RESUME
L'objectif de ce mémoire, est d'analyser les effets du
changement climatique sur la demande d'électricité au Togo. Pour
ce faire, une méthodologie économétrique s'appuyant sur le
modèle auto régression à retards échelonnés
(ARDL) a été appliquée aux données de séries
temporelles pour le Togo qui couvre la période allant de 1990 à
2019. Les résultats montrent à court terme l'existence d'une
relation négative entre la demande d'électricité et la
température en saison de pluie ; contrairement aux autres variables
comme le prix, la population et l'émission de co2 qui agissent
positivement sur la consommation électrique ; à long terme
l'effet inverse se produit sauf la variable population qui a gardé son
signe positif et une nouvelle variable qui s'ajoute c'est-à-dire le PIB
qui affecte négativement la consommation. Enfin, ce mémoire
propose une maitrise du marché de l'électricité et une
diminution des actions humaines porteurs de dégradation du climat qui
restent des conditions nécessaires pour permettre de répondre aux
besoins de la demande d'électricité.
Mots clés : Changement climatique, consommation
d'électricité, modèle auto régression à
retards échelonné.
Abstract
The objective of this memory is to analyze the effects of
climate change on the demand for electricity in Togo. To do this, an
econometric methodology based on the scaled-lag autoregression model (ARDL) was
been applied to the time series data for Togo, which covers the period from
1990 to 2019. The results show in the short term the existence of a negative
relationship between electricity demand and temperature in the rainy season;
unlike other variables such as price, population and CO2 emissions which have a
positive effect on electricity consumption; in the long term, the opposite
effect occurs except for the population variable which has kept its positive
sign and a new variable which is added, ie GDP which negatively affects
consumption. Finally, this memory proposes a mastery of the electricity market
and a reduction in human actions leading to climate degradation, which remain
necessary conditions to meet the needs of the demand for electricity.
Keywords: Climate change, electricity consumption,
self-regression model with staggered delays
1
INTRODUCTION GENERALE
Certains travaux ont révélé au niveau
macroéconomique l'existence d'une relation entre le changement
climatique et le secteur de l'énergie (Bas, et al., 2019), ceci signifie
que l'ensemble des variations des caractéristiques climatiques en un
endroit donné au cours du temps affectent le secteur
énergétique. Le lauréat du prix de la Banque de
Suède en sciences économiques ; (Nordhaus, 2019) reçoit le
« prix Nobel » d'Economie pour ses travaux intégrant les
effets du changement climatique dans les modèles économiques
dynamiques. Le secteur de l'énergie n'échappe pas aux
débats actuels sur la meilleure façon d'internaliser les
externalités environnementales (dont certaines sont irréversibles
: (Jacques, 2001) taxes de dommage de Pigou ou marchés de droits
à polluer dans la lignée des travaux de Coase. Les changements de
température, d'humidité, de vent, de rayonnement solaire et de
précipitations peuvent affecter les marchés de
l'électricité, tant du côté de l'offre que de la
demande (Torben, et al., 2010). Les données les plus récentes
montrent que le changement climatique a tendance à augmenter les
températures moyennes (Torben, et al., 2010).
Par conséquent, les effets sur la demande
d'électricité sont principalement dus à des changements
dans les besoins de chauffage et de refroidissement des locaux (Moral-Carcedo
& Vicéns-Otero, 2005). Les effets de la température sur la
consommation d'électricité peuvent varier considérablement
selon l'emplacement, la topologie, les conditions climatiques locales et le
secteur économique considéré (Ürge-Vorsatz, et al.,
2007) . Selon Cruz Rios, et al., 2017, les trois principaux secteurs
consommateurs d'électricité (résidentiel, commercial et
industriel) réagissent différemment aux changements de
température. Alors que le refroidissement revient presque exclusivement
à l'électricité par le biais de la climatisation dans tous
ces secteurs, les équipements de chauffage peuvent être
différents. Les secteurs commerciaux et industriels dépendent
plus fortement de l'électricité pour le chauffage (en raison de
l'utilisation de la climatisation), tandis que le secteur résidentiel
peut avoir une plus forte dépendance vis-à-vis du gaz naturel, du
pétrole, entre autres sources (Andressa, et al., 2017). L'augmentation
de la température entraîne des mesures d'atténuation et
d'adaptation.
