FAURE Mickaël
Quelle place occupe le jeu vidéo
indépendant dans le domaine
vidéo-ludique ?
Mémoire de master 2 « Sciences de l'information et
de la communication » Réalisé par FAURE
Mickaël Sous la codirection de M. PELISSIER Nicolas, M. BONFILS
Philippe
Master 2 DISTIC
UNIVERSITE DE NICE SOPHIA ANTIPOLIS
FACULTE DES LETTRES ARTS ET SCIENCES HUMAINES ANNEE
UNIVERSITAIRE 2014-2015
1
Avant-propos
Ce mémoire de recherche a été
réalisé durant l'année 2014-2015, dans le cadre du Master
2 DISTIC au sein de l'UFR LASH de l'Université de Nice
Sophia-Antipolis.
Ma volonté initiale lors de la réalisation de ce
document était d'aborder le jeu vidéo indépendant, ce
qu'il implique, ses représentations ainsi que ses relations. La
scène indépendante au sein de l'univers vidéo-ludique
ayant réellement pris son essor il y a peu, la recherche scientifique
s'est très peu intéressée à ce modèle de
production alternatif qui connait une forte expansion depuis 2008.
En partant de cette idée, j'ai décidé de
définir les différents univers desquels ce mémoire est
empreint, les industries culturelles, ainsi que la production
indépendante qui s'oppose à celle-ci. Je les ai ensuite
rapprochées de mon objet d'étude à savoir le jeu
vidéo en faisant état de l'univers vidéo-ludique actuel,
puis en l'opposant aux jeux vidéo indépendants.
Pour la partie pratique de ce travail de recherche, j'ai
tenté de constituer des échantillons neutres et exhaustifs. Pour
mes entretiens, j'ai voulu interroger des professionnels ayant une certaine
expertise dans le domaine du jeu vidéo indépendant, ainsi que des
acteurs étant impliqués au sein de ce même domaine.
Pour finir, ce travail de recherche m'a été
bénéfique en tout point. En effet, celui-ci étant de
longue haleine, il m'a permis de mettre ma détermination ainsi que mon
courage à l'épreuve. J'ai, par ailleurs, pu approcher et mieux
connaître l'univers vidéo-ludique français vers lequel
j'espère me destiner au terme de mes études.
2
Remerciements
Je tiens tout d'abord à remercier mes co-directeurs de
recherche, Monsieur Nicolas Pelissier et Monsieur Philippe Bonfils, pour leur
suivi régulier et leurs conseils avisés tout au long de la
réalisation de ce mémoire.
Je tiens également à remercier les sept personnes
qui ont accepté de répondre à mes questions dans le cadre
de mes entretiens, Monsieur Loïc Rallet, Monsieur Matthieu Hurel, Monsieur
Arthur Jeannin, Monsieur Lucas Delhez, Monsieur Alain Puget, Monsieur Ronan
Coiffec et Monsieur Jimmy Latour.
De plus, cette étude n'aurait pas pu être
concrétisée sans la participation de plus de 100 personnes au
questionnaire réalisé pour la partie pratique. C'est pourquoi je
tiens à remercier ces participants qui ont eu la gentillesse de
consacrer un peu de leur temps afin de répondre à ce sondage.
Pour finir, Je voudrai également remercier mes parents
pour leur soutien indéfectible dans les bons ainsi que les mauvais
moments.
3
Le jeu vidéo apparaît depuis plusieurs
années maintenant, comme un produit culturel, un consommable, ainsi que
dans certains cas une oeuvre artistique. Ce dernier s'adresse à un
public toujours plus large et sans distinction d'âge, de sexe ou de
catégorie socio-professionnelle. En effet, Selon le syndicat national du
jeu vidéo1 le marché du jeu vidéo est la
première industrie culturelle en France et dans le monde. Avec presque
60 milliards d'euros en 2012, et 66 milliards d'euros en 2013 selon une
étude de l'IDATE2, le chiffre d'affaire dans ce secteur
devrait atteindre les 80 milliards en 2016. Il est à noter qu'en France
ce chiffre s'élève à 2,6 milliards d'euros en 2013.
Il est important avant de se plonger dans l'univers
vidéo-ludique de déterminer ce qu'est exactement un jeu
vidéo. Ce dernier est un jeu électronique proposant une
interaction avec une interface utilisateur dans le but de produire un retour
visuel sur un dispositif vidéo. Le jeu vidéo résulte donc
d'une boucle de rétroaction, utilisant un assemblage de composants
électroniques capables de traiter des données entrantes
1 Syndicat National du jeu vidéo
(SNJV), « Eléments clés du jeu vidéo en France en
2013, 3e édition du Livre Blanc », 2013
2 « IDATE » Institut pour le Développement de
l'Audiovisuel et des Télécommunications
4
et de générer un retour correspondant à
l'action effectuée par le joueur. Ce dernier dispose d'un
périphérique qui lui permet d'influer sur le jeu pouvant se
présenter sous la forme de clavier, souris, manette, joystick mais
également écran tactile, reproductions de volant etc. Ils sont
donc selon la définition donnée par Laurent Jullier dans son
ouvrage « les images de synthèses3 »,
à considérer comme « des systèmes informatiques
dont les interfaces d'entrées et de sorties substituent chez
l'utilisateur des stimuli artificiels aux stimuli de l'environnement
réel immédiat ».
C'est en 1951 que nait la notion de jeu vidéo. En
effet, l'ingénieur Ralph Baer, chargé par la
société Loral Electronics de concevoir un
téléviseur, va avoir l'idée, afin de se démarquer
de la concurrence, d'y intégrer un module permettant aux utilisateurs de
jouer. Cependant, l'idée ayant été rejetée par ses
employeurs, il faudra attendre 1958 pour voir l'apparition du premier jeu
vidéo. Celui-ci, nommé « Tennis for Two » est mis au
point par Willy Higinbotham, physicien au sein du Brookhaven National
Laboratory, et fonctionne par l'intermédiaire d'un ordinateur analogique
couplé à un oscilloscope. Pour finir, c'est en 1972 que le jeu
vidéo prend son envol grâce à la commercialisation à
grande échelle (35 000 unités aux Etats Unis) du jeu vidéo
« Pong » créé par Nolan Bushnell. Ce succès lui
vaudra d'être considéré comme l'inventeur du jeu
vidéo, toutefois, ce dernier dira à ce sujet : « Je n'ai pas
inventé le jeu vidéo. Je l'ai commercialisé ».
Le jeu vidéo est passé par plusieurs stades.
D'abord considéré comme un loisir pour jeunes garçons,
comme du « toy for the boys4 », pour reprendre
l'expression de Tristan Donovan, puis pour adolescents refusant de grandir, son
aspect chronophage et à première vue inutile n'a pas
facilité son acceptation dans notre société. Cependant,
depuis quelques années une démocratisation sans pareille du jeu
vidéo est en marche. En effet, ce dernier touche toutes les couches de
la société que ce soit par le biais des consoles de salon, des
consoles portables, ou bien encore des smartphones, nous pouvons
désormais voir aussi bien des enfants que des adultes ainsi que des
personnes âgées s'adonner à ce loisir.
Cette popularisation du jeu vidéo a soulevé de
nombreuses questions d'ordre sociologique. Tout d'abord sur les comportements
qu'engendre sa pratique, telles
3 Laurent Jullier, « Les images de
synthèse », Edition Nathan Broché, 1998
4 Tristan Donovan, «Replay: The History of Video
Games», Yellow Ant, 2010
5
que le problème de l'addiction et donc par extension
l'identification du joueur à son avatar virtuel. Dans l'ouvrage
« Mes enfants sont accros aux jeux vidéo !
»5 Jean-Michel Oullion, tente de répondre aux
questions que se posent les parents face à l'émergence de ce
phénomène d'addiction au jeu vidéo.
Plusieurs chercheurs se sont également penchés
sur la question de la violence au sein des jeux vidéo ainsi que son
influence sur les utilisateurs. « Faut-il avoir peur des jeux
vidéo ? »6 De Gentiane Lenhard relativise sur la
mauvaise presse des jeux vidéo sensés générer
plusieurs troubles comportementaux allant de la crise d'épilepsie
à la violence ou encore l'insociabilité.
Toutefois, il est à noter que de plus en plus
d'études liées au domaine vidéo-ludique sortent de l'angle
d'attaque sociologique. Ainsi nous pouvons citer l'ouvrage « Jeux
Vidéo : L'Art du XXIème siècle »7, Nic
Kelman dans lequel il étudie les rapports entre le jeu vidéo
et les arts traditionnels et analyse cette forme artistique dominante du
nouveau millénaire ou bien encore « Les Jeux Vidéo au
Cinéma »8 d'Alexis Blanchet, qui traite de l'inter
influence existant entre le jeu vidéo et le septième art. Ces
recherches adoptant un point de vue anthropologique posent la question du
statut du jeu vidéo. En effet celui-ci est-il à considérer
comme une oeuvre d'art ou comme un simple produit industriel ?
Enfin, nous pouvons également mettre en avant les
études psychologiques proposant le jeu vidéo comme outil
thérapeutique. « Ico, conte de fée interactif : histoire
d'un atelier du jeu vidéo9 » rédigé
par Michael Stora démontre à quel point le jeu vidéo est
utile d'un point de vue clinique.
Nous pouvons donc constater que le jeu vidéo
présente un champ d'étude réellement vaste et
intéressant pour la recherche scientifique.
5 Jean-Michel Oullion, « Mes
enfants sont accros aux jeux vidéo ! », Editions Les Carnets
de l'Info, 24 janvier 2008
6 Gentiane Lenhard, « Faut-il avoir peur des
jeux vidéo ? », Editions ESF, 1999
7 Nic Kelman, « Jeux Vidéo : L'Art du
XXIème siècle », Assouline, 2005
8 Alexis Blanchet, « Les Jeux Vidéo au
Cinéma », Editions Armand Colin, 2012
9 Michael Stora, « Ico, conte de
fée interactif : histoire d'un atelier du jeu vidéo »,
revue l'Autre, La pensée sauvage, Volume 7, 2006
6
Ainsi l'ouvrage « Les jeux vidéo comme objet
de recherche » réalisé par l'Ecole Normale
Supérieure de Lyon sous la Direction de Samuel Rufat et Hovig Ter
Minassian structure le champ de recherche sur les jeux vidéo en
France10. Les études réunies dans ce livre font un
point global sur la recherche dans le domaine vidéo-ludique en France
ainsi que ses perspectives.
L'objet vidéo-ludique, connait un long processus de
création, de développement, de promotion et de diffusion avant
d'apparaître sur le marché. Il est basé sur le
modèle traditionnel séparant trois principaux acteurs, le studio
de développement, l'éditeur et le revendeur, dans son
procédé de création et de commercialisation. Cependant,
depuis quelques années, un nouveau modèle se développe de
manière croissante, celui du crowdfunding, c'est-à-dire la
finance participative. En effet des sites internet comme
Kickstarter.com, ou encore
SteamGreenlight.com, propose
aux internautes de s'approprier le rôle de financement de
l'éditeur dans ce processus. Ainsi, L'internaute juge si le projet lui
semble prometteur et a la possibilité d'effectuer des dons afin d'aider
les développeurs dans la production de leur jeu. Ces internautes
obtiennent des avantages grâce à ce financement (accès
à la bêta du jeu, possibilité de contacter les
développeurs pour leur rapporter des bugs ou des avis...). De plus, des
sites et logiciels de référencement et distribution des jeux
vidéo indépendants, ont été créés
amenuisant d'autant plus l'emprise des éditeurs sur les
développeurs. On peut notamment citer
Desura.com, le logiciel Steam, ou encore
le Xbox Live Arcade.
Ce nouveau modèle de création de jeux
vidéo a donné naissance à la scène du jeu
vidéo indépendant qui possède ses propres acteurs.
Cependant, malgré une pleine expansion depuis 2008, très peu de
travaux de recherche ont été effectués sur cette
dernière. Parmi ces travaux, nous pouvons citer « Indie Game :
The Movie 11», réalisé par James Swirsky et
Lisanne Pajot, un documentaire s'intéressant aux coulisses de cette
industrie, « Inspiration For The Interactive
Generation12», ouvrage
10 « Les Jeux vidéo comme objet de recherche
» ouvrage réalisé par le laboratoire junior "Jeux
Vidéo : pratiques, contenus, discours" de l'Ecole Normale
Supérieure de Lyon, sous la Direction de Samuel RUFAT et Hovig Ter
Minassian : équipe pluridisciplinaire d'une dizaine de chercheurs qui
contribue à la structuration du champ de recherche sur les jeux
vidéo en France.
11 James Swirsky et Lisanne Pajot, « Indie
Game : The Movie », 2012
12 Mat Dickie, « Inspiration For The
Interactive Generation», CreateSpace Independent Publishing Platform,
2009
7
réalisé par Mat Dickie, créateur de jeux
vidéo indépendants, dans lequel il nous raconte sa vie
personnelle ainsi que ses différentes réalisations tout au long
d'une carrière d'environ 10 ans, ou bien encore « Rise of the
Videogame Zinesters13», de Anna Anthropy dans lequel elle
déplore l'aseptisation du domaine de la création de jeux
vidéo et fait appel aux amateurs pour faire gagner de la maturité
à ce support.
C'est afin de tenter de combler ce vide de la recherche que la
problématique de ce mémoire a été choisie. L'angle
d'attaque donné à cette dernière permettra de mettre en
perspective l'univers du jeu indépendant au sein de l'industrie
vidéo-ludique en général, mais également d'opposer
le modèle de création ainsi que l'économie et la pratique
du jeu vidéo traditionnel au modèle du jeu indépendant.
En effet de nombreuses questions se posent quant à la
montée en puissance de cette industrie toute récente et notamment
Quelle place occupe le jeu vidéo indépendant dans
l'industrie vidéo-ludique ?
Il est important, avant d'aborder cette question complexe, de
s'intéresser aux origines de la notion d'indépendant. Nous nous
pencherons donc, tout d'abord, sur les industries culturelles et leur
évolution. Qu'est-ce qu'une industrie culturelle ? Comment
fonctionnent-elles ? Comment ont-elles évoluées depuis
l'apparition des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication
?
Puis nous étudierons le phénomène de
résistance qui s'est développé de la part des
indépendants face à ces industries culturelles. Le terme
d'indépendant s'applique à de nombreux domaines culturels,
notamment le cinéma et la musique, aussi, Nous nous pencherons donc sur
la définition de l'indépendance. En effet, comment définir
l'indépendance ? Est-elle liée à la taille de
l'organisation ? À son chiffre d'affaire ? À une identité
géographique ? Ou bien est-elle liée à la création
d'un nouveau format ? Ou encore d'une nouvelle sous culture ? Mais dans ce cas,
qu'arrive-t-il lorsqu'une organisation, un format ou une sous culture acquiert
un succès important ? Peut-on toujours les qualifier
d'indépendants ? Puis nous établirons un état des lieux
général des indépendants face aux industries
culturelles.
13 Anna Anthropy, « Rise of the Videogame
Zinesters», Seven Stories Press, 2012
8
Enfin, nous nous intéresserons plus en détail
aux indépendants dans le domaine du disque ainsi que dans celui du
cinéma.
En second lieu, nous tenterons de définir ce qu'est un
jeu vidéo ainsi que ses différentes caractéristiques.
Est-ce un produit de grande consommation ? Un objet culturel ? Ou bien peut on
le qualifier d'oeuvre à part entière ? Puis, nous
étudierons la structure de l'industrie vidéo-ludique
traditionnelle afin d'en faire le bilan, et d'établir le schéma
de production classique d'un jeu vidéo. Comment sont créés
les jeux vidéo ? Quels sont les acteurs qui entrent en jeu dans ce
processus ? Comment sont réparties les recettes ?
Au sein d'un troisième chapitre, nous nous demanderons
ce qu'est exactement, un jeu vidéo indépendant ? Pourquoi le
qualifie-t-on d'indépendant ? Comment définir
l'indépendance dans le jeu vidéo ? Est-elle liée à
la taille de l'organisation ? À son chiffre d'affaire ? À une
identité géographique ? Ou bien est-elle liée à la
création d'un nouveau format ? Ou encore d'une nouvelle sous culture ?
Mais dans ce cas, qu'arrive-t-il lorsqu'une organisation, un format ou une sous
culture acquiert un succès important ? Sont-ils toujours à
qualifier d'indépendants ? Afin de mieux comprendre la définition
de ce dernier, il faudra également se demander déterminer
à qui il se destine ? S'il a un rapport avec une plateforme de jeu en
particulier ? Mais également Comment fonctionne-t-il ? Qui sont ses
acteurs ? D'où vient-il ? Comment est-il né ? Pourquoi est-il
né ? Puis, il faudra se pencher sur l'industrie du jeu
indépendant et se questionner sur la façon dont elle est
née, comment elle fonctionne, ainsi que sur les résultats
qu'engendre son économie. Car, en effet, Comment sont
créés les jeux vidéo indépendants ? Le processus
est-il différent du schéma traditionnel ? Comment sont
financés les jeux vidéo indépendants ? A quelle hauteur le
sont-ils ? Parviennent-ils à dégager un bénéfice
important ? Par la suite, nous tenterons d'établir une mise en
perspective du jeu vidéo indépendant par rapport au jeu
vidéo traditionnel. Quelles sont leurs différences ? Le
modèle indépendant parvient-il à faire face au
modèle traditionnel ? Comment est-il perçu par le public ? Par
les développeurs ? Par les éditeurs ? Il sera également
judicieux de tenter de tracer des parallèles entre les
indépendants du secteur vidéo-ludique et ceux des autres
industries culturelles et se demander si ces courants défendent les
mêmes idées. Enfin, il est important de se questionner sur le
futur de ce modèle afin de savoir si ce dernier va se développer
? Quelle évolution va-t-il prendre ? Sonne-t-il
9
la fin du modèle de création traditionnel ? Ne
va-t-il pas, s'il remplace le modèle traditionnel, devenir
lui-même le nouveau modèle traditionnel ?
Pour finir, le quatrième et dernier chapitre sera
consacré à une enquête pratique réalisée dans
le but d'approfondir le sujet. Cette dernière est découpée
en deux chapitres représentés par les deux méthodologies
différentes utilisées afin de réaliser cette
étude.
La première est la méthode des entretiens. En
effet il est nécessaire, à mon sens, pour mieux comprendre ce
phénomène nouveau, la raison de sa naissance, son fonctionnement
ainsi que son avenir, de s'adresser à des professionnels du secteur
vidéo-ludique, et notamment des acteurs du domaine du jeu vidéo
indépendant.
La seconde méthode choisie afin de réaliser
cette étude est le questionnaire de type sondage. Cette méthode a
pour but, tout d'abord, de mettre en exergue les habitudes des joueurs face
à ce nouveau dispositif du jeu indépendant, mais également
de mieux comprendre les raisons de sa forte expansion durant ces
dernières années.
Table des matières
Chapitre 1 : les industries culturelles
|
14
|
I.
|
|
Qu'est-ce qu'une industrie culturelle ?
|
14
|
|
1)
|
Définition
|
14
|
|
2)
|
Le passage de l'unique au reproductible
|
15
|
II.
|
|
Economie des industries culturelles
|
16
|
|
1)
|
Les industries culturelles en Europe
|
16
|
|
2)
|
Les industries culturelles en France
|
17
|
|
III.
|
|
Le fonctionnement des industries culturelles
|
21
|
|
1)
|
Les industries de création
|
21
|
|
2)
|
Les logiques socio-économiques
|
22
|
IV.
|
|
Evolution des industries culturelles
|
26
|
|
1)
|
Standardisation des produits
|
26
|
|
2)
|
Les industries basées sur la technologie
|
27
|
|
3)
|
Les réseaux de distribution
|
29
|
|
4)
|
Segmentation des marchés
|
30
|
|
5)
|
Une faible concurrence
|
32
|
V.
|
|
Les indépendants
|
33
|
|
1)
|
La notion d'indépendance
|
33
|
|
2)
|
Qu'est-ce que l'indépendance au sein des industries
culturelles ?
|
33
|
|
3)
|
Les indépendants face aux « Majors »
|
34
|
|
|
4)
|
Le discours de l'indépendance
|
36
|
|
5)
|
Les indépendant dans l'industrie musicale
|
37
|
|
|
a) Les labels indépendants
|
37
|
|
|
b) Naissance des indépendants dans l'industrie du disque
|
39
|
|
|
6)
|
Les indépendants dans l'industrie cinématographique
|
41
|
|
|
|
10
|
a)
11
Les films indépendants 41
b) Réseaux de distribution 42
Chapitre 2 : Jeux vidéo 46
I. Qu'est-ce qu'un jeu vidéo ? 46
1) Le jeu 46
2) Le jeu vidéo 47
II. Les différentes plates-formes de jeu 49
III. Structure de l'industrie vidéo-ludique 52
1) Les processus de production 52
a) Les studios de développement 53
b) Les éditeurs de jeux vidéo 56
c) Les prestataires spécialisés 58
d) Les distributeurs 59
e) Le coût d'un jeu vidéo 59
2) L'économie du secteur vidéo-ludique 60
IV. Classification des différents types de jeux
vidéo 62
1) Jeux solo 62
2) Les jeux multi-joueurs 66
Chapitre 3 : Jeux vidéo indépendant 67
I. Qu'est-ce que le jeu vidéo indépendant ? 67
1) Définition du jeu vidéo indépendant 67
II. Naissance de l'industrie du jeu vidéo
indépendant 68
1) Une distribution alternative : le
dématérialisé 68
2) Succès du jeu vidéo indépendant 73
3) Un nouveau modèle de financement : le Crowdfunding
74
4) Processus de production d'un jeu indépendant 77
III. Les jeux indépendants différents des jeux
traditionnels ? 79
12
1) La figure de l'artiste dans le jeu vidéo 79
2) Jeux indépendants : un nouveau discours 80
a) L'innovation dans les mécaniques de jeu 80
b) La liberté artistique 81
c) Un discours engagé 83
3) Les raisons du succès 84
4) Les dérivés du jeu vidéo
indépendant 87
a) Dans la presse 87
b) Produits dérivés 88
c) Pratiques dérivées 89
d) Consoles spécialisées 91
IV. Economie de l'industrie indépendante 92
1) Chiffre d'affaire du secteur 92
2) Hauteur de financement des jeux indépendants 93
V. Le futur du jeu vidéo indépendant 94
Chapitre 4 : étude pratique 96
I. Présentation de la méthodologie 96
1) Hypothèses 96
2) Les méthodes d'analyse 96
a) Les entretiens 97
1. Présentation 97
2. Les questions 100
3. L'échantillon d'enquête 101
4. Contexte de réalisation des entretiens 101
b) Le questionnaire de sondage 102
1. Le questionnaire 102
2. Mode d'enquête 103
13
3. La cible 104
3) Difficultés 105
II. Analyse d'entretiens 107
III. Analyse de questionnaire 117
Conclusion 130
Bibliographie 135
Webographie 140
Annexes 146
14
Chapitre 1 : les industries culturelles
I. Qu'est-ce qu'une industrie culturelle ?
1) Définition
La notion d'industrie culturelle porte en elle plusieurs
définitions. Ainsi, En philosophie, le terme d'industrie culturelle a
été introduit en 1947 par Theodor W. Adorno et Max
Horkheimer14. Il est une traduction française du mot allemand
Kulturindustrie apparut dans l'oeuvre « La dialectique de la
raison15 ». Il fut inventé suite à l'analyse
critique de la standardisation et de la production de masse des produits de
contenus. Ce terme s'appliquait alors aux industries de la radio, de la
télévision ainsi que du cinéma. Cependant, dès les
années 70 le concept se voit repris par Bernard Miège à
travers l'analyse économique des modalités de production et de
diffusion des biens et services culturels.
La définition de cette notion est soumise à de
nombreuses variantes et évolutions, notamment suite aux changements des
techniques de production, de reproduction, de diffusion et de consommation des
produits culturels. Cependant, nous pouvons la définir comme «
l'ensemble en constante évolution des activités de production et
d'échanges culturels soumises aux règles de la marchandisation,
où les techniques de production industrielles sont plus ou moins
développées, mais où le travail s'organise de plus en plus
sur le mode capitaliste d'une double séparation entre le producteur et
son produit, entre les tâches de création et d'exécution
16».
En économie, les industries culturelles englobent toute
industrie générant la création, la production et la
commercialisation de contenus créatifs de nature
14
Unesco.org,
http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/cultural-diversity/diversity-of-cultural-expressions/tools/policy-guide/como-usar-esta-guia/sobre-definiciones-que-se-entiende-por-industrias-culturales-y-creativas/,
consulté le 26/01/15
15 Max Horkheimer, Theodor W. Adorno, « La
dialectique de la raison », Gallimard, 1947
16
Unesco.org,
http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/cultural-diversity/diversity-of-cultural-expressions/tools/policy-guide/como-usar-esta-guia/sobre-definiciones-que-se-entiende-por-industrias-culturales-y-creativas/,
consulté le 26/01/15
15
culturelle matérielle ou immatérielle. Ces
contenus sont, pour la plupart, protégés par des droits d'auteur.
On range dans la catégorie des industries culturelles, l'édition
imprimée et multimédia, la production cinématographique
audiovisuelle et phonographique, l'artisanat et le design17. Ainsi,
les industries du disque, du cinéma, des programmes audiovisuels, de la
radio, de la télévision, de la presse, du livre et des jeux
vidéo, sont inclus dans cette notion18.
2) Le passage de l'unique au reproductible
La naissance des industries culturelles pose de nombreuses
questions sur le statut de la culture et de l'oeuvre d'art. En effet, elles
associent deux mots aux définitions contradictoires. Le terme
d'industrie suppose la notion de reproduction, de diffusion, d'argent, alors
que le terme de culture porte en lui une notion de singularité,
d'unicité et d'élitisme. Ainsi, cette association de termes va
admettre dans la société moderne un passage de l'oeuvre unique et
non reproductible à une culture de masse entraînant une production
industrielle des biens culturels. Le cinéma, par exemple, s'efforce de
créer des oeuvres d'art cinématographique faites pour être
reproduites à grande échelle par le biais d'un dispositif
industriel19. Bernard Miège dans son oeuvre « les
industries du contenu face à l'ordre informationnel
20» qualifie la culture comme se présentant «
de plus en plus sous la forme d'une marchandise qui se vend de mieux en
mieux, même si la forme marchande est encore loin de
17 Equipe de l'Alliance globale «
Comprendre les industries créatives, les statistiques culturelles et
les politiques publiques », 2006, URL : http://www.acpcultures.eu/
upload/ocr document/UNESCO-GACD IndCreative+StatCultureBackground fr.pdf,
consulté le 26/01/15
18 Philippe Chantepie, Alain Le Diberder, «
Révolution numérique et industries culturelles »,
La Découverte, 2010, p 3
19 Françoise Paquienséguy, «
Bernard Miège, les industries du contenu face à l'ordre
informationnel », Note de lecture critique, Observatoire des
mutations des industries culturelles, Presses
:
http://www.observatoire-
Universitaires de Grenoble 2005, URL
omic.org/pdf/PaquienseguyindustriescontenuordreinformationnelMiege.pdf,
consulté le 27/01/15
20 Bernard Miège, « les industries
du contenu face à l'ordre informationnel », Presses
universitaires de Grenoble, 2000
16
recouvrir toutes les activités culturelles : les
produits culturels ne constituent pas un tout
indifférencié21 ».
II. Economie des industries culturelles
1) Les industries culturelles en Europe
En 2014, le Groupement européen des
sociétés d'auteurs et de compositeurs (GESAC) ont demandé
au cabinet d'audit financier E&Y de réaliser un rapport afin
d'évaluer le poids économique du secteur des industries
culturelles en Europe. Ainsi les résultats de ce dernier ont
démontré que les industries culturelles au sens large
réaliseraient 536 milliards d'euros de revenus, ce chiffre
représentant 4,2% du PIB européen22. 7,1 millions de
personnes sont employées dans ce secteur plaçant celui-ci
à la troisième place des employeurs de l'Union européenne
(hors secteur public)23.
21 Bernard Miège, « les industries
du contenu face à l'ordre informationnel », Presses
universitaires de Grenoble, 2000, p 17
22 Nicolas Madelaine, « L'industrie
culturelle, troisième employeur européen »,
Lesechos.fr, publié 01/12/14,
URL :
http://www.lesechos.fr/journal20141201/lec2hightechetmedias/0203975298078-lindustrie-culturelle-troisieme-employeur-europeen-1069891.php,
consulté le 09/02/15
23 Id
17
Cette étude faisant état du domaine des
industries culturelles a démontré que le secteur a connu une
croissance du nombre de ses emplois de 0,7% pendant les années de crise
(de 2008 à 2012), tendance inverse à celle ayant cours dans
l'Union européenne dans son ensemble à la même
période24.
2) Les industries culturelles en France
Les industries culturelles peuvent être
segmentées en neuf secteurs d'activités comprenant les arts
graphiques et plastiques, la musique, le spectacle
24 I Nicolas Madelaine, « L'industrie
culturelle, troisième employeur européen »,
Lesechos.fr, publié 01/12/14,
URL :
http://www.lesechos.fr/journal20141201/lec2hightechetmedias/0203975298078-lindustrie-culturelle-troisieme-employeur-europeen-1069891.php,
consulté le 09/02/15
18
vivant, le cinéma, la télévision, la
radio, le jeu vidéo, le livre et la presse. En France, toutes ces
filières regroupées ont généré en 2011 un
chiffre d'affaire de 74,6 Milliards d'euros. Près de 80% de ce chiffre a
été réalisé par ces différents secteurs
culturels, les 20% restant proviennent d'activités indirectes induites
par ceux-ci. De même, ils emploient, dans leur totalité, 1,2
millions de personnes en France25. Nous détaillerons les
chiffres de ces différents secteurs d'activité en France en nous
appuyant sur l'étude « 1er panorama des industries
culturelles et créatives, Au coeur du rayonnement et de la
compétitivité de la France26 »
réalisée par le cabinet d'audit E&Y en 2013, les chiffres de
ces différents secteurs d'activité en France.
Ainsi, les arts graphiques et plastiques se placent en tant
que premier employeur des industries culturelles avec 307 716 et au premier
rang économique avec un chiffre d'affaire de 19,8 Milliards
d'euros27. Ces arts, très présents au sein des
musées, ont ainsi permis d'obtenir le chiffre record de 56 millions
d'entrées répartis entre 1 210 musées en
201028.
La filière musicale est l'une des industries
préférée des français. Malgré la chute du
chiffre d'affaire de l'industrie du disque, les concerts et festivals
accueillent de plus en plus de visiteurs et l'audience des radios musicales ou
des sites de streaming est en augmentation. La musique représente une
industrie dont le chiffre d'affaire s'élève à 8,6
Milliards d'euros, et qui emploie 240 874 personnes29.
25 E&Y, France créative «
1er panorama des industries culturelles et créatives, Au
coeur du rayonnement et de la compétitivité de la France
», 2013, p 8, URL :
http://www.francecreative.fr/wp-content/uploads/2013/11/Premierpanoramaeconomiquedesindustriesculturellesetcreativese
nfrance2013.pdf, consulté le 11/02/15
26 E&Y, France créative «
1er panorama des industries culturelles et créatives, Au
coeur du rayonnement et de la compétitivité de la France
», 2013, URL :
http://www.francecreative.fr/wp-content/uploads/2013/11/Premierpanoramaeconomiquedesindustriesculturellesetcreativese
nfrance2013.pdf , consulté le 11/02/15
27 E&Y, France créative «
1er panorama des industries culturelles et créatives, Au
coeur du rayonnement et de la compétitivité de la France
», 2013, p 9, URL :
http://www.francecreative.fr/wp-content/uploads/2013/11/Premierpanoramaeconomiquedesindustriesculturellesetcreativese
nfrance2013.pdf, consulté le 11/02/15
28 E&Y, « Industries culturelles et
créatives en France, panorama économique », 2015, URL :
http://www.francecreative.fr/secteur/arts-graphiques-plastiques/
, consulté le 11/02/15
29 E&Y, France créative «
1er panorama des industries culturelles et créatives, Au
coeur du rayonnement et de la compétitivité de la France
», 2013, p 8, URL :
http://www.francecreative.fr/wp-content/uploads/2013/11/Premierpanoramaeconomiquedesindustriesculturellesetcreativese
nfrance2013.pdf, consulté le 11/02/15
19
Le secteur du spectacle vivant comprend le
théâtre, le spectacle musical, la danse et les arts du cirque et
de la rue. Il emploie 267 713 personnes. Les français consacrent 8,3% de
leur budget culturel à celui-ci30. Son chiffre d'affaire
s'élève à 8,3 Milliards d'euros31.
Le cinéma connait depuis plusieurs années une
fréquentation assidue. En 2011 le secteur a enregistré plus de
200 millions d'entrées, et 70% des français ont
déclaré avoir été au cinéma au moins une
fois dans l'année, prouvant le réel engouement pour
celui-ci32. Cette filière dispose de 105 890 emplois et son
chiffre d'affaire est de 4,3 Milliards d'euros33.
La télévision connait depuis quelques
années une véritable évolution. Avec le
développement d'Internet et de la « télévision de
rattrapage » les programmes tendent vers des contenus plus interactifs et
toujours plus nombreux. Accompagnée par la démocratisation de la
vidéo à la demande et par le développement des
chaînes de la TNT, cette tendance a abouti en 2012 à un nouveau
record, avec une durée moyenne de visionnage de 3h50 par
jour34. Le secteur emploie 176 467
personnes et avec 14,9 Milliards d'euros35, il se classe en seconde
position des chiffres d'affaire réalisés par les industries
culturelles
30 E&Y, « Industries culturelles et
créatives en France, panorama économique », 2015, URL :
http://www.francecreative.fr/secteur/spectacle-vivant/
, consulté le 11/02/15
31 E&Y, France créative «
1er panorama des industries culturelles et créatives, Au
coeur du rayonnement et de la compétitivité de la France
», 2013, p 8, URL :
http://www.francecreative.fr/wp-content/uploads/2013/11/Premierpanoramaeconomiquedesindustriesculturellesetcreativese
nfrance2013.pdf, consulté le 11/02/15
32 E&Y, « Industries culturelles et
créatives en France, panorama économique », 2015, URL :
http://www.francecreative.fr/secteur/cinema/
, consulté le 11/02/15
33 E&Y, France créative «
1er panorama des industries culturelles et créatives, Au
coeur du rayonnement et de la compétitivité de la France
», 2013p 8, URL :
http://www.francecreative.fr/wp-content/uploads/2013/11/Premierpanoramaeconomiquedesindustriesculturellesetcreativese
nfrance2013.pdf, consulté le 11/02/15,
34 E&Y, « Industries culturelles et
créatives en France, panorama économique », 2015,
consulté le 11/02/15, URL :
http://www.francecreative.fr/secteur/television/
35 E&Y, France créative «
1er panorama des industries culturelles et créatives, Au
coeur du rayonnement et de la compétitivité de la France
», 2013, p 8, URL :
http://www.francecreative.fr/wp-content/uploads/2013/11/Premierpanoramaeconomiquedesindustriesculturellesetcreativese
nfrance2013.pdf, consulté le 11/02/15
20
La radio s'appuie sur une audience large et
régulière. En effet, les français l'écoutent en
moyenne 1h34 par jour36. Son chiffre d'affaire s'élève
à 1,5 Milliards d'euros et elle emploie 17 450
personnes37.
Le jeu vidéo représente le marché
numéro un en terme d'exportation au sein des industries culturelles. En
effet, 80% de leur chiffre d'affaire qui s'élève à 4,9
Milliards d'euros, se réalise à l'étranger38.
Cette filière dispose de 23 635 emplois39.
Le livre représente un secteur apprécié
en France, en atteste son chiffre d'affaire de 5,6 Milliards d'euros. 89% des
français déclarent avoir lu au moins un livre par an. En 2011,
plus de 450 Millions de livres ont été vendus. De plus, en termes
de distribution, la France se place en tête des pays européens
avec 25 000 points de ventes, dont 2 500 qui vendent principalement des
livres40. Le secteur emploie 79 613 personnes41.
La presse française réalise un chiffre d'affaire
de 10,6 Milliards d'euros. Ainsi, 69% des français âgés de
15 ans minimum lisent un titre de presse quotidiennement, 43% des
français lisent au moins un quotidien par jour, et 53% un
magazine42. Le nombre de personnes employées dans le domaine
s'élève à 101 93343.
36 E&Y, « Industries culturelles et
créatives en France, panorama économique », 2015, URL :
http://www.francecreative.fr/secteur/radio/
, consulté le 11/02/15
37 E&Y, France créative «
1er panorama des industries culturelles et créatives, Au
coeur du rayonnement et de la compétitivité de la France
», 2013, p 8, URL :
http://www.francecreative.fr/wp-content/uploads/2013/11/Premierpanoramaeconomiquedesindustriesculturellesetcreativese
nfrance2013.pdf, consulté le 11/02/15
38 E&Y, « Industries culturelles et
créatives en France, panorama économique », 2015, URL :
http://www.francecreative.fr/secteur/jeux-video/
, consulté le 11/02/15
39 E&Y, France créative «
1er panorama des industries culturelles et créatives, Au
coeur du rayonnement et de la compétitivité de la France
», 2013, p 8, URL :
http://www.francecreative.fr/wp-content/uploads/2013/11/Premierpanoramaeconomiquedesindustriesculturellesetcreativese
nfrance2013.pdf, consulté le 11/02/15
40 E&Y, « Industries culturelles et
créatives en France, panorama économique », 2015, URL :
http://www.francecreative.fr/secteur/livres/
, consulté le 11/02/15
41 E&Y, France créative «
1er panorama des industries culturelles et créatives, Au
coeur du rayonnement et de la compétitivité de la France
», 2013, p 8, URL :
http://www.francecreative.fr/wp-content/uploads/2013/11/Premierpanoramaeconomiquedesindustriesculturellesetcreativese
nfrance2013.pdf, consulté le 11/02/15
42 E&Y, « Industries culturelles et
créatives en France, panorama économique », 2015, URL :
http://www.francecreative.fr/secteur/presse/
, consulté le 11/02/15
21
III. Le fonctionnement des industries culturelles
1) Les industries de création
Afin de mieux cerner le fonctionnement des industries
culturelles, nous nous appuierons sur un texte de Pierre-Jean Benghozi, «
Mutations et articulations contemporaines des industries
culturelles44 ». Ainsi, les industries culturelles sont
source de richesses marchandes mais également de valeur symbolique et
identitaire. Elles reposent tout d'abord sur une part de création
artistique. La valeur des produits commercialisés par ces industries n'a
aucun lien avec leur prix de fabrication, contrairement aux biens industriels
classiques qui possèdent des caractéristiques formelles (vitesse,
consommation, taille, confort etc...). La valeur des produits culturels tels
que les disques de musique ou bien les films n'est pas définie par
rapport au temps d'écoute, le nombre d'interprètes, ni par le
coût de production, mais essentiellement par le prix attaché
à la qualité perçue des auteurs, de
l'interprétation et de l'oeuvre. Il en résulte une
homogénéisation du prix des biens culturels, et ce,
indépendamment de leur qualité intrinsèque. Les prix de
référence sont déterminés par les structures de
distribution selon leur format de consommation (CD, DVD, livre etc...). Ainsi,
le prix d'une place de cinéma sera le même pour un «
blockbuster » ayant eu un coût de production très important
et un film indépendant ayant eu un coût moindre45.
Aussi lors de la sortie en salle, les distributeurs tente d'occuper le plus
grand nombre d'écrans possible afin d'optimiser les revenus. Cependant
cette stratégie engendre des coûts importants et induit un effet
inflationniste dans la mesure où elle nécessite un succès
immédiat afin de parvenir à un certain niveau de
43 E&Y, France créative «
1er panorama des industries culturelles et créatives, Au
coeur du rayonnement et de la compétitivité de la France
», 2013, p 8, URL :
http://www.francecreative.fr/wp-content/uploads/2013/11/Premier
panorama economique des industries culturelles et creatives e
nfrance2013.pdf, consulté le 11/02/15
44 Pierre-Jean Benghozi « Mutations et
articulations contemporaines des industries culturelles »
Création et diversité au miroir des industries
culturelles, Paris, La Documentation Française, 2006, p 5-6,
consultable en ligne, URL :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00263104/document
45 Pierre-Jean Benghozi « Mutations et
articulations contemporaines des industries culturelles »
Création et diversité au miroir des industries
culturelles, Paris, La Documentation Française, 2006, p 3,
consultable en ligne, URL :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00263104/document
22
rentabilité. Elle est également appliquée
à d'autres secteurs culturels tels que l'édition
littéraire. Les industries culturelles possèdent donc une
importante part d'influence sur la nature économique des produits
culturels et sur leurs modes de production.
Les industries culturelles s'appuient sur des
stratégies industrielles classiques. En effet, l'enjeu majeur de toute
industrie est de fidéliser son public afin d'obtenir une cible toujours
plus large à chaque nouveau produit. Pour les industries culturelles
c'est d'autant plus le cas dans la mesure où elles tentent de minimiser
les risques liés à chaque nouvelle création. Ainsi, elles
opèrent un travail autour de marques et de collections tout en offrant
une place privilégiée à la série, que ce soit dans
le secteur du livre, de la télévision, du cinéma du jeu
vidéo etc...
