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Rites traditionnels en pays Degah. Regard anthropologique sur le Gbonno dans le village de Motiamo.

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par Maliret KOUAKOU
INSTITUT NATIONAL SUPERIEUR DES ARTS ET DE L'ACTION CULTURELLE (INSAAC) - Master professionnel 2015
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION

I- CONTEXTEGENERALET JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET

1. Contexte général de la recherche

Toute société humaine trouve son dynamisme dans l'originalité de sa tradition et la vivacité de son patrimoine culturel. Le peuple Dègah de Côte d'Ivoire ne fait pas exception à cette évidence. En effet, bien que parfois assimilé aux Abron et aux Koulango, ce peupleprésentediverses formes d'expressions culturelles qui lui confèrent une culture identitaire. Par ailleurs, en dépit des mutations culturelles auxquelles elle s'est heurtée dans son parcours migratoire qui l'a conduit à s'installer définitivement en Côte d'Ivoire après un séjour rythmé de conflits au Ghana en provenance de l'actuel Burkina Faso, et malgré les influences de son environnement social, cette minorité ethnique isolée dans le département de Bondoukou s'est toujours voulue conservatrice. Au nombre de ses coutumes contemporaines héritées du passé, l'on a les rites funéraires annuels et la fête du nouvel an. Contrairement à la majorité des sociétés ivoiriennes, le mode d'organisation des rites funéraires prendune autre forme chez les Dègah. Ce peuple a également la singularité de continuer à retrouver ses repères temporels selon un calendrier traditionnel couronné par des célébrations rituelles et festives pour marquer la transition d'une année à une autre. Dans le village de Motiamo particulièrement, ces deux (2) célébrations couplées donnent lieu à une manifestation culturelle annuelle dénommée « Gbônnô ». C'est sur cet évènement que nous avons choisi de jeter un regard anthropologique, pour en comprendre le sens et l'intérêt à l'ère de la tendanceglobale vers le modernisme.

2. Justification du choix du sujet

La présente étude portant sur les rites traditionnels en pays Dègah trouve son fondement dans le double caractère de minorité ethnique que constitue le peuple Dègah, mais doté cependant d'une riche culture identitaire qui le distingue. Sur cette base, deux (2) raisons fondamentales justifient le choix de cette réflexion.

Au plan personnel, en choisissant particulièrement de jeter un regard sur le Gbônnô, nous entendons renforcer nos connaissances personnelles sur notre propre histoire et notre culture pour savoir la transmettreaux générations futures, mais également promouvoir l'évènement et en faire un facteur de perpétuation de l'identité du peuple Dègah. Aussi, avons-nous été particulièrement sensible au mode d'organisation des rites funéraires, couronnés notamment par des rituels d'accompagnement définitif des morts et débouchant sur la fête du nouvel an. Pour nous, il est important de savoir pourquoi les funérailles ne se font pas une seule fois comme ailleurs et quel est le sens de cette tradition.

Sur le plan scientifique, deux (2) réalités essentielles nous confortent dans le choix de ce sujet. Il y'a d'abord le manque d'écrits sur les rites traditionnels Dègah. De fait, l'on est resté jusque-là dans les témoignages empiriques s'agissant de la transmission de la tradition Dègah. Il faut constater ensuite l'impact de l'environnement social sur la célébration, notamment l'influence des religions révélées avec leurs principes quelques fois aux antipodes des pratiques traditionnelles; ce qui constitue une menace sur la perpétuation de l'évènement. En entreprenantdonc cette étude, il est questionpour nous, conformément à l'article 89 de la loi N0 2014 - 425 du 14 juillet 2014 portant politique culturelle nationale, de contribuer à la sauvegarde de l'évènement au regard de sa valeur identitaire pour le village de Motiamo.

3. Clarification des mots clés du sujet

Pour une meilleure compréhension de ce sujet, il nous apparait indispensable de définirles mots clés qui le composent :

- Rites : C'est un terme utilisé pour désigner l'ensemble des cérémonies prescrites et des gestes en usage dans une religion donnée. Dans un sens beaucoup plus restreint en rapport avec le thème de notre étude, le mot rite s'entend des pratiques réglées, de caractère sacré ou symbolique, relatives à une tradition ou une croyance.

- Traditionnels : C'est un dérivé du mot tradition qui désigne tout ce qui est fondé sur la tradition entendue comme un ensemble de pratiques religieuses ou des coutumes transmises de générations en générations, c'est-à-dire un ensemble de manières de penser, de faire ou d'agir, qui est un héritage acquis par les enseignements et les expériences des anciens.

On parle alorsde rites traditionnels pour évoquerlessystèmes de croyances, les pratiques, les rituelset coutumes etc., reçus en héritage par un groupe social, propres à ce groupe en tant que faisant parti de son patrimoine culturel et représentatifs de l'identité de cette communauté.

- Regard : Au sens primitif, le mot regard exprime l'attention qu'on a pour quelqu'un ou quelque chose.Plus explicitement, il se définit comme un examen critique que l'on porte sur une situation sur la base d'une analyse logique des faits observés ou regardés. Cela sous-entend également la manière dont on regardeune chose ou un fait, pour s'en faire une idée dans sa réalité sociale.

- Anthropologique :C'est un terme qui renvoie à tout ce qui est relatif à l'anthropologie. Discipline de sciences sociales, l'anthropologie se définit comme l'étude de l'homme en tout temps et en tout lieu. On peut aussi s'accorder avec Claude LEVI-STRAUSS pour la concevoir, dans ses branches sociale et culturelle qui nous intéressent ici, comme l'étude des institutions (considérées comme des systèmes de représentations)et des techniques (ensemble des principes de la vie) dans les diverses sociétés.

Porter donc un regard anthropologique sur un évènement ramène à une observation critique d'un fait social pris dans son sens le plus insignifiant et à la fois dans sa totalité, pour en comprendreles fondements et les fonctions.

II. CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE

1. Spécification de la problématique

En portant notre étude sur le Gbônnô dans le village de Motiamo, nous voulons montrer que l'évènement doit être sauvegardé, particulièrement les rites funéraires couplés avec la fête du nouvel an qui en font le contenu. En effet, l'évènement fait face à une réelle menace de son environnement social. Il s'agit entre autres du manque d'initiation des jeunes aux rites traditionnels qui l'entourent, l'absence d'un cadre logique de programmation de la célébration avec pour conséquence les difficultés de fixation des dates de son déroulement par les sages, et surtout l'influence des religions révélées. En outre, cette antinomie entre tradition marquée par les rites funéraires d'un côté et de l'autre côté les religions modernes qui impactent la survie de l'évènement, nous donne de craindre la dénaturation et l'accroissement du risque de disparition totale de la célébration, ce qui, à la longue, va poser un problème identitaire chez les populations du village pour qui le Gbônnô est l'un des plus précieux moyens de s'identifier à leur histoire et leur civilisation.C'est pourquoi contre le péril de déculturation et d'acculturation consécutifs à l'abandon total ou partiel de la célébration, nous pensons que tous les acteurs, notamment les populations du village et même la communauté scientifique, doivent prendre leurs responsabilités dans l'intérêt de la pérennité du peuple Dègah à travers sa culture.

2. Revue de littérature

Pour mieux cerner l'environnement scientifique de notre sujet afin de mettre en évidence notre démarcation, nous nous sommes intéressé à quelques travaux ayant précédés le nôtre pour y jeter un regard analytique. Notre attention a été premièrement portée sur le mémoire de DESSAC 2005 en muséologie de KOUAME Konan Jackson Sévérin intitulé « L'art funéraire traditionnel chez les peuples Baoulé-Agba de Côte d'Ivoire ». Il y aborde la question des rites funéraires dans la société traditionnelle Agba et conclut de ses recherches que la mort est vécue chez ce peuple comme un phénomène biologique et social et qu'à cet effet, il serait primordial d'accorder une attention particulière aux défunts en organisant des funérailles pour les accompagner dignement.Abordant le sujet de « la conservation des arts et traditions populaires : le cas du Sacraboutou de Bondoukou » dans son mémoire de DESSAC 2005 en muséologie également, GBANE Baba Oumar,quant à lui, soulève le débat sur la valeur identitaire des rites traditionnels. Au terme de son étude, il constate que le Sacraboutou, en tant que rite traditionnel, est l'une des cérémonies populaires qui présentent en effet la culture du peuple de Bondoukou. Cet avis a été partagé par M. HIEN Philippe, président du Conseil Régional du Boukani, qui affirmait dans le reportage de lancement du Festival des Danses Traditionnelles du Boukani (FESTIBO) sur la chaine de télévisionnationaleRTI1 le mercredi 03 décembre 2014 à 20h25 qu'un tel festival est un moyen de promouvoir la région et réunir ses fils et filles.Dans ces trois énoncés, l'on note une convergence des points de vue quant à l'idée selon laquelle chaque peuple se caractérise par l'originalité et la singularité de ses coutumes et rites traditionnels. Cependant, nulle part la problématique des menaces sur leur pérennité et la question de leur promotion n'est abordée. C'est en cela que notre étude vient apporter un élément nouveau en se penchant notamment sur l'influence des religions révélées sur l'art funéraire traditionnel et la nécessité de la promotion des rites traditionnels en tant que valeurs identitaires des peuples.

Dans le même ordre d'idées, nous nous sommes intéressés aussi à quelques écrits théoriques apparentés à notre sujet. Il s'agit surtoutde l'étude de M. AKA Konin portant sur les « Traditions musicales chez les Nafana et les Dègah ». Dans cette publication de quarante-sept (47) pages, l'auteur mène la réflexion notamment sur les instruments de musique et les genres musicaux traditionnels typiques au peuple Dègah et leurs particularités dans la société. De cette étude, l'on retient la richesse et la diversité de la culture musicale Dègah malheureusement menacée du fait de son immatérialité, la raréfaction de l'utilisation de certains instruments et de la pratique de certains genres musicaux. Par ailleurs, dans une recherche sur le peuple Dègah en général, publiée sur le site « http://peupledegahencotedivoire.unblog.fr »le 22 août 2013, le Ghanéend'appartenance DègahDavid MENSAH nous donne de découvrir cette communauté dans sa globalité à travers notamment ses origines, son histoire et surtout sa culture. Au nombre des pratiques culturelles et croyances Dègah qu'il met en exergue dans son étude, on a les Lwejena (grandes funérailles) ou rites funéraires annuels qui, selon lui, consistent à rendre hommage aux morts et revêtent d'une symbolique exclusive pour le peuple Dègah au travers de leur déroulement et de leur fonction sociale.Cependant, si ces études sont abordées sur les Dègah dans leur composante globale, il faut dire que dans leurs localisations, chaque groupe a son histoire et donc ses particularités en ce qui concerne certains rites traditionnels. C'est justement ce qui nous emmène à entreprendre cette étude de manière spécifique sur les Dègah de Motiamo qui, à la différence de ceux de Boromba par exemple, allient les rites funéraires et la fête du nouvel dans le cadre du Gbônnô.

3. Questions de recherche

Le besoin d'élucidation de notre objet d'étude nous emmène à nous poser un certain nombre de questions dont la principale est la suivante :

Quel intérêt présente le Gbônnô dans l'environnement social des Dègah de Motiamo ?

De cette question centrale, découlent d'autres plus spécifiques qui vont orienter la recherche. Il s'agit pour nous de savoir :

- quelles sont les étapes de la célébration de l'évènement ?

- quelle est la portée de cette célébration ?

- quelles sont les stratégies envisageables pour la valorisation de l'évènement ?

4. Hypothèses de recherche

En réponse aux questions ci-dessus formulées, nous pouvons supposer globalement que le Gbônnô est une célébration traditionnelle qui remplit des fonctions sociales,économiques et culturelles.

Plus spécifiquement, nous pouvons considérer que :

- l'évènement consiste en un ensemble de processus rituels aboutissants à une fête populaire ;

- les fonctions de l'évènement résident dans ses enjeux à la fois sociaux et culturels ;

- une communication de masse sur l'évènement et la mise en place d'un plan organisationnel permanent peuvent favoriser sa dynamisation.

5. Objectifs de recherche

Naturellement, notre objectif principal de recherche est d'étudier l'environnement anthropologique des rites funéraires annuels couplés de la fête du nouvel an dans le cadre du Gbônnô à Motiamo.

En outre, dans la dynamique de la poursuite de cet objectif et conformément à nos hypothèses spécifiques, il est question pour nous de :

- décrire les étapes du déroulement de l'évènement ;

- appréhender les fonctions du Gbônnô ;

- proposer des stratégies pour en faire une plate-forme d'expression culturelle dynamique.

III. CADRE METHODOLOGIQUE

1. Modèle d'analyse

Notre sujet, tel que libellé, s'inscrit dans le champ des sciences sociales car il porte sur un fait résultant des relations réciproques entre les membres d'une communautédans ses pratiques et croyances. Et le Gbônnô s'inscrit dans cette dynamique. Mais l'orientation de la recherche qui vise notamment l'observation d'un phénomène social en tant qu'institution,nous circonscrit dans le domaine spécifique de l'anthropologie appréhendée comme la science qui étudie l'homme et les faits sociaux. Et ce phénomène, en tant que réalité sociale, ne peut être saisi que par rapport à la fonction qu'il occupe. C'est pourquoi nous avons choisi de fonder notre observation sur une démarche explicative en tenant compte de l'interdépendance des différents éléments selon qu'il existe des liens de causalité entre eux. Ainsi, notre recherche est conduite suivant une approche fonctionnaliste, c'est-à-dire la recherche de la fonction sociale et culturellede l'évènement étudié.

2. Cadre géographique de la recherche

Puisque notre étude porte sur le Gbônnô dans le village de Motiamo, il est tout à fait indiqué que la région du Gontougo soit notre champ géographique d'investigation. Car c'est dans cette région qu'est localisé le peuple Dègah et donc le village de Motiamo aussi. Mais outre le village de Motiamo, notre étudenous a conduit aussi dans la villede Bondoukou, chef-lieu de département qui abrite la mairie et la Direction Régionale de la Culture et de la Francophonie (DRCF) où nous nous sommes rendus pour un certain nombre d'informations. Par ailleurs, au-delà du village de Motiamo et la ville de Bondoukou, le district d'Abidjan nous a également servi de cadre de recherche, car dans la capitale économique ivoirienne,résident des personnes ressources ressortissants du village que nous avons constamment approché pour des informations complémentaires.

3. Méthode de collecte des données

Notre méthode de collecte des données s'appuie sur des outils d'étude qualitative. Ainsi, notre réflexion est nourrie à partir de :

- la recherche documentaire :cette première démarche indissociable de toute recherche nous aura permis de peaufiner le sujet et de concevoir l'armature théorique de l'étude à partir des connaissances générales pré acquises. Aussi, les ouvrages consultés nous ont permisde cerner l'environnement scientifique du sujet avant de construire notre analyse.

- l'observation directe :Pour mieux cerner l'objet de notre recherche, il nous était impératif d'entreprendre une observation de visu sur l'évènement. C'est ainsi que nous nous sommes rendus à Motiamo à l'occasion du Gbônnô 2014 qui a eu lieu du 19 au 23 novembre 2014, pour suivre les différents aspects du déroulement de la célébration.

- l'entretien : Nous avons aussi procédépar des entretiens dans la dynamique des observations, pour bien comprendre les données directement collectées sur le terrain. C'est ainsi que nous avons eu des interviews semi-dirigés de types individuelet groupé. Nos interviews individuelles ont eu lieu entre autres avec MM. KOUAME Sié Yao Atto et SIE Koffi Sorry à Abidjan, M. DIAKA Koffi Kouman Eugèneet M. DONGO Kouassi Mathiasà Motiamo, M. KOUAME Apollinaire à la DRCF de Bondoukou et Mlle KONIN Brigitte au socioculturel de la mairie de Bondoukou. Quant à l'interview de groupe, nous l'avons eu avec la chefferie du village de Motiamo. Pour chacune de ces deux types d'interviews, nous nous sommes appuyés sur des guides d'entretiens(1(*)).

4. Mode de traitement des données

En vue d'identifier les différentes unités de significations de notre sujet pour en dégager le sens global, nous avons choisi de procéder par une analyse descriptive de contenu des données recueillies, de sorte à déboucher sur des catégories explicatives de l'environnement anthropologique de l'évènement étudié. Il s'agit particulièrement d'une explication déductive et inductive des observations faites sur le terrain en rapport avec les conclusions tirées des entretiens avec les différentes personnes ressources ci-dessus citées. C'est donc le croisement de tous ces mécanismes qui nous a donné les résultats ci-dessous présentés.

5. Détermination des axes de la recherche

Conformémentà nos objectifs de recherche, les données recueillies nousont permis de structurer notre travail comme suit :

- première partie : Cadre anthropologique de l'étude ;

- deuxième partie : Symbolique du Gbônnô dans l'univers socio-

culturel des Dègah de Motiamo;

- troisième partie : Regard critique sur l'évènement et propositions

de stratégies pour sa valorisation.

