II- Analyse théorique des effets d'un accord
commercial
Dans ce chapitre, une analyse théorique des aspects de
la libéralisation des échanges par la création d'un accord
commercial est faite. Cette analyse fait ressortir les effets possibles d'un
accord commercial élaborés par certains auteurs.
La libéralisation du commerce engendre deux effets :
les effets statiques et les effets dynamiques. C'est Viner dans son livre
«The customs Union issue (1950)» qui a développés les
effets statiques traditionnels des zones de libre-échange. Il fait
ressortir deux concepts que sont la création de commerce et le
détournement de commerce.
La création du commerce est le volume
supplémentaire issu de la suppression des barrières commerciales
dans une zone de libre-échange (CEA et al. ,2017). Les pays membres
peuvent ainsi faire valoir leurs avantages comparatifs à travers une
meilleure allocation de leurs ressources et créé ainsi les
échanges dans la zone. Selon Viner, il y a création de commerce
lorsque la réduction ou la suppression des tarifs résultant de
l'accord permet aux pays membres d'importer des produits moins chers. La
création de commerce consiste pour tout membre de l'union de substituer
la consommation des produits nationaux qui ont un coût de production trop
élevé par des produits qui coûtent moins, en termes de
production, provenant des autres membres. De ce fait, un accroissement de
l'efficacité économique et une amélioration du
bien-être du consommateur sont ressentis suite à la suppression ou
la réduction des restrictions quantitatives et commerciales
émanant de la concurrence née entre les producteurs de
l'union.
Le détournement de commerce se manifeste lorsque les
échanges entre les pays membres d'une zone de libre-échange se
substituent aux échanges avec les pays tiers n'appartenant pas à
la zone (CEA et al., 2017). Selon Viner, le détournement de commerce se
pose lorsque l'augmentation des échanges entre les pays appartenant
à une union se fait au détriment d'un pays tiers par des
importations qui coûteraient plus cher en provenance des pays membres de
cette union. Il s'agit ici pour les États membres de se détourner
des sources d'approvisionnement externes au profit de celles internes à
l'union à cause de la hausse des prix relatifs à
l'érection des barrières tarifaires avec l'extérieur. Ce
détournement de commerce confère aux parties prenantes à
l'accord une efficacité qu'elles n'auraient pas eu en dehors du dudit
accord. La hausse des droits de douane se fait donc au dépend d'un
fournisseur étranger plus compétitif.
Il convient toutefois de noter que l'effet de
détournement ne peut se réaliser que si le tarif douanier est
suffisamment élevé pour accroitre les prix des marchandises
importés hors de l'union malgré l'existence d'un fournisseur plus
compétitif. Cette situation pourrait entrainer un renforcement du
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commerce intra-union ainsi qu'une augmentation des prix des
produits sur les différents marchés de l'union du fait de la
hausse des coûts de production ou de la hausse des tarifs douaniers.
Certains auteurs ont émis des hypothèses de
gains statiques concernant la ZLECAf (CEA et al., 2017). À ce titre,
Amiti et Konings (2017) estiment que les producteurs africains auront
accès à des intrants et à des produits
intermédiaires bon marché en provenance des pays africains
entrainant ainsi des gains immédiats. Broda et Weinstein (2004) estiment
quant à eux que les consommateurs africains devraient
bénéficier d'un accès à des produits moins
coûteux et plus diversifiés venant des pays africains. Krueger et
Bhagwati (1995) pense que la ZLECAf contribue à résoudre
l'épineuse question du chevauchement des accords commerciaux en Afrique.
Enfin, Maur et Shephered (2015) soutiennent qu'un meilleur accès
à des intrants agricoles et à des équipements
améliorés peut faciliter l'adaptation des producteurs aux
changements climatiques.
Les ACR peuvent aussi avoir des effets dynamiques.
Généralement ils constituent une excellente plateforme de
coopération et de dialogue, notamment en matière de
développement des infrastructures, de transfert de technologie,
d'innovation, d'investissement, de résolution de conflits, de paix et de
sécurité. En effet, les ACR peuvent conduire à la
spécialisation de chaque Etat membre dans la production de certains
produits. Ils peuvent par ailleurs entrainer des innovations dans le
système de production de ces pays et améliorer la
compétitivité de leurs produits. Tout ceci pourrait, à
terme, mettre à la disposition des consommateurs des produits à
prix bas et de meilleure qualité.
CEA et al. (2012) proposent des effets dynamiques que pourrait
engendrer la ZLECAf. À ce titre, il est relevé qu'un
marché aussi vaste que la ZLECAf encourage les investissements directs
étrangers et les investissements transfrontaliers. Ce marché
génère des gains dynamiques grâce à la concurrence
entre entreprises africaines. Les entreprises peuvent aussi innover en
utilisant de nouvelles variétés d'intrants. L'intégration
africaine peut inciter des pôles de croissances régionaux
susceptibles de créer des externalités pour les pays moins
développés. Une telle intégration peut entraîner une
diversification industrielle et faciliter une transformation structurelle.
La théorie de Viner constitue une rupture avec les
théories qui soutenaient que les accords commerciaux engendraient
toujours des gains. Dans ce sens, Sara LABRAR et Safaa TABIT (2019)
révèlent que certains auteurs ont donné une meilleure
explication aux effets de la mise en oeuvre d'un ACR. Ils citent alors Robinson
et Thierfelder (2002) qui affirment que les accords commerciaux
préférentiels entrainent une création de commerce toujours
plus grande que le détournement de commerce. Krugman (1991) soutient ce
fait en estimant que la formation d'un
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accord préférentiel entre des partenaires
naturels réduit le risque d'un détournement du commerce. En
effet, si les parties sont proches avec des économies de grandes tailles
et similaires il y aura une création du commerce au regard du faible
coût de transport.
Krishna (2003) soutient toutefois, à travers un
modèle d'équilibre général, que les effets de la
proximité géographique et du volume d'échange
n'améliorent pas le bien-être si ces deux potentialités ne
sont pas suivies d'une suppression des coûts liés au commerce. Les
avantages attendus des partenaires naturels sont annulés par des
partenaires éloignés ayant des coûts de production faibles.
À cet effet, Bhagwati et Panagariya (1996) soutiennent que la conclusion
d'un accord commercial avec un partenaire éloigné est plus
bénéfique qu'avec un pays similaire proche.
Les parties à un ACR sont généralement
motivées par l'amélioration du bien-être de la
société qu'engendrerait l'augmentation des flux commerciaux. Dans
ce sens, Schiff et Winters (2003) affirment qu'un bloc commercial bien
conçu peut améliorer l'efficacité et le bien-être
des pays membres par l'accroissement de la concurrence entre les producteurs et
l'élargissement des choix des consommateurs. Ce résultat est
dû à l'augmentation de l'offre à un coût faible au
regard de la réduction des mesures tarifaires et non tarifaires. Il est
à souligner toutefois que l'augmentation des flux commerciaux n'entraine
pas obligatoirement une amélioration du bien-être.
Il ressort de cette analyse que les accords commerciaux
peuvent engendrer des gains ainsi que des pertes pour les parties prenantes.
Ces effets seront positifs si les parties signataires réduisent ou
suppriment les obstacles aux échanges commerciaux qui existent à
l'entrée et sur leurs marchés respectifs. Il ressort aussi que
plus les pays sont proches plus leurs échanges s'avèrent
importants.
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