De la composante créative des industries culturelles il
résulte également un taux de risque élevé
lié à la commercialisation de biens culturels qui sont le
résultat de créations originales et dont le succès est
aléatoire, et ce, quel que soit l'étendue des campagnes de
promotion les accompagnants, la qualité du produit, ou bien encore
l'attractivité supposé du thème du produit. La
possibilité d'échec commercial est présente au sein de
toute activité industrielle, elle se trouve cependant
décuplée, de même que les conséquences d'un
insuccès, lors de la commercialisation de produits culturels. Cette
dimension aléatoire est la raison des modes de
rémunération particuliers au secteur des industries culturelles.
Ainsi, celles-ci sont basées sur des mécanismes permettant de
protéger les producteurs en cas d'échec tout en rétribuant
correctement les contributeurs en cas de succès, tels que le
système des droits d'auteurs ou de « royalties
»46.
2) Les logiques socio-économiques
Afin d'appréhender leurs évolutions actuelles,
il est nécessaire de garder à l'esprit que les industries
culturelles sont anciennes, parfois pluriséculaires et que
46 Pierre-Jean Benghozi « Mutations et
articulations contemporaines des industries culturelles »
Création et diversité au miroir des industries
culturelles, Paris, La Documentation Française, 2006, p 3,
consultable en ligne, URL :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00263104/document
23
leur économie s'inscrit dans la durée. Ainsi,
tous les éléments en place actuellement (les principes
économiques, les règles du droit d'auteur, certaines
stratégies commerciales etc...), sont nées très tôt
dans l'histoire de ces industries. Cette ancienneté entraîne
plusieurs résultantes. Dans un premier temps, un aspect immuable de par
la difficulté à reconstruire de nouveaux modèles
économiques. En second lieu, elle entraîne un effet de
vieillissement au sein de ces industries qui les poussent à
redéfinir régulièrement leurs principes de fonctionnement.
Ainsi dans le secteur télévisé, suite à la
saturation du marché advenue lorsque l'ensemble du territoire a
été équipé d'antennes, la filière a
évolué et s'est repensée. Elle s'est, tout d'abord,
ouverte au privé, puis elle s'est appuyée sur de nouvelles
techniques de transmission comme la TNT, permettant une démultiplication
des chaînes et programmes, elle a également repensé son
modèle d'affaire en proposant de plus en plus au spectateur de financer
directement les opérateurs sous la forme d'abonnements par exemple. Ces
transformations attestent des capacités de redynamisation et de
transformation des industries culturelles.
De nombreux auteurs différents tels qu'Armel Huet,
Patrice Flichy, Bernard Miège et Gaétan Tremblay, se sont
intéressés au fonctionnement des industries culturelles et
notamment à la notion de logiques socio-économiques47.
Ces derniers s'éloignent de l'approche critique,
philosophico-éthique entamée par Adorno et Horkheimer pour
proposer une analyse socio-économique des processus en jeu. Les logiques
socio-économiques représentent les conditions d'organisation des
différentes filières de biens et services culturels ainsi que les
rapports qu'entretiennent les différents acteurs qui y
interviennent48.
Gaétan Tremblay dans son article « La
théorie des industries culturelles face aux progrès de la
numérisation et de la convergence49 », a
défini le concept de logique de la manière suivante : «
Il renvoie à un ensemble de règles qui orientent la
47 Elisabeth Fichez, « Logiques
socio-économiques, mise en marché des biens culturels,
d'information et de formation », 2007, Url :
https://edutice.archives-ouvertes.fr/edutice-00264781/document,
consulté le 12/02/2015
48 Elisabeth Fichez, « Logiques
socio-économiques, mise en marché des biens culturels,
d'information et de formation », 2007, Url :
https://edutice.archives-ouvertes.fr/edutice-00264781/document,
consulté le 12/02/2015
49 Gaétan Tremblay, « La
théorie des industries culturelles face aux progrès de la
numérisation et de la convergence », Sciences de la
Société, n° 40, 1997
24
structuration et le fonctionnement d'un secteur
industriel, qui déterminent les caractéristiques et
l'articulation des fonctions de création, de mise à disposition
et de consommation des produits culturels [...]. Elles structurent le jeu entre
les acteurs, indépendamment de la volonté de chacun d'eux. Elles
décrivent les tendances « macro » du système à
un moment historique particulier 50». Ainsi, il distingue
deux acceptations différentes de ce terme. Tout d'abord les «
conditions structurantes qui définissent les paramètres du
jeu des acteurs dans un secteur donné, à une époque
donnée 51». Puis les « formes
institutionnalisées dominantes que revêtent la marchandisation et
l'industrialisation de la culture, compte tenu des conditions structurantes qui
en balisent les possibilités52 »
Dès 1986, Bernard Miège, Patrick Pajon et Jean
Michel-Salaün, dans leur ouvrage « L'industrialisation de
l'audiovisuel53 » mettent en évidence les deux
logiques socio-économiques fondamentales. La première est celle
d'édition qui délivre un contenu discontinu plus ou moins
durable, reproductible en de nombreuses copies sur support matériel,
payé directement par le consommateur en amont de
l'utilisation54 . Les disques, livres, et films font partie de cette
logique. La seconde est la logique de flot qui délivre un contenu
continu, éphémère et non individualisé. Elle
utilise la technique de la diffusion. De même, son économie est
basée sur le financement indirect par le biais de dotations publiques
(subventions, redevances) ou encore par la publicité55.
Ainsi, cette logique s'applique aux émissions
télévisées ou radiophoniques. A ces deux logiques
s'ajoutent trois autres
50 Gaétan Tremblay, « La
théorie des industries culturelles face aux progrès de la
numérisation et de la convergence », Sciences de la
Société, n° 40, 1997, p 14
51 Id
52 Ibid
53 Bernard Miège, Patrick Pajon, Jean-Michel
Salaün, « L'industrialisation de l'audiovisuel »,
Aubier, 1986
54 Gaétan Tremblay, « La
théorie des industries culturelles face aux progrès de la
numérisation et de la convergence », Sciences de la
Société, n° 40, 1997, p 17
55 Id
25
déterminées par Bernard
Miège56, l'information écrite basée sur les
principes de la continuité et du double marché (achat et
publicité), la production de programmes informatisés et la
retransmission du spectacle vivant. Par la suite, Bernard Miège et
Patrick Pajon proposeront d'ajouter à celles-ci l'économie des
compteurs57 qui est liée à la montée en
puissance des réseaux. Ses fonctions d'édition et de production
sont soumises aux fonctions de programmation et de diffusion. Son
économie s'appuie sur un financement direct des consommateurs en
fonction du temps d'utilisation ou du volume de consultation
(téléchargement d'images ou de musique, éditions
virtuelles par exemple). Le transporteur prend une place importante dans le
relevé des compteurs et la fonction de facturier. Puis, Gaétan
Tremblay et Jean Guy Lacroix admettront la logique de club58. Cette
logique socio-économique est à la source de contenus durables ou
éphémères, continus ou discontinus. Elle est basée
sur une reproduction virtualisée, et son financement se fait de
manière directe et indirecte. Gaétan Tremblay la définit
comme « les membres branchés sur le réseau qui paient une
cotisation mensuelle ». Le consommateur se branche sur un canal de
distribution dont il doit payer les frais d'installation et d'abonnement sans
tenir compte de la consommation (canal + par exemple). Pour finir, Pierre
Moeglin a proposé, dans son ouvrage « Au coeur des recompositions
industrielles de la formation, la question de la médiation59
», la logique de courtage. Il a rassemblé dans ce nouveau champ,
quatre grands types de produits ou services. Tout d'abord les cursus
assurés totalement ou partiellement en télé-enseignement
et en direct, organisés dans le but de réaliser une formation,
tels que les visioconférences. Le financement de ce premier produit se
fait selon la logique de club, c'est-à-dire que le versement s'effectue
au moment de l'inscription. Le second produit englobé par cette logique
socio-économique est la gestion de libres services, qui est
composée de ressources éducatives dans lesquels le consommateur
est libre de naviguer, tel que le service « Après l'école
» proposé par France-Télécom. Son paiement
s'effectue
56 Bernard Miège, « les industries
du contenu face à l'ordre informationnel », Presses
universitaires de Grenoble, 2000, p 43
57 Bernard Miège, Patrick Pajon, «
La syntaxe des réseaux », in Médias et
Communication en Europe, Presses Universitaires de grenoble, 1990, p 249-260
58 Gaétan Tremblay, Jean Guy Lacroix, «
Télévision : deuxième dynastie », Presses
Université Québec, 1991, p 12-15
59 Pierre Moeglin , « Au coeur des
recompositions industrielles de la formation, la question de la
médiation », Actes du colloque de la SFSIC, 1998
26
par le biais d'un forfait lié au temps de connexion. Le
troisième produit relevant de la logique de courtage est
l'éditorialisation de produits-services qui représente
l'édition et la commercialisation de produits à visées
didactiques, sur des sites internet. Pour finir, le dernier produit de cette
catégorie est le développement d'outils-services qui
représente la fourniture d'outils en ligne ou Intranet assurant des
services divers tels que l'assistance à la transaction, le tutorat ou
encore l'archivage. Leur paiement est forfaitaire à l'achat ou lors de
l'implantation.
Il est à noter qu'aucune des logiques ne se substitue
à une autre, elles sont complémentaires et imbriquées les
unes dans les autres.
IV. Evolution des industries culturelles
1) Standardisation des produits
Il est important de souligner que les biens culturels
relèvent de modes de mise en marché différentes de celles
des biens de consommation classique.
Ainsi, nous l'avons dit, les industries culturelles ont besoin
d'une valorisation à grande échelle pour subvenir à leurs
besoins économiques. C'est dans cette tension que réside le
paradoxe des industries culturelles. En effet, une rationalisation trop
systématique permettant de réduire les risques d'échec
d'un produit, tend cependant à gommer toute originalité et donc
toute prise de risque créatif conduisant à une banalisation des
produits culturels. Ce phénomène est d'autant plus
compliqué à gérer dans la mesure où les industriels
ont tendance à dissocier la composante créative et artistique des
produits culturels, de la composante économique. Pourtant, plusieurs
études ont démontré que la création est un
phénomène collectif et que les produits culturels ne se
réduisent pas à la créativité d'un artiste, rendant
ainsi l'acte créatif une conjugaison d'interactions dans une
chaîne de valeur globale.
Par ailleurs, les intermédiaires faisant le lien entre
les créateurs et le marché tiennent un rôle
déterminant. En effet, les producteurs de cinéma, les
directeurs
27
artistiques ou bien les éditeurs littéraires,
doivent se baser sur leur perception des consommateurs afin d'assurer la
sélection des différents projets, puis accompagner leurs
créateurs durant l'élaboration de l'oeuvre. De plus, les produits
culturels étant des biens d'expérience, c'est-à-dire des
biens dont la qualité n'est identifiable qu'une fois le produit
consommé, l'éditeur, au sens générique du terme
endosse un rôle de certificateur potentiel de qualité. Par la
constance de ses choix, il peut offrir au consommateur un niveau ainsi qu'un
type de qualité attendue60.
2) Les industries basées sur la
technologie
Une autre caractéristique essentielle des industries
culturelles est la notion de production et de reproduction, qui est, elle,
fortement soumise à l'influence des technologies61. Ces
industries ont recours à la technologie afin de reproduire oeuvres et
créations singulières, que ce soit une reproduction physique
comme les livres, CD, DVD, une reproduction par la multiplicité des
sources de projection comme le cinéma, une reproduction par la
transmission généralisée comme pour les émissions
radiophoniques ou télévisée, ou bien encore une
reproduction par l'accès permanent par le biais d'internet.
L'économie des industries culturelles repose sur cette massification de
la diffusion, d'autant plus, que cette capacité de reproduction
créé un effet de bénéfice croissant. Le plus gros
de l'investissement se fait lors de la création de l'oeuvre, les
coûts de reproduction et de diffusion sont, quant à eux,
insignifiants. Une fois un film tourné, les coûts liés
à la diffusion en salle ou encore à l'allongement de la
durée de présence du film à l'affiche sont modestes. Les
industries culturelles, par cet aspect, s'inscrivent dans une économie
particulière, nommée économie d'échelle. Ce type
d'économie fonctionne sur une baisse du coût unitaire d'un produit
qu'obtient une entreprise en augmentant la quantité de sa production.
Ainsi, on parlera d'économie d'échelle lorsque le coût de
production
60 Pierre-Jean Benghozi «
Mutations et articulations contemporaines des industries culturelles
» Création et diversité au miroir des industries
culturelles, Paris, La Documentation Française, 2006, p 4,
consultable en ligne, URL :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00263104/document
61 Pierre-Jean Benghozi «
Mutations et articulations contemporaines des industries culturelles
» Création et diversité au miroir des industries
culturelles, Paris, La Documentation Française, 2006, p 5-6,
consultable en ligne, URL :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00263104/document
28
diminuera à chaque production ou reproduction de
bien62. Cependant, ce système économique
possède un écueil non négligeable, la saturation du
marché.
Nous l'avons dit, les industries cultuelles sont fortement
liées aux avancées technologiques. Leur histoire est
émaillée d'adaptation diverses à ces évolutions
technologiques, nous pouvons notamment prendre l'exemple de l'industrie
phonographique. Tout d'abord basée sur le support des 78t, elle a
évolué avec l'apparition des microsillons, puis des cassettes
enregistrées pour parvenir, plus récemment à la
technologie du CD63. Ces évolutions ont permis de relancer
périodiquement les ventes en poussant les consommateurs à
renouveler leurs discothèques. Cet exemple n'est pas isolé, il en
va de même pour l'industrie du livre ou encore du cinéma qui ont
su s'adapter au fil des années aux différentes évolutions
technologiques afin de susciter l'engouement pour leurs produits. Cette
importance de la technologie pour les industries de la culture donne un
véritable pouvoir aux firmes qui contrôlent les technologies et
donc, par extension, les modes de circulation des produits. Celles-ci ont
acquis une telle importance qu'ils sont désormais à même de
peser directement sur l'orientation et le développement des industries
culturelles.
De plus, cette obligation de prendre en compte les nouvelles
techniques et technologies engendrent de profondes transformations. Ces
dernières années, elles ont été confrontées
à l'avènement du numérique qui a bousculé leur
fonctionnement. En effet, numérisation des contenus culturels et
informationnels, nouveaux modes de consommations et même de production de
contenus, ont été les résultantes du numérique.
Pour les acteurs des industries culturelles, (studios de cinéma, majors
du disque, chaînes de télévision etc...) il a fallu se
remettre en question et abandonner des fonctionnements déjà mis
en place depuis de nombreuses années64.
62 Wikipédia, « Economie
d'échelle », Url :
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie
d%27%C3%A9chelle, consulté le 03/02/15
63 Pierre-Jean Benghozi « Mutations et
articulations contemporaines des industries culturelles »
Création et diversité au miroir des industries
culturelles, Paris, La Documentation Française, 2006, p 6,
consultable en ligne, URL :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00263104/document
64 Lucien Perticoz, « Les industries
culturelles en mutation : des modèles en question », Revue
française des sciences de l'information et de la communication,
publié le 06 juillet 2012,
http://rfsic.revues.org/112 ,
consulté le 27/01/2015
29
3) Les réseaux de distribution
Une autre caractéristique importante des industries
culturelles sont les réseaux de distribution. En effet, ces
réseaux pèsent lourd dans l'économie de ces industries
puisqu'ils captent la moitié voire parfois les deux tiers du prix
payé par le consommateur et ce, quel que soit le secteur
concerné. Plusieurs raisons expliquent cette importance de la
distribution. Tout d'abord, la nécessité d'assurer la
distribution physique des oeuvres, et donc l'utilisation de transports, la mise
à disposition des supports et la gestion des infrastructures de
diffusion. La seconde raison tient à la massification des produits,
à leur grande variété ainsi qu'à la
multiplicité des points de vente. Par exemple pour le secteur du livre,
plus de 200 000 titres sont disponibles, édités par plus de 4000
éditeurs différents et à partager et distribuer dans 26
000 points de ventes65.
Comme nous l'avons dit plus avant, le modèle
économique au service des industries culturelles possède une
tendance à la surproduction. Et en effet, si nous nous penchons sur
l'industrie de la télévision qui tend à allonger la
durée de ses programmes et à démultiplier le nombre de ses
chaines (avec des offres qui proposent près de 700 chaines
télévisées), ce constat se confirme. Ainsi, le secteur du
disque ou encore du livre montrent un nombre de produits commercialisés
en forte augmentation. Cependant, bien souvent cette production toujours plus
importante ne s'accompagne pas d'une évolution de la consommation
culturelle. En effet, cet excès semble plutôt correspondre
à la banalisation d'une économie casino. Les producteurs
s'appuient sur des spéculations en commercialisant de nombreux produits
culturels dans l'espoir que l'un d'entre eux rencontrera un succès
important, et ce, au risque d'abandonner d'autant plus rapidement les produits
ne trouvant pas immédiatement leur public. Ainsi, l'économie se
base sur une forme de « star system » dans laquelle il y a une
multiplication de l'offre mais également une concentration croissante
des recettes66.
65 Pierre-Jean Benghozi «
Mutations et articulations contemporaines des industries culturelles
» Création et diversité au miroir des industries
culturelles, Paris, La Documentation Française, 2006, p 8,
consultable en ligne, URL :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00263104/document
66 Pierre-Jean Benghozi «
Mutations et articulations contemporaines des industries culturelles
» Création et diversité au miroir des industries
culturelles, Paris, La Documentation Française, 2006, p 10,
consultable en ligne, URL :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00263104/document
30
Cette concentration qui a lieu au sein des industries
culturelles dans le but de capter l'audience, contrôler le marché
et stabiliser les recettes, pose des barrières importantes pour les
concurrents potentiels. L'uniformisation des contenus vient donc d'un
marché qui fonctionne sur deux plans, les produits fortement
marketés, et les produits à diffusion restreinte qui sont
éclipsés par ces derniers. Ce fonctionnement pose la question du
pluralisme des formes d'expressions artistiques et culturelles accessibles.
La logique du « star system » possède deux
effets économiques qu'il est important de détailler. Le premier
est un effet de cercle vicieux dans la proportionnalité des coûts.
Plus l'écart se creuse entre produits « stars » et
échecs commerciaux ou recettes moyennes, plus les acteurs de la
filière cherchent à investir dans le financement de chaque
produit (que ce soit pour la production, la promotion ou la distribution) afin
de tenter de se distinguer. Le second est dû au fonctionnement qui pousse
à valoriser au maximum les droits dérivés. Deux produits
sont alors à distinguer, celui pour lequel diffuseurs et consommateurs
sont prêts à payer, et les oeuvres qui ne trouvent pas leur public
et qui sont donc parfois obligées d'accepter une diffusion gratuite dans
l'espoir d'acquérir un minimum de visibilité. C'est le cas, par
exemple, des musiciens proposant leurs morceaux en téléchargement
gratuit.
4) Segmentation des marchés
Il est important de rappeler que chaque secteur des industries
culturelles est bien différent, et ce, malgré la tendance des
professionnels à généraliser les situations et les
solutions sans prendre en compte les spécificités des
différents marchés.
Cependant, certaines pratiques sont adaptées au
secteur, en atteste les principes du droit d'auteur.
Les différents marchés possèdent une
segmentation bien différente. Ainsi, la musique contrairement au
cinéma fonctionne en oligopole segmentée entre l'Europe, le Japon
et les Etats Unis. S'il existe une variété « internationale
» répandue dans la
31
majorité des segments du marché, il est
intéressant de noter que les marchés locaux offrent une bonne
résistance avec en France 60% des ventes qui relèvent de la
musique d'expression française.
Chaque secteur de la culture se segmente en plusieurs sous
marchés. Les raisons de cette structuration tiennent essentiellement
à l'existence de plusieurs canaux de diffusion différents au sein
du même secteur (DVD, films télévisés etc...), mais
également au positionnement différencié des acteurs
économiques de ces canaux. Ainsi, nous pouvons prendre l'exemple du
secteur cinématographique dans lequel un film peut être
valorisé dans les salles, sur les chaines
télévisées, et dans la distribution de DVD67.
Ce secteur se segmente en trois grands marchés différents
dû à cette coexistence des canaux de diffusion. Cependant, il est
intéressant de noter que cette coexistence n'est possible que parce
qu'ils fonctionnent sur des modèles complémentaires permettant
d'établir un équilibre entre eux. En effet, un film à gros
budget passera d'abord par les salles de cinéma, puis suite à son
retrait des affiches, il sera diffusé sur les chaines
télévisées spécialisées, ensuite il sortira
en version physique (DVD, Blu-Ray), pour finir par être diffusé
sur les chaines hertziennes. Nous pouvons voir que chacun de ces
marchés, positionnés de manière spécifique,
s'appuient les uns sur les autres tout en évitant de créer des
conflits d'intérêt.
Le second facteur de cette structuration en forme de sous
marché vient de la différence de caractéristiques entre
les produits issus du même secteur. Par exemple pour le secteur du livre
il existe plusieurs marchés qui donnent naissance à des produits
considérés comme des livres mais qui sont pourtant très
différent. La littérature générale, la BD, les
livres jeunesse, les livres scolaires et les ouvrages scientifique sont tous
considérés comme des livres, mais ils possèdent de
nombreuses différences liées à leur format, à leur
modèle d'affaire, à leur structure, à leur coût de
production, à leur fréquence de production à leur tirage
etc...
67 Pierre-Jean Benghozi « Mutations et
articulations contemporaines des industries culturelles »
Création et diversité au miroir des industries
culturelles, Paris, La Documentation Française, 2006, p 12,
consultable en ligne, URL :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00263104/document
32
5) Une faible concurrence
Au sein des industries culturelles la concurrence est
complexe. Pour les industries classiques, le prix d'un bien est relatif au
coût de fabrication. Cependant, nous avons dit que ce n'était pas
le cas pour les biens culturels. Dès lors il est possible de voir une
concurrence directe entre des produits possédant des modes
d'organisation et de création différent. Au cinéma, par
exemple, il n'est pas rare de voir un petit film d'auteur côtoyer le
dernier blockbuster en date, dans les librairies, les mémoires l'ex
compagne du président publiés chez un éditeur reconnu sera
disponible juste à côté d'un roman extrêmement
réfléchi et publié chez un petit éditeur. Il y a
donc, comme nous pouvons le voir, une superposition de modèles
économiques différents dans les mêmes filières et
sur les mêmes marchés.
De même cette situation s'applique à une forme de
concurrence entre majors et indépendants dans les industries
culturelles. Mais elle reste complexe à analyser car nous assistons
parfois à des partenariats entre des acteurs issus de ces deux milieux.
Ainsi, les majors s'appuient souvent sur les indépendants dans le but
d'utiliser leurs capacités de création, tandis que les
indépendants, ne disposant pas de gros moyens financiers,
requièrent souvent l'aide des majors afin de coproduire ou de distribuer
un produit.68
Les industries culturelles ont subi de nombreuses mutations
depuis plusieurs années. De nombreuses dynamiques sont à l'oeuvre
en leur sein et il est important de retenir qu'actuellement on assiste à
une montée en puissance des diffuseurs, une forte concentration sur un
nombre de produits restreint et une surproduction entrainant une production
toujours plus massive et uniformisée ainsi que des coûts
exponentiels. Face à ces tendances un nouvel acteur va parfois s'imposer
et changer la donne, les créateurs indépendants.
68 Pierre-Jean Benghozi «
Mutations et articulations contemporaines des industries culturelles
» Création et diversité au miroir des industries
culturelles, Paris, La Documentation Française, 2006, p 13,
consultable en ligne, URL :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00263104/document
33
V. Les indépendants
1) La notion d'indépendance
L'étymologie du terme indépendance provient du
latin in, qui signifie privé de, et dependere, qui
signifie être suspendu à. Etymologiquement, le mot
indépendance veut dire, ne pas être rattaché
à69.
Dans sa définition courante, l'indépendance
désigne une absence de relations entre différentes choses ou
événements. L'indépendance qualifie également le
refus de toute sujétion, pression ou contrainte, et donc de toute
dépendance. On désigne ainsi la capacité à
être maître de ses idées, sentiments, de sa motricité
et de ses habitudes de vie70.
D'un point de vue politique, l'indépendance est
l'acquisition par un Etat, de son autonomie, ainsi que le fait de ne pas
être soumis à une autre puissance. Celui-ci dispose de son propre
gouvernement et se dirige lui-même.
2) Qu'est-ce que l'indépendance au sein des
industries culturelles ?
Les indépendants existent depuis plusieurs
décennies déjà. Plusieurs genres artistiques et
littéraires tels que les films, l'art, la littérature et bien
d'autres encore, étaient dépendants des structures du
marché privé. Face aux grands conglomérats de la culture
que nous connaissons (Universal, Pathé Gaumont, Gallimard, Hachette...),
des artistes indépendants, parfois réunis en petites
entités, et bien souvent seuls, tentent d'obtenir une part du
marché. Ces derniers, sont autant partie
69 La
Toupie. Org, «
Indépendance »,
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Independance.htm,
consulté le 24/04/14
70
Bibifa.wordpresse.com, «
Indépendance et autonomie »,
https://bibifa.wordpress.com/pour-tout-vous-dire/independance-et-autonomie/,
consulté le 24/04/14
34
intégrante des industries culturelles que les petites,
moyennes, et grandes entreprises culturelles71.
Historiquement, le terme d'indépendant,
utilisé dans le champ des industries culturelles date des balbutiements
de l'industrie cinématographique des Etats Unis. C'est
l'opposition des petits producteurs de cinéma face aux grandes
compagnies hollywoodiennes regroupées sous la Motion Pictures Producers
and Distributors of America, dans la période des années 1940, qui
a donné naissance à cette acception du terme72.
3) Les indépendants face aux « Majors
»
Dans le domaine de la littérature, le terme est
utilisé afin de désigner les petites organisations
disposant d'une structure et d'une dynamique économique
réduites. Bernard Miège les mentionne dans son ouvrage
« L'information-communication, objet de connaissance
73», comme « nombreuses petites unités de
production à côté des firmes monopolistes74
». Il les considère également comme une source de
créativité et une aide permettant de réduire les risques
liés à la production de produits culturels pour les grandes
compagnies. L'étude de la sphère
indépendante et de son essor, nécessite non pas de se
pencher sur le rôle des petites compagnies comme « vaste vivier
créatif pour la grande industrie75 », mais
plutôt de s'intéresser à l'espace laissé par
le grand capital dominant et comblé par
71 LabforCulture, « Les industries
culturelles en Europe »,
LabforCulture.org,
http://www.labforculture.org/fr/ressources-pour-la-recherche/contenu/recherche-en-cible/les-industries-culturelles-en-europe,
consulté le 27/02/15
72 Maria E. Dominguez, « Les
éditeurs indépendants au Chili (2000-2005) : un
développement contemporain des industries culturelles »,
Thèse présentée à la Faculté des arts et
sciences de l'Université de Montréal, 2010, p
2
73 Bernard Miège, «
L'information-communication, objet de connaissance », De boeck
& INA, 2004
74 Bernard Miège, «
L'information-communication, objet de connaissance », De boeck
& INA, 2004, p
78
75 Armel Huet, Jacques Ion, Alain Lefebvre, Bernard
Miège, René Peron, « Capitalisme et industries
culturelles », Presses Universitaires de Grenoble, 1978
35
ces indépendants. Aborder les questions en rapport avec
la force et la direction des échanges culturels, sous-entend se
questionner sur la place laissée aux producteurs locaux et sur les
politiques de développement et de protection des cultures
locales76.
Les industries culturelles sont nées de la
mondialisation, c'est-à-dire l'interdépendance croissante entre
les grands pays, couplée à la naissance d'une économie
mondiale, car la mondialisation sous-entend également une demande de
plus en plus importante pour les biens culturels. L'un des aspects important,
qui suscite débats internationaux et réflexion, a trait aux
produits culturels dont la valeur ajoutée se trouve dans les contenus
transmis. L'augmentation importante de ce type de produit durant les trente
dernières années sont la raison de cet intérêt. Le
livre, la musique, le cinéma, les arts visuels ; la
télévision, la radio etc... ont multiplié par quatre leur
chiffre d'affaire, passant de 95 millions de dollars à plus de 387
millions entre 1980 et 199877. Cependant, cette croissance
exponentielle ne s'applique qu'aux grandes puissances mondiales. Face à
elles, les pays de la périphérie, ne représentent qu'une
part minime du marché, concentrant ainsi le flux de marchandises
culturelles entre un nombre réduit de pays. « L'Amérique
latine et les Caraïbes n'ont représenté que 3 % du commerce
international de biens culturels en 2002, à peine un point de plus qu'en
1992 et loin derrière d'autres régions du monde. L'Océanie
et l'Afrique n'ont pas enregistré de progrès, totalisant ensemble
un peu moins d'un pour cent en 2002. Le Royaume-Uni était cette
année-là le premier pays exportateur de biens culturels avec 8,5
milliards de dollars d'exportation, devant les États-Unis (7,6
milliards) et la Chine (5,2 milliards).78».
Mais ce déséquilibre important n'est que le
premier aspect du problème pour les petits producteurs. La domination et
l'expansion des grands majors des industries culturelles représentent la
suite logique de cette problématique. Nestor Garcia Canclini affirme que
six entreprises détiennent 96% du marché mondial de la
76 Maria E. Dominguez, «
Les éditeurs indépendants au Chili (2000-2005) : un
développement contemporain des industries culturelles »,
Thèse présentée à la Faculté des arts et
sciences de l'Université de Montréal, 2010, p 4
77 Unesco, « Study on
International Flows of Cultural Goods between 1980-1998 », Unesco,
2000
78 Unesco, « Echanges
internationaux d'une sélection de biens et services culturels, 1994-2003
», Unesco, 2005
36
musique depuis 1990 : EMI, BMG, Universal Polygram, Phillips,
Sony et Warner79. De même, ces grands majors détiennent
de nombreuses maisons d'éditions, studios et labels au sein des pays de
la périphérie. De cette appropriation découle le
contrôle et donc par extension la standardisation. Les droits d'auteurs
revenant aux grandes entreprises transnationales, celles-ci possèdent le
contrôle sur la production, la diffusion et la circulation des
créations.
Cette expansion des grandes corporations à l'ensemble
des médias a pour conséquence de repousser la production
indépendante vers des niches spécialisées80.
4) Le discours de l'indépendance
Des chercheurs ont analysé l'apparition de nouveaux
genres musicaux et de petits labels de musique en s'appuyant en partie sur des
recherches effectuées par Edgar Morin. Ce dernier, dans «
L'esprit du capitalisme81 » s'est penché sur la
tension entre le créateur et l'organisation productive. Selon lui, la
nature même de la production culturelle empêcherait son parfait
fonctionnement dans un système bureaucratique. Il existe une tension au
sein des industries culturelles entre, les tendances et pratiques issues de
l'industrie et, d'autre part, les tendances issues du coté
créatif qui lutte pour un pouvoir culturel. Ainsi, il est possible
d'établir un lien entre l'émergence de ces nouveaux genres
musicaux et le discours de l'indépendance et de l'alternatif chez les
créateurs. Ils seraient donc un moyen de lutter pour l'autonomie
à l'intérieur du champ musical82.
79 Nestor Garcia Canclini «
Todos tienen cultura. Quiénes pueden desarrollarla? »
Conférence sur la Culture et le développement, Washington,
2005.
80 Maria E. Dominguez, «
Les éditeurs indépendants au Chili (2000-2005) : un
développement contemporain des industries culturelles »,
Thèse présentée à la Faculté des arts et
sciences de l'Université de Montréal, 2010, p 7
81 Edgar Morin, « L'esprit du capitalisme
», Grasset, 1962
82 Maria E. Dominguez, «
Les éditeurs indépendants au Chili (2000-2005) : un
développement contemporain des industries culturelles »,
Thèse présentée à la Faculté des arts et
sciences de l'Université de Montréal, 2010, p 8
37
Depuis plusieurs années, la notion d'indépendant
est considérée comme une valeur ajoutée aux produits
culturels. Dans tous les domaines culturels, nous pouvons constater
l'émergence de systèmes permettant de reconnaitre les
créations indépendantes. C'est le cas des
évènements dits indépendants comme les festivals
cinématographiques de Sundance, Biarritz et Buenos Aires, ou encore le
festival de Roskilde en musique. Ces derniers représentent donc un moyen
de faire reconnaitre les oeuvres présentées en tant
qu'indépendantes. De même, la notion d'indépendance s'est
vue associée par une certaine presse et une certaine critique aux
notions d'innovation, de qualité, d'originalité et de respect de
l'autonomie de l'auteur83.
Pierre Bourdieu dans son ouvrage « Langage et Pouvoir
symbolique84 » décrit l'indépendance comme une
défense contre la perte d'autonomie portée « par l'intrusion
de la logique commerciale à tous les stades de la production et de la
circulation de biens culturels85 ». Elle tenterait de
contrebalancer le rapport entre capital symbolique et économique, qui,
influencé par une recherche du « profit maximum à court
terme » dégagerait une nouvelle esthétique qui s'imposerait
« de plus en plus largement à l'ensemble des productions
culturelles 86»
5) Les indépendant dans l'industrie
musicale
a) Les labels indépendants
Dans le domaine musical, le terme d'indépendant
s'applique aux labels, c'est-à-dire aux structures de production de
disques87. Ainsi, l'industrie se segmente en deux types de maisons
de disque.
83 Id
84 Pierre Bourdieu, « Langage et Pouvoir
symbolique », Points essais, 2001
85 Pierre Bourdieu, « Langage et Pouvoir
symbolique », Points essais, 2001, p 76
86 Pierre Bourdieu, « Langage et Pouvoir
symbolique », Points essais, 2001, p 79
87 Wikipédia, «
Label Indépendant », URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Labelind%C3%A9pendant,
consulté le 03/03/15
38
- Les Majors, qui fonctionnent selon des règles bien
précises. L'artiste ou
le groupe est dans l'obligation de fournir à la maison
de disque un nombre déterminé d'album dans une durée de
temps limitée. Il est également possible que le contrat entre les
deux partis (Major et artiste), exige un certain pourcentage des ventes de la
part de l'artiste ou du groupe. Ainsi, au sein des grosses maisons de disque,
la création est soumise à des règles imposées
entrainant une perte de sa valeur artistique. Nous dénombrons
actuellement trois Majors dominant l'industrie du disque à travers le
monde. Représentant 71,7%88 des ventes de productions
musicales sur le marché mondial, elles se partagent les parts de
marché de la manière suivante : 38,9% pour la
société française Universal Music Group, 21,5% pour
l'organisme japonais Sony Music Entertainment, et enfin 11,3% pour l'entreprise
américaine Warner Music Group89.
- Les labels indépendants, ont pour seule règle la
réalisation d'un
nombre déterminé d'albums à
réaliser fixé par l'artiste et la maison de disque lors de la
signature du contrat. On considère comme labels indépendants les
structures de production de disques qui ne sont pas sous la houlette des
grandes compagnies de l'industrie. Dans ce contexte, l'artiste, moins soumis
à des contraintes de temps et de pourcentages, possède une plus
grande liberté de création laissant une marge plus importante
pour la diversité culturelle et l'originalité. Il existe
près de 450 labels
indépendants à travers le monde90 qui
se partagent entre 10 % et 30 % du marché
du disque. Ils endossent parfois le rôle
d'intermédiaire entre majors et artistes émergents. A l'inverse,
ils peuvent également acquérir les droits d'enregistrements
d'artistes abandonnés par les majors auxquelles ils étaient
liés, d'enregistrements anciens et délaissés, ou encore
introuvables permettant de remettre à disposition du public ces
enregistrements. Il est important de noter que malgré leur nom, les
labels indépendants sont très souvent dépendants des
grands conglomérats de la musique pour la distribution des disques de
leurs artistes. Les majors contrôlent la totalité des contacts
médias ainsi que l'accès aux lieux de vente et l'expertise des
directeurs
88 Wikipédia, « Majors (industrie
musicale) », URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Major(industriemusicale),
consulté le 03/03/15
89 Id
90 Wikipédia, « Liste de labels
indépendants », URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Listedelabelsind%C3%A9pendants,
consulté le 03/03/15
39
commerciaux91. Les majors sont également
dans une certaine mesure dépendantes des petits labels. Afin de
réduire les risques d'échecs commerciaux, les grandes entreprises
du disque gardent un oeil sur les ventes des artistes affiliés aux
labels indépendants afin de s'approprier les artistes ayant
rencontré un certain succès92.
b) Naissance des indépendants dans l'industrie du
disque
Les labels indépendants ont connu leur âge d'or
avec la musique Rock entre les années 1960 et 1980, mais leur apparition
remonte à la création de l'industrie du disque. Pour comprendre
leur portée historique, il est nécessaire de remonter dans les
années 1920 aux Etats-Unis. Cette période est marquée par
l'apparition de nombreuses petites enseignes discographiques qualifiées
d'indépendantes et spécialisées dans la musique noire
(essentiellement du blues ou du jazz) alors interdite à la diffusion.
Face à la crise économique de 1929, la plupart de ces labels
déposèrent leur bilan ou furent absorbées par des
majors93.
C'est dans les années 1950 que le terme
indépendant réapparait au sein de l'industrie musicale. En effet
à cette époque, l'ASCAP (American Society of Composers, Authors,
and Publishers), association créée en 1914, dont le rôle
était de protéger les intérêts des différents
éditeurs et compositeurs et qui concédaient les droits de
diffusion aux médias, censurait systématiquement la musique noire
publiée par les quelques labels indépendants. C'est alors que
commencèrent à apparaître les radios pirates qui
émettaient illégalement dans le monde entier. Leur
répertoire se constituait essentiellement des chansons de jazz et de
blues censurées94.
En 1939 une association rivale de l'ASCAP a été
créée, la BMI (Broadcast Music Incorporated). Elle était
destinée à représenter les nombreux artistes, compositeurs
et éditeurs jusqu'alors ignorés. Une bataille entre les deux
associations
91 Barbara Lebrun, « Majors et labels
indépendants », Vingtième Siècle, Revue
d'histoire, n° 92, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P), 2006, p 33-45
92 Id
93 Wikipédia, « Label
Indépendant », URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Labelind%C3%A9pendant,
consulté le 03/03/15
94 Wikipédia, « Label
Indépendant », URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Labelind%C3%A9pendant,
consulté le 03/03/15
40
a eu lieu pendant plusieurs années, mais la BMI
survécut, notamment grâce à son appropriation dans les
années 50, d'un nouveau genre de musique né des mains d'artistes
noirs tels que Chuck Berry : le Rock'N'Roll. A son apparition, au début
des années 1950, le Rock'N'Roll passe par de nombreux petits labels
indépendants tels que Chess Records ou encore Sun Records qui est
à l'origine de la publication des cinq premiers albums d'Elvis
Presley.
Les années 1960, voit, avec le développement de
la contre-culture, apparaître l'idée d'une musique marginale
réservée aux initiés. Qualifiée d'underground
(souterraine), ce sont les labels indépendants, qui ont pris alors une
certaine importance, qui en héritent.
Dans les années 2000, la crise du disque touche la
plupart des grandes sociétés de l'industrie. Ainsi en 2004,
Warner aurait mis un terme à près de 100 contrats. Cependant,
face à cette crise, de nombreux labels indépendants se sont
distingués par des styles musicaux différents et en
séduisant une clientèle déçue par l'offres des
grandes maisons de disque. Ainsi, nous pouvons prendre l'exemple du label belge
PIAS (Play It Again Sam), dont le chiffre d'affaire a augmenté de 20% en
2003 grâce à la production d'artistes tels que Franz Ferdinand, ou
encore le label anglais Beggars Banquet qui a doublé son chiffre
d'affaire avec le succès du groupe The White Stripes. C'est grâce
à l'application d'une politique de niche (stratégie commerciale
consistant à ne répondre qu'à un segment du
marché), que les indépendants ont réussi à garder
leur public.
De nos jours, l'influence des labels indépendants et
des majors s'est fortement réduite. Avec l'apparition d'Internet, les
possibilités d'enregistrement et de diffusion permettent aux nouveaux
talents de produire leurs premières chansons seuls afin de se lancer
dans une carrière musicale. Si bien que de nombreux artistes reconnus
tels que Madonna, Coldplay ou encore Prince ont quitté leur maison de
disque afin de se produire eux-mêmes95.
95 Wikipédia, « Label
Indépendant », URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Labelind%C3%A9pendant,
consulté le 03/03/15
41
6) Les indépendants dans l'industrie
cinématographique
a) Les films indépendants
Dans l'industrie cinématographique, le terme
indépendant se réfère au cinéma indépendant
qui représente l'ensemble des oeuvres produites hors des
conglomérats médiatiques et ayant eu une certaine autonomie par
rapport aux méthodes de production, conventions et politiques du
cinéma populaire, tels que le cinéma amateur ou encore le
cinéma expérimental96. Il est important de souligner
que cette catégorie a donné naissance à de nombreux
succès internationaux tels que Rambo97, Pulp
Fiction98, Reservoir Dogs99, American History
X100, ou encore, plus récemment, Paranormal
Activity101.