Première partie :

CADRE ANTHROPOLOGIQUE DE L'ETUDE

Chapitre 1 :ELEMENTS D'INFORMATION SUR LE PEUPLE

DEGAH

I. DONNEES HISTORIQUES ET CULTURELLES

1. Origines et mouvementsmigratoires des Dègah

Les Dègah sont un peuple cosmopolite vivant en Côte d'Ivoire et au Ghana. En Côte d'Ivoire où ils sont parfois assimilés aux Koulango et aux Abron, ils représentent une minorité ethnique repartie dans seulement trois villages du département de Bondoukou, dans la région du Gontougo. On les retrouve précisément dans les villages de Boromba, Motiamo et Zagala. Cependant, même si ce peuple apparait comme minoritaire en Côte d'Ivoire avec seulement quinze mille (15 000) âmes environ, de l'autre côté de la frontière au Ghana, on dénombre plus d'une cinquantaine de villages.Les Dègah font partie du grand groupe Gur composé entre autres des Grousi et Dagari (au Ghana et au Burkina Faso), des Sénoufo (en Côte d'Ivoire et au Burkina),des Koulango (en Côte d'Ivoire) etc.

L'histoire, enconcordance avec les propos recueillis à la chefferie du village de Motiamo lors de nos recherches, nous enseigne que tous ces groupes vivaient ensemble et en parfaite harmonie dans le territoire Sissala, en Haute Volta (actuel Burkina Faso). Et un jour,  il ya eu une dispute entre les Dègah et les Grousi sur la tête d'un chien après un rituel en honneur au Dieu de la terre qu'ils adorent. Cette  dispute engendra un conflit qui va entrainer la séparation et le déplacement des Dègah vers d'autres terres un peu plus au Sud du territoire Sissala, notamment au Ghana actuel.Une fois descendus vers le Ghana, ceux-ci vont s'installer dans deux districts administratifs, à savoir le district de Kintampo et le district de Buêlè.Notons que ces deux districts sont séparés par la Volta Noire qui sépare également les deux grandes villes Dègah (Maantukwa et Gbanboi) qui sont dotées de chefs suprêmes.Ce territoire situé presque sur le territoire Ashantia été occupé par l'ensemble des Dègah jusqu'à ce que le gouvernement colonial britannique décide de créer le territoire Nord en utilisant la Volta Noire comme frontière naturelle, sans tenir compte du fait qu'un groupe, les Dègah notamment, avait été divisé en deux territoires.Cette délimitation, ajoutée aux rivalités nées de la guerre de 1722-1728 entre les Ashanti et les Bonoqui avaient déjà entrainé des migrations internes, a intensifié les tensions politiques locales. Suite à ces tensions, certains Dègah vont à nouveau migrer vers la région de Djaman pour créer des villages comme Dadiè, Bonakélé et Dokatchinan. Un autre groupe va progresser jusqu'en Côte d'Ivoire pour s'installer à Bondoukou et fonder les villages de Boromba, Motiamo et Zagala.

Selon des sources historiques, l'expression Dègah signifierait « multiplier », « propager rapidement» ou «fertilité ». C'est un nom contracté dans les rapports du peuple avec ses voisins du territoire Sissala. Une personne issue du groupe Dègah est appelée « Dèguî » et son pluriel donne « Dèga ». La langue est également connue comme le Dègah. D'autres groupes ethniques du Ghana les reconnaissent sous l'appellation« Moh » pour la langue et « Mofouô » pour le nom du peuple. Leurs ancêtres auraient obtenus ce nom « Mofouô » de l'aide qu'ils ont apporté au peuple Nkoranza pendant leur guerre avec les Ashanti. En effet, les Dègah ont été reconnus pour leurs exploits dans la guerre, ce qui leur a valu d'être félicitéet remercié par l'expression « Mo » qui va donner le nom « Mofouô », un mot Akan qui signifie « les gens qui ont bien fait ».

Le site «  http://peupledegahencotedivoire.unblog.fr » qui retrace l'origine et l'histoire du peuple Dègah, sur la base de recherches historiques menées par le chercheur d'origine Dègah David MENSAH, nous renseigne que suite aux grands mouvements d'immigration dûs aux conflits meurtriers entre les peuples du Gold Coast (actuel Ghana) entre le XVIIè et le XVIIIè siècle qui a provoqué des déplacements massifs des peuples, une partie du peuple Dègah s'est vue contrainte de faire mouvement vers le Nord-ouest du Ghana de l'autre côté de la Volta Noire. Le plus gros du contingent est parti des villages de Longro, Gbanbouè et de Djougoubouè, pour s'orienter vers la Côte d'Ivoire où ils vont s'installer par groupes vers la fin du XVIIIè siècle. Le site explique par exemple qu'une délégation conduite par le chef Kama Djôdjô est arrivé au bord de la rivière dadai et du lac songui (site de l'actuelle EPP Gbogboti de Boromba) où le chef et sa délégation déposèrent leurs bagages pour se reposer. Mais ayant trouvé l'endroit paisible et propice à l'agriculture, à la pêche et à la chasse, ils décidèrent alors d'y élire domicile. Le petit campement va devenirensuite un village qui portera le nom de Jogbouè (village de Jog), aujourd'hui Boromba par déformation.

Le site ajoute que deux autres groupes ayant pris d'autres directions vont créer les villages de Zagala et Motiamo, mais n'aborde pas l'histoire de leur migration. En effet, chacun des trois villages Dègah en Côte d'Ivoire représente un groupe migratoire dont l'histoire est différente des autres. Chaque village a son histoire, son territoire, son ancêtre fondateur et ses descendants. La différence entre ces trois villages se situe au niveau du parler. Dans le langage, certaines expressions et appellations diffèrent d'un village à un autre. Mais n'empêche que les populations se comprennent très bien entre elles.Ces trois villages pratiquement isolés entre les Koulango, les Nafana et les Abron, sont très solidaires dans toutes les situations de la vie. Leurs relations sont fondées sur la fraternité.Ils ont presque les mêmes coutumes et font tout ensemble (funérailles, fêtes traditionnelles etc). D'ailleurs, ils se sont organisés pour créer l'Union des Dègah (UNIDEGAH) qui est une union de solidarité et de développement, la plus grande association dans l'univers Dègah en Côte d'Ivoire.

2. Pratiques culturelles et traits distinctifs des Dègah

Les Dègah restent très attachés à leurs traditions. Ils aiment les festivals, le culte des idoles, les cérémonies rituelles, les danses sacrées etc. Ils sont un peuple très heureux de leur identité culturelle. Ils ont en effet des pratiques culturelles permanentes qui indiquent leur caractère distinctif et aussi démontrent leurs croyances religieuses. Au nombre des diverses coutumes et célébrations traditionnelles qu'ils pratiquent, on a le Pidii ou fête de moisson d'ignames en reconnaissance à « Korowii » (Dieu) et aux « vôuga » (divinités terrestres), leHarè Kwaalaou sanctification de la terrequi consiste à réparer les torts commis sur la terre, les rites de veuvage ou loubaalô pour les hommes et louhannônpour les femmes, les Loudjenan ou encore louuri qui sont desrites funérairesorganisés chaque année pour tous les morts du village, le Hamfaalô qui désigne la célébration du mariage traditionnel etc. Chez les Dègah, le mariage estune institution sacrée dont la célébration respecte un certain nombre d'étapes. Traditionnellement, le processus pour contracter le mariage implique les parents qui cherchent des épouses pour leurs fils. Mais lorsque les jeunes sont assez majeurs pour vivre en couple, les parents du garçon vont annoncer leur intention en envoyant le montant de la somme prévue à cet effet pour demander officiellement la main de la fille. A ce niveau, les parents de la jeune fille demandent son consentement avant de recueillir les présents. En d'autres circonstances, il peut arriver que deux familles s'accordent pour marier leurs enfants. Les deux familles bouclent alors toutes les démarches du mariage et passent à la célébration traditionnelle et festive, parfois à la surprise de la jeune fille. On parle dans ce cas de hankenh. Une fois ces démarches du mariage coutumiersont effectuées et selon la tradition, la jeune fille devient l'épouse du jeune homme. Cependant, avant de s'établir dans son foyer conjugal, plusieurs étapes sont à observer, notamment, le Kwaan Kpoe (prise de nourriture ou de vivres dans le champ du mari), le hamfaalôudi (période où la jeune fille passe trois semaines dans la maison du jeune mari) suivie du retour de la mariée à la maison de ses parents, et enfin à l'étape duDî-koûl-la ou la jeune fille part s'établir définitivement à son domicile conjugal. Mais de nos jours, toutes ces procédures conjugales sont en train de changer au fil du temps. Désormais, il est de plus en plus question de mariage d'amour (par consentement des deux époux) qui s'officialise par le Kôkô du jeune homme et sa famille, puis la dot selon une contenance redéfinie par l'ensemble des acteurs de la vie sociale (cadres et autorités traditionnelles).La famille Dègah est composée des enfants et du père. Les femmes peuvent se marier en dehors du clan, mais on s'attend à leur retour à la maison de leur père après la mort de leurs maris.

Les Dègah sont très religieux. Leurs ancêtres ont émigré avec la divinité de la terre, Tîhon, et ils ont ajouté d'autres divinités qu'ils ont rencontrées, comme Gnangan, Gbogboti, etc. Selon eux, ces divinités donnent des enfants à toutes les femmes qui en demandent et,par conséquent, les enfants doivent porter leurs noms. C'est ainsi qu'on a des Dègah avec des noms comme Kouakou Gbogboti...

Les religions révélées font également parti des croyances des populations. Cependant, avant même que le Christianisme et l'Islam ne fassent leur entrée chez les Dègah, ils reconnaissaient l'existence de Dieu, l'être surnaturel, qui est appelé Yadôloû Korowiri. Cependantpour eux, Korowiri, le chef de tous les esprits est trop loin de l'humanité et ne peut être atteint qu'à travers les ancêtres, divinités et autres esprits, notamment les Vôuga (les divinités locales), qui sont considérés comme les représentants de Dieu.C'est pourquoi ilsrestent attachés à leurs fétiches qu'ils adorent constamment.

Sur le plan architectural, même si les constructions sont de plus en plus de types modernes, la plupart des villages Dègah étaient construits de maisons en terre avec des toits en paille. Les styles architecturaux sont de variétés différentes: généralement des maisons aux toits plats faites de boue et des maisons rondes et rectangulaires aux toits de chaume. Les cases traditionnelles aux toits en paille sont très populaires chez les Dègah. On les retrouve au village sous l'appellation de djènguin ou hiliman, et aux champs sous le nom de lôguî pour désigner une sorte d'appâtâme de repos et de restauration ou se prépare le kookaalâ (le foutou du champ). Les Dègah ont en effet pour habitude de manger du foutou quand ils vont au champ. Au bout d'un bon moment de travail, ils profitent de leur temps de repos pour s'adonner à une petite partie de chasse aux rats, souris, agoutis et autres, qui leurs servent de viandes pour la confection d'un plat de foutou igname appelé kookaalâ qu'ils partagent entre hommes avant de rentrer au village le soir.

En raison de leur longue alliance avec les Ashanti et les Brong, les Dègah ont été influencés par un certain nombre de coutumes comme l'adoption de noms Akan, car les noms Kouassi ou Kossa, Kouadio ou Adjoua, Kobenan ou Abenan, Kouakou ou Akoua, Yao ou Yawa, Koffi ou Affoua et Kouame ou Aman qu'ils portent sont des emprunts de leurs rapports avec les Akan. Il existe cependant des noms de la linguistique Dègah qui sont portés selon le rang de naissance de l'individu dans sa famille de père et mère, jusqu'au sixième né chez les hommes et la septième chez les femmes. Ainsi, chez les hommes, le premier né s'appelle Sié, San pour le deuxième, Wolo pour le troisième, Penhpour le quatrième, Gnaman pour le cinquième et Tonh pour le sixième. Chez les femmes, on a Yéli pour la première, Yah pour la deuxième, Gninin pour la troisième, Pènin pour la quatrième, Sélé pour la cinquième, Gnaman pour la sixième et Tonh pour la septième. Au-delà de ces limites, les nouveaux nés qui suivent peuvent porter n'importe lequel de ces noms pris au hasard ou à la convenance des parents. Aussi, les Dègah portent souvent des noms inspirés de leur patois, expliquant une situation de vie ou traduisant une pensée. On a par exemple des noms comme Onmindôman (craint ton ennemi), Donganrèdigin (plus jamais pareille), Ndomgbounin (me battre pour réussir dans la vie, contre la volonté de mes ennemis de me voir périr), Maliret(surprise agréable, situation heureuse à laquelle on s'entendait le moins et dont Dieu nous fait grâce), etc. Traditionnellement, les chefs Dègah et les sages avaient l'habitude de porter de grandes blouses et montaient à cheval. Mais aujourd'hui, ils ont adopté de nouvelles habitudes vestimentaires telles quele port de pagnes etd'ornements d'or par les chefs, le port des chefs etc.

Le calendrier traditionnel Dègah reconnait seulement six jours que sont : Tchîla, Sémé, Kanan, Mouléha, Saaga, et Saaga tchô. L'année lunaire s'étend sur une période de douze mois appelés tchan.

II. ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE ET ORGANISATION SOCIO-POLITIQUE

1. Principales activités économiques

Les Dègah sont pour la plupart des agriculteurs, des chasseurs et des pêcheurs, et ils dépendent donc de la nature pour leur subsistance. En Côte d'Ivoire comme au Ghana, les Dègah occupent une zone où il y a une transition de la forêt à la savane. Les populations sont donc essentiellement des agriculteurs. En plus de la culture de l'anacarderécemment introduite etdevenue aujourd'hui leur principale production agricole de rente, ils pratiquent en général une agriculture de subsistance centrée surtout sur l'igname qu'ils continuent de commercialiser abondamment, le manioc, le maïs, l'arachide etc. Il y a aussi la chasse, la pêche en rivière, l'élevage et quelques métiers traditionnels tels que la poterie et le tissage. Notons que traditionnellement les Dègah pratiquent l'élevage de poulets, chèvres, moutons, porcs,juste pour leurs différentes pratiques rituelles ou pour leur propre consommation. Les femmes ramassent les noix de karité annuellement et font du beurre de karité.

Par ailleurs, la sècheresse permanente, l'infertilité des sols dûs aux conditions climatiques et l'insuffisance même de terres cultivables sur leur territoire, poussent les Dègah, notamment ceux de Côte d'Ivoire, à s'orienter vers d'autres horizons. Ils migrent à la recherche de travail et l'éducation. Ils vont généralement à Abidjan pour trouver du travail ou dans les régions forestières du pays propices à l'agriculture. Cependant, certains vont et reviennent chaque année travailler sur leurs propres exploitations agricoles (pour ceux qui en disposent) lorsque les pluies commencent.

2. Organisation socio-politique

Les Dègah ont migré avec leurs différentes structures politiques et sociales qui ont évolué au fil des ans. Aujourd'hui, ils sont parmi les rares groupes ethniques en Afrique qui pratiquent à la fois le système patrilinéaire et matrilinéaire de l'héritage. En effet, le mode de succession des biens est relatif selon le groupe. Cette succession est matrilinéaire au Ghana, par emprunt au système Ashanti. Cependant, chez les Dègah installés en Côte d'Ivoire, la transmission des biens se fait de père en fils. Cela s'explique certainement par leur brassage avec leurs voisins, notamment les Koulango et les Nafana, de qui ils ont copiés certaines habitudes.

Par ailleurs, contrairement à ceux du Ghana qui continuent de pratiquer une chefferie de type Akan, la fonction de chef de village chez les Dègah de Côte d'Ivoire est réservée généralement à un seul clan considéré comme la famille fondatrice du village. Les Dègah ont migré aussi avec les « Dia Némouan » (chef de famille). Ainsi, on retrouve dans la structure politique et sociale, le chef du village et les chefs de familles. Aussi, contrairement au système Akan, dans le système Dègah, les femmes n'ont pas de pouvoir coutumier de décision et n'ont donc aucune part à prendre dans les décisions d'installation ou de destitution du chef. Elles travaillent seulement comme des femmes leaders et mobilisent leurs soeurs pour des activités communautaires.

A cet organigramme traditionnel, il faut ajouter les structures associatives modernes telles que les mutuelles, les associations de jeunes, les associations de femmes, les associations d'élèves et étudiants etc., qu'on retrouve dans chaque village. Notons que chez les Dègah de Côte d'Ivoire, il n'y a pas de chef suprême qu'on peut considérer comme roi de tout le peuple. Par contre, les défis de développement et de solidarité ont conduit les cadres des trois villages à la mise en place d'une union de tous les Dègah de Côte d'Ivoire dénommée UNIDEGAH.

Chapitre 2 : PRESENTATION DU VILLAGE DE MOTIAMO

I. HISTORIQUE ET LOCALISATION

1. Histoire et organisation du village

La fondation du village de Motiamo remonte aux lendemains du deuxième mouvement migratoire des Dègah à partir du Ghana. Après le conflit avec leurs voisins Goussi depuis la Haute Volta qui les a poussé à s'installer au Ghana, certains d'entre eux vont à nouveau émigrer vers le nord, notamment en direction de la Côte d'Ivoire suite à la guerre de 1722-1728 entre les Ashanti et les Bono. C'est alors qu'à l'instar des deux autres groupes installés à Boromba et Zagala, Dah Gbamélé,ancêtre des Dègah de Motiamo, va conduire ses hommes à Bondigué (en terre ivoirienne), avant de s'établir dans leur cité actuelle à la demande de Koffi N'Guettia.