2
Le système énergétique a un rôle
important à jouer dans l'atténuation du changement climatique
(Ripple, et al., 2014). Cependant, les composantes du système
énergétique sont également affectées par le
changement climatique lui-même, via les changements à long terme
des paramètres climatiques, la variabilité et les
événements météorologiques extrêmes (Field,
2014). La lutte contre le changement climatique est un défi important
pour notre société. Elle passe par une réduction des
émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), la production, la
transformation et la consommation d'énergie étant responsables
d'une part importante de ces émissions. Les risques climatiques et
environnementaux ainsi que l'épuisement des ressources fossiles exigent
une réduction significative des consommations d'énergie.
L'énergie est très largement responsable de l'effet de serre
selon les travaux sur le « principe de précaution » (Jacques,
2001). Une double raison concerne généralement l'industrie de
l'électricité au sujet du changement climatique. D'une part, les
émissions de gaz à effet de serre émises par les
unités de production d'électricité à base de
combustibles fossiles et, d'autre part, l'augmentation de la température
mondiale qui entraîne une pression supplémentaire sur la demande
d'électricité.
Toute contrainte supplémentaire sur la demande
d'électricité entraînera la combustion de plus de
combustible pour produire plus d'électricité et donc stimulera le
réchauffement climatique. Des études antérieures ont
révélé la relation entre la sensibilité de la
demande d'électricité et les conditions
météorologiques et ont démontré que la demande peut
être modifiée si les conditions météorologiques
changent (Howden & Crimp, 2001). Cependant, la relation entre le changement
des conditions météorologiques et l'évolution de la
demande dépend de différents facteurs, dont la région
géographique et le réchauffement climatique. Le changement
climatique pourrait être attribué à une demande
d'électricité par habitant plus élevée dans
certaines régions, alors que la demande dans d'autres régions
pourrait diminuer, entraînant une augmentation des besoins de
refroidissement et une diminution des besoins de chauffage. L'énergie
est très largement responsable de l'effet de serre alors que c'est
l'augmentation de gaz à effet de serre qui menacent et modifie
sensiblement le climat dans le sens de réchauffement global. Par
ailleurs, le réchauffement climatique entraînera une augmentation
de la demande d'électricité pendant les temps chauds, car
davantage d'équipements de réfrigération seront
utilisés. En tant qu'énergie secondaire,
l'électricité est difficile à stocker.
3
En conséquence, il en résultera une
capacité excédentaire si trop de puissance est fournie.
Cependant, si l'approvisionnement en électricité est insuffisant,
cela peut entraîner des pénuries d'électricité,
affectant la stabilité économique. Si nous ignorons les effets du
changement climatique sur la demande d'électricité, la
planification de l'approvisionnement électrique sera affectée, ce
qui entraînera un déséquilibre entre l'offre et la demande
d'électricité. De ce fait, avec l'intensité du
réchauffement climatique, il devient de plus en plus important pour les
décideurs de se faire une idée de l'effet du changement
climatique sur la demande d'électricité. L'utilisation de
l'énergie est l'un des systèmes humains les plus directement
exposés au changement climatique (Malagueta, et al., 2013).
L'augmentation des températures ambiantes devrait accroître la
demande de refroidissement pendant la saison chaude et pourrait diminuer la
demande de chauffage pendant la saison froide dans de multiples secteurs
économiques ainsi qu'accroître la demande d'irrigation de
l'agriculture pendant les saisons de culture. L'expansion démographique,
la croissance économique, les changements dans la composition
sectorielle des économies, le comportement des individus et des
organisations et le rythme du développement technologique sont autant de
sources d'incertitudes qui interagiront pour déterminer la demande
future de différentes sources d'énergie dans les régions.
S'ajoutent à cela les incertitudes supplémentaires concernant le
calendrier et l'intensité des futurs changements de température,
tant au niveau mondial, en raison des trajectoires des émissions de gaz
à effet de serre et du forçage radiatif, qu'à des
échelles géographiques plus fines, déterminées par
les effets sur les futurs climats régionaux.
