INTRODUCTION
I- CONTEXTEGENERALET JUSTIFICATION DU CHOIX
DU SUJET
1. Contexte général de la recherche
Toute société humaine trouve son dynamisme dans
l'originalité de sa tradition et la vivacité de son patrimoine
culturel. Le peuple Dègah de Côte d'Ivoire ne fait pas exception
à cette évidence. En effet, bien que parfois assimilé aux
Abron et aux Koulango, ce peupleprésentediverses formes d'expressions
culturelles qui lui confèrent une culture identitaire. Par ailleurs, en
dépit des mutations culturelles auxquelles elle s'est heurtée
dans son parcours migratoire qui l'a conduit à s'installer
définitivement en Côte d'Ivoire après un séjour
rythmé de conflits au Ghana en provenance de l'actuel Burkina Faso, et
malgré les influences de son environnement social, cette minorité
ethnique isolée dans le département de Bondoukou s'est toujours
voulue conservatrice. Au nombre de ses coutumes contemporaines
héritées du passé, l'on a les rites funéraires
annuels et la fête du nouvel an. Contrairement à la
majorité des sociétés ivoiriennes, le mode d'organisation
des rites funéraires prendune autre forme chez les Dègah. Ce
peuple a également la singularité de continuer à retrouver
ses repères temporels selon un calendrier traditionnel couronné
par des célébrations rituelles et festives pour marquer la
transition d'une année à une autre. Dans le village de Motiamo
particulièrement, ces deux (2) célébrations
couplées donnent lieu à une manifestation culturelle annuelle
dénommée « Gbônnô ». C'est sur
cet évènement que nous avons choisi de jeter un regard
anthropologique, pour en comprendre le sens et l'intérêt à
l'ère de la tendanceglobale vers le modernisme.
2. Justification du choix du sujet
La présente étude portant sur les rites
traditionnels en pays Dègah trouve son fondement dans le double
caractère de minorité ethnique que constitue le peuple
Dègah, mais doté cependant d'une riche culture identitaire qui le
distingue. Sur cette base, deux (2) raisons fondamentales justifient le choix
de cette réflexion.
Au plan personnel, en choisissant particulièrement de
jeter un regard sur le Gbônnô, nous entendons renforcer nos
connaissances personnelles sur notre propre histoire et notre culture pour
savoir la transmettreaux générations futures, mais
également promouvoir l'évènement et en faire un facteur de
perpétuation de l'identité du peuple Dègah. Aussi,
avons-nous été particulièrement sensible au mode
d'organisation des rites funéraires, couronnés notamment par des
rituels d'accompagnement définitif des morts et débouchant sur la
fête du nouvel an. Pour nous, il est important de savoir pourquoi les
funérailles ne se font pas une seule fois comme ailleurs et quel est le
sens de cette tradition.
Sur le plan scientifique, deux (2) réalités
essentielles nous confortent dans le choix de ce sujet. Il y'a d'abord le
manque d'écrits sur les rites traditionnels Dègah. De fait, l'on
est resté jusque-là dans les témoignages empiriques
s'agissant de la transmission de la tradition Dègah. Il faut constater
ensuite l'impact de l'environnement social sur la célébration,
notamment l'influence des religions révélées avec leurs
principes quelques fois aux antipodes des pratiques traditionnelles; ce qui
constitue une menace sur la perpétuation de l'évènement.
En entreprenantdonc cette étude, il est questionpour nous,
conformément à l'article 89 de la loi N0 2014 - 425 du
14 juillet 2014 portant politique culturelle nationale, de contribuer à
la sauvegarde de l'évènement au regard de sa valeur identitaire
pour le village de Motiamo.
3. Clarification des mots clés du sujet
Pour une meilleure compréhension de ce sujet, il nous
apparait indispensable de définirles mots clés qui le
composent :
- Rites : C'est un terme utilisé
pour désigner l'ensemble des cérémonies prescrites et des
gestes en usage dans une religion donnée. Dans un sens beaucoup plus
restreint en rapport avec le thème de notre étude, le mot rite
s'entend des pratiques réglées, de caractère sacré
ou symbolique, relatives à une tradition ou une croyance.
- Traditionnels : C'est un
dérivé du mot tradition qui désigne tout ce qui est
fondé sur la tradition entendue comme un ensemble de pratiques
religieuses ou des coutumes transmises de générations en
générations, c'est-à-dire un ensemble de manières
de penser, de faire ou d'agir, qui est un héritage acquis par les
enseignements et les expériences des anciens.
On parle alorsde rites traditionnels pour
évoquerlessystèmes de croyances, les pratiques, les rituelset
coutumes etc., reçus en héritage par un groupe social, propres
à ce groupe en tant que faisant parti de son patrimoine culturel et
représentatifs de l'identité de cette communauté.
- Regard : Au sens primitif, le mot
regard exprime l'attention qu'on a pour quelqu'un ou quelque chose.Plus
explicitement, il se définit comme un examen critique que l'on porte sur
une situation sur la base d'une analyse logique des faits observés ou
regardés. Cela sous-entend également la manière dont on
regardeune chose ou un fait, pour s'en faire une idée dans sa
réalité sociale.
- Anthropologique :C'est un terme qui
renvoie à tout ce qui est relatif à l'anthropologie. Discipline
de sciences sociales, l'anthropologie se définit comme l'étude de
l'homme en tout temps et en tout lieu. On peut aussi s'accorder avec Claude
LEVI-STRAUSS pour la concevoir, dans ses branches sociale et culturelle qui
nous intéressent ici, comme l'étude des institutions
(considérées comme des systèmes de
représentations)et des techniques (ensemble des principes de la vie)
dans les diverses sociétés.
Porter donc un regard anthropologique sur un
évènement ramène à une observation critique d'un
fait social pris dans son sens le plus insignifiant et à la fois dans sa
totalité, pour en comprendreles fondements et les fonctions.
II. CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE
1. Spécification de la problématique
En portant notre étude sur le Gbônnô dans
le village de Motiamo, nous voulons montrer que l'évènement doit
être sauvegardé, particulièrement les rites
funéraires couplés avec la fête du nouvel an qui en font le
contenu. En effet, l'évènement fait face à une
réelle menace de son environnement social. Il s'agit entre autres du
manque d'initiation des jeunes aux rites traditionnels qui l'entourent,
l'absence d'un cadre logique de programmation de la célébration
avec pour conséquence les difficultés de fixation des dates de
son déroulement par les sages, et surtout l'influence des religions
révélées. En outre, cette antinomie entre tradition
marquée par les rites funéraires d'un côté et de
l'autre côté les religions modernes qui impactent la survie de
l'évènement, nous donne de craindre la dénaturation et
l'accroissement du risque de disparition totale de la
célébration, ce qui, à la longue, va poser un
problème identitaire chez les populations du village pour qui le
Gbônnô est l'un des plus précieux moyens de s'identifier
à leur histoire et leur civilisation.C'est pourquoi contre le
péril de déculturation et d'acculturation consécutifs
à l'abandon total ou partiel de la célébration, nous
pensons que tous les acteurs, notamment les populations du village et
même la communauté scientifique, doivent prendre leurs
responsabilités dans l'intérêt de la
pérennité du peuple Dègah à travers sa culture.
2. Revue de littérature
Pour mieux cerner l'environnement scientifique de notre sujet
afin de mettre en évidence notre démarcation, nous nous sommes
intéressé à quelques travaux ayant
précédés le nôtre pour y jeter un regard analytique.
Notre attention a été premièrement portée sur le
mémoire de DESSAC 2005 en muséologie de KOUAME Konan Jackson
Sévérin intitulé « L'art funéraire
traditionnel chez les peuples Baoulé-Agba de Côte
d'Ivoire ». Il y aborde la question des rites funéraires dans
la société traditionnelle Agba et conclut de ses recherches que
la mort est vécue chez ce peuple comme un phénomène
biologique et social et qu'à cet effet, il serait primordial d'accorder
une attention particulière aux défunts en organisant des
funérailles pour les accompagner dignement.Abordant le sujet de
« la conservation des arts et traditions populaires : le cas du
Sacraboutou de Bondoukou » dans son mémoire de DESSAC 2005 en
muséologie également, GBANE Baba Oumar,quant à lui,
soulève le débat sur la valeur identitaire des rites
traditionnels. Au terme de son étude, il constate que le Sacraboutou, en
tant que rite traditionnel, est l'une des cérémonies populaires
qui présentent en effet la culture du peuple de Bondoukou. Cet avis a
été partagé par M. HIEN Philippe, président du
Conseil Régional du Boukani, qui affirmait dans le reportage de
lancement du Festival des Danses Traditionnelles du Boukani (FESTIBO) sur la
chaine de télévisionnationaleRTI1 le mercredi 03 décembre
2014 à 20h25 qu'un tel festival est un moyen de promouvoir la
région et réunir ses fils et filles.Dans ces trois
énoncés, l'on note une convergence des points de vue quant
à l'idée selon laquelle chaque peuple se caractérise par
l'originalité et la singularité de ses coutumes et rites
traditionnels. Cependant, nulle part la problématique des menaces sur
leur pérennité et la question de leur promotion n'est
abordée. C'est en cela que notre étude vient apporter un
élément nouveau en se penchant notamment sur l'influence des
religions révélées sur l'art funéraire traditionnel
et la nécessité de la promotion des rites traditionnels en tant
que valeurs identitaires des peuples.
Dans le même ordre d'idées, nous nous sommes
intéressés aussi à quelques écrits
théoriques apparentés à notre sujet. Il s'agit surtoutde
l'étude de M. AKA Konin portant sur les « Traditions musicales
chez les Nafana et les Dègah ». Dans cette publication de
quarante-sept (47) pages, l'auteur mène la réflexion notamment
sur les instruments de musique et les genres musicaux traditionnels typiques au
peuple Dègah et leurs particularités dans la
société. De cette étude, l'on retient la richesse et la
diversité de la culture musicale Dègah malheureusement
menacée du fait de son immatérialité, la
raréfaction de l'utilisation de certains instruments et de la pratique
de certains genres musicaux. Par ailleurs, dans une recherche sur le peuple
Dègah en général, publiée sur le site «
http://peupledegahencotedivoire.unblog.fr
»le 22 août 2013, le Ghanéend'appartenance DègahDavid
MENSAH nous donne de découvrir cette communauté dans sa
globalité à travers notamment ses origines, son histoire et
surtout sa culture. Au nombre des pratiques culturelles et croyances
Dègah qu'il met en exergue dans son étude, on a les Lwejena
(grandes funérailles) ou rites funéraires annuels qui, selon lui,
consistent à rendre hommage aux morts et revêtent d'une symbolique
exclusive pour le peuple Dègah au travers de leur déroulement et
de leur fonction sociale.Cependant, si ces études sont abordées
sur les Dègah dans leur composante globale, il faut dire que dans leurs
localisations, chaque groupe a son histoire et donc ses particularités
en ce qui concerne certains rites traditionnels. C'est justement ce qui nous
emmène à entreprendre cette étude de manière
spécifique sur les Dègah de Motiamo qui, à la
différence de ceux de Boromba par exemple, allient les rites
funéraires et la fête du nouvel dans le cadre du
Gbônnô.
3. Questions de recherche
Le besoin d'élucidation de notre objet d'étude
nous emmène à nous poser un certain nombre de questions dont la
principale est la suivante :
Quel intérêt présente le
Gbônnô dans l'environnement social des Dègah de Motiamo ?
De cette question centrale, découlent d'autres plus
spécifiques qui vont orienter la recherche. Il s'agit pour nous de
savoir :
- quelles sont les étapes de la
célébration de l'évènement ?
- quelle est la portée de cette
célébration ?
- quelles sont les stratégies envisageables pour la
valorisation de l'évènement ?
4. Hypothèses de recherche
En réponse aux questions ci-dessus formulées,
nous pouvons supposer globalement que le Gbônnô est une
célébration traditionnelle qui remplit des fonctions
sociales,économiques et culturelles.
Plus spécifiquement, nous pouvons considérer
que :
- l'évènement consiste en un ensemble de
processus rituels aboutissants à une fête populaire ;
- les fonctions de l'évènement résident
dans ses enjeux à la fois sociaux et culturels ;
- une communication de masse sur l'évènement et
la mise en place d'un plan organisationnel permanent peuvent favoriser sa
dynamisation.
5. Objectifs de recherche
Naturellement, notre objectif principal de recherche est
d'étudier l'environnement anthropologique des rites funéraires
annuels couplés de la fête du nouvel an dans le cadre du
Gbônnô à Motiamo.
En outre, dans la dynamique de la poursuite de cet objectif et
conformément à nos hypothèses spécifiques, il est
question pour nous de :
- décrire les étapes du déroulement de
l'évènement ;
- appréhender les fonctions du Gbônnô ;
- proposer des stratégies pour en faire une plate-forme
d'expression culturelle dynamique.
III. CADRE METHODOLOGIQUE
1. Modèle d'analyse
Notre sujet, tel que libellé, s'inscrit dans le champ
des sciences sociales car il porte sur un fait résultant des relations
réciproques entre les membres d'une communautédans ses pratiques
et croyances. Et le Gbônnô s'inscrit dans cette dynamique. Mais
l'orientation de la recherche qui vise notamment l'observation d'un
phénomène social en tant qu'institution,nous circonscrit dans le
domaine spécifique de l'anthropologie appréhendée comme la
science qui étudie l'homme et les faits sociaux. Et ce
phénomène, en tant que réalité sociale, ne peut
être saisi que par rapport à la fonction qu'il occupe. C'est
pourquoi nous avons choisi de fonder notre observation sur une démarche
explicative en tenant compte de l'interdépendance des différents
éléments selon qu'il existe des liens de causalité entre
eux. Ainsi, notre recherche est conduite suivant une approche fonctionnaliste,
c'est-à-dire la recherche de la fonction sociale et culturellede
l'évènement étudié.
2. Cadre géographique de la recherche
Puisque notre étude porte sur le Gbônnô
dans le village de Motiamo, il est tout à fait indiqué que la
région du Gontougo soit notre champ géographique d'investigation.
Car c'est dans cette région qu'est localisé le peuple
Dègah et donc le village de Motiamo aussi. Mais outre le village de
Motiamo, notre étudenous a conduit aussi dans la villede Bondoukou,
chef-lieu de département qui abrite la mairie et la Direction
Régionale de la Culture et de la Francophonie (DRCF) où nous nous
sommes rendus pour un certain nombre d'informations. Par ailleurs,
au-delà du village de Motiamo et la ville de Bondoukou, le district
d'Abidjan nous a également servi de cadre de recherche, car dans la
capitale économique ivoirienne,résident des personnes ressources
ressortissants du village que nous avons constamment approché pour des
informations complémentaires.
3. Méthode de collecte des données
Notre méthode de collecte des données s'appuie
sur des outils d'étude qualitative. Ainsi, notre réflexion est
nourrie à partir de :
- la recherche documentaire :cette
première démarche indissociable de toute recherche nous aura
permis de peaufiner le sujet et de concevoir l'armature théorique de
l'étude à partir des connaissances générales
pré acquises. Aussi, les ouvrages consultés nous ont permisde
cerner l'environnement scientifique du sujet avant de construire notre analyse.
- l'observation directe :Pour mieux
cerner l'objet de notre recherche, il nous était impératif
d'entreprendre une observation de visu sur l'évènement. C'est
ainsi que nous nous sommes rendus à Motiamo à l'occasion du
Gbônnô 2014 qui a eu lieu du 19 au 23 novembre 2014, pour suivre
les différents aspects du déroulement de la
célébration.
- l'entretien : Nous avons aussi
procédépar des entretiens dans la dynamique des observations,
pour bien comprendre les données directement collectées sur le
terrain. C'est ainsi que nous avons eu des interviews semi-dirigés de
types individuelet groupé. Nos interviews individuelles ont eu lieu
entre autres avec MM. KOUAME Sié Yao Atto et SIE Koffi Sorry à
Abidjan, M. DIAKA Koffi Kouman Eugèneet M. DONGO Kouassi Mathiasà
Motiamo, M. KOUAME Apollinaire à la DRCF de Bondoukou et Mlle KONIN
Brigitte au socioculturel de la mairie de Bondoukou. Quant à l'interview
de groupe, nous l'avons eu avec la chefferie du village de Motiamo. Pour
chacune de ces deux types d'interviews, nous nous sommes appuyés sur des
guides d'entretiens(1(*)).
4. Mode de traitement des données
En vue d'identifier les différentes unités de
significations de notre sujet pour en dégager le sens global, nous avons
choisi de procéder par une analyse descriptive de contenu des
données recueillies, de sorte à déboucher sur des
catégories explicatives de l'environnement anthropologique de
l'évènement étudié. Il s'agit
particulièrement d'une explication déductive et inductive des
observations faites sur le terrain en rapport avec les conclusions
tirées des entretiens avec les différentes personnes ressources
ci-dessus citées. C'est donc le croisement de tous ces mécanismes
qui nous a donné les résultats ci-dessous
présentés.
5. Détermination des axes de la recherche
Conformémentà nos objectifs de recherche, les
données recueillies nousont permis de structurer notre travail comme
suit :
- première partie : Cadre anthropologique de
l'étude ;
- deuxième partie : Symbolique du
Gbônnô dans l'univers socio-
culturel des Dègah de
Motiamo;
- troisième partie : Regard critique sur
l'évènement et propositions
de stratégies pour sa valorisation.
Première partie :
CADRE ANTHROPOLOGIQUE DE L'ETUDE
Chapitre 1 :ELEMENTS D'INFORMATION SUR LE PEUPLE
DEGAH
I. DONNEES HISTORIQUES ET CULTURELLES
1. Origines et mouvementsmigratoires des Dègah
Les Dègah sont un peuple cosmopolite vivant en
Côte d'Ivoire et au Ghana. En Côte d'Ivoire où ils sont
parfois assimilés aux Koulango et aux Abron, ils représentent une
minorité ethnique repartie dans seulement trois villages du
département de Bondoukou, dans la région du Gontougo. On les
retrouve précisément dans les villages de Boromba, Motiamo et
Zagala. Cependant, même si ce peuple apparait comme minoritaire en
Côte d'Ivoire avec seulement quinze mille (15 000) âmes
environ, de l'autre côté de la frontière au Ghana, on
dénombre plus d'une cinquantaine de villages.Les Dègah font
partie du grand groupe Gur composé entre autres des Grousi et Dagari (au
Ghana et au Burkina Faso), des Sénoufo (en Côte d'Ivoire et au
Burkina),des Koulango (en Côte d'Ivoire) etc.
