II.2/ Résultats et
Interprétations
Cette seconde sous-section s'articulera autour de deux
principaux points. Dans un premier temps, nous présenterons les
principaux résultats issus de nos estimations. Dans un second temps, il
sera question pour nous d'apporter une signification économique à
ces différents résultats.
II.2.1. Résultats des
estimations
Afin de déterminer quels sont les
indicateurs de la dette extérieure susceptibles d'améliorer la
croissance en ASS, nous avons eu recours à l'estimateur GMM en
système d'Arellano et Bover (1995)/Blundell et Bond (1998). Ainsi, nous
avons effectué quatre régressions pour parvenir à notre
fin. Dans la première estimation (modèle 1), nous avons voulu
isoler l'influence des seuls indicateurs de la dette extérieure sur la
croissance économique, tandis que des variables macroéconomiques
(déterminants traditionnels de la croissance économique) ont
été ajoutées dans le modèle pour la deuxième
estimation (modèle 2). En ce qui concerne les deux dernières
estimations, il a surtout été question de tenir compte du
contexte économique de ces dernières années, notamment la
fin des initiatives PPTE qui ont débuté en 1994 et se sont
achevées en 2012. Ainsi, dans la troisième régression
(modèle 3), nous avons cherché à déterminer
l'influence de la dette extérieure sur la période 2002-2012.
Enfin, la dernière estimation (modèle 4) a porté sur la
période 2013-2017 au cours de laquelle l'économie mondiale a
retrouvé peu à peu son dynamisme. Le tableau n°2 fait une
présentationsynthétique de nos principaux résultats.
Tableau 2.2 :
Présentation des résultats des estimations (Partie I)
Variables
|
(1)
Afrique Subsaharienne (2002-2017)
|
(2)
Afrique Subsaharienne (2002-2017)
|
(3)
Afrique Subsaharienne (2002-2012)
|
(4)
Afrique Subsaharienne (2013-2017)
|
PIB (retardée)
|
0.00521
|
-0.0377
|
0.000825
|
-0.0319**
|
|
(0.0499)
|
(0.0222)
|
(0.0269)
|
(0.0143)
|
Stock de dette extérieure(Log)
|
10.83***
|
1.559*
|
1.029***
|
0.964*
|
|
(3.184)
|
(0.815)
|
(0.357)
|
(0.556)
|
IDE (Log)
|
1.565***
|
0.0241
|
0.0490
|
0.0188
|
|
(0.306)
|
(0.153)
|
(0.280)
|
(0.0738)
|
Balance commerciale
|
0.0469*
(0.0235)
|
0.0365***
(0.00886)
|
0.0298**
(0.0123)
|
0.0452***
(0.00956)
|
Aide Publique au développement (Log)
|
-2.515***
|
0.00841
|
-0.00330
|
0.0416
|
|
(0.870)
|
(0.391)
|
(0.268)
|
(0.554)
|
Service de la dette extérieure (Log)
|
-5.562***
|
-0.643*
|
-0.567**
|
-0.573**
|
|
(1.814)
|
(0.346)
|
(0.207)
|
(0.241)
|
Capital Humain (Education (log))
|
|
-2.366
|
0.905
|
|
|
|
(2.636)
|
(1.331)
|
|
Infrastructures (Internet)
|
|
-0.0208
|
-0.0621
|
-0.0430
|
|
|
(0.0312)
|
(0.0730)
|
(0.0359)
|
Population Active (Log)
|
|
-1.036
|
-0.521
|
-0.912
|
|
|
(1.070)
|
(0.574)
|
(1.039)
|
Inflation (Log)
|
|
0.451
|
-0.0896
|
0.155
|
|