Le secteur énergétique représente une
grande part dans les secteurs d'activités économiques
principalement dans les zones urbaines. Selon les données de l'Agence
internationale de l'énergie (AIE), au niveau mondial les
émissions de CO2 liées à l'énergie atteignaient 32
316 Mt en 2016 contre 15 460 Mt en 1973, en progression de 109 % en 43 ans ;
elles provenaient de la combustion de charbon pour 44,1 %, de pétrole
pour 34,8 % et de gaz naturel pour 20,4 %. Depuis 2006, la Chine a
dépassé les États-Unis pour les émissions de gaz
à effet de serre, avec sa population qui est de 4,3 fois plus nombreuse.
Les émissions de CO2 de la Chine étaient en 2016 de 9 057 Mt
contre 4 833 Mt pour les États-Unis, 2 077 Mt pour l'Inde et 1 439 Mt
pour la Russie (approche territoire) ; elles sont passées de 5,7 % du
total mondial en 1973 à 28,2 % en 2016 ; mais les émissions par
habitant des États-Unis restent largement en tête avec 14,95 t/hab
contre 9,97 t/hab pour la Russie, 6,57 t/hab pour la Chine.
4
Depuis plusieurs décennies, la communauté
internationale fait face à des enjeux nouveaux, le changement climatique
définie par le Groupe d'expert Intergouvernemental sur l'Evolution du
Climat (GIEC) comme étant l'ensemble des variations des
caractéristiques climatiques en des endroits donnés au cours du
temps ; Le 5ème rapport du GIEC (2014) a ainsi renforcé ses
certitudes sur la principale cause du réchauffement climatique, et n'a
jamais été aussi sûr de la responsabilité des
activités humaines comme étant la principale cause de la
variation de ces paramètres climatiques. Cependant, cette
responsabilité est estimée dans ce rapport comme étant
« extrêmement probable » (avec une probabilité de 95%).
Les études de la première communication sur le changement
climatique (CNI, 2009), révèle un accroissement de la
température moyenne de 1,00 à 1,25°C et des
précipitations de 0 à 0,80%, lesquelles auront des
conséquences sur les différents secteurs d'activités.
Des publications plus récentes ont estimé des
augmentations plus importantes de la demande d'énergie avec le
réchauffement climatique. Les études de la première
communication sur le changement climatique (CNI, 2019), révèlent
un accroissement de la température moyenne supérieure à
1,1°C et des précipitations de 814mm ce qui aura des
répercussions sur les différents secteurs d'activités. Ces
initiatives sont menées en lien avec l'Accord de Paris sur le climat
signé par le Togo. Dans ce cadre, le pays noue des partenariats
techniques et financiers pour le transfert de technologies et le renforcement
des capacités à travers l'élaboration des projets
d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre et
d'adaptation au changement climatique pour limiter la hausse des
températures bien en dessous de 2° C d'ici la fin du 21ème
siècle.
La troisième communication nationale sur le changement
climatique analyse la vulnérabilité faite par sous-secteurs. Des
scénarios spécifiques ont été
élaborés pour les sous-secteurs de la biomasse énergie et
de l'hydroélectricité ; le scénario de
référence indique que le potentiel énergie issue du bois
s'épuisera avec un déficit estimé à 8,99 millions
de ??3à l'horizon 2025 à 19,70 millions de
??3en 2050, à 41, 4 millions de ??3en 2075 et
à 85,36 millions de ??3à l'horizon 2100. Mais, les
scénarios du potentiel lié aux changements climatiques
prévoient une légère augmentation du potentiel de bois par
rapport au scénario de référence permettant de
réduire le déficit de 2% à l'horizon 2025. Cette
augmentation du potentiel est liée à l'augmentation des
précipitations. Ceci montre que les changements climatiques futurs
5
notamment l'augmentation des précipitations auront un
effet bénéfique pour la biomasse énergie.
Au Togo, la fourniture de l'énergie électrique
est assurée par la CEET (basse tension), qui partage les services de
distribution avec la communauté électrique du Bénin (CEB)
(haute tension). Le CEB est fourni en électricité par le Ghana,
la Côte d'Ivoire et le Nigéria. Selon la Direction de l'Economie
(2013), l'énergie électrique totale livrée au
réseau s'élève à 918 Kwh dont 878 kwh livrés
par le CEB et 40 Kwh par la CEET. Le taux d'électrification est de 26 %.