L'histoire, enconcordance avec les propos recueillis à
la chefferie du village de Motiamo lors de nos recherches, nous enseigne que
tous ces groupes vivaient ensemble et en parfaite harmonie dans le territoire
Sissala, en Haute Volta (actuel Burkina Faso). Et un jour, il ya eu une
dispute entre les Dègah et les Grousi sur la tête d'un chien
après un rituel en honneur au Dieu de la terre qu'ils adorent.
Cette dispute engendra un conflit qui va entrainer la séparation
et le déplacement des Dègah vers d'autres terres un peu plus au
Sud du territoire Sissala, notamment au Ghana actuel.Une fois descendus vers le
Ghana, ceux-ci vont s'installer dans deux districts administratifs, à
savoir le district de Kintampo et le district de Buêlè.Notons que
ces deux districts sont séparés par la Volta Noire qui
sépare également les deux grandes villes Dègah (Maantukwa
et Gbanboi) qui sont dotées de chefs suprêmes.Ce territoire
situé presque sur le territoire Ashantia été occupé
par l'ensemble des Dègah jusqu'à ce que le gouvernement colonial
britannique décide de créer le territoire Nord en utilisant la
Volta Noire comme frontière naturelle, sans tenir compte du fait qu'un
groupe, les Dègah notamment, avait été divisé en
deux territoires.Cette délimitation, ajoutée aux rivalités
nées de la guerre de 1722-1728 entre les Ashanti et les Bonoqui avaient
déjà entrainé des migrations internes, a intensifié
les tensions politiques locales. Suite à ces tensions, certains
Dègah vont à nouveau migrer vers la région de Djaman pour
créer des villages comme Dadiè, Bonakélé et
Dokatchinan. Un autre groupe va progresser jusqu'en Côte d'Ivoire pour
s'installer à Bondoukou et fonder les villages de Boromba, Motiamo et
Zagala.
Selon des sources historiques, l'expression Dègah
signifierait « multiplier », « propager rapidement» ou
«fertilité ». C'est un nom contracté dans les rapports
du peuple avec ses voisins du territoire Sissala. Une personne issue du groupe
Dègah est appelée « Dèguî » et
son pluriel donne « Dèga ». La langue est
également connue comme le Dègah. D'autres groupes ethniques du
Ghana les reconnaissent sous l'appellation« Moh » pour la
langue et « Mofouô » pour le nom du peuple. Leurs
ancêtres auraient obtenus ce nom « Mofouô » de
l'aide qu'ils ont apporté au peuple Nkoranza pendant leur guerre avec
les Ashanti. En effet, les Dègah ont été reconnus pour
leurs exploits dans la guerre, ce qui leur a valu d'être
félicitéet remercié par l'expression « Mo » qui
va donner le nom « Mofouô », un mot Akan qui signifie
« les gens qui ont bien fait ».
Le site «
http://peupledegahencotedivoire.unblog.fr »
qui retrace l'origine et l'histoire du peuple Dègah, sur la base de
recherches historiques menées par le chercheur d'origine Dègah
David MENSAH, nous renseigne que suite aux grands mouvements d'immigration
dûs aux conflits meurtriers entre les peuples du Gold Coast (actuel
Ghana) entre le XVIIè et le XVIIIè siècle qui a
provoqué des déplacements massifs des peuples, une partie du
peuple Dègah s'est vue contrainte de faire mouvement vers le Nord-ouest
du Ghana de l'autre côté de la Volta Noire. Le plus gros du
contingent est parti des villages de Longro, Gbanbouè et de
Djougoubouè, pour s'orienter vers la Côte d'Ivoire où ils
vont s'installer par groupes vers la fin du XVIIIè siècle. Le
site explique par exemple qu'une délégation conduite par le chef
Kama Djôdjô est arrivé au bord de la rivière dadai et
du lac songui (site de l'actuelle EPP Gbogboti de Boromba) où le chef et
sa délégation déposèrent leurs bagages pour se
reposer. Mais ayant trouvé l'endroit paisible et propice à
l'agriculture, à la pêche et à la chasse, ils
décidèrent alors d'y élire domicile. Le petit campement va
devenirensuite un village qui portera le nom de Jogbouè (village de
Jog), aujourd'hui Boromba par déformation.
Le site ajoute que deux autres groupes ayant pris d'autres
directions vont créer les villages de Zagala et Motiamo, mais n'aborde
pas l'histoire de leur migration. En effet, chacun des trois villages
Dègah en Côte d'Ivoire représente un groupe migratoire dont
l'histoire est différente des autres. Chaque village a son histoire, son
territoire, son ancêtre fondateur et ses descendants. La
différence entre ces trois villages se situe au niveau du parler. Dans
le langage, certaines expressions et appellations diffèrent d'un village
à un autre. Mais n'empêche que les populations se comprennent
très bien entre elles.Ces trois villages pratiquement isolés
entre les Koulango, les Nafana et les Abron, sont très solidaires dans
toutes les situations de la vie. Leurs relations sont fondées sur la
fraternité.Ils ont presque les mêmes coutumes et font tout
ensemble (funérailles, fêtes traditionnelles etc). D'ailleurs, ils
se sont organisés pour créer l'Union des Dègah (UNIDEGAH)
qui est une union de solidarité et de développement, la plus
grande association dans l'univers Dègah en Côte d'Ivoire.
2. Pratiques culturelles et traits distinctifs des
Dègah
Les Dègah restent très attachés à
leurs traditions. Ils aiment les festivals, le culte des idoles, les
cérémonies rituelles, les danses sacrées etc. Ils sont un
peuple très heureux de leur identité culturelle. Ils ont en effet
des pratiques culturelles permanentes qui indiquent leur caractère
distinctif et aussi démontrent leurs croyances religieuses. Au nombre
des diverses coutumes et célébrations traditionnelles qu'ils
pratiquent, on a le Pidii ou fête de moisson
d'ignames en reconnaissance à « Korowii »
(Dieu) et aux « vôuga » (divinités
terrestres), leHarè Kwaalaou sanctification de la
terrequi consiste à réparer les torts commis sur la terre,
les rites de veuvage ou
loubaalô pour les hommes et
louhannônpour les femmes, les Loudjenan
ou encore louuri qui sont desrites funérairesorganisés
chaque année pour tous les morts du village, le
Hamfaalô qui désigne la célébration du
mariage traditionnel etc. Chez les Dègah, le mariage estune institution
sacrée dont la célébration respecte un certain nombre
d'étapes. Traditionnellement, le processus pour contracter le mariage
implique les parents qui cherchent des épouses pour leurs fils. Mais
lorsque les jeunes sont assez majeurs pour vivre en couple, les parents du
garçon vont annoncer leur intention en envoyant le montant de la somme
prévue à cet effet pour demander officiellement la main de la
fille. A ce niveau, les parents de la jeune fille demandent son consentement
avant de recueillir les présents. En d'autres circonstances, il peut
arriver que deux familles s'accordent pour marier leurs enfants. Les deux
familles bouclent alors toutes les démarches du mariage et passent
à la célébration traditionnelle et festive, parfois
à la surprise de la jeune fille. On parle dans ce cas de
hankenh. Une fois ces démarches du mariage
coutumiersont effectuées et selon la tradition, la jeune fille devient
l'épouse du jeune homme. Cependant, avant de s'établir dans son
foyer conjugal, plusieurs étapes sont à observer, notamment, le
Kwaan Kpoe (prise de nourriture ou de vivres dans le
champ du mari), le hamfaalôudi (période
où la jeune fille passe trois semaines dans la maison du jeune mari)
suivie du retour de la mariée à la maison de ses
parents, et enfin à l'étape
duDî-koûl-la ou la jeune fille part
s'établir définitivement à son domicile conjugal. Mais de
nos jours, toutes ces procédures conjugales sont en train de changer au
fil du temps. Désormais, il est de plus en plus question de mariage
d'amour (par consentement des deux époux) qui s'officialise par le
Kôkô du jeune homme et sa famille, puis la dot selon une contenance
redéfinie par l'ensemble des acteurs de la vie sociale (cadres et
autorités traditionnelles).La famille Dègah est composée
des enfants et du père. Les femmes peuvent se marier en dehors du clan,
mais on s'attend à leur retour à la maison de leur père
après la mort de leurs maris.
Les Dègah sont très religieux. Leurs
ancêtres ont émigré avec la divinité de la terre,
Tîhon, et ils ont ajouté d'autres divinités qu'ils
ont rencontrées, comme Gnangan, Gbogboti, etc. Selon eux, ces
divinités donnent des enfants à toutes les femmes qui en
demandent et,par conséquent, les enfants doivent porter leurs noms.
C'est ainsi qu'on a des Dègah avec des noms comme Kouakou Gbogboti...
Les religions révélées font
également parti des croyances des populations. Cependant, avant
même que le Christianisme et l'Islam ne fassent leur entrée chez
les Dègah, ils reconnaissaient l'existence de Dieu, l'être
surnaturel, qui est appelé Yadôloû
Korowiri. Cependantpour eux, Korowiri, le chef de tous les esprits est
trop loin de l'humanité et ne peut être atteint qu'à
travers les ancêtres, divinités et autres esprits, notamment les
Vôuga (les divinités locales), qui sont
considérés comme les représentants de Dieu.C'est pourquoi
ilsrestent attachés à leurs fétiches qu'ils adorent
constamment.
Sur le plan architectural, même si les constructions
sont de plus en plus de types modernes, la plupart des villages Dègah
étaient construits de maisons en terre avec des toits en paille. Les
styles architecturaux sont de variétés différentes:
généralement des maisons aux toits plats faites de boue et des
maisons rondes et rectangulaires aux toits de chaume. Les cases traditionnelles
aux toits en paille sont très populaires chez les Dègah. On les
retrouve au village sous l'appellation de
djènguin ou hiliman,
et aux champs sous le nom de lôguî pour
désigner une sorte d'appâtâme de repos et de restauration ou
se prépare le kookaalâ (le foutou du
champ). Les Dègah ont en effet pour habitude de manger du foutou quand
ils vont au champ. Au bout d'un bon moment de travail, ils profitent de leur
temps de repos pour s'adonner à une petite partie de chasse aux rats,
souris, agoutis et autres, qui leurs servent de viandes pour la confection d'un
plat de foutou igname appelé kookaalâ
qu'ils partagent entre hommes avant de rentrer au village le
soir.
En raison de leur longue alliance avec les Ashanti et les
Brong, les Dègah ont été influencés par un certain
nombre de coutumes comme l'adoption de noms Akan, car les noms Kouassi ou
Kossa, Kouadio ou Adjoua, Kobenan ou Abenan, Kouakou ou Akoua, Yao ou Yawa,
Koffi ou Affoua et Kouame ou Aman qu'ils portent sont des emprunts de leurs
rapports avec les Akan. Il existe cependant des noms de la linguistique
Dègah qui sont portés selon le rang de naissance de l'individu
dans sa famille de père et mère, jusqu'au sixième
né chez les hommes et la septième chez les femmes. Ainsi, chez
les hommes, le premier né s'appelle Sié, San pour le
deuxième, Wolo pour le troisième, Penhpour le
quatrième, Gnaman pour le cinquième et Tonh
pour le sixième. Chez les femmes, on a Yéli pour la
première, Yah pour la deuxième, Gninin pour la
troisième, Pènin pour la quatrième,
Sélé pour la cinquième, Gnaman pour la
sixième et Tonh pour la septième. Au-delà de ces
limites, les nouveaux nés qui suivent peuvent porter n'importe lequel de
ces noms pris au hasard ou à la convenance des parents. Aussi, les
Dègah portent souvent des noms inspirés de leur patois,
expliquant une situation de vie ou traduisant une pensée. On a par
exemple des noms comme Onmindôman (craint ton ennemi),
Donganrèdigin (plus jamais pareille), Ndomgbounin (me
battre pour réussir dans la vie, contre la volonté de mes ennemis
de me voir périr), Maliret(surprise agréable, situation
heureuse à laquelle on s'entendait le moins et dont Dieu nous fait
grâce), etc. Traditionnellement, les chefs Dègah et les sages
avaient l'habitude de porter de grandes blouses et montaient à cheval.
Mais aujourd'hui, ils ont adopté de nouvelles habitudes vestimentaires
telles quele port de pagnes etd'ornements d'or par les chefs, le port des chefs
etc.
Le calendrier traditionnel Dègah reconnait seulement
six jours que sont : Tchîla, Sémé, Kanan,
Mouléha, Saaga, et Saaga tchô. L'année lunaire
s'étend sur une période de douze mois appelés
tchan.
II. ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE ET ORGANISATION
SOCIO-POLITIQUE
1. Principales activités économiques
Les Dègah sont pour la plupart des agriculteurs, des
chasseurs et des pêcheurs, et ils dépendent donc de la nature pour
leur subsistance. En Côte d'Ivoire comme au Ghana, les Dègah
occupent une zone où il y a une transition de la forêt à la
savane. Les populations sont donc essentiellement des agriculteurs. En plus de
la culture de l'anacarderécemment introduite etdevenue aujourd'hui leur
principale production agricole de rente, ils pratiquent en
général une agriculture de subsistance centrée surtout sur
l'igname qu'ils continuent de commercialiser abondamment, le manioc, le
maïs, l'arachide etc. Il y a aussi la chasse, la pêche en
rivière, l'élevage et quelques métiers traditionnels tels
que la poterie et le tissage. Notons que traditionnellement les Dègah
pratiquent l'élevage de poulets, chèvres, moutons, porcs,juste
pour leurs différentes pratiques rituelles ou pour leur propre
consommation. Les femmes ramassent les noix de karité annuellement et
font du beurre de karité.
Par ailleurs, la sècheresse permanente,
l'infertilité des sols dûs aux conditions climatiques et
l'insuffisance même de terres cultivables sur leur territoire, poussent
les Dègah, notamment ceux de Côte d'Ivoire, à s'orienter
vers d'autres horizons. Ils migrent à la recherche de travail et
l'éducation. Ils vont généralement à Abidjan pour
trouver du travail ou dans les régions forestières du pays
propices à l'agriculture. Cependant, certains vont et reviennent chaque
année travailler sur leurs propres exploitations agricoles (pour ceux
qui en disposent) lorsque les pluies commencent.
2. Organisation socio-politique
Les Dègah ont migré avec leurs
différentes structures politiques et sociales qui ont
évolué au fil des ans. Aujourd'hui, ils sont parmi les rares
groupes ethniques en Afrique qui pratiquent à la fois le système
patrilinéaire et matrilinéaire de l'héritage. En effet, le
mode de succession des biens est relatif selon le groupe. Cette succession est
matrilinéaire au Ghana, par emprunt au système Ashanti.
Cependant, chez les Dègah installés en Côte d'Ivoire, la
transmission des biens se fait de père en fils. Cela s'explique
certainement par leur brassage avec leurs voisins, notamment les Koulango et
les Nafana, de qui ils ont copiés certaines habitudes.
Par ailleurs, contrairement à ceux du Ghana qui
continuent de pratiquer une chefferie de type Akan, la fonction de chef de
village chez les Dègah de Côte d'Ivoire est réservée
généralement à un seul clan considéré comme
la famille fondatrice du village. Les Dègah ont migré aussi avec
les « Dia Némouan » (chef de famille). Ainsi, on
retrouve dans la structure politique et sociale, le chef du village et les
chefs de familles. Aussi, contrairement au système Akan, dans le
système Dègah, les femmes n'ont pas de pouvoir coutumier de
décision et n'ont donc aucune part à prendre dans les
décisions d'installation ou de destitution du chef. Elles travaillent
seulement comme des femmes leaders et mobilisent leurs soeurs pour des
activités communautaires.
A cet organigramme traditionnel, il faut ajouter les
structures associatives modernes telles que les mutuelles, les associations de
jeunes, les associations de femmes, les associations d'élèves et
étudiants etc., qu'on retrouve dans chaque village. Notons que chez les
Dègah de Côte d'Ivoire, il n'y a pas de chef suprême qu'on
peut considérer comme roi de tout le peuple. Par contre, les
défis de développement et de solidarité ont conduit les
cadres des trois villages à la mise en place d'une union de tous les
Dègah de Côte d'Ivoire dénommée UNIDEGAH.
Chapitre 2 : PRESENTATION DU VILLAGE DE
MOTIAMO
I. HISTORIQUE ET LOCALISATION
1. Histoire et organisation du village
La fondation du village de Motiamo remonte aux lendemains du
deuxième mouvement migratoire des Dègah à partir du Ghana.
Après le conflit avec leurs voisins Goussi depuis la Haute Volta qui les
a poussé à s'installer au Ghana, certains d'entre eux vont
à nouveau émigrer vers le nord, notamment en direction de la
Côte d'Ivoire suite à la guerre de 1722-1728 entre les Ashanti et
les Bono. C'est alors qu'à l'instar des deux autres groupes
installés à Boromba et Zagala, Dah
Gbamélé,ancêtre des Dègah de Motiamo, va conduire
ses hommes à Bondigué (en terre ivoirienne), avant de
s'établir dans leur cité actuelle à la demande de Koffi
N'Guettia.
En effet, dans ses activités de chasse à
Bondigué, Dah Gbamélé va faire la connaissance du
chasseurNafana Koffi N'Guettiaavec qui il devient ami. Celui-ci invite Dah
Gbamélé à partir résider avec lui dans son village
d'origine Wélékéi. Dah Gbamélé lui donne
alors rendez-vous des années plus tard, le temps pour lui de se
décider. A son retour pour le rendez-vous, Koffi N'Guettia vient trouver
que les Dègah ont perdu leur chef. Alors, Dah Gbamélé lui
donne encore rendez-vous dans trois ans, le temps de finir les obsèques
du chef disparu. Au bout des trois ans, les deux amis se rendent ensemble
à Wélékéi où Koffi N'Guettia présente
Gbamélé au chef des Nafana. Ayant trouvé le cadre
convenable, Dah Gbamélé retourne chercher ses hommes à
Bondigué pour s'établir à Wélékéi.
