Le cumul des indemnités de licenciement au moment
de la rupture du contrat de travail : état des lieux partagé
entre admission et interdiction.
|
1
MBALA WOURIA II SEBASTIEN LEGRAND
000419067
2019-2020
Master de spécialisation en droit social
Travail de fin d'études en droit individuel du travail
réalisé sous la direction de la Professeure Elise DERMINE
Faculté de droit et de criminologie de l'Université
Libre de Bruxelles
2
Remerciements
Profonds remerciements à ma directrice de
mémoire, Pr. Elise DERMINE pour son encadrement scientifique, ses
orientations cardinales, ces précieux conseils qui m'ont en effet permis
de bien mettre en oeuvre mes connaissances juridiques dans le cadre de
l'élaboration de ce travail de fin d'étude, à Me. FRANCE
LAMBINET pour ses éclairages juridiques dans le cadre du
séminaire d'exercice de droit approfondi du travail, à mes
frères MBALA YANGA Félix et MBALA WOURIA André Rodrigue,
à ma soeur MBALA ABENA Collette Nicaise pour leur amour fraternel,
à mon Oncle YANGA Jacques pour les opportunités offertes et les
conseils biens avisés, à mes tantes NGO BITCHOKA Jeanne, feue NGO
YANGA Angèle, NGO BIYONG Merci, ABESSOUGUIE Marie-Berthe, Vinciane
FRESSON pour leur soutien affectif et matériel, à ma bien
aimée Madyson CINALLI pour ses encouragements, son soutien
déterminant dans la conduite de mes études et sa présence
revigorante à mes côtés, à ma belle-fille MASSOU
Alexia, ainsi qu' à mes amis(ies) pour leur véritable soutien
salvateur, indéfectible et constant à toute épreuve durant
cette fastidieuse période d'intense travail scientifique, sanctionnant
à juste titre, la fin de mon parcours académique .
J'aspire au demeurant, avec la primeur qui s'impose,
à rendre un éternel vibrant hommage à la digne et
honorable mémoire de mes valeureux défunts parents, feu MBALA
WOURIA Sébastien et feue NGO YANGA Fidèle, et, à la
postérité scientifique, à travers ce fruit précieux
de mes efforts académiques dont l'aspect laborieux est manifestement
appréciable.
3
Table de matières
Remerciements 2
Avant-propos ..5
I. Introduction 6
II. Les cas d'admission du cumul des indemnités de
licenciement : l'exigence d'une pluralité
de dommages et de motifs réellement distincts comme
principe de base 10
A. Le cumul des indemnités de licenciement manifestement
déraisonnable avec les
indemnités classiques 10
1. Les indemnités classiques : des sanctions
financières intrinsèques aux irrégularités
nées à
l'occasion de la rupture du contrat de travail 12
a. L'indemnité compensatoire de préavis : le
pouvoir de résiliation unilatérale .12
b. L'indemnité de non-concurrence .13
c. L'indemnité d'éviction .15
d. L'indemnité complémentaire compensatoire de
préavis .16
e. Les allocations sociales 16
2. Illustration jurisprudentielle mettant en lumière
l'admission du cumul des indemnités de
licenciement manifestement déraisonnable avec les
indemnités classiques 17
B. Le cumul des indemnités de licenciement manifestement
déraisonnable avec les dommages
et intérêts pour abus du droit de rupture ..18
C. Le cumul des indemnités classiques avec les dommages et
intérêts pour abus du droit de
rupture .20
D. Le cumul des indemnités classiques avec les
indemnités de protection spécifique 21
E. Le cumul des indemnités de protection spécifique
avec les dommages et intérêts pour abus
du droit de rupture 22
F. Le cumul des indemnités de protection spécifique
du délégué du personnel et du candidat
délégué du personnel avec toute indemnité de
protection due en vertu d'une convention
collective de travail .22
III. Les cas d'interdiction du cumul des indemnités de
licenciement : une approche pragmatique du droit positif retenant une cause et
un dommage identiques dans la situation du
travailleur 23 A. Exclusion du cumul des indemnités de
licenciement manifestement déraisonnable avec les
indemnités de protection spécifique 23
1. Le fondement des protections spécifiques contre le
licenciement 26
2. La typologie des protections spécifiques contre le
licenciement : une classification
organisée en fonction des critères légaux
clarifiés par la jurisprudence .26
a. L'effectivité des causes de suspension et des
mécanismes de réduction des prestations de
travail ...27
b. L'effectivité du droit collectif du travail : assurer
l'information et la négociation collective
préalables
|
.29
|
c. L'effectivité de la réglementation du travail
|
31
|
d. Protéger l'indépendance exigée par
certaines fonctions
|
.33
|
|
e.
4
Les limitations contractuelles du droit de licencier : les
clauses de stabilité d'emploi 35
f. La protection contre le licenciement liée à
l'introduction d'une demande d'intervention
formelle pour harcèlement sexuel ou moral 36
B. Interdiction du cumul des indemnités de protection
spécifique reposant sur un même
dommage, une même mesure préjudiciable et une
même cause ..37
C. Interdiction du cumul des indemnités de protection
spécifique du délégué du personnel et
du candidat délégué du personnel avec
l'indemnité compensatoire de préavis 40
D. Interdiction du cumul des indemnités de protection
spécifique des représentants des
travailleurs au Comité d'entreprise européen
avec l'indemnité compensatoire de préavis 41
IV. Conclusion .43
Bibliographie 44
5
Liste des abréviations
CCT ..convention collective de travail
LMD licenciement manifestement déraisonnable
CE Conseil d'entreprise
CPPT Comité de prévention et de protection au
travail
AMI assurance maladie et invalidité
6
Avant-propos
« Les normes juridiques pour être efficaces
doivent d'abord être utiles, tant il est vrai que les lois inutiles
affaiblissent les lois nécessaires. »1
D'aucuns ont tendance à souvent circonscrire le
licenciement à ses seules conséquences juridiques en droit du
travail. Une telle démarche ne peut conduire qu'à un raisonnement
parcellaire car, en réalité, le licenciement peut
également générer un impact psychologique et social
considérable dans la vie du travailleur tombé en disgrâce.
C'est dans ce sillage d'idées que Vincent DE GAULEJAC affirmait que :
« Le licenciement ne signifie pas seulement pas la perte de l'emploi, mais
aussi la perte d'une partie de son histoire. Lorsque l'histoire est
niée, lorsqu'elle perd de sa valeur, le deuil ne peut pas se faire. De
nombreux chercheurs ont souvent décrit la désorganisation
psychique entrainée par la perte d'emploi. La disparition de
l'activité professionnelle est une véritable amputation du moi
qui réduit les stimulations et les étayages dont le sujet a
besoin pour développer ses fonctions défensives, narcissiques et
élaboratrives. Sur le plan psychique et social, la rupture d'une
activité professionnelle s'apparente à la mort. (...) Mais
lorsque la rupture est brutale, lorsqu'elle est vécue comme un
échec personnel ou comme une exclusion non méritée, elle
engendre des vulnérabilités narcissiques intenses,
étayées sur la honte et la culpabilité, qui laissent le
sujet en plein désarroi. Les sentiments de trahison, d'impuissance,
d'accablement peuvent engendrer une dépression profonde. En particulier
s'il vit la situation comme une évaluation
dépréciée de lui-même : ` Je ne suis bon à
rien, je n'ai pas su me défendre, je suis définitivement
responsable de mon échec.' Cette attitude est d'autant plus
fréquente que l'environnement célèbre le mérite
personnel, légitime un monde de compétition permanente, glorifie
les gagnants, stigmatise les perdants. »2
Cette précision liminaire étant faite, il
importe de souligner que notre étude, combinant technique juridique et
approche analytique, a pour objet de ne traiter que des aspects juridiques
relatifs à l'indemnisation du travailleur dans le cadre du licenciement
opéré par l'employeur, et plus précisément,
d'analyser les différentes règles juridiques qui régissent
le cumul et l'interdiction de cumul des indemnités de licenciement au
moment de la rupture du contrat de travail. En effet, cette question est
complexe à appréhender de par les différentes sources de
droit qu'elle commande de mobiliser d'une part, et au regard des
critères permettant d'identifier dans la situation du travailleur, les
éléments factuels pertinents entrant en ligne de compte pour
l'application de cette règle d'autre part. Il n'est donc pas
évident qu'un travailleur néophyte du droit social, puisse s'y
retrouver, si ce n'est qu'avec l'accompagnement juridique de son syndicat
professionnel, d'un juriste ou d'un avocat. C'est donc avec motivation,
objectivité, rigueur et discipline que nous avons effectué ce
travail de bénédictin.
1 MONTESQUIEU, l'esprit des lois, livre XXIX,
chapitre XVI : chose à observer dans la composition des lois,
éditions Nourse, 1748, pp 332-336. Cité par M-L. B. GAINCHE in
gouvernance et efficacité des normes juridiques, l'efficacité
de la norme juridique, nouveau vecteur de légitimité ?
Bruylant, 2012, p. 89.
2 VINCENT DE GAULEJAC, La société
malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial
et harcèlement social, Paris, Editions du Seuil, 2005, pp. 214 -
215.
7
I. Introduction
L'activité humaine constitue la force motrice du
progrès socioéconomique, et est de ce fait, au coeur des
préoccupations juridiques appréhendées par le droit du
travail. Le triomphalisme de ce cadre normatif trouve indéniablement son
fondement dans le contrat de travail qui, au sens des articles 2, 3 et 5 de la
loi du 3 juillet 1798, est défini comme la convention par laquelle, le
travailleur s'engage à fournir contre rémunération, une
prestation de travail, sous l'autorité d'un employeur. Il s'en suit que
le lien de subordination juridique, à la lecture combinée des
articles 2, 3, 5 et 17, 2° de cette loi, constitue « le
critère principal permettant de distinguer le contrat de travail des
autres conventions et spécialement de celles mettant en cause
l'activité humaine. »3 Cette subordination juridique,
contrairement à la subordination de fait (dépendance
économique ou dépendance matérielle) est une
prérogative de l'employeur, le seul titre juridique en vertu duquel, il
a le pouvoir de donner des ordres qui devront être exécutés
par le travailleur dans le cadre du contrat de travail.4 Seulement,
aucune oeuvre humaine n'étant parfaite, il arrive qu'au cours de
l'exécution des obligations contractuelles, apparait un fait litigieux
marquant ou un motif déterminant qui est de nature à entrainer la
rupture définitive de la relation de travail entre les partenaires
sociaux. Il s'agit d'une tournure extinctive qui a pour effet de libérer
les parties de leurs engagements contractuels.
Il est de notoriété publique que le droit
individuel du travail constitue le consécratoire et le réceptacle
d'un vaste corpus de règles impératives destinées à
protéger le travailleur salarié contre les agissements illicites
de l'employeur pendant le déroulement de la relation de travail, au
moment de la rupture et après la cessation de celle-ci.5 Le
contrat de travail ne pouvant demeurer ad vitam æternam en vertu
de l'article 7 de la loi du 3 juillet 19786, l'employeur et le
travailleur disposent dans le cadre d'un contrat de travail à
durée indéterminée, d'un droit de résiliation
unilatérale conformément aux articles 32, 3° et 37,
§1er de cette loi. Cette volonté unilatérale se
manifeste par la notification du préavis, le paiement d'une
indemnité compensatoire de préavis à défaut de
celle-ci ou le constat d'un motif établissant la faute grave. Ce droit
de rupture est d'ordre public et par conséquent, les parties au contrat
de travail ne peuvent y déroger par des dispositions
contraires.7 C'est ainsi que la cour de cassation a jugé que
: « est contraire à l'ordre public et, partant nulle, la clause
du contrat de travail stipulant que l'employeur ne pourra jamais licencier le
travailleur, sauf en cas de motifs de graves »8.
Dès le moment où le travailleur s'engage
contractuellement, il n'est plus maître de la prestation de travail qu'il
fournit à l'employeur en contrepartie d'une rémunération,
mais il conserve la possibilité de mettre un terme au contrat de
travail, avec ou sans indemnités.
3 MICHELINE JAMOULLE, Seize leçons sur
le droit du travail, Collection scientifique de la Faculté de Droit
de Liège, 1994, p. 110.
4 L. François et P. GOTHOT, « Principaux
problèmes touchés par l'arrêt du 27 mars 1968 : la notion
de subordination et sa portée ; le droit international privé du
louage de services ou, si l'on préfère, de la relation de travail
», R.C.J.B., 1970, p.91 ; cité par MICHELINE JAMOULLE,
op.cit., p. 111.
5 VIVIANE VANNES, Le contrat de travail : aspects
théoriques et pratiques, Larcier, 4ème
édition, 2012, p 10.
6 Loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail.
Disponible sur :
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgiloi/changelg.pl?language=fr&la=F&cn=1978070301&tablename=loi
7 Cass., 30 septembre 1991, Pass., 1992, P.
89 et J.T.T., 1991, p. 49.
8 Cass., 31 octobre 1975, Pass., 1976, p.
278.
8
Conformément à l'article 66 de
l'arrêté royal du 10 juin 2001 portant définition uniforme
des notions relatives au temps de travail à l'usage de la
sécurité sociale9, il y a lieu d'entendre par rupture
irrégulière, la fin du contrat de travail pour lequel l'employeur
doit une indemnité au travailleur, en application des articles 39,
§ 1er ou 40, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978
relative aux contrats de travail. Il en ressort que la rupture
irrégulière dans le chef de l'employeur, réside dans le
fait pour ce dernier de se séparer d'un travailleur en violation des
règles impératives du droit du travail qui encadrent le
licenciement. La sanction de cette rupture irrégulière consiste
en la redevabilité des indemnités de licenciement par l'employeur
à l'égard du travailleur lésé.
En effet, « en droit belge, le droit de chacune des
parties de mettre fin au contrat de travail est discrétionnaire ; ce qui
signifie qu'il dépend de la seule volonté de son auteur de mettre
fin au contrat, sans que cette volonté soit soumise à des
conditions relatives aux causes du licenciement ou au comportement du
travailleur. Le droit de rupture, même discrétionnaire n'est
toutefois pas absolu. Il est limité par l'existence de nombreuses
dispositions légales restreignant la libre volonté de l'employeur
et du travailleur. Le droit de rompre le contrat de travail peut
également être limité par les dispositions d'une convention
collective de travail. Par ailleurs, divers systèmes de protection
spéciale contre le licenciement ont été
érigés par le législateur en vue de protéger
certains travailleurs à l'encontre de mesures de licenciement pouvant
résulter de certaines situations particulières liées
à l'état physique du travailleur ou à sa situation dans
l'entreprise, notamment la femme enceinte, l'ouvrier, le médecin du
travail, le délégué syndical, le membre du conseil
d'entreprise et du comité de sécurité et d'hygiène.
Ces systèmes de protections spécifiques contre le licenciement
soumettent le droit de licenciement tantôt au respect de causes
précises, tantôt au respect de procédures
déterminées, préalables au licenciement. »10
En outre, il est généralement admis que
l'exécution forcée du travail n'est pas possible et que le juge
ne peut pas contraindre l'employeur et le travailleur à demeurer dans
les liens d'un contrat de travail.11 Le droit de résiliation
unilatérale a pour effet de rendre juridiquement impossible
l'exécution forcée du contrat de travail et ce, parce que
l'exercice du droit de rupture entraine justement la dissolution de ce
contrat.
Il sied de préciser à cet égard que la
jurisprudence actuelle opère une distinction entre l'exécution
forcée de l'obligation de travailler ou de fournir du travail et
l'exécution forcée du contrat de travail.12 Il ressort
logiquement de ce constat que la première peut faire l'objet d'une
exécution forcée alors que la seconde ne peut pas en faire
l'objet.13 En vertu de l'autonomie de la volonté
contractuelle, la volonté humaine ne peut être l'otage des
relations de travail.
9 Arrêté royal relatif à
l'harmonisation de la sécurité sociale à
l'arrêté royal du 10 juin 2001 portant définition uniforme
de notions relatives au temps de travail à l'usage de la
sécurité sociale, en application de l'article 39 de la loi du 26
juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et
assurant la viabilité des régimes légaux des pensions.
Disponible sur:
http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?language=fr&la=F&table_name=loi&cn=2001061058&&calle
r=list&fromtab=loi&tri=dd+AS+RANK K
10 VIVIANE VANNES, op.cit., p. 1199.
11 J. CLESSE, Congé et contrat de
travail, Fac. Dr. Liège, 1992, p. 22.
12 VIVIANE VANNES, op.cit., p.
872.
13 Ibidem, p. 873.
9
C'est dans cette optique que les juridictions du travail
considèrent que « le juge... est sans pouvoir pour ordonner
provisoirement l'exécution forcée d'un contrat de travail que
l'employeur a décidé même illégalement de rompre
moyennant le paiement d'indemnités légales.