Face à l'avènement des blockbusters cumulant de
plus en plus d'entrées, le cinéma indépendant est en passe
de s'appuyer sur de nouvelles méthodes de financement. Ainsi, la finance
participative, ou crowdfunding, semble être une alternative idéale
pour les réalisateurs à la recherche d'un financement mais ne
désirant pas, ou n'ayant pas la possibilité d'avoir recours au
circuit traditionnel. Ce modèle, attrayant pour les cinéastes
amateurs ou peu connus, fonctionne si bien que des réalisateurs dont la
notoriété n'est plus à faire ont décidé de
passer également par ce procédé afin de réaliser
leurs projets personnels ces derniers ne correspondant pas forcément aux
attentes des grosses boîtes de production. Nous pouvons, par exemple,
citer le film « Veronica Mars102 », ou bien encore «
Salty »103,
96 Wikipédia, « Cinéma
indépendant », URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9maind%C3%A9pendant,
consulté le 06/03/15
97 Ted Kotcheff, « Rambo », 1983
98 Quentin Tarantino, « Pulp Fiction
», 1994
99 Quentin Tarantino, « Reservoir Dogs
», 1992
100 Tom Kaye, « American History X », 1999
101 Oren Peli, « Paranormal Activity »,
2009
102 Rob Thomas, « Veronica Mars », 2014
103 Gilbert, « Cinéma indépendant et
finance participative : les 3 clefs du succès », Good
Morning
Crowdfunding ! L'actualité du Financement Participatif,
URL :
http://www.goodmorningcrowdfunding.com/la-finance-participative-la-solution-parfaite-pour-le-cinema-independant/,
publié le 04/08/2014, consulté le 06/03/2015
42
qui est le prochain film que désire réaliser
Simon West, réalisateur du premier film « Tomb Raider104
».
Cette méthode de financement nouvelle semble
correspondre parfaitement au fonctionnement du cinéma
indépendant. En effet, dans un premier temps, ne passant pas par un
grand studio pour financer le projet, un film produit par le biais du
financement participatif est donc indépendant. De cette absence de lien
avec une entité supérieure résulte des contraintes moins
importantes puisque le réalisateur n'aura pas à répondre
à un cahier des charges précis et établi par la
boîte de production. Ainsi, il pourra laisser libre cours à sa
liberté créative afin de réaliser le film correspondant
à ses attentes personnelles. Dans un second temps, une véritable
implication du public qui va verser une somme pour la réalisation du
projet permet de créer un lien entre le réalisateur et son
public. Ainsi, Simon West, à travers sa campagne lancée pour son
prochain projet, « Salty », propose aux différents
contributeurs d'obtenir des parts sur les profits que réalisera son
film, renforçant ainsi ce le lien105. Il démontre par
ailleurs que le profit financier, qui occupe une place très importante
dans le circuit traditionnel de l'industrie cinématographique, semble
perdre de son intérêt pour les réalisateurs
indépendants dont les motivations principales restent la passion et le
plaisir des fans.
b) Réseaux de distribution
Dans l'industrie cinématographique, les contraintes
économiques ainsi que les nouvelles technologies ont engendré une
évolution du secteur. Cette mutation s'est faite par le biais d'une
véritable réorganisation de la filière de distribution et
de diffusion et par la concentration des diffuseurs. La naissance des multiplex
a conduit en France à une très forte concentration des
entrées sur très peu d'établissements,
104 Simon West, « Lara Croft : Tomb Raider »,
2001
105 Id
43
près de 40% des entrées sont effectuées
par 4% des cinémas106. Face à cette concentration, se
met en place des groupements de salles d'art et d'essai qui comptabilisent 25%
de la fréquentation107. Comme nous l'avons dit
précédemment, les industries culturelles ont conduit le
marché cinématographique à la multiplication du nombre
d'oeuvres produites et à la réduction de leur diffusion et de
leur exposition au public. Cette évolution de l'économie vers une
forme de star system tend à interroger la place qu'occupent les circuits
indépendants d'exploitation. En France, le circuit de distribution
indépendant est composé de 873 établissements d'art et
d'essai108. La mention art et essai se fait en prenant en compte le
nombre de séances proposées avec à l'affiche des films
recommandés art et essai. En dehors de ces établissements, il
existe un réseau de ciné-clubs possédant une influence
restreinte puisque réservé aux passionnés et aux
étudiants, mais également de salles municipales qui s'appuient
sur les collectivités locales, et de médiathèques dont le
but est la conservation d'un patrimoine culturel. L'implantation des multiplex
en s'accaparant un grand nombre d'entrées, entraîne un effet
cascade sur les stratégies des différents établissements,
les salles grand public se tournant vers le cinéma d'art et d'essai pour
ne pas être en concurrence directe avec eux, et les salles d'art et
d'essai se rabattant sur le cinéma de recherche. Léo Anselme et
Max Sanier, dans leur ouvrage « Les salles traditionnelles face aux
multiplex en Rhône Alpes109 » démontrent que la
proximité avec un multiplex entraîne plusieurs effets sur la
fréquentation et les stratégies adoptées, et notamment
l'impossibilité pour un établissement de proposer une offre
cinématographique complémentaire et diversifiée. Toujours
selon ces auteurs, les salles soutenues par les collectivités sont dans
l'obligation de cibler un nouveau public, tandis que les salles privées
se voient offrir deux options afin d'éviter de disparaître : le
basculement dans le giron public,
106 Damien Rousselière, «
Cinéma et diversité culturelle : le cinéma
indépendant face à la mondialisation des industries culturelles
», Horizons philosophiques, vol. 15, n° 2, 2005, p. 101, URL:
http://id.erudit.org/iderudit/801295ar,
consulté le 06/03/15
107 Id
108 Damien Rousselière, «
Cinéma et diversité culturelle : le cinéma
indépendant face à la mondialisation des industries culturelles
», Horizons philosophiques, vol. 15, n° 2, 2005, p. 113, URL:
http://id.erudit.org/iderudit/801295ar,
consulté le 06/03/15
109 Léo Anselme, Max Sanier, «
Les salles traditionnelles face aux multiplex en Rhône Alpes
» , Rapport de l'ARSEC pour le CNC et la Région
Rhône-Alpes, 2001
44
ou la mutation en multiplex110. La multiplication
des multiplex, alimentés essentiellement par les blockbusters
américain met non seulement en péril la défense du
cinéma français face au cinéma américain, mais
également les petits exploitants grand public111. Le
cinéma indépendant français est soutenu par plusieurs
associations : l'ACID (Agence pour le Cinéma Indépendant et sa
Diffusion), l'AFCAE (Association Française des Cinémas d'Art et
d'Essai), le GNCR (Groupement National des Cinémas de Recherche), mais
également par plusieurs chaines de distribution tels que les
cinémas Utopia ou encore le circuit Les Ecrans de Paris112.
Les associations telles que l'AFCAE, le GNCR ou bien encore l'ACID, ayant pris
conscience du danger que représentent les multiplex pour les
indépendants apportent leur soutien chaque année à une
quarantaine de films dans près de 300 salles françaises, par le
biais d'animations telles que des avants premières, reprises ou
création de cycles, rencontres avec des comédiens ou
réalisateurs113. Sur un plan local, de nombreuses
associations soutenant les salles indépendantes ont été
créées. Elles sont, pour la plupart regroupées au sein du
GNCR qui les représente au niveau national. Leur but est de
développer l'activité de ses membres tout en promouvant certains
films. Ainsi, elles vont agir sur la négociation de films. Les droits
d'exploitation d'une oeuvre cinématographique se font par le biais d'un
contrat avec les structures chargées de la distribution et de la
production. Ces dernières préfèrent, en
général, s'engager avec des salles à forte
fréquentation privilégiant donc les multiplex. La concurrence ne
se fait donc pas uniquement sur le plan de la fréquentation, mais
également sur l'accès aux films. Les associations locales ont
donc pour rôle de négocier ces éléments afin
d'obtenir les meilleurs contrats pour les salles adhérentes. De
même, elles vont travailler sur l'identité des structures
indépendantes en proposant des animations collectives.
110 Damien Rousselière, « Cinéma et
diversité culturelle : le cinéma indépendant face à
la mondialisation des industries culturelles », Horizons
philosophiques, vol. 15, n° 2, 2005, p. 113-114, URL:
http://id.erudit.org/iderudit/801295ar,
consulté le 06/03/15
111 Graeme HAYES, «Mobilisation anti-multiplex :
où l'action locale retrouve l'exception culturelle», Colloque
« Les mobilisations altermondialistes », Paris, 3-5 décembre
2003
112 Wikipédia, « Cinéma indépendant
», URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9maind%C3%A9pendant,
consulté le 06/03/15
113 Damien Rousselière, « Cinéma et
diversité culturelle : le cinéma indépendant face à
la mondialisation des industries culturelles », Horizons
philosophiques, vol. 15, n° 2, 2005, p. 114, URL:
http://id.erudit.org/iderudit/801295ar,
consulté le 06/03/15
45
Le développement des multiplex, nous l'avons vu, met en
péril les cinémas commerciaux grand public des petites et
moyennes villes. Cependant, il n'en va pas de même pour les
cinémas art et essai. Les chiffres tendent à démontrer que
la naissance d'un établissement multiplex a plutôt tendance
à fidéliser les spectateurs des salles d'art et d'essai,
notamment les établissement jouant un rôle de proximité et
de suivi avec son public en lui proposant des tarifs avantageux, des animations
etc... Ces salles entretiennent donc un rapport particulier avec leurs usagers
qui peut être vu comme une appropriation du cinéma par les
spectateurs dans un cadre d'éducation populaire pour les cinés
clubs et les salles d'association permanentes, ou de gestion collective du
patrimoine cinématographique pour les
cinémathèques114.
Les établissements considérés comme
indépendants des grands réseaux de diffusion, possèdent
donc un soutien de la part de nombreuses associations (promotion collective,
formation, aide à l'accès aux films, accompagnement...). Dans un
contexte de surproduction et d'hyperconsommation, l'obtention de droits de
diffusion, l'élargissement du public, ou encore l'accès aux
dernières techniques et technologies devient difficile pour les salles
indépendantes. Face à un secteur industriel fortement
contraignant, l'avenir de ces établissements semble donc se trouver dans
la négociation de marges de manoeuvres plus
importantes115.
114 Damien Rousselière, « Cinéma et
diversité culturelle : le cinéma indépendant face à
la mondialisation des industries culturelles », Horizons
philosophiques, vol. 15, n° 2, 2005, p. 115, URL:
http://id.erudit.org/iderudit/801295ar,
consulté le 06/03/15
115 Damien Rousselière, « Cinéma et
diversité culturelle : le cinéma indépendant face à
la mondialisation des industries culturelles », Horizons
philosophiques, vol. 15, n° 2, 2005, p. 116, URL:
http://id.erudit.org/iderudit/801295ar,
consulté le 06/03/15
46
Chapitre 2 : Jeux vidéo
I. Qu'est-ce qu'un jeu vidéo ?
1) Le jeu
Tout d'abord, afin de comprendre ce qu'est un jeu
vidéo, il est nécessaire de donner une explication de la notion
de jeu. Ce terme, particulièrement difficile à définir,
peut prendre de nombreuses formes différentes. Toutefois, nous allons
nous pencher sur le jeu de « divertissement » et mettre en avant ses
caractéristiques récurrentes. Ainsi, le sociologue Roger Caillois
dans son ouvrage « les Jeux et les Hommes116 », a
proposé six règles immuables définissant ce qu'est un jeu
:
- La liberté : le jeu est une activité libre,
non imposée. Le jeu imposé
n'est pas un jeu. Il sera tout au plus une activité
agréable mais non ludique.
- La séparation : La pratique du jeu est
délimitée dans l'espace et le
temps, qu'ils soient réels ou imaginaires. Par exemple,
le terrain de foot ainsi que les 90 minutes de temps de jeu, ou encore la table
de jeu.
- L'incertitude : L'issue finale du jeu n'est pas connue à
l'avance.
- L'improductivité : Le jeu est une pratique superflue,
elle ne produit ni
bien, ni richesse. En effet, les jeux d'argents ne sont qu'un
transfert de richesse.
- Les règles : Le jeu est soumis à des
règles qui lui sont propres. Ces
dernières ne sont modifiables que par le joueur, et
suspendent les lois ordinaires.
- La fiction : Le jeu est une action fictive, en dehors de la vie
courante,
capable d'absorber le joueur, tout en lui laissant conscience de
la réalité.
116 Roger Caillois, « les Jeux et les
Hommes », Gallimard, 1958
47
A ces six principes nous pouvons ajouter la notion
d'équilibre. En effet, le jeu est un équilibre construit sur une
succession de moments de tension et de détente. Caillois ajoute à
cette définition quatre catégories de jeux : ceux qui reposent
sur la compétition, le simulacre, le hasard, et enfin ceux qui ont pour
objet de procurer une impression de vertige. Il énonce que les jeux ne
sont pas réglés et fictifs mais qu'ils sont plutôt ou
réglés ou fictifs.117
Cependant, malgré cette définition qui donne les
aspects de base du jeu, il est important de noter que le jeu tel qu'on l'entend
dans notre société actuelle, est complètement
différent de celui des générations antérieures et
certainement différent de celui que l'on rencontrera dans le futur. De
plus, la vision du jeu change également selon les
sociétés.
2) Le jeu vidéo
Le jeu vidéo est un terme constitué d'une
association de deux mots, jeu et vidéo. Cependant, comme le souligne
Stéphane Natkin dans son ouvrage « jeux vidéo et
médias du XXIème siècle 118», le terme
« vidéo » n'est pas réellement approprié, car le
jeu vidéo, excepté la nature du signal transmis entre la
télévision et le joueur, n'a pas de réel rapport avec la
vidéo. Selon lui, il conviendrait mieux de les nommer « jeux
informatiques » « jeux numériques » ou « jeux
interactifs ». De même, l'auteur explique que les jeux vidéo
peuvent prendre différentes formes et sont liés à des
comportement sociaux très variés «jeux individuels pour
consoles et PC, jeux festifs pour les salles d'arcade, jeux collectifs
s'apparentant à un sport d'équipe, jeux persistants sur internet
réunissant des centaines de participants dans une société
où les règles sont créées de toutes pièces,
jeux sur téléphone mobile qui visent à la création
de courtes parties entre quelques joueurs anonymes119
».
117 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004, p 5
119 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004, p 2, 3
48
Bernard Jolivalt dans son livre « Les jeux
vidéo120 » dit que « Le jeu vidéo est un
environnement informatique qui reproduit sur un écran un jeu dont les
règles ont été programmées. »
Une définition de ce qu'est le jeu vidéo, a
également été proposée par Sébastien Genvo,
Professeur et Maître de conférence à l'Université de
Limoges, dans son article « réflexions ludologiques121
» au sein duquel il explique que l'objet vidéo-ludique est un art
de la représentation et de la narration fictionnelle et en même
temps un système de simulation. Dans ce même article il va
également expliciter le mot « gameplay », terme ancré
dans l'univers vidéo-ludique également désigné par
jouabilité en français et désignant la façon dont
le jeu se joue122. Ainsi il s'appuie sur une réflexion de
Jacques Henriot pour préciser la définition des mots game et play
(en Français il n'existe qu'un seul mot alors qu'en anglais il en existe
deux : game et play). Le mot game désigne un « système de
règles que le joueur s'impose de respecter pour mener à bien son
action 123» tel un jeu avec des règles et le mot play
« l'action menée par celui qui joue 124» comme un
jeu sans règles, spontané et créatif. « Il faut donc,
si l'on veut appréhender le phénomène jeu dans sa
totalité, discerner la part de jouer (play) qui entre dans
l'accomplissement d'un jeu (game)125 »
Contrairement au jeu non informatisé dans lequel le
joueur a la nécessité de connaître au préalable les
règles et les objectifs, le joueur de jeu vidéo n'est pas
obligé de prendre connaissance des règles. Il peut les
découvrir au fur et à mesure de sa progression dans le jeu. Comme
l'explique Patricia Greenfield dans « les jeux vidéo comme
instruments de socialisation cognitive », « le plus
intéressant à propos du jeu vidéo considéré
comme un système complexe peut-être au fait que personne
120 Bernard Jolivalt, « Les jeux vidéo
», Que sais-je, 1994, p 127
121 Sébastien Genvo « réflexions
ludologiques121 », dans « Les jeux vidéo,
un bien culturel ? » Médiamorphoses, 22, Paris, INA/Armand
Colin, 2008
122
http://encyclopedie.linternaute.com/definition/1080/7/gameplay.shtml,
consulté le 10/10/2014
123 Jacques Henriot, « Sous couleur de jouer
», Paris, José Corti, 1989, p 98
124 Jacques Henriot, « Sous couleur de jouer
», Paris, José Corti, 1989, p 109
125 Jacques Henriot, « Le jeu», Presses
Universitaire de France, 1983, p 51
49
ne vous fournit les règles à l'avance.
Celles-ci doivent être découvertes par l'observation, par des
tâtonnements, essais et erreurs126 ».
Sébastien Genvo a proposé une
schématisation du déroulement d'un jeu vidéo au sein de
son article « les conditions de validité de l'immersion
vidéoludique : pour une approche descriptive de la jouabilité
127». Cette dernière se déroule en quatre
étapes : le joueur passe de la phase manipulation durant laquelle une
quête lui est proposée à une phase d'acquisition des
compétences nécessaires puis à la réalisation de la
performance et enfin la phase de sanction négative ou positive.
Cependant, il est à noter que les jeux proposent la
plupart du temps des niveaux de difficulté différents afin de
s'adapter à la dextérité du joueur.
II. Les différentes plates-formes de jeu
Il est important de noter que les jeux vidéo sont
destinés à tourner sur des plateformes différentes. Ainsi,
Nicolas Auray et Myriam Davidovici-Nora, dans leur livre « L'industrie
des jeux vidéo : caractéristiques socio-économiques et
principales tendances d'évolution 128» ont
segmenté le marché du jeu vidéo en quatre partie.
Celles-ci représentent les différents supports permettant de
faire tourner des jeux vidéo. Ces quatre segments sont :
- Les consoles de salon : Celles-ci doivent obligatoirement
être reliées à
un téléviseur. Elles offrent une puissance
graphique importante grâce à des composants évolués.
Cependant, leur architecture est finale, elles ne sont pas modifiables une fois
commercialisées, leur puissance restera toujours la même. Les
consoles de salon proposent la plupart du temps une manette en guise de
126 Patricia Greenfield, « les jeux vidéo comme
instruments de socialisation cognitive », Persée, 1994, p
47
127 Sébastien Genvo, « Caractériser
l'expérience du jeu à son ère numérique : pour une
étude du "play design" »,
http://www.ludologique.com/publis/articlesenligne.html,
2008, consulté le 29/04/2014
128 Nicolas Auray et Myriam Davidovici-Nora, «
L'industrie des jeux vidéo : caractéristiques
socio-économiques et principales tendances d'évolution »,
Projet PANIC, Telecom, Paristech, 2010, p 9
50
contrôleur. Le support de mémoire utilisé
pour les jeux est actuellement le Blu-Ray offrant une capacité
très importante. Cependant, elles disposent dorénavant d'un
disque dur intégré permettant de stocker de nombreuses
données. Par ailleurs, il est à noter que depuis quelques
années elles se rapprochent de plus en plus de l'ordinateur personnel en
proposant un vrai centre multimédia capable de lire photos,
vidéos, musiques mais également d'accéder à
internet, de louer des films et bien plus encore. Ces plateformes
représentent le marché principal de l'industrie
vidéo-ludique. Selon une étude réalisée par GFK, la
vente de jeu vidéo à destination des consoles de salon
représente 72% du chiffre d'affaire global de l'industrie
vidéo-ludique129. Ses principaux acteurs sont Sony, Microsoft
et Nintendo.
- Les consoles portables : Consoles fonctionnant à l'aide
de batterie
rechargeable ou encore de piles. Le plus souvent
équipée d'un écran intégré dans un
contrôleur de jeu elles permettent de jouer dans n'importe quelle
situation. Disposant d'une puissance de calcul moins importante que les
consoles de salons, elles proposent dans certain cas des alternatives de
gameplay (Nintendo DS130).
- Les ordinateurs personnels : Support le plus puissant. Leur
architecture
est ouverte, il est toujours possible d'acheter
différents composants afin d'améliorer la puissance de sa
machine. Par ailleurs ces derniers sont en constante évolution. Une
machine achetée à un moment donnée sera donc rapidement
dépassée et nécessitera l'achat de meilleurs composants
afin de pouvoir faire tourner les derniers jeux vidéo au maximum de leur
qualité. L'ordinateur personnel utilise le duo clavier/souris en guise
de contrôleur. Celui-ci propose des possibilités plus importantes
qu'une manette de console. Il est à noter que l'utilisation de
l'ordinateur n'est pas limitée au jeu vidéo, mais propose un vrai
centre multimédia permettant de lire vidéos, musiques, photos, de
rédiger du texte, de surfer sur le net et bien plus encore. Pour ce
faire, celui-ci dispose d'un système d'exploitation, qui consiste en un
logiciel pilotant les dispositifs matériels et recevant les instructions
de l'utilisateur ou d'autres logiciels. Le marché du jeu vidéo PC
représente environ un tiers du marché
129 Marie-Gabrielle Cheron, Benoît Danard, avec la
collaboration de la Direction de l'audiovisuel et de la création
numérique, Valérie Bourgoin, Lionel Prévot, Laurent
Mahuteau, « Le marché du jeu vidéo en 2013 »,
Centre national du cinéma et de l'image animée, direction
des études, des statistiques et de la prospective, édité
par la direction de la communication, 2014, p 5
130 La Nintendo DS pour Dual Screen, propose deux écrans
dont un tactile sur une console de poche.
51
du jeu sur console. Les principaux éditeurs sont,
Vivendi Universal Games (détenant Activision Blizzard), Electronic Arts
et Microsoft. Le marché nord-américain représente 51% des
50 plus grosses ventes mondiales de jeu PC, l'Europe 31%, et le Japon
18%131.
- Les bornes d'arcade : La borne d'arcade est un
dérivé du jeu d'arcade.
Ce dernier prend la forme d'une machine de divertissement
équipée d'un monnayeur. Le jeu d'arcade a donné naissance
à de nombreux jeux tels que les flippers, les machines pousse jetons, le
jeu de la taupe, le pachinko ou bien encore les machines attrape peluche. La
borne d'arcade prend également la forme d'un meuble offrant la
possibilité de jouer à un jeu vidéo moyennant quelques
pièces de monnaie. Cette dernière est un cas un peu à part
car ouverte à tous. Accessible dans des lieux publics tels que les bars,
aéroports etc... elle n'est, en général, pas une console
que l'on possède.
- Téléphones portables et tablettes : Depuis de
nombreuses années, les
téléphones portables, outre leur fonction
d'appel téléphonique, proposent différents jeux afin de
distraire son possesseur (Snake, casse brique...). Cependant avec l'apparition
des smartphones et l'évolution de leur puissance, des jeux de plus en
plus complexes ont été développés pour cette
plate-forme. La 3ème édition du « Livre blanc
132» publié par le Syndicat National du Jeu
Vidéo, dresse un bilan de cette nouvelle plate-forme de jeu. «
Avec plus de 400 applications et jeux nouveaux, chaque jour, les smartphones et
les tablettes se sont durablement installés dans le paysage
vidéoludique mondial. A tel point qu'Apple par exemple présente
désormais son IPad comme la nouvelle console de jeux, portable. Et
l'engouement du très grand public pour ces jeux plus simples
d'accès et au temps de jeu réduit ne se dément
pas.133 ». Il est à noter que les smartphones sont
désormais de véritables
131 Nicolas Auray, Myriam Davidovici-Nora,
« L'industrie des jeux vidéoo : caractéristiques
socio-économiques et principales tendances d'évolution
», Projet PANIC, Telecom Paristech, 2010, p 14
132, Syndicat National du jeu vidéo (SNJV),
« Eléments clés du jeu vidéo en France en 2013,
3e édition du Livre Blanc », 2013
133 Syndicat National du jeu
vidéo (SNJV), « Eléments clés du jeu vidéo
en France en 2013, 3e édition du Livre Blanc », 2013
52
centres multimédias proposant de nombreuses fonctions
allant de la capture de vidéo, la prise de photo, ou encore
l'enregistrement audio, et l'accessibilité à internet.
Deux phénomènes en particulier ont
contribué à la normalisation du jeu sur téléphone
mobile. Dans un premier temps, le taux de pénétration croissant
des smartphones. En effet, avec un écran large, une puissance de calcul
de plus en plus importante, ainsi qu'une augmentation de la capacité de
stockage, ils proposent désormais une très bonne
expérience de jeu. Dans un second temps, le développement de la
technologie 3G permettant à l'utilisateur d'accéder à des
portails de jeux et de télécharger des applications. C'est Apple,
grâce à son entrée dans le secteur en 2008, qui a
démocratisé le modèle des applications mobile. Dès
2009, 17 millions d'Iphones, 13 millions d'Ipod Touch sont vendus et 25000
applications sont disponibles sur le service AppStore qui a enregistré
plus d'un milliard de téléchargements depuis sa mise en
service134.
III. Structure de l'industrie vidéo-ludique
1) Les processus de production
L'objet vidéo-ludique, avant d'apparaître sur le
marché, subit un long processus de création, de
développement, de financement, de promotion et de diffusion. Nous
pouvons compter sept étapes principales entrant dans le processus :
Tout d'abord, la phase de développement : c'est
l'étape de conception et de réalisation du jeu. C'est à ce
moment là qu'intervient ce qu'on appelle le studio de
développement, qui représente en réalité
l'équipe de programmation.
Puis, une phase de marketing : après ou quelquefois
pendant l'étape de développement du jeu, l'équipe de
développement entame la recherche d'un éditeur,
c'est-à-dire de l'entreprise qui va publier et diffuser le jeu.
Evidemment lors de la production de suites à des jeux à
succès cette étape n'est pas nécessaire, les
développeurs étant soumis à des contrats
d'exclusivité avec leur éditeur. L'éditeur va
prendre en charge le financement, la communication, la
fabrication et
134 Nicolas Auray, Myriam Davidovici-Nora,
« L'industrie des jeux vidéo : caractéristiques
socio-économiques et principales tendances d'évolution
», Projet PANIC, Telecom Paristech, 2010, p 18
53
la commercialisation du produit. Ainsi les éditeurs
vont proposer à la presse spécialisée et aux salons de
jeux vidéo de présenter le projet à l'aide de trailers, de
screenshots, de démos et de journées promotionnelles. Ensuite,
viennent les négociations avec les revendeurs : Il s'agit d'entretenir
et de développer le réseau de grossistes, de centrales d'achat et
de lieux de vente nécessaires afin de vendre le maximum de produits et
de négocier les meilleures conditions de vente. La phase de localisation
permet d'adapter le jeu au marché local en procédant à la
traduction, au réenregistrement des dialogues et à la
recomposition de la jaquette. Le pressage et packaging du jeu correspond
à la fabrication et impression des jaquettes et manuels d'utilisation.
Puis viens l'étape du conditionnement et transport sur les
différents lieux de vente. Pour finir, le trade marketing consiste
à motiver les vendeurs et à assurer la mise en valeur du produit
dans le magasin.
Ces différents acteurs sont structurés en
filières. Selon l'Association des Producteurs d'oeuvres
Multimédia (APOM), l'industrie vidéo-ludique, dans sa
totalité a employé plus de 10 000 personnes en France en 2008
réparties dans plus de 430 entreprises135.
a) Les studios de développement
Nous l'avons dit, la première étape de la
chaîne de production d'un jeu vidéo est la conception du jeu
vidéo par des studios de développement. Ces entreprises sont de
taille très variable, mais dans la grande majorité des cas elles
appartiennent à la catégorie des petites et moyennes entreprises
(PME)136. Les studios de développement peuvent
posséder deux statuts différents, indépendants, ou
intégrés à des éditeurs. On distingue parmi eux les
« First-Party-Publishers », qui ne possèdent aucune
indépendance face aux éditeurs, et les «
Third-Party-Publishers », qui au contraire en gardent une. Un «
First-Party-Publishers » est un studio de développement qui est
intégré au producteur de console, ou encore à
l'éditeur de
135 Nicolas Auray, Myriam Davidovici-Nora,
« L'industrie des jeux vidéoo : caractéristiques
socio-économiques et principales tendances d'évolution
», Projet PANIC, Telecom Paristech, 2010, p 19
136 Serge Kancel, Jérôme Itty,
Morgane Weill, Bruno Durieux, «L'apport de la culture à
l'économie en France », Inspection Générale des
Finances, Inspection Générale des Affaires Culturelles, 2013, p
161
54
jeu. Il peut utiliser le nom de l'éditeur (Nintendo,
Ubisoft Montréal, Sega...) ou posséder un nom qui lui est propre
(Polyphony Digital qui appartient à Sony). Un «
Second-Party-Publisher » est un studio indépendant ayant
été racheté par un éditeur « comme Game Freak,
racheté par Nintendo ou Naughty Dog par Sony ». Pour finir, un
« Third-Party-Publisher » est un studio de développement
totalement indépendant, pouvant néanmoins, avoir des accords
d'exclusivité avec certains éditeurs (Insomniac Games
possède, par exemple, des accords d'exclusivité avec
Activision-Blizzard). Ainsi, nous l'avons dit les studios de
développement sont des PME comptant entre 50 et 200 personnes
présentant des profils différents.
- Game designer
Le rôle du game designer est de définir le jeu
dans son ensemble et d'assurer la cohérence de ce dernier. En effet, un
jeu vidéo, c'est avant tout un gameplay, c'est-à-dire un ensemble
de règles du jeu qui, en s'assemblant, créent un système
de jeu. C'est le rôle du game designer que d'inventer ces règles,
mais aussi de les arranger entre elles pour équilibrer la
difficulté afin d'éviter la frustration du joueur. Ainsi, il doit
anticiper toutes les réactions des joueurs pour éviter toute
situation bloquante.
- Level designer
Le level designer est à l'origine de la création
des niveaux au sens architectural. Il place des objets basiques (par exemple
sols, murs, pièges, obstacles...) dans l'environnement dans le but
d'avoir un gameplay satisfaisant. De plus, il donne les chemins que devra
suivre le joueur et établit la difficulté générale
du jeu137.
- Graphiste 2D
Le graphiste 2D conçoit les décors et
personnages selon les idées du game designer. Son rôle peut
être comparé à celui d'un dessinateur de bande
dessinée. En effet, comme son nom l'indique, le graphiste 2D
représente les personnages et les décors uniquement selon des
angles précis138.
- Graphiste 3D
137 Jérémy Pichon, «
Travailler dans le jeu vidéo : Les métiers de la
création à l'édition »,
http://www.afjv.com/press1103/110316metiersjeuxvideo.php,
publié le 16/03/11, consulté le 11/10/14
138 Jérémy Pichon, «
Travailler dans le jeu vidéo : Les métiers de la
création à l'édition »,
http://www.afjv.com/press1103/110316metiersjeuxvideo.php,
publié le 16/03/11, consulté le 11/10/14
55
Le graphiste 3D est spécialisé dans la
création en trois dimensions. S'apparentant plus à de la
sculpture, les compétences qu'il possède sont en tout point
différentes de celles du graphiste 2D139.
- Animateur
L'animateur a pour mission de mettre en mouvement les objets
et les personnages créés, en tenant compte du gameplay et du
scénario du jeu.
- Sound designer
Le sound designer définit la musique et donc l'ambiance
générale du jeu. Il va également enregistrer les
dialogues, les bruits dans le jeu et les bruitages sur les menus et les actions
du joueur.
- Programmeur
Le programmeur écrit dans un langage adapté les
codes informatiques qui serviront à contrôler l'image et le son en
fonction des actions du joueur. C'est lui qui créé l'intelligence
des ennemis, code le comportement du personnage....
- Testeur
Le testeur quant à lui, doit trouver la totalité
des bugs et des défauts du jeu, en plus d'évaluer la
difficulté et d'assurer un fonctionnement total du projet. Notant toutes
ses remarques, il doit ensuite soumettre des rapports précis sur les
incohérences.
- Traducteur
Le traducteur, comme son nom l'indique, est chargé de
traduire non seulement les dialogues, mais également les
éléments du menu ainsi que les inscriptions présentes au
sein du jeu. Il s'occupe aussi de la localisation
(géomarketing) du jeu140.
Ainsi, nous pouvons voir que ces équipes de
développement mêlent des professionnels spécialisés
dans la création et des experts des éléments techniques du
jeu vidéo.
139 Le forum dessiné, « Les
métiers du jeu vidéo »,
http://www.forum-dessine.fr/index.php?id=06047,
consulté le 11/10/14
140 Nicolas Auray, Myriam Davidovici-Nora,
« L'industrie des jeux vidéoo : caractéristiques
socio-économiques et principales tendances d'évolution
», Projet PANIC, Telecom Paristech, 2010, p 21
56
L'initiative de la création d'un jeu provient de
l'éditeur lorsque ce dernier commande une suite, ou du
développeur lorsqu'il s'agit d'un concept original. Dans le premier cas,
l'éditeur impose un cahier des charges. Le studio de
développement cède alors tous ses droits liés à sa
création à l'éditeur qui le rémunère sous
forme de forfait, l'intégralité de la production étant
financée par l'éditeur. Dans le second cas, le studio doit
autofinancer son projet durant la phase de conception. Celui-ci est ensuite
proposé à un éditeur sous forme de prototype. S'il est
accepté, le jeu entre alors en phase de pré-production. Dans ce
second cas, l'éditeur et le studio de développement se partagent
les droits, ce dernier est alors rémunéré sous forme
d'avances sur royalties, puis de royalties lors de la vente du jeu. L'avance
sur royalties est fixe et ne dépend donc pas du succès du jeu.
Cependant, un nouveau modèle basé sur le
financement participatif se développe de manière croissante.
Celui-ci fera l'objet de la deuxième partie de ce travail de
recherche.
Selon les résultats d'une analyse141
réalisée par l'Inspection Générale des Finances et
l'Inspection Générale des Affaires Culturelles, le nombre de
studios de développement en France s'élèverai à 154
studios, qui emploierait 1 600 salariés en 2011, pour un chiffre
d'affaires de 175 M€142.
b) Les éditeurs de jeux vidéo
Le rôle premier des éditeurs de jeu vidéo,
est de produire physiquement les copies du jeu, donc le support, l'emballage et
la notice. Sa seconde mission est de s'occuper de la stratégie marketing
à adopter, et donc, par extension de sa promotion. Il est
également, dans la plupart des cas, la source de financement du
141 Serge Kancel, Jérôme Itty, Morgane Weill,
Bruno Durieux, «L'apport de la culture à l'économie en
France », Inspection Générale des Finances, Inspection
Générale des Affaires Culturelles, 2013, p
161
142 Serge Kancel, Jérôme Itty, Morgane Weill,
Bruno Durieux, «L'apport de la culture à l'économie en
France », Inspection Générale des Finances, Inspection
Générale des Affaires Culturelles, 2013, p
162
57
jeu, il détient donc les droits de
propriété intellectuelle. A ce titre, il définit les
plateformes sur lesquelles le jeu pourra être lu.
L'industrie du jeu vidéo est basée sur une
économie du risque. Le modèle d'affaire (business model) de cette
l'industrie repose essentiellement sur le grand succès d'un nombre
limité de titres. Selon une étude du cabinet Zalis, sur les 5 000
titres lancés mondialement chaque année, seuls environ 200
permettent un retour sur investissement et seuls une vingtaine de titres
générera des revenus importants pour les éditeurs. Ces
quelques jeux sont représentés par les licences a succès
que l'on voit déclinées chaque année, Call of Duty, GTA,
Assassin's Creed, Fifa, Pro Evolution Soccer.
Toujours selon l'étude Zalis, le développement
d'un jeu à gros budget représenterait un investissement de 20
million d'euros sur trois ans143, cette somme se répartissant
à part égale entre le développement du produit et le
marketing pour son lancement. Ces titres ont pour but d'atteindre rapidement
les têtes de ventes afin de rapporter des bénéfices
importants pour financer les échecs passés ou à venir.
En somme, peu d'éditeurs peuvent assumer le risque de
lancer de nouvelles licences innovantes. Au niveau mondial, Electronic Arts,
Sony, Microsoft, Ubisoft, Take 2 et Activision Blizzard représentent les
six éditeurs les plus importants144.
Cependant, la pérennité de ce modèle est
remise en cause. L'accroissement des coûts de développement et de
promotion des jeux nuit au succès commercial de ces derniers. De plus,
ce système se basant sur le principe de suites de jeux appartenant aux
mêmes licences, un sentiment de lassitude, menaçant à moyen
terme le marché, pourrait apparaitre chez les consommateurs.
Selon les résultats d'une analyse145
réalisée sur la base de l'annuaire des entreprises du jeu
vidéo par l'Inspection Générale des Finances et
l'Inspection
143 Serge Kancel, Jérôme Itty, Morgane Weill,
Bruno Durieux, «L'apport de la culture à l'économie en
France », Inspection Générale des Finances, Inspection
Générale des Affaires Culturelles, 2013, p 163
144 Serge Kancel, Jérôme Itty, Morgane Weill,
Bruno Durieux, «L'apport de la culture à l'économie en
France », Inspection Générale des Finances, Inspection
Générale des Affaires Culturelles, 2013, p 163
58
Générale des Affaires Culturelles, 45
éditeurs comptant 1 789 effectifs auraient été en
activité en 2011. Le chiffre d'affaire de ces sociétés se
serait élevé à 1,8 Milliards d'euros la même
année.
c) Les prestataires spécialisés
Les jeux vidéo atteignant des degrés de
complexité de plus en plus importants, ainsi qu'un coup de production en
hausse constante, les sociétés de développement font de
plus en plus souvent appel à des sous-traitants Ces derniers sont
positionnés sur le segment du « middleware » ou sont experts
sur une partie du jeu, tel que l'aspect sonore. Nicolas Auray et Myriam
Davidovici-Nora expliquent ce qu'est le « middleware » dans leur
ouvrage « L'industrie des jeux vidéo : caractéristiques
socio-économiques et principales tendances d'évolution
», « Les moteurs intègrent plusieurs parties : rendu
graphique, son, détection de collisions, IA146, etc. Les
moteurs sont l'objet d'investissements lourds et servent sur plusieurs jeux.
Ces parties peuvent elles-mêmes être développées par
d'autres et ré-utilisées sous la forme de « kits clés
en main ». Ainsi, la Source Engine147 de Valve contient le
moteur physique Havok fait par une autre société. Quelques
moteurs sont open source148. 149»
Parmi ceux-ci, les producteurs de hardware150 et
d'accessoires sont les plus actifs avec 230 millions d'euros de chiffre
d'affaire répartis entre 11 entreprises employant un effectif total de
350 personnes. En seconde place paraît la presse
145 Id
146 Intelligence Artificielle
147 Le Source Engine est un moteur de jeu 3D
créé par la société Valve Software en 2004 pour les
besoins de ses jeux. Celui-ci prend en charge graphisme, son, réseau et
physiques. Cette technologie est également proposée à
d'autres sociétés, ou aux développeurs amateurs par le
biais de kits de développement.
148 « Open source »
désigne un logiciel dans lequel le code source est à la
disposition du grand public
149 Nicolas Auray, Myriam Davidovici-Nora,
« L'industrie des jeux vidéo : caractéristiques
socio-économiques et principales tendances d'évolution
», Projet PANIC, Telecom Paristech, 2010, p 21
150 « Hardware » Désigne le matériel
informatique en général
59
spécialisée dans le domaine vidéo-ludique
avec 143 millions d'euros de chiffre d'affaire, puis les autres prestataires
techniques, 140 millions d'euros151.
d) Les distributeurs
La commercialisation des produits vidéo-ludiques
repose sur deux réseaux différents, les
généralistes (grandes surfaces, FNAC...) et les
spécialisés (Magasins spécialisés dans le jeu
vidéo type Micromania, Strata Games, GameStop). Ceux-ci sont
alimentés par les éditeurs, ou des distributeurs
spécialisés responsables de la logistique. Le réseau
logistique et son efficacité sont deux aspects importants pour
l'économie vidéo-ludique. En effet, un jeu vidéo
enregistre l'essentiel de ses ventes lors des premières semaines suivant
sa sortie, le titre disparaissant des rayons en moins d'un an. Le marché
du jeu vidéo ne fonctionne donc que par la
nouveauté152.