Mais contre l'avis des Nafana de résider sur le même territoire
avec les Dègah, Dah Gbamélé demande à être
localisé sur un autre site avec ses hommes pour éviter d'autres
conflits de cohabitation. C'est ainsi qu'il leur sera permis de choisir leur
site d'occupation actuelle,propice à l'agriculture et à leur
activité de chasse,mais aussi bouclier sécuritaire pour le
trône du royaume du Pinango.
A l'origine, le nom du campement était
Pèmiabra qui signifie en Brong « que celui qui m'aime
vienne à moi ». Mais ce nomsera influencé par le
dénominatif Mofouô par lequel les Brong et les Ashanti
appelaient les Dègah. On reconnaissait donc Dah Gbamélé et
ses hommes par l'expression Mofouô qui va devenir par
déformation Motiamo, du nom actuel du village.
Le villagede Motiamo est composé de seize (16) familles
reparties dans six (6) grands quartiers que sont
Yarafôgôavec six (6) familles,
Kôrafôgôavec deux (2) familles,
Wêlafôgôavec une (1)
famille,Sirafôgôavec deux (2)
familles,Wêlarafôgôavec une (1) familleet
Sôgafôgôavec quatre (4) familles. Dans la structure
hiérarchique, il y'a le chef du village, les doyens de quartiers etles
chefs de familles. A cette structure, s'ajoutent la mutuelle du village, les
associations des jeunes et des femmes et l'union des Elèves et
Etudiants. Le chef de village est choisi dans la lignée du chef pour un
mandat à vie. Le système de succession au trône est
héréditaire et tournant entre les trois (3) familles
Kpamélé, Guindé et Kouassi Dougoutigui de la grande
famille Yaradia (quartier Yarafôgô) dont l'ancêtre
direct est Dah Gbamélé, fondateur du village. Dans l'exercice de
ses fonctions, le chef s'appuie sur une notabilité de seize (16)
doyensreprésentants les seize (16) familles du village. A ce jour, le
village a connu onze (11) chefs, y compris l'actuel en la personne de Dah
Kohoro SIE KOBENA qui exerce le trône depuis le 03 avril 2009 en
replacement de Dah KOBENAN KRA (le 10ème chef)
décédé le 10 février 2006. Notons que chez les
Dègah de Motiamo, les funérailles du chef sont organisées
trois ans après son décès. C'est ensuite qu'un nouveau
chef est choisi. Pendant ce temps, le trône est conservé par le
quartier Kôrafôgô qui en assure l'intérim
jusqu'à l'organisation des funérailles et la désignation
d'un nouveau chef.
2. Situation géographiqueetdonnées
démographiques
Situé à l'extrême Est de la Côte
d'Ivoire dans le district du Zanzan, plus précisément dans la
région du Gontougo, Motiamo est une citée rurale placée
sous l'autorité préfectorale du département de Bondoukou.
Le village est situé à la périphérie du chef-lieu
du royaume Pinango, Wélékéi,sur l'axe
Bondoukou-Sorobangoà sept (7) kilomètres de la ville de Bondoukou
dont il fait partie duterritoire communal. Le village de Motiamo fait
frontières avec les villages de Wélékéi
(distants d'un kilomètre) à l'ouest,
Kanguélé au nord et Boromba à l'est. Le
villages'ouvre sur la ville de Sampa au Ghana, par une piste longue d'une
vingtaine de kilomètres.
Par sa proximité avec la ville de Bondoukou et le
Ghana, Motiamo présente l'image d'une citée
désenclavée. En effet, le village est accessible par des routes
officielles et des pistes. Les liaisons sont assurées par des voitures
(personnelles et transport en commun), des motos et des bicyclettes. Sur le
plan infrastructurel, Motiamo est connecté au réseau
électrique depuis 1999 et bénéficie d'une adduction en eau
potable avec des pompes villageoises installées à travers tout le
village.
Le village est bâti sur une surface plane avec une
végétation caractérisée par la savane
arborée, un climat marqué par des vents secs et de la chaleur, et
des sols peu humides mais favorables à la culture de l'igname et de
l'anacarde qui sont les principales activités agricoles de la
population. Mais en plus de ces principales cultures, les populations cultivent
aussi le maïs, le haricot et le manioc et pratiquent l'élevage de
volailles, de porcs et de bovins qui leur servent généralement
pour la consommation et les sacrifices rituels.
Notons que chez les Dègah de Motiamo, les
activités champêtres sont réservées aux hommes. Les
femmes sont en général occupées aux tâches
domestiques et la recherche de fagots, les activités de poterie et le
commerce.
Sur le plan démographique, la population totale
résidante dans le village est estimée à ce jour à
trois mille (3500) âmes environ. Elle est composée majoritairement
d'autochtones Dègah avec une toute petite présence
d'allogènes Lobi et autres. Par ailleurs, on compteplus de mille (1000)
ressortissants du village vivant à Abidjan et quelques mille cinq cent
(1500) dans les villes de l'intérieur. En effet, en raison de
l'insuffisance des terres cultivables et du taux de pauvreté
élevé dans la région, les populations (les jeunes surtout)
s'orientent vers d'autres horizons à la recherche d'une activité
lucrative. C'est ainsi qu'ils choisissent pour la plupartla destination de la
capitale économique ou les zones forestières du pays propices
à l'agriculture. En outre, la population est pour la plupart jeune avec
une majorité compris entre quinze (15) et trente-cinq (35) ans et un
niveau d'alphabétisation moyen. Cela s'explique certainement par le taux
élevé des naissances dû aux mariages et grossesses
précoces ainsi que la déscolarisation importante dans le
système primaire et secondaire. Le village compte une école
maternelle et deux écoles primaires. Le taux de scolarisation reste
relativement élevé au primaire avec un égal accès
à l'éducation pour les filles et les garçons, mais moyen
au secondaire et relativement faible au supérieur. Même si cette
population est essentiellement agricole, on peut compter des cadres
employés dans l'administration publique et privée ainsi que
quelques personnes exerçant des professions libérales comme le
commerce et autres.
II. PATRIMOINE ARTISANAL ET CULTUREL
1. Le potentielartisanal du village
Motiamo se veut un pôle d'attraction touristique en
raison de son potentiel artisanal qui constitue un vecteur de promotion du
village dans la région et même en Côte d'Ivoire. On
reconnait en effet la cité par la technicité et lesavoir-faire
des femmes en matière de poterie, un art unique dans le
département qui suscite des visites touristiques dans le village. Dans
le village, presque toutes les femmes sont potières et c'est leur
occupation quotidienne. A défaut de pratiquer le champ comme les hommes,
la poterie est leur seule activité génératrice de
revenus.
L'art potier est aussi ancien que la création du
village. La chaîne opératoire est restée purement
traditionnelle jusqu'à ce jour. Cette activitéconsiste pour les
femmes à produire des vases de forme globulaire, qui servent à
plusieurs usages. Il s'agit notamment de canaris, écuelles, vases, pots
etc., faits avec des décors généralement imprimés
à l'épi de maïs égrené. Les canaris et les
écuelles sont très souvent d'un noir brillant obtenu par enfumage
dans l'herbe sèche ou fraîche dès le retrait du feu et par
immersion dans une décoction d'écorce d'anacardier. Quant aux
vases, ils sont de couleur rouge ocre due à l'engobage subi avant la
cuisson.
L'une des particularités de la production de Motiamo,
c'est la pré-cuisson. Elle permet d'éviter l'éclatement
des pots au feu.La cuisson elle-même se fait sur une surface
dégagée, à l'écart des habitations. Elle passe par
plusieurs étapes. Tout commence par la pré-cuisson sur un feu de
braise allumé à l'emplacement de la cuisson. Elles dressent un
lit de branchages séchés à même le sol et y
renversent une première série de poteries qu'elles
emboîtent dans des positions verticales. Tout cet ensemble recouvert de
branchages et d'herbes séchées est maintenu par des pots
cassés inutilisables disposés autour du tas formé. Sur ce
dispositif, on met le feu et on l'entretient en ajoutant
régulièrement de l'herbe séchée telle que
l'illustre l'image qui suit.
1- Une potière de Motiamo en plein travail
Source : www.infoduzanzan.org, mai 2013
Lorsque le feu a pris, on laisse la cuisson se dérouler
jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de flamme. Cela peut durer deux (2)
heures. Le pot cuit se reconnaît par sa clarté. A l'aide d'une
grande fourche, le pot est retiré du feu pour être plongé
dans la paille allumée pour l'enfumage, puis dans une décoction
pour la brillance. Ce type de cuisson permet aux objets de résister aux
chocs thermiques et mécaniques. Ces poteries sont vendues soit le
dimanche, jour du marché de Bondoukou, par les potières
elles-mêmes ou sur place dans le village par des femmes qui viennent s'en
procurer sur le site de production.Les potières de Motiamo ont un
savoir-faire comme celles de l'ethnie Mangoro de Katiola. Ce mérite leur
a même valu le soutien de l'ambassade de l'Allemagne qui leur a offert un
four moderne pour la cuisson des poteries en vue de multiplier la production et
mieux développer l'activité.
2. La vie culturelle des populations
A l'instar de tout le peuple Dègah, le village de
Motiamo se caractérise par la richesse et la vivacité de son
patrimoine culturel. Le village compte en effet plusieurs fêtes et danses
traditionnelles, ainsi que des pratiques culturelles héritées des
ancêtres et perpétuées jusqu'à maintenant en raison
de leurs fonctions sociales. Il s'agit notamment de :
-« Gnangan » ou
fête de la nouvelle récolte chez les Dègah de Motiamo.
C'est une fête de moisson en guise de reconnaissance à «
Korowiri » (Dieu) et aux « Voûga » (divinités
terrestres) à qui l'honneur est fait d'être les premiers à
manger les nouvelles récoltes des champs avant que les populations ne
soient autorisées à en consommer. C'est à cette occasion
que le Pidii ou fête d'igname est célébré
dans le village. Mais la particularité de cette fête, c'est qu'en
plus de l'igname, elle concerne tout ce qui est nouvelle récolte,
notamment le maïs, l'arachide, le gombo etc. Cette fête se
déroule généralement dans la période du mois de
Juin-Juillet sur une durée de trois (3) jours et consiste en des
rituelles et festivités traditionnelles. Elle obéit à
plusieurs étapes dont la chasse communautaire du lapin dit
« Gnangan Tchooman », les sacrifices rituels
d'animaux en l'honneur de Dieu et des divinités terrestres pour leur
dire merci, l'adoration du fétiche Gnangan dont la fête
porte le nom, le pèhn tahî qui est une sorte de lutte
traditionnelle etc.
-
« Koumou » :C'est une
fête rituelle organisée avant la saison agricole. Elle consiste
à sanctifierla terre, à réparer tous les torts qui y ont
été commis et à adresser des prières au dieu de la
terre pour que les récoltes soient abondantes. Le Koumou est
célébré deux (2) fois dans l'année : une
première fois pour annoncer et fixer la date du Gnangan et la
deuxième fois pour fixer le Gbônnô. Le
Koumou est considéré comme une fête des chefs de
famille au regard de son caractère sacré dont les sages seuls en
savent le mystère.
-
« Gbônnô » :Le
Gbônnôest pour le village de Motiamo ce que les
Dègah appellent Loudjenanou lourri. Il s'agit des
grandes funérailles organisées chaque année pour tous les
morts du village pour marquer leur séparation définitive d'avec
le monde des vivants. La particularité de cet évènement
à Motiamo est qu'il marque aussi le nouvel an dans le village selon le
calendrier traditionnel du peuple. Ainsi, le Gbônnô
apparait comme une double célébration qui consiste
en des funérailles annuelles et la commémoration du nouvel an.
-
« Djamé » :Il est
aussi de tradition chez les Dègah de Motiamo d'organiser des sorties de
masques. Le principal masque est le Djamé. Il a pour fonction
d'exorciser le village. Chaque famille a son masque qu'il prépare pour
la circonstance. Le Djamé est sculpté en bois et a une
forme anthropomorphique. Le porteur est entièrement habillé avec
des étoffes tissées à l'aide de feuilles de rônier.
Leur sortie intervient à l'entame de la nouvelle année
Dègah, quelques semaines après le Gbônnô.
Après cette sortie des masques, les jeunes adolescents sont
autorisés à fabriquer leurs propres Djamé
appelés « tchenfè » qu'ils
promènent à travers tout le village avec des danses et chants, en
imitation aux vrais Djamé.
En outre, l'on a des danses et musiques traditionnelles comme
le « Gban », le
« Ganhin », le
« Wara », le
« Logan », le
« Gobi », le
« Naya », le
« Kpan-nan », le
« Mandié », le
« Vogora » etc. Chacune de ces danses a sa
particularité et la circonstance de son exécution. Le
« Gban » par exemple est un fétiche protecteur
invoqué très souvent pour chasser les mauvais esprits du village.
La sortie de ce fétiche donne lieu à une danse religieuse de
purification qui s'exécute généralement la nuit par des
personnes initiées, tout comme le
« Voûgora » qui est aussi une danse rituelle
de prédication pratiquée par les prêtres ou devins
vôgôrou. Quant au « Wara »,
le « Gobi »,le
« Mandié », le
« Logan » et le
« Naya », ce sont des danses de réjouissances
interprétées lors des mariages, fêtes et parfois même
des funérailles. Il existe aussi des danses de chasse comme le
« Kpan-nan » et des danses de guerre comme le
« Ganhin » exécutées seulement par
des initiés. Ces différentes danses et musiques sont
rythmées par divers instruments tels que les tambourskpan-nan,
djémé etnaya, les lames de houe
palî, la cloche daouro, les hochets en calebasse
logan, les gourdes percutées langôguin, les
sonnailles en feuilles de rônier yéga, la calebasse
percutée louyé etc.
Motiamo dispose également d'une fanfare,acquise depuis
1955 à l'initiative des populations elles-mêmes, qui assure
l'animation et l'ambiance populaire dans le village lors des différentes
cérémonies et fêtes qui y sont organisées. Le
dynamismeet le talent de cette fanfarelui vaut d'être très souvent
sollicitée pour des fêtes et cérémonies officielles
à travers la région.Le village compte aussi des musiques et
danses d'animations populaires et d'ambiancescomme le
« Djinan » et
l'« Atchéwé ». Par ailleurs, sur le
plan artistique Motiamo regorge une pléiade de talents excellant dans la
musique tradi-moderne. On peut citer parmi eux les célèbres
musiciens Atto Yam's, Djalam's et bien d'autres.
Deuxième partie :
SYMBOLIQUE DU GBÔNNÔ DANS L'UNIVERS
SOCIO-CULTUREL DES DEGAH DE MOTIAMO
251659264
Chapitre 3 : DESCRIPTION DE L'EVENEMENT
I. LES FONDEMENTS DU GBÔNNÔ
1. Les fondements culturels de la
célébration
« Gbônnô » est une expression
Dègah qui traduit une idée d'affliction et de réjouissance
en même temps. C'est un évènement
célébré chaque année dans le village de Motiamo.
Cette célébration consiste en des funérailles annuelles
dénommées Lourri, suiviesde la commémoration du
nouvel an.L'évènementrevêt undouble caractère
traditionnel et socioculturel.
En effet,à l'instar de tout le peuple Dègah, des
grandes funérailles sont organiséeschaque année pour tous
les morts du village au cours de l'année pour marquer leur
séparation définitive d'avec le monde des vivants. A l'origine de
cette coutume, le mode d'organisation des rites funéraires chez les
Dègah qui se décline en deux (2) étapes. Selon le doyen
KOUAME Kouman, notable mandaté par le chef du village de Motiamo pour
nous entretenir lors de nos recherches, les Dègah enterrent leurs morts
et reportent les funérailles en fin d'année. A la question de
savoir pourquoi une telle manière de faire, le notable explique que les
Dègah sont très solidaires, même dans l'épreuve.
Dès lors, lorsqu'un décès survenait, il fallait attendre
toute la famille avant d'organiser les funérailles. Or il n'est pas de
plus en plus évident de réunir tout le monde immédiatement
après le décès, surtout que certains parents sont
très souvent en voyage loin du village. A défaut de pouvoir
conserver les corps tout ce temps, en cas de décès, on enterre
les morts et on reporte les funérailles pour permettre à toute la
famille et la communauté d'être réunis. Le moment choisi
à cet effet est la fin de l'année traditionnelle qui
coïncide avec la période des récoltes où il y'a
abondamment de nourriture pour alimenter toutes les personnes qui arrivent pour
la circonstance. Cependant, il faut noter que ces rites funéraires
annuels concernent seulement les personnes décédées ne
pratiquant ni le christianisme, ni l'islam. Car selon le principe de ces
religions, les funérailles sont organisées une seule fois selon
que l'enterrement et les funérailles sont combinés et faits au
même moment. Ainsi, quand un décès intervient, la
notabilité, réunie autour du chef du village, demande la religion
du défunt. Si son appartenance religieuse est avérée,
alors la responsabilité de ses funérailles revient à sa
communauté qui les organise conformément aux principes de la
religion. C'est seulement les funérailles des défunts animistes,
ne pratiquant aucune religionrévélée, qui reviennent
à la chefferie du village et sont prises en compte pendant les grandes
funérailles. Mais pour que cela soit, le défunt doit avoir la
majorité d'âge qui s'apprécie selon qu'il participe aux
collectes de dons communautaires ou N'zaa, en cas de
décès. Aussi, par le passé on consultait les morts
animistes pour qu'ils disent le motif de leur décès, car il n'y
avait pas de mort sans raison chez les Dègah. Tout défunt qui ne
donnait pas de motif poursa mort était considéré commeun
sorcier et n'était pas enterré dignement. Ses funérailles
n'étaient pas prises en compte non plus. Mais de nos jours,cette coutume
a été abolie et tous les défunts animistes sont
désormais célébrés dignement pendant les
Gbônnô.