En effet, dans ses activités de chasse à Bondigué, Dah Gbamélé va faire la connaissance du chasseurNafana Koffi N'Guettiaavec qui il devient ami. Celui-ci invite Dah Gbamélé à partir résider avec lui dans son village d'origine Wélékéi. Dah Gbamélé lui donne alors rendez-vous des années plus tard, le temps pour lui de se décider. A son retour pour le rendez-vous, Koffi N'Guettia vient trouver que les Dègah ont perdu leur chef. Alors, Dah Gbamélé lui donne encore rendez-vous dans trois ans, le temps de finir les obsèques du chef disparu. Au bout des trois ans, les deux amis se rendent ensemble à Wélékéi où Koffi N'Guettia présente Gbamélé au chef des Nafana. Ayant trouvé le cadre convenable, Dah Gbamélé retourne chercher ses hommes à Bondigué pour s'établir à Wélékéi. Mais contre l'avis des Nafana de résider sur le même territoire avec les Dègah, Dah Gbamélé demande à être localisé sur un autre site avec ses hommes pour éviter d'autres conflits de cohabitation. C'est ainsi qu'il leur sera permis de choisir leur site d'occupation actuelle,propice à l'agriculture et à leur activité de chasse,mais aussi bouclier sécuritaire pour le trône du royaume du Pinango.

A l'origine, le nom du campement était Pèmiabra qui signifie en Brong « que celui qui m'aime vienne à moi ». Mais ce nomsera influencé par le dénominatif Mofouô par lequel les Brong et les Ashanti appelaient les Dègah. On reconnaissait donc Dah Gbamélé et ses hommes par l'expression Mofouô qui va devenir par déformation Motiamo, du nom actuel du village.

Le villagede Motiamo est composé de seize (16) familles reparties dans six (6) grands quartiers que sont Yarafôgôavec six (6) familles, Kôrafôgôavec deux (2) familles, Wêlafôgôavec une (1) famille,Sirafôgôavec deux (2) familles,Wêlarafôgôavec une (1) familleet Sôgafôgôavec quatre (4) familles. Dans la structure hiérarchique, il y'a le chef du village, les doyens de quartiers etles chefs de familles. A cette structure, s'ajoutent la mutuelle du village, les associations des jeunes et des femmes et l'union des Elèves et Etudiants. Le chef de village est choisi dans la lignée du chef pour un mandat à vie. Le système de succession au trône est héréditaire et tournant entre les trois (3) familles Kpamélé, Guindé et Kouassi Dougoutigui de la grande famille Yaradia (quartier Yarafôgô) dont l'ancêtre direct est Dah Gbamélé, fondateur du village. Dans l'exercice de ses fonctions, le chef s'appuie sur une notabilité de seize (16) doyensreprésentants les seize (16) familles du village. A ce jour, le village a connu onze (11) chefs, y compris l'actuel en la personne de Dah Kohoro SIE KOBENA qui exerce le trône depuis le 03 avril 2009 en replacement de Dah KOBENAN KRA (le 10ème chef) décédé le 10 février 2006. Notons que chez les Dègah de Motiamo, les funérailles du chef sont organisées trois ans après son décès. C'est ensuite qu'un nouveau chef est choisi. Pendant ce temps, le trône est conservé par le quartier Kôrafôgô qui en assure l'intérim jusqu'à l'organisation des funérailles et la désignation d'un nouveau chef.

2. Situation géographiqueetdonnées démographiques

Situé à l'extrême Est de la Côte d'Ivoire dans le district du Zanzan, plus précisément dans la région du Gontougo, Motiamo est une citée rurale placée sous l'autorité préfectorale du département de Bondoukou. Le village est situé à la périphérie du chef-lieu du royaume Pinango, Wélékéi,sur l'axe Bondoukou-Sorobangoà sept (7) kilomètres de la ville de Bondoukou dont il fait partie duterritoire communal. Le village de Motiamo fait frontières avec les villages de Wélékéi (distants d'un kilomètre) à l'ouest, Kanguélé au nord et Boromba à l'est. Le villages'ouvre sur la ville de Sampa au Ghana, par une piste longue d'une vingtaine de kilomètres.

Par sa proximité avec la ville de Bondoukou et le Ghana, Motiamo présente l'image d'une citée désenclavée. En effet, le village est accessible par des routes officielles et des pistes. Les liaisons sont assurées par des voitures (personnelles et transport en commun), des motos et des bicyclettes. Sur le plan infrastructurel, Motiamo est connecté au réseau électrique depuis 1999 et bénéficie d'une adduction en eau potable avec des pompes villageoises installées à travers tout le village.

Le village est bâti sur une surface plane avec une végétation caractérisée par la savane arborée, un climat marqué par des vents secs et de la chaleur, et des sols peu humides mais favorables à la culture de l'igname et de l'anacarde qui sont les principales activités agricoles de la population. Mais en plus de ces principales cultures, les populations cultivent aussi le maïs, le haricot et le manioc et pratiquent l'élevage de volailles, de porcs et de bovins qui leur servent généralement pour la consommation et les sacrifices rituels.

Notons que chez les Dègah de Motiamo, les activités champêtres sont réservées aux hommes. Les femmes sont en général occupées aux tâches domestiques et la recherche de fagots, les activités de poterie et le commerce.

Sur le plan démographique, la population totale résidante dans le village est estimée à ce jour à trois mille (3500) âmes environ. Elle est composée majoritairement d'autochtones Dègah avec une toute petite présence d'allogènes Lobi et autres. Par ailleurs, on compteplus de mille (1000) ressortissants du village vivant à Abidjan et quelques mille cinq cent (1500) dans les villes de l'intérieur. En effet, en raison de l'insuffisance des terres cultivables et du taux de pauvreté élevé dans la région, les populations (les jeunes surtout) s'orientent vers d'autres horizons à la recherche d'une activité lucrative. C'est ainsi qu'ils choisissent pour la plupartla destination de la capitale économique ou les zones forestières du pays propices à l'agriculture. En outre, la population est pour la plupart jeune avec une majorité compris entre quinze (15) et trente-cinq (35) ans et un niveau d'alphabétisation moyen. Cela s'explique certainement par le taux élevé des naissances dû aux mariages et grossesses précoces ainsi que la déscolarisation importante dans le système primaire et secondaire. Le village compte une école maternelle et deux écoles primaires. Le taux de scolarisation reste relativement élevé au primaire avec un égal accès à l'éducation pour les filles et les garçons, mais moyen au secondaire et relativement faible au supérieur. Même si cette population est essentiellement agricole, on peut compter des cadres employés dans l'administration publique et privée ainsi que quelques personnes exerçant des professions libérales comme le commerce et autres.

II. PATRIMOINE ARTISANAL ET CULTUREL

1. Le potentielartisanal du village

Motiamo se veut un pôle d'attraction touristique en raison de son potentiel artisanal qui constitue un vecteur de promotion du village dans la région et même en Côte d'Ivoire. On reconnait en effet la cité par la technicité et lesavoir-faire des femmes en matière de poterie, un art unique dans le département qui suscite des visites touristiques dans le village. Dans le village, presque toutes les femmes sont potières et c'est leur occupation quotidienne. A défaut de pratiquer le champ comme les hommes, la poterie est leur seule activité génératrice de revenus.

L'art potier est aussi ancien que la création du village. La chaîne opératoire est restée purement traditionnelle jusqu'à ce jour. Cette activitéconsiste pour les femmes à produire des vases de forme globulaire, qui servent à plusieurs usages. Il s'agit notamment de canaris, écuelles, vases, pots etc., faits avec des décors généralement imprimés à l'épi de maïs égrené. Les canaris et les écuelles sont très souvent d'un noir brillant obtenu par enfumage dans l'herbe sèche ou fraîche dès le retrait du feu et par immersion dans une décoction d'écorce d'anacardier. Quant aux vases, ils sont de couleur rouge ocre due à l'engobage subi avant la cuisson.

L'une des particularités de la production de Motiamo, c'est la pré-cuisson. Elle permet d'éviter l'éclatement des pots au feu.La cuisson elle-même se fait sur une surface dégagée, à l'écart des habitations. Elle passe par plusieurs étapes. Tout commence par la pré-cuisson sur un feu de braise allumé à l'emplacement de la cuisson. Elles dressent un lit de branchages séchés à même le sol et y renversent une première série de poteries qu'elles emboîtent dans des positions verticales. Tout cet ensemble recouvert de branchages et d'herbes séchées est maintenu par des pots cassés inutilisables disposés autour du tas formé. Sur ce dispositif, on met le feu et on l'entretient en ajoutant régulièrement de l'herbe séchée telle que l'illustre l'image qui suit.

1- Une potière de Motiamo en plein travail

Source : www.infoduzanzan.org, mai 2013

Lorsque le feu a pris, on laisse la cuisson se dérouler jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de flamme. Cela peut durer deux (2) heures. Le pot cuit se reconnaît par sa clarté. A l'aide d'une grande fourche, le pot est retiré du feu pour être plongé dans la paille allumée pour l'enfumage, puis dans une décoction pour la brillance. Ce type de cuisson permet aux objets de résister aux chocs thermiques et mécaniques. Ces poteries sont vendues soit le dimanche, jour du marché de Bondoukou, par les potières elles-mêmes ou sur place dans le village par des femmes qui viennent s'en procurer sur le site de production.Les potières de Motiamo ont un savoir-faire comme celles de l'ethnie Mangoro de Katiola. Ce mérite leur a même valu le soutien de l'ambassade de l'Allemagne qui leur a offert un four moderne pour la cuisson des poteries en vue de multiplier la production et mieux développer l'activité.

2. La vie culturelle des populations

A l'instar de tout le peuple Dègah, le village de Motiamo se caractérise par la richesse et la vivacité de son patrimoine culturel. Le village compte en effet plusieurs fêtes et danses traditionnelles, ainsi que des pratiques culturelles héritées des ancêtres et perpétuées jusqu'à maintenant en raison de leurs fonctions sociales. Il s'agit notamment de :

-« Gnangan » ou fête de la nouvelle récolte chez les Dègah de Motiamo. C'est une fête de moisson en guise de reconnaissance à « Korowiri » (Dieu) et aux « Voûga » (divinités terrestres) à qui l'honneur est fait d'être les premiers à manger les nouvelles récoltes des champs avant que les populations ne soient autorisées à en consommer. C'est à cette occasion que le Pidii ou fête d'igname est célébré dans le village. Mais la particularité de cette fête, c'est qu'en plus de l'igname, elle concerne tout ce qui est nouvelle récolte, notamment le maïs, l'arachide, le gombo etc. Cette fête se déroule généralement dans la période du mois de Juin-Juillet sur une durée de trois (3) jours et consiste en des rituelles et festivités traditionnelles. Elle obéit à plusieurs étapes dont la chasse communautaire du lapin dit « Gnangan Tchooman », les sacrifices rituels d'animaux en l'honneur de Dieu et des divinités terrestres pour leur dire merci, l'adoration du fétiche Gnangan dont la fête porte le nom, le pèhn tahî qui est une sorte de lutte traditionnelle etc.

- « Koumou » :C'est une fête rituelle organisée avant la saison agricole. Elle consiste à sanctifierla terre, à réparer tous les torts qui y ont été commis et à adresser des prières au dieu de la terre pour que les récoltes soient abondantes. Le Koumou est célébré deux (2) fois dans l'année : une première fois pour annoncer et fixer la date du Gnangan et la deuxième fois pour fixer le Gbônnô. Le Koumou est considéré comme une fête des chefs de famille au regard de son caractère sacré dont les sages seuls en savent le mystère.

- « Gbônnô » :Le Gbônnôest pour le village de Motiamo ce que les Dègah appellent Loudjenanou lourri. Il s'agit des grandes funérailles organisées chaque année pour tous les morts du village pour marquer leur séparation définitive d'avec le monde des vivants. La particularité de cet évènement à Motiamo est qu'il marque aussi le nouvel an dans le village selon le calendrier traditionnel du peuple. Ainsi, le Gbônnô apparait comme une double célébration qui consiste en des funérailles annuelles et la commémoration du nouvel an.

- « Djamé » :Il est aussi de tradition chez les Dègah de Motiamo d'organiser des sorties de masques. Le principal masque est le Djamé. Il a pour fonction d'exorciser le village. Chaque famille a son masque qu'il prépare pour la circonstance. Le Djamé est sculpté en bois et a une forme anthropomorphique. Le porteur est entièrement habillé avec des étoffes tissées à l'aide de feuilles de rônier. Leur sortie intervient à l'entame de la nouvelle année Dègah, quelques semaines après le Gbônnô. Après cette sortie des masques, les jeunes adolescents sont autorisés à fabriquer leurs propres Djamé appelés « tchenfè » qu'ils promènent à travers tout le village avec des danses et chants, en imitation aux vrais Djamé.

En outre, l'on a des danses et musiques traditionnelles comme le « Gban », le « Ganhin », le « Wara », le « Logan », le « Gobi », le « Naya », le « Kpan-nan », le « Mandié », le « Vogora » etc. Chacune de ces danses a sa particularité et la circonstance de son exécution. Le « Gban » par exemple est un fétiche protecteur invoqué très souvent pour chasser les mauvais esprits du village. La sortie de ce fétiche donne lieu à une danse religieuse de purification qui s'exécute généralement la nuit par des personnes initiées, tout comme le « Voûgora » qui est aussi une danse rituelle de prédication pratiquée par les prêtres ou devins vôgôrou. Quant au « Wara », le « Gobi »,le « Mandié », le « Logan » et le « Naya », ce sont des danses de réjouissances interprétées lors des mariages, fêtes et parfois même des funérailles. Il existe aussi des danses de chasse comme le « Kpan-nan » et des danses de guerre comme le « Ganhin » exécutées seulement par des initiés. Ces différentes danses et musiques sont rythmées par divers instruments tels que les tambourskpan-nan, djémé etnaya, les lames de houe palî, la cloche daouro, les hochets en calebasse logan, les gourdes percutées langôguin, les sonnailles en feuilles de rônier yéga, la calebasse percutée louyé etc.

Motiamo dispose également d'une fanfare,acquise depuis 1955 à l'initiative des populations elles-mêmes, qui assure l'animation et l'ambiance populaire dans le village lors des différentes cérémonies et fêtes qui y sont organisées. Le dynamismeet le talent de cette fanfarelui vaut d'être très souvent sollicitée pour des fêtes et cérémonies officielles à travers la région.Le village compte aussi des musiques et danses d'animations populaires et d'ambiancescomme le « Djinan » et l'« Atchéwé ». Par ailleurs, sur le plan artistique Motiamo regorge une pléiade de talents excellant dans la musique tradi-moderne. On peut citer parmi eux les célèbres musiciens Atto Yam's, Djalam's et bien d'autres.

Deuxième partie :

SYMBOLIQUE DU GBÔNNÔ DANS L'UNIVERS SOCIO-CULTUREL DES DEGAH DE MOTIAMO

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Chapitre 3 : DESCRIPTION DE L'EVENEMENT

I. LES FONDEMENTS DU GBÔNNÔ

1. Les fondements culturels de la célébration

« Gbônnô » est une expression Dègah qui traduit une idée d'affliction et de réjouissance en même temps. C'est un évènement célébré chaque année dans le village de Motiamo. Cette célébration consiste en des funérailles annuelles dénommées Lourri, suiviesde la commémoration du nouvel an.L'évènementrevêt undouble caractère traditionnel et socioculturel.

En effet,à l'instar de tout le peuple Dègah, des grandes funérailles sont organiséeschaque année pour tous les morts du village au cours de l'année pour marquer leur séparation définitive d'avec le monde des vivants. A l'origine de cette coutume, le mode d'organisation des rites funéraires chez les Dègah qui se décline en deux (2) étapes. Selon le doyen KOUAME Kouman, notable mandaté par le chef du village de Motiamo pour nous entretenir lors de nos recherches, les Dègah enterrent leurs morts et reportent les funérailles en fin d'année. A la question de savoir pourquoi une telle manière de faire, le notable explique que les Dègah sont très solidaires, même dans l'épreuve. Dès lors, lorsqu'un décès survenait, il fallait attendre toute la famille avant d'organiser les funérailles. Or il n'est pas de plus en plus évident de réunir tout le monde immédiatement après le décès, surtout que certains parents sont très souvent en voyage loin du village. A défaut de pouvoir conserver les corps tout ce temps, en cas de décès, on enterre les morts et on reporte les funérailles pour permettre à toute la famille et la communauté d'être réunis. Le moment choisi à cet effet est la fin de l'année traditionnelle qui coïncide avec la période des récoltes où il y'a abondamment de nourriture pour alimenter toutes les personnes qui arrivent pour la circonstance. Cependant, il faut noter que ces rites funéraires annuels concernent seulement les personnes décédées ne pratiquant ni le christianisme, ni l'islam. Car selon le principe de ces religions, les funérailles sont organisées une seule fois selon que l'enterrement et les funérailles sont combinés et faits au même moment. Ainsi, quand un décès intervient, la notabilité, réunie autour du chef du village, demande la religion du défunt. Si son appartenance religieuse est avérée, alors la responsabilité de ses funérailles revient à sa communauté qui les organise conformément aux principes de la religion. C'est seulement les funérailles des défunts animistes, ne pratiquant aucune religionrévélée, qui reviennent à la chefferie du village et sont prises en compte pendant les grandes funérailles. Mais pour que cela soit, le défunt doit avoir la majorité d'âge qui s'apprécie selon qu'il participe aux collectes de dons communautaires ou N'zaa, en cas de décès. Aussi, par le passé on consultait les morts animistes pour qu'ils disent le motif de leur décès, car il n'y avait pas de mort sans raison chez les Dègah. Tout défunt qui ne donnait pas de motif poursa mort était considéré commeun sorcier et n'était pas enterré dignement. Ses funérailles n'étaient pas prises en compte non plus. Mais de nos jours,cette coutume a été abolie et tous les défunts animistes sont désormais célébrés dignement pendant les Gbônnô.

