Francis Fukuyama quand on songe à l'ampleur qu'ont aujourd'hui les principes démocratiques sur la conduite des affaires publiques. L'individu est bien la mesure de toute chose dans la nouvelle configuration du jeu politique intra étatique. Ainsi, les gouvernants ne peuvent plus gouverner dans l'arbitraire sans heurter la hargne d'une société civile prête à en découdre à tout moment. C'est généralement elle qui fait inscrire sur l'agenda de la communauté internationale des sujets qu'elle estime pertinents, nécessitant une intervention.

L'action de la société monde sur le jeu politique se trouve également renforcée par le développement des moyens de communication et l'accès de plus en plus facile à l'information. En effet, les médias constituent un véritable vecteur des idéos et d'information permettant d'interconnecter plusieurs points du globe en même temps. La gouvernance est dans ces conditions passée au crible par ce « 4ème » pouvoir, ce qui induit de la retenue des gouvernants car chacune de leurs actions est scrutée à la loupe.

Si la société monde exerce une influence réelle sur le jeu politique togolais, il convient mieux de dire que c'est le camp présidentiel qui se trouve le plus visé parce que détenant l'appareil d'Etat. Néanmoins, étant donné que le pouvoir est supposé changé de titulaire périodiquement par le jeu de l'alternance, les mutations impulsées par la société monde affecte aussi bien ceux qui exercent le pouvoir que ceux qui sont appelés à le faire un jour.

B. Un nouvel acteur du jeu politique

Dans son entretien avec Philippe Fritsch le 11 février 1999, Pierre Bourdieu avait été amené à se prononcer sur la raison pour laquelle il intégrait dans le champ politique des agents qui n'étaient pas forcément politiques. Sa réponse était « physicaliste : on peut dire d'une institution, d'une personne, d'un agent qu'ils existent dans un champ quand ils y

190 J.J. ROCHE, Relations internationales, Paris, Lextenso, LGDJ, 6ème éd., 2006, p. 358

191 Cf. F. FUKUYAMA, in la fin de l'histoire et le dernier homme. Dans ce livre, l'auteur expose sa perception de la fin de la guerre froide. Pour lui, le triomphe du libéralisme parachève les différentes luttes et oppositions qui ont marqué l'histoire de l'humanité. Fini donc les antagonismes et place à l'homme ? universel ?.

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produisent des effets »192. Une telle acception du champ, permet de déterminer (avec plus ou moins de précision) les acteurs l'animant et d'en délimiter les contours. On peut ainsi par analogie dire d'un acteur qu'il est du champ politique (celui-ci étant selon les termes de Bourdieu lui-même, un microcosme dans le macrocosme social) lorsque d'une manière ou d'une autre il y est présent et agit ; et lorsque ses actions affectent de quelque manière que ce soit le fonctionnement du mécanisme de ce champ.

Le statut d'agent d'un champ est parfois confirmé et légitimé par une sorte de reconnaissance implicite à travers l'action des médias. « [...] un des facteurs déterminants de l'existence dans le champ politique, c'est la reconnaissance par les journalistes. Les journalistes [...] sont déterminants dans la détermination de l'importance politique »193. Ils sont ce que les Anglo-Saxons appellent les « gatekeepers », les gardiens de la porte c'est-à-dire ceux qui contrôlent l'entrée dans le champ politique. Dans le champ politique togolais, la communauté internationale était présente depuis longtemps, bien avant la libéralisation de l'espace politique et l'impératif démocratique exigé des dirigeants du pays. Mais c'est plus à partir de 1990, après le discours de la Baule et après l'implosion au Togo sur fond des revendications populaires de démocratie que l'international s'est véritablement mu en acteur à part entière du jeu politique. Ceci reste d'autant plus clair à partir de certains exemples implacables notamment son rôle dans les différents accords politiques connus par le Togo,194 la tenue de la Conférence nationale, son arbitrage dans les joutes électorales à partir des missions d'observation, son accompagnement technique et financier dans le développement etc. Aujourd'hui, il n'y a plus un aspect, un domaine de la vie politique togolaise dans lequel ne subsiste la présence de la communauté internationale. C'est en somme un acteur confirmé du jeu politique au regard de son pouvoir d'influence quoique ne disposant pas des mêmes attributs que les joueurs eux-mêmes.