En outre, dans toute société, le début de
la nouvelle année est une occasion de festivité et de
remerciement à Dieu pour ses bienfaits. Il est aussi de tradition chez
les Dègah de Motiamo de célébrer la nouvelle année
selon leur calendrier traditionnel. C'est ainsi qu'ils saisissent cette
occasion pour accompagner définitivement tous les morts de
l'année à travers les grandes funérailles, avant d'entamer
la nouvelle année avec faste et par des festivités. Le calendrier
Dègah compte douze (12) mois de quatre (4) semaines chacun, avec six (6)
jours par semaine. L'année lunaire commence généralement
dans la période de novembre-décembre du calendrier
grégorien.
Dans l'organisation pratique, les grandes funérailles
ou Lourri finissent le dernier jour de l'année en cours, pour
faire place aux festivités du nouvel an à partir du jour suivant
qui marque le premier jour de la nouvelle année. Toutefois,
l'évènement se prépare plusieurs jours avant les grandes
funérailles et prend fin trois (3) jours après la
célébration du nouvel an, tout cet intervalle de temps
étant marqué bien sûr par des activités
spécifiques.
2. Les origines sociales de l'évènement
En considérant seulement ses fondements culturels, on
peut considérer le Gbônnô comme une cérémonie
rituelle ou un simple culte traditionnel. Mais en réalité, cette
célébration se veut aussi un phénomène social et un
évènement d'animation culturelle aux origines sociales. Plusieurs
facteurs témoignent de cette évidence. Il s'agit notamment de la
reprise de la vie sociale après les rites funéraires et l'accueil
du nouvel an. Chez les Dègah, la mort ou la séparation
définitive d'avec un être cher est un évènement
douloureux qui a besoin de la solidarité des autres. C'est ainsi que
toute la communauté se mobilise pour soutenir les familles
endeuillées lors des funérailles. Cette mobilisation vise le
réconfort des personnes touchées par le deuil. Pour ce faire, un
soutien moral est nécessaire pour atténuer la douleur. C'est
pourquoi des danses et chants sont généralement organisés
au lendemain des funérailles pour détendre l'atmosphère et
permettre de reprendre la vie avec courage et espoir.
A Motiamo, il se trouve que la période des grandes
funérailles communautaires coïncide avec la
célébration du nouvel an. Dès lors, l'occasion est toute
trouvée pour organiser des festivités et des animations
populaires non seulement pour détendre après la douleur des
funérailles, mais aussi et surtout accueillir avec joie la nouvelle
année qui commence.
Aussi, du fait de leurs lieux de résidence souvent
éloignés en raison des nombreux voyages qu'ils entreprennent
à la recherche d'un mieux-être hors du village, les populations se
retrouvent difficilement. A cet effet, la seule occasion pour elles de se
revoir apparait l'opportunité des grandes funérailles marquant la
fête du nouvel an. C'est alors que prend forme le phénomène
des retrouvailles annuelles dans le village. C'est à cette occasion que
les populations se donnent généralement rendez-vous pendant
l'année, aussi bien pour leurs affaires privées que pour les
problèmes d'intérêts familiaux et communautaires.
D'ailleurs, ce moment se veut même une obligation pour chacun de se
rendre au village.
Le Gbônnô est en effet l'occasion des
règlements de problèmes de familles dans le village, les
réunions entre parents pour des conseils, etc. Pour la circonstance,
chaque membre de la famille doit être présent. Des messages
d'interpellations sont envoyés aux absents sans motifs et aux personnes
qui ne viennent pas régulièrement au village par
l'intermédiaire de leurs plus proches parents ou cohabitants. Ces
moments de retrouvailles permettent de renforcer les liens et de maintenir la
cohésion dans la famille, car c'est l'occasion pour tous les membres de
la famille et du village de se connaitre en tant que parents, frères et
soeurs, cousins et cousines, neveux et nièces, etc.
II. LES ETAPES DE LA CELEBRATION
1. Les préparatifs de l'évènement
La célébration du Gbônnô
obéit à un processus de plusieurs étapes qui débute
par les préparatifs notamment la détermination de la
période de l'évènement, et des tâches
préparatoires.A ce sujet, le notable KOUAME Kouman explique que tout
commence par la fixation de la période.
1.1- La fixation de la période
Selon le calendrier traditionnel, plusieurs
évènements ont lieu avant le Gbônnô, notamment le
Gnangan et le Koumou. C'est justement le
2èmeKoumou qui fixe la période du
Gbônnô. C'est au cours de cette fête rituelle que les sages
(le chef du village et sa notabilité) annoncent la période de la
célébration du Gbônnô. Cette période
intervientà environ un (1) mois après la fête du
Koumou. Aussi, le Gbônnô ne se célèbre pas
en pleine lune. L'évènement se tient ordinairement vers la fin du
mois et c'est quelques jours après que l'on voit la lune. Notons par
ailleurs que selon les coutumes, les funérailles annuelles se limitent
à celles intervenues avant le Koumou. Ainsi, tout
décès après cette fête rituelle n'est pas pris en
compte. En outre, une famille endeuillée peut choisir de reporter les
funérailles de son défunt parent selon qu'elle ne réunit
pas toutes les conditions en termes de disponibilité des membres de la
famille et de mobilisation des moyens nécessaires.
1.2- Les tâches préalables
Une fois la période du Gbônnô fixée,
plusieurs tâches sont à accomplir avant le déroulement de
l'évènement. Il s'agit notamment de :
-Le Komian : le
Komian consiste en la mobilisation du maïs ou du mil devant
servir à fabriquer la boisson traditionnelle que l'on utilise pour les
rituelles de la célébration. Cette boisson qu'on appelle
Louéssinon est spécialement préparée pour
l'occasion. Le Komian intervient pendant la célébration
du Koumou fixant la période du Gbônnô. A cette
occasion, le chef du village autorise les familles endeuillées à
sortir leurs maïs ou leurs mils qui sont remis aux femmes pour les
apprêterconformément aux méthodes de fabrication de la
boisson traditionnelle en question. Le travail des femmes à ce niveau
consiste à la conservation en lieu sûr (pendant deux semaines),
puis le séchage qui dure deux semaines également.
Pendant ce temps, les femmes fabriquent les Côta
cô-li, c'est-à-dire les poteries qui doivent servir pour les
rituelles.
- Le Sindarî : Il s'agit
de la recherche de fagots ou bois de chauffe pour préparer la boisson
traditionnelle. Littéralement, Sindarî veut dire
« fagots de boisson ». Cette tâche est
réservée aux hommes qui vont aux champs chercher le bois de
chauffe qui va servir à préparer la boisson. Un jour
spécial est dégagé pour cette activité. Ce jour
correspond au Tchila, premier jour de la semaine dans le calendrier
traditionnel. Le Sindarî a lieu trois semaines environ
après le Komian.
-Le Touugaa : C'est le pilage
du maïs ou du mil. Il intervient une semaine après le
Sindarî, c'est-à-dire le Tchila suivant. Ce
jour-là, les femmes se réunissent dans les familles
endeuillées pour piler le maïs.
-Les préparations de la
boisson ou Sin-daala : Ce jour
intervient un Sémé, c'est-à-dire au lendemain du
Tchila, plus exactement un jour après le pilage du maïs ou
du mil. Les femmes mettent au feu le maïs ou le mil pilé. La
boisson obtenue est communément appelée Pino. Ailleurs,
l'on parle de Tchakpalo pour désigner cette boisson.
C'est le début du Gbônnô.
2. Le déroulement de la
célébration
Le Gbônnô, en tant que rites funéraires et
fête de nouvel an, se déroule en deux grandes étapes
relatives aux cérémonials funèbres et aux
solennités de la célébration du nouvel an.
2.1. Les cérémonials funéraires ou
lourri
La première étape du Gbônnô consiste
aux grandes funérailles ou Lourri. Cette étape des
funérailles dure trois (3) jours et se déroule en trois (3)
phases. Il s'agit respectivement du Lawia, le
Bouètchôa et le Côta.
- Le Lawia : Les
cérémonials funéraires commencent le soir des
préparations de la boisson. C'est le premier jour des grandes
funérailles correspondant au Sémé dans le
calendrier traditionnel. Cette nuit-là, on organise des pleurs dans
chaque famille concernée par les rites. Les parents, proches et ami(e)s
du défunt convergent dans la cour qui abrite les funérailles pour
pleurer à sa mémoire. Le Lawiaest donc une sorte
d'hommage qui veut dire « pleurs de regrets du
défunt ».
- Le Bouètchôa :
Après le Lawiadu Séméqui annonce le
début des funérailles, on en arrive le jour suivant au
Bouètchôa ou encore Hèlè
tchôa qui consiste en une veillée traditionnelle dans tout le
village à partir du soir. Ce jour correspond au
Kanan(troisième jour du calendrier traditionnel). La
journée est consacrée aux préparatifs et aux
ménages sur les lieux abritant les funérailles dans les
différentes familles en deuil. La veillée commence autours de 19h
par le Wara qui est la danse traditionnelle qu'on exécute pour
la circonstance. Cette danse à laquelle tout le monde peut prendre part,
commence à l'entrée du village pour s'établir ensuite sur
la place publique. L'exécution du Wara est suivie d'ambiances
populaires, fanfare et diverses. A la suite du Wara, toutes les autres
danses traditionnelles peuvent être organisées pendant la
veillée. Par ailleurs, après le Wara et quelques moments
d'animations sur la place publique, les soirées se délocalisent
dans les familles en deuil. En cas de plusieurs deuils dans le même
quartier, les veillées peuvent être regroupées en un seul
lieu. Les veillées durent jusqu'au matin du jour suivant. En guise de
soutien aux familles en deuil, la fanfare du village entreprend des visites
d'animations tôt le matin dans les différentes assemblées
en veillée(2(*)),
pour y apporter plus d'ambiances populaires et de ferveurs. Le lendemain du
Bouètchôa est consacré à la
présentation des condoléances et dons qui sont reçus et
officiellement annoncés dans l'assemblée. Les attroupements sur
les lieux de deuils perdurent jusqu'à une certaine heure de la
matinée (voir l'image ci-dessous).
2- vue d'un lieu de deuil au matin du
Bouètchôa
Source : KOUAKOU Kouassi Maliret, Motiamo le 21 novembre
2014
- Le Côta :C'est
l'accompagnement définitif des morts.
Côta signifie littéralement
« jet des vaisselles de terre ou plats en poterie ». Ces
vaisselles de terre, faites spécialement pour les funérailles,
contiennent des charges qui sont dites renfermer l'âme des
défunts. Ces charges sont portées par des jeunes femmes en
incarnation des défunts. Celles-ci les abandonnent au cimetière
du village au bout d'une longue procession à partir de la place
publique. Selon les différentes phases de déroulement de
l'évènement, le Côta a lieu au lendemain du
Bouètchôacorrespondant au Mouléha
(quatrième jour du calendrier traditionnel). Le
Côtaest l'étape la plus importante des
funérailles. L'originalité et le caractère spectaculaire
de l'évènement en font un festival exclusif qui attire une foule
immense de spectateurs composés essentiellement des villageois, quelques
invités et étrangersissus devillages voisins. Ilintervient dans
la soirée, au coucher du soleil. Mais plusieurs rituels
précèdent ce moment.
Les préparatifs du
Côta :
Tout commence le matin au lendemain du
bouètchôa par les préparations. Dans les familles,
on abat les bêtes qui vont servir à la confection des repas.
Toutes les femmes s'activent à la cuisine pour préparer de quoi
à manger aussi bien pour les étrangers reçus que pour
leurs familles. Pendant ce temps, les populations se réunissent en
assemblées pour débattre des sujets d'intérêts
communs et le règlement des problèmes de familles. Cette
matinée est aussi l'occasion d'animations traditionnelles
éclatées dans le village avec notamment les Yoman. Les
Yoman sont les petits fils et petites filles du défunt.
Badigeonnés et vêtus traditionnellement, ceux-ci parcourent les
quartiers du village en signe de soumission et de dévouement à
leurs défunts grands parents, effectuant des visites chez les enfants,
neveux et nièces de la personne décédée pour les
encaisser de l'argent conformément à la tradition. Mais la
personne encaissée a librement le choix du montant qu'elle donne aux
Yoman. On parle, pour ce rituel, de Nan-Nan Wia.
Après le déjeuner, les femmes se retrouvent dans
les familles de deuil pour préparer le
Boûtchoûa-coûlîou
Coûh-djénanqui désigne le repas
fait spécialement pour les rites. Avant de commencer, les femmes
attendent l'autorisation des sages qui font le tour des familles de deuil pour
des rituels autorisant la préparation.Ce repas qu'on appelle
traditionnellementCoûlî ou Kabato en d'autres
langues, est fait à partir d'un mélange de farine de maïs et
de manioc qu'on transforme en patte dans des grosses marmites au feu contenant
de l'eau bouillante. La patteest obtenue par l'actiondes femmes qui
pétrissentle contenu de la marmite sur le feu avec des sortes de bois
fabriqués à cet effet.Une fois cuit, la part de repas qu'on
utilise pour les rituels, appelée
Côta-coûlî(3(*)), est serviedans une vaisselle de poterie
diteLacôla.Pendant que les femmes sont à la tâche
pour préparer le Boûtchoûa-coûlî, les
sages du village font le tour des quartiers de deuil pour le
Hîlatchôguî. Il s'agitd'une
cérémonie au cours de laquelle des ignames et des bêtes
sont apportées par les époux ayant contracté un mariage
avec une fille ou une nièce du défunt, en guise de provisions
pour son dernier voyage au pays des morts. Cette coutume s'impose à tout
époux-gendre de la personne décédée, quelle que
soit sa religion. Par ailleurs, le Hîlatchôguî est
organisé pour tout défunt concerné par les rites
funéraires, qu'il soit homme ou femme. Au cours de la
cérémonie, chaquebeau-fils ou gendre apporte six (6) ignames
accompagnées obligatoirement d'une chèvre ou cabripour les
gendres ayant épousé une fille du défunt et d'un poulet ou
chèvre(selon les moyens) pour ceux ayant marié une nièce
du défunt, ainsi que de l'argent comme prix de sel. Une fois les
dons(4(*))
présentésofficiellement dans l'assemblée, il revient aux
sages, c'est-à-dire le chef du village et ses notables qui
président la cérémonie, d'approuver. Ceux-ci peuvent les
accepter ou les refuser selon que le don est incomplet ou qu'il n'honore pas la
mémoire du défunt. Dans le partage qui se fait sur place, une
igname reste au chef du village et le reste des dons est retourné
à la femme du donateur.La cérémonie est marquée
aussi par le partage de la boisson traditionnelle fabriquée quelques
jours avant. Cette boisson contenue dans des canaris ou Sinvi, est
présentée pour être partagée dans
l'assemblée. Le nombre de Sinvi qu'on sort dans
l'assemblée équivaut au nombre de deuils dans le quartier.
Elle est servie dans des petites calebasses,en
commençant par le porte-parole du chef qui fait des libations
d'abord.
3- Une vue deSinvi lors d'une cérémonie
de Hiltchôguî
Source : KOUAKOU Kouassi Maliret, Motiamo le 21 novembre
2014
La cérémonie du
Hîlatchôguîautorise les familles à
procéder auxoffrandes de nourriture et l'abattage des bêtes
apportées par les gendres.
On commence par tuer les animaux (généralement
des poulets ou chèvres) qu'on va utiliser comme viande pour le repas des
défunts. Il s'agit de leur dernier repas sur la terre des vivants avant
leur départ définitif au pays des morts. Une fois ce repas
contenudans des vaisselles en terre ou Lacôhlî est
prêt,il est donné au défunt par des femmes
âgées. La nourriture est servie aux défunts à
même le sol par les femmes, en même temps qu'elles font des
invocations et des prières.
Les offrandes de nourriturefont place aux sacrifices des
animaux offerts en l'honneur des défunts (voir l'image ci-dessous).
4- Offrande sacrificielle à un défunt avant le
Côta
Source : KOUAKOU Kouassi Maliret, Motiamo le 21 novembre
2014
Les Dègah de Motiamo pensent que leurs ancêtres
sont dotés d'un pouvoir d'intercession et prient Dieu à travers
eux. C'est ainsi que lors des rites funéraires annuels, ils leurs
offrent des animaux en sacrifices pour implorer leur bénédiction
et leur plaidoyer auprès du Dieu suprême en faveur des vivants.
Les enfants du défunt apportent une chèvre ou un cabri qui est
offert en sacrifice en l'honneur de leur défunt parent. Les
chèvres ou cabris apportés par les gendres directs sont
tués à un endroit du mur de la cour après que l'esprit du
défunt y ait été invoqué,pendant que les poulets et
autres bêtes offerts par les autres gendres sont sacrifiés sur le
Lacôla. Ces offrandes sont précédées de
libations faites avec la boisson traditionnelle préparée
préalablement. Pour toute offrande sacrificielle faite, les animaux sont
tués et dépecés, les cuisses gardées dans la
famille de deuil et le reste retourné à l'épouse du
donateur.Notons que les sacrifices sont faits par des personnes
spéciales désignées selon les rapports interculturels et
les alliances entre les différentes familles dans le village. C'est dire
que pour un deuil dans une famille donnée, il existe des gens dans une
autre famille alliée à qui il revient de présenter les
offrandes et faire les sacrifices.
Après les offrandes sacrificielles(5(*)), l'étape suivante qui
précède le Côtaest l'apprêt
desLacôhlîdans les différentes familles de deuil.
Cela se fait dans le plus grand secret et la plus grande intimité par
les doyen(ne)s. Les Lacôhlî sont les charges qui
symbolisent la présence du défunt que l'on est en train
d'accompagner définitivement au pays des morts. Ceux-ci sont dits
renfermer les âmes des défunts. Ils comprennent
généralement des pagnes qui couvrent les vaisselles de terre ou
Côla, représentant la partie visible de la charge.
Cependant, leur contenu n'est connu que des sages et doyens. Une fois le moment
du Côta venu, les Lacôhlî sont
chargés par des jeunes femmes jusqu'au cimetière du village pour
y être abandonnés. En outre, la charge ouLacôla est
porté uniquement par une jeune femme issue de la même famille que
celle des hommes ayant fait les sacrifices d'animaux, c'est-à-dire de la
famille alliée à celle du défunt.