»14 Ainsi, si chaque partie peut s'extirper du champ
contractuel par la mise en oeuvre du droit de résiliation
unilatérale, il sied de préciser que le législateur a
établi des conditions de fond dictant la conduite et la manière
avec laquelle ce droit doit être exercé. Pour ce faire, Il a
également institué des règles de forme régissant la
procédure de licenciement dans le chef de l'employeur et la
procédure démission dans le chef du travailleur. On en
déduit logiquement que d'une part, le non-respect des conditions de fond
entrainant le licenciement irrégulier (soit sur base de l'article 39 de
la loi du 3 juillet 1978, soit sur base des réglementations
particulières régissant les protections spécifiques contre
le licenciement) ou manifestement déraisonnable (en vertu de la C.C.T
n° 109) et la démission irrégulière, sera
sanctionné par l'octroi d'indemnités, et que d'autre part, la
violation des règles de procédure sera sanctionnée par
l'octroi d'une amende civile.15
D'un point de vue technique, les indemnités de
licenciement dans le chef de l'employeur sont définies comme les
montants qui sont versés conformément à la loi et aux
réglementations particulières, au travailleur lésé,
par ce dernier en vue de réparer les conséquences
préjudiciables des mesures illicites qu'il a prises dans le but de se
séparer de ce travailleur. Il s'agit clairement de sanctions
pécuniaires qui portent sur le non-respect des modalités de
rupture relatives aux contrats de travail. S'agissant uniquement des
indemnités dues par l'employeur en cas de licenciement
irrégulier, de licenciement manifestement déraisonnable et de
licenciement lié à une protection spécifique, compte tenu
du mutisme neutre dans certains cas du législateur et des solutions
hétéroclites retenues par la jurisprudence, il convient de
relever que la question du cumul est complexe et soulève deux grandes
problématiques, à savoir : Comment le droit positif
règle-t-il la question du cumul des indemnités de licenciement ?
Mieux encore, quels sont les cas d'admission et les cas d'interdiction du cumul
des indemnités de licenciement ?
Si dans certains cas spécifiques, le législateur
fait montre d'un silence neutre dans la mesure où il n'interdit pas ou
n'autorise pas le cumul, en revanche, dans d'autres cas liés à
l'indemnité pour LMD, celui-ci clarifie explicitement les situations
dans lesquelles le cumul des indemnités peut être admis ou
prohibé. Par ailleurs, l'apport de la jurisprudence en la matière
n'est pas négligeable. C'est du moins, le constat qui ressort de
l'analyse de la convention collective de travail n° 109 du 12
février 2014. Selon les juridictions du travail, le cumul des
indemnités est autorisé lorsque celles-ci ne portent ni sur les
mêmes motifs, ni sur un même dommage, ni sur un même objet,
le licenciement étant un acte par lequel l'employeur, au moyen d'un
congé avec ou sans préavis (préavis avec ou sans
prestation), congédie définitivement le travailleur.
14 C.trav. Bruxelles, 30 janvier 2001,
J.T.T., 2001, p. 136 ; voir aussi dans le même sens, C.trav.
Bruxelles, 27 novembre 1986, J.L.M.B., 1987, p. 305.
15 X, « Licenciement manifestement
déraisonnable : conditions de l'amende civile et étendue du
contrôle judiciaire », commentaire de
Trib. trav. fr. Bruxelles, 7
décembre 2016, R.G. 15/1.281/A, Terra laboris, 2017, p1.
Disponible sur :
http://www.terralaboris.be/spip.php?article2273
10
En pratique, le critère essentiel réside dans le
fait que les indemnités de licenciement ne doivent pas avoir en commun,
pour but de réparer une même situation dommageable, même si
la demande de réparation auprès du juge s'opère en vertu
de textes légaux différents. Pour le juge, le critère
majeur d'appréciation du dommage réel du travailleur repose
fondamentalement sur le principe de distinction des motifs ou des causes
entrainant les mesures préjudiciables dans le cadre du licenciement.
Cela revient en pratique, pour le juge, à éviter d'indemniser
plusieurs fois le travailleur lésé pour une situation identique
correspondant en réalité, à l'invocation d'un seul et
même droit.16
L'argent étant le nerf de la guerre, il apparait
qu'à notre époque contemporaine, certains travailleurs
licenciés auraient tendance à voir en leurs employeurs de
potentiels « vaches à lait » auprès desquels, et au
besoin, auprès d'un juge, ils pourraient solliciter à tort et
à travers toute sorte d'indemnité de licenciement. Une telle
démarche est certainement contraire au droit positif et relève de
l'utopie. Il en va de même pour les employeurs qui seraient tenter de
commettre des abus de droit dans le cadre d'une démission
régulière du travailleur, et ceci dans l'unique but d'engouffrer
financièrement et psychologiquement ce dernier. Il en ressort que le
législateur et la jurisprudence ont posé d'importants garde-fous
en matière de cumul des indemnités de licenciement au moment de
la cessation définitive de la relation de travail. La fonction
protectionniste du droit du travail trouve d'importants points d'ancrage dans
la phase contractuelle en ce qui concerne les règles applicables au
licenciement du travailleur salarié.
La doctrine souligne que ce qui distingue le droit de
résiliation unilatérale (article 37, § 1er loi du
3 juillet 1978) du pouvoir de résiliation unilatérale (article 39
loi du 3 juillet 1978), c'est sa licéité.17
L'objet de notre étude retenant une méthode qui
a le mérite de combiner technique juridique et approche analytique,
consiste sous un angle binaire, à examiner de manière claire et
précise, les cas d'admission (II) et les cas
d'interdiction du cumul des indemnités de licenciement
(III), tout en mettant en exergue les nuances qui sont
susceptibles de constituer une source de difficultés importante dans
leur détermination.
Nous nous baserons à cet égard, sur la loi et
les réglementations particulières applicables, tout en se servant
de la jurisprudence et de la doctrine pertinentes pour éclairer notre
argumentaire, sans cependant prétendre à une analyse exhaustive
de celles-ci.
Un espoir est gardé en nous que ce travail de longue
haleine puisse servir à l'enrichissement intellectuel de la
communauté scientifique, et contribuer à l'information des
travailleurs salariés sur leurs droits en matière
d'indemnités de licenciement.
16 A-V. MICHAUX, A. GERARD, S. et SOTTIAUX, S., «
Motivation du licenciement et sanction du licenciement manifestement
déraisonnable (CCT n° 109). Analyse critique d'une jurisprudence
naissante », R.D.S.-T.S.R., 2018/3, pp 321-396. Disponible sur :
https://www.stradalex.com/fr/sl_rev_utu/search/rev/1e0bdfbb3436859fc57ba54ffd08039a28622b58c49e62f81f2
283869a75de08::1?docEtiq=rds_tsr2018_3p321
17 GILSON, S., « Valeurs et
intérêts en présence lors du licenciement en droit social
belge », in Droit, Economie et Valeurs, Bruxelles, Editions
Larcier, 2014, p. 195 - 246.
11
II. Les cas d'admission du cumul des indemnités
de licenciement : l'exigence d'une pluralité de dommages et de
motifs réellement distincts comme principe de
base
Prima facie, il est important de noter que la
question du cumul des indemnités ne débouche pas sur une solution
homogène car le droit à l'indemnisation de plusieurs dommages
réellement subis par le travailleur doit être
démontré sur base de textes réglementaires
différents qui ne portent donc pas sur le même objet. Les
indemnités de licenciement intervenant au cas par cas, en fonction des
mesures préjudiciables prises par l'employeur et de la situation dans
laquelle le travailleur se trouve, force est de constater que le
caractère hétéroclite de la législation sociale
joue un rôle fondamental dans l'orientation des demandes d'indemnisation
du travailleur par rapport à un objet déterminé. En effet,
à défaut de prévision dans certains cas par le
législateur, la jurisprudence et la doctrine ont pu clarifier le
principe de base suivant lequel le cumul des indemnités de licenciement
peut être admis lorsqu'il existe des motifs distincts entrainant la
réparation des dommages distincts dans le chef du travailleur. C'est
sous cette condition respectée par le justiciable que le tribunal du
travail de Liège (division de Dinant), dans un jugement 21 novembre
201618, a admis le cumul de l'indemnité compensatoire de
préavis avec l'indemnité pour LMD et les dommages et
intérêts pour abus du droit licencier.
Nous pouvons identifier conformément à la
législation sociale et à la jurisprudence, six cas de figure dans
lesquels les indemnités de licenciement peuvent être parfaitement
cumulables sous certaines conditions.
Nous commencerons par analyser dans un premier temps, dans
cette première partie de notre développement, les cas de cumul
des indemnités de licenciement manifestement déraisonnable avec
les indemnités classiques (A), avec les dommages et
intérêts pour abus du droit de rupture (B).
Ensuite, nous nous pencherons sur les possibilités de cumul des
indemnités classiques avec les dommages et intérêts pour
abus du droit de rupture (C), avec les indemnités de
protection spécifique (D). Enfin, nous nous
appesantirons sur les possibilités de cumul des indemnités de
protection spécifique avec les dommages et intérêts pour
abus du droit de rupture (E), et par rapport aux
indemnités dues en vertu d'une convention collective de travail
(F).
A. Le cumul des indemnités de licenciement
manifestement déraisonnable avec les indemnités classiques
L'article 8 de la C.C.T. n° 109 prévoit qu'un
licenciement est manifestement déraisonnable : - lorsqu'il n'est pas
lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur, ni
fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise
;
- lorsqu'il n'a pas pu être décidé par un
employeur normal (prudent) et raisonnable placé dans les mêmes
circonstances que l'employeur fautif.
18 Trib.trav. Liège (div. DINANT), 21 novembre
2016, R.G.15/1.020/A. Disponible sur :
http://terralaboris.be/IMG/pdf/ttld
2016 11 21 15 1020 a.pdf
12
Compte tenu de ce qu'il s'agit de conditions cumulatives, si
l'une des deux fait défaut, le licenciement ne peut pas être
considéré comme manifestement déraisonnable.19
A ce niveau, il sied de constater que les juridictions du travail effectuent un
contrôle marginal a posteriori des motifs concrets du
licenciement au regard des faits qui leurs sont soumis.
Le principe en matière de cumul des indemnités
classiques avec les indemnités de licenciement manifestement
déraisonnable est posé à l'article 9 § 3 de la CCT
n° 109 qui dispose que : « L'indemnisation n'est pas cumulable
avec toute autre indemnité qui est due par l'employeur à
l'occasion de la fin du contrat de travail, à l'exception d'une
indemnité de préavis, d'une indemnité de non-concurrence,
d'une indemnité d'éviction ou d'une indemnité
complémentaire qui est payée en plus des allocations sociales.
»20 Il ressort substantiellement de cette disposition,
qu'à l'occasion de la rupture du contrat de travail par l'employeur, on
peut avoir deux catégories d'indemnités dues par ce dernier : les
indemnités « classiques » qui sont toujours cumulables avec
l'indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable, et les
indemnités de protection spécifique qui ne sont jamais cumulables
avec cette dernière. Ainsi, l'indemnité pour licenciement
manifestement déraisonnable (LMD) qui emporte 3 semaines à 17
semaines de la rémunération brute du travailleur, est cumulable
avec les indemnités « classiques » dues par l'employeur
à la fin du contrat de travail notamment l'indemnité
compensatoire de préavis, l'indemnité d'éviction,
l'indemnité complémentaire de préavis, l'indemnité
de non-concurrence, l'indemnité de sécurité d'existence ou
payée dans le cadre d'un régime de chômage avec
complément d'entreprise.
Cette réponse du législateur semble logique
étant donné que ces dernières sont sans lien avec les
motifs du licenciement et n'ont dès lors pas le même objet que
celui de la C.C.T. n° 109.21 Nous rappelons que l'amende civile
est une somme d'argent due qui vise à sanctionner l'employeur qui ne
respecterait pas l'obligation formelle de communiquer les motifs concrets du
licenciement. Elle n'a donc pas pour fonction d'indemniser le travailleur, mais
il n'en demeure pas moins que ce dernier perçoit cette amende qui est
autonome et distincte des indemnités de licenciement manifestement
déraisonnable.22 De ce fait, même si en principe, ces
deux sanctions pécuniaires sont parfaitement cumulables comme le
prévoit l'article 7 § 3 de la C.C.T n° 109, force est de
relever que l'amende civile peut être due, même si le licenciement
n'est pas considéré par le juge comme manifestement
déraisonnable.
Il convient dans cette sous-partie, d'examiner en profondeur
la typologie des indemnités classiques d'une part (1)
et d'illustrer le principe de cumul à l'aide de la
jurisprudence pertinente d'autre part (2).
Voir aussi Trib.trav. Hainaut (div. Mons), 9 avril 2018, R.G.
14/1.630/A. Disponible sur : http://terralaboris.be/
20 CCT n° 109 du 12 février 2014 sur la
motivation du licenciement et le licenciement manifestement
déraisonnable. Disponible sur :
http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2014021202&table_name=loi
21 A-V. MICHAUX, A. GERARD, S. et SOTTIAUX, S.,
op.cit., pp 385 - 386.
22 HERVE DECKERS et PIERRE JOSSART, « Le droit
à la motivation du licenciement : règles de forme et cumul
d'indemnités », ANTHEMIS, 2014, p. 289. Disponible sur :
https://www-jurisquare-be.ezproxy.ulb.ac.be/en/book/978-2-87455-765-1/le-droit-a-la-motivation-du-licenciement-regles-de-formes-et-cumul-d
indemnites/index.html#page/289/search/le cumul des indemnités de
licenciement
13
1. Les indemnités classiques : des sanctions
financières intrinsèques aux irrégularités
nées à l'occasion de la rupture du contrat de travail
a. L'indemnité compensatoire de préavis :
le pouvoir de résiliation unilatéral
Selon l'article 39 de la loi du 3 juillet1978, le droit du
travailleur à une indemnité compensatoire de préavis
intervient soit lorsque l'employeur n'a pas respecté les règles
relatives au préavis23, soit lorsque l'employeur
décide de ne pas assortir le licenciement d'une période de
préavis à prester, mais de payer l'indemnité
correspondante. L'indemnité compensatoire de préavis correspond
au montant de la rémunération que le travailleur aurait dû
percevoir s'il avait correctement presté son préavis. Elle est au
fondement du pouvoir de résiliation unilatérale, et constitue
l'indemnité de rupture qui, dans le chef de l'employeur, a donc vocation
à sanctionner la rupture irrégulière du contrat de
travail. En vertu de l'article 66 de l'arrêté royal du 10 juin
2001 portant définition uniforme des notions relatives au temps de
travail à l'usage de la sécurité sociale, il y a lieu
d'entendre par rupture irrégulière, la fin du contrat de travail
pour lequel l'employeur doit une indemnité au travailleur, en
application des articles 39, § 1er ou 40, §
1er, de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail. Ainsi,
lorsque l'employeur décide de licencier le travailleur sur-le-champ
(avec effet immédiat), sans préavis, les règles relatives
à la notification prévues à l'article 37, §
1er, alinéa 4 de cette loi (recommandé ou exploit
d'huissier) ne sont pas d'application. L'employeur peut donc notifier au
travailleur une rupture du contrat moyennant paiement d'une indemnité
compensatoire de préavis par simple courrier ordinaire, voire par
e-mail, SMS ou même verbalement (congé verbal avec rupture
immédiate).24
Le congé est la décision de rompre le contrat de
travail (licenciement ou démission). Il s'agit d'un acte
réceptice (il doit être notifié pour produire des effets
juridiques) qui n'est soumis à aucune condition de forme et est
irrévocable une fois qu'il est exprimé, sauf accord du
destinataire. A contrario, le préavis est quant à lui,
une modalité qui affecte le congé et qui porte sur l'information
de la date à laquelle le contrat doit expirer25. Dans ce
cadre, le licenciement (ou la démission) est notifié(e) par
l'employeur (ou le travailleur) avec l'annonce d'un délai à
l'expiration duquel le contrat de travail prendra effectivement fin. La
régularité du préavis est subordonnée à des
conditions de forme prévues aux articles 37 et suivants de la loi du 3
juillet 1978. Le congé moyennant préavis constitue donc une
période au cours de laquelle le travailleur licencié doit prendre
des dispositions utiles, notamment chercher un nouvel emploi. Selon que
l'employeur donne son accord ou pas, le travailleur peut continuer à
travailler normalement au sein de celui-ci jusqu'à expiration totale de
ce délai de préavis.26 Le congé moyennant
préavis est donc « un congé affecté d'un terme
suspensif » dans la mesure où durant le délai de
préavis, le contrat de travail est maintenu et exécuté
normalement jusqu'à l'expiration de celui-ci.27
23 Voir commentaire de C. trav. Bruxelles, 7/05/2013,
R.G. 2011/AB/1.072, Terra laboris, 2013, p. 1. Disponible sur :
http://terralaboris.be/spip.php?article1434
. Voir aussi C. trav. Mons, 21 juin 2019, R.G. 2018/AM/400, disponible sur :
http://terralaboris.be/IMG/pdf/ctm_2019_06_21_2018_am_400-2.pdf
24 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, Découvrir
le droit du travail, ANTHEMIS, 2017, p. 662.
25 Cass., 23 mars 1981, Pas., 1981, I, p.
787.
26 J. CLESSE, F. KEFER, « Chapitre V- La
dissolution du contrat de travail » in Manuel de droit du
travail, Bruxelles, Editions Larcier, 2018, p. 432.