En outre, dans toute société, le début de la nouvelle année est une occasion de festivité et de remerciement à Dieu pour ses bienfaits. Il est aussi de tradition chez les Dègah de Motiamo de célébrer la nouvelle année selon leur calendrier traditionnel. C'est ainsi qu'ils saisissent cette occasion pour accompagner définitivement tous les morts de l'année à travers les grandes funérailles, avant d'entamer la nouvelle année avec faste et par des festivités. Le calendrier Dègah compte douze (12) mois de quatre (4) semaines chacun, avec six (6) jours par semaine. L'année lunaire commence généralement dans la période de novembre-décembre du calendrier grégorien.

Dans l'organisation pratique, les grandes funérailles ou Lourri finissent le dernier jour de l'année en cours, pour faire place aux festivités du nouvel an à partir du jour suivant qui marque le premier jour de la nouvelle année. Toutefois, l'évènement se prépare plusieurs jours avant les grandes funérailles et prend fin trois (3) jours après la célébration du nouvel an, tout cet intervalle de temps étant marqué bien sûr par des activités spécifiques.

2. Les origines sociales de l'évènement

En considérant seulement ses fondements culturels, on peut considérer le Gbônnô comme une cérémonie rituelle ou un simple culte traditionnel. Mais en réalité, cette célébration se veut aussi un phénomène social et un évènement d'animation culturelle aux origines sociales. Plusieurs facteurs témoignent de cette évidence. Il s'agit notamment de la reprise de la vie sociale après les rites funéraires et l'accueil du nouvel an. Chez les Dègah, la mort ou la séparation définitive d'avec un être cher est un évènement douloureux qui a besoin de la solidarité des autres. C'est ainsi que toute la communauté se mobilise pour soutenir les familles endeuillées lors des funérailles. Cette mobilisation vise le réconfort des personnes touchées par le deuil. Pour ce faire, un soutien moral est nécessaire pour atténuer la douleur. C'est pourquoi des danses et chants sont généralement organisés au lendemain des funérailles pour détendre l'atmosphère et permettre de reprendre la vie avec courage et espoir.

A Motiamo, il se trouve que la période des grandes funérailles communautaires coïncide avec la célébration du nouvel an. Dès lors, l'occasion est toute trouvée pour organiser des festivités et des animations populaires non seulement pour détendre après la douleur des funérailles, mais aussi et surtout accueillir avec joie la nouvelle année qui commence.

Aussi, du fait de leurs lieux de résidence souvent éloignés en raison des nombreux voyages qu'ils entreprennent à la recherche d'un mieux-être hors du village, les populations se retrouvent difficilement. A cet effet, la seule occasion pour elles de se revoir apparait l'opportunité des grandes funérailles marquant la fête du nouvel an. C'est alors que prend forme le phénomène des retrouvailles annuelles dans le village. C'est à cette occasion que les populations se donnent généralement rendez-vous pendant l'année, aussi bien pour leurs affaires privées que pour les problèmes d'intérêts familiaux et communautaires. D'ailleurs, ce moment se veut même une obligation pour chacun de se rendre au village.

Le Gbônnô est en effet l'occasion des règlements de problèmes de familles dans le village, les réunions entre parents pour des conseils, etc. Pour la circonstance, chaque membre de la famille doit être présent. Des messages d'interpellations sont envoyés aux absents sans motifs et aux personnes qui ne viennent pas régulièrement au village par l'intermédiaire de leurs plus proches parents ou cohabitants. Ces moments de retrouvailles permettent de renforcer les liens et de maintenir la cohésion dans la famille, car c'est l'occasion pour tous les membres de la famille et du village de se connaitre en tant que parents, frères et soeurs, cousins et cousines, neveux et nièces, etc.

II. LES ETAPES DE LA CELEBRATION

1. Les préparatifs de l'évènement

La célébration du Gbônnô obéit à un processus de plusieurs étapes qui débute par les préparatifs notamment la détermination de la période de l'évènement, et des tâches préparatoires.A ce sujet, le notable KOUAME Kouman explique que tout commence par la fixation de la période.

1.1- La fixation de la période

Selon le calendrier traditionnel, plusieurs évènements ont lieu avant le Gbônnô, notamment le Gnangan et le Koumou. C'est justement le 2èmeKoumou qui fixe la période du Gbônnô. C'est au cours de cette fête rituelle que les sages (le chef du village et sa notabilité) annoncent la période de la célébration du Gbônnô. Cette période intervientà environ un (1) mois après la fête du Koumou. Aussi, le Gbônnô ne se célèbre pas en pleine lune. L'évènement se tient ordinairement vers la fin du mois et c'est quelques jours après que l'on voit la lune. Notons par ailleurs que selon les coutumes, les funérailles annuelles se limitent à celles intervenues avant le Koumou. Ainsi, tout décès après cette fête rituelle n'est pas pris en compte. En outre, une famille endeuillée peut choisir de reporter les funérailles de son défunt parent selon qu'elle ne réunit pas toutes les conditions en termes de disponibilité des membres de la famille et de mobilisation des moyens nécessaires.

1.2- Les tâches préalables

Une fois la période du Gbônnô fixée, plusieurs tâches sont à accomplir avant le déroulement de l'évènement. Il s'agit notamment de :

-Le Komian : le Komian consiste en la mobilisation du maïs ou du mil devant servir à fabriquer la boisson traditionnelle que l'on utilise pour les rituelles de la célébration. Cette boisson qu'on appelle Louéssinon est spécialement préparée pour l'occasion. Le Komian intervient pendant la célébration du Koumou fixant la période du Gbônnô. A cette occasion, le chef du village autorise les familles endeuillées à sortir leurs maïs ou leurs mils qui sont remis aux femmes pour les apprêterconformément aux méthodes de fabrication de la boisson traditionnelle en question. Le travail des femmes à ce niveau consiste à la conservation en lieu sûr (pendant deux semaines), puis le séchage qui dure deux semaines également.

Pendant ce temps, les femmes fabriquent les Côta cô-li, c'est-à-dire les poteries qui doivent servir pour les rituelles.

- Le Sindarî : Il s'agit de la recherche de fagots ou bois de chauffe pour préparer la boisson traditionnelle. Littéralement, Sindarî veut dire « fagots de boisson ». Cette tâche est réservée aux hommes qui vont aux champs chercher le bois de chauffe qui va servir à préparer la boisson. Un jour spécial est dégagé pour cette activité. Ce jour correspond au Tchila, premier jour de la semaine dans le calendrier traditionnel. Le Sindarî a lieu trois semaines environ après le Komian.

-Le Touugaa : C'est le pilage du maïs ou du mil. Il intervient une semaine après le Sindarî, c'est-à-dire le Tchila suivant. Ce jour-là, les femmes se réunissent dans les familles endeuillées pour piler le maïs.

-Les préparations de la boisson ou Sin-daala : Ce jour intervient un Sémé, c'est-à-dire au lendemain du Tchila, plus exactement un jour après le pilage du maïs ou du mil. Les femmes mettent au feu le maïs ou le mil pilé. La boisson obtenue est communément appelée Pino. Ailleurs, l'on parle de Tchakpalo pour désigner cette boisson. C'est le début du Gbônnô.

2. Le déroulement de la célébration

Le Gbônnô, en tant que rites funéraires et fête de nouvel an, se déroule en deux grandes étapes relatives aux cérémonials funèbres et aux solennités de la célébration du nouvel an.

2.1. Les cérémonials funéraires ou lourri

La première étape du Gbônnô consiste aux grandes funérailles ou Lourri. Cette étape des funérailles dure trois (3) jours et se déroule en trois (3) phases. Il s'agit respectivement du Lawia, le Bouètchôa et le Côta.

- Le Lawia : Les cérémonials funéraires commencent le soir des préparations de la boisson. C'est le premier jour des grandes funérailles correspondant au Sémé dans le calendrier traditionnel. Cette nuit-là, on organise des pleurs dans chaque famille concernée par les rites. Les parents, proches et ami(e)s du défunt convergent dans la cour qui abrite les funérailles pour pleurer à sa mémoire. Le Lawiaest donc une sorte d'hommage qui veut dire « pleurs de regrets du défunt ».

- Le Bouètchôa : Après le Lawiadu Séméqui annonce le début des funérailles, on en arrive le jour suivant au Bouètchôa ou encore Hèlè tchôa qui consiste en une veillée traditionnelle dans tout le village à partir du soir. Ce jour correspond au Kanan(troisième jour du calendrier traditionnel). La journée est consacrée aux préparatifs et aux ménages sur les lieux abritant les funérailles dans les différentes familles en deuil. La veillée commence autours de 19h par le Wara qui est la danse traditionnelle qu'on exécute pour la circonstance. Cette danse à laquelle tout le monde peut prendre part, commence à l'entrée du village pour s'établir ensuite sur la place publique. L'exécution du Wara est suivie d'ambiances populaires, fanfare et diverses. A la suite du Wara, toutes les autres danses traditionnelles peuvent être organisées pendant la veillée. Par ailleurs, après le Wara et quelques moments d'animations sur la place publique, les soirées se délocalisent dans les familles en deuil. En cas de plusieurs deuils dans le même quartier, les veillées peuvent être regroupées en un seul lieu. Les veillées durent jusqu'au matin du jour suivant. En guise de soutien aux familles en deuil, la fanfare du village entreprend des visites d'animations tôt le matin dans les différentes assemblées en veillée(2(*)), pour y apporter plus d'ambiances populaires et de ferveurs. Le lendemain du Bouètchôa est consacré à la présentation des condoléances et dons qui sont reçus et officiellement annoncés dans l'assemblée. Les attroupements sur les lieux de deuils perdurent jusqu'à une certaine heure de la matinée (voir l'image ci-dessous).

2- vue d'un lieu de deuil au matin du Bouètchôa

Source : KOUAKOU Kouassi Maliret, Motiamo le 21 novembre 2014

- Le Côta :C'est l'accompagnement définitif des morts. Côta signifie littéralement « jet des vaisselles de terre ou plats en poterie ». Ces vaisselles de terre, faites spécialement pour les funérailles, contiennent des charges qui sont dites renfermer l'âme des défunts. Ces charges sont portées par des jeunes femmes en incarnation des défunts. Celles-ci les abandonnent au cimetière du village au bout d'une longue procession à partir de la place publique. Selon les différentes phases de déroulement de l'évènement, le Côta a lieu au lendemain du Bouètchôacorrespondant au Mouléha (quatrième jour du calendrier traditionnel). Le Côtaest l'étape la plus importante des funérailles. L'originalité et le caractère spectaculaire de l'évènement en font un festival exclusif qui attire une foule immense de spectateurs composés essentiellement des villageois, quelques invités et étrangersissus devillages voisins. Ilintervient dans la soirée, au coucher du soleil. Mais plusieurs rituels précèdent ce moment.

Les préparatifs du Côta :

Tout commence le matin au lendemain du bouètchôa par les préparations. Dans les familles, on abat les bêtes qui vont servir à la confection des repas. Toutes les femmes s'activent à la cuisine pour préparer de quoi à manger aussi bien pour les étrangers reçus que pour leurs familles. Pendant ce temps, les populations se réunissent en assemblées pour débattre des sujets d'intérêts communs et le règlement des problèmes de familles. Cette matinée est aussi l'occasion d'animations traditionnelles éclatées dans le village avec notamment les Yoman. Les Yoman sont les petits fils et petites filles du défunt. Badigeonnés et vêtus traditionnellement, ceux-ci parcourent les quartiers du village en signe de soumission et de dévouement à leurs défunts grands parents, effectuant des visites chez les enfants, neveux et nièces de la personne décédée pour les encaisser de l'argent conformément à la tradition. Mais la personne encaissée a librement le choix du montant qu'elle donne aux Yoman. On parle, pour ce rituel, de Nan-Nan Wia.

Après le déjeuner, les femmes se retrouvent dans les familles de deuil pour préparer le Boûtchoûa-coûlîou Coûh-djénanqui désigne le repas fait spécialement pour les rites. Avant de commencer, les femmes attendent l'autorisation des sages qui font le tour des familles de deuil pour des rituels autorisant la préparation.Ce repas qu'on appelle traditionnellementCoûlî ou Kabato en d'autres langues, est fait à partir d'un mélange de farine de maïs et de manioc qu'on transforme en patte dans des grosses marmites au feu contenant de l'eau bouillante. La patteest obtenue par l'actiondes femmes qui pétrissentle contenu de la marmite sur le feu avec des sortes de bois fabriqués à cet effet.Une fois cuit, la part de repas qu'on utilise pour les rituels, appelée Côta-coûlî(3(*)), est serviedans une vaisselle de poterie diteLacôla.Pendant que les femmes sont à la tâche pour préparer le Boûtchoûa-coûlî, les sages du village font le tour des quartiers de deuil pour le Hîlatchôguî. Il s'agitd'une cérémonie au cours de laquelle des ignames et des bêtes sont apportées par les époux ayant contracté un mariage avec une fille ou une nièce du défunt, en guise de provisions pour son dernier voyage au pays des morts. Cette coutume s'impose à tout époux-gendre de la personne décédée, quelle que soit sa religion. Par ailleurs, le Hîlatchôguî est organisé pour tout défunt concerné par les rites funéraires, qu'il soit homme ou femme. Au cours de la cérémonie, chaquebeau-fils ou gendre apporte six (6) ignames accompagnées obligatoirement d'une chèvre ou cabripour les gendres ayant épousé une fille du défunt et d'un poulet ou chèvre(selon les moyens) pour ceux ayant marié une nièce du défunt, ainsi que de l'argent comme prix de sel. Une fois les dons(4(*)) présentésofficiellement dans l'assemblée, il revient aux sages, c'est-à-dire le chef du village et ses notables qui président la cérémonie, d'approuver. Ceux-ci peuvent les accepter ou les refuser selon que le don est incomplet ou qu'il n'honore pas la mémoire du défunt. Dans le partage qui se fait sur place, une igname reste au chef du village et le reste des dons est retourné à la femme du donateur.La cérémonie est marquée aussi par le partage de la boisson traditionnelle fabriquée quelques jours avant. Cette boisson contenue dans des canaris ou Sinvi, est présentée pour être partagée dans l'assemblée. Le nombre de Sinvi qu'on sort dans l'assemblée équivaut au nombre de deuils dans le quartier.

Elle est servie dans des petites calebasses,en commençant par le porte-parole du chef qui fait des libations d'abord.

3- Une vue deSinvi lors d'une cérémonie de Hiltchôguî

Source : KOUAKOU Kouassi Maliret, Motiamo le 21 novembre 2014

La cérémonie du Hîlatchôguîautorise les familles à procéder auxoffrandes de nourriture et l'abattage des bêtes apportées par les gendres.

On commence par tuer les animaux (généralement des poulets ou chèvres) qu'on va utiliser comme viande pour le repas des défunts. Il s'agit de leur dernier repas sur la terre des vivants avant leur départ définitif au pays des morts. Une fois ce repas contenudans des vaisselles en terre ou Lacôhlî est prêt,il est donné au défunt par des femmes âgées. La nourriture est servie aux défunts à même le sol par les femmes, en même temps qu'elles font des invocations et des prières.

Les offrandes de nourriturefont place aux sacrifices des animaux offerts en l'honneur des défunts (voir l'image ci-dessous).

4- Offrande sacrificielle à un défunt avant le Côta

Source : KOUAKOU Kouassi Maliret, Motiamo le 21 novembre 2014

Les Dègah de Motiamo pensent que leurs ancêtres sont dotés d'un pouvoir d'intercession et prient Dieu à travers eux. C'est ainsi que lors des rites funéraires annuels, ils leurs offrent des animaux en sacrifices pour implorer leur bénédiction et leur plaidoyer auprès du Dieu suprême en faveur des vivants. Les enfants du défunt apportent une chèvre ou un cabri qui est offert en sacrifice en l'honneur de leur défunt parent. Les chèvres ou cabris apportés par les gendres directs sont tués à un endroit du mur de la cour après que l'esprit du défunt y ait été invoqué,pendant que les poulets et autres bêtes offerts par les autres gendres sont sacrifiés sur le Lacôla. Ces offrandes sont précédées de libations faites avec la boisson traditionnelle préparée préalablement. Pour toute offrande sacrificielle faite, les animaux sont tués et dépecés, les cuisses gardées dans la famille de deuil et le reste retourné à l'épouse du donateur.Notons que les sacrifices sont faits par des personnes spéciales désignées selon les rapports interculturels et les alliances entre les différentes familles dans le village. C'est dire que pour un deuil dans une famille donnée, il existe des gens dans une autre famille alliée à qui il revient de présenter les offrandes et faire les sacrifices.

Après les offrandes sacrificielles(5(*)), l'étape suivante qui précède le Côtaest l'apprêt desLacôhlîdans les différentes familles de deuil. Cela se fait dans le plus grand secret et la plus grande intimité par les doyen(ne)s. Les Lacôhlî sont les charges qui symbolisent la présence du défunt que l'on est en train d'accompagner définitivement au pays des morts. Ceux-ci sont dits renfermer les âmes des défunts. Ils comprennent généralement des pagnes qui couvrent les vaisselles de terre ou Côla, représentant la partie visible de la charge. Cependant, leur contenu n'est connu que des sages et doyens. Une fois le moment du Côta venu, les Lacôhlî sont chargés par des jeunes femmes jusqu'au cimetière du village pour y être abandonnés. En outre, la charge ouLacôla est porté uniquement par une jeune femme issue de la même famille que celle des hommes ayant fait les sacrifices d'animaux, c'est-à-dire de la famille alliée à celle du défunt.