Le déroulement du
Côta
Le Côta est la dernière phase des rites
funéraires. C'est l'étape de l'accompagnement et des adieux. Tout
commence autour de 16h sur la place publique du village qui ouvre directement
sur le cimetière. Pour l'occasion, toutes les populations et les
invités prennent place sur les lieux et le long du passage, assises pour
certaines et débout pour d'autres. La disposition est faite de sorte
à permettre une ouverture de scène qui sert de passage aux
porteuses des charges contenant l'âme des défunts (voir l'image
ci-dessous).
5- Passage de porteuses de charges avec des âmes de
défunts, symbole du départ de morts
Source : KOUAKOU Kouassi Maliret, Motiamo le 21 novembre
2014
Le départdes morts(6(*)) se fait par une longue procession des jeunes femmes
portant l'âme des défunts. Habitées par l'esprit du
défunt, elles passent par ordre d'appels sur la place publique devant
toutes les populations pour les derniers adieux. Lorsque la
cérémonie commence, les jeunes femmes portant les charges sont
conduites sur le lieu pour y prendre position avant d'être
appelées par ordre de passage selon la place et le rôle de la
famille d'appartenance du défunt dans le village. C'est ainsi que les
derniers défunts qu'on accompagne sont toujours ceux issus de la
lignée du chef, notamment du quartier Yarafôgô.
Derrière les jeunes femmes, suivent les membres de la famille,
accompagnant leur défunt-parent en pleurs et en larmes. A chaque appel
donc, et au son de la fanfare, apparait une jeune femme avec une charge sur la
tête. Devant toute l'assemblée et le public présent, elle
passe, dit-on, avec l'esprit du défunt.
Cette incarnation se manifeste par le comportement, la
démarche, les gestes, la voix, le sourire et le styledes jeunes femmes
généralement identiques à ceux du disparu de son vivant.
On peut noter également des effets stylistiques et émotionnels
tels que l'humour, la comédie, le regret, le mécontentement etc.,
habituels au disparu. Chaque passage peut être est suivi d'une prise de
parole pour un dernier message que le défunt laisse à ses
proches. Il peut s'agir d'un message de reconnaissance à ses
bienfaiteurs de son vivant, de mécontentement, d'adieu, d'invitation
à l'amour, à la paix où à la réconciliation
entre personnes en conflits ou encore de legs. Toujours concernant le disparu
qui s'exprime par l'intermédiaire de la jeune femme qui l'incarne, il
produit parfois des gestes qui accompagnent son discours. Il peut, dans cette
dynamique, produire des gestes qui ne sont pas souvent compris par tous les
participants. Seuls les sages en comprennent généralement le sens
et c'est eux qui traduisent ces messages codés aux membres de la famille
après la cérémonie.
Aussi, les mouvements de la jeune femme sont très
souvent à l'image du disparu selon son état d'âme. Ainsi,
peut-elle circuler dans tous les sens quand le disparu est content ou refuse de
partir, ou alors ne pas faire du tout de mouvement et marcher tout droit vers
le cimetière quand le disparu se sent blessé, par exemple,
exprimer son regret ou son indignation suite à une mort
prématurée. Au niveau du costume des jeunes femmes, il
étaitautrefois choisi parmi les plus beaux vêtements du disparu
selon la manière dont celui-ci s'habillait de son vivant en situation de
fête. Mais aujourd'hui les tenues vestimentaires ont été
libéralisées de sorte que les jeunes femmes qui portent les
charges sont libres du choix de leur habillement pour la circonstance.
Au terme de la procession et de tous les mouvements, les
Lacôhlî sont abandonnés au cimetière.
Là-bas, la charge est laissée tomber de sorte à casser la
vaisselle de terre ou Côla. C'est à ce moment
précis que l'esprit du défunt quitte la charge et la jeune femme
l'ayant porté. Une fois la charge jetée et le Côla
cassé, on récupère le bas et les pagnes qu'on
ramène au village. Le reste est abandonné sur les lieux. Le bas
de la vaisselle qu'on récupère est gardé soigneusement
pour servir à des rituels d'adorationsannuellesdu défunt à
partir de la troisième année après les rites
funéraires.
Il faut ajouter aussi que porter le Lacôla est
très souvent une épreuve assez difficile pour la jeune femme, vue
les mouvements du défunt dont elle porte l'esprit. Elle peut tomber en
transe sur le chemin du départ au cimetièreou alors
s'évanouir une fois les charges abandonnées et l'esprit du
défunt parti. Parfois même en perte de connaissance, la jeune
femme doit être portée du cimetière jusqu'à
domicile.
Dans le passé, après le Côta tout
le village restait dans le silence et le recueillement. Le calme restait toute
la nuit pour laisser partir les défunts. Tout le monde dormait
très tôt de peur de rencontrer un fantôme, car il se raconte
qu'on pouvait sentir la révolte des morts qu'on venait d'accompagner. Il
n'était pas rare d'entendre leurs voix et leurs murmures tout au long de
la nuit. Cette nuit était sacrée et le village faisait peur
surtout qu'il faisait très noir, puisque le Côtaa lieu
avant la sortie de la lune.Mais avec le modernisme et surtout
l'électrification du village, des animations sont désormais
permises. Ainsi depuis quelques années, on assiste après le
Côta, notamment à partir de 21h, à un concert
populaire avec la présence d'artistes, suivi d'un bal poussière
jusqu'au matin du premier jour de la nouvelle année consacré aux
festivités du nouvel an.
2.2. La solennité du nouvel an
La deuxième grande étape du Gbônnô
est la célébration du nouvel an. Elle a lieu au lendemain du
Côta. C'est un jour de joie après l'affliction des
funérailles, mais surtout un jour de fête pour dire bonne
arrivée à la nouvelle année. Au réveil, on se
souhaite les meilleurs voeux pour la nouvelle année.
Mais déjà au matin, les femmes des familles
endeuillées font le tour des cours pour dire merci aux populations pour
leur aide dans l'organisation des obsèques de leurs parents la veille.
La matinée est également consacrée aux réunions de
familles etaux règlements des problèmes communautaires. On saisit
l'occasion pour interpeller les personnes qui ne viennent pas au village en
leur transmettant des messages par l'intermédiaire de ceux qui sont en
contact avec eux. Les doyens en profitent pour donner des conseils aux plus
jeunes. C'est un jour de retrouvailles entre parents, amis, connaissances et
invités. Pendant ce temps les femmes sont à la cuisine pour les
repas de fête. Chaque famille organise sa fête à sa
manière. C'est un jour de partage et de solidarité. Les uns et
les autres s'invitent entre amis pour déjeuner.
La solennité du nouvel an est marquée surtout
par une grande cérémonie protocolaire qui aboutit à un bal
dansant jusqu'à l'aube. La cérémonie enregistre aussi
diverses prestations, notamment des défilés(7(*)).Les défilés sont
l'une des plus grandes séquences et une étape très
attendue du Gbônnô. Ils consistent en une parade carnavalesque des
populations par catégories d'âges et professionnelles, au son de
la fanfare. C'est une occasion d'intégration et de promotion des
différentes couches sociales en présence dans le village
notamment les enfants, les jeunes filles, les femmes et les jeunes.La
procession commence par les enfants et les élèves de
l'école primaire du village. Vêtus de leurs plus beaux habits, ils
passent devant toute l'assemblée en colonies organisées de deux
(2) rangées, sous le regard admiratif et passionnant de leurs parents et
des festivaliers. Ceux-ci sont suivis des jeunes filles, des femmes et des
jeunes hommes qui défilent généralement par groupes
formés sur des critères d'âges, de mouvements associatifs
ou de catégories professionnelles. C'est ainsi qu'on peut les voir
suivre le mouvement, des plus jeunes aux plus âgées, très
souvent en uniformes différents ou costumes marrants avec des
instruments et objets tels que des poteries pour symboliser l'activité
qu'ils exercent ou leur rôle dans la société. Ce
défilé se veut aussi une sorte de jeu théâtral qui
attire l'attention de toute l'assemblée. Il donne lieu à des
déguisements et des jeux d'acteurs. Chaque défilant choisit un
rôle spécifique pour lequel il est déguisé.
Au-delà de ce caractère lyrique, le défilé est
aussi un moyen de socialisation, mais surtout une entremise d'éducation
et de sensibilisation aux réalités de la société.
Pour l'édition 2014 par exemple, des jeunes ont choisi de sensibiliser
les populations sur la fièvre hémorragique Ebola en se passant
pour des agents de santé lors de leur défilé (voir l'image
ci-dessous).
6- Scène de sensibilisation sur Ebola lors des
défilés du nouvel an au Gbônnô 2014
Source : KOUAKOU Kouassi Maliret, Motiamo le 21 novembre
2014
En plus des défilés qui donnent un
caractère festivalier à la cérémonie, les
festivitéssolennelles du nouvel an enregistrent la présence
d'artistesqui viennent donner des spectacles gratuits. Il s'agit
généralement d'artistes locaux et parfois même de la
scène nationale. Ceux-ci interviennent tout le long du
déroulement de la cérémonie meublée
également d'allocutions, de remise de prix etc. L'annonce de la
présence d'artistes attire les populations des villages voisins. Ainsi,
de même que lors du Côta la veille, le village devient ce
jour-là un pôle attractif d'animation culturelle et de show.
Cette cérémonie est assortie d'un spectacle
géant offert par la fanfare du village débouchant sur une
soirée dansante jusqu'à l'aube. La place publique se transforme
pour l'occasion en un théâtre plein air. Au rythme des meilleures
mélodies de la fanfare reconnue dans tout le département pour son
savoir-faire, les populations et les festivaliers partagent leur joie dans la
liesse populaire et à travers la danse. Le bal dure jusqu'à 21h
environ, pour faire place ensuite à une soirée dansante au son
des appareils de sonorisation spécialement affectés pour
l'évènement. Pendant ce temps, les maquis et bars battent
également leurs pleins, servant de cadres de rencontres, de
récréations et de passe-temps entre amis en fête.
Après les festivités officielles du premier
jour de la nouvelle année, la fête se poursuit le lendemain avec
notamment des rencontres sportives. En effet, des tournois de footballet matchs
de gala sont organisés à l'occasion de la fête, pour mettre
en compétition les différentes couches sociales dans un esprit de
brassage, de fraternité et de cohésion entre les populations.
Ces activités sportives, rites traditionnels et autres
formesd'animations culturelles qui environnent l'évènement,
participent de son caractère socioculturel.
Chapitre 4 : DIMENSION SOCIOCULTURELLE DE
L'EVENEMENT
I. INTERET DE LA CELEBRATION
1. Les fonctions du Gbônnô
Les fonctions du Gbônnô, en tant que rites
funéraires annuels et fête de nouvel an, s'apprécient au
niveau traditionnel, social et économique.
1.1. La portée religieuse et traditionnelle
Interrogé surl'intérêt religieux et la
fonction traditionnelle de la célébration, notre informateur
délégué, le notable Kouamé Kouman,nous confie qu'un
décès non célébré entraine des malheurs dans
le village et que les rites qui accompagnent la cérémonie sont
une libération pour les couples et les familles car ilseffacent les
impuretés des défunts. Il ajoute que lacélébration
permet de purifier le village. On comprend donc que c'est une occasion de
confier le village à Dieu et aux ancêtres avant le début de
la nouvelle année. C'est d'ailleurs tout le sens des sacrifices, rites
et libations faites en l'honneur de Dieu, des Voûga ou
fétiches et des ancêtres tout le long du déroulement de la
célébration pour implorer leur pardon et demander leur
protection. Il s'agit surtout de sanctifier et d'épurer le village de
toutes souillures avantd'entamer la nouvelle année avec joie et
espérance, mais aussi de prier pour éviter le maximum de
dégâts, de malheurs et de décès dans le village. Il
nous revient effectivement que cette coutume est un facteur de paix, de
quiétude et de stabilité sociale dans le village, avec une
limitation optimale des malheurs et des décès. Cependant, une
célébration faussée au niveau de la période ou des
dates entraine beaucoup de problèmes. C'est pourquoi seuls les sages
sont habilités à annoncer la date de l'évènement
à partir d'un calcul du temps dont ils ont l'exclusivité du
secret.
1.2. L'apport social et économique
Sur le plan social, le Gbônnô se veut avant toutun
moment de retrouvailles. En effet, les populations se retrouvent difficilement
pendant l'année en raison de leurs lieux de résidences souvent
éloignés du village, car celles-ci voyagent beaucoup, pour
certaines, à la recherche d'un mieux-être.Dès lors, il y'a
parfois rupture de contacts et de communication entre les parents restés
au village et ceux partis à à l'aventure, de même que entre
ceux résidants à des localités diverses hors du village.
Ainsi, la seule occasion de se revoirdans l'année apparait
l'opportunité unique de l'évènement ou tout le monde est
attendu au village. C'est d'ailleurs à cette circonstance que les uns et
les autres se donnent généralement rendez-vous pour les questions
d'intérêts privés, familiaux et même communautaires.
Car le Gbônnô est un moment d'arbitrage définitif de tous
les problèmes ou conflits, avant l'entame de la nouvelle année.
Le village devient ainsi un point de convergence pour toutes les populations.
La fête créée aussi une dynamique de socialisation,
d'intégration, de rapprochement, de rassemblement et surtout de
renforcement de l'union, la fraternité, la solidarité, la paix et
la cohésion sociale entre les populations.
Le Gbônnô a égalementun apport
économique. En effet les populations qui arrivent pour la circonstance,
ont besoin de se nourrir. La fourniture de vivres et de nourriture devient une
opportunité commerciale engendrant une activité économique
dans le domaine de la restauration et de la commercialisation de l'igname,
principal produit de consommation. C'est aussi une occasion de bonnes recettes
pour les restaurants et bars du village. Par ailleurs,le Gbônnô
marque le démarrage de nouveaux projets dans le village. Les populations
qui reviennent de voyage arrivent avec des devises importantes pour la mise en
oeuvre de nouveaux projets d'investissements notamment dans le domaine de la
construction et de l'agriculture.
2. Les enjeux culturels de l'évènement
Au-delà de ses fonctions traditionnelles, sociales et
économiques, le Gbônnô est un évènement
d'animation culturelle aux enjeux multiples.
2.1. L'affirmation du dynamisme et l'unité de la
société
Cette fête traditionnelle témoigne de la
solidarité dans le village et l'union entre les populations. Elle
renforce le lien de fraternité entre les familles et les individus. Ces
valeurs se manifestent notamment par la mobilisation de toute la
communauté lors des rites funéraires. D'ailleurs il se dit dans
le village qu'un deuil n'appartient pas à une seule personne ou une
seule famille. C'est pourquoi lors des rites funéraires, tout le village
se mobilise pour soutenir les familles endeuillées à toutes les
étapes de l'organisation. Les rites funéraires annuels permettent
en outre d'éviter les funérailles grandioses. C'est ce qui
explique même le fait qu'on reporte les funérailles après
l'enterrement pour les organiser à la fin de l'année, dans un
cadre participatif et organisé. Ces valeurs sont
perpétuées à tous les niveaux de la société
(enfants, jeunes et adultes), si bien que la société est
organisée par classes d'âges au sein desquelles se pratiquent et
se partagent ces vertus. L'évènement renforce donc l'unité
entre les populations qui réaffirment ainsi qu'elles forment une
communauté de destin unie et forte.
2.2. L'expression de la vivacité du patrimoine
culturel local
Le Gbônnô se veut un vecteur de valorisation et de
promotion de l'identité de la communauté. Il permet au village de
réaffirmer son attachement à sa tradition et identifie les
populations à leur histoire et leur civilisation. Les rites qui
accompagnent la célébration démontrent la vivacité
et l'authenticité de l'identité traditionnelle des populations.
Par exemple le culte des morts, notamment les rites funéraires annuels,
constitue une marque d'identification des Dègah dans leur milieu de
coexistence. Aussi, d'autres coutumes comme l'invocation de Korowiri
(Dieu) à travers lesVoûga (fétiches), les
sacrifices d'animaux en l'honneur des divinités,etc., nous donnent de
découvrir les croyances primitives des populations. Par ces usages
hérités des ancêtres et perpétués dans le
temps malgré l'influence du modernisme et l'expansion des religions
révélées, les populations affirment leur enracinement dans
leur culturetraditionnelle, gage de leur protection contre le risque
d'assimilation à d'autres peuples de leur environnement
géographique. L'évènement favorise également
l'immersion des populations dans l'immensité et la richesse de leur
patrimoine culturel et suscite un éveil culturel chez celles-ci. Car il
donne l'occasion aux festivaliers de se familiariser avec les
différentes formes d'expressions artistiques et culturelles en vigueur
dans le village, notamment les danses et chants traditionnels avec tous les
instruments qui les accompagnent, les musiques populaires, les créations
artistiques etc. Le Gbônnô est la seule occasion où toutes
les danses traditionnelles sont autorisées. Il permet aux populations de
mettre en valeur leur patrimoine culturel à travers notamment des
spectacles de danses et chants traditionnels éclatés, des
soirées artistiques et concerts, des animations populaires et
exhibitions de tous genres. A toutes ces fonctions, il faut ajouter l'enjeu
éducatif de la célébration. En effet, le
Gbônnô a une valeur initiatique pour les jeunes. Il leur donne de
se familiariser avec leurs coutumes, d'aimer et de pratiquer leur culture pour
garantir son dynamisme et sa transmission aux générations
futures. En somme, l'évènement permet de découvrir la
vivacité du patrimoine culturel duvillage, favorise la conservation et
la pérennité des traditions populaires et pratiques culturelles
de la communauté.
III. ENVIRONNEMENT ORGANISATIONNEL
1. Les acteurs de l'organisation
Le Gbônnô est avant tout un rite traditionnel
faisant parti des us et coutumes du village. Il est tout à fait
indiqué donc que la responsabilité de l'organisation incombe de
chef au pouvoir traditionnel du village, c'est-à-dire la chefferie.