|
(0.409)
|
(0.332)
|
(0.287)
|
Formation Brute de capital fixe
|
|
0.778**
|
|
0.669**
|
|
|
(0.361)
|
|
(0.320)
|
Taux de change fixe
|
|
-0.356
|
0.274
|
0.0617
|
|
|
(0.450)
|
(0.651)
|
(0.476)
|
Ressources Naturelles (Log)
|
|
-0.163
(0.219)
|
-0.322
(0.349)
|
-0.00801
(0.156)
|
Dépenses de consommation finale
|
|
1.116***
|
1.169***
|
1.088***
|
|
|
(0.0739)
|
(0.0665)
|
(0.0955)
|
Maîtrise de la corruption
|
|
1.120
|
0.811
|
0.190
|
|
|
(1.035)
|
(1.969)
|
(0.835)
|
Efficacité des Pouvoirs Politiques
|
|
-2.206*
|
-0.355
|
-0.308
|
|
|
(1.132)
|
(1.592)
|
(1.662)
|
Anglophone
(Ressource Naturelles)*(PMA)
(Ressource Naturelles)*(Non PMA)
|
-3.635*
(2.010)
0.0522
(0.0495)
-0.150**
(0.0718)
|
-0.706
(0.871)
-0.0468
(0.0330)
-0.0415
(0.0426)
|
0.745
(1.925)
0.0364
(0.0267)
0.0335
(0.0398)
|
-0.241
(0.466)
-0.00664
(0.0239)
-0.0363
(0.0314)
|
(Maitrise de la Corruption)*(PMA)
|
3.425*
(1.813)
|
-1.398
(1.285)
|
0.738
(1.812)
|
0.122
(0.446)
|
Variables muettes temporelles
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Terme Constant
|
-71.48**
(29.23)
|
-11.65
(15.37)
|
-9.082
(14.24)
|
-10.92
(8.203)
|
Observations
|
387
|
183
|
149
|
321
|
Nombre de Pays
|
38
|
32
|
31
|
36
|
Fisher (p-value)
|
4,20 (0,000)
|
154,6 (0,000)
|
142,2 (0,000)
|
342,4 (0,000)
|
Hansen test (p-value)
|
5,52 (0,356)
|
5,21 (0,877)
|
3,96 (0,682)
|
7,28 (0,401)
|
AR (1) (p-value)
|
-2,84 (0,004)
|
-1,73 (0,083)
|
-3,15 (0,002)
|
-2, 66 (0,008)
|
AR (2) (p-value)
|
-0,59 (0,554)
|
0,46 (0,64)
|
0,32 (0,748)
|
-0,81 (0,416)
|
Notes : les valeurs entre
parenthèses correspondent à l'écart-type corrigé de
l'hétéroscédasticité. *** p<0,01 significatif
à 1%, ** p<0,05 significatif à 5%, * p<0,1 significatif
à 10%.
Source : Auteur,
estimations réalisées à partir des données de la
Banque Mondiale/CNUCED
II.2.2.
Interprétations des résultats
Dans l'ensemble, nos résultats sont satisfaisants aussi
bien sur le plan économétrique que sur le plan économique.
Sur le plan économétrique, le test de Fisher nous permet de
conclure que nos 4 modèles sont globalement et fortement significatifs.
En effet, la p-value associée à cette statistique (Prob > F
=0,000) est inférieure au seuil de 1% pour toutes les 4 estimations. En
outre, le test de Hansen dont la p-value est supérieure au seuil de 10%,
est concluant pour tous les modèles ne permettant pas de rejeter
l'hypothèse nulle et donc la validité de nos instruments. Enfin,
le test AR (2) est également satisfaisant puisque la p-value
supérieure au seuil de 10% ne permet pas non plus de rejeter
l'hypothèse nulle d'absence d'autocorrélation de second ordre des
résidus dans les 4 estimations. Les résultats de nos estimations
sont donc robustes d'autant plus que les écarts-types ont
également été corrigés de
l'hétéroscédasticité.