27 Ibidem, p. 432.
14
En outre, à condition que les deux parties soient
d'accord, un préavis peut être octroyé par l'employeur au
travailleur avec dispense de prestation de travail. Par contre, dans le chef de
l'employeur, le délai de préavis dans le cadre d'une
démission du travailleur, doit pouvoir lui permettre de trouver un
nouveau travailleur disponible sur le marché du travail afin de
remplacer le travailleur démissionnaire. En outre, selon une
jurisprudence constante de la cour de cassation, le dommage moral et
matériel subi par le travailleur du fait de la rupture du contrat de
travail est couvert forfaitairement par l'indemnité de
préavis.28 Rappelons par ailleurs que la jurisprudence
précise qu'en « cas de préavis nul, si le travailleur ne
se prévaut pas de la rupture immédiate du contrat et que les
parties poursuivent l'exécution de celui-ci jusqu'au terme du
préavis notifié irrégulièrement, l'exécution
du contrat durant le préavis ne prive pas le travailleur du droit
à l'indemnité compensatoire de préavis. En effet, la
poursuite des relations de travail pendant le préavis frappé de
nullité ne peut ni être interprétée comme une
renonciation à invoquer la nullité du préavis ni couvrir
celle-ci. »29
b. L'indemnité de non-concurrence
Il importe de souligner que la jurisprudence a admis que
l'activité concurrentielle exercée par l'ancien travailleur
à l'encontre de son précédent employeur n'est a priori
pas illicite30, en vertu de la liberté de travailler et
d'entreprendre chère au système économique
belge.31 Conformément à l'article 65, § 2,
alinéa 5, 4° de la loi du 3 juillet 1978, l'indemnité
forfaitaire de non-concurrence est la contrepartie sous forme indemnitaire,
liée au respect de l'application d'une clause de non-concurrence
à laquelle le travailleur a droit à titre de réparation du
préjudice subi à la fin du contrat de travail. Cette
indemnisation porte sur les conséquences dommageables de l'obligation
pour le travailleur de s'abstenir d'exercer une activité semblable
à celle de l'employeur dans le but de faire concurrence à ce
dernier. Dans le chef du travailleur licencié, elle constitue
stricto sensu, une indemnisation portant sur les conséquences
dommageables de son obligation d'abstention à l'égard de
l'employeur auteur du licenciement. C'est dans ce sens que la disposition
susmentionnée précise que la clause de non-concurrence «
doit prévoir le paiement d'une indemnité compensatoire unique et
de caractère forfaitaire par l'employeur, sauf si ce dernier renonce
dans un délai de 15 jours à partir du moment de la cessation du
contrat à l'application à l'application effective de la clause de
non-concurrence ». Elle n'est donc clairement pas anodine. En effet, les
articles 65, 104, 105, 106 et 107 de la loi du 3 juillet 1978 encadrent la
clause de non-concurrence. Celle-ci est définie comme étant la
clause par laquelle le travailleur « s'interdit, lors de son départ
de l'entreprise, d'exercer des activités similaires, soit en exploitant
une entreprise personnelle, soit en s'engageant chez un employeur concurrent,
ayant ainsi la possibilité de porter préjudice à
l'entreprise qu'il a quittée en utilisant, pour lui-même ou au
profit d'un concurrent, les connaissances particulières à
l'entreprise qu'il a acquises dans celle-ci, en matière industrielle ou
commerciale ».
28 Cass., 7 mai 2001, J.T.T., 2001, p. 410,
note WANTIEZ. Voir aussi, Cass., 26 septembre 2005, J.T.T., p. 494.
29 C.trav. Bruxelles, 28 novembre 2017, R.G.
2016/AB/176. Disponible sur :
http://terralaboris.be/IMG/pdf/ctb_2017_11_28_2016_ab_176.pdf
30 C.trav. Anvers, 16 novembre 1987, R.W.,
1987-1988, p. 1512.
31 Décret du 2-17 mars 1791 dit décret
d'Allarde notamment en son article 7. Disponible sur :
http://lafautearousseau.hautetfort.com/media/01/02/2270738456.pdf
15
Les employeurs ont habituellement recours à cette
technique pour se prémunir contre une activité concurrentielle
exercée par un ancien salarié après la cessation du
contrat de travail dans lequel ils insèrent une clause de
non-concurrence en vertu de laquelle le travailleur s'interdit d'exercer des
activités identiques, soit pour son compte, soit en s'engageant chez un
autre employeur.32 La validité d'une telle clause
obéit scrupuleusement à des conditions de fond et de forme
prévues par les dispositions susmentionnées. Dans l'optique de
produire valablement des effets contraignants à l'égard du
travailleur, la clause de non-concurrence doit notamment :
- être constatée par écrit ;
- avoir trait à des activités semblables et une
fonction similaire à celle exercée chez l'employeur ;
- être géographiquement limitée aux lieux
où le travailleur peut réellement faire de la concurrence
à l'employeur, et ne peut quoi qu'il en soit dépasser le cadre du
territoire belge ; - ne pas être d'une durée supérieure
à 12 mois à compter de la date de fin du contrat ; -
prévoir le paiement d'une indemnité forfaitaire par l'employeur
dont le minimum est égal à la moitié du salaire brut du
travailleur afférent à la durée de l'interdiction de
concurrence ; - respecter les limites salariales ( Pour l'année 2020 :
rémunération annuelle brute inférieure à 35.761
euros = la clause n'est pas valable ; rémunération annuelle brute
comprise entre 35. 761 euros et 71.523 euros = la clause peut être
prévue pour les fonctions déterminées par C.C.T.
sectorielle ou à défaut, pour une catégorie de fonctions
déterminées au niveau de l'entreprise ;
rémunération annuelle brute supérieure à 71.523
euros = la clause peut toujours en principe être valablement conclue,
sauf pour les fonctions expressément exclues par les C.C.T.
sectorielles33).34
Concrètement, la validité de la clause de
non-concurrence doit s'apprécier en fonction de la
rémunération due au jour où la relation contractuelle
prend fin.
Elle est frappée d'une nullité relative
lorsqu'elle ne respecte pas les conditions de fond et de forme, dans la mesure
où cette nullité ne peut être invoquée que par le
travailleur et non par l'employeur. La cour de cassation a effectivement
précisé que seul le travailleur peut se prévaloir d'une
telle cause et que les dispositions y afférentes ne sont pas d'ordre
public.35 Ainsi, l'employeur qui voudrait échapper au
paiement de l'indemnité forfaitaire de non-concurrence devra
nécessairement renoncer, dans le délai légal de 15 jours
prenant cours à partir de la date de rupture du contrat de travail,
à l'application de cette clause.36 Dans un arrêt du 14
mars 2002, la cour du travail de Mons a dit pour droit que lorsque les
conditions de l'article 65, § 2, alinéa 2 de la loi du 3 juillet
1978 ne sont pas respectées, seul le travailleur a le droit d'en
demander la nullité.37
32 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, op.cit., p.
340.
33 SPF emploi, travail et concertation sociale.
Disponible sur :
https://emploi.belgique.be/fr/themes/contrats-de-travail/fin-du-contrat-de-travail/clause-de-non-concurrence
34 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET,
op.cit., p. 342.
35 Cass., 2 mai 1988, Pas., 1988, I, n°
10, p. 1036.
36 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, op.cit., p.
343.
37 Cass., 23 janvier 2015, C. 13.0579.N.,
J.T., 2015, n° 6620, p. 717.
16
En vertu de l'article 65, § 2, alinéa 9 de ladite
loi, « la clause de non-concurrence produit ses effets lorsque le contrat
de travail prend fin après les 6 premiers mois d'occupation :
- soit en cas de licenciement pour faute grave ;
- soit en cas de démission sans faute grave ;
- soit par rupture de commun accord ;
- soit par l'arrivée du terme ou par l'achèvement
du travail défini.38
En revanche, elle ne produit pas ses effets :
- soit en cas de rupture durant les 6 premiers mois du
début du contrat de travail ;
- soit, passé ce délai de 6 mois, en cas de
licenciement sans faute grave ; - soit, passé ce délai de 6 mois,
en cas de démission pour faute grave.39
Notons enfin que si le travailleur ne respecte la clause de
non-concurrence, il sera redevable à titre de sanction
pécuniaire, d'une indemnité égale à
l'indemnité compensatoire reçue de son employeur ainsi que d'une
somme équivalente à celle-ci et qui s'y ajoute. Les employeurs
devront donc toujours vérifier s'ils ont vraiment besoin d'une clause de
non-concurrence vu la rigidité des conditions de validité de
cette dernière et le fait qu'elle ne vaut que si le travailleur
démissionne ».40
c. L'indemnité d'éviction
Il convient de rappeler que les dispositions applicables aux
employés sont de manière générale, également
applicables aux représentants de commerce. Toutefois, la loi sur les
contrats de travail a institué au profit de cette catégorie bien
particulière de travailleurs, diverses dispositions plus favorables plus
favorables que le régime commun applicable aux employés,
notamment en ce qui concerne l'indemnité
d'éviction.41
En vertu de l'article 101 de la loi du 3 juillet 1978,
l'indemnité d'éviction est due au représentant de commerce
qui a apporté une clientèle à son employeur, à
moins que l'employeur n'établisse qu'il ne résulte de la rupture
du contrat de travail, aucun préjudice pour le représentant de
commerce. Elle est égale à 3 mois de rémunération
pour le représentant de commerce occupé chez le même
employeur pendant une période de 1 à 5 ans (aucune
indemnité n'est due si l'occupation a duré moins d'un an). Elle
est augmentée d'un mois de rémunération par tranche de
période supplémentaire de 5 ans de service chez le même
employeur.42 Ainsi, une indemnité d'éviction pour
apport de clientèle est due lorsqu'il est mis fin au contrat, soit par
le fait de l'employeur sans motif grave, soit par le représentant de
commerce pour motif grave.43
38 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, op.cit., p.
344.
39 Ibidem, p. 344.
40 Ibidem, p. 344.
41 PIERRE BEYENS, VALERIE VERMEULEN, « Le contrat
de travail de représentant de commerce », Droit belge,
2020, p. 1. Disponible sur :
http://www.droitbelge.be/fiches_detail.asp?idcat=25&id=489
42 Ibidem, p. 1.
43 Ibidem, p. 1.
17
d. L'indemnité complémentaire
compensatoire de préavis
L'indemnité complémentaire compensatoire de
préavis est octroyée au travailleur licencié en vertu de
l'article 39 de la loi du 3 juillet 1978, lorsque le délai de
préavis n'a pas été correctement calculé par
l'employeur (ou a malhonnêtement déterminé celui-ci), et
par conséquent, remis un préavis plus court à ce
dernier.44 Ainsi, comme le précise la Cour de cassation, pour
la partie du délai de préavis restant à courir,
l'employeur sera redevable de cette indemnité complémentaire
vis-à-vis du travailleur dans le cadre du licenciement.45
Toutefois, s'il arrive que l'employeur ait octroyé un délai de
préavis plus long au travailleur que celui prévu par la loi, il
peut, après avoir informé ce dernier par lettre
recommandée, le modifier conformément au prescrit
légal.
e. Les allocations sociales
Dans le cadre des indemnités classiques au sens de la
C.C.T n° 109, figurent également certaines prestations sociales
dues en vertu de la législation relative aux différentes branches
de la sécurité sociale et qui peuvent être parfaitement
cumulées avec les indemnités de licenciement manifestement
déraisonnable. Sont notamment visés de manière non
exhaustive, les indemnités d'incapacité de travail (pour accident
de travail ou maladie professionnelle), de maternité, de
paternité, d'invalidité et les allocations familiales.
En revanche, ce qui est prohibé par le
législateur et la jurisprudence, c'est notamment le cumul entre les
indemnités compensatoires de préavis et les indemnités
d'incapacité de travail lorsque l'octroi des premières intervient
postérieurement à celui des deuxièmes. Dans un arrêt
du 1er octobre 201446, la Cour du travail de Bruxelles a
rappelé que lorsque les indemnités compensatoires de
préavis ne sont versées qu'après le paiement des
indemnités d'incapacité de travail, le délai de
prescription de 2 ans dont dispose l'assureur pour récupérer
l'indu, ne peut prendre cours avant leur paiement au travailleur. Elle indique
que dans la situation du travailleur ayant bénéficié des
indemnités AMI pendant cette période, tant que les
indemnités compensatoires de préavis ne sont pas versées,
les indemnités AMI continuent d'être payées normalement et
régulièrement. In concreto, le versement des
indemnités compensatoires de préavis a donc deux
conséquences : d'une part, de conférer aux indemnités AMI
précédemment perçues (et qui ne peuvent être
cumulées avec celles-ci) un caractère d'indu, et d'autre part, de
faire courir le délai de l'action en récupération de
l'indu dans le chef de l'assureur.
En outre, s'agissant particulièrement de l'interdiction
de cumul entre plusieurs allocations sociales, il importe de mentionner que
cette question complexe relève du droit de la sécurité
sociale qui est constitué de réglementations sectorielles. Le
plus souvent, ces réglementations sectorielles et la jurisprudence
admettent le cumul entre un revenu de remplacement ou un revenu professionnel
inférieur à un plafond légal requis et un revenu de
complément.
44 C.trav. Mons (3e ch.), 5 décembre
2017, n° 2016-AM-319.
45 Cass. (3e ch.), 14 avril 2003, R.G. S.
02.0028.N. Disponible sur :
http://www.cass.be
46 X, « Interdiction de cumul entre une
indemnité compensatoire de préavis et des indemnités
d'incapacité de travail : règles de prescription de la
récupération », commentaire de C.trav. Bruxelles,
1er octobre 2014, R.G. n° 2012/AB/1.213, Terra
Laboris, 2015, p. 1. Disponible sur : http://terralaboris.be/
18
A contrario, elles prohibent strictement le cumul entre
plusieurs revenus de remplacement.
2. Illustration jurisprudentielle mettant en lumière
l'admission du cumul des indemnités de licenciement manifestement
déraisonnable avec les indemnités classiques
Le tribunal du travail francophone de Bruxelles, dans un
jugement du 22 juin 201847 a fait le lien entre les critères
du motif grave et ceux du licenciement manifestement déraisonnable. En
l'espèce, un ouvrier de l'Horeca engagé à durée
indéterminée à temps plein depuis mai 2015, tombe en
incapacité de travail en mars 2016, sans plus jamais reprendre le
travail par la suite. Le salaire garanti a été payé par
l'employeur jusqu'à mi-avril. Le 24 juin 2016, le travailleur est
licencié pour motif grave, au motif de transmission tardive de ses
certificats médicaux et de multiplication des certificats dont certains
étaient non datés et ne remplissaient pas toutes les
formalités pour la même période. L'employeur a
également reproché au travailleur de ne pas avoir repris le
travail à l'issue d'une période couverte par le travail.
Le tribunal considère qu'un comportement fautif dans le
chef du travailleur, une faute grave rendant immédiatement et
définitivement impossible la relation de travail ne sont pas
démontrés par l'employeur et conclut à
l'irrégularité du licenciement en octroyant une indemnité
compensatoire de préavis au travailleur conformément à
l'article 39 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail. En ce qui
concerne le licenciement manifestement déraisonnable, le tribunal fait
savoir qu'un licenciement pour grave irrégulier n'est pas en soi un
licenciement manifestement déraisonnable. Il poursuit son raisonnement
en rappelant les principes cardinaux en matière de licenciement
manifestement déraisonnable, notamment le principe de l'employeur normal
et prudent placé dans les mêmes circonstances que l'employeur
fautif et qui n'aurait jamais pris la décision de licencier le
travailleur. Sur cette base et au regard des faits ayant fait l'objet de sa
saisine, il a octroyé des indemnités de licenciement
manifestement déraisonnable. Par cet arrêt, le cumul des
indemnités compensatoires de préavis et des indemnités de
licenciement manifestement déraisonnable a été admis dans
le chef du travailleur.
Le tribunal de travail de Liège (division de Huy), dans
un jugement du 10 décembre 201848, a également admis
un tel cumul en faveur du travailleur. S'agissant de l'auteur du licenciement,
il a notamment précisé que le congé doit être
donné par une personne compétente et qu'aucune disposition
légale n'empêche que celui-ci soit donné par le mandataire
de l'employeur dans le cadre d'un mandat spécial qui doit être
prouvé.
Dans la pratique jurisprudentielle, on peut donc constater que
le contrôle judiciaire du motif justifiant le licenciement est pourvu
d'enjeux et de difficultés, dans la mesure où le double rapport
de la preuve en matière de LMD est déterminant dans l'admission
d'un tel cumul : d'une part dans le chef du travailleur qui doit prouver qu'il
y a un LMD et donc cumul, et d'autre part dans le chef de l'employeur qui doit
prouver qu'il n'y a pas de LMD et donc, pas de cumul.
47
Trib.trav. fr. Bruxelles, 22 juin
2018, R.G. 17/4.610/A. Disponible : http://terralaboris.be/
48 Trib.trav. Liège (div. Huy), 10
décembre 2018, R.G. 17/622/A. Disponible sur :
http://terralaboris.be/
19
B. Le cumul des indemnités de licenciement
manifestement déraisonnable avec les dommages et intérêts
pour abus du droit de rupture
Avant la C.C.T. n° 109, il faut noter également
qu'il existait déjà dans le statut des ouvriers, un principe de
cumul des indemnités forfaitaires avec les indemnités de
licenciement abusif en vertu de l'ancien article 63 de la loi sur les contrats
de travail.49
Si la C.C.T. n° 109 a le mérite d'avoir
supprimé la notion de licenciement abusif qui jadis, était
applicable dans l'ancien régime des ouvriers, opérant ainsi la
remarquable distinction avec le régime des employés dont le
caractère dommageable du licenciement reposait uniquement sur la mise en
oeuvre de la théorie générale de l'abus de droit, il
importe de souligner aujourd'hui, que celle-ci, bien qu'ayant
procédé à l'harmonisation de ses deux statuts, a tout de
même maintenu la possibilité pour le travailleur de recourir
à cette théorie civiliste de l'abus de droit conformément
aux articles 1134 alinéa 3 et 1382 du code civil50, afin de
permettre à ce dernier d'obtenir dans la mesure de ce qui est reconnu
par le juge comme fait dommageable, un montant global plus conséquent de
ses indemnités.