C'est d'ailleurs elle qui en est à l'origine, puisque c'est elle qui a
la charge des défunts animistes dont les funérailles
définitives ont lieu pendant l'évènement. C'est aussi elle
qui détermine la fin et le début de l'année selon le
calendrier traditionnel, fixe la date de l'évènement et autorise
le début de la célébration. Elle est au coeur de toutes
les cérémonies qui meublent l'évènement et
détient le droit exclusif de tous les rituels qui accompagnent la
célébration. C'est dire au total que la chefferie apparaitcomme
l'organisateur principal de l'évènement.
Cependant, bien d'autres catégories de personnes aux
rôles déterminantsinterviennent dans le déroulement de la
célébration. Il s'agit notamment des femmes, les sacrificateurs,
les porteuses des charges contenant l'âme des défunts,
l'association des jeunes du village et les scouts.
Les femmes occupent une place de choix dans l'organisation du
Gbônnô, spécialement en ce qui concerne son volet
funérailles ou lourri.Elles interviennent en amont dans la
préparation de la boisson traditionnelle qui sert pour les rituels.
Cette tâche leur est exclusivement confiée dans la logique de leur
place dans la société en tant que chargées des
tâches ménagères, surtout que dans l'environnement
linguistique des Gur dont les Dègah font partir, la vente de cette
boisson est une activité commerciale réservée aux femmes
qui ont un savoir-faire exceptionnel en la matière. Pendant tout le
déroulement des rites funéraires, elles restent en permanence
dans les familles de deuil jusqu'au Côta qui symbolise
l'accompagnement des morts et la fin des funérailles. C'est aussi elles
qui, dans la logique de leur fonction maternelle, confectionnent le
Côta-coûliî qu'elles donnent elles-mêmes en
offrande aux défunts comme dernier repas avant leur départ
définitif au pays des morts. Toute la durée de
l'évènement, elles restent à la tâche pour soutenir
les hommes et faire à manger à leurs familles et aux
étrangers qui arrivent nombreux pour la circonstance. C'est ce
mérite qui leur vaut d'être célébrées lors de
la cérémonie officielle de la fête du nouvel an à
travers les honneurs qu'on leur rend par les défilés qu'on leur
permet.
Il y'a aussi les sacrificateurs et les porteuses des
Lacôhlî ou charges contenant l'âme des
défunts. Ces personnes ne sont pas choisies au hasard. Pour chaque
famille en deuil, il existe une famille alliée à qui il revient
ces deux (2) responsabilités. C'est de cette famille alliée que
viennent forcément celui qui offre les animaux en sacrifice et celle qui
va porter la charge. Cette coutume s'explique par les rapports interculturels
et alliances qui existent entre les deux familles. En effet, en cas de litige
dans une famille donnée, la médiation de la famille alliée
contraint les protagonistes à trouver un accord et à faire la
paix. De même, les défunts doivent impérativement
agréer les prières qui leur sont adressées et accepter de
quitter définitivement les siens dès l'instant où un
membre de la famille alliée intervient dans les rituels.
Un autre acteur important de l'organisation de
l'évènement est la jeunesse du village. Celle-ci intervient
quelques fois aux côtés des sages qu'ils observent pour apprendre
auprès d'eux en vue d'assurer valablement leur relève et pour
garantir la transmission et la pérennité de la coutume. Mais dans
l'entendement des jeunes, le Gbônnô est avant tout la plus grande
fête du village dont ils ont l'obligation de s'approprier pour en
garantir le succès. C'est pourquoi ils s'investissent pleinement dans
l'organisation au sein d'un comité d'organisation dont la charge
principale est la gestion des moyens matériels requis notamment les
bâches, chaises et sonorisation, et l'organisation des danses
traditionnelles.
La jeunesse intervient également aux côtés
des scouts du village dans le maintien d'ordre et la sécurité
pendant les activités. Les scouts sont réputés pour leur
expérience qu'ils acceptent volontairement de mettre au service du
village par leur intervention notamment lors du Côta ou
l'accompagnement des morts et pendant la fête solennelle du nouvel an
pour assurer l'ordre et la sécurité. Cette participation des
scouts témoigne du caractère festif et socioculturel de
l'évènement bien qu'ayant un fondement traditionnel.
2. L'implication des populations et la mobilisation
extérieure
Le Gbônnô est un évènement
communautaire qui implique tout le village et toutes les populations. A cet
effet, chacun y met du sien pour contribuer à son succès. Dans le
village, la célébration fait l'objet d'une préparation de
longue date, tant en famille que de manière individuelle. Pour les
populations résidant, c'est une tradition identitaire et une fête
populaire qui engage obligatoirement tout un chacun. Par contre chez les
ressortissants du village vivant à l'intérieur du pays, notamment
dans les régions forestières, l'évènement est vu
avant tout comme une cérémonie funéraire. Ainsi, ils sont
attirés au village pour la circonstance soit au motif des
funérailles d'un parent ou proche, soit pour un rendez-vous de famille
ou un intérêt personnel. En ce qui concerne les Dègah
d'Abidjan originaires du village, les enquêtes que nous avons
menées révèlent que deux raisons principales peuvent
justifier leur participation à l'évènement, à
savoir les rites funéraires surtout quand ils concernent un parent, et
les retrouvailles annuelles à l'occasion de la fête du nouvel an.
En effet, ils conçoivent doublement la célébration comme
une fête traditionnelle annuelle à laquelle ils prennent part
fréquemmentet massivement,sous la coordination de la mutuelle du village
basée à Abidjan. Interrogés justement sur l'implication de
la mutuelle dans l'organisation de l'évènement, MM.
KOUAMESié Yao et SIE Koffi, tous deuxressortissants de Motiamo
résidants à Abidjan et membres du bureau de la mutuelle,
expliquent qu'il n'y avait pas d'organisation particulière par le
passé. Mais avec le modernisme, la mutuelle s'y implique. D'ailleurs
à chaque édition elle organise des convois à destination
du village et fait sortir des pages uniformesdont un pour les
funérailles qu'on appelle Kôbînin et un autre pour
la fête du nouvel an dénommé
Yâ-yé.
A côté de ces immanquables festivaliers, il faut
compter aussi les invités et les étrangers. A l'occasion de
l'évènement, beaucoup de parents viennent de Boromba et Zagala
ainsi que des villages Dègah du Ghana voisin, car il existe des rapports
très forts et des liens familiaux très étroits entre les
populations du village et les groupes Dègah restés au Ghana
pendant leur migration vers la Côte d'Ivoire. Pour la circonstance, le
village reçoit aussi de nombreux étrangers en provenance des
villages voisins et de bien d'autres localités environnantes. Il faut
ajouter également les amis, connaissances et invités qui arrivent
soit par solidarité à une famille endeuillée ou pour
participer à la fête. Enfin il y'a les populations des villages
voisins qui constituent un public important des différents spectacles
pendant l'évènement. La fête est souvent même objet
de parrainage à la demande de l'association des jeunes. Pour
l'édition 2014 par exemple, l'évènement a
enregistré une forte présence de la presse, à l'invitation
du parrain DIAKA Koffi KoumanEugène, commissaire de police à la
retraite originaire du village.
Troisième partie :
REGARD CRITIQUE SUR L'EVENEMENT ET PROPOSITIONS DE
STRATEGIES POUR SA VALORISATION
251660288
Chapitre 5: OBSERVATIONSSUR L'ENVIRONNEMENTSOCIAL
ET ORGANISATIONNEL DU GBÔNNÔ
I. LES MENACES SUR LA CELEBRATION
1. La problématique de la programmationet la
transmission
Le Gbônnô est une pratique folklorique historique
indissociable de la vie du village de Motiamo. Il constitue un symbole
d'identité pour la communauté et un rite religieux aux fonctions
aussi bien traditionnelles, sociales que culturelles. Cependant,
l'évènement fait face à un problème de
programmation logique qui puisse permettre de prévoir un dispositif
organisationnel dans le temps. Car le trop grand secret autour de la fixation
de la période de la célébration ne permet pas d'anticiper
sur les préparatifs, encore moins d'établir un programme
prévisionnel par rapport à l'évènement. Cette
difficulté constitueégalement un embarras à la
participation de certaines catégories de personnes, surtout les cadres,
fonctionnaires, travailleurs du privé, élèves et
étudiants, etc., qui sont confrontés très souvent à
un problème d'emploi du temps pendant que l'évènement a
lieu.Par ailleurs, l'évènement souffre d'un problème de
datation. La période de déroulement de la
célébration est définie selon le calendrier traditionnel
Dègah. Mais pour manque de référentiel calendaire, les
sages doivent s'en tenir à une estimation hypothétique du temps
à partir de certaines circonstances naturelles connues seulement d'eux,
qu'ils prennent comme références, ce qui engendre parfois des
célébrations faussées au niveau de la
périodicité, avec bien sûr toutes les conséquences
qui peuvent s'en suivre. De plus, la détermination des jours et le
calcul des dates pour la fixation de la période de
l'évènement étant jusque-là un secret des sages
seulement, nous sommes tentés de nous demander si la
célébration n'est pas de plus en plus compromise, vu que cela
pose un problème de transmission aux jeunes qui sont plutôt
attirés vers d'autres intérêts plus modernes, loin de leur
tradition.
Une autre préoccupation importante relative à la
perpétuation du Gbônnô est la question de la transmission
des danses et chants traditionnels. L'authenticité et la valeur
traditionaliste de la célébrationrésident aussi dans
l'originalité des danses et chants exécutés à
l'occasion de l'évènement. Aujourd'hui, ces danses tendent
à disparaitre, faute de personnes qui sachent les pratiquer ou les
exécuter. Ainsi, les veillées traditionnelles font
progressivement place à d'autres formes d'animationpopulaireavec des
moyens modernes comme la fanfare ou la régie son. Les jeunes se
désintéressent aux danses, de sorte que rares sont les personnes
qui savent comment elles se pratiquent. Dès lors, certaines
étapes importantes de la célébration sont en train
d'être progressivement abandonnées, ce qui constitue à la
longue un risque de dénaturation de l'évènement et surtout
une menace sur la transmission du patrimoine culturel immatériel du
village aux générations futures.
2. L'influence des religions
révélées
Le Gbônnô est un évènement
d'intérêt collectif pour l'ensemble de la communauté
villageoise. Il se veut une valeur patrimoniale pour le village, un instrument
représentatif de l'identité culturelle et traditionnelle des
populations et un symbole de l'appartenance de chaque individu à la
communauté. Les rites qui accompagnent la célébration sont
faits dans l'intérêt de toutes les populations sans aucune
distinction. Pourtant, dans son aspect funéraire, la
célébration est réduite seulement aux défunts ne
pratiquant ni le christianisme, ni l'islam. Car conformément aux
principes de ces religions, une fois le défunt enseveli avec tous les
rites d'accompagnement, il n'est plus question de cérémonies
traditionnelles ou rites funéraires quelconques. Or la
réalité actuelle est que, outre quelques individus non encore
croyants, presque chaque personne dans le village a une appartenance entre le
christianisme et l'islam. Ainsi, de plus en plus le nombre de
décès à célébrer lors des rites
funéraires annuels s'amenuise, ce qui constitue une sérieuse
menace sur la pérennité de la célébration. La
conséquence imminentede cette réalité est que le
Gbônnô pourrait à la longue se réduire seulement
à la cérémonie de la fête du nouvel an, sans son
aspect traditionnel et originel qui est les rites funéraires.
Interrogé sur la question de savoir pourquoi les
chrétiens s'excluent des rites funéraires annuels lors du
Gbônnô, le catéchiste du village, M. DAPHA Jonas, nous
explique que c'est dans le respect des principes bibliques et des
recommandations de l'évêque. Mais pour lui, le fait de ne pas
prendre en compte les défunts chrétiens ou musulmans ne signifie
pas que les croyants ne participent pas à la cérémonie,
car tous y sont impliqués dès l'instant où un
défunt parent ou proche est concerné par les rites, surtout que
des rituels comme le Hilatchôguî s'imposent à tous,
même les chrétiens et les musulmans. Pour le président des
jeunes du village M. KOUAKOU Simon, le Gbônnô ne disparaitra pas,
car il y'aura toujours un moyen sage de contourner les menaces auxquelles il
fait face en vue d'assurer sa pérennité. En outre, le commissaire
à la retraite DIAKA Koffi Kouman Eugène, fils du village et
parrain de l'édition 2014, nous confie que l'évêque avec
qui il a eu une entrevue, au sujet du Gbônnô, a avoué qu'il
aurait autorisé les chrétiens du village à y être
associés si au préalable il avait eu plus d'informations sur
l'évènement, car maintenant instruit, il considèrela
célébration comme une pratique purement culturelle et une
croyance non contraire aux principes bibliques.
II. LE DIAGNOSTIC DU CADRE ORGANISATIONNEL
1. Les limites du plan d'organisation
En tant que fête traditionnelle annuelle, le
Gbônnô est une occasion d'animation culturelle qui attire une foule
de festivaliers aux origines diverses. La célébration revêt
d'une si grande dimension qu'elle nécessite une préparation
conséquente et une méthode cohérente d'organisation. Cela
suppose un dispositif coordonné qui départage les
responsabilités en vue d'une efficacité dans l'action et la
réussite de l'évènement. Il est vrai qu'en termes de
savoir-faire, les acteurs de l'organisation se distinguent par leurs
expériences traditionnelles et rudimentaires qui permettent d'assurer le
déroulement de la célébration. Mais ces techniques
organisationnelles s'avèrent très limitées, car elles ne
favorisent pas la modernisation et la professionnalisation de
l'évènement.
En effet, outre le comité local des jeunes dont
l'action se limite seulement à la logistique, notamment la mise en place
des bâches et chaises, l'organisation du Gbônnô ne repose sur
aucune structure formelle et officielle impliquant les différentes
couches sociales du village. Quand bien même la mutuelle intervient
parfois en appui aux jeunes du village pour l'acquisition de matériels,
elle n'est pas directement impliquée dans l'organisation de
l'évènement qui se veut pourtant unique. Il en est de même
pour l'union des élèves et étudiants du village qui n'a
pas une responsabilité explicite dans la célébration,
ainsi que l'association des femmes dont l'implication n'est pas officielle.
Plusieurs aspects techniques inhérents à l'organisation d'un
évènement de si grande envergure échappent du coup au
contrôle de l'association des jeunes qui doit s'en tenir aux moyens de
bord dont elle dispose. Il s'agit par exemple du manque demoyens
médicaux pour la prise en charge de la santé des festivaliers,
l'absence d'un dispositif sécuritaire pour contenir la masse lorsqu'il
y'a des débordements, l'absence de communication autours de
l'évènement pour l'ouvrir au reste du monde etc. Aussi, le manque
d'un plan d'organisation coordonné ne favorise pas le
développement d'activités complémentaires
d'intérêts communautaires, de sorte que l'évènement
se trouve réduit à sa seule dimension rituelle et festive.
2. L'absence de communication autour de
l'évènement
Lors de notre séjour de recherche à Motiamo
pendant l'édition 2014 de l'évènement, il nous a
été donné de constater le caractère original,
authentique et attrayant du Gbônnô qui se veut un festival unique
dans le département. Cependant, loin d'être un rendez-vous
culturel officiel bien connu, l'évènement se réduit
à une simple manifestation traditionnelle réunissant seulement
les ressortissants du village et quelques invités. A l'origine de cet
état des faits, il y'a le manque de communication sur
l'évènement. Cette faiblesse a été relevée
par le président des jeunes du village qui a affirmé qu'il
n'existe aucune stratégie de communication qui accompagne
l'évènement. Il ajoute par ailleurs que même l'idée
de parrainage de la cérémonie est très récente, car
le trop grand secret autour de la célébration ne permet pas de
connaitre la date longtemps avant, pour envisager des démarches dans ce
sens. Ainsi, l'évènement se retrouve cantonné et
limité à une fête de village seulement. Aussi, la
célébration souffre d'un manque de promotion et d'ouverture sur
l'extérieure. Aucune institution ou structure extérieure n'est
associée à l'évènement. Nos contacts à la
mairie de Bondoukou et à la Direction Régionale de la Culture et
de la Francophonie de la ville ne disent pas le contraire.
Interviewée sur la question, Mlle KONIN Gnangoran
Brigitte, chef du service socioculturel de la mairie de Bondoukou que nous
avons eu à rencontrer dans le cadre de nos enquêtes, nous confie
que la mairie n'est pas impliquée dans l'évènement car
elle n'a jamais été saisie à cet effet. A notre
curiosité de savoir si faute d'être saisie, la mairie avait
connaissance de l'existence de l'évènement, le chef du
socioculturel répond par la négation et affirme même que la
mairie n'a à ce jour pas encore réalisé un inventaire des
évènements culturels qui ont lieu dans la commune. Elle ajoute
qu'à défaut d'être acteur d'un quelconque
évènement dans la commune, l'intervention socioculturelle de la
mairie consisteseulement à répondre à des invitations pour
des cérémonies culturelles ou à apporter juste une
assistance matérielle à des cérémonies pour
lesquelles elle est sollicitée.
A l'absence du Directeur Régional de la Culture et de
la Francophonie, une entrevue avec M. KOUAME Apollinaire, Conseiller Adjoint
d'Action Culturelle au sein de ladite Direction, nous donne d'apprendre que la
DRCF de Bondoukou n'a paségalement connaissance de
l'évènement. Il nous explique même que la DRCF de Bondoukou
existe depuis 2008, mais elle n'est pas informée de la
célébration. Il ajoute par ailleurs que la DRCF aurait pu y
participer si elle avait été saisie par les organisateurs, ou
alors elle aurait fait une prospection sur l'évènement si elle en
savait l'existence. M. KOUAME Apollinaire reconnait en outre que la DRCF ne
dispose pas d'un évènement dont elle est le principal
organisateur, car le Festival du Zanzan ou Vacance Culture auxquels elle prend
part sont une activité du ministère. Il conclut que la DRCF est
donc prête à accompagner ou à s'approprier tout
évènement culturel comme le Gbônnô, pour en faire une
activité phare dans la région, à condition qu'il soit
authentique et original.
