La participation politique dans les bidonvilles. Les cas de Newton-aéroport et de New-bell Douala.( Télécharger le fichier original )par Raouto Crazzilli NANTCHA Université de Douala - MASTER II- DEA Sociologie 2015 |
4-1-2- LES COMPORTEMENTS POLITIQUES DANS LES BIDONVILLESLes formes de participation ou comportements politiques seront liés aux évènements politiques, aux conditions de vie. 4-1-2-1- Lors des électionsFabien EboussiBoulaga93(*)(1999) recommande de définir l'élection en considérant la forme et le contenu. Selon la forme, l'élection a la forme d'un acte unique qui se déploie en des opérations séparées, mais intimement liées. Du point de vue du contenu, elle établit dans la communauté l'accord et la cohérence avec soi-même. Aussi, elle vise à élire ceux qui vont diriger l'action commune, de leur vouer loyalisme contre la protection des vies et des biens, des libertés et des droits fondamentaux convenus, une juste part du produit de la coopération sociale. Enfin, les élections ne sont pas un abandon d'une souveraineté qui ne serait exercée que dans l'isoloir ; l'instant de mettre un bulletin dans une urne. Dans le cadre de notre travail, nous allons nous en tenir aux élections présidentielles, législatives et municipales et plus précisément la présidentielle du 09 octobre 2011 et les législatives et municipales du 30 septembre 2013 au Cameroun. Nous n'avons pas tenu compte des élections sénatoriales parce qu'elles sont réservées à une certaine catégorie sociale. Pour présenter ces comportements, nous avons tenu compte des phases d'inscription sur les listes électorales, des retraits des cartes électeurs, de la campagne électorale et le jour du vote (du scrutin). Mais avant cela, il est important de faire un briefing des grandes étapes du processus démocratique camerounais94(*). Historiquement, le Cameroun renoua officiellement avec le multipartisme en décembre 1990. C'est ainsi que dès Février 1991, les premiers partis politiques sont légalisés et à présent ils sont plus de 300. Cependant, ces nouvelles formations politiques dans la mouvance des revendications, réclament une « conférence nationale », ce qui leur a donné droit à une « conférence tripartite ». Les conclusions de conférence entrainent : - Dès le 1er Mars 1992 l'organisation des élections législatives, qui se sont déroulées avec le boycott du SDF. A partir de cet instant, il y a eu : - L'élection présidentielle anticipée du 11 octobre 1992 et la loi y afférant, adoptée à l'issue d'une session extraordinaire de l'assemblée nationale ; - Les conseillés municipaux se sont soumis au verdict des urnes pour la première fois depuis le retour du multipartisme le 21 janvier 1996. Avec une domination de l'UNDP et du SDF ; - Les 18et 19 mai 1997, se tiennent les deuxièmes législatives pluralistes, suivies en octobre de la même année par le scrutin présidentiel. Une fois de plus boycotté par le SDF mais avec la victoire écrasante du RDPC. - En mars 2002, il y a les élections législatives et municipales couplées avec comme vainqueur le RDPC. - Le 11octobre 2004, élection présidentielle avec des urnes transparentes et la réclamation par la coalition des partis de l'opposition et de la société civile, de l'informatisation du processus électoral et la mise en place d'une commission électorale en lieu et place du MINATD et de l'ONEL. - Au niveau de la loi fondamentale, la modification de la constitution de 1972 de décembre 1995, qui aboutit à la promulgation de la nouvelle constitution du 18 janvier 1996 par le président de la république. Cette nouvelle loi se caractérise par la matérialisation des régions et des communes ainsi que le passage du mandat présidentielle de cinq (5) à sept (7) ans renouvelable une seule fois. Mais au cours de la session de mars-avril 2008, l'assemblée nationale adopta le 14 avril 2008 la nouvelle constitution modifiée qui annule la limitation des mandats. - En ce qui concerne le système électoral, l'ONEL face à ses difficultés va remplacée le 29 décembre 2006 par ELECAM suite à une délibération et à une adoption de l'assemblée nationale. Avec un délai de 18 mois pour sa mise en place afin d'organiser, de gérer et de superviser l'ensemble du processus électoral et référendaire au Cameroun, ne le fera pas lors du double scrutin législatif et municipal du 22 juillet 2007 (informatisation du fichier électoral, des cartes d'électeurs et de l'ensemble des documents électoraux). - Lors des élections du 09 octobre 2011, on note une pléthore de partis politiques n'ayant ni sièges, ni militants et ne s'étant jamais présenté à une élection. Certains sont conçus comme des instruments au service d'ambitions personnelles, n'ayant pas souvent de programme politique et encore moins une idéologie identifiable. - Pour finir, notons que le 19 avril 2012, fut adopté un