La distribution est le plus gros employeur du secteur avec
2960 effectifs en 2011. Son chiffre d'affaire s'est élevé
à 1,5 milliard d'euros la même année153.
e) Le coût d'un jeu vidéo
La production d'un jeu console « AAA »,
c'est-à-dire issu d'une grosse licence pour utiliser le jargon propre au
domaine, demande en moyenne entre 50 et 300 personnes pour un budget
supérieur à 15 millions d'euros. Par exemple, le dernier
151 Serge Kancel, Jérôme Itty,
Morgane Weill, Bruno Durieux, «L'apport de la culture à
l'économie en France », Inspection Générale des
Finances, Inspection Générale des Affaires Culturelles, 2013, p
164
152 Nicolas Auray, Myriam Davidovici-Nora,
« L'industrie des jeux vidéo : caractéristiques
socio-économiques et principales tendances d'évolution
», Projet PANIC, Telecom Paristech, 2010, p 24
153 Serge Kancel, Jérôme Itty,
Morgane Weill, Bruno Durieux, «L'apport de la culture à
l'économie en France », Inspection Générale des
Finances, Inspection Générale des Affaires Culturelles, 2013, p
164
60
jeu issu de la licence GTA, Grand Theft Auto V154,
développé par le studio Rockstar North sur Playstation 3 et Xbox
360 s'est avéré être le jeu le plus cher de l'histoire. En
effet, son développement a demandé 300 personnes et s'est
étalé sur une durée de 5 ans pour un budget total
(promotion du jeu incluse) de 225 millions d'euros155.
Sur PC le développement d'un titre
offline156 nécessite en moyenne 60 à 120 personnes sur
une période de 2 ans environ pour un budget de 20 millions d'euros. Pour
les jeux en ligne massivement multi-joueurs (MMOG), le budget est
supérieur, 40 millions d'euros en moyenne157.
Pour les jeux à destination des consoles portables le
budget moyen s'élève à 3 millions d'euros, quant aux
smartphones, le développement d'une application demande un budget allant
de 5 000 à 100 000 euros.
2) L'économie du secteur
vidéo-ludique
Résumé des ventes des différentes
générations de consoles :
Première génération : Quelques millions
d'exemplaires
Seconde génération : 70 millions d'exemplaires
Troisième génération : 79 millions
d'exemplaires
Quatrième génération : 89 millions
d'exemplaires
Cinquième génération : 265 millions
d'exemplaires
Sixième génération : 290 millions
d'exemplaires
154 Grand Theft Auto V, édité par Rockstar Games,
développé par Rockstar North, 2013
155 Margaux Duquesne, « GTA V le jeu de tous les records
», URL :
http://www.linformaticien.com/actualites/id/30281/gta-v-le-jeu-de-tous-les-records.aspx,
publié le 17/09/13, consulté le 15/11/14
156 « Offline » Jeu qui se joue hors ligne
157 Nicolas Auray et Myriam Davidovici-Nora, «
L'industrie des jeux vidéo : caractéristiques
socio-économiques et principales tendances d'évolution »,
Projet PANIC - Telecom, Paristech, 2010, p 22
61
Septième génération : 465 millions
d'exemplaires
Vente des différentes consoles de salon par
génération
Fin 2011, on estime à 60 Milliard158 de
dollars le marché du jeu vidéo dans le monde, avec une hausse de
9 Milliard de dollars prévue pour 2012. Avec 47% de foyers
équipés d'au moins une console de salon en France, on peut dire
que le jeu vidéo est devenu une pratique incontournable.
Mais qui sont les véritables gagnants de cette
explosion du marché vidéoludique ?
Il faut savoir que le prix hors taxe d'un jeu vidéo
pour console est découpé en quatre. 35% de ce prix va à la
grande distribution, 14% au studio de développement du jeu et 51% va
à l'éditeur, sur ces 51% l'éditeur reverse environ 22% au
fabricant de la console sur laquelle le jeu tourne. Lorsque l'on sait que les
trois plus gros fabricants de consoles (Nintendo, Sony, et Microsoft) font
également partie des éditeurs les plus actifs du marché,
on se rend compte que les fabricants de consoles sont ceux qui
génèrent le plus de bénéfices, et qu'ils
détiennent l'avenir du secteur.
158 Source IDG
62
IV. Classification des différents types de jeux
vidéo
Les jeux vidéo sont légion et très
différents les uns des autres, c'est pourquoi, comme pour tout produit,
tel que la musique, ou encore le cinéma, ils sont classifiés en
différentes catégories, elles même séparées
en sous catégories. La presse spécialisée donne en
général une classification des jeux vidéo en quatre genres
: les jeux d'action, d'aventure, de stratégie et de sport. Cependant,
ces différentes catégorisations sont peu précises, en
atteste la presse spécialisée qui range certains jeux dans
plusieurs catégories différentes selon les titres de presse. Les
frères Le Diberder dans leur ouvrage « L'univers des jeux
vidéo159 » ont proposé une classification
scientifique précise de laquelle s'est inspiré Stéphane
Natkin dans son ouvrage « Jeux vidéo et média du
XXIè siècle 160» afin d'en proposer une
version simplifiée basée sur le gameplay. Nous nous
appuierons sur cette dernière dans les lignes qui suivent. Il
est à rappeler que cette catégorisation relève d'une part
de subjectivité. Il n'y a pas de consensus sur la normalisation des
critères de ces dites catégories, ce qui créé de
nombreuses incohérences et des avis divergeant. Ainsi, nous assistons
souvent à un chevauchement de plusieurs catégories pour un seul
et même jeu. Ce phénomène est chose commune dans le monde
des jeux vidéo. Il est important de se rappeler que les
différentes classifications qui vont suivre ne sont pas exhaustives,
mais regroupe les catégories les plus citées par les
professionnels du domaine. Nous découperons cette classification en deux
parties, les jeux solo et les jeux multi-joueurs.
1) Jeux solo
Dans les jeux solos nous pouvons distinguer quatre grandes
classes : les puzzles, les jeux de stratégie, les jeux d'action et les
jeux d'aventure161. Chacune de ces familles dose différemment
l'agon (la compétition), l'aléa, l'ilinx (le vertige) et la
159 Le Diberder Alain & Frédéric, «
L'univers des jeux vidéo », La Découverte, 1998
160 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004
161 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004, p 7
63
mimicry (l'interprétation d'un rôle de
composition) en résultant une diversification des profils des
joueurs162.
- Les jeux de puzzle, reprennent, pour la plupart, les jeux
classiques à
succès afin de les adapter en version numérique,
l'ordinateur prenant la place de l'adversaire. Ainsi nous pouvons voir des
adaptations du Monopoly, du jeu de go, des échecs etc... Dans ces jeux
vidéo, les règles sont connues de l'ordinateur et du joueur
dès le début de la partie, donnant un aspect symétrique.
Ce point provient du fait qu'initialement ce sont deux joueurs humains qui
s'affrontaient lors de ces jeux classiques. Cette symétrie est ce qui
caractérise les jeux vidéo dits de puzzle163.
- Les jeux de stratégie placent le plus souvent le joueur
dans la peau
d'un personnage omniscient avec pour but de gérer un
univers virtuel. Ainsi, le joueur devra retracer les grandes guerres de
l'histoire en commandant différents bataillons, ou encore bâtir un
empire via des unités mises à sa disposition. Son
intérêt réside dans la complexité des règles
qui régissent cet univers et donc dans la subtilité des
stratégies applicables pour remplir les objectifs. Ces jeux
présentent un défi intellectuel face à de nombreux choix
possibles. L'univers graphique de ceux-ci emprunte à celui des cartes,
offrant une vision globale telle que celle d'un dieu164.
- Contrairement aux deux catégories
précédentes, les jeux d'action sont
beaucoup moins axés sur les capacités
intellectuelles du joueur. Le principal attrait ludique du jeu d'action est
basé sur la dextérité. Plusieurs sous-genres font partie
de cette catégorie, nous en détaillerons quelques-uns au cours de
ces lignes. Commençons par les jeux de combat opposant le plus souvent
deux personnages pouvant être incarnés par des joueurs ou par
l'ordinateur dans une arène. Le but est d'éliminer l'adversaire
en lui portant des coups, chaque touche de la manette étant
associée à un coup différent. Les jeux de tir, dont les
plus gros représentant sont les
162 Nicolas Auray, Myriam Davidovici-Nora, «
L'industrie des jeux vidéo : caractéristiques
socio-économiques et principales tendances d'évolution
», Projet PANIC - Telecom Paristech, 2010, p 6
163 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004, p 7
164Id
64
FPS165, nous mettent dans la peau d'un combattant
utilisant diverses armes. Il faut alors éliminer les vagues
d'adversaires contrôlées par l'ordinateur à l'aide des
moyens mis à disposition. Les jeux de plate-forme, nous permettent
d'incarner un personnage dont le principal ennemi est représenté
par les pièges disséminés dans les niveaux. Les jeux de
rythme, quant à eux, demandent au joueur d'appuyer sur les
différents boutons de la manette selon un rythme
imposé166.
- Les jeux d'aventure représentent un genre très
scénarisé. Ceux-ci
suivent une trame narrative et placent le joueur en
héros de l'histoire contée. Celui-ci est confronté
à diverses énigmes ou phases d'action. Mais
l'intérêt du jeu reste la narration audiovisuelle sous-jacente.
Encore une fois, de nombreux sous genres sont annexés par cette
catégorie. Nous avons par exemple les jeux d'horreurs, également
appelé survival horror, nous mettant dans une situation plus que
délicate face à des monstres cauchemardesques et
représentant le pendant vidéo-ludique des films
d'horreur167. Ou bien encore les jeux de Point and click, terme qui
signifie littéralement pointer et cliquer et qui désigne un
gameplay où l'utilisateur utilise un dispositif de pointage pour
désigner sur l'écran l'élément avec lequel il veut
interagir, puis un appui sur ce dispositif déclenche une action.
De nombreuses autres classes de jeux sont souvent
citées, mais du point de vue du gameplay, ils sont une combinaison des
trois catégories citées précédemment, nous pouvons
donc les considérer comme faisant partie intégrante de
celles-ci.
Ainsi nous pouvons parler des jeux de sports individuels,
basés sur le même principe que les jeux d'action, mais offrant un
réalisme plus poussé. Les jeux de sports collectif, ajoutent un
aspect de stratégie en proposant la gestion de l'équipe par le
joueur mêlant ainsi les deux catégories citées. Les jeux de
rôle, également appelés RPG168, et autres
action-RPG, entraînent le joueur dans un univers onirique
165 « FPS » First Person Shooter
166 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004, p 8
167 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004, p 9
168 Role Playing Game, en français : Jeu de rôle
65
afin de résoudre de nombreuses énigmes et de
triompher des pires monstres. Ils sont basés sur le même principe
que les jeux d'aventure, mais la gestion de l'inventaire, et l'apprentissage
des règles de jeu s'apparentent à ceux d'un jeu de
stratégie. Les jeux d'action/aventure, empruntent, comme leur nom
l'indique aux jeux d'actions et aux jeux d'aventure. Les principaux obstacles
opposés au joueur sont liés à des phases d'action. Ce type
de jeu regroupe par exemple les jeux d'infiltration, mettant le joueur dans la
peau d'un espion devant s'introduire le plus discrètement possible en
territoire ennemi169.
Pour terminer avec les jeux solos, il existe un second
critère de classification autre que le gameplay : la durée d'une
partie. Une partie représente le déroulement du jeu
jusqu'à aboutissement à la réussite du joueur. Il existe
trois types de jeux vidéo différents selon ce critère :
- Les jeux ne se jouant pas sous forme de partie. Ceux-ci sont
souvent
des simulations écologiques, sociales ou
économiques et n'ont pas de fin à proprement dire. Ils empruntent
au fonctionnement du tamagotchi, à savoir, gérer des personnages
virtuels (animaux, personnage, ville...), sans but réel à
atteindre. La seule notion d'échec présente dans ces jeux est la
mort de tous les personnages. Cette catégorie est
représentée notamment par la série des «
Sims170 », mais également de «
Simcity171 », et bien d'autres titres. La notion de
réussite dans ces jeux est extrêmement relative. En effet,
qu'est-ce qu'une ville bien gérée, ou des relations sociales bien
entretenues ?172
- La seconde catégorie regroupe les jeux dont les parties
sont courtes,
de quelques minutes à une demi-heure. Contenant
essentiellement des jeux d'action, et plus particulièrement les jeux
dits « d'arcade » ceux-ci, basés sur les réflexes du
169 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004, p 10, 11
170 « Les Sims », édité par
Electronic Arts, et développé par Maxis
171 « SimCity », développé par
Maxis
172 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004, p 14
66
joueur et possèdent des règles simples et
rapidement assimilables. Un des intérêts de cette catégorie
est la comparaison des scores obtenus sur le jeu173.
- La dernière catégorie rassemble donc logiquement
les jeux dont les
parties peuvent durer plusieurs dizaines d'heure. Les jeux
d'aventure et de stratégie représentent l'essentiel de cette
catégorie. Basés soit sur des règles complexes à
apprendre, soit sur une narration sur le long terme, ces jeux proposent des
parties longues174.
2) Les jeux multi-joueurs
Les jeux solos proposent pour la plupart un mode
multi-joueurs. Les univers ainsi que la catégorie dans laquelle ces jeux
sont classés sont donc les mêmes. Cependant, les motivations du
joueur et par conséquent le gameplay sont en général
très différent. Le jeu multi-joueurs possède un aspect
social. Celui-ci peut être soit coopératif, les différents
joueurs s'associant alors pour triompher de l'ordinateur, soit
compétitif, les joueurs s'affrontant en duel ou en équipe. Les
jeux coopératifs représentent une extension du jeu solo, ajoutant
la dimension de l'effort collectif. Les jeux compétitifs se rapprochent
plus du sport, ils reposent sur de tout autres principes175.
La classification selon la durée des parties est
également valable pour les jeux multi-joueurs176.
- Les jeux à partie courtes sont souvent des jeux de
sports comme la
course automobile, ou encore des jeux d'action comme les jeux de
tir ou de combat.
- Les jeux à partie longue sont pour la plupart des jeux
de stratégie.
- Pour finir, les jeux sans partie sont appelés jeux
persistant. Dans ce
cas, l'univers continue d'évoluer même lorsque le
joueur ne joue pas.
173 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004, p 14
174 Id
175 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004, p 14, 15
176 Stéphane Natkin, « Jeux vidéo et
Médias du XXIe siècle », Vuibert, 2004, p 15
67
Chapitre 3 : Jeux vidéo indépendant
I. Qu'est-ce que le jeu vidéo indépendant
?
1) Définition du jeu vidéo
indépendant
La définition de jeu vidéo indépendant ne
fait actuellement pas consensus. Deux postulats différents sont en
confrontation afin d'établir une définition fixe de cette notion
de jeu indépendant177. La définition littérale,
désigne comme indépendants, les jeux développés
à l'aide des seules ressources du studio de création, donc sans
le support financier d'un éditeur extérieur. Cependant, en
partant de ce postulat de base, plusieurs grands studios tels que Nintendo ou
Valve, possédant assez de ressources financières pour s'auto
financer, développeraient de façon régulière des
jeux indépendants178.
Le second postulat, désigne en tant
qu'indépendant les jeux étant créés par des studios
de développement possédant leur indépendance de
créativité179. Là encore cette
définition englobe, au sens littéraire, les grands studios
possédant assez de ressources pour ne pas faire appel à un
éditeur.
De plus, ces deux définitions possèdent une
relation de cause à effet. La liberté artistique découle
en toute logique de la liberté financière.
De ce fait, il est plus juste, de désigner par le terme
indépendant un jeu conçu en toute liberté
financière et artistique, par un studio possédant un nombre de
salariés réduit, et ce, avec des moyens moins importants que les
titres passant par le schéma de création traditionnel.
177 Wikipedia, « Jeu vidéo indépendant »,
dernière modification 5/09/14, URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeuvid%C3%A9oind%C3%A9pendant,
consulté le 24/04/14
178 Leobiwan (contributeur de
jeuxvideo.com), « Les jeux
vidéo indépendants », chapitre « jouer à
des jeux indépendants= militer pour la créativité
»,
http://www.jeuxvideo.com/dossiers/00016083/les-jeux-
video-independants-jouer-a-des-jeux-independants-militer-pour-la-creativite-001.htm
publié le 18/11/11, consulté le 21/11/14
179 Wikipedia, « Jeu vidéo indépendant
», dernière modification 5/09/14, URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeuvid%C3%A9oind%C3%A9pendant,
consulté le 24/04/14
68
II. Naissance de l'industrie du jeu vidéo
indépendant
Le jeu vidéo indépendant a eu une longue
période de gestation avant de devenir ce qu'il est de nos jours. Il est
tout d'abord né sur PC dans les années 2000. Cependant durant ses
premiers balbutiements, les studios de développement indépendants
ne pouvant pas assumer les coûts liés à la publication de
leurs jeux, quelques copies étaient effectuées puis
distribués de main en main Par la suite, les magazines
spécialisés se sont emparés du phénomène et
ont proposé des offres d'abonnement avec certains jeux
indépendants offerts. L'avènement du Web 2.0 a, par la suite,
permis aux studios de développement de proposer leurs titres en
téléchargement libre aux internautes. S'appuyant sur le
modèle dématérialisé, la scène grand public
du secteur indépendant est née en même temps que la
création des plateformes de téléchargement
dématérialisé. Leurs enjeux sont étroitement
liés et posent notamment la question des nouvelles formes de
distribution180
1) Une distribution alternative : le
dématérialisé
La dématérialisation des jeux et l'apparition de
plates-formes de téléchargement en ligne dédiées
spécialement au recensement et à la distribution de jeux
vidéo a contribué à propulser les indépendants sous
le feu des projecteurs. Celle-ci s'est fortement développée dans
les années 2000, bouleversant par la même occasion, la
distribution ainsi que les habitudes d'achat et de consommation des joueurs. Il
est à noter que cette propension à la
dématérialisation s'applique à tout le domaine des biens
culturels, entrainant une numérisation de ces derniers (musiques,
vidéos, livres...). Ce phénomène soulève de
nombreuses questions sur la
180 Pierre-Yves Hurel, « Les jeux
vidéo indépendants : présentation et enjeux »,
Culture, le Magazine Culturel de l'Université de Liège,
Université de Liège, 2013, URL :
http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod1301670/les-jeux-video-independants-presentation-et-enjeux
69
restructuration du domaine vidéo-ludique, sur la
consommation mais également sur l'apport en terme de
créativité et d'innovation pour les
développeurs181.
Le jeu vidéo, de nature informatique pose un lien
indéfectible entre « hardware » et « software »,
c'est-à-dire entre le matériel informatique et les logiciels.
Patrice Flichy explique cette dualité dans son oeuvre « Les
industries de l'imaginaire182 ». Ainsi, l'avancée
technologique du domaine vidéo-ludique est structurée par les
innovations de ces deux composantes. C'est dès la fin des années
70 que la séparation s'effectue, avec l'apparition des premières
consoles à cartouches interchangeables, et par la même occasion de
sociétés concentrées uniquement sur le software
(Electronic Arts, Atari, Blizzard...)183. De même, cette
séparation entraîne la création d'une filière de
revendeurs de softwares très porteuse.
Cependant, dès le début des années 1980,
la technologie des modems téléphoniques va introduire de nouveaux
modèles de consommation vidéo-ludique. Ainsi nous avons pu voir
le Control Video Corporation (CVC), en 1981, périphérique
permettant de télécharger 75 jeux par ligne
téléphonique pour l'Atari 2600, mais également le
Playcable, mis en vente par Mattel la même année pour sa console
Intellivision, qui développe un nouveau modèle commercial
permettant, via un abonnement, d'acheter ou de louer des jeux
téléchargeables. Au Japon, Nintendo s'essaie au marché du
dématérialisé en 1986 avec le Famicom Disk System,
périphérique mis au point pour la console Famicom permettant, via
des bornes présentes sur les lieux de ventes, de
télécharger des jeux à prix réduits.
Décrié par les revendeurs qui accusent un manque à gagner
important, ce système sera abandonné en 1992. Il sera suivi en
1995 par le Satellaview, périphérique pour la
181 Alexis Blanchet, « Download...
Une courte histoire de la dématérialisation des jeux vidéo
», Mise au point [En ligne], 4 | 2012, mis en ligne le 18
avril 2012URL :
http://map.revues.org/642,
consulté le 03/12/2014.
182 Patrice Flichy, « Les industries de
l'imaginaire », Presses Universitaires de Grenoble, 1991, p 19
183 Blanchet Alexis, « Des pixels
à Hollywood », Pix'n Love, 2010, p. 87-91
70
Super Famicom permettant, par le biais d'une chaîne
satellite, d'avoir accès à un service de
téléchargement de jeux, codes et informations184.
Aucune de ces innovations n'a rencontré de franc
succès en raison du prix de l'équipement requis, et de la faible
durée du cycle de vie des consoles. Cependant, très aboutis, ces
systèmes annoncent d'ores et déjà le mouvement de
convergence des contenus qui débutera dès les années
2000.
Le passage au nouveau millénaire signe
l'avènement d'internet. Ce dernier va rapidement populariser un nouveau
format d'animation, le Flash. Cette technologie qui permet de développer
des jeux à destination des navigateurs internet (browser games), va
donner naissance à de nouvelles formes de pratiques
vidéo-ludiques. Ainsi, les sites Prizee ou KadoKado vont rencontrer un
franc succès de par leur facilité d'accès. De plus, une
dimension sociale vient s'ajouter au tableau donnant naissance au social
gaming, les jeux sociaux. Avec l'apparition des réseaux sociaux
numériques, de nombreux jeux vont se développer sur ces
plates-formes permettant d'inviter ses amis à jouer mais
également de comparer ses scores avec eux. Ces nouveaux modèles
de consommation vidéo-ludique induisent de nouveaux modèles
économiques. Ainsi, les jeux Free-to-play ou freemium, proposent au
joueur de prolonger ou d'améliorer son expérience de jeu par le
biais de micropaiements185.
Toujours sur le marché PC, les éditeurs vont
s'approprier le phénomène de la dématérialisation.
Ainsi, c'est en 2002 que Valve186 va présenter au
public ce qui va devenir l'une des premières plateformes de
téléchargement de jeux dématérialisés :
Steam. Son but, à son lancement en septembre 2003, est de
proposer un service de téléchargement de patchs187
permettant de fixer les bugs présents dans différents jeux. Le
succès est au rendez-vous pour le logiciel, notamment grâce
à l'obligation
184 Alexis Blanchet, « Download... Une courte
histoire de la dématérialisation des jeux vidéo
», Mise au point [En ligne], 4 | 2012, mis en ligne le 18
avril 2012, URL :
http://map.revues.org/642,
consulté le 03/12/2014
185 Id
186 Valve software, société fondée
en 1996 par Gabe Newell et Mike Harrington
187 « Patch » Mise à jour logicielle
permettant aux développeurs de corriger certains bugs, ajouter du
contenu, ou bien encore changer certains aspects du jeu
71
d'utiliser le logiciel Steam pour jouer aux jeux
Counter Strike 1.6188 et Half Life 2189
distribués par Valve. Ce succès grandissant,
couplé à l'amélioration progressive de la bande
passante190 des internautes va donner l'idée à Valve
de faire de Steam une plateforme de distribution
dématérialisée191. Ce format, qui permet une
distribution à grande échelle et à moindre coût sera
d'abord limité aux jeux développés par la firme. Puis elle
va, dès 2005 accueillir le premier jeu développé par un
tiers, Pirates Of Burning Sea, réalisé par Flying Lab
Software192. Aujourd'hui Steam représente la plate-forme de
téléchargement de jeux dématérialisés la
plus utilisée au monde avec plus de 20 millions d'utilisateurs, pour une
proposition dépassant plus de 3600
jeux193.
Le modèle de plateforme permettant de
télécharger des jeux dématérialisés s'est
démocratisé et nous avons pu voir apparaître plusieurs
d'entre elles telles qu'Origin, appartenant à Electronic Arts
et mise en ligne en 2011, Metaboli, en 2002, Green Man Gaming
en 2010,
GOG.com en 2008 et bien
d'autres.
Ce modèle s'est également retrouvé
adapté aux consoles de salon avec l'apparition des machines avec disques
durs intégrés et donc pensées avec la même
architecture qu'un PC. En 2004 nait le Xbox Live Arcade, service permettant de
télécharger jeux et mini-jeux directement sur la Xbox 360 puis
sur la Xbox One de Microsoft, suivi par le Playstation Store de Sony en 2006 et
le Wiiware de Nintendo en 2008.
188 Counter Strike 1.6,
développé par Valve Corporation, édité par
Sierra Studios, sorti le 15/09/03
189 Half Life 2,
développé par Valve Corporation, édité par
Sierra Studios, sorti le 16/11/04
190 « Bande passante » Quantité maximale de
données pouvant être transférées par un
réseau internet
191 Faquaral (contributeur de
jeuxvideo.com), «
L'histoire de Valve », chapitre « Steam : la
dématérialisation en marche »,
http://www.jeuxvideo.com/dossiers/00011760/l-histoire-de-valve.htm,
publié le 09/11/09, consulté le 01/12/14
192
Vossey.com, «
Présentation de Steam »,
http://www.vossey.com/dossier/page/Steam-
Presentation--287.htm, consulté le 01/12/14
193 Faquaral (contributeur de
jeuxvideo.com), «
L'histoire de Valve », chapitre « Steam : la
dématérialisation en marche »,
http://www.jeuxvideo.com/dossiers/00011760/l-histoire-de-valve.htm,
publié le 09/11/09, consulté le 01/12/14
72
C'est l'arrivée de l'Internet haut débit et la
démocratisation des paiements en lignes qui a favorisé
l'apparition de ces modèles. De plus, le prix de fabrication d'un jeu
étant en constante hausse, les petites structures de
développement tels que les indépendants se sont rapidement
emparés de cette solution moins coûteuse. Toutes ces plates-formes
représentent, en effet, un moyen de référencement et de
mise en vente des jeux indépendants à prix réduit. En
retirant la production de tout matériau physique (DVD, boites, manuels
d'utilisation) de la chaine de production, la mise en vente
dématérialisée représente le modèle de
prédilection pour la commercialisation des jeux vidéo
indépendants. Le bilan du Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs
(SELL), publié pour la sixième édition de l'Interactive
& Digital Entertainment Festival (IDEF), estime à 18 milliards de
dollars les ventes de jeux dématérialisés en 2011, soit
une somme représentant 31% du marché
vidéo-ludique194.
Marché physique et
dématérialisé en France, en millions d'euros
194 Alexis Blanchet, « Download... Une courte
histoire de la dématérialisation des jeux vidéo
», Mise au point [En ligne], 4 | 2012, mis en ligne le 18
avril 2012. URL :
http://map.revues.org/642,
consulté le 03/12/2014
73
Source : Bilan du marché de l'Entertainment
2010, Institut GfK Retail and Technology France, février 2011.
Le développement de cette nouvelle méthode de
distribution a profondément modifié le secteur du jeu
vidéo. C'est pourquoi nous voyons depuis quelques années, des
grands acteurs du domaine vidéo-ludique investir dans les studios
spécialisés dans le dématérialisé. Comme le
dit Alexis Blanchet dans son article « Download... Une courte histoire
de la dématérialisation des jeux vidéo195
», nous assistons à une « redistribution des positions de
domination dans l'industrie du jeu vidéo, un renouvellement des modes de
financement de la production vidéoludique, une remise en cause des
filières traditionnelles de la distribution. ». La
dématérialisation, en offrant plus de liberté aux studios
par la disparition de la mainmise des éditeurs, et en laissant moins les
budgets marketing décider du succès des jeux, a permis un
élan de créativité du côté des studios de
développement. Cet élan porte le nom de jeu vidéo
indépendant.
2) Succès du jeu vidéo
indépendant
Cependant, si la dématérialisation des jeux
vidéo a abouti à une distribution simple, peu coûteuse et
à grande échelle des jeux vidéo indépendants, il a
fallu un peu plus qu'un nouveau mode de distribution pour faire exploser la
bulle indépendante. En effet, c'est la sortie de trois jeux
indépendants et le succès, d'estime et commercial qu'ils ont
rencontrés qui ont réellement sonné l'avènement de
l'indépendant : Cave Story196 en 2004, World of
Goo197 et Braid198 en 2008199.
195 Alexis Blanchet, « Download...
Une courte histoire de la dématérialisation des jeux vidéo
», Mise au point [En ligne], 4 | 2012, mis en ligne le 18
avril 2012. URL :
http://map.revues.org/642,
consulté le 03/12/2014
196 Daisuke Amaya, « Cave Story
», Daisuke Amaya, 2004
197 2D Boy, « World of Goo », 2008
198 Jonathan Blow, « Braid », Number None,
2008
74
Ces trois jeux sortis respectivement sur PC pour les deux
premiers et Xbox 360, ont remporté un franc succès, que ce soit
auprès de la presse spécialisée ou du public. Ceux-ci
étant basés sur des mécaniques de jeu peu utilisées
à l'époque (jeux de plate-forme avec des graphismes cartoons en
2D), ont apporté un réel vent de fraicheur dans l'industrie du
jeu vidéo. Par ailleurs, ils ont également permis de
démontrer que le modèle indépendant, était
économiquement viable200. Ils ont ainsi entraîné
dans leur sillage nombres de concepteurs qui ont voulu tenter l'aventure de
l'indépendant, donnant naissance à la nouvelle vague du jeu
vidéo indépendant. Nous pouvons notamment citer les
récents succès de Super Meat Boy201 qui a atteint le
million d'exemplaire vendus en moins d'un an, Fez202 qui a
également atteint le million de ventes un an après son lancement,
ou encore Minecraft203 dont le nombre d'exemplaire s'est
élevé à 54 Millions en trois ans.
3) Un nouveau modèle de financement : le
Crowdfunding
Le Crowdfunding, financement participatif en français,
est une méthode de financement faisant appel à un grand nombre de
personnes afin de financer un projet né dans les années 2000 dans
le domaine culturel. Il se base sur un modèle inventé au
XVIIIème siècle par les associations dans le domaine des actions
de charité repris et adapté à la technologie Internet. Ce
phénomène, encore très peu répandu en 2008, prend
actuellement une ampleur mondiale. C'est plus de 2,7 Milliards de dollars
collectés en 2012 dans le monde par le biais de cette méthode de
financement204. Une étude FORBD a
prévu que le Crowdfunding représenterait un marché global
de 1000 Milliards de dollars d'ici fin 2020. En France, le financement
199 Iplay4you, Rédacteur et videomaker pour Millenium,
« L'histoire des jeux vidéo indépendants »,
publié le 20/10/13, URL :
http://www.millenium.org/jeux-indes/accueil/actualites/l-histoire-des-jeux-video-independants-un-dossier-sur-l-univers-du-jeu-video-independant-96441,
consulté le 01/12/14
200 Id
201 Edmund McMillen, Tommy Refenes, « Super Meat Boy
», 2010
201 Phil Fish, Polytron Corporation, « Fez »,
2012
203 Mojang, « Minecraft », 2011
204 Caroline Lamaud, « Petite histoire du Crowdfunding
», Agora Entreprise, publié le 07/10/2013, consulté le
18/06/2015 URL :
http://www.agoraentreprise.com/2013/10/petite-histoire-du-crowdfunding/
75
participatif représente actuellement une collecte
annuelle d'environ 25 Millions d'euros205.
Cette méthode de financement propose quatre secteurs
différents : le don (donation crowdfunding), la récompense (qui
représente un don avec contrepartie pour le donateur), le prêt
(credit crowdfunding), et l'investissement en capital (equity crowdfunding).
Ainsi, dans les faits, le crowdfunding exclut les acteurs traditionnels du
financement, il est basé sur une désintermédiation en
proposant au public cible de financer directement la création du produit
qui l'intéresse206.
Le nombre de secteurs d'activités faisant
l'expérience de la finance participative est en pleine expansion depuis
l'apparition d'Internet. Ainsi nous avons pu voir des sites
spécialisé dans la production de musique tels que My Major
Company, la production de films avec Touscoprod ou People for Cinema, mais
également la mode avec Myfashiononline, et bien d'autres domaines
d'activités207. Le secteur du jeu
vidéo fait partie des secteurs les plus productifs par le biais de cette
technique de financement.
Ainsi, des sites internet comme
Kickstarter.com, ou encore
SteamGreenlight.com, proposent
aux internautes de juger si un projet leur semble prometteur et leur donne la
possibilité d'effectuer des dons afin d'aider les développeurs
dans la production de leur jeu. Ces internautes obtiennent des avantages suite
à leur financement en fonction de la hauteur de ce dernier (accès
à la bêta du jeu, possibilité de contacter les
développeurs pour leur rapporter des bugs ou des avis,
modélisation de leur visage dans certaines séquences du jeu,
apparition de leur nom au sein du générique...). Cette
méthode de financement a pour particularité d'exclure
l'éditeur tiers de la chaine de production en redistribuant ce
rôle à l'internaute. Certains présentent cette pratique
comme révolution durable tandis que d'autres la considèrent comme
une mode passagère. Cependant, selon
205 Caroline Lamaud, « Petite histoire
du Crowdfunding », Agora Entreprise, publié le 07/10/2013,
consulté le 18/06/2015
206
http://fr.wikipedia.org/wiki/Financementparticipatif,
« Financement participatif », dernière modification
27/11/14, consulté le 01/12/14
207
http://fr.wikipedia.org/wiki/Financementparticipatif,
« Financement participatif », dernière modification
27/11/14, consulté le 01/12/14
76
l'enquête réalisée par GameStatistics
« Financement participatif et Jeux vidéo, Rapport
d'étude quantitative 208», le financement
participatif risque de persister pendant quelques années encore. En
effet, selon cette enquête, les joueurs ayant déjà
participé à des projets de financement de jeux sont prêts
à continuer d'investir autant voire plus à l'avenir, tandis que
59% des personnes n'ayant pas encore participé à ce nouveau
modèle de financement sont prêt à franchir le pas s'ils
trouvent un projet qui les intéresse.
208 GameStatistics, « Financement participatif et
Jeux vidéo, Rapport d'étude quantitative », Avril 2013,
URL :
http://www.gamestatistics.fr/Enquete-CrowdfundingRapport.pdf
77
Source : GameStatistics, « Financement participatif
et Jeux vidéo, Rapport
d'étude quantitative », Avril 2013, p
30-31 URL :
http://www.gamestatistics.fr/Enquete-Crowdfunding
Rapport.pdf
Ainsi, ce nouveau modèle a très rapidement
été investi par les studios indépendants, pour lesquels il
représente une possibilité de réaliser leurs projets
malgré leurs moyens limités.
4) Processus de production d'un jeu
indépendant
Nous avons pu constater que la chaine de production d'un jeu
indépendant est très différente de celle du dispositif
traditionnel. Pour résumer simplement, nous pouvons découper la
chaine de production indépendante en quatre étapes
réparties entre trois acteurs principaux.
Tout d'abord, la mise en place d'un projet par le studio de
développement. Cette étape représente l'élaboration
des idées de base du futur jeu. Ces idées sont mises en ligne sur
un site de financement participatif afin d'exposer aux internautes la
finalité du projet.
78
C'est là qu'intervient la seconde étape.
L'internaute intéressé par le projet a le choix de financer
celui-ci afin de le voir aboutir. C'est la phase cruciale dans la chaine de
développement du projet. En effet, sa mise en route dépend de
cette étape.
Par la suite, si cette phase permet de recueillir un
financement suffisant, le studio de développement débute la
création du jeu. Cela peut prendre plusieurs années, et le studio
peut proposer à ses contributeurs d'avoir accès à une
version alpha ou bêta, c'est-à-dire une version non
finalisée du jeu afin de leurs procurer dans un premier temps un retour
sur investissement, mais également de leurs attribuer un rôle de
bêta testeurs en leur proposant de dénicher les bugs
présent dans le produit.
La dernière étape consiste en la finalisation du
jeu et la mise en vente de la version définitive sur les sites de
recensement de jeux vidéo indépendants.
Il est à noter que la méthode de financement
participatif peut contenir de mauvaises surprises pour le public. Il n'est pas
rare de voir le produit final ne respecter que partiellement les promesses
faites lors de la phase de recherche de financement. De même, il est
à rappeler que 75% des demandes de financement sur Kickstarter
échouent209. Dans ce dernier cas, les
investisseurs attendent un remboursement, mais les annulations pouvant
s'avérer tardives, l'argent récolté ayant
déjà été utilisé dans le
développement, certains studios de développement peuvent
être dans l'incapacité d'effectuer ces remboursements. Ainsi,
Djamil Kemal, directeur marketing pour la société Lexis
Numérique a vu à deux reprises ses campagnes de financement sur
Kickstarter pour le jeu Taxi Journey échouer. Ce dernier explique cet
échec par le fait qu'il y ait beaucoup de personnes appréciant le
projet, mais très peu souhaitant le financer. Il explique qu'il faut au
minimum « avoir développé une démo pour que
l'annonce soit bien considérée ». De même, lors
de la deuxième édition de l'European Independant Games Days,
évènement regroupant plusieurs conférences sur les jeux
indépendants, Michel Bams, co-fondateur de
209 Thomas Remilleret, « Le jeu
indépendant : les raisons d'un succès », publié
le 14/04/14, URL :
http://www.canal-iscpa.com/Le-jeu-independant-les-raisons-d
, consulté le 16/12/14
79
Mando Productions met en avant, le fait que trop de projets
Kickstarter sont « pensés comme des plans B ». Il en
résulterait, selon lui, un taux d'échec
considérable210.
Ainsi, le nombre de titres rencontrant un fort succès
est faible. Sur les 2000 jeux présents sur la plate-forme Steam, seuls
quelques-uns parviennent à rencontrer un succès critique et
commercial211.
III. Les jeux indépendants différents des
jeux traditionnels ?
1) La figure de l'artiste dans le jeu
vidéo
Les créateurs indépendants revendiquent un
statut d'artiste. Selon eux, ils ont acquis une liberté de
création et une certaine originalité tant au niveau graphique que
scénaristique ou bien au niveau du gameplay.. Pierre-Yves Hurel, dans
son article « Les jeux vidéo indépendants :
présentation et enjeux 212», les qualifie de
porteurs « d'une critique contre le jeu vidéo traditionnel,
considéré comme la déclinaison multiple de quelques
recettes commerciales ». Cet aspect militant de leur statut est
également visible dans le documentaire « Indie Game : The
Movie213 » réalisé par James Swirsky et
Lisanne Pajot dans lequel les créateurs indépendants revendiquent
le statut d'artiste en se basant sur la faible taille des équipes de
développement. En effet, selon eux, une petite équipe de
développement permettrait de maintenir un contrôle total sur
toutes les étapes de création de l'oeuvre et donc d'obtenir un
produit tout à fait personnel et répondant à la vision des
développeurs.
210 Pierre-Yves Hurel, « Festival du
jeu vidéo indépendant : photographie d'une communauté
», Culture, le Magazine Culturel de l'Université de
Liège, Université de Liège, 2014, URL :
http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod1425122/festival-du-jeu-video-independant-photographie-d-une-communaute?part=1
211 Thomas Remilleret, « Le jeu
indépendant : les raisons d'un succès », publié
le 14/04/14, URL :
http://www.canal-iscpa.com/Le-jeu-independant-les-raisons-d
, consulté le 16/12/14
212 Pierre-Yves Hurel, « Les jeux
vidéo indépendants : présentation et enjeux »,
Culture, le Magazine
Culturel de l'Université de Liège,
Université de Liège, 2013, URL :
http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod1301670/les-jeux-video-independants-presentation-et-enjeux
213 James Swirsky et Lisanne Pajot, «
Indie Game : The Movie », 2012
80
De plus, ils ajoutent que contrairement aux gros studios, ils
ne construisent pas leurs projets en se basant sur des études de
marché tentant de déchiffrer les attentes du public, mais
plutôt sur leurs propres désirs, ces derniers se
considérant comme joueurs tout autant que leur public. Ainsi, ces
développeurs représentent le contrepied des quelques figures
phares des créateurs de jeux vidéo qui commencent à
être connues du grand public, tels que Shigeru Miyamoto (créateur
des séries Mario et Zelda) ou bien encore Hideo Kojima (créateur
de la série Metal Gear). Ces derniers sont comparés dans
l'univers vidéo-ludique comme l'équivalent des grands
réalisateurs du cinéma214.
2) Jeux indépendants : un nouveau
discours
Nous avons fait une mise en perspective des différences
entre les jeux indépendants et traditionnels en terme de
création, mais qu'en est-il de l'objet vidéo-ludique en
lui-même ? La scène indépendante permet-elle des
innovations que les gros studios ne pourraient pas mettre en place ? Nous nous
appuierons sur l'article de Pierre-Yves Hurel, « Les jeux vidéo
indépendants : présentation et enjeux 215» pour tenter
de répondre à ces questions. L'auteur, dans son article,
dénombre trois singularités auxquelles les jeux
indépendants les plus connus de ces dernières années
répondent : L'innovation dans les mécaniques de jeu, la
liberté artistique et le discours engagé.
a) L'innovation dans les mécaniques de
jeu
De nombreux jeux indépendants possèdent des
règles, mais pourtant un gameplay innovant parce que sortant des genres
bien définis et répétés dans les
214 Pierre-Yves Hurel, « Les jeux
vidéo indépendants : présentation et enjeux »,
Culture, le Magazine
Culturel de l'Université de Liège,
Université de Liège, 2013, URL :
http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod1301670/les-jeux-video-independants-presentation-et-enjeux
215 Pierre-Yves Hurel, « Les jeux
vidéo indépendants : présentation et enjeux »,
Culture, le Magazine
Culturel de l'Université de Liège,
Université de Liège, 2013, URL :
http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod1301670/les-jeux-video-independants-presentation-et-enjeux
81
jeux traditionnels. Ainsi, Flower216 possède
des mécaniques simples, son originalité venant du fait que le
joueur contrôle des pétales de fleurs emportés par le vent.