Le déroulement du Côta

Le Côta est la dernière phase des rites funéraires. C'est l'étape de l'accompagnement et des adieux. Tout commence autour de 16h sur la place publique du village qui ouvre directement sur le cimetière. Pour l'occasion, toutes les populations et les invités prennent place sur les lieux et le long du passage, assises pour certaines et débout pour d'autres. La disposition est faite de sorte à permettre une ouverture de scène qui sert de passage aux porteuses des charges contenant l'âme des défunts (voir l'image ci-dessous).

5- Passage de porteuses de charges avec des âmes de défunts, symbole du départ de morts

Source : KOUAKOU Kouassi Maliret, Motiamo le 21 novembre 2014

Le départdes morts(6(*)) se fait par une longue procession des jeunes femmes portant l'âme des défunts. Habitées par l'esprit du défunt, elles passent par ordre d'appels sur la place publique devant toutes les populations pour les derniers adieux. Lorsque la cérémonie commence, les jeunes femmes portant les charges sont conduites sur le lieu pour y prendre position avant d'être appelées par ordre de passage selon la place et le rôle de la famille d'appartenance du défunt dans le village. C'est ainsi que les derniers défunts qu'on accompagne sont toujours ceux issus de la lignée du chef, notamment du quartier Yarafôgô. Derrière les jeunes femmes, suivent les membres de la famille, accompagnant leur défunt-parent en pleurs et en larmes. A chaque appel donc, et au son de la fanfare, apparait une jeune femme avec une charge sur la tête. Devant toute l'assemblée et le public présent, elle passe, dit-on, avec l'esprit du défunt.

Cette incarnation se manifeste par le comportement, la démarche, les gestes, la voix, le sourire et le styledes jeunes femmes généralement identiques à ceux du disparu de son vivant. On peut noter également des effets stylistiques et émotionnels tels que l'humour, la comédie, le regret, le mécontentement etc., habituels au disparu. Chaque passage peut être est suivi d'une prise de parole pour un dernier message que le défunt laisse à ses proches. Il peut s'agir d'un message de reconnaissance à ses bienfaiteurs de son vivant, de mécontentement, d'adieu, d'invitation à l'amour, à la paix où à la réconciliation entre personnes en conflits ou encore de legs. Toujours concernant le disparu qui s'exprime par l'intermédiaire de la jeune femme qui l'incarne, il produit parfois des gestes qui accompagnent son discours. Il peut, dans cette dynamique, produire des gestes qui ne sont pas souvent compris par tous les participants. Seuls les sages en comprennent généralement le sens et c'est eux qui traduisent ces messages codés aux membres de la famille après la cérémonie.

Aussi, les mouvements de la jeune femme sont très souvent à l'image du disparu selon son état d'âme. Ainsi, peut-elle circuler dans tous les sens quand le disparu est content ou refuse de partir, ou alors ne pas faire du tout de mouvement et marcher tout droit vers le cimetière quand le disparu se sent blessé, par exemple, exprimer son regret ou son indignation suite à une mort prématurée. Au niveau du costume des jeunes femmes, il étaitautrefois choisi parmi les plus beaux vêtements du disparu selon la manière dont celui-ci s'habillait de son vivant en situation de fête. Mais aujourd'hui les tenues vestimentaires ont été libéralisées de sorte que les jeunes femmes qui portent les charges sont libres du choix de leur habillement pour la circonstance.

Au terme de la procession et de tous les mouvements, les Lacôhlî sont abandonnés au cimetière. Là-bas, la charge est laissée tomber de sorte à casser la vaisselle de terre ou Côla. C'est à ce moment précis que l'esprit du défunt quitte la charge et la jeune femme l'ayant porté. Une fois la charge jetée et le Côla cassé, on récupère le bas et les pagnes qu'on ramène au village. Le reste est abandonné sur les lieux. Le bas de la vaisselle qu'on récupère est gardé soigneusement pour servir à des rituels d'adorationsannuellesdu défunt à partir de la troisième année après les rites funéraires.

Il faut ajouter aussi que porter le Lacôla est très souvent une épreuve assez difficile pour la jeune femme, vue les mouvements du défunt dont elle porte l'esprit. Elle peut tomber en transe sur le chemin du départ au cimetièreou alors s'évanouir une fois les charges abandonnées et l'esprit du défunt parti. Parfois même en perte de connaissance, la jeune femme doit être portée du cimetière jusqu'à domicile.

Dans le passé, après le Côta tout le village restait dans le silence et le recueillement. Le calme restait toute la nuit pour laisser partir les défunts. Tout le monde dormait très tôt de peur de rencontrer un fantôme, car il se raconte qu'on pouvait sentir la révolte des morts qu'on venait d'accompagner. Il n'était pas rare d'entendre leurs voix et leurs murmures tout au long de la nuit. Cette nuit était sacrée et le village faisait peur surtout qu'il faisait très noir, puisque le Côtaa lieu avant la sortie de la lune.Mais avec le modernisme et surtout l'électrification du village, des animations sont désormais permises. Ainsi depuis quelques années, on assiste après le Côta, notamment à partir de 21h, à un concert populaire avec la présence d'artistes, suivi d'un bal poussière jusqu'au matin du premier jour de la nouvelle année consacré aux festivités du nouvel an.

2.2. La solennité du nouvel an

La deuxième grande étape du Gbônnô est la célébration du nouvel an. Elle a lieu au lendemain du Côta. C'est un jour de joie après l'affliction des funérailles, mais surtout un jour de fête pour dire bonne arrivée à la nouvelle année. Au réveil, on se souhaite les meilleurs voeux pour la nouvelle année.

Mais déjà au matin, les femmes des familles endeuillées font le tour des cours pour dire merci aux populations pour leur aide dans l'organisation des obsèques de leurs parents la veille. La matinée est également consacrée aux réunions de familles etaux règlements des problèmes communautaires. On saisit l'occasion pour interpeller les personnes qui ne viennent pas au village en leur transmettant des messages par l'intermédiaire de ceux qui sont en contact avec eux. Les doyens en profitent pour donner des conseils aux plus jeunes. C'est un jour de retrouvailles entre parents, amis, connaissances et invités. Pendant ce temps les femmes sont à la cuisine pour les repas de fête. Chaque famille organise sa fête à sa manière. C'est un jour de partage et de solidarité. Les uns et les autres s'invitent entre amis pour déjeuner.

La solennité du nouvel an est marquée surtout par une grande cérémonie protocolaire qui aboutit à un bal dansant jusqu'à l'aube. La cérémonie enregistre aussi diverses prestations, notamment des défilés(7(*)).Les défilés sont l'une des plus grandes séquences et une étape très attendue du Gbônnô. Ils consistent en une parade carnavalesque des populations par catégories d'âges et professionnelles, au son de la fanfare. C'est une occasion d'intégration et de promotion des différentes couches sociales en présence dans le village notamment les enfants, les jeunes filles, les femmes et les jeunes.La procession commence par les enfants et les élèves de l'école primaire du village. Vêtus de leurs plus beaux habits, ils passent devant toute l'assemblée en colonies organisées de deux (2) rangées, sous le regard admiratif et passionnant de leurs parents et des festivaliers. Ceux-ci sont suivis des jeunes filles, des femmes et des jeunes hommes qui défilent généralement par groupes formés sur des critères d'âges, de mouvements associatifs ou de catégories professionnelles. C'est ainsi qu'on peut les voir suivre le mouvement, des plus jeunes aux plus âgées, très souvent en uniformes différents ou costumes marrants avec des instruments et objets tels que des poteries pour symboliser l'activité qu'ils exercent ou leur rôle dans la société. Ce défilé se veut aussi une sorte de jeu théâtral qui attire l'attention de toute l'assemblée. Il donne lieu à des déguisements et des jeux d'acteurs. Chaque défilant choisit un rôle spécifique pour lequel il est déguisé. Au-delà de ce caractère lyrique, le défilé est aussi un moyen de socialisation, mais surtout une entremise d'éducation et de sensibilisation aux réalités de la société. Pour l'édition 2014 par exemple, des jeunes ont choisi de sensibiliser les populations sur la fièvre hémorragique Ebola en se passant pour des agents de santé lors de leur défilé (voir l'image ci-dessous).

6- Scène de sensibilisation sur Ebola lors des défilés du nouvel an au Gbônnô 2014

Source : KOUAKOU Kouassi Maliret, Motiamo le 21 novembre 2014

En plus des défilés qui donnent un caractère festivalier à la cérémonie, les festivitéssolennelles du nouvel an enregistrent la présence d'artistesqui viennent donner des spectacles gratuits. Il s'agit généralement d'artistes locaux et parfois même de la scène nationale. Ceux-ci interviennent tout le long du déroulement de la cérémonie meublée également d'allocutions, de remise de prix etc. L'annonce de la présence d'artistes attire les populations des villages voisins. Ainsi, de même que lors du Côta la veille, le village devient ce jour-là un pôle attractif d'animation culturelle et de show.

Cette cérémonie est assortie d'un spectacle géant offert par la fanfare du village débouchant sur une soirée dansante jusqu'à l'aube. La place publique se transforme pour l'occasion en un théâtre plein air. Au rythme des meilleures mélodies de la fanfare reconnue dans tout le département pour son savoir-faire, les populations et les festivaliers partagent leur joie dans la liesse populaire et à travers la danse. Le bal dure jusqu'à 21h environ, pour faire place ensuite à une soirée dansante au son des appareils de sonorisation spécialement affectés pour l'évènement. Pendant ce temps, les maquis et bars battent également leurs pleins, servant de cadres de rencontres, de récréations et de passe-temps entre amis en fête.

Après les festivités officielles du premier jour de la nouvelle année, la fête se poursuit le lendemain avec notamment des rencontres sportives. En effet, des tournois de footballet matchs de gala sont organisés à l'occasion de la fête, pour mettre en compétition les différentes couches sociales dans un esprit de brassage, de fraternité et de cohésion entre les populations.

Ces activités sportives, rites traditionnels et autres formesd'animations culturelles qui environnent l'évènement, participent de son caractère socioculturel.

Chapitre 4 : DIMENSION SOCIOCULTURELLE DE

L'EVENEMENT

I. INTERET DE LA CELEBRATION

1. Les fonctions du Gbônnô

Les fonctions du Gbônnô, en tant que rites funéraires annuels et fête de nouvel an, s'apprécient au niveau traditionnel, social et économique.

1.1. La portée religieuse et traditionnelle

Interrogé surl'intérêt religieux et la fonction traditionnelle de la célébration, notre informateur délégué, le notable Kouamé Kouman,nous confie qu'un décès non célébré entraine des malheurs dans le village et que les rites qui accompagnent la cérémonie sont une libération pour les couples et les familles car ilseffacent les impuretés des défunts. Il ajoute que lacélébration permet de purifier le village. On comprend donc que c'est une occasion de confier le village à Dieu et aux ancêtres avant le début de la nouvelle année. C'est d'ailleurs tout le sens des sacrifices, rites et libations faites en l'honneur de Dieu, des Voûga ou fétiches et des ancêtres tout le long du déroulement de la célébration pour implorer leur pardon et demander leur protection. Il s'agit surtout de sanctifier et d'épurer le village de toutes souillures avantd'entamer la nouvelle année avec joie et espérance, mais aussi de prier pour éviter le maximum de dégâts, de malheurs et de décès dans le village. Il nous revient effectivement que cette coutume est un facteur de paix, de quiétude et de stabilité sociale dans le village, avec une limitation optimale des malheurs et des décès. Cependant, une célébration faussée au niveau de la période ou des dates entraine beaucoup de problèmes. C'est pourquoi seuls les sages sont habilités à annoncer la date de l'évènement à partir d'un calcul du temps dont ils ont l'exclusivité du secret.

1.2. L'apport social et économique

Sur le plan social, le Gbônnô se veut avant toutun moment de retrouvailles. En effet, les populations se retrouvent difficilement pendant l'année en raison de leurs lieux de résidences souvent éloignés du village, car celles-ci voyagent beaucoup, pour certaines, à la recherche d'un mieux-être.Dès lors, il y'a parfois rupture de contacts et de communication entre les parents restés au village et ceux partis à à l'aventure, de même que entre ceux résidants à des localités diverses hors du village. Ainsi, la seule occasion de se revoirdans l'année apparait l'opportunité unique de l'évènement ou tout le monde est attendu au village. C'est d'ailleurs à cette circonstance que les uns et les autres se donnent généralement rendez-vous pour les questions d'intérêts privés, familiaux et même communautaires. Car le Gbônnô est un moment d'arbitrage définitif de tous les problèmes ou conflits, avant l'entame de la nouvelle année. Le village devient ainsi un point de convergence pour toutes les populations. La fête créée aussi une dynamique de socialisation, d'intégration, de rapprochement, de rassemblement et surtout de renforcement de l'union, la fraternité, la solidarité, la paix et la cohésion sociale entre les populations.

Le Gbônnô a égalementun apport économique. En effet les populations qui arrivent pour la circonstance, ont besoin de se nourrir. La fourniture de vivres et de nourriture devient une opportunité commerciale engendrant une activité économique dans le domaine de la restauration et de la commercialisation de l'igname, principal produit de consommation. C'est aussi une occasion de bonnes recettes pour les restaurants et bars du village. Par ailleurs,le Gbônnô marque le démarrage de nouveaux projets dans le village. Les populations qui reviennent de voyage arrivent avec des devises importantes pour la mise en oeuvre de nouveaux projets d'investissements notamment dans le domaine de la construction et de l'agriculture.

2. Les enjeux culturels de l'évènement

Au-delà de ses fonctions traditionnelles, sociales et économiques, le Gbônnô est un évènement d'animation culturelle aux enjeux multiples.

2.1. L'affirmation du dynamisme et l'unité de la société

Cette fête traditionnelle témoigne de la solidarité dans le village et l'union entre les populations. Elle renforce le lien de fraternité entre les familles et les individus. Ces valeurs se manifestent notamment par la mobilisation de toute la communauté lors des rites funéraires. D'ailleurs il se dit dans le village qu'un deuil n'appartient pas à une seule personne ou une seule famille. C'est pourquoi lors des rites funéraires, tout le village se mobilise pour soutenir les familles endeuillées à toutes les étapes de l'organisation. Les rites funéraires annuels permettent en outre d'éviter les funérailles grandioses. C'est ce qui explique même le fait qu'on reporte les funérailles après l'enterrement pour les organiser à la fin de l'année, dans un cadre participatif et organisé. Ces valeurs sont perpétuées à tous les niveaux de la société (enfants, jeunes et adultes), si bien que la société est organisée par classes d'âges au sein desquelles se pratiquent et se partagent ces vertus. L'évènement renforce donc l'unité entre les populations qui réaffirment ainsi qu'elles forment une communauté de destin unie et forte.

2.2. L'expression de la vivacité du patrimoine culturel local

Le Gbônnô se veut un vecteur de valorisation et de promotion de l'identité de la communauté. Il permet au village de réaffirmer son attachement à sa tradition et identifie les populations à leur histoire et leur civilisation. Les rites qui accompagnent la célébration démontrent la vivacité et l'authenticité de l'identité traditionnelle des populations. Par exemple le culte des morts, notamment les rites funéraires annuels, constitue une marque d'identification des Dègah dans leur milieu de coexistence. Aussi, d'autres coutumes comme l'invocation de Korowiri (Dieu) à travers lesVoûga (fétiches), les sacrifices d'animaux en l'honneur des divinités,etc., nous donnent de découvrir les croyances primitives des populations. Par ces usages hérités des ancêtres et perpétués dans le temps malgré l'influence du modernisme et l'expansion des religions révélées, les populations affirment leur enracinement dans leur culturetraditionnelle, gage de leur protection contre le risque d'assimilation à d'autres peuples de leur environnement géographique. L'évènement favorise également l'immersion des populations dans l'immensité et la richesse de leur patrimoine culturel et suscite un éveil culturel chez celles-ci. Car il donne l'occasion aux festivaliers de se familiariser avec les différentes formes d'expressions artistiques et culturelles en vigueur dans le village, notamment les danses et chants traditionnels avec tous les instruments qui les accompagnent, les musiques populaires, les créations artistiques etc. Le Gbônnô est la seule occasion où toutes les danses traditionnelles sont autorisées. Il permet aux populations de mettre en valeur leur patrimoine culturel à travers notamment des spectacles de danses et chants traditionnels éclatés, des soirées artistiques et concerts, des animations populaires et exhibitions de tous genres. A toutes ces fonctions, il faut ajouter l'enjeu éducatif de la célébration. En effet, le Gbônnô a une valeur initiatique pour les jeunes. Il leur donne de se familiariser avec leurs coutumes, d'aimer et de pratiquer leur culture pour garantir son dynamisme et sa transmission aux générations futures. En somme, l'évènement permet de découvrir la vivacité du patrimoine culturel duvillage, favorise la conservation et la pérennité des traditions populaires et pratiques culturelles de la communauté.

III. ENVIRONNEMENT ORGANISATIONNEL

1. Les acteurs de l'organisation

Le Gbônnô est avant tout un rite traditionnel faisant parti des us et coutumes du village. Il est tout à fait indiqué donc que la responsabilité de l'organisation incombe de chef au pouvoir traditionnel du village, c'est-à-dire la chefferie. C'est d'ailleurs elle qui en est à l'origine, puisque c'est elle qui a la charge des défunts animistes dont les funérailles définitives ont lieu pendant l'évènement. C'est aussi elle qui détermine la fin et le début de l'année selon le calendrier traditionnel, fixe la date de l'évènement et autorise le début de la célébration. Elle est au coeur de toutes les cérémonies qui meublent l'évènement et détient le droit exclusif de tous les rituels qui accompagnent la célébration. C'est dire au total que la chefferie apparaitcomme l'organisateur principal de l'évènement.