Dans le rapport précédant la C.C.T. n° 109,
les partenaires sociaux ont de fait, expressément souligner que
« le travailleur peut toutefois toujours invoquer l'abus du droit de
licencier par l'employeur en application de la théorie civiliste de
l'abus de droit, s'il peut en prouver les éléments. Le
travailleur doit également prouver, dans ce cas, le lien entre le mode
de licenciement et le dommage ainsi que l'ampleur du dommage subi
».51
Au niveau de la jurisprudence, les juridictions du travail
sont unanimes quant à l'admission de ce principe de cumul.52
Dans un jugement du 3 mai 2019, le Tribunal du travail de Liège
(division Dinant) rappelle que la C.C.T. n° 109 interdit le cumul de
l'indemnisation qu'elle prévoit avec d'autres sommes dues par
l'employeur lors de la rupture, mais que cette interdiction ne vaut pas
dès lors qu'est réclamée, dans le cadre d'un abus de
droit, la réparation d'un autre dommage ayant une autre cause que le
motif lui-même53. Le tribunal du travail du Hainaut (division
de Mons) a précisé qu'en vertu des règles applicables
à la hiérarchie des normes prévues à l'article 51
de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail
et les commissions paritaires, la loi est une source droit supérieure
à une convention collective de travail.
49 C.trav. Bruxelles (6ème ch.),
24/4/2012, J.T.T., 2012/18, n°1132, 284-285. Disponible sur :
https://www.stradalex.com/fr/sl_rev_utu/search/rev/dbf3cb8d02e0db7301aed04e13981e1340ea6b14dbca30e9f8
767f6421051df9::1?docEtiq=jtt2012_18p284
50 MORTIER, A., « La problématique du
cumul de l'indemnité pour licenciement manifestement
déraisonnable et des dommages et intérêts pour abus du
droit licencier », J.L.M.B., 2017/6, p 764-770. Disponible sur :
https://www.stradalex.com/fr/sl_rev_utu/search/rev/1e0bdfbb3436859fc57ba54ffd08039a28622b58c49e62f81f2
283869a75de08::1?docEtiq=jlmb2017_16p764
51 A-V. MICHAUX, GERARD, S. et SOTTIAUX, S.,
op.cit., p 387.
52 C.trav. Liège, 26/2/2018, J.T.T.,
2018/16, n° 1310, p. 253 - 256. Disponible sur :
https://www.stradalex.com/fr/sl_rev_utu/search/rev/dbf3cb8d02e0db7301aed04e13981e1340ea6b14dbca30e9f8
767f6421051df9::1?docEtiq=jtt2018_16p253
53 X, « CCT n° 109 et théorie de
l'abus de droit : commentaire de Trib. trav. Liège (div. Dinant), 3 mai
2019, R.G. 17/250/A », Terra laboris, 2019, p. 1. Disponible sur
:
http://www.terralaboris.be/spip.php?article2801
20
De ce fait, la C.C.T. 109 ne peut exclure une indemnisation en
droit commun, à condition que l'indemnisation ne vise pas le même
comportement fautif, ni le même préjudice.54
Depuis l'entrée en vigueur de la C.C.T. n° 109, la
théorie de l'abus de droit, qui trouve son fondement dans l'article
1134, al. 3 du Code civil, selon lequel les conventions doivent être
exécutées de bonne foi, ne peut plus viser que les
circonstances qui entourent le licenciement. Les principes qui gouvernaient
celle-ci avant l'entrée en vigueur de la C.C.T. restent cependant
d'application lorsqu'il est fait appel à la théorie civiliste,
dont les règles de preuve.55
Les dommages et intérêts réclamés
par le travailleur qui invoque l'abus de droit commis par l'employeur à
l'occasion du licenciement réparent un dommage distinct de celui
réparé par l'octroi d'une indemnité pour licenciement
manifestement déraisonnable, l'un pouvant exister sans
l'autre.56 L'employeur pourrait parfaitement établir que le
licenciement n'est pas manifestement déraisonnable et échapper au
paiement de l'indemnité, alors que les circonstances entourant le
licenciement justifieraient que celui-ci soit qualifié d'abusif. Par
ailleurs, l'indemnité pour licenciement manifestement
déraisonnable sanctionne une absence de motifs justifiant
raisonnablement le licenciement, alors que les dommages et
intérêts pour licenciement abusif sanctionnent l'abus de droit de
licencier commis par l'employeur.57
En vertu de la hiérarchie des normes, la loi est une
source de droit supérieure à une convention collective de
travail. Il s'ensuit que la CCT n° 109 ne saurait exclure une
indemnisation en droit commun ne visant ni le même comportement, ni le
même préjudice.
En ce qu'il vise toute faute qu'aurait commise l'employeur en
faisant usage de son droit de rupture unilatérale, l'article 1382 C.
civ. est beaucoup plus large que la sanction prévue pour licenciement
manifestement déraisonnable, laquelle vise la motivation du
licenciement, dont elle répare le défaut. Pour peu que le
travailleur soit en mesure de démontrer l'existence d'une faute
distincte de celle liée à la motivation de son licenciement, ce
qui peut être le cas lorsque les circonstances entourant la rupture sont
fautives, et justifie d'un dommage qui n'est réparé ni par la
sanction fixée par la CCT n° 109, ni par l'indemnité de
préavis, il peut y avoir cumul entre l'indemnité pour
licenciement manifestement déraisonnable et celle postulée sur
pied des articles 1382 et 1134, alinéa 3 du code civil.58
Sur le plan probatoire, on constate donc que les faits
dommageables distincts peuvent être difficiles à démontrer
devant le juge dans le but de prétendre à un cumul
d'indemnités, surtout quand on sait que la cour de cassation
précise que l'indemnité de préavis couvre forfaitairement
la réparation dommage moral et matériel.
54 Trib. trav. Hainaut (div. Mons), 9 avril 2018, R.G.
14/1.630/A. Disponible sur :
http://www.terralaboris.be/IMG/pdf/tthm_2018_04_09_14_1630_a.pdf
55 Trib. trav. Liège (div. Verviers), 28 mars 2018, R.G.
17/308/A . Disponible sur :
http://www.terralaboris.be/IMG/pdf/ttlv_2018_03_28_17_308_a.pdf
56 B. PATERNOSTRE et M. PATERNOSTRE, «
Licenciement manifestement déraisonnable et abus du droit de rupture :
cumul des indemnités ? », Or, 2018, pp. 18-27.
57 C. trav. Liège, 8 février 2017, R.G. 2016/AL/328
. Disponible sur :
http://www.terralaboris.be/IMG/pdf/ctll_2017_02_08_2016_al_328.pdf
58 Trib. trav. Hainaut (div. Mons), op.cit.
21
En outre, l'article 9 de cette C.C.T prévoit que le
travailleur peut réclamer, « en lieu et place de la sanction
visée par le présent article », une réparation de son
dommage réel. Il s'agit cependant d'une autre hypothèse que celle
de l'abus du droit de licencier. Dans le cas visé par le commentaire de
l'article 9, on fait référence au dédommagement du
caractère manifestement déraisonnable du licenciement reposant
concrètement sur un vice de motivation. A contrario, l'abus du
droit de licencier quant à lui, vise une faute commise dans les
circonstances entourant le licenciement.59 Il est donc clair, qu'un
choix d'option est ouvert au travailleur dans le cadre de la réparation
du dommage lié au licenciement effectué par l'employeur. La
jurisprudence martèle que « le contrôle du
caractère déraisonnable du licenciement ne porte pas sur les
circonstances du licenciement. Il porte sur la question de savoir si les motifs
ont ou non un lien avec l'aptitude ou la conduite du travailleur ou s'ils sont
fondés sur les nécessités du fonctionnement de
l'entreprise, de l'établissement ou du service et si la décision
n'aurait jamais été prise par un employeur normal et raisonnable
(...) ».60
C. Le cumul des indemnités classiques avec les
dommages et intérêts pour abus du droit de rupture
La Cour du travail de Bruxelles, dans un arrêt du 15
mars 201761 a examiné les liens entre le motif grave, le
licenciement abusif eu égard au motif réel (supprimé et
remplacé depuis le 1er janvier 2014 par le LMD prévu par la
C.C.T. n° 109) et la théorie civiliste de l'abus de droit. En
l'espèce, un groupement d'intérêt économique
d'employeurs a engagé une ouvrière sous CDI à temps plein
avec possibilité de mise à disposition. Celle-ci a
été licenciée en 2012 pour motif grave résultant du
fait que sans l'autorisation de son employeur, elle a mis en ligne sur
internet, une vidéo constituée de photos d'une fête qui
donnent des détails du site et d'une ligne de reproduction. L'employeur
lui reproche d'avoir ainsi violé le secret professionnel de fabrication
et de lui avoir causé un tort considérable, tant à
lui-même qu'à l'utilisateur.
En première instance, la travailleuse a obtenu
partiellement gain de cause, raison pour laquelle elle décida
d'interjeter appel. La Cour dans son analyse constate qu'aucun
élément probant ne permet d'établir que des secrets
professionnels de fabrication auraient été divulgués et
que la société n'est pas d'avantage en mesure d'apporter d'autres
précisions. Dès lors, elle a considéré que le motif
grave n'existait et que le licenciement opéré était sans
rapport avec la conduite du travailleur. Sur cette base, la Cour, en observant
la règle des causes et des dommages distincts, a octroyé
cumulativement une indemnité compensatoire de préavis, une
indemnité pour licenciement abusif et des dommages et
intérêts pour abus du droit licencier.
59 L. DEAR, S. GHISLAIN, A. LHOSTE, «
L'indemnité pour licenciement abusif en droit commun et
l'indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable au sens
de la C.C.T. n° 109 : controverse entre autorisation ou interdiction du
cumul », Limal, ANTHEMIS, 2020, pp. 189 - 209. Disponible sur :
https://www-jurisquare-be.ezproxy.ulb.ac.be/en/book/978-2-8072-0666-3/l_indemnite-pour-licenciement-abusif-en-droit-commun-et-l_indemnite-pour-licenciement-manifestement-/index.html#page/190/search/le
cumul des indemnités de licenciement
60 Trib.trav. Hainaut (div. Charleroi), 6 novembre
2018, R.G. 15/4. 156/A. Disponible sur :
http://terralaboris.be/spip.php?rubrique4258
61 X, « Motif grave invoqué avec
légèreté coupable et licenciement abusif »,
commentaire C.trav. Bruxelles, 15 mars 2017, R.G. 2015/AB/208, Terra
Laboris, 2017, p. 1. Disponible sur :
http://terralaboris.be/spip.php?article2313
22
Dans un arrêt du 7 octobre 201062, cette
même juridiction sociale d'appel a également admis le cumul de
l'indemnité compensatoire de préavis et des dommages et
intérêts pour abus du droit de licencier.
D. Le cumul des indemnités classiques avec les
indemnités de protection spécifique
La cour du travail de Mons admis le cumul de
l'indemnité compensatoire de préavis et de l'indemnité de
protection spécifique relative à la violation par l'employeur du
droit au crédit-temps d'une travailleuse en vertu de l'article 21 de la
C.C.T. n° 103, dans la mesure où l'octroi de ses deux
indemnités reposent manifestement sur deux dommages distincts et deux
causes différentes.63
Dans un jugement du 26 octobre 2010, le tribunal du travail
francophone de Bruxelles a admis le cumul de l'indemnité de protection
spécifique relative au dépôt de plainte pour
harcèlement sexuel et moral auprès d'une conseillère en
prévention en vertu de l'article 32 tredecies de loi du 04
Août 1996 sur le bien-être au travail, avec l'indemnité
compensatoire de préavis pour absence de faute grave dans le chef d'une
travailleuse.64 Un tel cumul a été également
admis dans un arrêt du 12 juin 2017 de la Cour du travail du Bruxelles
dans le cadre d'une rupture irrégulière de la relation de
travail.65
Cependant, la Cour du travail de Bruxelles a rejeté
l'admission d'un tel cumul dans le cadre d'une discrimination fondée sur
l'état de santé d'un travailleur bénéficiant d'une
cause de suspension du contrat de travail. Elle a dit pour droit que «
les absences nombreuses et ponctuelles d'un travailleur fréquemment
malade, sources de désorganisation de l'administration qui l'occupe,
auxquelles s'ajoute un taux de productivité insuffisant, constituent un
motif étranger à la suspension du contrat de travail justifiant
le licenciement. Le travailleur ne rapporte pas la preuve de faits permettant
de présumer une discrimination fondée sur son état de
santé actuel ou futur lorsque son licenciement est motivé par ses
absences nombreuses et ponctuelles, la désorganisation qui en
découle pour son employeur et un taux de productivité
insuffisant. »66
De jurisprudence constante, lorsque l'indemnité de
protection spécifique fait défaut au regard de ses conditions
légales et des éléments factuels liés à la
situation du travailleur, son cumul avec les indemnités classiques ne
pourra donc pas être admis par le juge social.
62 X, « Appréciation du motif grave :
contrôle de proportionnalité entre la faute et la sanction »,
commentaire de C.trav. Bruxelles, 7 octobre 2010, R.G. 2010/AB/725, Terra
Laboris, 2010, p. 1. Disponible sur :
http://terralaboris.be/spip.php?article876
63 C.trav. Mons (1re ch.), 23 novembre
2018, n° 2017-AM-279 et 2017-AM-364, Sem. Soc. /soc. Week., 2019/2.
64 Trib.trav. Bruxelles (2ème ch.),
26/10/2010, J.T.T., 2011/8, n° 1092, pp 125-127. Disponible sur :
https://www.stradalex.com/fr/sl_rev_utu/search/rev/b8b3f4e558b71d5c133fa2a2029469ba9512d8710721522fcf
5cde21904e1cce::1?docEtiq=jtt2011_8p125
65 Cour. trav. Bruxelles (4e ch.), 12 juin 2017,
2015/AB/440, C.D.S., 2017/3, p. 117. Disponible sur :
https://www.stradalex.com/fr/sl_rev_utu/search/rev/b8b3f4e558b71d5c133fa2a2029469ba9512d8710721522fcf
5cde21904e1cce::1?docEtiq=chron_dr_soc2017_3p117_4
66 « Cour du travail Bruxelles (4 e chambre), 24/05/2018
», J.L.M.B., 2018, nr. 39, pp.1866-1870. Disponible sur :
https://www-jurisquare-be.ezproxy.ulb.ac.be/en/journal/jlmb/2018-39/cour-du-travail-bruxelles-4-e-chambre-24052018/index.html#page/1866/search/le
cumul des indemnités de rupture
23
E. Le cumul des indemnités de protection
spécifique avec les dommages et intérêts pour abus du droit
de rupture
Ce type de cumul est unanimement reconnu et autorisé
par les juridictions du travail lorsque les conditions propres à chacune
des indemnités d'une part, et les règles du cumul d'autre part
d'autre sont effectivement respectées par le justiciable (le
travailleur). Chacune d'elles visent ainsi à réparer un dommage
distinct reposant sur une cause distincte en vertu des sources de droit
différentes.
En effet, le tribunal du travail du Hainaut (division de La
Louvière), dans un arrêt du 28 septembre 2018, a admis le cumul
des indemnités de protection liées au congé parental et
des dommages et intérêts en précisant dans le cas
d'espèce, que ces deux indemnités reposent sur des causes et des
dommages distincts. De même, il a ajouté que celles-ci se
réfèrent à des objets différents qui sont
visés par des textes normatifs différents.67
F. Le cumul des indemnités de protection
spécifique du délégué du personnel et du candidat
délégué du personnel avec toute indemnité de
protection due en vertu d'une convention collective de travail
La cour de cassation, en examinant minutieusement de
manière comparative, les articles 2 § 1er , 14, 16 et 17 §
1er de la loi du 19 mars 1991 fixant un régime de
licenciement particulier pour les délégués du personnel
aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité,
d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les
candidats délégués du personnel, et les articles 4, 5 et
15 de la C.C.T relative à la sécurité d'emploi, conclue le
9 novembre 1987 au sein de la commission des entreprises d'assurances, et
rendue obligatoire par l'arrêté royal du 30 mars 1988, est
parvenue à dégager un raisonnement clair sur ce cas de cumul.
C'est ainsi qu'elle a jugé que les indemnités prévues par
la loi de 1991 peuvent être cumulées avec celles prévues
dans la C.C.T de 1987, dans la mesure où aucune interdiction de cumul
n'est expressément mentionnée dans les deux textes. Le cumul peut
donc être admis lorsque les conditions d'octroi de chacune d'elles sont
réunies, et leur cumul ne constitue pas un avantage prohibé par
l'article 2 § 4, de la loi du 19 mars 1991.68
De tout ce qui précède, bien que les
réglementations ne soient pas toujours d'une clarté impeccable et
irréprochable, il ressort que le cumul de certaines indemnités de
licenciement sous condition de causes et de dommages distincts, est
autorisé par la législation sociale et la jurisprudence dans le
cadre d'un examen judiciaire minutieux. Cependant, quid des cas dans lesquels
le cumul de ces dernières est strictement prohibé (III)
?
