Section I : Réformes administratives et
juridiques
A. Amendement des textes juridiques
ivoiriens
Comme nous l'avons vu plus haut, les textes juridiques
ivoiriens relatifs à la lutte contre la piraterie maritime et les vols
à main armée à bord des navires sont limités et ne
répondent pas aux conventions internationales. Nous proposons que ces
textes soient modifiés afin de prendre en compte la définition de
la piraterie maritime et des vols à main armée donnée par
la convention de Montego Bay et la convention SUA mais également qu'il
soit institué un cadre juridique répressif afin de sanctionner
les auteurs de ces actes. La Côte d'Ivoire ayant ratifié la
convention SOLAS, il est également important d'instituer le
décret portant application des dispositions du chapitre XI-2 de cette
convention et du Code ISPS.
B. Coopération et équipement des
services nationaux
Du point de vue institutionnel, la lutte contre la
criminalité maritime fait intervenir plusieurs administrations (justice,
port, affaires maritimes, défense, douanes, police, affaires
étrangères...). Il est important que toutes ces agences
nationales puissent coopérer et mutualiser leurs actions afin
d'être efficaces. Le gouvernement ivoirien l'a si bien compris que dans
le cadre de la réforme du secteur de la sécurité, il a
adopté une stratégie de l'Action de l'État en Mer (AEM) en
prenant le Décret n° 2014-30 du 03 février 2014
portant organisation et coordination de l'Action de l'État en
Mer. Cette stratégie vise à organiser et à
coordonner l'action des différentes administrations compétentes
afin de mutualiser les moyens relatifs aux missions de sécurité
et de sûreté maritimes, de protection de l'environnement marin, de
gestion du patrimoine et des ressources marines ainsi que la sauvegarde des
personnes et des biens en mer. Les décrets d'application de l'AEM seront
les bienvenus et permettront de façon plus claire à faire
ressortir la cohérence des actions entre les administrations
concernées. Il est clair
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donc que les décrets portant nomination des
préfets maritimes enclencheront une dynamique pratique dans la mise en
oeuvre de l'AEM.
Les recommandations suivantes nous paraissent
également pertinentes :
Au gouvernement :
- Créer le long des côtes ivoiriennes des centres
de veille et d'observation pour surveiller et collecter des informations sur
les mouvements de navires suspects afin de renforcer la sécurité
maritime et alerter les navires en cas de menaces ;
- Continuer le processus de modernisation et
d'équipement de la marine ;
- Demander à la Marine nationale de faire mouiller un
patrouilleur entre 18 :00 et 07 :00 dans la zone de mouillage extérieur
du Port d'Abidjan. (la quasi-totalité des attaques ont lieu la nuit dans
cette zone) ;
- Accroître le nombre de patrouilles ;
- Fournir une formation aux membres du système
judiciaire, notamment les magistrats et les procureurs, sur les
problèmes d'application du droit maritime concernant la piraterie, le
trafic de drogue, la pêche INN et le trafic d'armes légères
;
- Enquêter sur les réseaux de trafic de carburant
afin d'identifier les entreprises impliquées dans des activités
illégales (trafic de carburant et piraterie maritime sont très
liés);
- Stimuler la création d'emplois le long des
côtes, en particulier en protégeant la pêche artisanale, en
encourageant la transformation locale du produit de la pêche, en
développant la formation professionnelle pour les populations
vulnérables et en réinvestissant les avoirs des trafiquants de
pétrole saisis dans des projets de développement ;
- Exiger l'installation de transpondeurs AIS (Automatic
Identification System), sur les bateaux de pêche et vedettes afin de les
identifier.