Cependant, bien d'autres catégories de personnes aux rôles déterminantsinterviennent dans le déroulement de la célébration. Il s'agit notamment des femmes, les sacrificateurs, les porteuses des charges contenant l'âme des défunts, l'association des jeunes du village et les scouts.

Les femmes occupent une place de choix dans l'organisation du Gbônnô, spécialement en ce qui concerne son volet funérailles ou lourri.Elles interviennent en amont dans la préparation de la boisson traditionnelle qui sert pour les rituels. Cette tâche leur est exclusivement confiée dans la logique de leur place dans la société en tant que chargées des tâches ménagères, surtout que dans l'environnement linguistique des Gur dont les Dègah font partir, la vente de cette boisson est une activité commerciale réservée aux femmes qui ont un savoir-faire exceptionnel en la matière. Pendant tout le déroulement des rites funéraires, elles restent en permanence dans les familles de deuil jusqu'au Côta qui symbolise l'accompagnement des morts et la fin des funérailles. C'est aussi elles qui, dans la logique de leur fonction maternelle, confectionnent le Côta-coûliî qu'elles donnent elles-mêmes en offrande aux défunts comme dernier repas avant leur départ définitif au pays des morts. Toute la durée de l'évènement, elles restent à la tâche pour soutenir les hommes et faire à manger à leurs familles et aux étrangers qui arrivent nombreux pour la circonstance. C'est ce mérite qui leur vaut d'être célébrées lors de la cérémonie officielle de la fête du nouvel an à travers les honneurs qu'on leur rend par les défilés qu'on leur permet.

Il y'a aussi les sacrificateurs et les porteuses des Lacôhlî ou charges contenant l'âme des défunts. Ces personnes ne sont pas choisies au hasard. Pour chaque famille en deuil, il existe une famille alliée à qui il revient ces deux (2) responsabilités. C'est de cette famille alliée que viennent forcément celui qui offre les animaux en sacrifice et celle qui va porter la charge. Cette coutume s'explique par les rapports interculturels et alliances qui existent entre les deux familles. En effet, en cas de litige dans une famille donnée, la médiation de la famille alliée contraint les protagonistes à trouver un accord et à faire la paix. De même, les défunts doivent impérativement agréer les prières qui leur sont adressées et accepter de quitter définitivement les siens dès l'instant où un membre de la famille alliée intervient dans les rituels.

Un autre acteur important de l'organisation de l'évènement est la jeunesse du village. Celle-ci intervient quelques fois aux côtés des sages qu'ils observent pour apprendre auprès d'eux en vue d'assurer valablement leur relève et pour garantir la transmission et la pérennité de la coutume. Mais dans l'entendement des jeunes, le Gbônnô est avant tout la plus grande fête du village dont ils ont l'obligation de s'approprier pour en garantir le succès. C'est pourquoi ils s'investissent pleinement dans l'organisation au sein d'un comité d'organisation dont la charge principale est la gestion des moyens matériels requis notamment les bâches, chaises et sonorisation, et l'organisation des danses traditionnelles.

La jeunesse intervient également aux côtés des scouts du village dans le maintien d'ordre et la sécurité pendant les activités. Les scouts sont réputés pour leur expérience qu'ils acceptent volontairement de mettre au service du village par leur intervention notamment lors du Côta ou l'accompagnement des morts et pendant la fête solennelle du nouvel an pour assurer l'ordre et la sécurité. Cette participation des scouts témoigne du caractère festif et socioculturel de l'évènement bien qu'ayant un fondement traditionnel.

2. L'implication des populations et la mobilisation extérieure

Le Gbônnô est un évènement communautaire qui implique tout le village et toutes les populations. A cet effet, chacun y met du sien pour contribuer à son succès. Dans le village, la célébration fait l'objet d'une préparation de longue date, tant en famille que de manière individuelle. Pour les populations résidant, c'est une tradition identitaire et une fête populaire qui engage obligatoirement tout un chacun. Par contre chez les ressortissants du village vivant à l'intérieur du pays, notamment dans les régions forestières, l'évènement est vu avant tout comme une cérémonie funéraire. Ainsi, ils sont attirés au village pour la circonstance soit au motif des funérailles d'un parent ou proche, soit pour un rendez-vous de famille ou un intérêt personnel. En ce qui concerne les Dègah d'Abidjan originaires du village, les enquêtes que nous avons menées révèlent que deux raisons principales peuvent justifier leur participation à l'évènement, à savoir les rites funéraires surtout quand ils concernent un parent, et les retrouvailles annuelles à l'occasion de la fête du nouvel an. En effet, ils conçoivent doublement la célébration comme une fête traditionnelle annuelle à laquelle ils prennent part fréquemmentet massivement,sous la coordination de la mutuelle du village basée à Abidjan. Interrogés justement sur l'implication de la mutuelle dans l'organisation de l'évènement, MM. KOUAMESié Yao et SIE Koffi, tous deuxressortissants de Motiamo résidants à Abidjan et membres du bureau de la mutuelle, expliquent qu'il n'y avait pas d'organisation particulière par le passé. Mais avec le modernisme, la mutuelle s'y implique. D'ailleurs à chaque édition elle organise des convois à destination du village et fait sortir des pages uniformesdont un pour les funérailles qu'on appelle Kôbînin et un autre pour la fête du nouvel an dénommé Yâ-yé.

A côté de ces immanquables festivaliers, il faut compter aussi les invités et les étrangers. A l'occasion de l'évènement, beaucoup de parents viennent de Boromba et Zagala ainsi que des villages Dègah du Ghana voisin, car il existe des rapports très forts et des liens familiaux très étroits entre les populations du village et les groupes Dègah restés au Ghana pendant leur migration vers la Côte d'Ivoire. Pour la circonstance, le village reçoit aussi de nombreux étrangers en provenance des villages voisins et de bien d'autres localités environnantes. Il faut ajouter également les amis, connaissances et invités qui arrivent soit par solidarité à une famille endeuillée ou pour participer à la fête. Enfin il y'a les populations des villages voisins qui constituent un public important des différents spectacles pendant l'évènement. La fête est souvent même objet de parrainage à la demande de l'association des jeunes. Pour l'édition 2014 par exemple, l'évènement a enregistré une forte présence de la presse, à l'invitation du parrain DIAKA Koffi KoumanEugène, commissaire de police à la retraite originaire du village.

Troisième partie :

REGARD CRITIQUE SUR L'EVENEMENT ET PROPOSITIONS DE STRATEGIES POUR SA VALORISATION

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Chapitre 5: OBSERVATIONSSUR L'ENVIRONNEMENTSOCIAL

ET ORGANISATIONNEL DU GBÔNNÔ

I. LES MENACES SUR LA CELEBRATION

1. La problématique de la programmationet la transmission

Le Gbônnô est une pratique folklorique historique indissociable de la vie du village de Motiamo. Il constitue un symbole d'identité pour la communauté et un rite religieux aux fonctions aussi bien traditionnelles, sociales que culturelles. Cependant, l'évènement fait face à un problème de programmation logique qui puisse permettre de prévoir un dispositif organisationnel dans le temps. Car le trop grand secret autour de la fixation de la période de la célébration ne permet pas d'anticiper sur les préparatifs, encore moins d'établir un programme prévisionnel par rapport à l'évènement. Cette difficulté constitueégalement un embarras à la participation de certaines catégories de personnes, surtout les cadres, fonctionnaires, travailleurs du privé, élèves et étudiants, etc., qui sont confrontés très souvent à un problème d'emploi du temps pendant que l'évènement a lieu.Par ailleurs, l'évènement souffre d'un problème de datation. La période de déroulement de la célébration est définie selon le calendrier traditionnel Dègah. Mais pour manque de référentiel calendaire, les sages doivent s'en tenir à une estimation hypothétique du temps à partir de certaines circonstances naturelles connues seulement d'eux, qu'ils prennent comme références, ce qui engendre parfois des célébrations faussées au niveau de la périodicité, avec bien sûr toutes les conséquences qui peuvent s'en suivre. De plus, la détermination des jours et le calcul des dates pour la fixation de la période de l'évènement étant jusque-là un secret des sages seulement, nous sommes tentés de nous demander si la célébration n'est pas de plus en plus compromise, vu que cela pose un problème de transmission aux jeunes qui sont plutôt attirés vers d'autres intérêts plus modernes, loin de leur tradition.

Une autre préoccupation importante relative à la perpétuation du Gbônnô est la question de la transmission des danses et chants traditionnels. L'authenticité et la valeur traditionaliste de la célébrationrésident aussi dans l'originalité des danses et chants exécutés à l'occasion de l'évènement. Aujourd'hui, ces danses tendent à disparaitre, faute de personnes qui sachent les pratiquer ou les exécuter. Ainsi, les veillées traditionnelles font progressivement place à d'autres formes d'animationpopulaireavec des moyens modernes comme la fanfare ou la régie son. Les jeunes se désintéressent aux danses, de sorte que rares sont les personnes qui savent comment elles se pratiquent. Dès lors, certaines étapes importantes de la célébration sont en train d'être progressivement abandonnées, ce qui constitue à la longue un risque de dénaturation de l'évènement et surtout une menace sur la transmission du patrimoine culturel immatériel du village aux générations futures.

2. L'influence des religions révélées

Le Gbônnô est un évènement d'intérêt collectif pour l'ensemble de la communauté villageoise. Il se veut une valeur patrimoniale pour le village, un instrument représentatif de l'identité culturelle et traditionnelle des populations et un symbole de l'appartenance de chaque individu à la communauté. Les rites qui accompagnent la célébration sont faits dans l'intérêt de toutes les populations sans aucune distinction. Pourtant, dans son aspect funéraire, la célébration est réduite seulement aux défunts ne pratiquant ni le christianisme, ni l'islam. Car conformément aux principes de ces religions, une fois le défunt enseveli avec tous les rites d'accompagnement, il n'est plus question de cérémonies traditionnelles ou rites funéraires quelconques. Or la réalité actuelle est que, outre quelques individus non encore croyants, presque chaque personne dans le village a une appartenance entre le christianisme et l'islam. Ainsi, de plus en plus le nombre de décès à célébrer lors des rites funéraires annuels s'amenuise, ce qui constitue une sérieuse menace sur la pérennité de la célébration. La conséquence imminentede cette réalité est que le Gbônnô pourrait à la longue se réduire seulement à la cérémonie de la fête du nouvel an, sans son aspect traditionnel et originel qui est les rites funéraires.

Interrogé sur la question de savoir pourquoi les chrétiens s'excluent des rites funéraires annuels lors du Gbônnô, le catéchiste du village, M. DAPHA Jonas, nous explique que c'est dans le respect des principes bibliques et des recommandations de l'évêque. Mais pour lui, le fait de ne pas prendre en compte les défunts chrétiens ou musulmans ne signifie pas que les croyants ne participent pas à la cérémonie, car tous y sont impliqués dès l'instant où un défunt parent ou proche est concerné par les rites, surtout que des rituels comme le Hilatchôguî s'imposent à tous, même les chrétiens et les musulmans. Pour le président des jeunes du village M. KOUAKOU Simon, le Gbônnô ne disparaitra pas, car il y'aura toujours un moyen sage de contourner les menaces auxquelles il fait face en vue d'assurer sa pérennité. En outre, le commissaire à la retraite DIAKA Koffi Kouman Eugène, fils du village et parrain de l'édition 2014, nous confie que l'évêque avec qui il a eu une entrevue, au sujet du Gbônnô, a avoué qu'il aurait autorisé les chrétiens du village à y être associés si au préalable il avait eu plus d'informations sur l'évènement, car maintenant instruit, il considèrela célébration comme une pratique purement culturelle et une croyance non contraire aux principes bibliques.

II. LE DIAGNOSTIC DU CADRE ORGANISATIONNEL

1. Les limites du plan d'organisation

En tant que fête traditionnelle annuelle, le Gbônnô est une occasion d'animation culturelle qui attire une foule de festivaliers aux origines diverses. La célébration revêt d'une si grande dimension qu'elle nécessite une préparation conséquente et une méthode cohérente d'organisation. Cela suppose un dispositif coordonné qui départage les responsabilités en vue d'une efficacité dans l'action et la réussite de l'évènement. Il est vrai qu'en termes de savoir-faire, les acteurs de l'organisation se distinguent par leurs expériences traditionnelles et rudimentaires qui permettent d'assurer le déroulement de la célébration. Mais ces techniques organisationnelles s'avèrent très limitées, car elles ne favorisent pas la modernisation et la professionnalisation de l'évènement.

En effet, outre le comité local des jeunes dont l'action se limite seulement à la logistique, notamment la mise en place des bâches et chaises, l'organisation du Gbônnô ne repose sur aucune structure formelle et officielle impliquant les différentes couches sociales du village. Quand bien même la mutuelle intervient parfois en appui aux jeunes du village pour l'acquisition de matériels, elle n'est pas directement impliquée dans l'organisation de l'évènement qui se veut pourtant unique. Il en est de même pour l'union des élèves et étudiants du village qui n'a pas une responsabilité explicite dans la célébration, ainsi que l'association des femmes dont l'implication n'est pas officielle. Plusieurs aspects techniques inhérents à l'organisation d'un évènement de si grande envergure échappent du coup au contrôle de l'association des jeunes qui doit s'en tenir aux moyens de bord dont elle dispose. Il s'agit par exemple du manque demoyens médicaux pour la prise en charge de la santé des festivaliers, l'absence d'un dispositif sécuritaire pour contenir la masse lorsqu'il y'a des débordements, l'absence de communication autours de l'évènement pour l'ouvrir au reste du monde etc. Aussi, le manque d'un plan d'organisation coordonné ne favorise pas le développement d'activités complémentaires d'intérêts communautaires, de sorte que l'évènement se trouve réduit à sa seule dimension rituelle et festive.

2. L'absence de communication autour de l'évènement

Lors de notre séjour de recherche à Motiamo pendant l'édition 2014 de l'évènement, il nous a été donné de constater le caractère original, authentique et attrayant du Gbônnô qui se veut un festival unique dans le département. Cependant, loin d'être un rendez-vous culturel officiel bien connu, l'évènement se réduit à une simple manifestation traditionnelle réunissant seulement les ressortissants du village et quelques invités. A l'origine de cet état des faits, il y'a le manque de communication sur l'évènement. Cette faiblesse a été relevée par le président des jeunes du village qui a affirmé qu'il n'existe aucune stratégie de communication qui accompagne l'évènement. Il ajoute par ailleurs que même l'idée de parrainage de la cérémonie est très récente, car le trop grand secret autour de la célébration ne permet pas de connaitre la date longtemps avant, pour envisager des démarches dans ce sens. Ainsi, l'évènement se retrouve cantonné et limité à une fête de village seulement. Aussi, la célébration souffre d'un manque de promotion et d'ouverture sur l'extérieure. Aucune institution ou structure extérieure n'est associée à l'évènement. Nos contacts à la mairie de Bondoukou et à la Direction Régionale de la Culture et de la Francophonie de la ville ne disent pas le contraire.

Interviewée sur la question, Mlle KONIN Gnangoran Brigitte, chef du service socioculturel de la mairie de Bondoukou que nous avons eu à rencontrer dans le cadre de nos enquêtes, nous confie que la mairie n'est pas impliquée dans l'évènement car elle n'a jamais été saisie à cet effet. A notre curiosité de savoir si faute d'être saisie, la mairie avait connaissance de l'existence de l'évènement, le chef du socioculturel répond par la négation et affirme même que la mairie n'a à ce jour pas encore réalisé un inventaire des évènements culturels qui ont lieu dans la commune. Elle ajoute qu'à défaut d'être acteur d'un quelconque évènement dans la commune, l'intervention socioculturelle de la mairie consisteseulement à répondre à des invitations pour des cérémonies culturelles ou à apporter juste une assistance matérielle à des cérémonies pour lesquelles elle est sollicitée.

A l'absence du Directeur Régional de la Culture et de la Francophonie, une entrevue avec M. KOUAME Apollinaire, Conseiller Adjoint d'Action Culturelle au sein de ladite Direction, nous donne d'apprendre que la DRCF de Bondoukou n'a paségalement connaissance de l'évènement. Il nous explique même que la DRCF de Bondoukou existe depuis 2008, mais elle n'est pas informée de la célébration. Il ajoute par ailleurs que la DRCF aurait pu y participer si elle avait été saisie par les organisateurs, ou alors elle aurait fait une prospection sur l'évènement si elle en savait l'existence. M. KOUAME Apollinaire reconnait en outre que la DRCF ne dispose pas d'un évènement dont elle est le principal organisateur, car le Festival du Zanzan ou Vacance Culture auxquels elle prend part sont une activité du ministère. Il conclut que la DRCF est donc prête à accompagner ou à s'approprier tout évènement culturel comme le Gbônnô, pour en faire une activité phare dans la région, à condition qu'il soit authentique et original.