Chapitre 6 :STRATEGIES ENVISAGEABLES POUR LA
VALORISATION DE L'EVENEMENT
I. LA MOBILISATION AUTOUR DE L'EVENEMENT
1. L'initiation des jeunes aux usagesliés à
la tradition
Pour favoriser la transmission et la pérennité
du Gbônnô, il est indispensable que les jeunes soient
conséquemment préparés et aguerris pour assurer la
relève du traditionalisme. Mais cette tâche parait d'autant plus
difficile que sous l'effet du modernisme, les jeunes ont tendance à
tourner le dos à tout ce qui est en rapport avec la tradition. D'abord
ceux qui vont à l'école (la majorité d'ailleurs), sont
obligés de vivre loin de leurs coutumes, selon une civilisation
« plus moderne et universelle ». Et ceux qui sont
restés au village aussi doivent faire face aux agressions des mouvements
urbains et à l'influence des religions révélées qui
les détournent manifestement de la tradition. Dès lors, une
perspective d'initiation et de formation s'impose.
Ainsi, les questions de programmation évoquées
plus haut liées aux difficultés pour déterminer la
période exacte de l'évènement afin d'anticiper sur les
préparatifs, nous donnent d'estimer qu'il est impératif de
préparer des jeunes qui sachent calculer les dates de sorte que la
période de la célébration soit déjà
fixée dès l'entame de la nouvelle année traditionnelle.
C'est à ce prix qu'une bonne organisation peut être mise en place
pour favoriser la vulgarisation et la vitalité de
l'évènement à l'instar des grandes plates-formes
d'expressions culturelles comme l'Abissa à Grand-Bassam ou le
Popo-carnaval à Bonoua. Cela suppose la conception d'un calendrier
traditionnel Dègah qui puisse servir de référence à
tous. Cette suggestion s'adresse aux sages qui doivent accepter de transmettre
leur savoir aux jeunes, mais aussi à la mutuelle du village qui doit
s'investir dans le projet et organiser la formation. A cet effet, il doit
être envisagé la création d'une académie de
formation à l'intention de la jeunesse du village ou d'un groupe de
jeunes sélectionnés pour être spécialement
initiés et formés.
L'idée d'une académie de formation nous parait
si importante et précieuse qu'elle permettra également de
familiariser les jeunes avec les danses traditionnelles et la culture
immatérielle du village. En effet, il a été
constaté que les danses traditionnelles se meurent faute d'un
savoir-faire de la jeunesse à la matière, au point ou les
veillées traditionnelles sont en train de disparaitre. Ainsi, il est
urgent de ressusciter ces danses en favorisant leur transmission aux jeunes. Il
est heureux et chanceux d'avoir encore quelques personnes âgées
qui savent pratiquer ces danses. C'est pourquoi, dans l'urgence il faut initier
des séances de formation à l'endroit des jeunes sur toutes les
danses et chants traditionnels qui font partir de l'histoire du village. Cela
permettra de conserver l'originalité de la célébration
certes, mais surtout d'assurer la sauvegarde du patrimoine immatériel du
village. Pour ce faire, nous suggérons que le concept d'Académie
de Formation, sur lequel nous insistons, prenne rapidement forme pour favoriser
la transmission de la tradition aux jeunes au sein d'ateliers
spécialisés, sous l'encadrement des initiés ou encore les
dépositaires du savoir et du savoir-faire. Un autre défi
lié à la pérennité du Gbônnô est
l'initiation des jeunes aux pratiques rituelles qui ont cours pendant la
célébration. Pour que l'évènement survive aux
menaces auxquelles il fait face, il est important que les jeunes soient
préparés. Pour ce faire, ils doivent être constamment
proches des sages pendant la cérémonie pour apprendre d'eux. Bien
sûr que cela demande un travail de sensibilisation de la jeunesse.
Il convient également de repenser l'espace
scénographique des festivités du nouvel an et des animations qui
accompagnent l'évènement. Faute d'une salle de
cérémonies ou de spectacles aménagée, la fête
se déroule sur un espaceplein air avec un sol bondé de sable.
Ainsi, tout le long du déroulement des cérémonies
officielles et des concerts qui s'en suivent, le public est contraint de
baigner dans la poussière et même parfois dans la boue lorsqu'il
pleut, avec des conséquences sanitaires incommensurables. Dès
lors, il y'a nécessité d'entrevoir la construction d'une salle de
spectacle ou un foyer de jeunes bien aménagé et
équipé, pour abriter les cérémonies festives. En
plus des festivités du Gbônnô, un tel équipement
favorisera l'animation socioculturelle dans le village et contribuera ainsi
à la sauvegarde des pratiques culturelles en péril. Mais avant la
concrétisation de cette recommandation, il est indispensable de
réaménager la place actuelle de déroulement des
manifestations pour la transformer en une grande terrasse cimentée ou
sol en dure commode pour toutes festivités, sans aucun risque sanitaire
lié à la poussière et autres.
Afind'assurer la pérennité du peuple
Dègah et la protection de la langue contre les menaces sur sa
sauvegarde,au regard de sa minorité aussi bien au plan national
qu'international, il parait plus qu'indispensable d'agir, en prenant des
dispositions urgentes auxquelles toutes les populations doivent adhérer.
A cet effet, la première action qu'il convient d'engager, c'est la
sensibilisation des populations, surtout celles vivant en dehors du village
notamment à Abidjan et dans certaines villes du pays profond. Elles
doivent prendre conscience de la nécessité de s'attacher à
leurs origines et à leur patois qu'elles doivent aimer, défendre,
vulgariser et transmettre à leurs progénitures. Elles doivent
patoiser avec leurs enfants et les intégrer dans la communauté
afin qu'ils ne soient pas dispersés et assimilés à
d'autres peuples. Car leur appartenance ethnique et culturelle détermine
leur identité au sein de la société. Ainsi, la
nécessaire participation au Gbônnô doit être une
recommandation pour toutes les populations, y compris les enfants, afin de leur
permettre de se familiariser avec leur culture et leurs origines. La
sensibilisation doit être permanente et chaque occasion de rassemblement
doit être mise à profit. Aussi, des dispositions vigoureuses
doivent être envisagées pour favoriser l'intégration de
chaque ressortissant Dègah à cet idéal de
communauté vivante et populaire. Pour y arriver, nous suggérons
entre autre la promotion du mariage intra-Dègah. Par la sensibilisation
et des conditions de dots allégées, les autorités
coutumières et les parents doivent encouragerles jeunes aux
épousailles internes entre ressortissants Dègah afin de favoriser
l'accroissement de la communauté, gage de son dynamisme et sa
pérennité. Enfin, nous conseillons la création d'un Centre
de Linguistique et d'Animation Culturelle Dègah, pour permettre le
recyclage et la formation linguistique des jeunes,la promotion de la culture
Dègah par des activités d'animationcomme des journées
artistiques, des festivals de contes et danses traditionnels, l'organisation
d'activitéstelles que des rencontres culturelles, des festivals
traditionnels etc., consacrés à la promotion du peuple
Dègah(8(*)).
2. L'implication des autorités administratives
locales et la mise en place d'un conseil de sauvegarde de
l'évènement
La dynamisation du Gbônnô suppose qu'il soit
reconnu par les autorités administratives comme un rite traditionnel
témoignant de l'identité du peuple Dègah de Motiamo, et
qu'à ce titre, il peut être considéré comme faisant
partir du patrimoine culturel national. Cela veut dire que
l'évènement doit aller au-delà de son environnement de
déroulement actuel pour émerger comme un évènement
culturel institutionnel et officiel dans la région. Ceci sous-entend
également que les autorités administratives et culturelles de la
commune de Bondoukou et de la région du Gontougo doivent être
saisies de la célébration en vue d'y être
associés.
C'est pourquoi notre recommandation à ce niveau porte
sur un rapprochement avec la mairie, le conseil régional et la DRCF de
Bondoukou pour leur présenter l'évènement et demander leur
accompagnement dans l'organisation. Il est important de se rapprocher de ces
structures, car leur collaboration est un gage de positionnement de la
célébration comme un évènement de dimension
régionale. Leur appui, de quelque nature que ce soit, est une garantie
pour le positionnement de l'activité en tant que rendez-vous culturel
annuel dans la région.
Par ailleurs, l'implication de ces structures peut favoriser
la protection juridique de l'évènement pour le préserver
contre tous risques de disparition. Il s'agit justement de proposer
l'inscription de l'évènement à l'inventaire
régional et national du patrimoine culturel immatériel pour qu'il
soit reconnu comme un évènement d'intérêt
général. Pour ce faire, il faut qu'il soit constitué une
documentation assez fournie sur l'évènement, à transmettre
aux structures susnommées pour leur permettre d'effectuer une
étude prospective visant à vérifier la valeur authentique
et originale de la célébration en vue de son classement comme
patrimoine. Cette charge incombe à la mutuelle qui doit entreprendre des
démarches à cet effet. En effet, si l'évènement est
classé patrimoine régional et national, les populations auront
l'obligation d'assurer la continuité de la célébration
quelques soient les menaces. Car des dispositions seront obligatoirement
trouvées pour contourner les risques qui peuvent entraver sa
transmission.
En outre, la mise en place d'un Conseil Multipartite de
Sauvegarde de l'évènement s'impose pour assurer le suivi de la
pérennité et la conservation de l'authenticité de la
célébration. Ce conseil devra comprendre les différentes
couches sociales du village, notamment la chefferie, la mutuelle, les
différentes confessions religieuses en présence dans le village,
l'association des jeunes, des étudiants et des femmes ainsi que des
représentants de la mairie, le conseil régional et la DRCF de
Bondoukou. Le conseil aura pour principale tâche de prévenir
toutes les menaces potentielles sur la célébration. Ainsi, des
sujets assez délicats comme la question de l'influence des religions
révélées, la conception d'un calendrier traditionnel pour
faciliter la programmation de l'évènement et la formation aux
danses traditionnelles, pourront être abordés et traités de
manière plus efficiente au cours d'assises biannuelles et parfois
extraordinaires.
II. LA REFORME DU SYSTEME ORGANISATIONNEL
1. La définition des responsabilités
Au nombre des facteurs qui déterminent la
vivacité d'un évènement, on a l'organisation qui
l'environne. S'agissant du Gbônnô, si la célébration
s'appréhende aujourd'hui au-delà de sa fonction sacrale comme une
fête traditionnelle et un évènement d'animation culturelle,
c'est bien grâce à son appropriation par la jeunesse qui s'y
investit fortement pour en garantir le succès au plaisir de tous les
participants. Cependant, cette organisation rudimentaire qui s'appuie sur des
moyens de bord nous apparait très limitée au regard de sa
dimension sociale et culturelle. C'est pourquoi il est nécessaire de
restructurer le système pour instituer un plan d'organisation permanent
et intégré.
A cet effet, nous préconisons la mise en place d'un
Commissariat Général du Gbônnô qui sera permanemment
actif, en exécution de toutes les tâches préparatoires de
l'évènement et des conventions du Conseil Multipartite de
Sauvegarde. Ce Commissariat Général qui se voudra l'organe
permanent d'organisation de l'évènement pourra ainsi assurer les
relations sociales extérieures de l'évènement de
manière constante pendant toute l'année. Par ailleurs, pour une
question de rigueur et d'efficacité, la composition de ce Commissariat
devra être validée au cours de la deuxième assisse dans la
période de la fête de pâques, sur proposition du Commissaire
Général nommé par le Conseil Multipartite de Sauvegarde
à sa première assise à l'entame du nouvel an
traditionnel.
Aussi, au sein de ce Commissariat Général, les
tâches doivent être clairement définies et reparties selon
des commissions techniques. C'est à ce prix que tous les
paramètres de l'organisation pourront être pris en compte. Ainsi,
outre le Commissaire Général et son adjoint chargés de la
coordination générale et des relations publiques, le Commissariat
Général du Gbônnô devra comprendre entre
autres :
- une « cellule communication et
mobilisation » chargée de la mise en oeuvre de toute la
communication autour de l'évènement pour informer et mobiliser
l'ensemble des populations du village et de la région, ainsi que les
partenaires, notamment la mairie, le conseil régional, la DRCF et les
entreprises qui peuvent s'associer à l'évènement. Cette
cellule assure également l'élaboration et la mise en oeuvre des
conducteurs des différentes activités et leur animation.
- une « commission finances »
chargée de la mobilisation des ressources financières et la
gestion des dépenses liées à l'évènement.
- une « commission logistique et
transport » chargée d'assurer l'acheminement et le retrait des
courriers, d'organiser les voyages et convois, effectuer toutes les courses et
déplacements liés au projet et gérer la mise en place de
la logistique pendant la phase pratique des activités
- une « commission accueil et
sécurité »chargée de veiller à l'accueil,
l'installation et le confort des invités et du public. Elle est aussi
responsable de la sécurité et du maintien d'ordre durant les
activités.
- une « commission restauration » en
charge de l'approvisionnement en nourriture des invités.
- une « commission santé »
dotée d'une trousse médicale pour la prise en charge sanitaire
des festivaliers en cas de malaise.
- une « commission danses traditionnelles et
animation » chargée de coordonner les animations artistiques
pendant l'évènement. Elle est en collaboration avec les
praticiens des danses traditionnelles et la fanfare pour s'assurer qu'ils sont
prêts en temps opportun. Par ailleurs, elle assure l'invitation et la
programmation des artistes pendant l'évènement.
Ce Commissariat devraêtre mixte, en prenant en compte
toutes les couches sociales du village selon les expériences et les
compétences des individus à intégrer au sein des
différentes commissions.
2. La nécessité d'une communicationintense
sur l'évènement
La communication apparait pour un évènement
culturel comme le Gbônnô, un important moyen d'ouverture sur
l'extérieure. Pourtant elle fait défaut dans l'organisation de la
célébration. C'est pourquoi l'évènement est
resté jusqu'à ce jour dans le secret des seuls ressortissants du
village avec une participation pas trop significative de quelques
d'étrangers seulement.
Dès lors, il faut penser une stratégie de
communication qui puisse favoriser la promotion et la dynamisation de
l'évènement. Promouvoir le Gbônnô signifie qu'il ait
une action médiatique d'envergure sur l'évènement pour le
positionner comme un grand rendez-vous culturel régional qui attire
l'intérêt de la masse. Cela veut dire que la communication doit
être désormais incorporée dans le plan organisationnel de
l'évènement. C'est en cela que nous avons suggéré
plus haut la création d'une cellule chargée spécialement
de la communication au sein du Commissariat Général du
Gbônnô. Une fois créée, la cellule doit se doter d'un
plan de communication par lequel elle établit des rapports entre
l'évènement et le reste du monde. Ce plan de communication doit
faire l'objet d'une évaluation permanente pour s'assurer de l'atteinte
des objectifs de communication et de promotion de l'évènement.
Par ailleurs, pour chaque édition, il est souhaitable de concevoir un
plan média qui structure et organise l'action médiatique en vue
d'une grande propagande autour de l'évènement pour emmener le
monde extérieur à en savoir l'existence pour mieux connaitre le
peuple Dègah. Aucun média de proximité dans le
département, et même les médias nationaux accessibles, ne
doit être épargné à cet effet. En outre, ces
médias doivent être aussi invités à
l'évènement en vue de comptes rendus de presse qui aideront
à le promouvoir davantage. L'évènement doit être
également rendu visible à travers notamment l'internet (sites
web, blogs, réseaux sociaux...), afin de l'ouvrir au reste du monde.
En dehors des médias, la communication doit être
aussi orientée vers les entreprises installées dans la
région et qui voudraient bien s'associer à
l'évènement en tant que partenaires ou sponsors. Ainsi, pour
chaque édition il faut élaborer un dossier de présentation
qui va servir de guide pour la recherche de partenaires et sponsors.
Aussi, dans la stratégie communicationnelle, il faut
prendre en compte les villages voisins et toutes les communautés en
présence dans la région en les invitant également, pour
leur permettre de découvrir la vivacitéet la richesse culturelle
du village.
CONCLUSION
Dans la perspective de la construction d'une communauté
nationale de destin respectueuse de la diversité des appartenances
linguistiques et des expressions culturelles, l'Etat de Côte d'Ivoire
s'est engagé à tenir compte des conditions et besoins
particuliers en matière de culture de tous les groupes sociaux (cf.
l'article 52 de la loi N0 2014 - 425 du 14 juillet 2014 portant
politique culturelle nationale). Par cette disposition, l'Etat reconnait la
diversité culturelle comme fondement de la richesse du patrimoine
culturel ivoirien ets'engage à assurer le droit à la culture pour
tous les peuples, y compris les groupes minoritaires comme les Dègah.
Bien que minoritaire de par le nombre de sa population, cette
communauté retranchée dans seulement trois (3) villages du
département de Bondoukou se distingue par la richesse de son patrimoine
culturel et la multiplicité de ses différentes formes
d'expressions culturelles qui en font une société dynamique et
socialement enracinée. Ce patrimoine culturel exclusif, symbole de
l'identité du peuple, est un héritage historique vécu et
conservé depuis leurs origines voltaïques jusqu'en Côte
d'Ivoire, en passant par le Ghana actuel où la plus grande partie de la
communauté reste implantée.Au nombre des nombreuses pratiques
culturelles qui témoignent de la richesse et la vivacité du
patrimoine culturel des Dègah, on a le « Pidii » ou
fête d'ignames, le« Harè Kwaala » ou
sanctification de la terre, le « Hamfaalô » qui
désigne la célébration du mariage traditionnel et bien
sûr les « Louuri » ou rites funéraires
annuels. Notons toutefois que ces célébrations se pratiquent
différemment d'un village à l'autre.Par exemple, dans le village
de Motiamo, on a entre autres rites, le « Gnangan » ou
fête de la nouvelle récolte, le
« Koumou » ou fêtede sanctification de la terre,
le « Djamé » ou sortie de masques et surtout le
« Gbônnô ».A ces différentes
célébrations, il faut ajouter les danses traditionnelles comme le
« Gban », le « Ganhin », le
« Wara », le « Logan », le
« Gobié », le « Naya », le
« Kpan-nan », le « Mandié », le
« Vogora » etc.