Au Port d'Abidjan:
- Réhabiliter l'appontement hydrographique de la berge
Ouest du canal de Vridi afin que la marine nationale puisse y faire accoster
des vedettes et avoir une plus grande mobilité ;
- Faire organiser des visites et échanges entre les
contrôleurs de trafic maritimes et les services intérieurs et
extérieurs au port qui interviennent dans la lutte contre la
criminalité afin de s'imprégner des conditions de travail les uns
des autres ;
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- Participer à des actions sociales pour le
bien-être des pêcheurs artisans et des populations
côtières. ;
- Mener des actions de sensibilisation de la population visant
à encourager les travailleurs portuaires, les pêcheurs, les
habitants du bord de mer et les marins à observer, enregistrer et
transmettre toute activité suspecte à la capitainerie et aux
forces de l'ordre ;
- Augmenter les patrouilles de PortSécurité
(Entreprise concessionnaire de la gestion de la sûreté au Port
d'Abidjan);
- Augmenter le nombre d'agents et de patrouilles du service
Plan d'eau ainsi que leurs fréquences de prise de carburant ;
- Demander à tout navire pétrolier ancré
dans la zone de mouillage extérieur du Port d'Abidjan de contacter la
Vigie sur les canaux 12 ou 16 chaque 3 heures pour un bilan sécuritaire
entre 19h00 et 06h00.
C. Création d'un comité de
sûreté maritime et portuaire
Le manque de coordination des actions et de mutualisation des
ressources des administrations nationales intervenant dans la lutte contre la
criminalité maritime constitue une entrave majeure au succès de
ladite lutte. Pour pallier à cela, la Côte d'Ivoire a
adopté une stratégie nationale de l'Action de l'État en
Mer. Cette stratégie vise à organiser et coordonner l'action des
différentes administrations ainsi qu'à mutualiser leurs moyens
dans la lutte contre les violences maritimes. Pour le suivi de la mise en
oeuvre de l'AEM, un cadre institutionnel a été défini avec
la création d'un comité interministériel
présidé par le Premier ministre, d'un secrétariat
permanent du comité interministériel et enfin de
préfectures maritimes gérées par des préfets
maritimes. La stratégie de l'AEM est venue à point nommé
car elle permet d'avoir une meilleure structuration des missions des diverses
administrations et surtout la coopération et la mutualisation des
moyens. Nous ne pouvons qu'encourager le gouvernement à prendre tous les
décrets relatifs à la mise en oeuvre de l'AEM. Bien vrai que
l'AEM vise l'ensemble des missions incombant à l'État en mer,
nous proposons également la création d'un comité
national de sûreté maritime et portuaire. Ce
comité pourra être une entité opérationnelle mise
sous la tutelle du Premier ministre avec un secrétariat permanent
attribué au ministère qui aura en charge les affaires maritimes
et portuaires. Ces missions pourront être :
- d'assurer en matière de sûreté maritime
et portuaire, la coordination entre les opérateurs portuaires et
maritimes et les services de l'administration maritime ;
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- de suivre l'évolution de la réglementation
internationale relative à la sûreté maritime et
portuaire en vue de son adaptation au niveau national ;
- de veiller à la mise en oeuvre des plans de
sûreté des navires et des plans de sûreté des
installations portuaires ;
- de veiller à la mise en oeuvre des programmes
d'équipement et de formation des
personnels chargés de la sûreté maritime et
portuaire ;
- de gérer les conflits de compétence entre les
administrations intervenant en mer.
Proposition de composition du comité :
- Un représentant du Premier Ministre ;
- Un représentant du Ministre des transports ;
- Un représentant du garde des sceaux, Ministre de la
justice ;
- Un représentant du Ministre de l'intérieur ;
- Un représentant du Ministre des affaires
étrangères ;
- Un représentant du Ministre chargé du budget ;
- Un représentant du Ministre de la défense ;
- Un représentant par port (PAA, PASP) ;
- Un représentant de la DGAMP ;
- Un représentant de la Direction général
des douanes ;
- Un représentant du CIAPOL ;
- Un représentant de l'état-major des FACI (Forces
Armées de Côte d'Ivoire) ;
- Un représentant de la Gendarmerie nationale ;
- Un représentant de la Police nationale.
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