Chapitre 6 :STRATEGIES ENVISAGEABLES POUR LA

VALORISATION DE L'EVENEMENT

I. LA MOBILISATION AUTOUR DE L'EVENEMENT

1. L'initiation des jeunes aux usagesliés à la tradition

Pour favoriser la transmission et la pérennité du Gbônnô, il est indispensable que les jeunes soient conséquemment préparés et aguerris pour assurer la relève du traditionalisme. Mais cette tâche parait d'autant plus difficile que sous l'effet du modernisme, les jeunes ont tendance à tourner le dos à tout ce qui est en rapport avec la tradition. D'abord ceux qui vont à l'école (la majorité d'ailleurs), sont obligés de vivre loin de leurs coutumes, selon une civilisation « plus moderne et universelle ». Et ceux qui sont restés au village aussi doivent faire face aux agressions des mouvements urbains et à l'influence des religions révélées qui les détournent manifestement de la tradition. Dès lors, une perspective d'initiation et de formation s'impose.

Ainsi, les questions de programmation évoquées plus haut liées aux difficultés pour déterminer la période exacte de l'évènement afin d'anticiper sur les préparatifs, nous donnent d'estimer qu'il est impératif de préparer des jeunes qui sachent calculer les dates de sorte que la période de la célébration soit déjà fixée dès l'entame de la nouvelle année traditionnelle. C'est à ce prix qu'une bonne organisation peut être mise en place pour favoriser la vulgarisation et la vitalité de l'évènement à l'instar des grandes plates-formes d'expressions culturelles comme l'Abissa à Grand-Bassam ou le Popo-carnaval à Bonoua. Cela suppose la conception d'un calendrier traditionnel Dègah qui puisse servir de référence à tous. Cette suggestion s'adresse aux sages qui doivent accepter de transmettre leur savoir aux jeunes, mais aussi à la mutuelle du village qui doit s'investir dans le projet et organiser la formation. A cet effet, il doit être envisagé la création d'une académie de formation à l'intention de la jeunesse du village ou d'un groupe de jeunes sélectionnés pour être spécialement initiés et formés.

L'idée d'une académie de formation nous parait si importante et précieuse qu'elle permettra également de familiariser les jeunes avec les danses traditionnelles et la culture immatérielle du village. En effet, il a été constaté que les danses traditionnelles se meurent faute d'un savoir-faire de la jeunesse à la matière, au point ou les veillées traditionnelles sont en train de disparaitre. Ainsi, il est urgent de ressusciter ces danses en favorisant leur transmission aux jeunes. Il est heureux et chanceux d'avoir encore quelques personnes âgées qui savent pratiquer ces danses. C'est pourquoi, dans l'urgence il faut initier des séances de formation à l'endroit des jeunes sur toutes les danses et chants traditionnels qui font partir de l'histoire du village. Cela permettra de conserver l'originalité de la célébration certes, mais surtout d'assurer la sauvegarde du patrimoine immatériel du village. Pour ce faire, nous suggérons que le concept d'Académie de Formation, sur lequel nous insistons, prenne rapidement forme pour favoriser la transmission de la tradition aux jeunes au sein d'ateliers spécialisés, sous l'encadrement des initiés ou encore les dépositaires du savoir et du savoir-faire. Un autre défi lié à la pérennité du Gbônnô est l'initiation des jeunes aux pratiques rituelles qui ont cours pendant la célébration. Pour que l'évènement survive aux menaces auxquelles il fait face, il est important que les jeunes soient préparés. Pour ce faire, ils doivent être constamment proches des sages pendant la cérémonie pour apprendre d'eux. Bien sûr que cela demande un travail de sensibilisation de la jeunesse.

Il convient également de repenser l'espace scénographique des festivités du nouvel an et des animations qui accompagnent l'évènement. Faute d'une salle de cérémonies ou de spectacles aménagée, la fête se déroule sur un espaceplein air avec un sol bondé de sable. Ainsi, tout le long du déroulement des cérémonies officielles et des concerts qui s'en suivent, le public est contraint de baigner dans la poussière et même parfois dans la boue lorsqu'il pleut, avec des conséquences sanitaires incommensurables. Dès lors, il y'a nécessité d'entrevoir la construction d'une salle de spectacle ou un foyer de jeunes bien aménagé et équipé, pour abriter les cérémonies festives. En plus des festivités du Gbônnô, un tel équipement favorisera l'animation socioculturelle dans le village et contribuera ainsi à la sauvegarde des pratiques culturelles en péril. Mais avant la concrétisation de cette recommandation, il est indispensable de réaménager la place actuelle de déroulement des manifestations pour la transformer en une grande terrasse cimentée ou sol en dure commode pour toutes festivités, sans aucun risque sanitaire lié à la poussière et autres.

Afind'assurer la pérennité du peuple Dègah et la protection de la langue contre les menaces sur sa sauvegarde,au regard de sa minorité aussi bien au plan national qu'international, il parait plus qu'indispensable d'agir, en prenant des dispositions urgentes auxquelles toutes les populations doivent adhérer. A cet effet, la première action qu'il convient d'engager, c'est la sensibilisation des populations, surtout celles vivant en dehors du village notamment à Abidjan et dans certaines villes du pays profond. Elles doivent prendre conscience de la nécessité de s'attacher à leurs origines et à leur patois qu'elles doivent aimer, défendre, vulgariser et transmettre à leurs progénitures. Elles doivent patoiser avec leurs enfants et les intégrer dans la communauté afin qu'ils ne soient pas dispersés et assimilés à d'autres peuples. Car leur appartenance ethnique et culturelle détermine leur identité au sein de la société. Ainsi, la nécessaire participation au Gbônnô doit être une recommandation pour toutes les populations, y compris les enfants, afin de leur permettre de se familiariser avec leur culture et leurs origines. La sensibilisation doit être permanente et chaque occasion de rassemblement doit être mise à profit. Aussi, des dispositions vigoureuses doivent être envisagées pour favoriser l'intégration de chaque ressortissant Dègah à cet idéal de communauté vivante et populaire. Pour y arriver, nous suggérons entre autre la promotion du mariage intra-Dègah. Par la sensibilisation et des conditions de dots allégées, les autorités coutumières et les parents doivent encouragerles jeunes aux épousailles internes entre ressortissants Dègah afin de favoriser l'accroissement de la communauté, gage de son dynamisme et sa pérennité. Enfin, nous conseillons la création d'un Centre de Linguistique et d'Animation Culturelle Dègah, pour permettre le recyclage et la formation linguistique des jeunes,la promotion de la culture Dègah par des activités d'animationcomme des journées artistiques, des festivals de contes et danses traditionnels, l'organisation d'activitéstelles que des rencontres culturelles, des festivals traditionnels etc., consacrés à la promotion du peuple Dègah(8(*)).

2. L'implication des autorités administratives locales et la mise en place d'un conseil de sauvegarde de l'évènement

La dynamisation du Gbônnô suppose qu'il soit reconnu par les autorités administratives comme un rite traditionnel témoignant de l'identité du peuple Dègah de Motiamo, et qu'à ce titre, il peut être considéré comme faisant partir du patrimoine culturel national. Cela veut dire que l'évènement doit aller au-delà de son environnement de déroulement actuel pour émerger comme un évènement culturel institutionnel et officiel dans la région. Ceci sous-entend également que les autorités administratives et culturelles de la commune de Bondoukou et de la région du Gontougo doivent être saisies de la célébration en vue d'y être associés.

C'est pourquoi notre recommandation à ce niveau porte sur un rapprochement avec la mairie, le conseil régional et la DRCF de Bondoukou pour leur présenter l'évènement et demander leur accompagnement dans l'organisation. Il est important de se rapprocher de ces structures, car leur collaboration est un gage de positionnement de la célébration comme un évènement de dimension régionale. Leur appui, de quelque nature que ce soit, est une garantie pour le positionnement de l'activité en tant que rendez-vous culturel annuel dans la région.

Par ailleurs, l'implication de ces structures peut favoriser la protection juridique de l'évènement pour le préserver contre tous risques de disparition. Il s'agit justement de proposer l'inscription de l'évènement à l'inventaire régional et national du patrimoine culturel immatériel pour qu'il soit reconnu comme un évènement d'intérêt général. Pour ce faire, il faut qu'il soit constitué une documentation assez fournie sur l'évènement, à transmettre aux structures susnommées pour leur permettre d'effectuer une étude prospective visant à vérifier la valeur authentique et originale de la célébration en vue de son classement comme patrimoine. Cette charge incombe à la mutuelle qui doit entreprendre des démarches à cet effet. En effet, si l'évènement est classé patrimoine régional et national, les populations auront l'obligation d'assurer la continuité de la célébration quelques soient les menaces. Car des dispositions seront obligatoirement trouvées pour contourner les risques qui peuvent entraver sa transmission.

En outre, la mise en place d'un Conseil Multipartite de Sauvegarde de l'évènement s'impose pour assurer le suivi de la pérennité et la conservation de l'authenticité de la célébration. Ce conseil devra comprendre les différentes couches sociales du village, notamment la chefferie, la mutuelle, les différentes confessions religieuses en présence dans le village, l'association des jeunes, des étudiants et des femmes ainsi que des représentants de la mairie, le conseil régional et la DRCF de Bondoukou. Le conseil aura pour principale tâche de prévenir toutes les menaces potentielles sur la célébration. Ainsi, des sujets assez délicats comme la question de l'influence des religions révélées, la conception d'un calendrier traditionnel pour faciliter la programmation de l'évènement et la formation aux danses traditionnelles, pourront être abordés et traités de manière plus efficiente au cours d'assises biannuelles et parfois extraordinaires.

II. LA REFORME DU SYSTEME ORGANISATIONNEL

1. La définition des responsabilités

Au nombre des facteurs qui déterminent la vivacité d'un évènement, on a l'organisation qui l'environne. S'agissant du Gbônnô, si la célébration s'appréhende aujourd'hui au-delà de sa fonction sacrale comme une fête traditionnelle et un évènement d'animation culturelle, c'est bien grâce à son appropriation par la jeunesse qui s'y investit fortement pour en garantir le succès au plaisir de tous les participants. Cependant, cette organisation rudimentaire qui s'appuie sur des moyens de bord nous apparait très limitée au regard de sa dimension sociale et culturelle. C'est pourquoi il est nécessaire de restructurer le système pour instituer un plan d'organisation permanent et intégré.

A cet effet, nous préconisons la mise en place d'un Commissariat Général du Gbônnô qui sera permanemment actif, en exécution de toutes les tâches préparatoires de l'évènement et des conventions du Conseil Multipartite de Sauvegarde. Ce Commissariat Général qui se voudra l'organe permanent d'organisation de l'évènement pourra ainsi assurer les relations sociales extérieures de l'évènement de manière constante pendant toute l'année. Par ailleurs, pour une question de rigueur et d'efficacité, la composition de ce Commissariat devra être validée au cours de la deuxième assisse dans la période de la fête de pâques, sur proposition du Commissaire Général nommé par le Conseil Multipartite de Sauvegarde à sa première assise à l'entame du nouvel an traditionnel.

Aussi, au sein de ce Commissariat Général, les tâches doivent être clairement définies et reparties selon des commissions techniques. C'est à ce prix que tous les paramètres de l'organisation pourront être pris en compte. Ainsi, outre le Commissaire Général et son adjoint chargés de la coordination générale et des relations publiques, le Commissariat Général du Gbônnô devra comprendre entre autres :

- une « cellule communication et mobilisation » chargée de la mise en oeuvre de toute la communication autour de l'évènement pour informer et mobiliser l'ensemble des populations du village et de la région, ainsi que les partenaires, notamment la mairie, le conseil régional, la DRCF et les entreprises qui peuvent s'associer à l'évènement. Cette cellule assure également l'élaboration et la mise en oeuvre des conducteurs des différentes activités et leur animation.

- une « commission finances » chargée de la mobilisation des ressources financières et la gestion des dépenses liées à l'évènement.

- une « commission logistique et transport » chargée d'assurer l'acheminement et le retrait des courriers, d'organiser les voyages et convois, effectuer toutes les courses et déplacements liés au projet et gérer la mise en place de la logistique pendant la phase pratique des activités

- une « commission accueil et sécurité »chargée de veiller à l'accueil, l'installation et le confort des invités et du public. Elle est aussi responsable de la sécurité et du maintien d'ordre durant les activités.

- une « commission restauration » en charge de l'approvisionnement en nourriture des invités.

- une « commission santé » dotée d'une trousse médicale pour la prise en charge sanitaire des festivaliers en cas de malaise.

- une « commission danses traditionnelles et animation » chargée de coordonner les animations artistiques pendant l'évènement. Elle est en collaboration avec les praticiens des danses traditionnelles et la fanfare pour s'assurer qu'ils sont prêts en temps opportun. Par ailleurs, elle assure l'invitation et la programmation des artistes pendant l'évènement.

Ce Commissariat devraêtre mixte, en prenant en compte toutes les couches sociales du village selon les expériences et les compétences des individus à intégrer au sein des différentes commissions.

2. La nécessité d'une communicationintense sur l'évènement

La communication apparait pour un évènement culturel comme le Gbônnô, un important moyen d'ouverture sur l'extérieure. Pourtant elle fait défaut dans l'organisation de la célébration. C'est pourquoi l'évènement est resté jusqu'à ce jour dans le secret des seuls ressortissants du village avec une participation pas trop significative de quelques d'étrangers seulement.

Dès lors, il faut penser une stratégie de communication qui puisse favoriser la promotion et la dynamisation de l'évènement. Promouvoir le Gbônnô signifie qu'il ait une action médiatique d'envergure sur l'évènement pour le positionner comme un grand rendez-vous culturel régional qui attire l'intérêt de la masse. Cela veut dire que la communication doit être désormais incorporée dans le plan organisationnel de l'évènement. C'est en cela que nous avons suggéré plus haut la création d'une cellule chargée spécialement de la communication au sein du Commissariat Général du Gbônnô. Une fois créée, la cellule doit se doter d'un plan de communication par lequel elle établit des rapports entre l'évènement et le reste du monde. Ce plan de communication doit faire l'objet d'une évaluation permanente pour s'assurer de l'atteinte des objectifs de communication et de promotion de l'évènement. Par ailleurs, pour chaque édition, il est souhaitable de concevoir un plan média qui structure et organise l'action médiatique en vue d'une grande propagande autour de l'évènement pour emmener le monde extérieur à en savoir l'existence pour mieux connaitre le peuple Dègah. Aucun média de proximité dans le département, et même les médias nationaux accessibles, ne doit être épargné à cet effet. En outre, ces médias doivent être aussi invités à l'évènement en vue de comptes rendus de presse qui aideront à le promouvoir davantage. L'évènement doit être également rendu visible à travers notamment l'internet (sites web, blogs, réseaux sociaux...), afin de l'ouvrir au reste du monde.

En dehors des médias, la communication doit être aussi orientée vers les entreprises installées dans la région et qui voudraient bien s'associer à l'évènement en tant que partenaires ou sponsors. Ainsi, pour chaque édition il faut élaborer un dossier de présentation qui va servir de guide pour la recherche de partenaires et sponsors.

Aussi, dans la stratégie communicationnelle, il faut prendre en compte les villages voisins et toutes les communautés en présence dans la région en les invitant également, pour leur permettre de découvrir la vivacitéet la richesse culturelle du village.

CONCLUSION

Dans la perspective de la construction d'une communauté nationale de destin respectueuse de la diversité des appartenances linguistiques et des expressions culturelles, l'Etat de Côte d'Ivoire s'est engagé à tenir compte des conditions et besoins particuliers en matière de culture de tous les groupes sociaux (cf. l'article 52 de la loi N0 2014 - 425 du 14 juillet 2014 portant politique culturelle nationale). Par cette disposition, l'Etat reconnait la diversité culturelle comme fondement de la richesse du patrimoine culturel ivoirien ets'engage à assurer le droit à la culture pour tous les peuples, y compris les groupes minoritaires comme les Dègah.

Bien que minoritaire de par le nombre de sa population, cette communauté retranchée dans seulement trois (3) villages du département de Bondoukou se distingue par la richesse de son patrimoine culturel et la multiplicité de ses différentes formes d'expressions culturelles qui en font une société dynamique et socialement enracinée. Ce patrimoine culturel exclusif, symbole de l'identité du peuple, est un héritage historique vécu et conservé depuis leurs origines voltaïques jusqu'en Côte d'Ivoire, en passant par le Ghana actuel où la plus grande partie de la communauté reste implantée.Au nombre des nombreuses pratiques culturelles qui témoignent de la richesse et la vivacité du patrimoine culturel des Dègah, on a le « Pidii » ou fête d'ignames, le« Harè Kwaala » ou sanctification de la terre, le « Hamfaalô » qui désigne la célébration du mariage traditionnel et bien sûr les « Louuri » ou rites funéraires annuels. Notons toutefois que ces célébrations se pratiquent différemment d'un village à l'autre.Par exemple, dans le village de Motiamo, on a entre autres rites, le « Gnangan » ou fête de la nouvelle récolte, le « Koumou » ou fêtede sanctification de la terre, le « Djamé » ou sortie de masques et surtout le « Gbônnô ».A ces différentes célébrations, il faut ajouter les danses traditionnelles comme le « Gban », le « Ganhin », le « Wara », le « Logan », le « Gobié », le « Naya », le « Kpan-nan », le « Mandié », le « Vogora » etc.