67 Trib. Trav. Hainaut (div. La Louvière),
28 septembre 2018, R.G. 15/1.641/A. Disponible sur :
http://terralaboris.be/
68 Cass. (3ème ch.), 20/2/2012,
J.T.T., 2012/14, n° 1128, p. 210-212. Disponible sur :
https://www.stradalex.com/fr/sl_rev_utu/search/rev/dbf3cb8d02e0db7301aed04e13981e1340ea6b14dbca30e9f8
767f6421051df9::1?docEtiq=jtt2012 14p210
24
III. Les cas d'interdiction du cumul des
indemnités de licenciement : une approche pragmatique du droit positif
retenant une cause et un dommage identiques dans la situation du
travailleur
Contrairement à l'approche retenue pour l'admission du
cumul des indemnités de licenciement reposant sur des causes et des
dommages distincts, le législateur et la jurisprudence ont opté
pour le critère relatif à l'absence de dommages et de motifs
distincts, applicable au cas par cas par rapport à l'objet visé
dans les différentes sources normatives mobilisées par le
justiciable, pour admettre l'interdiction du cumul de ces dernières, et
ce, dans un souci d'égalité et d'équité.
Dans les cas de figure où la législation sociale
a fait montre de mutisme ou d'imprécision, la jurisprudence est
intervenue pour expliciter et éclairer les conditions dans lesquelles le
cumul des indemnités de licenciement était strictement proscrit.
Il s'en suit que de jurisprudence constante, le cumul est prohibé
lorsque dans le chef du travailleur, il y a en réalité un seul et
même dommage, un même motif de licenciement irrégulier bien
que l'objet visé par les textes réglementaires mobilisés
par ce dernier soit différent.
Toutefois, en pratique, il importe de relever que les
éléments factuels constituant des mesures préjudiciables
distinctes dans le chef du travailleur, ne sont pas toujours évidents
à démontrer devant le juge pour prétendre à un
cumul d'indemnités de licenciement.
Dans cette deuxième partie de notre
développement, nous analyserons avec minutie, les quatre cas
d'interdiction du cumul des indemnités de licenciement que nous avons
identifiés.
A. Exclusion du cumul des indemnités de
licenciement manifestement déraisonnable avec les indemnités de
protection spécifique
En vertu de l'article 11 alinéa 4 de la C.C.T n°
109, il est acquis que l'indemnité pour licenciement manifestement
déraisonnable ne peut pas être cumulée avec les
indemnités de protection spécifique dues par l'employeur «
à l'occasion de la fin du contrat de travail ».
Celles-ci sont soit de 3 mois, soit de 6 mois
(l'indemnité de protection de 6 mois de rémunération brute
étant la plus généralisée dans la
législation sociale), soit de 1 an (cas du délégué
syndical), soit de 2, 3 ou 4 ans égale à la
rémunération brute du travailleur (cas du
délégué du personnel et du conseiller en
prévention), et à condition que les indemnités de
protection spécifique portent sur le même dommage que celui
couvert par les indemnités de licenciement déraisonnable. Les
indemnités de protection spécifique visent notamment à
protéger la situation du travailleur, la fonction du travailleur,
l'indépendance rattachée à l'exercice de certaines
fonctions et les représentants du personnel ayant vocation à
défendre les droits et intérêts des travailleurs.
25
En effet, l'interdiction de ce cumul a été
clairement dégagée par la jurisprudence. Le tribunal du travail
du Hainaut (division de Charleroi) a dit pour droit qu' « à
supposer que l'on puisse considérer que le texte de l'article 9, §
3, de la C.C.T. n° 109 n'exclut pas le cumul entre l'indemnité pour
licenciement manifestement déraisonnable et l'indemnité pour
licenciement discriminatoire due sur la base de la loi du 10 mai 2007, il n'en
demeure pas moins que, en toute hypothèse, l'arrêt de la Cour de
cassation du 20 février 2012 ne permettrait pas d'avaliser cette
thèse dans la mesure où l'une et l'autre de ces deux
indemnités ont une cause (l'(il)légitimité du/des motif(s)
ayant présidé au licenciement) et un objet (sanctionner la faute
de l'employeur qui a licencié un travailleur pour un motif
illégitime) identiques. Le travailleur dispose donc d'une option entre
les deux indemnités, et non d'une possibilité de cumuler les
deux. L'indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable
ne peut davantage être cumulée avec l'indemnité due pour
non-respect par l'employeur de ses obligations en cas de transfert
conventionnel d'entreprise au sens de la C.C.T. n° 32bis, cette
indemnité étant une indemnité due « à
l'occasion de la fin du contrat de travail », dont le cumul est
prohibé par l'article 9, § 3, précité.
»69
Toutefois, lorsque les indemnités de protection
spécifique portent sur une mesure préjudiciable, un dommage
distinct de celui couvert par les indemnités de licenciement
déraisonnable, le cumul des deux indemnités peut être
admis, ce qui d'un point de vue factuel n'est pas souvent évident
à démontrer de manière suffisante. Il sied de constater
que le régime de sanction des indemnités de protection
spécifique est rigoureusement plus élevé que celui
prévu dans le cadre de l'indemnité pour licenciement
manifestement déraisonnable. Au demeurant, la C.C.T. n° 109 est
à plusieurs égards, plus stricte que l'ancien régime de
l'article 63 dont le cumul était uniquement interdit avec des
indemnités de protection spécifique octroyées en cas de
rupture de la relation de travail, en violation de l'interdiction ou de la
limitation du licenciement notamment dans le cadre du congé de
maternité, de congé-éducation-payé, du licenciement
d'un représentant (ou candidat) du personnel au CE et au C.P.P.T.
S'agissant du droit antérieur, l'indemnité pour
licenciement abusif en application de l'ancien article 63 de la loi sur les
contrats de travail était par contre cumulable avec les
indemnités pour discrimination, pour violation des procédures
spécifiques de licenciement des représentants du personnel
prévues par une C.C.T sectorielle, ou pour non-respect de l'obligation
d'audition préalable par une autorité administrative, cumuls
aujourd'hui interdits par la C.C.T. n° 109.
Le champ d'interdiction du cumul relatif aux indemnités
de protection spécifique a donc été fortement
élargi depuis l'adoption de la C.C.T. n° 109.70
En outre, il est important de rappeler qu'avant l'adoption de
la CCT n° 109, le principe de cumul des indemnités de protection
spécifique avec les indemnités de licenciement abusif
était
également applicable dans le régime des
ouvriers.71
69 Trib.trav. Hainaut (div. Charleroi), op.cit.
70 Ibid., p. 386.
71 C.trav. Bruxelles (6ème ch.),
17/2/2014, J.T.T., 2014/18, n° 1192, p. 285-287. Disponible sur :
https://www.stradalex.com/fr/sl_rev_utu/search/rev/dbf3cb8d02e0db7301aed04e13981e1340ea6b14dbca30e9f8
767f6421051df9::1?docEtiq=jtt2014 18p285
26
Pour mieux appréhender la question du cumul des
indemnités de protection spécifique, il convient d'une part, d'en
examiner le fondement (1) et d'autre part, d'identifier la
typologie des protections spécifiques (2).
1. Le fondement des protections spécifiques contre
le licenciement
Les protections spécifiques contre le licenciement sont
prévues par les lois, les arrêtés royaux et les conventions
collectives de travail. Celles-ci visent à limiter le droit de licencier
dans le chef de l'employeur, certaines catégories de travailleurs dans
certaines circonstances.
En effet, « de tels régimes juridiques sont
fondés sur la considération que certains travailleurs se
trouvent, en raison de certaines circonstances personnelles ou des fonctions
qu'ils exercent dans l'entreprise, plus exposés que d'autres au risque
d'un licenciement arbitraire. A cet objectif de protection individuelle,
s'ajoute parfois la préoccupation de protéger un
intérêt plus général comme par exemple, le
fonctionnement normal des organes de représentation du personnel dans
l'entreprise ».72 Une protection spécifique contre le
licenciement est une interdiction de fonder un licenciement sur la base du
motif ayant enclenché la protection. C'est ainsi qu'il est notamment
interdit de licencier une travailleuse parce qu'elle a pris un congé
parental.
Dans ce cadre, c'est l'employeur qui a la charge de la preuve
de démontrer que le licenciement est étranger à la cause
de protection. En droit positif, vu le pouvoir de résiliation
unilatérale consacré à l'article 39 de la loi du 3 juillet
1978, si le licenciement a été pris, et ce malgré une
protection spécifique, l'employeur ne devra pas réhabiliter le
travailleur, mais il devra payer une indemnité de protection forfaitaire
en plus d'une indemnité compensatoire de préavis. Celle-ci est
parfois conditionnée à l'introduction d'une demande de
réintégration non suivie d'effets c'est-à-dire que l'on va
obliger ou permettre au travailleur de demander à être
réintégré et ce n'est qu'en cas de refus de l'employeur
que celui-ci devra payer une indemnité de protection forfaitaire. La
violation de ces protections vise à alourdir la sanction
indemnitaire.
Parfois, la limitation est plus importante dans le cadre des
protections spécifiques contre le licenciement notamment :
n par la limitation des motifs admissibles de licenciement
(exemple : les délégués du personnel au CE et au
CPPT sont des travailleurs protégés, ils ne peuvent pas
être licenciés sauf dans deux cas : motif grave et motifs
d'ordre économique ou technique)
n par l'instauration des procédures spécifiques
du licenciement (exemple : contrôle a priori des motifs
de licenciement des délégués du personnel au CE et au CPPT
: l'employeur qui voudrait les licencier pour motif grave doit d'abord faire
reconnaître préalablement comme graves ces motifs par le tribunal
du travail. S'il veut les licencier pour motifs d'ordre économique ou
technique, ceux-ci doivent être reconnus par la commission paritaire).
2. La typologie des protections spécifiques contre
le licenciement : une classification organisée en fonction des
critères légaux clarifiés par la jurisprudence
Ces protections peuvent être distinguées en
fonction de leur ratio legis.
72 PIERRE DENIS, Droit du travail, Maison
LARCIER, 1992, p. 144.
27
a. L'effectivité des causes de suspension et des
mécanismes de réduction des prestations de travail
Il s'agit de tous les éléments
circonstanciés qui se rapportent à la conciliation vie
privée familiale et vie professionnelle dans le cadre des congés
thématiques :
n La protection liée au congé de
maternité en vertu des articles 39 et 40 de la loi du 16 mars 1971 sur
le travail et l'article 28, 2° de la loi du 3 juillet 1978 sur les
contrats de travail : interdiction de licencier une femme enceinte ou qui vient
d'accoucher, sauf pour des motifs étrangers à son état de
grossesse ou à l'accouchement.
En cas de violation de cette obligation d'abstention
incombant à l'employeur, ce dernier est redevable d'une indemnité
forfaitaire de protection spécifique correspondant à 6 mois de la
rémunération brute en cours en vertu de l'article 40
alinéa 3 de la loi du 16 mars 1971, et ce, outre l'indemnité de
rupture.73 La période de protection commence à partir
de la date à laquelle la travailleuse a informé l'employeur de
son état de grossesse et prend fin 1 mois après la fin du
congé postnatal. Cette protection s'explique par la considération
du « risque qu'un éventuel licenciement fait peser sur la situation
physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou
allaitantes, y compris du risque particulièrement grave d'inciter la
travailleuse enceinte à interrompre volontairement sa grossesse
».74
n La protection relative à la pause d'allaitement en
vertu de l'article 11 de la C.C.T n° 80 du 27 novembre 2001 : l'employeur
ne peut pas licencier la travailleuse, sauf pour des motifs étrangers
à l'état physique résultant de l'allaitement et/ou du
tirage du lait.
En ce qui concerne la période de protection, celle-ci
débute à la date suivant laquelle l'employeur est informé
de l'exercice du droit d'allaiter et prend fin à l'expiration d'un
délai d'un mois après l'expiration de la validité de la
dernière attestation ou du certificat médical visés
à l'article 10 de cette C.C.T. La charge de la preuve dans ce cadre,
incombe à l'employeur. En cas de licenciement irrégulier,
l'employeur est redevable d'une indemnité forfaitaire de protection
égale à 6 mois de la rémunération brute de la
travailleuse en allaitement.75
n La protection liée la conversion du congé de
maternité en congé de paternité en cas de
décès ou d'hospitalisation de la mère selon
l'arrêté royal du 17 octobre 1994 : c'est la même protection
qui est accordée à la mère en cas de congé de
maternité.
L'employeur ne peut pas mettre fin à la relation de
travail, sauf pour des motifs étrangers à la conversion du
congé de maternité en congé de paternité. Au sens
de l'article 4 de ce texte, la période de protection débute le
7ème jour qui suit le jour de la naissance de l'enfant et
prend fin au moment où l'hospitalisation de la mère a pris fin et
au plus tard au terme de la partie du congé de maternité non
encore épuisée par cette dernière. En cas de licenciement
irrégulier, l'employeur est redevable, outre l'indemnité de
rupture, d'une indemnité forfaitaire de protection égale à
6 mois de la rémunération brute du travailleur.
n La protection liée au congé d'adoption sur
base de l'article 30ter, §4 de la loi du 3 juillet 1978 :
l'employeur ne peut pas rompre le contrat de travail, sauf pour un motif
étranger au congé d'adoption. La charge de la preuve incombe dans
ce cadre à l'employeur.
S'agissant de la période de protection, il sied de
relever que celle-ci débute 2 mois avant la prise de cours du
congé et prend fin 1 mois après la fin de ce congé.
73 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, op.cit.,
p. 631.
74 JACQUES CLESSE, FABIENNE KEFER, Manuel de
droit du travail, Larcier, 2014, p. 298.
75 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, op.cit.,
p. 632.
28
En cas de licenciement irrégulier, l'employeur est
redevable, outre l'indemnité de rupture, d'une indemnité
forfaitaire de protection égalé à 3 mois de la
rémunération brute du travailleur76.
n La protection liée au congé de
paternité (congé de naissance) en vertu de l'article 30, §4
de la loi du 3 juillet 1978 : l'employeur ne pas rompre le contrat de travail,
sauf pour un motif étranger au contrat de travail. La charge de la
charge de la preuve incombe dans ce cadre, à l'employeur.
La période de protection débute au moment de
l'avertissement écrit à l'employeur et prend fin 3 mois
après cet avertissement. En cas de licenciement irrégulier, outre
l'indemnité de rupture, l'employeur est redevable d'une indemnité
forfaitaire de protection égale à 3 mois de la
rémunération brute du travailleur.77
n Protection du congé parental ou de naissance telle
que prévue par l'article 101 de la loi de redressement contenant
certaines dispositions sociales du 22 janvier 1985, la CCT n°64 du 29
avril 1997 instituant un droit au congé parental et
l'arrêté royal du 29 octobre 1997.
La période de protection du travailleur débute
à la date l'avertissement écrit à l'employeur et prend fin
2 mois après la date de fin du congé parental. L'employeur ne
peut pas licencier le travailleur, sauf pour une faute grave ou pour un motif
suffisant étranger au congé parental.
La charge de la preuve incombe à l'employeur. Dans la
négative, ce dernier est redevable d'une indemnité forfaitaire de
protection égale à 6 mois de la rémunération
brute.78
n La protection relative au congé politique à
l'aune de la loi du 19 juillet 1976 instituant un congé pour l'exercice
d'un mandat politique : l'employeur ne peut pas licencier le travailleur, sauf
pour un motif étranger à la candidature de ce dernier. La charge
de la preuve incombe dans ce cadre à l'employeur.
La période de protection commence à partir de
la date de réception de la lettre informant l'employeur de la
candidature du travailleur et prend à la date de l'élection. En
cas de licenciement irrégulier, l'employeur est redevable d'une
indemnité forfaitaire de protection égale à 6 mois de la
rémunération.79
n La protection relative au crédit-temps telle que
prévue à l'article 21 de la C.C.T n°103 du 27 juin 2012
instaurant un système de crédit-temps : l'employeur ne pas
licencier le travailleur, sauf pour un motif grave ou pour un motif dont la
nature et l'origine sont étrangères à la suspension du
contrat de travail ou à la réduction des prestations de travail
du fait de l'exercice du droit au crédit-temps. La charge de la preuve
incombe dans ce cadre à l'employeur. La période de protection
débute à partir de la date de l'avertissement écrit et
prend fin 3 mois après la date de fin du crédit-temps ou
après la date de communication du non-accord de l'employeur
d'exécuter l'article 11 de la C.C.T n° 103.
En cas de licenciement irrégulier, l'employeur est
redevable d'une indemnité forfaitaire de protection égale
à 6 mois de la rémunération brute du
travailleur.80
76 Ibidem, p. 628.
77 Ibidem, p. 628.
78 Ibidem, p. 629.
79 Ibidem, p. 629.
80 Ibidem, p. 629.
n
29
La protection relative au
congé-éducation-payé en vertu de l'article 28, 2°, b
de la loi du 3 juillet 1978, de l'article 118 de la loi de redressement
contenant certaines dispositions sociales du 22 janvier 1985 et son
arrêté royal d'exécution du 23 juillet 1985 : l'employeur
ne peut pas mettre fin à la relation de travail, sauf pour des motifs
étrangers au congé-éducation-payé.
La charge de la preuve incombe dans ce cadre à
l'employeur. La période de protection commence au moment de
l'introduction de la demande par le travailleur et se termine au terme de la
formation. En cas de licenciement irrégulier, l'employeur est redevable
d'une indemnité forfaitaire de protection égale à 3 mois
de la rémunération brute du travailleur.81
n La protection relative à l'interruption de
carrière à l'aune de l'article 101 de la loi de redressement
contenant certaines dispositions sociales du 22 janvier 1985 : l'employeur ne
peut pas licencier le travailleur, sauf pour un motif grave au sens de
l'article 35 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, ou pour
un motif suffisant. En ce qui concerne la période de protection,
celle-ci débute le jour de l'accord où a été
donné par l'employeur ou le jour de la demande (en cas d'application des
articles 100bis et 105, § 1er), ainsi que dans tous
les cas où le travailleur peut invoquer un droit à l'interruption
de carrière, et prend fin après la suspension ou la
réduction du travail. En cas de licenciement irrégulier, le
travailleur est redevable d'une indemnité forfaitaire de protection
égale à 6 mois de la rémunération brute du
travailleur82.
