L'ONG AIDE et la question de la pérennisation des projets hydrauliques dans le district d'Abidjanpar Gnenefoli Mamadou OUATTARA Chaire UNESCO - Master gestion de projets 2019 |
1-3-2- Au plan scientifiqueNotre recherche s'inscrit dans la logique suivante : les phénomènes sociaux sont des choses et doivent être traités comme des choses. Pour démontrer cette proposition. , il suffit de constater qu'ils sont l'unique datum offert au sociologue. Est chose, en effet, tout ce qui est donné, tout ce qui s'offre ou, plutôt, s'impose à l'observation. Traiter des phénomènes comme des choses, c'est les traiter en qualité de data qui constituent le point de départ de la science, Durkheim (1967). La question de la pérennisation des acquis des interventions des ONG humanitaires représente depuis plusieurs années un défi scientifique, lié à l'examen des dimensions encore peu explorées par les sciences sociales. Le choix de ce sujet s'explique par notre volonté de porter un regard scientifique à partir du cas de l'ONG AIDE sur les méthodes classiques de gestion des interventions des ONG humanitaires. Nous voulons ainsi apporter des éléments de réponses scientifiques aux facteurs explicatifs du comportement de non durabilité de certains projets sociaux ; nous pouvons par la suite proposer une nouvelle grille de lecture en vue d'adapter les stratégies d'intervention aux attentes et cultures des bénéficiaires. Il nous appartient d'analyser le mode d'implémentation des projets de l'ONG AIDE en vue de comprendre les aspects méthodologiques qui entravent ou pourraient entraver la durabilité de ses interventions. Les conclusions de ce travail peuvent permettre un nouveau type de management des projets mais également une meilleure implication des bénéficiaires et par là un plus grand profit des projets. Cette étude a pour spécificité de s'intéresser à un type particulier d'organisme humanitaire avec un fonctionnement différent des organismes classiques et associant islam, culture turque et modernité. Elle va donc apporter des informations d'ordre théorique et empirique sur la question de pérennisation des acquis des ONG de bienfaisance surtout celles d'inspiration islamique. 2- DEFINITION DES CONCEPTS DU LIBELLE DU SUJETToute investigation scientifique porte sur un groupe déterminé de phénomènes qui répondent à une même définition. La première démarche du chercheur doit [...] être de définir les choses dont il traite, afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est question,Durkheim (1967).Ainsi, les concepts étant des instruments d'analyse de notre objet d'étude, il est nécessaire de les définir pour une meilleure compréhension. Nous présenterons donc les concepts explicites et les concepts implicites. 2-1- CONCEPTS EXPLICITESCe sont les concepts qui apparaissent dans la formulation du sujet. Il n'existe aucune définition juridique claire, ni en droit ivoirien, ni en droit international, de la notion d'Organisation Non Gouvernementale (ONG). En réalité, ce mot est apparu pour la première fois dans la charte des Nations Unies en 1945, notamment dans l'article 71 consacré à l'action du Conseil Economique et Social15(*). Les acteurs humanitaires s'accordent toutefois sur le fait qu'une ONG est une association nationale ou internationale indépendante des gouvernements et qu'elle s'inscrit dans une démarche participative de solidarité.Aujourd'hui, il est communément admis, que tout ce qui n'est pas géré au niveau gouvernemental est par définition non gouvernemental mais cette définition tend à classer des entreprises ou des syndicats parmi les ONG ; or le but visé n'est pas le même. L'aspect le plus important qu'il ne faut pas perdre de vue dans la définition de l'ONG, est qu'elle est avant tout « une organisation à but non lucratif créée pour venir en aide aux structures étatiques ou aux populations à travers la réalisation de diverses activités de développement ou d'actions sociales »Ainsi, la perception la plus répandue des ONG reste celle de « structures non lucratives, issues d'une mobilisation militante et citoyenne à caractère privé, agissant pour des causes sociales »16(*) . Face aux conséquences négatives de la mondialisation en termes d'accroissement des inégalités, les organisations de la société civile ont pris la défense d'un certain nombre de biens communs. C'est pourquoi elles sont courtisées par les institutions internationales d'aide au développement pour favoriser la bonne gouvernance en générale et particulièrement la gouvernance économique, Merrien (1998). Leur participation à toute politique de développement social et économique est visible. Les bailleurs de fonds internationaux se réfèrent à elles, les politiques publiques les considèrent comme des maillons essentiels dans la chaine de gouvernance économique, dans des espaces de concertation et de consultation. Désormais, les organisations de la société civile ne sont plus considérées comme des solutions palliatives ou alternatives au développement, mais plutôt comme des acteurs à part entière du développement et de la régulation de la société au même titre que les pouvoirs publics et le secteur privé. Elles ont de ce fait connu un regain d'activités et leurs fonctions se renforcent. A leurs principaux domaines de prédilection, à savoir les activités socio-caritatives, s'ajoutent de nouvelles vocations qui cherchent non pas à assister et à offrir des services, mais à mobiliser les citoyens sur des sujets variés et à occuper de nouvelles fonctions sociales et politiques en tant que partenaires des pouvoirs publics dans les choix et la conduite de la gouvernance économique des pays. Tantôt juge (dont on sollicite l'arbitrage), tantôt instrument des politiques de développement (dans la mesure où elle tend à se substituer aux administrations publiques jugées parfois inefficaces), la société civile est devenue une sorte de panacée de la gouvernance économique ou encore du développement économique et social. Dans les pays du sud, l'émergence des ONG est consécutive aux transformations sociales qui ont affecté la stratification sociale en milieu urbain et qui ont fait exclure les tranches inferieures des