Sur le plan théorique également, nos
résultats sont pour la plupart conformes aux travaux antérieurs,
aussi bien pour les indicateurs de la dette extérieure que pour les
déterminants traditionnels de la croissance économique. En
particulier, en ce qui concerne la dette extérieure, nous avons
établi que les indicateurs relatifs au stock de la dette
extérieure, les IDE et la balance commerciale permettent de relancer la
croissance économique en Afrique subsaharienne. Les coefficients
associés au stock de la dette extérieure sont tous positifs dans
les quatre modèles. Ils sont même significatifs au seuil de 1%
dans la première estimation, 10% pour la deuxième et 1%
troisième estimations. Ce résultat est similaire à celui
de Cecchetti, Mohanty et Zampoli (2001) qui a étudié la relation
entre la dette extérieure et la croissance économique de 18 pays
de l'OCDE sur la période 1980-2005. Ils ontmontré à partir
d'un modelé en coupe transversale, que si le stock de dette
extérieure n'est pas très élevé. Il encourage la
croissance économique et stabilise le secteur financier mais au
de-là d'un seuil, l'augmentation de dette privée peut avoir des
impacts négatifs. Ce faisant, les Etats d'ASS gagneraient à
accroître leurs efforts en matière de gestion du stock de la dette
extérieure puisque cela leur permettra alors de bénéficier
davantage de capitaux étrangers.
Tout comme les IDE, la balance commercialeapparaît
comme une source importante de relancer de la croissance économique. En
effet, les résultats des estimations établissent une relation
positive entre cet indicateur et la croissance économique dans la mesure
où tous les coefficients qui lui sont associés sont positifs.
Cette relation est même significative au seuil de 10% dans la
première régression, au seuil de 1% dans la seconde et 5% dans
troisième régressions.Ce résultat n'est pas nouveau
puisque Cohen (1993) sur un échantillon de 77 pays en
développement avait montré qu'un flux réel de transferts
nets affecte la croissance économique, particulièrement en
Afrique subsaharienne.
Nos résultats permettent d'établir un lien
négatif entre la croissance économique et le service de la dette
extérieure. Ce lien est particulièrement important au cours de la
période 2002-2017, puisque significatif au seuil de 1%. Ce
résultat se rapproche de celui de Karagol (2002) qui avait établi
une relation négative entre le service de la dette extérieure et
la croissance économique en Turquie. En effet, L'auteur a utilisé
des techniques de co-intégration multi-variées. L'étude
montre qu'il existe une relation négative entre la dette
extérieure et la croissance économique à long terme. Les
résultats du test de causalité de Granger ont montré une
causalité unidirectionnelle allant du service de la dette
extérieure à la croissance économique.
Nos résultats mettent en avant l'influence
négative de l'aide publique au développement sur la croissance
économique en Afrique subsaharienne. Ce résultat qui semble au
premier abord surprenant n'est cependant pas nouveau puisque Burnside et Dollar
(2000) l'avaient déjà établi. En effet, même au
niveau macroéconomique, l'aide peut avoir des effets
hétérogènes selon les caractéristiques des
bénéficiaires, les modalités de l'aide et les motifs des
donateurs (Mekasha et Tarp, 2013). Par exemple, l'aide fournie par certaines
institutions bilatérales pour des raisons politiques ou commerciales
peut être moins efficace (Dreher et al., 2016) et peut être moins
sensible au franchissement du seuil IDA. Notre effet relativement important
peut s'appliquer à une aide moins politisée. Toutefois,
après la fin de la guerre froide, la part de l'aide qui est fortement
politisée a sans doute diminué considérablement, les
motifs géopolitiques perdant de l'importance par rapport aux
préoccupations de développement (Headey, 2008).
La FBCF joue un rôle très important sur la
relance de la croissance économique en Afrique subsaharienne. En effet,
le coefficient associé à cette variable est positif et
significatif au seuil de 5% pour les périodes 2002-2012.
Théoriquement, une économie plus ouverte offre davantage de
débouchés aux entreprises puisqu'elle leur permet
d'accéder aux marchés voisins. Cela correspond aux conclusions de
Helpmann (1984) pour le cas de l'IDE vertical. Par ailleurs, la taille du
marché mesurée par la FBCF a un effet positif sur la croissance
économique. Ainsi, plus la taille du marché augmente, plus les
entrepreneurs étrangers sont incités à investir dans le
pays. Elle permet de tenir compte des économies d'échelle et de
ce fait, les gains escomptés sont similaires à ceux obtenus pour
les dépenses de consommation finale. Ces avaient déjà
été obtenus par Asiedu (2003) et Anyanwu (2012).