S'agissant du Gbônnô qui est le centre d'intérêt de la présente étude, il faut retenir qu'il consiste en un ensemble de rituels et de festivités dans le cadre des rites funéraires annuels ou « Lourri », couplés avec la célébration du nouvel an traditionnel dans le village. Ses fondements sont aussi bien d'ordre culturel et social. Au plan culturel, la commémoration est motivée par la coutume Dègah qui recommande que les morts soient enterrés après leur décès et que leurs funérailles soient reportées pour être célébrées en fin d'année en présence de toute la communauté de parents et amis. Sur le plan social, le Gbônnô apparait comme un évènement festif occasionné par les animations de réconfort après la douleur des funérailles, les réjouissancesdu nouvel an et les retrouvailles annuelles entre les populations. Ainsi, en tant qu'évènement communautaire, sa célébration obéit à un long processus allant de la fixation de la date par les sages jusqu'à la fête populaire du nouvel an, en passant par les tâches préparatoires et les cérémonials funéraires.

Comme tout évènement d'animation culturelle, le Gbônnô n'est pas sans impacts. Ceux-ci s'apprécient à divers niveaux. Au plan religieux et traditionnel, il est facteur de limitation des malheurs et des décès caril permet de purifier le village et d'effacer les impuretés des défunts. Sur le plan social, le Gbônnô se veut un moment précieux et très privilégié de retrouvaillesannuelles et d'intégration socialepour tous les ressortissants du village à l'instar de « Paquinou » en pays Baoulé. En termes d'apport économique, l'évènement occasionne une activité lucrative temporaire notamment dans le domaine de la restauration et de la commercialisation des produits de consommation comme l'igname et autres. Il faut compter également les nombreux projets d'investissements agricoles et immobiliers qui démarrent chaque année dans le village à l'occasion de l'évènement. En outre, il faut noter que sur le plan culturel, le Gbônnô apparait comme l'évènement par excellence qui témoigne du dynamisme et l'unité du village, la vivacité de son patrimoine culturel et l'authenticité de l'identité traditionnelle des populations. L'évènement révèle surtout que le peuple Dègah est très respectueux de la dualité de l'homme qui est corps et esprit, car après les rites souvent pompeux d'accompagnement du corps (l'enterrement), les morts doivent être magnifiés dans leur ascension au royaume divin. C'est évidemment ce qui explique la mobilisation et l'implication del'ensemble des populations autour de la célébration.

Cependant, l'évènement fait face à de sérieuses menaces liées notamment aux difficultés de programmation et de transmission et surtout à l'influence des religions révélées. Le manque de référentiels calendaires dans la fixation des dates de l'évènement occasionne parfois des célébrations faussées au niveau de la périodicité exacte et apparait comme une entrave à la participation de certaines catégories sociales comme les fonctionnaires, les élèves et étudiants qui sont généralement confrontés à un problème d'agenda pendant ce temps. Il y'a aussi le désintérêt des jeunes pour les danses, chants et pratiques traditionnels exécutés pendant l'évènement, ce qui pose un problème de transmission et de pérennisation de la célébration. Aussi, la non-implication directe des religions révélées dans la célébration a pour conséquence imminente la dénaturation totale de l'évènement qui pourrait, à la longue, se réduire à son seul caractère festif commémoratif du nouvel an. Caril n'y aura quasiment plus de décès à célébrer lors des rites funéraires, puisquepresque toutes les populations ont une appartenance au christianisme ou à l'islam. A ces menaces, il faut ajouter l'absence d'un dispositif organisationnel concret et le manque de communication sur de l'évènement pour l'ouvrir au monde. Face à ces constats, nous proposons une approche stratégique de redynamisation allant de l'initiation des jeunes aux usages liés à la traditionà la mise en place d'un plan de communication autour de l'évènement, en passant par l'implication de tous les cadres et autorités administratives locales, la mise en place d'un conseil de sauvegarde de l'évènement et la définition des responsabilités dans l'organisation au sein d'un Commissariat Général du Gbônnô que nous recommandons vivement.

Du point de vue scientifique, s'il y'a un mérite qu'il convient d'attribuer à la présente étude, c'est au sens de l'édification des futurs chercheurs et l'ensemble de la société humaine sur les Dègah de Motiamo et leur tradition, en mettant à leur disposition un mémorandum qui établit définitivement la vérité scientifique sur leurs pratiques culturelles. Cet écrit met ainsi fin au risque de déformation de la tradition des Dègah dans sa transmission. Ce mémoire révèle surtout la menaceà laquelle fait face le Gbônnô en tant qu'évènement culturel majeur dans le village de Motiamo, du fait notamment de l'influence des religions révélées. Ainsi, même si ce travail ne vient rien inventer, il a au moins la convenance de rectifier des spéculations quelques fois erronées sur les Dègah et leur tradition, notamment ceux de Motiamo.

Nous pensons donc que ce travail ne sera pas sans intérêt pourla communauté scientifique, tout le peuple Dègah et l'ensemble de la société. Naturellement, il peut être utile aux historiens, aux sociologues, aux ethnologues, aux anthropologues etc., dans la conduite de leurs recherches sur le peuple Dègah. Il apparait également comme une boussole pour les ressortissants Dègah dans la connaissance de leur propre histoire et leur culture. Il permettra surtout à l'ensemble de la société de découvrir ce peuple autonome longtemps assimilé à d'autres du fait de sa minorité. Ce mémoire est donc un moyen de promotion du peuple Dègahdans la dynamique de la promotion de la diversité culturelle et les minorités linguistiques. Aussi, les réflexions et propositions de stratégies qui y sont contenues peuvent servir d'orientation dans le cadre des actions de sauvegarde du patrimoine national. C'est pourquoi il peut être aussi utile à la connaissance des professionnels de l'action culturelle qui pourront s'en inspirer. Ainsi, cette étude devra être largement diffusée et partagée pour l'intérêt de ses potentiels bénéficiaires susmentionnés.

Toutefois, notre sujet tel que formulé, présente un vaste champ d'étude que nous ne prétendons pas avoir intégralement exploité. Le thème abordé nous donne de nous interroger sur un certain nombre d'aspects relatifs àl'organisation des funérailles chez les Dègah. La première problématique que nous sommes tenté de soulever à cet effet est de savoir qu'est-ce qui accompagnent les défunts lors de leur enterrement et pourquoi enterre-t-on certains défunts à la maison et non pas au cimetière? Cette problématique semble d'autant plus fondamentale que l'éluciderpermettra de comprendre par exemple si les Dègah continuent d'enterrer leurs chefs traditionnels avec des têtes humaines comme l'histoire nous l'a enseigné.Une autre préoccupation qu'il convient d'aborder dans cette dynamique est de savoir quels sont les rapports entre les vivants et les morts après les rites d'accompagnement définitif et quel est l'intérêt du « Togan » qui est un rituel annuel d'adoration des morts trois (3) ans après leur côta.

Au total, la mobilisation de tous est requise pour la promotion des us, coutumes et traditions du peuple Dègah de Côte d'Ivoire, gage de sauvegarde de l'identité et de promotion de cette minorité linguistique, mais riche et dynamique par sa culture, comme en témoigne le Gbônnô.

BIBLIOGRAPHIE

I- OUVRAGES GÉNÉRAUX

BORREMANS, R., Le grand dictionnaire encyclopédique de la Côte

d'Ivoire, tomes E-F-G-H, Abidjan, NEA, 1987, 269p.

LOUKOU, J.N., Histoire de la Côte d'Ivoire, Abidjan, CEDA, 1984.

NEGRI, Vincent, La protection juridique du patrimoine culturel en Côte

d'Ivoire : évaluation et proposition, Abidjan, septembre

1996, 15p.

UNESCO, Convention concernant la protection du patrimoine mondial

culturel et naturel, Paris, 17ème session de la conférence

générale, 16 novembre 1972, 17p.

II- OUVRAGES DE SPECIALITÉ

AKA, Konin, Traditions musicales chez deux peuples gour du nord-est de

la côte d'ivoire : cas des Nafana et des Dégha de la région

de Bondoukou (région du nord-est de la Côte d'Ivoire),

Tervuren (Belgique), Musée Royal de l'Afrique Centrale

(MRAC), collection digitale « Documents de Sciences

humaines et sociales » 2009, 47p. A voir sur

www.africamuseum.be/publications

BLAKE, Janet, Elaboration d'un nouvel instrument nominatif pour la

sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, élément

de réflexion, Université de GLASGOW (Royaume Unis),

Faculté de droit, 1976, 102p.

III- OUVRAGES DE MÉTHODOLOGIE

FRAGERIERE, Jean Paul, Comment réussir son mémoire ?, Paris, Edition

DUNOD, 1986.

GRAWITZ, Madeleine, Méthodes des sciences sociales, Paris, DALLOZ,

1993, 9èmeédition.

KAMATE, B. André, Eléments didactiques pour le mémoire et le rapport

de stage, Abidjan, Edition du SEPRI, 2004, 44p.

N'DA, Paul, Méthodologie de la recherche : de la problématique à la

discussion des résultats ; comment réaliser un mémoire, une

thèse d'un bout à l'autre, Abidjan, EDUCI, 2002.

IV- MEMOIRES

GBANE, Baba Oumar, La conservation des arts et traditions populaires,

le cas du Sacraboutou de Bondoukou (Mémoire de DESSAC/

Muséologie), Abidjan, EFAC/INSAAC, 2005, 87p.

KONAN, Jules, Le TAMBROYA ou rite des nourrices chez les Ebrié : une

institution culturelle à préserver (Mémoire de DESSAC/

Muséologie), Abidjan, EFAC/INSAAC, 2006, 94p.

KOUAME, K.J. Sévérin, L'art funéraire traditionnel chez lespeuples

Baoulé-Agba de Côte d'Ivoire (Mémoire de DESSAC/

Muséologie), Abidjan,EFAC/INSAAC, 2005,85p.

V- ARTICLES DE PRESSES

DOUAYERE, Trazié, Funérailles onéreuses en pays Bété : des curés

prennent des mesures corsées, in Soir Info, N0 5992, samedi

20 et dimanche 21 septembre 2014, P 6.

ONG Parle, « Côte d'Ivoire, carrefour culturel », in Ethnies d'Afrique : la

Côte d'Ivoire culturelle, Abidjan, Les expressions du PARLE

(entreprise de presse culturelle et scientifique), 2006, 25p.

VI- TEXTES LEGISLATIFS

RCI, Loi N0 87 - 806 du 28 juillet 1987 portant protection du patrimoine

culturel, Abidjan, 1987, 21p.

RCI, Atelier national de validation de l'avant-projet de loi portant

politique culturelle nationale, Grand-Bassam, MCF,

Décembre 2007, 37p.

RCI, Loi N0 2014 - 425 du 14 juillet 2014 portant politique culturelle

nationale, Abidjan, 2014, 22p.

VII- SOURCES ORALES

M. KOUAME Kouman, notable à la chefferie du village de Motiamo.

M. DONGO Kouassi Mathias dit « Kountino », secrétaire du chef du village de Motiamo.

M. DIAKA Koffi Kouman Eugène, commissaire de police à la retraite, cadre ressortissant-résidant du village de Motiamo.

M. KOUAKOU Kouamé dit Appiah, planteur, ressortissant-résidant du village de Motiamo, membre du conseil de la grande famille Wélafôgô.

M. KOUAKOU Simon, président des jeunes de Motiamo.

M. KOUAME Sié Yao dit « Atto », ressortissant du village de Motiamo vivant à Abidjan, artiste chanteur, membre du bureau de la MUDESMO et conseiller du président de UNIDEGAH.

M. SIE Koffi dit « Sorry », ressortissant du village de Motiamo vivant à Abidjan, membre des bureaux de la MUDESMO et UNIDEGAH.

M. KOUAME Apollinaire, Conseiller Adjoint d'Action Culturelle à la DRCF de Bondoukou.

Mlle KONIN Gnangoran Brigitte, Conseiller d'Action Culturelle, chef du service socioculturel de la Mairie de Bondoukou.

VIII- SITOGRAPHIE

DAVID, Mensah, Le DEGAH: Origine, Histoire et Culture, 13 septembre

2013, http://peupledegahencotedivoire.unblog.fr (à lire aussi

sur http://peuple-daigah-en-cotedivoire.centerblog.net ),

consulté le 16 ?décembre ?2014 à 16h45mn.

DAVID, Mensah, L'arrivée des Dègah en Côte d'Ivoire, 13 septembre

2013, http://peupledegahencotedivoire.unblog.fr(à lire aussi

sur http://peuple-daigah-en-cotedivoire.centerblog.net),

consulté le 16 ?décembre ?2014 à 17h23mn.

KOUAKOU Maliret, Le Gbônô: Evènement Culturel en Pays DEGAH de

Motiamo/Bondoukou, Lecture, 06 janvier 2012,

http://maliret.blogspot.com, consulté le 20 décembre 2014 à

18h52mn.

AIP Bondoukou, Le peuple Dègah de Motiamo (Bondoukou) se sépare

définitivement de ses défunts,article publié le lundi 24

novembre 2014 sur http://news.abidjan.net et repris par

http://www.rumeursdabidjan.net, consulté le 29 janvier

2015 à 10h02mn.

AUDREY, Miller, Découvrir et valoriser le patrimoine historique et

culturel des régions grâce au numérique, in actualités,

11 juillet 2006, http://www.infoboug.com,consulté le

02 février 2015 à 15h11mn.

TABLE DES MATIERES

Sommaire............................................................................IV

Dédicace.... ..........................................................................V

Remerciements......................................................................VI

Table des illustrations.... ..........................................................VII

Sigles et Abréviations.... ........................................................VIII

Avant-propos........................................................................IX

INTRODUCTION................................................................10

Première partie : CADRE ANTHROPOLOGIQUE DE L'ETUDE....20

Chapitre 1 : ELEMENTS D'INFORMATION SUR LE PEUPLE

DEGAH.............................................................21

I- DONNEES HISTORIQUES ET CULTURELLES.....................21

1- Origines et mouvements migratoires des Dègah..................21

2- Pratiques culturelles et traits distinctifs des Dègah...............24

II- ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE ET ORGANISATION

SOCIO-POLITIQUE....................................................27

1- Principales activités économiques..................................27

2- Organisation socio-politique........................................28

Chapitre 2 : PRESENTATION DU VILLAGE DE MOTIAMO.........30

I- HISTORIQUE ET LOCALISATION..................................30

1- Histoire et organisation du village..................................30

2- Situation géographique et données démographiques............32

II- PATRIMOINE ARTISANAL ET CULTUREL.....................33

1- Le potentiel artisanal du village ...................................33

2- La vie culturelle des populations....................................36

Deuxième partie :SYMBOLIQUE DU GBÔNNÔ DANS L'UNIVERS

SOCIO-CULTUREL DES DEGAH DE MOTIAMO..39

Chapitre 3 : DESCRIPTION DE L'EVENEMENT........................40

I- LES FONDEMENTS DU GBÔNNÔ.................................40

1- Les fondements culturels de la célébration........................40

2- Les origines sociales de l'évènement..............................42

II- LES ETAPES DE LA CELEBRATION..............................43

1- Les préparatifs de l'évènement......................................43

1.1- La fixation de la période ...................................44

1.2- Les tâches préalables...........................................44

2- Le déroulement de la célébration...................................45

2.1- Les cérémonials funéraires ou lourri..........................45

2.2- La solennité du nouvel an......................................56

Chapitre 4 : DIMENSION SOCIOCULTURELLE DE

L'EVENEMENT..................................................59

I- INTERET DE LA CELEBRATION...................................59

1- Les fonctions du Gbônnô ..........................................59

1.1- La portée religieuse et traditionnelle..........................59

1.2- L'apport social et économique................................60

2- Les enjeux culturels de l'évènement...............................61

1.1- L'affirmation du dynamisme et l'unité de la société.........61

1.2- L'expression de la vivacité du patrimoineculturel

local................................................................61

II- ENVIRONNEMENT ORGANISATIONNEL.......................63

1-Les acteurs de l'organisation.........................................63

2-L'implication des populations et la mobilisation extérieure.....65

Troisième partie : REGARD CRITIQUE SUR L'EVENEMENT ET

PROPOSITIONS DE STRATEGIES POUR SA

VALORISATION...........................................67

Chapitre 5:OBSERVATIONS SUR L'ENVIRONNEMENT SOCIAL

ET ORGANISATIONNEL DU GBÔNNÔ ....................68

I- LES MENACES SUR LA CELEBRATION..........................68

1- La problématique de la programmation et la transmission .....68

2- L'influence des religions révélées.................................69

II- LE DIAGNOSTIC DU CADRE ORGANISATIONNEL...........71

1- Les limites du plan d'organisation.................................71

2- L'absence de communication autour de l'évènement.............72

Chapitre 6 : STRATEGIES ENVISAGEABLES POUR LA

DYNAMISATION DE L'EVENEMENT ....................74

I- LA MOBILISATION AUTOUR DE L'EVENEMENT............74

1- L'initiation des jeunes aux usages liés à la tradition..............74

2- L'implication des autorités administratives locales et la mise

en place d'un conseil de sauvegarde de l'évènement..............77

II- LA REFORME DU SYSTEME ORGANISATIONNEL............79

1- La définition des responsabilités.............................................79

2-La nécessité d'une communication intense sur

l'évènement...........................................................81

CONCLUSION......................................................................83

BIBLIOGRAPHIE.................................................................88

ANNEXES.......................................................................XCVI

* (1) voir annexes I et II

* (2) voir annexe III/ iconographie 1

* (3) voir annexe III/ iconographie 2

* (4) voir annexe III/ iconographie 3

* (5) voir annexe III/ iconographie 4

* (6) voir annexe III/ iconographie 5

* (7) voir annexe III/ iconographie 6

* (8) voir annexe IV






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