En outre, on peut également citer juste pour mention,
la protection spécifique relative aux prestations d'intérêt
public en temps de paix en vertu de l'article 6 de la loi du 19 août
1948, et celle liée aux obligations militaires en application des
articles 38 et 39 de la loi du 3 juillet 1978. En somme, le but ici à
travers le système de sanctions relative aux indemnités
forfaitaires de protection, est clairement d'assurer l'effectivité des
causes de suspension de l'exécution du contrat de travail qui ont
été mises en place par les lois, les textes réglementaires
et les conventions collectives de travail afin de protéger davantage le
travailleur se trouvant dans une situation particulière vis-à-vis
de l'employeur.
b. L'effectivité du droit collectif du travail
: assurer l'information et la négociation préalables
n En principe, un employeur doit informer et consulter ses
travailleurs quand il compte introduire dans l'entreprise des nouvelles
technologies qui risquent d'avoir des conséquences sociales (perte
d'emploi). Afin de s'assurer qu'il le fasse, une protection contre le
licenciement a été mise en place.
Si l'employeur ne le fait pas, il ne pourra pas licencier les
travailleurs, sauf pour des motifs étrangers à l'introduction de
cette nouvelle technologie, conformément à l'article 6 de la CCT
n°39 du 13 décembre 1983 concernant l'information et la
concertation sur les conséquences sociales de l'introduction des
nouvelles technologies.83
En ce qui concerne la sanction en cas de licenciement
irrégulier, il sera en outre, redevable d'une indemnité de
protection spécifique égale à 3 mois de la
rémunération brute du travailleur.
n Le règlement de travail est, en principe,
élaboré au sein du conseil d'entreprise (CE). S'il n'y a pas de
CE, il est élaboré par le délégué syndical.
S'il n'y a pas de délégué syndical, l'employeur doit
l'élaborer en se basant sur les observations de ses travailleurs dans un
registre ad hoc conformément à l'article 12 de la loi du
8 avril 1965 instituant les règlements de travail.
81 Ibidem, p. 628.
82 Ibidem, p. 629.
83 CCT n°39 du 13 décembre 1983
concernant l'information et la concertation sur les conséquences
sociales de l'introduction des nouvelles technologies. Disponible sur :
http://www.cnt-nar.be/CCT-COORD/cct-039.pdf
30
Ainsi, l'employeur ne peut pas licencier le travailleur parce
qu'il aurait indiqué certaines observations dans ce registre ad
hoc, sauf pour des motifs étrangers à celles-ci, en vertu de
l'article 12quater de cette loi.
Dans la négative, l'employeur est redevable d'une
indemnité forfaitaire de protection spécifique égale
à 6 mois de la rémunération brute du travailleur. Par
cette protection, on veut s'assurer que les travailleurs osent faire valoir
leurs observations sur le règlement de travail.84
n En vertu de la CCT n° 24 du 2 octobre 1975 et de
l'arrêté royal du 24 mai 1976, l'employeur doit, en principe,
informer et consulter les représentants du personnel, ainsi que le
directeur du service subrégional de l'emploi du lieu où est
située l'entreprise, avant de procéder à un licenciement
collectif quand il occupe plus de 20 travailleurs au sein de cette
dernière.
Dès lors, une protection spécifique contre le
licenciement est prévue afin de contraindre l'employeur sur le plan
procédural, à procéder effectivement à
l'information et à la consultation des représentants du
personnel, conformément aux prescrits de loi Renault du 13
février 1998. Ainsi, lorsque l'employeur n'a pas procédé
à la consultation des travailleurs et décide de les licencier,
ceux-ci pourront s'y opposer et demander leur réintégration. Dans
ce cas, l'employeur peut soit accepter et reconnaître qu'il n'a pas
respecté la procédure d'information et de consultation des
travailleurs, et reprendre le processus ab initio.
A contrario, s'il n'accepte pas, il devra donc payer
l'indemnité de protection de spécifique en vertu de la CCT
n° 10 du 8 mai 1973 (modifiée plusieurs fois), sauf s'il prouve
qu'il a licencié les travailleurs concernés pour un motif autre
que celui lié à l'objet de la concertation (licenciement
collectif pour des raisons d'ordre économique ou
technique).85
Par ailleurs, dans le but de protéger certaines
catégories de travailleurs dans l'exercice de leurs mandats, le
législateur a institué certaines protections spécifiques
:
n La protection contre le licenciement des
délégués du personnel et des candidats
délégués au CE et au CPPT selon la loi du 19 mars 1991
portant un régime de licenciement particulier pour les
délégués du personnel au CE et au CPPT ainsi que pour les
candidats délégués du personnel.
L'article 4 prévoit que préalablement au
licenciement d'un délégué du personnel pour motif grave,
l'employeur doit informer le délégué du personnel, son
organisation syndicale représentative et solliciter l'autorisation du
tribunal de travail compétent.
L'article 3 quant à lui, précise que
préalablement à tout licenciement pour des raisons d'ordre
économique ou technique, l'employeur doit solliciter l'autorisation de
la commission paritaire compétente. La protection du
délégué du personnel contre le licenciement court pendant
toute la durée de son mandat (4 ans). Au sens des articles 14 et 15 de
cette loi, le délégué du personnel licencié peut
demander à l'employeur sa réintégration dans l'entreprise
dans un délai de 30 jours suivant la date de notification du
licenciement, ou s'abstenir de le faire.
Si le travailleur ne sollicite pas sa
réintégration, l'employeur doit lui payer, conformément
à l'article 16, une indemnité forfaitaire de protection
liée à son ancienneté :
- 2ans lorsque le travailleur compte moins de 10 ans de service
dans l'entreprise ; - 3 ans lorsqu'il compte de 10 à moins de 20 ans de
service dans l'entreprise ; - 4ans lorsqu'il compte 20 ans de service ou plus
dans l'entreprise.
A contrario, si le travailleur sollicite sa
réintégration mais que l'employeur refuse de le reprendre
à son service, le travailleur a droit non seulement à
l'indemnité forfaitaire liée à son ancienneté, mais
aussi à une indemnité égale à la
rémunération pour la période restant à courir
jusqu'à la fin du mandat en vertu de l'article 17 de cette loi.
84 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, op.cit.,
p. 632.
85 JACQUES CLESSE, FABIENNE KEFER, op.cit.,
pp. 138 - 143.
31
Il faut par ailleurs souligner qu'au sens de l'article 17,
§ 1er de cette même loi, cette indemnité de
protection étant la plus lourde financièrement, n'est pas
cumulable avec l'indemnité de rupture (indemnité compensatoire de
préavis), ce qui constitue un cas exceptionnel et rare, puisqu'en
principe, il est admis que les deux indemnités sont parfaitement
cumulables.86
n La protection contre le licenciement des
délégués syndicaux conformément à l'article
8 de la C.C.T n°5 du 24 mai 1971 concernant le statut des
délégations syndicales du personnel des entreprises : l'employeur
ne peut pas licencier le délégué syndical pour des motifs
inhérents à l'exercice de son mandat syndical. En cas de
licenciement pour motif grave, la délégation syndicale doit
être immédiatement informée.
Dans les autres cas, la délégation syndicale et
l'organisation représentative des travailleurs qui a
présenté la candidature de ce dernier doivent être
informées. Si l'organisation syndicale refuse le licenciement, le bureau
de conciliation de la commission paritaire doit être saisi ; à
défaut de décision unanime de celui-ci dans les 30 jours, la
question doit être soumise au tribunal du travail. La protection court
durant toute la période du mandat (4 ans). En cas de licenciement
irrégulier, l'employeur est redevable d'une indemnité forfaitaire
de protection égale à un an de la rémunération
brute du délégué syndical.
Cette indemnité de protection spécifique est
cumulable avec l'indemnité de rupture prévue à l'article
39 de la loi du 3 juillet 1978. Toutefois, elle n'est pas due lorsque le
délégué syndical bénéficie d'une autre
indemnité de protection spécifique en vertu de la loi du 19 mars
1991.87
n La protection contre le licenciement des
représentants des travailleurs au comité d'entreprise
européen conformément à l'article 9 de la loi du 23 avril
1998 portant des mesures d'accompagnement en ce qui concerne l'institution d'un
comité d'entreprise européen : ceux-ci bénéficient
du régime de protection spécifique contre le licenciement des
délégués du personnel prévu par la loi du 19 mars
1991. En ce qui concerne la protection, celle-ci débute le 3ème
jour précédant leur désignation et se termine le jour
où leur mandat prend fin.88 C'est donc également une
indemnité de protection spécifique qui n'est pas cumulable avec
l'indemnité de rupture (indemnité compensatoire de
préavis).
Dans les trois cas susmentionnés, l'idée
défendue est que si les candidats ont peur du licenciement qui pourrait
être effectué par l'employeur, ils n'oseront pas se
présenter aux élections sociales, d'où la
nécessité de leur octroyer une protection spécifique
contre ce dernier.
c. L'effectivité de la réglementation du
travail
On peut identifier en matière de réglementation
du travail, les protections spécifiques suivantes :
n Le travail de nuit en vertu de l'article 9, §3 de la
loi du 17 février 1997 relative au travail de nuit : cette protection
vise la situation spécifique où le travailleur a le droit de
demander à repasser en régime de jour.
Dans ce cas précis, l'employeur ne peut pas licencier
le travailleur après que celui-ci lui ait exprimé sa demande sauf
s'il parvient à prouver que le licenciement a été
effectué pour des motifs étrangers à cette demande. La
charge de la preuve incombe dans ce cadre à l'employeur.
86 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, op.cit.,
p. 627.
87 Ibidem, p 628.
88 Loi du 23 avril 1998 portant des mesures
d'accompagnement en ce qui concerne l'institution d'un comité
d'entreprise européen. Disponible sur :
https://www.etaamb.be/fr/loi-du-23-avril-1998_n1998012192.html
32
En cas de licenciement irrégulier, l'employeur est
redevable d'une indemnité forfaitaire de protection égale
à 6 mois de la rémunération brute du travailleur.
n Le travail à temps partiel en vertu de l'article
107bis de la loi du 22 janvier 1985 de redressement contenant des
dispositions sociales : le travailleur a le droit de demander, à la
suite d'une cause de suspension (exemple du congé parental), de passer
d'un temps plein à un temps partiel.
L'employeur ne peut pas licencier le travailleur après
que ce dernier ait formulé cette demande sauf pour un motif
étranger à cette demande. La charge de la preuve incombe dans ce
cadre à l'employeur. En cas de licenciement irrégulier,
l'employeur est redevable d'une indemnité forfaitaire de protection
égale à 6 mois de la rémunération.
n La plainte motivée ou procédure fondée
sur l'égalité de rémunération entre les femmes et
les hommes selon l'article7 de la C.C.T n°25 du 15 octobre
197589 relative à l'égalité des
rémunérations entre les travailleurs masculins et les
travailleurs féminins : l'employeur ne peut pas licencier le travailleur
après le dépôt d'une telle plainte, sauf pour des motifs
étrangers au dépôt de cette dernière. La charge de
la preuve incombe dans ce cadre à l'employeur.
En cas de licenciement irrégulier, l'employeur est
redevable d'une indemnité forfaitaire de protection égale
à 6 mois de la rémunération de la brute du travailleur.
n Les plaintes motivées qui peuvent être
fondées sur :
l la réglementation en matière
d'égalité de traitement entre hommes et femmes en vertu de
l'article 22 loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la
discrimination entre les hommes et les femmes (loi genre) : l'employeur ne peut
pas licencier le travailleur après le dépôt d'une telle
plainte sauf pour des motifs étrangers au dépôt de cette
plainte.
A ce niveau, la charge de la preuve est partagée entre
le travailleur et l'employeur. En cas de licenciement irrégulier,
l'employeur est redevable d'une indemnité forfaitaire de protection
égale à 6 mois de la rémunération brute du
travailleur.
l la réglementation en matière de racisme et de
xénophobie conformément à l'article 15 de la loi du 30
juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés
par le racisme ou la xénophobie : l'employeur ne peut pas licencier le
travailleur après le dépôt d'une telle plainte sauf pour
des motifs autres que liés au dépôt de cette plainte.
La charge de la charge dans ce cadre est également
partagée entre le travailleur lésé et l'employeur. En cas
de licenciement irrégulier, l'employeur est redevable d'une
indemnité forfaitaire de protection égale à 6 mois de la
rémunération brute du travailleur.90
l la réglementation ayant trait à certaines
formes de discrimination : au sens des articles 4, 4° et 17 loi du 10 mai
2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, il
existe une série de critères protégés relatifs
à la nationalité, l'âge, l'orientation sexuelle,
l'état civil, la naissance, le handicap, l'état de santé,
l'origine sociale, la langue, une caractéristique physique, la
conviction religieuse, philosophique, politique ou syndicale qui permettent de
protéger un travailleur contre mesure préjudiciable de
l'employeur prise en considération de l'un de ces derniers. Il s'en suit
que l'employeur ne peut pas licencier le travailleur après le
dépôt d'une plainte motivée sauf pour des motifs
étrangers au dépôt de cette plainte.91 S'il le
fait, le travailleur doit demander sa réintégration au sein de
l'entreprise, et si l'employeur n'y consent pas, il sera redevable d'une
indemnité de protection égale à 6 mois de la
rémunération brute.
89 C.C.T n°25 du 15 octobre 1975. Disponible sur
:
http://www.cnt-nar.be/CCT-COORD/cct-025.pdf
90 Loi du 30 juillet 1981 tendant à
réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la
xénophobie. Disponible sur :
https://www.unia.be/files/Documenten/Wetgeving/loi_contre_le_racisme_30_juillet_1981.pdf
91 X, « Protection contre le licenciement :
règles spécifiques en cas de plainte pour harcèlement ou
pour discrimination », commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 juillet 2014,
R.G. 2012/AB/999, Terra laboris, 2014, p1. Disponible sur :
http://www.terralaboris.be/spip.php?article1760
33
La charge de la preuve dans ce cadre est partagée entre
le travailleur et l'employeur. En outre, il sied de mentionner que la cour
constitutionnelle a, dans un arrêt du 2 avril 2009, rajouté dans
la liste des critères protégés prévue dans la loi
anti-discrimination, la conviction syndicale.92
En ce qui concerne la période de protection, lorsque
l'employeur adopte une mesure préjudiciable vis-à-vis de la
personne concernée dans un délai de 12 mois suivant
l'introduction de la plaine, il appartient à celui ou celle contre qui
la plainte est dirigée de prouver que la mesure préjudiciable a
été adoptée pour des motifs étrangers au
dépôt de cette plainte. Lorsqu'une action en justice a
été introduite par ou au bénéfice de la personne
concernée, ce délai est prolongé jusqu'à
échéance d'un délai de 3 mois suivant le jour où la
décision intervenue est passée en force de chose
jugée.93
l la réglementation relative à la violence ou
le harcèlement moral ou sexuel au travailleur en vertu de l'article
32terdecies de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être
des travailleurs lors de l'exécution de leur travail : l'employeur ne
peut pas licencier le travailleur après le dépôt d'une
telle plainte sauf pour des motifs étrangers au dépôt de
cette plainte (nous y reviendrons dans les prochaines lignes de notre
développement).
d. Protéger l'indépendance exigée
par certaines fonctions
Parmi les protections rattachées à
l'indépendance liée à l'exercice de certaines fonctions
salariées, on peut notamment citer :
n La protection contre le licenciement du conseiller en
prévention conformément à la loi du 20 décembre
2002 portant protection du conseiller en prévention : celui-ci a pour
mission de recevoir les plaintes des autres employés et conseiller, sur
ces points, l'employeur. Par conséquent, il ne peut pas être sous
la coupe de l'employeur pour mener à bien sa mission au regard du
principe d'indépendance régissant l'exercice de sa fonction.
L'employeur ne peut pas licencier le conseilleur en
prévention, sauf pour un motif étranger à son
indépendance ou qui démontre qu'il est incompétent
à exercer ses missions. La charge de la preuve incombe dans ce cadre
à l'employeur, moyennant au préalable le respect scrupuleux des
règles procédurales spécifiques à cette rupture
contractuelle.
Ainsi, l'employeur doit communiquer au conseiller en
prévention, les motifs pour lesquels il souhaite mettre fin à son
contrat de travail ainsi que la preuve de ces motifs.
Il doit ensuite demander l'accord du comité
compétent afin que celui-ci se prononce sur la désignation d'un
autre conseiller en prévention. A défaut de comité
institué, c'est la délégation syndicale qui exerce cette
mission, et à défaut également de celle-ci, ce sont les
travailleurs qui participent de manière concertée, au traitement
de cette question.
En cas de désaccord, l'employeur doit demander l'avis
de l'inspecteur social compétent, et, en l'absence de conciliation, il
doit saisir les juridictions du travail.
La protection court pendant toute la durée du mandat.
En cas de licenciement irrégulier, l'employeur est redevable d'une
indemnité forfaitaire de protection égale à 2 ans de
rémunération brute lorsque le conseiller en prévention
compte moins de 15 années de travail, et à 3 ans de
rémunération brute lorsque ce dernier compte 15 année de
prestations ou plus en cette qualité.94
92 C.cons., arrêt n° 64/2009 du 2 avril
2009. Disponible sur :
https://www.etaamb.be/fr/loi_n2009201657.html
93 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, op.cit.,
p. 633.