Par ailleurs, à la fin de l'année 2012, il est remarqué
une baisse en disponibilité totale de l'énergie électrique
au niveau de la CEET qui atteignent 901 255 944 Kwh contre 907 162 812 en 2011.
La production locale a augmenté de 27.4 % tandis que les achats
auprès de la CEB ont diminué de 1 % pour se situer respectivement
à 14 001 392 Kwh et 887 254 552 Kwh. La consommation d'énergie
moyenne tension facturée au cours des douze mois de l'année 2012
se chiffre à 229 470 953 Kwh, soit une hausse de 8.7 % par rapport
à l'année 2011.
Le Togo à l'instar des pays subsahariens, connait des
difficultés d'accès à l'énergie électrique.
En effet, selon les résultats du 4ème recensement
général de la population et de l'habitat (RGPH) en 2010,
près de 36.9 % des ménages togolais utilisent
l'électricité de la communauté d'énergie
électrique du Togo (CEET) comme mode principal d'éclairage. Sur
le plan mondial la part de l'électricité dans la consommation
finale d'énergie s'élevait à 18,9 % en 2017. La production
mondiale d'électricité est issue en 2018 des combustibles
fossiles pour 64 %, du nucléaire pour 10 % et des énergies
renouvelables pour 26 % (hydroélectricité 16 %, éolien 5
%, biomasse 3 %, solaire 2 %). Les deux principaux pays producteurs
d'électricité totalisent 42,5 % de la production mondiale : Chine
25,8 % et États-Unis 16,7 %.
Dans la mesure où les questions relatives à la
variabilité du climat sur la planète constituent un débat
dans tous les continents du monde et surtout que ces questions font partie
aujourd'hui des domaines privilégiés de la recherche scientifique
à travers le Groupe Intergouvernemental sur l'Etude du Climat (GIEC),
cette étude se propose de répondre à une principale
inquiétude : Quel est l'effet du changement climatique sur la demande
d'électricité au Togo ?
Ainsi l'objectif général de ce mémoire
est d'analyser les effets de la variabilité de la température et
des précipitations sur la demande d'électricité au Togo ;
Plus spécifiquement il s'agira :(i)
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D'analyser l'effet des variations annuelles de la
température sur la demande de l'électricité par habitant
au Togo ; (ii) D'estimer à partir de différents scénarios
de la GIEC l'effet à long terme des variables climatiques sur la demande
d'électricité
Par anticipation, nous formulons dans ce travail deux
Hypothèses :
(i) Les variations annuelles de la température affecte
positivement la demande d'électricité par habitant au Togo.
(ii) le Scenario d'augmentation des températures ou/et
de diminution seront très néfaste à la demande
d'électricité à long terme.
Des articles voire les papiers de conférences et
ouvrages ont démontré la relation entre le changement climatique
et la demande d'électricité citons « l'impact du changement
climatique sur la demande d'électricité en Chine » ; le
papier de conférence « Impact du changement climatique sur la
demande d'électricité au Singapour » en aout 2013 sont des
études qui se positionnent souvent sur les effets des variables
socioéconomiques comme le revenu par habitant, prix de
l'électricité et d'autres part les paramètres climatiques.
Notre recherche permettra de voir l'effet des deux variables climatiques tel
que la température et les précipitations. Le Togo disposant deux
saisons à savoir la saison sèche et la saison pluvieuse ; ce qui
a particulièrement retenu notre attention d'où le choix de la
variable température en saison sèche et pluvieuse. Notre
recherche portera donc sur l'effet de la température en saison
sèche et en saison pluvieuse celui des précipitations et les
variables socioéconomiques. Tout ceci rend cette recherche peu
différente de ce que nous avons exploré antérieurement et
sera un atout pour notre pays le Togo dans la gestion de la planification en
matière de consommation électrique.
La suite de ce mémoire est organisée de la
manière suivante. Le chapitre I nous présente l'état des
lieux de la relation entre la demande d'électricité et le climat
au Togo. Le chapitre II se positionnera sur les éléments
théoriques et empiriques qui fondent la relation entre le changement
climatique et la demande d'électricité. En fin, le chapitre III
exposera de façon détaillée les approches
méthodologiques adoptées et les résultats et
interprétations suite aux estimations avant de conclure ce
mémoire.
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