Concernant les indicateurs de la stabilité
macroéconomique, nous avons retenu dans le cadre de cette étude
le taux de change effectif et l'inflation. En somme, ces indicateurs exercent
un effet négatif sur la croissance économique. Ainsi, plus la
dette d'un pays augmente, plus les agents économiques peuvent être
mis à contribution pour participer à son remboursement. Les
investisseurs étrangers peuvent donc subir une augmentation
régulière des impôts. Nous avons pu montrer que la relation
entre le taux de change et la croissance économique était
négative et non significative dans la première estimation mais
positive et non significative dans la deuxième.
Généralement, la plupart des pays d'ASS ont une balance
commerciale déficitaire (Banque Mondiale, 2016b).Lorsque ce
déficit se creuse, les Etats sont amenés à définir
des politiques contraignantes pour rééquilibrer le solde
commercial. Ces mesures peuvent avoir des effets pervers sur la croissance
économique. Cela peut justifier la relation négative et non
significativeétablie entre le taux de change et la croissance
économique dans le cadre de cette étude. L'influence de
l'inflation sur notre variable dépendante est mitigée. D'une
part, elle a un effet négatif, mais non significatif sur la relance de
la croissance économique, ce qui est cohérent avec la
littérature. En effet, une forte volatilité des prix augmente le
degré d'incertitude dans l'économie, facteur limitant les
décisions d'investissement dans l'économie (Atangana-Ondoa,
2013). D'autre part, les résultats des estimations de la
troisième régression établissent une relation positive,
mais non significative entre l'inflation et la croissance économique.
Etant donné que les pays d'ASS sont principalement exportateurs de
produits de base dont les prix sont fixés sur le marché
international, il est possible que les firmes étrangères gagnent
plus d'une augmentation des prix sur le marché local puisque ce sont
elles qui fournissent ce marché en produits manufacturiers.
Le capital humain a une influence négative sur la
croissance économique en Afrique subsaharienne.Il est également
établi dans cette étude une relation négative, mais non
significative entre l'éducation et la croissance économique. Mais
dans la mesure où nous avons mesuré l'éducation par le
taux de scolarisation brut dans le primaire et que celui-ci est sensiblement
équivalent pour toutes les régions du monde (Banque Mondiale,
2016b), cette relation négative peut davantage exprimer le fait que
cette variable soit un mauvais indicateur du capital humain dans le cadre d'une
étude sur la croissance. Aussi, il aurait été
préférable d'utiliser les données sur l'éducation
dans le secondaire et le tertiaire, mais l'absence de données nous a
contraints à privilégier la première variable.
Les ressources naturelles jouent un rôle négatif
sur la relance de la croissance économique en Afrique subsaharienne. Ce
résultat n'est pas nouveau puisque Asiedu (2006) l'avait
déjà établi dans son étude portant sur 22 pays
d'Afrique subsaharienne sur la période 1984-2000. De même, Anyanwu
(2012) l'a également obtenu cette fois-là à partir d'une
approche en coupe transversale sur 53 pays africains. Toutefois, la petite
innovation dans notre étude a été de comparer le
rôle des ressources naturelles dans les PMA et dans les Non-PMA.
Dès lors, nous avons pu montrer que la croissance économique a
une préférence révélée pour les Non-PMA que
pour les PMA. Ce résultat se justifie par la présence
d'infrastructures de Mauvaise qualité dans les PMA. Qui plus est, nous
avons établi un lien négatif entre les infrastructures et la
relance de la croissance économique. En effet, des infrastructures de
mauvaise qualité détériorent la productivité des
investissements puisqu'ils permettent d'augmenter les coûts
d'exploitation liés à l'implantation des firmes
étrangères.
|
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