94 Ibidem, p 630.
n
34
La protection contre le licenciement du médecin-conseil
(médecin du travail) : en vertu des articles 30 à 33 de
l'arrêté royal n° 35 du 20 juillet 196795 portant
le statut et le barème des médecins-conseils chargés
d'assurer auprès des organismes assureurs le contrôle
médical de l'incapacité primaire et des prestations de
santé en vertu de la loi du 9 août 1963, instituant et organisant
un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et
l'invalidité. L'employeur ne peut pas licencier ce dernier, sauf pour un
étranger démontrant qu'il est incompétent à exercer
ses missions, notamment en cas de faute grave. La charge de la preuve incombe
dans ce cadre à l'employeur. En outre, le licenciement est toujours
subordonné au retrait préalable de l'agréement
décidé par le Comité du Service d'évaluation et de
contrôles médicaux. Il y a donc une procédure
spécifique contre le licenciement qui a été
instituée par le législateur et que l'employeur est tenu de
respecter. S'agissant de la période de protection, celle-ci s'applique
pendant toute la durée relative à l'occupation contractuelle.
En cas de licenciement irrégulier, l'employeur est
redevable d'une indemnité forfaitaire de protection égale soit
à 1 an de la rémunération brute lorsque le
médecin-conseil jouit d'une carrière inférieure ou
égale à 5 ans au sein de l'employeur, soit à 2 ans de la
rémunération brute lorsque celui-ci justifie d'une
carrière supérieure à 5 ans.96
n La protection contre le licenciement du responsable des
déchets dangereux : la gestion des déchets toxiques dans
l'environnement étant une compétence régionale, il sied de
relever dans le cadre du droit du travail, que chaque entité
fédérée a adopté un texte réglementaire
traitant de la protection contre de cette catégorie de travailleurs
contre le licenciement. C'est ainsi qu'en Région Wallonne, l'article 54
de l'arrêté de l'exécutif régional wallon du 9 avril
1992 relatif aux déchets dispose que : « §1er
La personne responsable ne peut être licenciée que pour motif
grave ou pour des raisons d'ordre économique ou technique
préalablement reconnues par la commission paritaire
compétente.
La commission paritaire est tenue de se prononcer au sujet
de l'existence ou l'absence des raisons d'ordre économique ou technique
dans les deux mois à compter de la demande qui lui a été
faite par l'employeur.
Si la commission paritaire n'a pu se prononcer dans le
délai prévu, l'affaire sera portée devant le tribunal du
travail du lieu qui statuera d'urgence. Durant la procédure, la personne
responsable conservera tous les droits prévus dans son contrat de
travail.
Pour l'application du présent paragraphe, est
considéré comme licenciement :
1° Toute rupture du contrat par l'employeur, qu'elle
ait lieu avec ou sans indemnité de congé, sans préavis ou
avec préavis signifié pendant la période fixée au
§ 2 ;
2° Toute rupture du contrat par le travailleur en
raison de faits qui, dans le chef de ce travailleur, constituent un motif de
rompre le contrat sans préavis ou avant l'expiration du terme.
§ 2. La personne responsable bénéficie
des dispositions du § 1er jusqu'à l'expiration d'une
période suivant le retrait de son agrément et dont la
durée est fixée à :
- 2 ans lorsqu'elle compte moins de 10 années de
service ;
95 Arrêté royal n° 35 du 20 juillet
1967. Disponible sur :
http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?language=fr&tri=dd%20AS%20RANK&value=&table_name
=loi&cn=1967072003&caller=image_a1&fromtab=loi&la=F
96 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, op.cit., p
632.
35
- 3 ans lorsqu'elle compte de 10 à moins de 20
années de service ;
- 4 ans lorsqu'elle compte 20 années de service ou
plus dans l'entreprise.
Le bénéfice des dispositions du présent
paragraphe n'est plus accordé lorsque la personne atteint l'âge de
la retraite, sauf s'il est de pratique courante dans l'entreprise de maintenir
en service la catégorie de travailleurs à laquelle elle
appartient.
§ 3. Lorsque l'employeur ne respecte pas les
dispositions des §§ ler et 2, il est tenu de payer à la
personne licenciée, sans préjudice du droit à des
indemnités plus élevées payées en vertu du contrat
ou des usages, ou à tous autres dommages et intérêts pour
préjudice matériel ou moral, une indemnité égale
à la rémunération en cours correspondant à la
durée de la période fixée au § 2. » 97
La jurisprudence pour sa part, précise clairement que
cette indemnité de protection n'est pas cumulable avec
l'indemnité de rupture dans la mesure où cette indemnité
de rupture est inférieure à l'indemnité de
protection.98
n La protection contre le licenciement du médecin
hospitalier en vertu de l'article 137 de la loi coordonnée du 10 juillet
200899 sur les hôpitaux : Le gestionnaire (employeur) ne peut
pas procéder à la révocation d'un médecin, sauf
pour un motif grave soumis à l'avis du conseil médical et
moyennant le respect d'une procédure de révocation
spécifique. La charge de la preuve incombe dans ce cadre, au
gestionnaire de l'hôpital. La période protection s'étale
sur toute la durée relative à l'occupation. En cas de
licenciement irrégulier, l'employeur est redevable, une indemnité
forfaire pour révocation irrégulière est
due.100
e. Les limitations contractuelles du droit de
licencier : les clauses de stabilité d'emploi
Il s'agit des clauses qui posent des limites au droit de
l'employeur de mettre fin unilatéralement au contrat de travail. Elles
ne visent pas à supprimer ce droit, mais bien à rendre son
exercice plus difficile et quadrillé.
Les clauses de stabilité d'emploi peuvent être
prévues dans le contrat de travail, dans le règlement de travail
et dans une convention collective de travail sectorielle élaborée
en commission paritaire.
In concreto, elles visent à garantir le
maintien de l'emploi pendant une certaine durée bien
déterminée. Il s'agit ainsi d'une limitation du droit de
résiliation unilatérale d'une durée limitée dans le
temps.
Leur mise en oeuvre implique pour l'employeur de soumettre le
licenciement d'un travailleur au respect d'une procédure
déterminée (exemple : la clause de stabilité
d'emploi peut prévoir obligation d'audition du travailleur dans le cadre
de son licenciement). En outre, elles visent à limiter les motifs
admissibles de licenciement dans le chef de l'employeur.
97 Arrêté de l'exécutif
régional wallon du 9 avril 1992. Disponible sur :
http://environnement.wallonie.be/legis/dechets/decat005.htm
98 Trib.trav. Charleroi, jugement du 12 janvier 2010,
R.G.07/5.522/A. Disponible sur :
http://terralaboris.be/spip.php?article850
99 Loi coordonnée du 10 juillet 2008 sur les
hôpitaux. Disponible sur :
http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?language=fr&tri=dd%20AS%20RANK&value=&cn=2008071
090&caller=image_a1&fromtab=loi&la=F
100 STEVE GILSON, FRANCE LAMBINET, op.cit., p 632.
36
Par ailleurs, il y a lieu de faire ici, un lien avec l'article
2, §3 de la CCT n° 109 selon lequel :
« la présente convention collective de
travail ne s'applique pas non plus aux travailleurs qui font l'objet d'un
licenciement pour lequel l'employeur doit suivre une procédure
spéciale de licenciement fixée par la loi ou par une convention
collective de travail ».
Cet article vise par exemple le cas de la protection
spécifique pour les membres du CE et du CPPT qui est prévue par
la loi, celle des délégués syndicaux qui est prévue
par la CCT n°5 ainsi que celle des travailleurs pour lesquelles une clause
de stabilité d'emploi a été prévue dans une CCT
d'application sectorielle. Cette dernière hypothèse pose des
questions étant donné que, souvent, les procédures
spécifiques prévues dans les CCT sectorielles sont moins
protectrices que la CCT n°109.
S'agissant de la sanction en cas de non-respect de la clause
de stabilité d'emploi, force est de constater que celle-ci est
prévue dans la clause elle-même. Si la clause ne prévoit
rien, on retombe sur le droit commun de la responsabilité civile et il
faut, dès lors, démontrer la faute, le dommage et le lien causal
conformément à l'article 1382 du code civil.
Le dommage d'un travailleur qui devait être entendu par
un employeur avant d'être licencié reposera sur la perte d'une
chance de conserver son emploi. Ce n'est, en tout cas, pas la perte de l'emploi
puisqu'il n'est pas certain que s'il avait entendu, le travailleur n'aurait pas
été licencié. Le travailleur peut uniquement demander
à être indemnisé pour la perte d'une chance de conserver
son emploi. Il peut plaider que s'il avait été auditionné,
il aurait pu faire valoir des moyens de défense et peut-être
n'aurait-il pas été licencié. On applique donc la
théorie de la perte d'une chance.
En outre, dans un arrêt du 20 février 2012, la
Cour de cassation a admis le cumul de l'indemnité de protection contre
le licenciement des représentants du personnel avec l'indemnité
de sécurité d'emploi dans les entreprises d'assurances. La Cour a
décidé d'une part, que ces indemnités ne s'excluent pas
respectivement, et d'autre part, que l'indemnité forfaitaire de
protection et l'indemnité de stabilité d'emploi (indemnité
forfaitaire contractuelle ou à défaut, dommages et
intérêts) poursuivent deux objectifs différents qui peuvent
se chevaucher.
d. La protection contre le licenciement liée
à l'introduction d'une demande d'intervention formelle pour
harcèlement sexuel ou moral
En vertu de l'article 32 tredecies de la loi du 4
août 1996 sur le bien-être au travail, lorsque des faits de
violence et de harcèlement sexuel ou moral vis-à-vis du
travailleur ont été constatés dans le chef d'un
collègue ou de l'employeur, l'introduction d'une demande formelle ou
informelle, ou le dépôt d'une plainte dans un service de police,
ouvrent pour le travailleur, un droit à la protection spécifique
contre le licenciement de l'employeur en guise de représailles.
Selon l'article 32/1 de cette loi, les risques psychosociaux
sont définis comme « étant la probabilité qu'un
ou plusieurs travailleur(s) subisse(nt) un dommage psychique qui peut
également s'accompagner d'un dommage physique, suite à
l'exposition à des composantes de l'organisation du travail, du contenu
du travail, des conditions de travail, des conditions de vie au travail et des
relations interpersonnelles au travail, sur lesquelles l'employeur a un impact
et qui comportent objectivement un danger ».101
101 Code de droit du travail, Wolters Kluwer, 2019, p
213.
37
L'article 32ter pour sa part, définit les
notions clés qui sont déterminantes dans la matière des
risques psychosociaux à savoir :
n la violence au travail : chaque situation de fait où un
travailleur ou une autre personne est menacé ou agressé
psychiquement ou physiquement lors de l'exécution du travail ;
n le harcèlement moral au travail : ensemble abusif de
plusieurs conduites similaires ou différentes, externes ou internes
à l'entreprise ou l'institution, qui se produisent pendant un certain
temps, qui ont pour objet ou pour effet de porter atteinte à la
personnalité, la dignité ou l'intégrité physique ou
psychique d'un travailleur ou d'une autre personne, lors de l'exécution
de son travail, de mettre en péril son emploi ou de créer un
environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant et
qui se manifestent notamment par des paroles, des intimidations, des actes, des
gestes ou des écrits unilatéraux. Ces conduites peuvent notamment
être liées à l'âge, à l'état civil,
à la naissance, à la fortune, à la conviction religieuse
ou philosophique, à la conviction politique, à la conviction
syndicale, à la langue, à l'état de santé actuel ou
futur, à un handicap, à une caractéristique physique ou
génétique, à l'origine sociale, à la
nationalité, à une prétendue race, à la couleur de
peau, à l'ascendance, à l'origine nationale ou ethnique, au sexe,
à l'orientation sexuelle, à l'identité et à
l'expression de genre ;
n le harcèlement sexuel au travail : tout comportement
non désiré verbal, non verbal ou corporel à connotation
sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la
dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant,
hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Ainsi, conformément
aux articles 32/2, 32bis, 32quater, 32quinquies et
suivants de la loi du 4 août 1996, il incombe à l'employeur de
respecter et de mettre en oeuvre toute une série d'obligations en
matière de bien-être des travailleurs sur le lieu de travail. La
protection contre le licenciement du travailleur contre le licenciement en
guise de représailles prend cours dès le dépôt de la
plainte motivée conformément à l'article 32tredecies
de ladite loi.102 Selon les § 3 et 4 de l'article
32tredecies, lorsqu'à la suite d'une notification de la rupture
de la relation de travail ou d'une modification unilatérale des
conditions de travail par l'employeur, le travailleur ou son organisation
syndicale demande sa réintégration dans l'entreprise dans les
conditions qui prévalaient avant la rupture ou la modification et que
cette demande est refusée par l'employeur, ce dernier doit verser au
travailleur des indemnités de protection forfaitaires correspondant
à 6 mois de sa rémunération brute.
B. Interdiction de cumul des indemnités de
protection spécifique reposant sur un même dommage, une mesure
préjudiciable identique et une même cause
En matière d'interdiction de cumul des
indemnités de protection, la cour du travail de Bruxelles a notamment
jugé, que les indemnités de discrimination et les
indemnités liées au harcèlement au travail
résultant du dépôt d'une plainte, et bien qu'elles
mobilisent deux législations différentes, entendent
réparer le même dommage et ne sont par conséquent pas
cumulables.103
102 X, « Harcèlement moral : quand commence la
protection contre le licenciement en cas de dépôt de plainte ?
» , commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 septembre 2011, R.G. n°
2010/AB/464, Terra laboris, 2011, p 1. Disponible sur :
http://www.terralaboris.be/spip.php?article1029
103 Commentaire de C. trav. Bruxelles, 15 mai 2012, R.G.
2010/AB/1.189, Terra laboris, 2012. Disponible sur :
http://www.terralaboris.be/spip.php?article1177
38
La cour du travail de Bruxelles, en s'appuyant sur un
arrêt de la cour de cassation104, précise que la
finalité des deux textes est la même, puisqu'il s'agit de
dissuader l'employeur de licencier par mesure de représailles dès
lors qu'une plainte a été introduite dans l'un ou l'autre cadre
normatif. Selon celle-ci, le préjudice identique dans les deux cas,
repose sur la perte de l'emploi et la décision de licenciement en
violation de la loi.
Suivant ce raisonnement, cette même juridiction sociale
d'appel, dans un arrêt du 3 septembre 2014, a dit pour droit qu'une
travailleuse ne pouvait pas cumuler deux indemnités de protection
spécifique se rattachant à la non-discrimination liée au
genre et à l'état de maternité105, la
première n'ayant pas été démontrée à
suffisance.
La règle de l'exclusion du cumul entre les
différentes indemnités forfaitaires de protection
spécifique est solidement établie en droit positif. A titre
d'illustration non exhaustive dans la législation sociale, l'article 5
de l'arrêté royal du 17 octobre 1994 relatif à la
conversion du congé de maternité en congé de
paternité, l'article 30ter, §4, alinéa 4 de la loi
du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, l'article 11 de la C.C.T n°
80 du 27 novembre 2001, traitant respectivement des indemnités
forfaitaires de protection liées à la conversion du congé
de maternité en congé de paternité, au congé
d'adoption et à la pause d'allaitement, prévoient que ces
dernières ne peuvent pas être cumulées avec d'autres
indemnités forfaitaires de protection spécifique.
La logique à cette solution retenue par le
législateur réside dans l'idée qu'on ne saurait admettre
qu'un travailleur protégé contre le licenciement puisse percevoir
cumulativement plusieurs indemnités forfaitaires de protection
spécifique qui, bien que relevant de normes légales
différentes, reposent en réalité sur la même cause,
la même faute dommageable ou la même mesure préjudiciable :
interdiction de cumul fondée sur l'identité de dommage.
A contrario, le même raisonnement a
été suivi par le tribunal du travail de Liège pour
admettre le cumul de deux indemnités forfaitaires de protection
spécifique lorsque celles-ci reposent sur des causes différentes
indépendamment des législations mobilisées. Selon le
tribunal, en l'espèce, « l'employeur ne renverse pas la
présomption que le travailleur n'a pas été embauché
à la fois en raison de son sexe et de son âge. La loi du 10 mai
2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les
hommes (« loi genre ») et la loi du 10 mai 2007 tendant à
lutter contre certaines formes de discrimination (loi « antidiscrimination
») poursuivent des finalités différentes. Les
indemnités spéciales qu'elles prévoient n'ont donc pas la
même cause et peuvent être cumulées en cas de discrimination
multiple ». 106
104 Cass., 12 juin 1989, J.T.T., 1989, I, p. 402.
105 Cour trav. Bruxelles (4ème ch.),
03/09/2014, J.T.T., 2015/23, n° 1227, pp 338 - 390. Disponible
sur :
https://www.stradalex.com/fr/sl_rev_utu/search/rev/b8b3f4e558b71d5c133fa2a2029469ba9512d8710721522fcf
5cde21904e1cce::1?docEtiq=jtt2015_23p388
106 L. FASTREZ, P. LOECKX et al., « Trib. trav.
Liège (div. Dinant) (vac.) (2e ch.), n° 16/294/A, 11 août
2017 », Chr.D.S., 2018, nr. 5, pp. 242-245.