S'agissant du Gbônnô qui est le centre
d'intérêt de la présente étude, il faut retenir
qu'il consiste en un ensemble de rituels et de festivités dans le cadre
des rites funéraires annuels ou « Lourri »,
couplés avec la célébration du nouvel an traditionnel dans
le village. Ses fondements sont aussi bien d'ordre culturel et social. Au plan
culturel, la commémoration est motivée par la coutume
Dègah qui recommande que les morts soient enterrés après
leur décès et que leurs funérailles soient
reportées pour être célébrées en fin
d'année en présence de toute la communauté de parents et
amis. Sur le plan social, le Gbônnô apparait comme un
évènement festif occasionné par les animations de
réconfort après la douleur des funérailles, les
réjouissancesdu nouvel an et les retrouvailles annuelles entre les
populations. Ainsi, en tant qu'évènement communautaire, sa
célébration obéit à un long processus allant de la
fixation de la date par les sages jusqu'à la fête populaire du
nouvel an, en passant par les tâches préparatoires et les
cérémonials funéraires.
Comme tout évènement d'animation culturelle, le
Gbônnô n'est pas sans impacts. Ceux-ci s'apprécient à
divers niveaux. Au plan religieux et traditionnel, il est facteur de limitation
des malheurs et des décès caril permet de purifier le village et
d'effacer les impuretés des défunts. Sur le plan social, le
Gbônnô se veut un moment précieux et très
privilégié de retrouvaillesannuelles et d'intégration
socialepour tous les ressortissants du village à l'instar de
« Paquinou » en pays Baoulé. En termes d'apport
économique, l'évènement occasionne une activité
lucrative temporaire notamment dans le domaine de la restauration et de la
commercialisation des produits de consommation comme l'igname et autres. Il
faut compter également les nombreux projets d'investissements agricoles
et immobiliers qui démarrent chaque année dans le village
à l'occasion de l'évènement. En outre, il faut noter que
sur le plan culturel, le Gbônnô apparait comme
l'évènement par excellence qui témoigne du dynamisme et
l'unité du village, la vivacité de son patrimoine culturel et
l'authenticité de l'identité traditionnelle des populations.
L'évènement révèle surtout que le peuple
Dègah est très respectueux de la dualité de l'homme qui
est corps et esprit, car après les rites souvent pompeux
d'accompagnement du corps (l'enterrement), les morts doivent être
magnifiés dans leur ascension au royaume divin. C'est évidemment
ce qui explique la mobilisation et l'implication del'ensemble des populations
autour de la célébration.
Cependant, l'évènement fait face à de
sérieuses menaces liées notamment aux difficultés de
programmation et de transmission et surtout à l'influence des religions
révélées. Le manque de référentiels
calendaires dans la fixation des dates de l'évènement occasionne
parfois des célébrations faussées au niveau de la
périodicité exacte et apparait comme une entrave à la
participation de certaines catégories sociales comme les fonctionnaires,
les élèves et étudiants qui sont
généralement confrontés à un problème
d'agenda pendant ce temps. Il y'a aussi le désintérêt des
jeunes pour les danses, chants et pratiques traditionnels
exécutés pendant l'évènement, ce qui pose un
problème de transmission et de pérennisation de la
célébration. Aussi, la non-implication directe des religions
révélées dans la célébration a pour
conséquence imminente la dénaturation totale de
l'évènement qui pourrait, à la longue, se réduire
à son seul caractère festif commémoratif du nouvel an.
Caril n'y aura quasiment plus de décès à
célébrer lors des rites funéraires, puisquepresque toutes
les populations ont une appartenance au christianisme ou à l'islam. A
ces menaces, il faut ajouter l'absence d'un dispositif organisationnel concret
et le manque de communication sur de l'évènement pour l'ouvrir au
monde. Face à ces constats, nous proposons une approche
stratégique de redynamisation allant de l'initiation des jeunes aux
usages liés à la traditionà la mise en place d'un plan de
communication autour de l'évènement, en passant par l'implication
de tous les cadres et autorités administratives locales, la mise en
place d'un conseil de sauvegarde de l'évènement et la
définition des responsabilités dans l'organisation au sein d'un
Commissariat Général du Gbônnô que nous recommandons
vivement.
Du point de vue scientifique, s'il y'a un mérite qu'il
convient d'attribuer à la présente étude, c'est au sens de
l'édification des futurs chercheurs et l'ensemble de la
société humaine sur les Dègah de Motiamo et leur
tradition, en mettant à leur disposition un mémorandum qui
établit définitivement la vérité scientifique sur
leurs pratiques culturelles. Cet écrit met ainsi fin au risque de
déformation de la tradition des Dègah dans sa transmission. Ce
mémoire révèle surtout la menaceà laquelle fait
face le Gbônnô en tant qu'évènement culturel majeur
dans le village de Motiamo, du fait notamment de l'influence des religions
révélées. Ainsi, même si ce travail ne vient rien
inventer, il a au moins la convenance de rectifier des spéculations
quelques fois erronées sur les Dègah et leur tradition, notamment
ceux de Motiamo.
Nous pensons donc que ce travail ne sera pas sans
intérêt pourla communauté scientifique, tout le peuple
Dègah et l'ensemble de la société. Naturellement, il peut
être utile aux historiens, aux sociologues, aux ethnologues, aux
anthropologues etc., dans la conduite de leurs recherches sur le peuple
Dègah. Il apparait également comme une boussole pour les
ressortissants Dègah dans la connaissance de leur propre histoire et
leur culture. Il permettra surtout à l'ensemble de la
société de découvrir ce peuple autonome longtemps
assimilé à d'autres du fait de sa minorité. Ce
mémoire est donc un moyen de promotion du peuple Dègahdans la
dynamique de la promotion de la diversité culturelle et les
minorités linguistiques. Aussi, les réflexions et propositions de
stratégies qui y sont contenues peuvent servir d'orientation dans le
cadre des actions de sauvegarde du patrimoine national. C'est pourquoi il peut
être aussi utile à la connaissance des professionnels de l'action
culturelle qui pourront s'en inspirer. Ainsi, cette étude devra
être largement diffusée et partagée pour
l'intérêt de ses potentiels bénéficiaires
susmentionnés.
Toutefois, notre sujet tel que formulé,
présente un vaste champ d'étude que nous ne prétendons pas
avoir intégralement exploité. Le thème abordé nous
donne de nous interroger sur un certain nombre d'aspects relatifs
àl'organisation des funérailles chez les Dègah. La
première problématique que nous sommes tenté de soulever
à cet effet est de savoir qu'est-ce qui accompagnent les défunts
lors de leur enterrement et pourquoi enterre-t-on certains défunts
à la maison et non pas au cimetière? Cette problématique
semble d'autant plus fondamentale que l'éluciderpermettra de comprendre
par exemple si les Dègah continuent d'enterrer leurs chefs traditionnels
avec des têtes humaines comme l'histoire nous l'a enseigné.Une
autre préoccupation qu'il convient d'aborder dans cette dynamique est de
savoir quels sont les rapports entre les vivants et les morts après les
rites d'accompagnement définitif et quel est l'intérêt du
« Togan » qui est un rituel annuel d'adoration des morts
trois (3) ans après leur côta.
Au total, la mobilisation de tous est requise pour la
promotion des us, coutumes et traditions du peuple Dègah de Côte
d'Ivoire, gage de sauvegarde de l'identité et de promotion de cette
minorité linguistique, mais riche et dynamique par sa culture, comme en
témoigne le Gbônnô.
BIBLIOGRAPHIE
I- OUVRAGES GÉNÉRAUX
BORREMANS, R., Le grand dictionnaire encyclopédique
de la Côte
d'Ivoire, tomes E-F-G-H,
Abidjan, NEA, 1987, 269p.
LOUKOU, J.N., Histoire de la Côte d'Ivoire,
Abidjan, CEDA, 1984.
NEGRI, Vincent, La protection juridique du patrimoine
culturel en Côte
d'Ivoire : évaluation et proposition,
Abidjan, septembre
1996, 15p.
UNESCO, Convention concernant la protection du patrimoine
mondial
culturel et naturel, Paris,
17ème session de la conférence
générale, 16 novembre 1972, 17p.
II- OUVRAGES DE SPECIALITÉ
AKA, Konin, Traditions musicales chez deux peuples gour du
nord-est de
la côte d'ivoire : cas des Nafana et des
Dégha de la région
de Bondoukou (région du nord-est de la
Côte d'Ivoire),
Tervuren (Belgique), Musée Royal de l'Afrique
Centrale
(MRAC), collection digitale «
Documents de Sciences
humaines et sociales » 2009, 47p. A voir sur
www.africamuseum.be/publications
BLAKE, Janet, Elaboration d'un nouvel instrument nominatif
pour la
sauvegarde du patrimoine culturel immatériel,
élément
de réflexion, Université de GLASGOW
(Royaume Unis),
Faculté de droit, 1976, 102p.
III- OUVRAGES DE MÉTHODOLOGIE
FRAGERIERE, Jean Paul, Comment réussir son
mémoire ?, Paris, Edition
DUNOD, 1986.
GRAWITZ, Madeleine, Méthodes des sciences
sociales, Paris, DALLOZ,
1993,
9èmeédition.
KAMATE, B. André, Eléments didactiques pour
le mémoire et le rapport
de stage, Abidjan, Edition du SEPRI, 2004, 44p.
N'DA, Paul, Méthodologie de la recherche : de
la problématique à la
discussion des résultats ;
comment réaliser un mémoire, une
thèse d'un bout à
l'autre, Abidjan, EDUCI, 2002.
IV- MEMOIRES
GBANE, Baba Oumar, La conservation des arts et traditions
populaires,
le cas du Sacraboutou de Bondoukou (Mémoire de
DESSAC/
Muséologie), Abidjan, EFAC/INSAAC, 2005, 87p.
KONAN, Jules, Le TAMBROYA ou rite des nourrices chez les
Ebrié : une
institution culturelle à préserver
(Mémoire de DESSAC/
Muséologie), Abidjan, EFAC/INSAAC, 2006, 94p.
KOUAME, K.J. Sévérin, L'art funéraire
traditionnel chez lespeuples
Baoulé-Agba de Côte d'Ivoire
(Mémoire de DESSAC/
Muséologie), Abidjan,EFAC/INSAAC, 2005,85p.
V- ARTICLES DE PRESSES
DOUAYERE, Trazié, Funérailles
onéreuses en pays Bété : des curés
prennent des mesures corsées, in Soir Info,
N0 5992, samedi
20 et dimanche 21 septembre 2014, P 6.
ONG Parle, « Côte d'Ivoire, carrefour
culturel », in Ethnies d'Afrique : la
Côte d'Ivoire culturelle, Abidjan, Les
expressions du PARLE
(entreprise de presse culturelle et scientifique), 2006,
25p.
VI- TEXTES LEGISLATIFS
RCI, Loi N0 87 - 806 du 28 juillet 1987 portant
protection du patrimoine
culturel, Abidjan, 1987, 21p.
RCI, Atelier national de validation de l'avant-projet de
loi portant
politique culturelle
nationale, Grand-Bassam, MCF,
Décembre 2007, 37p.
RCI, Loi N0 2014 - 425 du 14 juillet 2014
portant politique culturelle
nationale, Abidjan, 2014, 22p.
VII- SOURCES ORALES
M. KOUAME Kouman, notable à la chefferie du village de
Motiamo.
M. DONGO Kouassi Mathias dit « Kountino »,
secrétaire du chef du village de Motiamo.
M. DIAKA Koffi Kouman Eugène, commissaire de police
à la retraite, cadre ressortissant-résidant du village de
Motiamo.
M. KOUAKOU Kouamé dit Appiah, planteur,
ressortissant-résidant du village de Motiamo, membre du conseil de la
grande famille Wélafôgô.
M. KOUAKOU Simon, président des jeunes de Motiamo.
M. KOUAME Sié Yao dit « Atto »,
ressortissant du village de Motiamo vivant à Abidjan, artiste chanteur,
membre du bureau de la MUDESMO et conseiller du président de
UNIDEGAH.
M. SIE Koffi dit « Sorry », ressortissant
du village de Motiamo vivant à Abidjan, membre des bureaux de la MUDESMO
et UNIDEGAH.
M. KOUAME Apollinaire, Conseiller Adjoint d'Action Culturelle
à la DRCF de Bondoukou.
Mlle KONIN Gnangoran Brigitte, Conseiller d'Action Culturelle,
chef du service socioculturel de la Mairie de Bondoukou.
VIII- SITOGRAPHIE
DAVID, Mensah, Le DEGAH: Origine, Histoire et
Culture, 13 septembre
2013,
http://peupledegahencotedivoire.unblog.fr
(à lire aussi
sur
http://peuple-daigah-en-cotedivoire.centerblog.net
),
consulté le 16 ?décembre
?2014 à 16h45mn.
DAVID, Mensah, L'arrivée des Dègah en
Côte d'Ivoire, 13 septembre
2013,
http://peupledegahencotedivoire.unblog.fr(à
lire aussi
sur
http://peuple-daigah-en-cotedivoire.centerblog.net),
consulté le 16 ?décembre
?2014 à 17h23mn.
KOUAKOU Maliret, Le Gbônô: Evènement
Culturel en Pays DEGAH de
Motiamo/Bondoukou, Lecture, 06
janvier 2012,
http://maliret.blogspot.com,
consulté le 20 décembre 2014 à
18h52mn.
AIP Bondoukou, Le peuple Dègah de Motiamo
(Bondoukou) se sépare
définitivement de ses défunts,article
publié le lundi 24
novembre 2014 sur
http://news.abidjan.net et repris
par
http://www.rumeursdabidjan.net,
consulté le 29 janvier
2015 à 10h02mn.
AUDREY, Miller, Découvrir et valoriser le
patrimoine historique et
culturel des régions grâce au
numérique, in actualités,
11 juillet 2006,
http://www.infoboug.com,consulté
le
02 février 2015 à
15h11mn.
TABLE DES MATIERES
Sommaire............................................................................IV
Dédicace....
..........................................................................V
Remerciements......................................................................VI
Table des illustrations....
..........................................................VII
Sigles et Abréviations....
........................................................VIII
Avant-propos........................................................................IX
INTRODUCTION................................................................10
Première partie : CADRE ANTHROPOLOGIQUE DE
L'ETUDE....20
Chapitre 1 : ELEMENTS D'INFORMATION SUR LE PEUPLE
DEGAH.............................................................21
I- DONNEES HISTORIQUES ET
CULTURELLES.....................21
1- Origines et mouvements migratoires des
Dègah..................21
2- Pratiques culturelles et traits distinctifs des
Dègah...............24
II- ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE ET ORGANISATION
SOCIO-POLITIQUE....................................................27
1- Principales activités
économiques..................................27
2- Organisation
socio-politique........................................28
Chapitre 2 : PRESENTATION DU VILLAGE DE
MOTIAMO.........30
I- HISTORIQUE ET
LOCALISATION..................................30
1- Histoire et organisation du
village..................................30
2- Situation géographique et données
démographiques............32
II- PATRIMOINE ARTISANAL ET CULTUREL.....................33
1- Le potentiel artisanal du village
...................................33
2- La vie culturelle des
populations....................................36
Deuxième partie :SYMBOLIQUE DU
GBÔNNÔ DANS L'UNIVERS
SOCIO-CULTUREL DES DEGAH DE MOTIAMO..39
Chapitre 3 : DESCRIPTION DE
L'EVENEMENT........................40
I- LES FONDEMENTS DU
GBÔNNÔ.................................40
1- Les fondements culturels de la
célébration........................40
2- Les origines sociales de
l'évènement..............................42
II- LES ETAPES DE LA
CELEBRATION..............................43
1- Les préparatifs de
l'évènement......................................43
1.1- La fixation de la période
...................................44
1.2- Les tâches
préalables...........................................44
2- Le déroulement de la
célébration...................................45
2.1- Les cérémonials funéraires ou
lourri..........................45
2.2- La solennité du nouvel
an......................................56
Chapitre 4 : DIMENSION SOCIOCULTURELLE DE
L'EVENEMENT..................................................59
I- INTERET DE LA
CELEBRATION...................................59
1- Les fonctions du Gbônnô
..........................................59
1.1- La portée religieuse et
traditionnelle..........................59
1.2- L'apport social et
économique................................60
2- Les enjeux culturels de
l'évènement...............................61
1.1- L'affirmation du dynamisme et l'unité de la
société.........61
1.2- L'expression de la vivacité du
patrimoineculturel
local................................................................61
II- ENVIRONNEMENT ORGANISATIONNEL.......................63
1-Les acteurs de
l'organisation.........................................63
2-L'implication des populations et la mobilisation
extérieure.....65
Troisième partie : REGARD CRITIQUE SUR
L'EVENEMENT ET
PROPOSITIONS DE STRATEGIES POUR SA
VALORISATION...........................................67
Chapitre 5:OBSERVATIONS SUR L'ENVIRONNEMENT SOCIAL
ET ORGANISATIONNEL DU GBÔNNÔ
....................68
I- LES MENACES SUR LA
CELEBRATION..........................68
1- La problématique de la programmation et la
transmission .....68
2- L'influence des religions
révélées.................................69
II- LE DIAGNOSTIC DU CADRE ORGANISATIONNEL...........71
1- Les limites du plan
d'organisation.................................71
2- L'absence de communication autour de
l'évènement.............72
Chapitre 6 : STRATEGIES ENVISAGEABLES POUR LA
DYNAMISATION DE L'EVENEMENT
....................74
I- LA MOBILISATION AUTOUR DE L'EVENEMENT............74
1- L'initiation des jeunes aux usages liés
à la tradition..............74
2- L'implication des autorités administratives
locales et la mise
en place d'un conseil de sauvegarde de
l'évènement..............77
II- LA REFORME DU SYSTEME ORGANISATIONNEL............79
1- La définition des
responsabilités.............................................79
2-La nécessité d'une communication intense sur
l'évènement...........................................................81
CONCLUSION......................................................................83
BIBLIOGRAPHIE.................................................................88
ANNEXES.......................................................................XCVI
* (1) voir annexes I et II
* (2) voir annexe III/ iconographie 1
* (3) voir annexe III/ iconographie 2
* (4) voir annexe III/ iconographie 3
* (5) voir annexe III/ iconographie 4
* (6) voir annexe III/ iconographie 5
* (7) voir annexe III/ iconographie 6
* (8) voir annexe IV
|