classes moyennes vers les marges des villes. Ces transformations ont aussi fait ressortir la faiblesse de l'Etat, laissant des marges à plusieurs sortes de systèmes d'appartenance sociales basés notamment sur des réseaux réciproques de confiance et de norme de capital social. Les ONG sont perçues comme la formalisation de groupes informels, qui, en relâchant les liens étroits, peuvent désormais accéder aux ressources financières, à l'information et aux ressources humaines pour défendre leurs causes qui se résument en général à leur mise à l'écart vis-à-vis des institutions classiques, Sylla (2005). Roca (1996) parle dans le contexte des pays du sud, d'une recomposition de groupes d'acteurs, par appropriation de formes occidentales, recomposition dont les conditions ont été mises en place par les chocs successifs de la colonisation, puis de la décolonisation et de la modernité, dont l'avatar ultime est la globalisation. Nous nous inscrivons dans la définition de Diallo (2012) qui affirme que la notion de pérennisation est un emprunt du Latin « pérennitas » : c'est ce qui est continuel qui peut durer une année ou des années entières. La pérennisation est une mesure dans laquelle les méthodes, les techniques, les organisations, les mécanismes qui ont conduit aux effets positifs d'une activité menée par un acteur qui peut être gouvernemental ou non, sont appropriés par les bénéficiaires de manière à assurer la reproductibilité des résultats après l'arrêt des intervenants. Ici, la notion de pérennisation est vu sous l`angle des perspectives de changements que l'on espère après la mise en place des projets, en termes d'organisation du travail, de répartition des tâches, d'organisation des structures et de relations de travail.Toutefois la définition du concept est non consensuelle. L'acquis peut se définir comme l'ensemble des savoirs et savoir-faire dont une personne manifeste la maîtrise dans une activité professionnelle, sociale ou de formation. Les acquis exigés pour suivre une formation constituent les prérequis. L'acquis paraît particulièrement important en ce qui concerne les structures et modes d'organisation favorisant l'autonomie, l'initiative et la réactivité. Trois domaines d'action y sont pris en compte : les actions d'intégration destinées à équilibrer la décentralisation ; un changement de rôle de l'encadrement ; la mise en place d'un système de récompense adapté, Larousse Robert (1993). L'acquis est donc « ce qui est obtenu sans que cela soit auparavant déjà possédé ». Ici c'est ce qui est réalisé et mis à la disposition d'un individu ou d'une population par un organisme de bienfaisance : C'est ce qui est entré dans le patrimoine d'un ou plusieurs groupe d'individus ; ce sont les projets hydrauliques réalisés par l'ONG AIDE aux profits des écoles et communautés dans le district d'Abidjan. Avant de définir le groupe de mots il convient de les définir d'abord séparément. Le mot projet provient du mot latin `' projicere'', qui signifie « jeter quelque chose vers l'avant » ; le préfixe « pro » signifie « qui précède dans le temps » et le radical « «jacere » veut dire « jeter »17(*). Ainsi, le mot « projet » voulait initialement dire « quelque chose qui vient avant que le reste ne soit fait ». Quand le mot a été initialement adopté, il se rapportait au plan de quelque chose, non à l'exécution proprement dite de ce plan. Quelque chose accompli selon un projet était appelé « objet ». Cette utilisation du mot « projet » a changé dans les années 1950, quand plusieurs techniques de gestion de projet ont été élaborées ; avec cette avancée, le mot a légèrement dévié de sens pour couvrir à la fois les projets et les objets. La norme ISO 10006 (version 2003) de l'Organisation Mondiale de Normalisation (OMN), définit le projet comme « un processus unique qui consiste en un ensemble d'activités coordonnées et maîtrisées, comportant des dates de début et de fin, entrepris dans le but d'atteindre un objectif conforme à des exigences spécifiques, incluant des contraintes de délais, de coûts et de ressources. ».D'après le « Project Management Institut18(*) » (PMI), un projet est toute activité réalisée une seule fois, dotée d'un début et d'une fin déterminée et qui vise à créer un produit ou un savoir unique. Il peut nécessiter la participation d'une seule ou de milliers de personnes. Sa durée peut être de quelques jours ou de plusieurs années. Il peut être entrepris par une seule organisation ou par un groupe d'organismes intéressés. Il peut s'agir de quelque chose d'aussi simple que l'organisation d'un événement d'une journée ou d'aussi complexe que la construction d'un barrage sur une rivière. Pour l'Union Européenne (UE), « Un projet est un ensemble d'activités visant à atteindre, dans des délais fixés et avec un budget donné, des objectifs clairement définis », UE (2004). Un projet de développement communautaire peut être défini comme une action réalisée dans un objectif socio-économique orienté vers la satisfaction d'un besoin collectif de base (alimentation, santé, éducation, travail, infrastructures de base, information, connaissances, etc.) d'une communauté d'hommes et de femmes leur permettant de s'épanouir dignement. Il tente d'en valoriser les qualités (ressources, atouts, valeurs), d'en minimiser les handicaps, d'en contourner les contraintes Daniel, (2003). Il implique des groupes d'intérêts divers notamment des membres de la communauté, les autorités locales et des agents externes d'appui technique et financier. * 15Exposé de Abou FOFANA» Enseignant-Chercheur, Ecole Normale Supérieure, Abidjan, lors des « Journées de La Recherche en Education de Côte D'ivoire (JRECI) 2006 » * 16 http://www.organisationsud.org/visité le 05 novembre 2018 * 17Charles Menye Processus d'élaboration des projets dans l'Administration Camerounaise : Le cas du Ministère de l'Environnement et de la Protection de la Nature (MINEP) soutenu à l'Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) - Master en développement et management des projets 2009 * 18 https://www.pmi.org/certifications consulté le samedi 16 février 2019 |
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