Disponible sur :
https://www-jurisquare
be.ezproxy.ulb.ac.be/en/journal/sk/2018-5/trib-trav-liege-div-dinant-vac-2e-ch-n-16294a-11-aout-2017/index.html#page/242/search/cumul
des indemnités de licenciement
39
Il en est de même pour le tribunal du travail de
Bruxelles qui a jugé que « l'indemnité en application de
la loi anti-discrimination du 10 mai 2007 peut être cumulée avec
l'indemnité due en application de la loi du 19 mars 1991 portant un
régime de licenciement particulier pour les
délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux
comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement
des lieux de travail, ainsi que pour les candidats
délégués du personnel, car ces deux indemnités
couvrent un dommage distinct. »107 (Articles 16 et 17 loi
du 19 mars 1991, article 18 loi du 10 mars 2007 tendant à lutter contre
certaines formes de discrimination).
Quant à la Cour du travail du Mons, celle-ci en
rejetant le cumul de deux indemnités forfaitaires de protection
spécifique, a jugé que « seuls les motifs
invoqués in tempore non suspecto par l'employeur au moment du
licenciement sont de nature à constituer des motifs étrangers
permettant le licenciement. En cas de restructuration, l'employeur doit
préciser les critères qui lui ont permis de distinguer les
services visés par la restructuration, ainsi que les critères
ayant permis de distinguer les agents touchés par la restructuration au
sein de ces services. En licenciant une travailleuse pour des motifs dont il
n'est pas établi qu'ils sont totalement étrangers à son
état de grossesse, l'employeur procède à une
discrimination fondée sur la grossesse et donc sur le genre. Cependant,
pour prétendre au cumul de l'indemnité de protection de la
travailleuse enceinte avec l'indemnité pour discrimination, la
travailleuse devrait pouvoir identifier l'existence d'un second facteur de
discrimination aggravant le dommage subi et non réparé
spécifiquement par l'octroi de l'indemnité protectionnelle de la
travailleuse enceinte. »108 Elle conclut donc son
raisonnement, à l'absence de causes et de dommages distincts dans le
chef de la travailleuse enceinte pour rejeter le cumul de l'indemnité de
protection liée à l'état de grossesse et
l'indemnité de protection contre la discrimination.
Néanmoins, force est de constater que le cumul des
indemnités forfaitaires de protection spécifique, sous condition
de causes et de dommages distincts, a également été admis
dans un arrêt du 20 février 2012 de la Cour de cassation. Celle-ci
a effectivement a jugé « qu'il ne ressort pas des termes des
articles 14, 16 et 17, §1er de la loi du 19 mars 1991 (...) que
ces dispositions excluent le cumul de l'indemnité de protection du
délégué et du candidat délégué du
personnel avec toute autre indemnité due en vertu d'une convention
collective de travail. Il ne résulte pas davantage des termes des
articles 4 et 15 de la convention collective de travail du 9 novembre 1987
relative à la sécurité d'emploi, rendue obligatoire par
l'arrêté royal du 30 mars 1988, que ces dispositions interdisent
le cumul de l'indemnité qu'elles visent avec toute indemnité
autre que celles qui sont prévues par la loi du 3 juillet 1978 relative
aux contrats de travail. L'indemnité de sécurité de
l'emploi est octroyée en raison du non-respect des procédures
prévues aux articles 4 et 5 de la convention collective de travail du 9
novembre 1987, qui ont pour but la sécurité de l'emploi dans les
entreprises d'assurances. Elle tend à indemniser le dommage causé
par le licenciement et protège ainsi des intérêts
privés.
107 X, « Trib. trav. Bruxelles (4e ch.), n° 12/2763/A,
20 février 2014 », Chr.D.S., 2014, nr. 7, pp. 365-369.
Disponible sur :
https://www-jurisquare-be.ezproxy.ulb.ac.be/en/journal/sk/2014-7/trib-trav-bruxelles-4e-ch-n-122763a-20-fevrier-2014/index.html#page/365/search/cumul
des indemnités de licenciement
108 X, « Cour trav. Mons (1 re ch.), 26/10/2018 »,
J.T.T., nr. 15, 2019, pp. 266-269. Disponible sur :
https://www-jurisquare-be.ezproxy.ulb.ac.be/en/journal/jtt/2019-15/cour-trav-mons-1-re-ch-26102018/index.html#page/266/search/le
cumul des indemnités de rupture
40
L'indemnité visée à l'article 16 de
la loi du 19 mars 1991 sanctionne le non-respect de la procédure
spéciale destinée à assurer que le licenciement du
délégué ou du candidat délégué du
personnel est justifié et à garantir ainsi, dans
l'intérêt général, la liberté de ces
travailleurs d'exercer leur mission ou de se porter candidat, partant, le bon
fonctionnement des organes de concertation sociale. Ces deux indemnités
peuvent être cumulées lorsque les conditions d'octroi de chacune
d'elles sont réunies, et leur cumul ne constitue pas un avantage
prohibé par l'article 2, § 4, de la loi du 19 mars 1991.
»109
Suivant ce raisonnement de la Cour, dans l'optique de
prétendre à un cumul, il convient de relever qu'à
défaut d'interdiction expressément prévue, il faut
vérifier si les deux indemnités de protection spécifique
ont des causes distinctes qui réparent des préjudices
distincts.110 C'est ainsi qu'il a été constaté
que ne sont notamment pas cumulables avec les indemnités de protection
spécifique des représentants des travailleurs :
l'indemnité de protection en cas d'interruption de carrière,
l'indemnité pour licenciement collectif, l'indemnité de
protection relative au crédit-temps (C.C.T. n° 77bis),
l'indemnité de protection liée au congé parental (article
15, § 3 de la C.C.T n° 64 instituant un droit au congé
parental) et l'indemnité due en cas de licenciement d'un
délégué syndical (article 20 de la C.C.T. n° 5 du 24
mai 1971 concernant le statut des délégations syndicales du
personnel d''entreprise).111
C. Interdiction du cumul des indemnités de
protection spécifique du délégué du personnel et du
candidat délégué du personnel avec l'indemnité
compensatoire de préavis
Au sens des articles 16 et 17, §1er de la loi
du 19 mars 1991 relative au régime de licenciement particulier pour les
délégués du personnel au CE et au CPPT ainsi que pour les
candidats délégués du personnel, on constate que
l'indemnité de protection spécifique a pour fonction ici, de
servir d'indemnité de rupture (indemnité compensatoire de
préavis). Cette loi a été instituée dans le but de
protéger un intérêt général : la
liberté attachée à l'exercice du mandat. C'est la raison
pour laquelle en termes de sanction financière, elle est plus lourde par
rapport aux autres indemnités qui peuvent éventuellement
être demandées par le délégué du personnel ou
le candidat en cas de refus de réintégration par l'employeur, et
compte tenu surtout des années d'ancienneté comptabilisées
au sein de cet employeur. Ainsi, « outre la réparation du
préjudice résultant de la rupture irrégulière,
l'indemnité de protection revêt un caractère de sanction
civile à l'encontre de l'employeur qui, par ce licenciement
opéré en violation de la protection légale d'ordre public,
porte atteinte au bon fonctionnement des organes de concertation sociale
».112
109 Cass., 20 février 2012, n° S.10.0048.F.
Disponible sur :
http://www.terralaboris.be/IMG/pdf/cass_2012_02_20_s100048f.pdf
. Voir aussi Cass., 3 décembre 2012, J.T.T., 2013, p. 187 ;
R.W., 2013-14, n° 27, p. 1.
110 TAMINIAUX, L., DEAR, L., « Les
indemnités de protection contre le licenciement. Leur évaluation,
leur cumul et leur régime social et fiscal », in Droit du
travail tous azimuts, Bruxelles, Editions Larcier, 2016, p. 49 - 94.
111 Ibidem, pp. 49 - 94.
112 Voir C. trav. Liège, 20 novembre 2009, disponible
sur
www.terralaboris.be;
cité par TAMINIAUX, L., DEAR, L., op.cit., pp. 49 - 94.
41
En effet, dans un arrêt de la Cour de cassation en date
du 3 décembre 2012113 portant sur l'examen de l'article 16 de
la loi du 19 mars 1991114, « il ressort des travaux
préparatoires que l'indemnité de protection spécifique
remplace les indemnités normales de rupture du contrat de travail sauf
si celles-ci devaient être d'un montant supérieur
».115
Selon J. DE WILDE D'ESTMAEL et S. GILSON, il apparait que «
:
- d'une part, il est clair que le législateur a voulu,
en sons temps, écarter le cumul de l'indemnité de protection
spécifique avec l'indemnité compensatoire de préavis.
C'est ce que souligne la Cour de cassation dans un arrêt du 23 mars 1981
;
- d'autre part, pour déterminer si l'indemnité
de protection spécifique des représentants du personnel peut se
peut cumuler avec une indemnité de protection sanctionnant une rupture
qui intervient au mépris d'une protection légale, il convient de
vérifier au cas par cas (à défaut d'interdiction de cumul
explicite dans les dispositions légales instituant les autres
indemnités) quelle est la cause du paiement de l'indemnité. Si la
deuxième indemnité ne vise qu'à réparer le dommage
résultant de la rupture du contrat, les indemnités ne sont pas
cumulables.
En d'autres termes, il convient, d'abord d'analyser si, dans
les dispositions instituant d'autres indemnités de protection, il
n'existe pas une interdiction de cumul avec l'indemnité visée
à l'article 16 de la loi du 19 mars 1991 ».116
D. Interdiction du cumul des indemnités de
protection spécifique des représentants des travailleurs au
comité d'entreprise européen avec l'indemnité
compensatoire de préavis
L'article 9 de la loi du 23 avril 1998 portant des mesures
d'accompagnement en ce qui concerne l'institution d'un comité
d'entreprise européen dispose que : « Les représentants
des travailleurs au sein des groupes spéciaux de négociation et
des comités d'entreprises européens, ainsi que les
représentants des travailleurs exerçant leur mission dans le
cadre des procédures d'information et de consultation qui, le cas
échéant, tiennent lieu de comité d'entreprise
européen et leurs remplaçants bénéficient du
régime de licenciement particulier prévu par la loi du 19 mars
1991 portant un régime de licenciement particulier pour les
délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux
comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement
des lieux de travail, ainsi que pour les candidats
délégués du personnel.
113 GIELEN, A., LENEARTS, H. -F., VANSCHOEBEKE, et
al., « Chapitre 12. Travailleurs protégés sensu
stricto : protection contre le licenciement des délégués
du personnel ou des candidats délégués du personnel
», in La rupture du contrat de travail, Bruxelles, Editions
Larcier, 2017, p. 497 - 528.
114 Loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement
particulier pour les délégués du personnel au CE et au
CPPT ainsi que pour les candidats délégués du personnel.
Disponible sur :
http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?language=fr&la=F&cn=1991031932&table_name=loi&&calle
r=list&fromtab=loi&tri=dd+AS+RANK
115 TAMINIAUX, L., DEAR, L., op.cit., pp. 49 - 94.
116 J. DE WILDE D'ESTMAEL et S. GILSON, « Les
indemnités prévues par la loi du 19 mars 1991 : nature, montant,
accessoire », La protection des représentants du personnel
(H. DECKERS et L. DEAR), Colloques de la Conférence Libre du jeune
barreau de Liège, Louvain-la-Neuve, Anthémis, 2011, pp. 257 et
s., cité par TAMINIAUX, L., et DEAR, L., op.cit., pp. 49 -
94.
42
Ce régime particulier leur est applicable pour tout
licenciement se situant dans une période débutant le
trentième jour précédant leur désignation et se
terminant le jour où leur mandat prend fin. »117 De
cette disposition, il ressort que les représentants des travailleurs au
sein des groupes spéciaux de négociation et des comités
d'entreprises européens bénéficient du même
régime de protection que celui des délégués du
personnel et des candidats délégués du personnel
encadré par la loi du 19 mars 1991. Ils sont protégés sur
base des règles de fond et des règles procédurales
prévues dans cette loi du 19 mars 1991 et en cas de licenciement
irrégulier, l'employeur, en cas de refus de leur
réintégration devra sur le plan de la sanction indemnitaire,
payer à ces derniers une indemnité de protection
spécifique plus élevée, tenant lieu d'indemnité de
rupture (indemnité compensatoire de préavis), et qui est
déterminée en fonction des années d'ancienneté
comptabilisées au service de cet employeur. Il s'en suit logiquement que
cette indemnité de protection spécifique n'est donc pas cumulable
avec l'indemnité compensatoire de préavis.
En effet, le législateur dans la loi du 23 avril 1998
procède à un raisonnement et à une application par
analogie de la loi du 19 mars 1991 : Il s'agit donc d'une application par
renvoi.
Au niveau du droit de l'Union européenne, cette
protection est consolidée dans le cadre de l'article 10 paragraphe 1 de
la directive 2009/38 du 6 mai 2009 qui dispose que : « sans
préjudice de la capacité d'autres instances ou organisations
à cet égard, les membres du comité d'entreprise
européen disposent des moyens nécessaires pour appliquer les
droits découlant de la présente directive de représenter
collectivement les intérêts des travailleurs de l'entreprise de
dimension communautaire ou du groupe d'entreprises de dimension communautaire.
»118
117 Loi du 23 avril 1998 portant des mesures d'accompagnement en
ce qui concerne l'institution d'un comité d'entreprise européen
ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et
les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de
consulter les travailleurs. Disponible sur :
http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?language=fr&tri=dd%20AS%20RANK&value=&table_name
=loi&cn=1998042347&caller=image_a1&fromtab=loi&la=F
118 Directive 2009/38/CE du Parlement européen et du
Conseil du 6 mai 2009 concernant l'institution d'un comité d'entreprise
européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension
communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue
d'informer et de consulter les travailleurs. Disponible sur :
https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:122:0028:0044:FR:PDF
43
IV. Conclusion
En définitive, nous pouvons marteler à bon droit
que le travailleur n'est pas démuni face aux actes de licitement
irrégulier de l'employeur. Selon la situation aussi bien professionnelle
que privée, le type de fonction exercée et l'état de la
relation de travail, le travailleur dispose d'un panel de solutions
indemnitaires en cas de licenciement irrégulier qui répondent
chacune à des conditions d'octroi strictes explicitées par la
jurisprudence et la doctrine, compte tenu des imprécisions et du manque
du clarté présents dans certaines réglementations
sociales.
Le cumul des indemnités de licenciement dans le chef du
travailleur, n'est pas un droit qui s'octroie mutatis mutandis, car ce
dernier, qui doit solliciter la condamnation de l'employeur, doit surtout
démontrer par toute voie de droit, l'existence du cumul auprès du
juge social. L'employeur a généralement tendance à rompre
unilatéralement le contrat de travail soit sur base du congé
moyennant préavis (articles 32, 3° ; 37, § 1er et
37/2, § 1er loi de 1978), soit sur base du congé pour
faute grave (articles 32, 3° et 35 loi de 1978), soit sur base du
congé moyennant paiement d'une indemnité compensatoire de
préavis (articles 39 et 37/2, § 1er loi de 1978). En
amont, il ne tient généralement pas compte, au regard du
caractère illicite du motif de licenciement, de la possibilité
que pourrait avoir le travailleur de lui demander éventuellement des
indemnités de LMD, des indemnités de protection spécifique
et des dommages et intérêts dans le cadre d'un règlement
amiable du litige. Ce sont les juridictions du travail qui devront à
chaque fois trancher sur la question de l'admission ou de l'exclusion du cumul.
De jurisprudence constante, le cumul d'indemnités est autorisé
lorsqu'il existe des causes (motifs) distinctes visant à réparer
des dommages distincts dans le chef du travailleur dans le cadre de la rupture
du contrat de travail. A contrario, le cumul de ces dernières
est interdit en présence de causes identiques visant à
réparer le même dommage dans le cadre de la rupture du contrat de
travail, bien que les prétentions du justiciable mobilisent des sources
normatives différentes.
Dans un souci d'égalité et
d'équité, la question de l'admission et l'exclusion du cumul des
indemnités de licenciement est examinée minutieusement au cas par
cas, par le juge social qui vérifie d'une part que les conditions
spécifiques à chaque indemnité sont remplies, et d'autre
part que les conditions de cumul sont réunies conformément aux
réglementations sociales. En dehors des cas d'interdiction expresse de
cumul prévus dans les réglementations sociales, lorsque le
justiciable ne parvient pas à démontrer la réunion toutes
ses conditions, le juge social se prononce pour le rejet de la demande de
cumul. L'appréciation souveraine du motif ou de la cause du licenciement
par celui-ci constitue donc une étape fondamentale pour la
reconnaissance d'un cumul ou d'une interdiction de cumul.
Au-delà des conséquences juridiques, le cumul
des indemnités a pour conséquence d'alourdir les sanctions
financières dans le chef de l'employeur qui est l'auteur du licenciement
irrégulier. Si le prix de la rupture contractuelle peut être
très amer financièrement pour l'employeur, il n'en demeure pas
moins que cette rupture peut être perçue soit comme un
échec professionnel, soit comme une libération salutaire, un
nouveau départ vers un avenir meilleur pour le travailleur.
44
Bibliographie
Sources normatives
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sécurité sociale et assurant la viabilité
des régimes légaux des pensions
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ce qui concerne l'institution
d'un comité d'entreprise européen ou d'une
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communautaire et les groupes d'entreprises de dimension
communautaire en vue d'informer et
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particulier pour les délégués du
personnel au CE et au CPPT ainsi que pour les candidats
délégués du personnel
- Directive 2009/38/CE du Parlement européen et du
Conseil du 6 mai 2009 concernant
l'institution d'un comité d'entreprise européen
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dimension communautaire et les groupes d'entreprises de
dimension communautaire en vue
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