2.2. Les limites relevées dans la littérature
sur la relation entre surliquidité bancaire
et l'exclusion bancaire des particuliers par les banques.
Les pratiques bancaires et financières décrivent
l'ensemble de la relation bancaire qu'une personne entretient avec sa banque
dans le cadre de la consommation des services qui lui sont proposés. Une
entrave à ces pratiques traduit une limitation dans l'accès aux
dits services. Le terme « accès » revêt une notion de
droit qui peut être répartie en droits formels et droits
réels (Gloukoviezoff, 2001). Les droits formels décrivent
l'autorisation et la liberté que l'on a d'accéder aux services.
Les droits réels décrivent plutôt la capacité de
comprendre et d'utiliser ces services et le vrai problème de l'exclusion
bancaire se situe au niveau des droits réels. Il ne suffit pas
d'être autorisé, il faut pouvoir exercer son droit. Les personnes
confrontées à des difficultés d'ordre cognitif
(connaissance) ou émotionnel (vécu) s'auto-excluent (Beck et De
la Torre, 2006). L'auto-exclusion constitue d'ailleurs selon Kempson (2001) et
Kempson & Whyley (1999) cités par Gloukoviezoff (2004a) la
principale source de non-accès aux services bancaires. Nous verrons dans
la suite comment un particulier peut s'auto exclure du système bancaire,
sans que cela ne soit la cause de la surliquidité des banques, il nous
restera aussi à voir la différence entre exclusion bancaire et
faible bancarisation.
2.2.1. L'auto exclusion ou exclusion volontaire des
particuliers.
L'auto-exclusion y correspond à un processus par lequel
une personne réduit progressivement les services dont elle dispose
à mesure que sa situation professionnelle ou familiale se
dégrade. Ce processus peut aller jusqu'à une absence totale de
services bancaires, y compris de compte, ce qui n'est pas le cas en France
(Gloukoviezoff G, 2004a). En effet, la possession d'un compte bancaire y
étant quasiment indispensable, l'auto-exclusion ne sera que partielle,
se limitant à un renoncement aux moyens de paiement scripturaux et aux
services de découvert ou de crédit pour le cas de la France.
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LES ENJEUX DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE AU CAMEROUN.
Cependant, si le compte est conservé, l'usage qui en
est fait peut également traduire une forme d'auto-exclusion. En effet,
en retirant l'intégralité des ressources perçues
dès leur versement, des personnes gèrent leur budget en dehors du
système bancaire tout en conservant un compte pour sa fonction
indispensable. Cette pratique, parfois conseillée par des agents de la
Banque, permet aux personnes de préserver leurs ressources des
facturations des banques, mais aussi de leurs pratiques parfois abusives,
notamment la saisie de prestations pourtant insaisissables (Gloukoviezoff G,
2004a). Il y a ainsi plusieurs motifs expliquant ces pratiques d'exclusion
volontaire :
Les raisons morales ou religieuses.
Il s'agit principalement de personnes qui refusent les
services de crédit ou les produits d'épargne
rémunérés. Ce motif d'exclusion reste très
minoritaire et c'est également le cas au Royaume-Uni.
L'intégration du discours des banques et leurs
critères de sélection.
Les personnes renoncent à solliciter les
établissements bancaires sachant, ou supposant, qu'elles seront
éconduites28. Cela permet notamment d'éviter
l'humiliation du refus. Le rapport de Fors souligne d'ailleurs qu'en
dépit de leur regret de ne pas posséder ces services, les
personnes ne les revendiquent pas (Gloukoviezoff G, 2004a).
La complexité et l'incompréhension
liées à l'usage des services bancaires.
Peur des dérapages et représentations des
services bancaires comme source de dangers potentiels sont ici à
l'origine du renoncement. En effet, la complexité liée à
l'utilisation des services bancaires (vocabulaire technique,
dématérialisation29, etc.) peut entraîner des
difficultés et mettre en péril un équilibre
budgétaire déjà fragile. Ainsi, à propos du
chéquier, « les bénéficiaires de minima sociaux
expliquent plus souvent que s'ils n'en ont pas besoin c'est parce que «ce
mode de paiement n'est pas sécurisant» et même
«difficile à gérer»30 ». Ce motif
concerne également les personnes âgées et celles vivant en
milieu rural qui ont toujours géré leur argent en liquide et qui
souhaitent conserver ce mode de gestion pour lequel elles disposent de
savoir-faire (Gloukoviezoff G, 2004a) ;
28 Econduites veut dire être
éliminé d'office vue les conditions exigées par les
banques.
29 Il s'agit du passage d'une gestion physique de ses
avoirs (en pièces et billets) à une gestion où il n'y a
plus ce contact direct avec l'argent (le compte bancaire, la carte bleue). Par
exemple, les livrets A ont récemment été
dématérialisés
: le livret papier, physique, sur lequel étaient inscrites
toutes les opérations, a été remplacé par une carte
magnétique
30 Daniel A., Simon M.-O., 2001, p. 66.
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Les expériences passées
négatives.
Suite à des difficultés économiques et/ou
sociales et à une réponse bancaire inadaptée, certaines
personnes ne désirent pas posséder à nouveau des services
qui ont participé à l'aggravation de leur situation.
Ainsi, l'auto-exclusion dépend d'un certain nombre de
« barrières » qui entravent les pratiques bancaires de
certaines catégories de clients. Elle est donc un élément
déterminant de la compréhension du processus d'exclusion
bancaire. Elle met d'ailleurs en lumière que :
- l'exclusion en termes d'accès ne se limite pas
à la sélection explicite faite par les établissements
bancaires mais inclut le renoncement de clients potentiels.
Renoncement qui semble concerner un nombre de personnes plus
important que celui des personnes se heurtant à une sélection
explicite ;
- le renoncement aux services bancaires est le fruit de
difficultés d'usage. Il y a donc un lien direct entre exclusion en
termes d'accès et celle en termes d'usage.
Ce qui montre que l'auto exclusion est aussi très
importante pour la compréhension des causes d'exclusion bancaire des
particuliers par les banques.
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