192 P. BOURDIEU, Propos sur le champ politique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000, p. 38.

193 Idem.

194 On peut à ce niveau soutenir sans conteste qu'il ne s'est produit un accord entre les forces politique togolaises sans l'initiative et l'accompagnement de la communauté internationale.

76

CONCLUSION

77

Après la seconde guerre mondiale et les mutations qui s'en sont suivies, les relations internationales se sont mues en des relations complexes caractérisées essentiellement par une interdépendance assez complexe, reliant tous les points du globe. Le monde est devenu une communauté c'est-à-dire, une sorte de conglomération réunissant des sociétés partageant des valeurs communes ou presque. Cela est devenu d'autant plus poignant avec la fin de la guerre froide où l'impératif démocratique était devenu un idéal auquel sont convié les Etats (surtout en développement) bon gré, mal gré. On peut dès lors comprendre l'intérêt de la communauté internationale dans les affaires politiques des Etats, surtout ceux qui expérimentent la démocratie pour la premières fois ou ceux qui renouent avec ce mode de gouvernement. Mais l'implication de la communauté internationale et son positionnement dans le jeu politique togolais suscite une curiosité que la présente recherche s'est donnée d'élucider.

Le jeu politique relève de l'élaboration et de l'implémentation de stratégies par les joueurs avec en toile de fond le désir constant de remporter les joutes électorales. Conçu comme tel, le jeu politique togolais est sans contexte une affaire des togolais. Mais l'observation révèle que la communauté internationale exerce une influence réelle dans la distribution des rapports de force dans le jeu politique, faisant d'elle un acteur à part entière dans l'arène politique ou peu s'en faut. L'objectif que le présent travail de recherche s'est assigné est d'appréhender les facteurs qui expliquent la présence permanente de la communauté internationale dans le jeu politique et les enjeux que cette implication génère dans le champ politique. L'exploration du sujet nous a amené à découvrir que cette implication est favorisée par les conditions aussi bien externes qu'internes et recèle des enjeux polarisés comme le prédisaient nos hypothèses de départ.

Au plan externe, les travaux de Crawford Young montrent « comment la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc soviétique ont eu des répercussions en Afrique et pas seulement dans les pays auparavant adossés à ce bloc comme le Bénin, le Congo, l'Ethiopie »195. Le deuxième élément incitatif de l'implication de la communauté internationale dans l'espace politique togolais était la dépendance à l'aide extérieur qui, à partir de 1990 devient subordonnée à la conditionnalité démocratique. La communauté internationale va ainsi servir non seulement de référent à l'action, mais aussi comme un

195 M. GAZIBO, « La dynamique de la démocratisation », Introduction à la politique africaine (en ligne), Montréal, Presse de l'Université de Montréal, 2010, pp. 167-189.

allié pour les forces d'opposition surtout au cours de la période de la transition démocratique. L'opposition togolaise ne manquera guère d'occasion de la prendre pour témoin ou pour appui à son action. Ainsi jouera-t-elle un rôle crucial dans la tenue de la conférence nationale, conférence qui paraissait aux yeux de l'opposition de l'époque, comme la panacée aux problèmes politiques du Togo.

