1.1.1.10. L'ECOLE DE LA REGULATION ET LE
REGIME D'ACCUMULATION
La théorie de régulation est le fruit d'un
programme de recherches lancé à la fin des années 60.
Robert Boyer (1993) rappelle que la question était de savoir «
si la croissance que les pays industrialisés avaient connue depuis
le lendemain de la Second guerre mondiale allait durer ». Michel
Aglietta, puis Robert Boyer furent ainsi conduits à introduire la notion
de régime d'accumulationafin de souligner que la
généralisation de l'échange marchand pouvait rendre les
crises possibles.
Durant les Trente Glorieuses, le régime d'accumulation
qui s'est imposé, fût le régime fordiste. Le monde fordiste
était caractérisé par une autorégulation des
rapports sociaux, entre, d'une part, le mouvement ouvrier et sa
représentation syndicale, et, d'autre part, un capitalisme
managérial qui pouvait servir d'interlocuteur au mouvement ouvrier,
parce qu'il en partageait fondamentalement les principes aspirations :
protéger la firme des aléas économiques dus à la
concurrence et au cycle des affaires. D'un point de vue social, le travail
à la chaine pouvait se comprendre comme une manière de rendre
productif les travailleurs a priori les plus démunis. La parcellisation
des tâches permettait de rendre utilisable une main d'oeuvre non
qualifiée. Cette intégration s'effectuait également par
les plans de carrière qui protégeaient les salariés des
aléas de l'existence. Le fordisme reposait ainsi sur un contrat
implicite : l'obéissance (voire l'aliénation) en échange
d'une protection contre les aléas de l'existence. Or c'est
précisément ce contrat tacite qui a été remis en
cause avec la crise du fordisme. Il n'y a plus de carrière
assurée et on fait reposer sur l'individu l'effort de
l'intégration dans l'entreprise. La théorie de la
régulation s'est ainsi proposé de concevoir les outils qui
permettraient d'analyser la crise du régime de croissance fordiste et
d'imaginer le régime qui lui succéderait. La notion de
régime d'accumulation a notamment permis d'introduire le concept de
formes institutionnelles, définies comme la codification d'un ou
plusieurs rapports sociaux fondamentaux. Robert Boyer (1986) introduit cinq
formes institutionnelles (la monnaie, le rapport salarial, la concurrence, les
modalités d'adhésion au régime international, l'Etat)
intervenant dans la détermination du régime d'accumulation.
1.1.1.11. LA CROISSANCE ENDOGENE
Pour les tenants de la théorie de la
croissanceendogène, le progrès technique ne tombe pas du ciel. La
croissance est ainsi assimilée à unphénomène
autoentretenu par accumulation de quatre facteurs principaux : la technologie,
lecapital physique, le capital humain et le capital public. Le rythme
d'accumulation de cesvariables dépend de choix économiques, c'est
pourquoi on parle de théories de la croissanceendogène.
1. Le capital physique
C'est l'équipement dans lequel investit une entreprise
pour la production de biens et de services. Romer (1986) a cependant
renouvelé l'analyse en proposant un modèle qui repose sur les
phénomènes d'externalitésentre les firmes : en
investissant dans de nouveauxéquipements, une firme se donne les moyens
d'accroître sa propre production mais égalementcelles des autres
firmes concurrentes ou non. L'investissement a un double effet : il agit
directement sur la croissance et indirectement sur le progrès
technique.
2. La technologie
Chaque changement technique provient d'une idée mise en
forme et testée. Le progrès existe,et est d'autant plus intense
que le nombre de chercheurs est élevé et le stock de
connaissances important. Le nombre de chercheurs dépend de la
capacité du système économique à leur offrir des
rentes de monopole en cas de réussite. Ainsi pour Romer, le rythme de
croissance ne va pas en déclinant au fur et à mesure que l'on
s'approche de l'état régulier, comme le prétendait Solow.
Il dépend de la capacité des rendements croissants de la
recherche à compenser les rendements décroissants de
l'investissement matériel. Contrairement aux approches
néoclassiques, Romer reconnaît que le marché ne suffit pas
à assurer une croissance maximale à long terme. L'Etat a un
rôle important à jouer, non par le biais de la dépense
publique envers la recherche, mais en venant au secours des innovateurs par le
biais d'une fiscalité compensatrice, de mesures juridiques incitant la
recherche développement et les externalités de connaissances, de
mesures anti-concurrentielles non dissuasives.
3. Le capital humain
Il a été mis en évidence par deux
économistes de l'Ecole de Chicago, Theodor Schultz et Gary Becker, et
est au centre des études menées par R.E Lucas (Prix Nobel en
1995). Le capital humain désigne l'ensemble des capacités
apprises par les individus et qui accroissent leur efficacité
productive. Chaque individu est propriétaire d'un certain nombre de
compétences, qu'il valorise en les vendant sur le marché du
travail. Dans ce cas, l'éducation est un investissement dont l'individu
attend un certain retour. Il est alors évident que la tendance à
un allongement de la durée de la scolarité est une cause non
négligeable de la croissance.
4. Le capital public
Il correspond aux infrastructures de communication et de
transport. Elles sont au coeur du modèle élaboré par
R.J Barro. En théorie, le capital public n'est qu'une forme de
capital physique. Il résulte des investissements opérés
par l'Etat et les collectivités locales. Le capital public comprend
également les investissements dans les secteurs de l'éducation et
la recherche. Tous ces travaux ont été poursuivis par Grossman
et Helpman (1991), Aghion et Howitt (1992), Barro et Sala-i-Martin (1995)...Le
progrès technique résulte ainsi d'un objectif fixé en
recherche-développement, activité récompensée selon
Schumpeter (1934) par la détention d'une forme de pouvoir monopolistique
ex-post. S'il n'y a pas de tendance à l'épuisement de ces
découvertes, les taux de croissance peuvent rester positifs à
long terme. Dans ce cas, le taux de croissance à long terme
dépend des actions des gouvernements. Les théories de la
croissance endogène reposeraient donc sur l'idée que la
concurrence parfaite est mortifère, et que l'activité
économique a besoin de concurrence imparfaite et d'intervention
publique.
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