nouveau code électoral. Aussi, les élections législatives du 30 septembre 2013 furent marquées par la refonte biométrique des listes électorales. Ainsi, à la suite de ce contexte historique, voici comment se sont comportés les habitants des quartiers que nous avons choisis lors des élections. Comme nous l'avons vu ci-dessus, l'élection présidentielle du 09 octobre 2011 étaient marquées par la mise en place d'une nouvelle administration électorale (ELECAM), tandis que les législatives et municipales du 30 septembre 2013 se caractérisent par la refonte biométrique. Fort de cela, une communication événementielle a été utilisée ; se caractérisant par une communication de proximité, les campagnes de sensibilisation des populations et des réunions avec les différents responsables dans les quartiers. C'est dans ce cadre que les associations, les chefs religieux, les leaders d'opinions et les chefs de quartiers ont été mis à contribution pour amener les habitants de la populace à s'inscrire sur les listes électorales. C'est ainsi que nous avons vu des individus sacrifier un peu de leur temps pour supporter les rangs devant les agents d'ELECAM afin d'être inscrits en retour d'un récépissé qui leur était remis pour le retrait de la carte d'électeur. C'est ainsi que sur les 82000 électeurs potentiels de Douala IIème il y a eu 75000 inscrits95(*) (ces données ont été utilisées par défaut puisque nous n'avons pas pu avoir les chiffres spécifiques à chaque quartier). Pour le retrait des cartes, le même dispositif de communication a été mis sur pieds pour inciter ces habitants à retirer leurs cartes. Mais à ce niveau, nous avons observé une réticence de ces populations à aller retirer leurs cartes d'électeur. De plus, le retrait fait par plusieurs a été fait sous des contraintes familiales et professionnelles (cartes distribuées 74000)96(*). C'est la campagne électorale qui nous a fourni un cadre d'observation non négligeable, puisque c'est le moment de rencontre entre l'offre et la demande politique, dans le sens du marché politique Max Weber97(*)(1919). Aussi parce que cela nous a permis de toucher du doigt la réceptivité de ces populations face aux promesses des acteurs politiques, qui dans le cas d'espèce sont représentés par les partis politiques. C'est le cas à New-Town aéroport III où nous avons assisté à toutes formes d'animations, de petites séances de travail ou de formation, destinés à présenter comment se conduire dans un bureau de vote et comment fairepour exprimer son choix. Nous avons assisté à une utilisation des jeunes et des parents pour aller convaincre le maximum de leurs voisins moyennant un franc symbolique. Ce fut aussi le moment d'observer des caravanes de « benskineurs » au « mototaximen » pour faire des bruits dans le quartier. Tout ceci devant des foules qui s'empressèrent sur le bord de la route pour satisfaire leur curiosité et pourquoi ne pas profiter de la distribution de certains « biens ». Aussi, nous avons remarqué que certains habitants changeaient de parti en fonction du gain et ce pour l'instant présent. En effet, ces individus lorsqu'ils étaient informés de la descente d'un parti dans leur quartier se transformant immédiatement en sympathisant pour participer à la distribution des offrandes électorale. C'est également le moment pour certains d'exprimer leur déception du genre : « C'est ce que vous dites tout le temps » ou encore : « faites nous rêver juste pour la circonstance » De toutes ces scènes qui nous ont été données de voir, nous avons noté que, même si ces habitants assistent à ces campagnes, il y a une improvisation car rien n'est préparé à l'avance, ni de la part des populations, ni de la part des partis politiques. Le jour du scrutin, c'est le jour où les suffrages sont exprimés et le dépouillement est effectué, ceci dans chaque centre et bureau de vote. Ce jour qui le plus souvent est un dimanche, toutes les activités sont au stop pour permettre à chaque habitant de se rendre dans les bureaux de vote, qui, en plus sont situés dans les quartiers. Mais l'on se rend compte que même si certains (beaucoup plus les parents (hommes) vont remplir leur devoir de citoyens, c'est comme s'il n'y avait aucun évènement pour d'autres (jeunes et femmes). Par la suite, à 18 heures et 00 minute, heure de fermeture des bureaux de vote, certains habitants restent pour assister au décompte des voix. Cependant, une question persiste : qu'en est-il en dehors des échéances électorales. * 93Eboussi (Boulaga Fabien), Lignes de Résistance, Ed Clé, Yaoundé, Cameroun, 1999 * 94Transparency International * 95 Rapport Général des élections législatives et municipales du 30 septembre 2013 * 96 Chef d'antenne ELECAM DOUALA IIème * 97 Weber (max), Le Savant et le Politique, 1919 |
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