S'agissant des facteurs internes favorisant l'implication de la communauté internationale dans le jeu politique togolais, la longue période du monopartisme a suscité une soif aigüe de liberté, une soif qui n'attendait qu'un évènement catalyseur pour s'assouvir. Au début de la décennie 1990 en effet, le Togo connu l'une des plus grandes manifestations populaires de son histoire. Cette mobilisation de masse, galvanisée par un couvert médiatique déjà mûr, criera à la face du monde le ras-le-bol des togolais face à la fermeture du régime Eyadema et leur désir du pluralisme politique. La communauté internationale sera dès lors invoquée en appui aux différentes actions en contestation du régime Eyadéma aussi bien par les forces de l'opposition sur place que par une diaspora mobilisée pour la même cause. De même, la majorité présidentielle pour légitimer ses actions a eu également recours à la communauté internationale en conformant ses actions aux orientations de cette dernière. Ainsi, tout au long de la facilitation de la crise politique d'août 2017 par exemple, on a vu l'exécutif togolais vénérer la feuille de route définie par la CEDEAO comme le veau d'or incontesté pour la sortie de ladite crise.

Seulement la communauté internationale ne jouit pas que de bonnes grâces de la part des acteurs politiques togolais. De fait, la communauté internationale sera présentée par l'opposition comme un complice au pouvoir « autoritaire » des Gnassingbés comme le soulignait si bien Y. Agboyibor lors d'une conférence de presse : « Pour avoir procédé à la levée totale des sanctions en 2008 sans que les conditions requises soient remplies, l'Union Européenne a effectivement conforté le gouvernement togolais dans son refus de mettre en oeuvre les réformes et a contribué à la persistance de la crise sociopolitique au Togo » 196. La majorité présidentielle également ne manque pas de fouler au pied cette communauté internationale lorsque les circonstances s'y prêtent. L'attitude du gouvernement face aux recommandations de l'expert commis par la CEDEAO pour les propositions d'un schéma de réformes institutionnelles et constitutionnelles en est révélatrice. Ce qui contraste ostensiblement avec son attitude à l'adoption de la feuille de

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196 Le Changent N° 567 du jeudi 05 octobre 2017, Op. Cit.

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route. En conséquence, l'on peut soutenir que la communauté internationale est l'objet d'une instrumentalisation rationnelle par les acteurs politiques togolais, faisant ainsi d'elle une référence ou au contraire, un ennemi selon la concordance ou la discordance de leurs intérêts. Elle constitue à cet effet un enjeu réel dans l'espace de jeu ainsi défini.

Si la communauté internationale apparait comme un enjeu dans le champ politique togolais, il n'en demeure pas moins que le Togo lui-même soit un enjeu de l'action internationale. En effet, derrière l'homogénéité qui semble caractériser la communauté internationale, se cache une pluralité d'acteurs aux mobiles d'action divers. L'étude a permis de démontrer que les motivations des Etats, peuvent dans certaines circonstances et plus généralement différer de celles des organisations internationales constituées par eux ou diverger entre eux même sur les mêmes enjeux. Si dans la communauté internationale, l'opinion publique et les organisations internationales (dans une certaine mesure) défendent des causes universellement admises donc d'intérêt général, les Etats par contre sont fondamentalement motivés par l'intérêt qu'ils peuvent tirer d'une action même si les apparences militent en faveur du contraire. L'attitude de la France, du discours de la Baule aux actions menées ultérieurement, semble conforter la position de Jean-François Bayart lorsqu'il affirmait que « la France se doit de tenir un discours clair en matière de démocratisation durable des sociétés politiques subsaharienne »197.

En somme, il convient de retenir que si la communauté internationale était moins perçue comme un instrument d'assouvissement de désirs politiques par les acteurs politiques togolais et qu'inversement, celle-ci s'en tenait véritablement aux motivations apparentes de ses actions, le Togo serait sans doute à un niveau de maturité démocratique exemplaire.

197 J.-F. BAYART, « La problématique de la démocratie en Afrique noire : la Baule, et puis après ? », Politique africaine, 1991, pp. 5-20.