De même Braid prend l'apparence d'un simple jeu de plateformes similaire
aux Mario Bros, son innovation de gameplay étant que le joueur peut
influer sur la ligne de temps du jeu. Le but de Braid est alors de parvenir
à résoudre les énigmes basées sur ces
mécaniques217.
b) La liberté artistique
De grands éditeurs font parfois appel à une
esthétique originale, nous pouvons penser à Mirror's
Edge218 et à son esthétique épurée au
maximum constituée de blanc et de quelques couleurs sautant
immédiatement aux yeux du joueur. Cependant cette démarche est
chose rare pour les grands studios et se croise plus fréquemment sur la
scène indépendante219. Ainsi nous pouvons citer
Limbo220 et son esthétique basée sur un noir et blanc
cotonneux, et quelques nuances de gris rappelant le style
développé par Tim Burton ou alors par David Lynch dans
Eraserhead221, ou bien encore une fois Braid et son
esthétique proche du pastel.
216 « Flower »,
thatgamecompany, Sony Computer Entertainment, 2009
217 Pierre-Yves Hurel, « Les jeux
vidéo indépendants : présentation et enjeux »,
Culture, le Magazine
Culturel de l'Université de Liège,
Université de Liège, 2013, URL :
http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod1301670/les-jeux-video-independants-presentation-et-enjeux
218 « Mirror's Edge », DICE,
Electronic Arts, 2008
219 Pierre-Yves Hurel, « Les jeux
vidéo indépendants : présentation et enjeux »,
Culture, le Magazine
Culturel de l'Université de Liège,
Université de Liège, 2013, URL :
http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod1301670/les-jeux-video-independants-presentation-et-enjeux
220 « Limbo », Playdead,
Microsoft Game Studio, 2010
221 « Eraserhead », David
Lynch, 1977
82
Mirror's Edge
Limbo
Braid
83
c) Un discours engagé
Les jeux vidéo représentent également,
pour ses créateurs, un moyen de communiquer un discours engagé.
Ainsi, nous pouvons voir des jeux qui font une véritable apologie de la
période 2D des jeux vidéo. C'est le cas de Marcus Persson alias
« Notch » qui réadapte l'esthétique pixellisée
des premiers jeux vidéo pour en faire une véritable ode à
cette période dans son jeu « Minecraft222 ». Nous
pouvons également voir un discours engagé politiquement dans
certains jeux, c'est le cas de Papers Please223, jeu
indépendant qui nous met dans la peau d'un contrôleur de
frontière dans un état policier. Ainsi, le rôle du joueur
est de gérer les milliers d'immigrants qui affluent pour entrer dans le
pays en vérifiant que leurs papiers soient en règle afin de
refuser l'accès aux clandestins et aux terroristes. Cependant, Papers
Plese ne se résume pas à de la vérification de papiers,
chaque immigrant possède une histoire personnelle, et parfois la trame
narrative impose au joueur des choix délicats. Faut-il laisser un homme
rejoindre sa famille ou appeler les gardes car ses papiers ne sont pas en
règle ? Sans oublier que le joueur est payé au rendement et qu'il
possède une famille à nourrir, il ne peut donc pas s'attarder
longuement sur chaque cas. Papers Please est un jeu engagé politiquement
et impliquant le code de morale du joueur. Lucas Pope, le créateur du
jeu a précisé à propos de Papers Please : « Je ne
souhaite pas faire de généralisations politiques. J'essaie
plutôt de montrer comment différents choix peuvent affecter
à la fois les immigrants et les exécutants ».
D'après ses observations personnelles, deux types de joueurs se
détachent, ceux qui tentent à la fois de subvenir aux besoins de
leur famille et d'aider les immigrants, et ceux qui appliquent rigoureusement
les règles de l'administration. Il ajoute : « La bureaucratie
m'intéresse car elle est généralement pensée pour
être efficace et juste. Mais dans son exécution, elle produit les
effets opposés 224». Les distinctions reçues par
le jeu, (BAFTA Games Award du jeu de stratégie et de simulation),
laissent présager un développement de ce type de jeu
engagé, et ce, malgré une certaine censure exercée par
les plates-formes de téléchargement, mais
222 Mojang, « Minecraft », 2011
223 Lucas Pope, « Papers Please », 2013
224 Romain Baro « Jeux vidéo :
dans la peau d'un contrôleur à l'immigration », Le Monde
Blogs,
http://romainbaro.blog.lemonde.fr/2013/05/17/jeux-video-dans-la-peau-dun-controleur-a-limmigration/,
publié le 17/05/13, consulté le 07/12/14
84
également par la peur de voir ces jeux
assimilés à des serious games ou jeux
sérieux225. Phone Story226 est
un exemple probant de la censure exercée par les plates-formes de
téléchargement. En effet ce dernier a pour but de dénoncer
les conditions de production des téléphones, le jeu se jouant
précisément sur smartphone. Ainsi les mécaniques de jeu
sont utilisées pour mettre le joueur dans un rôle
dérangeant en lui donnant, par exemple, le rôle de tyran
surveillant les enfants qui travaillent, et ce, afin de responsabiliser les
consommateurs. Cependant, le jeu a rapidement été censuré
par son retrait pur et simple de la plate-forme de téléchargement
Apple Store227.
3) Les raisons du succès
Pour comprendre les raisons du succès des jeux
indépendants, il est nécessaire de se pencher, en premier lieu,
sur la production de jeux classique.
Actuellement nous vivons dans une société de
croissance, une idéologie qui veut que demain soit plus performant
qu'aujourd'hui. Les grandes entreprises demandent donc à leurs
employés, une rentabilité supérieure à
l'année précédente, un chiffre d'affaire identique
à celui de l'année passée étant
considéré comme un échec et entrainant des sanctions
telles que la perte d'investisseurs ou des coupes budgétaires. Cette
idéologie de la croissance, appliquée au secteur des jeux
vidéo a débouché sur différentes stratégies
de gains telles que : viser un public plus large, quitte à automatiser
le gameplay, vendre du contenu supplémentaire, quitte à amputer
le jeu principal. Mais la stratégie ayant pris le plus d'ampleur ces
dernières années est l'augmentation de la fréquence de
parution des différentes franchises.
225 Pierre-Yves Hurel, « Les jeux
vidéo indépendants : présentation et enjeux »,
Culture, le Magazine
Culturel de l'Université de Liège,
Université de Liège, 2013, URL :
http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod
1301670/les-jeux-video-independants-presentation-et-enjeux
226 « Phone Story »,
Molleindustria, 2011
227 Pierre-Yves Hurel, « Festival du
jeu vidéo indépendant : photographie d'une communauté
», Culture, le Magazine Culturel de l'Université de
Liège, Université de Liège, 2014, URL :
http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod1425122/festival-du-jeu-video-independant-photographie-d-une-communaute?part=1
85
En parallèle de l'augmentation de la fréquence
de sortie des jeux, la durée de visibilité d'un titre s'est
considérablement réduite, les magasins ayant
accéléré la rotation des mises en avant de jeux, et la
presse spécialisée passe rapidement sur les différents
jeux afin de tester la prochaine grosse sortie. Un titre possède donc
très peu de temps pour atteindre le seuil de rentabilité
prévu par son producteur. Les précommandes et la gestion du Day
one (jour de lancement), prennent donc une ampleur stratégique
incontournable, le titre perdant sa visibilité de masse seulement
quelques semaines après sa sortie. Un jeu est donc désormais
designé pour endurer un an de teasing, six mois de précommandes
et deux mois de ventes. Une fois passé cette période, le jeu
entrera en déflation pour tenter de compenser son statut de jeu «
passé de mode », et de réaliser quelques ventes
supplémentaires.
De plus, ce phénomène est accentué par le
coût actuel de réalisation d'un jeu vidéo classique. En
effet, ces derniers nécessitent un budget s'élevant à des
dizaines de millions de dollars. Un échec commercial aurait donc
d'énormes répercussions sur la société
d'édition qui finance ces jeux. Les leaders du marché tentent
donc d'assurer une sécurité maximale lors de l'investissement.
Ainsi, quoi de mieux, pour garantir la sécurité d'un
investissement que de développer une suite de jeux à
succès ? En effet, les bases sont posées, le développement
sera donc rapide, le jeu bénéficiera de l'aura de son
prédécesseur et pourra même avoir un successeur.
Le joueur est, quant à lui, est submergé par
cette multiplication des sorties. Son comportement entretien le
phénomène. En effet, le jeu vidéo, relégué
au rang de simple consommable, est alors acheté à haute
fréquence. De nombreux consommateurs gardent en permanence un oeil sur
le marché. A peine un nouveau acheté, ils vont acheter un second
jeu en solde pour y jouer plus tard, et vont maintenir une veille importante
sur les sorties à venir. Leur attention n'est donc pas maintenue
durablement sur un seul objet vidéo-ludique, mais est rapidement
détournée vers une autre potentialité d'achat.
La conséquence de ces « hyper consommateurs »
est une diminution de la durée de vie des jeux, ainsi que de leur
rejouabilité car ils ne représentent plus une priorité
pour les leaders du marché. Fabriquer des jeux possédant une
durée de vie
86
conséquente devient financièrement contre
productif dans un monde ou les clients et ne maintiennent plus une attention
durable sur un titre.
C'est pourquoi le marché actuel du jeu vidéo
traditionnel est saturé de sorties et constitué essentiellement
de suites ou de produits semblables les uns aux autres228.
C'est en partant de ce postulat que nous pouvons expliquer les
raisons du succès rencontré par le marché de
l'indépendant. Plusieurs raisons peuvent être mises en exergue sur
le choix de se procurer un jeu indépendant plutôt qu'un jeu
vidéo traditionnel.
Tout d'abord l'innovation, nous l'avons dit les jeux
indépendants ne peuvent rivaliser en terme de réalisation avec
les jeux produits par le biais du système traditionnel. Ils doivent donc
se démarquer et proposer un concept original et des idées
nouvelles. Certains jeux parviennent même à passer au-delà
du schéma classique du jeu vidéo en nous proposant une narration
hors norme, telle que dans Gone Home dans lequel le joueur incarne Kaitlin qui
revient dans la maison de ses parents après un voyage à
l'étranger mais qui est confrontée à la mystérieuse
disparition de sa famille, le jeu ne possédant aucun réel
objectif propose seulement d'explorer la maison et de raconter son histoire par
le biais des objets que le joueur va rencontrer. Ou encore The Stanley Parable
qui brise le quatrième mur en mettant en scène un narrateur qui
s'adresse directement au joueur en lui donnant des instructions qu'il peut
choisir de suivre ou non. D'autres jeux proposent de remettre au gout du jour
des recettes qui ont disparues telles que le Rogue-like229, genre de
jeu dont le gameplay est inspiré de « Rogue230 »,
sorti en 1980, et dont les mécaniques de jeu avaient presque disparues
depuis les années 2000.
228 Skritz, « Pourquoi acheter des jeux vidéo
indépendants ? »,
Skritz.com, publié le 22/08/14,
consulté le 16/12/14, URL :
http://www.skritz.com/pourquoi-acheter-des-jeux-video-independants/
229 Martin Brisebois, « Un jeu indépendant,
qu'est-ce que c'est ? » Multijoueur les infos 100% jeux vidéo,
publié le 15/08/14, consulté le 16/12/14, URL :
http://multijoueur.ca/2014/08/15/un-jeu-independant-quest-ce-cest/
230 Michael Toy, Glenn Wichman, Ken Arnold, «
Rogue», 1980
87
Dans un second temps, le niveau de difficulté
élevé attire bon nombre de joueurs. Les titres traditionnels sont
créés pour être terminés, et les développeurs
font en sorte que le joueur ne reste pas bloqué. Ainsi, il devient
difficile d'éprouver la moindre satisfaction de terminer un jeu. Les
jeux indépendants viennent combler ce vide en proposant une
catégorie de titres offrant un réel défi au joueur. Il
devient alors réellement gratifiant de venir à bout d'un jeu
indépendant231.
Pour finir, le faible prix des productions
indépendantes est un argument de taille. En effet, à l'heure
où les jeux vidéo vendus en boite atteignent les 70€ neufs,
le prix des productions indépendantes varient entre 5€ et
20€232.
4) Les dérivés du jeu vidéo
indépendant
Nous l'avons dit, le jeu vidéo indépendant,
depuis quelques années a amorcé une véritable
montée en puissance. Si bien qu'il est de plus en plus
plébiscité par de nombreux sites et personnalités. Nous
énumérerons de manière non exhaustive, dans les quelques
lignes qui suivent, quelques-unes des pratiques et produits
dérivés qu'ont entraîné le jeu
indépendant.
En premier lieu, nous l'avons déjà dit, les
portails de téléchargement de jeux vidéo
indépendant sont en pleine expansion.
a) Dans la presse
De plus en plus de sites de critiques
spécialisés dans le jeu vidéo indépendant sont mis
en ligne, nous pouvons par exemple citer
Indie-game.fr,
indiemag.fr, ou encore
indius.org. Ces sites reprennent, pour
la plupart, le format des grands sites de la presse critique
vidéo-ludique. Ces derniers, quant à eux, développent au
sein de
231 Skritz, « Pourquoi acheter des jeux vidéo
indépendants ? »,
Skritz.com, publié le 22/08/14,
consulté le 16/12/14, URL :
http://www.skritz.com/pourquoi-acheter-des-jeux-video-independants/
232 Id
88
leurs pages, des rubriques dédiés à ce
phénomène nouveau. Ainsi, la rubrique « Easy Indie »
sur le site
gameblog.fr, la chronique «
L'univers du jeu indépendant », sur
jeuxvideo.com, ou bien encore la
section « actualités des jeux indépendants », sur le
site
gamekult.com. De même de
nombreuses chaines de vidéos « YouTube » sont
spécialisées dans le jeu indépendant, nous avons
déjà parlé de la chronique « L'univers du jeu
indépendant », qui appartient au site
jeuxvidéo.com et qui
présente chaque semaine un nouveau jeu indépendant prometteur,
nous pouvons également parler de la chaine Indiemag dépendante du
site
indiemag.fr qui présente et
critique près de trois jeux par semaine et qui complète les
informations présentes sur le site, il est également important de
noter que certaines chaines ne sont pas spécialisées uniquement
dans le jeu vidéo indépendant mais s'y intéressent
régulièrement. C'est le cas de la chaine « PewDiePie »,
tenue par le youtuber Felix Kjellberg, spécialisée dans les tests
de jeux vidéo d'horreur, d'action et jeux indépendants. Elle
offre un rayonnement non négligeable aux différents jeux
présentés dans la mesure où elle est la chaine la plus
regardée à travers le monde puisqu'elle comptabilise 35 166 913,
et près de 1 400 vidéos pour plus de 2,2 Milliards de vues.
Enfin, pour finir avec la presse, il est important de noter qu'un magazine au
format numérique et à parution non régulière a
été débuté en Mai 2014. Intitulé « P911
», le magazine, dont le troisième numéro est sorti en
janvier 2015, s'intéresse principalement au jeu vidéo
indépendant. Il reprend le format et les codes des magazines de
critiques vidéo-ludiques à la seule exception près qu'il
est disponible gratuitement.
b) Produits dérivés
Certain jeux indépendants ont connu un tel
succès qu'ils ont eus droit, tout comme des égéries telles
que Mario, Sonic ou encore Lara Croft, à leurs produits
dérivés sous formes de vêtements, figurines ou autres
goodies. C'est le cas du jeu « Super Meat Boy233
» qui propose des figurines et peluches aux couleurs de son
233 Edmund McMillen, Tommy Refenes, « Super Meat Boy
», 2010
89
héros, ou encore de «
Machinarium234 ». La plupart du temps du temps ces
initiatives sont lancées directement par le studio de production qui
peut parfois faire appel à de grands industriels pour réaliser
les produits dérivés. C'est le cas du studio Mojang,
créateur du jeu « Minecraft235 »,
qui a fait appel à The Lego Group, pour créer une ligne de
Lego spécifique à ce jeu. Il est important de noter que Le but de
créer des produits dérivés n'est pas toujours mercantile.
Certains le font pour le plaisir des amateurs et d'autres à des fins
caritatives. C'est le cas de Anders Ekermo, passionné de jeux
indépendants, qui en 2010 tricotât une série de chaussettes
et bonnets aux couleurs des jeux « VVVVVV236 », et «
Fez 237» vendus aux enchères et dont les
bénéfices furent reversés à la recherche
pédiatrique ainsi qu'à une association fournissant jeux et jouets
aux hôpitaux238.
c) Pratiques dérivées
Une pratique nouvelle dérivée en quelque sorte
du jeu vidéo indépendant se démocratise actuellement : les
game jams. Ces évènements, ouverts à tous, sont des
compétitions de développement de jeu vidéo se
déroulant parallèlement dans le monde entier239. De
nombreux points de rassemblement sont ouverts durant le déroulement de
ces évènements afin d'accueillir les participants, tels que de
nombreuses écoles spécialisées dans l'univers
vidéo-ludique qui ouvrent leurs portes pour accueillir ces concours
(Epitech Paris, Epitech Lyon, CNAM ENJMIN - Ecole Nationale des Jeux et Medias
Interactifs et Numériques, etc...). Les participants doivent
réaliser un jeu vidéo en suivant un certain nombre de
règles selon la catégorie du concours :
234 Amanita Design, « Machinarium », 2009
235 Mojang, « Minecraft », 2011
236 Terry Cavanagh, « VVVVVV », 2010
237 Polytron Corporation, « Fez », 2013
238 Fabmin, « Indie Marchandising »,
Indie-Game.fr, publié le
08/03/2012, URL :
http://indie-game.fr/indie-marchandising/,
consulté le 11/03/2015
239 Wikipedia, « GameJam », consulté le
12/03/15, URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gamejam
-
-
Temps imparti entre 24h, 48h et 72h ; Jeu développé
seul ou en groupe ;
- contraintes techniques imposées (comme par exemple
respecter les
limites techniques d'une « Gameboy ») ;
- thème imposé.
Des prix sont décernés aux meilleurs jeux à
la fin du concours. Ces rencontres ont plusieurs objectifs :
- Tout d'abord de permettre au participant d'évaluer leurs
capacités de
90
création d'un jeu vidéo.
- Dans un second temps, de proposer au public une grande
quantité de
jeux gratuitement. Ainsi, le « Ludum Dare », une
game jam se déroulant trois fois par an, pour sa 28ème
édition a donné naissance à 2064 jeux en
72h240.
- Enfin, ces concours permettent la rencontre de
développeurs,
dessinateurs, compositeurs de musique, game designer et de
tout autre métier relatif aux jeux vidéo pouvant aboutir à
des collaborations futures.
Il existe également un évènement annuel
récompensant les meilleurs jeux vidéo indépendants de
l'année : l'Independant Games Festival. Créé par Gama
Network, cet évènement se déroule en parallèle de
la Games Developers Conference depuis 1999. Ce festival, est très
inspiré du Sundance Film Festival241.
Ces rencontres ont plusieurs objectifs :
- Tout d'abord de permettre au participant d'évaluer leurs
capacités de
création d'un jeu vidéo.
240 Kevin Hottot, « Ludum Dare 28 : un « Game Jam
» donne naissance à 2 064 jeux en 72 heures », Next
INpact, publié le 20/12/2013, consulté le 12/03/15, URL :
http://www.nextinpact.com/news/85055-ludum-dare-28-game-jam-donne-naissance-a-2-064-jeux-en-72-heures.htm
241 Wikipedia, « Independant Games Festival »,
consulté le 16/03/15, URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/IndependentGamesFestival
91
- Dans un second temps, de proposer au public une grande
quantité de
jeux gratuitement. Ainsi, le « Ludum Dare », une
game jam se déroulant trois fois par an, pour sa 28ème
édition a donné naissance à 2064 jeux en
72h242.
- Enfin, ces concours permettent la rencontre de
développeurs,
dessinateurs, compositeurs de musique, game designer et de
tout autre métier relatif aux jeux vidéo pouvant aboutir à
des collaborations futures.
Il existe également un évènement annuel
récompensant les meilleurs jeux vidéo indépendants de
l'année : l'Independant Games Festival. Créé par Gama
Network, cet évènement se déroule en parallèle de
la Games Developers Conference depuis 1999. Ce festival, est très
inspiré du Sundance Film Festival243.
d) Consoles spécialisées
Depuis 2013, une console spécialement
dédiée aux jeux vidéo indépendants a
été mise en vente, la Ouya. Cette dernière utilise le
système d'exploitation Android, qui est « open source ». Il
permet aux développeurs et aux amateurs d'avoir un accès facile
à cette plateforme. De plus, un kit de développement est fourni
sans frais supplémentaire à l'achat de la console244.
Malgré ses faibles ventes, cette console représente en quelque
sorte la consécration du jeu vidéo indépendant,
puisqu'elle place ces derniers sur le même plan que les autres jeux sur
console de salon. Ainsi, ils ne sont plus considérés comme de
sombres jeux amateurs auxquels nous jouons cinq minutes pour passer le temps,
mais comme de véritables jeux vidéo disponibles sur une console
qui leur est dédiée.
242 Kevin Hottot, « Ludum Dare 28 : un « Game
Jam » donne naissance à 2 064 jeux en 72 heures », Next
INpact, publié le 20/12/2013, URL :
http://www.nextinpact.com/news/85055-ludum-dare-28-game-jam-donne-naissance-a-2-064-jeux-en-72-heures.htm
, consulté le 12/03/15
243 Wikipedia, « Independant Games Festival »
, URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/IndependentGamesFestival
, consulté le 16/03/15
244 Wikipedia, « Ouya »,, URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ouya,
consulté le 01/12/14
92
IV. Economie de l'industrie indépendante
1) Chiffre d'affaire du secteur
Actuellement, le marché vidéo-ludique est
marqué par une transition vers un marché très grand public
au sein duquel la dématérialisation occupe une place de plus en
plus importante. Le marché physique générant environ 60%
des revenus du secteur245, est, cependant, en baisse constante
depuis 2006, malgré une vivacité retrouvée avec le
lancement en 2013 de la nouvelle génération de consoles faisant
la part belle au dématérialisé246. Les jeux
proposés au format dématérialisé quant à eux
génèrent les 40% restant247. Cette période de
transition oblige les concepteurs à se tourner vers les modèles
de financements alternatifs tels que le crowdfunding. Ainsi, en 2012 le
financement participatif a généré plus de 50 Millions
d'euros de revenus au niveau mondial248.
Dans ce contexte de transition, les grands éditeurs se
concentrent sur les licences à succès. C'est pourquoi
l'innovation et l'originalité est le fait des développeurs
indépendants. Aujourd'hui les jeux vidéo indépendants
touchent un large public. En effet, on dénombre plus de 50 millions de
compte sur la plateforme Steam, et 30 millions pour Origin249. Cette
dernière contient plus de 3600 jeux, dont 1500 jeux
considérés comme indépendants250. Il est
à noter qu'un jeu indépendant
245 Airiau Pierre-Marie, Chenon Antoine, Nicole Corentin,
Seznec Blandine, « Le jeu vidéo Analyse d'un
phénomène », chapitre « L'économie du
jeu vidéo », Copyright (c) 2014 Le jeu vidéo
changera-t-il l'humanité ?, Url :
http://jvsociete.insa-rennes.fr/,
consulté le 16/12/14
246 Le Syndicat National du Jeu Vidéo, « Le
jeu vidéo en France en 2012 éléments clés »
, 2012, URL :
http://www.iim.fr/pdf/elements-cles-2012.pdf
247 Airiau Pierre-Marie, Chenon Antoine, Nicole Corentin,
Seznec Blandine, « Le jeu vidéo Analyse d'un
phénomène », chapitre « L'économie du
jeu vidéo », Copyright (c) 2014 Le jeu vidéo
changera-t-il l'humanité ?, consulté le 16/12/14, Url :
http://jvsociete.insa-rennes.fr/
248 Le Syndicat National du Jeu Vidéo, « Le
jeu vidéo en France en 2012 éléments clés »
, 2012, URL :
http://www.iim.fr/pdf/elements-cles-2012.pdf
249 Alexande Combralier, Laurent Benoit, « Steam
dépasse les 50 millions d'inscrits (une deuxième fois), Origin
suit avec 30 millions », Gamalive, publié le 26/11/12,
consulté le 16/12/14, URL :
http://www.gamalive.com/actus/14774-steam-50-millions-utilisateurs-origin.htm
250 Martin Brisebois, « Un jeu indépendant,
qu'est-ce que c'est ? » Multijoueur les infos 100% jeux vidéo,
publié le 15/08/14, consulté le 16/12/14, URL :
http://multijoueur.ca/2014/08/15/un-jeu-independant-quest-ce-cest/
93
est, en général, vendu entre 5 et 20 euros.
Cependant les développeurs ne touchent en moyenne que 30% de cette somme
sur chaque vente.
Il est particulièrement difficile de faire un
état exact de l'industrie du jeu vidéo indépendant. En
effet, n'étant constituées que de petites et moyennes
entreprises, les indépendants n'ont pas les moyens ni
l'intérêt de commander des études quantitatives aux agences
spécialisées. De plus le succès du jeu vidéo
indépendant étant récent, il n'existe donc pas, à
ce jour, de bilan recensant le chiffre d'affaire de ce marché.
2) Hauteur de financement des jeux
indépendants
Les jeux indépendants passant par le système du
crowdfunding ne requièrent pas la même hauteur de financement. En
effet, un jeu en 2D avec un style graphique fortement pixellisé
nécessitera un financement moindre qu'un jeu en 3D photo
réaliste. Avant de lancer sa campagne de financement participatif, le
créateur du jeu vidéo doit donc faire une estimation de la somme
nécessaire à la réalisation de son projet. Ainsi, nous
voyons des jeux tels que « FTL : Faster Than Light251
» qui ne demandent que 10 000$ d'investissements pour être
amenés à leur termes tandis que d'autres, beaucoup plus ambitieux
demandent plus de 1 000 000$ tel que « Elite :
Dangerous252 », qui a demandé lors de sa campagne
de financement 1 250 000£, soit 1 738 762€. Cependant, le
système de financement participatif ne disposant pas de plafond, il est
important de noter que de nombreux jeux dépassent leurs objectifs de
financement, au point de doubler voire même tripler leur objectif. C'est
le cas du projet « Torment : Tides of Numenera253
» lancé en mars 2013 et dont l'objectif fixé était de
900 000$, mais qui a atteint à ce jour 4 831 049$ de financement alors
que sa sortie est prévue pour courant 2015.
251 Subset Games, « FTL : Faster Than Light »,
2012
252 Frontier Developments, « Elite : Dangerous »,
2014
253 InXile Entertainment, « Torment : Tides of Numenera
», 2015
94
Il est particulièrement difficile de faire un
état exact de cette industrie. En effet, ne comptant pas de grosses
industries, les indépendants n'ont pas les moyens ni
l'intérêt de commander des études quantitatives aux agences
spécialisées.
V. Le futur du jeu vidéo indépendant
Nous l'avons dit, le marché du jeu vidéo est
actuellement en pleine expansion, avec 66 Milliards d'euros de chiffre
d'affaire. L'accessibilité toujours plus large aux jeux vidéo par
le biais des nouvelles technologies telles que les Smartphones ou la Wii sont
à la source de cette expansion. Cette industrialisation a
également eu comme effet d'entraîner une uniformisation et une
standardisation des produits. Selon David Cage, fondateur et créateur du
studio Quantic Dream basé à Montreuil, « Le jeu
vidéo est passé d'un stade artisanal à une phase plus
industrielle. Aujourd'hui, la plupart des équipes sont
structurées, organisées, managées, et les gros
blockbusters de fin d'année nécessitent jusqu'à 1.000
personnes réparties à travers le monde... Beaucoup dans
l'industrie du jeu et en-dehors critiquent régulièrement le fait
que les concepts tournent en rond. Mais on voit également de petites
équipes indépendantes revenir aux sources du jeu
créé dans un garage, avec des expériences sur tablettes ou
smartphones. Aujourd'hui, la créativité émerge surtout du
côté des jeux indépendants. Ces créateurs ont moins
de pression financière et peuvent se permettre de prendre des risques,
ce qui est impossible sur des jeux à 100 millions de dollars de budget.
L'avenir de l'industrie est du côté des créateurs
indépendants. Beaucoup de concepts passionnants vont sortir de
là. 254».
Cependant, le jeu indépendant reste encore aujourd'hui
associé à un phénomène de niche
étiqueté geek. Le journaliste Simon Carles, président de
l'Independant Games Festival, aimerait que le jeu indépendant soit
traité de la même manière que la musique et le
cinéma dans les différents médias, qu'il soit
considéré
254 Boris Manenti, « Interview de David Cage :
« L'avenir du jeu vidéo est entre les mains des
indépendants », Le Nouvel Observateur, publié le
19/11/14, consulté le 16/03/15, URL :
http://obsession.nouvelobs.com/jeux-video/20141119.OBS5472/david-cage-l-avenir-du-jeu-video-est-entre-les-mains-des-independants.html
95
comme une forme de divertissement ou d'art à part
entière255. Mais le jeu indépendant parviendra-t-il
à conquérir ses lettres de noblesse ?
Clive Thompson, éditorialiste au magazine Wired,
établit un parallèle judicieux entre le développement des
industries du jeu vidéo, du cinéma et de la musique. Il note
qu'au sein de ces trois secteurs, le genre indépendant est apparu
lorsque les coûts de production de plus en plus importants ont
engendré une uniformisation des oeuvres proposées, créant
ainsi, une situation propice pour que le public apprécie la
nouveauté. Alors, après le cinéma dans les années
1960, le rock dans l'industrie musicale dans les années 1970, l'heure de
la propulsion du phénomène indépendant sous le feu des
projecteurs dans l'industrie vidéo-ludique pourrait bien avoir
sonnée256.
255 Mathias Cena, « L'indé est-il l'avenir du
jeu vidéo ? »,
Poptronics.fr, publié le
20/03/09, consulté le 16/03/15, URL :
http://www.poptronics.fr/l-inde-est-il-l-avenir-du-jeu
256 Mathias Cena, « L'indé est-il l'avenir du
jeu vidéo ? »,
Poptronics.fr, publié le
20/03/09, consulté le 16/03/15, URL :
http://www.poptronics.fr/l-inde-est-il-l-avenir-du-jeu
96
Chapitre 4 : étude pratique
I. Présentation de la méthodologie
1) Hypothèses
Nous avons vu que le jeu vidéo indépendant
possède aujourd'hui un rôle important dans l'univers
vidéo-ludique. Cependant, afin de cerner quelle est exactement sa place,
il est nécessaire de confronter plusieurs hypothèses.
- Est-ce que le jeu indépendant peut coexister en
parallèle du modèle
traditionnel ?
- Ce genre nouveau, va-t-il, dans le futur, remplacer le
modèle traditionnel ?
- Ou bien le jeu indépendant est-il un simple vivier
dans lequel les grands studios piochent des idées et
débauchent des employés ?
Afin de confirmer ou d'infirmer ces différentes
hypothèses, nous utiliserons deux méthodologies d'étude
complémentaires.
2) Les méthodes d'analyse
Pour étudier le sujet de ce mémoire, il est
important d'établir une analyse méthodologique. Ainsi, j'ai
décidé de réaliser cette étude en m'appuyant sur
deux méthodologies différentes et complémentaires.
Tout d'abord, la méthode des entretiens avec des
professionnels, qui a pour but de recueillir les avis de différents
spécialistes de l'univers vidéo-ludique et plus
particulièrement de la sphère indépendante. Il est
nécessaire, à mon sens, pour mieux comprendre l'explosion de la
bulle indépendante, de s'adresser à des acteurs du domaine du jeu
vidéo indépendant. Cette méthode m'a permis ainsi
d'adopter un
97
point de vue interne à ce phénomène
nouveau. De plus, ayant déjà un pied dans l'univers
vidéo-ludique, il m'a été assez facile de savoir quelles
personnes contacter en vue de la réalisation de cette analyse.
En parallèle, la méthodologie secondaire que
j'ai choisi de mettre en application est celle du questionnaire de type
sondage. Cette dernière permet, contrairement aux entretiens, d'adopter
un point de vue externe à la bulle indépendante. En effet, cette
méthode permet, en interrogeant un échantillon important de
personnes, de calculer un indicateur assez précis de l'accueil
réservé au jeu indépendant par le grand public. De plus,
Le sondage présente de nombreux atouts indéniables à
commencer par son faible coût et sa rapidité de mise en oeuvre et
de collecte. Enfin, m'étant construit un réseau de connaissances
important, j'ai eu des facilités à diffuser ce dernier, notamment
grâce aux réseaux sociaux permettant d'obtenir de nombreuses
réponses en très peu de temps.
a) Les entretiens
1. Présentation
La méthode de l'entretien est une technique de collecte
de données qualitative en appréhendant l'objet de l'étude
de manière globale et interprétative257. L'entretien a
pour but de saisir le sens d'un phénomène tel qu'il est
perçu par les participants. Il fonctionne dans une dynamique de
co-construction du sens entre le chercheur et l'interrogé. Il permet de
recueillir des données permettant au chercheur de vérifier ou
d'infirmer ses hypothèses. Il faut garder à l'esprit que cette
méthodologie peut également faire naître de nouvelles
hypothèses.
L'entretien est basé sur des processus fondamentaux de
communication et d'interaction humaine. Il ne peut pas être
considéré comme un simple questionnaire réalisé
dans une relation anonyme. En effet, le rapport social entre en jeu dans
l'entretien contrairement au questionnaire d'enquête. Ainsi, il est
important de ne pas oublier que l'individu interviewé s'inscrit en
relation avec son bagage social, sa
257 Geneviève Imbert, « L'entretien semi-directif
: à la frontière de la santé publique et de
l'anthropologie », in Recherche en soins infirmiers n° 102,
Association de recherche en soins infirmiers, 2010
98
position. Chaque réponses, descriptions,
représentations exprimées par celui-ci sont donc à
rapporter au point de vue dont elles dépendent : la position de
l'individu. Le chercheur doit garder en tête que derrière chaque
interviewé se cache une position à laquelle sont liés des
enjeux et des intérêts dont l'individu n'a parfois même pas
conscience. Il est donc important de ne pas repositionner la parole de
l'enquêté hors de son contexte social. Ce premier constat permet
déjà d'objectiver les réponses obtenues258.
Dans un second temps, il est nécessaire de comprendre
qu'un entretien se construit en relation avec sa problématique et, si
possible, ses hypothèses. Il en va de même pour le choix des
personnes interviewées. Une longue réflexion préliminaire
est donc indispensable afin de déterminer le choix des individus selon
leur utilité et leur rapport avec le sujet étudié.
La méthode de l'entretien possède plusieurs
avantages, il permet notamment 259:
- Une analyse du sens donné par les acteurs aux
événements auxquels
ils sont confrontés. Ainsi nous pourrons analyser leurs
systèmes de valeurs, leurs repères normatifs, leurs
interprétations...
- Une analyse d'un problème précis. Ainsi nous
pourrons déterminer ses données, ses enjeux, quels sont les
différentes parties en présence, leurs relations...
- Une reconstitution d'un processus d'action,
d'expériences ou d'événements du passé.
Il existe trois statuts de l'entretien260 :
-
|
Exploratoire : Il permet de dégager des thèmes,
des points d'accroches
|
sur l'objet, mais également d'agrandir son réseau
de relation pour la suite de
258 Nicolas Lefèvre « Méthodes et
techniques d'enquête », Université Lille 2,
consulté le 18/03/15, p 1, URL :
http://staps.univ-
lille2.fr/fileadmin/userupload/ressourcespeda/Masters/SLEC/entremethrecher.pdf
259 Id
260 Nicolas Lefèvre « Méthodes et
techniques d'enquête », Université Lille 2,
consulté le 18/03/15, p 12, URL :
http://staps.univ-
lille2.fr/fileadmin/userupload/ressourcespeda/Masters/SLEC/entremethrecher.pdf
99
l'enquête. Ces entretiens sont utilisés lors des
premières lectures afin d'affiner la recherche, de définir plus
précisément l'objet et de mettre au jour la
problématique.
- Principal : Il permet de confronter les hypothèses
face aux résultats obtenus afin de les confirmer ou de les infirmer.
Ainsi, ces entretiens s'effectuent lorsque la recherche est déjà
bien avancée puisque les hypothèses sont déjà
émises. Le questionnement est affiné, réfléchi. Le
chercheur creuse au maximum les informations obtenues.
-
|
Contrôle : Ce type d'entretien s'effectue en fin
d'enquête. Il donne
|
l'occasion de vérifier les informations obtenues tout au
long de la recherche.
Il est également possible d'utiliser trois méthodes
d'entretien différentes261 :
- Directif : Il est basé sur des questions fermées
auxquelles le sujet
répondra par oui ou non. Ce modèle est
très rassurant pour le chercheur, cependant il laisse peu de place
à l'expression, à la parole pour l'interviewé.
- Semi-directif : Ni complétement ouvert, ni
entièrement fermé, ce type d'entretien offre une
liberté plus grande pour le sujet puisque le but du chercheur est de le
laisser parler ouvertement. Néanmoins, le chercheur se doit de recentrer
l'entretien sur les thèmes de l'objet lorsque l'interviewé s'en
écarte. Il est nécessaire de disposer d'un certain nombre de
thèmes et de questions guides, cependant le chercheur doit s'adapter au
sujet interrogé, l'ordre des questions et leur formulation peuvent donc
être changés.
- Libre : Ce type d'entretien ne possède pas de cadre
défini. Basé sur le modèle de la conversation
naturelle, il est souvent utilisé pour les récits de vie. En
effet, lorsque l'on cherche à retracer une trajectoire de vie, on tente
alors de ne pas limiter l'entretien à quelques dimensions de la vie du
sujet, mais plutôt d'embrasser la totalité de son vécu. On
laisse alors à l'interviewé une totale liberté, le
rôle du chercheur étant alors de rebondir sans cesse sur les
différents éléments afin de pousser le sujet à
continuer et ne pas casser le rythme de l'entretien.
261 Nicolas Lefèvre « Méthodes et
techniques d'enquête », Université Lille 2,
consulté le 18/03/15, p 23, URL :
http://staps.univ-
lille2.fr/fileadmin/userupload/ressourcespeda/Masters/SLEC/entremethrecher.pdf
100
Nous nous baserons, lors de ce mémoire, sur le
modèle de l'entretien principal semi-directif. De plus, j'ai choisi
d'orienter mes questions afin que l'interviewé réponde par le
biais du registre informatif.
2. Les questions
Pour construire mes différentes entrevues, j'ai choisi
d'appliquer la méthode de l'entonnoir à mes questions.
Ainsi, mes deux premières questions portent sur la
représentation générale que se fait l'individu du jeu
vidéo indépendant, et de la notion d'indépendant :
Qu'est-ce que le jeu vidéo indépendant pour vous ? Que
représente cette notion d'indépendant ? En effet, la
définition du jeu vidéo indépendant n'étant
actuellement pas proprement déterminée, elle peut avoir une
signification différente selon les individus interrogés.
J'ai ensuite inséré trois questions relatives
à l'utilité du jeu vidéo indépendant, à
savoir à qui se destine-t-il ? S'il est né en réponse
à une demande du public ? Puis s'il ne représente pas par son bas
prix un point d'entrée sur le jeu vidéo, un moyen de
séduire des non joueurs ? En effet, selon les personnes
interrogées, l'utilité du jeu vidéo indépendant
peut se trouver différente.
Par la suite j'ai choisi d'interroger les individus sur la
réception de ce genre vidéo-ludique par le public et par les
grosses boîtes d'édition de jeux vidéo.
Suite à cela, le jeu vidéo indépendant
étant actuellement en pleine explosion, j'ai inséré deux
questions en rapport avec son succès, et les raisons d'un tel engouement
pour celui-ci. Le jeu vidéo indépendant arrive-t-il à
faire face au modèle traditionnel et à ses grosses boites de
production ? Et si oui comment ? Selon vous pourquoi le jeu vidéo
indépendant marche ?
Pour finir, j'ai décidé de conclure les
entrevues en se penchant sur le futur de la bulle indépendante. En
effet, je pense qu'il est judicieux dans un premier temps de demander aux
sujets, leur avis sur l'avenir du jeu vidéo indépendant : quel
est son futur, comment va-t-il évoluer ? Puis de les confronter aux
hypothèses que j'ai émises sur le devenir de ce genre
vidéo-ludique : Ne risque-t-il pas de prendre de
101
l'ampleur et de remplacer le modèle traditionnel ? Ou
bien peut-il continuer à coexister avec le modèle traditionnel
?
Ainsi, j'ai établi un questionnaire d'interview type
comprenant douze questions. Cependant, ce dernier est susceptible d'être
modifié et adapté selon le déroulement de l'entrevue.
3. L'échantillon
d'enquête
Afin d'établir un échantillon d'enquête
exhaustif, j'ai décidé d'effectuer dix entretiens. De plus, j'ai
choisi de cibler cet échantillon sur les personnes impliquées
dans le domaine du jeu vidéo indépendant.
Ainsi, il est possible de découper les personnes
interrogées en trois catégories :
- Les personnes travaillant au sein de studios de
développement de jeux
vidéo indépendants.
- Les personnes travaillant dans la presse
spécialisée dans le jeu vidéo
indépendant uniquement.
- Les personnes travaillant dans la presse
spécialisée dans le jeu vidéo.
Ces trois profils types sont complétement
différents car ils sont plus ou moins proches du domaine du jeu
vidéo indépendant. Ainsi, leur vision de ce dernier peut
être sensiblement différente selon leur position.
4. Contexte de réalisation des
entretiens
Les entrevues se sont déroulées durant une
période de quatre mois.
Cinq entretiens ont été réalisés
en face à face dans un lieu neutre (café), et deux autres ont
été effectués par le biais du logiciel Skype. La
totalité des entrevues ont été enregistrées avec
l'accord des participants, et la durée de chacune d'entre
102
elles n'a pas dépassé 45 minutes. Ces entretiens
ont permis de collecter un matériel d'étude
particulièrement dense.
b) Le questionnaire de sondage
1. Le questionnaire
Pour réaliser cette enquête de type sondage j'ai
construit un questionnaire en trois partie contenant 18 questions.
Ainsi, la première partie constituée de six
questions comprend des interrogations me permettant de déterminer le
profil de l'interrogé par le biais de questions telles que sa tranche
d'âge, son sexe, son statut professionnel, la durée durant
laquelle il s'adonne au jeu vidéo durant la semaine ainsi que les
différentes plates-formes qu'il utilise pour jouer.
La seconde partie, composée de quatre questions, porte
sur le jeu vidéo indépendant en général, et la
position que défend l'interrogé par rapport à ce genre de
jeu. Ainsi, par le biais de la question « connaissez-vous le jeu
vidéo indépendant », j'exclus de mon échantillon les
personnes n'ayant aucune connaissance de cette catégorie de jeu. Par la
suite, je tente de déterminer sa relation avec le jeu vidéo
indépendant, « Jouez-vous régulièrement à
cette catégorie de jeux vidéo ? », puis, s'il est un
utilisateur régulier, j'encourage l'interrogé à justifier
les raisons qui le poussent à jouer aux jeux vidéo
indépendants, « Qu'est-ce qui motive votre choix de jouer à
des jeux indépendants ? ». Cette question à choix multiples
me permets de déterminer les différentes caractéristiques
du jeu vidéo indépendant qui plaisent le plus les usagers. Pour
finir, j'ai inséré une question me permettant de
déterminer ce que représente la notion d'indépendance dans
le jeu vidéo pour le sujet interrogé. Nous l'avons dit, la
définition du jeu vidéo indépendant ne fait pas consensus.
Cette question à choix multiples, me permets donc de voir quelles sont
les différentes caractéristiques du jeu vidéo
indépendant qui impactent le plus les usagers.
La dernière partie du questionnaire, composée de
sept questions, est focalisée sur les relations entre le circuit de
production traditionnel et le jeu vidéo
103
indépendant. C'est également la partie la plus
ouverte du questionnaire. Tout d'abord, j'ai voulu comparer le jeu
indépendant aux jeux traditionnels par le biais de la question «
Selon vous, les jeux indépendants sont-ils différents des jeux
traditionnels ? », j'ai également demandé une justification
à la réponse données par les interrogés. Par la
suite, je me suis penché sur les trois hypothèses émises
par le biais de trois questions associées à des justifications :
« Pensez-vous que le circuit traditionnel et indépendant peuvent
coexister ? », « Le genre indépendant, ne risque-t-il pas,
dans le futur, de remplacer le modèle traditionnel ? », « Le
rachat de la licence « Minecraft » par Microsoft ne laisse-t-il pas
présager que les grands studios vont s'emparer des jeux vidéo
indépendants rencontrant un certain succès ? ».
2. Le mode d'enquête
Il est à noter qu'il existe plusieurs modes
d'enquête différents s'appliquant à la méthode du
sondage, l'enquête par téléphone, l'enquête postale,
l'enquête par internet et l'enquête en face à face. Dans le
cadre de mon mémoire de recherche j'ai privilégié deux
d'entre elles :
- L'enquête en face à face
Cette méthode présente de nombreux avantages et
inconvénients. Tout d'abord elle permet un contrôle total sur
l'échantillon sélectionné pour répondre au sondage.
La présence réelle de l'interlocuteur permet également de
créer un dialogue avec ce denier, de répondre à ses
questions si besoin est (mauvaise compréhension d'une question
présente dans le sondage...), mais aussi d'avoir un retour direct sur le
questionnaire administré et de modifier ce dernier au besoin. Le temps
d'administration du sondage créé lors de cette étude a
été compris entre dix et vingt minutes selon les personnes.
Cependant cette méthode entraîne plusieurs désavantages,
notamment au niveau du temps de réalisation mais également du
coût de production. En effet l'obligation d'imprimer de nombreux
questionnaires ainsi que le déplacement sur le lieu de l'enquête
représentent des frais supplémentaires
104
ainsi qu'une somme de temps importante. Enfin, elle limite
géographiquement la portée de l'enquête.262
- L'enquête par internet
L'enquête par internet possède l'avantage d'avoir
un traitement automatisé des réponses permettant un gain de temps
important. Cette méthode n'engendre aucun coût de production et
permet de diffuser le questionnaire à de nombreux contacts
réduisant la durée de réalisation de l'enquête. De
plus, sa couverture géographique est illimitée. Cependant, il est
difficile de cibler l'échantillon représentatif voulu, car il est
impossible de savoir qui va répondre ou ne pas répondre au
questionnaire. Enfin, le temps d'attention des personnes surfant sur le web
étant très court, le temps de réponse au questionnaire ne
doit pas dépasser les dix à quinze minutes afin de ne pas
décourager les internautes dans leur participation à
l'enquête263.
3. La cible
Pour cette étude, j'ai tenté de cibler mes
recherches uniquement sur les personnes jouant régulièrement
à des jeux vidéo indépendants. Ainsi, j'ai tout d'abord
commencé par diffuser ce questionnaire aux personnes de mon entourage,
et notamment aux personnes que je connaissais comme impliquées dans
l'univers du jeu vidéo indépendant afin d'établir une base
d'étude.
Dans un second temps, afin de constituer un échantillon
de recherche conséquent, j'ai effectué quelques recherches en
ligne afin de cibler les différents sites et forums
spécialisés dans le domaine du jeu vidéo
indépendant. Ainsi, j'ai diffusé mon questionnaire sur plusieurs
sites internet tels que les forums des sites
Indius.org,
Game-sphere.fr, ou bien encore
P911-Magazine.com.
262
Lemondedesetudes.fr,
« Quel mode d'enquête ? »,
http://lemondedesetudes.fr/quel-mode-denquete/,
publié le 26/10/2009, consulté le 27/03/2015
263 « Quel mode d'enquête ?
»,
http://lemondedesetudes.fr/quel-mode-denquete/,
publié le 26/10/2009, consulté le 27/03/2015
105
Pour finir, toujours dans le but d'élargir mon
échantillon de recherche, j'ai également utilisé les
forums de plusieurs grands sites de critiques vidéo-ludique
généraliste tels que
Jeuxvideo.com,
Gameblog.fr,
Gamekult.com ou bien encore
Nolife-tv.com en précisant que
ce sondage s'adressait aux personnes impliquées dans le domaine du jeu
vidéo indépendant.
Il est à noter que plusieurs formes d'analyse des
résultats statistiques sont possibles. Pour la réalisation de
cette étude j'ai choisi d'utiliser le tri à plat qui consiste
à établir la distribution de fréquence pour chaque
réponse possible pour toutes les questions264. Cette
méthode m'a permis d'établir une vision globale des
résultats et grâce aux différentes grandes tendances
visibles, d'apporter des éléments de réponses à mes
différentes hypothèses.
3) Difficultés
Lors de la réalisation de cette étude j'ai
rencontré de nombreuses difficultés, à commencer par la
constitution du questionnaire utilisé lors des entrevues. En effet, il a
été fastidieux de composer des questions ouvertes faisant
écho à mon sujet principal et permettant de confirmer ou
d'infirmer mes différentes hypothèses.
Dans un second temps, la prise de contact avec les
différentes personnes que j'ai choisi d'interroger a été
longue et difficile. En effet, j'ai d'abord effectué une longue
période de recherche durant laquelle j'ai tenté de trouver le
plus de contacts possible en rapport avec mon sujet. Lors de la prise de
contact j'ai tout d'abord essuyé de nombreux refus, rendant ce travail
décourageant. Puis, après avoir reçu l'accord de plusieurs
personnes, j'ai été dans l'obligation de les relancer à de
nombreuses reprises afin de ne pas être victime d'un changement d'avis de
dernière minute. La majorité de mes entretiens s'étant
déroulés à Paris, il a également été
compliqué de fixer des dates d'entretien rapprochées afin de ne
pas avoir à effectuer plusieurs voyages. De plus, la réalisation
même des entrevues s'est avérée délicate.
264
http://www.creatests.com/analyse-des-resultats-de-l-enquete,
consulté le 27/03/2015
106
N'ayant jamais eu l'occasion d'effectuer des interviews, il a
été très difficile et angoissant pour moi de
réaliser des entretiens avec des professionnels du domaine du jeu
vidéo. C'est pourquoi dans un premier temps, je me suis tenu à
respecter le questionnaire élaboré au préalable
auprès des interrogés. Cependant, Après plusieurs
entretiens, je me suis permis d'apporter quelques modifications selon la
situation du sujet interviewé. C'est la raison pour laquelle seuls mes
deux derniers entretiens comportent des questions en plus et des formulations
différentes. Au final je n'ai pu effectuer que 7 interviews sur les 10
que je m'étais fixées, et je n'ai pas pu recueillir les propos de
chercheurs spécialisés dans le domaine vidéo-ludique et
notamment d'Alexis Blanchet et de Sébastien Genvo à cause de leur
emploi du temps chargé.
J'ai également rencontré des difficultés
lors du traitement de données obtenues lors de mes entretiens. En effet,
n'ayant jamais utilisé la méthode des entretiens, j'ai
été obligé de me référer à de
nombreux écrits, tels que « L'analyse de contenu
265» de Laurence Bardin, l'ouvrage d'Alain Blanchet et
d'Anne Gotman « L'enquête et ses méthodes : L'entretien
266», ou bien encore le « Guide de
l'enquête de terrain 267» de Stéphane Beaud
et Florence Weber, afin de trouver la bonne méthode dans le traitement
de données.
Pour finir, j'ai rencontré peu de difficultés
lors de la réalisation de mon enquête de type sondage. En effet,
ayant déjà eu recours à cette méthodologie lors de
mon mémoire de Master 1, je connaissais déjà la
démarche à suivre. Les deux seules difficultés
rencontrées ont été la construction des questions autour
de mes hypothèses, et la maîtrise du logiciel de traitement de
données Sphinx qui peut s'avérer quelque peu capricieux.
265 Laurence Bardin, « L'analyse de contenu »,
Presses universitaires de France, Quadrige Manuels, 2013
266 Alain Blanchet, Anne Gotman, « L'enquête et
ses méthodes : L'entretien », Armand Colin, 2010
267 Stéphane Beaud, Florence Weber, « Guide de
l'enquête de terrain », La Découverte, 2003
107
II. Analyse d'entretiens
Sept entretiens ont été effectués lors de
cette enquête. Ces entretiens sont à ranger dans trois
catégories différentes selon la position professionnelle de
l'individu interrogé. Ainsi dans la catégorie presse
vidéo-ludique généraliste, nous pouvons classer deux
entretiens différents, l'interview de M. Loïc Rallet, journaliste
pour le site
jeuxvideo.com édité par
l'Odyssée Interactive, société du groupe Webedia,
réalisée le 8 mai 2015, et l'entrevue de M. Matthieu Hurel,
journaliste pour le site
Gamekult.com, propriété
de Cup Interactive, réalisée le 9 mai 2015.
Dans la catégorie presse vidéo-ludique
spécialisée dans le jeu vidéo indépendant, deux
entretiens peuvent être classés, l'entrevue de M. Arthur Jeannin,
rédacteur pour le site web
Indius.org, réalisée le 31
mars 2015, et l'entretien de M. Lucas Delhez, rédacteur pour le magazine
électronique P911 ainsi que pour le site web
P911-magazine.com,
réalisé le 20 avril 2015.
Pour finir, dans la catégorie studios de
développement indépendants, trois entrevues ont été
réalisées. Tout d'abord l'entretien avec M. Alain Puget,
Co-fondateur du studio indépendant Alkemi Games, réalisée
le 12 mai 2015. L'interview de M. Ronan Coiffec, directeur créatif du
studio de développement indépendant Osome Studio,
réalisée le 10 mai 2015. L'entrevue de M. Jimmy Latour,
développeur pour le studio indépendant Bwoogames,
réalisée le 11 Mai 2015
Afin de mener une analyse efficace et intelligente des
données obtenues lors des entrevues, il est important, de regrouper les
différentes réponses en catégories afin de confronter les
arguments de chaque participant entre eux et d'en tirer différentes
tendances
Pour commencer, les questions portent donc sur ce qu'est le
jeu indépendant et ce que représente cette notion. La tendance
générale dégagée lors de ces entretiens montre que
le jeu indépendant représente une catégorie de jeux
développés par des petites équipes de développeurs,
indépendantes des grosses sociétés d'édition. Cela
sous entend une indépendance créative, puisque les jeux
108
développés ne sont pas des projets
commandés par de plus grosses sociétés, mais
également une indépendance financière dont résulte
des moyens limités. Ils représentent donc des projets moins cher
à produire, nécessitant un moindre besoin de rentabilité.
Le jeu vidéo indépendant est également un moyen de donner
la possibilité aux petites équipes de développeurs de
réaliser leurs projets, il en résulte donc des jeux plus
créatifs mais également plus personnels. Alain Puget,
co-fondateur du studio de développement indépendant Alkemi Games,
ajoute qu'un jeu indépendant s'oppose à la notion de jeu sur
commande ou de jeu à licence de l'industrie classique Cependant, ce
dernier s'élève contre la tendance principale. En effet, pour lui
un jeu peut être indépendant tout en ayant un éditeur qui
assure sa communication. Par ailleurs, Loïc Rallet, journaliste pour le
site web d'information
jeuxvideo.com, ajoute que le jeu
indépendant rencontrant un succès de plus en plus important, les
gros conglomérats d'éditeurs tentent de s'approprier cette part
de marché en commandant à de petites équipes internes des
titres proches de ce que proposent les jeux indépendants : « A
l'heure où le public commence à se lasser des grosses
productions, souvent assez formatées, le jeu indépendant est en
vogue, et les éditeurs l'ont bien compris. Du coup, eux-mêmes
commencent à proposer leurs jeux indépendants. Child of Light,
Grow Home ou Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre sont
développés par de toutes petites équipes, mais en interne,
chez Ubisoft (un gros éditeur NDR). »
Ainsi, la frontière entre jeux indépendants et
jeux issus de l'industrie classique semble devenir poreuse, et des objets
hybrides apparaissent rendant le jeu vidéo indépendant difficile
à définir.
Afin d'affiner cette analyse, les participants nous ont
délivré une explication de ce que représente cette notion
d'indépendance. Ainsi, il apparait que c'est ce concept qui autorise aux
équipes de développeurs de se délivrer de toute contrainte
de création, ligne éditoriale, planning de production, ne
laissant plus que des contraintes économiques. Cette liberté est
donc l'occasion pour ces équipes de laisser libre cours à leur
imagination et de suivre leurs envies. Cependant, Loïc Rallet,
tempère ces propos en ajoutant que cela peut donner naissance à
d'excellents jeux mais également à de très nombreux
mauvais jeux. Pour Arthur Jeannin, rédacteur pour le site
spécialisé dans le jeu indépendant
Indius.org,
109
l'apparition du concept d'indépendant au sein de
l'univers vidéo-ludique représente une véritable
révolution. En effet, en proposant de véritables concepts
originaux, ils ont apporté un vent d'air frais sur l'industrie qui
semble peu à peu s'enfermer dans une standardisation. Elle a
également permis de montrer que tout le monde pouvait émettre des
idées et créer des jeux vidéo, peu importe l'âge ou
les qualifications : « Une vraie révolution. Les premiers gros
jeux indépendants comme World of Goo ont fait fureur parce qu'ils
changeaient tellement de ce qui nous était proposé à
l'époque. On avait de nouveaux concepts, des jeux plein d'idées
fraiches, de genres totalement originaux qui sont nés. Le boom de la
scène indépendante a vraiment montré que tout le monde
pouvait avoir de bonnes idées et créer un jeu vidéo, peu
importe son âge ou ses qualifications. »
Matthieu Hurel, journaliste pour le site web de presse
vidéo-ludique
Gamekult.com, s'oppose à la
tendance générale. En effet, selon lui, le terme
indépendant représente aujourd'hui avant tout un atout marketing
: « Aujourd'hui, c'est un atout marketing avant tout, puisque l'image
du jeu indépendant renvoie souvent au côté artisanal,
authentique et un peu anarchiste par certains aspects. ».
Le second groupement de questions se concentre sur
l'utilité que représentent les jeux vidéo
indépendants.
Ainsi, selon la tendance principale qui se dégage, les
jeu vidéo indépendants ne s'adressent pas à public
réellement ciblé, car techniquement n'importe qui
possédant une machine de jeu peut jouer à ces titres, de plus de
nombreux genres (FPS, Plate-forme, jeux de rythme, gestion, etc...) sont
représentés au sein de la sphère du jeu vidéo
indépendant, ouvrant ce marché au plus grand nombre, la
réponse de Ronan Coiffec, directeur créatif pour le studio
indépendant Osome Studio est représentative de cette tendance :
« Je pense que le jeu indépendant parvient à toucher
différents types de joueurs. [...] le jeu indépendant parvient
à créer un peu ce qui se passe au cinéma,
c'est-à-dire une pluralité d'expériences dans
énormément de styles différents. C'est extrêmement
riche et intéressant pour le public, à condition de s'y
intéresser un peu et d'aller chercher son jeu. ». Ainsi, les
indépendants n'auraient donc pas de cible précise. Cependant,
toujours selon les propos de Ronan Coiffec, ils demandent un investissement
temporel. En effet, le
110
manque de communication et de marketing autour de ces titres
entraîne un manque de visibilité qui aura pour conséquence
le fait que seuls les joueurs intéressés par le milieu et ayant
les moyens d'accéder à des informations sur ces jeux pourra se
procurer un titre indépendant. Cette conclusion est appuyée par
la majorité des interrogés et notamment par Loïc Rallet,
« En général ils attirent des joueurs
expérimentés, qui connaissent bien le milieu et qui fouillent
Steam, les comptes Twitter de certains développeurs pour se tenir au
courant de l'actu indépendante. ».
De plus, la démocratisation et la forte expansion
récente de l'indépendant au sein de l'univers
vidéo-ludique semble, selon les interrogés, être une
réponse à l'évolution générale de
l'industrie du jeu vidéo. Les indépendants ont toujours
existé mais ont pris une certaine ampleur face à la
transformation du jeu vidéo en loisir de masse entraînant ainsi
une standardisation, une aseptisation et une inertie du modèle de
création traditionnel. Selon Loïc Rallet, « Dans les
années 2000 le jeu vidéo est vraiment passé d'un hobbie de
geek à un loisir de masse, son économie a évolué en
conséquences », il y a donc eu « une sorte de
réaction à la "businessification" du jeu vidéo ».
Nous retrouvons cette tendance chez la plupart des interrogés, et
notamment chez Ronan Coiffec pour qui le jeu vidéo indépendant
« répond à une certaine inertie commerciale du jeu
vidéo en général », chez Matthieu Hurel, selon
qui le jeu indépendant « est né médiatiquement
d'un besoin de différenciation par rapport aux productions commerciales
traditionnelles, d'une réponse aux AAA », ou encore chez Lucas
Delhez, rédacteur pour le magazine distribué en ligne
spécialisé dans le jeu vidéo indépedant P911, qui
ajoute à cet effet de réaction à l'orientation qu'a pris
le marché vidéo-ludique l'apparition d'internet comme condition
principale à l'origine de l'explosion de la bulle indépendante :
« Il y a deux facteurs qui font que le jeu indépendant est ce
qu'il est aujourd'hui. Tout d'abord, internet. En effet, avant, il était
très difficile de commercialiser son jeu, désormais, il suffit
d'un clic pour héberger son jeu en ligne, à la portée de
tous. La deuxième chose, c'est ce dégoût vis-à-vis
des jeux des grosses productions devenant de plus en plus lassant
».
Enfin nous pouvons voir qu'un dissensus s'est formé au
sein de ces entretiens au sujet du bas prix auquel sont vendus la plupart des
jeux vidéo indépendants. En effet, dans un premier temps, Arthur
Jeannin, Lucas Delhez et Jimmy
111
Latour, développeur pour le studio indépendant
Bwoogames, semblent d'accord sur le fait que ce bas prix représente un
point d'entrée pour toute personne, joueuse ou non joueuse, dans
l'univers vidéo-ludique. En effet, le catalogue très important de
titres permet à tout un chacun de trouver l'expérience qui lui
correspond à un prix très bas permettant de ne pas rebuter les
joueurs non réguliers. Cependant, plusieurs arguments mis en avant par
Loïc Rallet, Ronan Coiffec et Alain Puget semblent aller à
l'encontre de ces affirmations. En effet, tout d'abord il semblerait que
l'aspect visuel d'un jeu soit un critère de choix très important
chez les joueurs occasionnels. Les studios indépendant, disposant d'un
budget limité préfèrent mettre l'accent sur d'autres
éléments de leurs jeux tel que le gameplay ou l'histoire, les
graphismes sont donc la plupart du temps moins développés que
celui des grosses productions. Les titres indépendants semblent donc
moins à même de correspondre pleinement aux critères de
sélection de ce type de joueur. De plus, les pratiques liées
à l'achat de jeux vidéo indépendant ne semblent pas
être encore intégrées dans les moeurs des joueurs non
réguliers. En effet, la vente en ligne par le biais de plates-formes
spécialisées, le téléchargement des titres, ainsi
que l'installation de ces derniers peut apparaître comme rebutant pour
toute personne non habituée, ces pratiques restent donc des actes de
joueurs avertis, tels que Ronan Coiffec les qualifie : « Je ne suis
pas sûr que les jeux indépendants soient installés chez les
non-joueurs, et aller sur Steam ou GOG ou le PSN (plates-formes permettant de
télécharger des jeux vidéo indépendants NDR) est
déjà un acte de joueurs avertis ».
Par la suite, les participants aux entrevues ont
été orientés vers l'aspect réception et perception
du jeu vidéo indépendant afin de comprendre les raisons du
succès croissant de ce marché.
Les interviewés s'entendent sur le fait que le jeu
vidéo indépendant créé des réactions
diverses lors de la réception par le public. Ainsi, Matthieu Hurel
sépare le grand public qui, selon lui, ne perçoit pas du tout le
jeu indépendant car il n'est pas vendu en boite, et le public de joueurs
avisés qui offre une réception positive au jeu indépendant
lui permettant de retrouver des genres délaissés ou d'essayer de
nouveaux types de jeu. Loïc Rallet, sépare également ce
public en trois catégories, la première qui est
complètement hermétique à cette catégorie de jeux,
la seconde qui s'y adonne régulièrement, et la troisième
qui délaissent complètement les jeux
112
classiques pour ne jouer qu'au jeu indépendant. Ainsi,
le jeu vidéo indépendant semble s'intégrer de plus en plus
au marché. A tel point que, selon Alain Puget, de nombreuses
idées reçues circulent à son sujet. Il cite notamment
l'aspect innovation et qualité qui pour certaines personnes vont de pair
avec la notion d'indépendant, mais également l'aspect production
considéré comme plus simple, plus accessible et
nécessitant moins de travail qu'il considère comme très
souvent faux. Enfin, il est important de souligner que Loïc Rallet et
Ronan Coiffec font un parallèle avec le cinéma en soulignant que
le jeu indépendant est considéré par beaucoup comme des
propositions d'auteurs très personnelles très semblable à
ce que peut produire la nouvelle vague dans le domaine cinématographique
ou encore le cinéma d'Art et Essai.
Selon les interrogés, le jeu vidéo
indépendant est actuellement en train d'effectuer une montée en
puissance. Il rencontre un succès exponentiel, cependant, il ne parvient
en aucun cas à rivaliser avec le marché traditionnel en termes de
réception. Ainsi, plusieurs facteurs permettent aux indépendants
de rencontrer un certain succès. Il présente une
originalité que l'on ne retrouve pas forcément dans les titres
classiques, la possibilité d'effectuer des parties très courtes,
un prix très bas pour des joueurs n'ayant pas forcément les
moyens d'investir de grandes sommes d'argent dans ce loisir, une orientation
vers certains publics de niche spécialisés, une communication
grandissante autour de la sphère indépendante permettant de
développer une certaine image du jeu indépendant auprès
des joueurs, un assouplissement de l'accès aux jeux par le biais de
l'achat dématérialisé en ligne. Pour Ronan Coiffec, les
joueurs ont évolués et se sont diversifiés depuis
l'apparition des premiers jeux vidéo, « Le jeu vidéo
murit et évolue. En prenant conscience de la diversité des
joueurs, en proposant des nouveaux contenus, de nouvelles expériences
telles que le jeu indépendant un peu comme dans le cinéma ou la
musique. »
Par la suite, nous avons orienté les interrogés
vers les relations entre le marché du jeu vidéo traditionnel et
le marché du jeu vidéo indépendant. Afin de mieux
comprendre les relations que peuvent avoir ces deux acteurs, nous avons
demandé aux interrogés comment, selon eux, le marché du
jeu vidéo indépendant est perçu par l'industrie
traditionnelle et notamment par les grands éditeurs de jeux
113
vidéo. Deux tendances différentes
émergent parmi les interviewés face à cette question.
Ainsi, selon la première tendance au sein de laquelle nous pouvons
regrouper les propos de Lucas Delhez, Jimmy Latour et Alain Puget, le jeu
vidéo indépendant est un concurrent pour le marché
traditionnel car malgré leur petite taille, ils sont source de
créativité et intéressent de plus en plus le public. Ils
poussent donc le marché traditionnel à se remettre en question et
à proposer des productions plus travaillées. Pour répondre
à cette montée en puissance, deux stratégies
différentes peuvent être adoptées par les grands
éditeurs : le mimétisme ou la démarcation.
La seconde tendance dégagée regroupe tous les
autres interrogés et met en avant le fait que de tous temps, les gros
éditeurs ont donné les moyens aux amateurs et aux petits studios
de développer leurs propres jeux et de les mettre en avant. Nous pouvons
notamment citer l'exemple du Microsoft XNA qui est une série d'outils
informatiques distribués gratuitement par Microsoft afin de permettre le
développement de jeux pour les plates-formes Windows, Zune, Windows
Phone 7 et Xbox 360, ou bien encore le Xbox Live Indie Games, plate-forme de
mise en téléchargement de jeux vidéo créés
par la communauté disponible sur Xbox 360, et plus récemment Sony
qui n'hésite pas à chaque conférence dédiée
à la firme, à présenter de nouveaux titres disponibles
dans leur section jeux indépendants. Ainsi, ces éditeurs offrent
une place de choix aux indépendants au sein de leur marché
permettant à ces derniers de prendre de l'ampleur. Selon Matthieu Hurel
et Ronan Coiffec, les acteurs du marché traditionnel voient le
marché indépendant comme quelque chose de nouveau, leur
permettant d'étoffer leur catalogue tout en améliorant leur image
de marque, le tout, à peu de frais et donc sans risque financier :
« Je pense qu'ils voient le marché des jeux indépendants
comme un marché récent, à étudier, mais très
peu risqué financièrement. Ils ont donc tout intérêt
à s'y essayer, en soutenant des productions par exemple, pour simplement
leur permettre d'avoir des chiffres concrets, d'améliorer leur image.
».
Ainsi, il semblerait que les jeux indépendants soient
un moyen pour la grande industrie de se fournir en nouveaux concepts et
idées voire en nouveau personnel. Cependant plusieurs interrogés
tempèrent cette conclusion. En effet, Loïc Rallet souligne dans ses
propos qu'au sein des grands studios de développement de
114
nombreux salariés possèdent des idées
originales, selon lui, c'est l'organisation même de ces studios et
notamment les preneurs de décision qui limitent les créations
nouvelles, « C'est surtout les preneurs de décision qui
limitent la créativité de leurs développeurs. C'est pas
qu'ils sont dans l'incapacité d'avoir des idées, c'est surtout
qu'ils ne veulent pas trop investir là-dedans. ». De
même, Arthur Jeannin et Jimmy Latour ajoutent que les indépendants
s'inspirent également de concepts et idées présents au
sein des titres traditionnels. Enfin, selon Alain Puget de nombreux
développeurs indépendants ont, par le passé
travaillé dans des grands studios de production de jeux. C'est par
ailleurs le cas de Ronan Coiffec, qui a longtemps travaillé sur de gros
projets commandités par de grands éditeurs avant de ressentir le
besoin de s'orienter vers une production indépendante à plus
petite échelle, plus personnelle afin de se concentrer sur des
idées fortes et d'exprimer certaines choses, « D'une part
ça fait 10 ans que je travaille dans les jeux vidéo et je suis
passé par certains des plus gros studios Français comme Eden
Games, Ubisoft, DontNod, sur des productions qu'on appelle « AAA »,
donc dans de très grosses équipes avec parfois même plus de
100 personnes. D'autre part j'ai toujours réalisé des petits
prototypes de jeu de mon côté. Après le dernier AAA sur
lequel j'ai travaillé, d'abord Remember Me puis Life Is Strange, j'ai
ressenti le besoin et l'intérêt de retrouver une échelle
plus « humaine » sur la création d'un jeu. A deux ou trois, se
concentrer sur des idées fortes pour exprimer des choses
différentes. »
Il semblerait que ces deux pans du marché de
l'industrie vidéo-ludique aient donc des relations étroites.
Toutefois, selon Loïc Rallet et Alain Puget, le jeu
vidéo indépendant n'est pas à même de faire face
à la grande industrie. Ils mettent en exergue le fait que la
majorité des projets indépendants ne sont pas rentables et que
les gros succès ne restent que des exceptions difficilement
reproductible « L'énorme majorité des projets de
production de jeux dans le monde ne sont pas rentables [...] Il ne faut jamais
oublier que toutes les belles histoires de succès indépendants
sont de très rares exceptions et à ce titre difficilement
reproductibles. ». Il apparaît donc que l'industrie
vidéo-ludique est un marché à risque, les grosses
structures sont par ailleurs soumises aux même difficultés, c'est
pourquoi elles déclinent des licences à succès afin de
limiter les risques de manque de rentabilité. D'après Matthieu
Hurel et
115
Ronan Coiffec, ces deux marchés ne sont pas en conflit
car ce sont deux méthodes de production complétement
différentes. Cependant, les sommes soulevées par les campagnes de
financement participatif et l'efficacité des méthodes de
production des indépendants (petites équipes,
télétravail etc...), vont, selon Ronan Coiffec, inspirer les
grands studios de développement « Je pense que le jeu
indépendant parvient à créer des process de production
très efficaces, dont les gros studios vont peu à peu s'inspirer
»
Pour finir, ces entrevues se sont conclues en abordant le
futur de la bulle indépendante, quelle va-t-être son
évolution ?
La tendance principale dégagée admet que le jeu
vidéo indépendant va prendre de l'ampleur en touchant un public
toujours plus large. Cependant, Arthur Jeannin tempère ses propos. Selon
lui, il y a actuellement au sein du domaine indépendant beaucoup plus
titres médiocres que de bons jeux. Le genre semble donc, selon lui,
être voué à évoluer vers du positif, à
proposer plus de titres de qualité, cependant il ne pourra pas se
détacher complètement de cette part négative qui
l'accompagne incarnée par les nombreux jeux médiocres qui sont
réalisés. Selon Matthieu Hurel, il va se monétiser et se
professionnaliser davantage tout en gardant une part d'amateur exerçant
cette pratique pour le plaisir. Toujours selon lui, le terme même
d'indépendant pourrait disparaître laissant la plus grande place
à la notion essentielle à savoir celle de jeu vidéo, il
deviendrait alors une nouvelle norme, « On peut dire aussi qu'il va
encore plus se banaliser et peut-être même sortir de
l'étiquette d'indépendant pour n'être que du jeu, devenir
une nouvelle norme, en quelque sorte. ».
Nous avons, par la suite orienté les interrogés
vers le futur de la relation entre industrie vidéo-ludique
traditionnelle, et marché du jeu vidéo indépendant.
Ainsi, selon Ronan Coiffec, les éditeurs vont prendre
une place plus importante dans le jeu indépendant, par la
création de labels ou d'éditeurs spécialisés dans
le domaine. Il effectue, par ailleurs un parallèle avec le monde
cinématographique et de la musique au sein duquel des labels
spécialisés dans la création et la distribution
indépendante, « Dans un avenir proche, je pense que les
116
éditeurs vont y avoir plus de place, à travers
soit la création de labels, soit même d'éditeurs
spécialisés en indépendant tel que c'est le cas dans les
domaines de la musique ou du cinéma. ». De plus, la
majorité des interrogés pensent que les deux domaines vont
continuer de coexister, les indépendants pourront s'accaparer une plus
grande part de marché tandis que certains d'entre eux seront
absorbés par les grands studios, créant ainsi un
phénomène de régulation, l'un se nourrissant de l'autre,
ils fonctionneront en interdépendance et n'entreront pas en conflit car
ils s'adresseront à un public différent, tels que le soulignent
Matthieu Hurel « Certains seront absorbés par
l'évolution du marché traditionnel qui s'en nourrira pour
continuer à exister, d'autres resteront en marge et ne lui feront aucun
mal faute de visibilité. », ou encore Ronan Coiffec «
Je pense que les deux modèles vont coexister et se nourrir l'un
l'autre. Tout comme au cinéma ou la musique on aime autant les
blockbusters que les indépendants. ».
Ces divers entretiens ainsi que leur analyse ont permis
d'obtenir des informations sur le jeu vidéo indépendant ainsi que
plusieurs éléments de réponses liés aux
hypothèses émises lors de ce travail de recherche. Tout d'abord,
nous avons pu voir que le jeu vidéo indépendant est un objet
difficile à qualifier car sa définition ne fait pas consensus.
Nous avons également pu déterminer que même si le jeu
indépendant ne cible pas un public en particulier, à cause de son
manque de communication et de la nécessiter de maîtriser certains
outils afin de se le procurer, ce sont essentiellement les joueurs
réguliers et investis dans l'univers vidéo-ludique qui s'adonnent
à ces titres. Par la suite, nous avons vu que c'est en réaction
à la stagnation de l'industrie vidéo-ludique qu'a eu lieu
l'explosion de la sphère indépendante démocratisant cette
scène au sein de l'univers vidéo-ludique. En effet, en proposant
des titres originaux, la possibilité d'effectuer des parties très
courtes, un prix très bas et un assouplissement de l'accès aux
jeux par le biais de l'achat dématérialisé en ligne, le
jeu indépendant semble séduire un public de plus en plus large,
tout en se construisant une image positive de la scène
indépendante auprès des joueurs. Ces différents
entretiens, mettent également en exergue le fait que le marché du
jeu vidéo indépendant ainsi que l'industrie vidéo-ludique
classique entretiennent une relation complexe. En effet, d'une part, le secteur
indépendant, en proposant des idées originales, alimentent le
marché traditionnel, notamment par le biais de rachats de licences.
D'autre part, il est important de noter que les
117
indépendants s'inspirent d'idées issues de
certains jeux vidéo classiques, et s'accaparent une partie des
travailleurs du domaine traditionnel. Ainsi, il semblerait que ces deux pans de
l'industrie vidéo-ludique fonctionnent en interdépendance et
selon un principe de régulation. Pour finir, il apparait qu'à
l'avenir, la sphère indépendante pourrait prendre une ampleur
plus importante, mais restera toutefois inférieure à la
production traditionnelle. Ainsi, l'hypothèse selon laquelle ces deux
modèles peuvent et vont coexister semble donc se confirmer, infirmant
par la même occasion l'hypothèse selon laquelle le jeu
vidéo indépendant serait susceptible de devenir le nouveau
schéma de production classique. Cependant, le succès
rencontré par ce marché et l'expansion prévue pour les
années à venir n'est pas sans attirer l'intérêt des
grandes industries du milieu vidéo-ludique qui voient en lui un nouveau
marché leur permettant de toucher un public plus large à frais
réduits. La multiplication des petites productions
réalisées par des grands studios est donc d'actualité, de
même que la coopération entre grandes industries du jeu
vidéo et studios indépendants. N'existe-t-il donc pas un risque
que ces grandes industries s'approprient le domaine de l'indépendant
afin de contrôler ce nouveau marché ? Il semblerait
qu'effectivement ces acteurs pourraient s'approprier une plus grande place dans
le modèle de production indépendant. En effet, des labels et
éditeurs spécialisés dans le domaine indépendant
pourraient se développer tel que c'est le cas dans les domaines de la
musique et du cinéma. De même, les succès les plus
importants issus de la production indépendante seraient susceptibles
d'être rachetés par les puissants conglomérats de
l'industrie vidéo-ludique. Cependant, les interrogés restent
convaincus que ces deux marchés tout en entretenant des relations plus
ambiguës, resteront distincts puisqu'ils ne s'adressent pas au même
public. Ils continueront donc à coexister sans entrer dans un
réel conflit, tout comme c'est le cas au sein des autres industries
culturelles.
III. Analyse de questionnaire
Afin de mener une analyse efficace et intelligente des
réponses obtenues au sondage créé dans le cadre de ce
travail d'étude, il est important, tout d'abord,
118
d'effectuer un tri à plat afin d'obtenir la
distribution des réponses en fonction de chacune des questions
fermées. Par la suite, en vue d'étayer cette étude, il est
judicieux de coupler cette première forme de dépouillement des
réponses à un tri croisé prenant en compte l'âge et
le sexe afin d'analyser les différents comportements. Enfin,
différentes questions ouvertes ont été
intégrées au sein du questionnaire distribué afin de
laisser les participants s'exprimer et donner leur avis personnel sur
différents points. Une analyse de ces différentes réponses
permettra de comprendre les sentiments des participants par rapport au jeu
vidéo indépendant, et à sa place dans l'univers
vidéo-ludique et d'apporter des éléments de
réponses aux hypothèses soulevées.
L'échantillon d'analyse est constitué de 111
personnes. Sur la totalité des réponses obtenues, seuls 0,9%
étaient erronés, ce pourcentage ne représente qu'une seule
personne n'ayant pas suivi les règles du questionnaire et ayant
donné de fausses réponses. 45,5% des personnes ayant
participé sont comprises dans la tranche d'âge des 20-30 ans, les
10-20 ans sont représentés à hauteur de 27,7%, vient
ensuite les 30-40 ans avec 23,2%, 1,8% des participant font partie de la
tranche d'âge des 40-50 ans, puis 0,9% pour la tranche des 60-70 ans.
Nous avons ensuite tenté de compléter le profil
des différents interrogés en leur demandant de préciser
leur catégorie socio-professionnelle. Ainsi, 46,4% sont
étudiants, 41,1% sont salariés, dont 14,3% occupent des postes de
cadres, 8,9% sont sans emploi, 1,8% sont chef d'entreprise et 0,9% sont auto
entrepreneurs. Il est intéressant d'observer qu'en faisant une analyse
croisée des résultats obtenus aux réponses « Quelle
est votre catégorie socio-professionnelle? » et « Jouez-vous
régulièrement aux jeux vidéo », nous avons pu
déterminer que les deux statuts professionnels jouant le plus, selon
l'enquête, sont les étudiants avec ou apprentis 42% de joueurs
réguliers, puis les salariés avec 25%. Ce second constat est
appuyé par la tranche d'âge au sein de laquelle nous trouvons le
plus de joueur réguliers dans cette étude, les 20-30 ans à
hauteur de 41,1%, puis les 10-20 ans avec 26,8%, suivis par les 30-40 ans avec
23,2% de réponses, le pourcentage de joueurs réguliers chez les
40-50 ans s'élève à 1,8%, et pour finir 0,9% des
participants de plus de 60 ans sont des joueurs réguliers.
119
Afin d'approfondir cette analyse, nous pouvons croiser les
tranches d'âges des participants ainsi que le nombre d'heures par semaine
durant lesquelles ils s'adonnent à la pratique du jeu vidéo.
Ainsi, 28,6% des 20-30 ans, jouent plus de 6h par semaine, 8,9% entre trois et
six heure, 6,3% entre une et trois heure, et 1,8% moins d'une heure par
semaine. Chez les 10-20 ans, 17% pratiquent le jeu vidéo plus de six
heure par semaine, 2,7% entre trois et six heures, 7,1% entre une et trois
heure et 0,9% moins d'une heure. La catégorie des 30-40 ans se compose
à hauteur de 14,3% de personnes jouant plus de six heures par semaine,
6,3% d'entre eux jouent entre trois et six heures, et 2,7% d'entre eux entre
une et trois heures par semaine. Suivent les 40-50 ans, puis les 60-70 ans avec
respectivement 1,8% et 0,9% qui jouent plus de six heures par semaine.
Ces chiffres montrent que l'échantillon d'étude
constitué est composé essentiellement de gros consommateurs de
jeux vidéo, seuls 2,7% des interrogés ont déclaré
jouer moins d'une heure par semaine.
Cependant, il est intéressant de noter que ces
résultats ne sont pas en parfaite adéquation avec les
différentes études effectuées sur les personnes s'adonnant
le plus à la pratique du jeu vidéo. En effet, selon une
étude réalisée par
120
GFK268, la moyenne d'âge du joueur
français est de 33 ans, et celle-ci est en constant recul.
Toujours selon GFK, lors d'une répartition des joueurs par âge, on
remarque que 83,5 % d'entre eux sont des adultes, les moins de 18 ans
ne représentant que 16,5 % d'entre
eux269.
Très peu de femmes ont participé à cette
étude. Sur la totalité de l'échantillon
constitué, seuls 5,4% des participants sont des femmes pour 93,8%
d'hommes.
Toujours dans le but de mieux cerner quels sont les
différents types de joueurs ayant participé à
l'enquête, nous avons tenté de déterminer quelles
étaient les différentes plateformes de jeu vidéo
utilisées par ceux-ci. Ainsi, 91,1% d'entre eux
utilisent un ordinateur comme machine de jeu, 49,2% utilisent une ou
plusieurs consoles de salon, 25,9% s'adonnent au jeu vidéo sur
smartphone ou tablette, 25% préfèrent les consoles
portables pour jouer, pour finir, 0,9% des participants utilisent une machine
« autre » telles que les bornes d'arcades. Il est
intéressant de noter que 54,2% des interrogés
possèdent au moins deux des plateformes précédemment
citées. De plus, au sein de ces résultats nous pouvons analyser
que 39,3% disposent d'une machine de jeu fixe (ordinateur, console de
salon), et une plateforme de jeu nomade (console portable, smartphone,
tablette).
Afin d'arriver au coeur du sujet de ce
travail de recherche, nous avons tenté de déterminer le
pourcentage de joueurs connaissant le terme de jeu vidéo
indépendant. Ainsi, 97,3% des personnes interrogées ont
connaissance de cette catégorie de jeu. Ce résultat montre la
place prépondérante qu'occupe désormais
cette catégorie vidéo-ludique dans la communauté
des joueurs. Cependant, il est nécessaire de nuancer ces
résultats. En effet, afin d'approfondir ces réponses, nous
avons également tenté de déterminer le nombre de
personnes jouant régulièrement au jeu vidéo
indépendant. Seuls 78,6% des participants ont reconnu être joueurs
réguliers de cette catégorie de jeux vidéo.
268 Le groupe GFK, créé en 1934, est le plus grand
institut d'études de marché et d'audit marketing d'Allemagne et
la quatrième plus grand dans le monde
269 Mathilde Lizé, « Six idées
reçues sur les jeux vidéo qui ne passeront pas l'hiver
»,
LePoint.fr,
http://www.lepoint.fr/jeux-video/six-idees-recues-sur-le-jeu-video-qui-ne-passeront-pas-l-hiver-28-02-2012-1436050485.php,
publié le 28/02/2012, consulté le 12/05/2014
121
Dans le but d'approfondir ces résultats et de dessiner
le profil type du joueur indépendant, nous avons réalisé
deux tris croisés. Le premier croise les questions « Jouez-vous
régulièrement au jeu vidéo indépendant ? » et
« quelle est votre tranche d'âge ? » afin de déterminer
la catégorie d'âge s'adonnant le plus à cette pratique.
Selon cette analyse, la tranche d'âge jouant le plus à cette
catégorie de jeu est celle des 20-30 ans avec 36,6% d'interrogés.
8,9% d'entre eux ne sont pas attirés par l'indépendant. Vient
ensuite la catégorie des 30-40 ans avec 21,4% de réponses
positives et seulement 1,8% de réponses négatives. En
troisième position se classe les 10-20 ans, dont 19,6% s'adonnent
régulièrement au jeu vidéo indépendant. Cependant,
8% d'entre eux n'y jouent pas régulièrement. La catégorie
des 40-50 ans est composée de 0,9% de réponses positives et 0,9%
de réponses négatives. Pour finir au sein des 60-70 ans nous
n'avons obtenus aucune réponse positive, et 0,9% de réponses
négatives. Ainsi, il apparaît que les 20-30 ans sont ceux qui
adhèrent le plus aux principes du jeu vidéo
indépendant.
La seconde analyse croisée a été
effectuée sur les questions « Jouez-vous
régulièrement au jeu vidéo indépendant ? » et
« En moyenne combien d'heures par semaines jouez-vous aux jeux
vidéo ? ». Cette analyse a pour but de déterminer si le
temps alloué à la pratique du jeu vidéo en
général possède une relation avec le fait
122
de jouer aux jeux vidéo indépendants. Ainsi, il
apparaît que les personnes jouant plus de six heures par semaine sont,
à hauteur de 82,9%, joueurs réguliers du domaine du jeu
vidéo indépendant. 17,1% d'entre eux ne jouent qu'aux jeux
vidéo issus du circuit de production traditionnel. Pour les participants
jouant entre trois et six heures par semaine, 80% s'adonnent
régulièrement à cette catégorie de jeu, et 20% n'y
jouent pas. Pour la catégorie de personnes jouant entre une et trois
heures par semaine, 77,8% d'entre eux jouent régulièrement au jeu
vidéo indépendant, et 22,2% d'entre eux ont eu une réponse
négative. Pour finir, au sein des participants jouant moins d'une heure
par semaine, nous n'avons obtenus aucune réponse positive, ils ne jouent
donc qu'aux jeux produits par le circuit traditionnel. Ainsi, selon les
résultats obtenus, il semblerait qu'un parallèle puisse
être tracé entre le temps de jeu général et le fait
de jouer aux jeux vidéo indépendants. Plus un joueur s'adonne
à la pratique du jeu vidéo, plus il a de chance d'être
intéressé par le domaine du jeu vidéo indépendant.
Le public le plus sensible à cette catégorie de jeu vidéo
semble donc être les joueurs passionnés.
Afin de déterminer les critères principaux qui
poussent le public à privilégier l'achat de jeux vidéo
indépendant plutôt que de jeux vidéo traditionnels, une
question à réponse multiples a été ajoutée
dans le questionnaire de sondage. Ainsi il apparait
123
que le critère principal que privilégie le
public, à hauteur de 95,2% est l'originalité des jeux
vidéo indépendants. Il est suivi par leur qualité
artistique avec 65,1% de réponses, puis, avec 40,3%, le petit prix
auxquels sont proposés la plupart de ces jeux se place en
troisième position des raisons qui poussent le public à se
tourner vers cette catégorie de jeux. L'aspect
dématérialisé par son aspect de simplification de l'achat,
est également un critère important pour les interrogés
puisqu'il cumule 14,6% des réponses. Pour finir le simple fait de
supporter des travailleurs indépendants ne poussent que 3,6% des
personnes à se tourner vers le jeu vidéo indépendant.
Une question à choix multiples a également
été proposée aux participants afin de déterminer ce
que représente pour eux la notion d'indépendant dans le jeu
vidéo indépendant. Ainsi, l'analyse des résultats permet
de déterminer que ce qui correspond le plus à la notion
d'indépendance dans les jeux vidéo indépendant pour le
public est le fait qu'ils ne soient pas financés par un éditeur
avec 63,9% de réponses, vient ensuite le fait qu'ils soient
développés par des studios comptant un petit nombre
d'employés avec 39,6% de réponses, en troisième position
se placent les faibles moyens dont disposent ces studios pour réaliser
leurs projets avec 36,9%, puis, la dernière position revient au
caractère artistique dont les jeux vidéo indépendants sont
dotés avec 23,4% de réponses. Selon ces résultats, la
majorité du public considère la notion d'indépendance au
sein de l'industrie vidéo-ludique au sens littéral du terme. Il
désigne comme indépendants, les jeux développés
à l'aide des seules ressources du studio de création, donc sans
le support financier d'un éditeur extérieur.
Afin de mieux connaitre la vision que le public se fait du jeu
vidéo indépendant, deux questions ont été
établies. Ainsi ce questionnaire a mis en exergue le fait que 86,6% des
participants ne pensent pas que cette catégorie vidéo-ludique
s'adresse uniquement aux joueurs passionnés mais à tout un
chacun. Pourtant, il apparait dans l'enquête que 63,4% d'entre eux
considèrent différemment le jeu vidéo indépendant
et le jeu vidéo traditionnel. En vue d'expliciter quelles sont ces
différences de statut selon les interrogés, une justification
à leurs réponses a été demandée.
124
Cette question ouverte a permis aux interrogés de
nuancer leurs réponses. Ainsi, il transparait, selon la tendance
principale, que la majorité des sondés considèrent les
jeux vidéo indépendants différents du modèle de jeu
traditionnel de par la liberté de création que leur octroie
l'absence d'un éditeur. Les développeurs de la sphère
indépendante sont donc moins considérés comme de simples
employés, mais plutôt comme des créateurs, eux-mêmes
joueurs passionnés et à l'écoute de leur public, qui ne
visent pas comme objectif principal la rentabilité, mais plutôt le
partage de leur passion à travers la création d'un objet. Ainsi,
il découle de cette liberté et de cette volonté de
partage, une plus grande prise de risque, des jeux plus intimistes,
centrés sur le gameplay et possédant une originalité ainsi
qu'une difficulté accrue. Cette grande tendance peut être
illustrée par cette réponse : « Les jeux
indépendants sont souvent réalisés par des joueurs, pour
des joueurs. Le but premier du développeur indépendant n'est donc
pas de se faire de l'argent, mais de partager sa passion. Si on ajoute le fait
qu'il n'est pas soumis au carcan de la rentabilité exigée par les
actionnaires des éditeurs, cela donne un atout de premier ordre quand il
s'agit de prendre des risques remettant au goût du jour des types de jeu
définis comme non rentable par les éditeurs (plateforme 2D, point
and click ...), ou encore de proposer une démarche bien plus originale,
et réellement différente de ce que l'on peut trouver dans le
milieu du jeu vidéo. »
La seconde grande tendance qui se dégage
représente les 46,6% des interrogés qui estiment que le jeu
vidéo indépendant et le jeu vidéo traditionnel sont
indifférenciables. L'argumentation principale pour justifier cette
position met en exergue le fait que l'objectif d'un jeu vidéo, qu'il
soit indépendant ou non reste le même : offrir une
expérience vidéo-ludique à son public.
Pour finir, un commentaire de justification m'a tout
particulièrement interpellé. En effet, le jeu vidéo
indépendant reprenant les codes des débuts des jeux vidéo,
son auteur pose le genre indépendant comme jeu « traditionnel
», et les grosses productions comme une dérive du jeu vidéo
: « Les jeux vidéo indépendants sont
indéniablement différents des productions AAA, mais ne
diffèrent pas des jeux des années 70-90 (donc des jeux
traditionnels au sens premier), qui étaient souvent
développés par une seule personne ou une toute petite
équipe. A mes yeux, ce sont les grosses productions qui sont
différents des jeux "traditionnels", pas les jeux indépendants.
»
125
Les cinq dernières questions du sondage sont
centrées sur le futur du jeu vidéo indépendant. Ainsi,
selon 89,3% des interrogés, le genre indépendant dans le domaine
vidéo-ludique continuera de se développer, mais ne prendra jamais
assez d'ampleur pour avoir l'ascendant sur le modèle traditionnel et le
remplacer. Pour justifier cette tendance, les interrogés ont mis en
avant plusieurs points. Tout d'abord, le fait que les développeurs
indépendants possèdent moins de moyens pour la
réalisation, la commercialisation et la communication de leurs projets,
ils ne seraient donc pas en mesure d'inquiéter le modèle
traditionnel puisque c'est ce dernier qui réalise le plus de
bénéfice dans l'univers vidéo-ludique. De plus, les
éditeurs qui permettent le fonctionnement du modèle traditionnel
sont, pour la plupart, à la source de la commercialisation de nouvelles
consoles de salon, ils sont donc présent sur plusieurs marchés,
leur permettant de réaliser des bénéfices toujours plus
importants. Les participants ont également mis en avant le fait que les
studios de développement traditionnels, étant implantés
depuis de nombreuses années dans l'univers vidéo-ludique, ils se
sont construit un univers dense et varié, parfois déclinés
sur d'autres supports que le jeu vidéo qui est suivi par un large
public, tel la firme Nintendo et sa licence « Pokemon ». Cet ancrage
serait trop profond pour que les indépendants puissent les
déloger. Enfin, la tendance générale des réponses
du questionnaire tend à faire apparaître que le public visé
par ces deux modèles n'est pas le même, les jeux vidéo
traditionnels visant un large public, alors que les jeux vidéo
indépendants ayant plutôt pris pour cible un public
spécialisé voire un public de niche. Il est dès lors
possible de tracer un parallèle avec les indépendants des autres
marchés culturels comme le fait un des participant au questionnaire :
« Les deux modèles possèdent des cibles
différentes, l'un et l'autre peuvent se côtoyer mais resteront
probablement distincts. Si l'on étudie d'autres marchés
culturels, il y a toujours une coexistence avec les blockbusters et des oeuvres
plus indépendantes. Après, on constate que de plus en plus de
grands studios veulent se donner un style indépendant, par les moyens
déployés, l'image de marque ou le financement (notamment le
financement participatif).
En somme, je pense que la séparation se fera avec une
segmentation : - Grand public (objectif des jeux
vidéo « classiques »)
126
- Publics spécialisées (objectif des jeux
vidéo indépendants) - Publics de niche (objectif des
jeux vidéo indépendants). »
Il semblerait donc que ces deux modèles peuvent
coexister puisque ne visant pas le même public. C'est effectivement ce
que confirment les résultats du questionnaire puisque 97,3% des
participants estiment que les catégories du jeu vidéo
indépendant, et du jeu vidéo traditionnel, peuvent, et vont
continuer d'exister en parallèle.
Toutefois, il est intéressant de noter que 66,1%
pensent que les grands conglomérats d'éditeurs vont s'emparer des
projets indépendants rencontrant un certain succès, de la
même manière que Microsoft a racheté fin 2014 le studio
Mojang et donc par la même occasion la licence Minecraft, s'étant
vendue à plus de 50 millions d'exemplaires. Ainsi, les tendances
principales de ces deux dernières questions semblent être
contradictoires. Afin de mieux comprendre les raisons de cette tendance
principale, nous avons donné l'occasion aux participants de se justifier
par le biais qu'une question ouverte. Ainsi, il en ressort que selon les
interrogés, les créations indépendante sont actuellement
en train de prendre de l'ampleur, ils réalisent de plus en plus de
bénéfices, et la notion d'indépendant est en train de
s'ancrer dans le quotidiens des joueurs, les grands conglomérats ont
donc grand intérêt à s'approprier ces jeux à
succès pour plusieurs raisons. Tout d'abord afin de s'assurer un
bénéfice important suite au rachat en se basant sur la base
client que possède déjà le jeu, donc sans prendre aucun
risque. De même la saisie de ces licences a pour conséquence
d'améliorer l'image de marque des grands conglomérats en
l'associant avec la notion d'indépendant. « La scène du
jeu vidéo indépendant monte en flèche dans le coeur des
joueurs depuis quelques mois voire années, et les grands studios ne
peuvent pas passer à côté de ce phénomène.
Ils ont tout intérêt à intégrer les petits studios
novateurs. De plus, ils ont tout à fait conscience que le qualificatif
"d'indépendant" sert de marque de fabrique et d'argument marketing, une
façon de soigner son image de marque. ». Nous pouvons voir, au
sein de cet extrait de réponse tiré du questionnaire, cette
tendance principale. Ainsi, le marché indépendant ne serait
qu'une vitrine au sein de laquelle les grands conglomérats pourraient
acquérir les bonnes occasions.
127
La seconde tendance qui se dégage de cette question est
plus modérée quant au rachat des indépendants par des
éditeurs. « Certains gros studios ont actuellement tendance
à développer en interne des jeux reprenant les codes des jeux
indépendants par le biais de leurs propres équipes
créatives, un peu à la manière d'Ubisoft avec Child of
Light dernièrement. Ils encouragent également le
développement des studios indépendants dans le but d'obtenir des
partenariats avec eux, Sony et la PS4 qui porte soutien aux jeux
indépendants lors de l'E3 dernier en est révélateur.
». On peut voir au travers de cette extrait que cette tendance met en
exergue le fait que les grands conglomérats tendent de plus en plus
à tenter de commercialiser des petits projets réalisés en
interne par des studios possédant une grande liberté artistique,
en témoigne le jeu « Child Of Light270 »,
réalisé par le studio de développement Ubisoft
Montréal, appartenant donc à la firme française Ubisoft,
ou bien encore le jeu « Soldats inconnus : Mémoires de la Grande
Guerre271 » développé par le studio Ubisoft
Montpellier, qui sont pourtant considérés par de nombreux
articles de presses ainsi que par le public comme des jeux très proche
des indépendants. Il semblerait donc que les grands conglomérats
n'aient pas forcément besoin des indépendants pour
développer des jeux se destinant au marché de
l'indépendant. Cependant, il est important de tempérer ce constat
car les interrogés ajoutent que de nombreux grands éditeurs
établissent des partenariats avec certains studios indépendants
afin de développer des jeux destinés à ce marché en
leur nom.
Enfin, la troisième grande tendance mise en exergue par
le questionnaire est celle selon laquelle les jeux vidéo
indépendants ne seront pas rachetés par les grands
conglomérats d'éditeurs. Ils justifient cet avis par le fait que
nombre de studios indépendants préfèreront garder leur
liberté plutôt que d'être absorbés au profit d'une
plus grande organisation, « Beaucoup de studios n'accepteront jamais
d'être rachetés pour rester complétement libre et faire ce
qu'ils veulent de leur licence. ». De plus, ils mettent en avant le
fait que l'exemple de Minecraft et du studio Mojang est un cas à part,
une exception, car c'est le seul jeu produit par des indépendants ayant
atteint un tel succès et par extension un bénéfice aussi
important « Minecraft reste assez unique en soit, et il est difficile
de généraliser son succès à l'ensemble de la
production indépendante. C'est le seul exemple pertinent à ce
jour,
270 Ubisoft Montréal, « Child of Light
», Ubisoft, 2014
271 Ubisoft Montpellier « Soldats inconnus :
Mémoires de la Grande Guerre », Ubisoft, 2014
128
il est trop tôt pour dire si d'autres studios vont
suivre ». Ils admettent donc un rachat possible par les grandes
industries, mais cependant exceptionnel.
Cette analyse de questionnaire a permis d'obtenir
différentes informations sur le jeu vidéo indépendant
ainsi que des éléments de réponses en rapport avec les
hypothèses émises lors de ce travail de recherche. Tout d'abord,
nous avons pu nous rendre compte de la portée qu'a acquis le jeu
vidéo indépendant puisqu'au sein du questionnaire 97,3% des
personnes interrogées ont connaissance de cette catégorie de jeu.
De plus, 78,6% d'entre eux sont joueurs réguliers de cette
catégorie de titres. Nous avons également pu déterminer le
profil type des joueurs de cette catégorie de jeux. En effet, nous avons
pu voir que malgré le fait que 86,6% des participants ne pensent pas que
cette catégorie vidéo-ludique s'adresse uniquement aux joueurs
passionnés, il semblerait que plus un joueur s'adonne à la
pratique du jeu vidéo, plus il a de chance d'être
intéressé par le domaine du jeu vidéo indépendant.
Le public le plus sensible à cette catégorie de jeu vidéo
semble donc être les joueurs passionnés. Par extension, ce sont
donc les 20-30 ans qui sont le plus intéressés par le jeu
vidéo indépendant puisque c'est la tranche d'âge au sein de
laquelle nous trouvons le plus de joueurs réguliers avec 41,1%. Nous
avons également pu établir que l'argument principal du jeu
vidéo indépendant est son originalité puisque 95,2% des
interrogés mettent en avant ce critère comme raison d'achat de
cette catégorie de jeux. Puis, en fin de questionnaire, nous avons pu
nous concentrer sur les hypothèses émises. Ainsi, les
résultats de cette enquête montrent que le jeu indépendant
est en pleine expansion. Cependant, malgré son développement, il
ne semble pas entrer en conflit avec le marché classique car il ne vise
pas le grand public, mais un public spécialisé, voire un public
de niche. L'hypothèse selon laquelle, il pourra prendre la place du jeu
vidéo classique est donc, encore une fois à écarter.
Cependant, l'intérêt des grandes industries du milieu
vidéo-ludique semblent se porter vers ce nouveau marché. En
atteste la multiplication des petites productions réalisées par
des grands studios, de même que la coopération entre grandes
industries du jeu vidéo et studios indépendants. D'après
les résultats obtenus au cours de cette analyse méthodologique,
il existe donc un risque que la grande industrie investisse et s'approprie le
marché de l'indépendant. Toutefois, les succès commerciaux
issus du domaine de l'indépendant étant très rares
comparés au nombre importants de titres produits, il semblerait que
129
le cas de figure du rachat reste purement hypothétique,
seuls quelques exceptions peuvent être présentés comme
exemples de cette tendance. Il transparait donc à travers les
résultats que ces deux domaines vont se rapprocher et tisser de nouveaux
liens, mais resteront bien distinct à l'avenir, tel que c'est le cas au
sein des autres domaines des industries culturelles.
Ainsi, nous voyons bien que ces résultats corroborent
les conclusions obtenues suite à la première analyse
méthodologique.
130
Conclusion
Nous avons pu, tout au long de ce mémoire de recherche,
nous plonger dans différents univers, et aborder diverses notions.
Ainsi, nous avons tout d'abord abordé le domaine des
industries culturelles, leur définition, leur structure, leur
fonctionnement, leur état ainsi que leur évolution. Elles
représentent donc toute industrie générant la
création, la production et la commercialisation de contenus
créatifs de nature culturelle matérielle ou immatérielle,
englobant donc les industries du disque, du cinéma, des programmes
audiovisuels, de la radio, de la télévision, de la presse, du
livre et des jeux vidéo. Le bilan de ces industries montre que ces
dernières se portent bien puisqu'en Europe, les industries culturelles
au sens large ont réalisé 536 milliards d'euros de revenus en
2014272 et elles se placent à la troisième place des
employeurs de l'Union européenne273. Puis nous avons vu
qu'elles fonctionnent de la même manière qu'une industrie
classique. Afin de minimiser les risques d'échecs commerciaux, ces
dernières ont évolué pour s'appuyer sur la concentration
sur un nombre de produit restreint et la surproduction, ce qui a pour
résultat d'entrainer une standardisation ainsi qu'une production
toujours plus massive. De plus, il est important de souligner qu'elles sont
fortement soumises aux avancées technologiques puisqu'elles sont
basées sur la reproduction à grande échelle. Par la suite,
Nous avons pu voir que les réseaux de distributions occupaient une place
importante au sein des industries culturelles puisqu'elles assurent la
distribution physique des objets commercialisés, la mise à
disposition des supports et la gestion des infrastructures de diffusion. Enfin,
nous avons pu nous rendre compte que le prix des différents objets
commercialisés n'étant pas relatif au coût de fabrication,
mais fixés par les structures de distribution selon leur format de
consommation (CD, DVD, livre etc...) la concurrence était donc
particulière au sein de ces industries. En effet, une concurrence
directe peut
272 Nicolas Madelaine, « L'industrie culturelle,
troisième employeur européen »,
Lesechos.fr, publié 01/12/14,
consulté le 09/02/15, URL :
http://www.lesechos.fr/journal20141201/lec2hightechetmedias/0203975298078-lindustrie-culturelle-troisieme-employeur-europeen-1069891.php
273 Id.
131
s'effectuer entre des produits possédant des modes
d'organisation et de création différents.
Nous nous sommes justement intéressés à
cette concurrence qui s'oppose en termes d'organisation et de mode de
création à ces industries : la production indépendante.
Ainsi, nous avons pu définir la notion même d'indépendance.
Celle-ci représente donc au sein des industries culturelles, une absence
de relation avec les grands conglomérats implantés dans les
différents secteurs de ces industries. Ainsi ce sont les petites
organisations disposant d'une structure et d'une dynamique économique
réduites qui sont totalement distinctes des firmes monopolistes. Nous
avons également pu voir la manière dont ces indépendants
parviennent à survivre face à la grande industrie en comblant les
espaces laissés par cette dernière, et ce qu'ils apportent au
public. Ainsi, la production indépendante en s'opposant à
l'intrusion de la logique commerciale à tous les stades de la production
et de la diffusion des biens culturels et donc à la recherche du profit
maximum, se pose comme une défense de la perte d'autonomie mais
également de l'originalité et de la pluralité des
cultures. En proposant des productions non standardisées, elle s'adresse
à des niches spécialisées.
Puis, nous nous sommes penchés sur le jeu vidéo.
Nous avons eu l'occasion de définir ce qu'est un jeu vidéo, et
quels sont ses différents aspects et caractéristiques. Celui-ci
est donc à considérer comme un objet culturel tout autant qu'un
produit de consommation. Il comporte de nombreux sous genres
délimités par des notions de gameplay. Nous avons
également déterminé trois profils de joueurs
différents, le casual gamer, le hardcore gamer ainsi que le joueur en
ligne, et ce, afin de mieux appréhender le public auxquels ces produits
vidéo-ludiques se destinent. Puis nous avons abordé le poids que
représente le marché vidéo-ludique à travers le
monde. Ainsi, on estime à environ 60 Milliard de dollars le
marché du jeu vidéo dans le monde, avec 47% de foyers
équipés d'au moins une console de salon en France. Ces chiffres
sont le résultat d'une explosion fulgurante du secteur qui renvoie
à celle qu'il a eu des années 1970 jusqu'au krach de 1983. Cette
expansion est en partie due au fait qu'il devient un usage se
démocratisant au plus grand nombre avec
132
l'apparition d'un nouveau profil de joueur, le casual gamer.
En définitive nous pouvons dire que le jeu vidéo a
évolué et a dépassé le stade de l'adolescence, tout
comme les joueurs qui s'y adonnent.
Nous avons également vu les processus structurels qui
mènent à la production des jeux vidéo ainsi que ses
acteurs. L'objet vidéo-ludique subit un long processus de production
segmenté en sept étapes qui sont la conception, la phase
marketing, la négociation avec les revendeurs, la phase de localisation,
le pressage et packaging, le conditionnement et transport sur les lieux de
ventes puis le trade marketing. Différents acteurs jouent des
rôles indispensables tout au long de ces étapes. Ainsi, le studio
de développement, en créant et réalisant le jeu est
indispensable lors de la première étape. Par la suite,
l'éditeur s'occupe de publier, et de diffuser le jeu en prenant en
charge le financement, la communication, la fabrication et la commercialisation
du produit. Représentant la source de financement du jeu,
l'éditeur possède les droits de propriété
intellectuelle. Les studios de développement sont donc soumis aux
éditeurs qui leur imposent la plupart du temps un cahier des charges
à respecter.
Cependant il est à noter que de nouvelles
méthodes de production et de financement apparaissent dans l'industrie
vidéo-ludique tels que le financement participatif très en vogue
grâce à l'apparition de sites tels que Kickstarter. Le secteur est
donc actuellement en pleine mutation.
Enfin, nous avons étudié comment se manifeste la
notion d'indépendance au sein de l'industrie vidéo-ludique. La
définition du jeu vidéo indépendant reste actuellement
floue, cependant nous pouvons nous entendre sur le fait qu'elle
représente tout jeu conçu en toute liberté artistique et
financière par un studio possédant un nombre de salariés
réduit, avec des moyens moins importants que les titres produits par le
biais du schéma de création traditionnel. Il passe par un circuit
de distribution alternatif puisque les jeux produits par des studios
indépendants ne sont, pour la plupart, pas vendus sur support physique
en magasin, mais disponible en téléchargement sur des
plates-formes spécialisées. Le secteur a connu un
véritable engouement à partir de 2008, date de sortie des
premiers succès de titres issus de cette production alternative. Nous
avons notamment pu le voir à travers
133
notre analyse méthodologique quantitative au sein de
laquelle nous avons relevé que 97,3% des interrogés ont
connaissance de ce qu'est le jeu indépendant. Depuis 2012 le
crowdfunding ou financement participatif devient la méthode
privilégiée de financement des jeux indépendants. Ce
nouveau modèle de financement a profondément changé le
modèle de production en cours chez les indépendants en leur
offrant la possibilité de financer facilement leur projet, et en
plaçant le public au coeur du processus de production de l'objet
vidéo-ludique. Ces méthodes de financement et de distribution
alternatives pourraient, par ailleurs, après avoir fait évoluer
le schéma de production alternatif, devenir une source de changement
pour le modèle de production traditionnel.
Nous avons également vu que le modèle du jeu
vidéo indépendant, en se dissociant des éditeurs, gagne en
liberté de création, au point que certains créateurs
indépendants revendiquent un statut d'artiste. Ainsi, ces productions
tentent de proposer de l'originalité dans leur esthétique et de
l'innovation dans leurs mécaniques de jeu. De plus, de par leur
liberté, les créateurs indépendants peuvent se permettre
d'engager leurs projets sur le plan politique.
En termes de réception, nous avons vu que le jeu
indépendant rencontre actuellement un succès conséquent,
nous avons pu nous en rendre compte au sein de notre analyse quantitative
durant laquelle nous avons relevé que 78,6% des interrogés
étaient des joueurs réguliers de cette catégorie de jeux.
Le modèle traditionnel délivrant des jeux disposant d'une
réalisation de plus en plus impressionnante, le coût de
développement d'un jeu vidéo est en pleine explosion. Il est
alors nécessaire pour ces entreprises d'assurer une
sécurité maximale afin d'éviter tout risque d'échec
commercial. Il en résulte une standardisation et une uniformisation des
contenus. Le public, lassé de cette offre vidéo-ludique se tourne
alors vers les jeux vidéo indépendants offrant plus
d'originalité et prenant plus de risques. De plus, le faible coût
de production de ces titres permet de proposer ces derniers à un prix
réellement attractif compris entre 5€ et 20€. Encore une fois
notre analyse quantitative a validé ces affirmations puisque 95,2% des
interrogés mettent en avant l'originalité comme critère de
choix d'un jeu indépendant tandis que 40,3% les choisissent car ils sont
proposés à un petit prix. La scène indépendante
fait donc de plus en plus parler d'elle, et notamment dans la presse
généraliste et spécialisée au sein de laquelle elle
fait de nombreuses apparitions, ou bien encore dans les
134
magasins dans lesquels des produits dérivés
commencent à être commercialisés. Le jeu vidéo
indépendant apparait donc comme un renouveau de l'industrie, un vent
d'air frais sur l'offre vidéo-ludique proposée au public
matérialisé par un nouveau modèle de création et de
commercialisation.
Cependant, malgré cette explosion de la scène
indépendante, cette dernière reste, à ce jour un
phénomène de niche et nombre de ses acteurs désirent
à l'avenir, le voir considéré comme une forme de
divertissement ou d'art à part entière. Nous avons justement pu
nous pencher sur l'avenir de ce mode de production alternative au travers des
deux études pratiques déployées au cours de ce
mémoire de recherche. Ainsi, nous avons conclu suite à ces
analyses que le jeu vidéo indépendant allait acquérir une
certaine notoriété et prendre de l'ampleur, mais qu'il restera
toujours un modèle alternatif. Sa relation avec l'industrie
traditionnelle s'apparente à une relation d'interdépendance
puisque chacun de ces pans de l'industrie vidéo-ludique se nourrit de
l'autre, avec d'une part le rachat de licences indépendantes par les
acteurs de la grande industrie et la place de plus en plus importante qu'ils
leurs accorde au sein de leur catalogue, et d'autre part, le fait que les
indépendants s'inspirent d'idées issues de certains jeux
vidéo classiques, et s'accaparent une partie des travailleurs du domaine
traditionnel. Ces liens vont se resserrer au point de devenir parfois ambigus,
toutefois, ces deux marchés resteront distincts puisqu'ils s'adressent
à des publics différents, ils continueront de coexister sans
être en confrontation directe.
En définitive, Ce modèle de production
alternatif semble être en passe d'évoluer afin d'atteindre un
certain point d'équilibre dans sa relation avec la grande industrie tel
que c'est le cas au sein des autres industries culturelles. Il reste cependant
difficile de déterminer de quoi sera constitué le futur du jeu
vidéo indépendant, les techniques de production étant en
évolution permanente. Il pourrait alors être judicieux
d'étudier plus en profondeur les indépendants des autres
industries culturelle, ces derniers étant plus anciens. Il serait
également intéressant d'approfondir les analyses sur le
financement participatif, qui fait désormais partie intégrante du
domaine de l'indépendant, puisqu'il a profondément changé
le fonctionnement de leur modèle de production, afin de
déterminer quelles vont être ses évolutions à venir
? Et à quels autres domaines il pourrait s'appliquer ?
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146
Annexes
Table des Annexes :
Annexe 1 : Retranscription intégrale de l'entretien
avec M. Loïc Rallet : 147
Annexe 2 : Retranscription intégrale de l'entretien
avec M. Matthieu Hurel : 153
Annexe 3 : Retranscription intégrale de l'entretien
avec M. Arthur Jeannin 156
Annexe 4 : Retranscription intégrale de l'entretien
avec M. Lucas Delhez 160
Annexe 5 : Retranscription intégrale de l'entretien
avec M. Jimmy Latour 163
Annexe 6 : Retranscription intégrale de l'entretien
avec M. Alain Puget 165
Annexe 7 : Retranscription intégrale de l'entretien
avec M. Ronan Coiffec 169
Annexe 8 : Graphique analyse de questionnaire : Etes-vous un
homme ou une femme ? 173
Annexe 9 : Graphique analyse de questionnaire : Quelle est
votre tranche d'âge ? 173
Annexe 10 : Graphique analyse de questionnaire : Jouez-vous
régulièrement aux jeux vidéo ? 174
Annexe 11 : Graphique analyse de questionnaire : En moyenne
combien d'heures par semaine ? 174
Annexe 12 : Graphique analyse de questionnaire :
Connaissez-vous le jeu vidéo indépendant ? 175
Annexe 13 : Graphique analyse de questionnaire : Jouez-vous
régulièrement à cette catégorie de jeux
vidéo ? 175
Annexe 14 : Graphique analyse de questionnaire : Selon vous
les jeux indépendants sont-ils différents
des jeux traditionnels ? 176
Annexe 15 : Graphique analyse de questionnaire : Selon vous,
ce genre est-il réservé aux joueurs
passionnés ? 176
Annexe 16 : Graphique analyse de questionnaire : Pensez-vous
que ces deux genres peuvent
coexister ? 177
Annexe 17 : Graphique analyse de questionnaire : Ce genre ne
risque-t-il pas, dans le futur de
remplacer le modèle de production traditionnel ? 177
Annexe 18 : Graphique analyse de questionnaire : Les grands
éditeurs ne risquent-ils pas de racheter
les jeux indépendants ayant eu un certain succès
? 178
147
Annexe 1 : Retranscription intégrale de
l'entretien avec M. Loïc Rallet :
Qu'est-ce que le jeu vidéo indépendant pour
vous ?
Il y a quelques années, j'aurais pu répondre
assez facilement, en quelques mots. Aujourd'hui cette notion est plus complexe.
À l'origine ce sont simplement des jeux développés par
quelques personnes, en marge du système existant et donc
indépendamment des grosses sociétés d'édition comme
Electronic Arts, Ubisoft, Activision etc. Puisqu'ils disposaient de moyens
assez limités, les jeux reposaient d'abord sur leur gameplay,
plutôt que sur leur apparence visuelle, parce qu'un moteur graphique,
c'est du boulot et ça coûte cher. Résultat, on avait
beaucoup de jeux très rétro dans l'esprit, souvent en 8bits ou en
16bits, ou des trucs plus originaux.
Aujourd'hui, à l'heure où le public commence
à se lasser des grosses productions, souvent assez formatées, le
jeu indépendant est en vogue, et les éditeurs l'ont bien compris.
Du coup, eux-mêmes commencent à proposer leurs jeux
indépendants, ce qui est ridicule. Mais voilà, jeu
indépendant, maintenant ça désigne plutôt un genre.
Child of Light, Grow Home ou Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande
Guerre sont développés par de toutes petites équipes, mais
en interne, chez Ubisoft (un gros éditeur NDR).
Du coup bon, aujourd'hui, jeu indé, ça veut plus
dire grand-chose.
Que représente cette notion d'indépendant
?
Eh bien il y a l'idée que les développeurs, vu
qu'ils sont peu nombreux et pas coincés dans une logique purement
capitaliste, et ce n'est pas un gros mot dans ma bouche, ils peuvent se faire
plaisir. Pas limités par le marketing, par les études de
marchés, les réunions de consommateurs, ils créent souvent
des espèces d'ovni, ou simplement de bons petits jeux, à partir
de concepts souvent complètement cons et/ou très originaux.
À l'inverse ça peut également donner
naissance à des tonnes de jeux de merde, comme on peut en trouver
beaucoup sur Steam, grâce à Steam Greenlight. Pour le
148
coup ça aussi c'est très rétro. Les
développeurs indépendants veulent faire du jeu comme avant, avant
que cela ne devienne un business, à la Nintendo et Shigeru Miyamoto dans
les années 80, mais tout le monde n'a pas son talent. Et dans les
années 80, des merdes, on en a vu fleurir un paquet.
A qui se destine-t-il ?
Je ne pense pas que les développeurs aient vraiment une
cible en tête aux moments où ils font leurs jeux. Ils ont des
idées, et en font des jeux, point barre. Mais il suffit de regarder un
peu internet pour comprendre qu'en général ils attirent des
joueurs expérimentés, qui connaissent bien le milieu et qui
fouillent Steam, les comptes Twitter de certains développeurs pour se
tenir au courant de l'actu indépendante.
Mais techniquement n'importe qui peut jouer à un jeu
indépendant, ce sont très souvent des jeux facile à
prendre en main. Après le gameplay peut se montrer plus
étoffé, et le jeu très difficile, comme la plupart des
rogue-like, par exemple, mais à l'occasion certains connaissent un joli
petit succès d'estime auprès du public, pour peu qu'ils soient
mis en avant par un gros éditeur. Récemment on a eu les exemples
de Ori and the Blind Forest, monté par un studio indépendant via
le programme ID@Xbox de Microsoft, qui s'est très bien vendu, ou encore
Shovel Knight, sur Wii U, que Nintendo n'a pas hésité à
pousser sur son store online.
Est-il né en réponse à quelque
chose
Oui, très clairement. Comme je le disais tout à
l'heure, il y a eu une sorte de réaction à la "businessification"
du jeu vidéo, et beaucoup ont souhaité revenir à un jeu
vidéo plus simple, des jeux faits par des gamers, pour les gamers. Dans
les années 2000 le jeu vidéo est vraiment passé d'un
hobbie de geek à un loisir de masse, son économie a
évolué en conséquence.
Ne représente-t-il pas par son bas prix un
point d'entrée sur le jeu vidéo, un moyen de séduire des
non joueurs ?
149
Pas vraiment. Souvent, ces jeux ont un aspect visuel un peu...
poussiéreux, sauf exception, voire même carrément
conceptuels, ce n'est pas franchement ce qui attire le spectateur lambda. Ce
type de joueur en question va souvent se diriger vers des jeux aux graphismes
élaborés, et/ou joués par ses amis. L'effet de masse
aujourd'hui est très déterminant au moment de passer à la
caisse. À titre d'exemple, un de mes amis, joueur Xbox depuis la
première machine de Microsoft, a choisi de ne pas acheter de Xbox One,
pour prendre une PlayStation 4. Pourquoi ? Simplement parce que ses potes de
cours jouaient à GTA V sur PS4. Peu importe s'il n'apprécie pas
particulièrement cette marque, il est content parce qu'il peut jouer
avec ses amis. Et c'est ce simple critère qui a motivé son choix.
Un choix à plus de 400 € mine de rien.
En revanche ce bas prix à une importance pour les
joueurs connaisseurs, parce qu'eux ont parfaitement conscience de ce qu'ils
achètent. Ils savent que ces jeux, aussi intéressants soient-ils,
ne demandent pas des effectifs très nombreux, et n'ont pas
nécessité non plus des années et des années de
développement. Donc ils savent que ce jeu ne doit pas coûter cher.
Vendez Spelunky (jeu indépendant ayant rencontré un certain
succès NDR) au prix de Call of Duty, il serait complètement
boudé par ces joueurs, et complètement ignoré par le grand
public.
Comment pensez-vous qu'il soit perçu par le public
?
Les réactions sont très diverses. Soit les gens
s'en moquent totalement, soit les gens adhèrent et ne
s'intéressent plus qu'à cela, soit les gens picorent à
l'occasion, piochant dans ce qu'il y a d'intéressant. Ce qui est amusant
c'est qu'aujourd'hui pour certains, connaître et aimer le jeu
indépendant, c'est presque un label de qualité. Un peu comme
l'amateur de films d'art et d'essai prendrait de haut celui qui va au
cinéma uniquement pour regarder du hit de box-office. Il y a un
côté presque hipster chez certains qui est presque agaçant
par moment. La volonté de ne pas jouer à la même chose que
tout le monde les rend parfois complètement aveugles. À
l'inverse, beaucoup aiment chier régulièrement sur le jeu
indépendant parce que c'est moche, pas original (beaucoup de jeux
indé reprennent les graphismes, ou des idées de gameplay de vieux
jeux NDR) et j'en passe. Finalement je me demande même si ça
150
ne serait pas une forme de réaction un peu
puérile au comportement des hipsters dont je juste avant. Genre vous
chiez sur nos jeux, alors on chie sur vos jeux.
Et par les gros éditeurs ?
Bonne question. Je pense que certains y ont très vite
trouvé un intérêt. Bien avant que le terme « jeu
indépendant » soit à la mode, en fait. Avant les
années 2010, et la montée du jeu indépendant, Microsoft
avait un programme, Microsoft XNA, qui permettait de développer
facilement des jeux vidéo. Ils ont également créé
en 2008 le Xbox Live Indie Games, qui permettait de promouvoir des jeux
créés par des développeurs indépendants. Avant
ça ils avaient déjà lancé le Dream Build Play, un
genre de concours qui chaque année récompensait un
développeur indépendant, lui offrant pas mal de visibilité
sur le Xbox Live. D'ailleurs le Dream Build Play a pas mal servi à faire
la promo de XNA et de la section Indie Games du Xbox Live. Le jeu indé
n'était pas encore très fashion à l'époque, mais
c'est grâce à eux que l'on a pu découvrir des jeux comme
Dust: An Elysian Tail ou Limbo, deux petites merveilles.
Depuis quelques années, Sony a un peu repris le
flambeau et mise beaucoup sur le jeu indépendant. À chaque
conférence notable, comme à l'E3, ils n'hésitent pas
à accorder de nombreuses minutes à leur section jeu
indépendant, et proposent du fric aux développeurs
indépendants pour obtenir l'exclusivité. On notera au passage que
la notion d'indépendance prend donc du plomb dans l'aile.
Et puis il y a carrément Ubisoft qui fait ses jeux
indépendants, comme je le disais tout à l'heure. Des jeux
développés par des petits groupes de 20/30 développeurs,
qui prennent le temps de développer un truc pour s'amuser, entre deux
superproductions.
Je ne me fais pas de soucis pour les éditeurs, ils
sauront comment sortir leur épingle du jeu. Comme à chaque
fois.
N'est-il pas un vivier dans lequel ces derniers
peuvent se fournir en travailleurs et en idées ?
151
Oui et non. Pas besoin d'argumenter le oui, mais pour le non.
Comme je le disais tout à l'heure, il suffit de voir un jeu comme Grow
Home pour comprendre que les studios des gros éditeurs regorgent de mecs
qui ont plein d'idées. Comme le disaient Yoan Fanise récemment,
on a fait un article là-dessus sur le site (
jeuxvidéo.com, se
référer en bas de page pour l'URL de l'article274
NDR), c'est surtout les preneurs de décision qui limitent la
créativité de leurs développeurs. C'est pas qu'ils sont
dans l'incapacité d'avoir des idées, c'est surtout qu'ils ne
veulent pas trop investir là-dedans. Assassin's Creed, à ses
débuts, c'était une idée, c'était un risque, un
vrai investissement. Et ça s'est révélé très
payant. Mais à l'époque, Ubisoft était encore un
éditeur de taille moyenne, bien loin de ce que l'on connait aujourd'hui.
Aujourd'hui, je doute qu'ils retenteraient la même expérience.
Il suffit de voir leurs dernières productions. Si l'on
met de côté les jeux indépendants que j'ai cité
avant, des titres comme Watch_Dogs ou le futur The Division s'inspirent
énormément de ce qui a été fait sur Assassin's
Creed, et leurs quelques expériences ne sont pas franchement
risqués : The Crew, malgré ses nombreux défauts,
fonctionne plutôt bien parce qu'ils se basent sur des
éléments de jeu très populaires aujourd'hui, l'open world,
le online, la possibilité de jouer avec des potes etc. Et en plus, ils
ne l'ont même pas développé eux-mêmes finalement.
Arrive-t-il à faire face au modèle
traditionnel et à ses grosses boites de production ? Et si oui
comment
Non, en aucun cas, jamais. D'un côté on a des
petits jeux, qui nécessitent parfois moins de 10 000€
d'investissement pour être terminés par 2 ou 3 personnes, et de
l'autre, des titres développés par de très grandes
entreprises cotées en bourse, qui développent en même temps
quatre ou cinq jeux demandant des dizaines de millions d'euros
d'investissement, et qui en rapportera encore plus. C'est incomparable. The
Next Penelope (jeu indépendant NDR), c'est une personne. Ça a
obtenu de bonnes critiques, mais ça ne fera jamais les ventes d'un
Watch_Dogs ou d'un Assassin's Creed Unity, malgré les polémiques
qui les entourent. Les grosses boites ont une
274
http://www.jeuxvideo.com/news/419591/yoan-fanise-soldats-inconnus-memoires-de-la-grande-guerre-quitte-ubisoft-et-pointe-du-doigt-les-aaa.htm
152
force de frappe ultra importante, notamment grâce
à la publicité. Qui fonctionnera toujours mieux que le simple
bouche à oreille, quoi qu'on en dise.
Selon vous pourquoi le jeu vidéo
indépendant marche ?
Simplement parce que certains joueurs cherchent autre chose.
Et que même s'ils sont largement minoritaires, ils sont suffisamment
nombreux pour que cela compte. Et puis ils sont toujours plus nombreux, le
bouche à oreille fonctionne un peu, et de temps en temps certains
très bons jeux font suffisamment parler d'eux pour que la scène
indé soit prise au sérieux par les gamers lambda. Ça
permet à la scène indé de vivoter, de
s'auto-satisfaire.
Quel est son futur, comment va-t-il évoluer
?
Je suis peut-être trop pessimiste mais je ne le vois pas
aller plus loin que là où il en est aujourd'hui.
Ne risque-t-il pas de prendre de l'ampleur et de
remplacer le modèle traditionnel ? Ou bien peut-il continuer à
coexister avec le modèle traditionnel
Comme je le disais tout à l'heure, non, impossible.
Prendre de l'ampleur, oui, peut-être un peu, dans une certaine limite.
Mais ça n'ira pas beaucoup plus loin.
153
Annexe 2 : Retranscription intégrale de
l'entretien avec M. Matthieu Hurel :
Qu'est-ce que le jeu vidéo indépendant pour
vous ?
C'est un jeu vidéo comme un autre, mais
réalisé par un studio qui dispose d'une indépendance
créative totale et qui n'est pas un projet commandé par une plus
grosse société.
Que représente cette notion d'indépendant
?
Aujourd'hui, c'est un atout marketing avant tout, puisque
l'image du jeu indépendant renvoie souvent au côté
artisanal, authentique et un peu anarchiste par certains aspects. C'est aussi
un label capable de réunir, de souder une communauté de
développeurs locaux ou épars, même si on se rend compte que
cela n'empêche jamais des communautés encore plus
spécifiques de se former.
A qui se destine-t-il ?
A n'importe qui possédant une machine capable de le faire
tourner.
Est-il né en réponse à quelque chose
?
Il a toujours existé mais il est né
médiatiquement d'un besoin de différenciation par rapport aux
productions commerciales traditionnelles, d'une réponse aux AAA, aux
marronniers et aux campagnes promotionnelles bien huilées, même si
une partie des studios indépendants commencent à utiliser
eux-mêmes des méthodes industrielles pour se mettre en valeur.
Ne représente-t-il pas par son bas prix un
point d'entrée sur le jeu vidéo, un moyen de séduire des
non joueurs ?
C'est un argument, mais les promotions
systématisées et de plus en plus agressives changent pas mal la
donne, d'autant que le prix moyen des productions
154
indépendantes a tendance à augmenter pour
diverses raisons, comme des budgets en hausse, des marché plus
réceptif, et des besoin d'anticiper les soldes.
Comment pensez-vous qu'il soit perçu par le public
?
Si on parle du grand public qui achète ses jeux en
supermarché, je pense qu'il n'est pas perçu du tout tant qu'il
n'est pas vendu en boîte et le côté indépendant n'a
aucune importance dans la décision d'achat. Si on parle des joueurs qui
se renseignent un peu plus et ont l'habitude du
dématérialisé, je pense qu'il est perçu comme un
moyen de retrouver des genres délaissés, de découvrir
d'autres types de jeux et de pratiquer plus facilement le snack
gaming.
Et par les gros éditeurs ?
Ça peut remplir leur catalogue à peu de frais
tout en profitant de l'aura du fait maison, mais aussi leur donner des
idées à intégrer dans leurs grosses productions. Ce n'est
clairement pas une menace irréversible pour les gros éditeurs,
quoi qu'il arrive.
N'est-il pas un vivier dans lequel ces derniers
peuvent se fournir en travailleurs et en idées ?
Oui, même si une partie des développeurs
indépendants refusent de travailler avec de gros éditeurs.
Arrive-t-il à faire face au modèle
traditionnel et à ses grosses boites de production ? Et si oui comment
?
Il n'a pas besoin de faire face, il existe dans les failles,
les interstices que le modèle traditionnel ne couvre pas ou plus.
Même si les productions indépendantes prennent de plus en plus de
place, ça n'empêche pas les grosses boîtes de productions de
s'adapter. Et comme les studios indépendants gagnent en
crédibilité, en visibilité et en sympathie, ils peuvent se
permettre d'adopter eux aussi des tactiques du AAA. Mais il n'y a pas
forcément de guerre entre les deux milieux, certains
développeurs
155
font juste du jeu vidéo en hobby et le vendent ou pas,
d'autres montent une boîte pour en faire leur métier à
temps complet et doivent avant tout faire vivre leur studio sans
s'inquiéter des AAA, d'autres veulent rivaliser en faisant du AAA
indépendant, Ninja Theory, par exemple. Si on regarde du
côté créatif, le jeu indépendant s'en sort bien mais
ce sont rarement les jeux les plus originaux qui rapportent le plus. Et il y a
beaucoup de petits échecs chez les indépendants mais chez les AAA
également, et à plus grande échelle.
Selon vous pourquoi le jeu vidéo
indépendant marche ?
Parce qu'il y a de plus en plus de joueurs et que
l'accès aux jeux s'est grandement assoupli par rapport à
l'époque des titres majoritairement vendus en boîte.
Quel est son futur, comment va-t-il évoluer
?
J'imagine qu'il va se monétiser et se professionnaliser
davantage, comme n'importe quel milieu, tout en conservant un part de
hobbyistes et d'idéalistes qui feront des expériences pour la
beauté du geste. On peut dire aussi qu'il va encore plus se banaliser et
peut-être même sortir de l'étiquette d'indépendant
pour n'être que du jeu, devenir une nouvelle norme, en quelque sorte.
Ne risque-t-il pas de prendre de l'ampleur et de
remplacer le modèle traditionnel ? Ou bien peut-il continuer à
coexister avec le modèle traditionnel ?
Tout peut coexister et s'adapter. Peut-être que les jeux
estampillés indépendants grignoteront plus de parts de
marché aux jeux traditionnels dans les années à venir,
mais je doute que ça devienne une part géante. Certains seront
absorbés par l'évolution du marché traditionnel qui s'en
nourrira pour continuer à exister, d'autres resteront en marge et ne lui
feront aucun mal faute de visibilité. Dans tous les cas, il y aura de
plus en plus de jeux au global.
156
Annexe 3 : Retranscription intégrale de
l'entretien avec M. Arthur Jeannin
Qu'est-ce que le jeu vidéo indépendant pour
vous ?
Il est très dur de donner une seule définition
du jeu indépendant applicable dans tous les cas. Pour moi, c'est un jeu
développé par une équipe indépendante
financièrement, et c'est souvent signe de low-budget. C'était
à la base le cas avec des petits jeux sans trop de prétention
réalisés par une ou deux personnes, en parallèle avec leur
vrai boulot. Mais La définition s'est bien étendue depuis un
moment, et on peut aussi parler de jeux qui gardent une liberté
artistique. Le débat est en tout cas intéressant mais très
houleux.
Que représente cette notion d'indépendant
?
Une vraie révolution. Les premiers gros jeux
indépendants comme World of Goo ont fait fureur parce qu'ils changeaient
tellement de ce qui nous était proposé à l'époque.
On avait de nouveaux concepts, des jeux plein d'idées fraiches, de
genres totalement originaux qui sont nés. Le boom de la scène
indépendante a vraiment montré que tout le monde pouvait avoir de
bonnes idées et créer un jeu vidéo, peu importe son
âge ou ses qualifications.
A qui se destine-t-il ?
A absolument tout le monde. Le fait qu'un jeu soit
indépendant ne devrait pas le classer dans une case «
indépendant » et le séparer du reste. On a des FPS, des
platformers, des jeux de rythme indépendants qui plairont autant que les
jeux AAA du même genre.
Est-il né en réponse à quelque chose
?
Je pense qu'il a toujours plus ou moins existé, mais
n'était pas autant mis en valeur avant. Tout le monde a toujours eu
envie de créer son propre jeu, à toutes les
157
époques. On peut retrouver ça dans les jeux
d'aventure texte des années 80 qui étaient souvent
développés par des amateurs aussi bien que maintenant. Le boom
récent de la scène indé est peut-être apparu
à cause d'une certaine aseptisation du domaine, avec beaucoup de jeux
quasi-identiques et qui n'apportaient rien de nouveau. Les joueurs en ont eu
marre et ont eu envie de créer des trucs originaux pour changer la
donne.
Ne représente-t-il pas par son bas prix un
point d'entrée sur le jeu vidéo, un moyen de séduire des
non joueurs ?
C'est un peu ça, car malgré le fait qu'il soit
de plus en plus répandu, le jeu indépendant reste un peu un truc
bizarre de hipster qu'on n'a pas trop envie de toucher. Le fait que des titres
au contenu gigantesques comme The Binding of Isaac soient
bradés jusqu'à 1,25€ montre bien ça, on a plus de
facilités à payer ça pour ne pas être
déçu. Le jeu indépendant ne devrait pas être
associé à un prix bas pour autant, parce que ce prix est en
général justifié par le boulot fourni pour produire le
jeu.
Comment pensez-vous qu'il soit perçu par le public
?
Malheureusement pas toujours très bien, comme je l'ai
dit avant. Mais sa réputation s'arrange de plus en plus. Indie Game
: The Movie a bien aidé le public à se faire une meilleure
idée de ce qu'était le jeu indépendant, de son processus
de création et des difficultés qu'avaient les
développeurs. Il s'intègre de plus en plus au marché, il
suffit de voir Steam pour s'en rendre compte.
Et par les gros éditeurs ?
Ça peut paraitre étonnant, mais ces derniers
sont parfois les plus accueillants. Sony et Microsoft ont fait d'énormes
efforts pour aider les développeurs indépendants en leur faisant
une place toute chaude au sein de leur marché, voire en leur fournissant
des outils de développement pour leurs consoles. On voit ainsi beaucoup
de jeux
indépendants sortir en même temps sur PC et sur
console, c'est une très bonne chose.
N'est-il pas un vivier dans lequel ces derniers
peuvent se fournir en travailleurs et en idées ?
Effectivement, ça arrive souvent. Certains jeux
indépendants sont d'ailleurs supportés financièrement par
de gros éditeurs, comme Ori and the Blind Forest pour en
prendre un exemple récent. Mais il y a rarement de gros problèmes
avec ça, ce sont plus souvent les amateurs qui vont piocher dans les
idées de titres AAA pour renouveler des concepts.
Arrive-t-il à faire face au modèle
traditionnel et à ses grosses boites de production ? Et si oui comment
?
C'est forcément dur de faire aussi bien que des grosses
boites sans les moyens, mais les développeurs indépendants se
rattrapent souvent grâce à des idées fantastiques qui leur
permettent de soulever des sommes énormes lors de campagnes de
crowdfunding. Kickstarter et Indiegogo ont aidé nombre de projets
à voir le jour, et c'est une bonne chose.
Selon vous pourquoi le jeu vidéo
indépendant marche ?
Parce qu'il a un public, tout simplement. Les jeux
indépendants qui marchent sont souvent ceux qui cherchent à
plaire à une certaine niche de joueurs. Super Meat Boy a
attiré les fans de platformers hardcore, Shovel Knight a fait
énormément plaisir aux amateurs de rétro.
L'intérêt du jeu indépendant est cette liberté de
création, et les joueurs autant que les développeurs en ont
énormément besoin.
158
Quel est son futur, comment va-t-il évoluer
?
159
On aurait envie de dire très bien, mais ce n'est pas si
évident. La liberté du jeu indépendant apporte certes du
bon, mais aussi du mauvais. Il y a des centaines de FPS post-apocalyptiques
sans saveur qui sont sortis et qui continuent de sortir, parce que c'est ce qui
marche le mieux et que c'est facile à faire, sans idées à
fournir. Ces jeux sont indépendants financièrement mais
n'apportent rien de frais au genre, et c'est là que la définition
de ce qu'est un jeu indé commence à faire débat. Mais, il
y a aussi toujours plus d'excellents jeux avec de bonnes idées qui
arrivent et le public les accepte de mieux en mieux. Le genre est voué
à évoluer vers du positif, mais aura toujours une part de
négatif qui l'accompagnera. C'est malheureux, mais ça montre bien
que la liberté a des bons et des mauvais côtés.
Ne risque-t-il pas de prendre de l'ampleur et de
remplacer le modèle traditionnel ? Ou bien peut-il continuer à
coexister avec le modèle traditionnel ?
Je pense que les deux modèles continueront toujours
à coexister. Après tout, des jeux (issus de l'industrie
traditionnelle NDR) comme Dying Light ou Bloodborne font toujours bien
plus de ventes que les plus gros jeux indépendants et ça ne
baissera pas avec le temps. C'est une bonne chose, car les deux modèles
sont intéressants et méritent d'exister ensemble. Tout ce que
j'espère personnellement, c'est que le public acceptera mieux le jeu
indépendant par l'avenir et que son développement sera
facilité pour permettre à tout le monde de pouvoir
créer.
Annexe 4 : Retranscription intégrale de
l'entretien avec M. Lucas Delhez
Qu'est-ce que le jeu vidéo indépendant pour
vous ?
Le jeu vidéo indépendant n'est plus à
prendre au sens littéral mais plutôt en tant que catégorie.
Si on en prend le sens littéral, cela signifie que les jeux
financés à l'aide du Crowdfunding ne sont pas
indépendants, puisque les développeurs dépendent des
quelques personnes qui mettront de l'argent dans leur projet.
On pourrait donc définir le jeu indépendant
comme étant des jeux développés par de petites
équipes. Ils peuvent même être développés et
édités par deux studios différents, tant que ces derniers
ne sont pas des multinationales qui brassent l'argent à ne plus savoir
le compter. Le jeu indépendant met en avant des jeux créatifs,
ils prennent un risque contrairement aux grosses productions qui restent sur
des jeux beaucoup plus classiques. Dernière révolution dans un
Call of Duty? Un exosquelette, youpi.
Que représente cette notion d'indépendant
?
Qui ne dépend de personne. Là encore, tout
dépend du sens dans lequel on définit les jeux
indépendants. Selon ma définition, le jeu indépendant
n'est pas forcément indépendant. Ou alors, nous pourrions dire
que les studios sont indépendants dans grosses sociétés,
mais que cela ne les empêche de s'entraider entre eux.
A qui se destine-t-il ?
Le jeu indépendant est plutôt destiné
à une élite, des gamers en quelque sorte. Élite dans le
sens où, en général les quelques personnes
s'intéressant à ce milieu en ont eu marre des jeux AAA et
souhaitent retrouver une certaine créativité. Ces personnes
peuvent aussi chercher des jeux originaux, des jeux avec une bande-son
extraordinaire, etc.
160
Est-il né en réponse à quelque chose
?
161
Il y a deux facteurs qui font que le jeu indépendant
est ce qu'il est aujourd'hui. Tout d'abord, internet. En effet, avant, il
était très difficile de commercialiser son jeu. Maintenant il
suffit d'un clic pour héberger son jeu en ligne, à la
portée de tous. La deuxième chose, c'est ce dégoût
vis-à-vis des jeux des grosses productions devenant de plus en plus
lassant et qui ne souhaitent qu'une chose, extorquer l'argent des acheteurs.
L'une des plus belles arnaques, à ce jour, reste The Order 1886.
Soixante euros, quatre heures de jeu à tout casser, un gameplay
linéaire et pas de multijoueur, magnifique.
Ne représente-t-il pas par son bas prix un
point d'entrée sur le jeu vidéo, un moyen de séduire des
non joueurs ?
En effet, entre acheter un jeu à soixante voire
soixante-dix euros, on préfère dépenser cinq euros pour un
jeu qui nous procurera beaucoup de plaisir. De plus, certains sites comme
Humble Bundle proposent des packs de cinq ou six jeux, et c'est le public qui
choisit le prix.
Comment pensez-vous qu'il soit perçu par le
public ?
Par le grand nombre, il doit être perçu comme
n'étant pas attrayant. C'est triste de le dire, mais il suffit de
demander à un enfant qui a entre 10 et 14 ans, qui sont en
général le gros du public, s'ils préfèrent le tout
dernier Call of Duty ou bien un bon vieux Running with Rifles. Je serai fort
étonné si un seul répondrait Running with Rifles.
Et par les gros éditeurs ?
Le jeu indépendant devient de plus en plus
menaçant pour les gros éditeurs car, bien que peu puissant, la
créativité émerge de leur côté et de plus en
plus de personnes s'y intéressent.
162
N'est-il pas un vivier dans lequel ces derniers
peuvent se fournir en travailleurs et en idées ?
Si, beaucoup de grosses productions prennent des studios
indépendants, qui ne le sont plus du coup, afin d'engendrer des
bénéfices. Je pense notamment à Ubisoft qui a pris divers
studio sous son aile. Pensons aussi à Microsoft avec le rachat de Mojang
à hauteur de 2,5 milliards de dollars. Ils ont compris qu'ils
n'arriveraient jamais à faire mieux que Minecraft.
Arrive-t-il à faire face au modèle
traditionnel et à ses grosses boites de production ? Et si oui comment
?
Oui. Comment? Créativité, originalité,
bas prix, facilité d'accès, autant de mots qui expliquent
pourquoi les jeux indépendants sont l'avenir du jeu.
Selon vous pourquoi le jeu vidéo
indépendant marche ?
Cette question trouve sa réponse dans la réponse
que j'ai donnée juste avant.
Quel est son futur, comment va-t-il évoluer
?
Impossible à dire, mais ce qui est sûr, c'est que le
public ne peut qu'augmenter.
Ne risque-t-il pas de prendre de l'ampleur et de
remplacer le modèle traditionnel ? Ou bien peut-il continuer à
coexister avec le modèle traditionnel ?
On ne peut pas supprimer les jeux AAA. On a tous pris du
plaisir en jouant à Battlefield, que ce soit en apportant notre support
à des alliés en difficulté ou en se trouvant
nous-même au coeur de l'action. Je pense seulement que le jeu
indépendant ne peut que grandir aux côtés des grandes
productions.
163
Annexe 5 : Retranscription intégrale de
l'entretien avec M. Jimmy Latour
Qu'est-ce que le jeu vidéo indépendant
pour vous ?
Pour moi, le jeu vidéo indépendant est la
possibilité aux petites équipes de réaliser plus
facilement leurs projets. On retrouve des projets plus proches de leurs
créateurs.
Que représente cette notion
d'indépendant ?
L'indépendance permet de laisser plus facilement libre
cours à son imagination et pousse à la créativité
et à l'originalité.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé
à travailler dans le domaine de l'indépendant ?
Nous sommes des passionnés de jeux vidéo, dans
ce domaine nous pouvons travailler essentiellement pour le plaisir du jeu et
non la commercialisation.
A qui se destine-t-il ?
Il se destine à des créateurs, des personnes qui
veulent faire découvrir leur univers, à ceux qui veulent
atteindre plus facilement les joueurs.
Est-il né en réponse à quelque
chose ?
La passion du jeu se développe toujours plus, ainsi que
le multimédia. Le jeu, étant au centre du numérique, il ne
peut pas rester bloqué et inaccessible. Les créateurs peuvent
facilement créer et partager grâce aux logiciels comme Unity par
exemple.
Ne représente-t-il pas par son bas prix un
point d'entrée sur le jeu vidéo, un moyen de séduire des
non joueurs ?
En effet, n'importe qui pourrait trouver un univers qui lui
convient pour une somme dérisoire. L'univers du jeu est très
ouvert niveau support, prix et contenu.
Comment pensez-vous qu'il soit perçu par le public
?
Pour moi, le public aime les jeux vidéo
indépendants. On le voit quand par exemple Zerator qui est un streamer
très connu attire pendant son émission de jeu indépendant
plus de 8 milles viewers. Du côté des joueurs, les jeux
vidéo indépendants sont très appréciés.
Et par les gros éditeurs ?
Qu'ils l'apprécient ou non, je pense que la
montée en puissance du jeu vidéo indépendant est un bien,
car cela poussera les leaders à se donner plus de mal s'ils veulent
garder autant leur popularité que leurs joueurs.
N'est-il pas un vivier dans lequel ces derniers
peuvent se fournir en travailleurs et en idées ?
Bien sûr, mais l'inverse aussi.
Arrive-t-il à faire face au modèle
traditionnel et à ses grosses boites de production ? Et si oui comment
?
Il n'est pas évident de sortir de la masse et encore
moins de rivaliser avec Blizzard ou Ubisoft, mais certains se démarquent
comme Riot Games. Je pense que de plus en plus, les petits jeux arriveront
à se faire connaître, comme j'en parlais avant, grâce au
monde des streamer.
164
Selon vous pourquoi le jeu vidéo
indépendant marche ?
165
Je pense que les joueurs recherchent l'originalité.
Certains jeux éveillent chez les joueurs les mêmes émotions
qu'ils avaient la première fois qu'ils ont joué (au jeu
vidéo NDR), d'autres sont lassés de voir les même
séries. En tout cas, tout le monde peut y trouver son compte.
Quel est son futur, comment va-t-il évoluer
?
Difficile de savoir, en tout cas, je ne pense pas que ce
domaine soit prêt de disparaître.
Ne risque-t-il pas de prendre de l'ampleur et de
remplacer le modèle traditionnel, ou bien peut-il continuer à
coexister avec le modèle traditionnel ?
Je ne pense pas que le modèle traditionnel soit
remplacé, je pense plutôt qu'il va évoluer en fonction et
chacun trouvera sa place et son publique.
Annexe 6 : Retranscription intégrale de
l'entretien avec M. Alain Puget
Qu'est-ce que le jeu vidéo indépendant pour
vous ?
Pour le moi le jeu vidéo indépendant s'oppose
juste à la notion de jeu sur commande ou de jeu à licence de
l'industrie lourde du AAA. On peut être indépendant tout en ayant
un éditeur. Très souvent les éditeurs ne payent plus la
production de petits jeux indépendants, Ils n'en assurent que la
communication.
Que représente cette notion d'indépendant
?
Être indépendant, c'est avant tout une
liberté totale de création, de ligne éditoriale, de
planning de production. Il y a bien sûr de très fortes contraintes
économiques et
166
de contraintes liées au marché, mais cela fait
partie de la vie du développeur indépendant.
A qui se destine-t-il ?
Chaque développeur destine son jeu à une
catégorie de personnes, une cible. On peut faire le choix pour un jeu de
viser un marché de niche ou au contraire de faire un jeu universel. Le
jeu indépendant n'est pas un concept destiné à une
catégorie de gens par principe.
Est-il né en réponse à quelque chose
?
Le jeu indépendant a toujours existé. Il n'est
pas né avec Minecraft, World of Goo ou Super Meat Boy. Au tout
début du jeu vidéo, à la fin des années 70, il n'y
avait que ça, comme les grosses structures n'existaient pas encore.
Ensuite, il y a toujours eu des gens pour vouloir rester
indépendants.
Si certaines personnes pensent que c'est un
phénomène récent, c'est probablement dû à
l'augmentation de taille de la scène indépendante rendue possible
par la diffusion digitale et l'émergence des games makers (outils
simplifiés permettant de développer des jeux vidéo NDR) et
autres moteurs 3D faciles d'accès comme Unity ou UDK.
Ne représente-t-il pas par son bas prix un
point d'entrée sur le jeu vidéo, un moyen de séduire des
non joueurs ?
Il existe des jeux indépendants qui ne sont pas
spécialement bon marchés, tout comme des jeux qui sont
très loin d'être indépendants qui sont assez peu
onéreux. Donc non, je ne pense pas qu'on puisse dire cela du jeu
indépendant.
Par ailleurs, les gros éditeurs font beaucoup plus
d'efforts que les indépendants pour élargir leur public aux non
joueurs et ainsi élargir leur marché potentiel. De nombreux
167
indépendants s'adressent volontiers à des niches
en ignorant royalement le reste du monde.
Comment pensez-vous qu'il soit perçu par le public
?
De très nombreuses idées reçues
complètement fausses et clichés circulent sur le jeu vidéo
indépendant.
On le dit toujours plus original que le jeu AAA. C'est parfois
vrai mais c'est aussi parfois complètement faux. De nombreux jeux
indépendants s'inspirent juste de vieilles recettes qui ne sont plus
à la mode mais qui sont bien connues des joueurs plus
âgés.
On le dit bon marché à produire mais la plupart
des gens ignorent complètement le travail et les sommes que peuvent
nécessiter la production de tel ou tel titre. Très souvent
même, les apprentis développeurs indépendants sous estiment
lourdement le temps et les moyens qu'ils devront investir pour venir à
bout de leur projet. Il n'y a qu'à voir le nombre de projets de
crowdfunding dont la cible ne couvre pas le quart de la production du jeu
proposé.
Et par les gros éditeurs ?
Pour les gros éditeurs, le jeu vidéo
indépendant est un concurrent. Un concurrent dont ils s'inspirent ou se
démarquent suivant leur stratégie.
N'est-il pas un vivier dans lequel ces derniers
peuvent se fournir en travailleurs et en idées ?
De même que de nombreux indépendants sont
d'anciens de l'univers AAA. Et pour ce qui est des idées, le jeu
vidéo est l'industrie numéro un du recyclage et du plagiat loin
devant toute autre forme de production culturelle. Les indépendants,
tout autant que les autres.
168
Arrive-t-il à faire face au modèle
traditionnel et à ses grosses boites de production ? Et si oui comment
?
Globalement non. L'énorme majorité des projets
de production de jeux dans le monde ne sont pas rentables. Mais les plus
grosses structures et éditeurs sont soumis aux même
difficultés, c'est la raison pour laquelle ils se reposent
essentiellement sur des déclinaisons de licences à
succès.
Il ne faut jamais oublier que toutes les belles histoires de
succès indépendants sont de très rares exceptions et
à ce titre difficilement reproductibles.
Selon vous pourquoi le jeu vidéo
indépendant marche ?
A mon sens, il ne marche pas plus que le jeu vidéo non
indépendant. Il a toujours existé et il continuera d'exister. Au
gré des modes et du temps on continuera de lui attribuer des
qualités ou des défauts qu'il aura réellement ou qui ne
sont que des visions très idéalisées et très
parcellaires de la réalité du marché.
Quel est son futur, comment va-t-il évoluer ?
J'ai 2 principes quand je parle jeu vidéo :
- J'évite de commenter les annonces ou la communication
autour de jeux auxquels je n'ai pas joué. On peut raconter tellement de
choses pour vendre un jeu.
- Je ne spécule pas sur les tendances ou
l'évolution du marché ou de la technologie. Il y a tellement de
pratiques commerciales ou de concepts de game design qui sont devenus
populaires alors qu'ils me paraissent nocifs et dangereux. Je n'aurais pas
parié un centime dessus et pourtant ils sont bien là.
Ne risque-t-il pas de prendre de l'ampleur et de
remplacer le modèle traditionnel ? Ou bien peut-il continuer à
coexister avec le modèle traditionnel ?
169
Le jeu vidéo indépendant est une partie
intégrante du modèle traditionnel. Il n'a pas, à mon sens,
vocation à remplacer quoi que ce soit, ni à disparaître.
Annexe 7 : Retranscription intégrale de
l'entretien avec M. Ronan Coiffec
Qu'est-ce que le jeu vidéo indépendant pour
vous ?
Le jeu indé est une nouvelle vision de ce que peut
être le jeu vidéo. Ce sont des jeux beaucoup moins cher à
produire, car réalisés par de toutes petites équipes, ce
qui permet aux studios indépendants d'avoir moins besoin d'être
rentable. Les développeurs peuvent donc vraiment proposer de nouvelles
choses, prendre des risques, des parti pris. Le public découvre
énormément de nouvelles idées. Je pense que l'industrie en
général a grand besoin de ce nouveau souffle.
Que représente cette notion d'indépendant
?
Une forme de liberté de création, d'expression.
Avec moins d'enjeux marketing, financiers, de rentabilité commerciale,
être indépendant permet vraiment d'exprimer des choses plus
personnelles, plus intéressantes à mon sens.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé
à travailler dans le domaine de l'indépendant ?
Il y a plusieurs choses. D'une part ça fait 10 ans que
je travaille dans les jeux vidéo et je suis passé par certains
des plus gros studios Français comme Eden Games, Ubisoft, DontNod, sur
des productions qu'on appelle « AAA », donc dans de très
grosses équipes avec parfois même plus de 100 personnes. D'autre
part j'ai toujours réalisé des petits prototypes de jeu de mon
côté et il y a 10 ans je participais déjà à
l'univers « indé » de l'époque sur des forums
particuliers où on diffusait nos propres démo. Après le
dernier AAA sur lequel j'ai travaillé, d'abord Remember Me puis Life
170
Is Strange, j'ai ressenti le besoin et l'intérêt
de retrouver une échelle plus « humaine » sur la
création d'un jeu. A deux ou trois, se concentrer sur des idées
fortes pour exprimer des choses différentes.
A qui se destine-t-il ?
Là où les grosses productions doivent plaire au
plus grand nombre pour être rentable et s'adressent donc aux joueurs en
général, je pense que le jeu indépendant parvient à
toucher différents types de joueurs. Il y a plus de niches que sur les
grosses productions et le jeu indépendant parvient à créer
un peu ce qui se passe au cinéma, c'est-à-dire une
pluralité d'expériences dans énormément de styles
différents. C'est extrêmement riche et intéressant pour le
public, à condition de s'y intéresser un peu et d'aller chercher
son jeu. Heureusement cela devient de plus en plus facile grâce aux sites
internet qui se spécialisent dans l'indépendant, aux
constructeurs qui les mettent en avant et aujourd'hui et aux éditeurs
qui proposent leur propre catalogue.
Est-il né en réponse à quelque chose
?
Je pense qu'il répond à une certaine inertie
commerciale du jeu vidéo en général avec des suites en
pagaille etc. Du côté des développeurs comme celui des
joueurs, et même les medias, tout le monde aspire à de nouvelles
idées, à des choses rafraichissantes.
Ne représente-t-il pas par son bas prix un
point d'entrée sur le jeu vidéo, un moyen de séduire des
non joueurs ?
Je ne suis pas sûr que les jeux indépendants
soient installés chez les non-joueurs, et aller sur Steam ou GOG ou le
PSN (plates-formes permettant de télécharger des jeux
vidéo indépendants NDR) est déjà un acte de joueurs
avertis. Par contre les joueurs « casu » (joueurs occasionnels NDR)
ou habitués des Call Of et autres Fifa vont voir apparaitre sur leur
console des propositions de jeu indépendants
171
effectivement beaucoup moins cher et ces joueurs se laisseront
tenter et finalement seront séduits, Minecraft est un très bon
exemple.
Comment pensez-vous qu'il soit perçu par le public
?
Je pense que le jeu indépendant se voit un peu comme la
nouvelle vague dans le cinéma, des propositions d'auteurs ou de petites
équipes, qui le rendent très humain face à des super
productions. Acheter un jeu indépendant devient presque un acte de
soutien à ce mouvement.
Et par les gros éditeurs ?
Les éditeurs ont clairement un rôle à y
jouer. Je pense qu'ils voient le marché des jeux indépendants
comme un marché récent, à étudier, mais très
peu risqué financièrement. Ils ont donc tout intérêt
à s'y essayer, en soutenant des productions par exemple, pour simplement
leur permettre d'avoir des chiffres concrets, d'améliorer leur image.
N'est-il pas un vivier dans lequel ces derniers
peuvent se fournir en travailleurs et en idées ?
Je ne pense pas qu'ils le voient comme ça. Car le
marché des gros jeux vidéo marche très bien et ils ne sont
pas forcément à la recherche d'idées. Je pense que pour le
moment c'est un moyen simple pour eux de diversifier un catalogue, et de tester
des choses. Par contre, les développeurs derrière ces grosses
productions vont eux peu à peu s'inspirer de ce qu'ils auront
joué chez les indépendants, naturellement.
Arrive-t-il à faire face au modèle
traditionnel et à ses grosses boites de production ? Et si oui comment
?
172
Ce sont deux façon de produire différentes qui,
je pense, ne sont pas du tout en conflit. D'ailleurs je pense que pas mal de
développeurs de grosses productions bossent un peu pour des petits
projets indés. Par contre, je pense que le jeu indépendant
parvient à créer des process de production très efficaces,
dont les gros studios vont peu à peu s'inspirer, les petites
équipes, le télétravail, les jams, etc.
Selon vous pourquoi le jeu vidéo
indépendant marche ?
C'est un ensemble de facteurs. Le marché du AAA qui
tourne un peu en rond, des jeux chers, un public qui vieilli, n'a plus le temps
de jouer, d'investir. Le jeu indé est une réponse à tout
ça, des jeux nouveaux, moins chers, on peut jouer deux heures et passer
à autre chose, les joueurs plus vieux ont d'autres envies. Le jeu
vidéo murit et évolue. En prenant conscience de la
diversité des joueurs, en proposant des nouveaux contenus, de nouvelles
expériences telles que le jeu indépendant un peu comme dans le
cinéma ou la musique.
Quel est son futur, comment va-t-il évoluer
?
Dans un avenir proche, je pense que les éditeurs vont y
avoir plus de place, à travers soit la création de labels, soit
même d'éditeurs spécialisés en indépendant
tel que c'est le cas dans les domaines de la musique ou du cinéma. Le
risque du jeu indépendant est d'avoir trop de propositions dans lesquels
les joueurs vont être perdus. La sélection va être
importante. Puis certains noms vont persister et on verra des courants naitre
des jeux qui auront fonctionné.
Ne risque-t-il pas de prendre de l'ampleur et de
remplacer le modèle traditionnel ? Ou bien peut-il continuer à
coexister avec le modèle traditionnel ?
Je pense que les deux modèles vont coexister et se
nourrir l'un l'autre. Tout comme au cinéma ou la musique on aime autant
les blockbusters que les indépendants. C'est bien là toute la
richesse que l'on peut en tirer.
173
Annexe 8 : Graphique analyse de questionnaire : Etes-vous
un homme ou une femme ?
Annexe 9 : Graphique analyse de questionnaire : Quelle
est votre tranche d'âge ?
174
Annexe 10 : Graphique analyse de questionnaire :
Jouez-vous régulièrement aux jeux vidéo ?
Annexe 11 : Graphique analyse de questionnaire : En
moyenne combien d'heures par semaine ?
175
Annexe 12 : Graphique analyse de questionnaire :
Connaissez-vous le jeu vidéo indépendant ?
Annexe 13 : Graphique analyse de questionnaire :
Jouez-vous régulièrement à cette catégorie de jeux
vidéo ?
176
Annexe 14 : Graphique analyse de questionnaire : Selon
vous les jeux indépendants sont-ils différents des jeux
traditionnels ?
Annexe 15 : Graphique analyse de questionnaire : Selon
vous, ce genre est-il réservé aux joueurs passionnés
?
177
Annexe 16 : Graphique analyse de questionnaire :
Pensez-vous que ces deux genres peuvent coexister ?
Annexe 17 : Graphique analyse de questionnaire : Ce
genre ne risque-t-il pas, dans le futur de remplacer le modèle de
production traditionnel ?
178
Annexe 18 : Graphique analyse de questionnaire : Les
grands éditeurs ne risquent-ils pas de racheter les jeux
indépendants ayant eu un certain succès ?
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