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VII. TEXTES NATIONAUX ET INTERNATIONAUX

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·

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Charte des Nations Unies

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· https://letogolais.com/article.html?nid

· www.irinnews.org/fr/actualit%C3A9enne-reprend-sa-cooperation-avec-le-togo

· https://blogs.mediapart.fr/François-farbegat/blog

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· www.rfi.fr/afrique/20180801-crise-togo-cedeao-propose-feuille-route-sortie-crise

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· https://ecrirelaregledujeu.fr/jeu-politique/

· https://nsarchive2.gwu

85

TABLE DES MATIÈRES

86

Résumé et mots-clés - Summary and keywords IV

Sommaire I

Liste des sigles et abréviations V

INTRODUCTION 1

PARTIE I. LA DUALITÉ DES CAUSES DE L'IMPLICATION DE LA COMMUNAUTÉ

INTERNATIONALE 11

Chapitre I. La dynamique des forces endogènes 13

Section I. L'usage des manoeuvres indirectes : les mouvements sociaux dans une

logique contestataire manifeste 13

§ 1. L'internationalisation des tensions internes 14

A. L'action in situ 14

B. L'action ex situ 17

§ 2. Le rôle des autres acteurs sociaux 19

A. L'action des médias 19

B. L'action des organismes de la société civile (OSC) 21

Section II. La Communauté internationale dans le discours politique togolais 23

§ 1. Une invitation manifeste : entre appels en appui et appels en légitimation 23

A. L'opposition : l'appel en appui 24

B. Le pouvoir : l'appel en légitimation 25

§ 2. Une récusation évidente : vers une discordance d'intérêts 26

A. La communauté internationale sous les coups de l'opposition 27

B. Les traits de la majorité sur la communauté internationale 28

Chapitre II. Le concours des facteurs exogènes 31

Section I. Les fondements politiques de l'implication 32

§ 1. Du triomphe à l'universalisation de la démocratie 32

A. Les principes de la démocratie 32

B. De l'universalisation de la démocratie 34

§2. l'influence du communautarisme 36

A. Le cadre normatif des organisations internationales 36

B. L'immixtion par les organisations internationales 38

Section II. Les fondements économiques de l'implication 39

§ 1. Une conjoncture économique poignante 39

A. Rétrospection sur l'économique du Togo avant 1990 39

B. L'impact social de la conjoncture économique d'avant 1990 41

§2. Des politiques de redressement nécessaires 42

A. Les programmes d'ajustement structurel 42

B. L'impact sociopolitique des PAS 44

PARTIE II. L'ÉMERGENCE DES ENJEUX POLARISES 46

Chapitre I. La communauté internationale : un enjeu dans le champ politique

togolais 48

Section I. Focus sur le champ politique togolais : théâtralisation de l'espace politique 48

§ 1. Circonscription de l'espace de jeu 48

A. Considérations sur la notion de champ politique 49

B. Présentation du champ politique togolais 51

§ 2. Enjeux et offres politiques aux prises 52

A. De la pluralité des enjeux à une offre politique floue 53

B. L'offre politique au tour des enjeux clairs 54

Section II. Focus sur les affrontements symboliques du champ politique togolais 55

87

§ 1. La communauté internationale dans les stratégies politiques de la majorité 56

A. Une stratégie réfractaire 56

B. Une stratégie conciliante 57

§ 2. La communauté internationale dans les stratégies politiques de l'opposition 58

A. Une stratégie discontinue 59

B. Une stratégie désorientée 60

Chapitre II. L'action internationale dans le jeu politique togolais 62

Section I. : L'intérêt au coeur de l'action internationale : lecture à travers le prisme du

réalisme 62

§ 1. Une communauté internationale unitaire 63

A. Les vertus démocratiques promues 63

B. Des interventions coordonnées 64

§ 2. Une communauté internationale plurielle 66

A. L'action des Etats 66

B. L'action des organisations internationales 68

Section II. Action internationale et jeu politique au Togo : vers une systémisation des

rapports 70

§ 1. Une communauté internationale influencée 70

A. Une influence incertaine 70

B. Une influence certaine 71

§ 2. Un jeu politique conditionné 73

A. Le poids de la société-monde 73

B. Un nouvel acteur du jeu politique 74

CONCLUSION 76

BIBLIOGRAPHIE 80

TABLE DES MATIÈRES 85






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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard